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N°  2170

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 181


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la Présidence du Sénat

le 17 décembre 2009

le 17 décembre 2009

 

DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

 

RAPPORT


relatif
à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement
pour les années 2008 et 2009,

Par

M. Jean-Jacques HYEST, Sénateur

           

Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale

par M. Jean-Luc WARSMANN

Premier Vice-Président de la délégation.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Jean-Jacques HYEST

Président de la délégation.

Bureau de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2009

Président

M. Jean-Jacques HYEST

Premier Vice-Président

M. Jean-Luc WARSMANN

Vice-Président

M. Didier BOULAUD

Composition de la délégation parlementaire au renseignement

Membres de droit

M. Jean-Luc WARSMANN, député,

président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale

M. Guy TEISSIER, député,

président de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale

M. Jean-Jacques HYEST, sénateur,

président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale du Sénat

M. Josselin de ROHAN, sénateur,

président de la commission des affaires étrangères, de la défense

et des forces armées du Sénat

Membres désignés par le Président de l’Assemblée nationale

MM. Jean-Michel BOUCHERON et Jacques MYARD, députés

Membres désignés par le Président du Sénat

MM. Didier BOULAUD et Jean-Patrick COURTOIS, sénateurs

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE CADRE JURIDIQUE DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT 6

A. LA MISE EN PLACE DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT 6

1. La création de la délégation par la loi du 9 octobre 2007 6

2. La mise en œuvre effective de la délégation 7

B. LES ATTRIBUTIONS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT 9

C. DES ACTIVITÉS MENÉES DANS LE CADRE D’UN STRICT RESPECT DU « SECRET DÉFENSE » 10

II. L’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT EN 2008 ET 2009 12

A. DES MODALITÉS DE TRAVAIL MULTIPLES 12

1. Les auditions des responsables du renseignement 12

2. Les visites des services de renseignement 14

3. Les autres activités de la délégation 15

B. UN RÔLE EN PRISE AVEC L’ACTUALITÉ 15

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement a constitué une évolution significative dans les relations entre le Parlement et les services de renseignement.

Chacun comprend que les nécessités de la défense et de la sécurité nationales justifient que l’État se dote de services spécialisés afin de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation. Cependant, compte tenu des pouvoirs parfois exorbitants du droit commun attribués à ces services, la représentation nationale doit pouvoir suivre leur fonctionnement. La création de la délégation parlementaire au renseignement doit donc être considérée comme une véritable avancée démocratique.

Le VI de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que « chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d'aucune information ni d'aucun élément d'appréciation protégés par le secret de la défense nationale ». Cette rédaction résulte d’un compromis élaboré au cours de la navette parlementaire. Le projet de loi initial prévoyait l’établissement par la délégation d’un rapport annuel, soumis au secret défense, remis au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée. Le Sénat a jugé nécessaire que la délégation rende un rapport public, craignant qu’en l’absence de toute expression extérieure, le rôle de celle-ci reste ignoré. L’Assemblée nationale a suivi cette position, tout en prévoyant, parallèlement, la possibilité d’adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre.

Le présent rapport public applique strictement ces dispositions législatives. En conséquence, il a pour unique objet de dresser un bilan factuel de l’activité de la délégation au cours de ses deux premières années de fonctionnement.

Au cours de ses travaux, la délégation s’est forgé une opinion sur de nombreux aspects intéressant l’organisation et la conduite de la politique du renseignement en France, éclairés par des informations et des appréciations couvertes par le secret de la défense nationale. Les observations, recommandations, voire critiques, issus de ces travaux ne trouveront donc pas leur place dans le présent rapport, mais font l’objet d’une communication directement adressée au Président de la République et au Premier ministre, ainsi que le prévoit la loi.

I. LE CADRE JURIDIQUE DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

A. LA MISE EN PLACE DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

1. La création de la délégation par la loi du 9 octobre 2007

La loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 a inséré dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article 6 nonies portant création d'une délégation parlementaire au renseignement.

L’idée d’instituer un organe parlementaire spécifiquement dédié au suivi des services de renseignement n’était pas nouvelle. En effet, les activités de ces services étant couvertes par le secret de la défense nationale, le pouvoir de contrôle du Parlement à leur égard est nécessairement limité puisque les parlementaires ne peuvent avoir accès qu’à une partie des informations les concernant. Seul un organe spécifique dont les membres, nécessairement peu nombreux, sont habilités à avoir connaissance d’informations classifiées peut réaliser un travail de suivi effectif des services de renseignement.

Sur le modèle d’exemples étrangers1, plusieurs initiatives parlementaires ont donc cherché à créer une telle instance en France. Plusieurs propositions de lois ont ainsi été déposées, tendant à la création d’une délégation parlementaire au renseignement, sans cependant faire l’objet d’un examen par la commission permanente compétente, telles celles des sénateurs Nicolas About en 19972 et Serge Vinçon en 19993. A l’Assemblée nationale, une proposition de loi équivalente de M. Paul Quilès4, alors président de la commission de la défense nationale et des forces armées, avait été examinée et adoptée en commission, en novembre 1999, sans faire l’objet par la suite d’une inscription à l’ordre du jour en séance publique.

La discussion, en novembre 2005 à l’Assemblée nationale puis en décembre au Sénat, du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme5, a relancé le débat sur cette question. Alors que le Parlement s’apprêtait à donner de nouveaux moyens juridiques aux services de renseignement (consultation de fichiers, accès aux données techniques concernant les communications, observation des déplacements internationaux), la spécificité française en matière d’absence de contrôle parlementaire dans ce domaine devenait de plus en plus difficile à justifier. Le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, M. Alain Marsaud, et plusieurs de ses collègues furent alors conduits à déposer des amendements proposant la création d’une délégation parlementaire au renseignement. Face à ces propositions, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d’État, ministre de l'intérieur et de l’aménagement du territoire, avait donné au nom du Gouvernement un accord de principe sur la création d'un organe de contrôle, marquant cependant sa préférence pour l’adoption d’un texte législatif spécifique d’origine gouvernementale.

Tenant ses engagements, le Gouvernement déposa le 8 mars 2006 sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement. Celui-ci ne fut pas examiné avant la fin de la douzième législature. Toutefois, dès le début de la treizième législature, ce projet de loi fut redéposé sur le bureau du Sénat afin de pouvoir être examiné au cours de la session extraordinaire convoquée en juillet 2007. Adoptée définitivement le 25 septembre 2007, la loi fut promulguée le 9 octobre 2007.

2. La mise en œuvre effective de la délégation

La loi du 9 octobre 2007 prévoit que la délégation est composée de quatre députés et quatre sénateurs : les présidents des commissions chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense de chacune des deux assemblées, qui sont membres de droit, ainsi que deux députés et deux sénateurs désignés par le président de leur assemblée « de manière à assurer une représentation pluraliste ».

Ainsi, dès la désignation des membres de la délégation non membres de droit, celle-ci a pu être constituée. La délégation est donc composée :

— du président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann ;

— du président de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, M. Guy Teissier ;

— du président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest ;

— du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, M. Josselin de Rohan6 ;

— d’un député issu de la majorité, M. Jacques Myard7;

— d’un député issu de l’opposition, M. Jean-Michel Boucheron8;

— d’un sénateur issu de la majorité, M. Jean-Patrick Courtois9;

— d’un sénateur issu de l’opposition, M. Didier Boulaud10.

Immédiatement après sa constitution, la délégation a été convoquée au Sénat par son président d’âge, M. Jean-Jacques Hyest, le 12 décembre 2007, afin de désigner son président.

La loi prévoit que la présidence de la délégation doit être assurée alternativement pour un an par un député et un sénateur, membre de droit. Il a été décidé que cette présidence serait exercée pour l’année civile. Pour la première année, du 12 décembre 2007 au 31 décembre 2008, M. Guy Teissier, président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, a été élu président de la délégation.

Au cours de cette même réunion constitutive, la délégation a décidé de se doter d’un bureau composé d’un premier vice-président, qui exercera la présidence de la délégation l’année suivante, et d’un vice-président appartenant à la même assemblée que le président et désigné afin d’assurer une représentation pluraliste au sein du bureau. M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois du Sénat, fut donc désigné premier vice-président de la délégation pour l’année 2008, et M. Jean-Michel Boucheron, député appartenant à un groupe de l’opposition, vice-président pour la même durée. Il fut également décidé que seul le premier vice-président pourrait suppléer le président en cas d’absence de celui-ci.

Ces principes concernant le mode de désignation du bureau ont été consacrés par le règlement intérieur de la délégation parlementaire au renseignement, adopté le 31 janvier 2008, puis approuvé par le Bureau de l’Assemblée nationale le 2 avril 2008 et le Bureau du Sénat le 8 avril 2008. L’article 2 du règlement précise en effet que « le président de la délégation est, successivement et pour un an, le président de la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, le président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale du Sénat, le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale et le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ».

Pour l’année 2009, le bureau de la délégation est ainsi composé :

— Président : M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois du Sénat ;

— Premier vice-président : M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale ;

— Vice-président : M. Didier Boulaud, sénateur appartenant à un groupe de l’opposition.

B. LES ATTRIBUTIONS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

Le III de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100, issu de la loi du 9 octobre 2007, indique que « la délégation parlementaire au renseignement a pour mission de suivre l'activité générale et les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l'autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget ».

Il résulte de cette rédaction que la délégation a une mission d’ordre général, s’intéressant aux objectifs d’ensemble des services de renseignement, à leurs conditions de fonctionnement et d’organisation, ainsi qu’aux moyens techniques et humains qui leur sont consacrés.

En effet, les documents transmis à la délégation et les informations communiquées au cours des auditions « ne peuvent porter ni sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. ».

La loi désigne les services qui relèvent de la délégation parlementaire au renseignement :

— les services de renseignement placés sous la responsabilité du ministre de l’Intérieur : la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI)11 et la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) ;

— les services de renseignement placés sous l’autorité du ministre de la défense : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement militaire (DRM) et la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) ;

— les services de renseignement placés sous l’autorité des ministres de l’économie et du budget : la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), qui relève de la direction générale des douanes et droits indirects, et la cellule de renseignement financier Tracfin.

Le cadre législatif précise également la liste des personnes que la délégation peut entendre pour accomplir sa mission : il s’agit du Premier ministre, des ministres, du secrétaire général de la défense nationale et des directeurs en fonction des services de renseignement.

C. DES ACTIVITÉS MENÉES DANS LE CADRE D’UN STRICT RESPECT DU « SECRET DÉFENSE »

Compte tenu des spécificités des activités de renseignement, la mise en œuvre d’un suivi parlementaire exigeait de prendre certaines précautions, inhabituelles s’agissant d’un organe parlementaire, c'est-à-dire généralement destiné à participer au débat public et à rendre compte précisément de son activité.

En effet, l’existence même d’un organe parlementaire spécifique pour suivre les questions de renseignement s’explique par la nécessité de transmettre certaines informations confidentielles à des parlementaires, sans remettre en cause les exigences de la confidentialité attachées aux activités de renseignement.

Ainsi, la délégation parlementaire a pris soin de mettre en place des procédures assurant la confidentialité de ses travaux, lesquels sont, d’après la loi du 9 octobre 2007, couverts par le secret de la défense nationale. Il était non seulement indispensable de veiller à ce que les informations classifiées communiquées à la délégation ne soient rendues publiques d’aucune manière ou ne fassent pas l’objet de « fuites », mais également nécessaire de démontrer aux responsables des services de renseignement, interlocuteurs au quotidien de la délégation, que celle-ci veillait à se conformer strictement aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection du secret de la défense nationale. Il est en effet essentiel de tisser avec ces services une relation fondée sur la confiance mutuelle : quelles que soient les règles imposant la transmission d’informations confidentielles, l’efficacité du travail de la délégation serait fortement amoindrie si elle était susceptible de nourrir des soupçons quant aux règles de protection des données confidentielles.

Les règles de confidentialité retenues par la délégation concernent d’abord la tenue de ses réunions, qui ont lieu dans des locaux adaptés par leur localisation et leur agencement, et ayant fait l’objet d’un diagnostic de sécurité par les services compétents en matière de respect des règles du secret de la défense nationale.

De la même façon, chaque assemblée dispose d’une salle spécialement équipée, où sont réunis les documents protégés par le secret de la défense nationale transmis à la délégation, les comptes rendus des réunions, ainsi que tout document de travail de la délégation. Les normes retenues en matière de conservation des données (modalités d’accès à la salle, type d’armoire forte, matériel informatique utilisé…) sont celles applicables pour les informations ou supports protégés classifiés au niveau Secret-Défense. Il faut par ailleurs noter que les documents de la délégation, y compris les comptes rendus, ne peuvent être consultés que dans ces salles.

Enfin, le respect des règles de confidentialité a exigé la mise en place d’une procédure originale d’habilitation des fonctionnaires parlementaires assurant le secrétariat de la délégation. Cette question ne se posait pas pour les parlementaires membres de la délégation : le respect du principe de séparation des pouvoirs interdit de soumettre des parlementaires à une procédure d’habilitation, laquelle comprend une enquête approfondie afin de « vérifier qu’une personne peut, sans risque pour la défense nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou supports protégés dans l’exercice de ses fonctions12 ». Afin de résoudre cette difficulté, la loi a donc expressément prévu que les huit parlementaires de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d'appréciation protégés par le secret de la défense nationale.

En revanche, s’agissant des agents des assemblées, la loi dispose qu’ils « doivent être habilités, dans les conditions définies pour l'application de l'article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d'appréciation ». Cette disposition posait quelques difficultés d’application puisque le décret n° 98-608 du 17 juillet 1998 relatif à la protection des secrets de la défense nationale n’avait pas envisagé une telle hypothèse.

Les quatre fonctionnaires chargés d’assurer le secrétariat de la délégation13 ont donc été soumis à une procédure d’habilitation de droit commun pour le niveau de classification « Secret-Défense ». Dans un premier temps, ils ont reçu une habilitation provisoire afin de ne pas retarder la mise en place de la délégation. La décision définitive d’habilitation a ensuite été prise par le secrétaire général de la défense nationale, à la suite d’une enquête menée par le service compétent.

II. L’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT EN 2008 ET 2009

Ainsi qu’il l’a été indiqué en introduction, la délégation a adressé des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre, comme l’y invite la loi.

Elle souhaite ici simplement relater la manière dont elle a organisé son activité au cours de ses deux premières années de fonctionnement.

A. DES MODALITÉS DE TRAVAIL MULTIPLES

A la suite de sa réunion constitutive du 12 décembre 2007, la délégation parlementaire a choisi de se réunir à un rythme mensuel. Son règlement prévoit que les réunions ont lieu dans les locaux de l’assemblée à laquelle son président appartient. Pour des raisons de sécurité, les convocations des réunions ne sont pas rendues publiques. Ainsi, la rubrique « informations parlementaires » du Journal officiel ne contient aucune information relative aux réunions de la délégation, alors même que sa sous-rubrique consacrée aux instances bicamérales a été rebaptisée « Offices parlementaires et délégation parlementaire au renseignement ».

1. Les auditions des responsables du renseignement

L’instrument privilégié d’information de la délégation parlementaire au renseignement est l’audition des principaux responsables du renseignement. Ces auditions étant couvertes par le secret de la défense nationale, elles sont en effet l’occasion pour eux d’exposer très directement aux membres de la délégation l’organisation et l’activité de leur service et d’apporter des réponses précises aux questions qui leur sont posées.

La délégation n’a pas jusqu’ici souhaité utiliser son pouvoir d’audition des responsables politiques du renseignement (Premier ministre, ministre de l’intérieur, ministre de la défense, ministre de l’économie, ministre du budget). Il lui a en effet semblé plus utile, et plus complémentaire du travail des commissions permanentes, de rencontrer en priorité les directeurs des services.

Pour la première année de fonctionnement de la délégation, en 2008, son président, M. Guy Teissier, avait en effet souhaité que ses travaux débutent par l’audition des directeurs des services spécialisés entrant dans le champ de compétence de la délégation, afin d’effectuer un premier tour d’horizon des principaux enjeux actuels du renseignement.

Au cours de l’année 2008, ont ainsi été programmées les auditions :

— du secrétaire général de la défense nationale (SGDN), M. Francis Delon ;

— du directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), alors M. Pierre Brochand ;

— du directeur de la surveillance du territoire (DST), M. Bernard Squarcini ;

— du directeur du renseignement militaire (DRM), le général Benoît Puga ;

— du directeur de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), le général Didier Bolelli ;

— du directeur général des douanes et droits indirects (DGDDI), M. Jérôme Fournel, ainsi que du directeur national du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), M. Guy Gouin, et du chef de la cellule de renseignement financier Tracfin (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins).

En complément de l’audition de ces responsables, prévue par la loi, la délégation a également pu procéder à l’audition de M. Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement à la présidence de la République.

En effet, lors de l’examen du projet de loi portant création de la délégation parlementaire au renseignement, cette fonction n’existait pas et la possibilité d’en auditionner le titulaire n’avait donc pu être prévue. La coordination du renseignement relevait, sous l’autorité du Premier ministre, du secrétaire général de la défense nationale. La création de cette nouvelle structure devait être prise en compte par la délégation qui, en raison de sa compétence sur l'activité générale et les moyens des services spécialisés, est chargée du suivi de questions relevant directement de l’activité du coordinateur national du renseignement, telles que la création du Conseil national du renseignement, le cadre juridique des activités de renseignement, le rapprochement entre les différents services ou la création d’une académie du renseignement.

Pour toutes ces raisons, le coordonnateur national du renseignement est devenu un interlocuteur privilégié de la délégation, qui l’a donc auditionné dès 2008 et à deux reprises en 2009.

Au cours de l’année 2009, la délégation a par ailleurs procédé à l’audition des responsables des services relevant de sa compétence qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion d’entendre l’année précédente :

— le directeur du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP), M. Bruno Laffargue ;

— ainsi que M. Bernard Squarcini dans ses nouvelles fonctions de directeur central du renseignement intérieur (DCRI).

2. Les visites des services de renseignement

La délégation a souhaité compléter l’audition de l’ensemble des responsables des services de renseignement par des visites au sein des services eux-mêmes.

Ces visites présentent plusieurs avantages. Elles permettent de mieux appréhender la réalité de l’activité quotidienne des services et les moyens dont ils sont dotés. En outre, organisées grâce à des échanges préalables avec le service visité, elles permettent à la délégation de soumettre certaines demandes dépassant le strict cadre fixé par la loi du 9 octobre 2007. La délégation a ainsi pu s’entretenir directement avec les chefs de département des services visités, voire avec certains de leurs agents, alors qu’en théorie, la loi lui désigne pour seuls interlocuteurs les directeurs de service. La relation de confiance nouée avec ceux-ci a donc permis d’élaborer des programmes permettant les contacts avec d’autres personnels que le directeur, avec l’autorisation et sous le contrôle de ce dernier.

Les visites des services de renseignement offrent également la possibilité à la délégation de se faire présenter des réalisations concrètes. Cette approche traduit de la part des services visités une interprétation extensive des compétences de la délégation. Les directeurs des services n’ont en effet pas considéré que l’interdiction de communiquer sur « les activités opérationnelles » empêchait d’apporter à la délégation des éléments d’information lui permettant de se faire une idée précise, c'est-à-dire avec des exemples concrets, des modalités de recueil et d’analyse du renseignement et de la manière dont il est exploité.

La délégation a effectué en 2009 les visites suivantes :

— une première visite au siège de la DGSE, consacrée à une présentation détaillée du service par son nouveau directeur, M. Erard Corbin de Mangoux, ainsi que des principales ressources techniques de collecte et de traitement du renseignement dont il dispose ;

— une deuxième visite au siège de la DGSE, qui a permis aux membres de la délégation de s’informer sur le rôle de la direction des opérations, grâce notamment à des présentations très concrètes du « service action »;

— une visite de la DCRI à Levallois-Perret, au cours de laquelle les membres de la délégation ont pu s’entretenir avec les directeurs-adjoints et les sous-directeurs du service ;

— une visite de la direction du renseignement militaire à Creil, au cours de laquelle la délégation a pris connaissance des activités du centre de formation et d’interprétation interarmées de l’imagerie (CF3I) et du centre de formation et d’emploi relatif aux émissions électromagnétiques (CF3E).

3. Les autres activités de la délégation

En dehors du cadre de ses réunions, soit sous la forme d’auditions, soit de visites de services, la délégation joue désormais un rôle dans le paysage français du renseignement.

Ainsi, son président peut être conduit à représenter la délégation pour rencontrer des personnalités du monde du renseignement, notamment ses homologues, présidents d’organes de contrôle parlementaire des services de renseignement d’autres pays.

Par ailleurs, aux termes de la loi du 9 octobre 2007, les ministres concernés « adressent à la délégation des informations et des éléments d'appréciation relatifs au budget, à l'activité générale et à l'organisation des services de renseignement placés sous leur autorité ». Cette disposition permet donc à la délégation d’avoir accès à des documents entrant dans le cadre de son action qui ne peuvent pas être rendus publics. De la sorte, l’absence de publicité donnée à ces documents n’empêche pas l’existence d’un regard extérieur sur eux. C’est dans ce cadre qu’à la demande de l’un de ses membres, le président de la délégation a demandé, et obtenu, en septembre 2008, la communication du décret créant le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur, dénommé CRISTINA, créé par un décret qui n’a pas été publié au Journal officiel, en application de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

B. UN RÔLE EN PRISE AVEC L’ACTUALITÉ

Au cours des auditions comme des visites, la délégation a cherché à orienter ses travaux en direction des thèmes qui lui semblaient les plus pertinents.

Sa mission première étant d’effectuer un suivi de l’activité générale des services de renseignement, elle a été particulièrement attentive aux nombreuses évolutions intervenues dans ce domaine, notamment à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (réorganisation du renseignement ; réforme du renseignement intérieur ; moyens budgétaires alloués aux services ; réorganisation du dispositif d’intelligence économique ; politique des ressources humaines ; programmes d’équipement technique des services …).

Par ailleurs, la délégation s’est penchée sur des sujets particuliers qui, à la lumière des auditions des différents responsables de service, lui paraissaient devoir justifier des compléments d’information. Elle a par exemple organisé une audition spécifiquement consacrée aux conditions d’utilisation des moyens techniques de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), avec le sous-directeur des technologies du renseignement, M. Michel Pagès. A cette occasion encore, la délégation a pu aller au-delà du strict cadre prévu par la loi.

Enfin, que ce soit lors des auditions ou des visites, la délégation s’est attachée à faire le point, avec ses interlocuteurs, sur des sujets d’actualité retenant plus particulièrement son attention : la situation de la menace terroriste sur le territoire national ; l’activité des groupes terroristes dans la région sahélienne, l’état d’avancement du programme nucléaire iranien en sont quelques exemples.

Les échanges avec les responsables du renseignement sur ces sujets ont été d’autant plus précieux qu’ils ont permis d’obtenir des éléments d’informations qui ne peuvent être communiqués dans le cadre du travail parlementaire classique (auditions des commissions permanentes, rapports parlementaires…), ce qui est la raison d’être même de la délégation parlementaire au renseignement.

*

* * *

Réunie le jeudi 17 décembre 2009 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la délégation parlementaire au renseignement a adopté, à l’unanimité de ses membres, le présent rapport relatif à son activité pour les années 2008 et 2009.

Elle a également adopté, à l’unanimité de ses membres, des observations et recommandations tirées de ses travaux qu’elle a adressées au Président de la République et au Premier ministre.

1 Les commissions du renseignement de la Chambre des représentants et du Sénat des États-unis ont été créées respectivement en 1976 et 1977. L’organe équivalent a été créé en 1979 au Bundestag et en 1994 au Parlement britannique. Au moment de l’examen de la loi du 9 octobre 2007, le Parlement français était le dernier des grandes démocraties occidentales, avec le Portugal, à ne pas disposer d'un organe dédié au suivi des services de renseignement.

2 n°439 (1996/1997).

3 n°236 (1998/1999).

4 n°1497 (XIe législature).

5 Devenu la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

6 Membre de la délégation depuis son élection à la présidence de la commission des affaires étrangères le 14 janvier 2008, en remplacement de M. Serge Vinçon, décédé le 16 décembre 2007.

7 Désigné jusqu’à la fin de la XIIIe législature, le 19 juin 2012.

8 Désigné jusqu’à la fin de la XIIIe législature, le 19 juin 2012.

9 Désigné jusqu’au prochain renouvellement du Sénat, le 30 septembre 2011.

10 Désigné jusqu’au prochain renouvellement du Sénat, le 30 septembre 2011.

11 Jusqu’à la création de ce service le 1er juillet 2007, la délégation suivait l’activité des deux services dont la DCRI est issue : la direction de la surveillance du territoire (DST) et la direction centrale des renseignements généraux (DCRG).

12 Article 15 de l’instruction générale interministérielle sur la protection du secret de la défense nationale du 25 août 2003.

13 Contrairement à d’autres organes parlementaires, la délégation parlementaire au renseignement ne dispose pas d’un secrétariat permanent. Cette mission est en effet confiée à deux fonctionnaires de chaque assemblée affectés dans chacune des commissions permanentes présidées par les membres de droit de la délégation.


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