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Mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Jeudi 17 juillet 2014

Séance de 12 heures 30

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Olivier Carré, Président

–  Audition ouverte à la presse, de M. André Marcon, président de CCI France, accompagné de M. Nicolas Chiloff, président de la chambre de commerce et d’industrie de la région Centre, et de M. Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles de CCI France .

–  Présence en réunion

M. le président Olivier Carré. Nous accueillons à présent des représentants des chambres de commerce et d’industrie (CCI), pour connaître leur avis sur l’impact du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ainsi que les actions menées pour faire connaître le dispositif.

M. André Marcon, président de CCI France. En 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault nous a demandé de faire la promotion du CICE auprès des entreprises. Nous avons donc réalisé, avant la mise en place du dispositif, un important travail d’information, distribuant notamment à toutes les CCI un document intitulé CICE : mode d’emploi, dans lequel étaient regroupés les renseignements les plus utiles.

Puis nous avons signé avec la Banque publique d’investissement (BPI), chargée d’une partie du préfinancement, une convention prévoyant un échange d’informations sur les questions que se posaient les entreprises. Nous avons également noué un partenariat avec les experts comptables, interlocuteurs privilégiés des chefs d’entreprise pour le CICE, nos moyens ne nous permettant pas de nous rendre dans chacune des 2,4 millions d’entreprises concernées.

Partout – dans nos revues consulaires ou lors des réunions que nous avons organisées, le plus souvent avec les services du préfet –, nous avons présenté le CICE comme un bon outil.

Sur dix entreprises qui l’utilisent, six sont des TPE-PME. C’est honorable, mais insuffisant, les grandes entreprises pesant moins de 5 % dans le total des entreprises. Il reste donc des marges de progrès.

Grâce au CICE, ces entreprises ont pu améliorer leur trésorerie, ce qui leur a permis d’envisager des investissements et, en fonction des carnets de commandes, des embauches, notamment par le biais des contrats d’avenir.

Elles ont également amélioré leurs relations avec leur banquier, qui s’est souvent substitué à la BPI : considérant que, avec une entreprise dont la trésorerie est renforcée, le risque est nul, la banque peut en effet se charger elle-même du dossier de préfinancement.

Le CICE garantit une mobilisation rapide des financements, très appréciée des chefs d’entreprise, car, en temps normal, la lenteur des procédures leur est préjudiciable.

Il existe toutefois des freins à la mobilisation du CICE. Ainsi, malgré le travail réalisé en amont, les TPE-PME manquent d’informations. Certains dirigeants croient – ils nous le disent – que le dispositif ne leur est pas destiné. Quand on leur en explique les modalités, ils admettent n’avoir pas compris que leur entreprise était éligible. Dans certains cas, il faut aller sur le terrain pour discuter avec les chefs d’entreprise.

La complexité supposée du dispositif de préfinancement est un autre frein. Certains chefs d’entreprise ne voient pas l’intérêt de monter un dossier compliqué pour 5 000 à 10 000 euros. Le coût élevé du préfinancement dans le cadre du dispositif mis en place par la BPI est également un frein. Il est en effet supérieur à celui des emprunts généralement proposés aux TPE-PME.

On peut encore citer la difficulté de l’estimation dans le montage du dossier. Le dirigeant de TPE-PME, qui n’a pas l’habitude de calculer lui-même son impôt et qui n’est pas suffisamment conseillé, aura peur de se tromper dans son estimation.

Malgré l’important travail que nous avons réalisé avec les ordres des experts-comptables, il semble en effet que les conseils aient fait défaut. Certains experts comptables n’ont vu dans le CICE qu’un formalisme bureaucratique supplémentaire et ne l’ont pas proposé à l’entreprise, a fortiori si elle était saine.

Enfin, le coût administratif que représente le temps passé au montage du dossier – supposé plus qu’avéré – a constitué un autre frein.

Mais les freins n’étaient pas seulement méthodologiques : ils pouvaient être émotionnels. Ainsi, la crainte du contrôle fiscal a été dissuasive, les entreprises ayant été échaudées par les contrôles systématiques et chronophages qu’avait entraînés le crédit d’impôt recherche.

D’autre part, certains ont craint que les donneurs d’ordre n’exigent des ristournes dès lors que l’entreprise aurait bénéficié du CICE. Cette pratique est totalement illégale, mais une TPE-PME est souvent très dépendante de son donneur d’ordre, qui ne manque jamais de lui rappeler qu’il peut faire appel à un concurrent. Pierre Pelouzet, médiateur des relations interentreprises, a d’ailleurs été saisi d’un certain nombre de dossiers en la matière.

En dépit de ces risques, nous estimons que le bilan du CICE est positif. Nous ne souhaitons pas une complexification du système : les systèmes sont efficaces lorsque le public a compris qu’ils sont simples. Il est encore jugé complexe par les entreprises, dont la demande récurrente auprès des CCI consiste simplement en des allègements de charges.

Nous avons bien conscience qu’il faut poursuivre, voire intensifier, notre effort de communication. Les CCI doivent en quelque sorte se remettre en question pour savoir comment promouvoir encore davantage le CICE.

M. Nicolas Chiloff, président de la CCIR Centre. Je suis, depuis des années, un apôtre de la fiscalisation des charges sociales. Nous aurions préféré une réduction des charges sociales, qui aurait eu un effet immédiat sur la situation des entreprises, mais nous sommes bien conscients que le budget de l’État ne le permettrait pas. Nous nous satisfaisons donc, pour l’instant, du CICE, accueilli favorablement par les entreprises. Cependant, plusieurs difficultés sont apparues dans les différentes phases de mise en place du dispositif.

Les CCI et la BPI ont fait un effort d’explication concernant le préfinancement, mais les entreprises en difficulté étant généralement en retard dans leurs cotisations URSSAF, elles n’ont pu bénéficier du préfinancement. Aussi celles qui en avaient le plus besoin n’ont-elles pas pu utiliser le dispositif dès le départ.

En faisant leurs calculs en vue d’une déclaration, certains chefs d’entreprise se sont rendu compte que leur salaire ne figurait pas dans l’assiette du CICE. Une nouvelle fois, les mandataires sociaux ont été stigmatisés. Ainsi, une PME avec deux salariés voit son assiette amputée de 50 %, car le patron gagne généralement 4 000 euros mensuels. À l’inverse, la totalité de la masse salariale d’une grande entreprise est comprise dans l’assiette, car le dirigeant est généralement salarié. Une fois de plus, ceux qu’on veut aider – les petits – n’ont pu bénéficier de cette aide.

Enfin, plusieurs mandataires sociaux se sont étonnés de ne pas avoir droit au CICE parce qu’ils créaient leur entreprise. Ainsi, paradoxalement, la création d’entreprise n’est pas encouragée.

Malgré ces difficultés, le CICE est très bien accueilli, car il représente une bouffée d’oxygène pour les entreprises. Nous aurions certes préféré une réduction instantanée des charges sociales, mais nous n’en souhaitons pas moins la pérennisation du dispositif.

M. Yves Blein, rapporteur. Connaissez-vous les intentions des chefs d’entreprise ? Envisagent-ils d’investir, de créer des emplois, d’augmenter les salaires ou d’agir sur le fonds de roulement ?

M. André Marcon. Dans un premier temps, les entrepreneurs ont utilisé le CICE pour améliorer leur trésorerie. Ils se montrent méfiants, car ils pensent que le dispositif n’existera plus l’année prochaine. Nombre de mesures coup-de-poing n’ont pas perduré. Il faut donc rassurer les chefs d’entreprise sur la pérennité du dispositif.

Ils nous disent d’autre part qu’ils comptent embaucher s’ils ont des commandes – ce n’est pas le CICE en lui-même qui les incitera à recruter. Cela vaut également pour l’investissement : les entreprises qui investiront sont celles qui ont déjà des projets.

M. Éric Alauzet. Les chefs d’entreprise ont mis du temps à connaître l’existence du dispositif. Je connais le dirigeant d’une belle entreprise de quarante-huit salariés qui n’était pas au courant du CICE, alors que, j’en suis sûr, son comptable l’était ! L’information doit être diffusée plus largement au sein des entreprises, et pas seulement auprès de quelques interlocuteurs. Il faut que l’ensemble du tissu économique s’approprie la mesure.

M. Nicolas Chiloff. Nous sommes en effet loin d’avoir atteint toutes les cibles. La loi exclut les mandataires sociaux du CICE : qu’ils soient gérants de SARL, présidents de SAS ou PDG de SA, leur salaire n’entre pas dans l’assiette. Or la majorité des entreprises en France sont des PME-TPE. La mesure n’est donc pas incitative.

M. Éric Alauzet. Je rappelle qu’un allègement de charge va être mis en place à partir du 1er janvier 2015 pour les indépendants – artisans, professions libérales, etc.

Mme Christine Pires-Beaune. Pour les mandataires sociaux, la question est sans doute celle du niveau de salaire. Car je ne suis pas sûr que, si la loi les incluait, leur salaire serait compris dans l’assiette.

Par ailleurs, je m’étonne de votre remarque sur le risque lié aux donneurs d’ordre : si quelques cas ont été observés au début, la question a été vite réglée.

M. le président Olivier Carré. D’après les informations que nous avons obtenues au niveau national, le problème a en effet été très épisodique.

M. Nicolas Chiloff. Ayant été président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie du Loiret, je connais bien le problème des donneurs d’ordre. Il n’est réglé qu’officiellement, car je peux vous garantir que la pression reste très forte. Quel que soit le dispositif, il ne sera d’ailleurs jamais réglé : lorsque les entreprises bénéficient de baisses de charges, leurs clients exigent toujours d’elles des baisses de prix. Ce n’est pas le CICE qui est en cause, c’est la question des relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants.

M. le président Olivier Carré. Au plan macroéconomique, c’est l’effet déflationniste de la baisse des charges dans un environnement concurrentiel.

En ce qui concerne les revenus des dirigeants, la rémunération versée au titre du mandat social ne peut être éligible au CICE. Mais quel est le problème exactement, dans les cas que vous avez évoqués, s’agissant de la partie de la rémunération qui correspond à l’activité technique du dirigeant ?

M. Nicolas Chiloff. Ce sont des cas dont nous entendons souvent parler. La loi prévoit que le salaire du dirigeant peut être pris en compte, mais à condition qu’il soit salarié de son entreprise. Or des dirigeants salariés, je n’en connais pas – ou très peu !

Mme Eva Sas. Beaucoup sont salariés.

M. André Marcon. Mais beaucoup ne le sont pas.

M. Nicolas Chiloff. La plupart des dirigeants de TPE-PME n’ont pas de contrat de travail ! Le salaire d’un président de SARL, mandataire social, n’entre pas dans l’assiette.

M. le président Olivier Carré. Il faut clarifier ce point très technique, car je ne suis pas sûr que tout le monde parle de la même chose. L’esprit de la loi n’est pas d’évincer une personne qui créerait son entreprise.

Mme Christine Pires-Beaune. Il nous faudrait connaître le nombre de mandataires sociaux salariés.

M. le président Olivier Carré. Ils sont nombreux. La question n’est donc pas négligeable.

M. Nicolas Chiloff. En fait, la distinction repose sur l’existence ou non d’un contrat de travail. Or, mêmes salariés, très peu de mandataires sociaux ont un contrat de travail et c’est la rémunération versée au titre du contrat de travail qui ouvre droit au crédit d’impôt.

M. le président Olivier Carré. Merci, messieurs, pour votre contribution.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Réunion du jeudi 17 juillet 2014 à 12 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Yves Blein, M. Olivier Carré, M. Patrick Hetzel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Eva Sas, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Florent Boudié, M. Richard Ferrand, M. Joël Giraud, Mme Véronique Louwagie