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Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social

JEUDI 2 OCTOBRE 2014

Séance de 9 heures 

Compte rendu n° 20

Présidence de
M. Alain BOCQUET, Président

Table ronde « Modèle économique et financier » :

– Mme Sophie des Mazery, directrice de Finansol ;

– M. Hugues Sibille, vice-président du Crédit coopératif ;

– M. Gérard Leseul, responsable des relations institutionnelles et internationales au Crédit mutuel ;

– M. Christian Sautter, président de France Active ;

– M. Yannick Blanc, président de La Fonda.

    L’audition débute à neuf heures dix.

    M. le président Alain Bocquet. Dans le contexte de crise que nous connaissons depuis plusieurs années, les contraintes pesant sur la vie associative se sont faites progressivement plus fortes : réduction et transformation des financements publics, exigences accrues de transparence et de contrôle, évolution du bénévolat, présence plus affirmée du secteur lucratif dans des domaines d’activité autrefois chasse gardée des associations.

    La rigueur de gestion – la « chasse au gaspi » – ne suffit plus. Ce qui est en cause, c’est la capacité des associations à obtenir des sources de financement pérennes, notamment pour financer leurs charges récurrentes et leurs frais de structure, à mobiliser des fonds propres et à optimiser les financements bancaires ou sur titres. Il faut réinventer – ou peut-être, pour certaines, inventer – des modèles économiques et financiers, ce qui passe par un retour sur soi plus global que la simple recherche de nouveaux bailleurs de fonds.

    Qu’est-ce qu’un modèle économique et financier pour une association ? Que peut-elle en faire ? À entrer dans une telle démarche, risque-t-elle de perdre son âme ? Quel rôle doit jouer la finance solidaire dans les modèles économiques associatifs ? Votre expertise à tous nous sera précieuse pour y voir clair et essayer de dégager l’horizon du monde associatif.

    Avant de vous donner la parole, je vous demande, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

    (Mme Sophie des Mazery, MM. Hugues Sibille, Gérard Leseul, Christian Sautter et Yannick Blanc prêtent serment)

    Mme Sophie des Mazery, directrice de Finansol. Je m’attacherai à montrer comment la finance solidaire peut financer le monde associatif.

    La finance solidaire est un circuit de financement qui relie des particuliers, au nombre aujourd’hui de 1 million, souhaitant donner du sens à leur épargne, à des structures à forte utilité sociale et environnementale, qu’il s’agisse d’entreprises, de coopératives ou d’associations. L’épargne solidaire se distingue du don, même si les produits de partage s’en approchent. Elle finance soit les dettes, soit le capital d’entreprises solidaires agréées répondant à un besoin humain essentiel comme le logement, l’emploi, la production d’énergie propre et reposant sur un modèle économique pérenne puisqu’elles doivent avoir la capacité de rembourser l’argent prêté.

    La finance solidaire est née il y a plus de trente ans. Les années quatre-vingt ont vu, de manière concomitante, émerger l’initiative conjointe du Crédit coopératif et du Comité catholique contre la faim et pour le développement de créer le fonds commun de partage « Faim et Développement », se développer le mouvement des Cigales, clubs d’investisseurs particuliers animés de la volonté de financer des activités économiques créatrices d’emplois dans une période de fort chômage, et se créer des sociétés de capital-risque.

    Il y a trois façons de constituer une épargne solidaire :

    La première passe par les banques et les mutuelles, puisque pratiquement toutes proposent des produits d’épargne solidaire, même si toutes ne les promeuvent pas.

    La deuxième passe par les entreprises, qui constituent le principal facteur de croissance de cette épargne. Une loi de 2001 puis la loi de modernisation de l’économie, en 2008, ont posé l’obligation pour les entreprises ayant des dispositifs d’épargne salariale de proposer au moins un fonds solidaire à leurs salariés. Le nombre des épargnants salariés contribuant à l’épargne solidaire est de 800 000, chiffre à rapporter au million d’épargnants solidaires et aux 10 à 12 millions d’épargnants salariés.

    La troisième passe par l’investissement direct dans le capital d’une entreprise solidaire.

    En dix ans, l’épargne solidaire a connu une forte progression : de 2002 à 2012, le nombre d’épargnants a augmenté de 39 000 à 1 million et l’encours de 300 millions d’euros à 6,2 milliards d’euros.

    Les termes d’entreprise solidaire ne sont pas un oxymore. Ces entreprises reposent sur une activité économique au service du développement humain, destinée à venir en aide à des publics ou des territoires fragiles. Leur finalité première n’est pas de maximiser les résultats mais il importe qu’elles en obtiennent suffisamment pour ne pas disparaître et pour réinvestir dans leurs projets. Leur lucrativité est limitée, voire nulle, et leurs rémunérations doivent être raisonnables, comme l’impose le cadre strict de l’agrément.

    Je vais maintenant évoquer les quatre grands secteurs d’activité financés par l’épargne solidaire.

    Il s’agit tout d’abord du logement très social, destiné à un public en difficulté qui ne répond pas aux conditions d’attribution d’un HLM. Le plus gros acteur de ce secteur est Habitat et humanisme qui gère aujourd’hui 7 000 logements sur l’ensemble du territoire et accompagne des personnes fragilisées vers une pleine réinsertion dans la société, comprenant l’accès à un logement et le retour vers l’emploi.

    Le deuxième secteur est l’emploi. Les financeurs solidaires, au premier rang desquels France Active, développent une activité quasi-bancaire au service d’entreprises favorisant la création d’emplois et ayant une utilité sociale ou environnementale. Citons les entreprises de réinsertion Vitamine T, qui compte 3 000 salariés, et le Réseau Cocagne, association de jardins maraîchers qui emploie 1 700 personnes.

    Troisième secteur : les activités écologiques citoyennes, qui comprennent l’agriculture biologique et les énergies renouvelables répondant à certains critères, précisons-le – il s’agit de financer l’installation non pas de champs de panneaux solaires dont le seul objectif serait de générer de la rentabilité mais d’éoliennes acceptées par toutes les parties prenantes.

    Enfin, quatrième secteur, l’entrepreneuriat dans les pays du Sud. Bénéficiaire historique de l’épargne solidaire, c’est maintenant le moins important des secteurs financés. Je citerai ici la SIDI.

    L’ambition de Finansol est, à moyen terme, que 1 % du patrimoine financier des Français soit investi dans l’épargne solidaire. Il reste du chemin à parcourir puisque sur un total de 4 000 milliards d’euros d’épargne, elle ne représente actuellement que 0,15 %. Mais cet objectif nous semble atteignable.

    Au niveau international, l’épargne solidaire fait l’objet d’une prise de conscience de plus en plus forte. Le G8 a ainsi créé un groupe de travail consacré à l’impact investing au sein duquel Hugues Sibille représente la France.

    Pour finir, j’aborderai la question de savoir comment l’épargne solidaire peut participer à la diversification des ressources des associations à côté des subventions, des dons et des prêts bancaires.

    Le premier des trois principaux mécanismes est l’épargne de partage, fondée sur le partage des intérêts d’un produit entre un particulier et une association. Elle occupe une place modeste puisqu’à la fin de l’année 2013, les dons ainsi distribués s’élèvent à 6 millions d’euros. Le deuxième mécanisme recouvre les outils de dette, du micro-crédit aux prêts participatifs. Le troisième, qui ne concerne que les plus grosses associations, repose sur des investissements directs de sociétés de gestion à travers des billets à ordre ou des obligations associatives.

    La problématique fondamentale des associations est la faiblesse de leurs fonds propres. Toutefois, certaines ont contourné cette difficulté en créant un outil de financement au service de leur projet associatif. En ce domaine, Habitat et humanisme est un précurseur : elle a mis en place une foncière, société en commandite par actions, qui lui permet d’ouvrir son capital aux particuliers et aux investisseurs institutionnels en procédant à des augmentations une à deux fois par an. Ce capital, qui atteint aujourd’hui 100 millions d’euros, est pour plus de la moitié aux mains de particuliers. Je citerai, sur le même modèle, Terre de liens, dont les 40 millions d’euros de capital sont détenus par des particuliers.

    M. Hugues Sibille, vice-président du Crédit coopératif. Mon intervention sera alimentée par ma double mission de vice-président du Crédit coopératif et de président de l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (AVISE).

    Pour répondre au thème de cette table ronde, je me suis efforcé de définir ce que j’entendais par modèle économique et financier des associations. Voici ma définition : équilibre durable entre des produits et des charges permettant de piloter un projet non lucratif à moyen terme, sans distribuer le fruit des résultats, mais en se donnant les moyens de financer les investissements.

    Maintenant, il faut se demander quel degré de difficultés connaît ce modèle, question qui fait l’objet de perceptions sensiblement différentes. Au Crédit coopératif, le coût du risque, la « sinistralité » des prêts bancaires aux associations, n’a pas augmenté en 2013 ni au premier trimestre 2014. L’AVISE, qui accompagne sur tout le territoire 6 000 à 7 000 associations par an, constate que les demandes portent pour plus d’un tiers sur le modèle économique et financier. Quant au collectif des associations citoyennes, il a diffusé ces derniers jours dans la presse des prévisions alarmistes – je n’entrerai pas dans la polémique, me contenant d’indiquer qu’il n’est peut-être pas utile de paniquer le monde associatif.

    Compte tenu du contraste entre ces visions, il est bon sans doute que votre assemblée travaille à faire la lumière, en toute objectivité, sur les réalités que connaissent les associations.

    Un discours global sur les associations est extrêmement dangereux car, comme le montrent les solides travaux de Viviane Tchernonog, il existe une grande diversité de modèles économiques parmi les associations. La répartition des subventions, des cotisations, des dons, des recettes d’activité, des apports du mécénat fait apparaître des écarts très importants : ainsi les subventions représentent-elles 50 % des ressources du secteur caritatif humanitaire et seulement 15 % de celles du secteur sportif, si bien que leur diminution a des incidences fort différentes. Les difficultés du monde associatif doivent être envisagées à travers le prisme de cette diversité, tout comme les réponses qu’on doit y apporter.

    Dans le paysage des associations, ce sont les petites et moyennes qui sont le plus sous tension. Depuis maintenant plus de deux ans, le Crédit coopératif a d’ailleurs établi une distinction selon un critère de taille. Si celles-ci connaissent davantage de difficultés, c’est pour deux raisons principales. D’une part, la puissance publique recourt de plus en plus aux appels d’offres auxquels elles ont plus de mal à répondre que les grandes. D’autre part, elles ne disposent pas de moyens techniques et d’expertise pour rechercher les meilleurs moyens de lever des fonds à la différence de certaines associations appartenant à France Générosités ou au Comité de la charte, comme le Secours catholique ou la Croix-Rouge.

    Il importe, par ailleurs, de bien distinguer les difficultés d’exploitation – équilibre charges-produits – des difficultés de trésorerie et de fonds propres. Les associations ont de plus en plus de difficultés à financer leurs frais de fonctionnement que ni les financeurs privés, ni les financeurs publics ne semblent vouloir prendre en charge, préférant soutenir les projets.

    À cela s’ajoute la complexité des procédures de demandes de subventions, soulignée par Yves Blein dans son rapport. Je pense que de multiples exemples vous ont déjà été cités. Le Fonds régional de développement de la vie associative lancé par la région Ile-de-France demande pas moins de vingt-sept documents ! Des initiatives doivent être prises en matière de simplification, dans la continuité des actions que Mme Vallaud-Belkacem avait commencé de mettre en place lorsqu’elle était ministre de la vie associative – par parenthèses, je remarque que la vie associative ne figure dans aucun des titres des ministres du gouvernement actuel ; doit-on y voir un signe ?

    En outre, comme le souligne encore Viviane Tchernonog, les appels d’offres se contentent du moins-disant, ce qui a un fort impact sur les conditions d’exploitation.

    S’agissant de la trésorerie et des fonds propres, les associations sont confrontées à un allongement des délais de versements qui les oblige à trouver des solutions de financement en attendant. Elles sont en effet soumises à la règle d’antériorité selon laquelle la notification d’engagement doit précéder tout engagement de dépenses. Certaines trouvent des accords mais d’autres entrent en conflit avec la collectivité quand celle-ci refuse de prendre en charge les dépenses faites avant la notification de la subvention.

    Autre élément de fragilisation des fonds propres : la complexité de l’accès aux aides du Fonds social européen. De nombreuses associations ont d’ailleurs renoncé à les solliciter.

    La question majeure en ce domaine est celle des excédents. Depuis la guerre, les associations ont constitué leurs fonds propres à partir d’excédents. Cela a contribué à asseoir leur solidité financière, aujourd’hui remise en cause car on leur dénie, si ce n’est de jure du moins de facto, le droit de faire des excédents. Si la puissance publique en constate en année n, elle diminue en année n+1 sa part de financement. C’est une mécanique tout à fait dangereuse car elle risque de décourager les associations de s’astreindre à une bonne gestion. Celles-ci réclament légitimement la possibilité de dégager des excédents raisonnables.

    Par ailleurs, les difficultés auxquelles sont confrontées les associations varient selon les secteurs. Résumons : celles du secteur médico-social sont liées aux appels d’offres et aux contractions des ressources ; le secteur socio-culturel est marqué par la fragilité des trésoreries ; le secteur sportif souffre d’un manque de ressources humaines ; les associations militantes, elles, ont un accès difficile aux ressources.

    Face à ces constats, quelles pistes peut-on explorer ?

    La première consiste à mieux accompagner les associations. Le dispositif local d’accompagnement (DLA) s’appuie sur une centaine de structures sur tout le territoire, dont un tiers est géré par France Active. Les 25 millions qu’il coûte chaque année paraissent peu de chose par rapport au total du budget associatif. De ce point de vue, il serait intéressant de comparer les dispositifs d’accompagnement des entreprises et ceux du monde associatif. Rappelons d’ailleurs que les associations sont considérées en droit communautaire comme des entreprises. Au-delà de la nécessité de maintenir ces dispositifs, se pose la question de les inciter à mieux accompagner les associations en difficulté, dont le nombre est appelé à croître dans les années à venir. Il importe aussi de mieux accompagner les fédérations nationales pour qu’elles-mêmes accompagnent mieux leurs membres.

    La deuxième réside dans un renforcement des fonds propres. Il conviendrait de mettre en œuvre les titres associatifs dont la loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 a réformé le régime car ils n’avaient été que très peu utilisés depuis leur création en 1985. Il faut également, comme je l’ai dit, autoriser les excédents raisonnables. Et l’on pourrait envisager, dans certains cas, de faciliter la transformation d’associations en coopératives d’intérêt collectif, beau prolongement qui maintient la notion d’intérêt général.

    La troisième piste repose sur l’amélioration de la gouvernance associative. Les associations qui résistent le mieux, comme l’AVISE a pu le constater, sont celles qui ont la gouvernance la plus solide, ce qui suppose un bon conseil d’administration composé de personnes compétentes capables de piloter un modèle économique tel que je l’ai défini et, pour les associations employeuses, une bonne articulation entre le conseil d’administration, l’équipe technique et la direction. Il me semble que cette dimension n’est pas assez prise en compte, notamment pour ce qui est de la formation des administrateurs. Il n’y a pas d’équivalent du magnifique travail qu’a mené Daniel Lebègue avec l’Institut français des administrateurs.

    Enfin, il conviendrait que l’État, au niveau national, fasse les efforts nécessaires pour mettre en ligne l’ensemble des conventions pluriannuelles d’objectifs, ce qui a été proposé mais n’a jamais été fait. En outre, le Parlement pourrait publier un rapport annuel sur l’évolution des financements aux associations.

    M. Gérard Leseul, responsable des relations institutionnelles et internationales au Crédit Mutuel. Je partage les analyses de Sophie des Mazery et Hugues Sibille ; nous nous appuyons du reste sur les mêmes études pour alimenter nos réflexions, qu’il s’agisse des travaux de La Fonda, de la Conférence permanente des coordinations associatives ou de Viviane Tchernonog. Au Crédit mutuel, comme au Crédit coopératif, nous avons pu constater qu’il n’y avait pas de défaillances importantes dans le secteur associatif, ce qui n’empêche nos équipes respectives d’exercer une grande vigilance car les difficultés sont là.

    Plusieurs diagnostics ont été établis, tenant compte de l’extrême diversité du monde associatif, mais les diagnostics n’impliquent pas la guérison. La principale maladie dont souffrent les associations est la raréfaction des financements. Les collectivités locales ont compensé un certain temps la désimplication de l’État dans le financement des associations mais elles procèdent – nous le voyons bien au niveau des conseils généraux et des communes – à des resserrements de financement. Il n’est donc pas exclu que des difficultés apparaissent. Je ne suis pas alarmiste mais je reste prudent.

    Dans ce contexte, il importe de réfléchir à des modes alternatifs de financement et de ressources.

    La question de l’intégration des excédents prend ici toute son importance. Le fait que les financeurs publics retirent leurs subventions aux associations qui en dégagent peut inciter certaines à ne pas faire preuve d’une grande rigueur de gestion. Il serait bon de leur ouvrir la possibilité de constituer des excédents.

    Le volet associatif de la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), même s’il n’est pas très développé, ouvre des pistes intéressantes parmi lesquelles l’hybridation des ressources.

    La simplification administrative est un autre enjeu. Les associations ne sont pas considérées en France comme des PME, mais elles pourraient dupliquer intelligemment trente à quarante des cinquante premières mesures de simplification à destination des entreprises mises en œuvre cette année. Il faudrait y ajouter des mesures qui leur seraient spécifiques de façon, notamment, à fluidifier leurs relations avec l’administration fiscale.

    De manière générale, on constate que certaines administrations considèrent les associations comme des interlocuteurs quelque peu exotiques. Par exemple, si une association contacte Pôle emploi pour établir une attestation employeur dans le cadre d’un licenciement, elle se voit souvent renvoyée à d’autres structures comme le chèque emploi associatif. Il conviendrait de faire œuvre de pédagogie auprès des administrations afin de mieux faire valoir les fonctions économiques des associations, qui se heurtent aux mêmes problèmes que les entreprises en matière de droit du travail et de calcul de cotisations. Pourquoi ne pas désigner, par exemple, des interlocuteurs privilégiés, au fait du fonctionnement associatif ?

    La question principale reste, selon moi, celle du financement. Les garanties ont un rôle très important à jouer à cet égard car elles sont de nature à rassurer les partenaires bancaires et constituent un fait déclencheur. Cependant, à l’heure actuelle, les organismes qui accordent des garanties le font davantage pour financer les investissements – je pense à SOGAMA – que les frais de fonctionnement. Or, comme l’a souligné Hugues Sibille, c’est le financement du quotidien qui est le plus difficile pour les associations.

    À cet égard, il serait bon que la représentation nationale interroge la Banque publique d’investissement (BPI) sur les 500 millions d’euros qu’elle doit consacrer à l’économie sociale et solidaire. Selon quel calendrier et selon quelles modalités seront-ils distribués ? Qu’en est-il de l’accès des associations aux 40 millions du Fonds d’innovation sociale (FISO) prévu par la loi sur l’ESS ?

    Par ailleurs, on peut penser que l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » créé par cette même loi pourra faciliter la mobilisation de l’épargne vers le secteur associatif.

    À titre personnel, je reste dubitatif quant au développement des titres associatifs, car ils sont indexés sur le taux moyen de rendement des obligations. Sachant que celui-ci se situe aujourd’hui aux alentours de 2 %, cela contraint les associations à verser des sommes importantes pour le remboursement et pour les intérêts (dont le taux se situe aux alentours de 7%), ce qui n’est pas à la portée de toutes.

    Pour finir, j’insisterai sur une mesure déjà évoquée : il faut absolument ouvrir la possibilité aux associations de se constituer des réserves par accumulation d’excédents. Cela suppose de faire comprendre à l’ensemble des financeurs publics qu’une saine gestion nécessite de générer de tels excédents. Faute de trésorerie suffisante, trop d’associations sont dans l’incapacité de licencier leur personnel dans les règles en cas de difficultés. Elles doivent pouvoir honorer leurs responsabilités d’employeur.

    M. Christian Sautter, président de France Active. France Active est impliquée de trois façons dans le développement et le financement des associations.

    Elle accompagne et finance. Pour l’année 2013, 1 063 structures solidaires ont ainsi bénéficié de notre appui, dont 70 % d’associations qui sont pour nous une clientèle – j’emploie ce mot à dessein – centrale. Ces projets ont représenté plus de 27 000 emplois créés ou consolidés et 53 millions d’euros de concours financiers, pour l’essentiel privés.

    Elle anime dans un tiers des départements les dispositifs locaux d’accompagnement, effort d’appui considérable qui a porté sur 7 000 entreprises solidaires en 2012.

    Elle anime le centre de ressources DLA Financement dans le cadre duquel elle mène des études avec le Mouvement associatif.

    Avant d’entrer dans le vif du sujet, je ferai sur la santé des associations une remarque plus pessimiste que mes prédécesseurs. Certes leur mortalité n’a pas augmenté durant les dernières années, mais leur capacité à créer de l’emploi a été affectée. Jusqu’en 2008-2009, elles créaient deux fois plus d’emplois que les entreprises classiques ; depuis, leur contribution a connu un essoufflement. Elles se posent la question de réduire leurs effectifs. Or dans la période de crise actuelle, nous avons besoin de cette source de créations d’emplois.

    J’insisterai sur six points.

    Premièrement, je soulignerai la nécessité de bénéfices raisonnables. Comme toutes les structures économiques, les associations ont besoin de trésorerie. Elles vivent beaucoup de subventions publiques dont le versement n’est effectif que dans un délai de trois à six mois. Une association qui ne débute pas l’année avec trois à six mois de chiffre d’affaires en caisse doit s’en remettre aux banques pour se financer, à coût extrêmement élevé, dans l’attente des aides publiques.

    En outre, pour financer leurs investissements, elles ont besoin d’un minimum d’autofinancement. Quand elles sollicitent les banquiers, même avec des garanties, elles risquent de susciter des interrogations si elles n’ont pas d’apport financier minimal.

    Cela pose deux questions de nature culturelle. D’une part, le monde associatif appartient au monde militant, au monde de l’économie non lucrative, et les mots de « bénéfice » ou de « profit » sont presque des gros mots pour certains bénévoles ou salariés qui se dévouent à la cause commune. D’autre part, les financeurs publics ont ce très mauvais réflexe de diminuer les subventions en cas d’excédents, réflexe appelé à se développer puisque tous les acteurs publics tendent à rogner leurs aides.

    Pour les associations, le bénéfice n’est pas un but en soi, comme dans les entreprises capitalistes, mais un moyen de survie et de développement.

    Deuxièmement, je mettrai l’accent sur les garanties qui ont bénéficié à la moitié des 1 063 projets que nous avons soutenus en 2013. Leur principe est très simple : les projets sont analysés et confortés par les 550 salariés et les 2 000 bénévoles de France Active, puis examinés devant un comité d’engagement indépendant composé de banquiers, de cadres d’entreprise et de responsables associatifs ; munis de notre label, ils sont ensuite soumis aux banquiers qui se réjouissent avec raison de la garantie que nous apportons car si le projet réussit – dans 90 à 95 % des cas –, ils ont un nouveau client gratuit, et s’il échoue, ils se voient rembourser par France Active, avec l’aide des collectivités et de l’État, la moitié des sommes qui restent dues.

    La garantie constitue un levier simple et efficace : pour 1 euro d’argent public, elle permet de lever 8 euros d’argent privé, alors que le rapport est de 1 pour 1 dans le cas des subventions. Il est très important de préserver cet outil bénéfique à l’emploi. Or nous avons quelques craintes, mesdames, messieurs les députés, car le Fonds de cohésion sociale, qui finance en partie ces garanties, risque d’être moins doté l’an prochain et dans les années à venir.

    Troisièmement, l’épargne salariale solidaire – que Mme des Mazery a évoquée avec éloquence – croît très rapidement. La société d’investissement de France Active, qu’Edmond Maire a remarquablement développée, à tel point qu’elle dispose aujourd’hui d’un capital de 115 millions d’euros, investit chaque année plus de 10 millions d’euros d’épargne solidaire. Je n’ai pas de demandes particulières à formuler à ce sujet, si ce n’est qu’il faut résister à la tentation de ponctionner ce réservoir d’épargne salariale à d’autres fins que le financement solidaire. On évoque par exemple la possibilité de l’utiliser pour financer des PME classiques. Or il existe bien d’autres moyens pour ce faire, notamment dans le secteur bancaire.

    Quatrièmement, j’insiste sur l’importance des DLA. En France – c’est une originalité de notre pays –, loin d’enfoncer les associations en difficulté ou de les juger, on vient à leur secours et on les aide à surmonter les difficultés transitoires. Nous aidons ainsi chaque année quelque 2 000 associations. Il s’agit d’une action discrète, qui ne fait pas la une des journaux, mais qui constitue un levier puissant : elle permet au monde associatif de souffler et de rebondir.

    Cinquièmement, je tiens à mentionner l’expérience du dispositif d’appui aux structures de l’économie sociale et solidaire en consolidation (DASESS), mis en place en 2009 à l’initiative de la région Nord-Pas-de-Calais. Dans le cadre du DASESS, une sorte de kit est proposé aux associations : elles doivent d’abord réaliser un autodiagnostic, afin de prendre leur température et leur tension ; elles passent ensuite devant une cellule d’examen qui se réunit toutes les deux semaines – le dispositif n’a donc rien de « décoratif » ; elles reçoivent aussi pendant quelques jours la visite d’un consultant externe gratuit ; enfin, elles peuvent bénéficier d’avances remboursables à taux zéro sur six mois, pour surmonter leurs difficultés. Nous espérons que ce très beau dispositif essaimera à travers toute la France.

    Sixièmement, les associations ont besoin de visibilité. Les régions ont un rôle essentiel à jouer en la matière : elles doivent mener une action contractuelle et pluriannuelle en faveur du développement associatif. Dans certaines régions – Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur –, les collectivités territoriales, les chambres de l’économie sociale et solidaire et les différents réseaux travaillent ensemble afin que l’économie sociale et solidaire soit non pas traitée à part, mais intégrée dans une stratégie de développement économique et de promotion de l’emploi à l’échelle régionale. France Active participe à ces travaux.

    M. Yannick Blanc, président de La Fonda. J’exerce les fonctions de président de La Fonda à titre bénévole. Je suis, en outre, préfet du département de Vaucluse, et j’alimenterai donc mon témoignage par des éléments que j’ai pu tirer de l’observation rapprochée et quotidienne du terrain. Je partage l’essentiel des analyses qui viennent d’être faites à propos de l’équilibre économique des associations. La Fonda est un laboratoire d’idées du monde associatif, qui existe depuis une trentaine d’années. Depuis 2010, elle s’est engagée dans un travail de prospective participative destiné aux associations, qui vise deux objectifs : permettre non seulement aux pouvoirs publics, mais aussi à l’ensemble de la société de mieux apprécier la place du fait associatif ; aider les associations à se situer dans leur environnement économique et sociétal. Dans une société qui connaît des transformations nombreuses et rapides, à un moment où la question de la fragilité de leur modèle économique se pose de manière aiguë, les associations ont besoin de davantage d’intelligence stratégique pour anticiper et pour être convaincantes vis-à-vis de leurs partenaires.

    S’agissant de l’impact de la baisse des financements publics et du texte publié à ce sujet par le Collectif des associations citoyennes, plusieurs intervenants ont constaté que la situation des associations n’avait pas connu de dégradation sensible au cours des exercices récents, que l’on se place du point de vue de la couverture du risque, du nombre des dépôts de bilan ou de l’évolution de l’emploi. Les enquêtes du réseau Recherche et Solidarités le confirment en effet. Cependant, je souhaite appeler votre attention sur un phénomène récent qui risque de s’accélérer en 2015 et qui touche principalement les associations moyennes.

    Dans la typologie de Viviane Tchernonog, que vient d’évoquer Hugues Sibille, il convient selon moi de distinguer les petites associations, d’une part, et les moyennes, d’autre part. L’activité des petites associations repose essentiellement sur le bénévolat. Leur structure financière est très fragile, mais elles ont une résilience certaine : elles peuvent souvent survivre à la baisse des financements publics. Les associations moyennes, en revanche, y sont très vulnérables. Or nous vivons de ce point de vue une situation sans précédent : tous les financeurs publics s’inscrivent dans une trajectoire de diminution de leur budget et, simultanément, le mécénat d’entreprise réduit sa contribution au monde associatif à un rythme équivalent ou légèrement supérieur à la baisse des financements publics – en 2013, cette contribution a été amputée de 100 millions d’euros sur 1,8 milliard, soit une baisse d’environ 6 %.

    Que se passe-t-il sur le terrain ? Les associations moyennes sont très nombreuses dans certains secteurs clés de l’action publique – champ social, éducation, justice, lutte contre l’exclusion, avec notamment les centres sociaux implantés dans les quartiers. Elles disposent souvent de ressources professionnelles et de compétences d’un excellent niveau dans leur cœur de métier, mais moins pointues en matière de gestion. Ainsi que l’ont relevé tous les autres intervenants, elles vivent depuis de nombreuses années sans fonds propres et avec une trésorerie très tendue, dans des situations parfois limites. Jusqu’à maintenant, lorsqu’une de ces associations voyait sa trésorerie tendre vers zéro en fin d’année et qu’elle risquait de ne pas boucler l’exercice, elle parvenait toujours à trouver, dans son département ou sa région, un financeur public qui, en fin de gestion, débloquait les quelques dizaines de milliers d’euros qui lui manquaient pour passer ce cap. Or cet élément d’élasticité est en train de disparaître : même avec la meilleure volonté du monde, les financeurs publics n’ont plus la capacité de réagir, surtout quand plusieurs associations tirent la sonnette d’alarme au même moment.

    Les observatoires, les tableaux de bord et les instruments de suivi n’ont pas encore repéré ce phénomène émergent, mais je l’ai observé sur le terrain. Dans les mois qui viennent, nous risquons de voir des associations qui jouent un rôle clé auprès de l’État et des collectivités territoriales faire l’objet de procédures d’alerte et, rapidement, déposer leur bilan. La faiblesse en fonds propre et en trésorerie des associations, que tous les intervenants ont soulignée, est donc en train d’engendrer une fragilité de masse. Un phénomène de rupture peut se produire dans les mois qui viennent, certes pas à l’échelle de ce qu’a annoncé le Collectif des associations citoyennes sur la base de chiffres fantaisistes – il avait ainsi prévu la disparition de 40 000 emplois associatifs en 2014, alors que l’emploi s’est globalement maintenu dans le secteur cette année, même s’il a cessé d’augmenter –, mais il convient néanmoins d’être très vigilant.

    De plus, la fragilité structurelle des associations se trouve accentuée de la sorte par la conjoncture au moment même où le fait associatif devient une dimension indispensable de toute politique publique. Sans partenaire associatif, je ne peux mener à bien, en tant que préfet, aucune des politiques publiques que le Gouvernement me donne instruction de mettre en œuvre dans mon département. Tel est le cas depuis toujours dans le domaine social. Le fait associatif est essentiel, en particulier, dans la négociation des contrats de ville, qui concernent des quartiers où les enjeux en matière de maintien du lien social et de renouvellement du pacte républicain sont très sensibles. Il est également déterminant pour le succès des zones de sécurité prioritaires (ZSP). On le sait moins, car on imagine que l’action de l’État et des autorités judiciaires en matière de sécurité est plus traditionnelle : régalienne, hiérarchique et opérationnelle. Or, l’efficacité d’une ZSP dépend non seulement du déploiement d’effectifs supplémentaires sur le terrain et de la coordination accrue entre la police et la justice, mais aussi, de manière essentielle, de l’amélioration de la relation entre les forces de sécurité et la population du quartier considéré ; les acteurs associatifs jouant un rôle clé en la matière : ils sont à la fois des sources d’information, des capteurs, des relais, des médiateurs et des modérateurs.

    De même, rien n’est possible sans les associations en matière de réforme des rythmes scolaires, dans aucune commune. Bien qu’il constitue un chaînon invisible dans le débat politique, le partenariat avec les associations – qui, avec leurs professionnels et leurs bénévoles, font preuve de leur capacité d’engagement et d’adaptation – est ce qui permet à cette politique publique de se mettre en œuvre, cahin-caha, sur le terrain. En somme, nous assistons à un effet de ciseaux entre, d’un côté, le développement du fait associatif comme mode d’organisation de l’action collective et, de l’autre, la fragilité croissante des associations due à l’orientation globale des finances publiques et à l’affaiblissement conjoncturel du mécénat – même si, d’une manière générale, le monde de l’entreprise est lui aussi de plus en plus conscient du poids des associations et de l’intérêt d’un partenariat avec elles.

    Quels outils employer pour faire face à cette situation ? En réponse à une demande pressante et unanime du monde associatif, la loi relative à l’économie sociale et solidaire a donné un cadre législatif à la notion de subvention. Le droit en vigueur n’a pas été modifié : les critères qui permettent d’accorder une subvention à une association, notamment ceux qui dérivent de la jurisprudence européenne, ont simplement été inscrits dans la loi. Néanmoins, cela a conféré une légitimité symbolique à la notion de subvention. Le critère clé qui distingue la subvention de la commande publique est le suivant : le bénéficiaire de la subvention est celui qui prend l’initiative de l’action, il ne répond pas à une demande de la collectivité publique. Cette distinction est d’ailleurs parfois purement formelle.

    S’agissant de la commande publique, les associations se plaignent souvent de la mise en concurrence et ont du mal à se mettre dans la situation d’un prestataire de services, voire ne souhaitent pas le faire parce que c’est contraire à leur projet associatif. Quant aux subventions, pour les obtenir, elles doivent être en mesure de présenter aux financeurs publics des projets de moyen ou long terme construits, viables et sérieux, ce qui suppose qu’elles renforcent leur capacité stratégique. Tel est le message que délivre La Fonda. Les dispositifs d’accompagnement ont permis à un certain nombre d’associations de monter en compétence en matière de management et de gestion. Désormais, elles ont besoin d’améliorer leur capacité de projection stratégique et d’anticipation, afin de construire des projets convaincants, qui aident les décideurs locaux à imaginer l’avenir de telle ou telle politique publique, bien que leurs budgets se réduisent. D’où les outils de prospective que propose La Fonda. Néanmoins, les associations n’acquerront pas ces compétences du jour au lendemain : elles ont besoin, à cette fin, non seulement de soutien, de compréhension et de dispositifs d’accompagnement renforcés, mais aussi d’outils comptables appropriés.

    La question des outils comptables est certes technique, mais elle est essentielle de mon point de vue. Tous les intervenants ont insisté sur la légitimité des excédents et de leur mise en réserve. Malgré la permanence de cette analyse – La Fonda a publié une note à ce sujet il y a déjà cinq ans –, force est de constater que la doctrine des pouvoirs publics et le comportement des financeurs n’ont guère évolué en la matière. Il faut donc faire en sorte que la constitution d’excédents et le financement du fonctionnement des associations apparaissent légitimes aux yeux des financeurs, dans un contexte de raréfaction des ressources. Les collectivités publiques et les mécènes privés se posent les uns et les autres la même question lorsqu’ils financent un projet : quel en sera l’impact dans la société ou sur le territoire ? Les associations – même celles qui sont des partenaires permanents de l’action publique et sont donc financées en continu, par exemple les centres sociaux – doivent donc être en mesure, dans la discussion budgétaire, en particulier lors des réunions de comités d’engagement, de présenter un projet assorti d’un plan de financement et de résultats prévisionnels. Les décideurs ont besoin d’outils pertinents qui leur permettent de mesurer l’activité des associations et d’apprécier leur solidité. Mais ces outils doivent être développés sans complexifier davantage les dossiers de demande de subvention. À cet égard, je partage les remarques des autres intervenants : malgré l’élaboration d’un formulaire CERFA unique de demande de subvention il y a quelques années, la créativité des administrations – tant de l’État que des collectivités territoriales, sans parler de l’Union européenne – est proprement sidérante : elles fixent de nouveaux critères, demandent toujours plus de pièces, etc. Si nous voulons disposer d’un modèle unique de dossier de demande de subvention et, au-delà, de dialogue de gestion entre les associations et leurs financeurs, il convient d’améliorer les outils.

    Il existe selon moi deux pistes pertinentes à cette fin, qui s’inscrivent l’une et l’autre dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau plan comptable du secteur des associations. Il s’agirait, premièrement, de clarifier voire de faire évoluer la nomenclature des fonds propres des associations. Malgré la création dans le plan comptable, il y a une quinzaine d’années, de notions telles que le « fonds associatif » ou le « financement de projet », les bilans et les comptes d’exploitation des associations restent trop souvent opaques : les reports à nouveau sont trop nombreux, les réserves ne sont pas désignées correctement. La lecture de ces documents permet rarement de se faire une idée claire sur le mode de financement d’une association ou sur sa solidité.

    Deuxième piste : moderniser le compte d’emploi des ressources collectées, qui a été créé dans les années 1990 à l’instigation de la Cour des comptes pour les associations qui font appel à la générosité du public. Il s’agit d’un document comptable fondamental pour les organismes à but non lucratif, puisqu’il permet de savoir d’où vient l’argent et à quoi il sert – le compte d’exploitation permettant, lui, de savoir comment se constitue l’éventuel excédent de l’association. De l’avis de la plupart des acteurs associatifs – que je partage –, le compte d’emploi des ressources a été sophistiqué à l’excès à la demande de la Cour des comptes : il est aujourd’hui plus utile au contrôleur qu’aux associations elles-mêmes. Si nous pouvions, en tenant compte de l’expérience de ces dernières années, nous mettre d’accord avec les contrôleurs sur un certain nombre de mesures de clarification et de simplification de ce document comptable, il deviendrait un outil très précieux pour les financeurs publics. Ceux-ci se posent en effet les mêmes questions que les donateurs privés : à quoi sert ma contribution ? Qui sont les autres contributeurs ? Comment ces différentes contributions ont-elles été affectées aux missions que s’est données l’association ?

    À cet égard, le compte d’emploi des ressources permet, d’une part, d’évaluer plus directement l’impact d’un projet et, d’autre part, de connaître le ratio des frais de fonctionnement de l’association. Je plaide d’ailleurs auprès des associations – sans être toujours entendu – pour qu’elles fassent ressortir ce ratio. Dans le budget d’un projet de recherche, on distingue, d’une part, les frais de structure du laboratoire et, d’autre part, le financement de la recherche en tant que telle. Il n’y a pas de raison qu’une association ne puisse pas, de la même manière – sans pour autant développer une comptabilité analytique sophistiquée –, intégrer à sa demande de financement la part de frais de fonctionnement dont elle a légitimement besoin.

    Ces propositions, techniques en apparence, sont essentielles pour faire progresser le dialogue entre les responsables associatifs et les financeurs concernant la solidité des projets. C’est la seule solution pour surmonter la fragilité que nous constatons actuellement en matière de financement des associations, les contraintes auxquelles sont soumises les différentes catégories de financeurs n’étant pas près de disparaître.

    Mme Françoise Dumas, rapporteure. Merci, madame, messieurs, pour la clarté de vos propos et la passion que vous mettez à défendre ce secteur si particulier, qui contribue tant à la qualité du « vivre ensemble ». Vous avez souligné à juste titre, monsieur Blanc, la place prépondérante que le secteur associatif continuera à occuper dans notre pays, dans cette période un peu troublée, où se posent des questions tant sur le financement des associations, que sur le sens à donner à l’action publique et sur la manière de la relayer sur le terrain, afin de ne laisser aucun de nos concitoyens sur le bord du chemin.

    Au-delà de son contenu, la notion même de modèle économique paraît heurter l’idéal associatif. Est-ce une notion totalement neuve dans le monde associatif ? S’est-elle imposée comme une fatalité ou bien comme une occasion à saisir ? Agit-elle comme un révélateur d’éventuelles fractures générationnelles au sein des représentants du monde associatif ? Les conseils d’administration sont souvent composés de personnes plus âgées. Cela détermine-t-il l’approche que les associations peuvent avoir de la notion de modèle économique ?

    En outre, comment percevez-vous la mutation en cours ? Ne va-t-elle pas favoriser une dualisation du monde associatif entre, d’une part, les associations qui seront capables d’accomplir un effort de réflexion stratégique et sauront s’adapter et, d’autre part, celles qui ne le pourront pas ? Quel sera le facteur discriminant : la taille ? le domaine d’intervention ? Quel sens les associations pourront-elles donner à leur action, compte tenu de la réalité économique qui s’impose à tous ?

    M. Frédéric Reiss. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir organisé cette très intéressante table ronde. Nous partageons l’inquiétude qui a été exprimée quant à la diminution du mécénat et de l’argent public disponible pour les associations. Il faudra donc trouver des modes de financement alternatifs. Les différentes interventions ont toutefois révélé la difficulté de l’exercice. Les banques, en particulier, ont des attentes croissantes en matière de couverture des risques.

    Vous avez évoqué, monsieur Sautter, le mécanisme de la garantie, qui permet de lever 8 euros en investissant 1 euro. Dans ma circonscription, Initiative Alsace du Nord, qui fait partie du réseau Initiative France, accorde des prêts d’honneur aux créateurs et aux repreneurs d’entreprise. Les proportions sont équivalentes à celles que vous avez citées : 1 euro de prêt permet de lever 7,5 euros auprès des banques. Cet effet de levier est très intéressant, mais fonctionne dans un cadre bien précis. Compte tenu de la forte synergie qui existe entre vie économique et vie associative, peut-on imaginer une extension, voire une généralisation de ce mécanisme pour le financement du monde associatif ? Quelles sont les éventuelles limites de l’exercice ? Le problème pour les associations telles qu’Initiative Alsace du Nord est moins d’accorder des prêts et de faire jouer l’effet de levier que de trouver des crédits pour financer leur propre fonctionnement, au-delà des aides du conseil régional.

    M. Régis Juanico. Plusieurs d’entre vous ont insisté sur la nécessité de permettre aux associations et aux organismes à but non lucratif de réaliser des marges raisonnables. Je vous renvoie à cet égard aux services de Bercy. À l’initiative du mouvement associatif, nous avions présenté un amendement en ce sens à l’article portant sur la subvention publique lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Or nous avons essuyé un véritable tir de barrage : on nous a opposé une série d’arguments juridiques, provenant probablement de la direction de la législation fiscale, qui ne laissaient guère la porte ouverte à une inscription de la notion de marge raisonnable dans la loi. Nous pourrons interroger plus précisément la direction de la législation fiscale lorsque nous l’auditionnerons la semaine prochaine. En outre, plusieurs collègues et moi-même sommes disposés à rencontrer avec vous les services de Bercy sur cette question, en particulier le cabinet de la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire.

    Monsieur Sibille, nous avons inscrit le DLA dans la loi – alors qu’il n’y avait pas nécessairement sa place – dans l’objectif de préserver les financements qui lui sont consacrés. Pouvez-vous nous confirmer que tel est bien le cas dans le budget pour 2015 ? Nous devons être très vigilants sur ce point.

    En matière de financements, la loi relative à l’économie sociale et solidaire a prévu de nombreux dispositifs : avances, fonds propres, garanties, prêts participatifs, fonds d’épargne salariale solidaires et agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ». En outre, les financements peuvent aussi provenir du fonds dédié de la BPI – vous estimez à juste titre qu’il convient de faire pression pour savoir comment il est fléché –, du Fonds d’innovation sociale – qui comprend un volet national et un volet régional et dont le montant a été doublé pour atteindre 40 millions d’euros – et du Programme d’investissements d’avenir. Au total, les montants dédiés aux acteurs de l’économie sociale et solidaire – et, donc, aux associations, qui représentent 80 % de l’emploi dans ce secteur – sont importants. Comment mettre en cohérence tous ces dispositifs ? Comment les articuler pour leur donner du sens sur le terrain ? Sans aller jusqu’à un véritable « guichet unique », comment s’en approcher ?

    M. Jean-René Marsac. En Bretagne – j’étais chargé du développement économique au conseil régional –, nous avons beaucoup progressé dans nos modes d’intervention publique en transformant une partie de nos subventions directes en garanties, tant à l’intention des entreprises classiques que du secteur de l’économie sociale et solidaire. Il conviendrait de voir, de la même manière, quelles subventions directes de l’État pourraient être remplacées par des garanties ou d’autres modes d’intervention qui peuvent impliquer un remboursement. En outre, il faudrait envisager des garanties qui assurent des financements privés – bancaires ou autres – non seulement à court terme, mais aussi à moyen ou long terme, au service d’objectifs partagés tels que la résolution de problèmes à caractère économique et social ou la contribution au développement sociétal, lesquels peuvent donner lieu par ailleurs à des interventions directes de l’État. Comment ce travail exploratoire peut-il être conduit ? Quelle ingénierie imaginer pour que l’État et le secteur associatif puissent concevoir ensemble des dispositifs nouveaux, notamment des garanties ?

    Le secteur associatif contribue à l’élaboration et au suivi des politiques publiques. Les associations participent notamment à de très nombreux comités consultatifs, où ils envoient leurs bénévoles ou leurs salariés. Cependant, ce travail n’est pas rémunéré. Nous pourrions identifier plus clairement cette fonction de contribution aux politiques publiques – distincte de la fonction de projet, de mobilisation citoyenne et de développement de la démocratie locale et participative – et mieux la reconnaître, y compris dans le cadre de l’attribution des subventions.

    M. Jean-Louis Bricout. Je vous remercie, les uns et les autres, de vos interventions. Vous avez évoqué le rôle essentiel des associations dans la mise en place des politiques publiques. Comment peut-on traduire les liens entre le milieu associatif et la puissance publique sur le terrain ? Ce n’est pas simple : dès lors que la puissance publique conventionne, elle risque de s’ingérer dans le travail des associations, même si celles-ci doivent, d’un autre côté, faire preuve de transparence. Jusqu’où doit-on aller ? Doit-on en rester à de simples conventions de financement et à des appels à projets ? Ou bien peut-on aller plus loin en créant des sortes d’organismes de gestion intermédiaires, afin de traiter tous les problèmes que vous avez cités au cours de cette table ronde – suivi de la trésorerie, gestion des contrats de travail, mutualisation des moyens, simplification des dossiers ? Quelle est la limite à ne pas dépasser pour ne pas s’ingérer dans le travail des associations, ni leur imposer des contraintes administratives excessives ? Il convient en effet de leur laisser la plus grande liberté pour imaginer et exercer leurs missions.

    M. le président Alain Bocquet. La mutualisation – au sein d’une même zone géographique ou dans un domaine d’intervention – pourrait être une solution pour améliorer la performance financière des associations et renforcer la qualité de leur direction. Dans ma ville et ma communauté d’agglomération, il existe des centaines d’associations, qui agissent souvent chacune dans leur coin et sans beaucoup de méthode. On constate beaucoup de perte en ligne, faute de mutualisation, notamment des commandes et des moyens de fonctionnement. Les financements pourraient être utilisés comme un levier pour favoriser la mutualisation. Certes, il n’est pas simple de remettre en cause les mentalités et les habitudes, mais nous devrions nous intéresser à ce champ en grande partie inexploré.

    M. Hugues Sibille. Je suis favorable à la diversification des modes de financement, mais l’argent public représente, rappelons-le, 50 % des 85 milliards d’euros du budget associatif. Une diminution de 1 % des financements publics, c’est donc 450 millions d’euros en moins. À titre de comparaison, le budget annuel de la fondation du Crédit coopératif s’élève à 1,5 million d’euros. Il faudrait donc 300 fondations du Crédit coopératif pour compenser une baisse de 1 % des financements publics !

    Nous nous orientons en effet, madame la rapporteure, vers une plus grande différenciation entre, d’une part, des associations citoyennes, militantes et bénévoles et, d’autre part, ce que j’appelle des « entreprises associatives ». Le monde associatif a peur de cette évolution, ne serait-ce que du mot « entreprise ». À titre personnel, j’estime qu’il faut l’assumer. Le mouvement est enclenché avec le développement de l’économie sociale et solidaire. Une partie du monde associatif qui ne se percevait pas comme faisant partie de ce secteur doit désormais le faire. Cessons de tergiverser : les entreprises associatives existent, ce sont des prestataires de service qui gèrent de l’argent et de la qualité. Pour autant, elles n’agissant pas comme des entreprises à but lucratif.

    Merci, monsieur Juanico : votre raisonnement à propos du DLA a été tout à fait juste. Plusieurs d’entre nous s’étaient en effet mobilisés en faveur d’une inscription du DLA dans la loi afin d’en sécuriser le financement. À ce stade, celui-ci est maintenu. Mais nous devrons être vigilants chaque année, d’autant que les décideurs – notamment Bercy – ne semblent pas tous comprendre l’intérêt du dispositif en termes de retour sur investissement : le DLA n’est pas qu’une dépense, il permet de maintenir des activités.

    S’agissant du fonds dédié de la BPI, l’État a déclaré que 500 millions de financements étaient disponibles, mais la BPI affirme qu’elle ne dispose pas de cette somme. Je suggère que l’Assemblée nationale demande à la BPI où se trouve cet argent !

    Je suis d’accord avec vous, monsieur le président : la mutualisation est une voie à explorer. Mais le monde associatif ne s’oriente ni spontanément ni facilement vers la mutualisation ou les fusions – qui sont deux opérations distinctes. La loi relative à l’économie sociale et solidaire va faciliter les fusions d’associations, avec une approche similaire à celle qui a été retenue pour les fusions d’entreprises. Peut-être conviendrait-il que la puissance publique soit plus incitative, en conditionnant les subventions à une mutualisation ou à des groupements sur certains aspects.

    Enfin, je regrette que la Charte d’engagements réciproques entre l’État, les collectivités territoriales et les associations, dont j’avais préparé la précédente version en tant que délégué interministériel à l’innovation sociale et à l’économie sociale, ne soit pas davantage utilisée pour faire évoluer le dialogue de gestion – Yannick Blanc emploie ce terme à juste titre. D’autant que les financeurs publics et les associations partagent des objectifs communs : l’intérêt général et l’utilité sociale. Dans d’autres pays, les relations entre acteurs s’appuient davantage sur des documents de cette nature.

    M. Christian Sautter. La période actuelle n’est pas un mauvais moment à passer, madame la rapporteure. Il faut en effet réussir la mutation en cours, mais je suis optimiste : nous avons affaire à de très nombreuses associations dynamiques qui, loin d’être freinées par des pesanteurs – y compris par le facteur démographique que vous avez cité –, cherchent à s’en sortir. La loi relative à l’économie sociale et solidaire va d’ailleurs en accroître le nombre. Vous avez évoqué un risque de dualisation. Soyons clairs : les associations qui ne pourront pas s’adapter disparaîtront en effet, car elles ne pourront pas continuer à vivoter. Sauf – et c’est tant mieux – celles qui s’appuient sur des bénévoles et qui fonctionnent hors du champ économique, mais elles correspondent davantage au modèle anglo-saxon qu’au nôtre.

    Il existe en effet, monsieur Reiss, d’autres réseaux que France Active dans le domaine de la création d’entreprise : Initiative France, l’Association pour le droit à l’initiative économique, les boutiques de gestion. Ce domaine a d’ailleurs connu, lui aussi, des évolutions. Lorsque j’ai commencé à présider France Active, les différents réseaux se regardaient en chiens de faïence et se disputaient la clientèle. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Nous avons constaté qu’environ un tiers des créateurs d’entreprise, d’une part, et un peu moins d’un tiers des associations, d’autre part, étaient accompagnés. Nous nous coordonnons désormais au niveau régional, notamment en Alsace, pour aller au devant des deux tiers d’associations qui sont pour l’instant livrées à elles-mêmes et qui risquent de disparaître.

    Je suis tout à fait prêt à partir à l’assaut de Bercy avec vous, monsieur Juanico ! Nous devons mener une bataille à la fois idéologique et concrète : les associations ont besoin de constituer des réserves non pas pour vivre, mais pour survivre.

    Plutôt que de créer un guichet unique, il convient de favoriser la coordination régionale. Les conseils régionaux et les préfets incitent tous les acteurs à travailler ensemble. Nécessité fait coordination. Nous allons dans la bonne direction de ce point de vue.

    Vous suggérez, monsieur Marsac, de passer de la subvention à la garantie. D’une manière générale, nous avons beaucoup évoqué les outils au cours de la table ronde. Or l’approche de France Active a changé : auparavant nous développions des outils ; désormais, nous partons des besoins de l’association bénéficiaire et nous cherchons à lui donner les conseils gratuits les plus adaptés et à lui proposer le meilleur « paquet » financier pour l’aider non seulement à survivre, mais à prospérer. À cet égard, il faudrait demander plus souvent aux associations des bilans non seulement financiers – le financement n’est qu’un moyen pour exercer des missions –, mais qualitatifs, avec des indicateurs de performance sociale et environnementale, qui permettent, par exemple, de mesurer leur contribution à l’emploi ou à la cohésion sociale dans tel ou tel quartier.

    La mutualisation est culturellement difficile à mettre en œuvre, monsieur le président : nos concitoyens – tout comme nous, probablement – y sont réticents. Nous avons des expériences, y compris à France Active, en matière de mutualisation des achats, ce qui permet de réduire les coûts. En tout cas, la mutualisation est infiniment préférable à la fusion, que des cabinets d’étude pourraient recommander un peu rapidement : la fusion n’est pas nécessairement synonyme d’une efficacité accrue.

    Mme Sophie des Mazery. L’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », dont l’objectif unique est de permettre à son titulaire de bénéficier de l’épargne salariale solidaire, a été profondément rénové et complexifié à outrance par la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Nous craignons donc de voir le vivier des entreprises solidaires diminuer. D’un côté, un nombre croissant d’épargnants souhaitent donner du sens à leur épargne, d’autant plus avec la crise actuelle. De l’autre, nous incitons les entreprises notamment associatives à solliciter cet agrément. Cependant, cela risque d’être pour elles un parcours du combattant. Nous verrons quelle sera la pratique des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) en la matière. Nous espérons que les décrets simplifieront, autant que possible, le dispositif, sans pour autant sacrifier l’exigence.

    Nous attendons nous aussi que les outils de la BPI soient disponibles, en particulier le « fonds de fonds à impact social » qui a été évoqué il y a un an pour financer l’économie sociale et solidaire. Pour l’instant, aucun des fonds solidaires ou des sociétés de capital-risque nationales ou régionales qui ont fait la preuve de leur efficacité au service de l’emploi et de la cohésion sociale – la société d’investissement de France Active, Garrigue, Initiatives pour une économie solidaire (IES) en Midi-Pyrénées – ne peut bénéficier de ce fonds de fonds. Pourquoi la BPI n’investit-elle pas dans ces structures ? Il est désormais plutôt question de fonds destinés à financer des PME qui adoptent une démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Certes, la frontière est très difficile à tracer entre l’impact investing – investissement qui associe la rentabilité financière avec un impact social ou environnemental positif – et la finance solidaire. Mais nous avons besoin des outils de la BPI.

    M. Yannick Blanc. La Fonda tient le discours suivant : la mutualisation n’a de sens que si la mutualisation des moyens – M. Sautter a notamment évoqué la mutualisation des achats – s’accompagne d’une mutualisation des projets. Sur un territoire donné, les associations peuvent, tout en gardant leur personnalité et leurs spécificités – éléments essentiels de l’affectio societatis –, construire ensemble des stratégies et traiter ainsi d’égal à égal avec les pouvoirs publics.

    Prenons l’exemple de la politique de santé publique. Les parlementaires sont confrontés au problème de la maîtrise des coûts, en particulier de la prise en charge des maladies chroniques, qui pèse très lourd sur le budget de l’assurance maladie. Pour être efficace, nous le savons, la politique de santé publique doit faire une place beaucoup plus importante qu’aujourd’hui à la prévention. Or, pour progresser en la matière, il faut que les bénéficiaires et les associations de malades soient eux-mêmes des acteurs de la prévention.

    Dans mon département, j’ai incité toutes les associations actives dans le domaine de la prévention et de l’éducation pour la santé – associations de femmes victimes du cancer, associations de lutte contre l’alcoolisme ou contre l’obésité – à se regrouper dans un même lieu, pour former une sorte de cluster. En mutualisant ainsi des locaux et des moyens, elles dépensent leur argent de manière plus efficiente. Mais l’enjeu est surtout que les acteurs de la politique de prévention deviennent eux-mêmes les auteurs du message de prévention et d’éducation pour la santé. Si ce message provient d’une institution parisienne mal connue – tel est le cas pour les campagnes de publicité –, il reste abstrait. Si, en revanche, il est porté par les malades eux-mêmes sur le terrain, directement auprès des personnes concernées, il gagne considérablement en efficacité. Cet exemple montre, par excellence, que 1 euro d’argent public donné à une association a un effet de levier infiniment plus important que 1 euro dépensé dans le cadre d’un budget plus classique.

    M. Gérard Leseul. Au vu de l’ensemble des interventions, il serait sans doute plus juste de parler de modèle « socio-économique » plutôt que de modèle simplement « économique » du secteur associatif.

    M. le président Alain Bocquet. Merci beaucoup, madame, messieurs, pour vos contributions très riches et très intéressantes à nos travaux.

    L’audition s’achève à dix heures cinquante-cinq.

    .——fpfp——

Membres présents ou excusés

    Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social.

    Réunion du 2 octobre 2014 à 9 h 10

    Présents. – M. Alain Bocquet, M. Jean-Louis Bricout, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec, M. Régis Juanico, M. Jean-René Marsac, M. Frédéric Reiss.

    Excusés. – Mme Barbara Pompili, M. Jean-Luc Bleunven.