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Mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Jeudi 17 juillet 2014

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Olivier Carré, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de MM. Jean-Louis Rey, directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), et Alain Gubian, directeur des études statistiques de l’ACOSS.

–  Présence en réunion

M. le président Olivier Carré. Messieurs, nous souhaitons connaître le bilan que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) tire de la première année de CICE.

M. Jean-Louis Rey, directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Dès que le Gouvernement a choisi les rémunérations pour constituer l’assiette du CICE, l’ACOSS a été associée à la préparation de la mesure. En effet, l’ACOSS, qui disposait des données nécessaires à la mise en place de celle-ci, avait la capacité de procéder à des microsimulations précises et fiables permettant de fournir au Gouvernement tous les tableaux possibles par secteur d’activité, par taille d’entreprise et par salarié, ce que nous avons fait dès l’automne 2012, c'est-à-dire très en amont.

La mise en œuvre du dispositif a placé, quant à elle, face à face les Urssaf et les entreprises. Je rappelle que si, s’agissant des indépendants, les Urssaf appellent les cotisations, celles-ci sont déclarées par les entreprises sur des bordereaux récapitulatifs de cotisations, mensuellement pour les entreprises de plus de dix salariés et trimestriellement pour celles de moins de dix salariés. Or le CICE a introduit deux nouveautés en matière déclarative.

C’est tout d’abord la première fois que, sur le bordereau récapitulatif de déclaration, est apparue une ligne avec un taux zéro – elle dispose d’un code type permettant de l’identifier –, puisqu’il s’agit de déclarer uniquement l’assiette du CICE, à savoir les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC, sans application de taux.

La seconde innovation a consisté à demander aux entreprises de faire une déclaration cumulative. Elles ont dû additionner mois après mois ou trimestre après trimestre le montant de l’assiette du CICE, alors qu’elles ne doivent ordinairement déclarer que l’assiette de la période en cours.

M. le président Olivier Carré. Pourquoi a-t-il été décidé de procéder à une déclaration cumulative ?

M. Jean-Louis Rey. Le Gouvernement a fait ce choix afin de connaître rapidement le montant de l’assiette du CICE.

M. Alain Gubian, directeur des études statistiques de l’ACOSS. Si le CICE est calculé sur 2,5 SMIC, son assiette s’apprécie en termes annuels car seule l’assiette annuelle a du sens. Il en est de même pour l’allégement Fillon, qui repose également sur une base annuelle : mais les déclarations qui servent à son calcul sont déclarées par les entreprises sur une base mensuelle, corrigée des primes et des variations éventuelles du salaire mensuel. Les entreprises ne doivent donc pas inscrire les montants cumulés sur le bordereau : celui-ci a plus de quarante ans, et son renseignement est devenu une habitude pour les entreprises. L’innovation du CICE consiste dans cette déclaration cumulative qui permet de mieux suivre la perspective annuelle. La ligne du CICE est donc hétérogène par rapport aux autres lignes du bordereau, ce qui a été une source de complexité et de difficulté pour les entreprises.

M. le président Olivier Carré. Je veux bien le croire.

M. Jean-Louis Rey. De nombreuses entreprises n’ayant pas saisi cette double innovation et ne cumulant pas les montants, nous avons rencontré des problèmes de fiabilisation des déclarations. Au début de l’année 2014, lors de la parution du tableau récapitulatif, une autre erreur est apparue : des entreprises avaient additionné les douze mois cumulés, ce qui donnait des montants pharaoniques.

Nous avons immédiatement réagi en lançant auprès des entreprises plusieurs campagnes d’information visant à fiabiliser les données et à rétablir la réalité des déclarations de l’assiette du CICE, ce qui a pris un temps certain.

M. le président Olivier Carré. Pensez-vous que la déclaration cumulative soit utile ?

M. Jean-Louis Rey. Non. Son caractère atypique a été très perturbant pour les entreprises, qui sont habituées depuis quarante ans à un mécanisme différent. Nous avons toutefois réussi à rétablir la réalité des déclarations et les montants déclarés peuvent être aujourd'hui considérés comme fiables.

Si les entreprises ont été systématiquement informées des modalités déclaratives du dispositif dès la fin de l’année 2012, nous savons par expérience que tous les efforts consentis n’empêchent jamais l’apparition de failles. Il est normal que, sur 2 millions d’entreprises, certaines n’aient pas compris qu’elles entraient dans le champ du CICE – elles ont dû rattraper le processus –, ou en quoi consistaient les nouvelles modalités déclaratives du dispositif. Ces failles n’ont pas seulement touché des petites entreprises : les services de paiement de plusieurs grandes entreprises ont également commis de grosses erreurs – il en a été de même il y a dix ans, lors de la mise en œuvre de l’allégement Fillon, dont le schéma était relativement simple en 2003, avant de se complexifier au cours du temps. Il est normal, je le répète, qu’un nouveau processus déclaratif, même accompagné d’une communication intense et efficace, donne lieu la première année à des ratés.

Si l’article 244 quater C du code des impôts prévoit explicitement que les éléments de l’assiette peuvent être contrôlés par les Urssaf – les seules habilitées à le faire –, nous n’avons encore procédé à aucun contrôle, le Gouvernement ne l’ayant pas souhaité. Nous avons récemment négocié avec l’État notre convention d’objectifs et de gestion, qui nous liera pour quatre ans, c'est-à-dire jusqu’en 2017. Cette convention prévoit que, sur la base d’un bilan du dispositif, la branche recouvrement mettra en œuvre les orientations du contrôle du CICE formulées par l’État. L’État ne nous demande donc pas d’agir immédiatement : il souhaite auparavant procéder à son propre bilan du dispositif pour dégager les orientations du contrôle. Nous attendons donc son feu vert, l’enjeu étant celui des moyens affectés aux contrôles, qui demanderont du temps, compte tenu notamment de l’obligation de restitution des informations à la DGFiP. Nous avons 1 550 inspecteurs du recouvrement sur le terrain : quel temps pourront-il consacrer à ces opérations de contrôle ?

M. Alain Gubian. Comme l’assiette du CICE est portée sur les bordereaux récapitulatifs, les éléments relatifs au dispositif sont entrés dans nos systèmes d’information au même titre que les cotisations ou les exonérations sur lesquelles nous avons l’habitude de produire des analyses. C’est pourquoi nous avons pu réaliser rapidement un suivi de la montée en charge du dispositif, sur lequel nous avons jusqu’à présent peu communiqué, compte tenu des incertitudes pesant sur la fiabilité des déclarations. Nous avons cherché avant tout à fiabiliser les données, ce qui nous a demandé du temps. Nous nous sommes concertés avec les Urssaf en vue de corriger les déclarations manifestement erronées des entreprises, ainsi qu’avec la DGFiP pour produire des données cohérentes. Nous considérons aujourd'hui que les entreprises nous ont, pour la plupart, déclaré des montants fiables.

L’assiette la mieux connue de l’ACOSS, celle qui constitue sa référence principale, est l’assiette déplafonnée – cotisations sociales, maladie, famille : elle représente 450 milliards d’euros déclarés à l’Urssaf en 2013. Cette assiette est l’objet de suivis statistiques car elle sert de variable principale de prévision pour les comptes de la sécurité sociale. Il est possible de faire le lien entre l’assiette CICE et l’assiette déplafonnée, du fait que 65 % de celle-ci portent sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC – c’est l’assiette du CICE. Ces 65 % représentent 292 milliards d’euros. Les simulations que nous avions réalisées dans la perspective du CICE avaient donné le taux de 64 % : nous sommes bien dans le même ordre de grandeur. Nous pouvons donc considérer ces montants comme cohérents et fiabilisés. Des entreprises ont évidemment pu ne pas déclarer l’assiette CICE aux Urssaf : la DGFiP leur demandera alors de se mettre en règle auprès d’elles.

Ces montants dépendent de la structure des salaires par secteur d’activité. Les secteurs à salaires plus élevés ont une part d’assiette CICE plus faible que les autres – le taux de 65 % est une simple moyenne des entreprises du secteur privé relevant de l’Urssaf. Tandis que ce taux tombe à 30 % dans la Recherche & Développement, il s’élève à 93 % dans les activités de service. Nous pouvons suivre ce taux salarié par salarié via la déclaration annuelle des données sociales (DADS). Le taux dépend également de la taille des entreprises : il est de 79 % pour les entreprises de moins de dix salariés et de 40 % pour celles de 500 à 2 000 salariés. Il descend à 34 % pour les établissements de plus de 2 000 salariés.

M. Jean-Louis Rey. Le chiffre de 292 milliards concerne l’assiette déclarée à l’Urssaf : il ne comprend ni les entreprises qui relèvent du régime de la mutualité sociale agricole (MSA), ni les éventuelles déclarations effectuées directement à la seule administration fiscale et non à l’Urssaf : l’ACOSS ne peut donc en avoir connaissance – vous savez que les entreprises doivent faire une double déclaration.

Le régime social des indépendants (RSI) n’est pas concerné, puisque le CICE ne vise pas les cotisations personnelles des travailleurs indépendants. Ceux-ci ne sont concernés par le CICE qu’en tant qu’employeurs – 40 % le sont.

M. Alain Gubian. Je tiens également à préciser que plus de 1,5 million d’établissements – sur 2 millions – ont déclaré une assiette CICE à l’Urssaf, ce qui fait un taux de 76 %. En nombre d’entreprises, cela fait 1,230 million d’entreprises sur 1,650 million, soit un taux de 74 %. Les établissements dont les salariés perçoivent tous des salaires supérieurs à 2,5 SMIC ne sont évidemment pas éligibles au CICE. Si l’on exclut les associations, le taux de couverture des établissements ayant déclaré à l’Urssaf du CICE s’élève à 92 % de l’assiette déplafonnée. Le taux aurait pu être encore supérieur, ce qui nous laisse à penser que certains établissements ont fait leur déclaration uniquement auprès de l’administration fiscale.

Les associations ne sont éligibles au CICE que si elles paient l’impôt sur les sociétés (IS) ou l’impôt sur le revenu (IR) et peuvent donc bénéficier de réductions d’IS ou d’IR. Comme la grosse masse des associations n’est pas dans ce cas, leur taux de couverture est bas : il est de 21 % – ce qui représente, sur les 40 milliards d’assiette salariale, 8 milliards d’assiette CICE déclarée, qui sont inclus dans les 292 milliards d’assiette CICE globale estimée. Seules les associations employeuses peuvent être connues par les Urssaf, qui ignorent par ailleurs si elles sont imposables ou non imposables. Associations comprises, le taux de couverture atteint 86 %. Il existe des cas de non-éligibilité au CICE dans d’autres secteurs d’activité : je pense notamment aux HLM.

La DGFiP reçoit de notre part un fichier mensuel : elle bénéficie donc des bases les plus fiabilisées et peut recouper ses propres informations avec celles de l’Urssaf, qu’il s’agisse du montant de l’assiette ou du nombre des entreprises concernées.

M. le président Olivier Carré. Ces informations ne sont pas accessibles sur le site de l’ACOSS…

M. Jean-Louis Rey. Elles ne sont pas publiables pour le moment. Les données individuelles ne peuvent de toute façon pas être publiées.

M. le président Olivier Carré. C’est évident. Je ne pensais qu’aux données agrégées.

M. Alain Gubian. Les données agrégées ne sont stabilisées que depuis la fin du moins de juin ou le début du mois de juillet, un grand nombre d’entreprises ayant été auparavant suspectées de sous - ou de surdéclarations. Le nombre des situations atypiques n’a été sérieusement réduit que récemment, si bien que des chiffres fiables n’ont pu être fournis qu’hier au comité de suivi du CICE, présidé par M. Jean Pisani-Ferry. Je précise qu’aucun chiffre produit pas les Urssaf ne tient compte de l’application du taux du CICE – 4 % en 2013 et 6 % en 2014.

L’ACOSS a également produit une analyse par région : en Île-de-France la part assiette du CICE dans l’assiette déplafonnée des établissements déclarant du CICE est nettement plus faible – 44 % – qu’en province ou que dans les DOM, compte tenu de salaires plus élevés. Le point de vue d’un groupe ou d’une entreprise ayant plusieurs établissements est différent de celui de l’établissement seul, localisé dans telle ou telle région : c’est l’établissement qui déclare l’assiette CICE.

M. Éric Alauzet. Le coût du CICE est facilement prévisible : il suffit de multiplier 292 milliards par 6 %, ce qui donne environ 18 milliards.

M. Alain Gubian. Pour établir un chiffre exact, il faut ajouter les entreprises agricoles relevant de la MSA. Elles représentent ordinairement 4 % ou 5 % de la masse globale. Il faut également prendre en compte le fait que certaines entreprises ont tardé à faire leur déclaration et utilisé le canal fiscal avant le canal Urssaf.

M. Éric Alauzet. L’assiette globale tournera autour de 320 milliards. Le coût du CICE s’élèvera à un peu moins de 20 milliards d’euros.

M. le président Olivier Carré. C’est ce qui était prévu.

M. Alain Gubian. Il faut également prendre en considération la croissance de la masse salariale sur une année, qui sera, vraisemblablement, de l’ordre de 2 % en 2014.

M. Patrick Hetzel. Notre objectif est de repérer d’éventuels dysfonctionnements pour rendre plus efficace le dispositif, dont l’objectif est d’améliorer la compétitivité et l’emploi. L’ACOSS a-t-elle des recommandations à faire en la matière ?

M. Jean-Louis Rey. Le seul point que j’ai évoqué est le choix d’un mode déclaratif atypique : il est toutefois trop tard pour en changer, après les nombreuses campagnes de fiabilisation que nous avons menées. Ne perturbons pas de nouveau les entreprises.

M. Patrick Hetzel. Ce mode déclaratif atypique a-t-il été choisi dans la précipitation ? En a-t-on sous-estimé les difficultés ?

M. Jean-Louis Rey. Ce n’est pas une question de précipitation : ce mode déclaratif est un choix du Gouvernement.

M. le président Olivier Carré. Le simple renseignement des DADS dévore déjà du temps : je le sais par expérience.

M. Alain Gubian. Une entreprise qui verse un treizième mois sans verser d’autres primes peut être surprise de constater, en décembre, la baisse du nombre de ses salariés finalement éligibles au CICE. Si, en revanche, elle verse des primes trimestrielles et fait des déclarations mensuelles, elle risque de ne pas s’apercevoir qu’elle fait baisser son assiette CICE à chaque fin de trimestre. La déclaration cumulative a été choisie parce qu’elle permet de mieux se rendre compte de la constitution progressive de l’assiette du CICE. Le problème est que le bordereau n’était pas adapté à la déclaration cumulative. Conservons le système actuel : nous risquons, sinon, de perdre les fruits des efforts consentis en termes de fiabilisation.

M. le président Olivier Carré. Vous nous confirmez que, pour vous, la seule information pertinente est celle qui est inscrite sur la déclaration récapitulative annuelle des salaires de l’année civile antérieure, qui doit être déposée à l’Urssaf au plus tard le 31 janvier. C’est cette déclaration qui permettra d’assurer la créance auprès des services de l’État. Les autres éléments sont uniquement indicatifs, et peuvent même se révéler faux, notamment en cas de treizième mois, comme vous l’avez souligné. Le seul intérêt du dispositif cumulatif a été, la première année, de suivre au plus près la montée en puissance du dispositif pour les finances publiques.

M. Alain Gubian. Plus que des montants, nous avons fourni au comité de suivi du CICE durant toute l’année 2013 le taux de couverture des déclarants afin de connaître les secteurs les plus concernés. De grosses entreprises n’ont fait que tardivement leur déclaration, car il leur fallait auparavant adapter leur logiciel de paye. Certaines ne sont entrées dans le dispositif qu’au mois de septembre. Nous avons fait des relances dès le mois de juin pour faire augmenter le taux de couverture. Ce phénomène devrait avoir disparu en 2014 – nous ferons un bilan semestriel cet été. Quant au montant des assiettes, il dépend de la structure des salaires de chaque établissement.

M. Yves Blein, rapporteur. Les entreprises peuvent-elles rattraper leur retard ? Existe-t-il un dispositif rétroactif à compter de la mise en place du dispositif ?

Quelles sont précisément les modalités de calcul ? Si j’ai bien compris, il est lié à chaque salarié, sur la base d’un équivalent temps plein (ETP), et tout élément de rémunération, hors épargne salariale, doit être pris en compte.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la répartition du CICE par secteur d’activité ?

Serait-il envisageable de faire migrer le CICE vers d’autres types d’allégement de charges ?

M. Jean-Louis Rey. Les entreprises qui ont omis de faire leur déclaration peuvent rattraper leur retard via le fisc qui leur demandera alors de régulariser leur situation auprès des Urssaf.

L’assiette du CICE est la même que celle de l’allégement Fillon.

M. Alain Gubian. La seule différence est celle du seuil : 1,6 SMIC pour l’allégement Fillon et 2,5 SMIC pour le CICE. C’est la même définition en termes de salaire horaire corrigé des ETP.

Nous avons décliné les déclarations par secteur d’activité, par tranche de taille d’établissement et par région. S’agissant des secteurs d’activité, l’important est de vérifier si un secteur d’activité a une assiette de CICE plus ou moins élevée que la moyenne générale – 65 % – du fait de la structure de ses salaires. Dans la construction, le ratio approche les 81 % ; dans la réparation automobile et le commerce, il est de 71,5 % ; dans les transports, il dépasse les 80 % ; c’est dans l’hébergement et la restauration qu’il est le plus élevé – c’est également le cas de l’allégement Fillon – puisqu’il atteint les 89 %. En revanche, le ratio n’est que de 37 % dans les activités financières et d’assurance – les salaires y sont largement supérieurs à 2,5 SMIC pour une grande partie d’entre eux. Ces chiffres rejoignent les résultats des travaux de simulation ex ante que nous avons réalisés en 2012 et que nous avons évoqués au début de l’audition. Une fois les problèmes résolus, nous n’avons plus eu aucune surprise.

S’agissant de la taille des établissements, il faut noter que plus ils sont petits, plus les salaires moyens sont bas et plus le taux de CICE est élevé.

M. le président Olivier Carré. En revanche, le ratio de CICE n’est pas lié à l’exposition à la concurrence internationale des secteurs d’activités, ce qui pose la question de l’efficacité du dispositif non pas en termes d’emploi mais de compétitivité.

M. Alain Gubian. Les entreprises d’un même secteur ne partagent pas nécessairement le même taux d’exposition à la concurrence internationale : certaines peuvent être très exposées quand d’autres ne le sont pas du tout. L’ACOSS n’est pas en mesure de fournir des informations sur un sujet qui relève de la compétence de l’INSEE.

On peut observer, en termes de secteurs d’activité, que la couverture du CICE n’est pas identique à celle de l’allégement Fillon. Non seulement celui-ci ne concerne que les salaires inférieurs à 1,6 SMIC, mais, de plus, il est décroissant alors que le CICE est uniforme jusqu’à 2,5 SMIC.

M. Jean-Louis Rey. Faire migrer le CICE vers d’autres types d’allégement serait un choix de politique économique. L’allégement Fillon coûtera un peu plus de 20 milliards d’euros après la réforme que le Parlement est en passe d’adopter. Le coût du CICE est du même ordre. Si on injecte les 20 milliards du CICE dans l’allégement Fillon, on change la nature même de celui-ci en déplaçant massivement son assiette vers le salaire moyen, voire les salaires supérieurs. La mesure serait neutre au plan technique : rien n’interdit de prévoir un allégement général de l’ordre de 40 milliards d’euros. C’est sa signification économique qui serait radicalement différente.

M. Alain Gubian. En revanche, la mesure ne serait pas neutre la première année pour les finances de l’ACOSS si elle n’était pas intégralement compensée. Il faut savoir que des recettes fiscales, en provenance de la TVA, sont affectées par la DGFiP à l’ACOSS deux fois par semaine pour compenser l’allégement Fillon, afin d’assurer la neutralité de celui-ci en termes de trésorerie. Le CICE n’étant que déclaratif, il n’a aucun impact sur la trésorerie.

M. le rapporteur. La migration du CICE vers l’allégement de charges entraînerait un déplacement du seuil.

M. Jean-Louis Rey. Oui, du fait que le dispositif Fillon allège déjà à hauteur de 100 % les cotisations sociales au niveau du SMIC. Le seul moyen d’échapper à un relèvement du seuil serait d’élargir sa base hors de la sécurité sociale, en y englobant les cotisations pour le chômage et les retraites complémentaires.

M. Gérard Bapt. Il n’en est pas question !

M. Jean-Louis Rey. C’est un choix politique, j’en conviens. Mais c’est le seul champ ouvert. Si on refuse cette possibilité, il conviendra de relever le seuil pour arriver à absorber les 20 milliards du CICE.

M. le rapporteur. Pourriez-vous faire une simulation ?

M. Jean-Louis Rey. Oui.

M. Alain Gubian. Je confirme que le pacte de stabilité visant déjà les cotisations résiduelles, il ne resterait, pour élargir l’assiette, que l’assurance chômage et les cotisations de retraite complémentaires. Sinon, il faudrait réduire les cotisations sur les salaires bien plus élevés que 1,6 SMIC.

M. le président Olivier Carré. Quel nouveau point de sortie faudrait-il fixer pour absorber les 20 milliards du CICE ?

M. Alain Gubian. Je ne peux pas vous le dire avec précision à cet instant mais il serait très élevé compte tenu de la pyramide des salaires : je rappelle que le salaire médian tourne autour de 1,6 – 1,7 SMIC.

M. Éric Alauzet. Pour les représentants des grandes entreprises, que nous avons rencontrés la semaine dernière, l’effet du CICE, au taux de 4 % – celui de 2013 – est égal à 1 % de la masse salariale, ce qui me paraît faible. Ne devrait-il pas tourner autour de 2 % à 2,5 %  avec un taux de 6 % ?

Par ailleurs, la grande distribution et les services, notamment dans les secteurs juridique ou médical, me paraissent profiter exagérément du système. Qu’en pensez-vous ? Ne conviendrait-il pas de moduler le système en fonction des secteurs d’activités, si tant est que cela soit possible aux plans juridique et politique ? Quelles seraient pour vous les conséquences d’une telle modulation ?

M. Jean-Louis Rey. Si vous déplacez le seuil du CICE – entre deux et quatre SMIC, par exemple –, vous introduisez un système déclaratif plus compliqué et l’ACOSS devra procéder à de nouvelles opérations lourdes de fiabilisation, car les entreprises ne comprendront pas nécessairement la démarche, et c’est le dispositif dans son ensemble qui s’en trouvera fragilisé. Plus les règles sont simples, plus les entreprises peuvent se les approprier et plus les déclarations sont fiables.

Une éventuelle modulation du CICE en fonction des secteurs d’activité risque de poser des problèmes au plan européen, alors qu’un allégement général est eurocompatible. Je tiens à rappeler que les deux opérations d’allégement sectoriel que la France avait réalisées sur le textile ont été successivement censurées par l’ancienne Cour de justice des communautés européennes.

M. Éric Alauzet. Savez-vous dans quelle mesure les grandes surfaces profitent du CICE ?

M. Alain Gubian. Je n’ai pas le chiffre sous les yeux, mais il est toujours possible de l’établir.

L’assiette CICE correspondant à 65 % de l’assiette déplafonnée, son effet devrait, avec un taux de 6 %, être égal à 3,9 points de cotisations, et, avec un taux de 4 %, tourner autour de 2,6 points. Ces chiffres correspondent bien à des points de cotisations et non à des pourcentages en termes de coût du travail, coût dont la base est bien plus large. Il faudrait alors les rediviser par 1,4 ou 1,5. Et si on rapporte l’effet du CICE à l’ensemble des coûts, il sera encore différent.

M. Éric Alauzet. Les entreprises que nous avons auditionnées nous ont parlé d’un point.

M. le président Olivier Carré. C’est cohérent puisqu’elles rapportent l’effet du CICE à la masse globale chargée.

M. Patrick Hetzel. Louis Gallois, dans son rapport, souhaitait la création d’un crédit d’impôt jusqu’à 3,5 SMIC. Or le Gouvernement n’a retenu comme point de sortie que 2,5 SMIC. Combien coûterait la mesure préconisée par M. Gallois ? N’aurait-elle pas un effet bénéfique sur des secteurs industriels comme l’aéronautique, qui sont confrontés à des enjeux importants en termes de compétitivité internationale ?

M. Alain Gubian. Nous pourrons vous faire une simulation. Certaines réflexions ont été déjà menées dans le cadre du pacte de responsabilité.

M. le président Olivier Carré. Je vous remercie, messieurs.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Réunion du jeudi 17 juillet 2014 à 9 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Yves Blein, M. Olivier Carré, M. Patrick Hetzel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Eva Sas, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Florent Boudié, M. Richard Ferrand, M. Joël Giraud, Mme Véronique Louwagie

Assistait également à la réunion. - M. Gérard Bapt