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Mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Jeudi 12 juin 2014

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Olivier Carré, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de MM. Antoine Boulay, directeur des relations institutionnelles et médias de Bpifrance, Stéphane Biardeau, directeur adjoint de l’offre produits, et Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles.

–  Présence en réunion

M. le président Olivier Carré. Nous ouvrons cette mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par l’audition de représentants de Bpifrance. En effet, cet organisme a été le premier à travailler concrètement avec les entreprises sur la mobilisation du préfinancement du CICE. Nous souhaitons donc pouvoir disposer d’un premier bilan de cette année de transition.

M. Antoine Boulay, directeur des relations institutionnelles et médias de Bpifrance. Nous ne voulons pas voler la vedette à nos amis de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ou à ceux qui ont préparé le dispositif du CICE : n’étant qu’un opérateur de préfinancement, Bpifrance ne saurait être l’arbre qui cache la forêt du CICE lui-même aux yeux des observateurs de la vie économique.

Notre estimation des besoins de préfinancement pour 2013 s’élevait à 2 milliards d’euros, répartis entre 800 millions pour Bpifrance, qui ne devait pas traiter les dossiers de moins de 25 000 euros, et 1,2 milliard pour les opérateurs bancaires privés, commerciaux et mutualistes. Ce chiffre de 800 millions était le fruit de l’expérience de mécanismes comparables : nous avons d’ailleurs appelé le mécanisme de préfinancement « Avance + Emploi », sur le modèle du mécanisme « Avance + » de mobilisation de créances. Il s’agit, en l’occurrence, de la mobilisation d’une créance particulière qui est celle d’un crédit d’impôt.

En accord avec la DGFiP, les dossiers inférieurs à 25 000 euros, dont le nombre devait être le plus important, seraient laissés à la place bancaire. Or il s’est avéré que ces banques n’ont pas pu ou pas voulu assurer le préfinancement des dossiers de faible montant. Le métier bancaire reposant largement sur la mobilisation de systèmes d’information, la création ex abrupto d’un nouveau dispositif dans une offre bancaire prend toujours un certain délai. Il est vrai que le système d’information de Bpifrance comprenait déjà ce produit. Ayant constaté dès le mois d’avril que le seuil de 25 000 euros n’était pas adapté puisqu’un nombre important de demandes n’était pas satisfait, nous avons donc décidé, à la demande du Gouvernement et après avoir étudié les conséquences opérationnelles qu’impliquait le traitement des dossiers inférieurs à 25 000 euros – notamment le recrutement d’intérimaires pour les traiter –, de supprimer toute limite de seuil.

Bien que la créance soit certaine, le préfinancement a un coût composé de trois éléments.

Le premier est le coût de l’argent : notre établissement n’a pas encore touché l’argent qu’il décaisse. Certes, nous n’empruntons pas à un taux élevé, puisqu’il se situe entre quinze et vingt points de base au-dessus des obligations assimilables du Trésor (OAT) : toutefois, même si nous avons une excellente signature, de facto, nous payons notre argent.

Le deuxième élément est le coût de gestion des dossiers. Même si nous avons, simultanément à la suppression du seuil de 25 000 euros, mis en place un formulaire en ligne qui permet de téléverser les documents, par ailleurs très légers, qui sont à fournir – extrait K-bis, attestation par un tiers de confiance de la masse salariale correspondante, une carte d’identité et les derniers résultats –, un traitement humain demeure indispensable. Si nous traitons les dossiers en cinq jours, le service des impôts doit cependant attester que la créance n’a pas été mobilisée auprès d’un autre établissement bancaire pour éviter tout doublon. Ceci demande entre une et trois semaines. Il s’écoule donc, en moyenne, entre le moment où l’entreprise dépose son dossier et celui où elle touche son préfinancement, environ trois semaines.

Le troisième élément du coût du préfinancement est celui du risque : cette créance est en germe, puisqu’elle est constituée pro rata temporis de la masse salariale effectivement versée. Une entreprise qui aurait reçu le préfinancement de son CICE en janvier et effectuerait des licenciements en avril verrait son crédit d’impôt amputé d’autant et Bpifrance ne pourrait pas récupérer la différence auprès de l’État : nous devrions alors ouvrir un contentieux ou abandonner la créance.

Ces trois composantes du coût du préfinancement expliquent le prix auquel nous le facturons, lequel varie en fonction de la nature du risque. Le coût des très gros dossiers, ceux de plusieurs millions d’euros – qui sont très rares – est très faible, inférieur à 2 % ; tandis que celui de dossiers plus petits, mais plus risqués, peut atteindre 4 ou 5 %. Ce taux est à comparer à celui du découvert bancaire pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui s’élève en moyenne à 9 %. Notre produit de trésorerie reste donc très favorable. Toutefois, comme les frais de dossier incompressibles de 150 euros, ajoutés au taux appliqué, renchérissaient considérablement le taux effectif global (TEG) des tout petits dossiers – de 1500 à 2000 euros : nous avons même monté un dossier de 500 euros ! –, le préfinancement pouvait perdre tout intérêt pour l’entrepreneur qui voyait son TEG atteindre 7 ou 8 %, et ce, alors même que Bpifrance a une forte probabilité d’être remboursée par le service des impôts. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, après la suppression du seuil, puis la mise en place du formulaire en ligne, de supprimer également les frais de dossier pour les préfinancements de moins de 25 000 euros.

Nous avons traité 12 000 dossiers en 2013 pour 800 millions d’euros effectivement versés, la totalité des montants des dossiers étudiés s’élevant à 1,2 milliard (toutes les entreprises n’ont pas donné suite à leur demande). Il conviendrait de demander à la DGFiP le montant décaissé par les établissements bancaires privés : nous avons constaté qu’ils étaient plus actifs sur les gros dossiers que sur les petits.

Bpifrance, avec ses 1 000 conseillers bancaires dédiés aux très petites entreprises (TPE) et PME sur le terrain et ses quarante-deux implantations, ne saurait être comparée avec le groupe BPCE – 3 500 implantations –, BNP-Paribas – 3 000 implantations – ou la Société Générale – 2 500 implantations. La Banque publique d’investissement, qui a repris le réseau d’Oséo, n’a pas vocation à intervenir directement auprès des TPE, à part les cas particuliers de transmission ou de création. Mais notre mode d’action naturelle auprès des TPE étant de garantir les crédits de trésorerie que leur accordent les banques, nous pouvons avoir un effet démultiplicateur auprès des entreprises. C’est la première fois que Bpifrance intervient directement auprès de PME – ses devanciers ne l’avaient pas fait davantage durant de très nombreuses années. Il faut se rappeler que l’année 2013 a été très difficile pour les chefs d’entreprise en termes de trésorerie : ceux qui se sont adressés à Bpifrance pour de faibles montants avaient auparavant frappé sans succès à toutes les autres portes et étaient souvent découragés. L’aide que nous leur apportons est d’ordre non seulement financier, mais également psychologique : ils ne sont plus seuls. C’est l’occasion pour nous d’instaurer, notamment avec les TPE, un dialogue plus global sur la structuration de leur financement.

À l’autre bout de la chaîne, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont au cœur de la mission de Bpifrance alors que ce public était moins traité par Oséo. Or les ETI recourent de plus en plus fréquemment au CICE pour des montants très importants. C’est l’occasion d’engager avec elles une réflexion sur le renforcement de leurs fonds propres et l’ouverture de leur capital. Cette approche globale est très précieuse.

Le dispositif est monté en puissance sur les cinq premiers mois de l’année 2014 : entre janvier et mai, nous avons ouvert 10 000 nouvelles lignes, c’est-à-dire quasiment autant qu’entre février et décembre 2013. Nous traitons 2 000 dossiers chaque mois et 23 000 ont été à ce jour ouverts depuis le lancement du dispositif, pour un encours total de 1,8 milliard d’euros – 1 milliard sur les cinq premiers mois de 2014. Les TPE représentent 80 % du nombre des dossiers. Le chiffre d’affaires total des entreprises recourant au préfinancement s’élève à 163 milliards d’euros pour 1,1 million d’emplois. Le niveau médian du préfinancement est de 17 000 euros. Pour 2013, le CICE équivaut à 4 % de la masse salariale et représente 1 000 euros par emploi : à partir de 2014, ce taux étant porté à 6 %, il représente quelque 1 500 euros par emploi. Ces chiffres sont le fruit d’une reconstitution ex post qui tient compte du seuil des 2,5 SMIC – tous les emplois de l’entreprise ne sont donc pas concernés.

M. Stéphane Biardeau, directeur adjoint de l’offre produits. Bpifrance s’est très rapidement trouvée confrontée, d’une part, à un flux important de demandes directes de crédits de préfinancement de la part notamment des PME, et, d’autre part, à l’atonie de l’activité des banques privées qui, contrairement à ce que nous avions espéré, n’ont pas démultiplié l’action de préfinancement alors même que nous avions instauré à leur intention un dispositif de garantie. L’effet de surprise a été total en raison des très nombreux efforts que nous avions déployés pour les mobiliser, les sensibiliser et les tenir informées des travaux que nous conduisions pour ne pas manquer le rendez-vous de février 2013. Nous avons, depuis, interrogé leurs représentants : il était pour eux compliqué d’ouvrir une ligne de crédit assise sur une seule créance, de surcroît en germe, dont la notification de cession implique un processus particulier – envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au service des impôts, attendre que celui-ci confirme avoir bien reçu la notification de cession de créance, enregistrer tous les mouvements dans les systèmes d’information – toutes démarches engendrant un vrai coût de gestion. Un tel processus, surtout lorsqu’il concerne des dossiers de faible montant, n’entre pas dans la logique de traitement industriel de masse de l’activité bancaire commerciale traditionnelle. C’est la raison pour laquelle les banquiers n’ont pas répondu à notre attente, s’agissant surtout des petits dossiers.

Nous avons donc été amenés à construire un site sur lequel les entreprises peuvent déposer leur demande en ligne, ce qui leur permet, dans la majorité des cas, de recevoir l’argent sur leur compte dans un délai de trois semaines environ. Nous avons également dû ajuster nos effectifs en recourant à du personnel intérimaire. Si 75 % des dossiers sont inférieurs à 50 000 euros, et concernent des entreprises dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés, l’effectif de la majorité des entreprises concernées par le préfinancement est compris entre 10 et 250 salariés, ce qui correspond à la définition de la PME.

M. Yves Blein, rapporteur. Pouvez-vous détailler avec plus de précision le coût du préfinancement ?

M. Stéphane Biardeau. Les intérêts débiteurs sont calculés au jour le jour en fonction de la somme en jeu. Le taux moyen des opérations correspond à l’Euribor un mois, soit environ 0,20 ou 0,30, auquel il convient d’ajouter une marge de 3 points et une commission d’engagement qui est égale à 1 point du montant du crédit autorisé. Le coût du crédit, qui est de 4 points environ, est à comparer à celui du découvert, qui serait la ligne de crédit utilisée naturellement par les entreprises. C’est pourquoi un très grand nombre d’entreprises se sont adressées à Bpifrance pour conforter leur trésorerie.

Durant les six mois qui ont suivi le lancement du préfinancement, nous avons dû expliquer aux entreprises qui demandaient l’intervention de Bpifrance pour se développer tout en ne sachant pas si elles avaient droit au dispositif, qu’il leur était possible de compléter leur plan de financement en recourant au préfinancement du CICE. Si les entrepreneurs avaient bien compris que l’assiette du CICE reposait sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, ils craignaient les contreparties que l’administration fiscale pourrait être en droit d’exiger a posteriori.

M. Antoine Boulay. Le directeur général des impôts a dû expliquer que le CICE ne ferait pas l’objet d’une mission de contrôle spécifique de la DGFiP, contrairement au crédit d’impôt recherche (CIR). La contrepartie, au sens politique du terme, n’a rien à voir avec l’aspect opérationnel d’un contrôle fiscal.

M. le rapporteur. Vous avez souligné que plus les dossiers sont importants, plus leur coût est faible : celui-ci est-il inversement proportionnel au montant du CICE ?

Dans le coût d’un dossier moyen, que vous avez évalué à 4 % du crédit d’impôt, quelles sont les parts respectives du loyer de l’argent, de la gestion et du risque ?

M. Stéphane Biardeau. Toutes les opérations de crédit ont un coût de gestion incompressible, car tous les dossiers, quel que soit leur montant, font l’objet d’un traitement identique. Bpifrance perd donc de l’argent sur les dossiers inférieurs à 25 000 euros. L’équilibre général de l’opération est assuré par la rentabilité dégagée par les dossiers plus importants, même si ces opérations unitaires font l’objet d’un taux de tarification inférieur.

M. Antoine Boulay. Le taux n’est pas proportionnel. Il se situe entre 1,60 % et 2 % pour les dossiers d’un montant très important.

Le coût le plus important, pour les petits dossiers, est celui du risque, car un nombre très important d’entre eux sont déjà en contentieux : les crédits sont donc provisionnés. C’est la vie naturelle d’une banque. Il faut savoir que nous intervenons aux conditions du marché. La Commission européenne, que ce soit dans son attitude par rapport au projet de business bank britannique ou les deux décisions rendues sur les banques de développement allemande et balte, opère une découpe au scalpel entre ce qui relève, d’une part, des conditions du marché et, d’autre part, de l’intérêt général. Ce n’est pas parce que nous traitons des dossiers qui sont en contentieux que nous n’intervenons pas aux conditions du marché. Une entreprise qui a continué son activité six mois au lieu de douze voit son crédit d’impôt divisé par deux, et seule la moitié de notre concours est provisionnée.

M. Stéphane Biardeau. Le contentieux, en 2013, a concerné quelque 600 entreprises sur un total de 12 000.

M. Antoine Boulay. Sur un total de 23 000 en comptant les cinq premiers mois de 2014. Parmi les entreprises qui ont déposé des dossiers en 2014, très rares sont celles qui sont déjà en contentieux. Par rapport aux critères bancaires habituels, le chiffre de 600 est considérable, d’autant que le dispositif n’a qu’un an.

M. Stéphane Biardeau. Et que ces 600 entreprises représentent un encours de 20 millions d’euros.

M. Antoine Boulay. C’est la raison pour laquelle nous sommes parfois amenés à refuser le préfinancement du crédit d’impôt. Nous devons alors expliquer notamment aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) qu’il nous appartient de juger en toute objectivité la capacité de remboursement d’une entreprise. Quel sens y aurait-il à accepter le dossier de préfinancement d’une entreprise qui en est à quinze jours de son dépôt de bilan ? N’oublions pas que le risque est imputé sur les fonds propres de Bpifrance : il s’agit donc d’argent public. Toutefois, le volume du contentieux est très contenu et la gestion de l’exposition au risque de Bpifrance est solide : il suffit, pour 2013, de comparer les 800 millions d’euros du CICE aux quelque 10 milliards d’euros en financement et garantie. Il n’y a pas péril en la demeure. La gestion du risque – mission que vous avez confiée à Bpifrance – nous impose parfois d’octroyer le préfinancement du CICE par tranches, au trimestre échu. S’il existe un vrai coût du risque, le produit demeure équilibré.

M. le rapporteur. Le chiffre de 1,1 million d’emplois que vous avez évoqué correspond-il au nombre d’emplois sur lesquels repose le CICE ou au nombre total d’emplois des entreprises ayant déposé une demande de préfinancement ?

M. Stéphane Biardeau. Ce chiffre est l’addition des effectifs de toutes les entreprises qui ont déposé un dossier de préfinancement.

M. François André. Avez-vous une vision consolidée des secteurs d’activité des 23 000 entreprises qui vous ont sollicité ?

Vous soulignez que nombre d’entreprises viennent frapper à la porte de Bpifrance en dernier recours : quel regard portez-vous sur la qualité de l’information qui a été donnée par les experts-comptables sur le dispositif de préfinancement ? Confirmez-vous les craintes en la matière ?

Quelle est, enfin, la date d’extinction du dispositif de préfinancement, puisque le CICE entre en régime de droit commun – l’octroi du crédit d’impôt est devenu automatique ?

M. Patrick Hetzel. Si le Gouvernement avait opté pour une formule plus souple de réduction directe du coût du travail, on n’en serait sans doute pas là !

Vous avez insisté sur les freins au préfinancement. Le risque de confusion avec le CIR est-il derrière nous ? Ayant été rapporteur pour avis du budget de la recherche, j’ai été surpris que les entreprises, à tort ou à raison, établissent souvent un lien direct entre contrôle fiscal et obtention du CIR. Vous avez été également amené à expliquer que le CICE était de droit : est-il encore nécessaire d’effectuer une communication en la matière ? Avez-vous atteint la cible des entreprises susceptibles de recourir au préfinancement du CICE ?

M. Joël Giraud. Député d’une circonscription située dans un petit département, les Hautes-Alpes, je suis sensible à la situation des TPE et des PME. Seule Bpifrance fournit des chiffres relatifs au préfinancement ; je tenais donc à la féliciter de jouer son rôle dans l’ensemble du pays et, notamment, d’avoir abandonné le seuil des 25 000 euros, inadapté aux territoires ruraux. Malgré la volonté de simplification du dispositif, les TPE éprouvent des difficultés à s’en saisir, surtout celles qui ne comptent qu’un seul salarié. Comment Bpifrance répond-elle aux demandes de préfinancement pour de très faibles montants ? Quels sont les obstacles au préfinancement des TPE ? Comment peut-on améliorer le système pour l’adapter aux TPE, celles-ci ayant besoin d’aide pour investir, d’autant plus qu’elles doivent faire face aux effets de la baisse des tarifs exigée par les donneurs d’ordre ?

M. Stéphane Biardeau. La répartition de l’appartenance sectorielle des entreprises ayant bénéficié du préfinancement épouse celle de l’économie française : en nombre comme en montant, 22 % appartiennent au domaine de l’industrie manufacturière, 27 % relèvent des commerces de gros et de détail, des transports, de l’hébergement et de la restauration, plus de 20 % représentent les services aux entreprises, alors que la construction compte pour environ 15 %.

Les experts-comptables ont tout à fait joué le jeu. Nous avons eu besoin d’eux pour presque tous les dossiers que nous avons traités, puisque nous ne disposions d’aucune année de référence pour lancer notre activité. Nous nous sommes appuyés sur les déclarations du nombre de salariés rémunérés à moins de 2,5 fois le SMIC pour l’année 2013. Nous avons sollicité un avis d’expert-comptable pour contrôler et valider le calcul effectué par l’entreprise, cette attestation étant obligatoirement versée au dossier. Aujourd’hui, cette procédure n’est plus nécessaire puisque nous pouvons nous fonder sur une année de référence. Nous remercions vraiment les experts-comptables qui ont mené une action soutenue de pédagogie sur le CICE dans leurs publications matérielles ou sur leurs sites internet.

Les lois de finances reconduisent le dispositif chaque année, si bien que nous ne connaissons pas la date de sa fin.

M. Antoine Boulay. D’autant qu’il existe un décalage entre l’année de déclaration et celle de perception.

M. le président. L’État transfère une dette vers les entreprises.

M. Stéphane Biardeau. La loi de finances rectificative pour 2012 prévoyait la reconduction du CICE en 2014 ainsi que la hausse du taux du crédit d’impôt de 4 % à 6 %. Nous avons ainsi pu anticiper cette évolution, qui nécessite de nombreuses adaptations, notamment de notre système d’information. Si de nouveaux changements étaient décidés à l’avenir, nous y ferions face.

Nous portons des préfinancements de CICE pendant trois ans – le temps que l’État procède au remboursement de la créance – pour les entreprises qui n’imputent pas le CICE sur leur impôt sur les sociétés (IS) du fait de l’insuffisance de celui-ci.

M. Antoine Boulay. Depuis la création du premier crédit d’impôt en 1924 – qui concernait l’hôtellerie –, aucun produit n’a démarré aussi rapidement que le CICE. L’activité de financement s’élevait à 8 milliards d’euros en 2012 et a crû de 10 % tout de suite pour atteindre maintenant 10 milliards d’euros en 2013, grâce à la progression de 10 % ou de 15 % d’autres lignes de produits. Selon les statistiques de financement, l’octroi de crédit fut plat l’année dernière, mais les prêts consentis par le système bancaire aux PME ont augmenté. Ce résultat est dû à l’action de Bpifrance qui détient 5 % du marché et qui a augmenté de 10 %, cette hausse découlant pour moitié du préfinancement du CICE. Celui-ci constitue donc un succès considérable pour les équipes de Bpifrance.

Vous vous demandez si le CICE est de droit : de ce point de vue, la cible est atteinte, ce sujet relevant de la question globale des besoins de financement sans garantie. Le problème du système bancaire réside dans son modèle de prêt qui repose nécessairement sur un sous-jacent jouant le rôle de garantie et de valeur résiduelle en cas de difficulté. Le CICE constitue une créance qui peut être utilisée par les banques comme une garantie. Grâce à ce dispositif, les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) peuvent financer des projets qui ne correspondent pas à l’achat d’une machine ou d’un bâtiment, mais à un investissement dans l’emploi, le design ou un nouveau site internet. Il représente donc un complément avec notre autre gamme de produits, celle des prêts de développement, qui sont également octroyés sans garantie.

Les TPE n’employant qu’un seul salarié dont le salaire se situe en dessous de 2,5 SMIC ont droit au CICE, mais n’ont pas grand intérêt à le mobiliser en raison de la faiblesse de son montant. Notre mission de banque publique nous conduit à lui proposer d’autres produits, telle la garantie de renforcement de trésorerie.

M. Xavier Breton.  Quelle est la proportion de demandes de préfinancement auxquelles vous opposez un refus ? Quelles en sont les raisons principales ? Ces rejets concernent-ils plutôt des petits ou des gros dossiers, et touchent-ils certaines régions davantage que d’autres ?

M. Razzy Hammadi. Le 15 mai 2013, la commission des finances a auditionné M. Nicolas Dufourq, directeur général de Bpifrance. Le débat s’était concentré sur la question du taux. À un parlementaire qui constatait des taux supérieurs à 5 % dans son département, il avait répondu que le taux moyen s’élevait à 3,6 %, mais pouvait descendre à 2,5 % en cas d’absence de risque et atteindre 5 % – voire davantage – si un risque existait. Nous pouvons donc constater une différence entre les propos tenus ce matin et ceux d’il y a un an. Certes, les taux ont baissé cette année sur les marchés, mais à quels facteurs obéit la diminution de votre taux maximal ? Est-ce dû à une meilleure appréciation du risque ?

Lors de cette même audition, M. Dufourcq avait fixé un objectif de 2 milliards d’euros pour 2014 : pensez-vous que cette cible sera atteinte ?

Mme Sophie Dion. Quels sont vos critères d’évaluation du risque pour intervenir en faveur des entreprises in bonis et pour ne pas agir pour celles se trouvant en difficulté ?

Certaines entreprises se trouvent dans le cadre d’une procédure collective, et Bpifrance suit 600 entreprises faisant face à un contentieux : à quel moment de la procédure intervenez-vous pour récupérer votre créance ?

M. Éric Woerth. Comme Patrick Hetzel, je regrette que l’on n’ait pas opté pour une baisse de charges plutôt que pour ce dispositif, même si ce sujet ne concerne pas les représentants de Bpifrance.

L’État et Bpifrance ont-ils discuté de la prise en charge du coût du préfinancement par l’État ? Nous avions posé la question à Pierre Moscovici, alors ministre des finances, au moment de l’élaboration de ce mécanisme, mais nous n’avons pas obtenu de réponse. Le Gouvernement pouvait annoncer le préfinancement sans engager de dépenses budgétaires ou fiscales, mais la question du coût se pose.

Existe-t-il déjà des contentieux avec l’administration fiscale, même si le directeur général des finances publiques a indiqué qu’il n’y aurait pas de problème avec le fisc ?

M. le président. François Drouin, le précédent président de Bpifrance, avait expliqué aux députés qu’il avait reçu l’assurance que Bpifrance serait une boîte à lettres. Certes, le prix du timbre se situe entre 2,5 % et 7 %, mais il lui était garanti d’être remboursée en cas de contentieux. Ce point mérite un éclaircissement.

Pensez-vous recevoir aujourd’hui des appels de préfinancement à 6 % ? Pouvez-vous déjà préfinancer la hausse du taux du CICE de deux points pour les entreprises entrées dans le dispositif ?

Dans les analyses de risques que vous conduisez sur les entreprises, assimilez-vous la créance à un fonds propre futur ?

M. Stéphane Biardeau. Nous sommes contraints par la réglementation s’appliquant aux entreprises en difficulté et nous ne pouvons pas prêter à une entreprise qui n’a pas trouvé les moyens d’assurer sa pérennité. Un jugement ouvrant une procédure collective oblige l’entreprise à trouver un protocole – homologué, le cas échéant, par le tribunal de commerce – avec ses créanciers pour opérer son redressement, Bpifrance ne pouvant intervenir dans l’intervalle. Nous rejetons également les demandes des entreprises qui ne sont pas à jour de leurs dettes fiscales et sociales ; cependant, une société redevient éligible au préfinancement du CICE si elle fournit le moratoire négocié avec l’administration fiscale. Ces deux causes de rejet s’avèrent rares. Lorsque nous nourrissons une grande inquiétude sur la pérennité, à l’horizon d’un semestre ou d’une année, d’une entreprise n’éprouvant pas de difficultés avérées, nous procédons au décaissement du préfinancement au fur et à mesure que se constitue la créance qui naît du versement des salaires inférieurs à 2,5 SMIC.

M. Antoine Boulay. Le nombre des entreprises subissant un refus de préfinancement s’avère trop faible pour qu’une catégorisation par secteur ait du sens.

M. Stéphane Biardeau. La garantie du crédit, c’est-à-dire la cession de la créance, ne vaut rien au moment de la réalisation de l’opération – surtout si celle-ci est effectuée en début d’année. Si l’entreprise subit une liquidation judiciaire en cours d’année, nous récupérerons la part du CICE préfinancé correspondant au versement des salaires du début de l’année jusqu’au moment de la défaillance, à condition que le mandataire chargé de la liquidation procède à la déclaration qui doit être transmise à l’administration fiscale. Or, dans les 600 dossiers de contentieux actuellement en cours, nous nous apercevons qu’il nous faut harceler les mandataires pour qu’ils accomplissent cette formalité. Des équipes suivent ces dossiers, qui représentent 20 millions d’euros. Si Bpifrance ne récupère pas tout ou partie de cette somme, l’équilibre du dispositif se trouve menacé.

M. Antoine Boulay. La baisse des tarifs exigée par les donneurs d’ordre concerne les gros contrats, et non les TPE. Cette situation ne touche que quelques dizaines de dossiers de préfinancement sur 12 000.

Certes, les taux ont baissé, mais nous avons également supprimé le versement de 150 euros de frais pour les préfinancements des plus petits dossiers, ce qui a entraîné la diminution du TEG.

Bpifrance intervient comme une banque en assurant le préfinancement du CICE, si bien qu’elle doit suivre les conditions bancaires reposant sur un remboursement a posteriori de l’affacturage, afin de se conformer au cadre de la notification d’Oséo auprès de la Commission européenne – Bpifrance n’ayant pas été notifiée puisqu’elle représente un développement d’un dispositif déjà existant.

M. Stéphane Biardeau. Il n’existe aucun cas de contentieux avec l’administration fiscale. Depuis le lancement du produit, nous avons agi en étroite coopération avec les services des impôts des entreprises afin d’obtenir leur retour après leur avoir notifié une créance. Nous nous trouvons actuellement dans la phase d’achèvement de la première génération de préfinancement, notamment pour les PME ; nous recevons donc beaucoup de paiements pour le remboursement anticipé du CICE des PME pour l’année 2013. Jusqu’à présent, nous ne rencontrons pas de problèmes majeurs et nous n’avons pas à faire face à des contentieux fiscaux portant sur les assiettes.

M. Antoine Boulay. Le montant du préfinancement pour l’année 2013 correspond à l’assiette dont le taux était à 4 %, mais celui de 6 % est appliqué aux nouvelles demandes.

M. Stéphane Biardeau. Bpifrance porte la campagne 2013 tant que l’État ne l’a pas remboursée et a ouvert une nouvelle ligne à 6 % pour l’année 2014.

M. Antoine Boulay. Voilà ce à quoi renvoient les 10 000 dossiers supplémentaires ; certaines entreprises relèvent à la fois du régime de 2013 et de celui de 2014.

M. Stéphane Biardeau. Au fur et à mesure, nous constaterons peut-être que Bpifrance porte trois années de CICE pour certaines entreprises.

M. Éric Woerth. Ce n’est évidemment pas à Bpifrance de prendre en charge le coût de ce préfinancement, mais on aurait pu considérer que, l’année où l’État rembourse le crédit d’impôt à l’entreprise qui dégage les bénéfices suffisants à son imputation, il majore le CICE du coût du préfinancement dans un dessein de transparence vis-à-vis de l’entreprise.

M. Guillaume Bachelay. Les équipes nationales et régionales de Bpifrance ont contribué au déploiement du CICE et assurent la mise en œuvre des missions que la loi leur fixe pour les TPE, les PME et les ETI.

Les représentants des PME ont exprimé la crainte que l’absence de directeur financier induise l’obligation de recourir à un conseil extérieur. Comment avez-vous répondu à cette crainte d’une augmentation des coûts supportés par ces entreprises ?

Quel est l’impact du CICE dans la relation entre les grands donneurs d’ordre et les sous-traitants, notamment sur les prix des contrats en cours ?

M. le rapporteur. Sur quel calcul est assis le chiffre de 1 000 euros par emploi que vous avez donné ?

Incluez-vous la grande distribution dans la catégorie des commerces de gros et de détail, qui représente, avez-vous dit, 27 % des entreprises ayant bénéficié du préfinancement du CICE ?

Respectez-vous le délai de trois semaines à un mois pour l’instruction des dossiers ?

M. Stéphane Biardeau. Les TPE et les PME n’ayant pas de directeur financier se sont appuyées l’année dernière sur les services de leur expert-comptable. En 2014, ces entreprises doivent simplement nous transmettre la déclaration unifiée de cotisations sociales (DUCS) qui comprend l’assiette des salaires versés au cours de l’année précédente et éligibles au CICE, et qu’elles ont dû déposer avant le 31 janvier de l’année civile. Les entreprises peuvent donc nous adresser leur demande de préfinancement du CICE dès le début de l’année et n’ont pas besoin de faire appel à une personne qualifiée et extérieure.

M. Antoine Boulay. Dans sa mission de préfinancement du CICE, Bpifrance n’a pas été confrontée au cas d’une entreprise exposée à une baisse de ses tarifs exigée par un donneur d’ordre. Le médiateur du crédit devrait disposer de plus amples informations que les nôtres.

M. Stéphane Biardeau. Il me semble que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est chargée de la surveillance et de la sanction dans ce domaine.

M. Antoine Boulay. Le montant par emploi correspond à une moyenne, mais on avait constaté l’année dernière, avec un taux de 4 %, que le mécanisme représentait 1 000 euros par emploi concerné, soit 800 000 emplois pour les 800 millions d’euros. S’agissant du 1,1 million d’emplois, ce chiffre est celui déclaré par les entreprises à qui nous avons octroyé un CICE. Aujourd’hui, avec un taux de 6 %, le coût atteint 1 500 euros par emploi concerné ; avec 1 milliard d’euros, le nombre d’emplois devrait se situer autour de 660 000 en 2014. La somme des 800 000 emplois de 2013 et des 660 000 de 2014 s’élève à 1,4 million d’emplois, alors que les entreprises déclarent 1,1 million d’emplois. Cette différence correspond à la zone de recouvrement des entreprises ayant souscrit deux fois au mécanisme.

M. Stéphane Biardeau. La grande distribution est bien incluse dans la catégorie du commerce, mais elle y est très peu représentée ; en effet, les comptes des entreprises de la grande distribution recelant souvent beaucoup de trésorerie, elles ne se sont pas tournées vers le préfinancement du CICE.

M. Antoine Boulay. Nous continuerons de tenir le délai de trois semaines pour l’instruction des dossiers en 2014.

M. Stéphane Biardeau. Nous sommes en effet organisés pour respecter ce délai.

M. le président Olivier Carré. Messieurs, nous vous remercions.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Réunion du jeudi 12 juin 2014 à 10 heures

Présents. - M. Guillaume Bachelay, M. Laurent Baumel, M. Yves Blein, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Pascal Cherki, Mme Sophie Dion, M. Hugues Fourage, M. Joël Giraud, M. Razzy Hammadi, M. Patrick Hetzel, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, M. Patrick Vignal, M. Éric Woerth

Excusé. - Mme Véronique Louwagie

Assistait également à la réunion. - M. François André