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N° 762

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 février 2013

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

en application de l’article 29 du Règlement

au nom des délégués de l’Assemblée nationale à l’Assemblée

parlementaire du Conseil de l’Europe (1) sur l’activité de cette Assemblée

au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2013

par M. René ROUQUET

ET PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en janvier 2013, de : Mme Danielle Auroi, MM. Gérard Bapt, Jean Glavany, Mme Arlette Grosskost, M. Denis Jacquat, Mme Marietta Karamanli, MM. Jean-Yves Le Déaut, François Loncle, Thierry Mariani, Jean-Claude Mignon, François Rochebloine et René Rouquet en tant que membres titulaires, et Mme Brigitte Allain, MM. Christian Bataille, Philippe Bies, Mmes Marie-Louise Fort, Estelle Grelier, M. Christophe Léonard, Mme Christine Pires Beaune, MM. Frédéric Reiss, Rudy Salles, André Schneider, Gérard Terrier et Mme Marie-Jo Zimmermann, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 7

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU 7

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 9

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 14

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION 15

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIERE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2013 15

B. TEXTES ADOPTÉS 17

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 19

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 21

A. INTERVENTION DE M. MIKHEIL SAAKACHVILI, PRÉSIDENT DE LA GEORGIE 21

B. LA SITUATION AU KOSOVO ET LE RÔLE DU CONSEIL DE L’EUROPE 22

C. DIALOGUE POST-SUIVI AVEC LA BULGARIE 24

D. GEORGIE ET RUSSIE : LA SITUATION HUMANITAIRE DANS LES RÉGIONS TOUCHÉES PAR LA GUERRE ET LES CONFLITS 25

E. DÉBAT LIBRE 28

F. DÉBAT JOINT SUR LA SITUATION EN AZERBAÏDJAN 29

1. Le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan 29

2. Respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan 32

G. INTERVENTION DE M. ŠTEFAN FÜLE, COMMISSAIRE EUROPÉEN EN CHARGE DE L’ÉLARGISSEMENT ET DE LA POLITIQUE DE VOISINAGE 35

H. DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS AU MALI ET EN ALGÉRIE ET MENACE POUR LA SÉCURITÉ ET LES DROITS DE L’HOMME DANS LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE 36

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 45

A. LES ACTIVITÉS DE LA BANQUE EUROPÉENNE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT (BERD) 45

B. VERS UNE CONVENTION EUROPÉENNE DU CONSEIL DE L’EUROPE POUR LUTTER CONTRE LE TRAFIC D’ORGANES, DE TISSUS ET DE CELLULES D’ORIGINE HUMAINE 47

C. MIGRATIONS ET ASILE : MONTÉE DES TENSIONS À L’EST DE LA MÉDITERRANNÉE 51

D. L’ÉTAT DE LA LIBERTÉ DES MÉDIAS EN EUROPE 55

E. EGALITÉ DES SEXES, CONCILIATION VIE PROFESSIONNELLE – VIE PERSONNELLE ET CORESPONSABILITÉ 56

F. LA TRAITE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS À DES FINS DE TRAVAIL FORCÉ 58

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT 61

A. RAPPORT D’ACTIVITÉ DU BUREAU ET DE LA COMMISSION PERMANENTE 61

B. LA PRÉSIDENCE ANDORRANE DU CONSEIL DE L’EUROPE 62

C. COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE 63

D. ASSURER LA VIABILITÉ DE LA COUR DE STRASBOURG : LES INSUFFISANCES STRUCTURELLES DANS LES ETATS MEMBRES 66

ANNEXES 71

Annexe 1
Résolution 1912 (2013) – La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l'Europe
73

Recommandation 2006 (2013) – La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l'Europe 81

Annexe 2
Résolution 1914 (2013) – Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg : les insuffisances structurelles dans les États Parties
83

Recommandation 2007 (2013) - Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg : les insuffisances structurelles dans les États Parties 87

Annexe 3
Résolution 1917 (2013) - Le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan
89

Annexe 4
Recommandation 2009 (2013) - Vers une convention du Conseil de l'Europe pour lutter contre le trafic d'organes, de tissus et de cellules d’origine humaine
97

Annexe 5
Résolution 1919 (2013) – Développements récents au Mali et en Algérie et menace pour la sécurité et les droits de l'homme dans la région méditerranéenne
101

Le fonctionnement des institutions démocratiques au sein de certains États membres à l’image de l’Azerbaïdjan, de la Bulgarie ou de la Géorgie et les conséquences humanitaires et politiques de certains conflits gelés, Kosovo, Abkhazie et Ossétie du Sud, ont été au cœur des travaux de la première partie de la session 2013 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. La consolidation des valeurs cardinales du Conseil de l’Europe – droits de l’Homme, démocratie et État de droit – constitue un défi permanent pour l’Organisation. Cette ambition est au cœur de la démarche de M. Jean-Claude Mignon (Seine et-Marne – UMP), réélu, le 21 janvier 2013, président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. L’intérêt pour le continent européen ne doit pas négliger pour autant l’ouverture du Conseil de l’Europe aux autres continents comme en a témoigné le débat d’urgence organisé sur la situation en Algérie et au Mali.

L’Assemblée parlementaire est également restée fidèle à sa vocation de « laboratoire d’idées » en rappelant les déclinaisons modernes des droits de l’Homme : amélioration du traitement des migrants, lutte contre le travail forcé, adoption de dispositions contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules humains ou promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les sphères privées et professionnelles. Elle s’est également attardée sur le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’Homme, en soulignant combien l’efficacité de celle-ci dépendait dans une large mesure des États Parties à la Convention européenne des droits de l’Homme.

Comme en témoigne le présent rapport, la délégation française tient, dans le même temps, à continuer à militer au sein des assemblées dont elle est issue, pour une meilleure reconnaissance de la qualité des travaux de l'Assemblée parlementaire et de la modernité de son message.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

Composition de la délégation en janvier 2013

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Danielle AUROI

Députée

GE

SOC

M. Gérard BAPT

Député

SRC

SOC

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. Éric BOCQUET

Sénateur

CRC

GUE

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean GLAVANY

Député

SRC

SOC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-Yves LE DÉAULT

Député

SRC

SOC

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Louis LORRAIN

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Thierry MARIANI

Député

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Brigitte ALLAIN

Députée

GE

SOC

M. Christian BATAILLE

Député

SRC

SOC

M. Philippe BIES

Député

SRC

SOC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Bernadette BOURZAI

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Marie-Louise FORT

Députée

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Estelle GRELIER

Députée

SRC

SOC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Christophe LÉONARD

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MICHEL

Sénateur

SOC

SOC

Mme Christine PIRES BEAUNE

Députée

SRC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

M. Rudy SALLES

Député

UDI

PPE/DC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

M. Gérard TERRIER

Député

SRC

SOC

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée

UMP

PPE/DC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Président

M. René ROUQUET

Député

SRC

Président délégué

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

Mme Brigitte ALLAIN

Députée

GE

 

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UCR

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

 

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

 

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) a été renouvelé pour un an dans ses fonctions de président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe par ses pairs. Il a, à cette occasion, dressé le bilan de sa première année de mandat et donné ses priorités d’action pour la seconde partie de sa présidence :

« Je tiens à vous remercier de la confiance que vous me témoignez en me réélisant à la présidence de l’Assemblée. J’y suis extrêmement sensible et j’y vois un encouragement à poursuivre mon action.

J’ai, à l’image du Général de Gaulle, la conviction que la politique doit « être l’action au service d’une idée forte et simple ». Et en ce qui me concerne, cette idée, c’est celle d’une Assemblée portant haut et fort les valeurs du Conseil de l’Europe.

Dans cette perspective, je voudrais tout d’abord vous rendre brièvement compte de cette première année de présidence avant de vous présenter mes projets pour 2013.

Un premier bilan tout d’abord. Comme je l’ai indiqué le 23 janvier 2012, toute mon action est fondée sur ce constat : nous devons changer si nous voulons être à la hauteur de nos prédécesseurs et rester pertinents, sauf à vouloir finir comme l’UEO !

Dès le départ, il a été clair pour moi que les parlementaires devaient être au cœur de la réforme, que l’APCE devait être davantage encore leur assemblée. J’ai donc souhaité que la vie de cette Assemblé soit plus participative, plus démocratique, en un mot que nous appliquions nos valeurs.

C’est pour cela que j’ai créé une Conférence des Présidents de commission, qui se réunit le dimanche précédant la session, avant et avec le Comité des Présidents, afin que nous puissions notamment évoquer ensemble l’ordre du jour de la partie de session à venir. Corrélativement, l’essentiel des questions relatives à l’ordre du jour étant réglé la veille, le temps ainsi dégagé nous permet, comme je le souhaitais, lors de la réunion du Bureau, de nous consacrer plus longuement aux questions politiques, ce qui est à l’évidence notre vocation.

C’est pour cela que j’ai décidé de réunir lors de chaque partie de session les Présidents des délégations nationales. Ils sont le cœur et l’âme de notre Assemblée, cette émanation des 47 Parlements de nos États membres. Quoi de plus normal, quoi de plus légitime que d’organiser un dialogue entre eux et le Président de l’Assemblée ? Je me suis d’ailleurs rangé à leur avis, ainsi sur l’organisation des commissions permanentes, même quand cela allait à l’encontre de mes propositions initiales.

Ma première année de présidence a été aussi marquée par la mise en œuvre de la réforme de l’Assemblée que j’avais initiée en tant que Rapporteur de la Commission ad hoc. J’en suis fier. Je pense par exemple à la création de nouvelles procédures, telle que celle du débat libre. Elle reste, c’est sûr, à perfectionner mais s’inscrit bien telle quelle dans la recherche d’un cadre global facilitant l’expression des membres de l’Assemblée. Et quelle innovation n’a pas à se rôder ?

Nous souffrons aujourd’hui d’un véritable déficit de reconnaissance et de visibilité pour le travail de fond que nous menons en faveur de l’État de droit et des droits de l’Homme. C’est un véritable défi ! Et si nous n’avons à l’évidence pas vocation à nous substituer à nos parlements nationaux, il est en revanche de notre devoir de faire en sorte qu’ils puissent relayer nos travaux, qu’ils soient en quelque sorte notre porte-voix, d’où l’importance que j’attache aux parlements nationaux. Dans cette perspective, je ne peux que me réjouir du succès de la Conférence des Présidents de parlements en septembre dernier et des échanges que j’ai pu avoir avec divers parlements nationaux. Je pense en particulier à ceux que j’ai pu avoir au Bundestag.

J’ai souhaité aussi, et je me réjouis que ce soit désormais chose faite, que les nouveaux membres puissent recevoir un dossier d’accueil avec l’essentiel de ce qu’ils ont à savoir pour s’intégrer à une institution comme la nôtre, nécessairement différente de leur Parlement national.

Enfin, je me suis efforcé, et je m’efforce le plus régulièrement possible, d’assister régulièrement aux réunions de nos commissions et de présider l’Assemblée afin de maintenir un contact étroit, fort et direct avec le cœur de nos travaux.

Voilà, très brièvement résumé, le bilan de mon action sur l’année écoulée au plan interne, que je crois conforme aux engagements que j’avais pris en janvier dernier devant vous.

Avant d’aborder un autre volet de mon bilan, laissez-moi vous dire un mot sur la vision que je me fais du rôle du Président. Comme nous sommes entre amis, parlons franchement. Pierre Mendès France a toujours soutenu qu’il était du devoir des hommes politiques d’exposer à leurs mandants la réalité des problèmes et les mesures qu’ils entendaient prendre pour y remédier. Il faisait valoir que « Si (donc) cette probité et ce respect fondamental de la vérité n’existent pas, du même coup, il n’y a pas de démocratie ». Telle est également ma conviction.

Je ne crois donc pas que le rôle du Président doive se limiter à trancher des discussions ou à valider des interprétations sur d’obscurs points de notre règlement, à présider symboliquement des réunions et diverses cérémonies officielles. Je suis au contraire convaincu qu’il est du rôle et du devoir du Président de cette Assemblée de lui donner une impulsion politique, de l’incarner autant que faire se peut par rapport à l’extérieur, en d’autres termes de lui donner toute sa pertinence politique. Je sais que cette vision peut heurter certains, je sais aussi que certains, et c’est leur droit, peuvent contester telle ou telle initiative que j’ai pu prendre. C’est le jeu de la démocratie, mais dans une assemblée qui ne se réunit en plénière qu’une fois par trimestre, qui souffre d’un évident défaut de visibilité et parfois, disons-le franchement, d’un manque de lisibilité, qui, mieux que le Président, peut jouer un tel rôle ? Au risque de heurter, je crois qu’une présidence forte, déterminée, s’impose, mais une telle présidence n’est, comme je viens de l’exposer et j’espère vous l’avoir démontré, ni une présidence solitaire, ni une présidence « dictatoriale ». Je souhaite au contraire qu’elle soit participative et collégiale.

Simplement, mon souci principal n’est pas et ne peut être de trouver désespérément des arrangements permettant à tout le monde d’être content, au prix de formulations peu audacieuses où le flou le dispute à l’imprécis, de façon à ne mécontenter personne.

Car au-delà du rôle du Président, la pire des choses pour notre Assemblée serait en effet qu’elle se neutralise elle-même en n’osant pas prendre les positions qui s’imposent par peur de se heurter à des alliances de circonstance. La fin serait alors proche !

Je me suis aussi efforcé de rendre plus régulières et plus détendues les relations entre le Comité des Ministres et le Président de l’APCE. J’ai pris ainsi la décision d’aller présenter moi-même le bilan de chaque partie de session au Comité des Ministres.

Je suis en effet convaincu qu’il est essentiel que les organes du Conseil de l’Europe travaillent ensemble à la réalisation de nos objectifs. Je me réjouis ainsi d’avoir pu effectuer un déplacement en Tunisie avec le Président du Comité des Ministres, le Ministre des Affaires étrangères albanais et le Président de la commission de Venise.

Je ne cherche pas non plus à promouvoir un quelconque agenda partisan. Ma seule ambition est de porter haut et fort le drapeau de l’APCE et de nos valeurs, la démocratie, l’égalité, en particulier entre les hommes et les femmes, la liberté, les droits de l’Homme et l’État de droit.

Cet effort de coordination et de cohérence s’impose également au sein de l’APCE.

Autre priorité annoncée de ma présidence : renforcer les relations avec l’Union européenne.

Je me suis tout d’abord efforcé de combler le fossé de méconnaissance qui finalement nous sépare plus sûrement que tout autre obstacle. Je me suis donc rendu régulièrement au Parlement européen, pour des réunions de commissions de groupes ou d’autres organes informels. J’ai ainsi assisté au débat sur la Roumanie. J’ai rencontré à deux reprises le Président Martin Schulz à Bruxelles. J’ai pu également nouer des contacts avec la Commission européenne, en particulier M. Štefan Füle, avec qui nous avons arrêté le principe d’une rencontre tous les deux mois ; la première de ces rencontres ayant eu lieu à Strasbourg le 12 décembre dernier. Afin de faciliter de tels échanges, je m’efforce d’être régulièrement présent à Strasbourg lors des sessions du Parlement européen.

Plus généralement, j’ai souhaité renforcer les synergies avec toutes les autres organisations européennes, ainsi avec l’OSCE en matière d’observation d’élections.

Autre priorité : les conflits gelés.

Si nous ne pouvons pas nous substituer à la diplomatie intergouvernementale, nous pouvons, en revanche, et c’est l’essence de la diplomatie parlementaire, faciliter le dialogue, encourager la discussion entre les représentants élus des États européens en conflit, et ce, sans les préalables qui servent souvent de prétexte à un refus du dialogue. Jean Monnet n’a-t-il pas un jour dit que « Convaincre les hommes de parler entre eux, c’est le plus qu’on puisse faire pour la paix ». Tel est le sens des démarches que j’ai entreprises. Qu’il me soit à cet égard permis de saluer tout particulièrement la volonté de dialogue des autorités moldaves.

Par ailleurs, je souhaiterais également souligner l’importance de notre action dans nos pays membres, afin de les soutenir et les aider à surmonter des situations de tensions et de conflits internes. Dans ce contexte, je ne peux qu’encourager les efforts des autorités turques d’engager de nouveaux pourparlers avec Abdullah Öcalan. Je voudrais exprimer une fois de plus ma consternation devant l’assassinat de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Söylemez. J’ai d’ailleurs immédiatement pris position après ces événements dans un communiqué. Ces exécutions ne devraient pas remettre en cause les pourparlers engagés en Turquie.

De manière générale, je considère comme inacceptable, presque inconcevable, que puissent perdurer des guerres et des camps de réfugiés sur notre continent, alors même que le Conseil de l’Europe a été créé pour défendre la paix et les droits de l’Homme sur notre continent.

Je suis malheureusement obligé de dresser un bilan plus en demi-teinte pour la desserte de Strasbourg. D’un côté, de nouvelles liaisons intra-européennes ont été ouvertes à Strasbourg ; mais cette évolution positive, que je salue, est contrebalancée par l’annonce par Air France de l’arrêt de sa desserte à partir de Roissy. Je suis attentivement cette question. Je suivrai tout particulièrement la question de la desserte par TGV entre Roissy et Strasbourg. Plus il y aura de fréquences et plus la solution de substitution invoquée par Air France sera convaincante.

Je vais naturellement m’efforcer de continuer en 2013 l’action engagée en 2012. Je m’efforcerai en particulier de donner le contenu le plus concret possible à la coopération avec l’Union européenne. Il nous faudra avancer sur les pistes tracées, ainsi, par exemple, sur les liens entre nos commissions et celles de l’APCE ou entre les conférences des présidents de commissions de nos deux parlements. C’est là une occasion historique à ne pas manquer.

Je voudrais également avancer sur la voie d’une meilleure participation des parlementaires à nos sessions, à nos débats et à nos votes. Il faut naturellement que vous soyez motivés et pour cela que nos ordres du jour soient intéressants. Mais il faut également que vous puissiez être présents. C’est notamment le problème de la compatibilité des travaux des parlements nationaux et de ceux de l’APCE. Avec 47 parlements nationaux, nous ne pourrons jamais coordonner parfaitement les ordres du jour. En revanche, une première voie pourrait être explorée, celle de la délégation de vote, tant dans les parlements nationaux qu’à l’APCE.

Je suis conscient de ce que cela exigerait parfois de revenir sur des principes fermement ancrés dans certains pays. Pour autant, dès lors que les parlementaires sont mandatés par leur parlement national, il est légitime que celui-ci leur permette de répondre à cette mission.

Autre solution, permettre des délégations de vote à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, avec le risque, cependant, d’encourager l’absentéisme. Je vous propose d’y réfléchir.

De même, un certain nombre d’entre vous m’ont saisi de l’idée qui consisterait à bloquer les votes à dates fixes. Je crois que là-aussi nous pouvons y réfléchir. Mon sentiment intuitif, si nous devions retenir cette proposition, est que nous devrions réserver cette procédure pour un nombre réduit de sujets de première importance politique, afin, d’une part, que le sens du vote demeure clair pour tous, et d’autre part, que nous n’incitions pas à l’absentéisme lors des débats en plénière. S’y ajoute le risque d’une éventuelle contradiction entre les débats et les votes.

En conclusion, je ne puis que vous réaffirmer tout l’intérêt que je porte et porterai à vos suggestions et observations. Notre Assemblée est une œuvre collective, qui ne peut fonctionner qu’avec notre engagement à tous. Help me ! Je vous remercie de votre attention. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a été élu vice-président de l’Assemblée parlementaire. Il a, à ce titre, présidé une séance.

Il a également été élu vice-président de la sous-commission sur l’intégration, rattachée à la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a été nommée membre du groupe de travail ad hoc ouvert du Comité des Ministres sur l’avenir du Centre Nord-Sud.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a été réélue présidente de la sous-commission sur le Proche-Orient, rattachée à la commission des questions politiques et de la démocratie. Elle a également été renouvelée en tant que représentante titulaire de cette commission auprès de la commission pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite commission de Venise.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC) a été élu vice-président de la sous-commission des relations avec l’OCDE et la BERD, rattachée à la commission des questions politiques et de la démocratie.

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France – UMP) a été élu vice-président de la sous-commission sur la coopération avec les pays d’origine et de transit non européens, rattachée à la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – UDI) a été réélu rapporteur général du budget de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe au sein de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Le représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, S.E. M. Laurent Dominati a reçu la délégation française, le 20 janvier, pour un dîner de travail au cours duquel il a abordé les principaux points inscrits à l’ordre du jour.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIERE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2013

Lundi 21 janvier 2013

– Rapport d’activité du Bureau et de la commission permanente ;

– Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Gilbert Saboya Sunye, ministre des affaires étrangères d’Andorre, président du Comité des Ministres ;

– Intervention de M. Mikheil Saakachvili, président de la Géorgie 

Mardi 22 janvier 2013

– La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe ;

– Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe ;

– Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), précédé d’une intervention de M. Hans Peter Lankes, vice-président de la BERD ;

– Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg : les insuffisances structurelles dans les États membres, précédé d’une intervention de Mme Paola Severino, ministre de la justice de l’Italie ;

– Dialogue post-suivi avec la Bulgarie.

Mercredi 23 janvier 2013

– Géorgie et Russie : la situation humanitaire dans les régions touchées par la guerre et les conflits ;

– Débat libre ;

– Débat joint sur la situation en Azerbaïdjan ;

– Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine.

Jeudi 24 janvier 2013

– Migrations et asile : montée des tensions en Méditerranée orientale ;

– Développements récents au Mali et en Algérie et menace pour la sécurité et les droits de l’Homme dans la région méditerranéenne ;

– Intervention de M. Štefan Füle, commissaire européen en charge de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage ;

– L’état de la liberté des médias en Europe.

Vendredi 25 janvier 2013

– Égalité des sexes et conciliation de la vie familiale et professionnelle ;

– La traite des travailleurs immigrés à des fins de travail forcé.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des Ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des Ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques et de la démocratie

La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. Björn von Sydow (Suède – SOC)

Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement

Rapporteur : M. Tuur Elzinga (Pays-Bas – GUE)

Développements récents au Mali et en Algérie et menace pour la sécurité et les droits de l'Homme dans la région méditerranéenne

Rapporteure : Mme Karin Woldseth (Norvège – GDE)

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg : les insuffisances structurelles dans les États Parties

Rapporteur : M. Serhii Kivalov (Ukraine – GDE)

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Géorgie et Russie : la situation humanitaire dans les régions touchées par la guerre et les conflits

Rapporteure : Mme Tina Acketoft (Suède – ADLE)

Migrations et asile : montée des tensions en méditerranée orientale

Rapporteur : Mme Tineke Strik (Pays-Bas – SOC)

La traite des travailleurs immigrés à des fins de travail forcé

Rapporteure : Mme Annette Groth (Allemagne – GUE)

Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias

L’état de la liberté dans les médias en Europe

Rapporteur : M. Mats Johansson (Suède – PPE/DC)

Commission sur l’égalité et la non-discrimination

Égalité des sexes et conciliation de la vie familiale et professionnelle

Rapporteure : Mme Carmen Quintillana (Espagne – SOC)

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan

Rapporteurs : MM. Pedro Agramunt (Espagne – PPE/DC) et Joseph Debono Grech (Malte – SOC)

Dialogue post-suivi avec la Bulgarie

Rapporteur : M. Luca Volontè (Italie-PPE/DC)

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 21 janvier 2013

– Rapport d’activité du Bureau et de la commission permanente : Mme Josette Durrieu et M. Yves Pozzo di Borgo ;

– Intervention de M. Mikheil Saakachvili, président de la Géorgie : Mme Josette Durrieu.

Mardi 22 janvier 2013

– La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe : MM. Bernard Fournier et Jean-Pierre Michel (au nom du groupe socialiste) ;

– Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe : Mme Josette Durrieu et M. Jacques Legendre ;

– Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) : Mme Brigitte Allain ;

– Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg : les insuffisances structurelles dans les États membres : MM. Jean-Pierre Michel et Yves Pozzo di Borgo ;

Mercredi 23 janvier 2013

– Géorgie et Russie : la situation humanitaire dans les régions touchées par la guerre et les conflits : MM. Christian Bataille (au nom du groupe socialiste) et Jean-Marie Bockel ;

– Débat libre : Mme Josette Durrieu ;

– Débat joint sur la situation en Azerbaïdjan : MM. Jean-Marie Bockel, Jacques Legendre, Thierry Mariani et René Rouquet ;

– Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine : M. Jean-Claude Frécon, Jean-Yves Le Déaut et André Schneider.

Jeudi 24 janvier 2013

– Migrations et asile : montée des tensions à l’Est de la Méditerranée : Mme Marie-Louise Fort et MM. Philippe Bies et René Rouquet ;

– Développements récents au Mali et en Algérie et menace pour la sécurité et les droits de l’Homme dans la région méditerranéenne : MM. Jean-Marie Bockel, François Loncle, Thierry Mariani (au nom du groupe PPE), René Rouquet et Rudy Salles.

Vendredi 25 janvier 2013

– Égalité des sexes et conciliation de la vie familiale et professionnelle : Mmes Bernadette Bourzai et Marie-Jo Zimmermann ;

– La traite des travailleurs immigrés à des fins de travail forcé : M. André Schneider (au nom du groupe PPE).

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. INTERVENTION DE M. MIKHEIL SAAKACHVILI, PRÉSIDENT DE LA GEORGIE

Les élections législatives organisées en Géorgie le 1er octobre dernier ont été marquées par la victoire de la coalition « Rêve géorgien » de Bidzina Ivanishvili, issue de l’opposition au Président Mikheil Saakachvili. Le mandat de ce dernier devrait se terminer en octobre 2013. La Géorgie est donc confrontée à une situation inédite de cohabitation à la tête de l’État. Celle-ci est marquée par un certain nombre de tensions en raison de l’antagonisme entre le chef de l’État et son nouveau Premier ministre.

Cette nouvelle configuration politique a été au cœur de l’intervention du président géorgien devant l’Assemblée parlementaire, la quatrième depuis sa première élection en janvier 2004. Rappelant la nécessité pour toute démocratie de connaître l’alternance, il a néanmoins dénoncé certains excès depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Il a ainsi cité les poursuites judiciaires contre les anciens responsables gouvernementaux, les parlementaires de l’opposition, les autorités locales ou certains médias.

Le Président souhaite, par ailleurs, que le nouveau gouvernement poursuive l’intégration européenne et euro-atlantique de la Géorgie. Il a regretté que le nouveau Premier ministre entende placer le pays à équidistance entre l’Union européenne et la Russie, estimant même que le gouvernement semblait plus favorable à Moscou qu’à l’Occident. M. Saakachvili a, dans le même temps, dénoncé une présence militaire russe croissante en Abkhazie et en Ossétie du Sud et condamné l’épuration ethnique de fait qui y est organisée contre la population géorgienne.

A l’occasion du débat dans l’hémicycle, Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a souhaité apporter son soutien au président géorgien, par ailleurs ancien membre de l’Assemblée parlementaire :

« Je salue notre ancien collègue parlementaire du Conseil de l'Europe, avec lequel nous avons parcouru un long chemin.

Monsieur le Président, les avis dans cette enceinte sont partagés. Je souhaiterais que le Conseil de l'Europe conserve parmi ses principes le respect de la souveraineté et de l’intégrité des États. C’est un appel à une solution pacifique entre la Géorgie et la Fédération de Russie. »

B. LA SITUATION AU KOSOVO ET LE RÔLE DU CONSEIL DE L’EUROPE

Trois ans après l’adoption d’une résolution sur le même sujet et deux ans après le vote de textes concernant les allégations de trafic d’organes sur le territoire kosovar au moment de la guerre d’indépendance, la commission des questions politiques et de la démocratie a souhaité de nouveau débattre de la question du Kosovo, alors que des négociations entre Pristina et Belgrade ont débuté sous l’égide de l’Union européenne au printemps 2011. L’indépendance du Kosovo n’étant pas reconnu par la totalité des États membres du Conseil de l’Europe, la question du statut n’est pas abordée dans le rapport présenté devant l’Assemblée.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC), intervenant au nom du groupe socialiste, a souhaité insister dans son propos sur la mise en œuvre d’une véritable décentralisation dans le pays, destinée à favoriser la coexistence entre les communautés :

« Je remercie tout d’abord M. von Sydow, dont le rapport commence de façon très noire pour s’éclaircir à la fin.

Pour m’être moi-même rendu au Kosovo ainsi que dans tous les autres pays de la zone, j’ai pu constater que la situation évolue et s’améliore depuis deux ou trois ans, notamment grâce au dialogue renoué entre Pristina et Belgrade sous l’égide de l’Union européenne – dialogue qui, naguère, était totalement bloqué. Il est évident que la Serbie a tout intérêt à apaiser sa relation avec le Kosovo si elle veut intégrer l’Union européenne, car c’est aujourd’hui l’obstacle principal qui lui reste à franchir.

Passé ce constat diplomatique, je m’interroge cependant sur la réalité de ce dialogue sur le terrain.

Sur le terrain, le Kosovo tente de devenir un État moderne et de consolider son régime démocratique. Il vise à intégrer dans le même temps le concert des nations européennes. Son principal défi est celui de la coexistence pacifique entre deux communautés qui ont vécu des années de guerre civile et qui, pour certains, sont toujours dans une haine réciproque totale. Les violences ont cessé aujourd’hui et, même si elles reprennent sporadiquement, elles sont condamnées par le gouvernement central. Il appartient à ce dernier désormais de dépasser ce stade et de faire émerger un véritable vouloir vivre-ensemble. J’ai encore en tête les propos d’une jeune habitante de Mitrovica, qui travaillait pour une association pro-européenne et refusait de voyager avec un passeport kosovar, souhaitant simplement disposer d’un passeport serbe. Cela en dit long sur l’état de la société du Kosovo aujourd’hui !

La décentralisation que les autorités disent vouloir promouvoir doit être mise en place et donner lieu à de véritables péréquations en vue de diminuer le rôle des structures parallèles – financées aujourd’hui par la Serbie, comme chacun sait. Par ailleurs, le bilinguisme doit être encouragé car, aujourd’hui, les deux communautés ne se comprennent pas parce qu’elles ne parlent pas la même langue.

Le nord du pays reste un défi de taille. Ce territoire tient plus, à l’heure actuelle, du sud de la Serbie que de la partie septentrionale du Kosovo. Mais, pour ma part, je ne militerai pas en faveur d’une partition ou de la mise en place d’une Republika Srpska kosovare – on a vu le résultat en Bosnie -, tant une nouvelle division aurait une incidence considérable sur le devenir de la région et ouvrirait, à n’en pas douter, de nouvelles périodes d’instabilité non seulement au Kosovo, mais aussi en Serbie, en Macédoine et, bien sûr, en Bosnie-Herzégovine. Ces pays n’en ont vraiment pas besoin. De nombreux précédents montrent, à l’image de l’accord de Gasperi-Grüber de 1947 sur le Tyrol du Sud, qu’il existe des moyens pour permettre à toutes les parties de ce pays de s’intégrer pleinement.

En conclusion, Monsieur le Président, je voudrais suggérer que, lors d’une session, soit inscrit à l’ordre du jour un débat conjoint ou consécutif sur les quatre États issus de l’ex-Yougoslavie : le Monténégro, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. Ces quatre pays ne sont pas aujourd’hui de vrais États démocratiques. Ils peinent à le devenir pour des raisons différentes, certes, mais qui s’apparentent. Entendre des rapports successifs sur ces quatre États permettrait à l’Assemblée parlementaire d’avoir un éclairage bien plus complet sur la situation. »

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a, quant à lui, appelé le Conseil de l’Europe à jouer pleinement un rôle en faveur du dialogue entre Serbes et Kosovars :

« L’année qui vient de s’écouler a correspondu à une nouvelle étape pour le Kosovo, lequel semble enfin, à l’aube du quinzième anniversaire de la création du Groupe de contact, trouver sa place sur la scène régionale, mais aussi internationale, et cela en dépit des incertitudes qui entourent encore son statut.

Je tiens au préalable à saluer la clairvoyance des autorités serbes qui, depuis deux ans et malgré un changement de gouvernement, poursuivent les négociations avec leurs homologues kosovars sous l’égide de l’Union européenne, afin de régler un certain nombre de problèmes techniques mais aussi politiques. Sans cette ouverture, je ne doute pas que le rapport présenté aujourd’hui par la commission des questions politiques, mais aussi la communication de la Commission européenne sur le sujet publiée en octobre dernier, seraient moins positifs sur le développement des institutions démocratiques au Kosovo.

Mon propos liminaire ne doit pas pour autant laisser penser que tout va bien au Kosovo, car je mesure grandement les difficultés qui persistent. N’oublions pas que ce pays est confronté à un triple défi : celui de la reconstruction, après des années de guerre civile larvée ; celui de la démocratie, le peuple kosovar n’ayant pratiquement jamais connu ce régime ; et celui de l’affranchissement de la tutelle internationale. Ce dernier point n’est d’ailleurs pas sans conséquences sur un autre enjeu fondamental pour le Kosovo, celui du développement économique.

Face à ces défis, le Conseil de l’Europe a un rôle indéniable à jouer. Les instruments dont nous disposons sont à même de respecter les positions neutres adoptées par notre Organisation sur la question du statut. Je regrette néanmoins, comme l’indique le projet de recommandation, que notre Organisation n’ait pas été en mesure de mettre en place d’autres mécanismes de suivi, notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Le Conseil de l’Europe doit s’affranchir de toute logique diplomatique en ce qui concerne le Kosovo et viser surtout au respect, sur place, des valeurs qui nous unissent ici. Le renforcement de l’État de droit à Pristina ne saurait être envisagé comme une reconnaissance implicite de l’indépendance ; il doit plutôt constituer une priorité sur un territoire qui, quel que soit son statut, est du ressort géographique du Conseil de l’Europe. Ne nous trompons donc pas de débat.

Je remarque d’ailleurs que l’Union européenne avance de son côté en lançant une étude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d’association avec le Kosovo, quand bien même cinq États membres se refusent toujours à reconnaître son indépendance. Nous ne pouvons, une nouvelle fois, nous perdre dans des débats stériles sur l’opportunité politique d’une action et laisser d’autres organisations reprendre nos missions. La commission des questions politiques souhaite donc avec raison que soit améliorée la coopération avec les autres acteurs internationaux, afin notamment d’éviter de dupliquer les efforts. Le risque de duplication suppose néanmoins une implication pleine et entière de notre Organisation. Permettez-moi donc d’appeler le Comité des Ministres à courir ce risque. »

Rappelant les tensions permanentes au nord du pays, la résolution adoptée insiste sur la poursuite des négociations entre les autorités serbes et kosovares et le renforcement de l’autonomie des municipalités à majorité serbe situées dans cette région. Elle appelle également au renforcement de la stratégie adoptée par le gouvernement kosovar en faveur des minorités rom, ashkali et égyptienne vivant dans le pays.

Le texte insiste, en outre, sur la nécessaire amélioration du cadre juridique, institutionnel et politique de la lutte contre la corruption, les progrès réalisés en la matière étant considérés comme trop lents. Le rapport souligne que des retards équivalents sont enregistrés en ce qui concerne le combat contre le crime organisé, notamment dans le nord du pays. L’Union européenne est invitée, dans le même temps, à renforcer la mission EULEX qu’elle a déjà déployée sur le territoire kosovar.

La recommandation adoptée par l’Assemblée souligne de son côté la nécessité de consolider la coopération entre le Conseil de l’Europe et le Kosovo et invite le Comité des ministres à développer davantage ses actions de promotion de normes en faveur de l’indépendance et l’efficacité de la justice, de lutte contre la traite des êtres humains ou de promotion de l’égalité des sexes. L’Assemblée devrait dans le même temps renforcer ses liens avec l’Assemblée du Kosovo et permettre à ses représentants de participer aux travaux en commission, sans participation aux votes.

C. DIALOGUE POST-SUIVI AVEC LA BULGARIE

La Bulgarie est membre du Conseil de l’Europe depuis 1992. L’Assemblée parlementaire a clos la procédure de suivi la concernant en 2000 et décidé, dans le même temps, d’ouvrir un dialogue avec Sofia en vue de régler un certain nombre de problèmes restant en suspens. La résolution 1730 adoptée en 2010 a d’ailleurs constitué un premier état des lieux des efforts mis en œuvre. Des progrès devaient néanmoins être accomplis en matière judiciaire, de lutte contre la corruption ou de liberté de la presse.

Chargée d’évaluer les mesures adoptées depuis 2010, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe, dite commission de suivi, a présenté un rapport nuancé devant l’Assemblée parlementaire. Reconnaissant les avancées obtenues en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé, via la mise en place d’un cadre législatif adapté, la commission relève néanmoins des lacunes persistantes dans les procédures d’enquête. L’adoption prochaine d’un nouveau Code pénal devrait permettre d’améliorer la pratique.

Si la commission est préoccupée par la montée du nationalisme et un climat hostile aux minorités, elle souligne cependant que des progrès indéniables ont été enregistrés afin de garantir à celles-ci l’égalité des droits. Les atteintes aux droits de l’Homme par les forces de police sont, par ailleurs, en régression.

La commission préconise néanmoins un certain nombre de dispositions en vue de pérenniser et rendre irréversible les réformes démocratiques déjà adoptées. Elles concernent le rôle du Conseil judiciaire suprême, la révision de la loi sur les conflits d’intérêts, l’indépendance des médias et la protection des minorités. En attendant, elle a appelé au maintien du dialogue post-suivi avec la Bulgarie, ce que l’Assemblée a approuvé.

D. GEORGIE ET RUSSIE : LA SITUATION HUMANITAIRE DANS LES RÉGIONS TOUCHÉES PAR LA GUERRE ET LES CONFLITS

Quatre ans et demi après le déclenchement de la guerre entre la Géorgie et la Russie et trois ans après l’adoption par l’Assemblée parlementaire d’un texte abordant les conséquences humanitaires de la guerre, la commission des migrations, des personnes déplacés et des réfugiés a souhaité faire le point sur la situation sur les territoires concernés.

Si les besoins humanitaires urgents qui se sont manifestés au lendemain de la guerre de 2008 entre la Géorgie et la Russie ont été pris en charge, il demeure cependant des problèmes majeurs qui ne pourront être résolus tant que l’intérêt politique primera sur la vie des personnes. La commission relève ainsi qu’ à l’exception d’individus qui ont pu retourner dans les régions de Gali et d’Akhalgori, les perspectives de retour de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) restent minces. Le droit au retour volontaire, en toute sécurité et dans la dignité reste illusoire. La présence de forces militaires russes sur la ligne de démarcation administrative en Abkhazie et en Ossétie du Sud peut, en effet, dissuader ces retours. Par conséquent, la fourniture de solutions de logement durable et de moyens de subsistance pour les personnes déplacées reste un défi majeur pour les autorités géorgiennes.

Intervenant au nom du groupe socialiste, M. Christian Bataille (Nord – SRC) a insisté sur la nécessité de régler rapidement la question du statut des territoires au centre du conflit entre la Géorgie et la Russie :

« Madame la rapporteure, je voudrais tout d’abord vous féliciter pour votre rapport et vos propositions qui me semblent particulièrement pertinentes. Comme vous le rappelez fort justement, la guerre russo-géorgienne de 2008 a apporté son lot de drames humains dans une région déjà touchée par une guerre très meurtrière en 1993.

Aujourd’hui, la question du statut et du passage des lignes de démarcation doit être résolue pour ces personnes déplacées, qui vivent dans des conditions intolérables. Bien sûr, des progrès ont été faits. La semaine dernière, les autorités de fait établies en Abkhazie ont annoncé l’ouverture de trois nouveaux points de passage ; c’est une bonne nouvelle.

Mais d’autres aspects m’inquiètent : le mécanisme de prévention et de résolution des incidents pour l’Abkhazie est suspendu depuis 2012 et le cadre de négociation des discussions de Genève est bloqué, voire remis en question.

Or les discussions de Genève restent aujourd’hui la seule instance de dialogue entre les parties. Parmi les points qui doivent être abordés dans ce cadre figure le statut de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud au sein de la Géorgie. C’est justement le cœur du problème politique.

Lundi, lors de la séance de questions à M. Saakachvili, il a été rappelé que le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États membres du Conseil de l’Europe doit rester une valeur cardinale de notre Organisation. De fait, la grande majorité des Etats membres de notre Assemblée est attachée à ce principe.

Pour éviter un nouveau désastre humanitaire, il faut réfléchir à un nouveau statut qui pourrait convenir à toutes les parties. Mais on ne peut pas transiger sur le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la Géorgie. Par ailleurs, une paix viable ne peut se concevoir sans que soit résolue la difficile question du droit au retour des populations qui ont fui les régions séparatistes lors des conflits successifs.

Enfin, nouvel élément de complexité dans un dossier qui n’est déjà pas simple, aucune solution durable ne peut être imaginée sans que la Russie n’apporte une contribution positive à la résolution du conflit.

Chers collègues géorgiens, après les élections législatives d’octobre 2012, une nouvelle approche des relations avec la Russie semble privilégiée. Dès le 14 novembre, le Premier ministre, M. Ivanichvili, a appelé à la normalisation des relations historiques entre la Géorgie et la Russie. En décembre se sont rencontrés M. Abachidze, représentant spécial pour les relations avec la Russie, et M. Karassine, vice-ministre russe des affaires étrangères. Cela doit être salué comme un pas dans la bonne direction.

Chers collègues russes, je reste persuadé que votre pays, qui accueillera en 2014 les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi, à seulement quelques dizaines de kilomètres de la Géorgie, ne peut que trouver son intérêt dans une stabilisation de la région, selon des modalités qui respectent les intérêts de chacun.

Pour que la situation humanitaire s’améliore, le minimum est que les propositions de la rapporteure soient mises en œuvre. Mais au-delà, il faut que cessent les déclarations et les comportements souvent jusqu’au-boutistes des autorités de fait établies dans les entités séparatistes. Il faut aussi que les coprésidents des discussions de Genève puissent jouer pleinement leur rôle. »

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC) a, quant à lui, insisté sur le rôle de médiateur que pourrait jouer le Conseil de l’Europe en vue de rapprocher les positions géorgiennes et russes :

« J’étais en octobre dernier en Géorgie pour observer, au nom de notre Assemblée, les élections législatives qui s’y déroulaient et j’ai pu constater que cette question était très sensible dans les esprits.

L’annonce à la mi-décembre d’une rencontre entre diplomates géorgiens et russes a constitué une première indication concernant les intentions du nouveau gouvernement. Quand bien même cette première rencontre n’a pas à première vue débouché sur des résultats concrets, il convient de la saluer, tant une partie du dossier qui nous occupe ce matin dépend du développement de rencontres à haut niveau, jusque-là inexistantes.

Trois ans après nos derniers travaux sur le sujet, force est de constater que l’urgence demeure. Au-delà même de la question politique, l’excellent travail de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées rappelle la situation dramatique rencontrée au quotidien par des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ou bloquées le long de la ligne de démarcation administrative. Si l’on assiste, comme le souligne judicieusement la rapporteure, à un gel lent mais indubitable du conflit, la misère et la détresse n’en demeurent pas moins le lot quotidien de plusieurs catégories des populations concernées.

Je salue bien évidemment les constats et les demandes de la commission des migrations. Je ne peux néanmoins m’empêcher de penser que nous n’obtiendrons de résultats en la matière qu’en agissant à un plus haut niveau. Je souhaite que le Conseil de l’Europe puisse agir en médiateur et organise un dialogue régulier entre les parties en présence, comme l’Union européenne a su le faire avec la Serbie et le Kosovo. Les échanges entre ces deux pays ont permis la résolution de difficultés pratiques et techniques affectant les populations des deux pays, notamment la minorité serbe, sans que jamais ne soient vraiment abordées la question du statut du Kosovo et une quelconque reconnaissance de l’indépendance. C’est le parallélisme que je voulais faire pour montrer qu’une diplomatie parlementaire a pu faire bouger les lignes.

Un tel dispositif pourrait rendre d’immenses services aux populations géorgienne, abkhaze et ossète. Il ne serait en aucun cas la légitimation d’une situation qui, rappelons-le, est en contradiction avec les règles les plus élémentaires du droit international.

J’invite également les délégations géorgienne et russe de cette Assemblée à participer à ce dialogue, en tant que représentants de peuples. Les enceintes parlementaires sont souvent un endroit où nous pouvons analyser les situations avec plus de recul. Le cadre de l’Assemblée parlementaire me paraît plus qu’adapté pour mener à bien ces échanges dépassionnés et visant avant tout à permettre à des milliers de personnes de vivre décemment.

C’est en conjuguant tous ces efforts, ceux des États, les nôtres, ceux de nos collègues concernés que nous pourrons contribuer à un début de solution. En tout cas, bravo à Mme la rapporteure ! »

La résolution et la recommandation adoptées par l’Assemblée insistent sur les aménagements à apporter qui permettraient d’améliorer le quotidien des personnes affectées par le conflit. Le franchissement de la ligne de démarcation administrative devrait ainsi être facilité afin notamment d’améliorer la reprise économique et d’améliorer les conditions de vie de la population locale. La question du logement est, elle aussi, jugée cruciale par l’Assemblée qui encourage les autorités géorgiennes à offrir des solutions durables aux personnes déplacées, en réhabilitant notamment certains centres collectifs. L’Assemblée insiste également sur la nécessité pour les parties en présence de garantir la sécurité de l’ensemble des personnes dans la région et notamment celles qui ont pu retourner dans leurs foyers, en adoptant des mesures destinées à lutter contre la criminalité, le racket, le travail forcé ou les violences faites aux femmes. Les recherches sur les personnes disparues doivent dans le même temps être appuyées. Le droit à l’enseignement dans la langue maternelle, en particulier pour les Géorgiens des régions de Gali et Akhalgori, doit, en outre, être respecté.

E. DÉBAT LIBRE

La réforme du Règlement entrée en vigueur en janvier 2012 prévoit l’organisation d’un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n’est pas inscrit à l’ordre du jour.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a souhaité intervenir sur le conflit israélo-palestinien :

« Je souhaite m’exprimer ce matin en tant que présidente de la sous-commission du Moyen-Orient. On parle peu, en ce moment, du conflit israélo-palestinien, et davantage de la Syrie et du Mali. Et pourtant, il est nécessaire de se tenir au courant. Les élections qui ont eu lieu hier en Israël semblent avoir reconduit M. Netanyahou dans ses fonctions, même s’il dispose d’une moindre majorité. Il devrait s’appuyer désormais sur des alliés d’extrême droite, ce qui conduira sans doute au renforcement de certaines revendications.

Le Conseil national palestinien possède le statut de partenaire pour la démocratie depuis 2011 au sein du Conseil de l'Europe et celui d’État observateur à l’ONU depuis 2012, soit une étape importante et un signe fort de la communauté internationale. Il s’agit de l’affirmation d’un statut par le droit et non par la force.

De toute évidence, le processus de paix doit aujourd’hui reprendre et l’on ne peut se satisfaire du statu quo, même s’il convient peut-être à certains partenaires. Il y a au moins trois conditions à la reprise du processus de négociation : la reconnaissance des deux États, la condamnation et l’arrêt de la colonisation, et l’arrêt de l’occupation.

Hier, durant le débat, les représentants de la Palestine ont évoqué la possibilité d’un recours judiciaire devant la Cour internationale de justice ou le Tribunal pénal international, rendu possible par ce statut. Peut-être cela leur avait-il été demandé, ou bien était-ce spontané. Ils ont sagement déclaré qu’ils souhaitaient des négociations. Nous aussi, et nous insistons sur ce point.

Mais nous leur avons également déclaré qu’il fallait en priorité que le peuple palestinien retrouve son unité. Il semble que des pourparlers soient engagés entre le Fatah et le Hamas, nous émettons beaucoup de vœux pour 2013. »

F. DÉBAT JOINT SUR LA SITUATION EN AZERBAÏDJAN

L’ordre du jour appelait la tenue d’un débat joint sur deux rapports ayant trait à la situation de la démocratie en Azerbaïdjan, l’un présenté par la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres, dite commission de suivi, visant l’état de la démocratie dans le pays et l’autre abordant la question spécifique des prisonniers politiques retenus dans le pays, présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme.

1. Le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan

La définition de « prisonnier politique » retenue par le Conseil de l’Europe a été élaborée en 2001 par un groupe d’experts indépendants, qui avait pour mission d’apprécier le cas des prisonniers politiques présumés en Arménie et en Azerbaïdjan, à l’occasion de l’adhésion de ces deux pays à l’Organisation. L’Assemblée parlementaire a par la suite adopté deux résolutions en 2004 et 2005 et une recommandation en 2005 abordant le cas des prisonniers retenus en Azerbaïdjan. Faute de réponse satisfaisante de la part des autorités azéries, la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a souhaité présenter un rapport devant l’Assemblée parlementaire demandant la libération de la plupart des prisonniers politiques, en attendant, pour certains d’entre eux, la tenue d’un procès équitable. Le projet de résolution invitait également le gouvernement local à s’abstenir d’arrêter les participants lors des manifestations pacifiques et à faire cesser toute atteinte à la liberté d’expression.

Le rapport initial adopté en juin 2012 par la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme contenait une liste récapitulative de prisonniers politiques présumés, comprenant 85 noms. Cette liste a été révisée en janvier dernier afin de retirer 35 personnes libérées depuis. L’addendum publié à cette occasion ajoute cependant 10 nouveaux noms. Ces chiffres tranchent cependant avec ceux d’Amnesty International qui ne dénombre que 14 prisonniers politiques en Azerbaïdjan.

Cet écart entre les chiffres de l’ONG et ceux du rapporteur de la commission, M. Christoph Strässer (Allemagne – SOC) a nourri une partie des critiques à l’égard du rapport.

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France – UMP) s’est, quant à lui, interrogé sur les critères retenus par le rapporteur pour définir les prisonniers politiques :

« Nous débattons aujourd’hui de deux rapports sur l’Azerbaïdjan qui sont bien différents.

Nos collègues de la commission de suivi ont fait un travail équilibré : tout en rappelant les problèmes qui subsistent, ils ont eu l’honnêteté de souligner les progrès accomplis par l’Azerbaïdjan depuis son indépendance. M. Strässer a choisi une autre voie, n’accordant aucun crédit aux progrès sensibles accomplis par ce pays.

Élu pour représenter les Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, j’ai eu l’occasion de me rendre très souvent dans cet État. L’Azerbaïdjan a réussi, malgré une situation géopolitique difficile, à faire rempart à l’islamisme et à préserver une pratique moderne de l’islam. Ce n’est pas évident quand on a l’Iran pour voisin ! L’Iran qui entretient une politique de déstabilisation de l’Azerbaïdjan en finançant par exemple une partie de l’opposition, et notamment une télévision. Ce n’est pas évident de respecter tous les principes démocratiques avec une telle opposition ! Néanmoins, le statut de la femme et la liberté de religion sont garantis. Je connais peu de pays où l’islam est la religion dominante et où l’ambassade d’Israël n’a même pas besoin d’un policier pour être protégée…

Ceux qui prônent la mise en place d’un régime islamiste, ceux qui appellent à un coup d’État, ne peuvent pas être considérés comme des prisonniers d’opinion ! Le rapport de M. Strässer manque de précision. Bien sûr, l’addendum qui a été publié hier prend en compte la grâce du 26 décembre dernier et procède à quelques rectifications bienvenues dans un décompte très contestable. Mais il reste trop de divergences avec les évaluations d’Amnesty international, mentionnées dans le rapport de la commission de suivi, ou même avec celles des ONG azerbaïdjanaises grâce auxquelles vous avez fait votre liste.

De même, Monsieur Strässer, vous expliquez que, consultée par écrit, la direction du PIA vous a fait des réponses « convenables » sur la façon dont il compte prendre le pouvoir. Il fallait être bien naïf pour croire qu’ils allaient vous répondre : « oui, Monsieur Strässer, nous voulons instaurer la charia et nous allons prendre le pouvoir par la force ».

Tout ce travail me semble contestable ! Votre rapport sur la définition des prisonniers politiques prenait déjà plusieurs fois l’Azerbaïdjan pour cible. Ce pays mérite-t-il d’être systématiquement stigmatisé de la sorte ?

Vous nous dites aussi que vous n’avez pas pu vous rendre en Azerbaïdjan parce que l’on ne vous a pas accordé de visa. Sincèrement, je le regrette. Les corapporteurs de la commission de suivi, eux, n’ont eu visiblement aucun problème ; ils soulignent d’ailleurs la qualité des relations et des réponses obtenues de la part des autorités azerbaïdjanaises. Et leur action n’a pas été étrangère, me semble-t-il, à la libération d’un certain nombre de prisonniers.

Chers collègues, le Président de notre Assemblée a fait de la résolution des conflits gelés une priorité de sa présidence. Dans cette perspective, il me paraît judicieux de développer la coopération avec l’ensemble des protagonistes plutôt que de se complaire dans une mise au ban systématique de l’un de ses pays dans l’hémicycle.

C’est pourquoi je soutiendrai le projet de résolution de la commission de suivi mais je voterai contre le projet de résolution de M. Strässer. »

M. Jacques Legendre (Nord – UMP) a souhaité dépasser le cadre de l’Azerbaïdjan pour aborder la question des prisonniers politiques à l’échelle du continent :

« Le 14 mars dernier, le ministre des affaires étrangères azéri dénonçait dans une interview à un journal allemand les critiques visant les atteintes répétées aux droits fondamentaux observées dans son pays. Il indiquait à cet effet qu’il n’y avait aucun prisonnier politique en Azerbaïdjan, personne ne pouvait y être emprisonné pour un délit d’opinion, et le ministre d’ajouter qu’il n’existait pas, de toute façon, de « définition internationale valable de ce concept ». Le débat organisé aujourd’hui devrait permettre à M. le ministre des affaires étrangères d’Azerbaïdjan de prendre connaissance des travaux élaborés par le Conseil de l’Europe il y a désormais plus de dix ans.

La notion de prisonnier politique a, en effet, été élaborée par notre Organisation en 2011, en vue, notamment, de déterminer si de tels détenus étaient en captivité en Arménie ou en Azerbaïdjan. Cette absence de connaissance préoccupe. Amnesty International note que l’Azerbaïdjan compte, à l’heure actuelle, 14 prisonniers politiques. Ces arrestations sont relativement récentes et visent des personnes ayant souhaité faire usage de leur droit à la liberté d’expression, droit élémentaire dans un pays membre du Conseil de l’Europe. Il s’agit de jeunes, je pense au bloggeur Tural Abbalsi, mais aussi d’anciens responsables politiques, à l’image des anciens ministres Farad Aliyev et Ali Insanov.

Le déni azéri n’est pas le seul au sein de notre Organisation. Il ne faut pas s’en prendre qu’à l’Azerbaïdjan et nous aurions tort de nous focaliser sur ce seul pays. En juin 2012, la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme avait déjà dénoncé ici-même les entraves rencontrées par les défenseurs des droits de l’Homme au sein d’autres États membres.

Nous avons longuement abordé le cas de la Russie en octobre dernier. Nous pourrions nous attarder sur le cas de la Turquie. Il ne s’agit pas de reprendre l’éternel débat sur le statut du PKK, je souhaitais simplement rappeler le cas d’Halil Savda, condamné à une peine de cent jours d’emprisonnement pour s’être publiquement déclaré en faveur de l’objection de conscience. Il convient également d’être extrêmement vigilant au cas de Mme Pinar Selek, écrivain et sociologue. Nous pourrions également citer d’autres exemples.

Rappelons par ailleurs que le 20 juillet dernier, en Arménie cette fois, la justice a condamné quatre membres de l’opposition à des peines de prison ferme : six ans pour Tigran Arakelyan, trois pour Artak Karapetyan et deux pour David Kiramijyan et Sargis Gevorgyan.

Ces nombreux cas soulignent un peu plus combien notre procédure de suivi demeure imparfaite. Il n’est pas possible que nous continuions à adopter des résolutions et recommandations sur la défense des droits de l’Homme sur notre continent et autour du bassin méditerranéen, alors même que nous sommes incapables de faire respecter les principes élémentaires de ces droits de l’Homme au sein des États membres. Les parlementaires que nous sommes n’ont pas à se faire les complices du cynisme et de la violence d’Etat. »

La résolution n’a pas été adoptée par l’Assemblée.

2. Respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan

Trois ans après l’adoption d’une résolution sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan, la commission de suivi a présenté devant l’Assemblée un rapport destiné à présenter les progrès accomplis depuis 2010 et à évaluer la nature des réformes restant à mettre en œuvre.

Depuis son adhésion en janvier 2011, l’Azerbaïdjan a signé et ratifié 56 des 213 conventions du Conseil de l’Europe. Elle a adopté dans le même temps un certain nombre de réformes destinées à démocratiser ses institutions, qu’il s’agisse de l’instauration en 2005 d’un Conseil juridique et judiciaire ou de la mise en place d’une nouvelle législation contre la corruption et la criminalité organisée, qu’il reste néanmoins à mettre en œuvre effectivement. La commission de suivi a également salué dans son rapport la coopération des autorités azéries avec la commission de la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite commission de Venise.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC) a souligné, à cet égard, le caractère perfectible de la démocratie azérie :

« Je ne mésestime pas les progrès qui restent à accomplir aux autorités azéries pour parvenir à respecter complètement les critères définis par notre Organisation en matière de démocratie, d’État de droit et de protection des droits de l’Homme. L’Azerbaïdjan est, en de nombreux points, une démocratie perfectible.

Je ne cèderai pas pourtant à la tentation de dresser un constat trop négatif sur ce pays, tant l’idéal démocratique devrait pouvoir s’y affirmer dans les années à venir. J’insiste à cet égard sur le potentiel économique dont il dispose. Le développement économique est souvent un accélérateur du changement politique, la prospérité débouchant le plus souvent sur la démocratie. Les routes, les écoles et les hôpitaux modernisés, grâce à la manne pétrolière, viennent souligner que les autorités azéries mettent d’ores et déjà en avant le bien-être de la population au premier plan.

J’insiste d’ailleurs sur la question sensible du Haut-Karabakh, point de fixation qui freine les efforts vers plus de démocratie. Plus de 10 % de la population possède le statut de réfugié. Leur situation souvent difficile alimente une culture du ressentiment, incompatible avec les valeurs que le Conseil de l’Europe défend. Nous devons œuvrer en vue de trouver une solution à ce conflit, en accompagnant les efforts du groupe de Minsk en la matière. Notre enceinte réunit les deux belligérants. La diplomatie parlementaire pourrait permettre d’engranger des résultats tangibles.

Je relève que l’Union européenne s’inscrit, elle aussi, dans cette optique, puisqu’elle a récemment appelé à une accélération des négociations sur le sujet. Le commissaire à l’élargissement, que nous accueillerons demain, a lui aussi souligné, le 17 décembre dernier, les efforts à mener en vue de consolider la démocratie en Azerbaïdjan. Il a dans le même temps salué le renforcement de la coopération entre Bruxelles et Bakou dans le secteur énergétique. Cet accord ne sera pas sans conséquence au plan politique. L’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce que l’Union européenne commence à appeler de ses vœux pour l’Azerbaïdjan me semble aussi une piste à creuser en vue d’une plus grande ouverture du pays.

Si notre débat nous permet de parler d’un rapport que tout le monde salue, une procédure qui va favoriser une marche vers la démocratie, le second rapport ne s’inscrit pas dans cette idée d’accompagnement, mais risque de contribuer à mettre un pays au ban de notre Organisation. Celle-ci ne doit pas stigmatiser un pays de la sorte, sans voir les efforts très importants qu’il réalise compte tenu de sa spécificité et d’un environnement géopolitique marqué par la guerre avec l’un de ses voisins.

Si la situation est perfectible à bien des égards, nous devons nous inspirer de ce qui fonctionne dans ce pays, je pense notamment à la tradition laïque. La majorité musulmane coexiste pacifiquement avec les communautés chrétienne et juive qui résident dans le pays. Cela mérite d’être souligné.

Pour ces raisons, j’approuve sans réserve ce rapport, mais je ne pourrai voter celui concernant la question des prisonniers politiques, incomplet et partial. »

L’application restrictive, les violations de certaines lois et le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire soulèvent des préoccupations croissantes concernant l’État de droit et le respect des droits de l’Homme. Depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, aucune élection législative ou présidentielle n’a, par ailleurs, été totalement conforme aux normes démocratiques. Certains partis d’opposition ne sont pas représentés au Parlement, le parti au pouvoir est, en outre, le seul qui peut légitimement constituer un groupe politique.

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SOC), président de la délégation française, a, de son côté, insisté sur la question des personnes déplacées dans le pays :

« Je tiens d’abord à apporter mon soutien aux deux rapporteurs, et en particulier, compte tenu de tout ce qui a été dit depuis le début de cette réunion, à M. Strässer. Approuvant pleinement les propos de Mme von Cramon-Taubadel au nom du Groupe socialiste, je voudrais revenir sur la question des personnes déplacées internes en Azerbaïdjan.

Dans le cadre de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées dont je suis membre, j’ai été désigné rapporteur sur les centres collectifs en Europe.

Selon les chiffres publiés récemment par la Banque mondiale et le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies, le conflit militaire avec l’Arménie a provoqué la présence de près de 600 000 personnes déplacées internes, ou PDI, en Azerbaïdjan, ce qui est particulièrement important au regard de la population de ce pays. Bien qu’un cessez-le-feu ait été déclaré en 1994, l’avenir de ces personnes reste incertain.

Les personnes hébergées dans les centres collectifs vivent dans des conditions contraires à la dignité et aux valeurs défendues dans notre enceinte. Malgré une économie en plein essor, les personnes déplacées internes en Azerbaïdjan figurent toujours parmi les groupes sociaux les plus vulnérables, dépendant largement d’assistance extérieure.

Comme dans de nombreux conflits, les femmes et les enfants sont les premières victimes. Ils sont parmi les premiers touchés et une majorité d’entre eux vivent dans une grande précarité, privés de leurs droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit au logement, à l’emploi, à l’éducation et au développement personnel.

La dépendance des PDI à l’assistance extérieure est un des soucis majeurs. Les sommes allouées par l’État constituent pour la plupart des PDI, surtout pour les femmes, leur unique ressource. Même si les revenus du pétrole permettent au gouvernement de mener une politique active en ce domaine, l’assistanat ne peut être considéré comme une solution dans la durée.

Il convient donc de lutter contre les pratiques perçues comme discriminatoires : les PDI ont droit à devenir des membres à part entière de la société azerbaïdjanaise. Parmi les obstacles à leur intégration, citons le système inflexible d’enregistrement des PDI selon leur lieu d’origine plutôt que leur lieu de résidence réel, les écoles séparées et la construction des nouveaux lotissements dans des zones éloignées.

Sans cette volonté d’intégration, qui doit venir des responsables politiques, la plupart des personnes déracinées deviendront les otages d’un conflit gelé depuis 15 ans, tout comme leurs homologues arméniens.

Des solutions doivent être trouvées pour améliorer leur sort et des alternatives aux centres collectifs doivent être mises en place. C’est pour en discuter avec les autorités azerbaïdjanaises, les représentants des ONG et des PDI que je souhaite, dans le cadre de mon rapport, me rendre en Azerbaïdjan. »

La résolution adoptée souligne également une mise en œuvre restrictive des libertés, un manque d’équité des procès et une ingérence injustifiée du pouvoir exécutif qui débouchent sur la détention systématique de personnes qui peuvent être considérées comme des prisonniers d’opinion. Les amendements au Code pénal et au Code administratif récemment adoptés ont, en outre, alourdi les sanctions contre les organisateurs des manifestations dites non autorisées et les personnes qui y participent. Les allégations de torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les commissariats de police, pendant l’enquête et dans les établissements pénitentiaires, et l’impunité de leurs auteurs sont également jugées préoccupantes.

L’Assemblée a, dans ses conditions, décidé de poursuivre le suivi du respect des obligations et des engagements de ce pays.

G. INTERVENTION DE M. ŠTEFAN FÜLE, COMMISSAIRE EUROPÉEN EN CHARGE DE L’ÉLARGISSEMENT ET DE LA POLITIQUE DE VOISINAGE

Le portefeuille du commissaire européen en charge de l’élargissement et de la politique de voisinage lui permet d’apprécier la situation d’un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas adhéré à l’Union européenne mais aussi de pays avec lequel le Conseil de l’Europe tend à renforcer ses liens, notamment en Asie centrale. Son intervention devant l’Assemblée parlementaire revêtait donc un intérêt particulier.

L’adhésion à l’Union européenne passe, pour les candidats, par le respect des critères dits de Copenhague, aux termes desquels le pays concerné doit notamment mettre en place des « institutions stables garantissant l'État de droit, la démocratie, les droits de l'Homme, le respect des minorités et leur protection ». Štefan Füle a tenu à indiquer dans son propos liminaire, l’importance de la coopération avec le Conseil de l’Europe pour faire respecter ces critères. Le Conseil de l’Europe est, à ce titre, un partenaire clé pour différents aspects du processus d’élargissement. Il possède, aux yeux du commissaire européen, des atouts incontestables qu’il s’agisse de sa dimension paneuropéenne unique, de son expertise en matière de normes juridiques et du suivi de leur mise en œuvre, de son expérience concernant le renforcement des capacités des institutions démocratiques et l’harmonisation de la législation. La coordination entre l’Union européenne et le Conseil de l'Europe lui apparaît essentielle pour progresser vers la réalisation d’objectifs communs aux deux Organisations et défendre les valeurs qu’elles partagent.

L’ancien ministre des affaires étrangères tchèque a ensuite brossé un panorama de la situation des pays souhaitant adhérer à l’Union européenne, en s’attardant sur la Bosnie-Herzégovine. La non-application de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme Sedjic et Finci de décembre 2009 constitue toujours un point de blocage. Aucun consensus politique n’est en effet apparu pour réformer la Constitution et reconnaître une pleine égalité de droits à toutes les communautés composant le pays.

En ce qui concerne la politique de voisinage, l’accent est désormais mis sur la promotion des valeurs démocratiques, au travers, notamment de la création d’une Plateforme pour la démocratie destinée à permettre le renforcement du dialogue avec la société civile. L’expertise du Conseil de l'Europe et sa valeur ajoutée dans cinq domaines clés (gouvernance constitutionnelle, réforme de la justice, lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, promotion des valeurs démocratiques européennes et consolidation de la démocratie) est, à cet égard, utile pour l’Union européenne. Un intérêt particulier est à porter à la liberté d’association et de réunion et au dialogue interculturel.

Le commissaire européen a conclu son propos en saluant la politique du Conseil de l’Europe à destination des rives sud et est de la Méditerranée au travers de l’adoption du statut de partenaire pour la démocratie.

H. DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS AU MALI ET EN ALGÉRIE ET MENACE POUR LA SÉCURITÉ ET LES DROITS DE L’HOMME DANS LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE

La dégradation de la situation politique et militaire au Mali et la prise d’otages sur le complexe gazier d’In Amenas en Algérie ont conduit l’Assemblée parlementaire à débattre en urgence d’une proposition de résolution de la commission des questions politiques sur ces sujets.

Dans le texte qu’elle a adopté, l’Assemblée rappelle l’engagement du Conseil de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme, aux travers des Conventions qu’il a adoptées sur le sujet, en insistant notamment sur les moyens à mettre en œuvre pour fragiliser le financement des groupes armés.

La résolution souligne que l’intervention française au Mali constitue une réponse à la progression des groupes islamistes armés dans le pays, ceux-ci étant responsables de nombreuses violations des droits de l’Homme. Elle insiste sur l’impact qu’a pu avoir la guerre en Lybie sur la région, permettant aux groupes islamistes mais aussi aux Touaregs de s’armer et d’agir contre le pouvoir central à Bamako.

Intervenant au nom du groupe PPE/DC, M. Thierry Mariani (Français établis hors de France – UMP) a rappelé les violations répétées des droits de l’Homme commises par les islamistes au Mali :

« L’enjeu de la crise saharienne actuelle est immense. Il s’agit de savoir si un vaste foyer de guérilla islamiste pourra ou non s’installer durablement dans cette zone.

Les troubles ne sont pas nouveaux mais nous sommes désormais arrivés à un point de rupture. Les groupes terroristes tentent d’étendre à tout le Mali le régime islamiste qu’ils ont installé par la force dans le nord. Ils menacent non seulement l’existence même du pays, mais aussi la pérennité des régimes démocratiques de la région.

Le 20 décembre, les Nations unies ont adopté la résolution 2085 qui prévoit le déploiement d’une force africaine, la Misma. Mais l’avancée des groupes terroristes a conduit le Président malien à demander l’assistance militaire de la France, pays avec lequel le Mali a des relations particulières.

L’opération française Serval a donc débuté, largement soutenue par la communauté internationale. Les résultats sont là : l’offensive des groupes terroristes a été stoppée net, et c’était bien l’urgence.

Le déploiement rapide de la Misma est la prochaine étape. La CEDEAO et les pays africains mobilisés contre le terrorisme devront être soutenus dans ce sens.

Quelle sera la suite ? La lutte contre le terrorisme concerne l’ensemble de la zone saharienne. Ces groupes déterminés, lourdement armés, constituent une menace pour les États fragiles de la région et les populations.

Chacun sait qu’ils financent leurs activités par toutes sortes de trafic, dont la drogue et les armes.

Madame la rapporteure, comme vous le rappelez à juste titre dans le projet de résolution, nous devons aussi nous inquiéter de l’infiltration au Mali de cellules terroristes venues du monde entier. Les méthodes employées sont en effet similaires à celles déjà rencontrées en Somalie ou en Afghanistan.

Les actes perpétrés dans le sanctuaire islamiste installé à Tombouctou ont été particulièrement odieux. Le traitement infligé aux femmes et aux jeunes filles a été dégradant et intolérable. Il est surtout contraire aux traditions de ce pays, adepte d’un islam tolérant.

Ces violations répétées des droits de l’Homme, ces atteintes à tous les droits, y compris culturels et religieux, doivent être condamnées avec force par notre institution. Et il est tout à fait regrettable qu’un pays avec lequel le Conseil de l’Europe a des liens particuliers, je veux parler de l’Égypte, ait condamné en début de semaine, par la voix de son président, l’intervention française.

Madame la rapporteure, il est vrai que la « feuille de transition » doit être finalisée, mais cela ne sera possible qu’une fois que la guerre contre ces groupes terroristes sera achevée et la paix retrouvée. Le chemin peut être long, car nos adversaires sont déterminés. Déterminés à lutter contre l’État de droit, déterminés à combattre la démocratie, déterminés à enfermer les populations dans les profondeurs de l’obscurantisme. Ils sont déterminés à détruire les valeurs que nous défendons.

C’est pourquoi, chers collègues, au nom du Groupe PPE/DC, je vous demande de soutenir le projet de résolution présenté par Mme Woldseth. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) a rappelé, de son côté, que cette intervention française n’avait pas vocation à perdurer :

« La conquête du nord du Mali par des groupes islamistes armés crée une situation préoccupante à plusieurs titres : d’une part, elle porte atteinte de façon inacceptable à la souveraineté et à l’intégrité territoriale d’un pays ; d’autre part, elle s’accompagne d’une série de violations de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’Homme les plus élémentaires.

Dans son rapport publié il y a quelques jours, le HCR a dressé le tableau d’une situation particulièrement accablante : exécutions sommaires, viols, torture, recrutement d’enfants soldats, sans oublier la destruction des sites religieux à Tombouctou, patrimoine mondial de l’humanité. Ces actes évoquent un souvenir sinistre, celui des horreurs commises par les talibans. C’est pourquoi nous devons nous réjouir que la Cour pénale internationale ait ouvert une enquête pour les crimes de guerre commis depuis janvier 2012 au Mali.

A la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le Président François Hollande a jugé que la situation était intolérable, inadmissible et inacceptable, non seulement pour le Mali mais pour tous les pays de la région.

Fidèle à ses convictions et à ses engagements, la France a agi pour mobiliser la communauté internationale face à une menace intégriste qui risquait de s’étendre à tout le Mali et peut-être au-delà.

L’intervention militaire française décidée le 11 janvier à la demande du Mali vise à répondre à une agression caractérisée mettant en jeu l’existence même de l’État malien, dans le respect de la Charte des Nations unies et avec l’accord exprès du Conseil de sécurité. M. Ban Ki-moon a d’ailleurs salué l’action de la France.

L’intervention a un objectif simple et circonscrit : bien sûr, stopper l’avancée des groupes terroristes pour permettre à l’État malien de recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté, mais surtout mettre en place les conditions pour que la Misma puisse se déployer et remplir la mission qui lui a été confiée par les Nations Unies.

La France n’a pas vocation à s’éterniser au Mali. Sa priorité est de passer la main à la force africaine le plus vite possible. De nombreux pays africains se mobilisent déjà, à l’image du Niger, du Bénin ou du Sénégal. Par ailleurs, la Misma sera aidée par l’Union européenne, qui a mis en place le 21 janvier un mécanisme de traitement des demandes et des offres de soutien logistique.

Non, la France n’est pas seule dans ce conflit et je veux ici remercier les pays représentés dans cette enceinte pour leur soutien et leur aide.

L’armée malienne est aujourd’hui mise en cause pour des exactions qu’elle aurait commises ces derniers jours. Sachez que la France prend très au sérieux les risques d’exactions qui pourraient être perpétrées pendant les opérations militaires. Sachez qu’elle sera vigilante et active en ce sens auprès des autorités maliennes. Sachez que la protection des droits de l’Homme, la protection des civils et la lutte contre l’impunité constituent une priorité de l’action extérieure de la France. »

M. François Loncle (Eure – SRC) a, de son côté, précisé les contours de l’intervention française :

« Au-delà du rapport de notre excellente collègue, Mme Woldseth, et de la résolution qui nous est proposée, je souhaite faire quatre remarques sur la sécurité au Sahel.

Première remarque : l’action de la France, engagée à la demande des autorités maliennes, appuyée par l’Union européenne, les États-Unis, l’Union africaine, les États d’Afrique de l’Ouest, validée par l’ONU, est à la fois légale sur le plan international et légitime.

Cette action comporte trois volets :

– un volet sécuritaire pour combattre AQMI et les groupes alliés et pour permettre au Mali de recouvrer son intégrité.

– un volet politique pour un dialogue nécessaire avec les forces politiques du Nord, à l’exclusion des groupes terroristes, afin de stabiliser la gouvernance malienne avec une feuille de route conduisant à l’organisation d’élections présidentielles et législatives dès que possible dans un Mali sécurisé.

– un volet de développement économique, piloté par l’Union européenne, un plan qui doit permettre de lutter contre la pauvreté, elle-même terreau des menées terroristes.

Ma deuxième remarque a trait à la sémantique. Il ne s’agit pas de je ne sais quelle croisade contre le terrorisme, mais d’une lutte déterminée contre des groupes gangstéro-djihadistes, narco-salafistes, trafico-terroristes. Leur action relève de la barbarie. Pour exemple, les prises d’otages, les atrocités qu’ils font subir aux populations du Nord, notamment aux femmes, ou récemment le raid meurtrier sur le site gazier du sud-algérien.

Troisième remarque : nous – la communauté internationale, les démocraties – devons constater, pour le regretter et en tenir compte à l’avenir, que l’intervention en Libye, il y a quelques mois de l’OTAN, de la France et de la Grande-Bretagne en tête, a été menée et conclue sans que les puissances concernées en aient mesuré les conséquences. Résultat : un désordre considérable dans cette immense région du Sahel, lequel s’est accompagné de déplacements de population, de pillages d’armes, de la multiplication des trafics qui nourrissent le terrorisme.

Quatrième remarque : il s’agit d’un témoignage émanant du Président de l’Union africaine, le Président du Bénin, qui dans une lettre adressée au Président François Hollande, publiée hier, indiquait ceci : « En ma qualité de Président en exercice de l'Union Africaine – l’Union africaine comprend 54 pays –, ma conviction a toujours été qu'il ne s'agit pas d'un dossier africain, même si le théâtre se faisait en Afrique, mais celui de la Communauté internationale tout entière, en ce sens qu'il concerne le terrorisme. Point n'est besoin de rappeler que le terrorisme n'a pas de frontières. C'est pourquoi, il appelle une riposte internationale qui fera appelle aux forces des pays les mieux équipés. »

Il ajoute : « Je voudrais vous assurer que le sang versé des citoyens français au nom de la liberté, de la démocratie, des droits de l'Homme sera inscrit dans les annales des relations entre la France et l'Afrique. »

C’est la raison pour laquelle j’ai la fierté de soutenir cette action dont j’ai tenté de décrire les divers aspects. »

La résolution adoptée appelle à un renforcement de l’engagement d’autres États européens et africains, mais aussi des États-Unis aux côtés de la France.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC) a également appelé de ses vœux un soutien politique fort de l’Union européenne :

« Permettez-moi de saluer le travail de notre commission et son avis extrêmement circonstancié. Nous avons eu raison de placer la question du terrorisme islamisme au Sahel à l’ordre du jour de notre Assemblée. Comme l’a indiqué Angela Merkel la semaine passée, le terrorisme au Mali n’est pas seulement une menace pour l’Afrique, elle l’est aussi pour l’Europe. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la Belgique, le Danemark, l’Italie ou le Royaume-Uni aient rapidement annoncé leur volonté d’apporter un soutien logistique aux troupes françaises. Celles-ci ont été amenées à intervenir pour répondre à une situation d’extrême urgence et de danger pour la population malienne.

Cet engagement militaire, c’est avant tout l’engagement de la France pour la défense de la démocratie, de la liberté et la lutte contre le fondamentalisme. Je le répète, ce combat est juste, tant AQMI incarne tout ce que notre Organisation honnit. Rappelons tout de même d’où proviennent les subsides de ce réseau : trafic de drogues, d’armes, de migrants et prises d’otages.

Une fois passé ce constat, on peut s’interroger sur le rôle de l’Union européenne, qui pourrait être plus active. La Haute-représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, pourrait, par exemple, mobiliser le Conseil européen sur ce sujet, non seulement sur le plan technique, mais également politique. Il y va de la crédibilité politique de l'Union européenne.

Cette intervention se passera d’autant mieux qu’elle aura un véritable soutien politique à côté du soutien militaire. Les habitants ne s’y sont pas trompés. Il faudrait que se tienne rapidement une vaste conférence internationale sur cette question.

J’étais ce matin en commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat français où nous avons auditionné à huis clos M. Le Drian, notre ministre. Nous avons évoqué des questions extrêmement concrètes qui se posent sur le terrain. Les forces maliennes et africaines sont en train d’arriver et l’un de nos soucis est de former ces soldats, à la fois sur le plan militaire, mais également sur la question sensible – qui concerne notre Assemblée – des droits de l’Homme.

Des exactions ont déjà été signalées par des ONG. Il convient donc d’être très attentifs. Le message a d’ailleurs été passé très clairement par les autorités françaises aux autorités maliennes : ces soldats doivent bénéficier d’une formation afin de prévenir ce genre de débordements, qui ne sont évidemment pas acceptables. »

La mise en place d’une force internationale au Mali était aussi au cœur de l’intervention de M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – UDI) :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la situation malienne est préoccupante depuis de nombreux mois. Dans un État en décomposition, les terroristes islamistes, lourdement armés, ont pris le contrôle du nord du pays et notamment de la ville de Tombouctou sans qu’aucun État n’intervienne. La Résolution 2085 des Nations unies, adoptée en décembre 2012, prévoyait le déploiement d’une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine. Cependant, devant la menace imminente, le gouvernement provisoire du Mali a lancé un véritable appel au secours afin que la France intervienne.

C’est ainsi que notre pays s’est engagé dans cette opération afin de protéger le sud du Mali et de faire reculer les terroristes qui contrôlaient le nord.

Depuis lors, chacun a pu suivre le développement de ces opérations dans les différents médias qui relatent ces événements.

Chacun comprend bien qu’on se trouve dans une situation d’urgence qui n’a pas permis de mettre en place immédiatement une force internationale. Néanmoins, il est tout aussi évident que la lutte contre le terrorisme dans la région, qui dépasse d’ailleurs les frontières du Mali pour s’étendre sur l’ensemble du Sahel, ne sera pas une aventure de courte durée. Ce sera un combat long et difficile, pour lequel une coopération internationale associant les pays africains est indispensable. Le Mali est l’avant-poste d’un combat contre le terrorisme et contre les trafics les plus dangereux pour les droits de l’Homme, pour la démocratie, voire même pour la stabilité dans l’ensemble de la région méditerranéenne. Ce pays est, en effet, devenu la plaque tournante de mouvements terroristes venus du monde entier.

C’est pourquoi je soutiens le rapport qui nous est présenté par notre collègue, Mme Woldseth, que je tiens à féliciter. Il est indispensable dans un premier temps de susciter la mise en place le plus rapidement possible d’une force internationale dans la région, afin d’épauler et de prolonger les actions initiées par la France. Mais il est tout aussi important d’aider le Mali à reconstituer des institutions démocratiques. Je partage le souci de la rapporteure de voir établi par le Mali une feuille de route de transition, dans le cadre d’un dialogue politique ouvert. L’ordre constitutionnel et l’unité du pays sont en jeu. La communauté internationale tout entière aura sa part de responsabilité dans l’avenir de ce pays, mais aussi dans le respect des droits de l’Homme dans la région. »

L’Assemblée parlementaire souhaite que la résolution 2085 sur le Mali, adoptée en décembre dernier par les Nations unies, soit rapidement appliquée et que se déploie sur le territoire une mission internationale de soutien sous conduite africaine. Celle-ci doit permettre de restaurer l’ordre constitutionnel et l’intégrité territoriale du Mali et mettre ainsi un terme au projet de mise en place d’un régime fondé sur le trafic de drogues et le terrorisme au Sahel.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) et MM. Gérard Bapt (Haute-Garonne – SRC) et Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UMP) ont fait adopter un amendement rappelant que la décision des rebelles touareg de cesser le combat contre l’État malien constituait une dynamique constructive à encourager pour la résolution pacifique et politique des conflits régionaux.

Les mêmes signataires ont fait adopter un amendement au texte invitant les pays membres, observateurs et partenaires à soutenir l’action de la CEDAO pour la mise en place de la mission internationale de soutien au Mali (MISMA), L’amendement les incite à fournir le soutien financier et logistique nécessaire pour le déploiement rapide des forces de cette mission et à participer activement à la conférence des donateurs pour la défense du Mali qui se tiendra à Addis Abeba le 29 janvier 2013.

Les mêmes parlementaires ont également fait adopter un amendement appelant les pays du voisinage à apporter leur soutien au processus politique et à continuer à s’engager activement pour la préservation de la sécurité et l’intégralité territoriale du Mali.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC) s’est par ailleurs opposé à l’adoption d’un amendement supprimant le terme « islamistes » du paragraphe de la résolution visant les atteintes aux droits de l’Homme :

« Il ne faut pas avoir peur des mots. Ne pas désigner les choses peut nuire et créer de la confusion. Il est évident que l’islamisme n’est pas l’islam, mais les islamistes qui agissent à Tombouctou s’y réfèrent. Il faut donc le condamner et, ce faisant, défendre le vrai islam. C’est précisément dans l’intérêt de l’islam de dire clairement les choses.»

Cet amendement n’a pas été adopté.

M. François Loncle (Eure – SRC) s’est opposé à un amendement déposé par Mme Pelin Gündeş Bakir (Turquie – GDE), visant à retirer le mot « islamistes » du paragraphe de la résolution concernant les violences à l’égard des femmes :

« On peut comprendre les arguments de Mme Gündeş Bakir. Je me suis déjà exprimé sur la sémantique : selon moi, on aurait pu, y compris dans le rapport, trouver d’autres expressions – j’ai parlé pour ma part de « narco-djihadisme » ou de « gangstéro-salafistes ». Même si l’on peut trouver un accord sur les mots « radicaux islamistes », je considère que l’on n’a pas accordé suffisamment d’attention à la sémantique dans cette affaire extrêmement grave. On peut donc comprendre les réactions comme celle de Mme Gündeş Bakir. »

Cet amendement n’a pas été adopté.

M. Loncle s’est également opposé à un amendement visant à retirer le terme « islamique » associé au mot « terrorisme » dans un paragraphe de la résolution.

« Je voudrais quand même faire observer à notre collègue qu’Aqmi signifie « Al-Qaida au Maghreb islamique ». Ce n’est pas nous qui avons trouvé cette appellation ; ce sont les bandes qui se sont organisées dans les conditions que l’on sait au Sahel. »

Cet amendement n’a pas été adopté.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC) a profité de la discussion des amendements pour souligner l’appui important apporté par l’Algérie à l’opération française au Mali :

« Je saisis cette possibilité de m’exprimer pour saluer le rôle et la place de l’Algérie et évoquer les difficultés auxquelles ce pays est confronté par contrecoup. S’il doit y avoir une solution politique, il faut que l’Algérie y ait toute sa place car elle joue un rôle essentiel à nos côtés dans ce conflit ».

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. LES ACTIVITÉS DE LA BANQUE EUROPÉENNE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT (BERD)

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a été créée en 1991 en vue de favoriser la transition vers une économie de marché des pays d'Europe centrale et orientale et de la Communauté des États indépendants. L'aide financière est octroyée en contrepartie d'un engagement des États concernés à respecter et mettre en pratique les principes de démocratie, de pluralisme et d'économie de marché. Un encouragement à l'initiative privée et au développement de l'esprit d'entreprise est également requis. La Banque accompagne et aide à mettre en œuvre les réformes économiques et structurelles nécessaires. Ses investissements visent le renforcement des institutions financières et des systèmes juridiques. Elle encourage parallèlement le cofinancement, la mobilisation des capitaux locaux et les investissements directs étrangers. Son partenariat s'étend à 29 États, dont 24 sont membres du Conseil de l'Europe.

La BERD a noué un accord de coopération avec le Conseil de l’Europe en 1992 en vertu duquel les deux organisations sont tenues d’échanger des informations sur leurs activités respectives. C’est dans ce cadre que s’inscrivait la présentation du bilan des travaux de la Banque sur la période 2010-2012 devant l’Assemblée parlementaire.

Ces trois années ont été marquées sur le continent européen par une intensification de la crise économique et financière, notamment au sein de la zone euro. La crise de la dette souveraine a eu comme corollaire un réel ralentissement de l’activité qui n’a pas été sans impact sur les pays en transition.

La BERD a poursuivi, au cours de cette période, son action en renforçant notamment son partenariat avec la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement par l’intermédiaire d’un mémorandum d’accord signé en 2011. Celui-ci a ainsi débouché sur la mise en place d’une Facilité pour le développement de l’entreprise et l’innovation dans les Balkans occidentaux. Un plan de soutien aux établissements financiers en Europe centrale réunissant la BERD et la BEI avait constitué une première étape en 2009-2010. Un nouveau plan a, par ailleurs, été annoncé en coopération avec la Banque mondiale. Doté de 30 milliards d’euros, il devrait soutenir la reprise économique et la croissance en Europe centrale et au Sud-est du continent.

Comme l’a souligné son vice-président, M. Hans-Peter Lankes, invité à intervenir devant l’hémicycle, le mandat de la BERD a par ailleurs été étendu en septembre 2011, lui permettant désormais de soutenir la transition démocratique dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Le second semestre 2012 a ainsi été marqué par l’octroi de financements en Jordanie, en Égypte, au Maroc et en Tunisie. La BERD estime qu'elle pourra investir jusqu'à 2,5 milliards d'euros par an dans le monde arabe, sans pour autant délaisser les pays où elle opérait jusqu'à présent.

Mme Brigitte Allain (Dordogne - GE) a souhaité qu’à l’avenir la BERD prenne mieux en compte la problématique environnementale :

« Monsieur le rapporteur, vous évoquez dans votre rapport les actions de la BERD pour soutenir les réponses à la crise et appuyer la reprise dans les pays où la Banque intervient.

Alors que l’Europe dans son ensemble connaît une crise sans précédent, nous ne pouvons que nous féliciter que la BERD, comme la BEI, oriente ses actions vers le financement d’infrastructures et l’aide aux PME-PMI, qui permettront une relance de la croissance. Cela est d’autant plus nécessaire que la frustration des populations s’accroit face à l’incapacité des politiques d’austérité d’assurer la relance promise.

Les années récentes ont mis en lumière les risques inconsidérés pris par le système bancaire international, prompt à spéculer sur la dette des pays en difficulté. Le FMI et la Commission européenne viennent de reconnaître qu’ils ont sous-estimé l’impact probable d’une réduction des dépenses publiques dans un contexte de croissance ralentie.

Dès lors, nous ne pouvons que saluer la politique menée par la BERD. J’aimerais évoquer trois domaines qui me semblent particulièrement importants.

La révision actuelle de la politique énergétique de la BERD constitue une avancée importante. Je me réjouis de l’exclusion du financement de nouvelles centrales nucléaires, mais nous devons rester vigilants quant au financement de projets dits « soutenables » ou « d’efficacité énergétique ». La BERD doit favoriser les projets liés aux énergies renouvelables. N’oublions pas que le changement climatique n’est pas seulement un défi écologique ; c’est aussi un défi démocratique. Il est intolérable que les premiers projets financés dans les pays du printemps arabe par la BERD soient consacrés à des centrales au charbon, quand on connaît les capacités de l’énergie solaire au sud de la Méditerranée.

Vous consacrez une partie du rapport au rôle de la BERD pour lutter contre la crise alimentaire. Députée écologiste et agricultrice, je ne peux que me féliciter que cette institution agisse dans cette direction. Cependant, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que la BERD se prononcera en avril prochain sur l’octroi d’une garantie financière de 40 millions de dollars à Monsanto pour couvrir les impayés des contrats passés avec des exploitations agricoles d’Europe orientale. Quand on connaît les divers procès en cours contre cette firme et son quasi-monopole sur le marché mondial des semences et des produits agro-chimiques, on ne peut que s’interroger sur l’opportunité pour la BERD d’accepter d’assurer cette garantie.

Enfin, l’élargissement du champ d’action de la BERD aux pays du printemps arabe montre la nécessité de rétablir la conditionnalité des financements de la BERD en prenant en compte la situation démocratique. En effet, le rapport souligne que la BERD a tendance à oublier l’aspect politique de son mandat lorsqu’elle octroie des prêts. L’exemple du Belarus est frappant : la BERD doit refuser de soutenir indirectement la dernière dictature stalinienne de notre continent. Il en va de sa crédibilité. L’évolution politique en Egypte et en Tunisie, notamment sur le droit des femmes, ne me semble pas pour l’instant favorable à une implication massive de la BERD. »

Le vice-président de la BERD a indiqué en conclusion du débat que les projets dans le domaine des énergies renouvelables concernaient 25 % des financements aujourd’hui contre 6 % en 2006.

B. VERS UNE CONVENTION EUROPÉENNE DU CONSEIL DE L’EUROPE POUR LUTTER CONTRE LE TRAFIC D’ORGANES, DE TISSUS ET DE CELLULES D’ORIGINE HUMAINE

La Convention sur les droits de l’Homme et la biomédecine, dite Convention d’Oviedo, a repris, en 1997, le principe, inscrit au cœur d’une résolution du Comité des ministres adoptée en 1978, selon lequel le corps humain et ses parties ne doivent pas être source de profits. Le trafic d’organes a été interdit, de son côté, par le Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine.

Le Conseil de l’Europe et les Nations unies ont décidé en 2008 de travailler conjointement sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules et la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes. Ils ont publié à cette fin en octobre 2009 une étude qui invitait à l’adoption d’un instrument juridique international établissant une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine, protégeant les victimes et présentant des mesures de prévention et de répression. Le Comité des Ministres a, à ce titre, décidé de mettre en place un Comité d’experts chargé de l’élaboration d’un projet de convention contre le trafic d’organes humains. Un avant-projet a été adopté en octobre 2012. Il consiste en une convention de droit pénal classique, consacrée à la définition des actes constituant le trafic et des règles relatives à la poursuite des trafiquants.

M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle – SRC) a souligné dans son intervention l’intérêt d’un tel texte :

« La pénurie d’organes au plan mondial est dramatique. En France, moins de 3 000 greffes sont réalisées par an pour plus de 10 000 insuffisants rénaux. On estime à plusieurs centaines de patients le nombre de ceux qui décèderont faute d’organes disponibles. Une telle situation a entraîné l’augmentation d’opérations clandestines dans le monde, rendue possible par une forme abjecte de marchandisation du corps humain : le trafic d’organes, vendus à des prix pouvant atteindre des dizaines de milliers d’euros.

Je salue l’initiative du Conseil de l'Europe et l’excellent travail du rapporteur, M. Bernard Marquet, car le don d’organes est le symbole de la solidarité humaine.

Il convient par contre de condamner avec fermeté ce tourisme de transplantation, des patients n’hésitant pas à acheter des organes à de personnes qui les vendent pour survivre.

Cette convention est un support indispensable à la mise en place de sanctions pénales contre le trafic d’organes. Cette convention, toutefois, n’aborde pas, comme nous en avons débattu en commission, la question des tissus et des cellules d’origine humaine. Lorsque nous l’aborderons, il faudra envisager de manière spécifique la question des cordons ombilicaux ou des tissus présents dans les déchets hospitaliers.

La convention qui nous est proposée revêt une importance majeure, car elle propose de mener une politique conduisant à la multiplicité des sources légales d’approvisionnement en organes. Cet aspect de la question a été mentionné dans la déclaration du Sommet d’Istanbul de mai 2008, lequel avait réuni tous les plus grands spécialistes mondiaux de 150 pays.

En France, moi-même, je présiderai le 7 mars 2013 une réunion qui étudiera la possibilité d’une collecte, non plus seulement sur des personnes dont le cœur s’est arrêté, mais sur des personnes dont l’arrêt cardiaque est contrôlé. Cela, bien sûr, ne peut concerner que des cas de mort encéphalique. Ce serait un alignement sur la pratique en vigueur aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Belgique, aux Pays-Bas.

L’effort pour lutter contre la pénurie doit également concerner la recherche sur les xénogreffes et toutes les formes de recherche clinique ou fondamentale sur la mise au point d’organes artificiels. Je songe au cœur artificiel du professeur Carpentier. J’ai proposé des amendements à ce sujet, adoptés à l’unanimité par la commission.

Par tous ces moyens, nous lutterons plus efficacement contre le commerce de la transplantation qui conduit à accroître les injustices et les inégalités sur des populations vulnérables.

Mes chers collègues, le Conseil de l'Europe s’honorerait d’adopter ce rapport à l’unanimité. »

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a, de son côté, salué l’avancée que constituait ce projet de convention :

« Je voudrais tout d’abord souligner le travail remarquable réalisé par notre rapporteur. Ce projet de convention est essentiel, car il touche aux droits les plus élémentaires de l’être humain.

Le trafic d’organes traduit une marchandisation de l’être humain et obéit souvent à une loi abjecte de l’offre et de la demande appliquée aux personnes les plus fragiles.

Les progrès de la médecine ont conduit à une demande sociale légitime, à but thérapeutique, de transplantation. Rappelons que 15 à 30 % des personnes inscrites sur des listes d’attente meurent avant d’avoir été transplantées.

Malheureusement, la pénurie d’organes a généré un trafic lucratif organisé par des réseaux mafieux, souvent en connexion avec le trafic de drogues et la traite d’êtres humains. Ce trafic répugnant, c’est celui de « pièces détachées » humaines !

Exploitant la misère humaine la plus extrême, il engendre une série d’horreurs que les médias relatent de plus en plus fréquemment.

Comme le rapporteur, il me semble de la plus haute importance que la convention protège plus particulièrement les personnes vulnérables, notamment les enfants. En Afrique du Sud notamment, le rapt et l’exploitation des enfants afin de vendre leurs organes ont même supplanté le trafic d’armes. Cela n’est pas tolérable !

Une autre pratique, le tourisme de transplantation, doit être condamnée. Il n’est pas admissible que, profitant des pays pauvres, de riches malades aillent s’acheter un rein comme ils le feraient pour une pièce détachée de voiture !

Si l’on peut comprendre la détresse du malade en attente d’une transplantation, parfois pour une question de vie ou de mort, cela ne peut toutefois justifier une telle négation de la dignité humaine !

Cette convention représente un progrès essentiel, car elle est le premier instrument international juridiquement contraignant contre de tels agissements.

Nous ne pouvions plus laisser les pays touchés par ces trafics - en Afrique, en Asie, mais aussi au sein de pays membres de notre Assemblée - lutter seuls contre ce fléau. Il nous appartient d’ailleurs de bien réfléchir aux conséquences des lois que nous adoptons et des contrôles que nous exerçons dans nos pays riches dans le domaine du don d’organes.

Si nous voulons vraiment lutter contre ceux qui abandonnent le domaine du don d’organes licite pour avoir un organe à tout prix, même celui de la vie d’un enfant des rues de Bogota ou de Maputo, il nous faudra contrôler plus sévèrement certains faits, comme la disparition inopinée de certains patients de listes d’attente ou la prescription et la vente des médicaments anti-rejets.

En définissant des infractions pénales, en permettant une meilleure coopération judiciaire, cette nouvelle convention du Conseil de l’Europe nous donnera les moyens de mieux protéger ceux dont on veut nier l’humanité. »

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable estime que les questions relatives à la prévention de ce type de trafic, à la protection des victimes et à la coopération nationale et internationale ne sont pas suffisamment développées dans cet avant-projet. Il lui apparaît notamment important de mieux protéger les enfants, les personnes ne disposant plus de leur pleine capacité juridique et les personnes privées de liberté. Elle souhaite également que la future convention vise expressément le tourisme de transplantation. Elle plaide enfin pour un champ d’application géographique le plus large possible, incluant de fait les États non membres du Conseil de l’Europe. La commission souhaite enfin que la convention dépasse le seul trafic d’organes pour aborder, par l’intermédiaire d’un protocole additionnel, la question des tissus et des cellules humains.

Le trafic des tissus a d’ailleurs constitué le cœur de l’intervention de M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) :

« Le commerce de tissus humains a connu une expansion rapide ces dernières années sans toutefois qu’un véritable contrôle ne soit effectué. Un réseau de journalistes indépendants, l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), a mené pendant huit mois une enquête sur le fonctionnement de ce qui s’apparente à une véritable industrie. Rappelons ainsi que la société américaine RTI Biologics qui a produit plus de 500 000 implants en 2011 est cotée en bourse. Elle a réalisé 11,6 millions de bénéfices avant impôts au cours du même exercice. Son chiffre d’affaires est estimé à 169 millions d’euros.

Il ressort clairement du travail approfondi de ces journalistes indépendants que les mesures de précaution adoptées ne s’avèrent pas totalement suffisantes pour garantir une collecte des tissus entièrement légale, respectant également un certain nombre de principes éthiques.

La question sanitaire est également posée. Faute de réglementation, il existe un risque que les bénéficiaires de greffons soient contaminés par une hépatite ou le virus VIH pour ne citer qu’eux. Il existe un écart conséquent en termes de traçabilité entre les greffes d’organes – poumons, cœur notamment – et celles de peaux ou de tissus. Les dispositions législatives destinées à protéger les défunts et leurs familles sont, quant à elles, généralement inadaptées à la réalité et laissent une grande latitude aux entreprises commerciales pour déterminer les informations qu’elles entendent fournir sur ces transplantations mais aussi sur la provenance des tissus. Le trafic de tissus dans les morgues est, dans le même temps, devenu une réalité y compris sur notre continent.

Les patients ignorent, de leur côté, que des tissus utilisés pour des implants proviennent de personnes décédées. Comme l’a relevé récemment un médecin américain : il existe des codes-barres pour les céréales du petit-déjeuner, mais pas pour les tissus d’origine humaine. De telles lacunes ne sont pas sans conséquence dès lors qu’il s’agit de rappeler des tissus humains potentiellement infectés par une bactérie ou un virus. Rappelons qu’en dix ans, 1 352 infections résultant de greffes de tissus humains ont été diagnostiquées aux États-Unis, 40 d’entre elles débouchant sur la mort du patient.

La France a créé en 2003 une Commission nationale de biovigilance. 500 personnes travaillent ainsi sur ce dossier en liaison notamment avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. La biovigilance a ainsi permis de surveiller plus étroitement l’utilisation de ce que l’on doit bien aujourd’hui appeler des « produits »  conçus à base de tissus humains. De fait, sur les 25 300 greffes de tissus réalisées en 2010, seules 16 ont posé problème. L’inspection mise en place vise à la fois les établissements d’implantation mais également les banques étrangères de tissus, auprès desquelles ces établissements s’approvisionnent. La Commission travaille dans le même temps à former des inspecteurs originaires d’autres pays européens.

Une convention du Conseil de l’Europe permettrait, j’en suis convaincu, d’étendre, à moyen terme, ce type de mécanisme à l’ensemble du continent et représenterait à n’en pas douter un signal pour les autres États de la planète. C’est en ce sens qu’il faut œuvrer en tout cas. Faute de quoi, ce texte ne serait qu’une coquille vide. »

La recommandation adoptée par l’Assemblée reprend ces observations. Le texte intègre un amendement proposé par MM. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle – SRC) et Gérard Bapt (Haute-Garonne – SRC) incitant les parties à contribuer, par tous les moyens à leur disposition, à l'augmentation de l'offre d'organes pouvant être greffés, notamment par la recherche sur des méthodes alternatives.

C. MIGRATIONS ET ASILE : MONTÉE DES TENSIONS À L’EST DE LA MÉDITERRANNÉE

La Grèce est devenue, selon la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, le principal point d’entrée dans l’Union européenne pour les migrants en situation irrégulière, la Turquie constituant le premier pays de transit. 56 % des entrées irrégulières au sein de l’Union européenne ont ainsi lieu à la frontière entre la Grèce et la Turquie. La guerre civile en Syrie a contribué à tendre un peu plus la situation, avec l’arrivée de 150 000 réfugiés sur le territoire turc. La commission a souhaité que l’Assemblée se saisisse de ce sujet au lendemain de son déplacement en Grèce du 14 au 16 janvier derniers.

La commission estime que les droits de l’Homme des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés sont violés en Grèce, en raison de la mise en place d’un dispositif de rétention systématique dans des conditions jugées non conformes aux normes internationales en la matière. Le Plan d’action sur la gestion de l’asile et des migrations lancé par la Grèce en octobre 2010, dans un contexte extraordinairement économique et social extrêmement difficile, n’a pas encore été pleinement mis en œuvre. La fermeture annoncée des centres de rétention non conformes et la fin du placement des femmes et des enfants constituent de réelles avancées. Dans la résolution qu’elle a adoptée, l’Assemblée parlementaire invite Athènes à aller plus loin et à réfléchir à la mise en place d’alternatives à la rétention. Le gouvernement grec doit également garantir l’accès à une procédure d’asile équitable et effective, 55 000 dossiers de demandes d’asile étant actuellement pendantes. Il doit également être vigilant face à la montée de la xénophobie et combattre les manifestations de racisme dans le discours politique.

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a tenu à rappeler le contexte délicat dans lequel la Grèce devait faire face à cet afflux de migrants :

« Madame la rapporteure, je veux tout d’abord vous féliciter pour votre rapport, très complet, et pour vos propositions, qui me semblent particulièrement pertinentes.

J’ai eu l’occasion de me rendre en Grèce, il y a quinze jours, en compagnie de notre Président. J’ai constaté que dans certains lieux, les conditions de vie sont difficiles, voire intolérables. Nous garderons tous en mémoire le regard de ces femmes, de ces jeunes enfants, de ces hommes, enfermés. Mais soyons honnêtes : quel pays européen pourrait faire face seul à un tel afflux de migrants ?

La Grèce est confrontée à une crise économique et sociale sans précédent, qui handicape tout à la fois les politiques d’accueil des migrants et leurs possibilités d’insertion. La crise qui installe les Grecs dans la précarité frappe aussi les migrants.

N’oublions pas non plus que, pour beaucoup, la Grèce est une porte d’entrée en Europe – pour des raisons en premier lieu géographiques. Ces migrants, souvent en transit ou demandeurs d’asile, ne sont pas le problème de la seule Grèce, mais de l’Europe tout entière. Monsieur le Président, vous avez d’ailleurs souligné, lors de votre visite à Athènes, que la solidarité européenne devait impérativement se manifester pour éviter que la situation autour de la Méditerranée ne devienne une catastrophe humanitaire.

Des milliers de migrants entrent irrégulièrement en Grèce chaque année ; la plupart d’entre eux passent par la Turquie. Pour gérer au mieux cet afflux massif de personnes fuyant la guerre ou la misère, des mesures doivent être prises de chaque côté de la frontière. Chaque protagoniste – la Grèce, mais aussi la Turquie – doit fournir une part de l’effort ; mais l’Union européenne, elle aussi, notamment avec Frontex et avec les garde-côtes européens, a un rôle important à jouer.

Le nombre très élevé de demandes d’asile et le manque criant de personnel et de moyens alloués à l’Agence nationale d’asile censée instruire ces demandes créent une situation intenable, tout particulièrement lorsque des mineurs sont concernés – et ils ne sont pas rares, ces mineurs isolés, sans famille, perdus à l’issue d’un périple qui les a coupés de tout !

Les autorités grecques sont résolues à résorber l’arriéré des demandes d’asile – qui serait de quelque 50 000 – et à améliorer les conditions de rétention. Je m’en réjouis. Plusieurs centres qui ne répondaient pas aux standards européens ont d’ores et déjà été fermés. C’est un pas positif, mais je crains que, sans une aide concrète de l’Union européenne et des pays membres de l’Union, la Grèce n’éprouve des difficultés croissantes à poursuivre ces efforts.

Chers collègues grecs, soyez persuadés que nous avons conscience des difficultés auxquelles vous êtes confrontés et que j’ai pu constater, avec de nombreux collègues, lors de notre visite. Toutefois, dans la pénombre de la crise, les valeurs du Conseil de l’Europe doivent rester notre lumière et notre guide. Nous vous accompagnerons dans cette voie. »

La Turquie est, de son côté, invitée à garder ses frontières ouvertes aux réfugiés syriens tout en prenant des mesures pour améliorer les conditions de rétention des migrants. La réforme du droit d’asile actuellement en débat au Parlement doit également être accomplie.

Mme Marie-Louise Fort (Yonne – UMP) a tenu à saluer, dans son intervention, les efforts accomplis par la Turquie pour accueillir les réfugiés syriens :

« Je voudrais, pour ma part, revenir sur la situation des migrants et des demandeurs d’asile en Turquie.

Hier encore, le ministre des Affaires étrangères turc, M. Davutoglu, a déclaré que la Turquie « ne fermera jamais ses frontières » aux réfugiés syriens.

Madame la rapporteure, je crois que, comme vous le rappelez dans votre projet de résolution, nous ne pouvons que saluer la politique généreuse de la Turquie vis-à-vis des Syriens fuyant la guerre civile et les massacres.

En effet, ce pays accueille déjà plus de 200 000 réfugiés et il est aujourd’hui légitime de se demander combien de réfugiés vont encore arriver et si la Turquie pourra, seule, supporter cet afflux massif. Cela d’autant plus que, comme vous le savez, tous les camps de réfugiés situés à proximité de la frontière syrienne sont régulièrement victimes de tirs d’obus des partisans du pouvoir syrien. Plus de 10 000 réfugiés syriens attendent encore à la frontière turque.

Le 16 janvier dernier, la directrice exécutive du programme alimentaire mondial, Mme Ertharin Cousin, s’est rendue dans les camps de réfugiés syriens. Elle a déclaré : « La crise continue, mais nous ne devons pas laisser un seul bébé avoir faim. Nous demandons aux donateurs du monde entier de se joindre aux efforts de la Turquie et de ceux qui aident déjà pour subvenir aux besoins alimentaires de tous ceux qui souffrent de la crise syrienne. »

La Turquie a déjà dépensé 360 millions de dollars, dont 30 millions sont issus de la solidarité internationale.

Un rapport récent du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU indique que le manque d’espace dans les camps reste un défi majeur pour les autorités locales, alors que l’hiver fait son apparition. Il est prévu l’ouverture d’un nouveau camp à Nizip, pouvant accueillir jusqu’à 5 000 personnes. Cependant, la multiplication de camps de réfugiés ne peut être une solution.

Madame la rapporteure, je pense qu’il faut également réfléchir aux actions à mener pour qu’après la fin de la guerre, les réfugiés syriens puissent retourner dans de bonnes conditions dans leur pays.

De manière plus générale, pour les autres migrants et demandeurs d’asile, il est clair qu’aujourd’hui, la situation économique et sociale de l’Europe ne lui permet plus d’accueillir toutes les personnes qui croient à une vie meilleure dans un Eldorado européen qui n’existe pas.

La situation en Grèce est symptomatique des limites de cette politique d’accueil. J’ai été particulièrement touchée par les interventions de nos collègues grecques. Il est de notre devoir de décrire la situation, de dénoncer ce qui ne va pas, mais ne jetons la pierre à aucun pays européen. Au contraire, soyons solidaires. Il faut que la Turquie contrôle mieux sa frontière avec l’Europe, et le déploiement de Frontex sur le territoire turc pourrait être une ébauche de solution.

Si ce matin, au cours du débat selon la procédure d’urgence, nous faisons le constat du présent, il est indispensable de préparer également l’avenir ; pour ce faire, nous devons réfléchir ensemble à une politique plus cohérente à l’égard des pays d’origine des migrants. Le codéveloppement devrait être une priorité pour permettre à ces hommes et ces femmes désespérés de garder toute leur dignité et de croire en leur devenir ».

L’Union européenne est, quant à elle, incitée, à apporter une assistance supplémentaire à ces pays et à assumer la responsabilité des réfugiés et demandeurs d’asile syriens en les relocalisant à l’intérieur de l’Union européenne. Elle pourrait également participer au financement d’initiatives menées par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies ou de l’Office international des migrations. L’Assemblée souhaite, en outre, que le règlement dit Dublin, qui coordonne sur son territoire les politiques nationales d’accueil des migrants, soit révisé. Ce texte assigne au premier État membre traversé la seule responsabilité des demandeurs d’asile. Aucun mécanisme de suspension des renvois vers les pays de l’Union européenne qui, à l’image de la Grèce, ne parviennent pas à gérer l’afflux de demandeurs d’asile sur leur territoire n’est ainsi prévu.

M. Philippe Bies (Bas-Rhin – SRC) a souhaité, dans son intervention, qu’une véritable politique migratoire européenne puisse voir le jour à l’occasion de cette crise :

« Je voudrais tout d’abord remercier Mme Strik pour son rapport, que nous devons entendre comme un message d’alerte.

D’un côté, une population qui subit violemment et durement une crise économique, de l’autre, des migrants, des réfugiés et une organisation politique qui n’a pour unique programme que l’agitation et la haine : il s’agit d’un cocktail que nous ne connaissons, hélas !, que trop bien sur notre continent.

Jamais une réponse nationale n’a pu relever un tel défi, et pourtant, à chaque fois, le réflexe, c’est le nationalisme ! Pour l’observer, nul besoin d’aller jusqu’en Méditerranée. Nous sommes tous concernés : chacun dans nos pays, nous avons des exemples précis en tête. Pour ma part, je me souviens d’un Président de la République qui, il y a quelques mois, envisageait de suspendre la participation de la France aux accords de Schengen. C’est pourtant l’inverse qu’il convient de faire.

Quoi qu’on puisse penser dans nos pays respectifs, pour nos voisins, l’Europe est attractive. Cette attractivité, nous la voulons, nous la revendiquons même, mais nous refusons de l’assumer.

Face à la crise économique et financière qui a failli faire sortir la Grèce de la zone euro, il n’y avait qu’une réponse possible : la solidarité européenne. Face à la pression migratoire que connaissent l’ensemble des pays européens situés sur les rives de la Méditerranée, et principalement la Grèce et la Turquie, une seule réponse est là encore possible : la solidarité européenne. Cette solidarité, nous devons la construire avec ambition, mais aussi au regard des évolutions démographiques que connaîtra l’Europe au cours des prochaines décennies.

Je partage le point de vue selon lequel, si l’on n’envisage la politique migratoire qu’à travers le prisme des contrôles des frontières, cela ne nous amènera qu’à déplacer la pression migratoire d’une frontière à l’autre. Répartir l’accueil et le traitement des flux migratoires arrivant aux frontières extérieures de l’Europe entre les États européens peut paraître ambitieux ; c’est pourtant une nécessité.

Face à ce constat, le Conseil de l’Europe, et plus précisément notre Assemblée, a un rôle majeur à jouer : favoriser la prise de conscience des États membres et de l’Union Européenne afin qu’une véritable politique migratoire européenne voie le jour. Tel est le sens de ce projet de résolution et de ce projet de recommandation. Mais face aux évolutions démographiques, il me semblerait pertinent de valoriser également les aspects bénéfiques des migrations pour l’Europe, tant du point de vue économique que du point de vue culturel. »

D. L’ÉTAT DE LA LIBERTÉ DES MÉDIAS EN EUROPE

La liberté d’expression et d’information constitue une obligation fondamentale pour tout État membre, en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le rapport présenté par la commission de la culture, de la science et de l’éducation devant l’Assemblée fait état de violations graves de la liberté de la presse constatées entre 2010 et 2012 en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bulgarie, en Croatie, en Grèce, en Hongrie, en Italie, au sein de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, en Roumanie, au Royaume-Uni, en Russie, en Serbie, en Turquie et en Ukraine. Il s’attarde également sur le cas biélorusse.

Ces atteintes prennent différentes formes. La résolution adoptée par l’Assemblée cible ainsi les dispositions législatives adoptées en Hongrie et en Turquie qui peuvent empêcher l’exercice du métier de journaliste. Le texte souligne dans le même temps les pressions politiques exercées sur les radiodiffuseurs publics dans d’autres États membres. L’Assemblée insiste sur l’importance d’une information libre et transparente à l’occasion des élections, après avoir constaté en Arménie, en Azerbaïdjan, en Russie, en Turquie et en Ukraine une relative partialité des médias. L’Assemblée invite également le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe à élaborer un rapport sur les efforts déployés par les autorités russes pour lutter contre l’impunité concernant l’assassinat de journalistes et de militants de droits de l’Homme. Une commission d’enquête a ainsi été mise en place. Elle souligne par ailleurs le nombre extrêmement élevé de journalistes emprisonnés, arrêtés ou poursuivis en Turquie, qui semble paralyser les médias turcs.

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – UDI) a souhaité apporter son soutien à ce rapport :

« Monsieur le Président, chers collègues, La liberté d'expression et d'information sont la pierre angulaire de la bonne gouvernance et d'une démocratie florissante ainsi qu'une obligation fondamentale de tout État membre en vertu de l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Malheureusement ces obligations sont bien souvent virtuelles dans certains États membres où la police et la justice, censées protéger les journalistes pour qu'ils puissent exercer leur travail en toute liberté, faillissent à cette mission voire sont complices d'États qui entendent museler la presse.

Je tiens à féliciter notre rapporteur M. Mats Johansson qui a su présenter, de façon exhaustive les problèmes qui se posent, pays par pays. Pointer ces dérives, d'intensités inégales certes selon les États membres, n'a pas pour but de mettre tel ou tel pays au banc des accusés. Même si ces réalités sont parfois difficiles à accepter, il faut comprendre quelle est la finalité de ce rapport. Nous sommes dans le temple des Droits de l'Homme et de la Démocratie. Notre but est d'aider chacun à progresser pour respecter les principes fondateurs du Conseil de l'Europe.

Ainsi, ce rapport doit être apprécié par les différents pays visés comme un encouragement pour corriger certains comportements et tendre vers l'exemplarité.

Le sujet dont nous parlons est probablement l'un des plus importants qui vaille en démocratie. La liberté de la presse ne se négocie pas. Elle doit être défendue avec détermination. La où la liberté de la presse vacille, c'est la démocratie qui recule. Et quand des libertés aussi fondamentales se perdent, elles sont alors très difficiles à reconquérir.

C'est pourquoi je soutiens le rapport qui nous est présenté. J'en appelle à nos collègues dont les États sont cités pour user de leur influence politique dans leurs pays respectifs afin de faire disparaitre les problèmes évoqués. Chacun d'entre nous doit être viscéralement attaché à la démocratie et doit se sentir mobilisé pour en faire respecter les principes. Je suis convaincu que le travail effectué par le Conseil de l'Europe, formidable caisse de résonance pour les libertés publiques et la démocratie, y contribue fortement. C'est en tout sa mission. Nous devons l'assumer et militer pour que jamais cette volonté ne faiblisse. »

E. EGALITÉ DES SEXES, CONCILIATION VIE PROFESSIONNELLE – VIE PERSONNELLE ET CORESPONSABILITÉ

En dépit de nombreux progrès enregistrés au sein des États membres en vue de mieux garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, la commission sur l’égalité et la non-discrimination estime que les hommes disposent encore d’une position privilégiée sur le marché du travail alors que les femmes se voient confier la plus grande partie des responsabilités au sein du foyer familial.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) a insisté, dans son intervention, sur le principe de coresponsabilité afin de permettre un rééquilibrage au sein de la cellule familiale :

« Permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent rapport de notre collègue Carmen Quintanilla qui a le mérite de dépasser le seul angle de l’inégalité entre hommes et femmes pour poser les termes d’un vrai débat sur la place de la famille et l’organisation de la vie privée dans nos sociétés modernes. Je souscris à la plupart des conclusions du projet de résolution qui a le mérite de proposer des réponses fondées sur les meilleures pratiques observées au sein de nos États membres. Le Conseil de l’Europe c’est aussi cela : un véritable forum d’échanges en vue d’appréhender de la façon la plus efficace possible les défis sociaux auxquels sont confrontés nos concitoyens.

L’an dernier, une universitaire française, Laurence Cocandeau-Bellanger, a publié une étude intéressante sur les femmes au travail. Elle met en avant, dans son travail, trois stratégies possibles de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

La première, l’anticipation, consiste à prévoir et prévenir ce qui peut advenir dans la vie de ces femmes afin de mieux organiser leur conciliation avec le risque toujours possible d’un événement imprévu. La deuxième, l’action, est le fait de vivre à l’instant présent, et d’être en constante mobilité entre ces deux vies. Elle présente un risque : celui de culpabiliser de ne pas en faire assez. La dernière, la stratégie de distanciation, consiste à prendre du recul, face à une situation souvent conflictuelle, pour tenter de l’améliorer et de trouver des solutions.

Comme le conclut l’auteure, il n’existe pas en la matière de stratégie miracle. Chacune peut correspondre à une situation personnelle précise. L’universitaire invite avant tout les femmes à essayer d’être actrices de leur parcours, à chercher à être conciliatrices davantage que conciliantes. Cette position n’est pourtant pas tenable s’il n’existe pas de soutien au sein même de la famille mais aussi dans la société.

C’est d’ailleurs l’intérêt du rapport présenté ce matin. Nous, politiques, devons œuvrer en vue de trouver une réponse technique satisfaisante pour que les femmes puissent mener de concert vie professionnelle et vie familiale. On connaît bien les pistes à creuser en la matière : soutien aux crèches d’entreprises, réflexion sur les horaires et les formes de travail, etc. Nous ne pouvons néanmoins nous limiter à cette seule réponse. Nous devons accompagner en même temps un changement réel des mentalités. Je salue à cet égard le souhait de la rapporteure d’insister sur le principe de coresponsabilité au sein du foyer.

La clé est sans doute là, dans cette nouvelle répartition des tâches au sein de la cellule familiale. Si elle se développe, elle pourra permettre de dépasser le cliché d’une femme forcément moins efficace au niveau professionnel parce qu’encline à répondre en priorité aux problèmes de son quotidien : la bronchiolite du petit dernier, la fermeture exceptionnelle de l’école. La maternité ne saurait être plus longuement envisagée comme un choix affectant une carrière professionnelle. L’absence d’enfant ne peut plus constituer aujourd’hui la condition sine qua non d’une réussite professionnelle pour une femme.

Par-delà la question du travail, la coresponsabilité doit également être une solution en vue de mieux concilier la maternité avec d’autres exigences. Comme l’indique Laurence Cocandeau-Bellanger, il est important aujourd’hui pour une femme de concilier quatre sphères : familiale et professionnelle, mais aussi individuelle – il s’agit du temps pour soi – et sociale : il s’agit-là du temps des loisirs. Plus que jamais donc, sensibilisons nos concitoyens à ce mode de vie et favorisons son développement. »

Le projet de résolution présenté devant l’Assemblée prévoit d’adapter le cadre législatif des États membres afin de tenir compte des meilleures pratiques destinées à mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle.

Le texte adopté par l’Assemblée invite en conséquence les gouvernements à introduire un régime de congé parental permettant à chacun des parents de s’occuper des enfants sur un pied d’égalité. Il propose également de réformer la législation du travail afin de promouvoir des formes d’organisation plus souples, à l’image des horaires différenciés ou du télétravail. La résolution préconise la mise en place d’un soutien financier pour les entreprises mettant en œuvre des mesures de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Elle appelle également de ses vœux l’organisation de campagnes de sensibilisation et d’éducation dans les écoles et à destination du grand public sur le thème de la coresponsabilité entre femmes et hommes au sein des familles et dans la société.

F. LA TRAITE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS À DES FINS DE TRAVAIL FORCÉ

Le Bureau international estime à 20,9 millions le nombre de victimes du travail forcé dans le monde. Ce chiffre serait une estimation prudente. Il signifie, en tout état de cause, que trois personnes sur mille environ sont victimes du travail forcé dans le monde. 90 % sont exploités par des particuliers et des entreprises, en majorité dans des secteurs comme l’agriculture, la construction ou le travail domestique. 55 % de ces esclaves modernes sont, par ailleurs, du sexe féminin. 22 % de ces travailleurs forcés sont, en outre, victimes d’exploitation sexuelle. L’Europe n’est pas épargnée. C’est en effet en Europe centrale et du Sud-Est que le nombre de travailleurs forcés par millier d’habitant est le plus élevé avec un taux dit de prévalence de 4,2, en dépit de l’adhésion d’un certain nombre de pays de cette région à l’Union européenne ou de la ratification de la Charte sociale européenne par la plupart des États. Le phénomène n’est pas non plus inexistant en Europe occidentale, supposée être plus développée. Le taux de prévalence atteint ici 1,5.

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées estime que les autorités nationales se trompent de cible dès lors qu’elles considèrent que les travailleurs victimes de cette traite sont souvent issues de l’immigration irrégulière. Ce faisant, les victimes se retrouvent, selon elle, en position de criminels.

Intervenant au nom du groupe PPE, M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a rappelé les difficultés que pouvaient rencontrer les États dans leur lutte contre la traite :

« L’esclavage a été aboli depuis longtemps et pourtant il existe encore, y compris dans nos pays. Ces esclaves modernes constituent une main-d’œuvre sans voix, sans défense et corvéable à merci.

La pauvreté extrême pousse chaque jour des femmes, des hommes et même des enfants dans les mains d’exploiteurs sans pitié.

Comme le souligne le Comité français contre l’esclavage moderne, le CCEM : « esclaves pour dettes, victimes de négriers modernes ou clandestins pris au piège de la traite des êtres humains, ils subissent les pires traitements, réduits au statut d'objets. (…) le critère déterminant n’est pas la couleur de la peau, ni l’origine ethnique mais la vulnérabilité qui permet une emprise totale sur une personne ».

Madame la rapporteure, vous avez raison : les travailleurs migrants exploités de la sorte ne doivent pas être considérés comme des délinquants. Ils sont d’abord la proie de réseaux, dont certains sont mafieux. Ils sont des victimes.

J’ai eu l’occasion de participer aux travaux de la mission d’information de l’Assemblée nationale française sur l’esclavage moderne. Force est de constater que la lutte contre ces pratiques reste difficile et que plusieurs problèmes que nous avions soulevés à l’époque sont toujours d’actualité.

Tout d’abord, cette traite n’est pas seulement le fait de réseaux mafieux mais aussi d’individus. Ainsi, en France, le CCEM a rappelé qu’en ce qui concerne l’esclavage domestique, 82 % des victimes viennent de pays africains et 75 % ont été « recrutées » directement par leur employeur. Ce sont en général les femmes qui se chargent du recrutement via des réseaux familiaux. Les recrutements par des agences concernent la plupart du temps les employeurs les plus riches. Et malheureusement près d’un tiers de ces victimes sont mineures !

Se pose également la question de la condamnation des employeurs. En novembre dernier, une réunion d’experts organisée à Bucarest a insisté sur l’indispensable travail de protection et d’accompagnement des victimes afin d’obtenir les témoignages qui permettront de condamner ces négriers des temps modernes. Par ailleurs, qu’ils soient particuliers ou entreprises, les employeurs-exploiteurs ne doivent plus espérer l’impunité. Cela suppose que chaque pays se dote d’un cadre législatif adapté – comme le demande votre excellent projet de résolution – et que celui-ci soit appliqué sans faille à tous les employeurs. On sait, à ce propos, les problèmes que posent les employeurs protégés par un statut diplomatique.

De plus, il est nécessaire de prendre en compte les avis et arrêts de la CEDH : l’arrêt CN. et V. c. France, rendu en octobre 2012, est venu rappeler que même dans la patrie des droits de l’Homme, l’esclavage moderne reste une réalité. Il a été notamment reproché à mon pays de ne pas avoir adopté une définition précise des infractions de servitude et de travail forcé, ce qui affaiblit la prévention des agissements concernés, la protection des victimes et l’efficacité des sanctions. En notre qualité de parlementaires, et encore plus de membres de cette Assemblée, il est de notre devoir d’agir auprès de nos gouvernements et de nos parlements pour résoudre ces questions juridiques.

Enfin, la coopération internationale est nécessaire. Vous rappelez dans votre rapport que plusieurs coopérations judiciaires et policières ont été mises en place en Europe. Mais l’asservissement ne commence pas qu’une fois arrivé sur nos territoires. Souvent, cet esclavage s’est mis en place dès le plus jeune âge, dans le pays d’origine. Il faut donc agir en amont. Les campagnes d’information sont nécessaires mais insuffisantes face à la misère et au désespoir. La scolarisation des mineurs permettrait d’offrir un avenir à ces enfants mais aussi à leur famille.

Chers collègues, comment pouvons-nous supporter d’avoir à prononcer aujourd’hui encore ces mots terribles de « travail forcé », de « traite » d’êtres humains ? Cet esclavage moderne est une atteinte intolérable à la dignité humaine.

En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’Homme proclamait : « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ». Faisons en sorte que 65 ans plus tard, cet idéal ne reste pas lettre morte et devienne une réalité pour tous. C’est pourquoi, madame la rapporteure, je voterai votre rapport avec conviction. »

La résolution adoptée par l’Assemblée invite les États membres à lutter contre les phénomènes de traite en tenant compte de la vulnérabilité particulière des personnes concernées, en leur offrant notamment une protection effective dès lors qu’elles participent aux procédures pénales. Le cadre juridique mis en place doit permettre de poursuivre les utilisateurs finaux. Une intensification des inspections du travail est également recommandée. Elle met également en avant les instruments juridiques internationaux en la matière, qu’il s’agisse de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains de 2005, ratifiée par la France en 2008, ou de la Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant le travail décent pour les travailleurs et travailleuses domestiques adoptée en 2011 mais ratifiée par seulement trois États sur 183 membres de l’OIT. Les politiques d’immigration et de retour nationales doivent, quant à elles, êtres alignées sur les recommandations du Groupe d’experts sur la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l’Europe.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT

A. RAPPORT D’ACTIVITÉ DU BUREAU ET DE LA COMMISSION PERMANENTE

L’ouverture de chaque partie de session est traditionnellement consacrée à l’examen du rapport d’activité du Bureau et de la commission permanente. Ce document reprend les rapports adoptés par ces deux instances, notamment ceux concernant les observations électorales et rappelle les missions opérées par les commissions permanentes de l’Assemblée parlementaire.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UDI-UC), qui a participé aux missions d’observation des élections en Géorgie et en Ukraine menées en octobre dernier, a souhaité relever les difficultés rencontrées sur place par les observateurs parlementaires avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme de l’OSCE :

« En tant que membre de la commission ad hoc chargée de l’observation des élections législatives en Géorgie mais aussi en Ukraine, j’ai été une nouvelle fois particulièrement marqué par l’étroite coopération mise en place entre nos équipes et celles du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme (BIDDH) de l’OSCE, et par le poids de cet organe sur le jugement de notre Organisation.

Membre de la délégation française auprès de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, je connais l’influence administrative de ce Bureau lui-même sous influence de l’administration américaine. Ses remarques en Arménie et en Russie lors des précédents scrutins répondaient d’ailleurs à mon sens plus à des observations de géostratégie qu’aux critères qui sont les nôtres au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Les accrochages furent donc nombreux. Lors de la dernière mission, le BIDDH a organisé sa propre conférence de presse aux États-Unis, parallèlement à celle de l’Assemblée parlementaire, et il a obtenu de l’OSCE qu’elle retire le communiqué de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE sur ces élections. C’est la raison pour laquelle le Bureau de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, le 5 décembre 2012, à Dublin, a décidé d’annuler l’accord de coopération de 1997 entre le BIDDH et l’Assemblée parlementaire. Le Président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, Riccardo Migliori, a confirmé cette rupture dans son discours.

Je souhaite que notre Assemblée réfléchisse au cadre à mettre en place à la suite de cet événement afin de mieux assurer l’indépendance du Conseil de l’Europe à l’égard de l’OSCE lors des prochaines missions d’observation. Certes, des impératifs pratiques nous conduisent à nous rapprocher des autres organisations internationales présentes sur place. Les échanges sont d’ailleurs judicieux pour relativiser ou corriger telle ou telle impression. Je recommande d’ailleurs à notre Bureau de se rapprocher du Bureau de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Néanmoins, la singularité de notre démarche, généralement dépassionnée et peu encline à faire valoir les intérêts géostratégiques des uns ou des autres, ne doit pas être étouffée par des considérations d’experts compétents mais qui n’ont pas l’autorité politique ».

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) est, quant à elle, revenue sur la mission de la commission des migrations, des réfugiés et de la population sur la frontière greco-turque :

« Bien que rapporteure pour la commission de suivi, je ne souhaite pas aborder les problèmes préoccupants qui concernent aujourd’hui ce pays, et je m’associe évidemment aux propos qui ont été tenus sur le massacre à Paris de trois jeunes femmes kurdes : j’espère moi aussi que toute la lumière sera faite et je souhaite que le problème kurde trouve une solution politique en Turquie. Si des négociations s’engagent, on ne peut que souhaiter qu’elles aboutissent enfin, dans l’intérêt du pays.

Mais je voudrais plus particulièrement insister aujourd’hui devant vous sur les efforts déployés par la Turquie à l’égard des réfugiés syriens, qui sont près de 157 000 dans des camps, sans compter tous ceux qui sont hors des camps. J’ai eu la possibilité d’entrer dans plusieurs camps de la province de Hatay, notamment celui de Yayladagi, avec Mme Memecan, présidente de la délégation turque, et j’ai été extrêmement surprise par la dignité de l’accueil réservé aux réfugiés syriens. C’est tout à fait exceptionnel et ce doit être dit ! Nous sommes suffisamment sévères à certains moments pour nous montrer sincères et objectifs à d’autres, en particulier lorsqu’il s’agit de remercier la Turquie pour son action en faveur des réfugiés syriens, qu’elle appelle les « invités sous protection provisoire ». Quelles que puissent être ses intentions ou ses arrière-pensées, la Turquie montre aujourd’hui qu’elle est un grand pays, qui doit satisfaire rapidement ses obligations vis-à-vis du Conseil de l’Europe. »

B. LA PRÉSIDENCE ANDORRANE DU CONSEIL DE L’EUROPE

M. Gilbert Saboya Sunye, ministre des affaires étrangères au sein du gouvernement d’Andorre, était invité à présenter devant l'Assemblée parlementaire les priorités de la présidence andorrane du Conseil de l'Europe, qui a débuté en novembre dernier.

Le thème principal de celle-ci sera la promotion et la protection des droits de l’Homme et de la démocratie à travers l’éducation. Andorre a, à cet égard, organisé au début de son mandat, une conférence consacrée à l’impact de la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’Homme. Cette réunion a notamment permis d’identifier les moyens concrets à mettre en œuvre afin de renforcer l’éducation aux droits de l’Homme. Elle sera suivie d’une nouvelle rencontre du 6 au 8 février prochain qui devrait aborder les questions de la culture de la démocratie et du dialogue interculturel. La présidence andorrane entend, en outre, participer pleinement à la 24ème conférence des ministres de l’éducation du Conseil de l’Europe organisée à Helsinki en avril prochain. Cet événement sera suivi d’une rencontre en Andorre des jeunes ambassadeurs pour la paix.

M. Saboya Sunye a souhaité, par ailleurs, rappeler l’attachement de son pays à suivre les décisions prises aux conférences d’Interlaken, Izmir et Brighton, concernant la réforme de la Cour européenne des droits de l’Homme. La présidence andorrane espère que le Protocole n° 15 à la Convention européenne des droits de l’Homme pourra ainsi être adopté à l’occasion du Comité des ministres prévu le 16 mai prochain. Elle entend également accompagner les travaux concernant le projet de Protocole facultatif n° 16 qui devraient aboutir en avril prochain par une présentation dudit texte devant l’Assemblée parlementaire

Une attention toute particulière est également donnée à l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, alors qu’une quatrième réunion du groupe ad hoc de négociation chargé de préparer les instruments d’adhésion se tenait à Strasbourg. Si comme les protocoles, l’adhésion devrait contribuer à renforcer l’efficacité de la Convention, le ministre des affaires étrangères andorran a insisté sur la responsabilité qui incombait aux États membres afin qu’ils mettent en œuvre concrètement la Convention. La présidence du Comité des Ministres souhaite mobiliser la société civile sur ce sujet, à travers les réseaux sociaux.

M. Saboya Sunye a conclu son propos en rappelant la nécessité pour certains pays d’aller plus en avant dans la mise en conformité de leurs législations et de leurs pratiques avec les valeurs défendues par le Conseil de l’Europe, qu’il s’agisse de la Géorgie, de la Bosnie-Herzégovine, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Il a souhaité insister sur le cas du Kosovo, indiquant la nécessité pour le Conseil de l’Europe de faire en sorte que toutes les personnes vivant sur ce territoire puissent jouir des mêmes droits que les autres Européens.

C. COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est invité par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à communiquer devant elle lors de chaque première partie de la session annuelle.

M. Thorbjørn Jagland a introduit son propos en rappelant les quatre crises auxquelles était confronté le continent européen depuis quelques années : crise économique, crise des institutions européennes jugées incapables de juguler la première, crise de confiance dans les pouvoirs publics en général et in fine crise des valeurs, marquée par l’absence de réaction claire face à la montée des extrémismes et des nationalismes. Afin de répondre aux défis posés par ces crises, le Conseil de l’Europe doit défendre certaines priorités clés.

La première vise la lutte contre la corruption et toutes les formes d’abus de pouvoir. Elle implique un pouvoir judiciaire fiable, efficace et indépendant. Elle induit l’existence de médias libres et indépendants, susceptibles d’incarner un véritable contrepoids. Elle nécessite des parlements forts, au sein desquels l’immunité des membres ne se confonde pas avec l’impunité. Le Conseil de l’Europe dispose avec le GRECO et MONEYVAL de deux outils permettant de combattre efficacement la corruption, à condition néanmoins que les États suivent leurs recommandations.

La deuxième priorité concerne la lutte contre l’intolérance et le discours de haine. Ce combat est quotidien et vise tous les pans de la société.

La troisième priorité concerne la protection des minorités. L’accent doit notamment être porté sur la situation des Roms, sans pour autant négliger les autres victimes de discriminations en raison de leurs appartenances religieuses ou de leur identité sexuelle.

La consolidation de l’espace juridique européen constitue la dernière priorité. Le Secrétaire général a relevé que sur le continent européen, un certain nombre de territoires n’étaient pas couverts à l’heure actuelle par les normes et mécanismes du Conseil de l’Europe : Biélorussie, Kosovo et zones de conflits gelés. L’implication du Conseil de l’Europe doit y être plus grande, en accord, le cas échéant, avec les Nations unies. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme doit également participer de cet effort de consolidation.

Afin de répondre à ses priorités, le Conseil de l’Europe doit, aux yeux de son Secrétaire général, poursuivre la modernisation de ses méthodes et de ses outils. Il doit également renforcer son partenariat avec l’Union européenne, les Nations unies, l’OSCE et les ONG les plus réputées et les plus importantes. La crédibilité de l’Organisation est également en jeu dès lors qu’un certain nombre d’États membres ne reconnaissent pas clairement les lacunes dont souffre leur pays en matière de démocratie ou de droits de l’Homme. Il convient donc, selon M. Jagland, de les soumettre à une pression croissante.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a souhaité interroger le Secrétaire général sur le rôle que pourrait jouer l’Europe au Mali :

« L’Union européenne a reçu le prix Nobel de la paix, grâce à vous sans doute. Or la France est directement engagée dans le conflit du Mali. Elle a répondu à l’appel d’urgence de ce pays en attendant que les forces africaines soient prêtes à affronter un adversaire terrible. Les djihadistes sont des terroristes redoutables et bien armés.

Ce danger menace-t-il l’Europe ? L’Europe doit-elle s’engager plus concrètement ? »

Il lui a été répondu :

« Ce sujet ne relève pas des domaines de compétence du Conseil de l'Europe. Je ne peux donc m’exprimer qu’à titre personnel et dire qu’il faut toujours faire preuve, selon moi, d’une grande prudence lorsque l’on envisage l’usage de la force. Pour autant que je puisse en juger, le conflit au Mali s’explique en grande partie par la pauvreté du pays et par le conflit entre le Nord et le Sud. Bien entendu, les choses sont beaucoup plus complexes que cela. Je peux difficilement me prononcer au nom de l’Union européenne. Devrait-elle intervenir ? Je pense personnellement que nous devrions nous inspirer des expériences passées d’interventions militaires. »

M. Jacques Legendre (Nord – UMP) a, quant à lui, demandé à M. Jagland son sentiment sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne :

« Nous avons fêté l’an dernier le cinquième anniversaire du mémorandum d’accord entre l’Union européenne et notre organisation. Force est de constater que la complémentarité recherchée au travers de ce document s’est muée en une véritable duplication de nos activités. La nomination d’un représentant spécial de l’Union européenne en charge des droits de l’Homme ne laisse pas d’interroger alors que le mémorandum devait faire du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe le pivot des relations entre les deux organisations.

N’est-il pas temps, monsieur le Secrétaire Général, de préparer un nouveau texte définissant clairement les compétences des uns et des autres ? »

Il lui a été répondu :

« Pour ma part, je vois la nécessité de faire l’inverse, c’est-à-dire de faire des choses concrètes, et c’est justement ce que nous faisons. Ainsi, ce que nous faisons avec les pays voisins n’aurait pas pu être fait sans le financement de l’Union européenne. Le programme de réformes en Ukraine, qui coûte environ 23 millions d’euros, est financé par l’Union européenne. De nombreux programmes conjoints n’auraient pas pu être mis en œuvre sans ce partenariat que nous avons su établir avec l’Union européenne. Je crois qu’il faut continuer dans cette direction.

Il est vrai que l’on aurait pu discuter de la création du représentant des droits de l’Homme de l’Union européenne. Mais nous ne devons pas voir cette création comme une menace. Lorsqu’un acteur majeur de la scène internationale tel que l’Union européenne veut renforcer les droits de l’Homme, cela constitue un atout pour nous, et pour beaucoup d’Etats européens. D’ailleurs, de nombreux États européens ont un représentant spécial pour les droits de l’Homme pour leur propre territoire. Pour l’Union européenne, c’était assez naturel de se doter d’un tel représentant spécial pouvant travailler tout particulièrement sur les droits de l’Homme. Les États-Unis en ont un, la Russie en a un, je crois que la France et l’Allemagne aussi, de nombreux pays européens ont un tel représentant spécial, pourquoi pas l’Union européenne en tant que telle ?

Ce n’est pas une menace à mes yeux, mais plutôt un immense atout pour l’Europe. Plus il y aura de pays, d’entités et d’organisations qui se concentreront sur les droits de l’Homme, l’un de nos domaines de compétence, mieux cela sera, la solution est de coopérer. J’ai déjà rencontré ce nouveau représentant spécial pour les droits de l’Homme, et je pense qu’il ne devrait pas y avoir de problèmes pour le Conseil de l’Europe. C’est une nouvelle voie à explorer pour coopérer avec d’autres partenaires. »

D. ASSURER LA VIABILITÉ DE LA COUR DE STRASBOURG : LES INSUFFISANCES STRUCTURELLES DANS LES ETATS MEMBRES

Depuis son entrée en vigueur en 1953, la Convention européenne des droits de l'Homme est présentée comme un des mécanismes de protection des droits de l'Homme les plus efficaces, comme en témoigne l'augmentation constante du nombre de recours auprès de la Cour de Strasbourg. L'afflux de dossiers a contribué à une explosion du nombre d'affaires pendantes : 86 000 en 2006, plus de 160 000 aujourd'hui. L'Italie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Turquie et l'Ukraine représentent près de 70 % de l'ensemble des requêtes introduites devant la Cour. Le nombre de requêtes rapporté à la population révèle également un certain nombre de défaillances en Croatie, en Estonie, au Liechtenstein, en Moldavie, à Monaco, au Monténégro, en Serbie, en Slovénie et en Suède. Le Protocole n° 14 additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme, censé résoudre la question de l'engorgement, s'est avéré, à cet égard, insuffisant.

La plupart des requêtes portent sur des problèmes déjà bien identifiés par la jurisprudence, qu’il s’agisse de la durée excessive des procédures judiciaires, de la non-exécution chronique des décisions judiciaires internes, des décès et mauvais traitements dus à des fonctionnaires des forces de l’ordre et de l’absence d’enquête effective à leur sujet ou de l’illégalité et la durée excessive des placements en détention provisoire. La répétition de ces affaires constitue une des sources de l’engorgement de la Cour. Aux yeux de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, il serait utile que les juges des États concernés soient habilités à sélectionner les affaires qui soulèvent de tels problèmes, afin qu’elles soient examinées en priorité et qu’il puisse être mis un terme à ces violations continues des droits de l’Homme.

La résolution adoptée par l’Assemblée invite les États membres à appliquer le plan d’action d’Interlaken adopté en février 2010 en vue d’exécuter pleinement et rapidement les arrêts de la Cour, en instaurant notamment un organisme national uniquement chargé de l’exécution des arrêts de la Cour. Les États Parties sont également incités à adapter leurs législations à la jurisprudence de la Cour et à prendre des mesures pour mieux faire connaître celle-ci.

Invitée à intervenir dans le débat, Mme Paola Severino, ministre de la justice de l’Italie a rappelé que la Cour constitutionnelle de son pays avait exigé que les règles internes devaient être interprétées à la lumière des principes de la Convention européenne des droits de l’Homme et des principes constitutionnels. Le gouvernement italien a, par ailleurs, adopté plusieurs lois tenant compte de la jurisprudence de la Cour : une nouvelle réglementation pour le procès par contumace, l’introduction du délit d’auto-blanchiment, le réexamen de la médiation civile. La ministre a également insisté sur les réformes structurelles en cours dans son pays – création d’un tribunal de commerce, informatisation de la justice, amélioration du contrôle de l’admissibilité des requêtes, adoption d’une nouvelle législation en matière d’indemnisation – destinées à limiter le nombre de requêtes pendantes.

La résolution adoptée insiste également sur l’amélioration de la formation des juristes. Le texte appelle, en outre, au renforcement des garanties juridiques d’indépendance des juges de la Cour européenne des droits de l’Homme.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UDI-UC) a relevé dans son intervention que les dispositions de la résolution recoupaient le principe de subsidiarité :

« Si nous souhaitons véritablement assurer la viabilité de la Cour européenne des droits de l’Homme, il convient avant tout de rappeler le principe de subsidiarité. Je m’étonne d’ailleurs que l’ancien président de la Cour, Sir Nicholas Bratza, se soit montré réticent, lors de la Conférence de Brighton, à l’insertion de ce principe au sein de la Convention.

Qu’est-ce que ce principe implique ?

Premièrement, que chaque État partie mette en place des voies de recours internes qui permettent de sanctionner, au niveau national, les violations des droits reconnus dans la Convention.

Deuxièmement, que chaque État partie applique de façon anticipée la jurisprudence de la Cour, notamment lorsque certaines décisions, rendues à l’égard d’un autre État partie, sont susceptibles de s’appliquer à son propre système juridique.

Troisièmement, qu’un mécanisme de contrôle systématique a priori de la compatibilité des lois avec les droits et libertés garantis par la Convention soit mis en œuvre au niveau de chaque Parlement national.

Quatrièmement, que la jurisprudence de la Cour soit mieux connue et mieux diffusée. Une meilleure diffusion des arrêts de la Cour pose la question de leur traduction qui n’est, à l’heure actuelle, rédigée qu’en français et anglais. Je relève néanmoins que, depuis quelques mois, la Cour a entrepris d’alimenter sa base de données de versions traduites de ses arrêts et décisions. Elle a, dans le même temps, contribué à la production et à la diffusion en plusieurs langues de deux guides : le Guide pratique sur la recevabilité et le Manuel du droit européen en matière de non-discrimination. Enfin, il convient de saluer le volet russe de sa nouvelle base de données HUDOC.

Cinquièmement, que ces efforts aillent de pair avec une meilleure formation, au niveau national, des magistrats. Leur cursus devrait intégrer systématiquement un volet consacré à la Convention européenne des droits de l’Homme et à la jurisprudence de la Cour.

La plupart de ces points recoupent les recommandations contenues dans l’excellent rapport de notre collègue Serhii Kivalov. Le projet de résolution insiste en outre sur les garanties à apporter en vue d’assurer la plus grande indépendance aux juges de la Cour européenne des droits de l’Homme. Je m’associe aux propositions qui viendraient judicieusement compléter le travail de réforme que nous avons entrepris au sein de notre Assemblée pour que la sélection des candidats pour le poste des juges soit améliorée. Le Comité des Ministres a agi dans le même sens en adoptant, le 29 mars dernier, ses lignes directrices en la matière.

En tant que Français, je regrette néanmoins une chose dans la procédure de sélection : l’accent, et même l’obligation, qui devrait également être mis sur la maîtrise des deux langues officielles du Conseil de l’Europe. »

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a appelé à un contrôle vigilant de l’application des dispositions de cette résolution :

« Je voudrais saluer la présence de Mme Severino, ministre de la justice italienne, et la féliciter pour l’action qu’elle mène avec son gouvernement en Italie. En effet, nous savons tous que ces dernières années, la justice a été très maltraitée en Italie. Ce n’est pas bon dans une démocratie, ce n’est pas sain. Magistrat dans une vie antérieure, j’ai de nombreux amis magistrats italiens et je peux vous assurer, Madame, qu’ils sont très satisfaits de l’action que vous conduisez au sein du gouvernement de M. Monti pour redresser enfin la justice en Italie.

Pour revenir au sujet qui nous occupe, il a été très clairement résumé par le Président Mignon au cours de la conférence de Brighton : « On dit la Cour victime de son succès. […] mais n’est-elle pas plutôt victime des défaillances au niveau national ? »

Nous le voyons bien, les statistiques établies par la Cour montrent que, depuis sa création, elle a rendu plus de 15 000 arrêts et que près de la moitié des arrêts rendus ont été rendus contre quatre pays : la Turquie, l’Italie – le vôtre, madame, mais j’espère que dans un an, cela aura changé –, la Fédération de Russie et la Pologne. Ces pays, nous le savons, seront bientôt rejoints si rien ne change par un certain nombre d’autres États membres cités dans l’excellent rapport de notre collègue Serhii Kivalov, que je soutiens, bien entendu.

On constate que la liste des pays coïncide avec celle des pays où les arrêts sont le moins bien exécutés. La pleine et entière application de la Convention européenne des droits de l’Homme comme la viabilité de la Cour passent pourtant par une exécution optimale des arrêts.

Le suivi de l’exécution de ces arrêts relève de la responsabilité du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. À cet égard, celui-ci a eu une action concernant les « arrêts pilotes » qui a permis une diminution en 2011 du nombre de nouvelles affaires répétitives.

Il convient sans doute d’aller plus loin. Peut-on à cet égard totalement écarter, comme cela a été fait jusqu’à aujourd’hui, l’idée de prononcer des astreintes ou des sanctions financières à l’encontre d’États persistant à ne pas exécuter un arrêt de la Cour ? Je rappelle que la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’un tel système qui a fait la preuve de son efficacité en matière d’application du droit communautaire par les États membres de l’Union européenne. Il faut peut-être aussi s’interroger sur l’opportunité d’exclure de notre Conseil de l’Europe un État partie qui refuserait durablement d’exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme. Une telle mesure serait, à n’en pas douter, de nature à renforcer la crédibilité du système de protection des droits de l’Homme en Europe. À l’heure actuelle, la possibilité d’une telle exclusion, en dernier ressort, est prévue à l’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe. Nous avons peut-être été tous collectivement assez lâches pour ne jamais la mettre en œuvre.

Sanctions financières et menace d’exclusion, de telles épées de Damoclès inciteraient certainement un certain nombre d’État à mettre en œuvre les dispositions présentées au paragraphe 7 du projet de résolution qui est aujourd’hui soumis à notre vote et qui me semble répondre parfaitement à l’enjeu. »

ANNEXES

Annexe 1

Résolution 1912 (2013) – La situation au Kosovo
et le rôle du Conseil de l'Europe

1. L’Assemblée parlementaire constate que, depuis la déclaration unilatérale d’indépendance en 2008, le Kosovo est toujours en quête d’une reconnaissance internationale tout en poursuivant le développement de ses institutions démocratiques.

2. Les autorités du Kosovo continuent de partager le pouvoir avec une présence internationale opérant dans le cadre, neutre sur le plan du statut, de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette présence, qui comprend la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et la Mission État de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX), a été peu à peu réduite au fil des ans.

3. L’Assemblée estime que l’état actuel des négociations entre Pristina et Belgrade, au niveau des Premiers ministres, menées avec la médiation de l’Union européenne, témoigne d’une plus forte volonté des deux parties de promouvoir la réconciliation et de surmonter les séquelles du passé et ouvre la voie à la résolution de problèmes politiques fondamentaux et de questions d’ordre technique.

4. L’Assemblée note que le Conseil de l’Europe continue d’appliquer, à l’égard du Kosovo, une politique de neutralité du point de vue du statut, en dépit de la reconnaissance par 34 de ses 47 États membres du Kosovo comme État souverain et indépendant. Rappelant sa Résolution 1739 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, elle souligne une fois encore que, indépendamment du statut du Kosovo, les personnes y vivant doivent bénéficier d’une bonne gouvernance, de la démocratie, de la prééminence du droit et des mêmes droits, y compris des droits de l’homme, que les autres personnes vivant en Europe.

5. A cet égard, l’Assemblée déplore la lenteur des progrès réalisés sur un plan général en termes d’amélioration de la prééminence du droit au Kosovo, s’agissant en particulier de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, dans le nord comme dans le sud du Kosovo. Elle regrette par ailleurs que le système judiciaire continue à pâtir de l’ingérence politique, d’un manque d’efficacité et de transparence, ainsi que de la non-application de la législation. L’Assemblée se félicite par conséquent de la récente restructuration de la mission EULEX visant à accorder la priorité à certains domaines relevant de la prééminence du droit comme la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, en particulier dans le nord du Kosovo.

6. Ainsi qu’elle l’a souligné dans la Résolution 1839 (2011) sur la situation politique dans les Balkans, l’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation, y compris en ce qui concerne la sécurité de la communauté serbe, dans le nord du Kosovo, où persistent des tensions et des incidents liés à la sécurité. Elle reste convaincue qu’un accord politique sur la manière de diriger cette région est une condition préalable à une solution durable et à la réalisation des aspirations de Belgrade et de Pristina d’adhésion à l’Union européenne.

7. Depuis que les municipalités serbes bénéficient d’une plus grande autonomie, les sentiments des Serbes vivant au sud de l’Ibar semblent changer, se traduisant entre autres par une augmentation du taux de participation électorale. Toutefois, l’Assemblée regrette la persistance des craintes quant à leur sécurité et au plein respect de leurs droits et estime que les interactions entre les communautés serbes et albanaises du Kosovo doivent être davantage encouragées. Par ailleurs, la stratégie adoptée par les autorités pour protéger et promouvoir les droits des communautés rom, ashkali et égyptienne vivant au Kosovo doit être mise en œuvre avec plus de vigueur.

8. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les autorités du Kosovo, EULEX et la MINUK à continuer de renforcer la prééminence du droit et le cadre juridique, institutionnel et politique afin de lutter contre la corruption, notamment :

8.1. en prenant des mesures concrètes pour garantir la bonne mise en œuvre du cadre juridique afin de réduire l’ingérence politique dans les activités du système judiciaire et de fournir à ce dernier le soutien, les ressources et la formation appropriés ;

8.2. en donnant davantage de pouvoirs aux organes indépendants de lutte contre la corruption et en mettant en place une procédure accélérée de communication aux autorités judiciaires des informations relatives aux affaires de corruption ;

8.3. en simplifiant le contrôle de l’attribution des marchés publics et en vérifiant l’application des règles existantes ;

8.4. en améliorant la législation, les politiques et les pratiques dans les domaines du blanchiment d’argent, du financement du terrorisme, de la traite des êtres humains, du trafic de stupéfiants et d’armes ou encore de la confiscation d’actifs ;

8.5. en développant un système adéquat de protection des témoins ;

8.6. en octroyant les fonds et le personnel nécessaires à la mise en place d’un système d’administration publique efficace, compétent et multiethnique, et en assurant une formation à la déontologie et la lutte contre la corruption.

9. L’Assemblée accueille avec satisfaction le soutien de l’Union européenne aux programmes de coopération du Conseil de l’Europe et encourage cette dernière :

9.1. à continuer de donner une perspective européenne à l’ensemble des Balkans occidentaux, y compris au Kosovo ;

9.2. à veiller à ce que ses dialogues politiques avec le Kosovo soient axés tout particulièrement sur le renforcement de la prééminence du droit et liés à des incitations et des conditions prioritaires, conformément aux récentes recommandations de la Cour des comptes européenne ;

9.3. à s’assurer que le processus de normalisation entre Pristina et Belgrade aille de pair avec la mise en œuvre des normes européennes en matière de droits de l’homme et de prééminence du droit dans l’ensemble de la région ;

9.4. à soutenir les autorités serbes afin d’élaborer des solutions durables et de faciliter l’intégration au plan local, en Serbie, des personnes déplacées qui ne souhaitent pas rentrer, afin d’accélérer le processus de normalisation ;

9.5. à renforcer sa mission EULEX :

9.5.1. en améliorant la responsabilité et l’efficacité de ses actions de lutte contre la corruption de haut niveau et la criminalité organisée ;

9.5.2. en mettant l’accent sur les enquêtes et les poursuites des crimes de guerre, parallèlement à un programme de protection des témoins efficace et doté des moyens financiers nécessaires ;

9.5.3. en mettant en œuvre les recommandations formulées dans l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur les mécanismes actuels d’examen de la compatibilité des actes de la MINUK et d’EULEX au Kosovo avec les normes relatives aux droits de l’homme.

10. L’Assemblée appelle les autorités de Pristina et de Belgrade :

10.1. à s’engager dans le dialogue mené avec la médiation de l’Union européenne dans un esprit ouvert et sans condition préalable ;

10.2. à continuer de coopérer avec les organes pertinents d’EULEX exerçant des fonctions exécutives de maintien de l’ordre public au Kosovo, y compris les Unités d’enquête sur les crimes de guerre et le crime organisé, ainsi qu’avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et avec la Task force spéciale d’enquête de l’Union européenne (SITF) ;

10.3. à s’abstenir de recourir à des moyens non judiciaires, tels que la presse, de telle manière que ce pourrait être perçu comme une menace à l’intégrité du processus judiciaire ;

10.4. à intensifier leurs efforts pour éviter que l’impasse dans laquelle se trouve la situation dans le nord du Kosovo ne se transforme en un conflit gelé et à trouver des moyens d’associer au dialogue la société civile serbe du Kosovo ;

10.5. à lutter contre le crime organisé transnational et la corruption, notamment en progressant sur la voie de la création d’un mandat d’arrêt régional pour les pays des Balkans et d’un mécanisme d’extradition pan-balkanique qui, pour être véritablement efficaces, devront inclure le Kosovo; à cet égard, la signature d’un protocole opérationnel entre les autorités serbes et EULEX améliorerait l’entraide judiciaire dans les affaires de corruption;

10.6. à allouer des ressources adéquates au Groupe de travail Belgrade–Pristina sur les personnes portées disparues et à renforcer la coopération régionale pour aider à élucider le sort des disparus ;

10.7. à intensifier la coopération technique afin d’établir des statistiques claires correspondant au retour des réfugiés et des personnes déplacées et à l’intégration locale, et à continuer d’apporter leur assistance pour favoriser le retour et la réintégration des réfugiés dans leur lieu d’origine ou, le cas échéant, l’intégration dans leur lieu d’accueil, en coopération avec la communauté internationale, en privilégiant la promotion de l’accès aux droits fondamentaux, notamment le droit au logement, à l’éducation, à la santé, à l’emploi et aux services sociaux ;

10.8. à condamner publiquement et à enquêter sur les crimes interethniques et tous les actes d’intolérance religieuse et de vandalisme contre des symboles religieux ou culturels ;

10.9. à soutenir les initiatives transfrontalières, populaires et de la société civile visant à réconcilier les citoyens et à favoriser un changement culturel.

11. L’Assemblée invite les autorités au Kosovo :

11.1. à poursuivre la réforme judiciaire pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et la transparence de la justice, et en particulier :

11.1.1. à prévoir des ressources suffisantes pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux, notamment dans le district de Mitrovica ;

11.1.2. à assurer la sécurité et la protection des juges, des procureurs, des parties et des témoins ;

11.1.3. à restructurer le ministère public et à pourvoir les postes vacants réservés aux minorités ;

11.1.4. à moderniser le système de traitement des affaires ;

11.1.5. à améliorer la prise en compte des droits de l’homme dans les décisions de justice ;

11.2. à renforcer l’indépendance financière de l’Assemblée du Kosovo et des autres institutions indépendantes ;

11.3. à mettre en œuvre les recommandations de l’institution du médiateur du Kosovo et à garantir les ressources nécessaires à son fonctionnement ;

11.4. à mettre en œuvre les dispositions prévues par le cadre juridique et institutionnel pour protéger et promouvoir les droits des minorités et faciliter l’interaction entre les communautés, en particulier :

11.4.1. en procédant rapidement à des enquêtes sur les agressions à motivation ethnique ou religieuse, et en améliorant la collecte des données ;

11.4.2. en assurant l’emploi des membres des communautés dans l’administration publique, y compris à des postes d’encadrement ;

11.4.3. en permettant aux enfants de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle dans les écoles publiques et en établissant une procédure d’accréditation des établissements d’enseignement privés qui dispensent une éducation dans la langue de leur choix ;

11.4.4. en allouant des ressources suffisantes aux bureaux d’état civil, en étant à l’écoute des communautés vulnérables et en appliquant des droits d’enregistrement abordables ;

11.4.5. en allouant des ressources suffisantes au Bureau du commissaire aux langues, chargé de contrôler la loi sur l’emploi des langues ;

11.4.6. en assurant la diffusion des programmes de l’opérateur public de radio et télévision du Kosovo en langue serbe ;

11.4.7. en soutenant les travaux de la Commission des litiges relatifs aux biens immobiliers afin de réduire le nombre d’affaires en attente ;

11.4.8. en appliquant la législation sur la protection du patrimoine culturel ;

11.4.9. en allouant le financement nécessaire à la mise en œuvre de la stratégie pour l’intégration des communautés rom, ashkali et égyptienne, et en prêtant attention à la situation des communautés turques et bosniaques ;

11.4.10. en assurant que toutes les obligations relatives aux plaques d’immatriculation soient remplies, sans discrimination ;

11.5. à créer les conditions propices à un retour durable et à la réintégration des personnes déplacées et rapatriées, en particulier :

11.5.1. en allouant du personnel et des ressources suffisants aux bureaux mis en place au niveau local à l’intention des communautés et aux groupes de travail sur les retours ;

11.5.2. en se conformant aux normes internationales régissant la restitution des biens à la suite d’un conflit ;

11.6. à garantir l’indépendance des médias et la protection adéquate des journalistes, en particulier :

11.6.1. en mettant pleinement en œuvre les lois sur la Radiotélévision Kosovo (RTK) et sur la Commission indépendante des médias (IMC) ;

11.6.2. en élaborant un manuel détaillant les procédures à suivre pour traiter les cas de violence à l’encontre de journalistes ;

11.6.3. en mettant pleinement en application la loi sur l’accès aux documents officiels ;

11.6.4. en promouvant davantage l’accès à l’information pour les communautés non albanaises ;

11.7. à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et l’autonomisation des femmes, en particulier :

11.7.1. en renforçant la lutte contre la traite des êtres humains ;

11.7.2. en mettant en œuvre le plan d’action sur la violence domestique pour la période 2012-2015 ;

11.7.3. en finalisant les directives générales à l’intention des victimes de la violence domestique et en élaborant des programmes de réinsertion pour les victimes ;

11.7.4. en invitant l'Assemblée du Kosovo à établir une collaboration avec le réseau parlementaire de l'Assemblée parlementaire «Pour le droit des femmes de vivre sans violence».

12. L’Assemblée se félicite de la récente instruction donnée par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe au Secrétariat de l’Organisation, qui autorise les agents à collaborer avec les autorités du Kosovo afin de faciliter la réalisation des activités et programmes de l’Organisation.

13. Afin de contribuer au fonctionnement démocratique des institutions du Kosovo, l’Assemblée :

13.1. encourage l’Assemblée du Kosovo à améliorer la communication avec les institutions indépendantes telles que l’institution du médiateur, et à veiller à ce qu’elles bénéficient des ressources nécessaires pour accomplir leur mandat ;

13.2. encourage les partis politiques du Kosovo à favoriser la diversité ethnique parmi leurs membres et dirigeants ;

13.3. décide d’intensifier et d’élargir son propre dialogue avec les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et invite son Bureau à en définir les modalités dans le plein respect de la neutralité quant au statut.

14. Enfin, l’Assemblée maintient son engagement à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit au Kosovo et décide par conséquent de continuer de suivre de près les développements dans ces domaines ainsi que les activités du Conseil de l’Europe s’y rapportant.

Recommandation 2006 (2013) – La situation au Kosovo
et le rôle du Conseil de l'Europe

1. Se référant à sa Résolution 1912 (2013) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire réaffirme sa position selon laquelle, indépendamment du statut du Kosovo, les personnes y vivant doivent bénéficier d’une bonne gouvernance, de la démocratie, de la prééminence du droit et des mêmes droits, y compris des droits de l’homme, que les autres personnes vivant en Europe.

2. L’Assemblée note que dans sa réponse à la Recommandation 1923 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, adoptée le 12 janvier 2011, le Comité des Ministres a confirmé son engagement d’offrir une perspective européenne à tous les habitants du Kosovo, reconnaissant que «le processus de suivi [n’aurait] pleinement de sens que si les institutions pertinentes et compétentes au Kosovo [étaient] directement impliquées dans le processus de suivi et responsables du suivi des recommandations».

3. L’Assemblée se félicite également de l’engagement plus fort du Conseil de l’Europe au Kosovo par le biais de programmes de consolidation de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit au Kosovo et les activités menées par son Bureau à Pristina, qui a été renforcé à la suite de la demande de l’Assemblée.

4. Cependant, l’Assemblée regrette que l’Organisation n’ait pas été en mesure de mettre en œuvre, au Kosovo, «d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe», comme souligné par le Comité des Ministres dans sa réponse. En même temps, elle accueille avec satisfaction la récente proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’introduire la possibilité d’une interaction directe entre des représentants du Conseil de l’Europe et des autorités compétentes et pertinentes au Kosovo, sur la base des responsabilités fonctionnelles exercées par eux.

5. Considérant que le principal défi est l’application des normes relatives aux droits de l’homme et à la prééminence du droit au Kosovo, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres :

5.1. de développer davantage ses actions de promotion des normes relatives aux droits de l’homme et à la prééminence du droit et d’étendre la portée des programmes du Conseil de l’Europe y compris au travers des activités des principaux organes du Conseil de l’Europe et de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, en particulier dans les domaines suivants :

5.1.1. mise en œuvre de la législation anti-discrimination ;

5.1.2. indépendance et efficacité de la justice ;

5.1.3. action contre la corruption et évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;

5.1.4. lutte contre la traite des êtres humains ;

5.1.5. action de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et prévention et lutte contre la violence domestique et à l’égard des femmes ;

5.2. d’inviter les États membres du Conseil de l’Europe :

5.2.1. à mettre fin aux retours forcés de Roms au Kosovo jusqu’à ce que la preuve soit faite de leur sûreté et de leur viabilité, conformément à la Résolution 1768 (2010) sur les demandeurs d’asile roms en Europe et aux recommandations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ;

5.2.2. à continuer de fournir une assistance financière afin de garantir que les plans d’action existants tournés vers la recherche d’une solution durable pour les réfugiés et les personnes déplacées soient suivis d’actions concrètes ;

5.2.3. à contribuer aux programmes de coopération pertinents, selon les priorités définies par l’Organisation ;

5.3.de soutenir la proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de veiller à ce que les responsables du Conseil de l’Europe soient en mesure d’interagir et d’établir des relations de travail directes avec les autorités du Kosovo en vue de faciliter la mise en œuvre des activités et programmes du Conseil de l’Europe, sans préjuger de l’approche neutre du point de vue du statut adoptée par l’Organisation ;

5.4. de renforcer les travaux pertinents du Conseil de l’Europe dans les régions de conflit et de post- conflit sur la révision et la conception de manuels scolaires et d’apprentissage, l’organisation de séminaires pour enseignants et l’identification de sources comme souligné également dans la Recommandation 1954 (2011) sur la réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie ;

5.5. de continuer à coopérer étroitement avec les autres acteurs internationaux, en particulier l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les organes des Nations Unies, afin d’améliorer la coordination, de renforcer l’impact et d’éviter la duplication des efforts.

Annexe 2

Résolution 1914 (2013) – Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg : les insuffisances structurelles dans les États Parties

1. Aux yeux de l’Assemblée parlementaire, la viabilité du système de protection des droits de l’homme fondé sur la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») relève de la responsabilité commune – outre le Comité des Ministres – des États Parties et de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»). Cependant, ce sont en premier lieu les États Parties qui doivent veiller à ce que la Convention soit effectivement appliquée au niveau national.

2. L’Assemblée rappelle ses précédents travaux sur le sujet, et notamment les textes qu’elle a adoptés concernant l’exécution des arrêts de la Cour, dont les Résolutions 1516 (2006) et 1787 (2011) et les Recommandations 1764 (2006) et 1955 (2011), ainsi que sa Résolution 1856 (2012) « Garantir l’autorité et l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme ».

3. L’Assemblée déplore que la Cour reste surchargée d’affaires répétitives qui révèlent d’importants dysfonctionnements dans les systèmes juridiques nationaux. La plupart de ces affaires portent sur des problèmes structurels identifiés par une jurisprudence bien établie, comme la durée excessive des procédures judiciaires, la non-exécution chronique des décisions judiciaires internes, les décès et mauvais traitements dus à des fonctionnaires des forces de l’ordre et l’absence d’enquêtes effectives à leur sujet, l’illégalité et la durée excessive des placements en détention provisoire. Par ailleurs, certains États Parties présentent des insuffisances structurelles/systémiques particulières, dont certaines sont propres à un seul système juridique national. Le juge de l’État Partie compétent devrait être habilité à repérer les affaires qui soulèvent des questions juridiques systémiques de façon à les classer par ordre de priorité et à assurer leur examen rapide afin de mettre fin à une violation persistante.

4. L’Assemblée confirme, ainsi qu’elle l’a souligné dans la Résolution 1787 (2011), que la Bulgarie, la Grèce, l’Italie, la République de Moldova, la Pologne, la Roumanie, la Fédération de Russie, la Turquie et l’Ukraine sont confrontées à de graves problèmes structurels qui entraînent des retards dans l’exécution des arrêts de la Cour. L’Assemblée note aussi les progrès accomplis dans certains de ces pays.

5. L'Assemblée tient à souligner que, lorsque la Cour de Strasbourg a identifié des insuffisances structurelles majeures et complexes dans les États Parties, il convient d'assurer, outre leur examen par le Comité des Ministres dans le cadre de la «procédure de surveillance soutenue», une surveillance nationale régulière et rigoureuse pour y remédier convenablement.

6. L’Assemblée s’inquiète vivement de cette situation, qui sape l’efficacité du système de la Convention et empêche la Cour de se concentrer sur des questions nouvelles et importantes concernant l’interprétation et l’application de la Convention.

7. Par conséquent, l’Assemblée appelle les États Parties :

7.1. à accentuer leurs efforts pour exécuter pleinement et rapidement les arrêts de la Cour, notamment en appliquant la Déclaration et le Plan d’action d’Interlaken (19 février 2010) ainsi que la Déclaration d’Izmir (27 avril 2011) et la Déclaration de Brighton (20 avril 2012), en particulier à travers les mesures suivantes :

7.1.1. en priorité, mettre en place des stratégies complètes visant à résoudre les problèmes structurels et à coordonner ces stratégies au plus haut niveau politique ;

7.1.2. transmettre rapidement des plans d’action au Comité des Ministres ;

7.1.3. envisager l’instauration d’un organisme national uniquement chargé de l’exécution des arrêts de la Cour, afin d’éviter un conflit d’intérêts avec l’agent représentant le gouvernement devant la Cour ;

7.2. à modifier leur législation en accord avec les normes découlant de la jurisprudence de la Cour et à veiller à ce que la Convention soit appliquée par toutes les autorités nationales concernées ;

7.3. à mettre en place des recours internes effectifs, principalement dans les domaines touchés par les problèmes structurels ;

7.4. à prendre des mesures complètes pour mieux faire connaître les normes de la Convention telles qu’interprétées par la Cour. Dans les États Parties présentant des problèmes structurels majeurs, il pourrait s’agir entre autres des mesures suivantes :

7.4.1. créer et mettre à la disposition du public une base de données sur la jurisprudence de la Cour, comprenant notamment la traduction officielle ;

7.4.2. améliorer la formation juridique, afin d’approfondir la connaissance de la Convention par les professionnels du droit ;

7.4.3. créer des centres permanents non gouvernementaux pour les requérants potentiels afin de les conseiller sur les normes de la Convention ;

7.5. à renforcer la coopération entre les autorités nationales et la société civile, les barreaux, les experts et les institutions nationales des droits de l’homme.

7.6. à renforcer les garanties légales de l’indépendance des juges de la Cour et à assurer leur immunité par les mesures suivantes :

7.6.1. les faire bénéficier, ainsi que les membres de leur famille, d’une immunité diplomatique à vie, y compris les immunités, exonérations et facilités accordées aux envoyés diplomatiques et aux juges nationaux au niveau le plus élevé ;

7.6.2. veiller à ce qu’après son remplacement à la Cour, l’ancien juge ait droit à une fonction similaire s’il n’a pas encore atteint l’âge de la retraite ;

7.6.3. prendre en considération la durée de son mandat à la Cour dans le calcul du nombre d’années d’ancienneté au niveau national concernant sa carrière judiciaire ou autre ;

7.6.4. veiller à ce que l’ancien juge ait droit, quand il atteint l’âge de la retraite, à une pension équivalente à celle des juges des juridictions de degré supérieur ou des agents de l’État exerçant des fonctions similaires.

8. Les travaux antérieurs de l’Assemblée ont montré la nécessité d’accentuer le rôle des parlements nationaux dans le suivi de la mise en œuvre effective des normes de la Convention au niveau national. Par conséquent, l’Assemblée :

8.1. appelle à nouveau les États Parties à mettre en pratique les principes fondamentaux du contrôle parlementaire dans ce domaine, tels qu’énoncés dans sa Résolution 1823 (2011) sur les parlements nationaux : garants des droits de l’homme en Europe ;

8.2. invite les parlements à veiller à ce que les commissions parlementaires chargées de surveiller le respect des obligations en matière de droits de l’homme prennent une part active à l’exécution des arrêts pilotes de la Cour et des autres arrêts révélant des problèmes structurels ;

8.3. invite les membres de l’Assemblée à interroger régulièrement, en leur qualité de parlementaires nationaux, leur gouvernement sur l’exécution des arrêts de la Cour.

Recommandation 2007 (2013) - Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg : les insuffisances structurelles dans les États Parties

1. L’Assemblée parlementaire, renvoyant à sa Résolution 1914 (2013) « Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg: les insuffisances structurelles dans les États Parties », encourage vivement le Comité des Ministres à continuer d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour assurer la viabilité de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») et lui recommande, à cet effet :

1.1. d’envisager de développer davantage la base de données de la Cour HUDOC pour qu’elle englobe toute la jurisprudence de la Cour, y compris les affaires pendantes devant la Cour, ainsi que sa propre base de données avec des informations concernant la mise en œuvre de ses arrêts. Cette dernière base de données devrait aussi comprendre des informations sur l’utilisation par la Cour de la procédure de l’«arrêt pilote» et sur les mesures de surveillance adoptées par le Comité des Ministres ;

1.2. de continuer à traiter en priorité l’exécution des arrêts pilotes de la Cour et des autres arrêts révélant des problèmes structurels ;

1.3. d’envisager la possibilité de produire des analyses d’ordre statistique concernant les progrès réalisés dans l’élimination des insuffisances structurelles telles qu’identifiées par la Cour et le Comité des Ministres ;

1.4. d'accorder les ressources humaines appropriées au Secrétariat chargé de l'exécution des arrêts.

2. L’Assemblée réitère son appel, déjà formulé dans ses Recommandations 1764 (2006) et 1955 (2011) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, à accentuer les pressions et à prendre des mesures plus fermes lorsqu’un État Partie tarde à appliquer un arrêt de la Cour ou persiste à ne pas l’appliquer.

Annexe 3

Résolution 1917 (2013) - Le respect des obligations
et engagements de l’Azerbaïdjan

1. L’Azerbaïdjan a adhéré au Conseil de l’Europe le 21 janvier 2001. Lors de son adhésion, il s’est engagé à respecter les obligations que l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe impose à chaque État membre concernant la démocratie pluraliste, la prééminence du droit et les droits de l’homme. Il a également pris un certain nombre d’engagements spécifiques dont la liste figure dans l’Avis n° 222 (2000) de l’Assemblée parlementaire relatif à la demande d’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe.

2. Conformément à la procédure de suivi établie dans la Résolution 1115 (1997) et modifiée par les Résolutions 1431 (2005) et 1515 (2006), l’Assemblée a évalué les progrès accomplis par l’Azerbaïdjan dans l’exécution de ses obligations et de ses engagements dans les Résolutions 1305 (2002) et 1545 (2007) sur le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan et dans les Résolutions 1358 (2004), 1398 (2004), 1456 (2005), 1614 (2008) et 1750 (2010) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan.

3. L’Assemblée reconnaît le contexte géopolitique de l’Azerbaïdjan, qui est situé au carrefour de l’Europe et de l’Asie, placé entre la Fédération de Russie, l’Iran et l’Arménie, et peuplé par une population dont l’écrasante majorité est musulmane. Elle est également tout à fait consciente du conflit permanent avec l’Arménie à propos de la région du Haut-Karabakh, affrontement qui domine dans une large mesure l’agenda de la politique extérieure de l’Azerbaïdjan. L’Assemblée regrette que les négociations n’aient jusqu’ici donné aucun résultat tangible et que les résolutions de l’Assemblée parlementaire, du Parlement européen, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de Sécurité des Nations Unies n’aient toujours pas été mises en œuvre.

4. L’Assemblée rappelle avec satisfaction que les autorités ont toujours exprimé leurs aspirations pro-européennes et poursuivi une politique d’intégration avec les structures euro-atlantiques. Les relations avec l’Union européenne sont régies par l’Accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan. En outre, l’Azerbaïdjan participe à la Politique européenne de voisinage depuis son lancement en 2004, contribue au Partenariat oriental depuis 2009 et est membre fondateur d’Euronest.

5. Depuis son adhésion, l’Azerbaïdjan a accompli des progrès importants concernant la signature et la ratification des instruments juridiques du Conseil de l’Europe. L’Azerbaïdjan a signé et ratifié tous les instruments juridiques, sauf un, inclus dans sa liste d’engagements. L’Assemblée invite l’Azerbaïdjan à ratifier la convention restante, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148), qu’il a signée en 2001.

6. Des progrès ont clairement été accomplis dans l’établissement d’un cadre législatif dans certains domaines cruciaux pour le fonctionnement d’institutions démocratiques conformes aux normes européennes. En particulier, l’instauration en 2005 du Conseil juridique et judiciaire a constitué une étape importante dans la réforme judiciaire du pays. D’autres progrès ont été accomplis dans ce domaine, comme en témoignent les actes juridiques, adoptés récemment, qui prévoient une procédure révisée de recrutement des juges et modifient la loi relative à la lutte contre la corruption ainsi que le Code pénal concernant l’incrimination de la corruption. L’Assemblée félicite les autorités azerbaïdjanaises de la qualité de leur coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). La demande d’assistance récente des autorités pour rédiger une nouvelle loi sur la diffamation est un bon exemple de cette coopération.

7. Malheureusement, les progrès concernant l’application de certaines lois n’ont pas été satisfaisants. L’application restrictive ou les violations de certaines d’entre elles soulèvent des préoccupations croissantes concernant l’État de droit et le respect des droits de l’homme.

8. Depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, aucune élection législative ou présidentielle n’a été totalement conforme aux normes démocratiques, comme l’ont confirmé les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans sept affaires sur les 35 considérées comme recevables, liées aux élections législatives de 2005. De nombreuses affaires liées aux élections de 2010 sont en instance devant la Cour. Il y a lieu de remédier, avant les prochaines élections, à un certain nombre de carences et de dysfonctionnements dans le processus électoral, notamment en ce qui concerne le code électoral, la composition des commissions électorales, l’inscription des candidats, le rôle des observateurs et la procédure de plainte et de recours.

9. L’Assemblée est profondément convaincue qu’il est dans l’intérêt supérieur du processus démocratique et du parti au pouvoir lui-même d’affronter l’opposition au sein d’un organe représentatif et d’établir un vrai dialogue politique au sein du parlement. Cependant, depuis les dernières élections législatives de 2010, certains partis d’opposition azerbaïdjanais bien connus ne sont pas représentés au parlement et le parti au pouvoir est le seul qui peut légitimement constituer un groupe politique. Les élus indépendants qui, il est vrai, critiquent souvent le gouvernement, ont peu de chances de faire entendre leur voix.

10. Malheureusement, il n’y a pas de dialogue politique avec les partis d’opposition en dehors du parlement. L’Assemblée est préoccupée par le cadre restrictif imposé aux activités de l’opposition extraparlementaire, qui se plaint des entraves à la liberté d’expression et à la liberté de réunion et du manque d’accès aux médias publics.

11. Il faut, pour établir un système politique ouvert à tous et un environnement politique vraiment concurrentiel et non restrictif, respecter pleinement les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté d’association. La situation en Azerbaïdjan est préoccupante et l’Assemblée exprime sa vive inquiétude à cet égard.

12. Les amendements au Code pénal et au Code administratif récemment adoptés, qui ont alourdi les sanctions contre les organisateurs des manifestations «non autorisées» et les personnes qui y participent, sont préoccupants. Combinées à l’interdiction générale de manifester dans le centre de Bakou, décrétée par les autorités, ces nouvelles dispositions risquent d’avoir une incidence négative supplémentaire sur la liberté de réunion et la liberté d’expression. L’utilisation restrictive de certains articles du Code pénal, en particulier les articles 221 et 233, contre les personnes qui participent à des manifestations pacifiques mais néanmoins non autorisées, est un autre sujet de préoccupation.

13. L’Assemblée rappelle que l’indépendance de la justice est une des conditions préalables fondamentales de l’État de droit et du principe démocratique de séparation et d’équilibre des pouvoirs. Le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire est un problème en Azerbaïdjan, où le pouvoir exécutif, dans certains cas particuliers, continue de faire pression sur lui. Les questions relatives à l’équité des procès, notamment pendant leur phase préliminaire, et à l’égalité des armes sont aussi d’importants sujets d’inquiétude.

14. L’Assemblée est alarmée par les informations émanant de défenseurs des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales selon lesquels des chefs d'inculpation seraient soi-disant fabriqués de toutes pièces contre des militants et des journalistes. La mise en œuvre restrictive des libertés combinée au manque d’équité des procès et à l’ingérence injustifiée du pouvoir exécutif débouchent sur la détention systématique de personnes qui peuvent être considérées comme des prisonniers d’opinion.

15. Des cas présumés de torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les commissariats de police, pendant l’enquête et dans les établissements pénitentiaires, ainsi que l’impunité des auteurs, sont également une cause de vive inquiétude.

16. L’Assemblée est préoccupée par les critiques formulées aux niveaux national et international concernant les irrégularités observées pendant la campagne d’expropriation engagée à Bakou en 2009. Elle demande instamment aux autorités de garantir la transparence du processus, la conformité avec la Constitution et le droit interne, et le respect absolu des droits de l’homme. Elle demande également la révision des affaires dont la conformité avec la loi soulève des doutes fondés et des préoccupations légitimes, ainsi que des enquêtes sur les allégations d’abus et de violations commis dans le cadre des procédures d’expropriation et de reconstruction, suivies d’indemnisations adéquates et de poursuites contre ceux qui ont violé la loi.

17. Les progrès accomplis dans la mise en place d’un cadre législatif visant à lutter contre la corruption et la criminalité organisée sont indéniables mais la principale difficulté réside désormais dans son application effective. Il sera intéressant de voir à cet égard quels seront les résultats de la campagne de lutte contre la corruption lancée en 2011.

18. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande aux autorités azerbaïdjanaises :

18.1. Concernant le fonctionnement de la démocratie pluraliste :

18.1.1. de remédier aux carences et aux dysfonctionnements recensés par les observateurs internationaux au cours des dernières élections législatives et présidentielle et de modifier le Code électoral conformément aux recommandations de la Commission de Venise en temps voulu pour la prochaine élection présidentielle ;

18.1.2. de créer un environnement politique ouvert à tous et non restrictif, et d’établir un vrai dialogue avec l’opposition extraparlementaire ;

18.1.3. de traiter la question du financement des partis politiques conformément à la Recommandation Rec (2003) 4 du Comité des Ministres sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales ;

18.1.4. de renforcer l’application réelle du principe de séparation des pouvoirs, garanti par la Constitution, et d’accentuer le contrôle parlementaire du pouvoir exécutif, en particulier :

18.1.4.1. de réviser le règlement intérieur du parlement en vue de renforcer les possibilités d’action parlementaire des députés qui ne sont pas membres du groupe parlementaire du parti au pouvoir ;

18.1.4.2. de réviser le règlement intérieur du parlement en vue d’abaisser le nombre de députés exigé pour créer un groupe parlementaire jusqu’à entre 3 % et 5 % comme dans les autres États européens ;

18.2. Concernant le pouvoir judiciaire :

18.2.1. de garantir l’indépendance totale du pouvoir judiciaire, notamment vis-à-vis du pouvoir exécutif, et de s’abstenir de toute pression ;

18.2.2. d’inscrire dans la loi que le Conseil juridique et judiciaire joue un rôle de garant de l’indépendance de la justice et d’appliquer cette disposition de manière effective ;

18.2.3. de fixer un âge de départ à la retraite obligatoire pour tous les juges ;

18.2.4. d’effectuer une analyse des carences de la pratique judiciaire et d’accorder toute l’attention requise aux rapports sur des dysfonctionnements présumés ayant débouché sur des procès inéquitables, en vue d’y remédier ;

18.2.5. d’élaborer une stratégie en matière de ressources humaines qui encourage le professionnalisme, l’indépendance et l’intégrité, et d’établir un mécanisme cohérent et uniforme d’évaluation de l’action des juges, lié à l’évolution de carrière ;

18.2.6. de créer un système unique et efficace d’attribution aléatoire des affaires à l’échelle nationale ;

18.2.7. de s’abstenir de toute pression sur les avocats qui défendent les militants et les journalistes qui critiquent les autorités et de veiller à ce que tous les cas de pression signalés fassent l’objet d’une enquête effective en vue de traduire leurs auteurs en justice conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) ;

18.2.8. de mener des enquêtes efficaces dans toutes les affaires de corruption présumée au sein du système judiciaire ;

18.2.9. d’encourager la participation de la société civile à la définition et au suivi d’autres stratégies visant à réformer le système judiciaire ;

18.3. Concernant la corruption et la criminalité organisée :

18.3.1. d’intensifier leurs efforts pour appliquer effectivement les lois relatives à la lutte contre la corruption ;

18.3.2. de donner suite aux recommandations du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) ;

18.3.3. de poursuivre leurs travaux concernant l’élaboration d’un projet de loi sur la prévention des conflits d’intérêts ;

18.3.4. d’encourager la participation de la société civile à la définition et au suivi des stratégies concernant la lutte contre la corruption et la criminalité organisée ;

18.4. Concernant les prisonniers politiques présumés et les prisonniers d’opinion :

18.4.1. d’examiner les affaires concernant les défenseurs des droits de l’homme, les militants et les journalistes placés en détention à la suite de procès pénaux dont la conformité avec les normes de protection des droits de l’homme est contestée par la société civile et la communauté internationale ;

18.4.2. d’utiliser tous les outils juridiques disponibles pour libérer les prisonniers dont la détention soulève des doutes fondés et des préoccupations légitimes ;

18.4.3. de libérer pour des motifs humanitaires les prisonniers politiques présumés dont l’état de santé est préoccupant ;

18.4.4. de mettre pleinement en œuvre les résolutions de l’Assemblée se rapportant aux prisonniers politiques présumés en Azerbaïdjan ;

18.5. Concernant la torture et les mauvais traitements infligés par les agents des forces de l’ordre :

18.5.1. de poursuivre les efforts déployés pour mettre fin aux abus commis par des agents des forces de l’ordre en appliquant de manière effective les mesures visant à éliminer l’impunité et l’absence de responsabilité pour ces abus, notamment en menant une enquête en bonne et due forme dans chaque cas ;

18.5.2. de mener des enquêtes effectives dans toutes les affaires concernant des actes de torture ou de mauvais traitement présumés en vue de traduire leurs auteurs en justice ;

18.5.3. d’adopter des mesures et des garanties procédurales plus efficaces contre les mauvais traitements et la torture dans les commissariats de police, en conformité avec les normes européennes, telles que l’installation de caméras ;

18.5.4. d’encourager la société civile à assurer un suivi et de développer les mesures de sensibilisation et de formation ;

18.5.5. de poursuivre les efforts déployés dans la mise en œuvre du mécanisme national de prévention de la torture et des mauvais traitements, et d’associer la société civile à ce processus ;

18.6. Concernant la liberté d’expression :

18.6.1. de poursuivre leurs efforts visant à élaborer une nouvelle loi sur la diffamation, en coopération avec la Commission de Venise ;

18.6.2. de créer des conditions favorables à l’exercice du métier de journaliste et de s’abstenir de toute forme de pression ;

18.6.3. de mettre fin aux poursuites à l’encontre des journalistes ou d’autres personnes exprimant des avis critiques ;

18.6.4. de mener des enquêtes effectives sur les meurtres de MM. Elmar Huseynov et Rafiq Tagi et de traduire les auteurs en justice ;

18.6.5. de mener des enquêtes effectives sur tous les cas de passage à tabac signalés par des journalistes et de traduire les auteurs en justice ;

18.7. Concernant la liberté de réunion :

18.7.1. de garantir le respect de la liberté de réunion, en particulier :

18.7.1.1. de trouver une solution de compromis permettant d’autoriser des manifestations dans certains secteurs du centre de Bakou, qui respecte les exigences de sécurité et soit acceptable pour les organisateurs et pour les pouvoirs publics ;

18.7.1.2. de s’abstenir de recourir de manière disproportionnée à la force par la police contre des manifestants pacifiques ;

18.7.1.3. de s’abstenir de faire un usage restrictif de certains articles du Code pénal, en particulier les articles 221 et 233, contre les participants à des manifestations pacifiques, même non autorisées ;

18.8. Concernant la liberté d’association :

18.8.1. de réviser la loi relative aux ONG en vue de répondre aux préoccupations exprimées par la Commission de Venise ;

18.8.2. d’améliorer et de faciliter le processus d’enregistrement des ONG internationales ;

18.8.3. de créer un environnement propice aux activités des ONG, y compris celles exprimant des avis critiques ;

18.9. Concernant la liberté de conscience et de religion :

18.9.1. de réviser la loi sur la liberté de religion en tenant compte des préoccupations exprimées par la Commission de Venise ;

18.9.2. d’améliorer et de faciliter les procédures d’enregistrement pour les groupes religieux minoritaires.

19. L’Assemblée encourage les autorités à intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre la législation dans les domaines qui sont cruciaux pour le bon fonctionnement des institutions démocratiques. Dans ce contexte, l’Assemblée décide de poursuivre son suivi du respect des obligations et des engagements de l’Azerbaïdjan.

Annexe 4

Recommandation 2009 (2013) - Vers une convention
du Conseil de l'Europe pour lutter contre le trafic d'organes,
de tissus et de cellules d’origine humaine

1. L’Assemblée parlementaire se félicite du projet de convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains. Associée de près aux travaux d’élaboration de la convention depuis le début, l’Assemblée considère que celle-ci représente l’aboutissement de plusieurs années d’efforts menés par le Conseil de l’Europe dans le domaine du trafic d’organes.

2. L’Assemblée note que, à ce stade, il n’a pas été considéré opportun de procéder à l’élaboration d’un protocole additionnel relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules humains, du fait notamment de l’absence d’une réglementation achevée et harmonisée relative au prélèvement et à l’utilisation des tissus et des cellules, aux niveaux tant national qu’international. Elle souligne toutefois que, tout comme le trafic d’organes, le trafic de tissus et de cellules humains constitue une grave menace aux droits humains et à la santé publique et individuelle.

3. L’Assemblée souligne que, une fois adoptée, la convention sera le premier instrument international juridiquement contraignant dédié exclusivement au trafic d’organes. C’est pourquoi l’Assemblée est d’avis que la convention se doit d’être la plus complète possible afin de prévenir et combattre ce phénomène de dimension mondiale, contraire aux normes les plus élémentaires des droits humains et de la dignité de la personne.

4. A cet égard, l’Assemblée note que les questions relatives à la prévention du trafic d’organes, à la protection des victimes et à la coopération nationale et internationale pour combattre ce trafic ne sont pas suffisamment développées dans le projet de convention. Elle note également que celui-ci laisse toute latitude aux États pour décider si le donneur et le receveur peuvent faire l’objet de poursuites lorsqu’ils sont impliqués dans le trafic d’organes. Quel que soit la position des États membres à cet égard, l’Assemblée soutient que ces deux catégories de personnes, du fait de la spécificité de leur situation qui se résume parfois à une « question de vie ou de mort », pourraient se retrouver extrêmement vulnérables.

5. L'Assemblée souligne qu'il est de la plus haute importance de protéger les personnes vulnérables, en particulier les personnes privées de liberté et les personnes qui ne peuvent consentir pleinement et valablement à une intervention en raison soit de leur âge (s'agissant des mineurs) soit de leur incapacité mentale. A cet égard, elle se réjouit de la disposition du projet de convention qui qualifie de prélèvement illicite d'organes tout prélèvement réalisé sans le consentement libre, éclairé et spécifique du donneur vivant. Celle-ci est conforme aux dispositions de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (STE no 164, «Convention d'Oviedo») interdisant tout prélèvement d'organes de personnes n'ayant pas la capacité de consentir et offre ainsi une protection spéciale à ce groupe de personnes. L'Assemblée note que, s'il est possible pour les États de mettre une réserve à l'application de cet article, cela ne sera accepté que dans des cas exceptionnels et conformément aux garanties ou dispositions appropriées sur le consentement en vertu de leur droit interne. Une telle possibilité de réserve vise à faciliter l'accès à la Convention des États qui ont une législation moins restrictive que les principes de la Convention d'Oviedo en matière de consentement, tout en respectant les droits fondamentaux des personnes concernées.

6. L’Assemblée note avec inquiétude la pratique consistant, pour certains patients, à se rendre à l’étranger pour obtenir des organes moyennant un paiement et que l’on appelle communément le « tourisme de transplantation ». Dans ce contexte, elle est particulièrement préoccupée par des allégations selon lesquelles certains États qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe feraient commerce des organes prélevés sur les prisonniers et les détenus exécutés.

7. Compte tenu du fait que le trafic d'organes est un phénomène d’envergure mondiale dépassant le territoire des États membres du Conseil de l'Europe, l'Assemblée se réjouit du projet de convention qui prévoit l'ouverture à la signature de celle-ci aux États non membres du Conseil de l'Europe, avant même son entrée en vigueur, favorisant ainsi un champ d'application le plus large possible. Par ailleurs, elle souligne l’importance d’une mise en œuvre rigoureuse et efficace de la convention afin qu’elle puisse apporter la valeur ajoutée recherchée dans les travaux du Conseil de l’Europe.

8. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres :

8.1. de compléter les dispositions du projet de convention relatives aux mesures de prévention du trafic d’organes, à la protection des victimes et à la coopération nationale et internationale pour combattre ce trafic, avec une attention particulière donnée aux mesures susceptibles de faire face à la pénurie d’organes qui est une des raisons principales dudit trafic, notamment en incitant les Parties à contribuer, par tous les moyens à leur disposition, à l'augmentation de l'offre d'organes pouvant être greffés, notamment par la recherche sur des méthodes alternatives et en établissant un système de consentement présumé pour le prélèvement d’organes sur les personnes décédées ;

8.2. de prévoir une disposition dans la convention sur les «circonstances atténuantes» incluant notamment la prise en compte de la vulnérabilité particulière du donneur et/ou du receveur d’organe ayant commis les infractions établies dans la convention, ou faire référence à cette vulnérabilité particulière dans le rapport explicatif à la convention, précisant qu’elle devrait être prise en compte dans la détermination des peines susceptibles d’être appliquées à ces deux catégories de personnes ;

8.3. de prévoir une disposition dans la convention éliminant la règle habituelle de la double incrimination, ce afin de combattre le phénomène du « tourisme de transplantation » ;

8.4. de prévoir une disposition dans la convention interdisant le prélèvement et l’utilisation aux fins de transplantation ou à d'autres fins d’organes de personnes privées de liberté, vivantes ou décédées ;

8.5. de prévoir un Comité des Parties indépendant, fort et efficace disposant d'une fonction claire de coordination et de suivi sur la base, entre autres, des obligations de communication pour les Parties, tout en confiant aux Comités compétents – le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) et le Comité de bioéthique (DH-BIO) – un rôle dans le suivi de la mise en œuvre de la Convention ;

8.6. de décider d’une feuille de route pour l’élaboration du protocole additionnel relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules humains ;

8.7. d'exhorter les États membres qui souhaitent se réserver le droit de ne pas appliquer la disposition qui qualifie d'illicite tout prélèvement d'organes réalisé sans le consentement libre, éclairé et spécifique du donneur vivant, de plutôt réviser leurs législations pour les mettre en conformité avec cette disposition et avec la Convention d'Oviedo.

9. L’Assemblée recommande également au Comité des Ministres d'enjoindre aux États membres qui ne l'ont pas encore fait de signer et ratifier les deux autres conventions du Conseil de l'Europe qui concernent la lutte contre le trafic d'organes humains, à savoir :

9.1. la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine et son Protocole additionnel relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine (STE n° 186) ;

9.2. la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197).

Annexe 5

Résolution 1919 (2013) – Développements récents au Mali
et en Algérie et menace pour la sécurité et les droits de l'homme
dans la région méditerranéenne

1. L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par la situation relative à la sécurité et aux droits de l’homme au Mali et la récente crise en Algérie, pays situé dans le voisinage immédiat du Conseil de l’Europe où, le 16 janvier 2013, des centaines de ressortissants algériens et étrangers ont été pris en otage par des groupes terroristes radicaux.

2. L’Assemblée note que la récente intervention militaire française au Mali, en réponse à une demande spécifique du Gouvernement du Mali, approuvée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, vise à stopper les groupes armés liés à Al-Qaida qui avançaient rapidement vers la capitale en commettant de graves violations des droits de l’homme, et qui menaçaient la stabilité de toute la région et de l’ensemble du continent africain. Ces groupes, équipés d’armes lourdes provenant en partie de la guerre en Libye, ont progressivement pris le contrôle du nord du Mali suite aux combats qui ont opposé, dans cette région, des troupes gouvernementales maliennes à des rebelles touaregs en janvier 2012, et au coup d’État militaire qui s’est produit dans la capitale en mars 2012, rendant la situation politique encore plus instable.

3. L’Assemblée demande l’application rapide de la Résolution 2085 sur le Mali adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre 2012, qui prévoit le déploiement d’une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine en coordination avec d’autres partenaires, notamment une mission de formation de l’Union européenne limitée dans le temps.

4. Il est nécessaire que d’autres États européens et africains, l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique renforcent leur engagement et leur solidarité à l’égard des forces maliennes et françaises sur le terrain afin de mettre un terme à la mise en place d’un régime fondé sur le terrorisme, la prise d’otages et le trafic de drogues et d’armes au Sahel – avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir pour la région méditerranéenne, l’Europe dans son ensemble et la communauté internationale – et de restaurer l’ordre constitutionnel et l’intégrité territoriale du Mali.

5. L’Assemblée reconnaît la complexité de la situation locale et des politiques et contextes divers des groupes touareg, qui tirent souvent leur origine d’une négligence de longue date dont a été victime le nord depuis l’époque des colonies. Elle note que la population touareg, traditionnellement nomade, aspire à l’indépendance depuis des décennies dans le nord du Mali. Cependant, leur nouvelle rébellion de janvier 2012 peut être considérée comme un effet domino de la guerre qui a récemment eu lieu en Libye, car les Touaregs, installés en Libye ou recrutés comme mercenaires par Kadhafi, sont retournés au Mali après la défaite de celui-ci, armés et formés militairement.

6. A cet égard, l’Assemblée, rappelant l’importance de la pleine mise en œuvre de la Résolution 2017 du Conseil de sécurité des Nations Unies, engage les autorités libyennes à prendre toutes les mesures voulues pour empêcher la prolifération de tous types d’armes et de matériel connexe, en particulier de missiles sol-air portables, assurer leur bonne garde, et honorer les obligations qui incombent à la Libye en vertu du droit international en matière de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération, en appliquant dans leur intégralité les plans qu’elles ont élaborés à cet égard.

7. L’Assemblée se félicite du fait que les rebelles touaregs aient récemment renoncé à leurs aspirations d’indépendance en échange d’une autonomie politique au sein du Mali, en déclarant qu’ils seraient prêts à aider leurs anciens opposants dans la lutte contre les terroristes. A cet égard, l'Assemblée estime que la décision des rebelles touareg constitue une dynamique constructive à encourager pour la résolution pacifique et politique des conflits régionaux.

8. Par ailleurs, l’Assemblée est préoccupée par le fait que les cellules terroristes qui ont infiltré le Mali au cours de ces derniers mois viennent apparemment du monde entier.

9. L’Assemblée est également préoccupée de voir qu’en l’absence de toute solution internationale efficace, qui devrait se fonder sur le communiqué de Genève concernant la Syrie, l’aggravation de la guerre civile en Syrie crée une situation critique et dangereuse de plus.

10. L’Assemblée condamne l’attaque terroriste du complexe gazier algérien à In Amenas en janvier 2013 et déplore la mort de dizaines d’otages, notamment des ressortissants d’États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont les parlements bénéficient du statut de partenaire pour la démocratie. Cette tragédie rappelle à la communauté internationale les menaces que pose en permanence le fléau du terrorisme, et la nécessité de les contrer en apportant une réponse internationale efficace, notamment en supprimant les sources du financement des groupes terroristes.

11. L’Assemblée reconnaît que pendant de nombreuses années, les autorités et le peuple algérien ont souffert sur leur territoire d’attentats fort violents fomentés par des terroristes qui avaient des visées idéologiques absolutistes; en conséquence, elle comprend bien pourquoi dans la situation d’urgence créée dans la raffinerie de gaz, les autorités ont opposé une réaction musclée aux terroristes avec lesquels il n’y avait aucune perspective de négociations sérieuses.

12. L’Assemblée reconnaît les activités anti-terroristes des forces de sécurité algériennes et la menace perpétuelle que représente Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et les groupes qui lui sont associés. Les gouvernements européens devraient continuer d’aider les autorités algériennes à combattre les menaces terroristes dans la région.

13. L’Assemblée rappelle que le Conseil de l’Europe a élaboré un ensemble complet d’instruments juridiques pouvant être utilisés dans la lutte contre le terrorisme et son financement, en particulier la Convention européenne révisée pour la répression du terrorisme (STE n° 90 telle que révisée par STE n° 190), la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196), la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE n° 198), ainsi que les Lignes directrices sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme et les Lignes directrices sur les victimes d’actes terroristes. Elle appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe à utiliser pleinement ces instruments lorsqu’ils coordonnent leurs actions contre le terrorisme.

14. L’Assemblée condamne fermement les violations continues et choquantes des droits de l’homme commises par les rebelles islamistes radicaux dans le nord du Mali, notamment les exécutions extrajudiciaires, les tortures, les viols, les amputations, les détentions arbitraires, les disparitions forcées et le recrutement d’enfants soldats. Elle note que des violations des droits de l’homme ont aussi été commises dans des régions contrôlées par le gouvernement et demande instamment à l’armée malienne et à ses alliés de s’abstenir de toutes représailles violentes lorsqu’ils commenceront à reprendre le contrôle du nord du pays.

15. Elle note qu’un rapport récemment publié par le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) souligne que les femmes et les jeunes filles ont en particulier subi des traitements dégradants dans le nord, notamment des harcèlements, des abus et des violences sexuelles commis par des rebelles islamistes radicaux, souvent en présence des membres de la famille, parce qu’elles étaient accusées de ne pas être voilées ou habillées correctement.

16. L’Assemblée se félicite de la décision récente du Procureur de la Cour pénale internationale d’ouvrir officiellement une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire du Mali – notamment les meurtres, les viols et les tortures –, en particulier dans le nord du pays, après être parvenue à la conclusion que certains de ces actes de brutalité et de destruction pourraient constituer des crimes de guerre. Au terme d’une enquête approfondie et impartiale, les auteurs devront être traduits en justice et tenus pour responsables des crimes qu’ils ont commis.

17. L’Assemblée est également préoccupée par les conséquences humanitaires du conflit au Mali: des centaines de milliers de civils ont fui le Mali et se sont réfugiés dans les pays voisins ou ont été déplacés sur le territoire malien en 2012. D’autres déplacements ont eu lieu en janvier 2013. L’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe à apporter un soutien concret aux opérations de secours déployées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Mali et dans les pays voisins. Elle leur demande également de participer activement à la conférence des donateurs pour la défense du Mali qui se tiendra à Addis Abeba, le 29 janvier 2013.

18. Notant que le conflit s’est intensifié après un coup d’État militaire et l’effondrement des institutions démocratiques, l’Assemblée se joint au Conseil de sécurité des Nations Unies pour appeler les autorités provisoires du Mali à finaliser la feuille de route de transition, dans le cadre d’un dialogue politique ouvert, afin de restaurer l’ordre constitutionnel et l’unité nationale du pays, notamment en organisant des élections législatives et présidentielle pacifiques, crédibles et sans exclusive, dès que cela est réalisable sur le plan technique. L’Assemblée estime que seul un processus de réconciliation permettra de fournir, à terme, les réponses non seulement aux enjeux actuels que représentent la sécurité, la crise humanitaire et les droits de l’homme, mais aussi aux problèmes de longue date qui ne sont toujours pas résolus dans la région. L'Assemblée appelle à cet effet les pays du voisinage à apporter leur soutien au processus politique et à continuer à s'engager activement pour la préservation de la sécurité et de l'intégrité territoriale du Mali.

19. Enfin, l’Assemblée note que les attaques terroristes au Mali et en Algérie font partie d’une vague de terrorisme islamiste plus vaste, dans le Sahel, qui s’étend jusqu’au Nigéria, avec les atrocités commises par Boko Haram dans le nord du Nigeria. Bien que les caractéristiques en soient différentes, les motivations profondes sont les mêmes dans toute la région. Les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont les parlements bénéficient du statut de partenaire pour la démocratie, si sollicités, devraient être prêts à venir en aide aux pays de la région afin de combattre ce fléau. Une telle aide peut impliquer une intervention militaire autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, notamment la mise à disposition d’unités militaires et d’une formation militaire et la poursuite de l’aide au développement, mais en définitive, la stabilité durable ne pourra être atteinte que grâce à des lignes directrices politiques aboutissant à la reconstruction nationale, la consolidation de la démocratie et au respect des droits de l’homme.


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