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Mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Jeudi 10 juillet 2014

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 8

Présidence de M. Olivier Carré, Président

–   Audition, ouverte à la presse, de Mme Cécile PENDARIES, sous directrice « affaires juridiques, politique de la concurrence et de la consommation » et de Mme Odile CLUZEL, chef du bureau « Commerce et relations commerciales » de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

–   Présence en réunion

M. le président Olivier Carré. Nous avons souhaité entendre un responsable de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), notamment sur la question des « reports de marges » entre donneurs d’ordres et fournisseurs.

Mme Cécile Pendaries, sous-directrice « Affaires juridiques, politique de la concurrence et de la consommation », de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Nos services ont reçu cinq plaintes d’entreprises relatives à ce qu’on a appelé le « racket au CICE » – dont deux concernaient le secteur du travail temporaire –, dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Réunion, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Rhône-Alpes. Après analyse, nos services n’ont pas trouvé matière à poursuivre pour des faits de comportement abusifs. Au-delà, nous n’avons pas constaté de pratique généralisée du « racket au CICE », contrairement à ce qu’ont laissé entendre certains articles de presse.

En effet, soit les entreprises étaient conscientes que de tels abus étaient sanctionnés par le code de commerce et donc passibles de poursuites par nos services, soit des demandes ont été faites de rétrocession du bénéfice du crédit d’impôt, qui peuvent être formulées dans le cadre de la négociation du contrat sans qu’il s’agisse d’une infraction : demander une réduction de prix peut faire partie de la discussion entre deux entreprises du fait que l’une d’elles peut bénéficier d’un crédit d’impôt.

La DGCCRF dispose d’équipes d’enquêteurs au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Ces enquêteurs ont l’habitude de recevoir des informations des entreprises qui n’hésitent pas à faire des signalements anonymes lorsqu’elles craignent des représailles de leurs partenaires commerciaux. Aussi les entreprises potentiellement victimes ont-elles les moyens de se plaindre, directement de manière anonyme ou via leurs fédérations.

Reste le cas particulier du travail temporaire, la question étant de savoir qui, de l’entreprise de travail temporaire ou de l’entreprise qui a recours aux intérimaires, doit bénéficier des réductions d’impôt. Au-delà du seul CICE, ce point ressurgit à chaque fois qu’apparaît une réduction d’impôt, au point de faire parfois l’objet d’un véritable bras de fer. En 2009, le Conseil de la concurrence a sanctionné une entente entre plusieurs sociétés de travail temporaire ayant eu pour effet de confisquer à leur profit tous les allègements de charges sociales prévus dans le cadre des « réductions Fillon ». La Cour de cassation a donné un avis sur le sujet le 3 mars 2014, rappelant qu’aux termes du code de la sécurité sociale, la part des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, qui incombe à l’employeur, reste exclusivement à sa charge.

Reste que le principe reste celui de la libre négociation commerciale. Nos services sont chargés de repérer les abus qui conduiraient une des parties à accepter contre son gré de rétrocéder une partie du crédit d’impôt, donc de réduire ses prix sous la menace d’un déréférencement ou de pressions mettant en jeu la poursuite de la relation commerciale. Mais une entreprise qui bénéficie du CICE peut évidemment accorder des réductions de prix à son entreprise partenaire.

Se pose également, mais cela ne relève pas à proprement parler de nos attributions, le problème des incidences du CICE sur l’indexation des contrats de marchés publics dans le cadre des contrats de délégation de service public (DSP) dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. L’inclusion du CICE dans l’indice du coût horaire du travail établi par l’INSEE – indice retenu par les parties pour fixer les tarifs des contrats – a eu pour effet de diminuer les rémunérations. La direction juridique de Bercy vous donnera davantage d’éléments que la DGCCRF sur ce point. Pour contourner cette difficulté, l’INSEE a publié un indice hors CICE.

Le code de commerce prévoit un dispositif assez complet permettant au ministre de l’économie d’assigner devant les tribunaux de commerce une entreprise auteur de pratiques abusives. Il peut en réclamer la cessation et, éventuellement, exiger la restitution des sommes indûment perçues. C’est la DGCCRF qui est chargée de ces dossiers à la suite des contrôles effectués dans les régions ; elle prépare les assignations et suit les contentieux devant les tribunaux de commerce et devant la Cour d’appel de Paris. La loi relative à la consommation donne la possibilité aux agents chargés de ces contrôles de délivrer des injonctions pour demander la cessation des agissements incriminés.

Dès que nous avons été informés d’abus, un travail important de sensibilisation a été mené pour alerter les entreprises sur le fait que si elles ne souhaitaient pas renégocier le prix du contrat, elles devaient dénoncer ce genre de pratiques soit auprès des agents des DIRECCTE, soit en ligne sur le site de la DGCCRF, soit auprès de la médiation interentreprises. On peut penser que ce dispositif, sur lequel nous avons largement communiqué auprès des fédérations comme des entreprises, a porté ses fruits et conduit des entreprises enclines à se laisser aller à des comportements répréhensibles à y renoncer. Pour l’heure, nous n’avons pas eu de nouveaux signalements sur des demandes abusives de rétrocession du bénéfice du CICE.

M. Yves Blein, rapporteur. Pouvez-vous nous indiquer ce que vous avez observé au moment de l’application des allégements Fillon ? Comment les entreprises de travail temporaire s’étaient-elles comportées ? Les allégements de charges avaient-ils bien été répercutés sur leur clientèle ? Enfin, quelle serait selon vous la posture « philosophiquement » la plus justifiée ?

Mme Cécile Pendaries. Pour ce qui est des réductions Fillon, le Conseil de la concurrence a sanctionné en 2009 plusieurs sociétés de travail temporaire qui avaient voulu confisquer à leur profit des allégements de charges sociales en s’entendant entre elles pour limiter leur rétrocession aux entreprises utilisatrices.

M. le rapporteur. C’est bien l’entente qui a été incriminée ?

Mme Cécile Pendaries. Exactement, c’est l’entente qui a été sanctionnée et non la répartition de la prise en charge de la cotisation. La question est délicate, en tout cas dans le secteur du travail temporaire. Elle est du reste légitime : est-ce que ce sont les entreprises de travail temporaire qui doivent bénéficier du CICE, ou les entreprises utilisatrices, qui payent les charges et les salaires. On est en droit de se demander si le cadre est adapté, mais ce n’est pas à la DGCCRF de contrôler les modalités de cette prise en charge. Reste l’avis de la Cour de cassation du 3 mars 2014, mais il ne parle que des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, non du CICE en particulier. Il y est précisé que « la part des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, qui incombe à l’employeur, reste exclusivement à sa charge […]. L’entreprise de travail temporaire ayant, en vertu de l’article L. 1251-1 du code du travail, cette qualité à l’égard du travailleur temporaire, les dispositions susmentionnées, qui revêtent un caractère d’ordre public, s’opposent à la substitution de l’entreprise utilisatrice à l’entreprise de travail temporaire dans le bénéfice des réductions des cotisations employeurs […] et à toute rétrocession du montant des mêmes réductions à l’entreprise utilisatrice. » La Cour ajoute qu’ « en application du principe de la libre négociation commerciale […], une entreprise de travail temporaire et une entreprise utilisatrice peuvent prendre en considération l’incidence de la réduction de cotisations sociales sur le prix des prestations convenues entre elles ».

Ce secteur semble être de ceux qui posent le plus de difficultés en matière de rétrocession mais on pourrait également évoquer celles liées à l’indice du coût horaire dans le secteur de l’eau.

M. le président Olivier Carré. Vous avez rappelé à juste titre que de nombreux contrats pouvaient être indexés ; or la composition des indices, sur le plan technique, est fondamentale. Avez-vous une idée – à supposer que vos services soient concernés – de la façon dont le CICE est répercuté dans les différents indices de suivi ? L’est-il dans les indices relatifs à l’évolution du coût du travail ou dans d’autres indices que l’on retrouve notamment dans les marchés conclus par les collectivités territoriales – je pense à l’indice SYNTEC –? De nombreuses prestations, en effet, dans le cadre des DSP, comportent des formules d’indexation dans lesquelles on trouve quasiment toujours un indicateur lié à l’évolution du coût du travail ou de la main-d’œuvre. Le CICE présente cette particularité que son assiette est assise sur un coût du travail qu’il n’affecte toutefois pas directement. Outre celui de l’INSEE, il faut compter avec tous les indicateurs sectoriels, voire des indicateurs « maison » qui figurent dans les DSP.

Savez-vous si une disposition réglementaire oblige les entreprises à intégrer l’impact du CICE dans ces indices retraçant l’évolution du coût de la main-d’œuvre ?

Mme Cécile Pendaries. Ce point ne relève pas du tout de la compétence de la direction dont je dépends ; je ne puis donc guère vous éclairer. Un représentant de la direction des finances publiques serait plus indiqué.

M. le président Olivier Carré. Dans ce cas, il ne nous reste plus qu’à vous remercier pour vos réponses, très exhaustives.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Réunion du jeudi 10 juillet 2014 à 10 heures

Présents. - M. Guillaume Bachelay, M. Yves Blein, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Hugues Fourage, M. Razzy Hammadi, M. Philippe Kemel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Pascal Cherki, M. Joël Giraud, Mme Véronique Louwagie