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Mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Jeudi 11 septembre 2014

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Olivier Carré, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Gilbert Font, président de la commission des affaires administratives du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), du général Pierre Bourlot, délégué général, de MM. Claude Bresson, directeur des affaires sociales, Jérôme Jean, conseiller auprès du délégué général, et Michel Déchelotte, directeur des affaires institutionnelles de SAFRAN..

M. le président Olivier Carré. Nous poursuivons nos auditions avec le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS).

M. Gilbert Font, président de la commission des affaires administratives du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales. Le GIFAS est une fédération professionnelle qui rassemble l’ensemble des entreprises du secteur aéronautique et spatial français, soit 342 sociétés, tant les plus grandes et les plus connues – Airbus, Dassault, SAFRAN, Thalès – que les ETI et les PMI. Pour ma part, je travaille à la direction générale de SAFRAN.

Notre profession connaît aujourd’hui une évolution favorable, mais elle doit relever des défis en matière de compétitivité, dans un contexte de mondialisation et de concurrence accrue. Nos concurrents étrangers bénéficient souvent d’aides importantes de la part des États, sur presque tous les continents. De surcroît, dans la mesure où nous avons une base de coûts en euros, mais que nous exportons beaucoup en dollars, le cours de l’euro par rapport au dollar revêt une importance majeure pour nous.

La concurrence internationale s’est exacerbée ces dernières années. Elle ne vient plus seulement des États-Unis, mais aussi de la Chine, du Canada et du Brésil. Le duopole Boeing-Airbus, qui a caractérisé le marché depuis les années 1980, est presque derrière nous. L’industrie aéronautique et spatiale française doit maintenir la compétitivité de son offre à son haut niveau actuel et conforter ses positions sur les marchés à l’export. Cela passe par des investissements dans la recherche et développement, l’innovation et la production industrielle, mais aussi par un accompagnement public. Notre industrie, très fortement implantée en France, exporte 80 % de son activité. Avec un solde des échanges commerciaux excédentaire de 22 milliards d’euros en 2013, elle est la première contributrice à la balance commerciale française.

L’industrie aéronautique – cet élément important est parfois méconnu – est caractérisée par des cycles longs : les cycles de développement durent dix à quinze ans ; les cycles de vie des produits sont supérieurs à trente ans. Nous avons donc à faire des choix technologiques particulièrement lourds, surtout quand ils sont pionniers : il nous faut investir dans la recherche très en amont et avoir ensuite la possibilité de valider ces choix, de façon à garantir leur pertinence et à limiter les risques. Notre industrie consacre chaque année près de 14 % de son chiffre d’affaires – qui s’établit à 48 milliards d’euros – à la recherche et développement. Dans tous nos contrats, nous prenons en compte le long terme, en essayant d’optimiser nos activités. Nous devons faire preuve de patience et d’obstination pour maintenir nos positions. Nous avons aussi besoin que les accompagnements publics qui nous sont proposés soient pérennes.

Face à la concurrence, nous sommes engagés dans une course contre la montre : les travaux de recherche et d’innovation doivent être réalisés sans délai. Pour nous préparer à relever ces grands défis technologiques et commerciaux, nous devons bien maîtriser notre déploiement en France et à l’étranger. Notre filière – grands groupes comme PMI – s’efforce de conserver les moyens de conception et de production en France, particulièrement pour ce qui est des technologies les plus sensibles. Grâce à la forte augmentation de son chiffre d’affaires à l’international, elle est créatrice nette d’emplois sur le territoire national depuis plusieurs années.

Dans ce contexte de concurrence mondiale accrue, le CICE va dans le bon sens : il contribue à la maîtrise des coûts salariaux sur nos sites français et à l’amélioration de notre compétitivité. Notre profession y est donc très favorable dans son principe. Néanmoins, dans sa forme actuelle, le dispositif a un impact trop modéré sur notre secteur. En effet, seules les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC sont retenues pour le calcul du CICE. Or la structure des emplois est particulière dans notre profession : parmi les 177 000 salariés des entreprises du GIFAS, 42 % sont des ingénieurs et des cadres, 34 % des employés, des techniciens et des agents de maîtrise, et 24 % des ouvriers.

Ainsi, avec un CICE à 6 %, notre secteur bénéficiera d’un montant de 170 millions d’euros en année pleine, ce qui représente un peu plus de 1 % des 13 milliards d’euros de sa masse salariale chargée. Cela compense à peine l’alourdissement d’un certain nombre de charges intervenu au cours des dernières années : passage de 8 à 20 % du forfait social qui est appliqué à toute somme versée au titre de l’intéressement et de la participation ; assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés et à la taxe sur les hautes rémunérations ; augmentation des prélèvements patronaux pour les retraites et la prévoyance.

Ainsi que Louis Gallois l’a proposé dans son rapport sur la compétitivité de l’économie française, nous demandons que les rémunérations jusqu’à 3,5 SMIC soient retenues pour le calcul du CICE. Cette extension permettrait de couvrir une part plus importante de nos coûts salariaux et se traduirait par un doublement du montant du CICE pour notre secteur.

L’ensemble des prélèvements obligatoires – impôts et cotisations sociales – versés par notre secteur atteint 5,9 milliards d’euros par an, soit 30 % des 20 milliards de valeur ajoutée produite. Ce montant, élevé de notre point de vue, représente à peu près le double des prélèvements obligatoires auxquels sont soumises les entreprises des pays européens dont le système social est comparable au nôtre. Un CICE plus avantageux corrigerait en partie cette situation.

D’autre part, un dispositif plus efficace et plus incitatif nous aiderait à investir davantage et mieux dans les développements industriels dont nous avons besoin pour préparer l’avenir. Comme je l’ai indiqué, l’industrie aéronautique et spatiale française est confrontée à des défis technologiques majeurs. Nous devons faire en sorte de rester au premier plan dans des domaines à forte intensité capitalistique tels que les avions électriques, les systèmes embarqués, les technologies composites ou les usines aéronautiques du futur. Nous souhaitons accroître nos investissements industriels et technologiques en France. À cette fin, nous avons besoin de dispositifs tels que le CICE, si possible pérennes, pour renforcer notre compétitivité dans la durée. Encore une fois, nous travaillons sur des cycles longs : un programme d’avion s’étale sur quarante ans. Nous avons donc besoin d’une visibilité à moyen et long terme dans nos business plans.

Enfin, le CICE peut contribuer au renouvellement des compétences. Compte tenu de la pyramide des âges, nous allons être confrontés dans les prochaines années à un nombre important de départs à la retraite. Pour maintenir notre niveau d’excellence et garantir des succès pérennes, nous avons donc d’importants efforts à fournir en termes de formation des jeunes et des apprentis. Nous avons d’ailleurs pris une série d’engagements à ce sujet. Afin de pérenniser l’emploi dans notre secteur industriel en France, il est essentiel que les pouvoirs publics soient à nos côtés avec des dispositifs tels que le CICE.

Général Pierre Bourlot, délégué général du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). Les entreprises du GIFAS emploient 177 000 collaborateurs, dont une part importante de cadres et d’ingénieurs. Depuis trois ou quatre ans, elles procèdent à de nombreux recrutements : 15 000 en 2013 – dont 6 000 correspondent à des créations nettes d’emplois –, 10 000 prévus en 2014. Le salaire moyen dans notre profession s’établit à 48 000 euros par an. C’est pourquoi l’impact du CICE y est moindre que dans d’autres secteurs. Quelque 80 % de notre chiffre d’affaires provient de l’export, alors que nous avons 70 % de nos effectifs en France. Il s’agit d’un personnel très qualifié et difficilement délocalisable.

M. Éric Alauzet. Comment votre secteur utilise-t-il les 170 millions d’euros du CICE ? Vous avez expliqué que ce montant compensait à peine les hausses de prélèvements que vous avez subies par ailleurs. Pourrions-nous avoir une vision plus globale non seulement des charges qui pèsent sur votre secteur, mais aussi des aides dont il bénéficie – je pense notamment au crédit d’impôt recherche (CIR) ?

M. Gilbert Font. Comme dans les autres secteurs, le CICE nous sert principalement à l’investissement et à la formation, qui sont l’un et l’autre créateurs d’emplois à terme. L’industrie aéronautique et spatiale investit massivement dans la recherche et développement, environ 7 milliards d’euros.

Général Pierre Bourlot. Ces investissements représentent plus de 14 % du chiffre d’affaires du secteur. Ils sont autofinancés à hauteur de 8 %.

M. Gilbert Font. En outre, plusieurs entreprises du secteur, notamment SAFRAN, réalisent des investissements industriels très importants, y compris en créant de nouvelles usines ou implantations. L’investissement technologique est créateur d’emplois pérennes hautement qualifiés et s’accompagne d’actions de formation et de développement des compétences. Nous croyons beaucoup à ce cercle vertueux. Les dispositifs tels que le CICE contribuent à la qualité de nos décisions d’investissement.

Notre profession bénéficie d’environ 500 millions d’euros au titre du CIR. Elle souhaite vivement la pérennisation du dispositif, qui a été reconduit au fil des années. Le CIR a été un levier puissant pour le maintien et le développement en France de centres de recherche très importants dans le secteur aéronautique et spatial.

Comme je l’ai indiqué, notre secteur verse chaque année 5,9 milliards d’euros de prélèvements obligatoires, dont 3,6 milliards de cotisations sociales et 1,7 milliard de taxes sur les facteurs de production. Les aides dont il bénéficie sont essentiellement le CIR et le CICE, dont nous avons déjà parlé.

Général Pierre Bourlot. La profession investit chaque année 1 milliard d’euros dans l’outil de production sur le territoire français.

Selon nos calculs, sur les 40 milliards d’euros du pacte de responsabilité et de solidarité, 400 millions d’euros iraient à notre secteur, dont 300 millions au titre du volet social – les 170 millions du CICE, auxquels s’ajouteront les allégements de cotisations familiales et d’autres cotisations patronales – et 100 millions au titre du volet fiscal – avec la suppression, entre autres, de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés. Ces chiffres sont des évaluations pour l’année 2017, lorsque les mesures du pacte auront atteint leur plein rendement.

M. Gilbert Font. Inversement, les hausses de charges que j’ai mentionnées précédemment ont eu un impact de 150 à 170 millions d’euros.

M. le président Olivier Carré. À quelle année correspond le montant de CICE de 170 millions d’euros que vous avez calculé pour votre secteur ?

Général Pierre Bourlot. Il s’agit du montant dont nous bénéficierons à partir de 2015, lorsque le taux du CICE sera de 6 %. Pour 2014, ce montant est évalué à 110 millions.

M. le président Olivier Carré. Quels sont les rapports entre l’amont et l’aval de la filière ? Avez-vous un dialogue avec vos sous-traitants sur les investissements dont la filière peut avoir besoin ? Discutez-vous avec eux de l’évolution des prix au sein de la chaîne de valeur ?

M. Gilbert Font. Notre filière est très intégrée et la solidarité est très forte en son sein. Nous avons cette chance. Nous avons des rapports de qualité avec nos sous-traitants, en particulier dans le cadre des négociations contractuelles que vous mentionnez. Nous évoquons non seulement les problèmes de prix, mais aussi la question des investissements technologiques, de progrès ou de codéveloppement. Nous nous efforçons d’avoir avec nos sous-traitants une vision à moyen et long terme de l’évolution des commandes. Tous les éléments qui contribuent à l’amélioration de la compétitivité de notre industrie profitent à l’ensemble de la filière, y compris aux PMI. Enfin, nous avons rédigé une série de chartes de fonctionnement entre donneurs d’ordre et sous-traitants, que nous comptons fermement faire vivre. Sans nous décerner de lauriers, la filière aéronautique et spatiale est assez exemplaire en la matière.

Général Pierre Bourlot. Le GIFAS est piloté par un conseil d’administration qui se réunit tous les mois et où sont représentés tous les types de sociétés : donneurs d’ordres, ETI et PME. Ces dernières s’expriment tant au sein de ce conseil que des commissions thématiques que nous animons. Parmi ses nombreuses initiatives, le GIFAS a lancé un projet baptisé « performance industrielle », qui vise spécifiquement à améliorer la compétitivité des PME, au moyen de formations, d’audits et de conseils. Ce projet de 23 millions d’euros est cofinancé par l’État et les régions. Il durera trois ans et devrait concerner 400 PME, adhérentes ou non du GIFAS.

M. le président Olivier Carré. Merci beaucoup, messieurs, pour cette contribution à nos travaux.