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Mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Mercredi 10 juillet 2014

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Olivier Carré, Président

–  Audition conjointe, ouverte à la presse, des représentants des organisations patronales : M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) ; M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), accompagné de MM. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général, et Pascal Labbé, directeur des affaires économiques ; M. Bruno Grandjean, membre du bureau de l’Association des moyennes entreprises patrimoniales-entreprises de taille intermédiaire (ASMEP-ETI) et président-directeur général de Redex, accompagné de M. Alexandre Montay, délégué général d’ASMEP-ETI

–  Présence en réunion

M. le président Olivier Carré. Nous sommes heureux de vous entendre à propos du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), un peu tôt peut-être, mais aussi sur le vif, au moment même où vos membres commencent à le percevoir, à le comptabiliser et à en mesurer les effets.

M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Dans un premier temps, le CICE a fait couler beaucoup d’encre et provoqué le scepticisme de nombre de nos membres. J’avais alors tenté de m’en faire l’avocat auprès d’eux. Aujourd’hui que les entreprises commencent en effet à en percevoir les avantages en espèces sonnantes et trébuchantes – 7 à 8 milliards ont été ou vont être distribués cette année, 20 milliards devraient l’être l’an prochain au titre de l’exercice 2014 –, leurs dirigeants l’apprécient et ne veulent plus que l’on y touche. Nombre d’entre eux disent même qu’il a sauvé leurs résultats financiers de l’année.

À l’origine, seules devaient bénéficier du préfinancement les entreprises pour lesquelles le CICE dépassait 25 000 euros. Je m’étais insurgé auprès de Bpifrance contre cette restriction, qui n’avait pas de sens dès lors que le CICE était ouvert à toutes les entreprises. On a d’ailleurs vu, lorsqu’elle a été levée, à partir du mois d’avril, que certaines le demandaient pour un montant n’excédant pas 1 000 euros.

Environ 85 % des entreprises ont eu recours au préfinancement, ce qui confirme l’appétence de nos entrepreneurs pour un dispositif susceptible de leur apporter un peu de trésorerie dans une période où il était difficile d’en trouver.

M. Pascal Labbé, directeur des affaires économiques de la CGPME. Deux entités peuvent fournir des éléments d’information au sujet du CICE : le Comité de suivi du CICE et la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Peut-être est-il trop tôt pour les demander à cette dernière : ce n’est que le 15 mai dernier, après un report, que les entreprises candidates devaient s’être acquittées de l’ensemble de leurs obligations déclaratives. Bien que l’on ait eu quelque peu tendance à se focaliser sur le préfinancement, le dispositif s’applique certes à compter du 1er janvier 2013, mais ne produit tous ses effets fiscaux qu’à compter de mai 2014.

À cela s’ajoute l’ambiguïté qui résulte d’un panachage, inédit en droit français, de droit fiscal et de droit social. Elle a entretenu la confusion, notamment eu égard au contrôle : qui, de l’URSSAF ou de la DGFiP, contrôle quoi, et quand ?

Le dispositif a été bien accueilli par les entreprises, mais l’effet psychologique n’est pas chiffrable. Si, à l’automne 2013, au moment de la première réunion du Comité de suivi, on avait demandé aux chefs d’entreprise s’ils bénéficiaient du CICE, la plupart auraient répondu qu’ils ne le savaient pas, alors que 78 % de la population cible l’utilisait déjà, avec des pics à 85 %. En d’autres termes, beaucoup l’utilisaient sans en avoir conscience. Cela résulte de l’ambiguïté que j’ai signalée, et cela pose un véritable problème.

Comment les entreprises traitent-elles le CICE du point de vue comptable ? En fait, on a commencé à parler du dispositif et à mettre le préfinancement en place avant d’en étudier le traitement comptable et fiscal. Ainsi, ce n’est qu’en février 2013, après quelques atermoiements, que le collège de l’Autorité des normes comptables a arrêté la manière de traiter le CICE du point de vue comptable ; il aurait été plus utile de connaître cette décision dès les premiers jours de 2013, après l’adoption de la loi. Et c’est bien plus tard encore que le régime déclaratif a été défini et le document déclaratif communiqué. Mieux aurait valu s’y prendre plus tôt.

Du point de vue comptable, le CICE n’est pris en considération que si les entreprises sont assujetties à l’impôt sur les sociétés. Si elles ne le sont pas – comme les entreprises individuelles qui emploient des salariés –, il n’est pas comptabilisé.

Mais si l’on comptabilise le CICE, cela pose un problème lié à l’indice du coût du travail (ICT). Pourquoi avoir remis en cause, à propos du CICE, le principe posé en 2011 au sujet du crédit d’impôt recherche et des crédits d’impôt en général, et selon lequel un crédit d’impôt s’impute sur l’impôt ? Soit on privilégie l’aspect technique, soit on donne la préférence à la dimension économique ou philosophique. Ici, on a retenu l’idée que le CICE est un allègement de charges sociales qui ne dit pas son nom, puisqu’il s’agit d’un crédit d’impôt, mais qu’il a pour vocation générale la baisse des charges. Or du point de vue fiscal, le crédit d’impôt a pour objet de favoriser la dépense et l’investissement.

Quant à ses incidences en matière comptable, le CICE étant considéré comme une baisse de charges, il est imputé en tant que tel, de manière classique, sur un compte de comptabilité générale, le compte 64.

M. Bruno Grandjean, membre du bureau de l’Association des moyennes entreprises patrimoniales-entreprises de taille intermédiaire (ASMEP-ETI) et président-directeur général de Redex. Il est difficile de dresser un bilan à chaud du CICE, mais voici ce que montrent les premiers témoignages. Le dispositif est très bien accueilli par les entreprises de taille intermédiaire parce qu’il représente un symbole puissant : le problème de la compétitivité n’avait pas été pris en considération depuis plus de dix ans, en tout cas depuis la réforme de la taxe professionnelle. La création du CICE va dans le bon sens, même si elle n’est pas suffisante pour résoudre le problème. Dans la situation d’urgence que connaissent les ETI, en particulier celles du secteur exposé, les premiers versements ont donc été très appréciés.

Le dispositif a en outre l’intérêt d’offrir des perspectives pour 2015, qui sont même plus avantageuses puisque le taux passera de 4 à 6 %.

Les ETI utilisent majoritairement le CICE pour accélérer leurs investissements. De ce point de vue, l’objectif est atteint.

Ce point de vue peut toutefois être nuancé, chiffres à l’appui. Pour une ETI moyenne, ces 4 % ne représentent pas plus de 12 % de la masse salariale. Ce n’est sans doute pas à la hauteur des enjeux, en particulier des problèmes de compétitivité dans la zone euro, les principaux auxquels les ETI soient confrontées.

M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Lorsque le CICE a été instauré, les chambres de métiers et de l’artisanat, comme l’Union professionnelle artisanale, ont regretté qu’il n’ait pas consisté en une baisse de charges directe. Dans un premier temps au moins, nos entreprises ont trouvé le dispositif complexe, raison pour laquelle elles ont été relativement peu nombreuses à l’utiliser. J’avais d’ailleurs signalé, lors d’un entretien avec le ministre, que la page d’accueil du site de dépôt de la demande n’était guère incitative, car elle mettait en avant les frais associés à la démarche. Ce point a heureusement été rectifié.

Le fait que les entreprises individuelles n’embauchant pas de salariés soient exclues du dispositif pose un problème dans l’artisanat. On m’objectera que le CICE est assis sur la masse salariale ; mais, dans une SARL à un seul salarié, son salaire ouvre droit au CICE. Cette différence de traitement est d’autant plus incompréhensible que les entrepreneurs individuels sans salarié représentent la moitié des entreprises françaises et payent leurs cotisations et leurs impôts.

Nos entreprises ont été assez peu nombreuses à recourir au préfinancement, découragées par le coût du dossier et les autres frais. Mais celles qui l’ont fait s’en félicitent. La mesure a globalement bénéficié à leur trésorerie, qui était alors très dégradée. Le dispositif est donc apprécié, d’autant que le taux passe de 4 à 6 %. Nous essayons actuellement d’inciter nos entreprises à demander le préfinancement pour 2015.

M. Jean-François Roubaud. La question de l’intégration du CICE à l’indice du coût du travail (ICT) préoccupe nos entreprises. L’INSEE a d’abord procédé à cette intégration, ce qui rejaillissait sur les révisions de prix ; cela posait problème dans le cadre de marchés pluriannuels et entraînait des effets contraires à l’objectif poursuivi. Désormais, l’INSEE présente aussi l’indice hors effet CICE. Nous souhaitons que ce soit sur ce dernier indice que se fondent l’administration et les donneurs d’ordre publics, et qu’une instruction de Bercy le précise explicitement.

Il est aussi arrivé que certains gros clients demandent à nos entreprises, souvent sous-traitantes, de les faire bénéficier de la remise résultant du CICE. Le procédé était un peu trop grossier pour passer inaperçu, mais il convient de rester vigilant.

M. le président Olivier Carré. En ce qui concerne les révisions de prix, le débat est ouvert.

M. Jean-François Roubaud. Si le CICE est intégré à l’indice déterminant les révisions de prix, cela ne peut que réduire son rendement pour l’entreprise.

M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CGPME. On a aussi vu certains amendements établissant un lien direct entre le crédit d’impôt recherche et le CICE et tendant à exclure du bénéfice du second les entreprises éligibles au premier. Pour nous, il n’y a aucun lien entre ces deux dispositifs et les entreprises doivent pouvoir conserver le bénéfice des deux.

M. Alain Griset. Nombre de nos collègues ont été victimes des pressions exercées par les donneurs d’ordre sur les fournisseurs pour qu’ils répercutent le CICE sur leurs prix.

Par ailleurs, la demande de préfinancement, qui suppose de justifier d’une année complète de salaires, a posé des problèmes aux entreprises ne disposant que d’un bilan comptable intermédiaire : les comptables ont préféré attendre le bilan total pour demander le CICE, renonçant au préfinancement. Nous devrons étudier de nouveau cette question avec eux.

M. Bruno Grandjean. De nombreuses sociétés qui bénéficient du crédit d’impôt recherche ne percevront pas le CICE cette année. Le report peut même atteindre deux ou trois ans lorsque le CIR est élevé. Dans ce cas, l’effet du CICE sur la trésorerie est différé. Le CICE a été « vendu » dès novembre 2012, mais bien des entreprises n’en bénéficieront pas concrètement avant 2016 ou 2017.

M. Éric Alauzet. Jusqu’au sein de la majorité, les élus sont d’autant plus désireux d’évaluer les effets du CICE, en particulier sur l’emploi, qu’ils s’interrogent sur son efficacité et son utilisation. Ils s’inquiètent en effet de la possibilité que les montants versés abondent les salaires les plus élevés des entreprises ou les dividendes qu’elles distribuent.

M. Jean-François Roubaud. Les besoins pour restaurer les marges de la plupart des PME sont tels qu’il ne saurait être question pour leurs dirigeants d’utiliser le CICE autrement que pour investir. En la matière, la raison l’emportera aussi dans les grandes entreprises dont les conseils d’administration joueront leur rôle.

Je propose qu’on laisse faire les entreprises. Les plus petites doivent d’abord survivre, et certains patrons utiliseront peut-être le CICE pour se payer s’ils ne l’avaient pas fait depuis plusieurs mois. Évidemment, quelques cas de détournement du CICE vers des hauts salaires seront peut-être relevés, mais ils ne refléteront pas du tout l’état d’esprit actuel des chefs d’entreprises.

M. Alain Griset. Lorsqu’un artisan s’interroge sur l’embauche de son premier salarié ou d’un salarié supplémentaire, il se demande si cela permettra à son entreprise d’augmenter son chiffre d’affaires et de gagner plus d’argent. Or, aujourd’hui, le coût marginal de cet emploi est tel que le chef de l’entreprise artisanale n’a pas intérêt à le créer. Ce qui est indispensable à nos yeux, c’est une baisse du coût du travail qui soit de nature à déclencher l’embauche.

Le secteur de l’artisanat a déjà prouvé que, dans des conditions favorables, il pouvait procéder à des embauches en très grand nombre. La baisse du coût du travail aurait un effet en termes d’emplois, y compris pour les entreprises qui n’exportent pas.

M. Yves Blein, rapporteur. Comment le CICE pourrait-il être amélioré ? Quelles évolutions devrions-nous envisager ? Certaines des personnes que nous avons entendues nous ont par exemple expliqué que, pour les métiers de la chimie, le relèvement du seuil à 3,5 SMIC pour les emplois postés aiderait des entreprises industrielles fortement exportatrices. D’autres se demandaient s’il ne serait pas plus pertinent d’aider les clients des entreprises de travail temporaire plutôt que ces dernières.

M. Bruno Grandjean. Il faut avant tout pérenniser le dispositif, car les entreprises ont besoin de visibilité sur une durée d’au moins trois ou quatre ans. Si la mesure peut éventuellement être simplifiée, et même transformée en dispositif d’allégement des charges qui serait plus simple à gérer et aurait la faveur des chefs d’entreprises, il faut avant tout l’inscrire dans la durée.

Les patrons et les employés des entreprises de tailles intermédiaires sont très conscients de l’effort de la nation en leur faveur, et je ne connais aucun chef d’entreprise qui ne souhaite pas utiliser le CICE pour investir.

Toutefois, le marché européen nous met en concurrence avec des pays dont la compétitivité est supérieure à la nôtre, et le CICE représente à peine un quart du décalage constaté en la matière – le différentiel de prélèvement entre l’Allemagne et la France est estimé à 100 milliards d’euros. Il faut donc poursuivre la baisse des charges et, surtout, ne pas nous contenter d’un instrument, certes très apprécié, mais insuffisant pour nous permettre de jouer à conditions égales avec nos partenaires.

M. Jean-François Roubaud. Une certaine transparence dans l’utilisation du CICE serait souhaitable. Les noms des quinze ou cinquante entreprises qui bénéficient le plus du dispositif pourraient par exemple être publiés. J’ai crû comprendre que La Poste en faisait partie : si tel était le cas, cela ne serait pas très cohérent.

Certaines organisations professionnelles antillaises demandent, en raison du coût local du travail, que le crédit d’impôt soit calculé sur la base de 12 ou 15 % de la masse salariale hors salaires supérieurs à 2,5 SMIC. Pour ma part, j’estime qu’il serait préférable de maintenir un dispositif identique à celui appliqué en métropole tout en continuant à appliquer les mesures de renforcement de l’exonération dite « LODÉOM », du nom de la loi pour le développement économique des outre-mer, prévues pour les entreprises éligibles au CICE.

M. Alain Griset. Le changement incessant des règles pénalise les entreprises qui ont besoin d’évoluer dans un environnement stable et sûr pour investir. Elles doivent donc être certaines que le CICE sera un dispositif pérenne.

À partir du 1er janvier 2015, il ne faudra pas que la concomitance de l’application du CICE et de la baisse des charges sociales se fasse au détriment de cette dernière. Elle est en effet indispensable pour que les artisans puissent embaucher.

M. Éric Alauzet. Le niveau du coût du travail constitue selon vous un frein à la compétitivité. Quel rôle jouent les problèmes liés à la demande ?

D’aucuns considèrent que le CICE est trop peu sélectif. Estimez-vous que certains des métiers représentés au sein de vos organisations méritent plus que d’autres de bénéficier de cette mesure ? Les entreprises éligibles doivent-elles être sélectionnées selon leur taille ou leur niveau d’ouverture à la compétition internationale ?

En ciblant mieux ces entreprises, il serait possible soit de dépenser moins, ce qui permettrait d’alléger la dépense publique et de moins peser sur la demande, soit, à montant égal, d’aider davantage certains secteurs ?

M. Jean-François Roubaud. Le dispositif a été conçu pour s’appliquer à toutes les entreprises ; il ne faut pas revenir en arrière sur ce point en établissant des critères nouveaux et en construisant une usine à gaz. Seul le cas des services publics mérite à mon sens d’être éventuellement étudié – j’ai cité le cas de La Poste. Les chefs d’entreprises demandent surtout que les règles applicables ne changent pas en permanence.

M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. Le besoin de stabilité est d’autant plus grand que les chefs d’entreprises ont commencé par se montrer perplexes par rapport au CICE. Il faut à tout prix éviter de revenir à cette période d’atermoiements et d’incompréhension en modifiant le dispositif et en le rendant plus complexe et moins lisible.

S’il fallait néanmoins élargir le périmètre d’application du CICE, la CGPME mettrait en avant le cas des cliniques privées qui souhaitent en bénéficier…

M. le président Olivier Carré. Elles en bénéficient !

M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. C’est juridiquement vrai, mais, pour elles, l’impact du CICE est nul, puisque ses effets sont compensés par l’effet d’autres mesures pénalisantes pour ce secteur.

M. le président Olivier Carré. Les cliniques privées sont donc bien éligibles au CICE, mais, comme pour les banques, les effets du dispositif sont annulés.

M. Alexandre Montay, délégué général d’ASMEP-ETI. Nous manquons de recul sur un dispositif qui n’est certainement pas parfait, mais qui monte en puissance. Ne modifions pas le périmètre d’une mesure qui n’a pas encore eu son plein effet !

M. Bruno Grandjean. L’industrie française souffre aujourd’hui terriblement alors qu’elle représente 80 % des exportations de notre pays. Je crains que le CICE ne suffise pas à inverser la tendance et à soutenir nos ETI.

Peut-être la suppression des prélèvements spécifiquement français qui pèsent sur la valeur ajoutée, comme la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), et non sur le bénéfice devrait-elle être envisagée ? Une telle mesure amplifierait les effets du crédit d’impôt et profiterait particulièrement à l’industrie, créatrice de valeur ajoutée, qui, aujourd’hui, ne se trouve pas au premier rang des bénéficiaires du CICE.

M. Alexandre Montay. Les assises de la fiscalité des entreprises, lancées en janvier dernier, se sont inscrites dans cette dynamique. Un large consensus s’est dégagé pour réduire les impôts de production qui représentent 3 % de notre PIB alors qu’ils s’élèvent à 1,5 % en moyenne dans le PIB de nos partenaires européens. La suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) a été décidée dans un délai de trois ans, et une première étape a été timidement franchie, puisque le Parlement a voté, pour 2015, un abattement d’assiette, à hauteur de 3,25 millions d’euros de chiffre d’affaires.

M. le rapporteur. Je veux rassurer nos interlocuteurs : le CICE s’inscrit dans une trajectoire durable, et nous sommes conscients que l’effort consenti n’est pas suffisant. Il portera aussi sur d’autres impositions ; c’est le sens de la suppression progressive de la C3S, des allégements de charges sociales à venir, et de la perspective de baisse de l’impôt sur les sociétés.

Nous n’entendons évidemment pas financer ces allégements par l’augmentation ou la création d’autres impôts, mais par la réduction du train de vie de l’État. Il faut donc prendre en compte une certaine inertie et comprendre que les évolutions engagées peuvent prendre un certain temps.

Avez-vous le sentiment que le CICE agit sur le moral des chefs d’entreprises ? Ont-ils le sentiment d’être mieux soutenus par la nation ? Regardent-ils l’avenir avec un peu plus de confiance, et ont-ils retrouvé une certaine combativité pour conquérir des marchés et investir ? Les effets du CICE se font plutôt sentir sur l’investissement selon vous : s’agit-il d’une tendance profonde ou éphémère ?

M. Jean-François Roubaud. Au moment de son lancement, le CICE n’aurait pas pu être plus mal vendu qu’il ne l’a été. Aujourd’hui, les entreprises qui commencent à en bénéficier prennent conscience de ses aspects positifs. Il ne faut surtout plus y toucher. Il contribuera, à terme, à améliorer le moral des entrepreneurs, mais nous n’en sommes pas encore à ce stade. Pour aller dans ce sens, il faut surtout que ces derniers soient informés des mesures qui les concernent à moyen terme. Le courrier que le Premier ministre a adressé aux organisations patronales la semaine dernière comporte les perspectives de baisse de charges pour les trois prochaines années : cela va dans le bon sens.

M. Alain Griset. Dans un contexte où le chiffre d’affaires des entreprises est particulièrement dégradé, le CICE participera au rebond attendu. Le moral reste aujourd’hui encore en berne et le sentiment de crainte est diffus, mais des dispositifs de ce type sont de nature à favoriser une reprise. Dans le secteur de l’artisanat, le CICE permet notamment de stabiliser les trésoreries qui se trouvent dans une situation inquiétante.

M. Bruno Grandjean. Le CICE est extrêmement apprécié. Je suis personnellement à la tête d’une ETI familiale depuis dix ans : c’est la première fois que je constate une manifestation aussi concrète d’intérêt pour notre activité. Jamais 200 000 euros ne nous avaient été ainsi restitués.

Cela dit, nous partons de tellement loin qu’il ne faudrait pas attendre un « retour » trop rapide de la part des chefs d’entreprises. Et les 200 000 euros reçus par mon entreprise constituent un geste fort, qu’il faut toutefois comparer aux 2 millions d’euros que je tente d’investir annuellement.

Le CICE va assurément dans la bonne direction ; il offre une perspective positive. Nous sommes néanmoins très loin du compte. Le déficit de compétitivité de notre pays s’est accentué depuis dix ans. Nos usines ont vieilli : l’âge moyen des machines-outils est en France de dix-neuf ans alors qu’il n’est que de neuf ans en Allemagne. Nous devons rattraper nos concurrents en matière de robotisation, et monter en gamme. Il serait donc dramatique d’en rester au CICE, car il ne peut constituer que la première étape d’un mouvement qui doit être amplifié. Si d’autres mesures n’étaient pas mises en œuvre, nous aurions le sentiment d’avoir eu affaire à une sorte d’annonce qui n’aurait pas été suivie d’effets. Le choc psychologique serait profond et ses effets iraient à l’inverse de ceux initialement recherchés. Des chefs d’entreprises feraient le choix de s’installer à l’étranger, option d’investissement que certains d’entre eux ne sont déjà pas loin de retenir.

M. le président Olivier Carré. Je vous remercie pour l’ensemble de vos interventions.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Réunion du jeudi 10 juillet 2014 à 12 heures

Présents. - M. Guillaume Bachelay, M. Yves Blein, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Hugues Fourage, M. Razzy Hammadi, M. Philippe Kemel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Pascal Cherki, M. Joël Giraud, Mme Véronique Louwagie