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N° 89

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

SUR LE PROJET DE LOI (n° 82), ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif au harcèlement sexuel,

PAR Mme Ségolène NEUVILLE,

Députée.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 85, 86.

Sénat : 592, 610, 613, 619, 620 et T.A. 123 (2011-2012).

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :

Mme Catherine Coutelle, présidente ; Mme Conchita Lacuey, Mme Monique Orphe, M. Christophe Sirugue, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidents ; Mme Edith Gueugneau, Mme Cécile Untermaier, secrétaires ; Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, Mme Marie-George Buffet, Mme Pascale Crozon, M. Sébastien Denaja, Mme Sophie Dessus, Mme Jeanine Dubie, Mme Marianne Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Martine Faure, M. Guy Geoffroy, Mme Françoise Guégot, M. Guénhaël Huet, Mme Valérie Lacroute, Mme Sonia Lagarde, M. Serge Letchimy, Mme Geneviève Levy, Mme Martine Lignières-Cassou, Mme Dominique Nachury, Mme Ségolène Neuville, Mme Maud Olivier, Mme Bérengère Poletti, Mme Barbara Pompili, Mme Josette Pons, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Philippe Vitel.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. — L’INFRACTION DE HARCÈLEMENT SEXUEL : UNE DÉFINITION ÉVOLUTIVE, AUJOURD’HUI CONSIDÉRÉE COMME INSUFFISANTE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL 7

A.– LES DÉFINITIONS SUCCESSIVES DU HARCÈLEMENT SEXUEL 7

1.– L’évolution en droit français 7

2.– L’influence du droit communautaire 8

3.– Une tentative parlementaire de mieux définir le harcèlement sexuel à partir du droit communautaire n’a pas abouti 9

B.– L’ABROGATION DU DÉLIT DE HARCÈLEMENT SEXUEL PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL 10

1.– La décision du Conseil constitutionnel crée un vide juridique préjudiciable aux victimes qui avaient saisi la justice 10

2.– La garde des Sceaux invite à requalifier les faits et à poursuivre sur la base d’autres incriminations 11

C- LE HARCÈLEMENT SEXUEL : UNE RÉALITÉ MAL CONNUE 12

1.– Une réalité statistique floue 12

2.–  Des poursuites pénales plutôt rares et peu de condamnations prononcées 15

3.– Une réalité ayant des conséquences sur la santé et la vie professionnelle des victimes 16

II. — LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI 17

A.– LES DISPOSITIONS PÉNALES 17

1.– Une bonne définition du harcèlement sexuel constitué par des actes répétés, qui pourrait être complétée 17

2.– La création d’un délit « acte unique » assimilé au harcèlement risque d’affaiblir l’ensemble des dispositions réprimant les atteintes à l’intégrité de la personne 19

3.– Les sanctions applicables : prévoir la circonstance aggravante liée à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre 21

4.– Une sanction appropriée des discriminations résultant du harcèlement sexuel 23

5.– L’incrimination des discriminations commises à raison de l’identité sexuelle 24

6.– La possibilité d’agir en justice des associations élargie 25

B.– COMPLÉTER LE CODE DU TRAVAIL POUR MIEUX SANCTIONNER LES DISCRIMINATIONS RÉSULTANT DU HARCÈLEMENT 25

C.– LA COORDINATION AVEC LE STATUT DE LA FONCTION PUBLIQUE 27

III. — CONTRE LE HARCÈLEMENT SEXUEL ET LES AUTRES FORMES DE VIOLENCE : CHANGER LES MENTALITÉS, FACILITER L’ACTION DES VICTIMES 27

A.– MIEUX IMPLIQUER TOUS LES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES 27

B.– AMÉLIORER LES ÉLÉMENTS DE PRÉVENTION CONTRE LES VIOLENCES ET LE HARCÈLEMENT 29

C.– FACILITER L’ACTION DES VICTIMES 30

1.– L’allongement du délai de prescription pose des difficultés et ne résoudrait pas les problèmes pratiques de l’instruction 30

2.– Faciliter le dépôt de plainte des victimes : privilégier l’information des enquêteurs et des instructeurs pour éviter les classements sans suite 31

3.– L’action du Défenseur des droits pourrait être mieux connue 32

D.– LA RESPONSABILITÉ DES PERSONNES MORALES 32

E.– DRESSER UN NOUVEAU BILAN DE MISE EN OEUVRE DE LA LOI DU 9 JUILLET 2010 ET AMÉLIORER LA DÉFINITION DU DÉLIT DE VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE 33

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 35

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 44

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 47

ANNEXE : lettre de saisine de la commission des Lois 51

MESDAMES, MESSIEURS,

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a été saisie par la commission des Lois de l’Assemblée nationale du projet de loi sur le harcèlement sexuel déposé le 13 juin dernier sur le Bureau du Sénat par le Gouvernement.

Il convient de rappeler le contexte de l’examen de ce projet de loi : le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 222-33 du code pénal et a décidé, le 4 mai dernier, d’invalider cet article sur lequel étaient fondées les poursuites pour harcèlement sexuel. Il en résulte un vide juridique dans le code pénal et une instabilité juridique très préjudiciable pour les victimes qui ont engagé une procédure.

Le Gouvernement, aussitôt son installation le 16 mai, a jugé nécessaire de légiférer très rapidement pour combler ce vide et élaborer un texte plus précis. C’est ainsi que le projet de loi a été déposé sur le Bureau du Sénat, l’Assemblée nationale n’étant pas encore constituée, le second tour des élections législatives ayant pris place le 17 juin. Le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée de l’article 45 de la Constitution sur ce projet de loi : il n’y aura donc qu’une lecture par chaque assemblée, suivie de la réunion d’une commission mixte paritaire si l’Assemblée nationale ne vote pas le projet de loi adopté par le Sénat dans les mêmes termes. Six propositions de loi ont également été déposées au Sénat sur ce thème.

Un projet de loi enrichi a été adopté par le Sénat le 12 juillet. La Délégation a donc disposé de très peu de temps pour analyser ce projet et proposer des améliorations : elle a dû travailler dans l’extrême urgence, méthode peu satisfaisante à laquelle on ne doit pas recourir trop souvent, mais ses membres tenaient à apporter leur contribution au nouveau texte de loi. En effet, la lutte contre les violences faites aux femmes a été le sujet de nombreux travaux antérieurs de la Délégation ; elle possède donc une expertise sur ces questions et bien évidemment leur porte une attention particulière.

Le phénomène que le présent projet de loi a pour objectif de combattre est à la fois très connu dans la société et très répandu, et mal connu statistiquement. Les chiffres et les analyses dont nous disposons sont partiels, car collectés au niveau d’un département par exemple, et lorsqu’ils ont été collectés au plan national, anciens, comme l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France, qui date de l’année 2000. Ces rares enquêtes conduisent à penser que les comportements de harcèlement sexuel sont très répandus et que les agressions sexuelles concernent hélas un pourcentage de femmes assez important.

L’ampleur et les conséquences du phénomène du harcèlement sexuel sont donc trop méconnues.

Les comportements de harcèlement sexuel sont des comportements individuels, mais ils sont encore trop tolérés par habitude et par un certain « conformisme » à des clichés sociaux encore trop prégnants dans notre société.

Or ces comportements, qui sont des délits, entraînent chez la victime des souffrances psychologiques et psychiques connues des médecins du travail, des médecins généralistes (qui sont souvent les seules personnes à qui la victime ose se confier) et de certains spécialistes qui les ont aujourd’hui bien décrites. Les conséquences de ces agissements sont réelles et importantes : sur la santé des victimes – des femmes dans la très grande majorité –, sur leur insertion professionnelle ou leur carrière, sur la qualité des conditions de travail et la productivité, sur les coûts sociaux en termes d’arrêt de travail, de soins et de prescriptions de médicaments.

L’analyse des statistiques du ministère de la Justice montre que porter plainte pour des faits de harcèlement sexuel est hasardeux : peu de plaintes franchissent les différentes étapes de la procédure pour que les faits soient reconnus poursuivables, puis donnent lieu à poursuite. Les enquêtes sont longues, les preuves sont difficiles à apporter, les témoignages concordants sont difficiles à recueillir, les témoins des faits craignant de s’exprimer, dans les milieux de travail notamment. Comme pour les violences psychologiques, les preuves manquent fréquemment, car les faits se déroulent généralement dans des lieux clos et en l’absence de témoins.

Dans ce contexte très défavorable aux victimes, l’invalidation de la loi par le Conseil constitutionnel doit être l’opportunité de mieux définir le délit de harcèlement sexuel, afin qu’il englobe tous les comportements connus de cet ordre, et que les éléments intentionnels soient élargis et adaptés à la réalité des comportements observés. La définition pourrait aussi inclure des éléments facilitant la recherche de la preuve, dont on voit par les statistiques judiciaires que c’est l’obstacle majeur à l’aboutissement des dossiers.

Au-delà du projet de loi en cours d’examen, faire diminuer les faits de harcèlement exige d’autres actions dans de nombreux domaines : éducation et lutte contre les stéréotypes sexués à l'école, formation des professionnels, information dans les milieux de travail, image de la femme dans les médias, notamment. Il s’agit bien de faire évoluer les mentalités.

Le champ des travaux à conduire pour lutter contre ces comportements plus ou moins violents est donc vaste ; une première étape pour la Délégation pourrait être de dresser à nouveau le bilan de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes, et de travailler à son éventuel enrichissement.

I. — L’INFRACTION DE HARCÈLEMENT SEXUEL : UNE DÉFINITION ÉVOLUTIVE, AUJOURD’HUI CONSIDÉRÉE COMME INSUFFISANTE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

A.– LES DÉFINITIONS SUCCESSIVES DU HARCÈLEMENT SEXUEL

1.– L’évolution en droit français

La notion de harcèlement sexuel est introduite pour la première fois dans le droit français par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992, dans le cadre plus large de la réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et des délits contre les personnes. Par la suite, la notion de harcèlement sexuel dans notre ordonnancement juridique sera le résultat d’une construction progressive complexe résultant de dispositions pénales et d’articles du code du travail.

a) La première définition du délit

La rédaction retenue par l’article 222-33 du nouveau code pénal définit le harcèlement comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ».

Ce délit était passible d’un an d’emprisonnement et de 100 000 francs d’amende.

Cette définition retenait donc comme constitutifs de l’infraction des éléments matériels tels que les ordres, menaces ou contraintes, un élément intentionnel tel que l’intention d’obtenir des faveurs de nature sexuelle et, enfin, un élément de situation tel une fonction d’autorité.

Lors des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de cette loi, le rapporteur de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, M. Michel Pezet avait dès lors précisé qu’il « n’était pas souhaitable que la répétition soit exigée » suivi en cela par le gouvernement. M. Michel Sapin, ministre délégué à la Justice, avait alors affirmé : « la position du gouvernement est claire : tel qu’il est défini, le harcèlement sexuel peut se traduire par plusieurs actes, mais éventuellement par un seul acte d’une particulière gravité ».

Parallèlement à ce dispositif pénal, la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations du travail et modifiant le code du travail a introduit dans le code du travail plusieurs dispositions visant à assurer la protection des salariés contre le harcèlement sexuel. Il était ainsi prévu qu’aucun salarié ne pouvait être sanctionné ou licencié, pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements, pour en avoir témoigné, ou pour les avoir relatés. Les auteurs étaient passibles de sanctions disciplinaires et le chef d’entreprise était responsable quant à la prévention de tels agissements.

L’article 6 de la loi précitée introduisait la même protection pour les fonctionnaires en modifiant la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

b) L’élargissement de la définition

La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des mineurs a élargi la définition du harcèlement sexuel donnée par l’article 222-33 du code pénal en ajoutant après les faits constitutifs que sont les ordres, menaces ou contraintes, les « pressions graves ».

Le nouvel article 222-33 définissait donc le harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ».

c) Un nouvel élargissement de la définition, aboutissant à la dissolution de la notion de harcèlement sexuel

Cette dernière définition a subi une nouvelle modification à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite loi de modernisation sociale, qui a introduit dans le droit français l’interdiction du harcèlement moral.

Lors des débats parlementaires, les députés ont souhaité faire disparaître l’exigence de l’abus d’autorité en estimant que le harcèlement pouvait provenir de collègues et devait également être sanctionné. Cette référence à l’abus d’autorité a donc disparu du code du travail. De son côté, le Sénat a souhaité mettre en cohérence le droit du travail et le droit pénal en supprimant également la référence à l’abus d’autorité dans le code pénal.

À l’issue des débats et après adoption de cette loi, le harcèlement sexuel se définissait ainsi : « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ».

2.– L’influence du droit communautaire

Plusieurs directives européennes visant à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes et/ou à l’égalité de traitement par rapport à d’autres motifs de discrimination définissent les notions de discrimination directe et indirecte et de harcèlement que les États membres ont l’obligation de prohiber.

Il faut mentionner notamment la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 76/207/CE du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail, la directive 2004/113 du Conseil mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

La définition résultant de ces directives est la suivante : constitue un harcèlement sexuel « la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

La transposition en droit français de ces directives a été faite par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Elle a procédé à une modification du code du travail mais n’a pas modifié les éléments constitutifs des infractions pénales.

Les dispositions qui en sont issues définissent et interdisent mais ne sanctionnent pas pénalement les discriminations directe et indirecte ainsi que le harcèlement. La définition des comportements prohibés est identique à celle donnée par les directives. Ces dispositions peuvent donc être invoquées devant les juridictions civiles.

Ainsi l’article 1er de la loi de 2008 précitée, inséré dans le code du travail, dispose que : « la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa (1) et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

3.– Une tentative parlementaire de mieux définir le harcèlement sexuel à partir du droit communautaire n’a pas abouti

À la suite de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes constituée en décembre 2008, une proposition de loi a été déposée, reprenant les préconisations de nature législative contenues dans le rapport de la mission (2). Cette proposition a été adoptée à l’unanimité des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat et est devenue la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes.

On soulignera que la proposition contenait à l’origine, dans l’article 19 tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, une définition du harcèlement sexuel inspirée du droit communautaire ainsi formulée :

« Tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant constitue un agissement de harcèlement sexuel. 

Tout agissement de harcèlement sexuel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

Cette proposition voulait inclure tant dans le code pénal que dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique, cette définition directement inspirée du droit communautaire, ne comportant pas de description matérielle de l’infraction ni de ses éléments intentionnels, mais se fondant sur les conséquences des actes sur la victime et sur son « ressenti ».

Le Sénat a supprimé cette définition lors de sa première lecture du texte ; Mme Martine Billard, députée membre de la Délégation, a tenté de la réintroduire par amendement lors de la deuxième lecture par l’Assemblée nationale, puis a retiré son amendement à la demande de Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la Famille. L’on peut se demander si la question prioritaire de constitutionnalité aurait abouti si cette définition du harcèlement avait prévalu.

B.– L’ABROGATION DU DÉLIT DE HARCÈLEMENT SEXUEL PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1.– La décision du Conseil constitutionnel crée un vide juridique préjudiciable aux victimes qui avaient saisi la justice

Le Conseil constitutionnel a été saisi par une personne condamnée pour des faits de harcèlement sexuel, via la nouvelle procédure d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Dans sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a estimé que l’article 222-33 du code pénal était contraire au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines en ce qu’il ne définissait pas suffisamment et clairement les éléments constitutifs de l’infraction.

Très précisément la décision du Conseil mentionne que « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis ; qu’ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; ».

Cette décision du Conseil a entraîné l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal définissant le délit de harcèlement sexuel en même temps qu’elle a mis un terme à toutes les procédures en cours à la date de sa prise d’effet : en application de l’article 62 de la Constitution, cette décision a pris effet dès sa publication au Journal Officiel soit le 5 mai 2012.

2.– La garde des Sceaux invite à requalifier les faits et à poursuivre sur la base d’autres incriminations

La décision du Conseil constitutionnel ayant entraîné un vide juridique partiel, la garde des Sceaux a fait parvenir dès le 10 mai aux parquets une circulaire les invitant à requalifier les faits et à rechercher d’autres incriminations.

Ainsi « au stade des poursuites, avant la saisine de la juridiction répressive, il vous appartiendra d’examiner si les faits initialement qualifiés de harcèlement sexuel peuvent être poursuivis sous d’autres qualifications, telles que celles relatives aux violences volontaires, le cas échéant avec préméditation, voire au harcèlement moral si ces faits ont eu lieu dans le cadre de relations professionnelles. La qualification de tentative d’agression sexuelle pourra également, le cas échéant être retenue ».

À défaut, les poursuites doivent être abandonnées. Les victimes peuvent seulement engager une procédure civile pour obtenir des dommages et intérêts.

Il est à noter que la circulaire de la Chancellerie aborde, dans une seconde partie, les conséquences possibles de la décision du Conseil constitutionnel sur l’application du code du travail.

Ainsi le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la conformité à la Constitution de l’article 1153-1 du code du travail, dont il n’était pas saisi, et qui dispose que « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits. L’article 1155-2 du même code dispose par ailleurs que « les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L 1152-1 et L 1153-1, sont punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros ».

La circulaire ministérielle du 10 mai précise que dans l’attente d’une éventuelle QPC ou d’une intervention du législateur sur cet autre texte, l’infraction est toujours en vigueur. Cependant, l’incrimination n’étant pas rédigée plus précisément que celle figurant dans le code pénal, « dans un souci de sécurité juridique, il sera donc opportun de privilégier les poursuites sous d’autres qualifications, comme indiqué ci-dessus à propos de l’article 222-33 du code pénal ».

Le vide juridique partiel créé par la décision du Conseil constitutionnel a été suivi de la constitution, au Sénat, d’un groupe de travail composé à parts égales de membres de la commission des Lois, de la commission des Affaires sociales et de la délégation aux Droits des femmes. Parallèlement, sept propositions de lois émanant de sénateurs représentant les diverses sensibilités politiques ont été déposées sur le Bureau du Sénat et ont fait l’objet de débats au sein du groupe de travail.

Le gouvernement a cependant élaboré un projet de loi relatif au harcèlement sexuel, présenté par Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice et déposé le 13 juin dernier au Sénat.

Ce projet de loi a été examiné en séance publique par le Sénat les 11 et 12 juillet dans le cadre de la procédure accélérée, afin qu’il soit remédié le plus rapidement possible au vide juridique consécutif à la décision du Conseil constitutionnel. Le texte adopté est à présent transmis à notre Assemblée : c’est sur la base de ce texte que la Délégation présente son analyse et ses propositions, en rappelant toutefois la rédaction originelle du projet, si cela s’avère utile.

C- LE HARCÈLEMENT SEXUEL : UNE RÉALITÉ MAL CONNUE

1.– Une réalité statistique floue

Le harcèlement sexuel, un phénomène très fréquent et qui engendre de grandes souffrances pour les victimes, est paradoxalement mal cerné sur le plan statistique. La seule enquête nationale dont on dispose a été réalisée en 2000.

a) L’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France

Selon les résultats de l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes (ENVEFF), 1,9 % des femmes interrogées disaient avoir subi au cours des douze derniers mois, des faits de harcèlement sexuel et 0,1 % des agressions sexuelles (attouchements, tentatives de viol) en même temps que du harcèlement. Parmi les femmes ayant subi des avances sexuelles non désirées, une femme sur sept disait y avoir été exposée plus de dix fois, voire quotidiennement ou presque. Certains facteurs semblaient augmenter les risques de subir du harcèlement sexuel : ainsi la proportion de femmes de 20 à 24 ans victimes de tels faits était six fois plus importante que celle des femmes de plus de 45 ans.

Le statut professionnel semblait également jouer un rôle : les apprentis et stagiaires étaient plus concernés que les autres catégories de salariés, les femmes ayant une profession libérale étaient aussi plus touchées par le phénomène.

b) L’enquête de la Seine-Saint-Denis sur les violences sexuelles faites aux femmes au travail

Le service interentreprises de santé au travail du département de la Seine Saint-Denis a proposé d’effectuer une enquête sur les violences sexuelles faites aux femmes au travail, sous l’impulsion du Dr Jean-Michel Sterdyniak, médecin du travail. Cette enquête s’est inscrite dans une action régionale définie comme prioritaire par les institutions et les mouvements associatifs représentés dans le département.

L’enquête, réalisée sous forme de questionnement anonyme, s’est déroulée entre le 4 juin et le 13 juillet 2007 : 1 900 femmes salariées de Seine-Saint-Denis ont été sollicitées pour participer à cette enquête. Au total, 83,2 % des réponses ont été exploitées, soit 1 545 questionnaires.

L’état des lieux est édifiant.

• Ainsi 45 % des femmes déclarent avoir entendu des blagues sexistes ou sexuelles au travail, et la moitié d’entre elles de façon répétée. Une proportion de 14 % des femmes déclarent être confrontées à la présence de pornographie sur leur lieu de travail (calendriers, messages électroniques, images pornographiques sur l’écran d’ordinateur ou affichage sur les murs).

• un pourcentage de 13 à 14 % des femmes interrogées déclare avoir été l’objet d’avances sexuelles verbales non désirées, ou subi des attitudes insistantes ou des gestes déplacés au cours de l’année précédente, et cela plusieurs fois pour 5 à 6 % d’entre elles.

• 9 % des femmes déclarent avoir reçu des avances sexuelles agressives au cours de l’année passée (pour 3 % plusieurs fois) et 2 à 2,5 % des femmes ont subi un « pelotage » ou ont été coincées par quelqu’un voulant les embrasser. 1,6 % des salariées déclarent avoir eu affaire à un voyeur dans le cadre du travail au cours de l’année écoulée et 1,5 % à un exhibitionniste.

• 0,4 % des femmes interrogées déclarent avoir été victimes d’attouchements sexuels, ce qui, rapporté à la population féminine de Seine Saint-Denis représenterait entre 150 et 1 000 attouchements sexuels par an ;

• 0,6 % des femmes déclarent avoir été obligées de subir un rapport sexuel contre leur gré ;

• 98 % des femmes n’ont pas engagé de poursuites judiciaires. En cas d’agressons sexuelles et exhibitionnisme, la proportion d’actions judiciaires est de 12 %.

L’enquête met aussi en évidence que les faits de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles perpétrés sur le lieu de travail sont moins rapportés par les victimes, dans l’immense majorité des femmes, que les autres formes d’agressions sexuelles subies à l’extérieur. Seulement 10 % des femmes interrogées ayant subi ces faits ont dit avoir exprimé sur le moment des réactions physiques (pleurs, cris..) ; une femme sur cinq n’a rien pu faire, ou a décidé de ne rien faire.

c) L’enquête sur les comportements sexistes et violents envers les jeunes filles

Parallèlement à cette enquête départementale, le Conseil général de Seine-Saint-Denis a commandé dans le cadre de son Observatoire des violences envers les femmes, une enquête sur les comportements sexistes et violents envers les jeunes filles qui a eu lieu en 2006. À cette fin, 1 600 jeunes filles de 18 à 21 ans ont été questionnées entre avril et décembre 2006.

• 5 % des jeunes filles disent avoir subi des violences sexuelles graves au cours des douze derniers mois dans les différents cadres de vie ;

• 68 % des jeunes filles victimes en avaient déjà parlé ;

• 15 % des enquêtées disent avoir subi un harcèlement sexuel, 0,4 % une agression sexuelle sur leur lieu de travail.

L’ensemble de ces résultats recueillis au plan départemental témoigne de l’existence d’un phénomène d’une ampleur insoupçonnée et inquiétante. Il est donc essentiel de conduire une enquête approfondie pour disposer de statistiques actualisées à l’échelle nationale, plus de douze ans après l’ENVEFF.

La Délégation demande qu’une enquête statistique complète sur les violences faites aux femmes soit conduite au plan national pour mieux cerner cette réalité tant dans le monde du travail que de manière plus générale. Un volet consacré spécifiquement au harcèlement sexuel devra être prévu. Cette enquête devra permettre de guider l’action des pouvoirs publics, en termes de prévention comme d’évaluation des politiques publiques.

L’enquête devra comporter un volet particulier sur la réalité des atteintes sexuelles et du harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur. En effet, les étudiantes ou étudiants victimes de ces comportements sont dans une situation de particulière vulnérabilité, du fait de leur jeunesse et parce qu’elles ne sont pas protégées par les dispositions du code du travail.

La Délégation propose en outre de reprendre à son compte la recommandation faite par la Délégation aux droits des femmes du Sénat en faveur de la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes, initiative qui sera évoquée de manière plus approfondie dans la troisième partie du présent rapport.

2.–  Des poursuites pénales plutôt rares et peu de condamnations prononcées

Les statistiques produites dans l’étude d’impact jointe par le Gouvernement au projet de loi sur le harcèlement sexuel montrent que ce délit n’entraîne que peu de poursuites pénales.

Les données recueillies par le parquet établissent que le nombre d’affaires nouvelles pour des faits de harcèlement sexuel oscille entre 803 et 923 entre 2003 et 2008. Après 2008, en raison d’un changement de l’outil statistique, les données sont plus difficiles à exploiter mais le ministère de la Justice estime que le nombre d’affaires nouvelles s’élève à un millier de procédures par an environ. La réalité du phénomène de harcèlement sexuel est donc bien supérieure à ces chiffres.

Par ailleurs, dans les juridictions équipées de la nouvelle chaîne pénale (NCP) (3), on constate qu’entre 75 et 90 % des affaires nouvelles a fait l’objet d’une décision d’orientation pénale ; dans les juridictions équipées du logiciel Cassiopée, ce taux est plus bas, compris entre 29 et 50 %.

Parmi les affaires ayant fait l’objet d’une orientation pénale, les données des juridictions pénales équipées de la NCP montrent que 54 à 61 % des affaires ont fait l’objet d’un classement sans suite au motif que l’infraction n’est pas susceptible de poursuites, soit qu’elle soit insuffisamment caractérisée, soit qu’un motif juridique empêche la poursuite. Pour les juridictions reliées par la chaîne pénale Cassiopée (4), 61 % de ces affaires sont classées.

Au sein des affaires poursuivables, le taux de réponse pénale se situe entre 66 et 82 % entre 2008 et 2011, les autres affaires étant classées pour inopportunité. Enfin, un tiers environ fait l’objet d’un rappel à la loi ; en fin de compte, entre 34 % et 51 % des affaires poursuivables font réellement l’objet d’une poursuite.

Enfin, de 1994 à 2003, le nombre d’infractions de harcèlement sexuel ayant donné lieu à condamnation s’est établi entre 30 et 40 par an. En 2004, ce chiffre s’est élevé à 63. Pour la période 2005 à 2010, entre 70 et 85 infractions ont donné lieu à condamnation chaque année.

Ces chiffres montrent bien que porter plainte pour harcèlement sexuel constitue un vrai parcours d’obstacles. La durée moyenne des procédures est très longue : le délai moyen entre les faits les plus récents et la date du jugement en première instance est de 27 mois et la ténacité de la plaignante est indispensable.

3.– Une réalité ayant des conséquences sur la santé et la vie professionnelle des victimes

Le médecin psychiatre Marie-France Hirigoyen (5)s’est particulièrement intéressée aux situations de harcèlement, sexuel et moral, qui présentent d’ailleurs selon elle des points communs.

Le harcèlement est toujours un processus évolutif qui progresse par étapes. Le harcèlement naît parfois de manière anodine et va se propager insidieusement. Les attaques se multiplient et les manœuvres hostiles se développent sur une longue période. « C’est la répétition des vexations, des humiliations, sans aucun effort pour les nuancer, qui constitue le phénomène destructeur. L’entourage professionnel, par lâcheté, égoïsme ou par peur, préfère se tenir à l’écart ». Concernant plus particulièrement le harcèlement sexuel, celui-ci reste un bastion de la loi du silence comme le remarque le Dr Hirigoyen, qui fait état de la grande tolérance culturelle face au comportement des harceleurs qualifiés de séducteurs. La plupart des incidents ne sont pas rapportés et quelquefois une solution discrète est négociée.

« Dans le harcèlement sexuel, il ne s’agit pas tant d’obtenir des faveurs de nature sexuelle que de marquer son pouvoir, de considérer la femme comme étant un objet sexuel " à disposition " ». Ce type de comportement, évidemment néfaste pour la personne concernée, a toujours des effets destructeurs sur l’ambiance générale du lieu de travail.

Parfois, lorsque le harceleur rencontre la résistance de la victime qui refuse de céder à ses avances, le harcèlement moral succède au harcèlement sexuel, par représailles. Les deux procédés sont très proches. « Dans les deux cas, il s’agit d’utiliser l’autre, de le considérer comme un objet à sa disposition et de l’humilier afin de mieux le manipuler…Ce mélange de harcèlement sexuel et de harcèlement moral existe dans tous les milieux ». C’est toujours la peur qui conditionne et induit le comportement docile de la victime.

« Dans le harcèlement sexuel comme dans la plupart des agressions de nature perverse, c’est la victime qui porte seule la culpabilité de la situation ». L’agresseur reste le plus souvent dans le déni, considère son attitude comme normale et l’entourage lui manifeste fréquemment une certaine complaisance.

Les conséquences sur la santé de la victime sont multiples : anxiété, culpabilité et honte, états dépressifs majeurs pouvant conduire au suicide. Les trois-quarts des personnes harcelées se retrouvent en arrêt de travail, ce qui implique donc un coût social et économique non négligeable pour la société, outre les conséquences personnelles pour la santé et l’insertion professionnelle ou la carrière des victimes.

II.  LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI

Le dispositif proposé à l’origine par le Gouvernement produit des effets dans deux codes : le code pénal (article 1 et 2 du projet de loi) et le code du travail (article 3). Le texte adopté par le Sénat élargit ses effets en outre au statut de la fonction publique : c’est l’article 3 bis (nouveau). Ensuite, prennent place des dispositions d’harmonisation dans le code du travail applicable à Mayotte (article 4) et d’applicabilité à Wallis-et-Futuna, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie (article 5).

Pour ce qui concerne les modifications apportées au code pénal, l’« architecture » du projet de loi repose sur trois piliers :

– le premier est une définition du harcèlement sexuel qui s’inspire largement du droit communautaire. Il s’agit de la partie I de l’article 1er du projet. Les comportements sanctionnés par cette disposition correspondent à l’acception courante du mot « harcèlement », qui implique selon le dictionnaire une répétition des attaques, des critiques ou des moqueries ;

– le deuxième pilier tente de caractériser un autre type de comportement répréhensible qui ne procède pas de faits répétés subis par la victime mais d’un acte unique. Cet acte a été évoqué au cours des travaux au Sénat, puis l’Assemblée nationale sous les termes de « chantage sexuel », de « chantage à caractère sexuel » ou de « coercition sexuelle », par exemple. La définition de ce comportement figure à la partie II de l’article 1er du projet ;

– le troisième pilier complète la section du code pénal consacrée aux discriminations par la pénalisation des discriminations qui peuvent résulter du harcèlement sexuel. Il s’agit de l’article 2 du projet de loi.

Il convient d’analyser tout d’abord ces trois éléments importants modifiant notre code pénal, avant d’aborder, dans la partie III du présent rapport, les actions qui doivent accompagner l’adoption du projet de loi, ainsi que les autres axes de travail à mener pour renforcer la lutte contre les actes de violence ou de harcèlement commis à raison du sexe ou de l’identité sexuelle.

A.– LES DISPOSITIONS PÉNALES

1.– Une bonne définition du harcèlement sexuel constitué par des actes répétés, qui pourrait être complétée

La partie I de la rédaction de l’article 222-33 du code pénal introduite par l’article 1er du projet de loi pose clairement une définition très attendue du harcèlement sexuel. Sa rédaction telle qu’elle est issue de l’examen par le Sénat prévoit que : « Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Cette disposition complète le paragraphe 4 de la section du code pénal consacrée aux agressions sexuelles (articles 222 et suivants). La définition qu’elle propose comporte de nombreux points positifs.

Tout d’abord, la suppression de la notion de « faveurs de nature sexuelle », encore présente dans le texte issu de la loi de 2002, s’impose car elle comportait une connotation favorable ou positive qui n’a pas sa place dans les phénomènes contre lesquels s’inscrit le projet de loi. En outre, il était très difficile de prouver que le harcèlement avait pour but d’obtenir des « faveurs sexuelles » : le nombre très faible de condamnations le montre largement.

Surtout, cette disposition englobe l’ensemble des manifestations du harcèlement sexuel pris dans son acception « classique » liée à la répétition des faits, à une continuité de la situation imposée à la victime. Les éléments constitutifs de l’infraction sont les propos ou les agissements à connotation sexuelle.

La rédaction retenue par le Sénat a supprimé les mots « comportements ou tous autres actes (à connotation sexuelle) » : l’on peut s’interroger sur la suppression du mot « actes », qui semblait approprié car assez large pour permettre au magistère public de recueillir des éléments de preuve divers, et faciliter donc le travail des praticiens « sur le terrain ». Ce mot « acte » est présent par exemple dans la définition du viol (article 222-23) et est utile pour élargir le champ de la preuve pour cette catégorie de poursuite.

Il conviendra de vérifier lors de l’examen de l’application de la loi si le mot « agissements » finalement retenu offre la même latitude ; on peut le supposer a priori.

Dans la nouvelle définition de ce délit de harcèlement sexuel, les éléments intentionnels ont été élargis : l’élément intentionnel n’est plus seulement la recherche d’une relation sexuelle avec la victime, mais peut être la volonté d’humilier la victime, ce qui est souvent le cas, notamment pour les personnes homosexuelles et transsexuelles, souvent exposées à ce genre de manœuvre. La prise en considération d’éléments de nature plus subjective qui se rattachent en partie au « ressenti » de la victime est un progrès : les actes en question « portent atteinte à la dignité » de la victime, ou « créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Pour recueillir les éléments de preuve, l’enquêteur cherchera à démontrer que s’est mise en place l’une ou l’autre, ou plusieurs de ces conséquences sur la vie et la situation de la victime.

Pour faciliter la réunion des éléments de preuve, il serait utile d’ajouter le cas d’une dégradation de la situation physique ou mentale de la victime. Cette évolution de la situation de la victime peut-être prouvée de manière objective, par des certificats médicaux, des arrêts de travail pour maladie, le témoignage de proches. Les souffrances qu’entraînent pour les victimes des faits de harcèlement sexuel, souvent répétés sur une longue période, ont été évoquées dans la première partie du présent rapport. Il apparaît logique d’en tirer un élément de facilitation pour la recherche de la preuve.

La Délégation propose de compléter le paragraphe I de l’article 1 par les mots : « soit entraînent une altération de sa santé physique ou mentale ».

Un élément de preuve de cette nature peut être un apport positif pour l’enquêteur et le magistrat instructeur, car le harcèlement sexuel est, comme les violences psychologiques, un délit qui se commet en lieu privé et hors la présence de témoins, ce qui a pour conséquence la situation peu satisfaisante de « la parole de la victime contre la parole de l’agresseur » au moment de l’enquête et de l’instruction. Une expertise psychologique de la victime peut être demandée ; une incapacité physique pourra être définie, permettant à la victime de se constituer partie civile pour obtenir réparation des dommages que les agissements auront causé sur sa santé et ses activités professionnelles.

Avec cet ajout, la Délégation considère que la définition serait suffisamment complète et claire pour répondre à l’exigence d’interprétation stricte du droit pénal par les magistrats. Elle comportera des éléments constitutifs du délit assez précis tout en ouvrant largement le champ des comportements répréhensibles ; les éléments de preuve pourront être de plusieurs natures et objectifs, ce qui donnera davantage de chances d’aboutir et d’éviter le classement sans suite faute de preuve.

La notion d’environnement, qui figurait dans le projet de loi initial, est inconnue en droit pénal. Il est donc préférable qu’elle ait été remplacée, lors de l’examen par le Sénat, par celle de « situation ».

2.– La création d’un délit « acte unique » assimilé au harcèlement risque d’affaiblir l’ensemble des dispositions réprimant les atteintes à l’intégrité de la personne

Ainsi que cela a été indiqué plus haut, le deuxième pilier du projet de loi crée un autre délit, constitué d’un acte unique celui-là, qui est assimilé à un harcèlement sexuel.

Ce délit est institué dans la partie II de la rédaction de l’article 222-33 du code pénal introduite par l’article 1er du projet de loi. Dans le texte adopté par la commission des lois du Sénat, ce délit était « le fait, même non répété, d’user d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

Le projet veut ici donner une base de poursuite pour des faits que l’on appelle communément « droit de cuissage », et qui s’exercent à l’occasion de la recherche d’emploi, de la promotion professionnelle, de la recherche de logement, de l’accès à une formation professionnelle, à un poste de recherche ou d’enseignement, ou encore lors de la candidature à une allocation de recherche de l’enseignement supérieur, par exemple, pour n’évoquer que les situations les plus fréquemment dénoncées aux associations compétentes.

Cette disposition appelle une première observation.

Le texte issu de l’examen au Sénat remplace la notion de « relation de nature sexuelle » par « acte de nature sexuelle » : il y a là une amélioration incontestable, car le mot relation suggère davantage un échange « consenti » ; le mot acte étant suffisamment large et ouvert à la recherche de la preuve, comme cela a déjà été souligné plus haut.

Cependant, l’assimilation prévue par le projet pose plusieurs problèmes.

La répétition que sous entend le pluriel des mots ordres, menaces, contraintes rapproche ces agissements du harcèlement décrit dans la première partie. On pourrait donc en déduire qu’il s’agirait d’une tentative de harcèlement sexuel, cependant le mot même de harcèlement, comme cela a été souligné, interdit que le comportement incriminé se soit produit en une seule occasion. Il y a donc un affaiblissement de la portée du I.

On pourrait alors décider de faire des actes visés par cette partie II un « chantage à caractère sexuel ». Mais l’institution de ce nouveau délit devrait alors figurer dans la section du code pénal consacrée au chantage (article 312-10 et suivants). Le chantage est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ; la peine étant alourdie si l’auteur du chantage a mis sa menace à exécution.

En réalité, créer ce nouveau délit ne paraît pas nécessaire, car des incriminations existent déjà pour réprimer ces agissements.

En effet, la référence aux ordres, aux menaces et aux contraintes conduit à penser qu’il y a en réalité acte préparatoire ou commencement d’exécution d’une tentative de viol (article 222-23), ou d’une agression sexuelle autre réprimée par l’article 222-27 et suivants. On notera que la tentative d’agression sexuelle autre que le viol est punie des mêmes peines que l’agression réalisée, soit cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. En outre, l’article 222-28 prévoit une peine aggravée lorsque l’infraction est commise « par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions », ce qui correspond bien à nombre de cas qui viennent d’être cités.

Existe aussi la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes, sanctionnée par l’article 222-17 du code pénal.

Si la victime n’a pas cédé aux « ordres, menaces, contraintes » ou s’il n’y a pas eu contact physique, il peut être considéré qu’il y a tentative de viol ou d’agression sexuelle (la jurisprudence l’établit) ; si elle a cédé, le crime de viol est bien constitué.

L’arsenal des dispositions pouvant être le fondement de poursuites pour les agissements visés existe donc. Il apparaît que la difficulté de porter plainte et de voir les faits poursuivis par l’action publique s’explique davantage par d’autres facteurs sur lesquels nous reviendrons : les victimes ne sont pas toujours suffisamment informées ; la formation des enquêteurs et des magistrats instructeurs là encore n’est pas suffisante, car si de bonnes pratiques se sont imposées dans certaines juridictions à l’initiative des procureurs, ce n’est pas le cas partout ; enfin, les éléments de preuve sont souvent difficiles à réunir.

Or cette disposition du projet de loi n’apporte rien de plus concernant la facilité de réunir les preuves des agissements répréhensibles. La déception des victimes face à l’abandon des poursuites sera toujours la même.

De nombreuses associations qui se trouvent aux côtés des victimes dans leur défense craignent que, grâce à cette disposition, des viols ou des agressions sexuelles soient poursuivis sur le fondement de la disposition relative au harcèlement sexuel, car le fait d'élargir le champ de cette dernière incrimination le permettrait d’autant plus aisément.

C’est pourquoi il serait souhaitable de supprimer de la partie II de l’article 1er du projet les mots « ordres », « menaces », « contraintes ».

La disposition se concentre alors sur la notion de « pression grave »qui définira l’acte unique assimilé au harcèlement.

La Délégation propose de définir le délit consistant en un acte unique de la manière suivante : « Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

Cette rédaction briserait la confusion entre le harcèlement sexuel et l’acte préparatoire ou le commencement d’exécution d’un délit ou d’un crime réprimé par ailleurs. Elle a l’avantage d’inclure l’intention de l’auteur ou, même si l’intention ne pouvait être prouvée, le ressenti de la victime.

3.– Les sanctions applicables : prévoir la circonstance aggravante liée à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre

Initialement, le projet de loi prévoyait de réprimer d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le harcèlement défini au I de l’article 1er, et de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende les comportements assimilés au harcèlement, tels qu'ils sont décrits au II. La commission des Lois du Sénat a proposé d'unifier la répression en la portant, dans les deux cas, à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende. Cette modification a reçu l'approbation du Gouvernement, dans la mesure où l'on peut considérer qu'un fait unique peut avoir une gravité et des conséquences aussi fortes pour la victime que la réitération de faits moins graves pris isolément.

Il appartiendra au juge d'en faire l'appréciation. L’on peut relever que d’après les données statistiques établies par le ministère de la Justice, et qui ne portent que sur un nombre très faible de condamnations, comme cela a déjà été souligné, la peine d’emprisonnement a été prononcée dans 78 % des décisions entre 2005 et 2010, mais en étant très généralement assortie du sursis total. Lorsque l’emprisonnement ferme a été prononcé, soit 2 à 4 cas par an, le quantum de la peine a oscillé en moyenne entre 2 et 3,8 mois selon l’année considérée. La peine d’amende est fréquemment prononcée à titre principal, généralement ferme, et s’élève en moyenne à 1 000 euros.

Le projet de loi prévoit des circonstances aggravantes au nombre de cinq : il appelle selon votre rapporteure un complément.

Le Gouvernement a proposé d'aggraver les peines du harcèlement dans quatre hypothèses : premièrement, lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; deuxièmement, lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ; troisièmement, lorsque les faits sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ; quatrièmement, lorsque les faits sont commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.

Dans ces quatre cas, les peines seront portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

Ces différentes circonstances aggravantes sont déjà prévues pour le crime de viol ou les agressions sexuelles. Il est ainsi cohérent de les prévoir en matière de harcèlement sexuel.

Une circonstance aggravante a été ajoutée lors de l’examen du projet par le Sénat : la vulnérabilité particulière de la victime ou sa dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l’auteur. Cet ajout est positif, et il semble que la preuve puisse être facilement faite, la situation économique, sociale, familiale de la victime pouvant être connue lors de la recherche d’emploi ou de la candidature pour un logement, par exemple.

La Délégation considère que les cas d’aggravation de la sanction devraient être complétés par un 6ème point prenant en considération l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle de la victime des actes décrits par le I de l’article 222-33 du code pénal comme par le II.

L’un des enjeux du présent de projet de loi est en effet de lutter contre les comportements sexistes ou homophobes, mais encore de prendre en considération le harcèlement dont sont très souvent victimes les transsexuels et personnes en transition sexuelle, sans que les agissements aient obligatoirement pour but d’obtenir un acte à caractère sexuel.

4.– Une sanction appropriée des discriminations résultant du harcèlement sexuel

Le Gouvernement a complété ce dispositif pénal avec une sanction des discriminations qui peuvent résulter des faits de harcèlement sexuel. Il s’agit de l’article 2 du présent projet de loi.

En réalité, cet article 2 restaure une disposition pénale qui était prévue à l’article L. 152-1-1 de l’ancien code pénal, et qui a disparu du nouveau code créé par l’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, entré en vigueur le 1er mars 2008.

L’article 2 complète donc les articles 225-1 et 225-2 du code pénal réprimant les discriminations, en y ajoutant un article 225-1-1 relatif aux discriminations intervenant en raison de l'acceptation ou du refus par une personne de subir des agissements de harcèlement sexuel, y compris si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée.

Il convient de souligner que le code du travail, dans ses articles L. 1153-1 à L. 1153-3, interdit les agissements de harcèlement sexuel ainsi que les discriminations envers un salarié ou un candidat qui aurait subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel. Sont également protégés les salariés qui auraient témoigné de tels agissements ou les auraient relatés.

Le droit du travail, notamment grâce à la jurisprudence construite par les juridictions civiles, comporte les éléments nécessaires à l’interdiction et à la sanction de ces agissements sur le plan civil. Le Gouvernement a néanmoins voulu adresser un signal fort en ouvrant la possibilité d’invoquer la discrimination devant le juge pénal outre la saisine du conseil des prud’hommes.

Ces faits seront punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, en application de l’article 225-2 du code pénal consacré à la sanction des discriminations. Le projet de loi ajoute la référence à l’article 432-7 du code pénal, pour le cas où les faits sont commis par un agent public ou dans un lieu accueillant du public : les peines sont alors portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Une interrogation se pose malgré tout quant à l’échelle des sanctions au sein du code pénal.

Une réflexion sur l’échelle des peines établie entre les différentes parties du code pénal s’impose. Dans le premier état du projet de loi, la forme la plus grave de harcèlement sexuel aurait été moins punie que le délit de vol simple, ce qui aurait maintenu une sous-pénalisation choquante des atteintes aux personnes par rapport aux atteintes aux biens. La commission des Lois du Sénat, a aggravé le quantum de la peine.

Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, a reconnu lors de l’examen du projet en séance publique au Sénat qu’il y a « un problème de cohérence dans notre code pénal …car, ces dernières années, l’adoption d'une profusion de lois souvent circonstancielles a abouti à pénaliser plus fortement les atteintes aux biens. Ce fut le cas, en particulier, en mars 2011, avec l'inscription, à l'article 311-5 du code pénal, d'une peine de sept ans d'emprisonnement pour sanctionner des vols commis dans des locaux contenant des fonds ».

Par ailleurs, depuis juillet 2008, l'article 311-4-2 du code pénal dispose que le vol est puni de sept ans d'emprisonnement, au lieu de trois ans auparavant, lorsqu'il porte sur un objet classé.

La cohérence des quanta de peines applicables aux délits ou aux crimes prévus par le code pénal, et, plus généralement, de l'échelle des valeurs dans la société conduit à s’interroger. Il paraît plus grave de porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique des personnes que de s'en prendre aux biens ; or ceci ne se traduit pas dans le code pénal en matière d'échelle des peines.

Ainsi que l’a souligné la Ministre lors de la séance publique au Sénat, il s’agit de « parer au plus pressé » en veillant à la cohérence des peines encourues pour les infractions à caractère sexuel.

5.– L’incrimination des discriminations commises à raison de l’identité sexuelle

Un article 2 bis (nouveau) a été ajouté au projet de loi lors de l’examen par le Sénat : il s’agit d’incriminer les discriminations commises à raison de l’identité sexuelle. L’article 225-1 du code pénal énumère les motifs de discrimination qui peuvent donner lieu à des poursuites, mais il ne prend pas en considération les discriminations liées à la situation des personnes transsexuelles ou transgenre.

Ces personnes subissent en effet fréquemment des discriminations qui ne sont commises ni à raison de leur sexe, ni à raison de leur orientation sexuelle, mais à raison de leur situation particulière d’homme ou de femme ayant une apparence physique ne correspondant pas à leur état civil ou ayant changé d’état civil.

En remplaçant la notion « d’orientation sexuelle » par celle « d’orientation ou identité sexuelle », ces discriminations devraient pouvoir être poursuivies sur la base de l’article 225-1 du code pénal.

6.– La possibilité d’agir en justice des associations élargie

Deux articles ont été ajoutés par amendement, avec avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement, au dispositif du projet de loi lors de l’examen en séance publique au Sénat.

Le premier – l’article 2 ter (nouveau) – a été présenté par Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues. Il vise à ouvrir aux associations dont l’objet statutaire est la lutte contre le harcèlement sexuel la possibilité d’exercer l’action civile, dans le cadre du dispositif prévu à l’article 2-2 du code de procédure pénale.

En effet, l’article 2-2 indique quelles sont les associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile, en énumérant les infractions mentionnées dans les statuts de l’association. Fait notamment partie de l’énumération la lutte contre les « violences sexuelles ou contre les violences exercées sur un membre de la famille ». Cependant, une association spécialisée dans le soutien aux victimes de harcèlement sexuel ne pourrait pas exercer ce droit, faute de voir précisément inscrit cet objet dans l’article 2-2.

L’article adopté par le Sénat étend le champ de l’application de l’article 2-2 en ajoutant clairement la référence aux associations luttant contre le harcèlement sexuel.

Le second article – article 2 quater (nouveau) a été présenté par Mme Brigitte Gonthier-Maurin et plusieurs de ses collègues. Il actualise et complète le dispositif de l’article 2-6 du code de procédure pénale pour étendre, également, la liste des objets statutaires des associations luttant contre les discriminations à la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, et non plus seulement sur le sexe ou les mœurs.

La Délégation approuve ces deux insertions au code de procédure pénale.

B.– COMPLÉTER LE CODE DU TRAVAIL POUR MIEUX SANCTIONNER LES DISCRIMINATIONS RÉSULTANT DU HARCÈLEMENT

Le présent projet de loi procède à quelques modifications au sein du code de travail, afin d’harmoniser les définitions du harcèlement sexuel ou moral figurant dans le code du travail avec les définitions de ces délits dans le code pénal.

L’article 2 du projet de loi retient une nouvelle rédaction de l’article L. 1152-1 du code du travail interdisant le harcèlement moral dans le cadre des relations de travail. Le nouvel article renvoie à la définition retenue par le code pénal au lieu d’insérer la définition du harcèlement moral de manière complète.

De la même manière et toujours dans le but d’éviter les doubles définitions, concernant le harcèlement sexuel, le nouvel article L. 1153-1 qui interdit le harcèlement sexuel dans le cadre des relations de travail, renvoie à la définition retenue par le code pénal.

Plusieurs associations œuvrant pour la défense des droits des femmes auditionnées par la commission des Lois de l’Assemblée nationale, ainsi que par la Délégation, ont fait part de leurs craintes quand à la technique juridique consistant à renvoyer la définition du harcèlement au code pénal. Néanmoins, ce renvoi ne semblait pas poser de problème aux yeux des magistrats qui ont été entendus par la commission des Lois et par la Délégation.

L’article L. 1153-2 qui sanctionne toutes les discriminations pouvant résulter d’un refus de subir un harcèlement sexuel est complété par les mots « y compris si ces agissements n’ont pas été commis de manière répétée » ceci afin d’intégrer logiquement l’acte unique grave visé au II du texte proposé par pour l’article 222-33 du code pénal par l’article 1er du projet de loi.

L’article L. 1152-2 qui sanctionne pénalement les faits de harcèlement moral et sexuel est complété par un alinéa sanctionnant de manière identique les faits de discrimination commis à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel.

Par ailleurs, l’article L. 2313-2 relatif aux attributions des représentants du personnel rajoute logiquement les faits de harcèlement sexuel ou moral parmi les discriminations pouvant être constatées par le représentant du personnel. Ceci signifie que les représentants du personnel auront la faculté de procéder au signalement des agissements de harcèlement sexuel ou moral au sein de l’entreprise.

L’article L. 4622-2 du code du travail relatif aux missions des services de santé au travail est complété afin d’inclure dans les missions de prévention, le fait de prévenir le harcèlement sexuel ou moral.

L’article L. 8112-2 relatif aux compétences des inspecteurs du travail est complété : parmi les infractions commises en matière de discriminations sont ajoutés les délits de harcèlement sexuel ou moral. Puisque le harcèlement sexuel et le harcèlement moral seront définis dans le code du travail par renvoi au code pénal, il devenait nécessaire d’inclure dans la liste des infractions du code pénal que les inspecteurs du travail sont habilités à constater, les infractions de harcèlement sexuel et de harcèlement moral prévues aux articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal.

Ces différents ajouts au code du travail paraissent aller dans le bon sens et soulignent le rôle essentiel susceptible d’être joué par les acteurs de la médecine du travail, en matière de prévention de toutes les formes de harcèlement.

C.– LA COORDINATION AVEC LE STATUT DE LA FONCTION PUBLIQUE

La Délégation aux droits des femmes du Sénat avait, parmi d’autres voix, attiré l’attention sur le besoin de coordonner les dispositions de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, en soulignant que l’administration et les agents publics ne pouvaient rester à l’écart de la réforme de la définition du harcèlement.

L’examen du projet en séance publique au Sénat a été l’occasion d’une coordination, par l’adoption d’un article 3 bis (nouveau) modifiant l’article 6 ter de cette loi de 1983. L’interdiction du harcèlement sexuel y est posée, avec la définition des deux formes de harcèlement, ainsi que l’interdiction de la discrimination.

La Délégation approuve cette coordination ; elle formule les mêmes propositions de modification des définitions des deux types d’actes de harcèlement que pour les dispositions relevant du code pénal.

III. —  CONTRE LE HARCÈLEMENT SEXUEL ET LES AUTRES FORMES DE VIOLENCE : CHANGER LES MENTALITÉS, FACILITER L’ACTION DES VICTIMES

A.– MIEUX IMPLIQUER TOUS LES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES

La nécessité de conduire une enquête générale sur les violences faites aux femmes en France a déjà été évoquée plus haut.

Au-delà de la réalisation de cette enquête, il paraît indispensable de disposer d’une cellule pérenne chargée de recueillir les informations et de réaliser des études régulièrement, afin d’aider les pouvoirs publics à faire évoluer les politiques de lutte contre ces violences. Plutôt que de créer ex nihilo une nouvelle structure, il serait souhaitable de réunir en réseau les observatoires déjà créés au plan local, comme l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Il existe en effet de multiples initiatives des collectivités territoriales en matière de lutte contre les violences faites aux femmes qui mériteraient un échange de bonnes pratiques au niveau national.

Votre rapporteure soulignera que le service du droit des femmes dispose de chargées de mission régionales et de déléguées départementales, à qui incombe le travail de coordination de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes, mais dont les moyens d’action sont hélas réduits. Ces services devraient être des relais pour l’organisation des enquêtes et la remontée des informations, et même jouer un rôle essentiel dans l’impulsion des nouvelles initiatives.

La Délégation approuve donc la proposition de Mme la Ministre des Droits des femmes de créer un observatoire national des violences envers les femmes.

On soulignera que la création d’un tel observatoire national était prévue par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, dans son article 29.

Il convient de rappeler que les déléguées départementales doivent jouer un rôle d’impulsion dans la rédaction des protocoles départementaux de lutte contre les violences faites aux femmes, documents qui permettent d’inscrire dans la durée les bonnes pratiques et les collaborations existantes. Il conviendrait de faire le point sur l’adoption de ces protocoles, car ils n’ont pas encore tous été établis, ainsi que l’a relevé le rapport d’information de la Délégation sur l’application de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes (6). Comme l’a souligné ce rapport, le protocole adopté par le département de Seine-Saint-Denis, qui décrit de manière précise le rôle de chacun des intervenants, témoigne de la progression qualitative et quantitative que l’on peut obtenir dans l’application des lois sur les violences lorsque les acteurs travaillent en réseau.

Il est urgent d’établir ces protocoles départementaux, afin de connaître les acteurs associatifs, de formaliser leur coopération et de répartir les rôles pour l’aide et la prise en charge des victimes, que ce soit pour l’application de la loi sur les violences faites aux femmes (avec la mise en œuvre de l’ordonnance de protection) ou pour la loi sur le harcèlement que nous étudions ici.

La Délégation demande que soit établi un bilan de la rédaction des protocoles départementaux de lutte contre les violences faites aux femmes.

Également, la commission départementale sur les violences faites aux femmes a été supprimée dans certains départements, comme la Vienne par exemple, pour être fondue avec le conseil départemental de lutte contre la délinquance. Il n’y a plus de ce fait de lieu d’analyse et d’action prenant en compte les spécificités de la violence envers les femmes, ce qui est très regrettable.

Il serait souhaitable de rétablir un organe chargé de ces questions au niveau départemental, ce qui peut être fait en lien avec la création de l’observatoire national et les structures et actions locales qu’il va réunir.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, a annoncé qu’une campagne de sensibilisation sur les violences au travail serait conduite après l’adoption du présent projet de loi : la Délégation ne peut qu’approuver une telle initiative contribuant à changer les mentalités et à libérer la parole des personnes témoins de tels actes, sinon celle des victimes elles-mêmes.

La loi du 9 juillet 2010 déjà citée prévoyait en outre, dans son article 21, la formation de l’ensemble des acteurs concernés à la prévention et à la prise en charge des violences faites aux femmes : une date limite de mise en œuvre était prévue au 30 juin 2011. Il conviendrait que le Gouvernement dresse le bilan de cette action de formation.

B.– AMÉLIORER LES ÉLÉMENTS DE PRÉVENTION CONTRE LES VIOLENCES ET LE HARCÈLEMENT

L’école est le lieu de l’éducation et donc un lieu privilégié pour l’apprentissage de l’égalité et la lutte contre toutes les formes de violences. Il existe d’ailleurs des dispositions dans le code de l’éducation qui prévoient la prise en compte de ces problématiques. Dans les programmes il est prévu d’apprendre le respect mutuel, les règles sociales et aussi l’éducation civique.

Tout ceci est d’ailleurs fort bien rappelé dans le rapport d’information sur l’application de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, auquel il convient de se reporter pour une analyse détaillée des dispositions existantes.

Pourtant, on peut observer que, si l’éducation civique a été mise en place, l’éducation sexuelle prévue dans les programmes n’est pas toujours mise en œuvre, du fait d’oppositions diverses. Elle est « remplacée » par des éléments du cours de sciences de la vie et de la terre (SVT) mais les enseignements ne sont en principe pas les mêmes.

Les stéréotypes de genre qu’il conviendrait de combattre ont la vie dure et certains observateurs signalent des relations brutales entre garçons et filles au collège et au lycée. Dès lors, il est nécessaire de travailler de manière plus approfondie avec le ministère de l’Éducation nationale, et d’envisager une campagne nationale qui soit à la hauteur des enjeux.

La Délégation est favorable à une telle action, considérant l’éducation nationale comme un terrain privilégié pour le changement à long terme des comportements et des représentations.

Il convient de mentionner ici la loi organique adoptée en Espagne le 28 décembre 2004, qui constitue une initiative inédite en Europe. Cette loi cadre réglemente pour la première fois la violence faite aux femmes en agissant dans de nombreux domaines : le travail (réduction du temps de travail, autorisations d’absence du poste de travail en cas de mauvais traitements, programme de réinsertion professionnelle) ; la justice (tribunaux exclusivement compétents, procureurs spécialisés dans ce domaine, durcissement des peines encourues, création de l’observatoire national de la violence faite aux femmes et de la délégation du gouvernement contre la violence faite aux femmes) ; la police (corps nationaux de police, rééducation des agresseurs condamnés) ; économie (aides financières pour les femmes victimes directes disposant de faibles ressources, assistance juridique et sociale gratuite, mise en place d’un fonds) ; les médias (images sexistes, publicité non discriminatoire) ; la scolarité (enseignement de l’égalité entre hommes et femmes).

La loi espagnole va donc très loin dans la protection apportée aux femmes. Son étude reste d’actualité pour formuler de nouveaux axes de travail pour la protection des femmes contre les violences et l’évolution des comportements. Dans un premier temps, il est nécessaire de mettre en œuvre des actions de formation et de sensibilisation en direction de professionnels tels que policiers, magistrats, des services de santé au travail également.

C.– FACILITER L’ACTION DES VICTIMES

1.– L’allongement du délai de prescription pose des difficultés et ne résoudrait pas les problèmes pratiques de l’instruction

Un amendement déposé par Mme Muguette Dini, lors de l’examen du projet de loi par le Sénat, soulève une question importante : il porte sur le délai de prescription de l'action publique en matière de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles aggravées. Cet amendement fait suite à une proposition de loi déposée par le même auteur, tendant à allonger le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles autres que le viol, qui avait été examinée, puis rejetée le 19 janvier dernier par le Sénat.

Cet amendement soulève la question de la difficulté pour la victime de violences sexuelles ou de harcèlement de porter plainte, car il arrive souvent que les victimes ne soient pas physiquement, psychologiquement ou matériellement en état de le faire. Ainsi, quand l'agression ou le harcèlement s'est produit dans un milieu professionnel, il est impossible pour une victime de déposer plainte et de se reconstruire avant qu'elle n'ait obtenu sa mutation professionnelle. La victime craint de perdre son travail et redoute des agressions encore plus violentes, qui pourraient devenir moralement insupportables.

La question posée est de savoir si un allongement du délai de prescription permettrait à davantage de victimes de porter plainte, en leur permettant de le faire éventuellement des années plus tard, lorsqu’elles se sentiraient plus libres de le faire. Le débat qui a eu lieu au Sénat à cette occasion a évoqué le bouleversement qu’entraînerait un tel allongement du délai de prescription dans la classification, établie par le code pénal, des infractions sexuelles, de leurs incriminations et de leurs sanctions.

Dans son amendement, Mme Dini a proposé que le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles aggravées et du harcèlement sexuel commis dans le cadre des relations de travail ne coure qu'à compter du jour où la victime n'est plus en relation avec son agresseur ou son harceleur.

Une telle évolution ne résoudrait pas, semble-t-il, les obstacles les plus importants de la poursuite pénale contre ces agissements. En effet, si les craintes et les réticences à agir sont bien compréhensibles, prolonger le délai risquerait de rendre le recueil des preuves encore plus difficile, et il s’agit là du principal obstacle que rencontrent les enquêteurs et les magistrats instructeurs.

L’expérience acquise aujourd’hui par certaines juridictions dans la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes (7) montre que certaines procédures permettent de faciliter le recueil des éléments de preuve et de limiter le nombre des classements sans suite. Cette dernière procédure est en effet ce qu’il faut éviter, car la victime se trouve alors dans une situation encore plus dramatique qu’avant son dépôt de plainte.

2.– Faciliter le dépôt de plainte des victimes : privilégier l’information des enquêteurs et des instructeurs pour éviter les classements sans suite

Si certains tribunaux de grande instance ont pris des initiatives pour améliorer leurs pratiques dans les affaires de violences psychologiques et de harcèlement sexuel ou moral, ce n’est pas le cas de tous.

Certaines juridictions ont élaboré par exemple une grille de questionnement à soumettre de façon habituelle à la victime, formant un document à la disposition du substitut de permanence. Cette trame est utilisable tant par le magistrat instructeur que par l’enquêteur vis-à-vis de la victime. À titre d’exemple, le TGI de Pau, ou celui d’Evry, ont élaboré une telle trame de questions en collaboration avec l’Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM). Cette trame a été élaborée sur la base d’un bilan victimes demandé par le tribunal à l’association. Le tribunal s’était fondé sur l’article 41-1 du code de procédure pénale, qui précise les attributions du procureur de la République dans le cadre de la poursuite des infractions créées par la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes.

L’utilisation d’une telle grille de questionnement permet de mieux cerner le « ressenti » de la victime, ce qui fait souvent apparaître des éléments de preuve auxquels les enquêteurs n’ont pas pensé jusque-là.

La Délégation demande à Mme la garde des Sceaux d’étudier la manière dont les pratiques innovantes créées par certaines juridictions pour l’instruction des faits de harcèlement sexuel pourraient être mises à la disposition des autres juridictions afin d’améliorer le traitement des enquêtes.

3.– L’action du Défenseur des droits pourrait être mieux connue

En matière de harcèlement sexuel ou moral, on peut rappeler le rôle que peut jouer le Défenseur des droits. En effet, parmi les missions qui lui sont imparties, le Défenseur des droits doit lutter contre toutes les discriminations prohibées par la loi et promouvoir l’égalité.

De fait, le Défenseur des droits est chaque année saisi d’une dizaine de réclamations pour des faits de harcèlement sexuel. Ces réclamations sont souvent doublées d’une plainte au pénal.

Les faits sont le plus souvent commis dans le cadre des relations de travail et par un supérieur hiérarchique.

Le Défenseur des droits accompagne les victimes dans leur cheminement et leurs démarches sans jamais imposer un choix. En effet, dans la moitié des réclamations adressées au Défenseur, celles-ci aboutissent à une transaction avec des dédommagements à la clef pour les victimes. Cette procédure présente l’avantage d’être moins traumatisante pour les plaignants qui parfois sont en arrêt de travail et elle peut se cumuler avec des réparations civiles.

Sans doute serait-il bon de mieux faire connaître le rôle du Défenseur des droits et l’appui qu’il peut apporter aux victimes de harcèlement sexuel ou moral en termes d’accompagnement juridique et personnel.

D.– LA RESPONSABILITÉ DES PERSONNES MORALES

Les études réalisées sur le phénomène de harcèlement sexuel montrent qu’il intervient dans la majorité des cas dans le milieu de travail. L’inspection du travail connaît ce phénomène et les enquêtes judiciaires sont souvent issues de signalements effectués par les inspections.

Cependant, si, de manière générale, l’employeur est tenu, aux termes de l’article L 4121-1 du code du travail, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, le droit n’a pas encore placé le harcèlement sexuel au même niveau d’exigence que le viol et les agressions sexuelles. En effet, pour ces derniers actes, l’entreprise peut être déclarée responsable pénalement des faits commis par ses salariés en vertu de l’article 222-33-1 du code pénal.

Plus largement, la mise en cause récente de l’entreprise France Telecom pour faits de harcèlement moral commis à l’encontre de certains salariés, contribue à faire reconnaître la responsabilité des dirigeants de l’entreprise pour les faits commis par leurs cadres.

Lutter avec volontarisme contre le harcèlement sexuel suppose à notre sens de d’ouvrir la voie à la mise en cause d’une personne morale pour harcèlement sexuel : une telle extension de responsabilité pénale de l’employeur constituerait un signal fort pour un réel changement des mentalités et des pratiques. Le lieu de travail, plus que tout autre, ne doit plus admettre le harcèlement sexuel comme une pratique tolérée ou faisant l’objet d’un déni général.

E.– DRESSER UN NOUVEAU BILAN DE MISE EN OEUVRE DE LA LOI DU 9 JUILLET 2010 ET AMÉLIORER LA DÉFINITION DU DÉLIT DE VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE

La commission des Lois a analysé, dans un rapport d’information présenté le 17 janvier 2012, la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010 créant plusieurs infractions pénales portant notamment sur les actes de violence à caractère psychologique et sur le harcèlement moral au sein du couple, ou commis par un ancien conjoint.

Les rapporteurs, M. Guy Geoffroy et Mme Danielle Bousquet, ont constaté l’attente importante suscitée par ce nouveau texte, attente que l’on peut mesurer au nombre de demandes d’information croissant auprès des associations de soutien. Mais ils ont fait état de difficultés rencontrées par les acteurs de terrain (magistrats, forces de l’ordre et associations) pour plusieurs raisons.

La première est que les éléments constitutifs du délit de violences psychologiques ne sont pas clairs, ce qui empêche les associations de renseigner les personnes susceptibles d’en être victimes et fait hésiter les professionnels pour mettre en œuvre une procédure. Comme dans le cas du harcèlement sexuel, il n’y a presque pas de bonnes pratiques ni de directive fournie aux enquêteurs quant à la nature des éléments constitutifs. La deuxième difficulté, que l’on a soulignée pour le délit de harcèlement sexuel, est la difficulté de réunir des preuves. Dans le cas du harcèlement moral au sein du couple, les seuls témoins sont souvent les enfants.

L’article 222-14-3 créé par la loi indique que « les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques. » Cette rédaction est en effet peu précise, et les plaintes sont le plus souvent déposées sur le double fondement de violences physiques et psychologiques. Il n’y a pas encore eu de condamnations sur la base de cet article seulement.

De manière générale, il sera nécessaire de procéder à un deuxième bilan de la mise en œuvre de cette loi importante. Cela pourrait être l’occasion de revenir sur la définition des violences à caractère psychologique et du harcèlement moral, pour décrire les éléments constitutifs d’une manière plus précise et assez large.

Il est difficile de définir une violence psychologique, mais ce sera nécessaire afin de donner des indications aux magistrats instructeurs et aux enquêteurs ; à défaut la création de ce délit risque de rester une protection théorique, si les plaintes recevables sont celles qui se doublent de violences physiques, l’une laissant présumer l’autre.

La Délégation considère que la définition du harcèlement moral dans la sphère familiale ou entre ex-époux, figurant à l’article 222-33-2-1 du code pénal doit être améliorée afin de faciliter le dépôt de plainte et le traitement des procédures relatives à cette infraction.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes, sous la présidence de Mme Catherine Coutelle, a examiné le présent rapport d’information, au cours de sa réunion du mardi 17 juillet 2012.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Notre Délégation doit examiner aujourd’hui le projet de loi relatif au harcèlement sexuel déposé par le Gouvernement au Sénat le 13 juin dernier. Je suis désolée que nous ayons dû quitter l’audition par la commission des Lois de Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice et de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, pour nous réunir, mais il convient d’examiner et d’adopter notre rapport aujourd’hui pour que nos travaux aient la portée la plus large possible. J’excuse bien volontiers ceux de nos collègues qui sont restés à l’audition des ministres, auxquelles ils avaient des questions à poser.

Il convient de rappeler le contexte de l’examen de ce projet de loi : le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 222-33 du code pénal et a décidé, le 4 mai dernier, d’invalider cet article sur lequel étaient fondées les poursuites pour harcèlement sexuel. Il en résulte un vide juridique dans le code pénal et une instabilité juridique très préjudiciable pour les victimes qui ont engagé une procédure.

Nous avons appris qu’une quinzaine de plaintes dont l’instruction était très avancée étaient devenues caduques et n’avaient pu être reprises sous une autre qualification. La loi pénale ne pouvant en aucun cas être rétroactive, ce sont jusqu’à deux années d’instruction qui sont perdues, alors que les victimes ont dû s’acquitter de frais de justice élevés. La seule démarche possible consisterait à ouvrir à ces victimes le droit à l’aide juridictionnelle, quels que soient leurs revenus, pour le procès civil qu’elles peuvent encore engager. La ministre de la Justice a indiqué que ses services allaient étudier cette idée.

Le Gouvernement, aussitôt son installation le 16 mai, a jugé nécessaire de légiférer très rapidement pour combler ce vide et élaborer un texte plus précis. C’est ainsi que le projet de loi a été déposé sur le Bureau du Sénat, l’Assemblée nationale n’étant pas encore constituée.

Le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée de l’article 45 de la Constitution : il n’y aura donc qu’une lecture par chaque assemblée, suivies de la réunion d’une commission mixte paritaire si l’Assemblée nationale ne vote pas le projet de loi adopté par le Sénat dans les mêmes termes. L’examen du projet en séance publique par l’Assemblée nationale aura lieu le 24 juillet.

C’est un projet de loi enrichi qui a été adopté à l’unanimité par le Sénat le 12 juillet. La Délégation a disposé de très peu de temps pour analyser ce projet et proposer des améliorations : elle a dû travailler dans l’extrême urgence, méthode peu satisfaisante à laquelle on ne doit pas recourir trop souvent, mais ses membres tenaient à apporter leur contribution au nouveau texte de loi. Je tiens à les remercier pour le travail accompli et à féliciter notre rapporteure, nouvelle députée, élue en 2012. La lutte contre les violences faites aux femmes a été le sujet de nombreux travaux antérieurs de la Délégation ; elle possède donc une expertise sur ces questions et bien évidemment leur porte une attention particulière. Elle a par exemple déjà mené une réflexion sur la nécessité de créer un observatoire des violences faites aux femmes et a conclu à l’urgence de réaliser une nouvelle enquête sur ce thème, la dernière réalisée au plan national datant de 2000.

Je donne à présent la parole à Mme Neuville, notre rapporteure, qui va nous présenter son rapport et ses propositions d’améliorations du texte. Nous pourrons les adopter sous la forme de recommandations, qui seront intégrées dans le rapport.

Des amendements pourront aussi être déposés, co-signés par les membres de la Délégation qui le souhaiteront.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je ne vais pas rappeler le contexte de la discussion de ce projet de loi, qui a été présenté par Mme la Présidente. La Délégation a mené un travail conjoint avec la commission des Lois, saisie au fond, et la commission des Affaires sociales, saisie pour avis.

J’ai été frappée par le décalage qui existe entre, d’une part, la réalité du harcèlement et, d’autre part, la rareté des plaintes enregistrées pour ce motif dans notre pays, un millier par an, et l’extrême rareté de celles qui aboutissent à une condamnation, environ quatre-vingts par an. Les chiffres disponibles sur le nombre de victimes du harcèlement sexuel varient considérablement selon la définition qui en est donnée, et se situent entre 1,9 % des femmes interrogées et 45 % – ce dernier chiffre correspondant à la part des femmes qui ont entendu une plaisanterie sexiste dans leur cadre professionnel. Mais, même en retenant le taux le plus faible, on est évidemment très au-dessus des mille plaintes annuelles. Ce décalage met en évidence la nécessité de sensibiliser le public en général et les victimes en particulier, et de faciliter le parcours de celles qui portent plainte, lequel s’apparente trop souvent à un parcours du combattant.

Parmi les recommandations que je propose de formuler figure la création d’un observatoire national des violences faites aux femmes : il ne s’agit pas de créer une nouvelle « usine à gaz », mais de mutualiser les bonnes pratiques des collectivités territoriales, à l’exemple de ce qui existe par exemple en Seine-Saint-Denis, et de constituer un réseau dans le cadre de cet observatoire national.

Je soutiens aussi l’initiative, annoncée par la ministre des Droits des femmes, d’une campagne de sensibilisation sur les violences au travail dès que la nouvelle loi sera en vigueur ; cette campagne devra être conçue de manière à cibler aussi bien les victimes que les auteurs potentiels, les employeurs et les témoins.

J’en viens au projet de loi stricto sensu. Son objet principal est de poser une définition du harcèlement qui soit plus précise que celle figurant dans la loi de 1992 modifiée en 2002 où le harcèlement était défini comme « le fait de harceler », ce qui était fort vague et explique la décision du Conseil constitutionnel. Il faut parvenir à une définition qui soit plus précise, sans être trop restrictive, et qui facilite le dépôt des plaintes et leur instruction dans de bonnes conditions. La nouvelle définition qui est proposée comporte deux parties, que je vais aborder successivement.

La première partie repose sur le critère classique de réitération : « Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante. » Cette définition me semble très bien convenir. Je souhaiterais néanmoins y adjoindre la mention des conséquences du harcèlement sur la santé physique ou psychique de la victime en ajoutant : « soit entraînent une altération de sa santé physique ou mentale ». Mentionner ces conséquences permettrait aux magistrats de retenir comme preuve des certificats médicaux ou des arrêts de travail, à l’appui de la plainte. La rapporteure de la commission des Lois a, pour sa part, considéré que deux arguments pouvaient s’y opposer : d’une part, un risque d’affaiblir la plainte d’une victime qui ne pourrait pas fournir la preuve de conséquences des faits de harcèlement sur sa santé ; d’autre part, l’avocat de la partie adverse pourrait demander une contre-expertise psychiatrique et appuyer sa défense sur de prétendus dérèglements psychiatriques de la victime. Ces arguments sont recevables, mais j’estime que ce débat doit avoir lieu en séance publique, afin que s’y déroule une discussion susceptible d’éclairer les magistrats.

La deuxième partie de la définition, telle qu’elle a été adoptée par le Sénat, est rédigée ainsi : est assimilé au harcèlement sexuel « le fait, même non répété, d’user d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ». Nous sommes ici dans le cas de ce que l’on appelle le « chantage sexuel » ou le « droit de cuissage », qui intervient dans le cadre d’une demande d’embauche, d’un logement social ou dans un cadre universitaire, par exemple, sans répétition. La référence aux « ordres », « menaces » et « contraintes », conduit à penser qu’il y a en réalité acte préparatoire ou commencement d’exécution d’une tentative de viol ou d’agression sexuelle. De nombreuses associations de lutte contre les violences envers les femmes craignent que, grâce à cette disposition, des viols ou agressions sexuelles soient poursuivis sur le fondement de cette nouvelle définition du harcèlement, ce qui constituerait une déqualification des faits. C’est pourquoi il me paraît souhaitable de supprimer les mots « d’ordres, de menaces, de contraintes » pour se concentrer sur la notion de « pression grave » : j’ai déposé un amendement en ce sens. Cette notion étant déjà présente dans le code pénal, elle ne devrait pas poser de problème de constitutionnalité.

Quant aux circonstances aggravantes, le Gouvernement en a retenu quatre : premièrement, lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité conférée par ses fonctions ; deuxièmement, lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans– l’âge de quinze ans a été retenu car il correspond à la majorité sexuelle mais il est clair que, pour les mineurs entre quinze et dix-huit ans, l’abus d’autorité pourra être retenu – ; troisièmement, lorsque les faits sont commis sur une personne particulièrement vulnérable de par son âge, la maladie ou une infirmité physique ou psychique ou encore par un état de grossesse ; quatrièmement, lorsque les faits sont commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. Le Sénat a ajouté à cette liste la vulnérabilité particulière ou la dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale. Je propose d’ajouter le cas des personnes harcelées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, lesquelles sont très concernées par ce phénomène.

Je sais que cette proposition fera débat : d’abord, faut-il considérer que l’homophobie est plus grave que le sexisme ? Ensuite, la notion d’identité de genre, qui me semble préférable, doit-elle être utilisée, plutôt que celle d’identité sexuelle, que le Sénat a introduite par ailleurs dans le code pénal en relation avec les discriminations ? Il me semble utile de débattre de ces deux points en séance publique. Au-delà, je suggère que nous entamions un travail sur l’introduction de la notion de genre dans le droit français.

Enfin, j’approuve le travail de coordination effectué entre les différents codes, dans le but de disposer d’une même définition dans le code pénal, dans le code du travail et, à l’initiative du Sénat, dans le statut général de la fonction publique. Cela apporte une clarification des règles et une simplification.

Les autres recommandations que je vous propose concernent la création d’un observatoire national des violences faites aux femmes, le lancement d’une nouvelle enquête sur ce sujet et la conduite d’une campagne de sensibilisation, points que j’ai déjà mentionnés.

La recommandation qui porte le n°10 dans le projet de rapport qui vous a été remis m’a été inspirée par l’audition d’un magistrat du parquet de la région parisienne. Il a évoqué le travail, effectué par certaines juridictions, d’élaboration d’une trame de questions à mettre à la disposition des enquêteurs et des magistrats instructeurs de permanence pour l’accueil d’une personne déposant plainte pour harcèlement sexuel : un tel document contribue à former les professionnels à l’approche à retenir vis-à-vis de la victime. Il s’agit de bonnes pratiques qui mériteraient d’être diffusées, car elles relèvent de l’initiative d’un procureur et d’une juridiction. Je me propose d’attirer l’attention de la ministre de la Justice sur ce point.

Ma recommandation suivante consiste à ouvrir la voie à la possibilité de mettre en cause une personne morale pour faits de harcèlement sexuel comme c’est le cas pour les agressions sexuelles. Il me semble en effet qu’une responsabilisation de l’employeur contribuerait à un changement des mentalités à l’égard des comportements de harcèlement sexuel, alors que l’ambiance sexiste de certains lieux de travail est de nature à les favoriser.

Enfin, j’estime que la définition du harcèlement moral dans la sphère familiale ou entre ex-époux, qui figure à l’article 222-33-2-1 du code pénal, devrait être améliorée afin d’écarter tout risque d’inconstitutionnalité et de faciliter le dépôt de plainte et le traitement des procédures relatives à cette infraction. Ce travail pourrait être mené dans le cadre de l’évaluation de la mise en œuvre de la loi de 2010 sur les violences conjugales.

Un débat a suivi l’exposé de la Rapporteure.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci à notre rapporteure, Madame Ségolène Neuville, pour la qualité de son travail et la clarté de ses propositions.

Je voudrais pour ma part, proposer une modification de la recommandation n°6 qui vient d’être présentée. J’y reviendrai à son tour.

Mme Cécile Untermaier. Je m’associe aux remerciements de notre présidente pour le travail de haut niveau qui a été accompli. Toutefois, je ne partage pas la position de la rapporteure en ce qui concerne la rédaction de la recommandation n°3, visant à compléter la définition du harcèlement sexuel figurant dans le paragraphe I du texte de l’article 222-33 du code pénal tel qu’il résulte de l’article 1er du projet de loi, en mentionnant la possible altération de la santé physique ou mentale de la victime comme élément objectif permettant de faciliter la recherche de preuves, à savoir, une altération que l’on peut prouver par des certificats médicaux. Il m’apparaît qu’en fait, en préconisant cela, la recommandation ne se situe plus dans la définition du harcèlement ; elle se situe déjà dans l’analyse des effets du harcèlement. Elle n’a donc pas sa place à l’article 1er du projet de loi. Il me semble qu’il faudrait évoquer ce point dans une autre recommandation, par exemple portant sur la question de la preuve. La question de la protection des témoins et de l’établissement des preuves est en effet capitale dans les dossiers de harcèlement.

Le second point que je voudrais souligner, compte tenu des réactions dont j’ai pu avoir connaissance au cours de réunions dans ma circonscription, c’est la difficulté d’application de ce dispositif, comme d’ailleurs de tout dispositif en matière de harcèlement. Une procédure équivaut à au moins vingt-quatre mois de longues et douloureuses tracasseries juridictionnelles, qui s’ajoutent aux agissements contre lesquels la victime porte plainte. Au harcèlement sexuel s’ajoute le harcèlement de la procédure. Tout cela est très pénible pour les victimes. Je souhaiterais donc que l’on ajoute une recommandation, en préambule, indiquant que la prévention doit être mise en avant ; en effet, c’est là ce qu’attendent bon nombre des personnes qui s’impliquent dans la lutte contre les violences. D’ailleurs, la ministre des Droits des femmes, Madame Najat Vallaud-Belkacem, s’est engagée à conduire des actions de sensibilisation.

Le troisième point de mon propos consiste à rappeler la difficulté de la preuve en matière de harcèlement ; j’en ai parlé à l’occasion de la recommandation n°3, je n’y reviens pas.

Enfin, il y a l’importante question de la formation. Il me paraît indispensable de travailler à améliorer la formation de tous les acteurs amenés à intervenir dans le cadre d’une affaire de harcèlement : policiers, gendarmes, magistrats, par exemple.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous l’avez bien compris, Madame Untermaier, la rédaction préconisée dans la recommandation n°3, qui définit le harcèlement sexuel comme le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante, soit entraînent une altération de sa santé physique ou mentale, a fondamentalement pour objet de faciliter, pour les victimes, la charge de la preuve. On retrouve dans cette recommandation la définition européenne du harcèlement sexuel et on y ajoute des circonstances de fait de nature à éclairer, me semble-t-il, tout particulièrement le juge. Je suis favorable, comme la rapporteure, au dépôt d’un amendement portant cet ajout, afin que la question soit examinée en séance publique. Cela permettra de susciter le débat et pourrait constituer un élément de nature à éclairer sur l’intention du législateur. Lorsqu’il y a des arrêts maladie répétés dans un dossier, lorsque la personne manque, qu’elle peine à venir à son travail, il peut y avoir là le signe tangible d’un harcèlement sexuel.

Mme Conchita Lacuey. Si l’amendement était voté, il pourrait cependant poser différents problèmes.

Mme Cécile Untermaier. Je ne voudrais pas avoir à me prononcer défavorablement à l’égard de cet amendement, alors que je suis membre de la Délégation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je sais qu’on peut craindre qu’une personne faisant état, dans une affaire de harcèlement, d’une altération de sa santé physique ou mentale encourre le risque, à la demande de la partie adverse, de se voir soumise à une expertise psychiatrique ; je comprends vos réticences et je ne vois aucun obstacle à ce que vous vous prononciez, en séance publique, contre cet amendement. Il est surtout question ici de susciter le débat. Il est tout à fait nécessaire, comme vous le soulignez, de mettre en place une formation pour toutes les personnes impliquées dans le traitement d’une plainte pour harcèlement.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Je suggère que l’on rédige comme suit une proposition ayant trait à la formation et qui, tout en complétant le texte de la recommandation n° 2, pourra devenir la recommandation n°1 :

« La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes recommande la mise en place d’un programme national de formation destiné :

–  aux acteurs de la procédure judiciaire – policiers, gendarmes, magistrats ;

–  aux représentants du personnel dans les entreprises ainsi qu’aux médecins du travail.

Une campagne de sensibilisation aux violences au travail, parmi lesquelles le harcèlement sexuel, devra être organisée lors de l’entrée en vigueur de la loi sur le harcèlement sexuel, afin de toucher le public le plus large. »

J’ajoute que, s’agissant des actions de sensibilisation et de formation à mener, il conviendra aussi de lutter contre les effets désastreux des stéréotypes sexués.

Mme Édith Gueugneau. Je voudrais, de manière complémentaire à ce qui vient d’être dit, souligner le rôle essentiel de l’éducation et de la prévention, lorsque ces deux disciplines sont enseignées dès le plus jeune âge. Dès la maternelle, en fait, on constate des comportements agressifs. C’est dès la prime enfance qu’il y a une éducation à faire pour détourner les enfants de la violence sexuelle.

Je tiens à faire connaître mon accord sur l’ensemble des recommandations, qui me paraissent toutes extrêmement pertinentes.

Les observations de la rapporteure sur la question de l’identité sexuelle ou du genre me conduisent à penser qu’une étude juridique sur le genre, et sur l’intégration de ce concept dans le code pénal, reste à effectuer.

Enfin, en matière de harcèlement sexuel, il convient de ne pas oublier la prise en compte des territoires. Les femmes victimes de harcèlement, lorsqu’elles vivent dans les zones urbaines, peuvent être prises en charge par des centres adaptés. Toutefois, en milieu rural, de tels centres n’existent pas. Un enjeu important pour l’avenir réside dans le développement de réseaux présents jusque dans les espaces géographiques défavorisés.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cette dernière remarque me semble vraiment très importante et doit être mise en exergue. On constate effectivement une fracture territoriale dans la prise en charge des femmes victimes de harcèlement. Il existe, en ville, des structures qui peuvent apporter leur aide aux femmes qui ont connu la maltraitance, mais ces structures n’existent pas partout à l’échelon départemental.

Mme Édith Gueugneau. Il faudrait aussi accroître les moyens dédiés aux organismes du planning familial.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il s’agit là d’une question non moins essentielle qui devra être posée demain, lors de l’audition de la ministre des Droits des femmes par la Délégation. Il est vrai que les budgets des structures très étroitement liées à la vie quotidienne des femmes doivent être améliorés, et notamment ceux des délégations départementales et des organismes relevant du planning familial.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure. Toutes ces questions, et notamment la question de la prévention à l’école, avaient déjà été posées par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes. Aujourd’hui, cependant, les chantiers qui avaient été ouverts à l’époque ne sont toujours pas clos et ils doivent être réexaminés avec attention. De même, on doit observer que les subventions accordées aux délégations départementales, au planning familial ou aux centres d’information des droits des femmes (CIDF) ne vont pas de soi. Il faut une action sans cesse renouvelée pour maintenir ces financements. En fait, à l’heure actuelle, ce sont plutôt les collectivités territoriales qui, là comme dans d’autres domaines, sont les principaux financeurs.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous renvoie aux développements qui figurent dans le projet de rapport ; l’école y est en effet mentionnée comme le lieu privilégié d’apprentissage de l’égalité, également comme le lieu où toutes les formes de violence doivent être combattues par l’éducation. De même, la rapporteure a évoqué les stéréotypes de genre véhiculés par les médias ou par différents objets familiers, tels que les jouets attribués aux garçons ou aux filles, qui doivent être fermement dénoncés ; ces stéréotypes engendrent de nombreux comportements à bannir et à sanctionner, y compris le harcèlement sexuel.

Je voudrais par ailleurs ajouter la recommandation suivante, qui fait suite aux observations de la rapporteure et à celles de Mme Edith Gueugneau sur la question du genre :

« La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes propose de conduire une réflexion législative pour introduire la notion de genre dans la terminologie juridique française. »

Mme Cécile Untermaier. Je voudrais poser une dernière question sur ce que l’on pourrait appeler « l’applicabilité » de la loi. Serait-il possible de prévoir, à un moment donné de la législature, un rendez-vous, un moment d’évaluation, pour faire le point sur l’application de la loi ?

Mme Ségolène Neuville. Je proposerais volontiers, à terme fixe, par exemple chaque année, de faire le point sur la mise en œuvre de cette loi avec le Gouvernement, notamment par le biais d’une question d’actualité.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je pense que nous touchons là au cœur même des missions de la Délégation. Il appartient en effet à la Délégation d’être attentive à l’application d’un certain nombre de textes très importants, tels que les textes sur les retraites, sur l’égalité salariale femmes/hommes, par exemple. Je suis donc tout à fait d’accord pour la procédure d’une évaluation par le biais des questions d’actualité ; nous pouvons convenir aussi de nous réunir passé un certain délai, par exemple deux ans, pour voir comment ce texte aura été appliqué.

La Délégation adopte le rapport à l’unanimité et les recommandations suivantes :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

Recommandation n°1 :

La Délégation demande la mise en place d’un programme national de formation destiné :

–  aux acteurs de la procédure judiciaire – policiers, gendarmes, magistrats ;

–  aux représentants du personnel dans les entreprises ainsi qu’aux médecins du travail.

Une campagne de sensibilisation aux violences au travail, parmi lesquels le harcèlement sexuel, devra être organisée lors de l’entrée en vigueur de la présente loi, afin de toucher le public le plus large. 

Recommandation n°2 :

La Délégation demande qu’une enquête statistique complète sur les violences faites aux femmes soit conduite au plan national pour mieux cerner cette réalité tant dans le monde du travail que de manière plus générale. Un volet consacré spécifiquement au harcèlement sexuel devra être prévu. Cette enquête devra permettre de guider l’action des pouvoirs publics, en termes de prévention comme d’évaluation des politiques publiques.

L’enquête devra comporter un volet particulier sur la réalité des atteintes sexuelles et du harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur.

Recommandation n°3 :

La Délégation propose de compléter la définition du harcèlement sexuel figurant dans le paragraphe I de la rédaction de l’article 222-33 du code pénal introduite par l’article 1er du projet de loi en incluant un élément objectif permettant de faciliter la recherche des preuves.

Cette définition modifiée serait la suivante : « Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante, soit entraînent une altération de sa santé physique ou mentale ».

Recommandation n°4 :

La Délégation propose de définir le délit consistant en un acte unique assimilé au harcèlement de la manière suivante : « Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

Recommandation n°5 :

La Délégation considère que les cas d’aggravation de la sanction prévus par le III de l’article 222-33 du code pénal introduit par l’article 1erdu projet de loi, devraient être complétés par un 6ème cas prenant en considération l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle de la victime des actes de harcèlement décrits par le I comme par le II de l’article 222-33.

Recommandation n°6 :

La Délégation propose de conduire une réflexion législative pour introduire la notion de genre dans la terminologie juridique française.

Recommandation n°7 :

La Délégation approuve la coordination réalisée entre les nouvelles dispositions du code pénal introduites par le présent projet de loi et la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Elle formule les mêmes propositions de modification de la définition des deux types de comportements sanctionnés que pour les dispositions du code pénal.

Recommandation n°8 :

La Délégation approuve la proposition de Mme la Ministre des Droits des femmes de créer un Observatoire national des violences envers les femmes, chargé de recueillir les informations et de réaliser des études régulièrement, afin d’aider les pouvoirs publics à faire évoluer les politiques de lutte contre ces violences.

Plutôt que de créer ex nihilo une nouvelle structure, il serait souhaitable de réunir en réseau les observatoires existants ou à créer au plan local, comme l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Il conviendrait de disposer au niveau de chaque département d’un lieu d’analyse et d’action spécifiquement chargé des violences envers les femmes.

Recommandation n°9 :

La Délégation demande que soit établi un bilan de la rédaction des protocoles départementaux de lutte contre les violences faites aux femmes.

Recommandation n°10 :

La Délégation demande à Mme la garde des Sceaux d’étudier la manière dont les pratiques innovantes, mises au point par certaines juridictions pour l’instruction des faits de harcèlement sexuel, pourraient être mises à la disposition des autres juridictions afin d’améliorer le traitement des enquêtes.

Recommandation n°11 :

Lutter avec volontarisme contre le harcèlement sexuel suppose d’ouvrir la voie à la mise en cause d’une personne morale pour harcèlement sexuel : une telle extension de responsabilité pénale de l’employeur constituerait un signal fort pour un réel changement des mentalités et des pratiques. Le lieu de travail, plus que tout autre, ne doit plus admettre le harcèlement sexuel comme une pratique tolérée ou faisant l’objet d’un déni général.

Recommandation n°12 :

La Délégation considère que la définition du harcèlement moral dans la sphère familiale ou entre ex-époux, figurant à l’article 222-33-2-1 du code pénal doit être améliorée afin de faciliter le dépôt de plainte et le traitement des procédures relatives à cette infraction.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE

1/Auditions de la Rapporteure

—  M. Éric MAUREL, procureur de la République adjoint, Tribunal de grande instance de Pontoise

—  Mme Yaël MELLUL, avocate

2/Auditions effectuées avec Mme Pascale Crozon, Rapporteure de la commission des Lois

Ministères

Ministère de la justice, direction des affaires criminelles et des grâces

—  Mme Maryvonne CAILLIBOTTE, directrice des affaires criminelles et des grâces

—  M. Francis Le GUNEHEC, chef du bureau législation pénale générale

Ministère des droits des femmes, service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes

—  Mme Nathalie TOURNYOL du CLOS, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale

Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, bureau des relations individuelles du travail

—  Mme Bethania GASCHET, conseillère du ministre

—  Mme Anne SIPP, chef du bureau des relations individuelles du travail

—  M. Xavier GEOFFROY, conseiller parlementaire

Ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, direction générale de l’administration et de la fonction publique

—  Mme Myriam BERNARD, sous-directrice des statuts et de l’encadrement supérieur

Ministère des affaires sociales et de la santé, direction générale de l’offre de soins

—  M. François-Xavier SELLERET, directeur général

—  M. Éric SANZALONE, chef de bureau au sein de la sous-direction des ressources humaines

Ministère de l’intérieur, direction générale des collectivités locales

M. Pascal CHIRON, adjoint au sous-directeur des élus locaux

Autorités administratives indépendantes

Défenseur des droits

—  M. Dominique BAUDIS, Défenseur des droits

—  M. Richard SENGHOR, secrétaire général

—  M. Denis ROTH-FICHET, conseiller au service des réformes

—  Mme Audrey KEYSERS, responsable des relations avec les élus

Organisations syndicales

Tables rondes des organisations syndicales :

—  Confédération française démocratique du travail (CFDT) : Mme Sophie MANDELBAUM, secrétaire confédérale

—  Confédération Française des travailleurs chrétiens (CFTC) : Mmes Brigitte STEIN, responsable Égalité-Discrimination et Mouna BENYOUCEF, conseillère technique

—  Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) : Mme Marie-Line BRUGIDOU, déléguée nationale chargée de l’égalité professionnelle

—  Union syndicale Solidaires : Mme Sabine DURAN, secrétaire nationale et Mme Cécile GONDARD-LALANNE, secrétaire nationale

—  Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) : Mme Christine DUPUIS, secrétaire nationale, et M. Saïd DARWANE, conseiller national ; Mme Geneviève RAOULT, secrétaire nationale de l’UNSA fonction publique, et M. Arnaud FAURE, membre de l’UNSA justice

—  Fonctions publiques-CGC : M. Marc BENASSY, chargé du dossier sur le harcèlement

Table ronde des organisations d’employeurs

—  Mouvement des entreprises de France (MEDEF) : Mmes Chantal FOULON, directrice-adjointe des relations sociales, et Audrey HERBLIN, directrice de mission à la direction des affaires publiques

—  Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) : M. Philippe CHOGNARD, conseiller juridique à la direction des affaires sociales

Union syndicale des magistrats

—  Mme Virginie DUVAL, secrétaire générale

—  Mme Virginie VALTON, secrétaire nationale

Syndicat de la magistrature

—  Mme Odile BARRAL, secrétaire nationale

—  M. Xavier GADRAT, secrétaire national

Syndicat national des Magistrats FO

—  M. Tony SKURTYS, substitut au tribunal de grande instance d’Evry

—  M. Jacques BOILEVIN, conseiller à la cour d’appel de Versailles

—  Mme Béatrice BRUGÈRE, vice-procureure au tribunal de grande instance de Versailles

Associations

Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)

—  Mme Marilyn BALDECK, déléguée générale

—  Mme Gwendoline FIZAINE, juriste-chargée de mission

—  Mme Juliette CHATELUT, étudiante en sciences politiques

—  Mme Maude BECKERS, avocate

Table ronde des associations de défense des droits des femmes ou intervenant dans la lutte contre les violences faites aux femmes :

—  Collectif national pour les droits des femmes : Mmes Suzy ROTJMAN, co-porte parole

—  Collectif féministe contre le viol (CFCV) : Mme Marie-France CASALIS, responsable du pôle formation

—  Collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement dans l’enseignement supérieur (CLASCHES) : Mmes Marie QUÉVREUX, présidente, et Clara CHEVALIER, membre

—  Femmes solidaires : Mme Sabine SALMON, présidente et vice-présidente de la Coordination pour le lobby européen des femmes (CLEF)

Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis

—  Mme Ernestine RONAI, responsable

Table ronde des associations de personnes homosexuelles ou transsexuelles :

—  Association ID Trans’ (Informations et Dialogues sur les Transidentités) : Mme Laura LEPRINCE

—  Inter-LGBT : M. Nicolas GOUGAIN, porte-parole

—  Association Ortrans : Mme Edwige JULLIARD, présidente, et Mme Samantha MONTFORT, membre

Association pour la prévention et la santé au travail

— M. Jean-Michel STERDYNIACK, médecin du travail

Représentants des avocats

Conseil national des Barreaux – Conférence des bâtonniers – Conseil de l’Ordre de Paris

—  M. Philippe JOYEUX, avocat, ancien bâtonnier de Nantes

—  M. Jacques-Edouard BRIAND, conseiller chargé des relations avec les pouvoirs publics du Conseil national des barreaux

Personnalités qualifiées

Table ronde d’auteurs :

—  M. Francis CABALLERO, avocat au Barreau de Paris, auteur de Droit du sexe (LGDJ, 2010)

—  M. Karim DOUEDAR, juriste, auteur de Fonctionnaires : comment réagir face au harcèlement moral ou sexuel ? (Editions du Papyrus, 2008)

Par ailleurs, votre rapporteure a reçu des contributions écrites de :

—  la Fédération nationale Solidarité femmes ;

—  la Confédération générale du travail (CGT) ;

—  la Confédération Force ouvrière (FO)

ANNEXE

Lettre de saisine de la commission des Lois

1 () « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. »

2 () Violences faites aux femmes : mettre un terme à l’inacceptable, rapport n°1799 de la mission d’évaluation des politiques de prévention et de lutte contre els violences faites aux femmes, juillet 2009.

3 () La Nouvelle chaîne pénale est une application déployée dans les 7 parquets des tribunaux de grande instance de la région parisienne dans l’attente de la mise en œuvre de la chaîne Cassiopée destinée à couvrir tout le territoire national.

4 () La chaîne pénale Cassiopée est le support technologique du Bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires, système initié en 2007 permettant que les données saisies sur une procédure au stade de l’engagement des poursuites ne sont plus à nouveau saisies par les intervenants ultérieurs, qu’il s’agisse du juge d’instruction, du juge des libertés et de la détention, du greffe correctionnel ou du service de l’exécution des peines.

5 () Auteur de Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, Éditions La Découverte, 1998.

6 () Rapport d’information (n° 4169) de M. Guy Geoffroy et Mme Danielle Bousquet sur l’application de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présenté le 17 janvier 2012.

7 () Loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants.


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