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N° 4511

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mai 2012

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

en application de l’article 29 du Règlement

au nom des délégués de l’Assemblée nationale à l’Assemblée

parlementaire du Conseil de l’Europe (1) sur l’activité de cette Assemblée

au cours de la deuxième partie de sa session ordinaire de 2012

par Mme Arlette GROSSKOST

ET PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2012, de : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mme Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Lecoq, François Loncle, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Jean-Claude Mignon, François Rochebloine, René Rouquet en tant que membres titulaires, et M. Alain Cousin, Mmes Annick Girardin, Françoise Hostalier, Marietta Karamanli, M. Noël Mamère, Mme Christine Marin,  MM. Germinal Peiro et Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Rudy Salles, André Schneider et Mme Marie-Jo Zimmermann, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION 7

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU 7

B. INITIATIVES DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 9

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION 10

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA PARTIE DE SESSION 11

A. ORDRE DU JOUR 11

B. TEXTES ADOPTÉS 12

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 14

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 17

A. OBSERVATION DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN RUSSIE 17

B. VIES PERDUES EN MÉDITERRANÉE : QUI EST RESPONSABLE ? 20

C. INTERVENTION DE M. SAAD DINE EL OTMANI, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DE LA COOPÉRATION DU MAROC 24

D. ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES : UNE CONDITION DU SUCCÈS DU PRINTEMPS ARABE 26

E. DÉBAT D’URGENCE : LA SITUATION EN SYRIE 35

F. INTERVENTION DE M. ZLATKO LAGUMDžIJA, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE 44

G. LA SITUATION DES PERSONNES DÉPLACÉES DANS LE CAUCASE DU NORD ET RETOURNÉES DANS LA RÉGION 46

H. DÉBAT LIBRE 48

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 51

A. LA PROMOTION D’UNE CITOYENNETÉ ACTIVE EN EUROPE 51

B. LES VALEURS DU SPORT FACE AU RISQUE DE L’ARGENT 54

C. LA PROTECTION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’INFORMATION SUR L’INTERNET ET LES MÉDIAS EN LIGNE 65

D. POUR UNE POLITIQUE APPROPRIÉE EN MATIÈRE DE PARADIS FISCAUX 67

E. DES PENSIONS DE RETRAITE DÉCENTES POUR TOUS 70

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT 77

A. DÉBAT D’ACTUALITÉ : L’AVENIR DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ET LA DÉCLARATION DE BRIGHTON 77

B. LA PRÉSIDENCE BRITANNIQUE DU CONSEIL DE L’EUROPE 81

1. Communication du Comité des Ministres 81

2. Suivi des travaux de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres 84

ANNEXES 87

Annexe 1 Résolution 1875 (2012) – La bonne gouvernance et l’éthique du sport  89

Annexe 2 Résolution 1882 (2012) – Des pensions de retraite décentes pour tous  95

Annexe 2 bis Recommandation 2000 (2012) – Des pensions de retraite décentes pour tous  98

Annexe 3 Résolution 1878 (2012) – La situation en Syrie  101

Annexe 4 Résolution 1872 (2012) – Vies perdues en Méditerranée : qui est responsable ?  105

Annexe 5 Déclaration de Brighton 111

INTRODUCTION

La réforme du Conseil de l’Europe, engagée en 2010 par son Secrétaire général, M. Thorbjørn Jagland, a franchi les principales étapes et doit maintenant être consolidée. Elle vise à revitaliser le Conseil de l’Europe comme organe politique et organisation innovante, à concentrer ses travaux sur un nombre réduit de projets, sélectionnés pour leur valeur ajoutée et leur avantage comparatif, et à faire du Conseil de l’Europe une organisation flexible, visible et pertinente pour les citoyens européens.

L’Assemblée parlementaire a accompagné ce processus et, à travers sa propre réforme, entrée en vigueur au début de l’année 2012, entrepris de renforcer sa visibilité et son rôle politique. Elle a affirmé une nouvelle fois, dans un débat sur le suivi de ses travaux par le Comité des Ministres, sa volonté d’être un partenaire à part entière au sein du Conseil de l’Europe. L’Assemblée entend aussi être pleinement une force de proposition et une vigie des droits de l’Homme, en portant ses regards non seulement vers les États membres mais aussi vers un voisinage méditerranéen dont les évolutions récentes démontrent l’actualité des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe.

Une nouvelle fois, le « Printemps arabe » a été au cœur des réflexions de l’Assemblée parlementaire, avec de vifs échanges autour du rapport sur les « vies perdues en Méditerranée », un débat d’urgence sur la situation en Syrie et un débat sur l’égalité entre les hommes et les femmes comme condition du succès du Printemps arabe. L’Assemblée a pu bénéficier des éclairages donnés par les interventions de Mme Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social du Maroc, et de M. Saad dine El Otmani, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Maroc.

L’Assemblée a manifesté aussi sa vigilance quant à la situation politique en Bosnie-Herzégovine – qui doit tourner la page de la guerre et assurer à chacun une place dans le système démocratique en cours de construction – et la situation des personnes réfugiées et déplacées dans la région du Caucase du Nord.

L’approfondissement des droits fondamentaux et la défense des valeurs démocratiques restent une exigence tout aussi essentielle. Si le débat sur la lutte contre les paradis fiscaux a montré combien ceux-ci peuvent nuire à l’État de droit et à la cohésion sociale, l’Assemblée a également tenu à rappeler que la liberté d’expression et d’information sur le réseau internet et les médias en ligne et l’exercice d’une citoyenneté active sont indispensables à la vitalité des sociétés démocratiques. Par ailleurs, l’affirmation des droits politiques ne serait plus qu’un exercice formel si des conditions de vie décentes n’étaient pas assurées à chacun : c’est ce qu’a voulu souligner l’Assemblée dans un débat consacré aux pensions de retraite, les systèmes actuels de retraite étant confrontés au défi du vieillissement démographique et aux contraintes que la crise économique de ces dernières années fait peser sur les finances publiques.

L’amélioration souhaitable du fonctionnement du système conventionnel de protection des droits de l’Homme en Europe a également sollicité l’attention de l’Assemblée parlementaire. Un débat d’actualité a été consacré à l’avenir de la Cour européenne des droits de l’Homme et la déclaration de Brighton, rendue publique à l’issue de la conférence tenue dans la ville éponyme du 18 au 20 avril 2012. L’Assemblée y a réaffirmé son souhait de voir définir une réforme susceptible de remédier à l’engorgement de la Cour et de garantir l’efficacité du système de la Convention – qui doit reposer d’abord sur les États parties – tout en préservant les acquis actuels, notamment l’existence d’un droit de recours individuel.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

Composition de la délégation en avril 2012

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UCR

PPE/DC

M. Éric BOCQUET

Sénateur

CRC

GUE

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

SOC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Louis LORRAIN

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Bernadette BOURZAI

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Annick GIRARDIN

Députée

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

M. Jean-Pierre MICHEL

Sénateur

SOC

SOC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UCR

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. Rudy SALLES

Député

NC

PPE

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée

UMP

PPE/DC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Première vice-présidente

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UCR

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

 

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVES DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a été élue présidente de la sous-commission de la culture, de la diversité et du patrimoine, rattachée à la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a élue vice-présidente de la sous-commission sur le Proche-Orient, rattachée à la commission des questions politiques et de la démocratie.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a été nommée représentante titulaire de la commission des questions politiques et de la démocratie auprès du conseil des élections démocratiques de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a été nommé représentant titulaire de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias auprès de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a été nommée représentante de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias auprès du Comité des œuvres d’art du Conseil de l’Europe. Elle a également été nommée représentante de la même commission pour le Forum européen du musée (FEM) et le Prix européen du musée de l’année 2012 (mai 2012).

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a été nommée membre de la commission ad hoc pour l’observation des élections législatives en Serbie (mai 2012).

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC) a été nommé, par la commission du règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, rapporteur général de l’Assemblée parlementaire sur le budget et le programme intergouvernemental.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a été nommé rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme sur La Convention européenne des droits de l’Homme : renforcement et refonte de la formation des juges, des forces de l’ordre et des avocats.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a été nommée rapporteure pour avis de la commission des questions sociales, de la santé, et du développement durable sur La violence à la télévision et son influence sur les enfants.

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SOC) a été nommé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, membre de la commission ad hoc du Bureau pour le Forum mondial de la démocratie (octobre 2012).

En sa qualité de vice-présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Mme Arlette Grosskost, présidente de la délégation française, a présidé la séance publique du vendredi 27 avril au matin.

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION

Les membres de la délégation ont été reçus, avec leurs homologues de la délégation allemande, par la délégation polonaise lors d’un dîner de travail, le 24 avril 2012.

Les membres de la délégation ont été reçus, avec les autres délégations nationales, par le Conseil général du Bas-Rhin pour un échange de vues sur l’accessibilité de Strasbourg, le 25 avril 2012.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA PARTIE DE SESSION

A. ORDRE DU JOUR

Lundi 23 avril 2012

– Observation de l’élection présidentielle en Russie ;

– Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. David Lidington, ministre pour l’Europe du Royaume-Uni, président du Comité des Ministres ;

– Débat libre ;

Mardi 24 avril 2012

– Vies perdues en Méditerranée : qui est responsable ?

– Intervention de M. Saad dine El Otmani, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Maroc ;

– Égalité entre les femmes et les hommes : une condition du succès du Printemps arabe ;

– Intervention de Mme Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social du Maroc ;

– La promotion d’une citoyenneté active en Europe ;

Mercredi 25 avril 2012

– La bonne gouvernance et l’éthique du sport ;

– La nécessité de combattre le trucage de matchs ;

– Intervention de M. Zlatko Lagumdžija, ministre des Affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine ;

– La protection de la liberté d’expression et d’information sur l’internet et les médias en ligne ;

Jeudi 26 avril 2012

– Débat d’urgence : La situation en Syrie ;

– La situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région ;

– Débat d’actualité : L’avenir de la Cour européenne des droits de l’Homme et la Déclaration de Brighton ;

– Suivi des travaux de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres ;

Vendredi 27 avril 2012

– Pour une politique appropriée en matière de paradis fiscaux ;

– Des pensions de retraite décentes pour tous.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des Ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des Ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int.

Texte et rapporteur(e)

Document

Commission des questions politiques et de la démocratie

La promotion d’une citoyenneté active en Europe

Earl Alexander of DUNDEE (Royaume-Uni – GDE)

• Résolution 1874

La situation en Syrie

M. Pietro MARCENARO (Italie – SOC)

• Résolution 1878

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Des pensions de retraite décentes pour tous

M. Denis JACQUAT (France – PPE)

• Résolution 1882

• Recommandation 2000

Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux

M. Dirk Van der MAELEN (Belgique – SOC)

• Résolution 1881

Commission de la culture, de la science et de l’éducation et des médias

La bonne gouvernance et l’éthique du sport

M. François ROCHEBLOINE (France – PPE)

• Résolution1875

La nécessité de combattre le trucage de matchs

Mme Anne BRASSEUR (Luxembourg – ADLE)

• Résolution 1876

• Recommandation 1997

La protection de la liberté d’expression et d’information sur l’internet et les médias en ligne

Mme Zaruhi POSTANJYAN (Arménie – PPE)

• Résolution 1877

• Recommandation 1998

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Vies perdues en Méditerranée : qui est responsable ?

Mme Tineke STRIK (Pays-Bas – SOC)

• Résolution 1872

La situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région

M. Nikolaos DENDIAS (Grèce – PPE)

• Résolution 1879

Commission sur l’égalité et la non-discrimination

Égalité entre les femmes et les hommes: une condition du succès du Printemps arabe

Mme Fatiha SAÏDI (Belgique – SOC)

• Résolution 1873

• Recommandation 1996

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Suivi des travaux de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres

M. Serhiy HOLOVATY (Ukraine – ADLE)

• Résolution 1880

• Recommandation 1999

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 23 avril 2012

– Observation de l’élection présidentielle en Russie : Mme Josette Durrieu et M. Yves Pozzo di Borgo ;

– Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. David Lidington, ministre pour l’Europe du Royaume-Uni, président du Comité des Ministres : Mme Josette Durrieu et M. Jean-Pierre Michel ;

– Débat libre : M. Jean-Paul Lecoq ;

Mardi 24 avril 2012

– Vies perdues en Méditerranée : qui est responsable ? : Mme Christine Marin, MM. Bernard Fournier et René Rouquet ;

– Intervention de M. Saad dine El Otmani, ministre des Affaires étrangères et de la coopération du Maroc : M. Jean-Paul Lecoq ;

– Égalité entre les femmes et les hommes : une condition du succès du Printemps arabe : Mmes Maryvonne Blondin, Josette Durrieu (au nom du groupe socialiste), Christine Marin, Muriel Marland-Militello et Bernadette Bourzai, MM. Jean-Pierre Michel et René Rouquet ;

– La promotion d’une citoyenneté active en Europe : Mme Arlette Grosskost, MM. Jean-Claude Frécon et Jean-Pierre Kucheida ;

Mercredi 25 avril 2012

– La bonne gouvernance et l’éthique du sport et La nécessité de combattre le trucage de matchs (discussion commune) : Mmes Maryvonne Blondin et Christine Marin, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Jean-Pierre Kucheida et François Rochebloine (rapporteur sur La bonne gouvernance et l’éthique du sport) ;

– Intervention de M. Zlatko Lagumdžija, ministre des Affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine : MM. Bernard Fournier et Jean-Pierre Michel ;

– La protection de la liberté d’expression et d’information sur l’internet et les médias en ligne : M. Jean-Paul Lecoq (au nom du groupe GUE) ;

Jeudi 26 avril 2012

– Débat d’urgence : La situation en Syrie : Mme Bernadette Bourzai, MM. Jean-Marie Bockel, Bernard Fournier, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Pierre Michel, Yves Pozzo di Borgo, Rudy Salles et André Schneider ;

– La situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région : M. Jean-Marie Bockel

– Débat d’actualité : L’avenir de la Cour européenne des droits de l’Homme et la Déclaration de Brighton : MM. François Loncle, Jean-Pierre Michel (au nom du groupe socialiste) et Yves Pozzo di Borgo

Vendredi 27 avril 2012

– Pour une politique appropriée en matière de paradis fiscaux : MM. Jean-Marie Bockel et René Rouquet

– Des pensions de retraite décentes pour tous : Mme Muriel Marland-Militello et M. Denis Jacquat (rapporteur)

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. OBSERVATION DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN RUSSIE

La commission ad hoc du Bureau relative à l’observation de l’élection présidentielle dans la Fédération de Russie, qui a eu lieu le 4 mars 2012, a présenté ses conclusions devant l’Assemblée.

Elle remarque tout d’abord que cette élection présidentielle s’est déroulée dans un climat plus ouvert que celui des élections législatives de décembre 2011 : les nombreuses manifestations organisées pour réclamer des élections équitables ont pu se dérouler sans être empêchées par les forces de l’ordre ; les candidats ont pu faire campagne sans entraves, même si la couverture médiatique a très nettement avantagé un candidat, le Premier ministre Vladimir Poutine, qui a, de plus, bénéficié de la mobilisation de ressources publiques pour le soutenir au niveau régional ; des débats télévisés ont été organisés entre tous les candidats, M. Poutine s’y étant fait représenter ; un fort engagement citoyen a permis d’améliorer la transparence des opérations de vote, le jour du scrutin.

La commission ad hoc indique cependant que la plupart de ses interlocuteurs ont fait état de falsifications importantes et qu’un grand nombre de circonscriptions n’ont pas réellement suivi les procédures au cours du vote – ce que reconnaît aujourd’hui la commission électorale centrale. Les observateurs de la mission internationale, qui ont pu se rendre dans un millier de bureaux de vote, ont constaté un bon déroulement du scrutin dans la quasi-totalité des bureaux de vote visités, mais des irrégularités de procédure dans un nombre important de bureaux au moment du dépouillement.

La commission ad hoc estime également que les modifications qui sont en train d’être apportées au code électoral devraient permettre d’améliorer la possibilité pour les partis politiques de se faire enregistrer auprès des autorités. Pour autant, elle estime que d’autres réformes restent nécessaires, telles la simplification des règles relatives aux candidatures à l’élection présidentielle, l’encadrement de l’utilisation des ressources administratives pendant les campagnes électorales ou le renforcement de la fiabilité, de la transparence et de l’impartialité de la commission électorale centrale.

La commission ad hoc relève enfin que la totalité des partis politiques, à la seule exception du parti communiste, ont accepté l’issue des élections.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UCR) a souhaité que le regard posé sur la Russie prenne en compte les immenses défis auquel ce pays est confronté et a appelé de ses vœux un partenariat plus fort :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, je ferai trois remarques.

La première porte sur la manière dont la presse, notamment en France, a traité ces élections. Prenons un exemple. Le communiqué publié par l’OSCE indiquait que, dans 29 des 98 bureaux de vote observés, les opérations de dépouillement ont été mauvaises ou très mauvaises. Il en est résulté, le lundi matin, une dépêche de l’AFP selon laquelle les dépouillements s’étaient mal passés dans un tiers des bureaux de vote de la Russie, c’est-à-dire dans 94 000 bureaux de vote ! Toutes les télévisions, tous les quotidiens, tous les hebdomadaires, toutes les radios ont repris cette information. Pendant dix jours, c’est essentiellement en se fondant sur cette dépêche que la presse a informé la France.

Deuxième remarque, lors de la dernière réunion du bureau de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, dont je suis membre, de nombreux parlementaires se sont violemment élevés contre le fait que l’OSCE a envoyé non des parlementaires mais des membres du BIDDH, souvent des Américains, ou des personnes nommées par le secrétaire général de l’OSCE. Or il faut savoir que la campagne du Président Poutine était très axée, notamment dans ses premiers temps, sur l’installation du système américain de missiles anti-missiles. En début de campagne, 60% des Russes considéraient les États-Unis comme un bon pays ; en fin de campagne, ils n’étaient plus que 40%. Soyons donc prudents lorsqu’il s’agit de considérer la manière dont le BIDDH a observé l’élection présidentielle russe.

Cela me conduit à appeler votre attention sur le rôle que nous devons, Européens de la Grande Europe, jouer à l’égard de la Russie. Il nous appartient non seulement d’accompagner les citoyens russes, qui ne connaissent la liberté que depuis à peine un peu plus de vingt ans, mais aussi de veiller à ne pas les éloigner, par des surenchères trop vétilleuses, d’un système auquel ils aspirent. Nous devons tenir compte des immenses défis, en termes de démographie – avec la diversité ethnique et religieuse – et de terrorisme, qu’ils doivent relever. Nous devons prendre en compte leur difficile deuil d’un empire continental.

Ainsi pourrons-nous définir les orientations d’une coopération nécessaire et souhaitable dans le domaine de l’énergie et des courants commerciaux, dans la recherche de la paix au Moyen-Orient, y compris en Syrie, et surtout dans le domaine des échanges universitaires et économiques. Nous pourrons dessiner également les contours d’une coopération décentralisée dans l’ensemble de la société civile.

La suppression des visas entre l’Europe et la Russie serait une bonne manière de montrer notre désir d’un partenariat beaucoup plus fort. »

Pour Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC), qui a participé à la mission d’observation, l’élection présidentielle suggère que la Russie s’engage dans des évolutions positives, qu’elle devra confirmer et approfondir :

« J’ai été membre de la mission d’observation des élections législatives du mois de décembre. J’ai également été membre de la mission d’observation de l’élection présidentielle.

Je souscris aux propos qui viennent d’être tenus. Aux élections législatives, nous avons constaté des fraudes évidentes, des fraudes visibles ; j’en ai été le témoin. Au moment de l’élection présidentielle, les choses se sont incontestablement améliorées. Je suis donc encline à partager le point de vue de mon collègue M. Pozzo di Borgo. Soyons objectifs ! Au demeurant, rien n’est jamais totalement achevé, car rien n’est jamais totalement satisfaisant. Cela vaut pour tous les pays, dont la Russie. Affirmons donc à la fois notre vigilance et notre souci d’être objectifs.

Poutine est élu, avec 64% des suffrages. J’ai écouté les propos de notre collègue M. Ziouganov, qui a lui-même recueilli 18% des suffrages, et dont nous avons entendu les commentaires. Poutine a fait mieux qu’en 2000 – il avait alors obtenu 53% des voix – et moins bien qu’en 2004 – il avait alors obtenu 72% des suffrages. Cette élection de Poutine fut un vote de raison, probablement de résignation, sûrement pas d’adhésion. Toujours est-il que Poutine est élu.

Que représente l’opposition ? Entre 20% et 30%. C’est une opposition spontanée, surprenante, qui a fait irruption, notamment avec Internet. Disons qu’il s’agit d’une opposition diverse, sans unité, sans leader affirmé, même s’il faut toujours compter avec le Parti communiste et M. Ziouganov, de même, certainement, qu’avec M. Prokhorov, qui a recueilli 8% des voix. Les autres n’ont pas pu être candidats. En tout cas, elle n’a ni stratégie commune ni programme commun.

Cela dit, une population a exprimé, le jour même des élections, son refus moral de la fraude et de la corruption. Poutine est aujourd’hui Président. À nous d’observer l’évolution de la situation : statu quo, autoritarisme ou réformes menant à la démocratie ?

M. Poutine semble rester un homme du KGB : espérons qu’il sache évoluer avec son pays.

Il faudra stabiliser le positionnement de la Russie entre l’Union européenne, qui attend ce partenaire incontournable, et la tentation asiatique, tout aussi évidente pour ce pays. Il faudrait également analyser de manière approfondie la position de la Russie sur la Syrie, comme l’absence de Poutine au sommet de Chicago au mois de mai. Nous serons des observateurs vigilants. »

La commission ad hoc souhaite que les changements positifs observés lors de l’élection présidentielle s’inscrivent dans la durée et que la réforme électorale annoncée voit le jour. Il revient au nouveau président de la Russie d’instaurer un climat politique plus favorable à l’expression démocratique des opinions et, à ce titre, de poursuivre le dialogue engagé par le gouvernement, les partis et les groupes parlementaires et non parlementaires pendant la période électorale.

B. VIES PERDUES EN MÉDITERRANÉE : QUI EST RESPONSABLE ?

La Méditerranée est l’une des voies d’accès à l’Europe utilisées par les migrants et les réfugiés, qui ont été plus de 58 000 à l’emprunter en 2011, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). C’est une voie dangereuse, puisque selon les estimations du HCR, plus de 1 500 personnes se sont noyées ou sont portées disparues depuis leur tentative de traversée de la Méditerranée vers l’Europe cette même année.

Un cas particulièrement dramatique a amené l’Assemblée à conduire une enquête, dans le cadre d’un rapport confié à la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. En mai 2011, un journal britannique a relaté comment une embarcation chargée de 72 personnes cherchant à échapper au conflit en Libye a dérivé pendant deux semaines avant d’être rejetée sur les côtes libyennes avec 9 survivants à bord. Selon ces derniers, leurs appels à l’aide ont été ignorés par plusieurs navires, notamment un hélicoptère militaire, divers bateaux de pêche et un bâtiment militaire important.

Le rapport de la commission s’interroge sur les multiples défaillances qui ont conduit à ce que personne ne secoure l’embarcation en difficulté. Il cherche également à déterminer qui pourrait être tenu pour responsable d’un drame qui a coûté la vie à 63 personnes : tout en reconnaissant que la défaillance est, dans le cas d’espèce, essentiellement collective, il mentionne nommément deux navires militaires, espagnol et italien, placés sous le commandement de l’OTAN dans le cadre de l’opération Unified Protector et pouvant héberger un hélicoptère ; il tente aussi d’identifier quel est le « grand navire militaire » qui aurait ignoré les appels au secours des passagers.

Le rapport analyse également les enseignements que l’on peut tirer de ce drame, notamment quant à la manière dont, à l’avenir, le droit maritime devrait encadrer plus clairement et plus précisément les opérations de recherche et sauvetage.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a salué l’intérêt des propositions soumises à l’Assemblée, tout en soulignant la contribution constante des marines occidentales au sauvetage des navires en difficulté en Méditerranée :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, nous avons eu peur au cours de ces dernières années d’un possible décalage entre les activités de notre Assemblée et l’actualité. Le rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées vient tempérer une telle crainte et rappelle la capacité d’investigation dont dispose notre Organisation. L’écho de ce rapport dans la presse rappelle à ce titre combien ce type d’enquête, étayée et précise, contribue à nous rendre audibles.

Il convient cependant d’être extrêmement prudents dans le dossier qui nous préoccupe aujourd’hui.

Une lecture rapide du rapport pourrait en effet laisser entendre que le bassin méditerranéen est devenu une zone de non-droit, au sein duquel les marines qui y sont engagées laissent sciemment mourir les nouveaux damnés de la mer, fuyant répression ou combats. Ce serait jeter l’opprobre sur des serviteurs des nations qui ont porté secours à de nombreuses reprises à des réfugiés en perdition. Une mauvaise interprétation de ce rapport pourrait en effet faire croire à une forme de cynisme des militaires, plus enclins à bombarder qu’à porter secours aux civils en danger. Ce serait là méconnaître fondamentalement l’esprit qui anime les troupes de l’OTAN dans de semblables opérations.

Les troupes de marine, en particulier celles de mon pays, ont toujours été conscientes du devoir d’assistance aux personnes en détresse en mer qui s’impose à elles.

Je conçois qu’il soit nécessaire de faire la lumière sur cette tragédie. Je ne souhaite pas pour autant qu’elle devienne le symbole d’une indifférence coupable des pays occidentaux engagés dans le Bassin méditerranéen à l’égard du sort des populations de sa rive sud.

Il ne s’agit pas pour moi de nier la réalité de ce drame et d’éluder les questions fondamentales qu’il pose. Mais avant toute réflexion technique portant sur la révision des dispositifs juridiques existants, j’appelle simplement à nous interroger sur les raisons qui ont jeté à la mer ces 72 personnes. Ce drame est en premier lieu lié à une guerre civile. Il est une conséquence de la dérive sanguinaire d’un régime en fin de vie. Il ne peut être imputé aux seuls marins, qui manœuvraient, rappelons-le, dans cette zone en vue de protéger la population libyenne de la folie de son ancien guide suprême.

Ces réserves passées, il convient de saluer l’intérêt des recommandations qui nous sont présentées aujourd’hui. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe joue une nouvelle fois son rôle de laboratoire de modernisation des droits de l’Homme en posant clairement la question de l’adéquation des conventions maritimes existantes avec l’apparition de boat people en Méditerranée, tendance relativement nouvelle.

Nous devons moderniser le droit existant en vue à la fois de prévenir les tragédies du type de celle que nous abordons spécifiquement aujourd’hui mais aussi de résoudre les questions liées à l’accueil de ces réfugiés, une fois débarqués sur les plages européennes. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SOC) a estimé que l’enquête conduite par la commission des migrations était légitime non seulement dans son principe mais aussi dans son approche :

« Chers collègues, je tiens à féliciter la rapporteure, Mme Tineke Strik, pour son excellent rapport, que je soutiens totalement.

L’enquête menée par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées est non seulement précise et documentée, mais elle illustre en outre le savoir-faire de notre Assemblée ! Le sérieux avec lequel la rapporteure a mené ce travail est remarquable ; l’honnêteté avec laquelle elle présente ses certitudes et ses doutes doit être soulignée.

Lorsqu’en 2011, l’Assemblée a décidé de mener une enquête sur le sort tragique de ce bateau de réfugiés, « radeau de la Méduse » des temps modernes, elle a fait son devoir. Rappelons-nous qu’en 2011, au moins 1 500 personnes ont perdu la vie en cherchant à traverser la Méditerranée ! Si l’Assemblée veut assumer pleinement son rôle de vigie des droits de l’Homme en Europe, elle doit absolument aller sur le terrain, pour y traquer les atteintes à ces droits. Alors oui, avec ce rapport sur les « vies perdues en Méditerranée », l’Assemblée a fait son devoir.

Le projet de résolution dont nous débattons aujourd’hui tente tout d’abord de répondre à cette question centrale : qui est responsable ? Et ce n’est pas le moindre de ses mérites, car chacun sait qu’en matière de responsabilité
– notamment lorsque des vies humaines sont en jeu – rien n’est clair, rien n’est certain.

Fallait-il pour autant refuser cet obstacle ? Fallait-il feindre de croire que le destin de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes était écrit dès lors qu’ils quittaient les rivages libyens ? Non ! Cent fois non ! D’autres hommes pouvaient les sauver et ils ne l’ont pas fait.

Il s’agit bien de non-assistance à personne en danger qui se définit comme le fait, pour une personne ou un groupe, de s’abstenir volontairement par son action ou son inaction de porter assistance à quelqu’un, alors que son intervention ne constituait aucun risque pour lui ou un tiers.

Certains ont pu reprocher à la rapporteure de montrer du doigt des États ou des organisations, de désigner des responsables et de leur demander des comptes. Je déplore cette réaction. Ce rapport n’est en fait qu’un premier pas vers la vérité. Le courage des neuf survivants, nous impose de découvrir et de dire cette vérité, si dure soit-elle.

Je soutiens entièrement le projet de résolution qui a aussi et surtout le mérite de proposer des pistes de réflexion pour améliorer la législation et les pratiques relatives aux secours en mer. »

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a regretté que le projet de résolution élude toute approche globale des migrations à partir des pays riverains de la Méditerranée et de leur gestion :

« Madame la rapporteure, vous avez mené, le 29 novembre 2011, une série d’auditions portant sur les problématiques relatives à l’événement tragique à l’origine de ce rapport. Je regrette que cette approche générale de la question des flux migratoires autour de la Méditerranée et de leur gestion n’apparaisse pas dans votre projet de résolution.

Mme Anja Kluk, conseillère juridique au haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, a déclaré lors d’une audition que, si la situation humanitaire doit être traitée, elle ne doit pas occulter la question des migrations dans son ensemble. Pourquoi ces gens ont-ils quitté la Corne de l’Afrique, payé des sommes énormes à des passeurs en Libye, pays alors en guerre, et embarqué pour la rive nord de la Méditerranée ? Parce qu’ils pensaient trouver ici une vie meilleure.

Nous savons tous que l’Eldorado européen est une fausse promesse, particulièrement pour ceux qui arrivent clandestinement, mais ceux qui risquent leur vie en haute mer ne le savent pas.

Nous avons le devoir de mieux communiquer sur ce sujet avec les pays du Sud. Mais il est aussi de notre responsabilité d’aider ces pays pour que chacun puisse y vivre dignement. De nouvelles coopérations doivent se mettre en place, qu’il s’agisse du codéveloppement ou d’aides au retour soutenant un vrai projet, comme la création d’une micro-entreprise.

L’Office international des migrations réfléchit à un document visant à encourager les personnes à rentrer chez elles. Dans le cadre d’une vraie coopération avec ces pays, nous devons définir des corps de métiers que les migrants pourront venir exercer légalement en Europe, sans organiser pour autant une fuite des cerveaux.

Cette approche globale doit aussi porter sur la nécessité de renforcer les capacités des pays de transit afin d’éviter la poursuite des migrations. Les événements d’Afrique du Nord ont augmenté la pression sur les pays de transit. Nous devons aider nos partenaires pour la démocratie !

Sans nier cette tragédie évoquée dans votre rapport, celle-ci doit nous amener à réfléchir plus largement sur la migration afin d’éviter d’avoir à traiter en catastrophe l’arrivée massive de migrants.

Madame la rapporteure, vous avez conduit cette enquête avec beaucoup de conviction. Cependant, permettez-moi de m’interroger : notre Assemblée était-elle la plus compétente pour mener une enquête, chercher des responsables, désigner des coupables ?

Un article du Figaro du 19 mars 2012 évoquait de nouvelles vagues de réfugiés arrivant sur les côtes de Lampedusa. Je tiens à rendre hommage aux garde-côtes italiens qui ont secouru en pleine mer 52 réfugiés. La marine italienne, aidée d’un remorqueur de haute mer et d’un chalutier français, a participé au sauvetage de quatre autres embarcations transportant plusieurs centaines de réfugiés. Oui, il faut également le dire : s’il y a des vies perdues en Méditerranée, il y a aussi des vies sauvées.

Je pose la question : “Et après ?” »

La résolution adoptée par l’Assemblée retrace les étapes du « périple mortel » suivi par l’embarcation et liste les défaillances qui ont conduit à perdre de multiples occasions de sauver la vie des personnes à son bord. Elle recommande aux États membres de clarifier la définition d’un « navire en détresse » ainsi que les responsabilités des différents intervenants en matière de sauvetage en mer, notamment pour les centres de coordination de sauvetage maritime et les États méditerranéens susceptibles d’accueillir des migrants à l’issue d’une opération de sauvetage, et de s’attaquer aux motifs pour lesquels les navires marchands peuvent ne pas se porter au secours de navires en détresse.

La résolution demande également que l’OTAN, les États membres, les parlements nationaux et le Parlement européen apportent leur concours à la manifestation de la vérité pour ce qui concerne le sort réservé à l’embarcation ayant fait l’objet de l’enquête.

C. INTERVENTION DE M. SAAD DINE EL OTMANI, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DE LA COOPÉRATION DU MAROC

L’Assemblée parlementaire a accueilli M. Saad dine El Otmani, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Maroc, dont le pays a été le premier à obtenir, en juin 2011, le statut de partenaire pour la démocratie. Avant d’exercer ses fonctions ministérielles, le ministre a d’ailleurs été membre de la délégation parlementaire marocaine auprès de l’Assemblée.

Le ministre a souligné combien le Maroc était engagé, depuis longtemps, dans un mouvement de réforme visant à garantir le pluralisme et l’ouverture, et ce dès l’indépendance. En témoigne un cadre juridique de protection des droits de l’homme qui s’est progressivement enrichi, malgré les difficultés et obstacles que le Maroc a pu rencontrer par le passé. Les élections législatives anticipées du 25 novembre 2011, dont le bon déroulement a été salué par les observateurs internationaux, sont une nouvelle étape sur ce long chemin.

M. Saad dine El Otmani s’est réjoui que le Maroc compte l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, parmi ses partenaires. Il y a en effet beaucoup de sujets d’intérêt commun et, surtout, le Maroc croit en l’État de droit et en la bonne gouvernance et souhaite se hisser au niveau des normes du Conseil de l’Europe. Il a d’ailleurs engagé les travaux préparatoires à l’adhésion à certains traités ouverts aux États non membres.

Le ministre a souligné que le succès de tels partenariats devrait permettre de renforcer la paix, la démocratie et la sécurité dans la région méditerranéenne. A ce titre, le Maroc doit aussi pouvoir soutenir le peuple syrien et conjuguer ses efforts à ceux de la communauté internationale pour mettre un terme à la violence dont il est victime.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) a interrogé le ministre sur le respect effectif des droits de l’Homme au Maroc :

« Monsieur le ministre, lors du récent rassemblement de presque toutes les associations de défense des droits de l’Homme du Maroc, les mots d’ordre étaient les suivants : « Les criminels ont un palais, les martyrs n’ont pas de tombes », ou encore : « Le Roi promet de respecter les conventions internationales, en vain ».

Êtes-vous venu à Strasbourg nous assurer que, désormais, la torture sera bannie des pratiques judiciaires, que les prisonniers politiques seront libérés, que les résistants civils à l’occupation du Sahara occidental seront jugés par des tribunaux civils et que votre pays cessera ses pratiques coloniales à l’égard du peuple sahraoui ? »

M. Saad dine El Otmani a indiqué dans sa réponse que le Maroc a banni l’usage de la torture. Il n’est pas juste, selon lui, de parler de pratiques coloniales au Sahara occidental puisque les Sahraouis ont des représentants élus. Au demeurant, la situation du Sahara occidental pose des problèmes juridiques importants quant à la conciliation de la souveraineté étatique et de l’autonomie de certaines populations :

« Je tiens à rappeler ici que le Maroc a signé la convention bannissant la pratique de la torture. Nous avons jusqu’à présent rencontré tous les envoyés en matière de droits de l’Homme et ferons bientôt de même avec l’envoyé spécial. Notre pays a donc fait preuve de diligence. Nous trouverons des solutions aux problèmes qui pourraient subsister.

S’agissant du Sahara occidental, je tiens à préciser que les nombreux Sahraouis qui vivent au Maroc dans des zones désertiques peuvent participer, dans le cadre de localités générales, à des élections locales ou à des activités parlementaires. Les Sahraouis ont donc des représentants officiels. La description qui a été donnée à l’instant de la situation du Sahara n’est donc pas exacte.

Dois-je par ailleurs rappeler qu’en 2011, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté la résolution 1832, qui a pour titre : « La souveraineté nationale et le statut d’État dans le droit international contemporain : nécessité d’une clarification » ? L’Europe elle-même s’est donc penchée sur la difficile conciliation du droit à l’autodétermination et de la souveraineté nationale. Elle a ainsi reconnu le malaise provoqué par les demandes de sécession.

Votre résolution précise même que « la question des critères déterminant le statut d’État reste sujette à polémique », ajoutant que « l’absence de définition claire des critères déterminant le statut d’État et la sécession licite, d’une part, et les violations des droits des minorités et des droits de l’Homme ainsi que le manque de démocratie et de participation, d’autre part, ont favorisé l’émergence de nombreux mouvements sécessionnistes, ce qui constitue une menace pour la paix, la stabilité et l’intégrité territoriale des États existants, y compris en Europe ».

Le même problème se pose au Maroc : comment concilier souveraineté étatique et autonomie de certaines populations ? Mon pays, en l’occurrence, a proposé un statut d’autonomie pour les Sahraouis, sur lequel des négociations sont d’ailleurs en cours.

Quoi qu’il en soit, nous souhaitons coopérer avec le Secrétaire général des Nations Unies et son envoyé spécial afin de trouver une issue favorable à ce conflit. »

D. ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES : UNE CONDITION DU SUCCÈS DU PRINTEMPS ARABE

Un processus de transition démocratique est en cours dans plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée, qui ont été secoués par des soulèvements et des manifestations depuis janvier 2011. La commission sur l’égalité et la non-discrimination a souhaité contribuer au débat sur l’évaluation du Printemps arabe et aider le Conseil de l’Europe à identifier les priorités de son engagement dans les pays de la rive sud de la Méditerranée.

Un an après le début du Printemps arabe, la vie des femmes n’a connu aucune amélioration majeure. Les élections organisées en Égypte et en Tunisie ont au contraire mené à une réduction de la représentation politique des femmes, tandis qu’au Maroc le gouvernement ne compte qu’une seule femme. Ces élections ont également vu la victoire de partis d’inspiration religieuse, ce qui jette une ombre sur les perspectives de programmes d’égalité entre les femmes et les hommes. En Libye, les droits des femmes ne figurent pas parmi les priorités du Conseil national de transition. Pour autant, le Maroc et la Tunisie ont adopté des mesures positives qui peuvent inspirer les autres pays de la région, comme l’inscription dans la Constitution du principe d’égalité des hommes et des femmes ou la primauté des instruments internationaux de protection des droits humains sur le droit interne.

Le rapport souligne que l’inclusion, dont l’éventualité a parfois été évoquée, de la charia comme source de droit, voire comme source principale du droit, dans les constitutions a suscité des craintes. Il invite à ne pas tirer de conclusions hâtives et à prendre en compte les spécificités de chaque contexte national, tout en appelant le Conseil de l’Europe et son Assemblée à promouvoir la connaissance et la compréhension des valeurs des droits humains auprès de la population de ces pays.

Appelée à intervenir lors de l’ouverture du débat, Mme Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social du Maroc, a dans un premier temps tenu à rappeler le nombre et la portée des mesures adoptées ces dernières années par les autorités marocaines, en matière de droit de la famille, de droit social, de droit pénal ou de procédure judiciaire, qui visent à renforcer les droits des femmes et à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes.

Mais c’est aussi par l’amélioration de la situation économique et sociale des femmes que le Maroc entend élargir leur place dans la société ; la lutte contre la pauvreté, l’accès aux biens fondamentaux comme l’eau et l’électricité ou encore la lutte contre l’illettrisme sont autant d’instruments qui, pour la ministre, permettront aux femmes d’exercer pleinement leurs droits économiques et d’éviter la marginalisation. En favorisant leur participation à la vie publique, ces politiques visent également à donner une portée concrète aux autres droits et libertés reconnus aux femmes.

Pour Mme Bassima Hakkaoui, la nouvelle Constitution couronne ces efforts et constitue une incitation majeure à poursuivre les réformes. La ministre marocaine a affirmé l’engagement de son pays à continuer à travailler pour enraciner les bases de la démocratie et les principes des droits de l’Homme dans tous les rouages de la société, en partenariat étroit avec le Conseil de l’Europe.

A cet égard, Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a estimé, dans une intervention faite au nom du groupe socialiste, que l’un des enjeux de la transition sera de définir la place de la religion dans l’État :

« Le Printemps arabe, c’est une onde de choc qui trouve son origine en Tunisie, qui traverse le Maroc, la Libye, l’Égypte, le Yémen, le Bahreïn et la Syrie. Partout, les revendications sont parties des jeunes, et souvent des femmes, revendications de liberté, de démocratie et d’emploi. Très vite aussi sont apparus des paradoxes : ce sont les vieux qui sont revenus, souvent d’exil.

Paradoxe des urnes, ce sont les islamistes qui sont arrivés au pouvoir, partout. C’était déjà le cas en 2006, en Palestine, avec la victoire du Hamas, et en 1991, en Algérie, avec celle du FIS. Partout, ils l’ont emporté avec le concours massif des femmes, qui leur ont apporté leurs suffrages.

La transition politique est difficile, non sans susciter des inquiétudes, non sans risques, avec ses enjeux. Le premier enjeu, fondamental en démocratie, est de préserver la condition de la femme. Il faut défendre les droits acquis. Vous, Tunisiennes, Marocaines, Turques et même Iraniennes, voire Égyptiennes, qui avez obtenu le droit de vote en 1956, avez souvent été des pionnières. Il faut aussi préserver et défendre farouchement la liberté en résistant à toutes les formes d’oppression.

Pardonnez-nous donc d’éprouver quelque déception en faisant, un an après, le bilan. Comment se peut-il que le gouvernement marocain ne compte aujourd’hui qu’une femme au gouvernement, que je salue d’ailleurs ? Il y en avait sept dans le gouvernement précédent ! Nous attendions que vous fassiez plus, que vous fassiez mieux et, surtout, que vous fassiez mieux que nous. Nous sommes en proie au doute, nous éprouvons quelque crainte : qui aura le dernier mot ? quel est l’avenir de cette dynamique du Printemps arabe ?

Je formulerai trois observations.

Le facteur économique sera essentiel. Si toutes les inégalités doivent être combattues, c’est notamment le cas de celles dont elles sont victimes sur le plan économique et social.

Il faudra – cela me paraît impératif – définir la place de la religion dans l’État. Religion et politique : ce problème doit être abordé dans un esprit de tolérance et en respectant l’autre. Laïque, je considère que l’espace privé m’appartient, et je le sépare de l’espace public. Je souhaite que l’on respecte ce principe, y compris ici, au Conseil de l’Europe. Démocrate, je sais que la démocratie résulte d’un acte conscient et volontaire, d’une organisation difficile de la société, je considère que la loi démocratique civile doit être supérieure à la loi religieuse, c’est-à-dire à la charia ; on peut ne pas partager mon point de vue, mais je l’affirme.

Enfin, je reconnais qu’une voie arabo-musulmane vient de s’ouvrir et que l’Islam devra trouver sa place dans le domaine de la politique. Votre responsabilité est de contenir tous les extrémismes.

Pour terminer, je salue toutes ces femmes humiliées, battues, violées, excisées, toutes ces femmes combattantes, résistantes, je salue les femmes tunisiennes, marocaines, yéménites, syriennes, libyennes, égyptiennes. Je les salue, et je résume mon propos d’un mot fort d’émotion : espoir ! »

La défense des droits acquis est aussi celle des droits acquis pendant le Printemps arabe lui-même, en particulier la participation à la vie publique. C’est pourquoi Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a dénoncé le fait que, très vite, les femmes ont été renvoyées dans leurs foyers :

« Lorsque nous revoyons après plus d’un an les premières images des manifestants de la place Tahrir, de Sidi Bouzhi ou de Benghazi, transmises par cet outil exceptionnel d’informations qu’est Internet, nous ne pouvons qu’être frappés par le nombre de femmes descendues dans la rue pour dénoncer les pouvoirs en place, conférant à ces révolutions en gestation des élans féministes. L’image était forte, ces pays semblaient s’affranchir de tous les conservatismes, qu’ils soient politiques ou sociaux. Leur douleur personnelle, leur désir d’émancipation sociale devenaient le cri de tout un peuple.

Nous avons aussi à l’esprit une autre image de la place Tahrir : celle de cette femme traînée à terre, battue par trois soldats casqués, uniquement protégée de l’infamie par un soutien-gorge bleu. Elle venait tout simplement dénoncer le refus du pouvoir militaire de voir se concrétiser les promesses de la révolution déclenchée un an plus tôt.

Que s’est-il passé en un an ? L’histoire des révolutions est toujours sensiblement la même. Aux espoirs et à l’euphorie succède généralement une phase de retour à l’ordre, plus ou moins longue.

Dans le contexte du Printemps arabe, ce retour à l’ordre est pervers, car il est en partie imposé par ceux qui sont les bénéficiaires du bouleversement de l’ordre établi : les partis confessionnels. Les porte-voix de la révolte ont été invités à rentrer chez elles. La politique est, en somme, un droit de l’Homme, pas celui de la femme.

Je ne peux m’empêcher de faire référence à la Révolution française de 1789 : les femmes, qui y avaient participé activement, ont été sommées de regagner leurs foyers et de s’occuper des affaires domestiques et non plus politiques. Plusieurs de celles qui ont malgré tout porté la parole des femmes ont fini sur l’échafaud. Il a fallu attendre près de deux siècles pour qu’elles recouvrent des droits politiques.

Je félicite donc la commission sur l’égalité et la non-discrimination de se saisir de ce problème. Au travers des outils dont disposent notre Organisation, je pense notamment au Centre Nord-Sud, il convient de répondre à l’objectif de Victor Hugo : « Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’Homme le droit de la femme ».

Pour conclure, une autre image me revient en tête, celle de la blogueuse Aliaa Magda el-Mahdy. Elle pose nue, vêtue des seuls bas et de ballerines rouges, le rouge couleur symbolique de la révolution. Que nous dit-elle ? Elle dénonce une société sexiste, hypocrite et violente, qui vient d’imposer des tests de virginité à des manifestantes déçues de la place Tahrir.

Voilà comment se traduit la frustration des jeunes héroïnes du Printemps arabe : la provocation face au silence qui s’impose progressivement, vicieusement. A nous, désormais, de porter leur voix ! »

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) s’est également inquiétée du risque de marginalisation des femmes dans le processus de démocratisation de leurs pays et a rappelé la dimension universelle des droits de l’Homme :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, « le succès ou l’échec d’une révolution peut toujours se mesurer au degré auquel le statut de le femme s’en est trouvé rapidement modifié dans une direction progressive ». Ces mots ne sont pas tirés de l’excellent rapport de notre collègue Fatiha Saïdi, que je félicite, mais du livre d’une célèbre militante des droits de l’Homme, Angela Davis, intitulé Femmes, race et classe, paru il y a trente ans. C’est dire toute l’importance et la pertinence du débat que nous tenons après les auditions et les témoignages si émouvants que nous avons entendus cet après-midi.

En effet, il existe un risque que les femmes se retrouvent aujourd’hui exclues ou marginalisées dans la construction politique de leurs pays en dépit de leur large contribution aux mouvements révolutionnaires et au renversement des régimes précédents. Ce risque m’apparaît d’ailleurs d’autant plus plausible que l’histoire fournit malheureusement plusieurs exemples de cas dans lesquels les femmes ont été privées des bénéfices de la victoire. Les « Tricoteuses » de la Révolution française de 1789 furent ainsi spoliées de leurs droits par le fameux code Napoléon. Il en fut de même en Algérie où les femmes, qui étaient pourtant très engagées dans le mouvement de décolonisation, ont connu finalement un recul de certains droits après l’indépendance suite à l’adoption, en 1984, d’un code de la famille qu’elles furent nombreuses à appeler « code de l’infamie ». De même, en Iran, les femmes étaient nombreuses à réclamer le départ du Shah mais la mise en place de la République islamique s’est finalement traduite par un recul de leurs droits.

J’oscille donc aujourd’hui entre stupeur et inquiétude lorsque je vois le Conseil national de transition, en Libye, annoncer qu’il restaure la polygamie et interdit le divorce. Je m’inquiète lorsque j’entends certaines femmes égyptiennes déclarer, après tout le combat qu’elles ont pourtant mené pendant des mois place Tahrir, qu’elles préfèrent boycotter les élections législatives plutôt que de participer à un simulacre qui ne profitera en aucun cas aux efforts en faveur de la justice, de la liberté, de l’égalité et de la dignité.

J’entends déjà des voix qui s’élèvent pour me dire qu’il faut laisser le temps faire son œuvre, que les mentalités sont toujours lentes à évoluer. Il n’empêche que les droits des femmes sont souvent parmi les derniers à être mis en œuvre, quand ils le sont. Et si les femmes de la rive sud de la Méditerranée voyaient aujourd’hui leur participation confisquée, ce serait finalement tout l’espoir suscité par le Printemps arabe qui retomberait. Un tel dénouement reviendrait à dire que les droits de l’Homme n’ont rien d’universel et qu’ils ne doivent s’appliquer qu’à la moitié de l’humanité, celle les hommes.

Dans une Assemblée comme la nôtre, attachée au principe d’universalité des droits de l’Homme, une telle évolution ne saurait être acceptée. C’est pourquoi nous devons aider les femmes de ces pays car il ne s’agit pas d’un combat pour les femmes, mais d’un combat pour les pays tout entier. C’est d’ailleurs bien ce qu’écrivait Stendhal il y a bientôt deux siècles : “L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain”. »

La résolution adoptée par l’Assemblée s’inscrit dans la perspective selon laquelle les mesures visant à renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes doivent à la fois marquer la continuité avec le passé et préserver les droits d’ores et déjà acquis par les femmes, et aller de l’avant dans la promotion de droits nouveaux. M. René Rouquet (Val-de-Marne – SOC) a apporté son soutien à cette vision :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, Mme Sihem Badi, ministre des Femmes et de la famille de Tunisie, déclarait le 7 mars à Paris : « les femmes ne se sont pas contentées de participer aux mouvements de protestation, elles ont également pensé la révolution ». Elles sont descendues dans la rue pour combattre les régimes autoritaires et ont subi, comme les hommes, les coups, les arrestations, les tortures. Pourtant rien n’est acquis pour elles.

Certes, les situations varient d’un pays à l’autre mais au moment où les nouveaux régimes se mettent en place, il convient de nous montrer vigilants afin que les droits déjà acquis soient conservés et que de nouveaux droits soient accordés aux femmes.

Car sans volonté politique de changement, le Printemps arabe ne se traduira pas en « Printemps des femmes ». Car sans égalité réelle entre les hommes et les femmes, la démocratie ne sera qu’une chimère !

Je prendrai deux exemples : le Maroc et la Tunisie. Le statut de partenaire pour la démocratie du Maroc lui impose de s’engager pour le respect des droits de l’Homme et de l’État de droit, notamment en matière de droits des femmes. De réelles avancées ont été obtenues, avec en particulier l’article 19 de la nouvelle Constitution qui consacre le principe de l’égalité des droits des femmes et des hommes.

En tant que partenaire du Maroc, notre Assemblée a aussi des responsabilités et devra se montrer attentive à la mise en œuvre de ce principe constitutionnel ainsi que de la levée des réserves à la Convention CEDEF dans les textes législatifs, notamment le code pénal.

Nous ne pourrons accepter que les textes ne se traduisent pas en droits réels pour toutes les Marocaines, comme c’est encore le cas pour la réforme de la Moudawana (code de la famille) de 2004 !

Le deuxième exemple est celui de la Tunisie, le pays du Maghreb le plus avancé en matière de statut de la femme. Le parti islamiste Ennahda s’est engagé à préserver les droits acquis des Tunisiennes, mais plusieurs déclarations récentes de responsables de ce parti sur l’adoption, les mères célibataires ou le mariage coutumier ont inquiété les femmes de ce pays et peuvent également inquiéter notre Assemblée. Néanmoins, le refus d’inscrire la charia dans la nouvelle Constitution est un signe positif qu’il convient de saluer !

Nous devons rester vigilants alors que des agressions se multiplient dans des établissements d’enseignement contre des femmes. Cela est inacceptable ! Mais préserver ces droits ne sera pas suffisant, car les femmes tunisiennes se sont battues pour accéder à une plus grande égalité, notamment en matière successorale : les nouveaux dirigeants devront prendre en compte ces demandes dans les réformes à venir !

Pour conclure, je reprendrai le message de l’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité lancé le 8 mars dernier : “Ensemble, les hommes et les femmes arabes ont fait leur présent, ensemble ils doivent construire un avenir meilleur”. »

C’est donc aussi la question de la participation politique des femmes qui est posée dans les pays du Printemps arabe. La résolution adoptée par l’Assemblée appelle les autorités de tous les pays de la région à mettre en place, dans la législation électorale, des dispositions spécifiques qui visent à promouvoir la représentation des femmes dans les instances publiques élues, à tous les niveaux, par exemple en conditionnant la validité des listes de candidats au respect d’un quota adéquat de sièges ou en imposant l’obligation d’alterner les candidatures des femmes et des hommes.

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a estimé, au contraire, que les quotas étaient peu efficaces en termes de résultats et peu opportuns dans leur principe, car ils ne font que sanctionner l’échec des politiques d’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

« Permettez-moi, Madame la rapporteure, de vous adresser toutes mes félicitations pour votre rapport très complet et le choix de son titre.

Si, comme vous, je regrette que les dernières élections dans les pays du Printemps arabe se soient traduites par une diminution de la représentation politique des femmes, je ne pense pas que l’introduction de mesures positives dans les lois électorales constitue l’unique solution.

L’exemple de la France, sur ce point, est significatif : en 2002 puis en 2007, la loi a introduit diverses mesures visant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Pourtant, force est de constater que les partis, quels qu’ils soient, trouvent souvent une « stratégie de détournement » et que les progrès ne sont pas encore à la hauteur des ambitions du législateur.

Ainsi, à l’Assemblée nationale, nous ne sommes que 20% de femmes députées. Et si les femmes sont désormais mieux représentées dans les assemblées territoriales élues au scrutin de liste, elles le sont nettement moins dans leurs exécutifs, sans parler de leur faible nombre dans les postes à haute responsabilité au sein des entreprises.

D’ailleurs, comment ne pas noter en lisant votre rapport qu’au Maroc, malgré l’existence de quotas au Parlement, les femmes ne représentent que 16,7% des élus, alors qu’en Tunisie elles sont 27% au Parlement, soit, bien plus qu’en France ?

Mais, dans cette région du monde, la Tunisie est à l’avant-garde en matière de droits et de statut des femmes, leur participation à la vie publique n’y étant pas une idée neuve. Bien sûr, la commission électorale avait instauré pour ces dernières élections une obligation d’alternance sur les listes, mais les femmes sont présentes depuis longtemps dans la vie socio professionnelle tunisienne ; ainsi, en 2010, représentaient-elles dans le corps judiciaire 27% des juges et 31% des avocats. Le parti Ennahda, qui avait promis de protéger les acquis en la matière, vient de refuser – malgré les pressions – d’inscrire la charia dans la nouvelle Constitution. C’est un signe positif dont nous devons nous réjouir.

La discrimination positive en faveur des femmes, qui entend pallier l’insuffisance démocratique, est en fait l’aveu d’un échec : celui de la mise en place d’une véritable politique d’égalité des chances entre hommes et femmes sur le plan social, économique et politique. Comme Mme Badinter, je considère de surcroît que l’application de cette discrimination-là présente le grave inconvénient de cantonner les femmes à des droits liés à leur sexe et risque de les dissocier de l’idée d’universalité de la nature humaine, ce qui pourrait un jour se retourner contre elles.

En outre, la promotion de l’égalité des chances passe d’abord, Messieurs, par votre éducation : vous devez savoir que les femmes sont à la fois vos semblables et différentes. En étant mieux éduqués, vous favoriserez leur égal accès à l’éducation et vous contribuerez à lutter contre les inégalités économiques et sociales qu’elles subissent.

Dans les pays du Printemps arabe, la citoyenneté active des femmes passera par l’égal accès des femmes à l’éducation et par la lutte contre les inégalités économiques et sociales, qui a d’ailleurs été à l’origine de ce Printemps. C’est à l’aune des droits des femmes que l’on pourra juger du succès des révolutions et du niveau de leur civilisation humaniste ! »

Alors que la résolution adoptée par l’Assemblée souligne que l’évolution du droit et des politiques ne pourra avoir d’incidence durable et efficace que si elle s’accompagne d’une évolution des mentalités, M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a fait part d’un certain scepticisme face à certaines évolutions récentes et a appelé à une forte implication du Conseil de l’Europe ainsi qu’à la vigilance de l’Assemblée parlementaire :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, à l’immense espoir qu’a suscité le Printemps arabe succède aujourd’hui une forme de scepticisme, pour partie lié à la montée en puissance au sein de ces nouvelles démocraties des partis islamistes radicaux, salafistes. Alors que ces révolutions avaient été conçues par leurs promoteurs comme un moyen d’ancrer durablement ces pays dans la modernité, la forte adhésion d’une partie des populations concernées à un discours conservateur et à une vision patriarcale de la société n’est pas sans susciter d’inquiétude.

Je veux bien croire que les pays concernés par le Printemps arabe sauront s’affranchir d’une inclinaison pour partie légitime à privilégier un modèle de développement politique reposant sur des valeurs niées sous les anciens régimes. Mais ces régimes, il faut bien le dire, respectaient toutes les religions.

Nous ne devons pas pour autant attendre les bras croisés qu’une semblable évolution s’opère. Nous avons développé depuis un an un certain nombre d’outils en vue de permettre aux nouvelles autorités locales de transformer ces pays en des démocraties modernes. Il s’agit pour nous, au travers de ces instruments de coopération, de bien réaffirmer le caractère universel des droits de l’homme. Il ne peut y avoir d’application relative de ces principes en fonction d’une réalité socioculturelle.

L’affirmation des valeurs démocratiques passe plutôt par une mise en avant de réformes qui vise directement les femmes : statut de chef de famille, condamnation du viol marital, lutte contre la violence domestique, abolition de la polygamie et j’en passe. Et ce n’est pas seulement le Code pénal, Madame la ministre, qui réglera ce problème, mais l’éducation d’une société tout entière.

Le Maroc ou la Tunisie ont déjà réalisé des progrès remarquables en la matière, soulignant combien dans ce domaine, comme dans d’autres, il n’existe pas de limite géographique à une mise en pratique pleine et entière des valeurs qui nous animent.

Ces premiers exemples de réussite doivent servir de fil conducteur aux pays voisins. Je suis d’ailleurs un peu surpris et déçu que notre excellente rapporteure se soit limitée à deux pays, le Maroc et la Tunisie, les plus en avance dans le domaine de la promotion de la femme. Elle n’a pas cité la Libye ou l’Algérie, où, depuis 1962, le statut des femmes a considérablement régressé. Je suggère d’ailleurs que notre rapporteure poursuive au sein de la commission ce travail engagé sur les pays de la Méditerranée où se sont produit des révolutions, afin d’établir un point précis de la situation.

Il s’agit de garantir le principe même de la démocratie et de permettre à ceux qui croient comme à ceux qui ne croient pas, ou à ceux qui ne croient pas aux mêmes religions, de vivre en harmonie au sein d’une société moderne, ouverte, qui respecte les différences.

Il nous appartient donc d’être vigilants. Le Printemps arabe ne s’est pas terminé avec la chute des autocrates. Il se poursuit. Il s’agit d’un mouvement de fond plus que d’une simple révolte politique. Il est indispensable que nous continuions donc à le soutenir et que nous contribuions à faire respecter les motivations de ses premiers promoteurs, ces anonymes de la société civile, ces enfants des réseaux sociaux, ces filles et ces fils de ces pays, qui ne sauraient comprendre que les valeurs au nom desquelles ils se sont soulevés ne soient pas transposables dans leurs pays. »

Dans son intervention, Mme Christine Marin (Nord – UMP) a insisté elle aussi sur le fait que l’évolution des mentalités conditionnera pour une large part le succès des réformes qui seront mises en œuvre. C’est peut-être ce qui explique que l’égalité entre les hommes et les femmes reste une question toujours ouverte dans nombre de pays situés au nord de la Méditerranée et que la condition de la femme est partout fragile :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, Annie Sugier, cofondatrice d’Atlanta + « pour la représentation des femmes aux Jeux Olympiques » rappelait récemment que le respect de la Charte Olympique aux JO de Londres serait révélateur de la situation des femmes dans le monde arabe, un an après la révolution. De la possibilité de pratiquer un sport sans discrimination à l’interdiction d’exprimer une opinion politique ou religieuse, les principes de la Charte olympique sont malheureusement souvent bafoués ! Rappelons qu’à Pékin, en 2008, quatorze délégations ont défilé avec des femmes voilées et plusieurs délégations ne comptaient aucune femme.

Ce moment d’universalité montre que l’égalité entre hommes et femmes est en péril, un péril qui ne touche pas que les pays arabes mais aussi l’Europe. Dans les pays du nord de la Méditerranée, si dans les textes, les femmes ont les mêmes droits que les hommes, dans la réalité, bien des inégalités subsistent.

Madame la rapporteure, plusieurs principes que vous proposez pourraient à bien des égards nous être adressés ! Certes, si je prends l’exemple de la France, l’égalité entre hommes et femmes a été inscrite dans le Préambule de la Constitution de 1946 et la parité dans la Constitution en 1999. Mais nous avons attendu 2008 pour que le principe de la parité soit élargi au-delà du champ politique aux responsabilités professionnelles et sociales.

Rappelons que nous ne votons que depuis 1945 et que nous ne sommes des « capables juridiques » que depuis 1965. Auparavant, la femme française devait demander l’autorisation de son mari pour exercer une profession ou gérer ses biens !

Et pourtant, malgré ces avancées, malgré des lois pendant cette législature qui s’achève sur le renforcement de la lutte contre les violences conjugales ou pour établir un quota de femmes au sein des conseils d’administration des entreprises, 50% des saisines adressées au défenseur des droits en France le sont pour des femmes.

Vous avez raison, Madame la rapporteure, sans évolution des mentalités, les lois, les quotas, les réformes n’auront que peu de réalité. Si les pays nordiques sont cités en exemple sur les questions de l’égalité hommes-femmes, c’est que dès le plus jeune âge, l’éducation nationale assure la promotion de l’idée d’égalité entre les sexes et la lutte contre les stéréotypes. En Suède, les femmes sont des hommes comme les autres !

Oui, le Conseil de l’Europe doit réaffirmer l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme, sans interprétation liée à la culture ou à la religion. Nous sommes confrontés à un net recul de la liberté des femmes dans certains quartiers en Europe. Cela doit nous alerter, nous, responsables politiques du nord et du sud de la Méditerranée, sur la fragilité de la condition de la femme dans la société et se traduire par une grande vigilance. Ce que nous exigeons des pays du Printemps arabe pour devenir de « véritables démocraties », essayons de ne pas le perdre chez nous, essayons de l’appliquer dans nos démocraties du Conseil de l’Europe.

L’organisation Atlanta + souligne qu’aux JO, la seule médaille d’or remise par le Président du CIO est celle du marathonien. Je pense que ce serait un beau geste pour la parité dans l’histoire si, à Londres, dans le pays qui préside le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le Président du CIO remettait aussi sa médaille à la marathonienne, souvent issue des pays du Sud. Ainsi toutes les jeunes filles pourraient se dire : “pourquoi pas moi ?”«

L’Assemblée a également adopté une recommandation qui appelle le Comité des Ministres à poursuivre le dialogue avec les pays de la région, notamment le Maroc et la Tunisie, et à soutenir la Commission de Venise dans son rôle de conseil pour les réformes à venir dans ces deux pays. Elle appelle également le Comité des Ministres à confirmer son soutien au Centre Nord-Sud et aux activités que celui-ci entreprend dans ce but.

E. DÉBAT D’URGENCE : LA SITUATION EN SYRIE

L’Assemblée a souhaité tenir un débat d’urgence sur la situation en Syrie, alors que depuis les premières manifestations, en mars 2011, la répression n’a cessé de s’abattre sur le peuple syrien, assortie de son cortège de violations des droits de l’Homme et de violences de plus en plus sévères.

Bien que le Conseil national syrien ait été reconnu par les États-unis, l’Union européenne et plusieurs États arabes comme le représentant légitime du peuple syrien, l’opposition au régime de Bachar al-Assad reste peu homogène, voire divisée, et de nombreux groupes armés semblent échapper à tout contrôle politique ou militaire. Elle n’est pas encore en mesure d’incarner la société syrienne toute entière dans un processus politique de transition qui serait dirigé par les Syriens eux-mêmes.

Alors que pendant plus d’un an la communauté internationale a été incapable de convenir d’une action sur la Syrie, on voit aujourd’hui émerger enfin une position commune qui permettra peut-être de donner toutes les chances de réussite au plan de paix de Kofi Annan afin d’éviter une véritable guerre civile.

Le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie condamne fermement les violations des droits de l’Homme commises par les forces de sécurité syriennes et les qualifie de « crimes contre l’humanité » ; il condamne également les violations des droits de l’Homme perpétrées par certains des groupes armés combattant le régime. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, saisie pour avis, a mis l’accent sur la nécessaire protection des réfugiés et personnes déplacées en Syrie, ainsi que sur l’assistance humanitaire qu’il convient de mettre en œuvre.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a appelé à privilégier une option politique fondée sur l’union, au sein de l’opposition syrienne, de toutes les composantes de la société et sur une plus grande implication de la Turquie :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la situation est très difficile et compliquée et, compte tenu du laps de temps dont je dispose, permettez-moi de dire brutalement que le rapport est acceptable, mais très insuffisant. Je n’ai toutefois pas déposé d’amendements, car la situation évoluera.

Des réalités s’imposent : pas de solution irakienne, pas de solution libyenne. On le voit, le résultat est catastrophique. Le régime Bachar Al-Assad assassine depuis un an. Il a des soutiens à l’intérieur du pays. Rappelons-nous l’exemple de son père, qui avait rasé une ville entière, qui est resté au pouvoir et a permis à son fils de lui succéder. Ces réalités sont désagréables mais elles sont là. Enfin, la mission de Kofi Annan a déjà échoué, il faut en convenir.

Que faut-il faire ?

Premièrement, appeler l’opposition syrienne à s’unir et à intégrer les minorités, notamment les minorités religieuses.

Deuxièmement, dire à cette opposition de faire cesser les provocations militaires d’une partie de l’ASL, l’Armée syrienne libre qui font le jeu du pouvoir syrien, car cela permet à ce dernier de répondre militairement, bien plus fortement que ne peuvent le faire les membres de l’ASL.

Troisièmement, nous tourner vers la Turquie et nos collègues de la délégation turque. Il est contreproductif d’attaquer le gouvernement turc. Le gouvernement turc est ce qu’il est. Aujourd’hui, il doit et peut avoir une grande influence auprès du régime de Bachar Al-Assad, comme il en a d’ailleurs dans tout le Moyen-Orient.

Nous n’avons qu’une seule alternative mes chers collègues : la solution iranienne ou la solution turque. Je préfère la solution turque. Donc, faisons appel à nos collègues turcs pour qu’ils prennent leurs responsabilités.

En ce qui concerne nos collègues russes, les amendements qu’ils ont déposés sont absolument inacceptables. Ils prouvent qu’au sein du Conseil de l’Europe, certains parlementaires n’ont pas encore compris ce qu’est le respect du droit et des droits de l’Homme. C’est totalement inadmissible. Je le dis comme je le pense. La délégation russe devrait, au contraire, au nom du Conseil de l’Europe et des valeurs qui nous rassemblent tous ici – du moins, pouvons-nous le croire, et il faut le croire même si c’est inexact – faire pression auprès de son gouvernement pour que la Russie cesse d’avoir la position qu’elle a aujourd’hui au sein de l’ONU et du Conseil de sécurité.

Quatrièmement, il faut penser aux réfugiés. Pas seulement les réfugiés syriens mais ceux qui se trouvent dans tous les pays. A cet égard, mes chers collègues, je vous invite à signer la Déclaration écrite n° 516 à laquelle notre Président a fait allusion tout à l’heure, qui se penche sur le sort des réfugiés iraniens en Irak. »

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) a appelé l’Assemblée parlementaire à parler d’une seule voix pour lancer un message de paix à la Syrie et à son peuple :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, le fameux Printemps arabe ou printemps de la démocratie, cette saison de la liberté pour laquelle nous nous enthousiasmions l’an dernier, n’est finalement jamais arrivé jusqu’à Damas. C’est un hiver rouge-sang qui s’éternise à Homs, à Deraa ou à Banias. L’effet dominos qui a conduit les autocrates à abandonner les clés du pouvoir aux représentants des peuples se heurte désormais au cynisme d’un maître du jeu, qui sait exploiter au mieux les défaillances de la communauté internationale.

Il est heureux que notre Assemblée souhaite lancer solennellement aujourd’hui un message de paix à ce pays et à son peuple. Je veux y voir l’étape européenne indispensable à l’adoption ultérieure d’une résolution des Nations unies.

Certains dénoncent régulièrement le droit mou que nous serions censés incarner. Dans un contexte marqué par l’impuissance silencieuse du Conseil de sécurité de l’ONU sur la question syrienne, je constate simplement que notre position, même incantatoire, pourrait briser ce silence. Nous ne voulons pas céder aux jeux de la realpolitik mais parler d’une seule voix, en dépit de nos 47 accents.

Ne pas dire, ne pas dénoncer, ne pas crier, revient à confier à Bachar Al-Assad ce « permis de tuer » récemment dénoncé par une cinquantaine d’intellectuels. Ne pas dire, ne pas dénoncer, ne pas crier, revient à bafouer la dignité des 11 000 personnes assassinées dans ce nettoyage politique. Ne pas dire, ne pas dénoncer, ne pas crier, revient à relativiser le principe d’universalité des valeurs que nous défendons. Le poète René Char a écrit : « La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut. »

Notre silence serait d’autant plus inadmissible que nous avons depuis un an forgé de nouveaux outils en faveur de la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme au sein du monde arabe. Je pense notamment au statut de Partenaire pour la démocratie. Ne cédons donc pas à une forme de résignation. Nous ne pouvons admettre en Syrie ce que nous n’avons pas supporté en Libye. Aucune raison ne me semble justifier une inégalité de traitement entre les deux pays. Sauf à considérer que le combat en faveur des droits de l’Homme varie en fonction du degré de résistance supposé de l’adversaire.

Pensons aussi au message que nous souhaitons faire passer. Battez-vous pour des valeurs que nous vous conseillons à des degrés divers d’adopter depuis des années ! Donnez votre vie pour des principes dont nous vous vantons la valeur universelle ! Pour le reste, nous verrons ce que nous pourrons faire, après… Plus tard… A ce compte là, je ne suis pas loin de penser que ceux que nous encourageons ainsi, estimeront bientôt que les démocrates sont aussi cyniques que ceux qui violent les principes démocratiques et les assassinent !

Le vote qui interviendra dans quelques minutes est donc à tous points de vue important. Un vote à l’unanimité de notre Assemblée s’impose. Il en va de notre responsabilité de défenseur des droits de l’Homme. Toute autre position reviendrait à nous trahir nous-mêmes. »

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UC) a appelé à donner la priorité à un processus politique tout en soulignant que le contexte actuel, s’il perdure, risque de conduire à une impasse :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, après l’indignation dans laquelle nous plonge la répression contre le peuple syrien vient le temps des interrogations.

Je ne suis pas de ceux qui estiment que nous aurions pu faire pour la Syrie ce qui a été possible en Libye, car les situations ne sont en rien comparables. La personnalité de Mouammar Kadhafi contribuait largement à l’isolement de son pays sur la scène internationale, alors que Bachar Al-Assad est, quant à lui, avant tout l’héritier de la diplomatie habile mise en œuvre par son père.

C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il convient d’analyser les hésitations occidentales ou le blocage actuel au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies du fait de Moscou et de Pékin. Le régime syrien l’a d’ailleurs parfaitement compris.

Saluons l’entrée en vigueur du plan Annan. C’est une première étape en vue de mettre fin à la guerre civile latente qui mine le pays. Nous ne pouvons pas mésestimer les efforts de l’ancien secrétaire général des Nations Unies, qui agit
– on le sait bien, et vous l’avez tous rappelé – dans un cadre extrêmement contraint, dans un contexte compliqué et difficile ; son chemin est semé d’embûches.

L’arrêt des combats, la libération des prisonniers et l’acheminement de l’aide humanitaire préconisés par le plan Annan sont effectivement, aujourd’hui, des priorités.

On ne peut cependant s’empêcher d’y voir un certain nombre d’effets pervers. Cette phase de négociations permet, en effet, au régime de Damas de reprendre son souffle, de mieux consolider sa position. Dans le même temps, l’opposition est également tenue par le cessez-le-feu, mais, faute de moyens, que peut-elle faire aujourd’hui, si ce n’est compter ses morts ?

J’ai aussi à l’esprit, bien sûr, l’inquiétude des minorités, l’inquiétude, entre autres, de la minorité chrétienne.

Bref, le constat est cruel tant il contraste avec la structuration réelle du soutien international à l’opposition syrienne. Je pense notamment aux « Amis de la Syrie », qui comptent en leur sein l’Union européenne, les États-unis et la Turquie. Je pense aussi à ce levier que constitue – plusieurs collègues l’ont rappelé – l’idée que l’impunité n’est pas acceptable.

C’est dans ce contexte, c’est face à ce risque d’impasse auquel nous sommes tous sensibles, même si, je le répète, le plan Annan permet de réelles avancées, que le projet de résolution qui va être discuté, après l’excellent rapport de notre collègue Pietro Marcenaro, qui a été, je le répète également, l’objet d’un véritable débat au sein des commissions concernées, c’est dans ce contexte que nous devons rappeler, même si c’est difficile, même si c’est frustrant, la priorité au processus politique. Nous devons le soutenir, et la parole du Conseil de l’Europe sera entendue, dans le respect de la diversité culturelle, ethnique et religieuse de la Syrie. »

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UMP) s’est réjoui de l’adoption récente de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, alors que l’avenir de la Syrie reste encore très incertain :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, en réprimant dans un bain de sang toute volonté de contestation, même pacifique, depuis plus d’un an, en s’attaquant aveuglément et sans relâche à son peuple, Bachar Al-Assad a commis l’irréparable. Avec un bilan – plusieurs collègues l’ont rappelé – de plus de 10 000 victimes en l’espace d’un an, il nous a prouvé qu’il ne reculerait devant rien pour rester au pouvoir. Aussi, je crois que nous devons en premier lieu nous féliciter que la communauté internationale soit enfin parvenue à adopter un texte condamnant les atrocités du régime syrien. Je souhaiterais que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ne soit pas à la traîne dans ce domaine et qu’il fasse une déclaration, comme l’a d’ailleurs demandé le représentant français lors de la dernière réunion du Comité.

Bachar Al-Assad ne compte plus de soutiens infaillibles : c’est une première victoire. Il est clairement allé trop loin. Après treize mois d’attente, la résolution 2042 est la première du Conseil de Sécurité sur la Syrie. Elle est sans doute la première d’une longue série puisque, sur cette base, les membres du Conseil de Sécurité ont déjà adopté une nouvelle résolution samedi dernier.

Cela étant, il faut bien admettre que l’adoption de ces résolutions reste pour l’instant une victoire à la Pyrrhus.

Une victoire à la Pyrrhus parce que les résolutions n’ont, jusqu’à présent, guère été suivies d’effets. Force est de constater que Damas, en dépit de ses engagements, n’a toujours pas complètement retiré ses troupes et ses armes lourdes des villes, retrait prévu par le plan Annan, lequel a peut-être vécu, comme le disait mon collègue Michel. Par ailleurs, les observateurs de l’ONU dépêchés sur place assistent impuissants, depuis leur arrivée, à la reprise des violences et à la poursuite des bombardements dans des zones où habitent des civils.

Une victoire à la Pyrrhus aussi parce que, même s’il ne se trouve plus aucun État membre de la communauté internationale pour cautionner les agissements de Bachar Al-Assad, il n’existe pas non plus véritablement de consensus sur l’avenir de la Syrie : s’agit-il d’un avenir avec ou sans – j’espère : sans – Bachar Al-Assad ? Comment faire tomber le dictateur ? Par la voie diplomatique ? En aidant les opposants ? Par une intervention armée de la communauté internationale ? Il n’est pas utile de rappeler ici combien les interventions en Irak ou, plus récemment, en Libye ont été source de divisions au niveau mondial et, on le voit en Libye, dans le pays lui-même. Il faut reconnaître aussi que ces expériences nous ont sans doute quelque peu échaudés.

Une victoire à la Pyrrhus enfin, parce que nous n’avons ni plan ni aucune idée de ce à quoi pourra ressembler l’après-Bachar Al-Assad. N’oubliez pas que l’opposition syrienne est morcelée en divers groupes aux intérêts hétéroclites. Le Conseil national syrien ne représente même pas l’ensemble des puissances rebelles et son autorité est contestée par certains opposants.

Je souhaitais livrer ces quelques éléments à votre réflexion. La situation est très complexe.

Je tiens aussi à vous rappeler que la population du pays compte plus de 20% de chrétiens, qui ne sont pas l’objet de poursuites comme dans beaucoup d’autres pays musulmans. La Syrie est aussi l’un des rares pays où toutes les fêtes religieuses sont célébrées, et ce n’est pas le cas dans d’autres pays musulmans.

La situation est donc très complexe, et les solutions sont beaucoup moins simples qu’il n’y paraît. Cela prouve, en tout cas, qu’il nous faudra agir avec la plus grande vigilance et le plus grand discernement. »

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SOC) a rappelé la complexité du contexte politique syrien et a appelé la Russie et la France à jouer un rôle majeur, en liaison avec le Conseil de l’Europe :

« Je remercie M. Marcenaro pour ce rapport qu’il a porté avec toute sa foi. Comme l’a rappelé M. Pozzo di Borgo, la situation en Syrie, où la dictature débouche sur une tuerie effroyable, est très complexe. Le contexte est celui de ces printemps arabes qui ont soulevé la Tunisie, la Libye, l’Égypte, Bahreïn, le Maroc, ainsi que la Syrie. Cette éclosion de « printemps » n’est pas sans rappeler les révolutions qui ont touché l’Europe en 1848. Les conséquences n’ont pas été immédiates mais l’important est qu’à chaque fois la graine a été semée. Il faut parfois attendre longtemps avant l’éclosion des fleurs. La Révolution française de 1789 débouche sur une série d’impérialismes avant que la République ne s’installe en 1875 et que la laïcité ne soit mise en place en 1905.

La Syrie est une marqueterie de religions, d’ethnies, une société très complexe, à l’image d’autres pays de cette région – je pense à l’Afghanistan. Le résultat, ce sont ces 11 000 morts, pour un pays de 180 000 kilomètres carrés et de 21 millions d’habitants. Mille fois trop de morts à cause d’un régime dictatorial, dont le pouvoir, assurément, appartient à la famille Assad, mais qui repose sur un consensus minimal, dans le cadre de relations régionales complexes qu’on ne saurait ignorer car elles mettent en jeu l’Iran, l’Irak, le Liban et la Turquie. Quant à l’embargo adopté en 1978, il n’a pas servi à grand-chose : il révèle la vanité de certains des efforts déjà accomplis.

Si ceux qui se sont soulevés sont victimes de toutes les tortures, exactions et tueries possibles, leur mouvement, qui est disparate, ne comprend pas, loin de là, que des démocrates.

Les missions d’observation envoyées par la Ligue arabe ou l’ONU ont échoué. Le Conseil de l’Europe doit jouer son rôle en faisant pression. Il faut pacifier les esprits, notamment ceux des Russes, qu’il convient de rassurer pour qu’ils nous apportent leur aide. Ils se sont, en effet, sentis bernés dans l’affaire libyenne, qui a donné les résultats que l’on sait. Il faut ouvrir un nouveau processus politique. C’est par ce biais que la discussion pourra reprendre et que la situation pourra être peu à peu pacifiée.

La France, qui avait reçu un mandat sur ce pays après le premier conflit mondial, devrait jouer un rôle majeur pour éviter, avec toute l’Europe, d’autres conflits éventuels, notamment ceux qui risquent d’opposer demain Israël et l’Iran.

Enfin, chapeau à la Turquie qui accueille remarquablement les réfugiés syriens ! Toute l’Europe devrait prendre ce pays en exemple.

Tout en s’inquiétant de la pérennité du climat de tolérance religieuse dans une Syrie post al-Assad, M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a appelé la communauté internationale à renforcer les pressions sur le régime syrien :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, il a fallu plus d’un an au Conseil de sécurité des Nations Unies pour adopter une résolution condamnant la répression organisée par le régime en Syrie et prévoyant l’envoi d’observateurs. Plus d’un an pour surmonter le blocage de la Russie et de Chine, alors même que le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU avait, dès avril 2011, condamné avec la plus grande fermeté les agissements du régime syrien. Plus d’un an, alors que chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants mouraient, portant aujourd’hui à plus de 10 000 le triste bilan des victimes de la répression de Bachar Al-Assad. Plus d’un an pour tirer les conséquences du caractère irréparable de tels agissements.

En dépit de l’espoir suscité par l’adoption de cette résolution, puis de la suivante samedi dernier, la situation en Syrie ne semble guère s’améliorer. Damas continue de bafouer ses engagements et reste dans une logique de confrontation avec son peuple et la communauté internationale. Le cessez-le-feu n’a pas duré plus de 48 heures, avant que ne reprennent tristement les massacres.

Le secrétaire général des Nations Unies essaie de jouer la carte de la tempérance en appelant le régime syrien à une « retenue maximale », mais qu’est-ce que cela signifie ? S’agit-il de donner un blanc-seing à certaines exactions commises par Bachar Al-Assad afin d’éviter le chaos que pourrait entraîner son départ du pouvoir ? Certes, il convient de créer les conditions de l’établissement d’un dialogue politique entre le régime syrien et l’opposition, mais je crains qu’une simple « retenue » ne suffise guère. Il faut renforcer la pression sur le régime syrien, en utilisant notamment le biais des sanctions, qui ont un impact sur l’autorité syrienne.

Je souhaiterais, par ailleurs, exprimer l’une de mes inquiétudes quant à l’après-Bachar Al-Assad. Je suis très préoccupé de ce qu’il adviendra des minorités religieuses, en particulier, des chrétiens d’Orient. Jusqu’à présent, il faut bien avouer que les révolutions semblent plutôt avoir pour conséquence de faire disparaître les minorités religieuses de la région du Proche-Orient.

Avec le Liban, la Syrie faisait jusqu’ici partie des rares pays de cette région où Noël était fêté au même titre que les fêtes musulmanes. Elle compte aujourd’hui plus d’un million de chrétiens, de l’ordre de 5 à 7% de la population syrienne. On leur reproche aujourd’hui leur soutien inconditionnel au tyran sanguinaire. Mais, cette idée ne me semble pas refléter la réalité. J’en veux pour preuve qu’un certain nombre de chrétiens soutiennent les insurgés ou ont rejoint les partis d’opposition. En fin de compte, les chrétiens de Syrie sont, comme les autres Syriens, otages du régime actuel. La seule chose qu’ils défendent dans ce régime, c’est le concept de laïcité, c’est-à-dire le fait que la citoyenneté syrienne ne fasse aucun cas des appartenances religieuses. Ils craignent que la Syrie de demain ne protège plus les minorités religieuses comme elle l’a fait au cours des quarante dernières années. De fait, il faut bien avouer qu’il existe un risque que les chrétiens soient persécutés demain en Syrie, en raison de leur supposé soutien au régime de Bachar Al-Assad.

C’est pourquoi il faudra tout mettre en œuvre pour aider à la mise en place d’une démocratie parlementaire consensuelle, fondée sur le respect de la liberté religieuse. Cette solution, je veux y croire. »

M. Rudy Salles (Alpes-maritimes – NC) a attiré l’attention de l’Assemblée sur le risque d’embrasement de la région si la paix civile échoue à être rétablie en Syrie :

« Samedi, l’inculpation de plusieurs militants des droits de l’Homme, dont Mme Razan Ghazzawi, par un tribunal militaire constitue une nouvelle atteinte aux engagements internationaux de Damas. Rappelons en effet que le plan Annan prévoit explicitement la libération de tous les prisonniers politiques.

Lundi, le bombardement de Hama a ensanglanté le cessez-le-feu. Comme Lynn Pascoe, secrétaire général adjoint des Nations Unies, le déclarait en début de semaine : « Trop de vies ont été perdues, les violations des droits de l’Homme se poursuivent en toute impunité ».

La situation humanitaire se dégrade chaque jour : les réfugiés affluent en Jordanie, en Turquie, au Liban, fuyant les massacres. La réaction de Damas, qui consiste à bombarder les camps de réfugiés situés en Turquie, crée une situation dangereuse qui pourrait devenir très vite incontrôlable. La Turquie pourrait en arriver à demander l’intervention de l’OTAN.

Tout cela est inacceptable. Le régime joue avec le temps. Dans cette guerre d’usure, la Syrie est soutenue par des alliés puissants, même si le vote de la résolution 2042 du Conseil de sécurité et les récentes déclarations de M. Lavrov sur la nécessité de laisser travailler la mission des observateurs de l’Onu constituent un signe positif. Nous ne pouvons également que saluer la visite de délégations des diverses mouvances de l’opposition syrienne à la mi-avril, et aujourd’hui encore, à Moscou.

Le risque que cette crise syrienne affecte les États voisins est réel. La Syrie est un pays fragile et vulnérable, où la construction d’un véritable État-nation a échoué. Sa dislocation ou son implosion présenteraient un grand danger pour la région et même au-delà. Le régime le sait bien et joue de son rôle-clé dans l’Orient compliqué. Les liaisons dangereuses entre le régime, le Hezbollah libanais et l’Iran sont connues. L’antagonisme entre Sunnites et Chiites est au cœur de la politique iranienne de la majorité des pays arabes. Enfin, nous savons tous que, dans ce jeu de polarisation, Israël est menacé. La Ligue arabe se réunit aujourd’hui. Nous examinerons avec beaucoup d’intérêt sa position sur le régime syrien et les exactions qu’il commet.

Le plan Annan est notre dernière chance pour la paix. S’il échoue, il faudra prendre des décisions difficiles. Quelle sortie de crise sera alors possible si nous ne voulons pas être entraînés vers le pire ? Certains demandent d’armer l’opposition. Mais laquelle ? Les forces d’opposition sont divisées et les intérêts des diverses composantes de la mosaïque syrienne sont parfois contradictoires. Toute intervention militaire, sous quelque bannière que ce soit, risque non seulement d’embraser la sous-région, mais d’avoir des répercussions bien au-delà. Pour autant, un peuple se fait tuer devant nos yeux et nous avons le devoir d’agir. Non, nous ne devons pas tomber dans le piège de Damas !

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a affirmé l’impérieuse nécessité d’un déploiement rapide des observateurs de l’ONU, condition du succès de leur mission :

« Ce débat d’urgence sur la Syrie se déroule alors que, depuis le début de la semaine, la Syrie connaît à nouveau une poussée de violence. Le plan Annan, qui est notre dernier espoir de sauver la paix, n’est pas respecté par le régime. Ce plan est global et tous ses points sont indispensables pour que, à terme, une fois le cessez-le-feu réellement acquis, la Syrie puisse s’engager dans une transition politique vers la démocratie.

La résolution de l’ONU sur le déploiement de 300 observateurs constitue un premier pas positif. Le département responsable des casques bleus dit pouvoir déployer 30 hommes d’ici la fin de la semaine et une centaine dans un mois. Ce délai est beaucoup trop long : le temps est compté pour les populations civiles qui subissent chaque jour les bombardements.

La Syrie pose également des conditions et refuse la présence d’observateurs originaires de France, de Grande-Bretagne, de Turquie, ou d’Arabie saoudite, bref de tous les pays que le gouvernement syrien considère aujourd’hui comme des ennemis. C’est intolérable !

Non, Bachar Al-Assad n’a pas à poser ses conditions ! Oui, il doit quitter le pouvoir ! Son comportement inqualifiable vis-à-vis de sa population l’impose.

Alors que la situation humanitaire s’aggrave chaque jour et que le risque d’une crise régionale est de plus en plus réel, il faut que les bérets bleus puissent être déployés très rapidement et travailler sans entrave.

Le soutien de la Russie pour que la mission d’observateurs de l’ONU soit un succès est important. M. Lavrov a montré par ses récentes déclarations que la Russie tenait à l’application de la résolution qu’elle a votée.

Le soutien de toute notre Assemblée sera un geste fort, un message d’espoir envoyé au peuple syrien qui aspire à la liberté et à la démocratie. Sachons entendre son appel. Sachons assumer nos responsabilités et, pour ce faire, chers collègues, nous devons approuver l’excellent rapport présenté par notre rapporteur. »

La résolution adoptée par l’Assemblée prend note de l’émergence récente d’une position commune au sein de la communauté internationale et soutient le plan de paix présenté par M. Kofi Annan ; elle appelle les autorités syriennes et la communauté internationale à donner aux observateurs de l’ONU les moyens de contrôler le respect du cessez-le-feu. L’Assemblée affirme également le droit du peuple syrien à être libre de construire son propre avenir ; elle soutient les efforts déployés pour aider à la création d’une Syrie démocratique et pluraliste, respectueuse des droits de l’Homme et des droits des minorités ethniques, culturelles et religieuses. Elle appelle à renforcer le soutien humanitaire dû aux personnes blessées, réfugiées ou déplacées.

F. INTERVENTION DE M. ZLATKO LAGUMDžIJA, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE

Ministre des Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine de juillet 2001 à 2003, et parallèlement président du Conseil des Ministres de juillet 2001 à mars 2002, M. Zlatko Lagumdžija occupe à nouveau la tête du ministère des Affaires étrangères depuis janvier 2012. Il a été amené à s’exprimer devant l’Assemblée parlementaire à l’occasion du dixième anniversaire de l’adhésion de son pays au Conseil de l’Europe.

Dans son allocution, le ministre a évoqué les réformes entreprises depuis une décennie pour rapprocher son pays des critères définis par le Conseil de l’Europe et l’engager dans la « voie euroatlantique » qu’il a choisi de suivre. Les difficultés ont été nombreuses, au premier rang desquelles le manque de confiance et la peur : peur de soi, peur de l’autre, peur de voir resurgir les fauteurs de guerre…

Dans cette transformation, le Conseil de l’Europe a joué un rôle précieux, en apportant une assistance appréciée à l’approfondissement de la démocratie ainsi qu’en poussant à toujours mieux respecter les droits de l’Homme comme à assurer la prééminence du droit. Et si la Bosnie-Herzégovine fait encore l’objet d’une procédure de suivi, dix ans après son adhésion, les autorités du pays réaffirment solennellement leur volonté de respecter les 73 engagements souscrits à l’époque, a indiqué le ministre.

Celui-ci a également affirmé espérer que l’arrêt Sedjić et Finci rendu par la CEDH le 25 novembre 2009 serait mis en œuvre dans un délai raisonnable, tout en soulignant la longueur du chemin qui reste à parcourir.

M. Zlatko Lagumdžija a insisté sur la volonté du pays de tourner la page de la guerre et de construire un État auquel la jeunesse puisse s’identifier. La Bosnie-Herzégovine a vocation à se rapprocher de l’Europe et doit, pour ce faire, se hisser à la hauteur des valeurs européennes. La conclusion de l’accord de stabilisation et d’association ainsi que l’admission au sein du Partenariat pour la paix sont autant d’étapes sur la voie de l’adhésion, respectivement, à l’Union européenne et à l’OTAN. Alors qu’approche le centième anniversaire du déclenchement de la première guerre mondiale, la Bosnie-Herzégovine veut revenir à une société unie comme celle qu’elle a connue dans les siècles passés et montrer que la diversité et la démocratie ne sont pas incompatibles.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a souhaité savoir si la volonté manifestée par le ministre était partagée par les partis politiques et les entités constitutives du pays :

« Merci, monsieur le ministre, pour vos propos lucides et courageux. Mais pouvez-vous vraiment nous rassurer ? Pensez-vous qu’au sein des partis politiques et des entités, il existe une véritable volonté de réforme de la Constitution pour dépasser Dayton et créer une véritable nation ? »

Le ministre a fait montre d’un optimisme raisonné quant aux progrès envisageables en matière institutionnelle :

« Pas à pas, parce que nous ne pourrons pas franchir un ravin d’un bond, mieux vaut construire un pont. C’est ce que nous sommes en train d’essayer de faire. Malheureusement, il y a beaucoup de problèmes à régler. Comme je le disais dans les entretiens et lors des discussions que j’ai eues, nous devons corriger un certain nombre de problèmes inhérents à Dayton, mais il y faut la volonté politique. Or, à ce stade, pour vous parler franchement, en 2012, 2013 et 2014, nous aurons à utiliser une volonté politique qui existe aujourd’hui plus qu’avant, mais pas encore suffisamment. C’est mon avis personnel. Mais je vous donne rendez-vous en 2014. »

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a interrogé le ministre sur le calendrier selon lequel l’arrêt Sedjić et Finci pourrait être exécuté :

« Monsieur le ministre, le 25 novembre 2009, votre pays a été condamné par la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Sedjić-Finci au motif que les droits des citoyens non membres des trois principales communautés du pays n’étaient pas pleins et entiers. Deux ans et demi plus tard, cet arrêt n’a toujours pas été exécuté, laissant donc subsister deux catégories de citoyens et retardant dans le même temps l’intégration européenne de la Bosnie-Herzégovine.

Monsieur le ministre, votre gouvernement étant enfin entré en fonction, pouvez-vous nous présenter un calendrier précis en ce qui concerne l’exécution de cet arrêt ? »

Le ministre a exprimé l’espoir que tous les problèmes soulevés par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme puissent être réglés avant l’été 2012 :

« L’arrêt concerne deux éléments : la présidence et la chambre des représentants. Il ne couvre pas les éléments de la Constitution contraires à la Convention européenne des droits de l’Homme. Cet arrêt soulève certains problèmes, et il y en a bien d’autres qui nous attendent aussi.

Je pense que, dans le mois ou les deux mois à venir, un débat interne important devra être engagé pour voir comment aborder cet arrêt, avant qu’un nouvel arrêt n’intervienne. C’est ce que nous devrons faire pour créer une dynamique qui nous permettra de ne pas régler le seul problème de la chambre des représentants – sans parler de la présidence – mais d’essayer de régler tous les problèmes, et de les régler vraiment, avant la pause estivale.

Si l’été arrive sans que nous ayons réglé le problème, nous devrons attendre bien plus longtemps étant donné que les élections municipales doivent intervenir dans notre vie politique. Il y a donc un calendrier utile à respecter. Vous me demandez un calendrier : il est possible qu’à une échéance assez proche, nous répondions aux questions soulevées par cet arrêt.

Si j’étais venu il y a trois ou quatre mois, j’aurais été un peu moins optimiste. Je le suis un peu plus aujourd’hui. Cela ne veut pas dire que c’est l’optimisme seul qui vous fait gagner. Il faut faire tout ce qui est nécessaire pour gagner. »

G. LA SITUATION DES PERSONNES DÉPLACÉES DANS LE CAUCASE DU NORD ET RETOURNÉES DANS LA RÉGION

Sept ans après avoir conduit l’Assemblée à adopter une recommandation sur la situation des réfugiés et des personnes déplacées dans la Fédération de Russie et les autres pays de la CEI et une résolution sur la situation de la population tchétchène déplacée, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a décidé de porter à nouveau son regard sur les déplacements internes dans la région du Caucase du Nord. Malgré une certaine stabilisation depuis 2006, celle-ci reste une région dangereuse, marquée par des tensions très vives et de nombreux incidents.

Selon le rapport établi par la commission, les autorités de la Fédération de Russie ont déployé d’importants efforts pour aider les personnes déplacées de force dans le Caucase du Nord. Grâce à ces efforts, les conditions de vie d’un grand nombre d’entre elles ont été améliorées, mais elles sont encore nombreuses à ne pas jouir pleinement de leurs droits après, pour certaines, vingt ans de déplacement. Les difficultés d’accès à un logement décent, à un emploi, aux documents officiels, l’insécurité persistante, des mécanismes inefficaces d’indemnisation en cas de perte d’un bien et le choix restreint des lieux de résidence possibles demeurent des sources permanentes de préoccupation, avec pour conséquence, au fil du temps, une vulnérabilité accrue de certaines personnes déplacées.

Le rapport souligne aussi que la recherche de solutions durables est entravée par une corruption bien installée, par un manque de volonté politique de s’occuper des citoyens ordinaires et par une attitude trop souvent attentiste de l’administration locale, pour laquelle le gouvernement central est censé fournir toutes les solutions. En outre, les personnes déplacées ne sont pas assez suivies et il n’y a pas suffisamment de mesures ciblées à destination des plus vulnérables.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UC) a estimé qu’au-delà de la situation des réfugiés et personnes déplacées, le principal problème auquel sont confrontées les populations dans le Caucase du Nord est la violence, l’insécurité et les violations des droits de l’Homme :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, le rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, dont je salue la qualité, démontre clairement qu’il n’y a pas de fatalité dans cette région et qu’il est possible, dès lors qu’une réelle volonté politique se fait jour, d’améliorer la situation de personnes en grande précarité, quand bien même nous sommes loin d’un règlement de tous les problèmes. Et je voudrais dire un mot de celui de l’insécurité.

C’est finalement ce qui me frappe le plus à la lecture de ce rapport : la question de la sécurité des personnes déplacées et plus largement de la région n’y apparaît pas comme la principale priorité. Elle n’est en effet abordée qu’après un point sur la création d’emplois et la construction de logements sociaux – questions très importantes s’il en est – et un autre sur le renforcement de la supervision et de la transparence des dépenses budgétaires dans les républiques du Caucase du Nord. Mais nous ne pouvons continuer à jeter un voile pudique sur cette région de l’Europe où l’impunité continue à régner et où le mépris des valeurs que nous défendons est presque érigé en norme.

Pour reprendre le mot de Bismarck sur les Balkans, le Caucase produit peut-être plus d’Histoire qu’il n’en peut consommer. De l’extérieur, de telles divisions peuvent apparaître par trop complexes. Ce n’est pas pour autant que nous devons limiter l’intérêt de notre Assemblée pour cette région aux seules difficultés, certes dramatiques, des réfugiés et saluer ainsi « une approche de plus en plus pratique et réaliste de la normalisation des conditions de vie des personnes déplacées », pour reprendre les mots du rapporteur.

La violence demeure un phénomène récurent dans cette région, en dépit d’un retour du calme en Ingouchie ou en Tchétchénie. Les attaques contre les forces armées dans des lieux souvent symboliques affectent directement la population civile. La réponse des forces de sécurité ne contribue pas efficacement à aplanir ces difficultés. Détentions arbitraires, tortures et mauvais traitements, enlèvements ou punitions collectives plongent la région dans une réelle insécurité, fragilisant les efforts indéniables en faveur des civils loués par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

J’aurais aimé que le rapport présenté ce jour soit accompagné d’un autre document, venant de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, traçant un bilan des recommandations que notre Assemblée avait formulées voici deux ans afin de mieux encadrer la lutte contre le terrorisme engagée par Moscou dans la région, même si je reconnais que la tâche n’est pas facile.

Une réflexion sur la non-exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme concernant le Caucase du Nord mériterait également d’être lancée, tant l’impunité qui semble y régner ne favorise pas les comportements vertueux qu’appelle de ses vœux la présente proposition de résolution.

Tout en saluant le bon travail des rapporteurs – car un rapport ne peut mettre l’accent sur tous les aspects et mon propos n’est pas d’être critique mais d’apporter un complément –, je souhaite que le débat du jour ne soit qu’une première étape en vue de poser clairement les questions concernant à l’avenir de cette région. Nous parlons aujourd’hui du Caucase du Nord, il ne faudrait pas pour autant que notre Assemblée oublie d’autres conflits, plus au sud, toujours ignorés à ce jour, région où la situation des personnes déplacées internes mériterait notre attention. Je pense notamment à l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Je suis retourné en ce début d’année dans des camps de réfugiés ou dans des villages reconstitués et j’ai pu constater la situation dramatique qui existe dans ces pays et qui touche une part importante de la population. Il en va aussi de la crédibilité de notre Assemblée d’aller plus loin. Se focaliser sur un point, précis, si essentiel soit-il, risquerait de donner le sentiment que nous n’abordons pas les aspects plus généraux qui se posent dans cette région, lesquels sont tout à fait dramatiques et appellent aussi une réponse politique. »

La commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a, d’ailleurs, présenté un avis assorti d’amendements, qui complète l’analyse de la situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord dans une perspective juridique et de protection des droits de l’Homme.

La résolution adoptée par l’Assemblée appelle les autorités russes à renforcer les ressources allouées au règlement des problèmes auxquels sont confrontés les personnes déplacées dans le Caucase du Nord et à stabiliser la situation sécuritaire dans la région conformément aux normes internationales en matière de protection des droits de l’Homme. Des recommandations similaires sont adressées aux autorités des républiques de Tchétchénie, d’Ingouchie et d’Ossétie du Nord.

H. DÉBAT LIBRE

La réforme du Règlement entrée en vigueur au début de la session 2012 prévoit l’organisation d’un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n’est pas inscrit à l’ordre du jour.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) a dénoncé la situation faite au peuple kurde en Turquie :

« Devant le Conseil de l’Europe, sous une tente, des femmes et des hommes kurdes, dont plusieurs députés membres du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), ont mené une grève de la faim de 52 jours qui s’est terminée ce samedi 21 avril. Quatre de leurs camarades ont dû être hospitalisés.

Que voulaient ces hommes et ces femmes avec tant d’obstination ?

Ils demandaient simplement l’envoi d’une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture à l’île prison d’Imrali au large de la Turquie, où se trouve le détenu Abdullah Öcalan, dont ils sont sans nouvelles depuis juillet 2011. En isolement depuis plus de 11 ans, nous ne savons plus à ce jour quoi que ce soit sur sa situation, son état de santé, les conditions de sa détention. Cette violation des droits internationaux reconnus aux prisonniers politiques est inadmissible !

Nous savons que le peuple kurde subit depuis plusieurs années une répression dont le niveau de violence s’aggrave de jour en jour. Cette violence n’épargne personne. Ni les enfants condamnés comme agents ou complices de terrorisme ! Ni les femmes qui sont 2 000 dans ces prisons où se pratique la torture physique et sexuelle ! Büsra Ersanli, intellectuelle turque connue et reconnue, experte en droit constitutionnel, est toujours emprisonnée pour ses opinions politiques. Plus de 1 500 prisonniers politiques kurdes observent en ce moment même une grève de la faim dans les prisons turques, depuis le 15 février, pour exiger la libération d’Öcalan et de tous les prisonniers politiques. Ils espèrent aussi faire entendre, au-delà des murs de la prison, l’exigence du peuple kurde d’être reconnu dans son identité, ses droits politiques et culturels, sa liberté de parler dans sa langue maternelle.

Un nouveau rapport de l’IDH, l’association des droits de l’Homme en Turquie, relève que depuis 60 ans, 22 600 livres ont été interdits, selon le ministère de l’intérieur. Le rapport de l’association dénonce « l’institutionnalisation de l’État policier ». Ainsi, 11 994 personnes ont fait l’objet des procès en 2010 dans le cadre de la loi dite anti-terroriste. Ces chiffres ont été officialisés par le ministère de la justice.

Les atteintes à la liberté d’expression touchent tous les domaines. Des journaux et des revues saisis, des médias recevant des avertissements du conseil supérieur de l’audiovisuel turc : 383 avertissements contre 500 médias dont 480 chaînes TV et 20 radios ! Et rappelons que 91 journalistes, en majorité des kurdes, dont 18 rédacteurs en chef et directeurs sont actuellement en prison en Turquie.

Notre Assemblée, vigie des droits de l’Homme, ne peut rester indifférente à la situation qui est faite au peuple kurde, dans un pays membre engagé dans un dialogue post suivi. »

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. LA PROMOTION D’UNE CITOYENNETÉ ACTIVE EN EUROPE

Dans sa résolution 1746 (2010) « Démocratie en Europe : crise et perspectives », adoptée en juin 2010, l’Assemblée a pris acte de la crise de la démocratie représentative et de la nécessité de mettre en place des formes durables d’interaction entre les citoyens et les autorités, la démocratie devant être développée au-delà de la représentation.

La commission des questions politiques et de la démocratie a souhaité poursuivre la réflexion entreprise à cette occasion et a présenté un projet de résolution qui appelle à la promotion de la citoyenneté active et à un déploiement plus ambitieux de la « diplomatie des villes ». Ces initiatives permettent, en effet, d’insuffler un élan nouveau à la démocratie en renforçant son exercice à l’échelon local, à un niveau directement accessible aux citoyens.

Le rapport de la commission dresse un bilan détaillé des initiatives entreprises dans le cadre du Conseil de l’Europe et des discussions en cours pour améliorer la coordination des travaux des différents organes sur la démocratie locale et régionale, dans le cadre d’un Programme unique.

A cet égard, M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SOC) a souligné que les solutions sont très diverses pour renforcer la citoyenneté active, mais que l’on n’est encore qu’au tout début d’une véritable politique de promotion de cette citoyenneté :

« Mes chers collègues, si l’on promeut la citoyenneté active en Europe, c’est qu’elle connaît des faiblesses, qu’elle est en danger et que l’on démontre aisément que rien n’est acquis.

Je remercie M. Dundee de son rapport qui montre bien toute la diversité des solutions pour essayer de faire avancer cette citoyenneté : engagements associatifs, mobilisation humanitaire, services volontaires et toute les formes innovantes d’expression citoyenne. Mais il faut bien ajouter, malgré tout, que cela reste assez marginal, même si cela vient relayer dans une bonne mesure les modes de participation plus traditionnels. La démocratie ne serait-elle pas en danger parce qu’elle est trop acquise, parce qu’elle fait peut-être un peu trop partie de nous-mêmes ?

Si cette citoyenneté volontaire, instinctive, bénévole gagne en notoriété, c’est qu’elle ne sait pas mettre en valeur les initiatives humanitaires et solidaires des publics qui veulent l’exprimer. Pourtant, la promotion de cette citoyenneté est très inégale à l’échelle européenne et souvent anecdotique malgré la générosité des actions mises en œuvre par nos concitoyens.

On peut se demander quelle est la place de tout ceci dans l’Europe des marchés, l’Europe de l’argent, telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Si je prends l’exemple de ma ville – et nombre d’entre vous ont insisté, à juste titre, sur le rôle des villes –, je peux vous narrer l’engagement de mon conseil municipal des jeunes. Âgés de treize à seize ans, du jour au lendemain, ils ont voulu mener un certain nombre d’actions – comme d’habitude, des actions essentiellement humanitaires parce que vous savez que les jeunes sont très généreux. L’une d’entre elles notamment concernait le don du sang. Eh bien, dans cette ville où 300 personnes donnaient leur sang chaque année, elles sont aujourd’hui près de 2 000 à le faire, cela parce que des jeunes de treize à seize ans ont multiplié les actions. C’est vous dire que nous ne savons pas toujours quels peuvent être les différents viviers dans lesquels il y a à puiser.

Encore faut-il avoir aussi des moyens, car là où nous avons à promouvoir la citoyenneté, c’est toujours dans les milieux les plus difficiles, les plus faibles, les plus pauvres parce que c’est à partir de ces milieux que l’idée antidémocratique, l’idée anticitoyenne peut se développer. Nous en faisons aujourd’hui la triste expérience avec l’élection présidentielle française, en voyant certaines idées prendre le pas sur d’autres.

Toutes ces actions doivent se faire, mais à un niveau largement supérieur aux balbutiements actuels. Vous avez eu, Monsieur Dundee, le mérite de révéler ce que pourraient être les fils conducteurs pour la promotion de la citoyenneté active. Soyez-en remercié. »

Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin – UMP) a insisté sur la nécessité de cultiver l’intérêt des citoyens pour la chose publique, la citoyenneté étant ce qui transcende les différences au profit de l’universel :

« Je salue tout d’abord le rapporteur pour le travail qu’il a accompli. Le rapport fait un point très complet sur l’idée de citoyenneté active en Europe et sur les nombreuses actions entreprises par les différents organes du Conseil de l’Europe.

Il peut paraître paradoxal d’évoquer la citoyenneté active comme remède à une démocratie représentative diminuée et essoufflée, alors même que, dans plusieurs États membres, des élections majeures ont lieu ou vont avoir lieu. Je pense bien sûr à la France, mais aussi à la Serbie et à la Grèce. Pourtant, la « crise de la représentation » que notre Assemblée évoquait dans sa résolution 1746, adoptée en juin 2010, ne peut être niée.

L’abstention progresse lentement, inexorablement, pour la plupart des élections et dans la plupart des pays. Serions-nous donc lassés de ce droit de vote pour lequel nos aïeux – parfois même nos grands-parents ou nos parents – se sont battus ? Les idées extrémistes, souvent alimentées par la désillusion envers la politique, se répandent insidieusement dans le débat public. Serions-nous donc aveugles aux risques qu’elles représentent pour les droits de l’Homme et pour la démocratie, dont nous sommes ici les gardiens vigilants ?

Il nous faut donc trouver les moyens de cultiver et de renforcer l’intérêt des citoyens pour la chose publique. Il nous faut favoriser leur implication désintéressée dans la conduite des affaires communes. Les citoyens sont l’âme vivante de la démocratie ; c’est de leur action que celle-ci tire sa vigueur ; c’est grâce à leur dévouement qu’elle peut prospérer.

Peut-on alors cantonner l’exercice de la citoyenneté active aux seuls niveaux local et régional ? La question mérite d’être posée. Le rapport rappelle, à juste titre, l’apport du Traité de Lisbonne au développement de la participation citoyenne aux processus décisionnels de l’Union européenne, grâce à l’entrée en vigueur récente de l’« initiative citoyenne européenne ».

C’est une excellente évolution, mais il ne faut pas oublier la dimension première de la citoyenneté : celle qui fait d’elle le principe de la légitimité politique, dans le cadre de l’État. Le citoyen n’est pas seulement un sujet de droit, il est également le détenteur d’une part de la souveraineté. C’est la communauté des citoyens qui choisit les gouvernants, qui contrôle leur action, qui est la source du pouvoir et qui justifie que les décisions prises par les gouvernants soient exécutées.

Dans la construction de cet espace politique commun, la citoyenneté est avant tout ce qui transcende les particularismes et qui place tous les individus sur un pied d’égalité. C’est par la citoyenneté que nous échappons au destin déterminé par notre naissance ; c’est par la citoyenneté que nous ne sommes pas enfermés dans une culture orientée par nos appartenances sociales. Et qu’importe si l’abstraction de l’individu-citoyen a été contestée par Burke et, après lui, par les penseurs contre-révolutionnaires ! Elle doit quand même guider notre action.

Le risque existe, alors, que la citoyenneté active, entendue comme l’implication des citoyens dans la vie des communautés locales, ne conduise à un fractionnement de l’espace politique, où chaque groupe ou individu pourrait plaquer son propre système de valeurs, où la citoyenneté deviendrait à géométrie variable et où l’esprit public serait cloisonné entre les bornes que chacun se fixerait.

Faisons vivre en nos sociétés le sentiment de l’universel. C’est la meilleure garantie que nous puissions offrir à la démocratie. »

Lors de l’examen des amendements au projet de résolution, M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a formulé une objection à l’application de l’article 33-11 du Règlement à l’amendement n° 3. Cet article prévoit que « sur la proposition du président de la commission saisie pour rapport, et si aucun membre de l’Assemblée ne s’y oppose, les amendements qui ont été approuvés en commission à l’unanimité sont déclarés adoptés par l’Assemblée. »

L’amendement n° 3 tendait à insérer, après le paragraphe 7 du projet de résolution, un nouveau paragraphe ainsi rédigé :

« S’agissant de faire avancer la mise en place d’un agenda commun au sein du Conseil de l’Europe proprement dit, l’Assemblée suggère les cinq dispositions suivantes : l’application du rapport Chaves (conformément à la décision prise en 2011, à Kiev, par la Conférence des ministres européens chargés des collectivités locales et régionales) ; la définition annuelle de priorités ; l’efficacité transparence dans les activités ; la présentation annuelle de rapports aux citoyens ; et la mise en place de structures administratives qui favorisent la nouvelle approche. »

Dans la discussion qui s’est alors ouverte, M. Jean-Claude Frécon a pris la parole contre l’amendement :

« Je ne suis pas opposé au rapport, mais à la majeure partie de cet amendement qui, sur cinq dispositions, n’en comporte qu’une concernant au premier chef la promotion de la citoyenneté active, que j’approuve d’ailleurs entièrement : la présentation annuelle de rapports aux citoyens. Les autres n’ont pas été examinées et doivent être débattues dans le cadre d’un autre texte. Je propose donc que cet amendement soit repoussé. »

L’amendement a néanmoins été adopté.

La résolution adoptée par l’Assemblée invite les États membres à faciliter l’échange d’expérience entre les villes, à donner aux jeunes la possibilité d’intervenir dans les décisions les concernant, à réduire la dépendance à l’égard des services publics en renforçant les initiatives et le contrôle au niveau local. Pour sa part, l’Union européenne devrait concrétiser son ambition affichée de développer la participation citoyenne aux processus de décision européens.

B. LES VALEURS DU SPORT FACE AU RISQUE DE L’ARGENT

L’Assemblée a examiné, en discussion commune, deux rapports adoptés par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias et consacrés, l’un, à « la bonne gouvernance et l’éthique du sport », et l’autre, à « la nécessité de combattre le trucage de matchs ».

Le premier rapport part du constat que les intérêts économiques qui se sont emparés des pratiques sportives professionnelles ainsi que les enjeux de pouvoir qui traversent les structures d’organisation du sport mettent en danger la fonction sociale de celui-ci. Les atteintes à l’intégrité morale personnelle des sportifs ou collective des instances sportives vont à l’encontre des valeurs du sport et abîment son image. Le rapport évoque en détail trois dimensions de ce problème :

– la nécessité de respecter les valeurs du sport a conduit à tempérer certaines libertés habituellement reconnues aux sociétés commerciales. Cependant, l’explosion du montant des droits de retransmission télévisée, des transferts et rémunérations des sportifs professionnels et des contrats publicitaires bouleverse le contexte financier dans lequel évoluent les sportifs et les clubs et ouvre la porte à des dérives. Le fair-play doit être étendu à l’environnement financier du sport ;

– la protection des jeunes sportifs migrants est insuffisante : leur recrutement de plus en plus précoce pose des problèmes juridiques réels et peut nuire à leur développement personnel ; il peut également entraîner des abus (discrimination, « traite des footballeurs ») en raison de leur plus grande vulnérabilité ;

– l’autonomie du mouvement sportif ne peut pas être le prétexte d’une opacité de gestion et de gouvernance. La longévité des dirigeants de nombreuses fédérations sportives internationales et la multiplication des cas de corruption sont préoccupantes. La place éminente du football dans nos sociétés devrait en particulier conduire la FIFA à se montrer exemplaire.

Le rapport relatif à la lutte contre le trucage de matchs dénonce la dérive lucrative qui s’est emparée de certains sports et met en danger le modèle sportif européen. Avec l’essor des paris en ligne, les risques de corruption et de blanchiment d’argent se sont aggravés. Bien que difficile à apprécier précisément, ce phénomène est planétaire, ce qui plaide en faveur d’une coopération globale pour lutter contre la manipulation des résultats sportifs. Cette coopération devrait mettre l’accent sur l’information des sportifs et la prévention, le soutien public au mouvement sportif – qui doit être en première ligne des efforts –, la surveillance des paris sportifs dans le monde entier et l’amélioration de la diffusion des informations entre les parties concernées.

M. François Rochebloine (Loire – NC), rapporteur du texte, a souligné, dans son intervention, l’importance d’une meilleure régulation juridique des activités sportives, tant pour garantir les droits des jeunes sportifs migrants que pour préserver les valeurs du sport :

« Monsieur le Président, chers collègues, dans quelques semaines, nombre d’entre nous, comme des centaines de millions d’Européens, seront devant les écrans de télévision pour regarder les matchs de l’Euro 2012.

Peu après, nous serons quelques milliards à vibrer ensemble devant le grand spectacle offert par les meilleurs athlètes au monde réunis aux Jeux Olympiques de Londres.

Néanmoins, le sport est bien plus que du spectacle : c’est un phénomène sociétal à l’échelle universelle.

Il est un moyen de développer des capacités essentielles pour l’épanouissement de toute personne : engagement, force de caractère, exploration de ses propres limites, recherche active d’une amélioration personnelle…

Nous souhaitons qu’il soit aussi un puissant vecteur de valeurs, telles que la solidarité, l’esprit d’équipe, la loyauté, le respect des adversaires… Nous attendons à ce que le sport favorise la paix, l’amitié et le respect réciproque au sein de nos sociétés et entre les peuples.

Malheureusement, la réalité est parfois loin d’être aussi idyllique. Dans le monde sportif globalisé, nous avons assisté à l’irruption non maîtrisée des réflexes purement financiers : les enjeux sont colossaux et même la crise économique n’a pas réellement mis un frein à une tendance généralisée à la démesure.

Il suffit de songer aux sommes versées pour l’achat des droits de retransmission télévisée, aux rémunérations de certains sportifs de haut niveau ou aux contrats publicitaires.

Cette situation a amplifié le risque de dérives bien connues comme le dopage et les manipulations des résultats sportifs, dont notre chère collègue Anne Brasseur fait état dans son rapport. Mais d’autres dangers guettent, dont on parle moins.

Je citerai les clubs qui sont poussés à la faillite par la course à la surenchère et une compétition sportive qui devient inéquitable en raison d’une trop grande différence de moyens. Par ailleurs, les sportifs sont de plus en plus jeunes, des enfants étant même traités comme de la marchandise. Enfin, notons les prises d’intérêt et l’opacité dans les processus décisionnels au sein des instances sportives et l’instauration de véritables oligarchies qui s’approprient le pouvoir dans le monde sportif.

Notre conception positive, voire idéaliste du sport, se heurte ainsi à une réalité scabreuse et dérangeante que la médiatisation des scandales sportifs évoque hélas ! trop souvent.

Dans ce contexte, le football est sans doute en première ligne, mais il n’est pas le seul et les problèmes s’étendent progressivement à d’autres disciplines sportives. Le sport ne devient-il pas uniquement business et pouvoir ?

Notre Assemblée parlementaire doit encourager le processus de réforme que le monde du sport, notamment professionnel, a besoin d’engager si nous voulons qu’il reste porteur de valeurs éthiques, sociales et éducatives essentielles pour nos sociétés, en particulier pour notre jeunesse.

Tel est l’objectif que poursuivent les lignes directrices en annexe au projet de recommandation qui vous est soumis. Mais notre action ne sera efficace que si nous agissons ensemble, de manière effective, au niveau international, ou du moins européen.

Dans le monde sportif globalisé, aucune régulation unilatérale ne saurait produire les changements souhaités. Nos États doivent faire preuve d’une volonté commune et engager les réformes nécessaires d’un commun accord entre les divers acteurs : autorités publiques, fédérations sportives, opérateurs économiques, clubs et athlètes.

Je vois là aussi le rôle du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée : stimuler la réflexion et faciliter le dialogue entre les parties prenantes.

Dans ce cadre, les lignes d’action proposées visent à généraliser et à renforcer l’application du principe de fair-play pour prévenir les dérives financières ; à assurer une protection efficace aux jeunes sportifs et à promouvoir l’amélioration des mécanismes de gouvernance au sein des institutions sportives.

Sans entrer dans les détails, je souhaite mentionner quelques-unes de ces lignes d’action auxquelles j’attache une importance particulière.

Il nous faut accompagner l’adoption d’une loi sur le sport dans chaque pays européen, une loi régulant l’activité sportive dans son ensemble, afin de traiter les problèmes qui ne peuvent pas être résolus efficacement par l’autoréglementation sportive.

Toutes les législations nationales devraient inclure des dispositions détaillées visant la protection des jeunes sportifs, nationaux et migrants, et il conviendrait d’harmoniser, à l’échelon européen, la réglementation des agents sportifs.

Il me semble indispensable d’adopter des normes pour renforcer la transparence financière, limiter l’endettement des clubs et favoriser leur autofinancement ; il faut aussi des mécanismes de contrôle efficaces au niveau des fédérations nationales.

Enfin, il me semble nécessaire d’étendre à la gouvernance des fédérations sportives les principes démocratiques en vigueur pour les gouvernements de nos pays et d’assurer que des mécanismes efficaces soient en place afin qu’une sanction proportionnée à la gravité des faits soit prise dans tous les cas avérés de mauvaise gestion au sein des instances sportives.

A cet égard, la bonne gouvernance, à tous les échelons du mouvement olympique et sportif, est une condition nécessaire à l’éthique sportive. Elle en est la clé de voûte ! Nous devons donc œuvrer afin que les règles et mécanismes de gouvernance soient revus et améliorés.

Pour avoir confiance dans le sport, il faut pouvoir avoir confiance dans ses instances de direction, qui sont les premiers garants du système de valeurs, dont le sport doit être le vecteur. Il faut donc exiger une réelle transparence, et ce dans toutes les instances sportives !

Chers amis, j’en arrive à une question qui a suscité à la fois un grand d’intérêt et de vives réactions. Elle concerne l’appel que nous proposons d’adresser à la FIFA, et que nous souhaiterions désormais renforcer par le biais des propositions d’amendements présentées par la commission de la culture elle-même.

La FIFA a réagi au rapport adopté à l’unanimité en commission le 6 mars dernier par un communiqué de presse le lendemain. L’addendum que la commission a adopté le premier jour de cette partie de session, le 23 avril, répond aux observations formulées.

Par ailleurs, la FIFA vous a adressé, Monsieur le Président, un courrier, dont j’ai eu copie et qui a été distribué aux membres de la commission de la culture. Les doléances que cette lettre contenait, qui semblent mettre en cause le caractère objectif de notre rapport, sont dénuées de tout fondement. Et ce d’autant plus que j’avais fait savoir aux services de la FIFA qu’il était encore possible d’inviter M. Blatter, afin qu’il puisse dialoguer avec la commission.

La FIFA a invoqué à plusieurs reprises le principe de l’autonomie du mouvement sportif. Certes, nous y attachons la plus grande importance, car c’est ce principe qui protège le monde du sport d’ingérences politiques ou autres de la part des autorités publiques. Cependant, l’autonomie du mouvement sportif ne peut pas justifier l’inaction face aux atteintes à l’éthique du sport : cette autonomie ne saurait ni couvrir les cas de corruption ni faire obstacle à la lutte contre les malversations financières. Là, il n’est plus question « d’ingérences », mais du respect du principe de l’État de droit.

Ce qui étonne le plus, c’est l’obstination avec laquelle la FIFA proclame son impuissance à faire quoi que ce soit pour éclaircir le scandale des pots de vin dans l’affaire ISL/ISMM, que l’action courageuse du parquet de Zoug en Suisse a portée à la une.

Le cœur de l’addendum qui vous est soumis avec le rapport est constitué par les déclarations rendues par M. Hildbrand, procureur spécial du canton de Zoug, sur ce dossier, lors de son audition par la commission. J’en profite, en passant, pour remercier une nouvelle fois les autorités suisses de la collaboration qu’elles ont apportée une nouvelle fois.

Les déclarations de M. Hildbrand ne me laissent aucun doute : face à des faits d’une gravité exceptionnelle, les dirigeants de la FIFA et son président n’ont pas fait grand-chose pour que les coupables soient identifiés et sanctionnés et pour faire en sorte que la FIFA soit dédommagée du préjudice considérable qu’elle a subi. Au contraire, j’ai le sentiment qu’une sorte de « loi du silence » s’est mise en place.

Je n’en dirai pas plus, mais que les choses soient claires.

Garantes des valeurs européennes communes, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est pleinement dans son rôle lorsqu’elle demande à toute institution, y compris sportive, de contribuer, par tous les moyens à sa disposition, à faire pleinement la lumière sur des événements de corruption ou autres qui peuvent en ternir l’image.

Je suis un passionné du sport. Je suis à côté du monde du football et du sport en général et non contre eux. Je ne confonds pas la FIFA – que je souhaite exemplaire – avec l’un ou l’autre dirigeant peu scrupuleux.

La FIFA affirme s’être pleinement engagée dans des réformes visant à améliorer la gouvernance du football. Aussi, dans ce cas, les recommandations que notre Assemblée pourrait adresser à cette organisation ne feront que soutenir ses démarches.

Je tiens pour conclure à remercier très sincèrement M. Roberto Fasino, ici présent, et M. Mickaël Heidmann, présent dans le public, pour leur étroite collaboration à la réalisation de ce rapport. Je tenais à les en remercier du fond du cœur.

Tels sont, mes chers collègues, les propos que je souhaitais vous adresser. »

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a rappelé la compétence reconnue du Conseil de l’Europe en matière sportive, qui justifie qu’il joue un rôle éminent dans le dispositif global appelé de ses vœux par l’Assemblée :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, les deux rapports qui nous sont présentés aujourd’hui traduisent une profonde inquiétude quant à l’avenir de la pratique du sport professionnel en Europe. Les dérives sont connues : financiarisation excessive, violence dans les stades ou dopage. A ces cancers s’ajoute une nouvelle tumeur : le trucage des matchs.

L’apparition des sites de paris en ligne a eu notamment pour conséquence la recrudescence de ce type de pratiques. On a coutume de cibler le sport roi, mais toutes les disciplines sont concernées : cricket, handball, rugby, basket, tennis et même billard. Avec une antienne particulière : le montant des gains attendus est inversement proportionnel à la notoriété des athlètes impliqués ou au niveau des matchs visés.

La corruption est devenu un filon non dédaignable pour des clubs en mal de trésorerie dans le contexte d’inflation délirante que connaît le sport professionnel. Il y a même fort à craindre selon les experts que le crime organisé apporte une véritable compétence technique en vue de « professionnaliser », passez-moi l’expression, ce type de pratique. Il n’existe pas aujourd’hui une mafia du sport, mais des mafias qui s’intéressent au sport, pour reprendre la formule d’un des coauteurs du Livre blanc sur le sujet publié en début d’année par l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Ces réseaux recruteraient ainsi en Amérique du Sud de jeunes footballeurs dès l’adolescence, lesquels une fois transférés en Europe, répondront aux volontés de leurs « parrains » sur telle ou telle partie.

Le trucage peut également éviter de passer par les athlètes eux-mêmes. Les techniciens d’un stade anglais avaient ainsi été incités à déclencher une panne de projecteurs conduisant à l’arrêt d’un match. Les sites de paris en ligne considèrent en effet qu’en cas d’interruption, le score au moment de l’arrêt est considéré comme le résultat final.

L’interdiction des paris n’est pas pour autant une piste crédible. Rappelons qu’aux États-Unis, où 49 États interdisent cette pratique, des affaires de matchs truqués affectent tout de même les championnats universitaires.

Quelle position adopter dès lors face à ce phénomène clandestin et international ? Rappelons qu’un match au fin fond de l’Europe centrale peut servir les intérêts de parieurs thaïlandais.

Les propositions de nos collègues Anne Brasseur et François Rochebloine vont dans le bon sens. Nous disposons au sein du Conseil de l’Europe d’une véritable compétence en matière sportive, qu’il s’agisse de la lutte contre le dopage ou de l’éradication de la violence dans les stades. Une convention sur le thème des matchs truqués serait un pas en avant indéniable.

Nous devons également nous joindre aux travaux actuellement menés par l’Union européenne en vue de rapprocher les autorités de régulation en matière de jeux en ligne et les faire coopérer. Là encore je pense que nous serons plus forts à 47 qu’à 27.

Le Conseil de l’Europe est en tout état de cause dans son rôle lorsqu’il se saisit des problématiques afférentes au sport, tant les dérives relevées plus haut affectent directement les droits élémentaires des athlètes. Nous aurions tort de traiter avec le sourire ces sujets. »

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a dénoncé l’influence délétère de l’argent, qui fait passer au second plan la dimension sportive des compétitions professionnelles :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la question de l’éthique dans le sport posée par notre excellent collègue François Rochebloine n’est pas anodine alors que les valeurs fondamentales du sport sont de plus en plus altérées par une pratique professionnelle répondant quasi uniquement à des motivations professionnelles. Les principes de l’olympisme ont du mal à coexister avec ceux du spectacle ou de la logique marchande.

Je félicite Anne Brasseur pour son rapport sur le trucage des matchs.

Où est le football dès lors que les observateurs se focalisent sur le montant des salaires alignés dans une équipe ou ceux des transferts ? Où est la noble incertitude du sport dès lors que seul un petit nombre de clubs dépensent sans retenue pour recruter les meilleurs joueurs pour le terrain et le banc, limitant ainsi toute concurrence ?

Au-delà même de l’enjeu sportif, un club ne semble devenir grand que s’il aligne des dizaines de millions d’euros sur des joueurs. Peu importe d’ailleurs le rapport qualité/prix. Le prix du joueur détermine plus aujourd’hui la puissance financière du club acheteur que du joueur en tant que tel. Le mercato ressemble plus à un concours de muscles entre géants européens qu’à un cadre de transactions raisonnables entre clubs.

Certains me diront que l’essentiel est de faire rêver le supporter, que de telles manifestations de puissance servent à nourrir la passion. Je suis sceptique.

Les idoles supposées apparaissent comme des mercenaires multimillionnaires et leur attachement à leur équipe est d’ailleurs remis en cause tous les six mois en cas d’offre supérieure d’un autre club.

Dans le même temps, si la modernisation des stades est nécessaire, elle va de pair avec une augmentation des tarifs qui écarte tout ou partie d’un public populaire. Le lien finit par se distendre entre supporters et équipes.

Par ailleurs, peut-on écarter le risque de lassitude lorsqu’on voit sempiternellement les mêmes clubs en haut de l’affiche ?

Il va de soi qu’un retour à l’amateurisme n’est pas non plus un gage. J’admets qu’une manifestation sportive recèle une part de spectacle. Il s’agit simplement de rester dans la limite du raisonnable. Il est nécessaire de retrouver l’esprit du sport et ses valeurs.

Comme l’orateur précédent l’a dit, notre Conseil de l’Europe à 47 est approprié pour faire émerger un consensus sur ce nouveau visage du sport, à la fois professionnel et passionnant. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a estimé que le modèle sportif américain ne devait pas être rejeté en bloc :

« Le Traité de Lisbonne a reconnu, au sein de l’Union européenne, la spécificité du sport. Celle-ci repose sur plusieurs principes qui la différencient du modèle américain : organisation pyramidale, gouvernance déléguée aux fédérations et système de promotion/rétrogradation au sein des championnats. Ce dernier point vise à préserver l’aléa sportif qui fait l’intérêt des compétitions.

Le modèle américain, ces championnats fermés dans lesquels les clubs sont des marques, tente, lui, de combiner deux logiques, celle du sport et celle du spectacle, en limitant l’incertitude afin de garantir au spectateur-consommateur de pouvoir assister d’année en année aux prestations, fussent-elles moyennes, de son équipe préférée. Passé ce constat sur la valeur sportive des compétitions américaines, il convient de s’interroger sur les atouts du modèle américain. Il me semble en effet nécessaire de ne pas céder, dans ce domaine, à une vision trop manichéenne.

Le rapport de notre collègue François Rochebloine souligne avec justesse la dérive commerciale et financière du sport en Europe, observée notamment dans le monde du football professionnel. L’endettement des grands clubs européens ou les montants astronomiques de certains transferts, plus qu’indécents en cette période de crise, ont déjà été évoqués.

De tels excès me semblent de surcroît contradictoires avec la volonté européenne de préserver l’aléa sportif, notamment dans les compétitions européennes. Trois des clubs présents dans le dernier carré de la Ligue des Champions de football sont les plus endettés d’Europe. Où est l’équité sportive, si un club peut dépenser à fonds perdus et recruter ainsi les meilleurs joueurs ? De telles manœuvres engendrent en outre un phénomène d’inflation qui fragilise l’ensemble du secteur.

Force est de constater que ce type de dérèglements n’existe pas aux États-Unis, dans un pays souvent considéré comme le plus libéral au monde. L’encadrement de la masse salariale, le système de draft ou l’absence d’indemnités de transferts permettent de respecter en quelque sorte un aléa sportif et limite la domination excessive de quelques clubs, mieux argentés ou disposant de facilités financières dont ne disposent pas les autres.

Il ne s’agit pas pour moi de défendre le modèle américain, tant, je le répète, la conception spectaculaire qui le sous-tend finit par limiter l’intérêt pour la compétition. Il existe cependant des dispositifs qu’il conviendrait peut-être d’européaniser.

J’attends à ce titre beaucoup du fair-play financier qui sera prochainement mis en œuvre par l’UEFA. Je ne peux néanmoins masquer mes craintes sur la survie de ce principe devant les tribunaux.

L’échec éventuel de cette politique ferait de la conception du sport en Europe une véritable coquille vide. »

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SRC) s’est élevé contre les inégalités financières entre le football et les autres sports, comme au sein même du monde du football, qui font le lit de dérives portant atteinte aux droits de l’Homme :

« Madame la Présidente, mes chers collègues, l’actualité sportive, et notamment celle du football, puisque c’est sur ce sport en particulier que notre rapporteur a travaillé, nous rappelle les écarts financiers qui peuvent se manifester dans les compétitions qui gravitent autour du ballon rond. Je partage naturellement les conclusions de mon ami et collègue François Rochebloine.

La Coupe de France livre un spectacle enthousiasmant avec des petits clubs comme celui de Quevilly, évoluant en national, qui jouera la finale contre Lyon, énorme club de Ligue 1 dont le budget est l’un des plus gros des clubs français. Et ces matchs, faisant en quelque sorte appel à la légende de David contre Goliath, laissent souvent l’impression que la beauté du jeu réside bien plus dans les pieds du petit David que de l’imposant Goliath…

Bonne gouvernance et éthique sont deux principes dont on espère qu’ils puissent limiter les dérives liées à la surenchère financière dans un sport qui draine des capitaux étrangers très importants, mais aussi protéger des joueurs et les futurs jeunes vedettes de ce sport que les filières migratoires échangent comme une vulgaire marchandise plus que comme des êtres humains. Voyez les jeunes Sénégalais ou Guinéens.

Il est absolument indispensable de se conformer au droit, à la législation, aux traités et conventions qui régissent nos sociétés à l’échelle européenne (je pense ici aux droits de l’Homme en général qui s’appliquent aux sportifs comme aux autres), tout comme il est de la responsabilité des instances sportives, et de la FIFA en particulier, de faire respecter ces règles de droit, de justice, d’équité et de sérénité financière – ce qu’elle ne fait pas – au sein même de la sphère qu’elle régit.

Il en va du devenir du sport le plus populaire au monde et de la réputation de ce dernier auprès des jeunes générations, qui voient dans le football une terre promise, sans en redouter les écueils.

Reste que le milieu sportif, et en particulier le football, cristallise des inégalités de rémunération ahurissantes – elles vont de rien à des millions d’euros – dont on pourrait longtemps débattre sans parvenir à s’arrêter sur un niveau salarial qui paraîtrait décent aux professionnels comme aux spectateurs, qui ne pourront jamais toucher du doigt de tels salaires.

Un des débats est donc de savoir si la fulgurance des carrières des footballeurs vaut bel et bien d’être rémunérée à des niveaux aussi scandaleux. Les moyens gigantesques du football devraient être mieux répartis dans le milieu du football, mais aussi des autres sports. Gardons à l’esprit que dans bien d’autres sports, de moindre notoriété peut-être, comme l’athlétisme, l’aviron, la marche, etc., les professionnels ne vivent pas plus largement de leur sport que tout ouvrier, fonctionnaire ou salarié de nos pays, mais c’est vrai qu’ils font moins rêver ! »

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a relevé l’écart croissant entre le sport professionnel, sujet à des dérives, et le sport amateur, qui apparaît aujourd’hui comme le réceptacle fragile des valeurs et de l’éthique du sport :

« Bravo, Madame et Monsieur les rapporteurs ! Pénalty réussi !

En cette année olympique, la question de la bonne gouvernance et de l’éthique du sport revêt une importance toute particulière.

Pierre de Coubertin définissait ainsi l’esprit sportif : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre ». Mais aujourd’hui, l’irruption d’une manne financière dans le sport, la médiatisation de certains événements sportifs ont entraîné des dérives. Vaincre à tout prix, à n’importe quel prix !

L’écart entre le sport amateur et le sport professionnel s’est accentué, en particulier sur ces questions de gouvernance et, osons le dire, d’argent ! Comment nos concitoyens qui subissent chaque jour la crise peuvent-ils comprendre les salaires de certains sportifs ? Comment ne pas s’émouvoir quand on voit le prix de certaines places pour assister à un match, inaccessibles aux familles modestes ? Comment parler d’éthique alors que, même aux Jeux olympiques, les gagnants ont droit à des primes individuelles ?

Certains ont pu penser que le lien entre sport amateur et sport professionnel existait à travers les prétendus modèles que seraient les stars du sport. Mais de quels modèles parle-t-on ? ceux qui exhibent leur niveau de vie indécent ? ceux qui se dopent, faisant de leur victoire fêtée par la Nation une honte ? ceux qui trichent lors des matchs, complices de criminels cherchant à financer leurs activités illégales ?

Non, un grand sportif, c’est celui qui va jusqu’au bout de son effort, qui est humble, qui sait reconnaître ses défaites et fêter sa victoire sans arrogance.

Pourtant, la pratique sportive, notamment au sein d’une association, est déterminante pour la préservation du lien social. Le sport est un vecteur formidable de partage et de transmission des valeurs.

Des hommes et des femmes jouent un rôle exceptionnel pour que le sport amateur, associatif, échappe aux dérives du sport professionnel : il s’agit des bénévoles. En France, par exemple, 2,5 millions de bénévoles font le relais, notamment auprès des jeunes dans 175 000 associations sportives. Ils représentent 29% du bénévolat français.

Dans nos quartiers en difficulté, auprès de populations fragiles, le terme de « service public du sport » prend toute son importance. Pour ces enfants qui ne partent que peu en vacances, pour ces jeunes sans repères, pour ces mères isolées, les associations sportives constituent une ouverture au monde et un apprentissage de la citoyenneté.

C’est cette pratique associative qui porte les valeurs et l’éthique du sport. C’est cette pratique du sport que nous devons défendre face au sport spectacle pour que l’éthique de Pierre de Coubertin ne disparaisse pas. »

Au cours de la discussion générale, M. Maximilian Reimann (Suisse – ADLE) a estimé que M. François Rochebloine, rapporteur sur la bonne gouvernance et l’éthique du sport, avait retenu une approche excessivement critique de la situation à la FIFA. Il s’est demandé si l’enquête effectuée sur ce sujet par le rapporteur répondait à la vocation du Conseil de l’Europe et s’est déclaré sceptique quant à la capacité des sanctions pénales à régler les problèmes soulevés dans le rapport.

M. François Rochebloine a consacré l’essentiel de sa réponse aux orateurs à apporter à M. Reimann des précisions complémentaires :

« Je remercie les différents orateurs. Je souscris à leurs interventions, hormis celle de M. Reimann.

Je partage en particulier les propos de Mme Ohlsson concernant le « fair-play financier », le besoin de légiférer au plan national et de former les dirigeants sportifs.

Il est vrai, Monsieur Hancock, qu’il existe une responsabilité des clubs vis-à-vis des supporteurs. Mais ces derniers ont également des responsabilités vis-à-vis de leur club : ils doivent le respecter ce qui malheureusement n’est pas toujours le cas. On connaît les phénomènes de violence.

J’indique à M. Loukaides qu’il ne faut pas opposer le sport professionnel et le sport amateur, car l’on a besoin des deux. D’ailleurs, le sport amateur n’est pas toujours exemplaire. On l’a vu par exemple au lendemain d’une réussite en Coupe de France, où un club risque d’exploser parce que les joueurs exigent alors des indemnités surréalistes.

M. Reimann affirme qu’il est critique envers la FIFA quand il le faut. C’est ce que nous avons fait. Il ne m’a peut être pas bien entendu lorsque j’ai déclaré que dans ce contexte, le football était sans doute en première ligne mais qu’il n’était pas le seul et que les problèmes s’étendaient progressivement à toutes les disciplines sportives.

Dans le rapport, il est écrit : « Le 29 juin 2011, une proposition sur « Plus de transparence et de bonne gouvernance à la FIFA » a été présentée par M. Pieter Omtzigt et plusieurs autres collègues. L’assemblée l’a renvoyée le 3 octobre 2011 à la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias afin qu’elle en tienne compte dans la préparation du présent rapport. » C’est ce que j’ai fait. C’est dans ce cadre que nous avons entendu M. Jennings. C’est une réponse à une demande qui nous a été faite.

J’indique par ailleurs à M. Reimann qu’au chapitre « Gouvernance, transparence et lutte contre la corruption et les prises d’intérêts au sein des instances sportives », il n’est pas fait mention de la FIFA, non pas qu’elle ne soit pas concernée, mais parce qu’elle ne l’est pas plus que les autres.

Encore une fois, je remercie ceux qui ont souscrit aux propositions que j’ai faites au nom de la commission. »

L’Assemblée a adopté une résolution définissant des « Lignes directrices sur la bonne gouvernance et l’éthique du sport » et demandant aux États membres du Conseil de l’Europe de soutenir les travaux de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) du Conseil de l’Europe.

Elle a également adopté une résolution demandant aux États membres de renforcer leurs efforts pour lutter contre le trucage des matchs ; la même résolution appelle les fédérations sportives internationales et nationales à se doter d’un code d’éthique, à sensibiliser et former les sportifs (notamment les jeunes) et à développer les moyens et le cadre juridique du contrôle de la régularité des matchs ; la résolution énonce enfin plusieurs recommandations aux opérateurs de paris sportifs afin de les faire participer à ces actions communes.

L’Assemblée a aussi adopté une recommandation invitant notamment le Comité des Ministres à appuyer les travaux des membres de l’APES visant à élaborer une convention sur le trucage des matchs.

C. LA PROTECTION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’INFORMATION SUR L’INTERNET ET LES MÉDIAS EN LIGNE

La place prise par le réseau internet et les médias en ligne dans l’accès à l’information et dans l’expression des opinions a amené la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias à s’intéresser à la protection de la liberté d’expression et d’information sur les services de médias fondés sur ces techniques. Le rapport adopté par la commission traite plus particulièrement des risques que peuvent faire peser sur ces droits fondamentaux les décisions des acteurs et entités privés (producteurs de logiciels, fournisseurs d’accès à internet, fournisseurs de services en ligne, hébergeurs de contenus, etc.), dans le cadre de l’exploitation commerciale de services médiatiques informatiques.

Confrontées à des pressions politiques ou économiques, ces entités peuvent en effet adopter des pratiques peu transparentes quant à l’accès des individus à l’internet ou à l’orientation de leurs choix ; c’est le fonctionnement des moteurs de recherche, des sites d’information et des médias sociaux qui est ainsi mis en cause. Le risque est d’autant plus grand que les fournisseurs de services sur médias informatiques exercent une emprise importante sur le marché, voire y ont une position dominante.

La protection des droits des internautes est d’autant plus fragile qu’en raison de la nature même du réseau internet, il est souvent difficile de localiser précisément les acteurs susceptibles d’avoir imposé des restrictions à la liberté d’information et d’expression des individus. Il en résulte des incertitudes quant à la détermination de la juridiction compétente et de la loi applicable, ce qui crée une insécurité juridique certaine.

La commission a présenté un addendum au rapport initial afin d’évoquer plus spécifiquement les problèmes nés autour de l’Accord commercial anti-contrefaçon, signé par huit États en octobre 2011 et par 22 États membres de l’Union européenne en janvier 2012. En prévoyant que les fournisseurs de services en ligne pourraient être obligés de divulguer des informations permettant d’identifier un abonné dont il serait allégué que le compte a été utilisé pour porter atteinte aux droits d’auteur, l’article 27.4 de cet accord a, en effet, suscité des craintes qu’une atteinte excessive soit portée aux principes du respect de la vie privée et de la protection des données.

Dans la résolution qu’elle a adoptée, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe à garantir le respect des droits fondamentaux que sont la liberté d’information et d’expression ; elle appelle également les fournisseurs de services médiatiques à faire preuve de transparence quant à la mise en place de toute mesure pouvant avoir des répercussions sur ces droits et à définir et appliquer des codes de conduite autorégulés en vue de respecter les droits des usagers.

Sur ce dernier point, M. Jean-Paul Lecoq (Seine-maritime – GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a appelé le « citoyen numérique » à se mobiliser pour être partie prenante à une régulation démocratique et ouverte de l’espace numérique :

« La Gauche unitaire européenne salue le travail réalisé dans le cadre de ce rapport.

Je souhaiterais revenir sur la question des codes de conduite. Internet constitue aujourd’hui une véritable agora mondiale où chacun, journaliste professionnel comme simple citoyen, peut produire et diffuser des informations. Puissant outil de communication, Internet peut également devenir un redoutable outil de désinformation !

Si la plupart des professionnels ont pris conscience de la nécessité de préserver la pertinence et la qualité de l’information, même sur la Toile, aujourd’hui, certains semblent confondre devoir d’information et vertige de la communication. Sur internet, le scoop prime trop souvent la vérification ; le temps de la réflexion est raccourci, voire réduit à néant ; l’instantanéité devient la vertu cardinale, au détriment de la qualité de l’analyse.

Ne faut-il pas rappeler que le premier devoir du journaliste est, comme le précise la Charte de Munich, de « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité » ? Ne faut-il pas aussi rappeler qu’il existe une mission d’information qui ne saurait être confondue avec la communication ?

Certes, si une charte déontologique, qui pourrait s’inspirer de la Charte de Munich, est envisageable pour les journalistes et autres professionnels de l’information, il faut réfléchir à des solutions pour tous les autres internautes, afin, à la fois, d’éviter les dérives qui apparaissent sur le réseau et de faire du web un « espace de civilité ».

Au printemps 2011, nous avons tous pu mesurer la contribution de la blogosphère et des réseaux sociaux dans le succès des révolutions arabes. Mais lorsque un tel pouvoir se retourne contre d’autres citoyens et qu’il touche à leur vie personnelle, comment intervenir ? La difficulté est multiple.

Bien souvent, les auteurs de ces attaques personnelles se cachent derrière l’anonymat d’un pseudonyme. Certes, il existe aujourd’hui des moyens techniques, comme l’adresse IP de l’ordinateur pour identifier l’internaute. Mais l’équilibre est fragile entre la nécessité de prévenir les dérives et la protection des données personnelles et donc de la vie privée de tout citoyen, d’autant que, sur internet, toute tentative de contrôle est perçue comme une atteinte à la liberté d’expression, même s’il s’agit de protéger des personnes.

Je ne reviens pas sur les questions d’utilisation criminelle ou délinquante. La régulation des acteurs publics ou l’autorégulation des acteurs privés n’est pas la solution. La concertation avec l’utilisateur, la société civile, est nécessaire pour définir le droit et les devoirs qui devront s’appliquer aussi sur la Toile.

C’est au “citoyen numérique”, en usant de son éducation, de sa raison et de sa liberté, de faire d’internet un lieu où les droits de chacun seront respectés, à condition toutefois de créer, dans nos États des espaces, peut-être numériques, où il pourra s’exprimer. »

L’Assemblée a également adopté une recommandation à l’attention du Comité des Ministres.

D. POUR UNE POLITIQUE APPROPRIÉE EN MATIÈRE DE PARADIS FISCAUX

Depuis plusieurs années, la lutte contre les paradis fiscaux a été érigée comme priorité de la coopération économique internationale. Dans un contexte de grave crise économique et financière, les pertes de recettes fiscales apparaissent aux États plus difficilement supportables ; l’« argent sale » trouve dans les paradis fiscaux des havres sûrs où peuvent être mises en œuvre des stratégies de blanchiment qui bénéficient aux institutions du crime organisé ; l’absence de transparence financière favorise la réalisation de transactions mal connues par des intermédiaire mal surveillés, qui peuvent, par leur ampleur, mettre en péril la stabilité financière internationale. Un environnement réglementaire délibérément laxiste permet l’apparition de tensions et de déséquilibres nuisibles à la prospérité mondiale.

Le rapport élaboré par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable part du principe que, en mettant à profit l’élan dû à la crise économique et financière planétaire, l’Europe devrait montrer l’exemple et être chef de file pour lutter activement contre le secret bancaire, les pratiques fiscales prédatrices, la concurrence fiscale dommageable et le dumping réglementaire, non seulement sur son territoire, mais également auprès de ses partenaires commerciaux dans le reste du monde.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UC) a insisté sur la nécessité, pour l’Europe, de s’unir contre le fléau de l’évasion fiscale :

« Les données du dossier sont impressionnantes. Une cinquantaine de pays se sont spécialisés dans le monde dans la défiscalisation partielle ou totale des revenus de capitaux. On estime ainsi à plus de 12 000 milliards de dollars le montant des placements dans ces paradis fiscaux, 55% du commerce international et 35% des flux financiers. Bref, nous ne sommes plus à la marge mais sur un rouage essentiel de l’économie mondialisée.

Ce phénomène n’est pas sans effet pervers sur nos démocraties. La concurrence fiscale qu’elle génère a conduit à une baisse continue de l’imposition des revenus du capital : celle visant les bénéfices des grandes sociétés européennes, qui était encore en moyenne de 44% en 1980 tourne autour de 30% aujourd’hui. La baisse des recettes pour les États se fait souvent au détriment d’investissements fondamentaux et conduit à renforcer le recours à l’endettement.

Au-delà même de la question purement fiscale, ces territoires offrent également une réglementation non contraignante en matière sociale. On estime ainsi que plus de 60% du tonnage en trafic maritime international est sous pavillon de complaisance, contre 25% il y a vingt ans. C’est spectaculaire. Les réponses financières aux catastrophes en matière maritime sont pourtant le plus souvent supportées par nos États, et donc le contribuable.

Rappelons en outre que les paradis fiscaux ont érigé le secret bancaire en norme absolue. Cette opacité assumée favorise des comportements plus graves, tels que le blanchiment d’argent, corruption ou financement d’opérations criminelles.

Il convient donc que l’Europe apparaisse unie face à ces menaces financières. Depuis trois ans, nous avons dans le cadre de l’OCDE connu des avancées substantielles sur cette question, avec l’apparition des listes noire, grise foncé et grise, mais aussi, il faut le dire, des marqueurs de progrès réels, chers amis monégasques, suisses ou luxembourgeois.

Les programmes de renforcement au sein de l’Union européenne des mécanismes de surveillance budgétaire, qui sont aujourd’hui la norme, ne sauraient être efficaces si de véritables mesures destinées à lutter réellement contre l’évasion fiscale ne sont pas adoptées dans le même temps. La présence des deux tiers des hedge funds dans ces paradis fiscaux n’est pas non plus sans susciter d’interrogations. Le combat contre la spéculation, indispensable pour permettre à la zone euro de recouvrer une stabilité durable, passe, on le sait, par un encadrement des activités de ces fonds. C’est une piste de travail à creuser : il faut contraindre ces territoires à mieux surveiller leurs activités. C’est aussi une priorité.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait là un travail utile et important, même s’il suscite des points de débats. Cet intéressant débat auquel chacun apporte sa part de vérité contribuera à faire encore bouger les lignes. Nous en avons encore besoin. Malgré les efforts qui ont déjà été accomplis, beaucoup reste à faire. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SOC) a souligné combien la lutte contre l’évasion fiscale est essentielle pour préserver la cohésion sociale :

« Chers collègues, alors que la crise financière pèse sur tous nos concitoyens, les centres financiers offshore posent un vrai problème démocratique, car lutter contre l’évasion fiscale permettra de trouver des moyens supplémentaires pour financer des politiques publiques de qualité. Celles-ci sont indispensables au maintien de la cohésion sociale dans tous nos pays.

Quatre pistes que vous évoquez dans votre rapport retiennent particulièrement mon attention.

Premièrement, je citerai la nécessité de mettre fin à l’évitement fiscal en ce qui concerne l’impôt sur les bénéfices des sociétés. En effet, ces montages fiscaux, ces « forteresses » que vous citez dans votre rapport doivent être attaquées. Il n’est pas acceptable qu’une petite entreprise familiale, parce que tous ses actifs sont localisés dans un seul pays, soit taxée alors qu’une multinationale peut jouer de ses filiales pour se dispenser de participer à l’effort national.

Deuxièmement, je suis d’accord avec l’importance qu’il y a à distinguer les États prêts à coopérer et conscients du risque que leurs législations spécifiques font peser sur la gouvernance démocratique et les États qui sont prêts à accueillir tous les fonds, même les plus douteux.

Troisièmement, la mise en œuvre d’une obligation effective d’échange d’informations ainsi que le prévoit la directive européenne 2011/16/UE à partir de 2015 me paraît effectivement indispensable. Sans cette transparence, il sera impossible de garantir une supervision efficace du système financier offshore et des paradis fiscaux.

Enfin, je citerai le renforcement de la coopération internationale, au niveau européen et du G20 bien sûr mais aussi bien au-delà, car, comme vous le soulignez, Monsieur le rapporteur, avec des chiffres frappants, les pays les plus pauvres sont concernés par cette fuite des capitaux, ces capitaux qui auraient du servir à construire les écoles ou à moderniser les hôpitaux.

Le Conseil de l’Europe a un rôle particulier à jouer en ce domaine : sa Convention 208 entrée en vigueur en 2011 doit permettre en Europe, mais aussi au-delà de montrer les bonnes pratiques administratives.

Notre institution doit être aussi une vigie car la fraude fiscale, en privant les États de sources de revenus non négligeables, prive aussi leurs citoyens de droits sociaux et économiques essentiels. Et quand cette fraude a un lien avec certaines activités opaques, elle favorise les trafics de toutes sortes et remet en cause l’existence même de l’État de droit. »

L’Assemblée a adopté une résolution qui invite le Fonds monétaire international et l’OCDE à renforcer la surveillance des régimes fiscaux de leurs États membres et à poursuivre leurs efforts en vue de l’élimination des pratiques fiscales dommageables. Plus largement, la résolution appelle l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe à améliorer la transparence des opérations financières et comptables des entreprises ainsi que les flux d’informations et la transparence nécessaires à la lutte contre la fraude fiscale. Une surveillance accrue des politiques d’entreprise en matière de prix de transferts est également souhaitée.

E. DES PENSIONS DE RETRAITE DÉCENTES POUR TOUS

Avec le vieillissement des populations en Europe, le fondement traditionnel des pensions de retraite – un contrat intergénérationnel selon lequel les travailleurs en activité financent les retraites de ceux qui ne travaillent plus – a vu sa viabilité contestée. Confrontés à cette tendance lourde et aux conséquences de la crise économique et financière sur la soutenabilité des finances publiques, les systèmes de retraites de la quasi totalité des États membres du Conseil de l’Europe ont récemment subi d’importants changements.

Le rapport établi sur ce sujet par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable estime que si les gouvernements européens veulent continuer à offrir un niveau de vie décent à leurs retraités – comme l’énonce la Charte sociale européenne révisée que nombre d’entre eux ont signée – les systèmes nationaux devront se fonder de plus en plus sur une combinaison de différentes sources de revenu, notamment sur des éléments de répartition et de capitalisation. Les âges de départ à la retraite et les niveaux de contribution devraient être ajustés pour tenir compte de l’allongement de la durée de vie, le niveau de salaire devrait être fixé de sorte que les personnes actives gagnent suffisamment afin d’épargner pour leur retraite et l’accès aux régimes de retraite anticipée devrait si possible être limité. Le travail à temps partiel pour les personnes âgées qui souhaitent continuer à travailler devrait être facilité.

Selon le rapport, l’État devrait continuer de jouer un rôle central en tant que socle du système des retraites, préservant la solidarité intergénérationnelle et allouant des ressources au système de retraites qui soient compatibles avec les modes de vie modernes et l’augmentation de l’espérance de vie. Les pensions minimales devraient être au moins égales au seuil national de pauvreté. Enfin, les gouvernements doivent apporter un soutien spécial aux personnes n’ayant pas les mêmes capacités pour préparer leur retraite, comme les personnes handicapées ou celles qui ont des personnes à charge.

M. Denis Jacquat (Moselle – UMP), rapporteur du texte, a insisté dans son intervention sur la nécessité, pour les États membres du Conseil de l’Europe à constituer des systèmes de retraite équilibrés entre plusieurs piliers en préservant la solidarité intergénérationnelle des systèmes fondés sur la répartition et en s’ouvrant à de nouveaux modes de financement par la capitalisation :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, ces dernières années, les systèmes de retraite ont fait l’objet de réformes dans pratiquement tous les États membres du Conseil de l’Europe. Souvent celles-ci ont principalement eu pour objectif d’améliorer la durabilité du système face au changement démographique menant à des périodes de retraite globalement plus longues : vieillissement de la population et espérance de vie plus grande, mais plus récemment aussi en raison de l’impact de la crise financière et économique.

Alors que la viabilité des systèmes de retraite était en voie de consolidation, tous les pays ne sont pas en mesure de garantir le niveau adéquat des pensions de retraite à tous les retraités dans un avenir plus ou moins proche.

L’Assemblée parlementaire devrait inviter les États membres du Conseil de l’Europe à constituer des systèmes de retraite équilibrés entre plusieurs piliers en préservant la solidarité intergénérationnelle des systèmes fondés sur la répartition et en s’ouvrant à de nouveaux modes de financement par la capitalisation.

Un soutien particulier est apporté aux catégories sociales qui n’ont pas les mêmes possibilités de préparer leur retraite, notamment les femmes connaissant des périodes d’interruption de l’activité professionnelle en raison de leur responsabilité à l’égard de personnes dépendantes, enfants ou parents, de personnes handicapées ou de migrants.

L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à appliquer les principes suivants dans le cadre de leur politique nationale : continuer à lutter contre les inégalités persistantes dans les systèmes de retraite, notamment entre les femmes et les hommes ; engager ou mener à bien des réformes des retraites garantissant la durabilité des systèmes.

En matière de durabilité des systèmes, adapter l’âge de la retraite, le niveau et la durée des cotisations pour tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie. Promouvoir la coopération internationale en matière de retraite. Là où c’est possible, limiter l’accès au régime de retraite anticipée et aux autres possibilités de sortie prématurée du marché du travail.

En matière d’adéquation des retraites, assurer un niveau de vie approprié aux retraités, en leur fournissant par le biais du système de retraite public fondé sur la répartition un revenu minimum qui soit au moins égal au seuil national de pauvreté.

Mener des politiques en faveur de la création d’emplois avec une rémunération permettant d’augmenter les capacités de prévoyance individuelle de la population active et promouvoir une prévoyance complémentaire.

Prévoir des solutions spécifiques pour les catégories de personnes ayant besoin d’une protection particulière et n’ayant pas les mêmes capacités pour préparer leur retraite – personnes handicapées, migrants, etc.

Faciliter la poursuite d’une activité professionnelle dégressive. Pour les personnes âgées, leur permettre la combinaison d’une pension de retraite et d’un salaire à temps partiel, d’appréhender les problèmes de dépendance.

Enfin, en complément, promouvoir des approches innovantes. »

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-maritimes – UMP) a mis en avant l’indispensable solidarité qui doit unir les jeunes générations et les retraités :

« Chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter mon collègue Denis Jacquat pour son rapport, car le vieillissement de la population représente bel et bien un défi crucial pour la solidarité intergénérationnelle.

Deux politiques publiques sont particulièrement affectées : les retraites et la prise en charge de la dépendance.

Le système de retraite par répartition fait l’objet d’un consensus dans mon pays : les Français y sont attachés. Parce que ce système est fondé sur la solidarité entre les générations, les actifs finançant les retraites des plus âgés. Parce qu’il compense les aléas de la vie active, tels que le chômage ou la maladie, à travers de nombreux dispositifs intra-générationnels. Parce qu’enfin, les congés de maternité ou les congés parentaux sont pris en compte, améliorant l’égalité entre les hommes et les femmes.

Mais l’évolution démographique en Europe crée des tensions sociales, les jeunes générations n’étant pas persuadées que, devenues retraitées à leur tour, elles profiteront du système. La répartition est un pari sur l’avenir, c’est l’espoir que ce que je fais aujourd’hui pour mes parents, mes enfants le feront pour moi à leur tour. Le système par répartition, c’est la conviction que les citoyens ont des droits, mais aussi des devoirs les uns envers les autres.

La dépendance, c’est-à-dire l’obligation pour les personnes âgées de recevoir des soins de longue durée, voit également, malgré les efforts de nos populations, sa prise en charge fragilisée par un véritable vieillissement de nos populations. Monsieur le rapporteur, je ne peux que souscrire à la conclusion de votre rapport : une pension décente n’aurait aucun sens si elle n’était pas accompagnée d’une retraite dans la dignité.

L’allongement de la durée de la vie constitue un vrai défi. Aujourd’hui dans les pays de l’OCDE, la plus grande partie des soins destinés aux personnes âgées est assurée par les familles. En 2050, quand 10% de la population aura plus de 80 ans, les familles ne pourront plus faire face.

Il faut que les gouvernements compensent ces difficultés. Dans la mesure du possible, et pour préserver ce lien familial si important, il faudra soutenir les aides et les soins qui permettront aux personnes âgées malades de rester le plus longtemps à leur domicile. Mais l’État devra aussi investir dans la création d’institutions pour personnes âgées qui manquent déjà énormément dans de nombreux pays.

Vous évoquez dans votre projet de résolution la nécessité de promouvoir des approches innovantes. Dans le cadre de l’Année européenne 2012 du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, des initiatives ont été lancées. J’aimerais en citer deux : le centre social de Haarbesti, en Estonie, a lancé des ateliers entre des personnes âgées et de très jeunes enfants, pour échanger et partager autour du lien entre générations. Le deuxième, à Belfast, vise à développer le bénévolat chez des personnes retraitées, afin de montrer aux jeunes tout ce que les retraités apportent à la société.

En donnant une image positive de cette coopération entre plusieurs générations, il sera plus facile pour nous, responsables politiques, de proposer les réformes nécessaires et d’exiger des efforts difficiles aux actifs de demain. »

Dans sa réponse aux orateurs, M. Denis Jacquat (Moselle – UMP), rapporteur du texte, a mis l’accent sur la nécessité, pour les États, de garantir l’existence d’une réelle solidarité en veillant à ce que chacun ait, tout au long de sa vie active, la capacité d’accéder aux dispositifs de financement de sa future pension de retraite :

« Je ne citerai pas tous les intervenants dans ma réponse. Je remercie les orateurs des groupes et ceux qui sont intervenus à titre personnel. J’ai noté l’unanimité sur les propositions contenues dans ce rapport. Lorsque notre présidente a voulu qu’on se penche sur ce dossier, elle avait raison. Je remercie les personnels de la commission, qui ont trouvé les personnes capables de nous expliquer comment fonctionnent les retraites partout en Europe. À travers les différentes interventions, j’ai retrouvé nos préoccupations.

L’une de ces préoccupations, c’est que nous ayons, les uns et les autres, des systèmes les plus proches possibles, fondés sur de la répartition et de la capitalisation, avec, éventuellement, cela a aussi été indiqué, un complément privé. Il faut que tout le monde puisse accéder à cet éventuel complément privé ; il ne faut pas qu’il y ait deux catégories, les actifs qui peuvent se payer une retraite et ceux qui ne le peuvent pas, qui rencontreraient des difficultés au moment de leur retraite.

Chaque pays rencontre plus ou moins de problèmes économiques. Ceux qui n’en rencontrent pas aujourd’hui en connaîtront peut-être demain, et les systèmes de retraite fondés sur la répartition, donc sur des cotisations et très souvent sur le travail, peuvent rencontrer des difficultés. Personne ne s’oppose donc à ce que la répartition soit complétée par de la capitalisation ; on estime qu’il faut un pilier de répartition et un pilier de capitalisation mais, surtout, j’y insiste, tout le monde doit pouvoir y accéder.

J’ajoute que, dans un système fondé sur la répartition, on est sûr de la solidarité. En revanche, la solidarité peut être remise en cause dans un système de capitalisation. Il ne faudrait pas que les personnes qui ont subi des accidents de la vie – des maladies assez longues, des périodes de chômage, etc. – se retrouvent non cotisantes à certains moments de leur vie, car cela aurait des effets au moment de leur retraite. Dans le même ordre d’idées, les inégalités de retraite des femmes trouvent leur source dans les inégalités constatées au cours de la vie professionnelle.

Faisons donc passer ce message dans tous les pays : si l’on ne veut pas d’inégalités de retraites, en particulier au détriment des femmes, battons-nous pour faire disparaître les inégalités au cours de la vie professionnelle. Cela doit nous guider.

Différents systèmes – allemand, islandais, etc. – ont été cités ; je n’en reprendrai pas le détail. Il faut simplement tirer les éléments positifs des systèmes respectifs de tous les pays membres, sans oublier qu’un système de retraite fonctionne sur le moyen et sur le long terme. On ne peut donc se permettre de changer régulièrement les règles.

Tout à l’heure, l’un de nos collègues a rappelé – cela figure dans le rapport – qu’il fallait éviter les retraites anticipées ; c’est très important. Si les retraites anticipées, souvent pratiquées, dans de nombreux pays, arrangeaient les personnes qui pouvaient partir un peu plus tôt, cette pratique remettait en cause le système par répartition.

S’agissant des seniors, ceux-ci ne demandent pas nécessairement un travail à temps plein. Ils cherchent parfois un travail à temps partiel. À nous de trouver les emplois adéquats, et ces seniors peuvent, tout en percevant une retraite et tout en travaillant, faire du monitorat et du tutorat, transmettre leur expérience.

Plusieurs orateurs ont insisté sur le bon équilibre. Mme Marland-Militello et d’autres orateurs ont indiqué que les jeunes ne croient plus aux systèmes de retraite, ils se disent qu’ils n’auront plus rien. N’oublions cependant pas que tout le monde n’avait pas nécessairement du travail au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les jeunes d’alors ont rencontré des difficultés. Or ces personnes arrivées à l’âge de la retraite ont, dans l’ensemble, des retraites décentes.

Le problème qui risque de se poser dans 20, 30 ou 40 ans, c’est que des difficultés pourront surgir à cause d’une absence actuelle de cotisations.

Comme notre collègue allemand l’a dit, certains rêvent de contrats à durée indéterminée, et l’on trouve plutôt dans certains pays des contrats à durée déterminée. L’essentiel est que des cotisations soient versées.

Si les contrats de génération doivent exister, les systèmes en place dans nos pays sont, dans l’ensemble, d’excellents systèmes, particulièrement s’ils mêlent répartition et capitalisation ; cette mixité évite des catastrophes.

L’un des nos collègues l’a dit : il n’y a pas de formule magique. C’est sur l’expérience que nous devons construire nos systèmes de retraite. Et n’oublions pas de les adapter à l’évolution démographique.

Voilà ce que je pouvais répondre, de manière générale, à l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés. Je les remercie, car j’ai constaté, dans les propos de ceux qui s’exprimaient au nom des groupes comme dans les propos de ceux qui s’exprimaient à titre personnel, une volonté d’être constructif. En matière de retraites, il est extrêmement important que nous ne nous opposions pas. Soyons constructifs, c’est ainsi que nous parviendrons à ce que tous, en Europe, perçoivent des pensions de retraite décentes.

Je vous remercie de m’avoir écouté. »

L’Assemblée a adopté une résolution qui invite les États membres du Conseil de l’Europe à engager ou mener à bien des réformes qui garantissent la pérennité des systèmes de pension de retraite, à lutter contre les inégalités de ces systèmes, notamment entre les femmes et les hommes, et à adapter ces systèmes aux complexités des situations professionnelles et des modes de vies actuels. La même résolution invite les États membres à agir pour que le niveau des pensions de retraite soit en adéquation avec les besoins de la population.

L’Assemblée a également adopté une recommandation demandant au Comité des Ministres de mobiliser les États membres autour des mêmes objectifs et de les inviter à ratifier la Charte sociale européenne révisée, seul instrument contraignant du Conseil de l’Europe faisant référence aux droits des personnes âgées à « des ressources suffisantes pour leur permettre de mener une existence décente ».

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT

A. DÉBAT D’ACTUALITÉ : L’AVENIR DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ET LA DÉCLARATION DE BRIGHTON

Lors d’un débat d’actualité, l’Assemblée ne se prononce pas par un vote. Le Bureau, peut, à un stade ultérieur, proposer que la question traitée soit renvoyée à la commission compétente en vue de la rédaction d’un rapport.

Depuis une dizaine d’années, le bon fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’Homme est menacé par l’augmentation du contentieux : l’accroissement spectaculaire du nombre des nouvelles requêtes gonfle l’arriéré des affaires pendantes et provoque une augmentation des délais de jugement. L’explosion du contentieux résulte non seulement de l’adhésion de nouveaux États au Conseil de l’Europe mais aussi de l’afflux massif de requêtes individuelles à la fois à l’encontre d’anciens et de nouveaux États membres.

Malgré l’entrée en vigueur, en juin 2010, du Protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l’Homme, qui améliore le filtrage et le traitement des requêtes, prévoit la création de nouvelles formations judiciaires pour les affaires les plus simples, introduit un nouveau critère de recevabilité et porte le mandat des juges à neuf ans non renouvelables, l’engorgement de la Cour ne faiblit pas.

La Cour est également critiquée par certains États membres, au motif qu’elle outrepasserait ses compétences et qu’elle laisserait aux États membres une marge d’appréciation insuffisante quant à l’interprétation des stipulations de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Les conférences d’Interlaken (février 2010) et d’Izmir (avril 2011) ont posé les bases d’une réforme de la Cour européenne des droits de l’Homme. La conférence de Brighton (18-20 avril 2012) a réuni des ministres et hauts représentants des 47 États membres du Conseil de l’Europe pour examiner les prolégomènes à cette indispensable réforme de la Cour. Elle a adopté une déclaration qui vise, notamment, à convenir de la mise en œuvre de réformes du système conventionnel sur le rôle des États parties en attribuant un certain nombre de tâches au Comité des Ministres et à l’Assemblée parlementaire. Elle prévoit également un amendement à la Convention, afin d’inclure dans son préambule une référence à la subsidiarité et à la marge d’appréciation.

Intervenant au nom du groupe socialiste, M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a souligné le rôle éminent des États parties dans le bon fonctionnement du système de protection des droits de l’Homme établi par la Convention :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la Déclaration de Brighton n’a pas donné suite, et il faut s’en réjouir, à la plupart des propositions britanniques, qu’il s’agisse par exemple des critères de recevabilité ou, ce qui est plus symbolique, des sanctions pécuniaires en cas de requête non fondée et de l’obligation de s’assurer des services d’un avocat.

Je m’interroge par ailleurs sur le principe de subsidiarité, qui devrait être réaffirmé dans le préambule révisé de la Convention. Là aussi on est loin, à mon sens, des ambitions britanniques. Si la Déclaration de Brighton insiste sur la « marge d’appréciation », elle ne fait pas pour autant l’objet d’une « caractérisation précise », pour reprendre les mots du Président Bratza. Ainsi, et heureusement, c’est encore la Cour qui évaluera elle-même cette notion et rectifiera ou non l’approche volontariste qu’elle a pu adopter dans certains dossiers.

Comme vous l’avez rappelé vous-même récemment, Monsieur le Président, la Cour n’est pas tant victime de son succès qu’affaiblie par les défaillances au niveau national. C’est donc bien à ce niveau que nous devons nous interroger. La Cour ne peut compenser éternellement la faiblesse de certains systèmes juridiques au sein d’États membres et de leur législation en ce qui concerne les droits de l’Homme et les libertés.

Si je veux bien admettre la pertinence d’une réforme de la Cour, elle ne doit pas pour autant éluder, au sein de nombreux pays, un débat sur l’efficience du système juridique national. Gardons tout de même en mémoire que dix États membres concentrent 80% des requêtes pendantes. Est-ce le révélateur d’une faille de la Cour ou de ces États membres eux-mêmes ?

Soyons clairs, la première des priorités demeure l’amélioration de l’indépendance de la justice dans un certain nombre d’États membres, et donc, l’amélioration de la formation des juges, des avocats et des forces de polices
– sujet qui fera d’ailleurs l’objet d’un rapport que j’aurais l’honneur de présenter ici au nom de la commission des questions juridiques. Sans cela, le problème de l’engorgement demeurera.

Pour en revenir à la Cour elle-même, la première réforme n’a pas, à mon avis, été abordée lors de la Conférence de Brighton. Il s’agit du processus de sélection des juges. J’insiste bien sur la notion de sélection, et non de désignation. Notre Assemblée s’est dotée, ces dernières années, d’instruments destinés à aider les parlementaires à effectuer leur choix et à le rendre ainsi moins aléatoire. Je m’interroge cependant sur les choix des gouvernements dans les listes qui nous sont proposées. Nous verrons cela au cours des prochaines sessions, mais ces choix ne reflètent pas, me semble-t-il, le choix de la compétence ou de la plus grande objectivité. Il conviendrait sans doute que le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire commencent à réfléchir à un autre système qui pourrait, à n’en pas douter, renforcer l’efficacité de la Cour.

Enfin, Monsieur le Président, j’insiste pour que les instances compétentes du Conseil de l’Europe et, au premier chef, vous-même insistiez auprès de l’Union européenne pour que soient accélérées les négociations de ratification de la Convention européenne des droits de l’Homme par l’Union européenne, ce qui accroîtra encore la puissance de la Cour européenne. »

M. François Loncle (Eure – SRC) a appelé à ce que la Cour européenne des droits de l’Homme reste le juge suprême de la protection des droits de l’Homme en Europe :

« Décidément, la Convention européenne des droits de l’Homme et son extension juridique, la Cour européenne, sont mises à rude épreuve.

Il y a quelques mois, dans cette enceinte même, je mettais en garde contre le risque de confusion existant entre la Convention européenne, qui repose sur des fondements légaux solides qu’il serait absurde de remettre en question, et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – sans parler de son Agence inutile, et coûteuse. En effet, l’expérience a montré qu’il est très difficile d’éviter les contradictions lorsque deux textes distincts sur un même sujet sont interprétés par deux cours différentes, en l’occurrence la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg et la cour de Justice des Communautés européennes à Luxembourg.

La Convention doit rester le juge ultime. La Charte est, certes, un texte tout à fait indispensable, en raison de sa clarté et de sa précision. Mais elle ne doit pas prévaloir sur la Convention européenne des droits de l’Homme.

Or, le Royaume-Uni, qui assume la présidence du Comité des Ministres vient d’essayer de remettre en cause ce statut. On peut se féliciter que cette tentative ait échoué. Fort heureusement, la Déclaration de Brighton adoptée le 19 avril par les 47 pays du Conseil de l’Europe ne réduit pas radicalement les pouvoirs de la Cour, comme l’espérait Londres. Le Gouvernement britannique a cherché à restreindre l’indépendance de la Cour et à retransférer, presque exclusivement, aux juridictions nationales les violations des droits de l’Homme, ce qui aurait virtuellement privé la Cour de Strasbourg de toute finalité.

L’attitude anglaise surprend, car le Royaume-Uni n’a été condamné, en 2011, qu’à huit reprises, soit trois fois moins que la France. Nombre d’États, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, la Croatie, la Slovénie, le Danemark, se sont investis dans la défense de la Cour et lui ont ainsi épargné un funeste sort.

Pour autant, la Déclaration de Brighton n’est pas un succès, car elle ne règle en aucune manière les problèmes auxquels est confrontée la Cour de Strasbourg. Celle-ci est, en effet, menacée d’asphyxie, à cause de la masse de requêtes. Actuellement, 150 000 dossiers sont en souffrance. Qui plus est, la plupart d’entre eux sont irrecevables. Face à cet afflux, la Cour risque la paralysie. Son fonctionnement, son travail et son efficacité s’en ressentent.

Les trop modestes réformes concoctées à Brighton n’apportent aucune solution, même si la Cour est désormais censée se pencher seulement sur les plus graves atteintes aux droits de l’Homme et même si le délai de saisine est ramené à quatre mois. Non seulement sa charge de travail ne sera pas allégée, mais la Cour continue de ne pas disposer des outils nécessaires au plein exercice de ses attributions. Elle n’a toujours pas la possibilité d’appliquer des sanctions réellement dissuasives à l’encontre des États qui bafouent les droits de l’Homme ou qui ignorent les jugements de la Cour.

C’est là que réside le vrai problème. Les véritables dysfonctionnements de la Cour ne se situent pas à Strasbourg, mais bien plus dans les pays signataires de la Convention qui ne l’appliquant pas convenablement. En ne permettant pas aux plaignants d’obtenir satisfaction sur place, les États sont directement responsables de l’engorgement que subit la Cour.

La Déclaration de Brighton a au moins le mérite de clarifier la situation. Ce n’est pas la Convention européenne des droits de l’Homme qui pose problème ; c’est sa violation. Ce n’est pas la Cour européenne des droits de l’Homme qui pose problème ; c’est le non-respect de ses décisions. »

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UC) a souligné l’équilibre et la modération dont a fait preuve jusqu’ici la jurisprudence de la Cour, qui permet la plupart du temps aux États parties à la Convention de la mettre en œuvre dans le respect de leurs traditions juridiques nationales :

« La Convention européenne des droits de l’Homme a représenté un acte de foi dans l’avenir démocratique du continent européen, alors divisé entre le monde libre et la dictature soviétique. Il fut couronné d’un formidable succès avec la chute du mur de Berlin et l’adhésion des États redevenus souverains avec, pour revers de la médaille, une explosion des requêtes en provenance désormais de 47 États.

Les réformes successives de la Cour, le Protocole n° 14, les conférences d’Interlaken et d’Izmir ont visé à rationaliser le fonctionnement de la Cour et à répondre à la paralysie observée. La France les a toutes souhaitées et soutenues. Notre pays a également pris en compte la jurisprudence de la Cour et a réformé, dans le même temps, les procédures de mise en œuvre de ses arrêts.

Nos amis britanniques posent aujourd’hui la question des rapports entre les États et la Cour. Je me réjouis que la conférence de Brighton ait décidé l’inscription formelle, dans le préambule de la Convention, à la fois du principe de subsidiarité, bien que cette notion héritée du droit romain prête elle-même à appréciation – il y a une subsidiarité de confiance et une subsidiarité de défiance –, et de la notion de marge d’appréciation des législations des États.

En 1950, les États d’Europe de l’Ouest avaient des vues à peu près identiques sur la substance des droits et des libertés. Le repoussoir des dictatures communistes rendait évidente la défense de notre brève Convention dotée d’une dizaine d’articles. Les requêtes des minorités politiques, linguistiques ou religieuses ont conduit, après 1989, à des divergences d’appréciation. Devant ces difficultés nouvelles, le Cour a toujours fait preuve d’une grande sagesse, ménageant à la fois les droits des personnes, la liberté d’autrui ainsi que la nécessité, dans un État démocratique, de faire respecter l’ordre public.

Je peux comprendre les réserves britanniques sur la jurisprudence récente de la Cour concernant le droit de vote des prisonniers ou l’incrimination de menées terroristes. Nos États sont confrontés aux mêmes problèmes. Il ne s’agit nullement de les minimiser. La France a adopté des réformes en la matière.

La Grande-Bretagne, comme d’autres États, connaît la Common Law. Ce système ancestral dans un État incontestablement démocratique a suffi, jusqu’à aujourd’hui, à garantir les droits et libertés des citoyens.

Peut-on suggérer à nos amis britanniques d’adapter leur propre règlementation et de s’inspirer dans ce cas précis du droit écrit continental ? La Cour ne serait pas tentée, ainsi, de qualifier les décisions britanniques d’arbitraires. Je conçois qu’il s’agit là d’une véritable révolution culturelle au Royaume-Uni, mais elle me semble indispensable car elle devrait permettre de donner du sens à la notion de marge d’appréciation telle que mise en avant à Brighton. Cela n’exonère pas la Cour d’une réforme ni ne l’empêche de faire preuve d’une forme de délicatesse dans l’énoncé de ses jugements. Il s’agit aussi pour elle de ne pas se laisser instrumentaliser par tous ceux qui voudraient remettre en cause le fonctionnement démocratique de nos États. Le juge n’est pas non plus appelé à se substituer aux parlementaires, eux-mêmes élus pour organiser nos sociétés ou les réformer dans le cadre du mandat clair que leur ont confié les électeurs. »

B. LA PRÉSIDENCE BRITANNIQUE DU CONSEIL DE L’EUROPE

1. Communication du Comité des Ministres

M. David Lidington, ministre pour l’Europe au sein du gouvernement du Royaume-Uni, était invité à faire le point devant l’Assemblée parlementaire sur les actions de la présidence britannique du Conseil de l’Europe.

Celle-ci avait mis au nombre de ses priorités la réforme de la Cour européenne des droits de l’Homme. Le processus engagé à Interlaken (février 2010) et Izmir (avril 2011) a été poursuivi avec l’organisation d’une conférence de haut niveau à l’issue de laquelle a été adoptée la « Déclaration de Brighton ». Les États membres y réaffirment leur attachement à la Convention européenne des droits de l’Homme, au droit de recours individuel et à la responsabilité première des États partie dans la mise en œuvre de la Convention. La Déclaration identifie des mesures et évoque des sujets importants pour l’avenir de la Convention et de la Cour : les unes et les autres devront être approfondis, en particulier si les parties souhaitent que les amendements qu’il convient d’apporter à la Convention soient adoptés avant la fin de l’année 2013.

La présidence britannique souhaitait également améliorer l’action que mène le Conseil de l’Europe en faveur de la démocratie locale et régionale, en recherchant une plus grande coordination entre l’Assemblée parlementaire, le Congrès et les gouvernements nationaux. À l’issue d’une réunion de haut niveau organisée en février 2012, une feuille de route sera établie pour définir une approche plus rationnelle des efforts entrepris et permettre un meilleur ciblage des activités.

Les différents domaines d’activité du Conseil de l’Europe ont donné lieu à des initiatives variées, comme en matière de respect et d’approfondissement de l’État de droit, de lutte contre les discriminations ou de liberté d’expression, notamment sur internet.

M. Lidington a, par ailleurs, évoqué l’inquiétude du Comité des Ministres quant à la situation des droits de l’Homme en Biélorussie. L’établissement de relations plus étroites avec ce pays ne sera possible qu’à la condition que ses autorités fassent clairement la démonstration de leur volonté de respecter les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.

S’agissant de la Bosnie-Herzégovine, le Comité a vivement regretté l’absence de progrès tangibles pour élaborer les modifications constitutionnelles et législatives qu’impose l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire Sejdić et Finci.

Le Comité des Ministres a approuvé un certain nombre de priorités concernant la coopération avec le Maroc et la Tunisie – qui incluent un chapitre spécialement axé sur la promotion de l’égalité des sexes et la prévention des violences faites aux femmes –, et des priorités similaires sont en passe d’être arrêtées pour le Kazakhstan et la Jordanie.

Évoquant la crise politique en Syrie, M. Lidington a exhorté les membres du Conseil de l’Europe à appuyer pleinement les efforts de M. Kofi Annan, l’envoyé spécial mandaté conjointement par les Nations Unies et la Ligue arabe, qui s’emploie à trouver un moyen de mettre un terme à la violence et à faciliter une transition politique pilotée par les Syriens. Il a également encouragé les membres du Conseil à travailler avec la Commission d’enquête internationale pour veiller à recueillir et mettre en lieu sûr les preuves des méfaits commis en Syrie et a souligné l’importance, pour le Conseil de l’Europe, de na pas rester silencieux face aux événements qui se déroulent à sa porte.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a interrogé le ministre sur la portée d’une proposition incluse dans la Déclaration de Brighton :

« Monsieur le ministre, la Déclaration de Brighton ne reprend heureusement pas, ni dans son esprit ni dans sa lettre, les déclarations assez combatives prononcées par votre Premier ministre, dans cette enceinte, au mois de janvier dernier, et je m’en félicite. Je considère que la Grande-Bretagne a – heureusement ! – échoué.

Cependant, la proposition de rejeter d’office toute requête venant d’un plaignant qui n’aurait pas été victime d’une « inégalité significative » devant les juridictions nationales ne vous semble-t-elle pas de nature à réduire le niveau de protection des citoyens ? »

M. Lidington a écarté toute discordance entre les propos de M. Cameron et le contenu de la Déclaration de Brighton et a explicité la notion d’« inégalité significative » :

« Je ne suis pas d’accord avec le commentaire de M. Michel, selon qui il existerait une certaine discordance entre les propos du Premier ministre en janvier et la Déclaration de Brighton. Non ! La Déclaration illustre précisément lesdits propos. Le Premier ministre disait effectivement que la Cour devrait s’occuper des cas les plus graves de violation des droits de l’Homme, sans se laisser déborder par d’innombrables requêtes ; la Cour ne devrait pas travailler comme un petit tribunal.

Il y a forcément une différence de style entre le discours tenu par un chef de gouvernement devant une assemblée parlementaire et un document technique issu de négociations tout aussi techniques entre des experts juristes et des experts des droits de l’Homme. La Déclaration de Brighton n’en reprend pas moins précisément, me semble-t-il, les propos qu’avait tenus le Premier Ministre britannique au mois de janvier.

Les changements prévus par la Déclaration de Brighton portent sur le droit au recours individuel. On peut continuer à défendre ce principe, et la Déclaration rappelle nos exigences à l’égard des États membres, qui doivent mettre en œuvre la Convention. À cet égard, l’Assemblée parlementaire a un rôle important à jouer, en demandant des comptes aux gouvernements nationaux, en leur demandant quelles mesures ils ont prises.

La précision sur l’inégalité significative relève simplement du bon sens. La Cour, et elle seule, peut se débarrasser des affaires triviales qui lui sont soumises pour se concentrer, avec les ressources limitées qui sont les siennes, sur les affaires vraiment importantes. Il ne faut pas qu’elle prenne le risque de devenir une sorte de tribunal extraterritorial de première instance ; personne ne souhaite voir la Cour s’engager sur une telle voie, personne et surtout pas la Cour. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a dénoncé le risque de voir le président Assad rester au pouvoir en Syrie :

« Vos propos sur la Syrie, Monsieur le ministre, m’ont laissée tout à fait perplexe. Assad doit certes partir, nous le souhaitons tous, mais quand ? La situation n’ayant pas évolué depuis un an et M. Assad s’y entendant pour gagner du temps, avez-vous éventuellement envisagé qu’il puisse rester au pouvoir ? Après tout, nous venons d’évoquer Chypre, nous pourrions parler de Gaza ou de la Corée du Nord : nous savons combien de tels drames peuvent s’éterniser. »

M. Lidington a souligné les difficultés que rencontre la communauté internationale pour définir les voies d’une issue à la crise :

« Au nom du Comité des Ministres, je ne puis vous répondre que dans les termes sur lesquels ce dernier s’est mis d’accord. Depuis le mois de février, le Comité des Ministres a discuté de la situation syrienne sans pour autant avoir pu formuler une nouvelle déclaration publique. Je note, à ce propos, que le Conseil de sécurité des Nations Unies a également eu le plus grand mal à s’accorder sur des résolutions.

Le gouvernement britannique, quant à lui, considère que la communauté internationale doit exercer une forte pression diplomatique sur la Syrie. Les sanctions ne suffisent pas : il faut ménager une transition politique. Comme l’a dit mon Premier ministre, nous n’envisageons donc pas d’envoyer des militaires sur place. »

2. Suivi des travaux de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres

L’année 2009 a été marquée par plusieurs épisodes donnant le sentiment aux membres de l’Assemblée parlementaire que les travaux et les propositions qui en émanaient n’avaient pas été considérés de manière appropriée par le Comité des Ministres ou reflétés dans ses décisions sur les choix et stratégies politiques du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, un désaccord est intervenu entre le Comité des Ministres et l’Assemblée à propos de l’interprétation de l’article 36 du Statut de l’Organisation et du règlement régissant l’élection du Secrétaire général, chacun des organes ayant une vision différente de son rôle dans ce processus. Parallèlement, des réflexions plus générales ont été conduites, à l’occasion de son 60ème anniversaire, sur la place du Conseil de l’Europe dans le paysage institutionnel et politique actuel, lesquelles ont mis en exergue la nécessité d’établir un dialogue constructif entre les différents organes du Conseil afin de lui garantir un fonctionnement efficace et harmonieux.

Engagé dans ce contexte, le rapport établi par la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles fait le point sur l’impulsion donnée aux relations interinstitutionnelles par l’accord conjoint de 2009 sur le « Dialogue renforcé entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres », ainsi que les propositions qui figurent dans le rapport du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de 2010 sur le dialogue et la coopération renforcés entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, qui doivent désormais trouver une application concrète.

Le rapport évoque les suites données aux recommandations de l’Assemblée par le Comité des Ministres, l’examen par celle-ci des réponses du Comité aux recommandations qu’elle a adoptées, la consultation de l’Assemblée en matière de négociation de nouveaux instruments juridiques (conventions ou protocoles additionnels), la consultation de l’Assemblée en matière budgétaire et la procédure des questions écrites au Comité des Ministres. Le rapport traite également des autres procédures qui permettent une meilleure interaction entre les deux organes, comme la participation de l’Assemblée aux travaux des comités intergouvernementaux, ou le Comité mixte.

L’Assemblée a adopté une résolution dans laquelle elle prend divers engagements en vue de réviser ses méthodes de travail et de mettre en place des « bonnes pratiques », et où elle exprime plusieurs attentes vis-à-vis du Comité des Ministres, notamment quant à la mise en place d’une procédure formelle de consultation de l’Assemblée sur les projets de nouveaux instruments juridiques.

Ces attentes ont été développées et précisées dans une recommandation adoptée par l’Assemblée, qui appelle également à ce que les mesures ainsi proposées fassent l’objet d’une évaluation commune à intervalles réguliers.

ANNEXES

Annexe 1

Résolution 1875 (2012) – La bonne gouvernance
et l’éthique du sport 
1

1. Le sport a un rôle important dans le développement personnel et la cohésion sociale, en tant que puissant vecteur de transmission de valeurs et de modèles comportementaux positifs, en particulier vers le monde des jeunes. Ce rôle est étroitement lié au respect et à la promotion, par tous les acteurs du monde sportif, de principes éthiques élevés.

2. L’Assemblée parlementaire constate que, dans le contexte d’un sport mondialisé, des enjeux économiques considérables et l’irruption non maîtrisée de considérations purement financières mettent sérieusement en danger l’éthique du sport et amplifient le risque de dérives, voire d’actions criminelles, individuelles ou perpétrées par la criminalité organisée. Aux gangrènes du dopage, de la corruption et de la manipulation des résultats sportifs s’ajoutent d’autres phénomènes qui minent le monde du sport et en ternissent l’image.

3. L’Assemblée est préoccupée par le fait que les compétitions sportives deviennent inéquitables à cause d’une trop grande différence de moyens entre les compétiteurs ; elle considère particulièrement grave et alarmant que des sportifs de plus en plus jeunes, voire des enfants, soient traités comme des marchandises. Par ailleurs, l’Assemblée ne peut s’abstenir d’observer avec inquiétude que la bonne gouvernance sportive, condition nécessaire de l’éthique sportive, est affectée par les enjeux de pouvoir et par une certaine opacité dans les processus décisionnels. Dans ce contexte, le football est en première ligne, mais les problèmes s’étendent progressivement à toutes les disciplines sportives.

4. Dès lors, l’Assemblée recommande aux États membres du Conseil de l’Europe et aux instances du mouvement sportif au niveau national et international d’œuvrer pour renforcer le fair-play financier, assurer une protection efficace aux jeunes sportifs et améliorer les mécanismes de gouvernance au sein des institutions sportives, en tenant dûment compte des « Lignes directrices sur la bonne gouvernance et l’éthique du sport » en annexe à la présente résolution, dont elles sont partie intégrante.

5. L’Assemblée recommande aussi aux États membres du Conseil de l’Europe de soutenir les travaux de l’Accord Partiel élargi sur le Sport (APES) du Conseil de l’Europe, et notamment l’élaboration du projet de recommandation du Comité des Ministres aux États membres relative aux problèmes liés aux flux migratoires dans le sport.

6. L’Assemblée appelle spécifiquement la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) à prendre les mesures nécessaires pour éclaircir pleinement les faits sous-jacents aux divers scandales qui, dans les dernières années, ont terni son image et celle du football international. L’Assemblée insiste notamment pour que la FIFA :

6.1. accélère le processus de réforme de sa gouvernance interne et, dans ce contexte, renforce significativement les pouvoirs d’enquête de sa commission d’éthique, en lui reconnaissant, entre autres, le pouvoir de procéder d’office et à tout moment à des enquêtes internes, y compris à l’égard d’anciens officiels, et en assurant que les modalités d’élection de ses membres en garantissent la pleine indépendance ;

6.2. publie l’intégralité des documents judiciaires ou autres se rapportant à l’affaire ISL/ISMM dont elle disposerait, et en particulier la décision du 11 mai 2010 qui a suspendu la procédure pénale ouverte par le parquet de Zoug contre deux personnes physiques et la FIFA ;

6.3. mène une enquête interne approfondie et exhaustive afin de déterminer si, et dans quelle mesure, lors de sa dernière campagne présidentielle, le candidat élu a profité de sa position institutionnelle pour s’octroyer des avantages indus ou en octroyer à des électeurs potentiels.

Annexe - Lignes directrices sur la bonne gouvernance et l’éthique du sport

1. Les présentes lignes directrices s’adressent aux États membres du Conseil de l’Europe et à toutes les instances du mouvement sportif, les uns et les autres ayant des responsabilités propres, mais étant appelés à travailler de façon coordonnée et à collaborer efficacement dans la recherche de solutions communes.

2. Leur but est de promouvoir une série d’actions visant :

2.1. à prévenir certaines dérives financières qui affectent l’équilibre financier des clubs sportifs et, en même temps, engendrent des iniquités entre ces derniers, faussant les compétitions ;

2.2. à assurer une protection efficace aux jeunes sportifs ;

2.3. à améliorer les mécanismes de gouvernance au sein des institutions sportives.

3. Elles ne concernent donc pas directement d’autres questions extrêmement graves qui sapent le sport et mettent en jeu son futur, telles que le dopage, la manipulation des résultats sportifs ou d’autres problèmes dont l’Assemblée s’est occupée dans d’autres rapports.

4. L’intervention des États dans les domaines visés doit tenir compte de la nécessité de préserver l’autonomie du mouvement sportif, mais aussi de l’exigence d’assurer que cette autonomie ne devienne pas un écran pour justifier l’inaction face aux dérives qui battent en brèche l’éthique sportive et aux agissements qui relèvent, ou devraient relever, du droit pénal.

5. Les cadres juridiques nationaux devraient comprendre une loi régulant l’activité sportive dans son ensemble et incluant des dispositions spécifiques pour traiter les problèmes qui ne peuvent pas trouver de solution efficace par les biais des réglementations sportives.

6. Les instances du mouvement sportif doivent rechercher une collaboration efficace entre elles et les synergies avec l’action des pouvoirs publics dans la lutte contre les dérives qui menacent l’éthique sportive. Elles doivent demeurer exemplaires dans leur fonctionnement interne et agir, dans le cadre de leur autonomie, sans jamais perdre de vue que le sport doit rester vecteur de valeurs positives qui contribuent au développement personnel, à la cohésion sociale et au rapprochement entre les peuples.

7. Pour favoriser une action coordonnée, les autorités gouvernementales et les instances sportives doivent promouvoir l’établissement de plateformes nationales réunissant de manière régulière les organisations en charge du sport et les syndicats des sportifs professionnels.

Finances des clubs et «fair-play financier»

8. Il faut renforcer le « fair-play financier » par l’adoption de normes imposant la transparence financière, limitant l’endettement et favorisant l’autofinancement des clubs. De telles contraintes budgétaires, ainsi que les mécanismes de contrôle nécessaires pour en assurer le respect effectif, doivent être établies par les fédérations ou organisations sportives concernées dans le cadre de l’autoréglementation. Les normes sur le fair-play financier adoptées par l’Union des associations européennes de football (UEFA) pourraient servir de modèle.

9. La généralisation du fair-play financier implique aussi l’établissement de normes et de mécanismes de contrôle au niveau des fédérations nationales qui sont nécessaires pour assurer le respect des conditions d’une concurrence équitable entre les clubs, contribuer à leur stabilité financière et garantir l’équité sportive. La Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) française offre un modèle dont d’autres États et d’autres disciplines sportives pourraient s’inspirer.

10. Les États européens pourraient accompagner le mouvement sportif dans ces réformes par une meilleure harmonisation des normes nationales concernant la comptabilité des sociétés sportives, dans le but d’améliorer la transparence financière.

11. Par ailleurs, les États devraient assurer une application stricte de l’interdiction des aides publiques aux sociétés sportives professionnelles, conformément au droit de l’Union européenne.

Protection des jeunes sportifs

12. Pour contrer les problèmes les plus graves d’exploitation et de marchandisation des jeunes sportifs, les États membres du Conseil de l’Europe, y compris ceux qui n’ont pas encore ratifié ces textes, devraient garantir, aussi par le bais de contrôles efficaces, l’application stricte des dispositions pertinentes de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations Unies, de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) du Conseil de l’Europe et de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197).

13. Les lois nationales sur le sport devraient inclure des dispositions visant la protection des jeunes sportifs nationaux et migrants, visant notamment :

13.1. à interdire les transferts commerciaux de sportifs de moins de 16 ans, afin d’éviter qu’un mineur devienne le simple objet d’une transaction financière ;

13.2. à interdire la rémunération des intermédiaires pour des sportifs de moins de 16 ans (interdiction qui s’appliquerait aussi aux transferts non commerciaux) ;

13.3. à rendre contraignantes (pour tous les sports) des mesures s’inspirant des 10 recommandations pour l’accueil d’un jeune mineur étranger de l’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF) française ;

13.4. à rendre obligatoire le double projet sportif et scolaire/professionnel sous peine d’annuler la mutation, quelle qu’en soit la forme juridique (transfert, prêt) ;

13.5. à interdire l’octroi aux sportifs de visas « étudiant » ou « touriste » et envisager l’introduction d’un visa spécial qui prenne en compte la spécificité du sport et permette le suivi des migrations de sportifs.

14. En l’absence d’une législation nationale sur le sport et en attendant d’adopter une telle législation spécifique, les États devraient au moins assurer la protection des sportifs mineurs par des dispositions appropriées dans les lois régissant les droits des enfants au travail.

15. Il faudrait engager, en collaboration avec l’Union européenne, l’harmonisation des législations nationales sur les agents sportifs, pour réglementer de manière cohérente, de même que cela a été fait pour d’autres catégories professionnelles, l’activité de ces agents et des intermédiaires non répertoriés comme agents sportifs mais agissant comme tels.

16. Les associations sportives nationales devraient promouvoir l’adoption de chartes ayant pour but de prévenir tout mauvais traitement moral ou physique causé à un sportif mineur et établir les mécanismes de contrôle nécessaires pour assurer le respect de ces chartes.

17. L’UEFA, pour accroître ses capacités de contrôle, pourrait instaurer un prélèvement obligatoire qui servirait à financer un système de suivi des conditions de transfert et d’accueil des sportifs mineurs, visant a détecter et à sanctionner les abus.

Gouvernance, transparence et lutte contre la corruption et les prises d’intérêt au sein des instances sportives

18. Les fédérations, associations, ligues professionnelles et autres organisations sportives devraient inscrire dans leurs codes d’éthique sportive les dispositions nécessaires à empêcher que des associations criminelles puissent infiltrer les organes de direction des sociétés ou instances sportives. Il faudrait empêcher le rachat de clubs sportifs par des capitaux dont on ne connaît pas la provenance en établissant l’obligation pour le club de se renseigner sur les propriétaires potentiels.

19. Les Principes universels de base de bonne gouvernance du Mouvement olympique et sportif, établis par le Comité International Olympique (CIO) en 2008 doivent être respectés au sein de toutes les organisations sportives.

20. Au sein des fédérations sportives, il est nécessaire d’établir des mécanismes de contrôle qui rééquilibrent les pouvoirs de leur présidents et les responsabilisent face aux assemblées des membres (checks and balances).

21. Dans ce contexte, il faudrait limiter la durée des mandats électifs pour les présidents de fédérations (par exemple, un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois). En outre, il faudrait favoriser une pluralité de candidatures aux élections présidentielles au sein des fédérations sportives et encourager les candidatures féminines à tous les échelons.

22. Les normes statutaires des fédérations sportives doivent empêcher toute forme de conflit d’intérêt en interdisant les fonctions de dirigeants de fédérations à toute personne exerçant en même temps des fonctions de dirigeants dans un club.

23. Les mécanismes de gouvernance des fédérations sportives devraient viser à associer les sportifs aux grandes décisions ayant trait à la réglementation de leur sport. A cet égard, on pourrait favoriser la représentation des syndicats des joueurs et des sportifs ainsi que la présence d’anciens sportifs, reconnus pour leur probité, au sein des différentes commissions des fédérations.

24. Il faudrait améliorer, au sein de toutes les fédérations sportives, les dispositions concernant les commissions chargées d’examiner les candidatures pour l’organisation des événements sportifs internationaux majeurs ; des règles astreignantes sur les personnes éligibles, les modalités d’élection dans ces commissions et leur modalités de fonctionnement devraient être édictées pour prévenir et sanctionner tout conflit ou prise d’intérêt par leurs membres, et des contrôles rigoureux devraient être prévus pour éviter toute tentative de corruption ou d’influence irrégulière sur la décision finale des membres votants. La possibilité d’inclure dans ces commissions des observateurs externes sans droit de vote devrait être envisagée.

25. Les associations et fédérations sportives à tous les échelons (régional, national, continental et international) devraient rendre public annuellement (via leurs sites internet et leurs rapports d’activité) le détail de leurs recettes et de leurs dépenses, ainsi que les rémunérations de leurs cadres supérieurs et de leurs dirigeants élus.

Annexe 2

Résolution 1882 (2012) – Des pensions de retraite
décentes pour tous 
2

1. Les systèmes de retraite européens sont confrontés aux défis d’une évolution démographique qui déstabilise les contrats intergénérationnels en place depuis le début du XXe siècle : la tendance au vieillissement de la population, l’espérance de vie bien au-delà de l’âge de la retraite et le déséquilibre entre le nombre de retraités et de cotisants à l’âge actif n’en sont que quelques exemples. Dans le contexte actuel de crise économique et financière, les programmes nationaux d’austérité adoptés par de nombreux États membres ont également des répercussions sur les systèmes de retraite et mènent à de nouvelles inégalités sociales parmi les retraités.

2. L’Assemblée parlementaire, consciente des efforts déployés par les gouvernements de bon nombre d’États membres pour rendre leur système de retraite plus viable, s’inquiète de la garantie de niveaux adéquats de pensions de retraite permettant aux retraités d’avoir un niveau de vie décent.

3. Aussi considère-t-elle que les retraités nécessitent une protection particulière en conformité avec l’article 23 de la Charte sociale européenne révisée (STE n° 163) qui dispose que les Parties doivent, entre autres, s’engager à mettre à la disposition des personnes âgées « des ressources suffisantes pour leur permettre de mener une existence décente et de participer activement à la vie publique, sociale et culturelle ».

4. Pour relever le double défi de l’évolution démographique actuelle en Europe et des crises financière et économique, il convient de ne pas orienter exclusivement les systèmes de retraite européens vers une logique de capitalisation. Si le recours à de telles méthodes de financement des retraites constitue une solution pour pallier le problème de l’évolution démographique, il s’avère moins efficace pour faire face aux chocs financiers et économiques. La prédominance de composantes à capitalisation accentuerait la vulnérabilité des systèmes de retraite, qui deviendraient moins résilients aux risques des marchés financiers. Pour assurer la viabilité et la pérennité des systèmes de retraite, il s’agit donc de trouver un équilibre entre les composantes basées sur la répartition et la capitalisation.

5. Face aux actuelles crises financière et économique, à la complexité des systèmes de retraite et à la multitude des choix stratégiques possibles, il sera d’ailleurs primordial de surmonter le problème des déficits budgétaires étatiques de manière générale et, en particulier, ceux qui concernent les caisses de prévoyance publiques, afin de pouvoir maintenir le principe de la solidarité intergénérationnelle. A cet égard, une véritable revitalisation économique dont les bénéfices devront également atteindre les ménages individuels, sera déterminante pour une évolution positive des pensions de retraite en Europe.

6. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à appliquer les principes suivants dans le cadre de leurs politiques nationales :

6.1. sur un plan général :

6.1.1. mettre en place des systèmes de retraite qui reflètent la complexité des situations professionnelles et des modes de vie d’aujourd’hui ;

6.1.2. continuer à lutter contre les inégalités persistantes dans les systèmes de retraite, notamment entre les femmes et les hommes ;

6.1.3. engager ou mener à bien des réformes des retraites qui garantissent la durabilité des systèmes (même en cas de crise financière et économique), et l’adéquation des retraites ;

6.1.4. communiquer, de manière claire et compréhensible par tous, sur les implications des systèmes de retraite en vigueur, notamment pour recueillir un soutien suffisant pour les réformes à venir ;

6.2. en matière de durabilité des systèmes :

6.2.1. adapter l’âge de la retraite, le niveau et la durée des cotisations pour tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie ;

6.2.2. concevoir des systèmes nationaux de retraites qui reposent sur plusieurs piliers et combinent différentes sources de revenu au titre de la retraite (éléments de répartition et de capitalisation), tout en maintenant et en consolidant la solidarité intra et intergénérationnelle, qui confirme le rôle central de l’État et les retraites publiques en tant que socle des systèmes ;

6.2.3. promouvoir la coopération internationale en matière de retraites, étant donné que les retraites sont de plus en plus une question de nature transnationale au-delà de l’Union européenne (professionnels migrants, fonds de pension internationaux, retraités vivant à l’étranger, etc.) ;

6.2.4. là où c’est possible, limiter l’accès aux régimes de retraite anticipée et aux autres possibilités de sortie prématurée du marché du travail ;

6.3. en matière d’adéquation des retraites :

6.3.1. assurer un niveau de vie approprié aux retraités en leur fournissant, par le biais du système de retraite public basé sur la répartition, un revenu minimum qui soit au moins égal au seuil national de pauvreté ;

6.3.2. mener des politiques en faveur de la création d’emplois avec une rémunération permettant d’augmenter les capacités de prévoyance individuelle de la population active et promouvoir une telle prévoyance complémentaire ;

6.3.3. prendre en compte les nouveaux modes de vie des familles et le rallongement de la durée de vie moyenne dans les ressources attribuées aux caisses de retraites publiques ;

6.3.4. définir des solutions adaptées pour les personnes qui ont connu des phases de non-cotisation à la retraite (telles que les personnes (en majorité des femmes) en charge de responsabilités familiales, ou les personnes avec des emplois faiblement rémunérés ou précaires, ou des chômeurs de longue durée, qui n’ont pas la possibilité de cotiser, voire d’épargner suffisamment pour une retraite décente) ;

6.3.5. prévoir des aides financières à l’attention des parents en charge d’enfant(s) pour qu’ils puissent être en mesure, à la fois, d’élever et de soutenir leur(s) enfant(s) et d’épargner suffisamment pour leurs propres retraites ;

6.3.6. prévoir des solutions spécifiques pour les catégories de personnes ayant besoin d’une protection particulière et n’ayant pas les mêmes capacités pour préparer leur retraite (personnes handicapées, migrants, etc.) ;

6.3.7. faciliter la poursuite d’une activité professionnelle dégressive pour les personnes âgées et leur permettre la combinaison d’une pension de retraite et d’un salaire à temps partiel ;

6.3.8. appréhender les problèmes de dépendance ;

6.4. en complément des mesures prises concernant les systèmes de retraite et dans le cadre de politiques générales en faveur des personnes âgées, promouvoir des approches innovantes telles que des prestations aux personnes âgées (fondées par exemple sur des systèmes d’entraide) qui pourraient compléter les mesures prises au titre des pensions de retraite.

Annexe 2 bis

Recommandation 2000 (2012) – Des pensions de retraite
décentes pour tous 
3

1. Dans un contexte économique, démographique et social exerçant une énorme pression sur les systèmes de retraite européens et exigeant des réformes profondes pour assurer leur durabilité, l’Assemblée parlementaire s’inquiète de la question de l’adéquation des retraites, c’est-à-dire la garantie d’un niveau adéquat de pensions de retraite à tous les retraités. Les tendances vers une diminution des pensions de retraite et vers une généralisation des régimes financés par capitalisation créent de nouvelles inégalités intra et intergénérationnelles et représentent, en conséquence, une menace à la cohésion sociale dans de nombreux États membres.

2. En se référant à la Résolution 1882 (2012) sur des pensions de retraite décentes pour tous, et à la Résolution 1752 (2010) sur des pensions de retraite décentes pour les femmes, l’Assemblée parlementaire appelle le Comité des Ministres à demander instamment aux États membres :

2.1. de ratifier la Charte sociale européenne révisée (STE n° 163), qui est le seul instrument contraignant du Conseil de l’Europe faisant référence aux droits des personnes âgées à « des ressources suffisantes pour leur permettre de mener une existence décente » ;

2.2. de faire une priorité politique de l’évaluation et, en cas de besoin, de la révision de leur système de retraites ;

2.3. de prendre, en particulier face aux crises économique et financière actuelles, des mesures engagées pour assurer non seulement la durabilité des systèmes de retraite, mais aussi pour garantir un niveau adéquat de pensions de retraite à tous, en prenant en compte la situation spécifique des groupes qui ont besoin d’une protection particulière ;

2.4. de communiquer de manière claire et compréhensible pour tous sur les options proposées au sein des systèmes de retraites nationaux qui sont souvent complexes, afin de permettre à chacun de prendre ses propres mesures de prévoyance selon les capacités individuelles.

3. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à se pencher sur les questions des pensions de retraite et du niveau de vie des personnes âgées dans le cadre des travaux intergouvernementaux menés par le Groupe de rédaction sur les droits des personnes âgées (CDDH-AGE), en vue d’un échange de bonnes pratiques en la matière et de la préparation d’outils concrets, telles que des lignes directrices, qui peuvent servir d’orientation aux États membres dans le cadre de leurs réformes en cours ou imminentes. L’animation d’un tel débat au Conseil de l’Europe pourrait aussi constituer une contribution substantielle dans le cadre de l’Année européenne 2012 du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle lancée par la Commission européenne.

Annexe 3

Résolution 1878 (2012) – La situation en Syrie 
4

1. L’Assemblée parlementaire est consternée par la situation en Syrie où, au cours des treize derniers mois, plus de 11 000 personnes ont été tuées, des dizaines de milliers ont fui le pays et des centaines de milliers d’autres ont été déplacées dans leur propre pays, victimes directes de la répression brutale d’un soulèvement aux aspirations démocratiques par le pouvoir autocratique syrien.

2. L’Assemblée condamne fermement les violations des droits de l’homme généralisées, systématiques et graves, constituant des crimes contre l’humanité, commises par les forces militaires et de sécurité syriennes et notamment : le recours à la force contre les civils, les exécutions arbitraires, l’assassinat et la persécution des manifestants, les disparitions forcées, la torture et les violences sexuelles, y compris contre les enfants. Elle condamne également les violations des droits de l’homme perpétrées par certains des groupes armés combattant le régime.

3. L’Assemblée réitère qu’il ne peut y avoir aucune impunité pour les crimes contre l’humanité, quels qu’en soient leurs auteurs. Toutes les allégations de violations et de crimes doivent faire l’objet d’une enquête sérieuse et leurs auteurs traduits en justice, y compris le cas échéant, devant la Cour pénale internationale.

4. Deux projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant la violence en Syrie ont fait l’objet d’un veto de la part de la Russie et de la Chine en octobre 2011 et en mars 2012. Alors que pendant plus d’un an, la communauté internationale a été incapable de convenir d’une action sur la Syrie, l’Assemblée note aujourd’hui l’émergence progressive d’une position commune : deux résolutions ont été adoptées à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies les 14 et 21 avril 2012, autorisant le déploiement en Syrie d’observateurs militaires non armés des Nations Unies pour rendre compte de la mise en œuvre de la cessation totale de la violence armée. Cette unité naissante peut enfin contribuer à jeter les bases d’une action effective de la communauté internationale face à une situation dont l’urgence et la gravité ne sauraient s’accommoder de considérations géopolitiques de pays individuels.

5. L’Assemblée soutient pleinement le plan de paix en six points proposé par l’envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue des États arabes, M. Kofi Annan, et appelle à sa mise en œuvre pleine et entière par l’ensemble des parties au conflit. Bien qu’il y ait eu une diminution très nette des violences depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 12 avril, l’Assemblée déplore les violations persistantes du cessez-le-feu et le nombre croissant de victimes. Elle appelle au retrait immédiat des troupes et des armes déployées par le gouvernement dans les zones peuplées.

6. Il convient de donner toutes les chances de réussite au plan de paix de Kofi Annan afin d’éviter une véritable guerre civile. L’Assemblée se félicite par conséquent du déploiement sur le terrain d’observateurs des Nations Unies et appelle les autorités syriennes et la communauté internationale à assurer aux observateurs une liberté de circulation totale et un accès sans entrave à l’ensemble du territoire ainsi que tous les moyens nécessaires pour contrôler le respect du cessez-le-feu et du droit de manifester pacifiquement.

7. L’Assemblée souligne toutefois que le plan de paix de Kofi Annan ne porte pas uniquement sur l’instauration d’un cessez-le-feu sous supervision des Nations Unies et la fourniture d’une aide humanitaire dont le pays a un besoin urgent. Sa mise en œuvre et l’arrêt total des violences devraient au final garantir la création d’un espace permettant la réalisation pacifique de la transformation démocratique en Syrie. Il convient de ce fait de créer progressivement les conditions propices à la « mise en place d’un processus politique, dirigé par les Syriens », comme le préconise le plan de paix, et à terme, à la conduite d’élections libres et équitables. Le peuple syrien devrait être libre de construire son propre avenir. Pour faciliter l’atteinte de cet objectif, nous demandons au Conseil de sécurité des Nations Unies de mettre en œuvre urgemment un embargo sur l’importation d’armes et de matériel militaire en Syrie.

8. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent faire tout leur possible afin de garantir le respect du plan de paix approuvé, y compris à travers les sanctions convenues par l’Union européenne, la Ligue arabe et certains États individuels, et dont la mise en œuvre est coordonnée par le groupe des Amis du peuple syrien. L’Assemblée souligne que ces dernières ne visent pas le peuple syrien mais les personnes et institutions impliquées dans la répression ou qui soutiennent ou profitent du régime.

9. La dictature qui a opprimé le peuple syrien durant des décennies n’a aucun avenir. Il est impossible de prévoir le temps qu’il faudra et les souffrances supplémentaires qui seront endurées, mais il semble clair que le régime Assad touche à sa fin. D’où la lourde responsabilité qui pèse sur la communauté internationale et l’opposition nationale.

10. La population syrienne constitue une mosaïque de groupes ethniques, culturels et religieux, et cette diversité, au même titre que l’intégrité territoriale de la Syrie, doit être préservée dans une future Syrie post-Assad. L’Assemblée invite les divers groupes d’opposition nationale à s’unir afin de se présenter en tant qu’alternative légitime offrant à tous les citoyens syriens, quelles que soient leur origine ethnique, leur culture et leur religion, la perspective d’une Syrie pacifique, démocratique et pluraliste. Compte tenu de la sous-représentation des chrétiens au sein du Conseil national syrien (CNS), tout avenir post-Assad doit garantir la tolérance religieuse dont les chrétiens ont bénéficié jusqu’ici.

11. L’Assemblée souligne que le respect des droits de l’homme, la reconnaissance des minorités ethniques, culturelles et religieuses et le choix en faveur du dialogue et de la démocratie ne constituent pas de simples déclarations de principe mais les conditions préalables à l’unification et au renforcement de l’opposition. Cette dernière est actuellement divisée en raison d’un manque de clarté quant à ces principes fondamentaux et de la crainte qui s’ensuit, au sein des divers groupes minoritaires, d’un changement perçu comme une menace.

12. Par conséquent, l’Assemblée insiste sur le fait que les droits de l’homme doivent désormais être respectés et les violations, y compris celles commises par l’opposition, dénoncées avec force et stoppées sur le champ pour apporter une preuve crédible d’un respect effectif des droits de l’homme et des minorités dans une nouvelle Syrie. La construction de cette nouvelle Syrie nécessitera l’engagement actif de l’ensemble des composantes de la société syrienne dans un effort sincère de pacification et de reconstruction après une année dramatique marquée par les violences et la division.

13. L’Assemblée soutient pleinement tous les efforts déployés, tant aux plans international que national, pour aider à la création d’une nouvelle Syrie démocratique et pluraliste, respectueuse des droits de l’homme et des droits des minorités ethniques, culturelles et religieuses. Elle appelle la communauté internationale à soutenir les initiatives visant à unir l’opposition en vue de réaliser la transformation démocratique en Syrie. Elle préconise la plus grande prudence à l’égard des forces qui, en raison d’intérêts géopolitiques spécifiques ou pour des raisons sectaires – en Syrie comme dans d’autres pays du Printemps arabe – fournissent un appui politique et financier aux groupes extrémistes.

14. En toute priorité, compte tenu du million et demi de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire urgente, l’Assemblée appelle instamment à la fourniture sans entrave d’une aide humanitaire aux blessés, aux réfugiés, aux personnes déplacées et à toutes celles dans le besoin. La fourniture de moyens et services humanitaires doit s’opérer dans des conditions qui assurent la protection des civils et des travailleurs humanitaires. L’Assemblée, reconnaissante de l’hospitalité offerte par la Turquie et félicitant les autorités turques, considère qu’il est important de construire, le cas échéant, d’éventuels camps de réfugiés à une plus grande distance de la frontière avec la Syrie, afin de permettre une meilleure sécurité des réfugiés.

15. L’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe à répondre positivement aux appels lancés par les agences concernées des Nations Unies afin de satisfaire les besoins humanitaires des dizaines de milliers de réfugiés fuyant la Syrie vers la Turquie, le Liban, l’Irak et la Jordanie, ainsi que ceux du million et demi de personnes qui, selon les estimations, sont touchées par la crise au sein même de la Syrie. L’Assemblée encourage vivement tous les pays voisins à permettre aux personnes fuyant la Syrie d’entrer sur leur territoire et à leur donner accès à une protection sans crainte d’être refoulées et appelle tous les États membres du Conseil de l’Europe à accorder une protection adéquate
– qu’il s’agisse de l’asile ou d’une protection subsidiaire – à tout demandeur d’asile syrien.

Annexe 4

Résolution 1872 (2012) – Vies perdues en Méditerranée :
qui est responsable ? 
5

1. En 2011, au moins 1 500 personnes ont perdu la vie en tentant de traverser la mer Méditerranée.

2. Ainsi, le journal britannique The Guardian a révélé le drame d’un petit canot pneumatique qui, le 26 mars 2011, partait de Tripoli avec 72 personnes à son bord. Quinze jours plus tard, l’embarcation était rejetée sur les côtes libyennes : il ne restait plus que neuf survivants. Ce qui a rendu cette affaire singulière, au-delà du drame que représente la perte de ces vies, c’est qu’il semblerait que les appels de détresse du bateau aient été ignorés par plusieurs navires de pêche, par un hélicoptère militaire et par un important bâtiment de la marine. Même si la disparition de nombreuses personnes a été signalée, les personnes impliquées dans cette tragédie maritime auraient pu être sauvées si tous les intervenants s’étaient acquittés de leurs obligations.

3. Préoccupée par les implications de ces allégations, l’Assemblée parlementaire a lancé sa propre enquête afin d’établir ce qui s’était passé et qui pouvait être responsable de ne pas avoir porté secours aux personnes à bord du bateau.

4. Des témoignages des survivants et d’autres sources émerge une histoire crédible. Elle se déroule sur fond de conflit en Libye et alors que l’opération Unified Protector de l’OTAN bat son plein au large des côtes libyennes. Les passagers subsahariens, 50 hommes, 20 femmes et deux bébés, sont accompagnés jusqu’au bateau par une milice libyenne. Ils sont embarqués par les trafiquants qui leur enlèvent la plupart de leurs provisions d’eau et de nourriture pour faire monter le plus de monde possible à bord de l’embarcation. Après plus de 18 heures en mer pratiquement sans carburant et avec peu de nourriture, peu d’eau et pas de terre en vue, le « capitaine » appelle par téléphone satellite un prêtre érythréen vivant en Italie, lançant ainsi un signal de détresse. Le Centre de coordination de sauvetage maritime (MRCC) italien est immédiatement informé, fait repérer la position du bateau par l’opérateur satellite et envoie un grand nombre d’appels aux navires présents dans le secteur, leur demandant d’être à l’affût de l’embarcation en question. Certains de ces messages indiquent explicitement que le bateau se trouve en situation de détresse. C’est à partir de ce moment que la situation va sérieusement s’aggraver.

5. Dans les heures qui suivent le premier signal de détresse, un hélicoptère militaire survole le bateau, lui fournit de l’eau et des biscuits, puis fait signe aux passagers qu’il va revenir. Il ne reviendra pas. Selon les témoignages des survivants, le bateau croise aussi au moins deux bateaux de pêche, dont aucun ne vient à son secours. Le bateau dérive pendant plusieurs jours. Sans eau ni nourriture, les gens commencent à mourir. Vers le dixième jour de la traversée, la moitié des passagers ayant péri, un vaisseau non identifié avec des avions ou des hélicoptères à son bord passe tout près du bateau, assez près pour que les survivants voient les marins, qui n’ont pas été identifiés comme appartenant à une marine spécifique, les regarder avec des jumelles et prendre des photos. Selon les témoins, malgré des signaux de détresse évidents, le bâtiment de la marine s’éloigne. Finalement, le bateau est rejeté sur les côtes libyennes après 15 jours de mer. Les dix survivants ont été emprisonnés, et l’un d’entre eux est mort faute de soins médicaux. Finalement, neuf survivants ont été relâchés avant de fuir le pays.

6. Ce drame fait ressortir tout un inventaire de défaillances. Les autorités libyennes sont responsables de ce qui fut une expulsion de fait des passagers subsahariens et elles n’ont pas assumé la responsabilité de leur zone de recherche et de sauvetage (SAR, Search and Rescue). Les trafiquants se sont montrés complètement indifférents à la vie des passagers, ont surchargé le bateau et n’ont pas fourni le ravitaillement nécessaire.

7. Si le MRCC de Rome a vérifié la position de l’embarcation et diffusé, d’une manière générale, les appels de détresse, il n’a pas veillé à ce que le sauvetage des passagers soit assuré. Il a omis de contacter les navires proches de l’embarcation en détresse et de les charger du sauvetage des « boat people ». Comme il était notoire que la zone SAR libyenne n’était pas couverte, l’Italie, en sa qualité de premier État à recevoir les appels de détresse, aurait dû assumer la responsabilité d’une coordination des opérations SAR.

8. L’OTAN avait déclaré le secteur zone militaire sous son contrôle mais n’a pas réagi aux appels de détresse envoyés par le MRCC de Rome. D’après une source fiable, au moins deux navires militaires participant aux opérations de l’OTAN se trouvaient dans les parages du bateau lorsqu’a été lancé l’appel de détresse : la frégate espagnole Méndez Núñez (à une distance de 11 milles) et l’ITS Borsini , un navire italien (à 37 milles). Tous deux étaient équipés pour transporter des hélicoptères. Même si le navire espagnol était sous commandement de l’OTAN, le pays dont ce navire et ceux dont les autres navires dans les environs battaient pavillon ont prima facie manqué à leur obligation de mener des opérations de recherche et de secours.

9. Un point particulièrement troublant pour l’Assemblée est l’absence inquiétante d’intervention de la part d’un hélicoptère militaire et d’un gros bâtiment de la marine pour secourir le bateau après que ces unités l’aient croisé ou soient entrées en contact avec lui. Cela vaut aussi au moins pour deux navires de pêche. A ce jour, aucune de ces unités n’a encore été identifiée avec certitude.

10. Autre défaillance : le cadre juridique maritime, car il n’établissait pas explicitement qui était responsable d’une zone SAR lorsqu’un pays se trouvait dans l’incapacité de remplir ses obligations.

11. Enfin, il y a défaillance du côté de l’OTAN et d’États membres impliqués dans la préparation de l’opération Unified Protector au large des côtes libyennes. Il était prévisible qu’il y aurait un exode de gens fuyant le pays, y compris par la dangereuse voie maritime. L’OTAN n’a pas assumé toutes ses responsabilités en l’espèce, car les communications relatives au navire en détresse n’ont pas été transmises par le quartier général de l’OTAN à Naples aux vaisseaux placés sous son contrôle.

12. En résumé, il y a eu des défaillances à différents niveaux et maintes occasions de sauver les vies des personnes à bord du bateau ont été perdues. A la lumière des informations disponibles, il devient manifeste que l’OTAN n’était pas très accessible pour entendre les demandes relatives à des opérations SAR. Alors qu’il était notoire que de nombreux réfugiés quittaient la Libye par la Méditerranée pour se rendre en Europe, aucun accord de travail ne semble avoir été conclu entre les autorités responsables des opérations SAR et le quartier général de l’OTAN à Naples. Cette absence de communication a contribué à ce qu’aucune aide ne soit apportée aux personnes en détresse à bord de l’embarcation.

13. Bien que l’enquête ait porté sur un incident en particulier, les enseignements tirés ont des conséquences sur la manière dont, à l’avenir, il faut mener les actions de recherche et sauvetage. Aussi l’Assemblée recommande-t-elle aux États membres :

13.1. de combler l’absence de responsabilité pour les zones SAR abandonnées par un État qui, pour raison d’incapacité ou autre, n’exerce pas sa responsabilité de recherche et sauvetage, comme ce fut le cas de la Libye. Cette démarche peut nécessiter de modifier la Convention internationale sur la recherche et sauvetage maritimes (Convention SAR). Dans le cas évoqué, deux Centres de coordination de sauvetage maritime (Rome et Malte) savaient que le bateau se trouvait en détresse, mais ni l’un ni l’autre n’a pris la responsabilité de déployer une opération SAR. Rome, étant le premier MRCC informé de la situation de détresse, portait une plus grande responsabilité d’assurer le sauvetage du bateau ;

13.2. de veiller à ce qu’il existe des directives claires et simples (et dès lors applicables) sur ce qu’est au juste un signal de détresse, afin d’éviter toute confusion quant à l’obligation de lancer une opération SAR en faveur d’un navire en détresse ;

13.3. d’éviter les divergences d’interprétation de la définition d’un navire en détresse, notamment en ce qui concerne les bateaux surchargés et/ou inaptes à la navigation, même quand ils sont encore capables de propulsion, et veiller à ce qu’une assistance appropriée soit apportée à ces navires. Chaque fois que la sécurité exige qu’un navire soit assisté, cela doit déboucher sur des mesures de sauvetage ;

13.4. de s’attaquer aux motifs pour lesquels des navires marchands ne portent pas secours aux bateaux en détresse. Cela exige de prendre en compte :

13.4.1. les conséquences économiques pour le navire qui porte secours et ses propriétaires, ainsi que la question du dédommagement ;

13.4.2. le désaccord entre Malte et l’Italie sur le point de savoir si le débarquement doit se faire dans le port sûr le plus proche ou dans un port du pays de la zone SAR. Il faut inviter instamment l’Organisation maritime internationale à trouver une solution au problème et à multiplier ses efforts en faveur d’une interprétation et d’une application harmonisées du droit maritime international ;

13.4.3. la crainte de poursuites pénales (pour trafic ou aide et soutien de la migration clandestine) par ceux qui portent secours à des bateaux transportant des migrants clandestins, des demandeurs d’asile et des réfugiés ;

13.4.4. la législation, qui doit ériger en infraction pénale le non respect des obligations dérivées du droit de la mer par des navires commerciaux, ce qui est déjà le cas dans certains États membres du Conseil de l’Europe ;

13.5. de veiller à ce que, conformément à l’arrêt Hirsi c. Italie de la Cour européenne des droits de l’homme, les personnes sauvées par des opérations de secours ne soient pas renvoyées dans un pays où elles risquent de subir des traitements constituant une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

13.6. de s’attaquer à la question du partage des responsabilités, notamment dans le cadre des services de sauvetage et de débarquement, de gestion des demandes d’asile, de mise en place d’installations d’accueil, de relocalisation et de réinstallation, en vue d’élaborer un protocole communautaire contraignant pour le secteur de la Méditerranée. La lourde charge qui pèse sur les États en première ligne entraîne un problème de saturation et de réticence à endosser la responsabilité ;

13.7. de respecter le droit des familles à connaître le sort de ceux qui perdent la vie en mer et, à cet effet, améliorer la collecte et la diffusion des données sur leur identité. Un fichier ADN pourrait ainsi être créé à partir des dépouilles retrouvées en Méditerranée. A cet égard, les travaux menés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et d’autres organisations doivent être reconnus et soutenus ;

13.8. d’assurer le suivi de la Résolution 1821 (2011) de l’Assemblée sur l’interception et le sauvetage en mer de demandeurs d’asile, de réfugiés et de migrants en situation irrégulière ;

13.9. de veiller à ce que le manque de communication et de compréhension entre le MRCC de Rome et l’OTAN – qui a conduit à l’absence de toute responsabilité pour secourir le bateau – ne se reproduise pas lors de futures opérations de l’OTAN et, dans le cadre d’opérations SAR, veiller à ce que l’OTAN mette en place un mécanisme pour coordonner ses unités en contact direct avec les MRCC quand les circonstances le permettent.

14. Au vu de la gravité des allégations selon lesquelles des navires placés sous le commandement de certains États et/ou de l’OTAN ont manqué à leur devoir de porter secours à un bateau en détresse, l’Assemblée recommande :

14.1. que l’OTAN et les États membres impliqués dans l’opération de l’OTAN fournissent une réponse détaillée aux demandes en souffrance de l’Assemblée pour obtenir des informations complémentaires sur la participation de leurs unités respectives. Le but est d’identifier l’hélicoptère militaire qui aurait largué des provisions et qui n’est pas revenu, ainsi que le gros bâtiment de la marine qui aurait ignoré les appels de détresse du bateau alors que la moitié des passagers avait déjà péri ;

14.2. que l’OTAN, y compris son Assemblée parlementaire, mène une enquête sur cet incident et prenne les mesures qui s’imposent à la lumière des conclusions de cette enquête ;

14.3. que, pour préparer ses opérations, l’OTAN tienne compte de possibles mouvements de réfugiés et passe des accords avec les pays voisins pour garantir la protection de ces réfugiés ;

14.4. que les parlements nationaux ou leurs commissions compétentes, en s’appuyant sur des indices pertinents, mènent des enquêtes sur la possible responsabilité de leurs pays respectifs ;

14.5. que le Parlement européen use de son pouvoir institutionnel pour demander et obtenir des informations supplémentaires, y compris les clichés pertinents pris par satellite, afin de faire toute la lumière sur les faits qui ont entouré cet incident.

15. Enfin, compte tenu du calvaire subi par les survivants, l’Assemblée recommande aux États membres d’user de leur pouvoir discrétionnaire et d’invoquer des considérations humanitaires pour donner une suite favorable aux demandes d’asile et de réinstallation de ces personnes.

Annexe 5

DÉCLARATION DE BRIGHTON

La Conférence à haut niveau réunie à Brighton les 19 et 20 avril 2012 à l’initiative de la présidence britannique du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (« la Conférence ») déclare ce qui suit :

1. Les États parties à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») réaffirment leur attachement profond et constant à la Convention, ainsi qu’au respect de leur obligation, au titre de la Convention, de reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis dans la Convention.

2. Les États parties réaffirment également leur attachement au droit de recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour ») en tant que pierre angulaire du système de protection des droits et libertés énoncés dans la Convention. La Cour a apporté une immense contribution à la protection des droits de l’homme en Europe depuis plus de 50 ans.

3. Les États parties et la Cour partagent la responsabilité de la mise en œuvre effective de la Convention, sur la base du principe fondamental de subsidiarité. La Convention a été conclue sur la base, entre autres, de l’égalité souveraine des États. Les États parties doivent respecter les droits et libertés garantis par la Convention, et remédier de manière effective aux violations au niveau national. La Cour agit en tant que sauvegarde si des violations n’ont pas obtenu de remède au niveau national. Lorsque la Cour constate une violation, les États parties doivent se conformer à son arrêt définitif.

4. Les États parties et la Cour partagent aussi la responsabilité d’assurer la viabilité du mécanisme de la Convention. Les États parties sont déterminés à travailler en partenariat avec la Cour pour y parvenir, en s’appuyant également sur les travaux importants du Comité des Ministres et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que du Commissaire aux droits de l’homme et des autres institutions et organes du Conseil de l’Europe, et en travaillant dans un esprit de coopération avec la société civile et les institutions nationales chargées des droits de l’homme.

5. Dans sa déclaration du 19 février 2010, la Conférence à haut niveau réunie à Interlaken (« la Conférence d’Interlaken ») a noté avec une profonde préoccupation que l’écart entre les requêtes introduites et les requêtes traitées ne cessaient d’augmenter. Elle a considéré que cette situation nuisait gravement à l’efficacité et à la crédibilité de la Convention et de son mécanisme de contrôle et menaçait la qualité et la cohérence de la jurisprudence ainsi que l’autorité de la Cour. Dans sa déclaration du 27 avril 2011, la Conférence à haut niveau réunie à İzmir (« la Conférence d’İzmir ») s’est félicitée des avancées concrètes obtenues à la suite de la Conférence d’Interlaken. Les États parties sont très reconnaissants aux Présidence suisse et turque du Comité des Ministres d’avoir convoqué ces conférences, et à tous ceux qui ont contribué à mettre en œuvre le Plan d’action et le Plan de suivi.

6. Les résultats obtenus à ce jour dans le cadre du Protocole n° 14 sont encourageants, en particulier du fait des mesures prises par la Cour pour améliorer leur efficacité et faire face à l’afflux de requêtes clairement irrecevables. Toutefois, l’augmentation du nombre de requêtes potentiellement bien fondées en instance devant la Cour est un problème sérieux et préoccupant. Vu la situation actuelle de la Convention et de la Cour, les dispositions pertinentes prévues par les Conférences d’Interlaken et d’İzmir doivent continuer à être pleinement mises en œuvre et le potentiel du Protocole n° 14 doit être exploité pleinement. Toutefois, comme cela a été noté par la Conférence d’Izmir, le Protocole n° 14 à lui seul n’apportera pas une solution durable et globale aux problèmes auxquels le système de la Convention est confronté. Des mesures complémentaires sont donc également nécessaires pour que le système de la Convention reste efficace et puisse continuer à protéger les droits et libertés de plus de 800 millions de personnes en Europe.

A. Mise en œuvre de la Convention au niveau national

7. La pleine mise en œuvre de la Convention au niveau national suppose que les États parties prennent des mesures effectives pour prévenir les violations. Toutes les lois et politiques devraient être conçues et tous les agents publics devraient exercer leurs responsabilités d’une manière qui donne plein effet à la Convention. Les États parties doivent aussi prévoir des voies de recours pour les violations alléguées de la Convention. Les juridictions et instances nationales devraient prendre en compte la Convention et la jurisprudence de la Cour. La combinaison de toutes ces mesures devrait permettre de réduire le nombre de violations de la Convention. Elle devrait aussi permettre de réduire le nombre de requêtes bien fondées présentées à la Cour, ce qui contribuerait à alléger sa charge de travail.

8. Le Conseil de l’Europe joue un rôle crucial pour favoriser et encourager la mise en œuvre de la Convention au niveau national, dans le cadre de l’action plus vaste qu’il mène dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit. L’assistance technique fournie sur demande aux États parties, soit par le Conseil de l’Europe, soit bilatéralement par d’autres États parties, permet de diffuser les bonnes pratiques et d’améliorer le respect des droits de l’homme en Europe. Le soutien offert par le Conseil de l’Europe devrait être apporté de manière efficace, en fonction des objectifs fixés, en coordination avec l’ensemble plus large des activités de l’organisation.

9. En conséquence, la Conférence :

a) affirme la ferme volonté des États parties de s’acquitter de l’obligation, qui leur incombe au premier chef, de mettre en œuvre la Convention au niveau national ;

b) encourage vivement les États parties à continuer à tenir pleinement compte des recommandations du Comité des Ministres sur la mise en œuvre de la Convention au niveau national lors de l’élaboration de législations, de politiques et de pratiques destinées à donner effet à la Convention ;

c) exprime en particulier la détermination des États parties à veiller à la mise en œuvre effective de la Convention au niveau national, en prenant les mesures spécifiques suivantes, s’il y a lieu :

i) envisager d’établir, si elles ne l’ont pas encore fait, une institution nationale indépendante chargée des droits de l’homme ;

ii) mettre en œuvre des mesures concrètes pour faire en sorte que les politiques et législations respectent pleinement la Convention, y compris en fournissant aux parlements nationaux des informations sur la compatibilité avec la Convention des projets de loi de base proposés par le gouvernement ;

iii) envisager d’instaurer, si nécessaire, de nouvelles voies de recours internes, de nature spécifique ou générale, pour les violations alléguées des droits et libertés protégés par la Convention ;

iv) encourager les juridictions et instances nationales à tenir compte des principes pertinents de la Convention, eu égard à la jurisprudence de la Cour, lorsqu’elles conduisent leurs procédures et élaborent leurs décisions, et leur en donner les moyens ; et en particulier, permettre aux parties au litige – dans les limites appropriées de la procédure judiciaire nationale, mais sans obstacles inutiles – d’attirer l’attention des juridictions et instances nationales sur toutes dispositions pertinentes de la Convention et la jurisprudence de la Cour ;

v) donner aux agents publics les informations nécessaires sur les obligations imposées par la Convention ; et en particulier dispenser aux agents travaillant dans le système judiciaire, responsables de l’application des lois ou des mesures privatives de liberté, une formation sur la manière de remplir les obligations imposées par la Convention ;

vi) veiller à ce que des informations et une formation appropriées sur la Convention soient intégrées dans la formation théorique et pratique et dans le développement professionnel des juges, des avocats et des procureurs ; et

vii) donner aux requérants potentiels des informations sur la Convention, notamment sur le champ et les limites de la protection qu’elle offre, sur la compétence de la Cour et sur les critères de recevabilité ;

d) encourage les États parties s’ils ne l’ont pas encore fait :

i) à veiller à ce que les arrêts importants de la Cour soient traduits ou résumés dans les langues nationales, lorsque cela est nécessaire pour qu’ils soient dûment pris en compte ;

ii) à traduire le Guide pratique de la Cour sur la recevabilité dans les langues nationales ; et

iii) à envisager d’apporter des contributions volontaires additionnelles aux programmes du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme ou au Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme ;

e) encourage tous les États parties à tirer pleinement parti de l’assistance technique et à donner et recevoir, sur demande, une assistance technique bilatérale dans un esprit de coopération ouverte, en vue d’une protection pleine et entière des droits de l’homme en Europe ;

f) invite le Comité des Ministres :

i) à examiner comment veiller au mieux à ce que l’assistance technique demandée soit fournie aux États parties qui en ont le plus besoin ;

ii) dans le prolongement des sous-paragraphes c.iii et iv ci-dessus, à élaborer un guide de bonnes pratiques en matière de voies de recours internes ;

iii) dans le prolongement du sous-paragraphe c.v ci-dessus, à préparer une boîte à outils que les États parties pourraient utiliser pour informer leurs agents publics sur les obligations de l’État en application de la Convention ;

g) invite le Secrétaire Général à proposer aux États parties, à travers le Comité des Ministres, des moyens pratiques d’améliorer :

i) la mise en œuvre des programmes d’assistance technique et de coopération du Conseil de l’Europe ;

ii) la coordination entre les différents acteurs du Conseil de l’Europe qui participent aux mesures d’assistance ; et

iii) le ciblage de l’assistance technique à la disposition de chaque État partie sur une base bilatérale, en tenant compte d’arrêts particuliers de la Cour ;

h) invite la Cour à indiquer, parmi ses arrêts, ceux qu’elle recommanderait tout particulièrement de traduire éventuellement dans les langues nationales ; et

i) réitère l’importance de la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, en particulier pour assurer la mise en œuvre effective des programmes conjoints et une cohérence entre leurs priorités respectives dans ce domaine ;

B. Interaction entre la Cour et les autorités nationales

10. Les États parties à la Convention sont tenus de reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis dans la Convention et d’octroyer un recours effectif devant une instance nationale à toute personne dont les droits et libertés ont été violés. La Cour interprète de manière authentique la Convention. Elle offre également une protection aux personnes dont les droits et les libertés ne sont pas garantis au niveau national.

11. La jurisprudence de la Cour indique clairement que les États parties disposent, quant à la façon dont ils appliquent et mettent en œuvre la Convention, d’une marge d’appréciation qui dépend des circonstances de l’affaire et des droits et libertés en cause. Cela reflète le fait que le système de la Convention est subsidiaire par rapport à la sauvegarde des droits de l’homme au niveau national et que les autorités nationales sont en principe mieux placées qu’une Cour internationale pour évaluer les besoins et les conditions au niveau local. La marge d’appréciation va de pair avec la supervision découlant du système de la Convention. A cet égard, le rôle de la Cour est d’examiner si les décisions prises par les autorités nationales sont compatibles avec la Convention, eu égard à la marge d’appréciation dont dispose les États.

12. En conséquence, la Conférence :

a) salue le développement par la Cour, dans sa jurisprudence, de principes tels que ceux de subsidiarité et de marge d’appréciation et l’encourage à prêter la plus grande attention à ces principes et à les appliquer systématiquement dans ses arrêts ;

b) conclut que pour des raisons de transparence et d’accessibilité, une référence au principe de subsidiarité et à la doctrine de la marge d’appréciation, telle que développée dans la jurisprudence de la Cour, devrait être incluse dans le préambule de la Convention et invite le Comité des Ministres à adopter un instrument d’amendement en ce sens d’ici fin 2013, tout en rappelant l’engagement des États parties à donner plein effet à leur obligation de garantir les droits et libertés définis dans la Convention ;

c) salue et encourage le dialogue ouvert entre la Cour et les États parties afin d’améliorer la compréhension de leurs rôles respectifs dans la mise en œuvre de leur responsabilité partagée en matière d’application de la Convention y compris, en particulier, le dialogue entre la Cour et :

i) les plus hautes juridictions des États parties ;

ii) le Comité des Ministres, y compris en ce qui concerne le principe de subsidiarité ainsi que la clarté et la cohérence de la jurisprudence de la Cour ; et

iii) les agents des gouvernements et les experts juridiques des États parties, concernant en particulier les questions de procédure et à travers leur consultation sur les propositions de modification du Règlement de la Cour ;

d) note que l’interaction entre la Cour et les autorités nationales pourrait être renforcée par l’introduction dans la Convention d’un pouvoir supplémentaire de la Cour, que les États parties pourraient accepter à titre optionnel, de rendre sur demande des avis consultatifs sur l’interprétation de la Convention dans le contexte d’une affaire particulière au niveau national, sans préjudice du caractère non contraignant de ces avis pour les autres États parties ; invite le Comité des Ministres à rédiger le texte d’un protocole facultatif à la Convention à cet effet d’ici fin 2013 ; et invite en outre le Comité des Ministres à décider ensuite s’il y a lieu de l’adopter ; et

e) rappelle que la Conférence d’Izmir a invité le Comité des Ministres à poursuivre l’examen de la question des mesures provisoires prévues par l’article 39 du Règlement de la Cour ; et invite le Comité des Ministres à évaluer si une réduction significative du nombre de ces mesures a été constatée et si les requêtes faisant l’objet de mesures provisoires sont aujourd’hui traitées avec célérité, et à proposer toute action qui apparaîtrait nécessaire.

C. Requêtes introduites devant la Cour

13. Le droit de recours individuel est l’une des pierres angulaires du système de la Convention. Le droit d’introduire une requête devant la Cour devrait pouvoir être exercé concrètement et les États parties doivent veiller à n’entraver en aucune mesure l’exercice effectif de ce droit.

14. Les critères de recevabilité énoncés à l’article 35 de la Convention indiquent quelles affaires la Cour devrait examiner plus avant sur le fond. Ils devraient fournir à la Cour des outils pratiques pour s’assurer qu’elle puisse se concentrer sur les affaires dans lesquelles le principe ou l’importance de la violation requiert son attention. Il appartient à la Cour de statuer sur la recevabilité des requêtes. Il importe, ce faisant, qu’elle continue d’appliquer strictement et uniformément les critères de recevabilité afin d’accroître la confiance dans la rigueur du système de la Convention et d’éviter un alourdissement injustifié de sa charge de travail.

15. En conséquence, la Conférence :

a) salue la suggestion de la Cour que le délai dans lequel une requête doit être introduite devant la Cour, prévu par l’article 35, paragraphe 1 de la Convention, pourrait être réduit ; conclut que le délai de quatre mois est approprié, et invite le Comité des Ministres à adopter un instrument d’amendement en ce sens d’ici fin 2013 ;

b) se félicite que la Cour envisage d’appliquer plus strictement le délai prévu par l’article 35, paragraphe 1 de la Convention et souligne une nouvelle fois qu’il importe que la Cour applique pleinement, de manière cohérente et prévisible, tous les critères de recevabilité,y compris les règles concernant le champ de sa juridiction pour garantir l’administration efficiente de la justice et préserver les rôles respectifs de la Cour et des autorités nationales ;

c) conclut qu’à l’article 35, paragraphe 3.b de la Convention, les mots « et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne » devraient être supprimés, et invite le Comité des Ministres à adopter un instrument d’amendement en ce sens d’ici fin 2013 ;

d) affirme qu’une requête devrait être considérée comme manifestement irrecevable au sens de l’article 35(3)(a), entre autres, dans la mesure où la Cour estime que la requête soulève un grief qui a été dûment examiné par un tribunal interne appliquant les droits garantis par la Convention à la lumière de la jurisprudence bien établie de la Cour, y compris, le cas échéant, sur la marge d’appréciation, à moins que la Cour estime que la requête soulève une question sérieuse relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ; et encourage la Cour à veiller à la nécessité de suivre une approche stricte et cohérente lorsqu’elle déclare de telles requêtes irrecevables, en clarifiant sa jurisprudence à cet effet si nécessaire ;

e) constate avec satisfaction que la Cour a renforcé l’information des requérants sur ses procédures, et notamment sur les critères de recevabilité ;

f) invite la Cour à prévoir expressément dans son Règlement la possibilité de prendre une décision séparée sur la recevabilité à la demande du gouvernement défendeur lorsqu’il existe un intérêt particulier à ce que la Cour statue sur l’effectivité d’un recours interne mis en cause dans l’affaire considérée ;

g) invite la Cour à développer sa jurisprudence sur l’épuisement des voies de recours internes afin d’imposer que, lorsque celles-ci existent, le grief allégué de la violation de la convention ou d’une disposition équivalente du droit national ait été argumenté devant les tribunaux ou instances nationales, de façon à donner à celles-ci la possibilité d’appliquer la Convention à la lumière de la jurisprudence de la Cour.

D. Traitement des requêtes

16. Le volume des requêtes portées chaque année devant la Cour a doublé depuis 2004. Un nombre considérable de requêtes sont aujourd’hui pendantes devant toutes les formations judiciaires primaires de la Cour. De nombreux requérants, y compris des personnes dont la requête peut être bien fondée, doivent attendre une réponse pendant des années.

17. Vu l’importance du droit de recours individuel, la Cour doit être en mesure de traiter les requêtes irrecevables aussi efficacement que possible, avec une incidence minimale sur ses ressources. La Cour a déjà pris des mesures importantes à cette fin dans le cadre du Protocole n° 14, ce dont il faut se féliciter.

18. Les requêtes répétitives ont le plus souvent pour origine des problèmes systémiques ou structurels au niveau national. Il incombe aux États parties concernés, sous la surveillance du Comité des Ministres, de faire en sorte que ces problèmes et les violations qui en découlent soient réglés dans le cadre de l’exécution effective des arrêts de la Cour.

19. Le nombre croissant d’affaires pendantes devant les chambres de la Cour est également très préoccupant. La Cour devrait pouvoir axer son attention sur les nouvelles violations susceptibles d’être bien fondées.

20. En conséquence, la Conférence :

a) se félicite des progrès déjà réalisés par la Cour dans le traitement des requêtes, et en particulier de l’adoption :

i) de sa politique de hiérarchisation, qui l’a aidée à concentrer ses efforts sur les affaires les plus importantes et les plus graves ;

ii) de méthodes de travail tendant à rationaliser les procédures, notamment pour le traitement des affaires irrecevables ou répétitives, tout en maintenant une responsabilité judiciaire appropriée ;

b) note avec satisfaction que la Cour pourrait traiter d’ici à 2015 les requêtes manifestement irrecevables en suspens, prend note de la demande de la Cour d’obtenir le détachement supplémentaire de juges nationaux et de juristes indépendants de haut niveau auprès de son Greffe pour lui permettre d’y parvenir et encourage les États parties à organiser de nouveaux détachements dans ce sens ;

c) reste préoccupée par le grand nombre de requêtes répétitives en instance devant la Cour ; se félicite que celle-ci continue d’appliquer des mesures proactives, en particulier la procédure de l’arrêt pilote, pour traiter les violations répétitives avec efficacité ; et encourage les États parties, le Comité des Ministres et la Cour à travailler de concert pour trouver les moyens de régler le grand nombre de requêtes résultant de problèmes systémiques identifiés par la Cour, en examinant les différentes idées qui ont été avancées, y compris leurs implications juridiques, pratiques et financières, et en tenant compte du principe d’égalité de traitement de tous les États parties ;

d) en s’appuyant sur la procédure des arrêts pilotes, invite le Comité des Ministres à envisager l’opportunité et les modalités d’une procédure selon laquelle la Cour pourrait enregistrer et statuer sur un petit nombre de requêtes représentatives sélectionnées dans un groupe de requêtes alléguant la même violation contre le même État partie défendeur, la décision de la Cour en l’espèce étant applicable à l’ensemble du groupe ;

e) note que, pour permettre à la Cour de se prononcer dans un délai raisonnable sur les requêtes pendantes devant ses chambres, il pourrait être nécessaire à l’avenir de désigner des juges supplémentaires à la Cour ; note en outre qu’il pourrait être nécessaire que ces juges aient un mandat d’une durée différente, et/ou un éventail de fonctions différent des juges existants de la Cour ; et invite le Comité des Ministres à décider d’ici fin 2013 s’il devrait ou non entreprendre d’amender la Convention en vue de permettre la nomination de tels juges suite à une décision unanime du Comité des Ministres agissant sur la base d’informations reçues de la Cour ;

f) invite la Cour à consulter les États parties à propos de son intention d’adopter une interprétation plus large de la notion de jurisprudence bien établie au sens de l’article 28, paragraphe 1 de la Convention, afin de statuer sur un plus grand nombre d’affaires selon une procédure de comité, sans préjudice de l’examen approprié des circonstances d’espèce de chaque affaire et du caractère non contraignant des arrêts rendus à l’encontre d’un autre État partie ;

g) invite la Cour à examiner, en consultation avec les États parties, la société civile et les institutions nationales chargées des droits de l’homme, si :

i) à la lumière de l’expérience du projet pilote, d’autres mesures devraient être mises en place pour faciliter l’introduction des requêtes en ligne et simplifier ainsi la procédure de communication des affaires, tout en veillant à ce que les requêtes émanant de requérants qui n’ont pas la possibilité de les introduire en ligne continuent d’être acceptées ;

ii) les formulaires de requêtes auprès de la Cour pourraient être améliorés afin de faciliter une meilleure présentation et un meilleur traitement de ces requêtes ;

iii) les décisions et les arrêts de la Cour pourraient être mis à la disposition des parties à l’affaire un peu avant leur publication ;

iv) la demande de satisfaction équitable, y compris pour frais et dépens, et les observations y afférentes pourraient être soumises à un stade antérieur de la procédure devant la chambre et la Grande Chambre ;

h) estime que l’application intégrale de ces mesures, assortie des ressources appropriées, devrait en principe permettre à la Cour de prendre la décision de communiquer ou non une affaire, dans un délai d’un an, puis de rendre une décision ou un arrêt sur toute affaire communiquée dans un délai de deux ans après sa communication ;

i) exprime en outre l’engagement des États parties à travailler en partenariat avec la Cour afin d’obtenir ces résultats ; et

j) invite le Comité des Ministres, à déterminer, en concertation avec la Cour, comment il établirait, d’ici 2015, si ces mesures se sont avérées suffisantes pour permettre à la Cour de faire face à sa charge de travail ou s’il y a lieu de prendre des mesures complémentaires.

E. Les juges et la jurisprudence de la Cour

21. L’autorité et la crédibilité de la Cour dépendent en grande partie de la qualité de ses juges et des arrêts qu’ils rendent.

22. Le haut niveau des juges élus à la Cour est fonction de la qualité des candidats présentés à l’Assemblée parlementaire. Le choix de candidats ayant la plus haute envergure possible, opéré par les États parties, est de ce fait primordial pour préserver le succès de la Cour, tout comme l’est un Greffe de grande qualité, composé de juristes choisis en raison de leurs compétences juridiques et de leurs connaissances du droit et de la pratique des États parties, qui apporte un soutien inestimable aux juges de la Cour.

23. Les arrêts de la Cour doivent être clairs et cohérents, ce qui est un facteur de sécurité juridique. Cela aide les tribunaux nationaux à appliquer la Convention de manière plus précise et les requérants potentiels à évaluer si leur requête est bien fondée. La clarté et la cohérence sont particulièrement importantes lorsque la Cour traite de questions de portée générale. La cohérence dans l’application de la Convention ne requiert pas que les États parties mettent en œuvre celle-ci de manière uniforme. La Cour a indiqué qu’elle envisageait de modifier son Règlement afin d’imposer à une chambre de prendre une décision de dessaisissement si elle considère qu’il y a lieu de s’écarter d’une jurisprudence établie.

24. Un collège de juges stable favorise la cohérence de la Cour. Aussi n’est-il pas souhaitable, en principe, qu’un juge n’assure pas intégralement le mandat prévu par la Convention.

25. En conséquence, la Conférence :

a) se félicite de l’adoption par le Comité des Ministres des Lignes directrices concernant la sélection des candidats pour le poste de juge à la Cour européenne des droits de l’homme, et encourage les États parties à les mettre en œuvre ;

b) se félicite de la création du Panel consultatif d’experts sur les candidats à l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme, note que le Comité des Ministres a décidé de réexaminer le fonctionnement du Panel consultatif à l’issue d’une période initiale de trois ans et invite l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres à réfléchir à de nouvelles améliorations des procédures d’élection des juges ;

c) salue les mesures prises par la Cour pour préserver et renforcer la haute qualité de ses arrêts, en vue notamment de renforcer leurs clarté et leur cohérence ; note avec satisfaction que la Cour a reconnu de longue date que, par souci de sécurité juridique, de prévisibilité et d’égalité devant la loi, elle ne devrait pas s’écarter sans raison valable de ses propres précédents ; invite en particulier la Cour à garder à l’esprit l’importance de la cohérence lorsque les arrêts ont trait à différents aspects d’une même question, afin que leur effet cumulé continue d’offrir aux États parties une marge d’appréciation appropriée ;

d) vu le rôle central joué par la Grande Chambre pour la cohérence de la jurisprudence de la Cour, conclut qu’il faudrait supprimer les mots « à moins que l’une des parties ne s’y oppose » à l’article 30 de la Convention, invite le Comité des Ministres à adopter un instrument d’amendement en ce sens, et à examiner si des changements seraient requis en conséquence, d’ici fin 2013 et encourage les États parties à s’abstenir de faire objection à toute proposition de dessaisissement par une chambre en attendant l’entrée en vigueur de l’instrument d’amendement ;

e) invite la Cour à examiner si l’inclusion ex officio des vice-présidents de chaque section serait de nature à améliorer la composition de la Grande Chambre ; et

f) conclut à la nécessité d’amender l’article 23, paragraphe 2 de la Convention pour remplacer la limite d’âge des juges par l’exigence que ceux-ci n’aient pas plus de 65 ans au moment de l’entrée en fonction, et invite le Comité des Ministres à adopter un instrument d’amendement en ce sens d’ici fin 2013.

F. Exécution des arrêts de la Cour

26. Chaque État partie s’est engagé à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans toute affaire dans laquelle il est partie. Par sa surveillance, le Comité des Ministres veille à ce qu’il soit donné suite de manière appropriée aux arrêts de la Cour, y compris par la mise en œuvre de mesures générales destinées à résoudre des problèmes systémiques plus larges.

27. Le Comité des Ministres doit par conséquent vérifier de manière effective et équitable si les mesures prises par un État partie ont mis un terme à une violation. Le Comité des Ministres devrait pouvoir prendre des mesures effectives à l’égard d’un État partie qui manque à ses obligations au titre de l’article 46 de la Convention. Le Comité des Ministres devrait accorder une attention particulière aux violations révélatrices d’un problème systémique au plan national, et veiller à ce que les États parties exécutent rapidement et effectivement les arrêts pilotes.

28. Le Comité des Ministres surveille l’exécution d’un nombre d’arrêts toujours croissant. Étant donné que la Cour travaille à travers les requêtes potentiellement bien fondées qui sont pendantes devant elle, on peut s’attendre à ce que le volume de travail du Comité des Ministres augmente encore.

29. En conséquence, la Conférence :

a) encourage les États parties :

i) à développer des moyens et des mécanismes au plan interne pour assurer l’exécution rapide des arrêts de la Cour, y compris à travers la mise en œuvre de la Recommandation Rec(2008)2 du Comité des Ministres et à partager leurs bonnes pratiques en la matière ;

ii) à élaborer des plans d’action pour l’exécution des arrêts, rendus accessibles au plus grand nombre, y compris si possible par leur publication dans les langues nationales ;

iii) à faciliter le rôle important joué par les parlements nationaux dans l’examen de l’efficacité de la mise en œuvre des mesures prises ;

b) réitère l’invitation adressée au Comité des Ministres par les Conférences d’Interlaken et d’Izmir à appliquer pleinement le principe de subsidiarité, selon lequel les États parties peuvent choisir de quelle manière ils entendent satisfaire à leurs obligations en vertu de la Convention ;

c) invite le Comité des Ministres à poursuivre sa réflexion sur les moyens de perfectionner ses procédures afin de garantir une surveillance effective de l’exécution des arrêts, notamment par :

i) un examen plus structuré des questions stratégiques et systémiques lors de ses réunions ; et

ii) une plus grande publicité à propos de ses réunions ;

d) invite le Comité des Ministres à examiner si des mesures plus efficaces sont nécessaires à l’égard des États qui ne donnent pas suite aux arrêts de la Cour dans un délai approprié ;

e) salue les rapports réguliers et les débats de l’Assemblée parlementaire relatifs à l’exécution des arrêts.

G. Avenir à plus long terme du système de la Convention et de la Cour

30. La présente Déclaration traite de questions immédiates auxquelles la Cour est confrontée. Il est toutefois également vital de préserver l’efficacité future du système de la Convention. Pour ce faire, un processus est nécessaire pour anticiper les défis qui se profilent et développer une vision de l’avenir de la Convention, afin que les décisions futures puissent être prises en temps utile et de manière cohérente.

31. Dans le cadre de ce processus, il pourrait s’avérer nécessaire d’évaluer le rôle fondamental et la nature de la Cour. La vision à plus long terme doit garantir la pérennité du rôle clé joué par cette dernière dans le système de protection et de promotion des droits de l’homme en Europe. Le droit de recours individuel reste une pierre angulaire du système de la Convention. Les futures réformes devront renforcer la capacité de ce système à garantir un traitement rapide et efficace des violations graves.

32. La mise en œuvre effective de la Convention au niveau national permettra à la Cour de jouer à plus long terme un rôle plus ciblé et plus concentré. Le système de la Convention doit aider les États à assumer la responsabilité qui leur incombe au premier chef de mettre en œuvre la Convention au plan national.

33. Grâce à une meilleure mise en œuvre au niveau national, la Cour devrait être en mesure de concentrer ses efforts sur les violations graves ou répandues, les problèmes systémiques et structurels, et les questions importantes relatives à l’interprétation et à l’application de la Convention et de ce fait aurait à redresser par elle-même un moins grand nombre de violations et en conséquence à rendre un moins grand nombre d’arrêts.

34. La Conférence d’Interlaken a invité le Comité des Ministres à évaluer, durant les années 2012 à 2015, dans quelle mesure la mise en œuvre du Protocole n° 14 et du Plan d’action d’Interlaken aura amélioré la situation de la Cour. Sur la base de cette évaluation, le Comité des Ministres a été appelé à se prononcer, avant fin 2015, sur la nécessité d’entreprendre d’autres actions. Il a également été invité à décider, avant fin 2019, si les mesures adoptées se sont révélées suffisantes pour assurer un fonctionnement durable du mécanisme de contrôle de la Convention ou si des changements plus fondamentaux sont nécessaires.

35. En conséquence, la Conférence :

a) se félicite du processus de réflexion sur l’avenir à plus long terme de la Cour engagé par la Conférence d’Interlaken et poursuivi par la Conférence d’Izmir et salue la contribution de la Conférence informelle de Wilton Park à cette réflexion ;

b) invite le Comité des Ministres à définir d’ici fin 2012 le processus qui lui permettra de remplir les missions que lui confie la présente Déclaration et les Déclarations adoptées par les Conférences d’Interlaken et d’Izmir ;

c) invite le Comité des Ministres, dans le cadre de la mise en œuvre du mandat qu’il a reçu en application des Déclarations adoptées par les Conférences d’Interlaken et d’Izmir, à examiner l’avenir du système de la Convention, cet examen couvrant les défis futurs à la jouissance des droits et libertés garantis par la Convention et la façon dont la Cour peut remplir au mieux le double rôle qui est le sien d’agir en tant que sauvegarde pour les individus dont les droits et libertés ne sont pas assurés au niveau national et d’interpréter de manière authentique la Convention ;

d) propose que le Comité des Ministres remplisse cette tâche dans le cadre des structures existantes, tout en s’assurant de la participation et des conseils d’experts extérieurs le cas échéant afin de lui fournir un large éventail d’expertise et de faciliter l’analyse la plus approfondie possible des questions et solutions possibles ;

e) envisage que le Comité des Ministres, dans le cadre de ces travaux, effectue une analyse exhaustive des options potentielles quant à la fonction et au rôle futurs de la Cour, y compris la façon dont le système de la Convention pourrait être préservé pour l’essentiel dans sa forme actuelle, ainsi qu’un examen de changements plus substantiels quant à la façon dont les requêtes sont résolues par le système de la Convention en vue de réduire le nombre d’affaires qui doivent être traitées par la Cour ;

f) invite en outre les États parties, y compris à travers le Comité des Ministres, à initier un examen exhaustif :

i) de la procédure de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour et du rôle du Comité des Ministres dans ce processus ; et

ii) de l’octroi d’une satisfaction équitable aux requérants en application de l’article 41 de la Convention ; et

g) dans un premier temps, invite le Comité des Ministres à parvenir à un point de vue intermédiaire sur ces questions d’ici fin 2015.

H. Dispositions générales et finales

36. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention permettra une application plus cohérente des droits de l’homme en Europe. La Conférence note par conséquent avec satisfaction l’avancée des préparatifs du projet d’accord d’adhésion et lance un appel pour que ces travaux soient rapidement menés à bonne fin.

37. La Conférence note également avec satisfaction que, conformément au mandat donné par les Conférences d’Interlaken et d’Izmir, se poursuit l’examen de la question de savoir si une procédure simplifiée d’amendement des dispositions de la Convention relatives aux questions d’organisation pourrait être introduite au moyen d’un Statut de la Cour ou d’une nouvelle disposition dans la Convention, et appelle à une conclusion rapide et réussie de ces travaux qui tienne pleinement compte des dispositions constitutionnelles des États parties.

38. Lorsque les décisions relatives aux suites à donner à la présente Déclaration ont des implications financières pour le Conseil de l’Europe, la Conférence invite la Cour et le Comité des Ministres à quantifier ces coûts au plus tôt, en tenant compte des principes budgétaires du Conseil de l’Europe et de la nécessité de faire attention aux frais.

39. La Conférence :

a) invite la présidence britannique à transmettre la présente Déclaration et les actes de la Conférence au Comité des Ministres ;

b) invite les États parties, le Comité des Ministres, la Cour et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à donner pleinement effet à la présente Déclaration ; et

c) invite les présidences futures du Comité des Ministres à maintenir la dynamique de la réforme de la Cour et de la mise en œuvre de la Convention.

1 () Discussion par l’Assemblée le 25 avril 2012 (14e séance) (voir Doc. 12899 et Addendum, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur : M. Rochebloine). Texte adopté par l’Assemblée le 25 avril 2012 (14e séance).

2 () Discussion par l’Assemblée le 27 avril 2012 (18e séance) (voir Doc. 12896, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur : M. Jacquat). Texte adopté par l’Assemblée le 27 avril 2012 (18e séance).

3 () Discussion par l’Assemblée le 27 avril 2012 (18e séance) (voir Doc. 12896, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur : M. Jacquat). Texte adopté par l’Assemblée le 27 avril 2012 (18e séance).

4 () Discussion par l’Assemblée le 26 avril 2012 (16e séance) (voir Doc. 12906, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur : M. Marcenaro; et Doc. 12911, avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur : M. Santini). Texte adopté par l’Assemblée le 26 avril 2012 (16e séance).

5 () Discussion par l’Assemblée le 24 avril 2012 (12e séance) (voir Doc. 12895, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure : Mme Strik). Texte adopté par l’Assemblée le 24 avril 2012 (12e séance).


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