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N° 1215

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique
des clubs de football professionnel français,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Thierry BRAILLARD,

Mme Marie-George BUFFET, M. Pascal DEGUILHEM
et M. Guénhaël HUET,

Rapporteurs.

——

INTRODUCTION 7

I. – LE FAIR-PLAY FINANCIER EUROPÉEN, UN PAS VERS PLUS D’ÉQUITÉ SPORTIVE 11

A. LA NÉCESSITÉ DE METTRE UN TERME À LA DÉRIVE FINANCIÈRE DU FOOTBALL DE HAUT NIVEAU 11

1. La dérive financière, jusqu’à l’adoption du fair-play financier en 2010, de la majorité des clubs européens : une situation proche du point de non-retour 12

a) Une explosion des coûts, essentiellement salariaux, non compensée par l’augmentation des recettes 12

b) Une évolution commune aux principaux championnats nationaux, à des degrés divers néanmoins 14

c) L’origine de cette situation : la dérégulation des transferts de joueurs et une masse salariale non maîtrisée 16

2. Les buts de l’UEFA : sécuriser les compétitions et éviter que l’argent ne prenne le dessus sur la dimension sportive 21

B. UNE DÉMARCHE AMBITIEUSE ET PROGRESSIVE QUI A DÉJÀ PRODUIT DES EFFETS 23

1. Un corpus étoffé de règles, procédures et sanctions 24

a) Un objectif de redressement graduel des budgets des clubs 24

b) Des obligations de transparence fortes 26

c) Des instruments de contrôle et des modalités de sanction étendus 26

2. Des effets tangibles et encourageants 27

a) L’amélioration progressive des comptes des clubs 27

b) La détermination de l’UEFA 29

C. UN DISPOSITIF QUI NE PEUT RÉGLER, À LUI SEUL, LES PROBLÈMES DU FOOTBALL PROFESSIONNEL 31

1. Une portée limitée aux clubs qualifiés pour les compétitions de l’UEFA 31

2. Des règles qui risquent de consolider, sur le court et moyen terme du moins, les inégalités entre clubs 32

3. Une effectivité qui s’appréciera à l’épreuve des faits et de la jurisprudence 36

a) De délicats problèmes à trancher 36

b) La compatibilité du fair-play financier avec le droit européen, une question en suspens 37

II. – LES CLUBS FRANÇAIS DE FOOTBALL PROFESSIONNEL FACE À DES DÉFIS DÉCISIFS 39

A. DES ACTEURS EN SITUATION DÉLICATE, UN ENJEU ÉCONOMIQUE MÉSESTIMÉ 39

1. Un secteur créateur d’activité économique aux plans national et local 40

a) Un poids substantiel au niveau macro-économique 40

b) Des relais de développement et des vecteurs de rayonnement pour les territoires 43

2. Des clubs affichant des pertes chroniques 45

a) Des indicateurs plutôt préoccupants 45

b) La conjonction de facteurs multiples, à la fois conjoncturels et structurels 48

3. Des situations à la limite du dépôt de bilan 51

4. Un assainissement budgétaire en cours mais réalisé de manière contrastée 52

B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À BOUT DE SOUFFLE ? 54

1. Une « télé-dépendance » préoccupante 54

a) Des ressources audiovisuelles prépondérantes 55

b) Une manne non optimisée par défaut d’action collective 57

2. Un public trop longtemps négligé, qui se détourne des stades 59

a) Une fréquentation en berne, qui affecte directement les recettes de billetterie 60

b) La modernisation des stades dans la perspective de l’Euro de 2016 : une démarche salutaire mais tardive 61

3. Le risque lié au poids des recettes résultant des transferts 64

a) La qualité reconnue des filières de formation françaises : la rançon du succès 65

b) Une source de revenus volatile et trop indispensable pour beaucoup de clubs 67

4. L’emprise trop indirecte des clubs sur leur outil de travail 69

5. La faiblesse des recettes tirées des partenariats sportifs 71

6. Un soutien des collectivités locales moins affirmé 72

7. L’arrivée d’investisseurs étrangers : quelles conséquences pour le football professionnel français ? 74

a) Le gage, à court terme, de moyens supplémentaires et d’une dimension inédite pour le championnat 74

b) Des risques de déstabilisation du football professionnel français 75

c) Des interrogations sur l’apparition d’intérêts extra-sportifs 77

C. DES PROBLÈMES ENDOGÈNES ASSEZ PROFONDS, DOUBLÉS DE CONTRAINTES EXOGÈNES 78

1. Un football français en perte de confiance 79

a) L’érosion de l’institution fédérale 79

b) Une image gravement écornée 80

2. Un manque d’anticipation des risques économiques inhérents à l’aléa sportif 82

3. Des clubs confrontés aux disparités de réglementation entre États 83

a) Un cadre juridique spécifique au regard des grandes formations européennes 84

b) Des disparités fiscales et sociales 86

III. – POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS 91

A. LA RÉGULATION DU FOOTBALL PROFESSIONNEL, UNE NÉCESSITÉ 91

1. Œuvrer, au niveau européen, pour une reconnaissance plus exigeante de la « spécificité sportive » 92

a) La « spécificité sportive », un principe qui peine à prévaloir sur les règles du marché intérieur 92

b) La nécessité d’une action politique concertée au niveau européen pour sécuriser les règles sportives 93

c) Doter l’Union européenne d’un outil d’analyse du sport professionnel 95

2. Garantir le respect de l’éthique et la transparence des transferts de joueurs 96

a) Assurer la transparence des transferts et la stabilité des contrats 96

b) Mieux encadrer l’activité d’agent sportif 100

3. Promouvoir les talents locaux 105

a) Militer pour une conception ambitieuse de la règle des « joueurs formés localement » 105

b) Mieux valoriser les clubs formateurs 108

B. LES VOIES D’UN RENOUVEAU DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS 111

1. Préserver le football, sport populaire 111

a) Restaurer la primauté des valeurs sportives, dès la formation 111

b) Promouvoir le football féminin 112

c) Garantir à un large public l’accès à la diffusion télévisée des compétitions 114

d) Mieux associer les supporters à la vie et à la gestion des clubs 119

2. Opter pour une régulation plus ambitieuse du football professionnel 121

a) Renforcer le contrôle de gestion des clubs professionnels 121

b) Lutter contre la dérive de la masse salariale des clubs 124

3. Un débat ouvert : adapter l’environnement et le régime juridiques des clubs 130

a) Redéfinir les relations des clubs avec les collectivités territoriales 131

b) Harmoniser les conditions fiscales des clubs de football professionnel 132

c) Tirer les conséquences de l’inadaptation du statut de société anonyme pour les clubs de football professionnel 134

4. Diversifier plus significativement l’activité des clubs 135

a) Mener une politique davantage tournée vers le public 135

b) Accroître les recettes liées à l’exploitation des infrastructures 135

5. Optimiser le mode d’exploitation des infrastructures à la disposition des clubs 137

a) La propriété des stades, une question sujette à débat 137

b) Les partenariats public-privé, des opérations risquées 140

c) La nécessité de confier l’exploitation des stades aux clubs, sous certaines garanties 141

LISTE DES RECOMMANDATIONS 145

TRAVAUX DE LA COMMISSION 149

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 167

INTRODUCTION

Dans chaque discipline sportive, le haut niveau représente une vitrine indispensable pour attirer de nouveaux licenciés et fidéliser le public. Sport le plus populaire en Europe comme en France – on y dénombre quelque 5 millions de pratiquants, pas nécessairement licenciés, et plus du double de supporters –, le football ne déroge pas à la règle.

Or, la conjonction des tristes événements de Knysna, lors de la Coupe du monde de 2010, et des effets ravageurs de la crise économique – qui rend socialement moins acceptables les sommes parfois faramineuses qui émaillent la chronique de ce sport – a sensiblement nui à l’image du football professionnel auprès de l’opinion. En atteste le passage du nombre de licenciés dans notre pays d’un peu plus de 2,3 millions, en 2007, à moins de 1,9 million, en 2011, pour dépasser de nouveau le nombre de deux millions en 2012.

La raison de ce relatif désamour est sans doute à rechercher dans le caractère passionnel du lien qu’entretient le public avec les équipes qu’il soutient et, par là même, avec les joueurs. Le caractère hors du commun des rémunérations de ces derniers, lorsqu’ils évoluent dans un cadre professionnel, conduit souvent les supporters à devenir plus exigeants à l’égard des résultats, alors même que la compétition comporte par nature un fort aléa intrinsèque.

S’il y a lieu de se réjouir des perspectives de remobilisation du public qu’offre l’organisation, en 2016, en France, du prochain championnat d’Europe des Nations, cet événement ne doit pas pour autant constituer l’arbre qui cache la forêt. Qu’on s’en félicite ou au contraire qu’on le regrette, les clubs de football à statut professionnel – soit les vingt clubs de la Ligue 1, les vingt clubs de la Ligue 2 et six des vingt clubs du championnat national – sont devenus des opérateurs économiques dont la viabilité appelle une vision et une action de moyen à long terme, dépassant en tout état de cause l’échéance de l’Euro 2016.

Dans beaucoup d’autres pays européens, les dépenses incontrôlées, les faillites retentissantes, les soupçons de corruption, les salaires excessifs ont également entaché l’image du football professionnel.

L’Union européenne des associations de football (UEFA) elle-même, sous la présidence de Michel Platini, a œuvré à la mise en place de règles nouvelles destinées à inciter les clubs de football professionnel à faire preuve de davantage de sérieux comptable et budgétaire. Ce « fair-play financier », qui trouve depuis 2010 sa traduction dans le règlement de l’UEFA sur l’octroi de licences aux clubs, vise non seulement à rétablir une certaine équité sportive entre clubs engagés dans les compétitions européennes, mais également à assurer leur pérennité, grâce à une meilleure maîtrise de leurs dépenses au regard de leurs recettes.

En la matière, la France figure d’ores et déjà à l’avant-garde, grâce au travail effectué, depuis plusieurs années déjà, par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) de la Ligue de football professionnel et, en particulier, sa commission de contrôle des clubs. Il n’en demeure pas moins que les exigences posées par l’UEFA vont plus loin, dans la mesure où elles visent à obliger les clubs à équilibrer leurs dépenses avec leurs recettes, sans recourir durablement et exagérément au soutien financier de leurs propriétaires. Il faut y voir, pour les clubs de football à statut professionnel, la consécration d’une logique d’opérateurs économiques intervenant dans le secteur du spectacle sportif.

Cette évolution est lourde de conséquences pour la survie des clubs mais aussi, de manière plus générale, pour le dynamisme du football en France. La commission des affaires culturelles et de l’éducation a donc décidé de confier à quatre de ses membres, issus de sensibilités politiques différentes, l’élaboration d’un rapport d’information sur l’application du fair-play financier européen au modèle économique des clubs de football professionnel français.

Dans ce cadre, les membres de la mission d’information ont procédé à de nombreuses auditions, de représentants du secteur concerné mais pas seulement : dirigeants d’instances fédérales (européenne et nationale), représentants de clubs, de joueurs et d’agents sportifs, institutions européennes, économistes du droit du sport, spécialistes de la question des infrastructures sportives, représentants des collectivités locales, notamment, ont apporté des éclairages précieux à la mission. Des déplacements – l’un à Bruxelles, l’autre à Munich – ont en outre permis d’aborder concrètement les problématiques européennes et de comparer le modèle des clubs de football professionnel français avec celui de certains de leurs concurrents les plus performants.

Le diagnostic établi à l’issue de ce travail est sans appel. Assurément, la mise en place du fair-play financier est une avancée pour mettre un terme aux excès salariaux et pour redonner de l’intérêt sportif aux compétitions entre clubs de football professionnel. Elle mettra progressivement fin aux dérives de quelques-uns et restaurera la santé financière d’un secteur qui a accumulé, selon l’UEFA, 8,2 milliards d’euros de dettes à l’échelle de l’ensemble des clubs européens, dont 1,7 milliard d’euros sur la seule saison 2011-2012.

Pour autant, la nouvelle réglementation de l’UEFA implique de sérieux défis pour les clubs français. Parmi les cinq principaux championnats européens, le nôtre est celui qui offre le moins de recettes directes aux clubs de football professionnel.

Les clubs disposent néanmoins d’atouts : ils se sont résolument engagés dans une démarche d’assainissement de leurs comptes et ils possèdent des relais potentiels de croissance, liés à la modernisation des stades et à leurs centres de formation. La récente arrivée de mécènes de poids, au Paris Saint-Germain et à l’AS Monaco, constitue de surcroît un réel motif d’espoir. Leur engagement massif est indéniablement de nature à faire prendre une nouvelle dimension aux compétitions qui se déroulent sur le territoire national, avec à la clef des perspectives de recettes complémentaires, tout en permettant à certains clubs de s’illustrer sur la scène européenne. Mais ces apports doivent aussi s’inscrire dans une logique de respect des prescriptions européennes et de long terme et ne pas porter une atteinte excessive à l’équilibre de la compétition, condition indispensable de l’équité et de l’attrait des championnats.

Ces enjeux comportent donc une dimension sportive mais ils vont aussi bien au-delà, en raison d’implications fortes en matière de développement, notamment territorial. C’est pourquoi la mission d’information s’est attachée à mener une réflexion dépassionnée, objective et prospective. Elle a été guidée, dans l’élaboration de ses recommandations, par le souci constant de la restauration de la compétitivité – sportive, mais aussi économique, tant ces deux aspects sont désormais imbriqués – des clubs de football professionnel français qui sont confrontés à de puissants concurrents à l’échelle européenne. Il est en effet de l’intérêt de tous – sport professionnel, mouvement sportif, public et collectivités – d’œuvrer pour parvenir à un modèle de développement économique performant, soutenable et respectueux de l’éthique sportive.

I. – LE FAIR-PLAY FINANCIER EUROPÉEN, UN PAS VERS PLUS D’ÉQUITÉ SPORTIVE

En septembre 2009, le comité exécutif de l’UEFA a approuvé à l’unanimité le principe du fair-play financier afin de gommer, à un horizon de dix ans, les disparités entre clubs induites par les politiques dispendieuses de certaines formations européennes d’envergure et, ainsi, de restaurer une certaine équité dans les compétitions. Ce concept a été pleinement soutenu par les fédérations nationales, les ligues professionnelles et les clubs de football, dans leur ensemble, ainsi que par les institutions communautaires (Parlement européen et Commission européenne).

Le fait est que, du milieu des années 1990 à la fin des années 2000, plusieurs grands clubs européens ont assis leur domination à coup de dépenses de transferts et de politiques salariales toujours plus conséquentes, destinées à attirer les meilleurs joueurs. Les clubs à budget plus modeste n’ont pas été en mesure de suivre cette course au gigantisme, de sorte qu’un fossé s’est creusé, plus à raison des moyens financiers que de la compétition sportive en elle-même.

En établissant une règle comptable identique pour tous les clubs participant aux coupes européennes, le fair-play financier vise opportunément à ramener la compétition au seul aspect sportif, pour le plus grand bonheur des passionnés du football.

A. LA NÉCESSITÉ DE METTRE UN TERME À LA DÉRIVE FINANCIÈRE DU FOOTBALL DE HAUT NIVEAU

La discipline financière par l’équilibre comptable est le moyen qui a été jugé le plus efficace pour mettre un terme à certaines dérives nuisant à la sincérité sportive des compétitions entre clubs de football professionnel. L’UEFA ne s’en est d’ailleurs pas cachée, en justifiant sa démarche par une volonté :

– d’introduire plus de discipline et de rationalité dans les finances des clubs ;

– de diminuer la pression budgétaire exercée par l’inflation des salaires et des transferts ;

– d’encourager les clubs à donner davantage d’importance à leurs propres revenus ;

– d’orienter les investissements vers le secteur de la jeunesse et les infrastructures ;

– de protéger la viabilité du football européen sur le long terme ;

– enfin, de s’assurer que les clubs honorent leurs dettes en temps et en heure.

1. La dérive financière, jusqu’à l’adoption du fair-play financier en 2010, de la majorité des clubs européens : une situation proche du point de non-retour

Depuis l’arrêt Bosman rendu le 15 décembre 1995 par la Cour de justice des Communautés européennes (1) – devenue Cour de justice de l’Union européenne depuis le traité de Lisbonne –, qui a libéralisé le recours aux joueurs communautaires (2), les frais auxquels sont exposés les clubs de football professionnel européens ont considérablement crû. La multiplication du nombre de transferts, qualifiée par certains observateurs de véritable « course à l’armement » des clubs, et la hausse tendancielle de leurs montants ont en effet eu un effet d’entraînement sur le niveau des rémunérations accordées.

Certes, corrélativement, les performances sportives, la fréquentation des stades et les recettes issues de la médiatisation grandissante des compétitions ont également connu des évolutions positives, mais elles n’ont pas permis de contrebalancer l’inflation des coûts.

Ainsi que l’a mis en exergue l’UEFA (3), au moment même où le principe du fair-play financier a été acté, 56 % des clubs européens de première division et 65 % des clubs qualifiés pour les deux coupes européennes (Ligue des Champions et UEFA Europa League) accusaient des pertes. La proportion de clubs sur lesquels de sérieux doutes étaient émis par les contrôleurs de gestion quant à leur poursuite d’exploitation à douze mois atteignait, pour sa part, 12,5 %.

Autant dire que, faute d’inverser la tendance, le risque était grand de voir une grande partie du football professionnel européen menacé dans son existence même.

a) Une explosion des coûts, essentiellement salariaux, non compensée par l’augmentation des recettes

Entre 2006 et 2010, les revenus des clubs de football professionnel en Europe ont augmenté en moyenne de 9,1 % chaque année, leur montant passant de 9 milliards d’euros à près de 12,8 milliards d’euros.

Le principal facteur explicatif de cette évolution réside dans la progression annuelle de 12,4 % des recettes liées aux droits de diffusion audiovisuelle et de 10 % de celles liées à la vente de produits dérivés. À titre de comparaison, les revenus tirés des partenariats et de la billetterie n’ont respectivement augmenté que de 6,8 % et 6,1 %.

Évolution des revenus des clubs de première division en Europe,
entre 2006 et 2010

Source : UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs, exercice financier 2010, p. 56.

Peu de secteurs peuvent se targuer d’un tel dynamisme économique sur la même période. Pourtant, en dépit d’un contexte plutôt favorable, l’endettement des clubs européens a notablement progressé.

Ainsi que le montre l’histogramme ci-après, les pertes nettes annuelles des clubs de football de première division en Europe sont passées de 216 millions d’euros en 2006 à 1,6 milliard d’euros en 2010. Cette évolution est largement imputable à l’accroissement annuel moyen de 14 % des coûts combinés du personnel et des transferts. En effet, la hausse de 3,7 milliards d’euros de ce type de coûts (passés de 5,4 milliards d’euros en 2006 à 9,1 milliards d’euros en 2010) a presque entièrement neutralisé la croissance des revenus, qui s’est élevée à 3,8 milliards d’euros, tandis que les autres frais des clubs ont augmenté de 1,5 milliard d’euros.

Le creusement des pertes nettes des clubs de première division en Europe,
entre 2006 et l’adoption du fair-play financier

Source : UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs, exercice financier 2010, p. 58.

Désormais, le cumul des rémunérations et des frais de transfert nets représente en moyenne 71 % des revenus des clubs européens de première division alors qu’il est généralement admis que de telles dépenses ne sont pas soutenables lorsqu’elles excèdent 65 % du chiffre d’affaires ; ce ratio a toutefois atteint son point culminant en 2010, les clubs l’ayant stabilisé depuis.

Conséquence inévitable, le bilan cumulé des clubs a sensiblement chuté puisque leur capital net a diminué de 632 millions d’euros, en baissant de 2,5 milliards d’euros en 2006 à 1,9 milliard d’euros en 2010. Tendanciellement, une telle évolution comptable n’était pas tenable à long terme. Si aucune mesure de correction n’avait été mise en place, l’avenir même de nombreux clubs européens aurait été en péril.

b) Une évolution commune aux principaux championnats nationaux, à des degrés divers néanmoins

L’ensemble des championnats nationaux s’est trouvé frappé par la dynamique de l’endettement des clubs, dans des proportions variables néanmoins. L’histogramme ci-après, issu du rapport de benchmarking de l’UEFA, montre que les résultats annuels nets consolidés des clubs des principaux championnats européens étaient, pour la plupart, fortement négatifs en 2010.

Résultat total net des clubs de chaque championnat en 2010,
en pourcentage des revenus globaux

Alors qu’en 2008, quinze des trente plus grandes divisions européennes avaient fait état d’un équilibre financier ou de bénéfices, la situation s’est détériorée notablement sur les deux saisons suivantes, seules quatre divisions nationales (Belgique, Danemark, Slovénie et Hongrie) maintenant un équilibre ou un excédent financier global. Dans ce panorama, les clubs belges ont été les seuls à afficher deux années de suite des résultats positifs.

Parmi les championnats les plus touchés, figurent la Premier League anglaise (sept clubs parmi les vingt plus grosses pertes nettes déclarées) et la Liga espagnole (deux clubs parmi les vingt plus grosses pertes nettes déclarées). Les clubs de ces deux ligues cumulent actuellement la moitié de l’endettement total des clubs européens.

Les clubs de l’élite du football anglais affichent en effet une dette cumulée de plus de 2,6 milliards de livres (3,1 milliards d’euros). Pour la seule saison 2010-2011, Manchester City a enregistré un déficit record de 194,9 millions de livres, soit 232 millions d’euros. Quant à Manchester United, son stock de dette totale atteindrait près de 750 millions de livres, soit 900 millions d’euros.

Le cas des clubs de la Liga espagnole n’est guère plus reluisant puisqu’au début de la saison passée, dix clubs se sont déclarés en cessation de paiement : Sporting de Gijón, Málaga, Real Zaragoza, Levante, Real Sociedad, Mallorca, Racing, Betis, Rayo Vallecano et Granada. La dette du Real Madrid, quant à elle, s’élève à 590 millions d’euros, celle du FC Barcelone à 578 millions d’euros et celle de l’Atlético de Madrid à 456 millions d’euros. Selon l’économiste de l’Université de Barcelone, José Maria Gay de Liébana, spécialiste en économie du football, la dette des clubs de Liga espagnole atteindrait, au total, quelque 3,5 milliards d’euros.

Les clubs de Bundesliga allemande et du championnat italien sont aussi touchés par le phénomène, mais dans une moindre mesure. Le taux moyen d’endettement des clubs allemands (la moitié seulement est déficitaire) est de l’ordre de 40 %, contre 129 % pour les clubs anglais et 246 % pour leurs homologues espagnols. Quant aux clubs italiens de série A, leur déficit cumulé sur la saison 2010-2011 était estimé à 285 millions d’euros (contre 193 millions d’euros la saison précédente), principalement du fait de la Juventus de Turin (95,4 millions d’euros de pertes), de l’Inter Milan (86,8 millions d’euros de pertes) et du Milan AC (69,8 millions d’euros de pertes) ; cela n’empêchait pas quelques clubs d’afficher des résultats excédentaires, tels celui de Naples (4,2 millions d’euros de bénéfices et une masse salariale cantonnée à 42 % du budget), l’Udinese (2,9 millions d’euros de bénéfices) ou la Lazio de Rome (10 millions d’euros d’excédents).

Dans ce contexte, même si eux aussi ont globalement enregistré des pertes, les clubs de football professionnel français n’ont pas affiché la situation comptable la plus dégradée avant même la mise en place du fair-play financier. Dans son rapport d’activité sur les comptes des clubs pour la saison 2010-2011, la commission de contrôle de la DNCG faisait ainsi état, pour la quarantaine de clubs relevant de sa compétence, d’une perte opérationnelle courante de 131 millions d’euros contre 192 millions d’euros la saison précédente. D’autre part, la moitié des clubs de Ligue 1 avait réalisé des profits opérationnels contre huit clubs sur vingt, un an plus tôt.

c) L’origine de cette situation : la dérégulation des transferts de joueurs et une masse salariale non maîtrisée

Ce n’est pas un hasard si la situation budgétaire des clubs de football professionnel en Europe s’est plus particulièrement dégradée au cours de la décennie passée. L’emballement des dépenses des clubs étant étroitement lié à la prépondérance de leur masse salariale dans leurs charges d’exploitation, la libéralisation des transferts de joueurs a joué un rôle important dans les dérèglements qui affectent le modèle économique du secteur.

● L’arrêt Bosman, ou l’assimilation du sport professionnel à une activité économique soumise aux règles communautaires de la concurrence et du marché intérieur

Avant que la Cour de justice des Communautés européennes rende son arrêt Bosman en 1995 (4), il était d’usage pour les clubs d’exiger, en cas de départ d’un de leurs joueurs vers un nouveau club, le paiement d’indemnités de transfert, alors même que ce joueur n’était plus lié par un contrat de travail : tout transfert était subordonné à l’accord du club d’origine. Par ailleurs, les fédérations nationales puis, à partir de la fin des années 1970 l’UEFA, limitaient le nombre de joueurs étrangers que les équipes de clubs européens pouvaient aligner ; en 1991, l’UEFA avait fixé ce quota à trois à compter du 1er juillet 1992. Le recrutement des clubs s’appuyait ainsi essentiellement sur les centres de formation et, à titre exceptionnel seulement, sur certains joueurs à forte notoriété internationale.

Assimilant le football professionnel à une activité économique soumise aux règles de libre concurrence et de libre circulation des travailleurs, la Cour de justice des Communautés européennes a remis en cause ces pratiques. Par la suite, la jurisprudence a étendu la suppression des contingentements de joueurs à raison de la nationalité pour les ressortissants non communautaires légalement présents au sein de l’Union européenne (5) et à ceux issus de pays ayant conclu un accord de non-discrimination avec l’Union européenne (Russie, pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique et pays du MERCOSUR) (6).

● Les conséquences : une libéralisation des transferts source d’inflation salariale et des recrutements externes privilégiés au détriment de la formation interne

Au-delà de la simple remise en cause de la « spécificité sportive » au sein de l’Union européenne, cette jurisprudence a eu deux conséquences importantes pour les clubs.

Sur le plan économique, tout d’abord, elle a levé les garde-fous qui entouraient les opérations de transfert, l’accroissement soudain de la demande des clubs ayant contribué à l’inflation tendancielle du montant des transactions, avec pour corollaire une hausse des salaires exigés par les joueurs recrutés. On a assisté ainsi au gonflement d’une véritable « bulle spéculative », les clubs espérant des gains de transfert à la hausse : selon une étude récemment conduite pour le compte de la Commission européenne (7), alors que le nombre de transferts de joueurs a été multiplié par 3,2 entre 1995 et 2011 en Europe, le montant total des indemnités de transfert a été multiplié par 7,4.

Nombre et montant des transferts au sein de l’Union européenne

Saison

Nombre de transferts

Valeur (en millions d’euros)

1994-1995

5 735

403

1999-2000

8 531

1 705

2005-2006

15 952

1 952

2010-2011

18 307

3 002

Source : Centre de droit et d’économie du sport et KEA European Affairs.

Les risques de dérive liés à la libre circulation des joueurs ont certes donné lieu à quelques mesures d’encadrement destinées à préserver l’équité des compétitions, notamment un accord informel entre la Fédération internationale de football association (FIFA), l’UEFA et la Commission européenne en 2001 qui a conduit à une réforme du système de transfert de la FIFA. Cette régulation n’a toutefois pas permis de porter un coup d’arrêt à l’inflation des transferts. Ainsi, les clubs ont rapidement adapté leur comportement pour tenir compte de l’instauration d’une période dite « protégée » (8) au cours de laquelle la résiliation, dépourvue de « juste cause », d’un contrat entre un club et un joueur peut donner lieu à des sanctions sportives et au paiement d’une indemnité. En pratique, les clubs ont choisi de renouveler les contrats de leurs meilleurs joueurs avant leur terme pour faire débuter une nouvelle période protégée, afin de négocier de substantielles indemnités de transfert s’ils se séparent du joueur.

Une véritable spéculation sur la valeur des joueurs recrutés est ainsi apparue, la plupart des clubs misant sur une revente avant l’échéance contractuelle et à un horizon assez court, avec une plus-value à la clé susceptible de combler certains déficits. L’obligation comptable d’inscrire les contrats de joueurs dans les comptes d’immobilisations corporelles a sans doute, aussi, contribué à ce mouvement, les clubs cherchant évidemment à valoriser leur bilan. Ce contexte a immanquablement contribué à entretenir l’inflation des montants de transferts et des rémunérations ces dernières années.

Il a résulté de cette fuite en avant une déconnexion des indemnités de transfert et des salaires avec le talent sportif des joueurs, qui a été maintes fois soulignée auprès de la mission.

On a assisté alors à un phénomène de diffusion de l’inflation des indemnités et des salaires qui ne s’est pas limitée aux plus grands clubs et joueurs mais a gagné, aussi, ceux d’envergure moyenne. Comme l’a indiqué M. Bernard Caïazzo, président de l’AS Saint-Étienne, en se lançant dans une « course à l’argent » déraisonnable, les clubs ont commis l’erreur de rémunérer à des niveaux élevés des joueurs moyens qui ne le méritaient pas. Cette analyse semble assez largement partagée ; ainsi, M. Armand Lopes, président du Créteil Lusitanos, a lui aussi jugé que les salaires très élevés octroyés par les clubs d’élite avaient eu des répercussions sur les exigences salariales des joueurs de clubs de niveau inférieur, tandis que M. Philippe Piat, coprésident de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), a estimé que la libéralisation consécutive à l’arrêt Bosman avait contribué à sur-rémunérer des joueurs médiocres.

Ce phénomène de contagion a, selon Terra Nova, essentiellement eu cours de 1995 à 2002, année à partir de laquelle la pratique d’un niveau très élevé des rémunérations s’est concentrée essentiellement sur les joueurs « super-stars », avec une quasi « explosion » de leurs salaires entre 2007 et 2012.

Les clubs français n’ont pas été à l’écart de ce mouvement, d’autant que, comme l’a rappelé M. Frédéric Bolotny, économiste du sport, le poids des salaires y a augmenté sensiblement (de l’ordre de 8 % à 10 %) du fait de la suppression, à compter de 30 juin 2010, du droit à l’image collective qui permettait de ne pas assimiler à un salaire 30 % de la rémunération des sportifs professionnels, cette part étant, de ce fait, exonérée de cotisations de sécurité sociale.

Selon l’étude précitée de 2013 effectuée pour le compte de la Commission européenne, le marché du football européen est ainsi désormais fortement segmenté et c’est sur le « marché primaire supérieur » que l’on trouve les indemnités de transferts et les salaires les plus élevés : sur la saison 2010-2011, 55 % des 3 milliards d’euros de transferts à l’échelle européenne se sont concentrés dans cinq grands championnats européens. La mécanique est en outre devenue plus complexe, notamment du fait de l’intéressement des agents sportifs aux montants des contrats conclus, et n’a cessé de faire tomber les records (les derniers en date étant le montant de 93 millions d’euros pour le transfert de Christiano Ronaldo de Manchester United au Real Madrid en 2009 et le salaire annuel de quelque 14 millions d’euros consenti à Zlatan Ibrahimovic à l’été 2012 par le Paris Saint-Germain).

Selon Terra Nova, les déséquilibres ont en outre été accentués par l’arrivée de nouveaux « mécènes » aux moyens quasiment illimités, la masse salariale pouvant parfois avoisiner 100 % du chiffre d’affaires des clubs. Ces nouveaux mécènes entretiennent une pression à la hausse sur les salaires et obligent les autres clubs à s’endetter pour rester compétitifs, car leurs recettes courantes sont insuffisantes pour couvrir leurs dépenses courantes.

Sur le plan sportif, ensuite, la libéralisation des transferts a conduit de nombreux clubs à privilégier les recrutements externes sur la formation interne, semant ainsi le germe d’une dépendance aux transferts très préjudiciable d’un point de vue comptable. Si le précédent de Chelsea, qui fut le premier club professionnel à aligner une équipe ne comprenant aucun joueur de nationalité anglaise, reste exceptionnel (9), il n’est pas rare que les clubs alignent des équipes comprenant moins d’un tiers de joueurs formés localement (la moyenne européenne étant à peine supérieure à deux joueurs formés localement selon l’UEFA).

Dans ces conditions, il n’est pas très étonnant de constater que les clubs présentant les résultats comptables les plus mauvais sont ceux dont le ratio entre la masse salariale et le chiffre d’affaires est le plus élevé. Pour au moins 254 des 734 clubs de première division suivis par l’UEFA (soit plus du tiers), ce ratio était supérieur à 70 % en 2010. La part des frais de personnel relative aux joueurs représentant en moyenne 83 % de la masse salariale, les dépenses liées aux joueurs pour l’ensemble des clubs européens s’élevaient alors à 6,8 milliards d’euros, soit près de la moitié de leurs dépenses totales (47,2 %).

L’UEFA explique également l’aggravation des pertes subies par les clubs par une hausse du coût net des transferts, c’est-à-dire du différentiel entre bénéfice des ventes de joueurs, amortissement des effectifs et pertes de valeur : alors que ce coût avoisinait 340 millions d’euros en 2008 et 474 millions d’euros en 2009, il a atteint 933 millions d’euros en 2010, ce qui a un peu plus accentué les difficultés rencontrées par les clubs les plus exposés à ce type d’opérations.

● Le cas particulier de la France, « mauvais élève » pour la maîtrise
de sa masse salariale

La plupart des personnes entendues par la mission ont estimé que la situation financière des clubs de football professionnel français, si elle était préoccupante, était toutefois moins dégradée que celle de nombre de leurs concurrents européens, grâce notamment au contrôle exercé par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG).

Pour autant, à l’échelle de l’Europe du football, les clubs français ne figurent pas parmi les plus vertueux en termes de rapport entre leur masse salariale et leur chiffre d’affaires.

Rapport entre la masse salariale et le chiffre d’affaires des clubs
participant aux compétitions de l’UEFA (saison 2012-2013)

(En %)

Pays d’établissement du club

Masse salariale/chiffre d’affaires

Allemagne

51

Espagne

55

Royaume-Uni

65

France

69

Italie

73

Source : UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs – Exercice 2011.

La situation des clubs français n’est certes pas aussi critique que celle des clubs serbes ou bulgares, dont la masse salariale est supérieure à leur chiffre d’affaires, ni même des clubs russes pour lesquels le rapport entre ces deux grandeurs est de 89 %. Mais avec un taux proche de 70 %, il y a lieu de s’inquiéter de la soutenabilité du modèle économique des clubs de football professionnel français les plus performants, à savoir ceux qui participent aux compétitions de l’UEFA.

La situation est encore plus critique si l’on considère le rapport entre masse salariale et chiffre d’affaires de l’ensemble des clubs français de Ligue 1 et de Ligue 2, puisqu’il s’établit à 76,8 % (10) pour la saison 2011-2012. La Direction nationale du contrôle de gestion s’alarme d’ailleurs de cette situation en notant que pour la première fois, le montant de la masse salariale des clubs français a dépassé 1 milliard d’euros (cotisations sociales incluses) lors de la saison 2011-2012, dont 75 % sont revenus aux joueurs – et même 77 % pour les seuls clubs de Ligue 1.

2. Les buts de l’UEFA : sécuriser les compétitions et éviter que l’argent ne prenne le dessus sur la dimension sportive

Même si quelques exceptions méritent d’être soulignées – à l’instar de celle du FC Bayern de Munich qui a enregistré un excédent brut d’exploitation de 69,3 millions d’euros et un bénéfice après impôts de 11,1 millions d’euros la même année –, la dérive comptable et financière de la majorité des grands clubs européens faisait peser, si rien n’était entrepris pour y mettre un terme, deux types de menaces sur l’avenir du football professionnel en Europe.

La première, d’ordre économique, avait trait à la pérennité d’un grand nombre d’acteurs indispensables à l’entretien de l’engouement populaire pour ce sport. En effet, aucun club de football, aussi prestigieux soit-il, ne peut vivre indéfiniment à crédit. Un rééquilibrage des dépenses au regard des ressources s’imposait donc et il était nécessaire que les instances européennes du football l’exigent avant les créanciers – c’est-à-dire avant qu’il ne soit trop tard –, y compris pour des clubs aussi renommés que le Real Madrid, le FC Barcelone, Manchester United, Chelsea, le Milan AC, l’Inter Milan, l’Olympique Lyonnais ou l’Olympique de Marseille, pour ne prendre que quelques exemples.

La seconde menace, d’ordre sportif, portait quant à elle sur l’équité des compétitions et donc, en d’autres termes, sur l’intérêt et la magie du football, mais aussi, à terme, sur la valeur économique des compétitions. Comme l’a souligné auprès de la mission M. Didier Primault, directeur général du Centre de droit et d’économie du sport (CDES), le football est un spectacle vivant et donc un bien éphémère et unique. Il se distingue des autres biens culturels en raison de l’importance de l’aléa sportif. Tout match est inédit : le dixième match entre le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille reste un produit nouveau car son résultat n’est pas connu à l’avance – c’est d’ailleurs ce qui en fait tout l’intérêt, notamment pour les médias. La valeur de la compétition résulte ainsi de l’incertitude du résultat, qui naît du fait que chaque compétiteur a une probabilité raisonnable de remporter le match. La question de l’équilibre compétitif au cours d’un match ou d’une compétition est donc centrale.

Pour M. Didier Primault, cette situation pourrait se traduire par la maxime suivante : « dans l’économie du sport, tout le monde est dans le même bateau ». La défaillance ou, à l’inverse, l’hyper-domination d’une équipe a inévitablement un impact sur la qualité de la compétition et la situation de ses adversaires, le développement concurrentiel conduisant à la position dominante et donc au déséquilibre sportif. Il convient donc de protéger la compétition sportive car c’est d’elle que procède la valeur. Concrètement, s’il est à court terme positif de compter des clubs « locomotives » et dont la présence sur le terrain garantit à leurs adversaires des recettes de billetterie à court terme, il peut en résulter, à plus long terme, une moindre incertitude sportive et, par conséquent, un moindre intérêt pour la compétition et de moindres recettes pour les clubs, notamment en termes de droits de retransmission télévisée. Il était, dès lors, logique que l’UEFA s’interroge sur la soutenabilité, à terme, d’un système dans lequel la compétition pouvait être nettement déséquilibrée par la puissance financière de certains clubs qui leur permettait de se doter de joueurs prestigieux en y consacrant des sommes très élevées.

Un simple regard sur le palmarès de la Ligue des Champions, ces dix dernières années, suffit à confirmer la justesse de cette analyse : ce sont bien les clubs les plus dépensiers qui se sont révélés les plus performants dans cette compétition phare très lucrative, puisqu’elle rapporte au total 60 millions d’euros à son vainqueur, ce qui la place au sommet des dix  compétitions les plus rémunératrices du monde (11). Pour mémoire, le FC Barcelone et le Milan AC l’ont remportée respectivement à trois et deux reprises (en 2006, 2009 et 2011 pour le premier et en 2003 et 2007 pour le second), les autres lauréats ayant été successivement le Real Madrid (en 2002), le FC Porto (en 2004), Liverpool (en 2005), Manchester United (en 2009), Chelsea (en 2012) et le FC Bayern (en 2013).

On peut également noter, comme M. Jérôme Champagne, ancien conseiller du président, puis directeur des relations internationales de la FIFA, que le format des compétitions interclubs de l’UEFA favorise les gros clubs qui dépensent beaucoup et réduit considérablement l’incertitude des résultats sportifs (effets des poules ou du « reversement » des éliminés de la Ligue des Champions dans l’Europa League). De plus, si l’on prend l’exemple de la Ligue des Champions, on constate que trente-deux clubs reçoivent 75 % des revenus que cette compétition génère. Parmi eux, les clubs anglais perçoivent le plus en raison de droits télévisuels plus élevés (4 milliards d’euros de droits pour la période 2013-2016, grâce à une diffusion dans deux-cent douze pays, ce qui permet de garantir au vingtième club de la Premier League davantage de recettes que le troisième de la Liga espagnole).

Dans ce contexte, on peut craindre, avec M. Jérôme Champagne, que le championnat français – comme les championnats polonais, hollandais ou portugais d’ailleurs – soit voué à rester en deuxième division européenne, le football européen étant désormais dominé par un « oligopole » d’une vingtaine de grands clubs.

Dans son rapport annuel d’activité sur la saison 2010-2011, la DNCG soulignait d’ailleurs que « pour mettre en place un budget de vainqueur potentiel en Ligue des Champions, objectif ultime des grands clubs, certains considèrent qu’il faut pouvoir aligner un budget de 300 à 500 millions d’euros là où la moyenne des quatre plus grands clubs français tourne autour de 100 millions d’euros » (12). Les faits corroborent cette analyse puisque les seuls clubs de Ligue 1 qui ont réussi à briller dans cette compétition jusqu’à aujourd’hui sont l’Olympique de Marseille (vainqueur en 1993, soit avant l’arrêt Bosman et ses conséquences et, depuis, quart de finaliste en 2012), l’Olympique Lyonnais (demi-finaliste en 2010, quart de finaliste en 2004, 2005 et 2006, et parvenu en huitièmes de finale à cinq reprises ces dernières années), ainsi que l’AS Monaco (finaliste en 2004).

Accepter le statu quo de la fuite en avant financière des clubs abonnés aux titres revenait à condamner leurs concurrents au simple rôle de faire-valoir et, à terme, à dévaloriser considérablement l’intérêt des compétitions nationales et européennes pour le public. L’UEFA a donc souhaité soumettre l’ensemble des clubs européens de football professionnel à des principes de gestion identiques, pour rétablir la primauté du jeu et du sport sur les moyens financiers, même si ceux-ci occupent nécessairement encore une place importante dans la compétitivité des équipes.

Ainsi que l’a indiqué M. Yves Wehrli, membre de la chambre d’instruction de l’instance de contrôle financier des clubs de l’UEFA, l’objectif doit être désormais de promouvoir les investissements intelligents, c’est-à-dire à d’inciter les clubs à miser sur leurs infrastructures et la formation de leurs joueurs plus que sur leur masse salariale. L’objectif est donc de favoriser la transition vers un modèle de développement sain et durable, et non artificiel et de très court terme.

B. UNE DÉMARCHE AMBITIEUSE ET PROGRESSIVE QUI A DÉJÀ PRODUIT DES EFFETS

Au terme de sa mise en œuvre, le fair-play financier doit conduire les clubs de football professionnel européens à équilibrer leurs dépenses et leurs recettes, de manière à ne plus creuser leur dette. Depuis le 27 mai 2010, cette logique est intégrée au règlement de l’UEFA sur l’octroi de licence aux clubs, ce qui lui confère une portée contraignante dans la mesure où les clubs désireux de participer aux compétitions interclubs européennes doivent s’y conformer. Son application a toutefois été pensée selon un échéancier adapté, de manière à créer une période de transition vers des pratiques de gestion plus saines.

1. Un corpus étoffé de règles, procédures et sanctions

Le fair-play financier repose sur des fondements juridiques et procéduraux précis destinés à en assurer l’effectivité. Deux textes regroupent les règles adoptées par l’UEFA :

– d’une part, le règlement sur l’octroi de licence aux clubs et le fair-play financier (en ses articles 53 à 68), dont la dernière édition date de 2012 ;

– d’autre part, les règles de procédure régissant l’instance de contrôle financier des clubs (ICFC), qui a succédé au panel de contrôle financier des clubs et dont les membres ont été désignés par le comité exécutif de l’UEFA en juin 2012.

a) Un objectif de redressement graduel des budgets des clubs

Ainsi que l’a indiqué à la mission d’information M. Michel Platini, président de l’UEFA, il devenait indispensable de durcir les règles en vigueur pour enrayer les dérives constatées. Très vite, les experts de l’UEFA se sont donc rapprochés de juristes et d’autres experts pour explorer les meilleures solutions ; une consultation avec l’ensemble des parties prenantes (ligues professionnelles, fédérations, Commission européenne et Parlement européen) s’en est suivie. Après deux ans de travaux, en septembre 2009, les règles relatives au fair-play financier ont été adoptées pour introduire davantage de discipline et de rationalité dans les finances des clubs, encourager les investissements (les dépenses liées aux infrastructures et à la formation n’étant pas prises en compte), et garantir que les clubs honorent leurs obligations.

Les principes relatifs au fair-play financier ont assez logiquement pris place dans le règlement de l’UEFA sur l’octroi de licence aux clubs qui inspire, depuis mars 2003, les règlementations fédérales nationales fixant les critères minimaux opposables aux clubs en matière sportive (formation de jeunes, notamment), de qualité des infrastructures (homologation, sécurité des stades, etc.), d’encadrement administratif et humain, voire d’états financiers et comptables. Décidés de manière consensuelle, ces principes assignent aux clubs un objectif d’équilibre entre « recettes déterminantes » (billetterie, droits de retransmission, sponsoring, activités commerciales, plus-values sur ventes de joueurs et revenus financiers) et « dépenses déterminantes » (coûts de vente et de personnel, frais d’exploitation, amortissement des contrats des joueurs, charges financières et dividendes). N’entrent ainsi dans le décompte des dépenses appelées à être couvertes par les recettes (« break-even rule ») que les dépenses courantes des clubs et non les investissements dans les installations ou équipements, de même que les coûts supportés pour la formation des joueurs.

Plusieurs garde-fous ont été posés de manière à permettre une application pragmatique et échelonnée de cette véritable révolution dans la gestion des clubs de l’élite professionnelle européenne.

En premier lieu, l’équilibre recherché s’appréciera sur des périodes pluriannuelles (d’abord biennales, puis triennales). Concrètement, lors de la saison 2013-2014 marquant l’entrée en vigueur effective du fair-play financier, les règles relatives à l’équilibre entre recettes et dépenses déterminantes seront vérifiées au regard des exercices comptables portant sur les saisons 2011-2012 et 2012-2013 (soit les exercices n-1 et n-2). À partir de la saison suivante, les contrôles porteront sur les trois exercices comptables précédents.

En second lieu, l’objectif d’équilibre n’impliquera pas la fin définitive de tout déficit puisqu’un écart dit « acceptable » entre dépenses et recettes déterminantes inférieur à 5 millions d’euros sera admis, de manière à prendre en compte certains aléas conjoncturels. Ce seuil pourra même être dépassé, si le déficit excessif se trouve intégralement couvert par les actionnaires ou les parties liées aux clubs, dans la limite d’un plafond de :

– 45 millions d’euros pour les saisons 2013-2014 et 2014-2015 ;

– 30 millions d’euros pour les saisons 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018 ;

– un montant inférieur, restant encore à définir par le comité exécutif de l’UEFA, à compter de la saison 2018-2019.

Ces modalités démontrent que les principes afférents au fair-play financier prescrits par l’UEFA ont été élaborés non pas pour entraver le développement économique des clubs – rien ne leur interdisant d’accroître leurs dépenses dès lors que le dynamisme de leurs recettes le leur permet et dès lors que, jusqu’en 2018, leurs actionnaires ou propriétaires combleront les déficits –, mais plutôt pour poser les jalons d’une régulation bienvenue face aux excès de ces dernières années. Les instances européennes du football ont opportunément privilégié un processus par étapes pour une application rapide des nouvelles exigences budgétaires, de manière à lever d’éventuelles réticences et à assurer le succès de la réforme.

Les clubs, eux-mêmes, ont été fortement sensibilisés à ce nouveau contexte. Depuis l’été 2011, les 237 participants aux compétitions interclubs de l’UEFA ont ainsi été soumis à une surveillance destinée à vérifier qu’ils s’acquittent de leurs obligations liées aux indemnités de transfert et au paiement des salaires de leur personnel. De plus, l’UEFA s’est efforcée, dans ses rapports de benchmarking annuels postérieurs à 2010, d’indiquer statistiquement dans quelles proportions les clubs européens de première division se conforment aux règles du fair-play financier (80 % en 2010-2011, par exemple). De la sorte, les clubs disposent aujourd’hui de plusieurs éléments leur permettant d’apprécier concrètement, pour eux-mêmes, les implications du fair-play financier.

b) Des obligations de transparence fortes

Outre les différents critères relatifs à l’équilibre comptable entre dépenses et recettes déterminantes des clubs ainsi que les périodes de référence retenues pour les contrôles, le règlement sur l’octroi de licence aux clubs et le fair-play financier fixe à ces derniers l’obligation de fournir, via les instances nationales délivrant les licences, des informations financières pertinentes sur les trois saisons servant de base aux vérifications. De fait, les bailleurs de licences (fédérations et ligues nationales) jouent un rôle d’interface majeur et se voient assigner des tâches de vérification préalable, avant transmission des documents à l’UEFA.

Les informations recueillies par l’UEFA sont définies de manière très précise puisque, aux termes de l’article 62 du règlement précité, les clubs doivent lui adresser toutes les indications relatives à leur équilibre financier pour les saisons n-2 et n-1, mais aussi pour la saison en cours dans l’une des quatre hypothèses suivantes :

– le rapport d’audit sur les états financiers annuels et/ou les états financiers intermédiaires du club comportent des réserves sur la capacité à poursuivre l’exploitation ;

– les états financiers annuels ou intermédiaires révèlent une détérioration du passif net par rapport à l’année antérieure ;

– le solde entre dépenses et recettes déterminantes sur les deux premières saisons de la période de référence s’est révélé déficitaire ;

– le club présente, au 30 juin de l’année au cours de laquelle les compétitions interclubs débutent, des arriérés de paiement envers d’autres clubs, son personnel ou les administrations fiscales ou sociales.

Le règlement de l’UEFA précise également que l’instance de contrôle financier peut demander, à tout moment, aux clubs titulaires de la licence des informations complémentaires, en particulier lorsque leurs états financiers annuels montrent que les salaires dépassent 70 % du total des revenus et l’endettement net dépasse 100 % de ce même total des revenus.

Au total, les clubs de football européens qui bénéficient de l’octroi de la licence leur permettant de participer aux compétitions organisées par l’UEFA se voient soumis à des obligations déclaratives destinées à s’assurer du caractère sain et soutenable de leur gestion.

c) Des instruments de contrôle et des modalités de sanction étendus

Dès l’adoption des principes afférents au fair-play financier, l’UEFA s’est dotée d’une instance de contrôle et de sanctions dissuasives.

Initialement, l’instance de contrôle des comptes des clubs était le panel de contrôle financier des clubs présidé par M. Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre belge. Ce panel a notamment procédé à diverses vérifications, à l’été 2011 puis en juin 2012, à l’égard des 237 clubs engagés dans les compétitions de l’UEFA.

Fin juin 2012, il a été remplacé par l’instance de contrôle financier des clubs (ICFC), organe de l’UEFA composé de deux chambres – une chambre d’instruction dirigée par un enquêteur principal pour la phase d’enquête et une chambre de jugement pour la phase à proprement procédurale, présidée quant à elle par le président de l’ICFC – et investi de pouvoirs de sanction. Les membres de l’ICFC ont été désignés pour un mandat de trois ans le 30 juin 2012 : le président de la chambre de jugement est M. José Narcisco da Cunha Rodrigues, ancien juge de la Cour de justice de l’Union européenne, et l’enquêteur principal est M. Jean-Luc Dehaene, que la mission eu l’occasion d’entendre dans le cadre de ses travaux.

L’ICFC dispose d’un large éventail de sanctions possibles : aux termes de l’article 21 des règles de procédure régissant l’instance, elles vont de la mise en garde et du blâme, à l’amende, au retrait de points, à la rétention de revenus provenant d’une compétition de l’UEFA, à l’interdiction d’inscrire de nouveaux joueurs ou la restriction des joueurs éligibles aux compétitions de l’UEFA, à la disqualification des compétitions en cours, à l’exclusion de compétitions pour le futur et, in fine, au retrait d’un titre. Au regard de leurs effets, ces décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal arbitral du sport – et uniquement devant lui –, qui siège à Lausanne.

En 2011, dans le cadre de la surveillance sur les arriérés de paiement, dix clubs ont été renvoyés devant l’instance de contrôle et trois ont été exclus de la Ligue des Champions. Par ailleurs, le 11 septembre 2012, l’UEFA a annoncé qu’elle gelait ses primes d’engagement aux compétitions européennes pour vingt-trois clubs : l’Atlético de Madrid, vainqueur de l’UEFA Europa League et de la Supercoupe d’Europe, le Sporting Portugal et Fenerbahçe figuraient au nombre des clubs ainsi mis à l’index.

Il va sans dire que ce dispositif quasi juridictionnel et les sanctions encourues constituent un puissant levier en faveur du changement des comportements des clubs. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant qu’avant même sa complète mise en œuvre, le fair-play financier ait déjà produit quelques résultats notables.

2. Des effets tangibles et encourageants

a) L’amélioration progressive des comptes des clubs

Dans son rapport de benchmarking portant sur l’exercice 2011, l’UEFA s’est essayée à une première évaluation virtuelle du fair-play financier sur les clubs européens de première division, en prenant les résultats des exercices 2009, 2010 et 2011. Les données publiées constituent à cet égard un état des lieux intéressant de la situation prévalant avant la mise en œuvre des règles nouvelles ; elles révèlent notamment que quatorze clubs participant aux compétitions européennes de la saison 2012-2013 affichaient un déficit supérieur à 45 millions d’euros, tandis que trente-deux autres clubs enregistraient un résultat déficitaire compris entre 5 et 45 millions d’euros, nécessitant l’injection de fonds propres ou une recapitalisation par leurs actionnaires, ce qui ne sera effectivement le cas que pour seize d’entre eux (13). Autrement dit, l’application du fair-play financier dès cette année aurait pu conduire à l’exclusion de trente clubs des compétitions européennes.

Situation des clubs de football professionnel européens
au regard de la règle de l’équilibre financier (fin 2011)

Type de club

Équilibre financier excédentaire

Déficit inférieur à 5 millions d’euros

Déficit compris entre 5 et 45 millions d’euros

Déficit supérieur à 45 millions d’euros

Tous les clubs de 1ère division

170
(53,3 %)

64
(20,0 %)

65
(20,4 %)

20
(6,3 %)

Clubs participant aux phases de qualification des compétitions de l’UEFA

68
(52,3 %)

16
(12,3 %)

32
(24,6 %)

14
(10,8 %)

Clubs participant aux phases de groupe des compétitions de l’UEFA

42
(56,0 %)

5
(6,6 %)

15
(20,0 %)

13
(17,4 %)

Source : UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs, exercice financier 2011, p. 50.

Il reste que, comme les premiers exercices budgétaires appelés à servir de référence pour l’appréciation du fair-play financier sont ceux de 2011-2012 et 2012-2013, la plupart des clubs de football professionnel européens participant aux compétitions de l’UEFA ont commencé à ajuster leurs comptes pour se préparer à l’entrée en vigueur effective de la nouvelle réglementation. Plusieurs indicateurs en attestent.

Tout d’abord, l’UEFA a constaté un ralentissement sensible de l’activité des transferts de joueurs et d’entraîneurs. En janvier 2012, ce type de dépenses a diminué de 36 % par rapport à l’année précédente (et de 20 % par rapport à la moyenne constatée sur les années 2008-2011), en s’établissant à 393 millions d’euros. Le nombre de transferts de joueurs réalisés lors de la fenêtre hivernale pour un montant supérieur à 15 millions d’euros est passé de neuf à un seul, entre 2011 et 2012. Cette tendance s’est ensuite poursuivie à l’été dernier, puisque les clubs européens n’y ont enregistré que dix-huit transferts de joueurs de plus de 15 millions d’euros, contre vingt-six en 2011 et un record de trente-trois en 2009. Au total, le budget dévolu aux transferts d’été s’est établi à 1,75 milliard d’euros en 2012 contre 2,25 milliards d’euros en moyenne sur les quatre années précédentes.

Ces inflexions ont été confortées par une généralisation de la stabilisation, voire l’amorce d’une réduction des dépenses, illustrant la volonté des clubs de se mettre dans les meilleures dispositions pour l’appréciation de leur équilibre financier sur les saisons 2011-2012 et 2012-2013, avec notamment une légère diminution du poids des dépenses liées aux joueurs qui sont passées de 83 % de la masse salariale en 2010-2011 à 81 % en 2011-2012. Alors que les recettes des premières divisions européennes de football ont augmenté de 12,8 à 13,2 milliards d’euros entre 2010 et 2011 (+ 3,1 %), les pertes ont été stabilisées à 1,7 milliard d’euros, de sorte que la marge déficitaire nette globale des clubs européens a légèrement reflué de 12,8 % à 12,7 %.

Autre critère positif, les clubs ont dans l’ensemble réduit leurs arriérés de paiement. En septembre 2012, cette diminution a atteint une proportion de 68 % par rapport à juin 2011, s’agissant des montants dus aux employés, des charges sociales et des frais de transfert. Preuve que le suivi comptable et budgétaire institué dans le cadre du fair-play financier a produit son effet, 36 millions d’euros d’arriérés ont été régularisés par les clubs dans les deux semaines précédant la transmission de leurs états financiers à l’UEFA.

Il reste que si l’ensemble des pertes financières s’est globalement stabilisé dans les championnats de première division en Europe, elles se situent encore à un niveau élevé. À cet égard, le mouvement de consolidation budgétaire doit se poursuivre ; en tout état de cause, beaucoup de clubs qui aspirent à figurer dans les compétitions européennes (donc, parmi les clubs réputés les meilleurs du continent) semblent dans cet état d’esprit.

b) La détermination de l’UEFA

Les auditions menées par la mission ont permis de constater que si l’initiative d’instauration du fair-play financier était largement soutenue, elle suscitait parfois des interrogations quant à la capacité – voire la volonté – de l’UEFA d’appliquer strictement ces règles, notamment aux plus grands clubs européens.

Ainsi, M. Jérôme Champagne, ancien conseiller du président puis directeur des relations internationales de la FIFA, président de Football Future, a crument posé la question et observé que les décisions de la chambre de jugement de l’instance de contrôle des finances des clubs (ICFC), rendues en décembre dernier, donnaient le sentiment que les clubs les moins favorisés – à l’exception notable du club de Malaga – seraient les premiers sanctionnés.

M. Jean-Louis Campora, vice-président de l’AS Monaco, a pour sa part souligné que les décisions prises par l’UEFA dans le cadre du fair-play financier pourraient mettre en difficulté de grands clubs comme le Real Madrid ou Manchester United qui ne pourraient plus compter sur l’intervention de leurs actionnaires pour équilibrer leurs comptes. Or, a-t-il déclaré, on imagine mal que l’UEFA puisse s’opposer à la participation de clubs d’une telle envergure à des championnats européens.

Tout en soutenant le dispositif, M. Philippe Piat, coprésident de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), s’est lui aussi interrogé sur l’effectivité de sa mise en œuvre et notamment sur les modalités de contrôle de son application par l’UEFA.

Plus prudemment, M. Noël Le Graët, président de la Fédération française de football, a jugé nécessaire d’attendre de voir ce que serait la réalité de la portée du fair-play financier à l’égard des clubs des pays d’Europe de l’Est et des grands clubs tels que le Real Madrid ou le FC Barcelone.

Pour sa part, la mission a pu constater la détermination de Michel Platini en la matière, autant que celle de l’instance chargée d’appliquer concrètement le fair-play financier.

M. Yves Wehrli, membre de la chambre d’instruction de l’instance de contrôle financier des clubs, a ainsi jugé utile de rappeler à la mission les récentes décisions de la chambre de jugement, le 21 décembre 2012, s’agissant des arriérés de paiement de plusieurs clubs européens. Parmi les huit clubs sanctionnés, figurait celui de Malaga, qualifié pour les quarts de finale de la Ligue des Champions de 2013, auquel l’ICFC a interdit de participer aux deux prochaines saisons des compétitions de l’UEFA pour lesquelles il se qualifierait au cours des quatre prochaines saisons. L’instance lui a en outre intimé de régler ses arriérés de paiement avant le 31 mars 2013. Depuis, les sanctions avec sursis pesant sur ce club, à savoir l’exclusion des compétitions pour une seconde saison, ont été levées, les arriérés de paiement ayant été apurés. On peut, comme M. Jérôme Champagne, considérer que l’allègement des sanctions serait le signe d’une volonté défaillante de l’UEFA. À l’inverse, on peut aussi – et c’est le cas des membres de la mission – y voir la démonstration de l’efficacité du dispositif de fair-play financier dont le but ultime n’est pas de sanctionner, mais bien de garantir la soutenabilité de la gestion des clubs de football professionnel.

La détermination de l’UEFA a en outre récemment bénéficié d’un soutien de poids puisque le tribunal arbitral du sport, saisi par le club de Malaga, a rejeté, le 11 juin dernier, son appel contre la décision de la chambre de jugement de l’instance de contrôle financier des clubs. Par conséquent, celle-ci est confirmée : le club espagnol est bien exclu, pour la saison 2013-2014, de l’Europa League pour laquelle il s’était qualifié et une amende de 300 000 euros à son encontre est maintenue.

Faut-il craindre que plusieurs grands clubs soient sanctionnés et ne participent pas aux compétitions européennes, ce qui pourrait les inciter à organiser une compétition parallèle, en ligue fermée ? Pour M. Yves Wehrli, si techniquement, cette éventualité n’est pas irréalisable, elle poserait de nombreuses difficultés. Les clubs en question s’excluraient de facto de leurs championnats nationaux et il leur faudrait financer l’organisation ainsi que la sécurité des événements. Une telle éventualité apparaît assez peu probable dès lors que les clubs européens, dans leur très grande majorité, se sont prononcés en faveur de l’application du fair-play financier lors des consultations préalables à sa mise en place.

C. UN DISPOSITIF QUI NE PEUT RÉGLER, À LUI SEUL, LES PROBLÈMES DU FOOTBALL PROFESSIONNEL

S’il représente une avancée certaine, le fair-play financier institué par l’UEFA n’est pas pour autant la solution ultime pour répondre aux difficultés du football professionnel moderne. Il ne s’applique pas à tous les clubs européens. Dans certains cas, ses principes sont de nature à accentuer les disparités financières et budgétaires entre clubs. Il devra aussi faire face à des situations complexes et délicates, et être définitivement validé par les instances européennes.

1. Une portée limitée aux clubs qualifiés pour les compétitions de l’UEFA

Le fair-play financier n’a vocation à s’appliquer qu’aux clubs qualifiés
– ou susceptibles de l’être à brève échéance – pour les compétitions interclubs organisées par l’UEFA. Ce sont quelques centaines de clubs, les plus prestigieux parce que figurant parmi les meilleurs de leurs championnats respectifs, qui se trouvent directement concernées par les règles édictées en 2010 et désormais en vigueur.

Dans son dernier panorama du football interclubs européen, portant sur l’exercice 2011, l’UEFA fixe à 378 le nombre de clubs ayant participé aux deux coupes européennes au cours des trois saisons précédentes ; sur les dix dernières années, ce chiffre atteint 578, soit moins du quart des clubs de football professionnel relevant d’associations affiliées à l’UEFA (14). C’est dire que s’il constitue un dispositif utile et pertinent, le fair-play financier ne peut à lui seul assainir la situation de tous les clubs qui se livrent à des pratiques financières et sociales douteuses.

Certes, en ciblant les clubs participant ou appelés à participer aux compétitions européennes, la règle de l’équilibre financier visera la plupart de ceux qui dépensent le plus, notamment en transferts de joueurs. La mesure devrait donc avoir un effet assez tangible sur les plus grandes « écuries » des principaux championnats qui, pour des raisons de prestige plus que financières, ne peuvent se passer des confrontations sur la scène européenne.

Dans les championnats les plus homogènes (l’Allemagne, l’Italie et, dans une certaine mesure, la France), l’effet d’entraînement devrait concerner un nombre non négligeable de clubs de taille moyenne puisque, par définition, les équipes susceptibles de décrocher une qualification en coupe d’Europe (et plus particulièrement en Ligue des Champions) ne sont pas toujours les mêmes. Dans les championnats marqués par de fortes disparités entre clubs de tête et clubs de milieu de tableau, en revanche, la situation pourrait être toute autre car l’attitude financière des entités ayant peu de chances de concourir dans les coupes européennes dépendra avant tout des orientations retenues par leur actionnariat.

Autrement dit, à défaut de règles nationales de contrôle de gestion instituées par les ligues et fédérations, certains clubs n’évoluant pas – pas encore, du moins – sur la scène européenne pourront continuer à adopter des comportements critiquables. Comme l’a indiqué à la mission M. Yves Wehrli, membre de la chambre d’instruction de l’instance de contrôle financier des clubs de l’UEFA, on peut souhaiter qu’à terme, un minimum d’harmonisation intervienne entre les ligues car rien ne serait pire que de voir certains clubs durablement exclus des compétitions européennes et continuer à exercer leur domination en championnat en violation des règles posées par l’UEFA ; cela poserait en effet un problème de compréhension par le public. On pourrait ajouter que celui nuirait, aussi, à l’équité et à l’équilibre des compétitions – et donc à terme, à l’attrait des compétitions.

2. Des règles qui risquent de consolider, sur le court et moyen terme du moins, les inégalités entre clubs

Le principe de l’équilibre financier des budgets des clubs inscrits dans les compétitions de l’UEFA, s’il répond à un objectif de saine gestion, présente le risque de figer les situations acquises par certains clubs avant le commencement de la période de référence pour l’examen des comptes. En effet, l’impératif d’équivalence entre recettes et dépenses n’a pas la même signification selon que le club considéré dispose de rentrées financières de quelques dizaines de millions d’euros (cas de la plupart des clubs de Ligue 1) ou de plusieurs centaines de millions d’euros (cas des vingt clubs européens disposant des plus fortes recettes). Dans le premier cas, les dépenses de recrutement de joueurs, indispensables à l’attractivité pour le public, restent nécessairement limitées tandis que, dans le second, elles peuvent prendre plus d’importance tout en restant gagées sur les recettes car ces dernières se situent à des niveaux bien plus élevés.

Il n’est d’ailleurs qu’à voir le soutien des clubs européens qui disposent des plus gros budgets aux règles ainsi instituées pour se demander s’il n’existerait pas une faille problématique dans le raisonnement des instances européennes. Pour prendre une image utilisée au cours des auditions de la mission, c’est un peu comme si les traders se réjouissaient d’une réglementation sensée mieux encadrer leurs rémunérations. En fait, il est effectivement à craindre que les grands clubs européens n’appuient le fair-play financier que pour mieux gêner de nouveaux entrants, désireux d’investir dans des clubs de moindre envergure, pour les concurrencer ; chacun sait pourtant que l’image de marque d’un club ne s’acquiert qu’avec le palmarès, et exige donc du temps.

Il n’est d’ailleurs pas surprenant de constater que les clubs qui nourrissent de grandes ambitions internationales et ont engagé une politique de développement soutenue soupçonnent l’existence d’un intérêt objectif des grands clubs européens à voir s’imposer une stricte application du fair-play financier à leur égard.

Ainsi, M. Jean-Claude Blanc, directeur général du Paris Saint-Germain, tout en se déclarant serein quant à l’application du fair-play financier, a déclaré comprendre que certains, comme le FC Bayern, soient désireux de figer les positions acquises et d’empêcher le Paris Saint-Germain de grandir pour parvenir, en cinq à sept ans, à un niveau comparable à celui qu’ils ont mis des décennies à atteindre.

Pour les représentants du Lille LOSC entendus par la mission, le fair-play financier européen devrait conduire à « couper les pattes » de clubs comme l’Olympique Lyonnais, l’Olympique de Marseille ou le club lillois qui souhaitent progresser, en figeant les situations.

Quant à M. Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, il a abordé la question sous un angle différent, en estimant que le dispositif constituait une avancée indéniable et nécessaire, mais dont l’application généralisée pourrait avoir pour effet de concentrer le football dans les grandes agglomérations dotées d’infrastructures développées (stades, réseaux de transports par exemple). Si tel était le cas, ce seraient les grands clubs actuels, déjà dotés de telles infrastructures, qui seraient avantagés.

Le risque serait donc celui de la constitution d’une « ligue fermée », risque évoqué par de nombreuses personnes entendues par la mission. Mais elles ont aussi été nombreuses à souligner, comme M. Jean-Luc Bennahmias, député du Parlement européen, que le système actuel, marqué par un lien quasiment déterminant entre le budget des clubs et leurs performances sportives, notamment pour la Ligue des Champions, s’apparentait déjà, de facto, à un tel système. M. Karl-Heinz Rummenigge, président du conseil d’administration du FC Bayern de Munich, a fait part d’une analyse assez proche lorsqu’il a souligné auprès de la mission que les questions financières étaient d’ores et déjà centrales dans le secteur du football et que la grande différence entre clubs de football professionnel européen résidait essentiellement dans la qualité de leur gestion.

Les promoteurs du fair-play financier rétorquent à ses détracteurs que les règles de l’équilibre budgétaire ont été instaurées en 2009-2010, pour une application en 2013-2014. Les investisseurs qui ont pris pied dans le football professionnel sont donc sensés l’avoir fait en connaissance de cause et disposer de plusieurs années pour se préparer au nouveau cadre applicable. Cette analyse a d’ailleurs été confirmée par les auditions de la mission : ainsi, M. Jean-Claude Blanc, directeur général du Paris Saint-Germain, a-t-il indiqué que le club parisien respectait déjà les critères du fair-play financier européen en dégageant des revenus suffisants, sa perte l’an dernier ne s’étant élevée qu’à 5 millions d’euros.

De surcroît, en instituant un équilibre « requalifié », qui ne tient aucunement compte des dépenses d’investissement et en formation, l’UEFA a souhaité permettre à tous les investisseurs de miser d’abord sur les infrastructures (et les augmentations de recettes de billetterie et d’hospitalité qui en découlent) ainsi que sur la formation pour accroître les ressources des clubs, avant d’envisager une progression de la masse salariale à due concurrence.

Le fait est, néanmoins, que le fair-play financier implique une stratégie de montée en puissance progressive des clubs désireux de se hisser parmi l’élite européenne. Or, dans le football contemporain et à l’heure de l’immédiateté médiatique, il n’est pas sûr que cette logique, pertinente sur la durée, corresponde aux attentes des investisseurs internationaux, soucieux de notoriété et de résultats à court ou moyen terme. Qui plus est, elle préserve les clubs qui se sont livrés à certaines dérives financières par le passé – comme en atteste leur niveau élevé d’endettement – pour développer leur palmarès et leurs revenus dérivés. Il y a là, indéniablement, une forme d’iniquité.

Depuis la saison 2001-2002, trente-trois clubs sont apparus au moins une fois dans le rapport « Football Money League » identifiant les vingt clubs européens aux recettes les plus importantes, publié par le cabinet Deloitte. Parmi cette trentaine de clubs, seuls treize n’ont jamais quitté le classement et, du fait de la mise en œuvre du fair-play financier, il y a tout lieu de croire qu’ils y figureront en bonne place de nouveau l’an prochain.

Évolution des recettes des vingt clubs européens les plus riches
depuis la saison 2001-2002

(En millions d’euros)

Clubs

2001-2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007

2007-2008

2008-2009

2009-2010

2010-2011

2011-2012

Real Madrid

152

192,6

236

275,7

292,2

351

365,8

401,4

435,6

479,5

512,6

FC Barcelone

139

123,4

169,2

207,9

259,1

209,1

308,8

365,9

398,1

450,7

483

Manchester United

228,5

251,4

259

246,4

242,8

315,2

324,8

327

349,8

367

395,9

Bayern Munich

176

162,7

166,3

189,5

204,7

223,3

295,3

289,5

323

321,4

368,4

Chelsea

143,4

133,8

217

220,8

221

283

268,9

242,3

255,9

249,8

322,6

Arsenal

140,6

149,5

171,3

171,5

192,4

263,9

264,4

263

274,1

251,1

290,3

Manchester City

93,5

90,1

89,4

104

102,2

152,8

189,6

265,8

Milan AC

158,9

200,2

222,3

234

238,7

227,2

209,5

196,5

235,8

235,1

256,9

Liverpool

153,5

149,4

139,5

181,2

176

198,9

210,9

217

225,3

203,3

233,2

Juventus

177,1

218,3

215

229,4

251,2

145,2

167,5

203,2

205

153,9

195,4

Borussia Dortmund

101,1

124

103,5

138,5

189,1

Inter Milan

124

162,4

156,5

177,2

206,5

195

172,9

196,5

224,8

211,4

185,9

Tottenham

100,4

95,8

100,1

104,5

107,2

153,1

145

132,7

146,3

181

178,2

Schalke 04

118,6

118,6

91,4

97,4

122,9

114,3

148,4

124,5

139,8

202,4

174,5

Napoli

114,9

148,4

OM

   

88

     

126,8

126,9

141,1

150,4

135,7

OL

71,9

84,3

 

92,9

127,7

239,6

155,7

139,6

148,1

132,8

131,9

Hambourg SV

101,8

120,4

127,9

146,7

146,2

128,8

121,1

AS Roma

136,3

132,4

108,8

131,8

127

157,6

175,4

146,4

127,7

143,5

115,9

Newcastle United

109,4

136,9

128,9

128,9

124,3

129,4

125,8

101

115,3

Aston Villa

84,4

109,4

Atlético Madrid

124,5

Benfica

85,1

Celtic

87,8

87

104,2

92,7

111,8

Everton

88,8

Fenerbahçe

111,3

Leeds

125,8

92

Rangers

86,2

88,5

SS Lazio

109,1

88,9

99,4

83,1

Valence

56,1

80,5

86,6

107,6

116,8

VfB Stuttgart

111,5

114,8

Werder Brême

97,3

114,7

West Ham United

86,9

Sources : Deloitte Football Money League (2001 à 2013) et Hell of a sport, blog de M. Boris Helleu, maître de conférences à l’université de Caen.

3. Une effectivité qui s’appréciera à l’épreuve des faits et de la jurisprudence

a) De délicats problèmes à trancher

La portée du fair-play financier de l’UEFA dépendra, dans une large mesure, de l’interprétation qu’en feront les instances chargées de l’appliquer à l’occasion de dossiers concrets impliquant des clubs sportivement prestigieux et économiquement importants.

L’instance de contrôle financier des clubs (ICFC) se trouvera donc en première ligne. Elle aura, notamment, à se prononcer sur les investissements massifs de bailleurs de fonds étrangers, aux moyens quasi illimités, et répondant, pour certains, à des intérêts extra-sportifs. De tels investissements posent la question de l’équité des compétitions en cas d’« excès » de fonds propres, c’est-à-dire lorsque la politique sportive des clubs ne donne lieu à aucune sanction financière en raison de l’abondance des moyens financiers mis à leur disposition. Le rôle d’appréciation de l’ICFC sera, sur ce point, important. Il lui appartiendra d’examiner attentivement les contrats pour déterminer s’ils procèdent d’une relation commerciale entre un club et un tiers parfaitement indépendant de lui – et n’appellent de ce fait aucune suspicion particulière – ou s’ils ont été conclus avec une partie liée au club (« relative party »), du fait de participations croisées au capital, d’une présence au capital du club ou d’une influence déterminante sur l’actionnariat de celui-ci. Dans ce dernier cas, de tels contrats devront être réévalués à leur valeur de marché (« fair market value »), en fonction des éléments de comparaison connus.

Il se peut donc que l’instance de contrôle décide de se pencher sur certains contrats de partenariat conclus par la société Gazprom et de grands conglomérats allemands avec des clubs d’outre-Rhin. On ne peut, non plus, exclure qu’elle souhaite se prononcer sur le contrat d’image, d’un montant compris entre 150 et 200 millions d’euros par an, conclu entre le Paris Saint-Germain et la Qatar Tourism Authority (15). Le caractère très innovant de ce contrat, formalisant l’association d’un pays et d’un club de football, devrait conduire l’instance de contrôle financier à déterminer si la Qatar Tourism Authority constitue une « partie liée » au club et si la valeur de son apport doit, ou pas, être réévaluée.

Si l’ICFC valide ce partenariat inédit, il est possible que d’autres investisseurs aux moyens conséquents s’en inspirent, ce qui pourrait conduire à relativiser la portée du fair-play financier. A contrario, si elle réévalue les contreparties financières pour le club francilien, on ne peut exclure que sa décision soit contestée en appel devant le tribunal arbitral du sport.

L’ICFC aura aussi, certainement, à étudier le cas de l’AS Monaco. Le retour du club en Ligue 1 et sa politique de recrutement de joueurs internationaux reconnus (avec, tout récemment, les arrivées de Radamel Falcao de l’Atlético Madrid, João Moutinho et James Rodriguez du FC Porto) permettent de penser qu’il pourra, bientôt, se qualifier pour les compétitions interclubs de l’UEFA. Le budget prévisionnel de l’AS Monaco était, pour la saison 2012-2013, de 30 millions d’euros. Le montant des dépenses engagées par le même club en juin 2013 sur le marché des transferts est de 117 millions d’euros. Il va lui falloir se conformer aux prescriptions du fair-play financier. Il n’est pas sûr que la stratégie d’investissement de son président, M. Dmitry Rybolovlev, soit jugée compatible avec les règles de l’UEFA.

Cette objection a été écartée par Mme Tetiana Bershada, administratrice du club, qui a indiqué à la mission d’information que pour les exercices 2011, 2012 et 2013, le club respectait les limites fixées par l’UEFA – soit, au maximum, 45 millions d’euros d’apports d’actionnaires. On peut toutefois s’interroger sur la soutenabilité de la stratégie menée au regard du fair-play financier européen. Compte tenu des montants dont il est fait état dans la presse à propos des récents recrutements du club (60 millions d’euros pour Radamel Falcao, 45 millions d’euros pour James Rodriguez et 25 millions d’euros pour João Moutinho), des apports d’actionnaires importants peuvent sans doute être attendus pour équilibrer les comptes du club. Il pourrait donc revenir à l’ICFC d’étudier plus attentivement la situation du club.

b) La compatibilité du fair-play financier avec le droit européen, une question en suspens

Certaines personnes entendues par la mission d’information – tels les représentants de l’AS Monaco, ou Mme Sophie Jordan, administrateur de BeIn Sport – s’interrogent sur la compatibilité de la réglementation de l’UEFA avec le principe de libre concurrence et les règles du marché intérieur européen, en ce qu’elle permettrait d’exclure des clubs de certaines compétitions en raison de leurs modalités de financement.

M. Jean-Luc Bennahmias, député du Parlement européen, s’est lui aussi inquiété de la sécurité juridique du fair-play financier. Il est vrai que sa compatibilité avec les règles européennes de la concurrence et de la liberté de circulation a été récemment mise en cause, une plainte ayant été déposée auprès de la Commission européenne par M. Daniel Striani, agent belge de joueurs, défendu par Me Jean-Louis Dupont, ancien avocat de M. Jean-Marc Bosman. Selon Me Dupont, en tant qu’accord par lequel des entreprises décident, conjointement, de limiter les investissements, le fair-play financier pourrait constituer une collusion d’intérêts et donc une violation des règles européennes de la concurrence. Il pourrait également enfreindre d’autres principes européens, comme la libre circulation des travailleurs et des services. Et, dans l’hypothèse où les objectifs poursuivis par le fair-play financier seraient considérés comme suffisamment légitimes pour justifier de telles atteintes à ces principes, la mesure décidée par l’UEFA aurait encore à satisfaire l’exigence de proportionnalité, c’est-à-dire être le moyen le moins restrictif pour atteindre ces objectifs.

Si les interrogations sont légitimes, on peut toutefois espérer que la réglementation de l’UEFA ne sera pas mise en cause sur de tels fondements. Les termes de la déclaration commune de M. Joaquín Almunia, commissaire européen chargé de la concurrence, et M. Michel Platini, président de l’UEFA, en date du 21 mars 2012, permettent un relatif optimisme en la matière, puisqu’elle indique que « la règle de l’équilibre financier reflète un principe économique sain qui encouragera davantage de rationalité et de discipline dans les finances des clubs et, par là même, contribuera à préserver les intérêts généraux du football » et même que « les principes qui sous-tendent le fair-play financier pourraient servir, avec des adaptations, de modèle à d’autres sports confrontés à des défis financiers similaires. »

Les propos tenus à la mission par MM. Jonathan Hill et Zenon Severis, chef de cabinet-adjoint et membre du cabinet de Mme Androulla Vassiliou, commissaire européen en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse sont également rassurants, puisqu’ils ont affirmé que la Commission n’éprouvait aucune inquiétude sur la proportionnalité des règles de l’UEFA par rapport aux principes européens fondamentaux de la libre circulation des travailleurs et de la concurrence. M. Joaquín Almunia, commissaire européen chargé de la concurrence, a pour sa part rappelé que sa déclaration commune avec Michel Platini manifestait un soutien communautaire sans équivoque au fair-play financier.

En dépit de ces assurances, les membres de la mission ont eu le sentiment que la Commission européenne n’était pas particulièrement offensive sur la question du fair-play financier et même, qu’elle adoptait une position de retrait prudent, laissant le soin à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer, in fine, sur la question.

Cette question délicate reste donc, pour l’heure, en suspens. Il est à espérer que le fair-play financier se verra confirmé dans son principe comme dans ses modalités, car le football professionnel en est arrivé à un point où il ne peut plus faire l’économie de mesures d’assainissement, tant pour assurer sa pérennité que pour garantir l’équité des compétitions. Ce défi s’impose à l’ensemble des clubs européens et notamment au football professionnel français, à la recherche d’un nouveau souffle.

II. – LES CLUBS FRANÇAIS DE FOOTBALL PROFESSIONNEL FACE À DES DÉFIS DÉCISIFS

Le cadre budgétaire qui, dans le prolongement de l’entrée en vigueur du fair-play financier, s’applique désormais aux clubs français, n’est pas en lui-même révolutionnaire. En effet, depuis 1984, une instance spécialisée de la Ligue de football professionnel, la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), exerce un contrôle juridique et financier des clubs affiliés à la Fédération française de football qui recourent à des joueurs professionnels et rend compte de leur situation dans un rapport d’activité annuel. L’examen de la situation de chaque club peut donner lieu au prononcé de sanctions, portant soit sur l’effectif sportif (interdiction partielle ou totale de recruter de nouveaux joueurs, recrutement contrôlé avec limitation du budget prévisionnel ou de la masse salariale prévisionnelle, limitation du nombre de joueurs du club pouvant être mutés dans l’équipe première), soit sur la participation du club aux compétitions (rétrogradation dans la division inférieure, interdiction d’accession à la division supérieure, exclusion).

À bien des égards, ce mécanisme, qui a pour fondement légal l’article L. 132-2 du code du sport, est un précurseur du fair-play financier. Il s’en distingue toutefois : il ne prescrit pas, à proprement parler, l’équilibre budgétaire des clubs mais garantit plutôt que ceux-ci disposent de ressources suffisantes, en fonds d’actionnaires, pour exercer leur activité jusqu’à la fin de la saison sportive et surmonter toute période de crise. Cette différence n’est pas anodine, dans la mesure où les critères du contrôle de gestion de la DNCG, contrairement au fair-play financier, ne figent pas les situations des clubs et prennent en compte la stratégie de développement de leurs actionnaires.

Aujourd’hui, parmi les cinq grands championnats européens, le championnat de France est sans doute celui dont les clubs présentent, globalement, les pertes les moins lourdes. Il n’en demeure pas moins que la recherche de l’équilibre comptable, pour se conformer aux règles de l’UEFA, va nécessairement induire une évolution de leur modèle économique, puisque leur développement sera désormais lié à leurs ressources. De ce point de vue, les défis sont réels car l’écosystème des clubs français est plus fragile que celui de leurs homologues européens.

A. DES ACTEURS EN SITUATION DÉLICATE, UN ENJEU ÉCONOMIQUE MÉSESTIMÉ

En France, l’image des clubs de football professionnel est assez paradoxale : véritables animateurs et étendards des territoires, ils suscitent à la fois passions, jalousies et critiques. Pas une semaine ne s’écoule sans que les conversations ne fassent état de résultats sportifs ; il en va de même, à travers les médias spécialisés, des transferts et des rémunérations de joueurs ou d’entraîneurs. En revanche, il est très rare que la contribution des clubs de football professionnel à la vie économique du pays, à l’emploi et au sport amateur soit mise en exergue. Elle est pourtant essentielle et justifie que la représentation nationale s’intéresse aux conséquences que peut avoir, sur les clubs professionnels, la mise en œuvre du fair-play financier au sens de l’UEFA.

1. Un secteur créateur d’activité économique aux plans national et local

Contrairement à une idée trop largement répandue, les clubs de football professionnel ne se réduisent pas à des équipes de joueurs et à leur encadrement technique. S’il s’agit de structures poursuivant d’abord un objectif sportif, ils jouent aussi un rôle économique de plus en plus significatif, représenté de manière synthétique par le schéma suivant.

L’écosystème du football professionnel français

Source : Ernst and Young-UCPF, 2ème baromètre Foot Pro, 2012.

a) Un poids substantiel au niveau macro-économique

Reposant sur une vaste enquête auprès des clubs de football professionnel français, des collectivités territoriales où sont implantés ces clubs et des acteurs économiques locaux, le deuxième baromètre « Foot pro » publié sous l’égide d’Ernst and Young et de l’Union des clubs professionnels de football (16) a mis en exergue que, pour la saison 2010-2011, 24 937 emplois et 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires dépendaient de ce secteur d’activité. Ces deux paramètres étaient d’ailleurs en hausse, de 2 %, pour le premier, et de 10 %, pour le second, du fait notamment de l’expansion des paris sportifs en ligne et de la modernisation des stades destinés à accueillir l’Euro 2016.

Impact économique et social du football professionnel français sur la saison 2010-2011

 

Chiffre d’affaires (1)

Évolution par rapport à la saison 2008-2009

Proportion du chiffre d’affaires de l’ensemble de la filière

Emplois

Évolution par rapport à la saison 2008-2009

Proportion des emplois de l’ensemble de la filière

Clubs

1 243

– 3 %

25 %

4 892

+ 2 %

20 %

Niveau local

660

+ 18 %

13 %

10 717

+ 2 %

43 %

Niveau national

3 167

+ 13 %

62 %

9 327

+ 1 %

37 %

Total

5 070

+ 10 %

100 %

24 937

+ 2 %

100 %

(1) En millions d’euros.

Source : Ernst and Young-UCPF, 2ème baromètre Foot Pro, 2012, p. 5.

Quelques éléments de comparaison permettent d’illustrer l’importance de ce poids économique. La production et la postproduction de films, hors télévision, donnent lieu à 4,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient 19 000 salariés (17), la filière photovoltaïque et ses quelque 200 petites et moyennes entreprises industrielles comptent environ 24 000 emplois et créent un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’euros (18), tandis que le marché du livre emploie près de 20 000 personnes, dont 14 000 dans les librairies indépendantes.

L’activité directe des clubs de football professionnel ne représente que le quart de celle de l’ensemble de la filière ; elle est même la seule à avoir subi une légère contraction par rapport aux saisons antérieures, notamment en raison d’une baisse de la fréquentation des plus grands stades liée au début de leur modernisation dans la perspective de l’Euro 2016 et, sans doute aussi, du fait de la crise économique.

L’activité des clubs a des répercussions importantes sur plusieurs secteurs spécifiques, aux premiers rangs desquels figurent les médias et les paris sportifs, notamment en points de vente (plus communément appelés paris « en dur ») avec plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour chacun. À l’exception notable de la presse spécialisée et de la production audiovisuelle des matches, beaucoup de secteurs liés, d’une manière ou d’une autre, au football ont connu, lors de la saison 2010-2011, un certain dynamisme. Il faut y voir le fait que ce sport professionnel est porteur et ne peut plus uniquement être considéré sous l’angle de la compétition.

Impact économique sectoriel du football professionnel français
sur la saison 2010-2011

Secteurs

Chiffre d’affaires (1)

Évolution par rapport à 2008-2009

Emplois (2)

Évolution par rapport à 2008-2009

Médias télévisuels

1 096

+ 4 %

3 132

+ 4 %

Presse

330

– 21 %

1 016

– 13 %

Médias Web

14

+ 82 %

Non disponible

Radios

22

+ 2 %

339

+ 2 %

Paris sportifs en dur

1 031

+ 47 %

744

+ 47 %

Paris sportifs en ligne

64

46

Jeux vidéo

106

+ 12 %

361

– 10 %

Production et distribution d’équipements sportifs

153

+ 1 %

1 138

– 4 %

Instances du football

61

+ 17 %

131

+ 21 %

Production audiovisuelle des matchs

28

– 9 %

219

– 9 %

Consommation des joueurs professionnels

158

=

1 333

=

Consommateurs du personnel des clubs

104

+ 3 %

868

+ 3 %

Total

3 167

+ 13 %

9 327

+ 1 %

(1) En millions d’euros ; (2) en milliers.

Source : Ernst and Young-UCPF, 2ème baromètre Foot Pro, 2012, p. 12.

Tous ces constats ne sont pas neutres sur le plan fiscal : le football professionnel participe activement à la solidarité nationale. Sur la saison 2010-2011, les recettes publiques ainsi perçues se sont élevées à 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de 16 % par rapport à l’exercice précédent. La contribution sociale et fiscale des clubs et de leurs salariés s’est élevée à 622 millions d’euros, tandis que les impôts et cotisations sociales acquittés par les autres acteurs de la filière ont été estimés à 655 millions d’euros (19).

b) Des relais de développement et des vecteurs de rayonnement pour les territoires

Comme les petites et moyennes entreprises (PME) françaises, les clubs sont créateurs d’emplois de proximité, non délocalisables de surcroît. À près de 4 900 emplois directs (1 084 joueurs professionnels, 1 142 joueurs en formation, 733 personnels d’encadrement sportif et 1 933 personnels administratifs (20)), s’ajoutent plus de 6 900 emplois indirects (accueil et sécurité dans les stades, restauration, prestataires de santé, etc.) et environ 3 450 emplois induits (commerces de proximité, presse quotidienne régionale, bâtiment et travaux publics, notamment).

En effet, autour de l’organisation des compétitions et de la préparation quotidienne des équipes, gravite tout un ensemble de secteurs d’activités locales. Au cours de la saison 2010-2011, ils ont dégagé un chiffre d’affaires de 660 millions d’euros et recouru à plus de 10 700 emplois, contribuant ainsi activement au développement local.

Impact économique local du football professionnel français
sur la saison 2010-2011

Secteurs

Chiffre d’affaires (1)

Évolution par rapport à 2008-2009

Emplois (2)

Évolution par rapport à 2008-2009

Accueil et sécurité dans les stades

36

+ 13 %

6 276

+ 1 %

Restauration du public des matchs (buvettes)

124

– 3 %

1 435

– 10 %

Restauration pour les clubs (VIP, centres de formation, clubs)

29

+ 15 %

374

+ 15 %

BTP – stades

176

+ 418 %

1 352

+ 64 %

Vente de téléviseurs et matériels associés

38

– 48 %

206

– 49 %

Commerce

28

– 3 %

130

– 3 %

Prestataires de services aux clubs (conseil, comptabilité, etc.)

32

– 7 %

195

– 7 %

Entretien des stades

14

– 20 %

174

– 13 %

Prestataires de santé pour les clubs

6

+ 11 %

92

+ 39 %

Fournisseurs d’équipements informatiques

7

+ 21 %

Non
disponible

Non disponible

Distribution d’énergie

8

+ 34 %

Non
significatif

Non significatif

Transport du public

49

– 3 %

Non
disponible

Non disponible

Transport des joueurs

25

– 20 %

Non
disponible

Non disponible

Hébergement du personnel des clubs

8

+ 5 %

Non
disponible

Non disponible

Presse quotidienne régionale

79

– 1 %

321

+ 16 %

Total

660

+ 18 %

10 717

+ 2 %

(1) En millions d’euros ; (2) en milliers.

Source : Ernst and Young-UCPF, 2ème baromètre Foot Pro, 2012, p. 17.

La participation des clubs à l’essor local ne peut toutefois se résumer à des estimations de leur apport économique. Ils contribuent également à la notoriété et à l’image des territoires dont ils sont les ambassadeurs. Grâce à la forte médiatisation des compétitions auxquelles ils participent, ils facilitent la mise en avant de certaines métropoles et de leurs bassins d’emplois. Ce faisant, indirectement certes, ils promeuvent autant – sinon mieux – qu’une campagne de publicité nos territoires.

À tous ces titres, les clubs de football professionnel français sont des acteurs majeurs du développement local et national. Il est dommageable que cette dernière dimension soit trop souvent ignorée. Elle est pourtant fondamentale dans la réflexion à mener sur les adaptations à venir de leur modèle économique pour honorer les exigences nouvelles du fair-play financier.

2. Des clubs affichant des pertes chroniques

Sur la décennie écoulée, les clubs de football professionnel français n’ont présenté un résultat net global positif qu’à trois reprises, lors des saisons 2005-2006, 2006-2007 et 2007-2008. Depuis, leurs pertes ont atteint des niveaux notables (aux alentours de 50 millions d’euros sur les deux dernières saisons examinées par la DNCG), même s’ils ont peu à voir avec le total des pertes nettes des clubs européens de première division. Ces constats montrent que la santé financière des clubs de football français demeure malgré tout précaire et qu’il convient de s’en préoccuper.

a) Des indicateurs plutôt préoccupants

Les clubs de football professionnel français vivent au-dessus de leurs moyens depuis plusieurs années déjà. Sur la décennie passée, le solde global du secteur ne s’est révélé positif que sur trois saisons, coïncidant avec une période de revalorisation très substantielle des recettes tirées des droits de retransmission des matches. En effet, à l’issue de la saison 2004-2005, ces droits sont passés de 424,5 millions d’euros à 623,7 millions d’euros ; corrélativement, les comptes des clubs ont affiché un résultat net de 32,7 millions d’euros, après une perte de 27 millions d’euros.

Depuis la saison 2008-2009, en dépit du maintien des droits de retransmission des matches à un niveau élevé, les pertes se sont de nouveau accumulées. Le graphique ci-après illustre plus en détail cette évolution et met en relief les variations d’autres paramètres qui expliquent en partie ce constat.

Évolution des principaux agrégats des clubs français (Ligues 1 et 2) de 2002 à 2012
(en millions d’euros)

Source : Direction nationale du contrôle de gestion.

En lui-même, le niveau des pertes nettes des clubs de football professionnel français n’apparaît pas particulièrement alarmant si on le compare au montant accumulé à l’échelle européenne par leurs homologues, comme l’a d’ailleurs souligné M. Noël Le Graët, président de la Fédération française de football. En revanche, leur persistance – et même, pour la saison 2011-2012, leur aggravation –, peut inspirer l’inquiétude car elle illustre deux tendances déstabilisantes.

La première est un tassement des recettes, matérialisé par l’affaissement du chiffre d’affaires des clubs. Après une stabilisation en 2009-2010, la DNCG a constaté une diminution depuis 2010, tout en soulignant que, sur la saison 2010-2011 notamment, les clubs de milieu de tableau des Ligues 1 et 2 ont mieux résisté (chiffre en hausse de 4 %) que les trois clubs relégables de Ligue 2 (diminution de 15 %) et, de manière plus surprenante, que les quatre principaux clubs de Ligue 1 (baisse de 10 %).

L’ensemble des ressources des clubs semble aujourd’hui touché : les droits de retransmission des matches, qui représentent 58 % des recettes des clubs, ont été renégociés récemment, ce qui a conduit à des rentrées en baisse dès la saison 2011-2012. Ils ne devraient plus représenter que 48 % des budgets en Ligue 1 pour la saison 2012-2013. Les transferts de joueurs ont aussi donné des résultats décevants du fait de l’accalmie du marché à l’étranger, en raison des perspectives de l’entrée en vigueur du fair-play financier. Enfin, la fréquentation des stades et les ressources issues de partenariats ont également été affectées, suite à la dégradation sensible de l’image du football national depuis la coupe du monde sud-africaine et en raison de la conjoncture économique.

La deuxième caractéristique inquiétante est le maintien d’un déficit d’exploitation au-dessus de 300 millions d’euros (345 millions d’euros en 2009-2010, 312 millions d’euros en 2010-2011 et 334 millions d’euros en 2011-2012). Combiné à l’accroissement continu de la masse salariale (de plus de 80 % entre 2002 et 2012), ce paramètre montre que les clubs ne maîtrisent pas leurs dépenses, alors même qu’ils ont de moins en moins d’emprise sur leurs ressources. Dans une large mesure, aujourd’hui encore, les propriétaires couvrent les besoins de financement (170 millions d’euros ainsi apportés en 2009-2010, 130 millions d’euros en 2010-2011 et un record de 250 millions d’euros en 2011-2012), mais l’entrée en vigueur du fair-play financier rendra de telles pratiques de plus en plus difficiles.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’au-delà du simple aspect sportif, les clubs de football professionnel français ne soient pas très compétitifs par rapport à leurs concurrents européens, ce qu’a d’ailleurs souligné M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel. En effet, alors que le chiffre d’affaires des clubs de Liga espagnole a augmenté de 14 % entre 2009 et 2011, que ceux des clubs de Bundesliga et de Premier League anglaise ont respectivement crû de 11 % et 8 % sur la même période, celui des clubs de Ligue 1 a stagné, enregistrant même un léger recul de – 0,76 %. Concrètement, quand sont neutralisés les écarts de produit intérieur brut, on constate que les clubs français souffrent d’un déficit de compétitivité de 150 % par rapport aux clubs anglais, de 43,5 % par rapport aux clubs allemands et de 60 % par rapport aux clubs italiens.

Comparaison des chiffres d’affaires des clubs des cinq principaux championnats européens sur la saison 2010-2011 (en millions d’euros)


















Source : Ernst and Young-UCPF, 2ème baromètre Foot Pro, 2012, p. 8.

b) La conjonction de facteurs multiples, à la fois conjoncturels et structurels

Les difficultés financières rencontrées par la plupart des clubs de football professionnel français ont plusieurs causes. Certaines sont liées au contexte économique qui affecte la fréquentation des stades et les recettes dérivées. D’autres sont inhérentes au fonctionnement des clubs et largement imputables à la dérive de leur masse salariale en dépit de réelles tentatives, ces dernières années, pour la maîtriser.

● Un impact de la crise indéniable

Les clubs français évoluant en Ligues 1 et 2, malgré la ferveur populaire qu’ils continuent de susciter, ressentent les effets de la crise économique majeure que la plupart des pays européens traversent. En atteste l’évolution des recettes liées aux matches, dont l’élasticité dépend à la fois des capacités d’accueil des infrastructures et des revenus du public.

Chaque saison est rythmée par trente-huit journées de championnat (soit 760 rencontres au total pour les Ligues 1 et 2), auxquelles s’ajoutent les éventuelles participations aux coupes d’Europe, à la coupe de France et à la coupe de la Ligue. Or, selon la DNCG, le montant des recettes liées aux matches est passé, pour les quarante clubs évoluant en Ligues 1 et 2, de 159,6 millions d’euros lors de la saison 2009-2010 à 147,1 millions d’euros en 2011-2012, accusant ainsi une baisse de presque 8 %. Depuis 2008, la baisse d’affluence aux matches des seuls clubs de Ligue 1 a atteint 13,6 %.

L’impact de la crise se manifeste aussi sur d’autres postes de recettes.

Il en va ainsi, notamment, des subventions des collectivités territoriales qui, de la saison 2006-2007 à la saison 2011-2012, ont diminué de 28 % pour les clubs de Ligue 1 et de 35 % pour les clubs de Ligue 2. Elles s’élèvent désormais à 18,5 millions d’euros pour les premiers, soit 1,1 % du total des produits hors mutation.

Il en va de même du produit des mutations des contrats de joueurs (les transferts), dont de nombreux clubs français avaient fait un complément de ressources substantiel au cours des années 2000. Sous l’effet combiné de la crise et de la mise en place des règles de l’UEFA, les grands clubs deviennent plus regardants sur les indemnités négociées, sauf dans le cas de joueurs aux qualités exceptionnelles, comme Eden Hazard recruté à l’été 2012 par Chelsea contre une indemnité de transfert de 40 millions d’euros au LOSC. Mais alors que la balance des transferts affichait un solde global positif de 58,8 millions d’euros lors de la saison 2007-2008, de 41,9 millions d’euros la saison suivante et de 73,4 millions d’euros en 2010-2011, ce solde est devenu négatif de 38,9 millions d’euros en 2011-2012. Certes, on peut y voir, pour partie, le résultat de la politique de recrutement hors norme du Paris Saint-Germain. Pour autant, le fait est que la valorisation des joueurs sous contrat dans les clubs français a également pâti de la conjoncture, ce qui n’a pas manqué de se répercuter sur les résultats des clubs.

● Une absence de maîtrise de la masse salariale

Au-delà des aspects conjoncturels, les déséquilibres comptables qui affectent les finances des clubs de football professionnel français portent aussi et surtout la marque de handicaps structurels importants.

Le premier d’entre eux réside dans une dynamique non maîtrisée de la masse salariale, soulignée par la plupart des personnes entendues par la mission d’information. Pour les clubs évoluant en Ligues 1 et 2, charges sociales incluses, alors qu’elle était de 570,2 millions d’euros en 2002-2003, la masse salariale a franchi le cap symbolique du milliard d’euros en 2011-2012. La DNCG a d’ailleurs alerté à de nombreuses reprises les clubs sur le caractère inconsidéré de leur politique contractuelle.

Interrogée par la mission d’information, la Ligue de football professionnel a ainsi fait savoir que l’on compte quatre-vingt-seize joueurs professionnels percevant une rémunération minimum annuelle fixe supérieure à 1 million d’euros. Après prise en compte des primes variables, le nombre réel de joueurs concernés peut être estimé à environ cent vingt. Par ailleurs, sept entraîneurs perçoivent plus de 1 million d’euros.

Ce mouvement est évidemment lié à l’inflation et à la part prépondérante des rémunérations des joueurs : avec 489 millions d’euros, elles représentent 77 % du montant de la masse salariale des clubs de Ligue 1 selon la DNCG. Il est aussi lié à divers ajustements fiscaux et sociaux (suppression du droit à l’image collective en 2010, majoration de 2 points du forfait social en 2011) qui ont été compensés, au moins partiellement, par les clubs qui garantissent un niveau de rémunération net à leurs effectifs. On peut enfin noter que la part variable de la rémunération, liée aux résultats sportifs ou à la participation aux compétitions, est très limitée, ce qui réduit d’autant les marges de manœuvre des clubs pour maîtriser leurs dépenses.

Rémunérations par catégorie de salariés en Ligue 1 et Ligue 2

(En millions d’euros)

Catégories de salariés

2010-2011

2011-2012

Ligue 1

Ligue 2

Ligue 1

Ligue 2

Joueurs professionnels

450,4

72,2

489,6

92,4

Salaire de base

397

63,5

433,9

81,5

Primes variables

53,4

8,7

55,7

10,9

Entraîneurs et staff professionnel

49,4

11,4

54,7

14,8

Salaire de base

36,5

10,1

44,8

12,9

Primes variables

12,9

1,3

9,9

1,9

Autres joueurs

20,9

5,7

18

7,5

Salaire de base

16,7

5,2

15,6

6,3

Primes variables

4,2

0,5

2,4

1,2

Autres personnels

67,7

21,5

71,4

28,2

Salaire de base

63,6

21,1

66

27,8

Primes variables

6,1

0,4

5,4

0,4

Total

590,4

110,9

633,9

142,6

Source : Direction nationale du contrôle de gestion, Situation du football professionnel, saison 2011-2012.

Bien évidemment, lorsqu’à la dérive d’une masse salariale essentiellement constituée d’une partie fixe s’ajoutent les risques inhérents à l’aléa sportif, parfois insuffisamment anticipés, les possibilités d’ajustement des clubs sont réduites. Cela ne fait que rendre plus délicat le processus de redressement budgétaire induit par la perspective de l’application, à compter de la saison prochaine, du fair-play financier aux clubs évoluant dans les compétitions interclubs de l’UEFA.

3. Des situations à la limite du dépôt de bilan

Le dépôt de bilan se définit comme l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible. Il est à craindre que certains clubs français ne soient proches de cette situation. On connaît ainsi des cas de clubs qui n’ont pu, pendant une période heureusement limitée, assurer le versement des salaires de leurs joueurs en raison de leurs difficultés financières ou qui semblent avoir sérieusement envisagé le dépôt de bilan.

Comme l’a souligné M. Luc Dayan, président du Racing Club de Lens, le mode de fonctionnement des clubs s’apparente, sur certains points, à une véritable « cavalerie », la situation actuelle résultant en grande partie d’une manipulation comptable.

Les indemnités de mutation de joueurs ont longtemps été comptabilisées en produits exceptionnels. Puis, est apparue l’idée de comptabiliser les cessions et acquisitions de contrats de travail liant ces joueurs aux clubs au titre d’un actif incorporel amortissable tout au long de leur durée. Ainsi, la valeur nette comptabilisée lors de la cession d’un contrat est toujours inférieure au coût de l’opération initiale pour le club, ce qui lui permet d’enregistrer une plus-value comptable alors même que ce contrat serait cédé à une valeur moindre que celle pour laquelle il l’avait acquis. Ce qui n’était, au départ, qu’une pratique isolée s’est généralisé et a été validé, en 2004, par le Comité de la réglementation comptable (21).

Le taux de couverture des immobilisations incorporelles « joueurs » par les capitaux propres et les comptes courants est ainsi très volatile, bien qu’il tende globalement à s’améliorer : selon la Direction nationale du contrôle de gestion, de 95 % en 2008-2009, il est tombé à 83 % en 2009-2010, pour ensuite progresser à 104 % en 2010-2011 et s’établir à 111 % en 2011-2012.

On doit ajouter à cette convention comptable un décalage constant entre le budget prévisionnel des clubs qui se situe très en retrait de leur budget réel, ce qui a d’ailleurs été largement souligné, pour s’en inquiéter, par la Direction nationale du contrôle de gestion. Compte tenu de l’insuffisance des recettes pour couvrir les dépenses, il n’est dès lors pas étonnant que certains clubs professionnels soient endettés. On peut en outre craindre une dégradation de la situation des clubs qui se sont engagés à payer pour plusieurs années des loyers élevés pour l’utilisation des stades, qui constituent ainsi un passif latent.

Pour M. Luc Dayan, le système du football professionnel repose ainsi, finalement, sur l’endettement. Et c’est lorsque se pose la question du remboursement de la dette qu’apparaissent les difficultés, quand les clubs manquent de trésorerie au point qu’ils ne parviennent même plus à acquitter le loyer de leurs stades. La situation est encore plus critique pour ceux qui n’ont pas su anticiper l’aléa sportif ou qui ont compté sur des transferts non réalisés, la manne des droits de retransmission télévisée ayant sans doute contribué à ignorer ce problème. Il y a donc lieu d’être préoccupé par les indicateurs économiques des clubs français, même si ceux-ci semblent avoir engagé des actions pour assainir leurs budgets.

4. Un assainissement budgétaire en cours mais réalisé de manière contrastée

Du fait de l’existence de la Direction nationale du contrôle de gestion, les clubs français se trouvent globalement moins exposés au risque d’endettement que certains de leurs homologues, notamment anglais, espagnols ou italiens. Le tableau ci-après retrace l’évolution des trois agrégats comptables les plus pertinents pour apprécier la situation des clubs évoluant en Ligues 1 et 2 : tout d’abord, le résultat d’exploitation hors mutations (c’est-à-dire hors transferts), qui traduit le mieux l’activité des clubs en neutralisant tous les artifices comptables (impôts, éléments exceptionnels, abandons de créances) ; ensuite, le résultat opérationnel courant, qui inclut au résultat d’exploitation l’effet déterminant des transferts de joueurs ; enfin, la perte nette, qui illustre dans quelle proportion les charges et les pertes d’un exercice excèdent les produits et gains des clubs.

Évolution des résultats des clubs professionnels français de Ligues 1 et 2
sur les quatre dernières saisons contrôlées par la DNCG

(En millions d’euros)

Résultat

Saison
2008-2009

Saison
2009-2010

Saison
2010-2011

Saison
2011-2012

Résultat d’exploitation hors mutations

– 308

– 345

– 312

– 333

Résultat opérationnel courant

– 50

– 192

– 131

– 134

Perte nette

– 34

– 130

– 65

– 108

Source : Direction nationale du contrôle de gestion, rapports annuels.

Entre les saisons 2008-2009 et 2009-2010, la situation des clubs français s’est dégradée non en raison d’une politique budgétaire particulièrement dispendieuse, mais du fait de deux facteurs cumulatifs : en premier lieu, une activité en berne à cause de la conjoncture et, en second lieu, un marché des transferts particulièrement dégradé, responsable d’une baisse des profits sur mutations de 100 millions d’euros. Ainsi, à l’été 2010, vingt-neuf des quarante clubs évoluant en Ligues 1 et 2 étaient déficitaires, huit à l’équilibre et trois seulement en excédent.

Au cours de la saison 2010-2011, un net redressement des comptes a été entrepris, à l’exception notable toutefois des quatre principaux clubs de la Ligue 1 (Paris Saint-Germain, Olympique Lyonnais, Olympique de Marseille et Lille Olympique Sporting Club), du fait notamment d’une absence de maîtrise de leur masse salariale. La DNCG soulignait d’ailleurs, dans son rapport annuel, que « sans les pertes des quatre grands clubs de Ligue 1, celle-ci équilibrerait quasiment ses comptes. » (22)

Sur la saison 2011-2012, les clubs ont subi une aggravation de leurs pertes nettes (108 millions d’euros, dont 61 millions d’euros pour la Ligue 1), d’autant plus alarmante que, selon la DNCG, les pertes courantes sont restées stables autour de 130 millions d’euros et que rien ne semble les faire diminuer. Pour autant, en Ligue 1, onze clubs réalisent désormais des bénéfices, contre dix la saison précédente. Mais la DNCG note « l’inconfort des actionnaires des clubs qui n’ont pour certains plus les moyens ou la volonté de suivre », tandis que d’autres « ont les moyens susceptibles de remettre en cause une saine concurrence » (23). Les apports d’actionnaires ont atteint 250 millions d’euros sur la saison, contre 120 millions d’euros environ sur les deux exercices précédents. La politique du Paris Saint-Germain permet d’expliquer une bonne part de cette évolution.

La césure soulignée dès 2010 par la DNCG entre les quatre clubs français les plus dépensiers – plus communément identifiés sous l’acronyme « G 4 », par opposition au « G 16 » regroupant le reste des clubs de Ligue 1 – et les autres clubs professionnels de Ligue 1 et de Ligue 2 semble appelée à s’inscrire dans la durée. La raison réside, notamment, dans les différences de leurs actionnariats respectifs, les premiers étant accompagnés dans leur développement par des propriétaires aux moyens supérieurs à la moyenne, tandis que les seconds ne peuvent se permettre le moindre écart financier, même si le soutien de leurs propriétaires ne fait pas défaut.

Le tableau ci-après est, à cet égard, éclairant. Il montre que les déficits d’exploitation des quatre plus gros clubs de Ligue 1 n’ont cessé d’augmenter quand, dans le même temps, ceux de leurs concurrents ont diminué pour représenter, en cumulé, un montant inférieur alors qu’ils sont quatre fois plus nombreux. De même, les clubs de Ligue 2, à l’exception des trois relégables (G 3), ont cantonné leurs déficits à des niveaux soutenables au regard de leur chiffre d’affaires.

Évolution des déficits d’exploitation des clubs de football professionnel français,
depuis la saison 2008-2009

Saison

G 4 – Ligue 1

G 16 – Ligue 1

G 17 – Ligue 2

G 3 – Ligue 2

2008-2009

– 52 000 000 €

– 185 000 000 €

– 29 000 000 €

– 43 000 000 €

2009-2010

– 99 000 000 €

– 176 000 000 €

– 34 000 000 €

– 34 000 000 €

2010-2011

– 118 000 000 €

– 137 000 000 €

– 38 000 000 €

– 19 000 000 €

2011-2012

– 169 000 000 €

– 116 000 000 €

– 49 000 000 €

– 30 000 000 €

Variation 2008 - 2012

+ 225 %

– 37,2 %

+ 69 %

– 30,2 %

Part des déficits dans le chiffre d’affaires

– 37 %

– 21 %

– 29 %

– 57 %

Source : Direction nationale du contrôle de gestion.

En définitive, l’état des lieux financier des clubs de football professionnel français laisse transparaître de profondes différences entre, d’une part, les clubs aux plus gros budgets qui s’apparentent à des colosses aux pieds d’argile, du fait notamment de dépenses substantielles pour attirer ou conserver les joueurs les plus talentueux, et, d’autre part, une cohorte de clubs d’envergure plus nationale qu’européenne, dont la gestion reste plus saine et n’exclut pas nécessairement les performances ; à l’autre bout de l’éventail, les plus petits clubs de Ligue 2, exposés au risque de relégation, se trouvent eux aussi dans une situation fragile, moins du fait de leur masse salariale que de leur difficulté à conserver un actionnariat et des sponsors stables.

B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À BOUT DE SOUFFLE ?

L’appréciation portée sur la situation des clubs de football professionnel français varie selon les interlocuteurs interrogés. Pour certains, observateurs certes extérieurs mais avertis de l’économie du sport en général, la persistance de pertes nettes conjuguée à la mobilisation croissante des fonds des actionnaires traduit un déséquilibre profond et inquiétant pour l’avenir. Pour d’autres, plus liés au monde du football il est vrai, l’état des clubs professionnels français ne devrait pas alarmer outre-mesure, au motif que celui de leurs homologues européens est bien pire, à l’exception toutefois des clubs allemands. L’examen objectif des agrégats de l’économie du football moderne incite malheureusement davantage à pencher en faveur des premiers, les ressorts de développement des clubs français apparaissant à bien des égards grippés.

1. Une « télé-dépendance » préoccupante

L’économie des clubs de football professionnel français repose aujourd’hui principalement sur les revenus tirés des droits télévisuels liés à la retransmission d’images des Ligues 1 et 2. Cette singularité européenne n’a pas posé de difficulté majeure tant que ces droits ont augmenté. Mais, pour de multiples raisons, ceux-ci ont récemment été renégociés à la baisse et une telle éventualité – pourtant prévisible – n’avait pas été anticipée par les principaux intéressés.

a) Des ressources audiovisuelles prépondérantes

Les droits télévisuels, qui se subdivisent entre droits nationaux permettant aux médias de retransmettre sur le territoire français les images des compétitions des Ligues 1 et 2 et droits internationaux pour la retransmission hors de France, sont gérés de façon centralisée par la Ligue de football professionnel, sous mandat de la Fédération française de football.

Alloués pour des périodes quadriennales (sous la forme de lots mis aux enchères, lors de la dernière échéance), ils sont redistribués aux clubs selon une formule récemment révisée par la Ligue de football professionnel pour tenir désormais compte de la détention, par ces derniers, de la « licence club » (24). Pour la saison 2012-2013, la répartition des droits entre clubs de Ligue 1 est assise sur la solidarité (40 %), le classement sportif (25 % pour la saison en cours et 5 % pour les cinq saisons révolues), la notoriété (20 %) et la détention de la licence club (10 %).

● Des recettes prépondérantes

Le poids des ressources audiovisuelles dans les recettes des clubs professionnels français est important, au point qu’on peut parler de « télé-dépendance », comme cela a été souligné par de multiples intervenants. L’audition de Mme Christine Kelly, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, a permis de constater l’enjeu, pour les services de télévision, de la diffusion de compétitions de football.

Le marché des droits de diffusion de programmes sportifs est estimé, pour 2013, à 1,185 milliard d’euros (contre 510 millions d’euros en 2000), dont près de 52 % sont constitués par la commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle du championnat de France de Ligue 1. Le football concentre, à lui seul, 80 % du montant des différents droits détenus au titre des contrats en cours.

Montant des droits de retransmission télévisée au titre des contrats en cours en 2013,
par discipline sportive

Montant

Football

Rugby

Autres disciplines

Part du marché des droits

80 %

7 %

13 %

Montant total des droits
(en millions d’euros)

945

85

155

Dont montant pour les principales compétitions ou disciplines

Ligue 1 : 607

Ligue des Champions : 109

Championnats européens de première division : 68

Équipe de France : 35

Ligue 2 : 18

Coupe de France : 14

Top 14 : 33

Six Nations : 20

Coupe d’Europe : 14

Formule 1 : 30

Tour de France : 20

Roland Garros : 16,5

Montant par compétition pluriannuelle
(en millions d’euros)

Coupe du monde 2014 : 130

Euro 2016 : 110

Jeux olympiques de 2016 : 60

Source : Conseil supérieur de l’audiovisuel.

● Une dynamique de croissance qui semble s’être enrayée pour la période 2012-2016

Dans un contexte de renchérissement des droits, lié à la concurrence entre diffuseurs et au développement de l’offre de retransmission, de la fin des années 1990 au milieu des années 2000, la grande dépendance des finances des clubs à l’égard de ces droits télévisuels ne posait pas de problème particulier. Il se trouve que le contexte a récemment changé et que les clubs sont désormais contraints de s’adapter à une légère décrue de l’enveloppe à laquelle ils peuvent prétendre, alors même que le dernier rapport de la DNCG sur la situation du football professionnel pour la saison 2011-2012 relevait l’aggravation de la dépendance des petits clubs aux ressources audiovisuelles.

Sur la période 2008-2012, leur montant moyen par saison, pour les clubs de Ligue 1, s’est élevé à 668 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter, en moyenne par saison, 10 millions d’euros pour la diffusion de la meilleure rencontre de chaque journée de Ligue 2, 10,5 millions d’euros pour la coupe de la Ligue, 0,3 million d’euros pour le Trophée des Champions et 24 millions d’euros pour la diffusion internationale de matches de Ligue 1. Le montant des droits perçus représentait ainsi, en moyenne, 58 % des revenus des clubs de Ligue 1 pour la saison 2011-2012, alors que la moyenne européenne établie par l’UEFA se situait à 37 %.

Les droits de retransmission télévisée ont fait l’objet d’une nouvelle attribution, après appel d’offres, pour la période 2012-2016. Leur montant s’élèvera, pour les clubs de Ligue 1, à 607 millions d’euros en moyenne par saison, soit une baisse de 61 millions d’euros en moyenne par an par rapport à la période précédente. Orange a proposé une somme moins importante que prévue (25 millions d’euros) pour acquérir les droits « nomades » de diffusion des matches sur téléphones mobiles et tablettes. Cette diminution sera toutefois partiellement compensée un relèvement des droits de diffusion internationale des matches de Ligue 1, qui s’élèveront en moyenne à 31,5 millions d’euros par an. Au total, la part des droits audiovisuels dans les budgets des clubs de Ligue 1 pourrait s’établir à 48 % pour la saison 2012-2013, soit une baisse de dix points par rapport à la saison 2010-2011. Les droits acquittés pour les compétitions de Ligue 2 ont été revalorisés, mais dans une moindre mesure qu’espéré : la modification des horaires des matches le vendredi soir dans le sens souhaité par les clubs et les supporters (20 heures et non pas 18 heures 45) a en effet conduit BeIn Sport à revoir à la baisse sa contribution qui est passée de 12 à 9 millions d’euros par saison. (25)

Dans l’ensemble, les droits télévisuels négociés par la Ligue de football professionnel avoisinent ceux attribués en avril 2012 par son homologue allemande (2,5 milliards d’euros sur quatre ans) mais ils sont bien en deçà de ceux conclus en juin suivant par l’English Professional League (3,7 milliards d’euros sur trois ans).

Au dynamisme des recettes audiovisuelles liées à la retransmission des matches de football des Ligues 1 et 2 lors de la décennie écoulée succède donc une relative stabilisation, voire une diminution. Compte tenu du poids relatif de ces ressources dans le budget des clubs hexagonaux, il s’agit là d’une évolution qui peut affecter, à court terme du moins, leur santé financière.

b) Une manne non optimisée par défaut d’action collective

● L’incapacité à utiliser une partie des droits pour financer des actions d’intérêt collectif

Les clubs de football professionnel français font aujourd’hui face à un manque de relais de croissance car, comme l’a noté M. Luc Dayan, président du Racing Club de Lens, ils n’ont pas su anticiper la stagnation des recettes tirées des droits télévisuels. Leurs représentants reconnaissent eux-mêmes que la majoration de ces droits, intervenue dans les années 2000, les a conduits à privilégier les dépenses de recrutement de joueurs renommés – donc, un accroissement de la masse salariale – au détriment des investissements dans les infrastructures ou la formation des jeunes.

De fait, à la différence des clubs d’autres championnats, les clubs français ont accru leurs dépenses sans réellement se préoccuper d’un retournement éventuel de conjoncture. Pourtant, en 2004, alors que les droits télévisuels connaissaient un essor notable du fait de la concurrence entre TPS et Canal +, certaines voix s’étaient prononcées au sein de la Ligue de football professionnel en faveur d’une provision de 100 millions d’euros annuels sur ces recettes, destinée au développement du football. Cette idée fut rejetée, la majorité des clubs préférant recevoir l’intégralité des droits auxquels ils pouvaient prétendre, à proportion de leur poids dans le championnat. Déplorant cette attitude, M. Christophe Bouchet, ancien président de l’Olympique de Marseille et ancien vice-président du Tours FC, a craint qu’elle ne soit l’illustration de l’incapacité de la Ligue de football professionnel à fédérer une politique puissante et de rassembler l’ensemble des clubs sur un projet structurant à cinq ans.

Cette incapacité à dépasser les problématiques individuelles et le défaut de vision stratégique quant à l’utilisation des droits télévisuels se retrouvent également dans le choix délibéré, lorsque le contexte était porteur, de vendre la quasi-intégralité des images au plus offrant. La diffusion en France du championnat national est ainsi devenue l’exclusivité des chaînes payantes, contrairement à d’autres championnats où des matches sont retransmis aussi sur les télévisions publiques. Comme l’a indiqué Mme Christine Kelly, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Ligue de football professionnel a préféré maximiser les recettes plutôt que garantir une diffusion en clair des compétitions majeures et promouvoir l’image du football professionnel.

● La fragilité de la mutualisation des ressources entre football professionnel et football amateur

Le modèle français repose sur l’unité du sport, et donc la solidarité entre sport professionnel et sport amateur. C’est ce principe fondamental qui a conduit en 1999, sur l’initiative de Mme Marie-George Buffet, ministre chargée des sports, à instaurer un mécanisme de mutualisation des ressources tirées des droits télévisés. Ce dispositif, issu de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 et codifié à l’article 302 bis ZE du code général des impôts, repose sur une taxe prélevée sur les contrats de cession des droits de télédiffusion des manifestations sportives. Son produit, affecté au Centre national pour le développement du sport, contribue ainsi au financement du sport pour tous.

Or, dans un récent rapport sur le sport pour tous et le sport de haut niveau (26), la Cour des comptes s’inquiète de la probable érosion du produit de cette taxe – de 43,4 millions d’euros pour l’année 2012, tous sports confondus. Deux raisons, au moins, motivent cette préoccupation : la baisse des droits de retransmission négociés pour la Ligue 1 sur la période 2012-2016 ; à compter de 2014, la centralisation de la commercialisation, à l’échelon international (UEFA et FIFA), des droits de retransmission des rencontres en vue de la qualification pour l’Euro 2016 et la coupe du monde de 2018, qui n’entreront pas, de ce fait, dans l’assiette de la taxe. C’est donc le sport pour tous qui pourrait pâtir de cette situation.

La Cour s’alarme également du soutien financier réduit de la Ligue de football professionnel à l’endroit du football amateur. Aux termes de l’article L. 333-3 du code du sport, les produits de la commercialisation, par la ligue, des droits d’exploitation des sociétés doivent être répartis entre la fédération, la ligue et les sociétés. La part de ces produits destinée à la fédération et celle destinée à la ligue sont fixées par une convention passée entre la fédération et la ligue professionnelle correspondante.

Or, selon la Cour des comptes, la portée de ce principe est limitée. Elle note ainsi que « dans le cas du football, le protocole financier relatif aux saisons 2010-2011 et 2011-2012 a prévu une contribution financière unique en faveur du football amateur de 16,7 millions d’euros hors taxes par saison, alors qu’elle était de 21 millions d’euros pour les saisons 2008-2009 et 2009-2010. À compter de la saison 2012-2013, la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel se sont engagées à "pérenniser une contribution financière unique en faveur du football amateur qui sera calculée à hauteur de 2,5 % de l’assiette constituée des droits d’exploitation audiovisuelle négociés par la Ligue de football professionnel (nets de la taxe sur la cession des droits de diffusion prévue à l’article 302 bis ZE du code général des impôts) et des recettes de la Ligue sur les paris sportifs. Cette contribution ne pourra être inférieure à un minimum garanti fixé à 14,2 millions d’euros» (27).

Le défaut d’action collective se traduit ainsi, à plusieurs niveaux, par une utilisation sous-optimale des ressources tirées des droits télévisés, le football français professionnel ne parvenant pas à dépasser les intérêts particuliers des clubs qui le composent. L’exemple allemand montre pourtant qu’une démarche plus globale de la part des instances du football français aurait été possible. Jusqu’à peu, les clubs allemands bénéficiaient globalement de droits inférieurs à leurs homologues français mais pour de bonnes raisons puisqu’ils privilégiaient la diffusion en clair sur des chaînes publiques afin de préserver leur attractivité auprès du public. Le résultat s’est fait sentir tout à la fois sur l’image du football auprès de la population, sur la fréquentation des stades (sans égale en Europe) et à long terme sur le montant des droits télévisuels qui ont récemment augmenté (retour sur investissement).

Naturellement, une telle stratégie est plus facile à mettre en œuvre dans une conjoncture favorable que dans un contexte de crise. Il n’en demeure pas moins que, même si elle constitue un effort louable de visibilité pour le public français, la seule diffusion en clair des rencontres de la coupe de la Ligue n’est pas de nature à susciter suffisamment d’engouement auprès du public qui ne se déplace pas encore dans les stades.

2. Un public trop longtemps négligé, qui se détourne des stades

La présence du public aux matches est un paramètre essentiel du spectacle qui s’y joue : elle détermine l’ambiance et influence le comportement des équipes sur le terrain. Or la France est le pays européen où l’affluence dans les stades est la moins importante. La raison tient, pour beaucoup, aux conditions d’accueil et au confort des stades.

a) Une fréquentation en berne, qui affecte directement les recettes de billetterie

Des cinq principaux championnats européens, le championnat de France est celui qui draine, en moyenne, le moins de public vers les stades (moins de 20 000 spectateurs par match de Ligue 1). Ce constat est d’autant plus préoccupant que, comme le souligne l’UEFA dans ses récents rapports de benchmarking, après une baisse d’affluence lors des saisons 2008-2009 et 2010-2011, les compétitions ont globalement attiré de nouveau des spectateurs en Europe depuis lors (+ 2,5 % en moyenne, sur les saisons d’été 2011 et d’hiver 2011-2012).

Avec près de 42 500 spectateurs en moyenne par match, la Bundesliga allemande (dix-huit clubs seulement) enregistre le taux d’affluence le plus élevé, devant la Premier League anglaise (34 000), la Liga espagnole (un peu moins de 28 000) et la Série A italienne (24 600 environ). Une fréquentation moyenne de 20 000 spectateurs par match a permis aux Pays-Bas de ravir à la France la cinquième place en termes d’affluence. Concernant le remplissage des stades, les comparaisons sont également éclairantes : l’UEFA estime à plus de 90 % le niveau moyen d’occupation des infrastructures allemandes et anglaises, tandis que ce taux descend à 70 % pour les stades espagnols, un peu moins pour leurs homologues français (68 %) et environ 50 % pour les stades italiens.

Qui plus est, le cas français se caractérise par un volume assez élevé de places gratuites dévolues à la discrétion des collectivités locales. Le président de la DNCG l’évalue à environ 30 % (28), ce qui représente un manque à gagner significatif en termes de recettes de billetterie.

S’il est évidemment déterminant pour les recettes des clubs liées aux matches, l’indicateur de l’affluence ne détermine pas, à lui seul, cette source de revenus. En effet, le niveau global des rentrées financières les jours de match ne se résume pas à la billetterie d’entrée ; les spectateurs sont également consommateurs et les clubs l’ont bien compris. Mais sur ce plan aussi, la France accuse du retard.

Déjà, en 2008, avec une recette moyenne par spectateur de 17,3 euros environ, contre plus de 32 euros dans les championnats anglais, allemand, espagnol et italien, les clubs français souffraient d’un net désavantage comparatif (29). Le différentiel de recettes avoisinait ainsi 175 millions d’euros, soit 8,7 millions pour chaque club de Ligue 1. Avec l’affaissement de la fréquentation des stades et la conjoncture, la situation ne s’est pas améliorée, alors que la fréquentation du public et les tarifs des places constituent un levier important de restauration des équilibres comptables des clubs français.

Certaines personnes entendues par la mission ont jugé que le manque d’affluence du public dans les stades était imputable à un biais culturel, la France n’étant pas un « pays de football » si on la compare à ses voisins européens.

Cet argument peut être entendu, mais il n’explique pas, à lui seul, l’atonie de la fréquentation des stades. Comme l’a souligné M. Didier Primault, directeur général du Centre de droit et d’économie du sport, les clubs français souffrent aussi des carences de leur politique de promotion, très en retrait par rapport à celle d’autres clubs européens, notamment anglais ou allemands – sans même parler des pratiques des clubs américains de la National Basket Association qui y consacrent de dix à quinze salariés. L’abondance des droits télévisés a constitué une aubaine pour les clubs français qui n’ont pas été incités à structurer leur stratégie pour attirer un nouveau public, notamment familial, dans les stades. C’est ainsi que les horaires choisis pour les matches sont bien adaptés aux diffusions audiovisuelles mais ne permettent aux familles d’y assister aisément.

La qualité des infrastructures n’a pas non plus aidé à attirer un public familial. Il est, de ce point de vue, beaucoup attendu des opérations de rénovation et de construction de stades en vue de l’Euro 2016.

b) La modernisation des stades dans la perspective de l’Euro de 2016 : une démarche salutaire mais tardive

Bon nombre de personnes entendues par la mission ont souligné que le choix de consacrer l’essentiel des moyens d’investissement destinés à la coupe du monde de 1998 à la construction du Stade de France, au détriment de la modernisation des stades existants dans les villes hôtes, avait sans doute été une erreur stratégique. L’organisation de la coupe du monde en Allemagne en 2006 offre un contre-exemple éclairant : beaucoup de stades ont été modernisés à cette occasion, permettant aux clubs résidents de s’appuyer sur des enceintes adaptées aux attentes nouvelles du public.

Aujourd’hui, les stades sont bien plus que des lieux où se déroulent les compétitions sportives. Entre les années 1990 et la décennie suivante, leurs fonctionnalités et finalités ont profondément évolué. D’un équipement principalement destiné à l’accueil d’une compétition sportive hebdomadaire, le concept a mué vers la notion d’« aréna » susceptible d’accueillir des spectacles multiples, des congrès ou des conventions et s’intégrant dans un projet urbain. L’audition de M. Jacques Lambert, président de la société Euro 2016 SAS, a d’ailleurs permis de constater que le traitement du dossier des stades de l’Euro 2016 s’était attaché à satisfaire un certain nombre de critères (équipements sanitaires, espaces dédiés à des installations commerciales, équipements destinés aux entreprises) pour que les clubs disposent d’infrastructures modernes, attractives et confortables, et ainsi rajeunir, élargir et fidéliser le public.

Les stades modernes tiennent compte de cette évolution et proposent désormais des prestations variées qui en garantissent le confort et la sécurité, avec des facilités d’accès extérieur, un aménagement intérieur amélioré et des dispositifs de sécurité et de visibilité performants. Ce sont de véritables lieux de vie.

La France accuse désormais un réel retard en termes d’infrastructures par rapport aux grands championnats frontaliers. Le Royaume-Uni et l’Allemagne, ainsi que dans une moindre mesure l’Autriche et le Portugal, ont misé plus précocement sur l’évolution du rôle de leurs stades et la nécessité de leur modernisation. Notre pays dispose néanmoins de l’opportunité de combler, au moins en partie, ses insuffisances en la matière, puisqu’il s’est engagé à moderniser un certain nombre d’enceintes pour accueillir, d’ici trois ans, la quinzième édition du championnat d’Europe des Nations.

Dans son rapport remis au ministre des sports en 2008, la commission sur les grands stades de l’Euro 2016 présidée par M. Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, soulignait ce qui lui semblait constituer les trois faiblesses majeures des infrastructures des clubs nationaux, auxquelles il convenait de remédier pour assurer la viabilité économique du football professionnel français :

– en premier lieu, une faiblesse de capacités caractérisée par un nombre moyen de places avoisinant 30 000 sièges, contre 45 000 places en Allemagne, plus de 40 000 en Italie, 35 000 en Angleterre et 30 000 en Espagne ;

– en deuxième lieu, un sous-dimensionnement des espaces d’accueil de standing (espaces de réception et loges privatives), pourtant sources de revenus substantiels ;

– enfin, une trop faible multifonctionnalité, peu de stades (mis à part le Stade de France, le Parc des Princes, la Beaujoire à Nantes et le Stade Vélodrome à Marseille) accueillant indifféremment compétitions sportives et spectacles vivants.

En 2016, la France accueillera pour la troisième fois le championnat d’Europe des Nations. Elle est officiellement le dernier pays à organiser l’intégralité de cette compétition, puisque le comité exécutif de l’UEFA a décidé, le 7 décembre 2012, que l’Euro 2020 se déroulerait dans vingt villes européennes de pays différents. Initialement, douze enceintes avaient été retenues pour l’organisation des matches de poules puis des phases finales, réunissant pour la première fois vingt-quatre équipes au lieu de seize. Avec la défection de Strasbourg en 2010, pour des raisons à la fois sportives et financières, seuls onze stades serviront à l’accueil des compétitions.

À la différence de 1998, de gros investissements ont été consentis par les collectivités territoriales, l’État – à hauteur de 160 millions d’euros, même s’ils ont été prélevés sur les fonds destinés au Centre national pour le développement du sport –, et par des partenaires privés pour la modernisation ou la reconstruction des enceintes choisies. Au total, une enveloppe de 1,7 milliard d’euros y est consacrée.

Le programme de rénovation-reconstruction des stades retenus pour l’Euro 2016

Commune

Stade

Type de travaux

Capacité nette avant travaux

Capacité nette après travaux

État actuel des travaux

Date

Club résident

Saint-Denis (Paris)

Stade de France

Aucun

82 338

82 338

Pas de travaux

Équipe de France

Marseille

Vélodrome

Rénovation

60 031

67 548

En cours

juin 2014

OM

Décines-Charpieu (Lyon)

Stade des Lumières

Construction

61 556

En cours

été 2015

OL

Villeneuve-d’Ascq (Lille)

Grand Stade Lille Métropole

Construction

50 157

Terminé

août 2012

LOSC

Paris

Parc des Princes

Rénovation

47 428

47 428

Non débuté

été 2015

PSG

Lens

Félix-Bollaert

Rénovation

41 233

45 000

Permis signé

mars 2014

RC Lens

Bordeaux

Bordeaux Atlantique

Construction

43 500

En cours

été 2015

FC Girondins de Bordeaux

Toulouse

Stadium

Rénovation

36 500

43 000

Non débuté

été 2015

TFC

Saint-Étienne

Geoffroy Guichard

Rénovation

35 616

41 965

En cours

juin 2014

ASSE

Nice

Allianz riviera

Construction

35 624

Terminé

juin 2013

OGC Nice

Exception faite du Stade de France, à Saint-Denis, qui ne dispose d’aucun club résident mais ne devrait pas subir de travaux, ces efforts bénéficieront aux clubs appelés à utiliser au jour le jour de telles infrastructures, mais souvent à un horizon de plusieurs années. La configuration des installations, sans être systématiquement revue de fond en comble, a fréquemment fait l’objet d’améliorations destinées à développer l’offre de services et à donner plus de confort au public. À titre d’illustration, le grand stade de Lille dispose désormais d’un toit ajustable, permettant de recouvrir le terrain à raison des intempéries et de sécuriser la tenue des rencontres. De même, le stade des Lumières de Lyon a été conçu comme un complexe de sports et de loisirs, articulé autour des installations du club mais aussi de deux hôtels, d’une zone de loisirs sportifs et de bureaux.

La perspective de l’Euro 2016 a rendu inéluctables et accéléré un certain nombre d’investissements que la crise aurait sans doute conduit à reporter. De ce point de vue, les clubs des villes accueillant les matches du prochain championnat d’Europe des Nations pourront bientôt disposer d’infrastructures proches de celles de leurs concurrents européens dans les compétitions interclubs de l’UEFA.

Ces projets ont aussi un effet d’entraînement sur la rénovation et la modernisation d’autres stades non concernés par l’Euro 2016, certains clubs souhaitant, avec les collectivités territoriales, moderniser les infrastructures mises à leur disposition. Récemment, ont ainsi été inaugurés :

– le stade du Hainaut de Valenciennes (en 2011), qui a succédé à l’ancien stade Nungesser pour un coût de 75 millions d’euros et offre au public une capacité de 25 172 places, portée à environ 35 000 pour les concerts et autres représentations artistiques ;

– la MMArena du Mans (en 2011), qui a remplacé le stade Léon-Bollée pour un coût de 104 millions d’euros et dispose d’une capacité de 25 064 places assises pouvant être étendue à environ 40 000 places pour de grandes rencontres de rugby et des concerts ou des spectacles vivants ;

– le stade Océane du Havre (en juillet 2012), successeur du stade Jules Deschaseaux, construit sur la base d’un financement de 80 millions d’euros afin de permettre à 25 178 personnes d’assister dans de bonnes conditions aux matches du doyen des clubs de football professionnel français, le HAC, ainsi qu’à des représentations artistiques dans une configuration ad hoc.

D’autres projets importants existent, comme la modernisation du stade François Coty d’Ajaccio (qui sera rebaptisé stade Michel Moretti), dans lequel 15 millions d’euros ont été investis pour porter sa capacité à 13 500 places et en revoir la configuration. Peuvent également être cités le projet de nouveau stade pour Évian-Thonon-Gaillard (20 000 places) ou encore la modernisation de la tribune d’honneur du Stade du Moustoir à Lorient, même s’ils ne font pas encore l’objet d’une planification précise.

Au total, les chantiers engagés en faveur du renouvellement des stades de plusieurs villes françaises devraient contribuer au ressort économique des clubs résidant dans ces infrastructures. Les effets ne s’en feront pleinement sentir qu’à partir de la saison 2015-2016 (voire après, dans le cas du Paris Saint-Germain, puisqu’au-delà des travaux de rénovation qui seront engagés, pour un coût compris entre 70 et 80 millions d’euros, en vue de l’Euro, le club a pour objectif de se doter d’un stade d’une capacité de 60 000, voire 70 000 places). Ils n’en seront pas moins décisifs dans la stratégie de diversification et d’accroissement des revenus des clubs.

3. Le risque lié au poids des recettes résultant des transferts

L’actif des clubs de football professionnel français est essentiellement de nature incorporelle et se compose majoritairement des contrats des joueurs. Chaque joueur s’engage avec un club pour une durée déterminée, au cours de laquelle un transfert vers un autre club peut intervenir moyennant le versement d’indemnités au club « vendeur » par le club « acheteur ». Il existe actuellement deux fenêtres de transfert (« mercato ») autorisées pour les clubs : la première, qui intervient à la fin de chaque saison sportive, dure jusqu’à douze semaines et la seconde, en milieu de saison, porte sur une période plus réduite de quatre semaines.

La qualité de la formation de jeunes joueurs de haut niveau par les clubs français est aujourd’hui un atout essentiel, notamment dans la perspective de mutations ultérieures porteuses de plus-values significatives. Le bât blesse, cependant, lorsque l’économie générale des clubs repose pour une part substantielle sur les indemnités de transfert. Cela revient à bâtir l’équilibre financier de la filière en spéculant sur la valeur des joueurs évoluant en France et en comptant sur des recettes extrêmement volatiles.

a) La qualité reconnue des filières de formation françaises : la rançon du succès

Les résultats obtenus par la France en matière de formation des joueurs de football professionnel sont le fruit de décisions prises dans les années 1970 par le président de la Fédération française de football, M. Fernand Sastre, et par le directeur technique national de l’époque, M. Gérard Boulogne. L’idée était de favoriser une formation des jeunes âgés de 16 à 19 ans, au sein de structures adaptées rattachées aux clubs, la première du genre étant créée en 1973 à Nancy. Dans les années 1980, ces orientations ont été complétées au niveau de la préformation des jeunes âgés de 13 à 15 ans. Compte tenu de l’âge des intéressés, des critères très précis ont été fixés : poursuite de la scolarité dans un collège situé à proximité de la structure de préformation ; éloignement maximal entre le domicile du jeune et le centre de 200 kilomètres, de manière à favoriser les retours en famille le week-end.

Ces choix ont porté leurs fruits en permettant l’émergence de générations talentueuses de joueurs français. On citera plus particulièrement les filières issues des centres de formation du FC Nantes (Didier Deschamps, Marcel Dessailly, Patrice Loko, Mikaël Landreau, entre autres), de l’AJ Auxerre (Basile Boli, Éric Cantona, Philippe Mexès, Djibril Cissé, Abou Diaby, notamment), de l’Olympique Lyonnais (Ludovic Giuly, Florian Maurice, Karim Benzema, notamment) ou de l’AS Saint-Étienne (Willy Sagnol, Grégory Coupet et Bafétimbi Gomis, pour ne prendre que des exemples récents).

Aujourd’hui, l’architecture des filières de formation des joueurs français s’articule autour de :

– douze pôles « Espoirs », structures fédérales de préformation pour les jeunes de 13 et 14 ans, dont le plus célèbre est l’Institut national de formation de Clairefontaine. Les trois quarts des jeunes figurant dans ces pôles intègrent par la suite les centres de formation des clubs ;

– trente-deux centres de formation rattachés aux clubs de football professionnel. Agréés par le ministère chargé des sports et supervisés par la direction technique nationale de la Fédération française de football, ils accueillent le plus souvent une cinquantaine de jeunes de plus de 16 ans remarqués pour leurs bonnes prestations dans un club local. En moyenne, 20 % à 25 % de ces jeunes (soit 75 sur 300 à 400) effectuent par la suite carrière en Ligue 1 ou équivalent. Ils intègrent ces structures en tant qu’aspirants professionnels, avec un contrat de généralement deux ans, au cours desquels ils sont rémunérés 153 euros par mois. Par la suite, ils peuvent passer stagiaires professionnels et touchent alors entre 500 et 765 euros mensuels. Ces salaires minimaux sont déterminés par la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective, mais les clubs peuvent leur verser davantage, selon leurs moyens financiers et la valeur des intéressés.

Annuellement, les clubs de football professionnel français investissent, selon le directeur général de l’Union des clubs professionnels de football, entre 110 et 120 millions d’euros, soit plus de 10 % de leur chiffre d’affaires, dans leurs centres de formation. En moyenne, chaque club y consacre donc environ 3,5 millions d’euros chaque année, ce qui place la France aux premiers rangs européens en la matière.

Budget moyen des centres de formation
des clubs de football professionnel européens

(En millions d’euros)

Source : Ineum Consulting & Taj., Study on training of young sportsmen/women in Europe, 2008.

Ces orientations sont appelées à s’accentuer avec la volonté affichée des clubs de maîtriser davantage l’évolution de leur masse salariale. Lutter contre l’inflation salariale suppose en effet de donner leur chance aux jeunes talents formés localement, avant de leur permettre plus tard, moyennant éventuellement des droits de mutation générateurs de rentrées financières, d’évoluer dans un autre club, voire un autre championnat. L’investissement doit donc porter davantage sur la formation que sur l’acquisition à grands frais de joueurs de renom, à l’instar de ce que font des clubs comme le Stade Rennais (deuxième au classement des centres de formation établi par la Fédération française de football pour la saison 2011-2012, qui a favorisé l’éclosion d’internationaux tels que Yoann Gourcuff ou Yann M’Vila), l’Olympique Lyonnais (troisième, qui a donné leur chance en équipe première à Clément Grenier, Maxime Gonalons, Alexandre Lacazette), le Montpellier Hérault Sport Club (septième, formateur de Benjamin Stambouli, Younès Belhanda et Mapou Yanga-Mbiwa), le Toulouse Football Club (huitième, avec des joueurs tels qu’Étienne Capoue, Franck Tabanou et Moussa Sissoko) ou encore le FC Girondins de Bordeaux (onzième, révélateur, entre autres, de Marouane Chamakh, Marc Planus ou Benoît Trémoulinas).

Au demeurant, une récente étude réalisée par le Centre international d’étude du sport de l’Université de Neuchâtel, classant les clubs de football professionnel européens en fonction du nombre de joueurs qu’ils ont formés et évoluant parmi l’élite des cinq principaux championnats continentaux, conforte cette stratégie (30). On y découvre que treize des quarante clubs européens les plus performants en matière de formation de joueurs de haut niveau âgés entre 15 et 21 ans sont français, ce qui place notre pays devant l’Espagne (huit clubs seulement), l’Allemagne (sept), le Royaume-Uni (cinq) et l’Italie (cinq). Dans ce palmarès, le club de Lyon occupe la seconde place derrière la prestigieuse Massia du FC Barcelone et devant le centre de formation du Real Madrid ; Rennes figure en quatrième place, devant Manchester United et le FC Bayern, Sochaux arrivant en septième position.

b) Une source de revenus volatile et trop indispensable pour beaucoup de clubs

La valorisation des joueurs dépend de plusieurs facteurs : certains sont liés aux spécificités des intéressés (âge, expérience, santé, poste de jeu, etc.), d’autres sont contractuels (échéance du contrat, clause de rachat, rémunération, etc.) et d’autres encore ont trait aux clubs eux-mêmes (nombre de clubs intéressés, possibilités financières).

Les activités de transfert revêtent une importance considérable pour de nombreux clubs. Dans son rapport annuel de benchmarking sur les clubs européens, l’UEFA range la France parmi les pays « exportateurs de talents », à l’instar des Pays-Bas, du Portugal ou encore de la Belgique. De fait, les rapports d’activité de la DNCG confirment ce constat, même si la tendance s’est infléchie au cours de la saison 2011-2012 du fait des acquisitions effectuées par le Paris Saint-Germain, qui à elles seules ont lourdement affecté la balance des transferts.

Évolution globale de la balance des transferts des clubs français de Ligue 1

(En millions d’euros)

Opération

Saison
2008-2009

Saison
2009-2010

Saison
2010-2011

Saison
2011-2012

Ventes de joueurs en France

+ 98,7

+ 103,1

+ 106,6

+ 84,9

Ventes de joueurs à l’étranger

+ 140,1

+ 60,2

+ 116,9

+ 106,9

Achats de joueurs en France

– 126

– 118,7

– 124,9

– 116,2

Achats de joueurs à l’étranger

– 70,9

– 136,3

– 25,2

–114,5

Solde de la balance

+ 41,9

– 91,7

+ 73,4

– 38,9

Source : Direction nationale du contrôle de gestion.

Si l’on excepte la saison 2009-2010, au cours de laquelle le montant des ventes de joueurs de clubs français à des clubs étrangers a été deux fois moindre quee celui des acquisitions de joueurs évoluant dans des clubs étrangers, les mutations de contrats de joueurs auprès de clubs étrangers se maintiennent à un niveau conséquent, supérieur à 100 millions d’euros. On doit noter l’impact important des acquisitions du Paris Saint-Germain sur la dernière saison de référence – soit 88,8 millions d’euros d’indemnités pour les arrivées, à l’été 2011, de Kevin Gameiro (11 millions d’euros), Salvatore Sirigu et Milan Biševac (3,5 millions d’euros chacun), Jérémy Ménez (8 millions d’euros), Javier Pastore (42,8 millions d’euros), Diego Lugano (5 millions d’euros), puis en janvier 2012, d’Alex (5 millions d’euros) et Thiago Motta (10 millions d’euros), sans oublier, durant l’été 2012, Zlatan Ibrahimovic (20 millions d’euros). Au-delà de ces opérations massives, la plupart des autres clubs français avaient, lors de la saison 2010-2011, continué à privilégier les recrutements de joueurs nationaux et les ventes des joueurs les plus expérimentés à l’étranger. Cette tendance s’est inversée lors de la saison 2011-2012, le solde de la balance des transferts redevenant négative pour les clubs de Ligue 1.

Il reste que la conjoncture n’est plus aussi porteuse pour les clubs vendeurs, ce qui a des répercussions sur le volume des rentrées financières enregistrées par la plupart des clubs français du fait des transferts, qui sont marquées par une grande volatilité. Ainsi que le démontrent les rapports annuels d’activité de la DNCG, la tenue du marché des transferts conditionne très largement les résultats comptables des clubs français. Si un solde positif de la balance des transferts ne garantit pas à coup sûr un résultat net global, un solde négatif donne en revanche l’assurance d’un déficit très marqué : en attestent les exemples des saisons 2002-2003 (déficits de 9 millions d’euros de la balance des transferts et de 151 millions d’euros pour l’ensemble des clubs), 2009-2010 (91,7 millions de pertes pour la balance des transferts et 114,1 millions d’euros pour l’ensemble des clubs) et 2011-2012 (solde négatif de la balance des transferts de 38,9 millions d’euros et perte nette de 108 millions d’euros pour l’ensemble des clubs).

Les mutations des contrats de joueurs sont par essence très volatiles et varient, à la fois dans leur nombre et leur produit, en fonction de la conjoncture que rencontrent les clubs potentiellement acheteurs. Qui plus est, les recettes tirées de ces indemnités ne peuvent être maintenues chaque année au même niveau, du fait de paramètres individuels très importants. L’indemnité du transfert d’Eden Hazard à Chelsea, à l’été 2012, a permis au LOSC d’encaisser quelque 40 millions d’euros et, par voie de conséquence, de terminer l’exercice sur un solde positif de 3,7 millions d’euros. Cependant, une rentrée financière d’un tel montant est par nature exceptionnelle, surtout dans le contexte actuel.

En dépit des risques intrinsèques d’une telle situation, il n’apparaît pas que les clubs de football professionnel français aient réorienté leur modèle de développement afin de ne plus dépendre aussi étroitement des ressources tirées des transferts de joueurs. Preuve en est que, malgré des valorisations en berne, le volume des transactions n’a jamais été aussi significatif dans le sens des départs hors de France, Paris Saint-Germain excepté. De surcroît, les prolongations de contrats de joueurs, avec revalorisation salariale à la clé, ne semblent plus nécessairement exclure l’hypothèse de transferts ultérieurs rapides, certains clubs misant sur ce préalable pour augmenter la valeur des indemnités envisageables à l’occasion d’un départ.

De telles pratiques, si elles ont leur logique financière, ne correspondent pas à une trajectoire de développement équilibré sur le long terme. Elles démontrent, au surplus, que l’économie du football moderne est dictée par les mouvements de joueurs plus que par les résultats sportifs, l’image des clubs ou encore les prestations offertes au public. Or, en entretenant le système spéculatif en place, elles placent les clubs dans des situations périlleuses.

4. L’emprise trop indirecte des clubs sur leur outil de travail

Déjà, en 2008, le rapport de la commission présidée par M. Philippe Séguin sur les grands stades de l’Euro 2016 soulignait que la prépondérance des concessions domaniales et des conventions d’occupation du domaine public « limite le développement des stades. Les clubs ne sont en rien incités à mettre en valeur le site (restauration, activités annexes), à investir dans des travaux d’aménagement (accroissement des espaces VIP). Ils n’ont de surcroît aucune garantie de rester l’usager unique ou privilégié de l’enceinte sur le long terme » (31). Et le rapport de souligner par ailleurs : « Cet état de fait emporte des conséquences dommageables : l’insuffisante exploitation économique des sites. [...] quant aux recettes "hors jours de match" (restauration, séminaires, diversification des spectacles), elles sont marginales, alors qu’elles représentent un complément de revenus substantiel chez nos voisins. » (32)

Reste que, dans la conjoncture actuelle, il est difficile pour des clubs ne disposant pas, dans leur grande majorité, de réserves foncières ni de capitaux suffisants pour conserver leurs meilleurs joueurs, d’envisager un schéma différent de celui qui, pour des raisons le plus souvent historiques et locales, les lie si fortement aux municipalités. La plupart des clubs de football professionnel français ne sont ni en position, ni en mesure de moderniser et développer les enceintes sportives nécessaires à leur activité, alors même que ce serait un levier de croissance de leurs ressources extrêmement puissant et durable. L’exemple du stade Allianz Arena, à Munich, est à cet égard éclairant.

L’Allianz Arena de Munich

● Mode d’exploitation du stade

L’Allianz Arena est une filiale détenue à 100 % par le FC Bayern de Munich. Le club perçoit donc l’intégralité des recettes tirées de l’exploitation du stade. Il acquitte, comme le second club munichois TSV 1860, un loyer pour l’utilisation du stade.

● Un excellent taux de remplissage

La capacité de l’Allianz Arena est de 68 000 places pour les compétitions internationales et 71 000 places pour les matches de la Bundesliga. La construction de la nouvelle enceinte a drainé un public important et permis de gagner 20 000 spectateurs supplémentaires par rapport au stade olympique, essentiellement des familles.

● Importance des espaces d’hospitalité et des recettes y afférentes

Les espaces d’accueil de l’Allianz Arena peuvent être utilisés en-dehors des jours de match. Ils occupent une surface importante – la surface totale du stade est de 170 000 mètres carrés – et accueillent congrès, séminaires d’entreprise et même fêtes de famille, soit 6 à 8 manifestations accueillies par jour en moyenne, 365 jours par an, ce qui représente l’accueil de 30 000 à 32 000 personnes. Les recettes tirées de cette activité sont cependant limitées par rapport à celles perçues les jours de match puisqu’elles représentent moins de 10 % du chiffre d’affaires du stade.

Toutes les loges du stade ont été louées pour cinq ans et la liste d’attente est, elle aussi, de cinq ans. Les contrats de location seront renouvelés en 2015 et une réflexion sera alors menée pour en augmenter éventuellement les tarifs. Ceux-ci dépendent, pour l’heure, du positionnement et de la taille des loges : ils sont compris entre 100 000 et 300 000 euros par an, pour une capacité moyenne des loges de 13 places.

Les recettes tirées des services d’hospitalité sont importantes. À titre d’exemple, 6 000 repas ont été servis dans les espaces de restauration du stade le jour du match de Ligue des Champions opposant le FC Bayern et le Barça ; si l’on y ajoute les snacks servis dans de simples kiosques, ce sont 400 000 euros de recettes supplémentaires qui ont été perçus. En moyenne, un spectateur dépense, un jour de match, 5 euros pour une bière et un snack.

En France, l’emprise trop indirecte des clubs sur leur outil de travail peut conduire à l’adoption de solutions inadaptées ou disproportionnées par rapport à leurs besoins. À Marseille, par exemple, il a été décidé par la municipalité de prévoir 7 000 loges alors que les 2 000 actuelles peinent à se remplir. À Lille, le stade possède un mécanisme spécifique pour déplacer la pelouse à l’occasion d’une configuration du stade en enceinte de spectacles vivants (concerts, etc.) ; unique en son genre, ce mécanisme est très coûteux et présente un intérêt faible au regard de solutions alternatives tout aussi efficaces.

5. La faiblesse des recettes tirées des partenariats sportifs

Selon la Direction nationale du contrôle de gestion, les recettes tirées des partenariats sportifs (« sponsors » et publicité) tendent à croître : d’un montant de 224 millions d’euros pour la saison 2010-2011 pour l’ensemble des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, elles se sont établies à environ 230 millions d’euros lors de la saison 2011-2012 (33), dont près de 184 millions d’euros pour la Ligue 1. En dépit de la crise, on peut donc constater, pour reprendre les termes de la Ligue de football professionnel, « une bonne tenue [...] du sponsoring, en légère hausse. Dans un contexte économique très délicat, cette progression de l’activité démontre un bon dynamisme global des principales ressources récurrentes des clubs » (34). Les prévisions de recettes pour la saison 2012-2013 sont d’ailleurs à la hausse, pour un montant de 196 millions d’euros pour les seuls clubs de Ligue 1. Les clubs de Ligue 2 s’attendent en revanche à une érosion de ces ressources, qui passeraient de 46,6 à 4,5 millions d’euros.

L’optimisme de la Ligue de football professionnel ne doit pas pour autant faire oublier que ces recettes, sur plus longue période, ont régressé : elles s’élevaient à 243 millions d’euros en 2007-2008, dont 192 millions d’euros pour les clubs de Ligue 1. En outre, comme le souligne la Direction nationale de contrôle de gestion, l’analyse montre la décrue des recettes de partenariat entre les budgets prévisionnels et les budgets réels de la saison 2011-2012 : d’un montant prévisionnel de 187 millions d’euros pour les clubs de Ligue 1, elles se sont finalement élevées à 183,8 millions d’euros ; l’écart est encore plus net pour les clubs de Ligue 2 qui comptaient sur 56,4 millions d’euros et n’en ont finalement perçu que 46,6.

Enfin, la comparaison internationale montre la marge de progression importante dans les recettes de partenariat des clubs français : selon le deuxième baromètre « Footpro » d’Ernst and Young, elles ne représentaient, pour la saison 2010-2011, que 17 % de leur chiffre d’affaires avec un montant de 179 millions d’euros, contre 418 millions d’euros (soit 27 % du chiffre d’affaires) pour les clubs italiens, 518 millions d’euros (30 % du chiffre d’affaires) pour les clubs espagnols, 523 millions d’euros (également 30 % du chiffre d’affaires) pour les clubs allemands et 600 millions d’euros (24 % du chiffre d’affaires) pour les clubs anglais. Pour la saison 2011-2012, selon la Direction nationale du contrôle de gestion, les recettes de partenariat ont représenté 16 % des produits hors mutation des clubs français, contre 25 % pour les clubs participant aux compétitions de l’UEFA.

La faiblesse de la part de ces ressources dans le chiffre d’affaires des clubs français peut s’expliquer par un contexte économique difficile, mais la position favorable de leurs concurrents européens tend à relativiser cette analyse. On ne peut exclure que les clubs français, disposant de la manne des droits télévisés, n’aient pas jugé utile de mener une politique suffisamment dynamique en direction des entreprises pour conclure des contrats de partenariat. Il est vrai, aussi, que comme on l’a dit plus haut, la France n’est pas un « pays de football ». Dès lors, les clubs français ont plus de difficultés à attirer des investisseurs qui sont également sollicités par d’autres sports, notamment le rugby qui jouit d’une image très positive.

6. Un soutien des collectivités locales moins affirmé

Les collectivités locales soutiennent largement le football professionnel :

– par application de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (dite « loi Buffet ») qui limite le concours des collectivités territoriales aux missions d’intérêt général et aux prestations de services ;

– par une participation au financement de la rénovation et de la construction de stades en vue de l’Euro 2016.

Leurs subventions aux clubs sont en nette diminution. Selon la Direction nationale du contrôle de gestion, pour la Ligue 1, elles ont diminué de 28 % en cinq ans pour s’établir 18,5 millions d’euros en 2011-2012, soit 1,1 % du total des produits hors mutation. La diminution a encore été plus nette pour les clubs de Ligue 2 (-30 %), en dépit d’un renversement de tendance pour la saison 2012-2013.

Évolution des subventions des collectivités territoriales aux clubs de Ligue 1 et Ligue 2 (base 100 en 2006-2007)

Source : Direction nationale du contrôle de gestion, Situation du football professionnel, saison 2011-2012.

Il est clair que les contraintes financières pesant sur les collectivités territoriales ne permettent pas d’anticiper, du moins à moyen terme, un soutien plus appuyé de ces dernières aux clubs professionnels, bien au contraire. Cela peut d’ailleurs renforcer les difficultés de certains d’entre eux, notamment de Ligue 2, qui sont plus dépendants de ces ressources.

Les auditions menées par la mission laissent à penser que les collectivités locales n’envisagent pas, pour l’instant, d’augmenter leurs subventions. Ce serait même un mouvement inverse de suppression pure et simple de ces dernières qui se ferait jour. Ainsi, Mme Arielle Piazza, adjointe au maire de Bordeaux chargée de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a-t-elle indiqué à la mission que la ville de Bordeaux versait au club des Girondins une subvention de 500 000 euros à laquelle il est prévu de mettre un terme à compter de la saison 2015-2016, le nouveau stade devant permettre au club de gagner en indépendance par rapport à la ville. M. Jean Vuillermoz, adjoint au maire de Paris chargé des sports, a signalé que le montant de la subvention de la ville de Paris au Paris Saint-Germain avait progressivement diminué, passant à 1,5 million d’euros, puis 1 million d’euros en 2012, jusqu’à une suppression complète de cette subvention en 2013.

Les clubs peuvent ainsi de moins en moins compter sur un soutien local qui leur permettrait de faire face avec sérénité à leurs obligations financières. L’érosion des subventions des collectivités tend donc à fragiliser leur situation, tandis qu’elle empêche ces dernières d’exercer un droit de regard plus exigeant sur le budget des clubs.

7. L’arrivée d’investisseurs étrangers : quelles conséquences pour le football professionnel français ?

Les clubs de football professionnel français ont toujours exercé une forme d’attraction pour les mécènes issus du monde des affaires. Jusqu’à l’été 2011, toutefois, ce phénomène concernait essentiellement des capitaines d’industrie nationaux ou européens, tel M. Robert Louis Dreyfus pour l’Olympique de Marseille, M. Jean-Michel Aulas pour l’Olympique Lyonnais, ou M. François Pinault pour le Stade Rennais. L’arrivée du fonds d’investissement qatari Qatar Sports Investments (QSI) au Paris Saint-Germain, suivie de celle du magnat russe M. Dmitry Rybolovlev à l’AS Monaco, ont changé la donne et ouvrent des perspectives nouvelles tout en suscitant aussi des interrogations.

a) Le gage, à court terme, de moyens supplémentaires et d’une dimension inédite pour le championnat

Depuis le milieu des années 2000, des investisseurs étrangers aux moyens colossaux se sont intéressés aux clubs de football professionnel européens. Jusqu’alors, les clubs étaient parfois détenus par des fortunes nationales (tel le Milan AC par M. Silvio Berlusconi ou Tottenham par M. Joseph Lewis). Le mouvement a débuté dans le championnat anglais, avec le rachat de Chelsea par M. Roman Abramovitch en 2003 – investissements et transferts additionnés, il y aurait dépensé un milliard d’euros en neuf ans –, suivi par la suite par le rachat, en mai 2005, de Manchester United par le magnat américain M. Malcolm Glazer (pour 1,1 milliard d’euros), celui de Manchester City par le conglomérat Abu Dhabi United Group (ADUG) pour près de 260 millions d’euros à l’été 2008 et, plus récemment, en avril 2011, la prise de contrôle d’Arsenal par le milliardaire américain M. Stan Kroenke.

Le championnat espagnol a également attisé l’intérêt de tels investisseurs, l’épisode le plus illustratif étant la reprise, en juin 2010, du Málaga Club de Fútbol par le cheikh Abdullah Bin Nasser Al-Thani de la famille royale qatarie, pour la somme de 36 millions d’euros.

Longtemps à l’écart, la France n’est plus en reste. Fin mai 2011, le fonds d’investissement QSI reprenait 70 % des parts du fonds américain Colony Capital dans le Paris Saint-Germain pour un montant compris entre 30 et 40 millions d’euros ; le 6 mars 2012, il a acquis le solde et est devenu le propriétaire exclusif du club parisien. Six mois plus tard, le 23 décembre 2011, M. Dmitri Rybolovlev a repris la majorité des parts de l’AS Monaco (club non français mais participant au championnat national), via sa société Monaco Sport Invest (MSI) et il s’est engagé à injecter un minimum de 100 millions d’euros sur les quatre prochaines années.

Cet attrait récent à l’égard d’investisseurs aux moyens conséquents peut constituer une opportunité pour l’ensemble des clubs français, notamment en donnant une visibilité nouvelle au championnat de France, susceptible, à terme, de se traduire par un intérêt accru du public et des médias et, in fine, par des recettes supplémentaires. Les efforts déployés par le Paris Saint-Germain – et, demain, par l’AS Monaco – pour attirer des joueurs de renom commencent à relancer l’intérêt sportif de la compétition (tant les concurrents sont désireux de battre une équipe dotée d’un tel potentiel sportif et financier). Par la même occasion, le jeu devrait prendre une dimension plus spectaculaire alors même que cet aspect semblait être l’un des points faibles des Ligues 1 et 2 ces dernières années.

En l’espace de deux ans, selon la société brésilienne de marketing sportif Pluri Consultoria, QSI a hissé la valorisation de l’effectif sportif du Paris Saint-Germain (321 millions d’euros, en décembre 2012) parmi les dix plus importantes d’Europe, derrière celle des équipes du FC Barcelone (671 millions d’euros), du Real Madrid (593 millions d’euros), de Manchester City (489 millions d’euros) et Manchester United (452 millions d’euros), du FC Bayern (429 millions d’euros) et de Chelsea (380 millions d’euros), mais devant celles de la Juventus (307 millions d’euros), d’Arsenal (291 millions d’euros) et de Tottenham (249 millions d’euros). Si elle rejaillit sur l’ensemble de la filière du football professionnel français, cette volonté de faire émerger un grand club capable de rivaliser sur le plan sportif avec les concurrents les plus prestigieux, qui prend effectivement corps, peut représenter une véritable chance.

b) Des risques de déstabilisation du football professionnel français

L’arrivée au sein de quelques clubs nationaux d’investisseurs étrangers aux moyens substantiels ne doit pas pour autant être considérée comme la panacée, ni même comme le gage d’un avenir nécessairement radieux.

Tout d’abord, elle pourrait être profondément déstabilisante pour les autres clubs, en accentuant les inégalités financières et sportives. Au niveau de la Ligue 1, par exemple, le fossé entre le budget du Paris Saint-Germain (plus de 300 millions d’euros) et ceux des huit clubs les moins pourvus sur la saison 2012-2013 (budgets inférieurs à 30 millions d’euros) correspond à un rapport de un à dix ; avec les autres clubs les mieux dotés (l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille), l’écart atteint tout de même un rapport de un à deux, voire de un à trois.

Corrélativement, les moyens sportifs à la disposition des clubs diffèrent notablement et les résultats, bien évidemment, s’en ressentent, même si certaines équipes réussissent parfois à rivaliser avec celle des clubs aux budgets les plus importants. Avec leur politique d’acquisition massive de joueurs prestigieux, la place en Ligue des Champions du Paris Saint-Germain et de l’AS Monaco dont le budget, la saison passée, était déjà de 30 millions d’euros – soit l’équivalent, pour ce club alors en Ligue 2, de celui du club de Valenciennes évoluant en Ligue 1 –, semble ainsi quasiment assurée pour les prochaines années.

Les budgets des clubs de Ligue 1 pour la saison 2012-2013

(En millions d’euros)

Clubs

Budget prévisionnel

Évolution sur un an

1. Paris Saint-Germain

300

+ 150

2. Olympique Lyonnais

145

– 5

3. Olympique de Marseille

110

– 30

4. Lille LOSC

100

+ 20

5. Girondins de Bordeaux

75

+ 5

6. Montpellier HSC

60

+ 27

7. Stade Rennais

50

– 2

8. AS Saint-Étienne

50

– 2

9. Sochaux FC

40

=

10. AS Nancy-Lorraine

38

=

11. Toulouse FC

36

– 4

12. FC Lorient

35

=

13. Valenciennes FC

30

=

14. OGC Nice

29

– 6

15. Évian-Thonon-Gaillard

28

+ 2

16. Stade Brestois

27

=

17. Reims (promu en L 1)

22

+12,5

18. AC Ajaccio

21

+ 5

19. Bastia (promu en L 1)

20

+ 11

20. Troyes (promu en L 1)

19

+ 11,5

Source : France football, L’Équipe, Sportune.fr.

Par ailleurs, l’histoire du football professionnel ne manque pas d’investisseurs qui n’ont pas rencontré le succès, en dépit des sommes consacrées à leurs clubs. Le cas le plus récent est sans doute celui du Málaga Club de Fútbol. Racheté en 2010 par un prince qatari, ce club a fait l’objet d’une politique de recrutement ambitieuse au cours des deux saisons suivantes. Sportivement, les résultats ont été au rendez-vous puisque le club s’est qualifié pour la Ligue des Champions et s’est affirmé comme le quatrième de la Liga espagnole. Financièrement, en revanche, les choses se sont révélées plus compliquées puisqu’à l’été 2012, plusieurs joueurs se sont plaints d’arriérés de salaires non versés, tandis que trois clubs (Villareal, Osasuna et Hambourg) ont saisi la Ligue espagnole de football professionnel pour des indemnités de transferts non honorées. Les dettes avoisinant 50 millions d’euros, le club a été contraint de procéder à des réorganisations internes et a fait l’objet d’une procédure d’instruction de l’instance de contrôle financier des clubs de l’UEFA.

En France, le cas du FC Nantes, repris à l’été 2007 par M. Waldemar Kita, un homme d’affaires franco-polonais, peut lui aussi être cité. Bien qu’il y ait investi entre 60 et 80 millions d’euros, ce club au passé sportif brillant et aux infrastructures de formation réputées n’a pas obtenu, jusqu’à la saison en cours, les résultats sportifs escomptés et il est demeuré en Ligue 2. On pourrait aussi évoquer l’exemple du Grenoble Foot 38, repris en 2004 par le groupe japonais Index Corporation : après une montée en Ligue 1 en mai 2008 et une bonne première saison parmi l’élite, la saison 2009-2010 s’est soldée par une redescente en Ligue 2 et la suivante par un dépôt de bilan débouchant sur une relégation administrative en CFA 2 (cinquième division) ; aujourd’hui, le club est remonté en CFA.

Il est aussi à craindre que les dépenses importantes auxquelles procèdent les nouveaux venus aient un effet de diffusion indirect auprès des autres clubs. C’est particulièrement le cas pour la rémunération des joueurs les plus performants qui peuvent solliciter, sur la base de comparaisons, non pas un alignement de leurs émoluments, mais des revalorisations salariales parfois sensibles pour les comptes. Les rivaux du Paris Saint-Germain ne pouvant exclusivement s’appuyer sur de jeunes joueurs formés localement, par définition moins exigeants car en début de carrière, le phénomène altère sensiblement leur capacité de recrutement et leur compétitivité sportive.

Enfin, l’attractivité nouvelle de certains clubs à l’égard d’investisseurs étrangers ne saurait faire oublier que d’autres, et non des moindres, sont à vendre et peinent à trouver des acquéreurs sérieux, tel le LOSC, comme annoncé dans la presse par son président M. Michel Seydoux. Il ne semble donc pas que le Paris Saint-Germain et l’AS Monaco puissent représenter un modèle pour l’avenir de la plupart des clubs professionnels français.

c) Des interrogations sur l’apparition d’intérêts extra-sportifs

De nouveaux investisseurs font leur entrée dans le monde du football professionnel. Le financement de clubs par des fonds souverains ou des agences gouvernementales étrangères constitue un phénomène inédit, mais aussi un défi pour le mouvement sportif, habitué à la figure d’un président affectivement attaché à son club et aux résultats sportifs de ce dernier. La conclusion, avec des clubs de bonne envergure, de contrats d’image destinés à promouvoir certains États, comme le Qatar, sur la scène internationale, pourrait essentiellement relever d’un positionnement diplomatique et d’une stratégie économique de diversification des ressources.

L’éventualité d’une reprise du RC Lens par un homme d’affaires azerbaïdjanais pourrait relever de la même problématique : l’investisseur potentiel, M. Hafiv Mammadov, déjà partenaire de l’Atlético Madrid dont le maillot porte le slogan « Azerbaïdjan, land of fire », a laissé entendre l’intérêt géopolitique que pourrait présenter son investissement dans le club lensois pour l’Azerbaïdjan, qui s’est d’ailleurs porté candidat pour accueillir des matches de l’Euro 2020. Dès lors, il n’est pas sûr que les intérêts sportifs se situent au premier plan des préoccupations de ces investisseurs, alors même que leurs moyens financiers font peser un risque non négligeable sur l’équité des compétitions.

La même observation peut être formulée s’agissant du soutien de mécènes privés aux moyens importants. Les interrogations apparaissent inévitablement, pour ce qui concerne tant la motivation de leurs investissements que la pérennité de leur engagement. Les clubs professionnels bénéficient indiscutablement, à court terme, d’un financement bienvenu et qui leur permet, pour certains, de « sortir la tête hors de l’eau ». Mais l’incertitude demeure, pour l’instant, sur la volonté réelle de ces mécènes de s’engager, sur le long terme, auprès des clubs de football professionnel français, d’autant que leur organisation financière est parfois complexe et peut faire intervenir des « paradis fiscaux ».

Il est dès lors légitime de s’interroger sur la pérennité du soutien de ces nouveaux mécènes : quel serait l’avenir des clubs s’ils décidaient d’y mettre un terme ? Cette question se pose, même si rien, dans les auditions menées par la mission, ne permet pour l’heure de prédire un tel désengagement.

M. Jean-Claude Blanc, directeur général du Paris Saint-Germain, a ainsi fait valoir que le fonds qatari propriétaire du club présentait certes la volatilité habituelle d’un actionnaire, mais affichait la volonté d’être présent dans le club dans le long terme : il en a d’abord été propriétaire à 70 %, puis désormais à 100 %. Son investissement dans le Parc des Princes s’élèvera au final à 50, voire 70 millions d’euros pour préparer l’Euro 2016 et celui dans le centre de formation, au-delà de l’acquisition de terrains, devrait être de 50 à 75 millions d’euros.

L’AS Monaco s’est lui aussi montré confiant quant à la pérennité de son actionnariat, soulignant que sa convention d’actionnaires prévoyait un montant minimal d’investissement pour chaque saison. D’après les représentants du club entendus par la mission d’information, le président M. Dmitry Rybolovlev, résidant à Monaco mais avec une société basée à Genève (Suisse), serait un passionné de football qui, après s’être défait de son entreprise d’engrais potassique, souhaiterait désormais se concentrer sur l’AS Monaco. La durée minimale de son engagement auprès du club est de cinq ans.

La mission d’information prend acte de l’actuelle volonté des propriétaires de ces clubs d’y investir massivement pour en faire des marques mondiales, tout en notant que la viabilité de leur stratégie dépend, aussi, du sort que lui réservera le fair-play financier de l’UEFA. Toujours est-il que ce nouveau « paysage » d’investisseurs constitue un enjeu inédit pour le football professionnel. Il lui faut désormais compter avec l’apparition d’intérêts extra-sportifs qui, s’ils lui sont pour l’instant bénéfiques, pourraient se révéler, sur une plus longue période, déstabilisateurs. Au-delà, il doit affronter des problèmes de nature structurelle qui expliquent, aussi, ses difficultés.

C. DES PROBLÈMES ENDOGÈNES ASSEZ PROFONDS, DOUBLÉS
DE CONTRAINTES EXOGÈNES

La situation économique des clubs de football professionnel français est le résultat tout à la fois de choix réalisés à plus ou moins bon escient, d’une conjoncture difficile et de problèmes inhérents aux acteurs du secteur. Ce dernier paramètre, même s’il n’explique pas à lui seul les handicaps rencontrés, mériterait d’être davantage pris en compte par les intéressés en raison de sa dimension structurelle.

1. Un football français en perte de confiance

a) L’érosion de l’institution fédérale

Le football professionnel français semble traversé par de réelles divisions, pour ne pas dire des fractures, qui nuisent à la défense de ses intérêts. Ces divisions prennent d’abord une forme institutionnelle, puisque plusieurs instances sont chargées de le représenter et d’en assurer la promotion auprès des pouvoirs publics.

Dans les faits, la Fédération française de football intervient assez peu, laissant ce rôle à la Ligue de football professionnel, gestionnaire des championnats masculins de Ligues 1 et 2 ainsi que de la compétition de la coupe de la Ligue. Délégataire d’une mission de service public dévolue à la fédération, la ligue a pour principales tâches :

– d’organiser, de gérer et de réglementer le football professionnel, tant en ce qui concerne les épreuves que la formation des joueurs et éducateurs ;

– de financer toutes les opérations ou les actions aptes à développer les ressources du football professionnel dans le but d’en assurer la promotion ;

– d’appliquer les sanctions prononcées par ses instances vis-à-vis des groupements sportifs membres et des licenciés ;

– enfin, d’assurer la défense des intérêts matériels et moraux du football professionnel.

Sur ce dernier point, la Ligue de football professionnel (LFP) est rejointe par l’Union des clubs professionnels de football (UCPF), née en 1990 pour défendre plus particulièrement les intérêts des clubs. Contrairement à ses homologues européennes constituées uniquement des représentants des clubs, la ligue accueille, au sein de son conseil d’administration, l’ensemble des acteurs du football : indépendants, joueurs, entraîneurs, arbitres, médecins, personnels administratifs, etc. Au regard de cette particularité, les clubs professionnels ont souhaité qu’un organisme qui leur soit plus spécifiquement dédié voit le jour.

Dans les faits, l’Union des clubs professionnels de football et la ligue portent des combats convergents. Il arrive, cependant, que leurs positions respectives comportent quelques nuances, ce qui peut brouiller certains messages.

À ce dualisme institutionnel, qui n’est pas porteur de simplicité, s’ajoutent des divisions entre les clubs, bien plus ravageuses dans leurs effets. Les positions de certains présidents de clubs semblent en effet parfois davantage dictées par la défense des intérêts propres à leur club que par celle de l’ensemble des clubs de football professionnel français. C’est ainsi que nombre de décisions stratégiques consistant à mutualiser davantage les recettes pour anticiper d’éventuels coups durs ou pour réorienter le développement de l’ensemble des clubs vers les éléments fondamentaux de long terme (notamment les infrastructures) ont buté sur les égoïsmes de certains dirigeants. Cette absence de solidarité se paie aujourd’hui, d’autant plus que les présidents des clubs ont toujours considéré qu’ils pouvaient s’en sortir tous seuls, ce dont on peut douter à la lumière des difficultés qu’ils rencontrent aujourd’hui.

La Fédération française de football semble particulièrement en retrait sur la question du football professionnel. Cette érosion de l’implication de l’instance fédérale est préoccupante. La volonté manifeste d’autonomie du football professionnel emporte le risque d’un lien distendu avec la pratique amateur – il est à cet égard éclairant qu’une revendication récurrente de l’Union des clubs professionnels de football porte sur l’attribution à la société, et non à l’association sportive, du numéro d’affiliation du club à la fédération. Une fois ce lien distendu, c’est le modèle français du sport, fondé sur la solidarité entre pratique professionnelle et pratique amateur, qui pourrait être mis en cause.

Les auditions menées par la mission ne permettent pas d’établir que l’on en serait arrivé à un tel stade. Pour autant, il est inquiétant d’entendre certains dirigeants parler d’un « football professionnel adulte » qu’il faudrait désormais traiter en tant que tel, déplorer le modèle français qui reposerait sur une « conception globalisante du sport », ou évoquer la nécessité pour le sport professionnel de « se démarquer » du sport amateur. Quand bien même ils reconnaissent la nécessité de maintenir un lien avec la fédération en raison de son rôle en matière d’éthique, on peut s’interroger sur l’autorité qu’ils confèrent à cette instance.

C’est ainsi le paradoxe d’un défaut d’esprit collectif dans l’un des sports les plus collectifs qui soient qui explique, du moins en partie, les difficultés du football professionnel français.

b) Une image gravement écornée

C’est peu dire que, depuis le comportement adopté devant les médias du monde entier par les joueurs de l’équipe de France qui participaient à la coupe du monde de 2010, l’image du football professionnel s’est notablement et durablement dégradée. La situation, à la fin de l’année 2010, était telle qu’ont même été convoqués, les 28 et 29 octobre, des « États généraux du football » dont on peut dire que leurs conclusions ont été décevantes et peu opérantes. La création d’une « Haute Autorité du football » ne semble pas, en effet, avoir permis de modifier, en profondeur, le mode de fonctionnement du football français.

Les clubs subissent aujourd’hui le contrecoup de cette image négative, après l’avoir entretenue par une politique salariale longtemps restée déraisonnable, le public ayant le sentiment que le football est devenu une activité d’abord économique qui s’éloigne de l’idéal sportif.

Jusqu’à la fin des années 1990, le rapport entre les territoires, leur population et les équipes locales était quasi fusionnel. Les résultats des clubs faisaient rejaillir sur ceux qui les supportaient de la notoriété et de la fierté. Une certaine identification aux équipes existait, notamment parce que la plupart de leurs joueurs étaient issus de la région ou avaient progressé grâce au club qui constituait alors pour eux une sorte de seconde famille.

Toutes ces valeurs ont disparu dans le même temps que de nouvelles réalités s’imposaient : libre circulation des joueurs, marché des transferts, « dumping » fiscal… Désormais, il n’est plus exceptionnel que des équipes soient constituées de joueurs, certes talentueux, mais privilégiant les conditions matérielles qui leur sont offertes au détriment du projet sportif ou collectif. Qui plus est, les paris sportifs envahissent les compétitions et font peser une menace sur leur sincérité, comme l’a récemment montré une enquête d’Europol. Enfin, et c’est somme toute beaucoup plus récent, le comportement sur et en dehors des terrains n’est lui-même plus irréprochable.

Comment, dans ces conditions, provoquer l’adhésion du plus grand nombre au spectacle proposé ? Un sondage sur l’image du football professionnel et les joueurs réalisé par l’institut Opinion Way pour l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) tirait déjà, en juin 2007, la sonnette d’alarme. On y apprenait que, pour les Français, les qualificatifs correspondant le mieux au football professionnel étaient, par ordre d’importance : « envahi par la publicité » (65 %), « corrompu » (53 %) et « cher » (48 %) ; il n’était « festif » que pour 12 % des sondés, « agréable à regarder » pour 9 % et « spectaculaire » pour 7 % (35).

Ces appréciations ne semblent malheureusement pas avoir évolué dans un sens positif, à en juger une plus récente étude de l’institut Médiascopie, réalisée à la demande du ministère des sports, entre le 24 février et le 5 mars 2011. Le football y affichait l’image la plus négative auprès des Français sondés.

S’il n’y a rien de surprenant à ce que le football ne suscite pas l’enthousiasme de tous, il est plus préoccupant de constater qu’une certaine unanimité se dégage pour porter sur ce dernier une appréciation négative. Cette distance qui s’est peu à peu installée entre les acteurs du football professionnel (les joueurs, les équipes techniques et aussi les dirigeants), d’une part, et le public (en général mais aussi les supporters), d’autre part, a fatalement eu des répercussions sur l’affluence aux stades les jours de matches.

2. Un manque d’anticipation des risques économiques inhérents à l’aléa sportif

Le déséquilibre structurel des clubs réside pour beaucoup – et notamment pour ceux aux budgets les plus conséquents – dans une insuffisante prise en compte de l’aléa sportif. Si le système de ligue ouverte, reposant sur un mécanisme de promotion-relégation, concourt pour beaucoup à l’intérêt des compétitions, il peut aussi conduire certains clubs à de réelles difficultés financières en cas de « descente », synonyme de moindres recettes et d’une exigence de restriction des dépenses parfois difficile à envisager. De ce point de vue, les auditions menées par la mission ont permis de constater que les points critiques correspondaient, bien souvent, à la non-participation à la Ligue des Champions ou au passage de la Ligue 1 à la Ligue 2.

Les prétendants à la qualification pour la lucrative Ligue des Champions excèdent le nombre de places offertes aux clubs français (seulement trois, dont une place qui impose de passer un ou deux tours préliminaires). Or, comme l’a remarqué M. Bernard Caïazzo, président du conseil de surveillance de l’AS Saint-Étienne, les clubs d’une certaine envergure se structurent pour faire face à cette compétition européenne.

Les prévisions budgétaires et les dépenses engagées sont donc souvent élaborées sur la base d’une hypothèse de qualification qui peut ne pas se concrétiser : pour la saison 2012-2013, par exemple, la participation du Montpellier Hérault Sporting Club en tant que champion de France 2012 a conduit pour la première fois depuis dix ans l’Olympique Lyonnais à être privé de cette compétition, sans que cette éventualité ait été initialement anticipée. Le groupe OL enregistre ainsi un net recul de ses recettes : sur les neuf premiers mois de l’exercice 2012-2013, ses recettes de billetterie ont diminué de 41,4 % par rapport à la même période sur l’exercice 20111-2012 ; ses recettes de partenariat et de publicité ont baissé de 15,7 % ; ses droits marketing et audiovisuels, de 29 % ; ses recettes tirées des produits de la marque, de 10 % (36). De même, l’Olympique de Marseille, lors de la saison passée, a obtenu des résultats en-deçà de ses prévisions et a dû recourir à son propriétaire, à hauteur de 20 millions d’euros, pour pallier le manque à gagner en résultant.

Les écarts entre budgets prévisionnels et réels ont d’ailleurs suscité la préoccupation de la Direction nationale du contrôle de gestion qui, dans son rapport annuel sur la situation du football professionnel pour la saison 2011-2012, a déploré que « les clubs présentent encore pour être admis dans les compétitions des budgets trop optimistes (écart de 20 % constaté entre les frais budgétés et les frais réels en moyenne sur les quatre dernières années) » (37). La DNCG en déduit qu’elle a pour tâche prioritaire de faire en sorte que les budgets présentés par les clubs soient réalistes et même qu’ils soient à l’équilibre, en notant que la perte inscrite au budget prévisionnel de l’exercice était de 60 millions d’euros alors que la perte réelle s’est élevée à 130 millions d’euros.

Ce phénomène de sous-estimation budgétaire de l’aléa sportif vaut tout autant pour les clubs aux moyens plus modestes et habitués au milieu de tableau, qui peuvent être amenés, sur une saison, à subir une relégation en Ligue 2 ou en championnat national.

Certes, certains clubs optent pour une gestion prudente : lorsqu’il a été entendu par la mission, M. Jean-François Fortin, président du directoire du Stade Malherbe de Caen, a indiqué ne pas savoir si son club évoluerait en Ligue 1 ou en Ligue 2 la saison suivante et avoir donc établi son budget comme s’il avait vocation à évoluer en deuxième division. Mais certains échecs peuvent être lourds de conséquence : relégué en Ligue 2, l’AS Nancy-Lorraine doit maintenant faire face à de lourdes conséquences économiques. Le club prévoit de passer d’un budget proche de 40 millions d’euros à un budget de 10 millions d’euros la saison prochaine et, selon M. Jacques Rousselot, son président, se prépare à se séparer de bon nombre de ses joueurs et du personnel administratif.

Enfin, l’aléa sportif peut aussi avoir des conséquences économiques lourdes pour les clubs en championnat national. Comme l’a indiqué M. Armand Lopes, président du Créteil Lusitanos, s’il est vrai qu’il existe un vrai fossé entre le championnat national et la Ligue 2, il faut aussi souligner les grandes difficultés qui peuvent survenir lorsqu’une accession en Ligue 2 est manquée de peu : le risque est grand, la saison suivante, que le club subisse un « pillage » de ses meilleurs joueurs par d’autres clubs, ce que le club du Lusitanos a appris à ses dépens.

Il est donc logique que la DNCG ait jugé désormais nécessaire de s’assurer de la pérennité des clubs au-delà de la seule saison sportive, en fixant à trois ans son horizon de travail, voire plus en fonction des clubs, et en exigeant d’eux des plans sur la même durée, intégrant des « scénarios catastrophes » afin d’apprécier leur capacité de réaction et les risques encourus, ce qui lui permettrait d’imposer des contraintes plus exigeantes en matière de fonds propres.

3. Des clubs confrontés aux disparités de réglementation entre États

Le cadre juridique et fiscal applicable aux clubs de football professionnel français n’a pas d’équivalent en Europe. Il est marqué par la conviction que le sport amateur et le sport professionnel doivent fonctionner en osmose ; pour ce faire, les pouvoirs publics ont cherché à éviter qu’un fossé ne se creuse entre ces deux mondes, tant au plan statutaire qu’au plan de la nécessaire contribution de tous aux finances publiques.

a) Un cadre juridique spécifique au regard des grandes formations européennes

À la différence de leurs homologues des principaux championnats européens, les clubs français de football professionnel restent étroitement liés au monde associatif amateur. Il s’agit là d’un choix politique fort, qui n’est pas toujours compris à l’extérieur de nos frontières.

En effet, il résulte de l’article L. 122-1 du code du sport que toute association sportive affiliée à une fédération et participant habituellement à des manifestations payantes dont les recettes dépassent 1,2 million d’euros ou employant des sportifs dont le montant des rémunérations dépasse 800 000 euros (cas des clubs de football professionnel) doit constituer une société commerciale pour la gestion de ses activités. Dès que ces seuils sont atteints, l’association dispose d’une année pour satisfaire à cette obligation. À défaut, elle est exclue des compétitions organisées par les fédérations.

Même lorsque les seuils ne sont pas atteints, toute association a la possibilité de constituer une société sportive pour la gestion de ses activités payantes. Cela peut se révéler particulièrement intéressant pour asseoir la santé financière des clubs et ouvrir la porte aux investisseurs privés.

Le sport n’étant pas une activité classique, le législateur français a longtemps considéré que les structures commerciales permettant de gérer la dimension économique de l’activité sportive ne pouvaient pas être les mêmes que celles qui gouvernent la vie des affaires traditionnelles. C’est la raison pour laquelle il avait créé trois structures ad hoc avec l’obligation d’adopter des statuts-types : l’entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (EUSRL), la société anonyme à objet sportif (SAOS) et la société anonyme sportive professionnelle (SASP). Depuis la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, les statuts des sociétés commerciales de droit commun (sociétés anonymes – SA –, à responsabilité limitée – SARL – et par actions simplifiées – SAS) ont toutefois été ouverts aux clubs.

L’association support des clubs ne disparaît jamais ; elle continue à gérer les activités non professionnelles qui, elles, ne relèvent pas des clubs. D’ailleurs, la participation des clubs à des compétitions ou des manifestations inscrites au calendrier d’une fédération sportive agréée relève de la compétence de l’association support.

Aujourd’hui encore, la plupart des clubs de football professionnel français relèvent des statuts ad hoc prévus par le législateur et non du droit commun des sociétés commerciales : plus d’une trentaine ont le statut de SASP et moins d’une dizaine celui de SAOS. Leurs homologues européens ont, pour leur part, privilégié le régime commercial usuel en droit des affaires : selon l’UEFA, seuls 40 % des 235 clubs engagés dans les compétitions européennes en 2012-2013 ont un statut associatif ou de société à but non lucratif, ce pourcentage baissant aux alentours de 25 % pour les 80 clubs qualifiés pour les phases de poules.

Certes, par étapes successives, le législateur français a ajusté le régime des clubs nationaux afin de favoriser une certaine convergence avec celui des autres clubs européens, mais des différences importantes subsistent, notamment en ce qui concerne la détention, par l’association, du numéro d’affiliation qui permet aux clubs de participer aux compétitions ou la possibilité de recourir facilement aux marchés financiers pour obtenir des capitaux ou céder des parts.

Comparaison des cadres juridiques applicables aux clubs
dans les cinq principaux championnats européens

Composants du régime juridique

France

Allemagne

Angleterre

Espagne

Italie

Existence d’une association : obligation légale

oui

oui

non

non

non

Propriété du numéro d’affiliation

association

société

société

société

société

Propriété de la marque

association ; cession possible à la société depuis le 1er août 2003

société -
association

société

société

société

Propriété des droits TV

société, depuis le 1er août 2003

nc

société

société

société

Introduction en bourse

oui, depuis le 30 décembre 2006

oui

oui

oui

oui

Multipropriété de clubs

non

jusqu’à 49,9 %

jusqu’à 9,9 %

jusqu’à 5 %

uniquement dans des divisions différentes

Le statut des clubs de football professionnel français est ainsi un peu plus complexe que celui des clubs étrangers. La raison tient à ce que des garde-fous ont été posés pour éviter une autonomisation croissante du secteur professionnel par rapport au football amateur.

Il est évidemment souhaitable de préserver le lien entre football professionnel et amateur. Dans un contexte de fragilisation des ressources, certains peuvent s’interroger sur la capacité des clubs à attirer des investisseurs potentiels rompus à des configurations plus lisibles et fonctionnelles. On notera toutefois qu’existent en Europe d’autres réglementations tout aussi contraignantes, telle la règle dite « 50 + 1 » en Allemagne. Alors qu’elle exclut qu’un actionnaire puisse détenir plus de 49,9 % des voix d’un club professionnel, l’association support devant rester majoritaire, elle n’a pas empêché la constitution de clubs à la situation financière saine et florissante, aptes à attirer des investisseurs et désormais cités en exemple, comme le FC Bayern.

b) Des disparités fiscales et sociales

Les prélèvements fiscaux et sociaux applicables aux joueurs évoluant en France et aux clubs de football professionnel français jouent un rôle dans la compétitivité internationale de ces derniers. Après une période de « dumping » fiscal et social assez nette, des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000, les disparités se sont néanmoins réduites sous l’effet des nécessités induites par la crise.

D’après Ernst and Young, la contribution sociale et fiscale des clubs de football professionnel et de leurs salariés s’est élevée à 622 millions d’euros pour la saison 2010-2011 (38). Elle devrait s’élever à 687 millions d’euros pour la saison 2012-2013, selon la Ligue de football professionnel.

Il convient de distinguer les prélèvements appliqués aux clubs de ceux qui concernent les joueurs, même si les seconds ne sont pas sans incidence sur les finances des clubs lorsque ceux-ci leur garantissent des rémunérations nettes d’impôts et de cotisations sociales (cas des joueurs étrangers internationaux de grande renommée recrutés hors de France, notamment).

Les clubs sont pour la plupart soumis au régime de l’impôt sur les sociétés lorsqu’ils réalisent des excédents et à la contribution économique territoriale. Ils s’acquittent d’une taxe sur les spectacles (sauf lorsque les collectivités locales les en exonèrent, créant par là même une certaine forme de discrimination) et assument la part patronale des cotisations sociales de leurs joueurs.

C’est bien ce dernier volet qui semble constituer l’élément le plus distinctif pour les clubs français. Selon M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, un joueur rémunéré 600 000 euros bruts par an coûte 612 000 euros à son club en Allemagne et 786 000 euros en France.

Le droit à l’image collective avait permis de diminuer cet écart mais sa suppression, au bout de deux ans d’application, aurait alourdi le poids des cotisations sociales supportées par les clubs français d’environ 40 millions d’euros. Créé en 2004 par la loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel, il permettait de faire passer 30 % de la rémunération des joueurs sous forme de droits à l’image exempts de charges sociales, et ainsi de réduire de 5 % à 7 % le poids de la masse salariale pour les clubs, le différentiel avec les clubs anglais ou allemands se situant alors à 16 points. Sa brutale suppression, dictée par des raisons budgétaires – la mesure représentait 95 millions d’euros en 2008 – et devenue effective au 30 juin 2010, a donc conduit à un renchérissement du coût des rémunérations versées par les clubs français, ce qui permet d’expliquer une part de l’augmentation de la masse salariale.

L’Union des clubs professionnels de football a communiqué à la mission d’information les résultats d’une étude menée par le cabinet Eversheds, datant de mars 2012 (39), qui conclut dans le même sens. Le moindre coût du travail – et donc des joueurs – pour les clubs étrangers est imputable soit à un niveau de cotisations patronales plus faible, soit à un mécanisme de plafonnement de ces cotisations. Quelles que soient les hypothèses retenues en termes de montant de salaire brut annuel, les clubs allemands sont ceux pour lesquels les cotisations sociales sont les moins élevées et renchérissent donc le moins leur masse salariale.

Coût, pour les clubs de football professionnel, des salaires bruts annuels de joueurs
dans les cinq principaux championnats européens

(En milliers d’euros)

Montant du salaire brut annuel

France

Italie

Royaume-Uni

Espagne

Allemagne

180

252

208

204

193

192

600

786

631

682

613

612

1 800

2 304

1 832

2 047

1 813

1 812

3 000

3 900

3 032

3 413

3 013

3 012

Source : Union des clubs professionnels de football & Eversheds, Le coût du travail dans les cinq ligues européennes majeures – la France désavantagée, mars 2012.

Pour ce qui concerne les joueurs, les salaires et avantages en nature, de même que les primes occasionnelles, relèvent de la taxation des traitements et salaires prévue à l’article 83 du code général des impôts. La même étude de mars 2012 établit que pour un joueur rémunéré 1,8 million d’euros brut par an (donc d’un certain renom), c’est en France que le montant net qu’il perçoit, après versement des cotisations sociales et imposition de son revenu, est le plus faible.

Montant net perçu par un joueur rémunéré 1,8 million d’euros brut par an
selon le pays d’implantation de son club

(En euros)

 

Italie

Allemagne

Royaume-Uni

Espagne

France

Cotisations sociales dues par le joueur

13 000

12 000

40 000

2 500

180 000

Impôt sur le revenu

82 000

905 000

874 000

918 000

910 000

Salaire net

964 000

883 000

886 000

880 000

710 000

Source : Union des clubs professionnels de football & Eversheds, Le coût du travail dans les cinq ligues européennes majeures – la France désavantagée, mars 2012.

Si ces données tendent à établir une moindre attractivité des clubs français par rapport à leurs concurrents européens sur un plan fiscal et social, faut-il pour autant craindre une fuite des talents vers l’étranger ? Lors de ses auditions, la mission a pu constater qu’une telle éventualité était sérieusement redoutée par les responsables de clubs français. Mais, dans le même temps, les propos tenus par M. Vikash Dhorasoo, ancien footballeur professionnel, permettent de relativiser ces craintes : selon lui, les joueurs professionnels ne changent pas de club en fonction du taux marginal d’imposition sur le revenu, mais selon les résultats sportifs des clubs qu’ils souhaitent intégrer.

On peut aussi rappeler que la fiscalité française offre des aménagements favorables aux joueurs. Le mécanisme de l’étalement des rémunérations, spécifique aux artistes du spectacle et aux sportifs (articles 84 A et 100 bis du code général des impôts) leur permet de maîtriser l’augmentation de leur imposition au cours de leur entrée dans le monde professionnel. Le régime de l’« impatriation » (article 155 B du même code) permet aux footballeurs étrangers recrutés par les clubs français et qui n’ont pas été résidents fiscaux en France au cours des cinq dernières années d’exonérer 30 % de leurs revenus de l’imposition pendant une durée de six ans.

Ces aménagements fiscaux permettent de nuancer les propos les plus pessimistes quant à la capacité financière des clubs français à attirer des joueurs de renom. On doit toutefois souligner que le nombre de joueurs professionnels bénéficiant du régime fiscal de l’impatriation est limité : d’après une réponse du ministre chargé du budget à une question écrite de notre collègue Marc Le Fur, « le nombre de sportifs professionnels salariés, y compris les joueurs de football, qui ont bénéficié de ce régime serait inférieur à trente pour un montant moyen de primes exonérées par bénéficiaire d’environ 206 000 euros en 2009 et 143 000 euros en 2010 » (40).

La mission a aussi pu constater les réserves importantes des acteurs du football professionnel à l’égard du projet d’instauration d’une contribution exceptionnelle de 75 % due par les entreprises sur les salaires annuels supérieurs à 1 million d’euros, soit un salaire mensuel excédant 83 333 euros. La Ligue de football professionnel a fait savoir qu’on comptait 96 joueurs professionnels percevant une rémunération minimale annuelle fixe supérieure à 1 million d’euros et, après prise en compte des primes variables, environ 120 joueurs qui seraient concernés par cette contribution exceptionnelle.

Cette mesure de justice fiscale, promise lors de sa campagne par le Président de la République, devrait donc concerner un nombre limité de joueurs. L’éventualité d’une « fuite » des joueurs les plus talentueux existe évidemment. Si le Paris Saint-Germain semble disposer de moyens suffisants pour prendre en charge une telle augmentation fiscale, on peut s’interroger sur la capacité d’autres grands clubs français comme l’Olympique de Marseille, l’Olympique Lyonnais, les Girondins de Bordeaux ou le Stade Rennais à retenir leurs meilleurs joueurs. Reste qu’à l’heure où la Ligue de football professionnel travaille à restaurer l’image dégradée du football professionnel, il serait regrettable que celui-ci offre le spectacle d’un sport dominé par les considérations mercantiles de joueurs « mercenaires ».

La mission a aussi été alertée, à de nombreuses reprises, sur la situation particulière induite par le régime fiscal favorable de l’AS Monaco qui permet à ce club de se doter, à moindre coût, de joueurs de stature internationale, alors qu’il évolue dans les mêmes championnats que les clubs français. Certes, en application de l’article 7 de la convention fiscale du 18 mai 1963 entre la France et la Principauté de Monaco, les joueurs français recrutés par l’AS Monaco sont assujettis en France à l’impôt sur le revenu des personnes physiques dans les mêmes conditions que s’ils avaient leur domicile ou leur résidence en France. En revanche, les joueurs de nationalité étrangère ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Or l’on constate que les récents recrutements du club concernent exclusivement des joueurs étrangers de talent, ce qui peut poser, à terme, un réel problème d’équilibre compétitif au sein du championnat.

Les instances du football français ont souhaité réagir à cette situation. Dès le 24 janvier 2013, le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a affirmé « le caractère impératif, pour l’équité des championnats professionnels français, que l’ensemble des clubs participants soient soumis au même régime fiscal et social » et constaté que « pour atteindre cet objectif, il convient de préciser dans les règlements de la [Ligue] que la société commerciale de tout club jouant dans les championnats professionnels français doit avoir son siège de direction effective en France ». Elle a en conséquence demandé qu’un « projet de délibération en ce sens soit proposé à un prochain conseil d’administration » (41).

Le 21 mars 2013, le même conseil d’administration a décidé à l’unanimité de modifier l’article 100 des règlements administratifs de la Ligue de football professionnel en matière de domiciliation sportive pour y préciser que, pour les clubs souhaitant participer aux championnats de France de Ligue 1 et de Ligue 2, « le siège de la direction effective de la société constituant le club doit impérativement être implanté sur le territoire français conformément aux dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code du sport » (42), cette obligation s’appliquant à compter du 1er juin 2014. Son non-respect pourra être sanctionné par une exclusion des compétitions, prise par le conseil d’administration de la Ligue.

Cette décision a été saluée par la majorité des acteurs du football professionnel français entendus par la mission d’information. M. Jean-Louis Campora, vice-président du club monégasque, a fait part d’un vif mécontentement, jugeant que cette décision, contestable sur un plan juridique, était aussi injuste en ignorant l’apport du club au football français depuis plus de quatre-vingt-dix ans.

L’AS Monaco a engagé deux recours auprès du Conseil d’État contre cette décision : l’un, en référé, en vue de sa suspension ; l’autre, au fond, en vue de son annulation. Le Conseil a rejeté, le 21 juin dernier, la demande de suspension, jugeant que l’affaire ne présentait pas de caractère d’urgence et que la décision de la Ligue ne portait pas une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts du club pour la suspendre. La Ligue de football professionnel se déclare confiante quant au sort qui sera réservé au recours sur le fond. Il ne revient pas à la mission de se prononcer sur cette question qui devra être tranchée par le juge. Tout au plus déplore-t-elle que l’on en soit arrivé à un tel point de mésentente au sein de la famille du football français qui comprend, historiquement, le club de Monaco. Sa stratégie d’acquisition massive de joueurs étrangers, rendue possible par les moyens importants de son propriétaire, y est pour beaucoup. On peut la regretter, mais la mise en œuvre du fair-play financier pourrait conduire à l’infléchir.

Indépendamment de ces considérations, les prélèvements fiscaux et sociaux en vigueur en France n’expliquent pas à eux seuls le déficit de compétitivité des clubs de football professionnel français. S’il est incontestable que les cotisations sociales sont plus élevées dans notre pays que dans ceux accueillant les autres principaux championnats européens, la différence majeure réside surtout dans la capacité à trouver et à mobiliser des capitaux, même si le Paris Saint-Germain constitue aujourd’hui un contre-exemple. Les difficultés évoquées par M. Michel Seydoux, président du Lille LOSC, pour trouver un repreneur ne concernent pas que ce club. Un certain manque de professionnalisme dans la gestion a également pu être souligné par des personnes entendues par la mission, comme M. Luc Dayan, président du Racing Club de Lens, qui s’est étonné que l’objet de passion que constitue un club de football puisse conduire certains à prendre des décisions irrationnelles en matière d’investissement.

III. – POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS

La situation économique et financière des clubs de football français est aujourd’hui préoccupante, même si elle est dans l’ensemble moins dégradée que celle de la plupart de leurs concurrents européens. Le fair-play financier européen constitue pour eux une nouvelle contrainte à respecter, mais aussi une opportunité : celle d’évoluer dans un environnement assaini et de rétablir une équité sportive qui a trop longtemps souffert de certaines stratégies financières.

On ne peut cependant pas tout attendre de cette avancée. Les clubs français et plus largement le football professionnel européen souffrent de problèmes structurels. Les auditions menées par la mission ont permis de constater qu’après une période marquée par la libéralisation des transferts et un emballement spéculatif sur les mouvements de joueurs, le besoin se faisait désormais sentir d’une régulation plus exigeante et d’une transparence améliorée, notamment à l’échelle européenne.

Le football professionnel français ne peut, lui non plus, échapper à la réflexion. Menacé de figurer en « deuxième division » européenne, il ne peut se retrancher derrière le seul argument de la pression fiscale et sociale pour expliquer ses performances décevantes. Un second souffle est possible : les acteurs de ce sport « roi » ont parfois manqué de discernement mais il doit leur être possible de se réformer, avec l’appui, si nécessaire, des pouvoirs publics.

A. LA RÉGULATION DU FOOTBALL PROFESSIONNEL, UNE NÉCESSITÉ

Le football est pratiqué dans le monde entier ; même les États-Unis, longtemps réfractaires au soccer, et plus récemment la Chine ainsi que les pays du golfe arabo-persique ont entrepris une démarche de développement et de valorisation de ce sport. Du fait de cette internationalisation croissante, les enjeux – d’abord économiques mais aussi sportifs – doivent être traités au niveau des instances appropriées.

La réglementation du football professionnel relève en grande partie de la FIFA, notamment pour ce qui concerne les transferts de joueurs dont on a vu plus haut qu’ils jouaient un rôle important dans la dérive financière des clubs. La mission, soucieuse de respecter les prérogatives du mouvement sportif et de formuler des propositions à caractère opérationnel, ne prétend évidemment pas régler les problèmes soulevés par les transferts internationaux. Elle juge en revanche fortement souhaitable que la fédération internationale s’empare de cette question afin de prendre les mesures appropriées pour remédier à l’instabilité contractuelle actuelle qui se traduit par une augmentation considérable des montants des indemnités de transfert et des salaires.

La réflexion pourrait notamment porter sur l’interdiction de la détention de droits sur les transferts des joueurs par de tierces personnes – pratique répandue en Amérique latine –, la limitation des indemnités de transfert après extension de la « période protégée » au cours de laquelle de telles indemnités sont dues, ou encore l’interdiction de transferts de mineurs au sein de l’Union européenne et l’Espace économique européen, transferts aujourd’hui autorisés par le règlement de la FIFA sur le statut et le transfert des joueurs.

Au-delà de ces pistes de travail pour la fédération internationale, qui devraient faire aussi l’objet d’une concertation approfondie avec l’UEFA, il doit être possible, à l’échelle européenne comme au plan national, d’œuvrer pour un encadrement approprié du football professionnel, qui permette d’en limiter les dérives tout en préservant l’autonomie du mouvement sportif.

1. Œuvrer, au niveau européen, pour une reconnaissance plus exigeante de la « spécificité sportive »

a) La « spécificité sportive », un principe qui peine à prévaloir sur les règles du marché intérieur

La « spécificité sportive » est consacrée par l’article 165 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne l’a strictement encadrée en assimilant, sur bien des aspects, le football professionnel à une activité économique concurrentielle soumise au droit européen de la concurrence et du marché intérieur. M. Jérôme Champagne, ancien conseiller du président puis directeur des relations internationales de la FIFA, y a même vu le signe d’une « connivence » entre la Commission européenne, non compétente en matière de politiques sportives incombant aux États, et l’UEFA, simple organisateur de compétitions interclubs sans pouvoir règlementaire, alors même que la spécificité sportive pourrait servir d’appui pour déroger aux règles de libre circulation des travailleurs et favoriser la stabilité des clubs formateurs.

Article 165 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

1. [...] L’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. [...]

2. L’action de l’Union vise [...] à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux.

3. L’Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d’éducation et de sport, et en particulier avec le Conseil de l’Europe. [...]

Le Livre blanc sur le sport, établi par la Commission européenne le 11 juillet 2007, est sans ambiguïté : « L’activité sportive est soumise au droit communautaire. [...] Le droit de la concurrence et les dispositions relatives au marché intérieur s’appliquent au sport dans la mesure où il constitue une activité économique. » Le même document apporte toutefois quelques aménagements à ce principe en reconnaissant « la spécificité des activités sportives et des règles qui s’y appliquent, comme [...] la nécessité d’assurer l’incertitude des résultats et de préserver l’équilibre compétitif entre les clubs participant à une même compétition. »

Il convient, en matière sportive, de s’en remettre à la jurisprudence Meca-Medina de la Cour de justice des Communautés européennes (43), qui pose le principe selon lequel lorsqu’une activité sportive entre dans le champ d’application du traité, « les conditions de son exercice sont alors soumises à l’ensemble des obligations qui résultent des différentes dispositions du traité », ce qui semble indiquer que les conditions de participation de clubs professionnels à des compétitions devraient respecter le droit européen.

Comme l’indique la Commission européenne dans son Livre blanc sur le sport, la Cour a certes reconnu « qu’il convient de tenir compte de la spécificité du sport dans le sens où les règles qui ont pour effet de restreindre la concurrence et qui sont inhérentes à l’organisation et au bon déroulement d’un sport de compétition ne constituent pas une violation du droit communautaire de la concurrence », mais sous une réserve importante : il faut que les effets de la règle « soient proportionnés au véritable intérêt sportif légitime poursuivi », ce qui implique de tenir compte des caractéristiques de chaque espèce.

La « spécificité sportive » devrait permettre de justifier des règles particulières destinées, notamment, à garantir l’équité des compétitions. Mais, dans le même temps, force est de constater que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne réserve une portion congrue à ces considérations. Avec l’arrêt Bosman, elle a même contribué de manière décisive à la libéralisation du football professionnel, à l’origine de bien des dérives des clubs.

b) La nécessité d’une action politique concertée au niveau européen pour sécuriser les règles sportives

L’équité sportive a incontestablement été mise à mal par des politiques de transferts massifs conclus pour des montants exorbitants. Les auditions menées par la mission permettent de constater que la demande de régulation se fait désormais pressante, même si elle prend des formes diverses. Mais pour qu’il y ait régulation, encore faut-il qu’elle soit admise par les instances de l’Union européenne, notamment la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne. Or leur acception des règles « purement sportives » est restrictive, le sport professionnel demeurant pour l’essentiel, à leurs yeux, une activité économique qui doit respecter les règles de la concurrence et du marché intérieur.

La pleine reconnaissance de la « spécificité sportive » par les instances européennes constitue donc un enjeu central pour sécuriser les règles sportives visant, en particulier, à préserver l’équité des compétitions, comme l’a souligné à la mission M. Jean-Luc Bennahmias, député du Parlement européen.

Des initiatives existent déjà en ce sens puisque, déjà en 2007, ledit Parlement soulignait dans une résolution sur l’avenir du football professionnel en Europe (44) qu’il était « de la responsabilité des autorités politiques et sportives nationales et européennes de garantir que l’application du droit communautaire au football professionnel ne porte pas atteinte à ses fonctions sociales et culturelles, en développant un cadre juridique approprié, qui respecte pleinement les principes fondamentaux de la spécificité du football professionnel, de l’autonomie de ses instances et de la subsidiarité ». Il ajoutait que « le football professionnel ne fonctionne pas comme un secteur normal de l’économie et que les clubs de football professionnel ne peuvent pas opérer dans les mêmes conditions de marché que d’autres secteurs économiques, en raison de [...] l’équilibre concurrentiel nécessaire pour garantir l’incertitude des résultats ».

La mission souscrit à cette analyse et estime qu’il revient aux autorités politiques d’œuvrer pour promouvoir une conception ambitieuse de la spécificité sportive à l’échelon européen, seule à même de permettre une régulation efficace du football professionnel. Il est donc souhaitable que cette question fasse l’objet d’une prise de position ferme non seulement de la France, avec le soutien de son Parlement, mais aussi du conseil européen des ministres chargés des sports. Il convient aussi, comme l’a suggéré M. Jean-Luc Bennahmias, de s’appuyer sur les travaux approfondis du Conseil de l’Europe sur le sport professionnel, d’autant que le périmètre géographique de cette instance est proche de celui de l’Europe du football.

Recommandation n° 1 : Œuvrer, au sein de l’Union européenne, pour une pleine reconnaissance de la spécificité sportive, en s’appuyant sur les travaux du Conseil de l’Europe sur le sport professionnel.

La reconnaissance de la spécificité sportive, appelée de leurs vœux par les clubs de football professionnel, doit s’accompagner, en contrepartie, d’un strict respect par ces derniers des règles édictées par les instances sportives. Il ne serait en effet pas concevable qu’au gré des situations, ils fassent valoir soit la nature concurrentielle de leur activité, soit sa nature sportive, pour décider de la réglementation qui y serait applicable. En particulier, les règles des instances sportives, y compris lorsqu’elles ne sont pas des « règles du sport » à proprement parler, comme le fair-play financier de l’UEFA ou celles relatives aux joueurs formés localement, doivent être strictement respectées.

c) Doter l’Union européenne d’un outil d’analyse du sport professionnel

L’Union européenne n’étant pas dotée de compétences en matière sportive, les questions qui en relèvent ne peuvent réellement faire l’objet d’une politique coordonnée, en dépit de l’apport des conseils européens des ministres chargés des sports. Le Parlement européen lui-même ne traite qu’épisodiquement de ces questions, comme l’a relevé auprès de la mission M. Jean-Luc Bennahmias.

Pourtant, compte tenu de l’influence des décisions de la Commission européenne et de la Cour de justice de l’Union européenne sur les activités sportives, le besoin se fait sentir d’une instance d’expertise qui permettrait de délivrer une analyse approfondie dans le domaine du sport professionnel. Il ne serait en effet pas inutile de mieux éclairer les institutions de l’Union européenne sur les enjeux non seulement économiques, mais aussi sociaux et culturels, de cette activité qui ne peut être réduite à sa dimension concurrentielle. Pour l’heure, les instances européennes ne peuvent se reporter que vers les travaux du Conseil de l’Europe ou des études indépendantes, certes de qualité, commandées par la Commission européenne.

La mission d’information estime qu’il est temps d’avancer pour promouvoir une approche européenne coordonnée de la pratique sportive professionnelle, en dotant l’Union d’une structure qui y serait dédiée. Cette instance aurait vocation à mener des travaux d’étude et de prospective, afin de mieux apprécier les enjeux du sport professionnel européen, en dressant, notamment, des tableaux complets des diverses pratiques et réglementations nationales en la matière, afin de dégager les grandes constantes qui permettent de parler d’un « modèle européen » du sport professionnel. Si l’on disposait de telles données, la définition de la « spécificité sportive » s’en trouverait autant facilitée que sécurisée. Cette instance d’expertise permettrait, également, d’assister les conseils européens des ministres chargés des sports, ainsi que le Parlement européen.

Cet outil européen, qui pourrait prendre la forme d’un observatoire, pourrait s’appuyer sur les fédérations sportives nationales, en respectant l’autonomie du mouvement sportif. Il n’aurait évidemment pas vocation à concurrencer d’autres instances européennes du sport, au périmètre géographique différent, comme l’UEFA.

Recommandation n° 2 : Créer, auprès de l’Union européenne, un Observatoire européen du sport professionnel, chargé d’étudier et de mener des travaux de prospective afin de mieux définir et sécuriser la « spécificité sportive », et promouvoir le modèle européen du sport.

Une meilleure reconnaissance de la « spécificité sportive », à l’échelle européenne, permettra d’assainir la situation du football professionnel : la dérégulation de ce secteur, à laquelle les instances de l’Union n’ont pas été étrangères, explique une bonne part de ses difficultés actuelles. Cette action, pour être pleinement efficace, doit être complétée par d’autres mesures visant à garantir transparence et respect de l’éthique dans les mouvements de joueurs.

2. Garantir le respect de l’éthique et la transparence des transferts de joueurs

Initialement limité dans son ampleur, le « mercato » – période de transfert des joueurs – a pris de plus en plus d’importance, et son rôle dans l’économie du football professionnel est désormais déterminant. Garantir son éthique, c’est-à-dire la transparence des mouvements de joueurs comme celle des flux financiers, est indispensable.

a) Assurer la transparence des transferts et la stabilité des contrats

L’encadrement des transferts internationaux est essentiel pour préserver l’équilibre des compétitions car on constate une corrélation assez nette entre dépenses de transfert et résultats sportifs. Comme on l’a indiqué plus haut, la réglementation, en la matière, relève de la compétence de la Fédération internationale de football association (FIFA).

Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont pu entendre de multiples propositions visant à réguler les transferts au plan international ou européen. La plus radicale d’entre elles a été émise par Terra Nova qui a milité pour une suppression, à terme, du mécanisme des transferts, en proposant de « considérer le joueur comme un salarié comme un autre, titulaire d’un contrat de travail dans son club, selon des règles proches du droit commun. Ainsi les joueurs de football seraient titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée et pourraient quitter leur club par une rupture amiable de leur contrat ou par démission, comme tout salarié » (45). Cette solution, pour le moins ambitieuse, semble difficile à mettre en œuvre, tant elle déstabiliserait l’équilibre économique de la filière.

D’autres pistes de réflexion s’offrent au football professionnel européen. La plupart d’entre elles ont été évoquées dans le cadre d’une étude commandée par la Commission européenne sur les aspects économiques et juridiques des transferts de joueurs (46), datant de janvier 2013. La plus importante concerne sans doute la limitation du montant des indemnités de transfert pour éviter que les clubs n’utilisent de manière abusive la possibilité d’étendre la période dite « protégée » des joueurs en vue de percevoir de telles indemnités. L’étude propose donc qu’après extension, l’indemnité de transfert soit limitée à 70 % du salaire brut dû au joueur pour l’ensemble de la durée de son contrat, suggestion qui a été reprise par Terra Nova devant la mission. Une telle mesure semble effectivement de nature à porter un coup à l’inflation du montant des transferts car les clubs ne seraient plus incités à tabler sur des plus-values importantes tirées des mutations de leurs joueurs – sauf à les rémunérer à des niveaux qui seraient difficilement soutenables. Une autre voie consisterait, comme le souhaite M. Philippe Piat, vice-président de la FIFPro (organisation regroupant des syndicats de joueurs au plan international), à « normaliser » les relations entre clubs et joueurs, en considérant que la résiliation des contrats de travail des joueurs, comme pour tous contrats de droit commun, doit donner lieu à des dommages et intérêts dus par celui qui prend l’initiative de la rupture. M. Philippe Piat souhaite également supprimer la « période protégée », ou du moins la limiter à une saison. Il semble que la FIFPro envisage d’être assez offensive, auprès de la fédération internationale de football, sur ces questions afin qu’elle modifie son règlement.

Aussi intéressantes que puissent être de telles suggestions, il ne revient pas à la mission d’émettre des recommandations qui s’adresseraient à la FIFA, même si elle peut souhaiter que la fédération internationale se saisisse assez rapidement de ce problème.

Il lui est possible, en revanche, d’envisager des évolutions du système français, en militant, ensuite, pour sa diffusion aux autres pays. Ce ne serait pas la première fois que la France serait pionnière dans le domaine sportif. Elle l’a été lorsqu’elle a institué successivement le Laboratoire national de détection du dopage en 1966, puis le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage avec la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, conseil érigé en autorité publique indépendante par la création de l’Agence française de lutte contre le dopage. La mise en place, le 10 novembre 1999, d’une Agence mondiale antidopage, doit indéniablement beaucoup aux initiatives françaises.

L’exemple de la lutte contre le dopage montre qu’il est possible, à partir d’une initiative nationale, de réguler un système caractérisé par un certain nombre de dysfonctionnements. Il doit être possible de suivre une démarche similaire dans le domaine des transferts, dans le respect, bien évidemment, tant des fédérations internationale et européenne que du mouvement sportif français.

Deux objectifs doivent être poursuivis : garantir la transparence des transferts, dont on sait malheureusement qu’ils peuvent donner lieu à des pratiques contestables voire frauduleuses, et rechercher la stabilité contractuelle au sein des équipes. Il ne s’agit évidemment pas d’empêcher les clubs de mener une politique de recrutement adaptée à leur stratégie sportive. On doit en revanche faire en sorte de maîtriser l’ampleur du phénomène des transferts qui peut nuire aux clubs sur deux plans : d’abord, en affectant lourdement leurs comptes ; ensuite, en suscitant une instabilité de la composition des équipes telle que le public ne parvient plus à s’identifier à elles et voit son intérêt pour les clubs faiblir.

La première mesure à mettre en œuvre consiste à proscrire, pour les clubs de football professionnel français, la possibilité de signer des contrats avec des joueurs lorsque les droits sur les indemnités de transfert de ces joueurs sont détenus par de tierces personnes – investisseurs indépendants des clubs « vendeurs » ou « acquéreurs » desdits joueurs.

Ce montage juridique, répandu en Amérique latine, soulève en effet de nombreuses questions. Elles sont évidemment, en premier lieu, d’ordre moral et éthique : cette pratique permet à un tiers de détenir des droits économiques sur un être humain pour en faire ensuite un usage commercial. Elles portent aussi sur l’intégrité des compétitions. Les tierces personnes peuvent avoir intérêt à manipuler les résultats sportifs en influençant la performance des joueurs dont elles ont acheté les droits. Elles sont enfin d’ordre sportif et financier : ce mécanisme contribue à l’instabilité contractuelle, fragilise la stabilité de la composition des équipes et alimente la dérive de la masse salariale des clubs par l’inflation du nombre et du montant des transferts, en multipliant les intermédiaires.

Le règlement du statut et du transfert des joueurs de la FIFA ne permet pas vraiment de lutter contre cette pratique. L’UEFA a adopté, sur la question, une position plus intransigeante. En décembre 2012, son comité exécutif s’est prononcé « sans équivoque sur la propriété de joueurs par des tiers, appelant à son interdiction par principe ». L’instance européenne a en outre fait savoir qu’elle « appeler[ait] la FIFA à légiférer au niveau mondial pour interdire la propriété de joueurs par des tiers », considérée comme « un risque pour l’intégrité des compétitions ». Elle s’est aussi inquiété du caractère « préjudiciable [de cette pratique] car des commissions sont versées à des tiers qui investissent dans des joueurs et profitent de leurs transferts, alors que cet argent pourrait être réinvesti au sein du football. » Plus récemment, le 18 mars 2013, le secrétaire général de l’instance européenne, M. Gianni Infantino, a réitéré le souhait de l’UEFA d’une interdiction globale du mécanisme de la propriété des joueurs de football par des tiers.

La FIFA elle-même semble avoir pris conscience de l’étendue du problème. Par une circulaire du 14 janvier 2013 adressée à l’ensemble de ses membres (47), elle note que « la question de la propriété des droits économiques des joueurs par des tiers fait actuellement l’objet de discussions à différents niveaux de la communauté du football international et européen ainsi qu’au sein de plusieurs commissions permanentes de la FIFA », tout en indiquant que « certaines associations membres ont adopté des dispositions encore plus restrictives [que la réglementation de la FIFA] alors que, dans le même temps, la propriété des droits économiques des joueurs par des tiers est devenue, dans certaines régions du monde, une pratique largement répandue dans le football, ce qui soulève une série de questions qui doivent être traitées ». La fédération internationale a donc décidé de mandater le Centre international d’étude du sport pour « établir une cartographie des différentes approches et pratiques règlementaires au niveau national concernant la propriété des droits économiques des joueurs par des tiers. »

La mission estime que le football professionnel français doit, sur ce point, se montrer exemplaire. Il convient donc d’interdire aux clubs français de conclure des contrats de travail avec des joueurs dont les droits économiques seraient détenus par des tiers. On peut espérer qu’une telle mesure constituerait un signal fort, et inciterait, à terme, à une réforme du règlement de la FIFA relatif au statut des joueurs et aux transferts.

Recommandation n° 3 : Interdire aux clubs de football professionnel français la conclusion de contrats de travail avec des joueurs lorsque des sociétés tierces détiennent des droits sur les indemnités de transfert de ces derniers.

Une autre réforme, qui pourrait facilement être mise en œuvre, consisterait à faire transiter l’ensemble des indemnités de transfert, y compris entre clubs nationaux, par un compte dédié de la Ligue de football professionnel, qui serait chargée de débloquer les fonds en faveur des destinataires. Un tel système a été mis en place par la Premier League au Royaume-Uni et on peut penser qu’il recevrait un accueil favorable de la Ligue de football professionnel, puisqu’elle le suggérait déjà en 2006 dans un Livre blanc (48).

Cette mesure permettrait d’améliorer la transparence des flux financiers ainsi que l’information relative aux mouvements de joueurs. Elle permettrait, aussi, de s’assurer que les indemnités dues aux clubs sont bien acquittées (indemnités de transfert mais aussi de formation et, dans le cas de transferts internationaux, contribution de solidarité). Elle pourrait, enfin, se diffuser auprès des autres ligues européennes, et même – sans doute à un horizon plus lointain – aboutir à l’institution d’une chambre de compensation européenne par laquelle transiteraient tous les contrats et toutes les indemnités.

Recommandation n° 4 : Pour accroître la transparence, faire transiter par un compte dédié de la Ligue de football professionnel l’ensemble des indemnités dues en cas de mutations de joueurs, dans lesquelles au moins un club français est impliqué.

L’assainissement du système des transferts suppose aussi d’agir sur leur fréquence et leur nombre. Une première option pourrait consister à limiter le nombre de transferts possibles par club, à charge pour les instances du football professionnel de déterminer ce dernier. En dépit de leur esprit de responsabilité, on peut craindre que la fixation de ce seuil ne soit délicate et la mesure, in fine, privée de tout effet régulateur.

C’est pourquoi la mission se rallie à la suggestion de M. Philippe Piat, coprésident de l’Union nationale des footballeurs professionnels, consistant à supprimer purement et simplement le « mercato » d’hiver. Les clubs seraient ainsi incités à la stabilité contractuelle en cours de saison, en restant évidemment libres de leur stratégie de recrutement au cours du « mercato » d’été. Il faudrait toutefois leur permettre de s’adapter aux aléas inhérents à l’activité sportive – une blessure de joueur, par exemple, qui nécessiterait un recrutement en cours de saison.

Une telle mesure permettrait ainsi de garantir le maintien de l’équilibre compétitif entre clubs tout au long du championnat. Il est probable qu’elle pourrait être considérée par certains comme pénalisante pour les clubs français par rapport à leurs concurrents européens. La Ligue de football professionnel française semble en effet poursuivre une logique inverse, puisque son Bureau a décidé, le 31 mai dernier, de reporter la clôture du « mercato » d’été au 2 septembre, pour la faire coïncider avec la date retenue par les principales ligues européennes.

La mission est consciente de ces objections, qu’elle a prises en considération. Elle estime de sa responsabilité d’indiquer les limites qui devraient s’imposer aux clubs de football professionnel français. Leur situation financière est suffisamment délicate pour justifier une régulation plus ferme. En dépit des alertes répétées de la Direction nationale du contrôle de gestion, les clubs professionnels persistent, pour une bonne part, à mener des politiques salariales et de transfert qui ne paraissent pas soutenables sur le moyen terme. Un encadrement plus strict des mouvements de joueurs devrait permettre d’endiguer ce phénomène.

Recommandation n° 5 : Supprimer le « mercato » d’hiver pour inciter à une stabilité contractuelle en cours de saison et garantir ainsi le maintien de l’équilibre compétitif.

b) Mieux encadrer l’activité d’agent sportif

L’agent sportif est une personne qui, à titre occasionnel ou habituel et contre rémunération, met en rapport les parties – joueurs et clubs – intéressées à la conclusion d’un contrat rémunéré de joueur de football. Pour ce faire, il doit être titulaire d’une licence délivrée par la Fédération française de football, à la suite d’un examen écrit.

La profession est régie par les articles L. 222-5 à L. 222-22 du code du sport et le règlement des agents sportifs de la Fédération française de football. La loi n° 2010-626 du 9 juin 2010 encadrant la profession d’agent sportif a renforcé les incompatibilités entre ce métier et des activités susceptibles de provoquer des conflits d’intérêts ou de présenter des risques de collusion avec d’autres acteurs du sport (fonctions de direction ou d’entraînement sportif, organisateur de compétitions sportives, etc.), ainsi que les incapacités liées à certaines condamnations pénales ou à des faillites personnelles. La même loi a étendu aux agents sportifs les obligations de lutte contre le blanchiment (déclaration obligatoire de certaines opérations à la cellule TRACFIN, notamment).

Elle a enfin autorisé les clubs à payer les agents sportifs qui ne pouvaient, jusqu’alors, l’être que par les joueurs. En contrepartie, les clubs doivent transmettre aux fédérations l’ensemble des contrats signés avec les agents. Cette disposition a suscité un large débat lors de son examen. Initialement destinée à renforcer la transparence et donner un cadre légal à certaines pratiques de fait, elle a, en pratique, pu conduire à un renchérissement des frais assumés par les clubs. Autrement dit, le droit en vigueur en France rend l’intervention des agents sportifs plutôt inflationniste, ce qui a d’ailleurs conduit la Fédération française de football à tenter d’en maîtriser le coût.

Au-delà de cet impact inflationniste, on peut aussi craindre que l’encadrement juridique de l’exercice de la profession n’ait une portée plus symbolique qu’effective. Malgré les réformes les plus récentes, les interrogations subsistent quant à la régularité de certaines pratiques. M. Bertrand Cauly, président du Syndicat national des agents sportifs (SNAS), a ainsi vivement déploré, auprès de la mission, l’exercice illégal de la profession d’agent sportif par de « faux agents » jouant sur leurs amitiés et leurs réseaux avec des présidents de clubs pour se constituer une rente de situation. Il en résulterait d’ailleurs une large diffusion du « mandat de club » qui ne correspondrait pas à la mission première des agents sportifs, à savoir celle de conseiller du joueur. L’inertie de la Fédération française de football pour contrôler et mettre un terme à ces dérives a également été regrettée.

Ce constat sévère est partagé par la mission d’information, qui considère que les initiatives prises pour encadrer l’exercice de l’activité d’agent sportif n’ont manifestement pas permis de mettre un terme à certains abus et pratiques frauduleuses soulignés par de nombreux travaux – ils ont ainsi été minutieusement décrits par le rapport d’information de M. Dominique Juillot, député, en 2007 (49). Afin que le système des transferts soit durablement assaini, le besoin de transparence est réel, de même que le besoin de garanties de professionnalisation de l’activité d’agent sportif .

La mission considère que plusieurs évolutions doivent être envisagées pour s’assurer de la régularité de l’exercice de l’activité d’agent sportif. À cet égard, la décision, prise en 2010, d’autoriser la rémunération des agents sportifs par les clubs a été guidée par un souci de « réalisme », pour tenir compte de pratiques qui permettaient de contourner largement l’obligation de rémunération des agents par les seuls joueurs. Outre que cela dénote une singulière conception du rôle du législateur qui, lorsqu’il serait confronté à des détournements de la loi, n’aurait plus qu’à les valider a posteriori, cette mesure nuit, en pratique, à l’intérêt des sportifs.

On comprend bien que, si l’agent est rémunéré par le club, son rôle de conseil auprès du joueur peut s’en trouver assez nettement affecté : il n’est pas sûr, dans une telle hypothèse, qu’il défende au mieux les intérêts de celui-ci. Or tel est bien son rôle premier, comme l’a rappelé avec force M. Bertrand Cauly, président du Syndicat national des agents sportifs : l’agent a pour mission d’assister le sportif professionnel dans la négociation de son contrat de travail avec le club.

En outre, dans l’hypothèse d’une rémunération de l’agent par le joueur, il est plus que probable que les montants qui lui seraient versés par son client seraient soumis à une pression à la baisse. Une telle mesure permettrait également de limiter le pouvoir de pression des clubs sur les agents et d’éviter un « mélange des genres » ainsi que des conflits d’intérêts évidents, préjudiciables à la transparence des transactions. L’instauration de la possibilité, pour les clubs, de rémunérer les agents des joueurs a en réalité signé une défaite : partant du constat que les mécanismes de contrôle étaient inopérants et que les contrats n’étaient pas transmis aux fédérations, on a choisi la solution de facilité, à savoir ouvrir la porte à des pratiques dont on sait qu’elles peuvent se révéler néfastes pour le sport professionnel et conduire à des arrangements financiers illicites.

La mission d’information estime qu’il convient de revenir sur ce mouvement. Elle juge donc nécessaire de modifier l’article L. 222-17 du code du sport pour y rétablir le principe du paiement de l’agent sportif par le joueur, lorsque celui-ci fait appel à ses services.

Recommandation n° 6 : Modifier l’article L. 222-17 du code du sport pour y rétablir le principe de la rémunération de l’agent sportif par le seul joueur lorsque celui-ci fait appel à ses services.

Cette mesure, pour être opérante, implique que la Fédération française de football exerce pleinement son pouvoir de contrôle sur les conditions d’exercice des agents sportif, prévu par l’article L. 222-7 du code du sport. Rappelons aussi qu’en application de l’article L. 222-18 du même code, il lui revient de s’assurer que les contrats conclus par l’intermédiaire d’agents sportifs doivent préserver les intérêts des sportifs, des entraîneurs et de la discipline. Elle est enfin destinataire d’une copie de ces contrats en application de l’article R. 222-32 du même code. Le corpus juridique est donc, sur cette question, bien étoffé. Il revient désormais à la Fédération de l’appliquer strictement.

On pourrait prévoir une mesure qui permettrait de faciliter sa tâche de contrôle, pour mieux lutter contre l’intervention de « faux agents », non détenteurs d’une licence et qui jouent sur leur réseaux relationnels. Elle constitue en effet une concurrence déloyale à l’égard des agents titulaires d’une licence et permet, dans certains cas, un « mélange des genres » plus que contestable.

C’est pourquoi, pour lutter contre de telles pratiques, il conviendrait de prévoir que les joueurs – et entraîneurs – sont tenus de déclarer, auprès de la Fédération française de football, l’identité de leur intermédiaire sportif. Cette déclaration permettrait à la Fédération de s’assurer plus facilement que certains intermédiaires ne pratiquent pas le « double mandat », proscrit, ou n’abusent pas de leur position. Elle faciliterait aussi les contrôles diligentés par TRACFIN en cas de suspicion de mouvements financiers frauduleux. Elle permettrait, enfin, de lutter contre certaines pratiques abusives par lesquelles les clubs poussent leurs nouveaux joueurs à ne plus faire appel aux services de leurs agents, pour recourir à ceux des clubs qui les emploient, ce qui n’est évidemment pas le gage d’une défense optimale de leurs intérêts.

Recommandation n° 7 : Prévoir l’obligation pour les joueurs et entraîneurs de déclarer auprès de la Fédération l’identité de leur intermédiaire sportif.

La mission estime également nécessaire d’encadrer plus strictement la rémunération des agents qui tend à renchérir le coût des transferts pour les clubs. Les émoluments perçus par les agents s’effectuent sur la base de commissions, calculées en fonction des rémunérations brutes perçues par le joueur tout au long du contrat négocié ou en fonction du contrat fixant les indemnités de transfert, selon un pourcentage fixé à un maximum de 10 % par l’article L. 222-17 du code du sport. Toutefois, depuis la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, ce même article permet aux fédérations de fixer, pour la rémunération des agents sportifs, un taux inférieur à 10 % du contrat conclu par les parties mises en rapport.

C’est sur ce fondement que, par une délibération de son comité exécutif du 25 mai 2012, la Fédération française de football a décidé de réduire ce plafond selon les règles suivantes :

– lorsqu’elle est assise sur le contrat de travail du joueur (ou de l’entraîneur), la rémunération de l’agent sportif est limitée à 6 % du salaire brut du joueur (ou de l’entraîneur) lorsque ce salaire brut annuel est inférieur ou égal à 1,8 million d’euros ; sinon, elle est limitée à 10 % du salaire brut ;

– lorsqu’elle est assise sur le contrat prévoyant la conclusion d’un contrat de travail (c’est-à-dire un contrat de mutation), la rémunération de l’agent sportif est limitée à 6 % du montant hors taxe de ce contrat.

Cette réforme a été récemment annulée par le Conseil d’État (50), saisi d’un recours pour excès de pouvoir par l’Union des agents sportifs du football et le Syndicat national des agents sportifs, pour des motifs non de fond mais de forme. Le Conseil a en effet jugé qu’en application de l’article R. 222-1 du code du sport, la commission des agents sportifs de la Fédération française de football aurait dû élaborer et adopter le projet de modification du règlement des agents sportifs qu’elle aurait ensuite transmis pour avis au ministre chargé des sports, puis soumis à l’approbation de la Fédération française de football. En outre, le règlement des agents sportifs de la Fédération française de football aurait dû être regardé comme un texte fédéral, au sens de l’article 11 des statuts de la fédération, et donc comme relevant de la compétence de l’assemblée fédérale de celle-ci et non de son comité exécutif.

Par conséquent, la rémunération des agents sportifs du football reste pour l’instant plafonnée à 10 % du montant du contrat, dans l’attente éventuelle de la fixation d’un plafond inférieur par la fédération, selon la procédure appropriée.

La mission d’information soutient pleinement la volonté de la Fédération française de football d’user de sa faculté, offerte par le législateur, de limiter la rémunération des agents à 6 % du montant des contrats. Il est temps de mettre un terme aux excès en la matière et de protéger les jeunes joueurs de certains abus éventuels, surtout si l’on rétablit le paiement des agents par ces derniers. L’annulation de la décision de la fédération pour des motifs de forme ne doit pas constituer un coup d’arrêt à sa démarche de régulation, à laquelle la mission est tout à fait favorable.

Recommandation n° 8 : Soutenir la démarche de la Fédération française de football visant à porter à 6 % du montant du contrat le montant maximal de la rémunération des agents sportifs, comme le lui permet l’article L. 222-17 du code du sport.

Enfin, toujours pour lutter contre les conflits d’intérêts, il serait souhaitable d’instaurer une incompatibilité des fonctions d’agent de joueur et d’agent d’entraîneur d’un même club professionnel. Cette mesure permettrait d’empêcher tout abus de position dominante d’un agent dont le portefeuille de clients comprendrait un grand nombre d’entraîneurs et de joueurs, tout en garantissant au club l’autonomie de sa politique de recrutement. On ne peut en effet exclure qu’un entraîneur ne cherche à peser sur celle-ci par l’intermédiaire de son agent. Et, à l’inverse, comme l’a indiqué à la mission l’Union nationale des entraîneurs et cadres techniques professionnels du football, les agents peuvent aussi nouer des relations privilégiées avec des entraîneurs pour les inciter à recourir aux services de joueurs qu’ils représentent.

Il pourrait être objecté qu’une telle mesure serait de nature à porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle des joueurs et entraîneurs, de même qu’à la liberté d’entreprendre des agents sportifs. Mais le Conseil constitutionnel a clairement affirmé la possibilité, pour le législateur, de déroger au principe de la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à des fins d’intérêt général (51). Il a fait de même pour la liberté d’entreprendre, découlant du même article : le législateur peut y apporter des limitations justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi (52).

L’incompatibilité que souhaite instaurer la mission poursuit, à l’évidence, des fins d’intérêt général : elle vise à prévenir les conflits d’intérêts et abus de position dominante, ainsi qu’à garantir l’équilibre des relations contractuelles entre joueurs et agents et la transparence des opérations de transfert. Il convient en revanche d’assurer sa proportionnalité par rapport à l’objectif poursuivi. C’est pourquoi la mission propose de limiter cette incompatibilité à douze mois.

Recommandation n° 9 : Instaurer dans la partie législative du code du sport une incompatibilité, pendant douze mois, des fonctions d’agent d’entraîneur et d’agent de sportif d’un même club.

La mission estime que les mesures qu’elle propose devraient être de nature à assainir le « mercato » et, par voie de conséquence, à permettre aux clubs français de mieux maîtriser leurs dépenses de transfert et leur masse salariale.

Même si elles ne concernent que les clubs français, on peut espérer qu’elles inspirent d’autres pays européens et qu’elles se diffusent progressivement, pour être finalement appropriées par les fédérations européenne et internationale. Le marché des transferts est, en effet, largement internationalisé. C’est pourquoi la promotion de la formation locale des joueurs devrait aider, elle aussi, les clubs à mieux maîtriser les frais de mutation ainsi que l’envolée des salaires, en valorisant leurs ressources internes.

3. Promouvoir les talents locaux

a) Militer pour une conception ambitieuse de la règle des « joueurs formés localement »

L’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes Bosman de 1995 a affirmé l’incompatibilité, avec les règles européennes, de l’instauration de quotas de joueurs nationaux dans la constitution des équipes de football professionnel. Cette incompatibilité a, par la suite, été confirmée par le rejet par la Commission européenne, en mars 2008, de la règle dite « 6 + 5 » adoptée par la FIFA. Celle-ci prévoyait qu’au moins six joueurs par équipe sur le terrain, au début de chaque match, devaient être sélectionnables pour jouer dans l’équipe nationale du pays de leur club, c’est-à-dire en être originaires. Elle visait autant à éviter que quelques clubs, dotés de suffisamment de moyens, ne s’attachent les services des meilleurs joueurs et ne dominent ainsi les compétitions, qu’à préserver un système de formation des jeunes menacé par la possibilité, pour les clubs, de recourir à des joueurs entièrement formés à l’étranger. Ces motifs n’ont pas semblé suffisants pour justifier une règle qui, aux yeux de la Commission européenne, constituait une discrimination directe de travailleurs auxquels les principes de libre circulation devaient être appliqués.

L’UEFA souhaitant néanmoins renforcer l’ancrage régional et national des clubs professionnels et éviter une dérégulation totale des mutations de joueurs, synonyme de prime aux clubs les plus riches, elle a proposé la règle dite « des joueurs formés localement ». La Commission européenne s’y étant déclarée favorable, c’est donc elle qui s’applique et impose aux clubs participant aux compétitions de l’UEFA, depuis la saison 2008-2009, de compter, sur un effectif de vingt-cinq joueurs, au moins huit joueurs formés localement, sans pour autant que soit restreint le nombre de joueurs étrangers.

L’impact pratique de cette mesure est limité. Les clubs demeurant entièrement libres de choisir l’équipe qui évolue sur le terrain, celle-ci n’a donc pas à comporter de joueurs formés localement. En outre, la notion de joueurs formés localement est large, en recouvrant les joueurs qui ont été inscrits auprès de leur club mais aussi auprès d’un ou plusieurs autres clubs affiliés à la même association, pendant au moins trois ans, entre quinze et vingt et un ans. Au moins la moitié des joueurs formés localement doit avoir été formée par le club lui-même, les autres pouvant l’avoir été par des clubs de la même association. Selon M. Jérôme Champagne, ancien conseiller du président puis directeur des relations internationales de la FIFA, cette règle aurait même eu des effets pervers en incitant au recrutement de joueurs de plus en plus jeunes. L’Union des clubs professionnels de football a rejoint cette analyse, en soulignant que les clubs anglais recrutaient des joueurs dès l’âge de seize ans afin que trois ans plus tard, ils puissent être assimilés à des joueurs formés localement.

Une clarification et une conception plus exigeante de la notion de « joueurs formés localement » seraient sans doute les bienvenues, mais il n’est pas sûr que la Commission européenne souhaite s’engager dans cette voie. Même si elle se déclare vigilante et intéressée par les évolutions qui affectent la dimension économique du football professionnel, la Commission s’en tient désormais à la lettre du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et se place délibérément en retrait par rapport aux instances internationales et européennes du football.

C’est ainsi que le cabinet et les services de Mme Androulla Vassiliou, commissaire européenne en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse, se sont bornés à évoquer devant les rapporteurs la conduite d’une étude sur l’application de la règle des joueurs formés localement, constitutive selon eux d’un premier pas important. En elle-même, cette réponse est révélatrice.

Une harmonisation par la voie du dialogue social semble en fait plus prometteuse. Sur la base d’une décision de la Commission européenne de 1998 (53), un comité du dialogue social sectoriel pour le football professionnel a vu le jour en 2008, lors de la présidence française de l’Union européenne. Celui-ci regroupe, sous la présidence de l’UEFA, des représentants des employés des clubs (FIFPro), des représentants des clubs (ECA) et des représentants des ligues européennes de football professionnel (EPFL). Les réunions de ce comité interviennent à la demande des partenaires sociaux qui déterminent son agenda, les thèmes et le calendrier de travail. La Commission européenne se contente d’apporter une assistance matérielle et juridique.

Un premier accord sur les clauses minimales dans les contrats de footballeurs a été signé le 19 avril 2012, les partenaires étant chargés de le mettre en œuvre dans les États membres. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne donne la possibilité de transcrire des accords de ce type dans la législation européenne. L’approfondissement de la règle des joueurs formés localement semble ainsi constituer un thème particulièrement adapté pour une prochaine discussion au sein de ce comité du dialogue social sectoriel : dans un second temps, la transcription d’un accord dans la législation européenne pourrait intervenir et ainsi sécuriser les efforts des clubs formateurs au plan juridique. Cette démarche serait complémentaire des incitations de l’UEFA et bénéfique aux clubs qui misent d’abord sur l’humain et non sur la masse salariale.

Recommandation n° 10 : Mettre à l’ordre du jour du comité du dialogue social sectoriel pour le football professionnel une définition claire et ambitieuse de la règle européenne dite « des joueurs formés localement » en vue d’une transcription ultérieure dans la législation européenne.

La mission considère que le travail mené à l’échelle européenne pour mieux définir la règle des joueurs formés localement ne doit pas exonérer le football professionnel français d’une conception plus exigeante dans ce domaine. La formation de jeunes joueurs constitue un de ses points forts, qu’il convient de mieux mettre en valeur. De nombreux dirigeants de club entendus par les rapporteurs ont fait état de l’importance, à leurs yeux, du recours à des jeunes issus de leur centre de formation qui constituent un apport indiscutable pour forger l’identité des clubs – et ainsi, l’adhésion du public. Ainsi en a-t-il été de M. Michel Seydoux, président du LOSC, qui a indiqué que son club, après avoir tenté de procéder à des recrutements de joueurs dans toute la France, a constaté que cette politique n’était pas la plus efficace. Il s’oriente donc désormais vers un recrutement davantage ancré dans la région. Sur un effectif de quinze joueurs, le club compte désormais entre cinq et six joueurs issus de son centre de formation.

La mission approuve évidemment une telle démarche. Mais elle constate aussi que la règle des joueurs formés localement, bien qu’elle constitue une réelle avancée, ne garantit en rien que les clubs recourent effectivement, sur le terrain, à ces jeunes. Elle peut être alors privée d’une bonne part de sa portée puisqu’elle ne conduit ni à maîtriser le phénomène des transferts, ni à valoriser les ressources internes des clubs. L’Union nationale des entraîneurs et cadres techniques professionnels du football (UNECATEF) a d’ailleurs déploré, auprès de la mission, que les clubs n’investissent souvent dans la formation que dans la perspective de bénéficier, plus tard, d’indemnités de formation, alors qu’il serait préférable qu’ils recourent davantage à leurs jeunes joueurs.

Il convient de tirer les conséquences de cette analyse. La mission recommande donc que soit durcie, au moins pour les clubs de football professionnel français, tant dans les championnats nationaux que les compétitions européennes, la règle des « joueurs formés localement » afin de s’assurer qu’ils recourent bien, sur le terrain, aux jeunes issus de leur centre de formation.

Une telle mesure relèverait de la Fédération française de football : le 3° de l’article L. 131-16 du code du sport prévoit en effet qu’il revient aux fédérations délégataires d’édicter « les règlements relatifs aux conditions juridiques, administratives et financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu’elles organisent. [Ces règlements] peuvent contenir des dispositions relatives au nombre minimal de sportifs formés localement dans les équipes participant à ces compétitions ».

Recommandation n° 11 : Durcir, au moins pour les clubs français dans les compétitions nationales et européennes, la règle des « joueurs formés localement » pour rendre obligatoire la présence, sur la feuille de match, d’au moins quatre joueurs issus du centre de formation.

b) Mieux valoriser les clubs formateurs

Si l’on souhaite promouvoir la formation locale des joueurs, il convient aussi d’assurer aux clubs formateurs un juste retour de leur investissement dans ce domaine. C’est l’objet, pour ce qui concerne les mutations internationales de joueurs, de l’article 20 du règlement de la FIFA sur le statut et le transfert des joueurs qui prévoit que des indemnités de formation sont dues à l’ancien club ou aux anciens clubs formateurs d’un joueur dans deux cas :

– lorsqu’il signe son premier contrat en tant que joueur professionnel. Dans ce cas, le club recruteur est tenu de payer l’indemnité de formation à tous les clubs auprès desquels le joueur a été enregistré et qui ont contribué à sa formation à partir de son douzième anniversaire. Le montant à verser est calculé au prorata de la période de formation que le joueur a passée dans chaque club ;

– lors de chaque transfert, jusqu’à la saison de son vingt-troisième anniversaire.

S’ajoute aux indemnités de formation une « contribution de solidarité » prévue par l’article 21 du même règlement, selon lequel en cas de transfert d’un joueur professionnel avant l’échéance de son contrat, les clubs ayant participé à sa formation et à son éducation se partagent 5 % de l’indemnité de transfert versée à l’ancien club.

Au plan national, l’article 261 de la charte du football professionnel, qui vaut convention collective des métiers du football, prévoit que les clubs recruteurs de jeunes âgés de douze à vingt ans doivent verser aux clubs d’origine une indemnité de formation forfaitaire, d’un montant variable selon la catégorie du centre de formation ; elle est de 90 000, 60 000, 30 000 ou 10 000 euros par année de formation. On doit y ajouter l’indemnité de valorisation de la formation, due par le nouveau club aux clubs quittés par le joueur en cas de sélection de celui-ci dans certaines compétitions. Cette indemnité, d’un montant de 200 000, 400 000 ou 600 000 euros par sélection du joueur, selon la compétition, ne peut dépasser 1,5 million d’euros. Enfin, pour chaque prolongation de la durée du contrat avant la fin de la saison du vingt-troisième anniversaire du joueur, le nouveau club doit s’acquitter auprès de l’ancien club d’une indemnité égale à douze mois du salaire mensuel brut moyen du nouveau contrat homologué signé avec le joueur. Ces règles transcrivent donc, pour les transferts nationaux, une partie des règles édictées par la FIFA pour les transferts internationaux.

La mission estime que la valorisation des clubs formateurs est essentielle pour donner corps à la règle des joueurs formés localement. Elle a pu constater, lors de ses auditions, l’attachement des acteurs du football professionnel au dispositif de formation français, M. Frédéric de Saint-Sernin, président du Stade rennais, allant même jusqu’à qualifier l’activité de formation de son club de « recherche et développement ». À cet égard, la suggestion émise par l’Union nationale des footballeurs professionnels d’appliquer la contribution de solidarité, prévue par le règlement de la FIFA pour les transferts internationaux, aux mutations de joueurs entre clubs français, se révèle particulièrement intéressante. Cette disposition relèverait de la charte du football professionnel et donc du dialogue social entre dirigeants de clubs professionnels et salariés.

Recommandation n° 12 : Afin de mieux valoriser les clubs formateurs, intégrer, dans la charte du football professionnel, le mécanisme de contribution de solidarité prévu par le règlement de la FIFA, en prévoyant que 5 % du montant des indemnités de transfert de joueurs entre clubs français sont destinés à être redistribués entre les clubs ayant formé ces joueurs.

La valorisation des clubs formateurs suppose aussi de leur permettre de préserver leurs ressources des appétits de certains clubs recruteurs, aux moyens très importants, qui n’hésitent pas à les « piller » rapidement de leurs meilleurs éléments. Ne pouvant s’aligner sur les offres salariales de ces concurrents, ils sont alors contraints de voir partir les talents qu’ils ont formés. Or le recours aux jeunes issus de leurs centres de formation leur permet, aussi, de maîtriser leur masse salariale. Pour M. Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, la politique de formation du club constitue une des réponses économiques à l’inflation qui sévit en matière de rémunération des joueurs, en permettant de remplacer des joueurs aux salaires mensuels élevés par des joueurs issus de son académie.

La mission estime qu’une voie, pour limiter le risque de « pillage » des meilleurs talents, pourrait consister à allonger la durée maximale du premier contrat professionnel des joueurs âgés de moins de dix-huit ans. Celle-ci est aujourd’hui fixée à trois ans par l’article 18 du règlement de la FIFA relatif au statut et au transfert du joueur, transcrit à l’article 260 de la charte du football professionnel. Le règlement de la FIFA s’imposant aux instances nationales du football professionnel, il ne semble pas possible d’opter pour une durée plus longue, qui sécuriserait la situation des clubs formateurs, sans qu’il ne soit révisé sur ce point. La mission n’entend pas empiéter sur les prérogatives et l’organisation du mouvement sportif au plan international. Elle n’émettra donc pas de recommandation spécifique sur ce point, mais un souhait : celui que les acteurs du football professionnel français ouvrent ce débat au sein des instances appropriées, afin de garantir aux clubs formateurs une stabilité contractuelle avec les jeunes qu’ils ont formés.

Enfin, les rapporteurs ont été alertés, à plusieurs reprises, sur le problème du devenir de certains jeunes en formation. Plusieurs intervenants se sont émus de ce qu’ils ont parfois qualifié de « gâchis humain » : des jeunes recrutés par des centres de formation, parce qu’ils ne présentent pas suffisamment les qualités requises, ne parviendront pas à devenir footballeurs professionnels. Les interlocuteurs de la mission ont fréquemment jugé que le dispositif de formation était surdimensionné par rapport aux besoins réels des clubs. M. Michel Seydoux, président du LOSC, a ainsi estimé que le football français formait trois cents joueurs par an, alors qu’il n’en aurait besoin que d’une centaine.

La mission est sensible à ce problème, qui doit trouver une solution équilibrée. Il ne semble pas souhaitable de s’orienter vers une limitation arbitraire du nombre de jeunes en centres de formation, car il convient de laisser la liberté aux clubs qui le souhaitent d’opter pour une stratégie de recrutement « en interne ». En revanche, le directeur technique national du football pourrait être chargé de s’assurer, au cas par cas, avec le soutien du conseiller technique national et des conseillers techniques régionaux, que le nombre de jeunes en formation répond bien aux besoins réels des clubs. Une telle mission paraît bien s’inscrire dans ses compétences, énumérées l’article R. 131-16 du code du sport : concourir à la définition de la politique sportive fédérale, veiller à sa mise en œuvre et contribuer à son évaluation. Elle pourrait être précisée dans le cadre de la convention d’objectifs conclue entre la Fédération française de football et l’État.

Recommandation n° 13 : Charger le directeur technique national du football de contrôler l’adéquation du nombre de jeunes en formation avec les besoins réels des clubs.

Une régulation plus exigeante du football professionnel, tant à l’échelle européenne que nationale, devrait ainsi contribuer à assainir la situation économique des clubs français en les incitant à adopter des comportements plus vertueux en matière de politique de recrutement et en valorisant leur activité de formation.

Mais les difficultés du football professionnel français ne se résument pas à la dérégulation des transferts de joueurs ou à l’opacité de certaines opérations de mutation. Les clubs français souffrent de handicaps qui leur sont propres et qui rendent aujourd’hui nécessaire de revoir, sur certains points, leur modèle économique.

B. LES VOIES D’UN RENOUVEAU DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS

1. Préserver le football, sport populaire

Le football est le sport populaire par excellence. Pourtant, des comportements antisportifs réitérés, la prégnance des enjeux financiers et une diffusion télévisée réservée, en grande partie, à un public d’abonnés, menacent ce caractère populaire. Les acteurs du football professionnel français ont souvent déploré auprès de la mission la désaffection du public à l’égard de leur discipline. Pour susciter, de nouveau, l’engouement à son égard, comme ils ont su le faire en 1998, ils doivent travailler à restaurer l’image du football professionnel.

a) Restaurer la primauté des valeurs sportives, dès la formation

Ainsi que l’a reconnu auprès des rapporteurs M. Jean-Pierre Louvel, président de l’Union des clubs professionnels de football, depuis la coupe du monde qui s’est tenue en Afrique du Sud en 2010, l’image du football professionnel français s’est considérablement dégradée. Une action résolue doit être menée pour réconcilier le public français avec ses clubs de football et leurs joueurs, faute de quoi la crise actuelle sera durable.

L’effort doit, de toute évidence, porter sur la formation des joueurs. Celle-ci ne peut se limiter à l’acquisition de compétences footballistiques. Ce que l’on attend des joueurs, ce sont certes des performances sportives, mais aussi un comportement fédérateur et citoyen, seul à même de susciter une adhésion durable du public, entendu au sens large : supporters de la première heure bien sûr, mais sans oublier les familles.

M. Vikash Dhorasoo a déploré, auprès de la mission, qu’on attende trop souvent des footballeurs professionnels qu’ils soient « exemplaires ». Il a estimé qu’on ne pouvait exiger d’eux une exemplarité de tous les instants : ils seraient des hommes comme les autres et auraient, en tant que tels, droit à l’erreur. C’est sur le terrain et lui seul qu’ils devraient être irréprochables. Pourtant, compte tenu de l’impact médiatique du football, il semble bien que les joueurs professionnels aient à répondre à de plus forte exigences. Il serait d’ailleurs assez paradoxal d’exciper du rôle social et éducatif du sport pour justifier, au plan européen, une « spécificité sportive », tout en revendiquant, dans le même temps, le droit de ne pas assumer ce rôle.

La Fédération française de football, consciente la nécessité de restaurer l’esprit sportif, s’est dotée d’une Charte éthique du football qui illustre bien les attentes à l’égard du football professionnel, en posant que « le football, parce qu’il est le sport le plus pratiqué en France et le plus médiatisé, se doit d’offrir, notamment aux jeunes, une image exemplaire car le sport doit rester une fête de l’humain et de la fraternité ». La même charte ajoute : « Personne n’est obligé de faire du sport. On en fait parce qu’on le veut bien […] Par cette pratique, on se réalise dans le cadre d’un idéal sportif dont on est responsable. […] Le champion est l’expression de l’excellence. Qu’il le veuille ou non, il est l’exemple et son attitude rejaillit sur toute la pyramide sportive. Il doit donc être exemplaire. »

En dépit de cette charte qui définit un certain nombre de comportements répréhensibles sanctionnés par un Conseil national d’éthique, on doit déplorer des manquements réitérés – et parfois même revendiqués – à l’éthique sportive (respect des règles, des arbitres et des adversaires, loyauté, fraternité et solidarité) d’acteurs du football professionnel qui semblent, pour certains, inconscients des coups qu’ils portent à leur discipline en ignorant des règles fondamentales qui fondent aussi notre pacte républicain. La signature, en 2003, d’une charte « Ensemble pour le jeu », à l’initiative de la Ligue de football professionnel, n’a pas, non plus, permis d’amender les comportements. C’est en amont que se forge l’éthique sportive, dès la formation des futurs professionnels.

La mission souscrit donc à l’analyse de Terra Nova selon laquelle il convient de renforcer l’éducation citoyenne des footballeurs professionnels auxquels n’est pas dispensé un enseignement satisfaisant aux valeurs sportives. Cela implique, notamment, de renforcer le contrôle du « double projet » des centres de formation, à la fois scolaire et sportif, dont on peut douter de l’application effective dans certains cas. L’État doit prendre ses responsabilités dans ce domaine, en mobilisant les rectorats ainsi que les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale afin qu’ils diligentent des contrôles réguliers des centres de formation. Les régions, qui participent activement au financement des centres, doivent elles aussi assumer une mission de suivi de ces structures. Il convient enfin de s’assurer qu’est délivrée, dans le cadre de ce double projet, une formation à l’éthique sportive exigeante.

Recommandation n° 14 : Garantir une éducation citoyenne aux jeunes footballeurs en cours de formation :

– par un contrôle et un suivi réguliers de la mise en œuvre effective du « double projet », scolaire et footballistique, dans les centres de formation, par l’État (directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ainsi que rectorats) et les régions ;

– en intégrant à ce double projet une formation approfondie à l’éthique sportive.

b) Promouvoir le football féminin

Dimension nouvelle du football professionnel, le football féminin est certainement l’une des clés de son avenir.

Le premier match de football féminin disputé en France s’est tenu en France le 30 septembre 1917 : il opposait deux équipes du Fémina Sport, club omnisports féminin fondé à Paris en 1912. Le premier championnat féminin fut mis en place par des clubs essentiellement parisiens après la première guerre mondiale, la compétition s’ouvrant aux autres clubs à partir de la saison 1920-1921. Depuis, le football féminin a profondément évolué, la discipline s’articulant autour de compétitions calquées sur le modèle masculin avec des championnats nationaux ainsi que des épreuves internationales de clubs et d’équipes nationales.

Au niveau des clubs, le premier championnat professionnel féminin a vu le jour outre-Atlantique, en 2001, sous l’appellation de Women’s United Soccer Association (WUSA) ; en 2009 lui a succédé la Women’s Professional Soccer. Depuis, les meilleures compétitions de clubs se disputent aussi en Allemagne, en Suède ou en Angleterre, où les joueuses évoluent comme semi-professionnelles.

En France, le statut de joueur fédéral (semi-professionnel) n’est autorisé pour les joueuses que depuis 2009. En outre, rares sont les clubs qui, à l’instar de l’Olympique Lyonnais, ont mis sur pied une équipe féminine professionnelle (incorporation de la section féminine du FC Lyon en 2004). En France, on ne compte qu’environ 60 000 licenciées féminines (3 % des licenciés de football). Cette situation contraste avec celle de l’Allemagne, par exemple, où plus d’un million de licenciées sont dénombrées depuis 2008.

Si la Fédération française de football, sous l’impulsion de son président M. Noël Le Graët, ainsi que le ministère des sports entendent remédier à ces retards, force est de constater que les instances du football professionnel en France – ainsi que les médias, d’ailleurs – ne semblent pas faire preuve du même entrain. Cela est regrettable car le football féminin pourrait largement contribuer à rééquilibrer l’image de la discipline.

En effet, celle du football féminin est, à bien des égards, plus positive que pour le football masculin professionnel. Le respect des règles et des valeurs sportives y est très largement diffusé, sans que le spectacle sportif n’en pâtisse, bien au contraire. Cela démontre que l’on peut aussi pratiquer le football, pour le plus grand plaisir des spectateurs, sans que les comportements contraires à l’éthique sportive ou les considérations financières ne prennent le dessus. Le football féminin peut ainsi être un vecteur d’image très valorisant, autant pour les clubs qui comportent une équipe féminine, que pour l’ensemble de la discipline. Il peut aussi drainer vers les stades un nouveau public, féminin et familial, et constituer ainsi une source de recettes de billetterie complémentaires de nature à rééquilibrer le profil des ressources des clubs. M. Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, a ainsi souligné que les victoires européennes de l’équipe féminine lyonnaise avaient eu un effet très positif dans ce domaine, avec 55 000 personnes qui ont assisté à leur finale en Ligue des Champions à Munich.

Bien que tous les ressorts de la promotion du football féminin en France existent, les clubs ne se les sont pas appropriés, faute de volonté. Il convient donc d’envisager une démarche plus volontariste.

C’est pourquoi la mission suggère de subordonner l’octroi de la licence de club, délivrée aux clubs de Ligue 1 et Ligue 2 par la Ligue de football professionnel, à la constitution d’une équipe féminine. Cette mesure, qui nécessiterait une modification du règlement relatif à la licence de club établi par la Ligue, se révèlerait sans doute une incitation puissante. En effet, si la licence de club ne conditionne pas la participation des clubs de Ligues 1 et 2 aux compétitions, elle leur permet d’être éligibles à une fraction des droits audiovisuels (10 % des droits en Ligue 1 et 20 % en Ligue 2).

Recommandation n° 15 : Subordonner l’octroi de la licence de club à la constitution d’une équipe féminine.

Pour préserver le caractère populaire du football, les intervenants doivent adapter leurs comportements et leurs stratégies aux attentes du public. Ils doivent aussi s’attacher à garantir que la diffusion télévisée des compétitions touche une large audience, afin de mieux attirer, par la suite, les spectateurs dans les stades.

c) Garantir à un large public l’accès à la diffusion télévisée des compétitions

Le football est le sport qui recueille le plus d’audience à la télévision : comme l’a rappelé à la mission Mme Christine Kelly, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, c’est toujours la finale de la coupe du monde de football de 1998 opposant l’équipe de France à celle du Brésil qui détient le record historique d’audience depuis la création de Médiamat, avec 23,6 millions de spectateurs sur TF1 et Canal +.

La croissance et la diversification de l’offre de diffusion de contenus sportifs depuis les années 1990 ont évidemment été une bonne nouvelle pour le football professionnel français, en lui permettant de compter sur des ressources importantes tirées des droits de retransmission télévisée. Mais elles ont aussi été le fait d’opérateurs payants dont la présence sur le marché est désormais devenue prépondérante. Dès lors, dans la perspective d’un renouvellement en 2016 de l’attribution des lots de droits télévisés des matches de Ligue 1 par la Ligue de football professionnel, la question se pose : sera-t-il toujours possible, dans un avenir proche, de voir des matches de football français gratuitement à la télévision, d’autant que les auditions des rapporteurs ont permis de constater que le nouvel entrant BeIn Sport ambitionne explicitement de devenir le diffuseur d’une offre dite « premium » dans le domaine sportif ?

Cette question n’est pas anodine : la préservation du caractère populaire du football suppose sa large diffusion et le sport pour tous, auquel la France est particulièrement attachée, passe aussi par la possibilité, pour tous, d’avoir accès gratuitement à la diffusion des compétitions. Rien ne serait pire pour le football français, et même pour le mouvement sportif, que l’image d’une discipline uniquement préoccupée de la maximisation de ses recettes à court terme et réservée à un public prêt à payer. Ce n’est pas ainsi qu’on parviendra à ranimer la ferveur du public et à l’attirer dans les stades.

Cette éventualité ne doit pas être écartée et suscite l’inquiétude de la mission. Certes, depuis l’arrivée de Canal + sur le marché des droits télévisés, le championnat de France n’est plus diffusé que sous forme cryptée. On peut aussi entendre l’argument de M. Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, qui a jugé que l’entrée de BeIn Sport sur le marché des droits télévisés était positive, en permettant d’éviter qu’un seul opérateur payant ne se retrouve en situation de monopsone et n’« assèche » le marché des droits télévisés, au détriment tant des clubs de football que des opérateurs gratuits.

Mais l’arrivée de BeIn Sport change la donne car désormais, c’est l’ensemble des compétitions de football qui pourrait donner lieu à une diffusion payante, non disponible sur une chaîne de la télévision numérique terrestre. En outre, comme l’a indiqué M. Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions, ce sont paradoxalement les chaînes gratuites qui pourraient être les victimes collatérales de la « guerre commerciale » que pourraient engager BeIn Sport et Canal + : si ce dernier n’obtenait pas le lot désiré, il pourrait très bien se reporter sur celui convoité par un opérateur gratuit, ce qui priverait certaines compétitions d’une diffusion en clair, comme cela est le cas des matches de la Ligue des Champions.

Tout l’enjeu consiste donc, comme l’a noté Mme Christine Kelly, à procéder à la difficile conciliation d’intérêts divergents : d’une part, la préservation du modèle économique des chaînes payantes qui repose, en grande partie, sur la retransmission de compétitions de football qui constitue un des premiers motifs d’abonnement ; d’autre part, le maintien d’une diffusion en clair de certains matches ou compétitions, pour en préserver le caractère populaire.

La France dispose déjà d’un outil à cet effet, mais il a montré ses limites. Il s’agit du décret du 22 décembre 2004 (54) qui définit des événements dits « d’importance majeure » (55). Ceux-ci ne peuvent être retransmis en exclusivité d’une manière qui aboutirait à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre.

Ce décret est parfois considéré, à tort, comme le garant d’une diffusion gratuite et en clair des compétitions qu’il détermine. Or, comme l’a indiqué Mme Christine Kelly, il constitue, de ce point de vue, un « leurre ». Ses limites sont clairement apparues pour la retransmission de la finale du championnat d’Europe de handball masculin de 2006, à laquelle participait l’équipe de France et qui entrait, de ce fait, dans son champ d’application. Canal +, détenteur des droits de la compétition, a pu réserver à ses seuls abonnés payants l’accès à cette finale car le décret se contente d’organiser une procédure de rétrocession éventuelle, aux chaînes en clair, des droits des événements d’importance majeure lorsque ceux-ci ont été acquis par une chaîne payante, sans pour autant instituer d’obligation de rétrocession. Il est ainsi possible qu’un événement ne soit pas diffusé en clair si aucune chaîne gratuite ne répond favorablement à l’offre de rétrocession.

On peut aussi regretter que la stratégie poursuivie par la Ligue de football professionnel vise à maximiser les recettes plus qu’à garantir une diffusion gratuite. M. Christophe Bouchet, ancien président de l’Olympique de Marseille et ancien vice-président du Tours FC, a déploré cette situation en notant qu’en Allemagne, la ligue fédérale n’avait pas cédé à la recherche des droits les plus rémunérateurs et avait privilégié la diffusion en clair de certains matches, le samedi après-midi à 17 heures, afin de conserver au football sa popularité et son intérêt pour le public le plus large. Aujourd’hui, elle en récolte les fruits sur le plan de l’affluence dans les stades.

Tout autre a été la logique qui a présidé à l’attribution en 2008 par la Ligue, à Canal +, des droits du magazine dominical d’actualité des compétitions de Ligue 1, jusqu’alors détenus par TF1 pendant plus de trente ans (Téléfoot), puis brièvement par France 2 (France 2 foot). En 2008, la Ligue a choisi d’inclure dans un même lot le magazine et des compétitions, afin d’obtenir des droits plus élevés et inciter les chaînes payantes à acquérir des lots importants. Le montant obtenu s’est révélé incompatible avec les moyens des chaînes gratuites. Il est donc erroné de penser que les chaînes gratuites généralistes ne seraient pas intéressées par le sport : c’est son coût qui les pénalise car elles ne sont plus capables d’aligner leurs offres sur celles des chaînes payantes. Ainsi, selon M. Nicolas de Tavernost, le montant des droits de retransmission télévisée des matches du championnat de France serait le double du budget total de grille de M6 : si le groupe s’en portait acquéreur, il ne pourrait rien diffuser d’autre et perdrait de l’argent.

Comment garantir l’accès à un football « gratuit » tout en ménageant les intérêts des opérateurs payants, de la Ligue de football professionnel et des chaînes gratuites ? Plusieurs pistes ont été évoquées lors des auditions des rapporteurs.

La première consisterait à étendre la liste des événements dits « protégés » par le décret du 22 décembre 2004 en y incluant quelques matches de Ligue 1 ou les finales de l’Europa League et de la coupe de la Ligue. Cette option, pour séduisante qu’elle soit par sa simplicité, est de peu d’avenir sur un plan juridique. Comme l’a indiqué Mme Christine Kelly, la liste dressée par le décret est déjà la plus longue de l’Union européenne – elle compte vingt-six événements – et ne comporte que des manifestations sportives. Sa révision devrait être notifiée à la Commission européenne et il est peu probable que celle-ci ferait le choix de protéger les compétitions de Ligue 1 qui constituent le produit « premium » par excellence du marché de la retransmission sportive.

Une deuxième piste, évoquée par M. Daniel Bilalian, consisterait à autoriser la Ligue de football professionnel à réserver, dans le cadre de son appel d’offres, certains lots aux chaînes gratuites pour maintenir l’attractivité des compétitions et donc l’audience qu’elles suscitent, les autres lots revenant aux diffuseurs à accès payant. Il a toutefois craint qu’une telle solution soit, elle aussi, délicate à mettre en œuvre sur un plan juridique, rappelant qu’en 2005, le tribunal de grande instance de Paris avait annulé la procédure d’appel à candidatures choisie par la Ligue de football professionnel pour l’attribution des droits de retransmission télévisée de la coupe de la Ligue pour les saisons 2006 à 2009. La Ligue avait en effet prévu l’obligation de diffuser certains matches en clair et en première partie de soirée, ce que le tribunal de grande instance a jugé discriminatoire à l’égard de Canal +.

La Ligue en a hâtivement tiré la conclusion qu’il lui était impossible de réserver certains de ses lots à des diffuseurs en clair. On ne peut exclure que son jugement ait aussi été influencé, en la matière, par l’arbitrage auquel elle doit procéder – soit vendre les droits à des tarifs élevés à des diffuseurs dont l’audience est restreinte, soit faire le choix d’une diffusion de masse, mais à un moindre prix. Qui plus est, comme l’a indiqué aux rapporteurs M. Laurent Letailleur, chargé de mission « Sport » à la direction des études et de la prospective du Conseil supérieur de l’audiovisuel, la règle désormais appliquée par la Ligue n’est tirée que d’une jurisprudence isolée. On pourrait donc concevoir que le législateur intervienne pour renverser cette approche, eu égard à l’intérêt général qui s’attache à un accès gratuit aux compétitions majeures, si tant est qu’une telle intervention soit nécessaire.

En effet, d’autres instances sportives ont pu faire, sans souci d’ordre juridique, le choix d’une diffusion gratuite de certains matches, ce qui tend à relativiser les craintes de la Ligue de football professionnel quant aux risques encourus. La Ligue nationale de rugby a isolé dans un lot spécifique la finale du Top 14 pour la réserver à un opérateur gratuit. La Commission européenne a même accepté que l’UEFA réserve certains de ses lots à une diffusion gratuite, ce qui semble offrir une certaine sécurité juridique à une telle solution.

Dès lors, la question qui se pose est celle de l’opportunité, pour le football français, d’une diffusion de certains de ses matches par des chaînes gratuites. Celle-ci n’est pas évidente, si l’on en croit M. Nicolas de Tavernost, selon lequel une large diffusion, en clair, des compétitions nationales ne permettrait pas de susciter un intérêt du public suffisant pour qu’il afflue dans les stades. Il n’est d’ailleurs pas acquis que les clubs souhaiteraient une mesure en ce sens : rappelons qu’en avril dernier, le Racing Club de Lens a préféré renoncer à une diffusion en clair de son match de quart de finale de la coupe de France contre les Girondins de Bordeaux pour préserver ses recettes de billetterie (56).

Les moyens des diffuseurs gratuits, plus limités que ceux des opérateurs payants, ne leur permettraient pas de se porter acquéreurs des meilleurs matches de la Ligue 1, sauf à faire supporter par les clubs une perte importante. Le prix de réserve des lots dits « premium » de Ligue 1 s’est élevé, au minimum, à 90 millions d’euros dans l’appel d’offres pour les saisons 2012-2013 à 2015-2016. On ne pourrait guère attendre plus de 30 millions d’euros d’offre de la part des chaînes gratuites. Ce seraient donc environ 60 millions d’euros en moins pour les clubs de football professionnel français. Une telle stratégie conduirait ainsi à dévaloriser les droits sur la compétition.

En outre, les rencontres entre le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille n’ont pas besoin d’une diffusion en clair pour être populaires. Enfin, réserver ce type de rencontres aux opérateurs en clair pourrait déstabiliser l’ensemble de la filière : il est difficilement envisageable de priver les opérateurs payants de leur « tête de gondole », compte tenu des moyens financiers qu’ils y consacrent. À l’inverse, il est peu probable que le fait de réserver aux chaînes gratuites la diffusion des matches les moins onéreux contribuerait à ranimer l’intérêt du public pour la compétition.

Une option intéressante consisterait donc plutôt à leur réserver en lot un magazine dominical permettant la diffusion d’extraits longs des compétitions, allant au-delà du simple droit de citation – qui devrait bien évidemment être préservé –, dans un délai relativement bref par rapport à la tenue des matches. Canal + a acquis les droits sur un tel produit en 2008 (Canal football club). L’opérateur a fait le choix de diffuser ce magazine en clair, mais il pourrait très bien décider de revenir sur cette décision. L’option qui consisterait à réserver au moins un tel lot à la diffusion gratuite serait équilibrée. Elle permettrait de préserver l’exclusivité de la diffusion des matches en direct à des chaînes payantes, tout en contribuant à populariser le football par une large diffusion de leurs meilleurs moments.

Recommandation n° 16 : Prévoir qu’au moins un lot soit réservé à des diffuseurs gratuits dans les appels d’offre de la Ligue de football professionnel visant à céder les droits de retransmission télévisée des compétitions, plus particulièrement pour un magazine dominical contenant des extraits longs de matches de Ligues 1 et 2.

d) Mieux associer les supporters à la vie et à la gestion des clubs

Pour permettre aux clubs de renouer avec l’affluence du public dans les stades, il convient aussi de promouvoir les initiatives visant à combler l’espace croissant qui se crée entre les supporters et leurs clubs. Les associations de supporters semblent en effet être parfois les oubliées du monde du football professionnel. Ce sont pourtant elles qui contribuent au caractère festif du spectacle sportif et leur rôle pour accroître l’attrait des compétitions ne doit pas être négligé.

La situation française en la matière a été décrite avec justesse par le Livre vert du supportérisme : « Alors que les supporters ont longtemps pu côtoyer les joueurs et dirigeants, la professionnalisation du football a, progressivement puis radicalement depuis les années 1990, créé une grande distance entre eux. [...] Avec la transformation des clubs en entreprises, l’aide traditionnellement apportée par les supporters officiels est également remise en cause. [...] Étant donné les sommes désormais gérées par les clubs professionnels, les fonds que les associations de supporters pourraient apporter deviennent dérisoires. Dans le budget des clubs, la part des recettes aux guichets est même nettement inférieure à celle versée par les sponsors et les télévisions, ce qui accrédite l’idée que les supporters comptent moins que les téléspectateurs, d’autant que les horaires des matches sont fixés en fonction des desiderata des diffuseurs. » (57)

La distance qui semble s’être établie entre les clubs de football professionnel français et leurs supporters n’est pourtant pas généralisée en Europe. Certains de nos voisins ont mis en œuvre une véritable politique du « supportérisme », celle-ci étant aussi promue, à l’échelle européenne, par des organisations comme Supporters Direct Europe ou Football Supporters Europe.

On peut citer, comme exemple emblématique d’une association étroite des supporters à la vie du club, le système des « socios » espagnols, qui sont associés ou sociétaires des clubs, et peuvent même en être propriétaires. C’est le cas au FC Barça qui compte près de 180 000 socios, de tous les âges (58), dont environ 118 000 ont un droit de vote. Avec, en 2010, 40 500 socios de moins de dix-huit ans, le club peut être optimiste : le renouvellement des générations semble assuré et la vitalité de ce mode de fonctionnement garantie. Fonctionnent selon un système similaire le Real Madrid (93 000 socios dont 20 000 mineurs), l’Atlético Osasuna et l’Athletic Bilbao.

Les socios élisent le président du club et le conseil d’administration. Tout en disposant d’un droit de vote sur certaines décisions du club, ils n’ont pas vraiment le pouvoir d’influencer les plus importantes d’entre elles. Ainsi, le club a conclu un accord de partenariat avec la Qatar Foundation en dépit de la nette réticence des socios barcelonais. Le système espagnol concilie donc une association étroite des supporters à la vie du club, tout en préservant la capacité de ce dernier à prendre des décisions stratégiques en toute autonomie.

Les clubs allemands accordent eux aussi une place particulière à leurs supporters, avec la règle dite « 50+1 » qui interdit à un seul actionnaire de club d’y détenir la majorité des voix, celle-ci devant revenir à une association sportive à but non lucratif. Entendu par la mission, M. Karl-Heinz Rummenigge, président du FC Bayern, a souligné le caractère vertueux de cette règle : elle permet de défendre la culture et les racines des clubs de football allemands qui sont ainsi préservés de prises de contrôle par des actionnaires majoritaires dont l’intérêt pour les questions sportives n’est pas forcément dominant. Cette règle est particulièrement soutenue par les supporters qui ne souhaitent pas qu’un seul actionnaire puisse déterminer les « règles du jeu ».

En France, des initiatives ponctuelles existent pour impliquer davantage les supporters à la gouvernance des clubs, par exemple avec la création de l’association À La Nantaise qui regroupe des soutiens du FC Nantes et vise à promouvoir un actionnariat populaire au sein du club. Elles demeurent toutefois limitées, car, comme le souligne le Livre vert précité, « le droit d’intervenir dans la gestion du club est dénié [aux supporters] dans la plupart des clubs français. Le club est en effet conçu comme une "grande famille" à laquelle il importe que les supporters aient le sentiment d’appartenir pour qu’ils restent attachés à lui et continuent à le soutenir. Mais il est conçu comme une grande famille selon un modèle traditionnel, dans lequel les supporters seraient des enfants n’ayant que peu le droit à la parole » (59).

S’il veut renforcer l’attrait du public pour les compétitions et renouer avec sa popularité, le monde du football professionnel doit sans doute accepter de mieux associer ses supporters à son mode de fonctionnement. C’est pourquoi la mission estime qu’il serait judicieux que les clubs français s’inspirent des initiatives existant en Espagne et en Allemagne pour encourager l’entrée de supporters dans leur capital et leur réserver une place dans leur conseil d’administration.

Recommandation n° 17 : S’inspirer du modèle espagnol des « socios » et de la règle allemande dite « 50+1 » en encourageant l’acquisition de parts des clubs par les supporters, afin de mieux les associer à la vie et la gestion des clubs et leur réserver une place dans les conseils d’administration.

Il revient ainsi au football professionnel français de réviser son mode de fonctionnement afin de restaurer son image auprès du public et préserver son attrait. Cette démarche est nécessaire mais elle ne suffira pas à assainir la situation des clubs. Il leur faut aussi admettre la nécessité d’une régulation plus exigeante, seule capable de mettre un terme aux dysfonctionnements constatés.

2. Opter pour une régulation plus ambitieuse du football professionnel

a) Renforcer le contrôle de gestion des clubs professionnels

Tous les intervenants entendus par la mission d’information ont loué la qualité des travaux de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) et salué son apport essentiel à l’économie des clubs de football professionnel français.

Les compétences de la DNCG sont fixées par l’article L. 132-2 du code du sport qui dispose que « les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle créent un organisme, doté d’un pouvoir d’appréciation indépendant, assurant le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives participant aux compétitions qu’elles organisent. Cet organisme a pour objectif d’assurer la pérennité des associations et sociétés sportives, de favoriser le respect de l’équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions ».

Elle est composée de trois commissions : la commission de contrôle des clubs professionnels, qui siège à la Ligue de football professionnel ; la commission fédérale de contrôle des clubs amateurs, qui siège à la Fédération française de football ; la commission d’appel des deux commissions précédentes, qui siège également à la fédération. La première d’entre elles est chargée d’apprécier la situation financière des clubs professionnels au regard, en particulier, de leur capacité à maintenir leur activité jusqu’à la fin de la saison sportive, afin de ne pas perturber le championnat.

Pour ce faire, elle est destinataire, tout au long de l’année, d’informations comptables et financières qui lui sont transmises par les clubs : bilan, compte de résultat, tableau d’amortissement des transferts. Deux « rendez-vous » avec les clubs sont particulièrement importants. Le premier se tient avant le début de la saison, vers le mois de juin, ce qui permet de valider leur participation aux compétitions et de négocier des contrats de joueurs au cours du « mercato » d’été. Le second a lieu au mois de novembre, à la mi-saison, avant le démarrage du « mercato » d’hiver. Au-delà de ces deux auditions annuelles, la commission peut être amenée à entendre certains clubs à une fréquence plus élevée, en fonction de leur situation financière.

La DNCG est dotée de pouvoirs étendus à l’égard des clubs professionnels. Aux termes de l’article 11 de son règlement annexé à la convention conclue entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel, elle peut leur interdire de recruter de nouveaux joueurs sous contrat, leur imposer un recrutement contrôlé dans le cadre d’un budget prévisionnel ou d’une masse salariale prévisionnelle limitée, limiter le nombre de joueurs mutés, prononcer leur rétrogradation sportive, les interdire d’accession sportive ou encore les exclure des compétitions.

Elle dispose donc d’un panel étendu de sanctions et a su faire la preuve de son efficacité, mais elle ne permet pas de s’assurer du respect, par les clubs français, du fair-play financier européen qui devrait permettre, lui aussi, de garantir leur viabilité. Or le contrôle exercé par l’instance de contrôle financier des clubs de l’UEFA, complémentaire de celui exercé par la DNCG, ne s’applique pas à l’ensemble des clubs nationaux. C’est pourquoi la mission d’information considère qu’il serait pertinent de soumettre l’ensemble des clubs de Ligue 1 et Ligue 2 aux prescriptions du fair-play financier européen.

Recommandation n° 18 : Soumettre aux prescriptions du fair-play financier européen l’ensemble des clubs de football professionnel de Ligue 1 et Ligue 2.

D’après les représentants de la DNCG entendus par la mission d’information, les décisions de cette instance seraient de moins en moins contestées : les présidents de clubs s’y soumettraient assez naturellement, d’autant plus qu’en raison des risques de contentieux, la direction est particulièrement soucieuse du respect non seulement des règles de fond, mais aussi des règles procédurales, comme les droits de la défense ou le principe du contradictoire.

On doit toutefois relativiser le bon état des relations entre l’instance de contrôle et les clubs professionnels. La DNCG avait engagé une réflexion pour modifier ses critères de contrôle des clubs pour la saison 2011-2012, en visant notamment un équilibre du résultat d’exploitation hors transfert à trois ans et un engagement des actionnaires en amont de la saison pour garantir un scénario de crise. Dans une note annexée au rapport annuel d’activité de la DNCG pour la saison 2009-2010, l’Union des clubs professionnels de football s’est vigoureusement opposée à ces orientations, les qualifiant d’« irréalistes voire dangereuses pour le football français ». Rappelant que la DNCG se devait d’agir sous l’autorité de la Fédération française de football et de la Ligue de football professionnel, l’Union des clubs professionnels de football a demandé à ce que « la DNCG reste dans son rôle fondamental de contrôleur du football français » et réclamé « une concertation préalable entre l’UCPF et la DNCG sur tous nouveaux critères de contrôle ». Ce serait ainsi le contrôlé qui déciderait de l’étendue du contrôle auquel il serait soumis.

La mission d’information a soulevé la question du positionnement institutionnel de la DNCG auprès de ses représentants. M. Richard Olivier, président de la commission de contrôle des clubs professionnels, a jugé que quand bien même ladite commission siégeait à la Ligue de football professionnel qui assure son secrétariat, son indépendance était garantie en raison de sa composition (personnalités qualifiées, experts). Considérant que le fonctionnement actuel était tout à fait satisfaisant, il ne lui a pas semblé nécessaire de le modifier pour lui garantir, par exemple, une plus grande autonomie organique.

Les rapporteurs sont convaincus de l’indépendance des membres de la DNCG. Le nombre des décisions rendues à l’encontre des clubs (encadrement de la masse salariale ou des recrutements, ou encore rétrogradations administratives) en témoigne. Mais la mission est également sensible à d’autres témoignages, comme celui de l’Union nationale des entraîneurs et cadres techniques professionnels du football, qui a observé que les clubs étaient, pour certains, réservés quant au contrôle de la DNCG et souhaiteraient que sa composition soit modifiée. La divergence survenue entre la DNCG et l’Union des clubs professionnels de football en 2009-2010 témoigne, elle aussi, des tensions qui pourraient menacer l’instance de contrôle dans sa configuration actuelle.

La qualité et la sérénité des contrôles de la DNCG impliquent que l’étendue de ses compétences ne puisse être contestée et que sa composition soit sécurisée. Un renforcement du pouvoir de contrôle de la DNCG serait en outre bienvenu car, en dépit de ses alertes répétées, certains clubs n’ont pas su adapter leur modèle économique et leur gestion. Ils n’ont, en particulier, pas procédé à une réduction suffisante de leur masse salariale, ni su atteindre un équilibre hors mutations, pourtant préconisés par l’instance de contrôle.

Il serait donc opportun d’étendre ses missions actuelles dans au moins quatre domaines : la vérification du respect des prescriptions du fair-play financier par l’ensemble des clubs de football professionnel ; une appréciation plus poussée des projets des clubs dans les trois ans à venir ; la possibilité d’exiger un équilibre d’exploitation hors mutations ; la possibilité de prendre des mesures incitant les clubs à ne pas dépasser un certain ratio de masse salariale par rapport au chiffre d’affaires.

Compte tenu des crispations observées lorsque la DNCG a tenté d’évoluer en ce sens, il n’est pas évident que le monde du football professionnel français serait prêt à consentir à de telles évolutions. C’est pourquoi la mission d’information suggère de doter la DNCG du statut d’autorité administrative indépendante – ce qui ne conduirait d’ailleurs pas forcément à opter pour une composition fondamentalement différente de celle qui est actuellement la sienne –, afin de sécuriser ses compétences et sa nécessaire autonomie par rapport au football professionnel.

Recommandation n° 19 : Doter la Direction nationale du contrôle de gestion du statut d’autorité administrative indépendante et de pouvoirs de contrôle renforcés lui permettant :

– de vérifier le respect, par l’ensemble des clubs de football professionnel, des prescriptions du fair-play européen ;

– d’apprécier la soutenabilité économique des projets des clubs dans les trois ans à venir ;

– d’exiger des clubs un équilibre d’exploitation hors mutations ;

– de faire usage de mesures adaptées et graduées lorsque le ratio de la masse salariale sur le chiffre d’affaires des clubs dépasse un certain seuil.

b) Lutter contre la dérive de la masse salariale des clubs

La mission d’information a pu constater que se dégageait un consensus sur la nécessité de maîtriser les dépenses consacrées à la rémunération des joueurs. Selon l’Union des clubs professionnels de football, cette préoccupation commune aurait d’ailleurs conduit les clubs à engager un mouvement de réduction des salaires de leurs équipes sportives : le salaire moyen d’un joueur de Ligue 2 avoisinerait 8 000 euros ; celui d’un joueur de Ligue 1 se situerait autour de 35 000 euros.

Le constat semble donc largement partagé, mais les clubs ne doivent-ils pas être incités plus fermement à accomplir un tel effort ? La question de l’opportunité d’un encadrement de leur masse salariale a été soulevée par les membres de la mission auprès de leurs interlocuteurs. Ils ont pu constater que cette option, si elle pouvait être discutée dans ses modalités, ne semblait pas, dans l’ensemble, rencontrer d’opposition de principe.

Or depuis la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, il est possible aux fédérations sportives d’édicter des règlements comprenant des dispositions relatives « au montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportive » (article L. 131-16 du code du sport). Il serait donc tout à fait possible à la Fédération française de football d’imposer un encadrement de la masse salariale des clubs, soit en fixant, en valeur absolue, un plafond de rémunération qui ne pourrait être dépassé (l’équivalent du « salary cap » anglo-saxon qui a cours dans les ligues fermées), soit en prévoyant, par exemple, que la masse salariale versée aux joueurs ne puisse dépasser un certain pourcentage du chiffre d’affaires des clubs.

● Le refus d’une ligue fermée et d’un plafonnement en valeur absolue des salaires

Le système européen repose sur des ligues dites « ouvertes », c’est-à-dire un mécanisme de promotion et de relégation des clubs en fonction de leurs résultats sportifs. Il s’oppose au modèle américain des ligues professionnelles fermées.

Le système américain des ligues professionnelles fermées (60)

Le système des ligues professionnelles fermées repose sur les grands principes suivants :

– l’acquisition par les propriétaires des équipes d’un droit à participer aux activités de la ligue (franchise), sur la base d’un cahier des charges, tout lien avec le sport non professionnel, les fédérations ou les divisions inférieures étant exclu ;

– une organisation régulée, avec un encadrement strict de la compétition économique entre clubs : partage des revenus à parts égales entre équipes, plafonnement des salaires (« salary cap »), parfois accompagné d’un salaire minimum (« salary floor »), prélèvement au-delà d’un certain seuil de masse salariale (« luxury tax ») dont le produit revient aux clubs n’atteignant pas ce seuil, négociation centralisée des droits télévisés ;

– une organisation négociée, avec des conventions collectives signées pour quatre à dix ans entre les représentants des propriétaires et les syndicats de joueurs ;

– une régulation des mouvements de joueurs, avec le mécanisme dit de la « draft », selon lequel les jeunes joueurs formés par le système universitaire, une fois éligibles pour intégrer la ligue, s’inscrivent sur une liste au sein de laquelle les clubs choisissent leurs recrutements, les clubs les moins bien classés ayant accès au premier choix, afin de préserver l’équilibre des compétitions ;

– des clubs géographiquement mobiles, les franchises étant attribuées à des propriétaires et non des villes, ce qui crée un marché des équipes professionnelles et met les villes en concurrence entre elles.

Certains clubs de football professionnel français ont fait le choix d’un plafonnement des salaires en valeur absolue, comme cela peut être pratiqué en ligue fermée. C’est le cas de l’AS Saint-Étienne, dont le président, M. Bernard Caïazzo, a indiqué qu’il pratiquait un plafonnement de la partie fixe de la rémunération à quatre niveaux : 90 000 euros, 65 000 euros, 50 000 euros et 30 000 euros, auxquels il convient d’ajouter les primes de résultat. Le club a ainsi construit une rémunération collective et, pour reprendre les termes de son président, a « transféré le risque économique sur les joueurs ». On notera toutefois que ce plafonnement ne semble pas concerner les primes ; le club a donc mis en œuvre un plafonnement du salaire relativement souple.

Il peut aussi être envisagé d’instaurer un plafonnement non pas individuel mais collectif, en encadrant, en valeur absolue toujours, la masse salariale de chaque club. Cette mesure ne constituerait pas une réelle innovation dans le sport professionnel français, puisque la Ligue nationale de rugby a d’ores et déjà adopté un dispositif de cette nature pour les clubs du Top 14, dès la saison 2010-2011. Il est lui aussi assez proche de dispositifs existant en ligue fermée.

L’encadrement de la masse salariale des clubs du Top 14
par la Ligue nationale de rugby

● Le règlement de la Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion de la Ligue nationale de rugby comprend, en annexe 3, un règlement relatif aux sommes et avantages dus aux joueurs.

● Ce dernier instaure, « pour garantir la stabilité économique des clubs de rugby professionnel français, une limitation, en valeur absolue, des sommes et avantages dus aux joueurs. La mise en place de ce dispositif de plafonnement a pour objectif d’éviter une dérégulation du marché et de l’économie des clubs, élément indispensable à la préservation de l’équité de la compétition ».

Il prévoit que le montant total des sommes et la valeur des avantages dus aux joueurs de chaque club professionnel (première et deuxième divisions) au titre de la saison 2012-2013 ne peut excéder le montant de 9,5 millions d’euros. Le comité directeur de la Ligue nationale de rugby a par ailleurs décidé, en avril 2013, de figer le montant du « salary cap » à 10 millions d’euros pour les trois prochaines saisons (2013-2014 à 2015-2016).

● Sont pris en compte dans la masse salariale ainsi plafonnée :

– le salaire et certaines primes ;

– les avantages en nature évalués par référence aux usages constants (conformément aux règles servant au calcul des cotisations sociales) ou aux données du marché ;

– les sommes dues dans le cadre de dispositifs d’épargne salariale ou d’intéressement ;

– les sommes dues en contrepartie de l’exploitation des attributs de la personnalité du joueur et notamment de son image individuelle ;

– tout instrument financier donnant accès immédiatement ou à terme au capital social du club.

● Ne sont pas pris en compte dans le plafond :

– les sommes et avantages dus aux joueurs par la fédération au titre de leur participation à l’équipe nationale dans laquelle ils sont sélectionnés ;

– les indemnités de rachat de contrat versées par un nouveau club au précédent club ;

– les indemnités de formation versées par un nouveau club au précédent club ;

– les commissions versées aux agents ou mandataires sportifs qui sont intervenus à l’occasion de la conclusion du contrat de travail entre le joueur et son club ;

– les indemnités de double résidence versées aux joueurs (exonérées de charges sociales et d’impôt sur le revenu) ;

– les primes, contractuelles ou non, versées aux joueurs au titre de la victoire en finale du Championnat de France, de la Heineken Cup ou de l’Amlin Cup, ainsi que celles versées au titre de la participation à la finale de l’une ou l’autre de ces compétitions.

Quelques intervenants se sont prononcés, auprès de la mission d’information, en faveur de l’institution d’un système de ligue fermée : M. Luc Dayan, président du Racing Club de Lens, a noté que la France avait déjà limité, par le passé, les promotions et relégations de clubs et a jugé qu’une telle option permettrait d’éviter des situations parfois dramatiques, comme à Lens où un seul but a eu pour conséquence un « effet de ciseaux » de 60 millions d’euros. M. Didier Primault, directeur général du Centre de droit et d’économie du sport, a pour sa part considéré qu’un système de ligue fermée serait le plus à même de garantir l’équilibre des compétitions et les finances des clubs. M. Frédéric Paquet, directeur général adjoint du LOSC, a estimé qu’il serait pertinent de s’inspirer du modèle de mutualisation américain en l’adaptant à la culture européenne.

Mais la mission a pu constater que c’était l’option d’un plafonnement de la masse salariale globale, exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires, qui paraissait, de loin, recueillir la préférence des dirigeants du football professionnel. Ceux-ci ont tous jugé que l’instauration d’un plafond de salaire en valeur absolue ne pourrait être envisagée qu’en optant pour un système de ligue fermée. Or ils ont très majoritairement fait part de leur attachement à une ligue ouverte, comme, du reste, les membres de la mission d’information. Opter pour une ligue fermée, ce serait tout simplement mettre à bas le modèle français et européen du sport qui repose sur la chance, donnée à tous, d’accéder l’excellence sportive.

● Les voies pour une régulation efficace de la masse salariale

La Ligue de football professionnel a semblé admettre l’institution d’un plafonnement de la masse salariale, à un niveau de l’ordre de 65 % du chiffre d’affaires. Elle a d’ailleurs indiqué que c’était l’objectif qu’elle s’était fixé d’ici quatre ans : les clubs ne pouvant plus compenser leurs déséquilibres par les indemnités de transferts qui s’effondrent, un équilibre sur les dépenses courantes doit être visé, ce que la Ligue a jugé ambitieux mais réalisable. L’Union nationale des footballeurs professionnels a défendu une position similaire, jugeant que la masse salariale ne devrait pas dépasser 60 % à 65 % du budget des clubs, ces derniers devant toutefois être libres, au sein de l’enveloppe ainsi déterminée, d’attribuer les salaires qu’ils souhaitent à leurs joueurs.

L’Union des clubs professionnels de football a, pour sa part, considéré que l’institution d’un plafond salarial pourrait être envisagée sous plusieurs conditions strictes : une définition claire (pourcentage de la masse salariale), un champ d’application large (l’échelon européen, au minimum) et la prise en compte de l’absence d’harmonisation fiscale et sociale.

La mission d’information souscrit globalement à ces analyses, pour plusieurs motifs. Un plafonnement des salaires en valeur absolue semble délicat à mettre en œuvre sur un plan juridique, sa conformité avec les règles du marché intérieur – notamment en matière de liberté de la concurrence – pouvant poser question : une telle mesure serai-elle considérée comme justifiée et strictement nécessaire pour poursuivre l’objectif d’équilibre des compétitions ? Il n’est pas sûr, non plus, qu’un plafonnement en valeur absolue serait opérant en termes de régulation de la masse salariale, les clubs pouvant toujours en contourner la lettre et l’esprit en augmentant sensiblement la part variable des rémunérations versées à leurs joueurs.

De plus, dans l’hypothèse – assez probable – où certains clubs européens s’opposeraient à un tel plafond salarial, les plus vertueux seraient lourdement pénalisés dans leur politique de recrutement, puisque leurs offres seraient le plus souvent en retrait par rapport à celles de leurs concurrents. Enfin, la philosophie qui a guidé l’UEFA dans sa conception du fair-play financier privilégie une maîtrise de la masse salariale par rapport au chiffre d’affaire des clubs : l’article 62 de son règlement sur l’octroi de licence aux clubs et le fair-play financier permet en effet à l’instance de contrôle financier des clubs de procéder à un suivi renforcé de ces derniers lorsque « les prestations en faveur de [leur] personnel dépassent 70 % du total de [leurs] revenus ».

Dès lors, une voie équilibrée consisterait à ce que la Fédération française de football institue un plafonnement de la masse salariale des clubs exprimée en pourcentage de leur chiffre d’affaires, comme le lui permet l’article L. 131-16 du code du sport. Il serait par ailleurs souhaitable qu’elle milite pour que cette exigence soit appliquée à l’échelon européen par l’UEFA, ce qui supposerait de compléter le dispositif du fair-play financier sur ce point. Il serait en effet extrêmement dissuasif pour les clubs de risquer une exclusion des compétitions européennes pour dépassement d’un seuil de masse salariale.

S’agissant du pourcentage à retenir, la mission estime qu’il convient d’être ambitieux si l’on souhaite assainir durablement la situation financière des clubs. Elle considère qu’il pourrait être fixé à 60 % pour les clubs de Ligue 1. S’agissant des clubs de Ligue 2, dont le poids actuel de la masse salariale dans leur chiffre d’affaires est plus élevé (de plus de 80 % pour certains clubs), il serait sans doute nécessaire leur assigner un pourcentage supérieur, diminuant graduellement pour atteindre, à terme, lui aussi 60 %. Bien évidemment, une telle réforme ne pourrait être appliquée sans délai : des dispositifs transitoires seraient indispensables pour permettre aux clubs, dans un horizon de trois à cinq ans, d’atteindre le ratio maximal autorisé.

Recommandation n° 20 : Instituer, par la voie d’un règlement de la Fédération française de football, un plafond de masse salariale exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires des clubs :

– 60 % pour les clubs de Ligue 1 ;

– un pourcentage supérieur pour les clubs de Ligue 2, diminuant progressivement pour rejoindre celui assigné aux clubs de Ligue 1 ;

– prévoir des dispositifs transitoires pour permettre aux clubs d’atteindre, dans un horizon de trois à cinq ans, le ratio maximal autorisé.

L’institution d’un plafond de masse salariale devrait constituer une mesure de régulation puissante pour assainir la situation financière des clubs. Il convient aussi de les inciter à adopter une politique budgétaire plus réaliste. L’expérience montre que les écarts entre budget prévisionnel et budget réel peuvent être importants et que les difficultés à anticiper l’aléa sportif participent aussi des dysfonctionnements. Il pourrait donc être envisagé d’adopter une mesure prudentielle visant à permettre aux clubs de faire face à tout imprévu, en s’inspirant du dispositif de fonds de réserve existant dans le domaine du rugby.

Dans son rapport d’activité pour la saison 2009-2010, la DNCG en a souligné la pertinence. Partant du constat de la croissance rapide des budgets des clubs du rugby professionnel, la Ligue nationale de rugby a jugé nécessaire de prévenir les risques de défaillances, notamment en cours de saison, en renforçant la sécurité financière des clubs par l’institution d’un fonds de réserve. Celui-ci a pour objet de permettre aux clubs d’augmenter leurs fonds propres et les liquidités immédiatement disponibles.

L’article 49-2 du règlement administratif de la Ligue nationale de rugby pour la saison 2012-2013 prévoit ainsi que « tout club professionnel a l’obligation de constituer un fonds de réserve d’un montant au moins égal à 10 % du montant de sa masse salariale joueurs prévue pour la saison à venir », cette masse salariale étant calculée hors cotisations sociales patronales. S’il est contraignant, ce mécanisme est également souple : alors qu’il était initialement prévu que 20 % de la masse salariale soient mis en réserve, la Ligue nationale de rugby a revu ce pourcentage à la baisse pour tenir compte de la crise économique. Le dispositif a prouvé son efficacité : ainsi, selon l’homologue de la DNCG pour le rugby, « les capitaux propres du Top 14 bénéficient d’une majoration de 60 % en une seule saison. Cette évolution permet de dépasser le pic constaté en fin de saison 2006-2007, avec un niveau moyen de capitaux propres par club de 1,35 million d’euros au 30 juin 2012 » (61).

La mission d’information estime qu’une telle mesure pourrait utilement être transposée aux clubs de football professionnel et recommande donc à la Ligue française de football d’adapter son règlement administratif pour y introduire une obligation analogue.

Recommandation n° 21 : Constituer, dans chaque club de football professionnel, un fonds de réserve d’un montant au moins égal à 10 % du montant de sa masse salariale dédiée aux joueurs, prévue pour la saison à venir.

Enfin, la mission d’information a été particulièrement sensible aux observations de certains de ses interlocuteurs – M. Richard Olivier, président de la commission de contrôle des clubs professionnels de la Direction nationale du contrôle de gestion, M. Luc Dayan, président du Racing Club de Lens, ou encore M. Jean-François Fortin, président du Stade Malherbe de Caen – qui ont insisté sur la nécessité, pour les clubs, de tendre vers un équilibre d’exploitation hors transferts.

Si l’on souhaite que la situation économique et financière des clubs soit durablement assainie, les transferts ne doivent être, pour reprendre l’expression de M. Richard Olivier, qu’une « poire pour la soif » et ne pas être considérés comme un élément structurant de l’équilibre budgétaire. Or les normes comptables en vigueur, qui assimilent les contrats de joueurs à des actifs incorporels amortissables, ne vont pas en ce sens. La mission considère qu’une réforme comptable est nécessaire pour revenir sur cette réglementation dommageable qui traduit, en outre, une conception plus que contestable du rapport des clubs avec leurs joueurs : de salariés, ils sont devenus, sur le plan comptable, des marchandises.

Recommandation n° 22 : Revenir sur la comptabilisation des contrats de joueurs en actifs incorporels amortissables.

La régulation de la masse salariale constitue sans doute une mesure essentielle pour améliorer la situation des clubs, en vue de garantir la pérennité et la soutenabilité. Au-delà, se pose la question, soulevée par de nombreux dirigeants de clubs auprès de la mission, d’une adaptation de leur environnement et de leur régime juridiques.

3. Un débat ouvert : adapter l’environnement et le régime juridiques des clubs

Les représentants de clubs de football professionnel français ont assez largement déploré, auprès des rapporteurs, l’instabilité juridique de leur environnement qui les pénaliserait par rapport à leurs concurrents européens. La mission n’a pas souhaité esquivé cette question mais émet, pour sa part, une analyse plus mesurée, en jugeant que des clarifications sont sans doute nécessaires.

a) Redéfinir les relations des clubs avec les collectivités territoriales

Les relations entre clubs professionnels et collectivités territoriales sont riches d’apports mutuels. Comme on l’a vu plus haut, les clubs de football contribuent pour une part importante à l’économie locale, tant en termes d’emplois directs que d’externalités positives pour les autres acteurs économiques des territoires. À l’inverse, les collectivités territoriales apportent des soutiens diversifiés aux clubs : en mettant des stades à leur disposition, mais aussi en contribuant à leur financement par le biais de deux instruments.

Le premier d’entre eux consiste en subventions pour missions d’intérêt général, autorisées par l’article L. 113-2 du code du sport. Ces missions, énumérées à l’article R. 113-2 du même code, sont de trois ordres : la formation, le perfectionnement et l’insertion scolaire ou professionnelle des jeunes sportifs accueillis dans les centres de formation agréés ; la participation de l’association ou de la société à des actions d’éducation, d’intégration ou de cohésion sociale ; enfin, la mise en œuvre d’actions visant à améliorer la sécurité du public et prévenir la violence dans les enceintes sportives. Les associations sportives ou leurs sociétés ne peuvent percevoir, au total, un montant de subventions supérieur à 2,3 millions d’euros pour chaque saison sportive en application de l’article R. 113-1 du même code.

Les rapporteurs estiment que certaines des missions énumérées ne peuvent plus justifier une subvention des collectivités locales. Les intervenants du football professionnel français ont jugé que celui-ci était désormais devenu « adulte » ; il convient d’en tirer les conséquences, dans un contexte financier plus que tendu pour les collectivités territoriales. C’est pourquoi la mission d’information estime nécessaire que seules les dépenses relatives à la formation et l’insertion des jeunes sportifs accueillis dans les centres de formation puissent désormais faire l’objet de subventions des collectivités locales au titre des missions d’intérêt général.

La mission ne juge en revanche pas opportun de revenir sur la possibilité, pour les collectivités, de contribuer au financement des clubs par l’intermédiaire de l’achat de prestations de services aux sociétés sportives, autorisé par l’article L. 113-3 du code du sport, et dont le montant est plafonné par l’article D. 113-6 à 30 % du total des produits du compte de résultat de l’année précédente de la société, dans la limite de 1,6 million d’euros par saison sportive.

Recommandation n° 23 : Limiter le soutien des clubs professionnels par les collectivités territoriales aux contrats d’achat de prestations de services et, pour ce qui concerne les subventions pour missions d’intérêt général, aux seules dépenses relatives aux centres de formation.

b) Harmoniser les conditions fiscales des clubs de football professionnel

Les clubs de football professionnel français ne sont pas tous traités sur un pied d’égalité sur un plan fiscal. En effet, en application de l’article 1559 du code général des impôts, les matches de football sont soumis à un impôt communal – la « taxe sur les spectacles » – dont les modalités d’établissement peuvent donner lieu à des traitements fort différenciés. Initialement destinée à s’appliquer à l’ensemble des spectacles, cette taxe a vu son champ progressivement restreint par le législateur pour ne plus concerner, désormais, que les réunions sportives et les cercles et maisons de jeux.

Pour les réunions sportives, le tarif de cette taxe, assise sur les droits d’entrée acquittés par les spectateurs, est de 8 % – 14 % pour les courses automobiles et le tir au pigeon – mais peut, sur délibération du conseil municipal, être majoré de 50 % (article 1560 du même code général des impôts). Certaines compétitions sportives peuvent toutefois en être exonérées, soit parce qu’elles relèvent d’activités sportives énumérées dans un arrêté interministériel, soit parce que le conseil municipal a fait usage de sa faculté d’exonérer de la taxe certaines compétitions, ou l’ensemble des compétitions sportives organisées sur le territoire de la commune (article 1561 du même code).

Ces possibilités d’exonération ont conduit le Paris Saint-Germain à poser une question prioritaire de constitutionnalité en faisant valoir que le régime de la taxe sur les spectacles introduisait une différence de traitement à trois titres :

– entre les compétitions sportives et les autres spectacles, dans la mesure où ces derniers ne sont plus assujettis à la taxe ;

– entre les compétitions sportives selon les sports, dans la mesure où un arrêté interministériel détermine des activités sportives dont les compétitions bénéficient d’une exemption totale ;

– entre les compétitions sportives selon la commune où elles sont organisées, dans la mesure où le conseil municipal peut décider d’exonérer, pour tout ou partie, des compétitions sportives organisées sur le territoire de la commune.

Le Conseil constitutionnel n’a pas suivi le club dans son analyse et a, dans sa décision n° 2012–238 QPC du 20 avril 2012, estimé que les dispositions en cause n’introduisaient aucune différence de traitement entre des personnes placées dans la même situation et ne créaient pas, en elles-mêmes, de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Il a par ailleurs jugé que la différence de traitement entre compétitions sportives se déroulant sur le territoire de la même commune reposait sur des critères objectifs et rationnels, en fonction des buts poursuivis par le législateur, et qu’il n’en résultait pas, non plus, de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

La constitutionnalité de la taxe sur les spectacles ne signifie pas, pour autant, que la situation actuelle est satisfaisante. Les communes ont, en la matière, des pratiques très diverses. L’application aux clubs de régimes fiscaux disparates constitue, dans les faits, une distorsion de concurrence qui n’apparaît pas équitable. C’est pourquoi la mission d’information souhaite qu’une réforme soit envisagée dans le sens d’une harmonisation en matière d’application de la taxe sur les spectacles aux compétitions sportives.

Nombreux ont été les intervenants du football professionnel français à s’inquiéter des conséquences de nouvelles mesures fiscales sur les comptes des clubs, lorsque ceux-ci n’ont pu les intégrer dans leurs prévisions budgétaires. Les modalités de suppression du droit à l’image collective ont manifestement constitué, de ce point de vue, une source de difficultés, en se traduisant par un renchérissement brutal et non anticipé de la masse salariale des clubs.

Il est légitime que les rémunérations prévues par les contrats à venir soient assujetties à la fiscalité de droit commun. On voit mal, en effet, sur quel fondement les footballeurs professionnels pourraient être exonérés des efforts demandés à nos concitoyens, sauf à instituer une rupture d’égalité injustifiable. En revanche, un durcissement du régime fiscal de rémunérations qui ont été négociées sous l’empire d’une réglementation plus favorable serait susceptible d’affecter sensiblement les comptes des clubs, compte tenu des modalités de rémunération des joueurs – les clubs s’engagent en général sur un montant net de salaire.

Une application rétroactive de mesures fiscales qui, par leur portée, pourraient conduire à bouleverser excessivement l’économie de contrats déjà conclus par les clubs avec les joueurs emporte deux risques. Le premier, évoqué par un certain nombre de dirigeants de clubs mais délicat à mesurer, est celui d’une « fuite des talents ». Le second est celui d’une fragilisation de la situation financière des clubs, car les contrats déjà conclus structurent, pour une bonne part, leurs budgets pour les saisons à venir. La mission d’information estime que le principe de non-rétroactivité doit prévaloir et que les nouvelles mesures fiscales doivent s’appliquer aux seuls contrats conclus à compter de leur promulgation.

Recommandation n° 24 : Harmoniser les conditions fiscales des clubs de football professionnel :

– éviter les distorsions de concurrence en harmonisant les conditions d’application de la taxe sur les spectacles aux compétitions sportives ;

– préserver l’économie générale des contrats conclus par les clubs avec les joueurs en appliquant un principe de stabilité fiscale, les nouvelles mesures devant s’appliquer aux rémunérations fixées par les contrats conclus à compter de leur promulgation.

c) Tirer les conséquences de l’inadaptation du statut de société anonyme pour les clubs de football professionnel

On peut légitimement s’interroger sur la pertinence du choix du statut de société anonyme pour les clubs de football professionnel. Comme l’a souligné M. Luc Dayan, président du Racing Club de Lens, l’intérêt de la constitution d’une société anonyme est évident lorsque l’activité est rentable ; il semble plus que ténu lorsque l’entreprise enregistre des pertes.

Les clubs peuvent opter, comme on l’a vu plus haut, pour des formes spécifiques de société anonyme : celle à objet sportif (SAOS), peu répandue, qui interdit la distribution de dividendes à ses actionnaires, et la société anonyme sportive professionnelle (SASP), qui peut faire appel public à l’épargne, comme l’a choisi l’Olympique Lyonnais en février 2007, rémunérer ses dirigeants et n’impose aucune condition en termes de capital minimal devant être détenu par l’association support. Depuis la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, il est désormais possible aux clubs d’adopter les statuts d’une société commerciale de droit commun, et notamment de société anonyme.

La mission n’est pas convaincue par cette évolution. Elle considère, en effet, que l’opacité de la société anonyme – qui limite la responsabilité financière des associés à raison de leurs apports – n’est pas adaptée au football professionnel. Sans aller jusqu’à reprendre à son compte la proposition de M. Luc Dayan de recourir au statut de groupement d’intérêt économique pour y réunir, dans une communauté d’intérêts, clubs et collectivités locales, la mission estime qu’une réflexion approfondie devrait être menée sur le statut juridique des sociétés sportives, chantier certes complexe, mais qu’il semble nécessaire de rouvrir compte tenu des dysfonctionnements constatés.

Recommandation n° 25 : Mener, en concertation avec les acteurs du football professionnel, une réflexion approfondie sur le statut juridique des sociétés sportives et notamment le caractère inadapté du statut de société anonyme.

Si une réflexion sur l’environnement juridique des clubs de football professionnel se révèle pertinente, on ne doit pas perdre de vue que leur modèle économique pêche beaucoup par l’insuffisance des recettes de billetterie ainsi que de celles tirées de l’exploitation des infrastructures. Les clubs doivent, pour restaurer leurs marges de manœuvre, parvenir à diversifier plus significativement leurs recettes et donc leur activité.

4. Diversifier plus significativement l’activité des clubs

a) Mener une politique davantage tournée vers le public

Selon M. Frédéric Bolotny, économiste du sport, il doit être possible d’améliorer les recettes des clubs français, au premier rang desquelles les recettes de billetterie. Elles sont aujourd’hui 3,5 fois moindres que celles des quatre autres principaux championnats européens – le ratio est à peu près le même sur les recettes dites d’« hospitalité ».

À la différence des clubs français, les clubs allemands, souvent cités en exemple pour la vitalité de leurs recettes, ont d’abord porté leur effort sur les prix d’appel, afin d’attirer du public, pour ensuite monter en gamme, au fur et à mesure de la fidélisation des supporters. Le club d’Arsenal tire pour sa part 60 % de ses recettes de jours de matches de ses places en loges – M. Bernard Caïazzo, président de l’AS Saint-Étienne, a d’ailleurs relevé que les recettes de billetterie pour un match de championnat du club anglais étaient équivalentes à celles du club stéphanois pour l’ensemble de ses matchs de championnat. M. Didier Primault, directeur général du Centre d’économie et de droit du sport, a noté que les clubs français pratiquaient des tarifs peu élevés par comparaison aux clubs étrangers, cette situation pouvant être imputée, selon lui, à la moindre culture du spectacle sportif en France que chez nos voisins européens.

Les clubs français semblent toutefois commencer à s’intéresser à ces paramètres, sans pour autant que leur stratégie dans ce domaine soit aussi affirmée que celle de leurs principaux concurrents. Il est vrai, comme l’a souligné M. Frédéric Bolotny, qu’elle suppose des investissements conséquents et, en parallèle, une offre de services de qualité.

C’est ainsi le modèle « commercial » des clubs qui doit être adapté. Certains d’entre eux ont accompli des efforts en ce sens. M. Frédéric de Saint-Sernin, président du Stade Rennais, a ainsi indiqué que son club travaillait désormais sur son identité bretonne pour créer des animations lors de ses déplacements. Il souhaite créer une adhésion régionale et susciter l’intérêt pour l’équipe, ce qui implique de faire de véritables « spectacles sportifs » lors des matches, mais aussi de créer des animations diversifiées. M. Bernard Caïazzo a, pour sa part, insisté sur la nécessité d’un renforcement des recettes commerciales, comme l’ont fait les clubs allemands, en se tournant vers les spectateurs et les familles. La mission d’information partage ce diagnostic et considère que les clubs doivent désormais consentir de plus grands efforts, dans leur stratégie commerciale, pour attirer un nouveau public.

b) Accroître les recettes liées à l’exploitation des infrastructures

La mission a été très favorablement impressionnée par le stade Allianz Arena de Munich, dont elle a pu constater que son exploitation procurait des recettes importantes au FC Bayern. Parmi celles-ci, les recettes tirées des services de restauration sont importantes : un spectateur assistant à un match du club dépense, en moyenne, 5 euros de plus que le tarif de son billet pour un snack et une boisson.

Un tel écart avec les clubs français pose question. La convivialité des lieux est un facteur puissant d’attraction du public. Elle implique certes une architecture rénovée et un confort amélioré, mais aussi des espaces d’accueil où le public prend plaisir à se retrouver, en famille et entre amis, avant et après le match. Or force est de constater qu’en raison de contraintes réglementaires, ces espaces se situent, en France, à l’extérieur de l’enceinte des stades – il n’est qu’à voir la multitude de bars et restaurants à leurs abords pour s’en convaincre.

La mission estime qu’il convient, aujourd’hui, d’aborder sans fard la question de la vente et la distribution de boissons alcoolisées dans les stades. Alors que celle-ci est autorisée dans les stades allemands qui sont parmi les plus familiaux qui soient, elle est totalement proscrite en France, sous réserve de quelques dérogations qui donnent lieu, en pratique, à de réelles dérives.

Rappelons qu’en application de l’article L. 3335-4 du code de la santé publique, « la vente et la distribution de boissons des groupes 2 à 5 [...] est interdite dans les stades, dans les salles d’éducation physique, les gymnases et d’une manière générale, dans tous les établissements d’activités physiques et sportives » (62). Ces lieux font partie des zones dites « protégées ».

Certaines dérogations à l’interdiction de vente et de distribution de boissons alcoolisées existent toutefois. L’article L. 3335-4 du code de la santé publique permet au maire d’accorder par arrêté des dérogations temporaires, d’une durée de quarante-huit heures au plus, à l’interdiction de vente et de distribution des boissons des groupes 2 et 3 dans les stades en faveur des associations sportives agréées dans la limite de dix autorisations annuelles pour chacune des associations qui en fait la demande, et des organisateurs de certaines manifestations à caractère agricole ou touristique, dans la limite de deux ou quatre autorisations annuelles par commune. C’est dans ce contexte que peuvent être installées des buvettes temporaires dans l’enceinte des stades.

Mais la principale dérogation résulte de l’article L. 3331-2 du même code qui autorise la vente ou la distribution de boissons alcoolisées en cas de détention de l’un de ces deux titres :

– la « petite licence restaurant » qui permet de vendre les boissons du groupe 2 (boissons fermentées non distillées) pour les consommer sur place, mais seulement à l’occasion des principaux repas et comme accessoires de la nourriture ;

– la « licence restaurant » qui permet de vendre pour consommer sur place toutes les boissons dont la consommation est autorisée, mais seulement à l’occasion des principaux repas et comme accessoires de la nourriture.

C’est sous ce régime que sont exploités les restaurants ou salons dits « VIP » installés dans l’enceinte des stades et qui proposent avant, pendant et après le match un service de restauration accompagné d’alcool. La distribution d’alcool est, en théorie, tolérée en apéritif ou en digestif dès lors que la consommation est liée à une prestation principale de délivrance de repas, dont la boisson n’est qu’un accessoire. En pratique, on constate que la consommation d’alcool est devenue la règle dans les loges où se retrouvent les invités.

Ainsi, ce qui devait n’être qu’une dérogation s’est transformé, pour un public privilégié, en quasi-droit acquis, tandis que le public payant se voit, pour sa part, opposer des préoccupations de santé publique interdisant toute consommation de boisson alcoolisée, même très faiblement titrée.

La mission n’entend pas mettre en cause les acquis fondamentaux de la loi dite « Évin » (63) et le progrès que celle-ci a constitué pour la santé de nos concitoyens. Les rapporteurs sont, en particulièrement, extrêmement attachés à la réglementation de la propagande et de la publicité pour les boissons alcoolisées. Mais le caractère paradoxal de la situation pose question, avec une réglementation largement contournée dans les espaces privatisés des stades, et une consommation d’alcool reportée à leurs abords pour le public n’ayant pas accès aux loges.

Au vu de ces dysfonctionnements, la mission estime qu’une réflexion devrait être engagée sur le régime de la consommation de boissons alcoolisées dans les enceintes sportives, M. Thierry Braillard, rapporteur, et M. Guénaël Huet, corapporteur, estimant qu’il est désormais nécessaire de lever l’hypocrisie en autorisant la vente et la distribution de boissons relevant du seul groupe 2 dans l’enceinte des stades.

Les clubs doivent ainsi parvenir à diversifier leurs recettes, mais pour cela, ils doivent être capables de suffisamment maîtriser l’utilisation de leur principal « outil de travail », à savoir le stade. L’enjeu consiste donc à en optimiser le mode d’exploitation pour garantir aux clubs des ressources pérennes.

5. Optimiser le mode d’exploitation des infrastructures
à la disposition des clubs

a) La propriété des stades, une question sujette à débat

En France, les stades de football appartiennent très majoritairement aux collectivités territoriales et exceptionnellement aux clubs résidents, 5 % seulement d’entre eux étant propriétaires de leurs installations. À l’échelle européenne, la proportion des clubs propriétaires de leur stade s’élève en moyenne à 24 % (les municipalités ou les États représentant 55 % des cas), voire à 33,8 % pour les quatre-vingts clubs qualifiés pour les phases de groupes des compétitions interclubs de l’UEFA.

Or, l’expérience montre que les marges de manœuvre des clubs sur l’exploitation commerciale des infrastructures dans lesquelles ils jouent leurs rencontres ont une incidence très forte sur leurs résultats financiers. À titre d’illustration, le club londonien d’Arsenal a quasiment doublé ses recettes tirées des jours de matches (billetterie, « merchandising », restauration) à partir du moment où il a délaissé le stade d’Highbury (à l’été 2006) pour son propre Emirates Stadium aux capacités d’accueil plus importantes et modernes, et un résultat, sur ce seul paramètre, d’un peu moins de 140 millions d’euros annuels contre 65 millions d’euros auparavant. Il est clair que les clubs qui possèdent leurs propres stades sont mieux à même de rééquilibrer leurs recettes et de s’affranchir d’une dépendance aux droits télévisuels ou de transferts par des recettes de billetterie ou tirées de prestations dites « d’hospitalité ». Comme l’a indiqué M. Didier Primault, directeur général du Centre d’économie et de droit du sport, lorsqu’une même entité, à savoir le club, est à la fois propriétaire, gestionnaire et utilisatrice des infrastructures, il lui est plus facile d’en optimiser l’exploitation.

En France, seul l’Olympique Lyonnais s’est, pour l’instant, engagé dans cette voie. Elle a semblé prometteuse à un certain nombre de personnes entendues par la mission qui ont jugé que l’avenir du football professionnel français résidait, sans doute, dans une propriété privée des stades. Cette position a notamment été défendue par M. Jacques Lambert, président de la société Euro 2016 SAS, qui a estimé qu’il était légitime qu’à l’avenir, les entités qui perçoivent les recettes commerciales d’infrastructures telles que les stades soient celles qui ont assumé le coût de leur construction, les collectivités territoriales n’ayant pas à financer des équipements qui servent à des structures privées. Terra Nova a pour sa part considéré que la détention des stades par les collectivités locales, frein au développement économique des clubs, constituait une immobilisation inutile d’argent public, les enceintes étant en pratique privatisées à l’usage exclusif des sociétés sportives.

La perspective d’une propriété des enceintes par les clubs est évidemment séduisante au regard de l’objectif de maîtrise de l’exploitation de l’infrastructure par le club, mais elle soulève plusieurs objections.

La première est d’ordre économique. Comme l’a indiqué M. Pierre Jamet, conseiller maître à la Cour des comptes, dans l’absolu, tout club qui peut devenir propriétaire de son stade y a intérêt, mais cette possibilité ne concerne aujourd’hui que le Paris Saint-Germain et l’Olympique Lyonnais, les autres clubs ne disposant pas des moyens qui leur permettraient de procéder à une telle acquisition. De plus, la seule exploitation des infrastructures les jours de match ne peut suffire à rentabiliser le coût de gestion des enceintes. Les clubs devraient donc présenter une capacité financière et un plan de gestion adaptés sur le long terme, ce qui est rendu malaisé en raison de l’aléa sportif qui peut lourdement affecter les budgets. Enfin, le parc actuel des stades est conséquent et la réflexion ne peut l’ignorer.

Les auditions de la mission ont d’ailleurs permis de confirmer que cette voie était loin d’être privilégiée par les dirigeants de clubs français. M. Frédéric de Saint-Sernin, président du Stade Rennais, a ainsi estimé qu’il ne serait pas dans l’intérêt de son club de se porter acquéreur du stade de la route de Lorient car, en raison de sa localisation, il ne lui serait pas possible d’aménager ses abords pour en améliorer l’attractivité. Il a indiqué ne pas souhaiter, non plus, s’engager dans la construction d’un nouveau stade, dont le coût serait excessif au regard de son rendement potentiel. M. Jean-François Fortin, président du Stade Malherbe de Caen, a lui aussi jugé qu’une telle option ne serait pas économiquement envisageable.

La propriété des infrastructures par les clubs soulève, par ailleurs, des objections d’un autre ordre. Elle pose inévitablement la question de la réalité de l’insertion des clubs professionnels dans le mouvement sportif, dès lors que les stades, enceintes privées, n’ont plus vocation à accueillir d’autres équipes que le seul club propriétaire. Pour M. Jacques Lambert, président de la société Euro 2016 SAS, cette inquiétude n’aurait pas lieu d’être : il a en effet jugé que la perspective d’une appropriation privée des stades était sans incidence, dès lors que le législateur définirait des « garde-fous » adéquats, en fixant des obligations précises aux fédérations et aux clubs. Pour autant, cette préoccupation doit être prise en compte.

Enfin, la propriété privée des stades pose la question de la capacité, pour les collectivités locales, d’influer sur l’utilisation d’un équipement profondément structurant pour la vie locale et au financement duquel elles ont très largement contribué. M. Pierre Jamet a craint qu’un tel désengagement ne soit effectivement pas sans risque sur le contrôle qu’elles pourraient exercer sur l’usage des enceintes qui doivent aussi pouvoir servir à la promotion du sport amateur et associatif. La mission est évidemment très sensible à cet argument, dont le pendant est le bénéfice que tireraient les collectivités à ne plus consacrer des sommes conséquentes à des stades dont l’usage est, de facto, privatisé.

b) Les partenariats public-privé, des opérations risquées

Selon M. Jacques Lambert, la situation actuelle correspondrait à une période de transition entre un modèle de propriété publique des stades et un système reposant sur leur propriété par les clubs. Selon lui, les modes de financement retenus pour la modernisation et la rénovation des stades en vue de l’Euro 2016, reposant pour la plupart sur des partenariats public-privé, illustreraient cette phase de transition : sans ces opérations qui constitueraient le seul point de relais entre le système totalement public d’hier et le système privé de demain, la France n’aurait certainement pas été retenue pour organiser le Championnat d’Europe des Nations.

Le partenariat public-privé, par lequel des collectivités confient à des opérateurs tiers le soin de construire, financer, entretenir et exploiter des stades moyennant le paiement d’annuités sur une durée déterminée, a effectivement connu un certain essor ces dernières années. Présentant l’avantage pour les collectivités et les clubs de ne pas avoir à avancer les fonds et de lisser les coûts intégraux dans la durée, il a constitué le support privilégié pour la construction de nouveaux stades destinés à l’Euro 2016 (à Lille, Nice et Bordeaux, notamment). Il se caractérise néanmoins par des surcoûts, in fine, très sensibles qui conduisent à avoir de plus en plus de doutes sur sa pertinence.

Les partenariats public-privé peuvent, en effet, se révéler très hasardeux, tant pour les clubs que pour les collectivités locales, comme le montre l’exemple du stade du Mans le MMArena. Cet équipement très sophistiqué a été mis en service à la saison 2010-2011, alors que le club Le Mans FC venait de chuter en Ligue 2. Le loyer de 1,2 million d’euros qu’il devait acquitter pour l’utilisation du nouveau stade a finalement dû être divisé par deux par Vinci Concessions pour la saison 2012-2013 en raison des difficultés financières du club, qui a finalement été relégué en championnat national. En outre, une clause « d’aléa sportif » contraint la municipalité du Mans à verser au concessionnaire une indemnité forfaitaire en cas de relégation du club. Le partage du risque économique est, en l’espèce, extrêmement défavorable à la collectivité qui se retrouve dotée d’une infrastructure au coût rédhibitoire, et désormais totalement disproportionnée compte tenu des vicissitudes sportives de son club.

Malheureusement, cette opération ne constitue pas le seul exemple de partenariat public-privé qui se traduirait par une lourde facture pour les contribuables locaux. Le coût de l’opération du Grand Stade de Lille Métropole se révèlerait ainsi bien plus important que prévu en raison de l’application de taux actuariels élevés. De plus, un surcoût de construction de plusieurs dizaines de millions d’euros n’est toujours pas arbitré quant à la prise en charge du paiement par Lille Métropole ou la société Eiffage. La rénovation du Stade Vélodrome de Marseille donnerait lieu, pour sa part, à une redevance due par la municipalité de Marseille au consortium Arema très élevée, d’un montant de 23,5 millions d’euros par an sur trente-et-un ans, partiellement financée par un contrat dit de « naming » du stade et le loyer acquitté par le club. D’ailleurs, le loyer de 8 millions d’euros annoncé par la ville est refusé par club qui explique ne pas pouvoir l’honorer économiquement.

Tous ces exemples démontrent, malheureusement, que le recours à des partenariats public-privé est une option bien trop incertaine pour constituer la solution qui permettrait aux clubs d’optimiser l’exploitation des infrastructures, tant est grand le risque qu’ils font peser sur les finances locales – pour M. Pierre Jamet, il est même permis de penser que des emprunts directs des collectivités locales seraient peut-être moins dispendieux.

Les partenariats public-privé ne sont, de plus, pas forcément adaptés aux besoins des clubs. Comme l’a souligné M. Christophe Bouchet, ancien président de l’Olympique de Marseille, les clubs sont insuffisamment associés à la conception des stades, ce qui peut poser des problèmes d’exploitation par la suite. La même analyse est dressée par la Direction nationale du contrôle de gestion, qui note : « Les partenariats public-privé souvent mis en place font que le club, de manière générale, n’est que l’utilisateur du stade pour ses matches et qu’il n’a pas, au quotidien, une maîtrise de l’équipement et de sa "personnalité" intrinsèque. » (64)

Le montant des loyers demandés aux clubs peut enfin peser sur la rentabilité de l’opération pour ces derniers. M. Frédéric Paquet, directeur général adjoint du LOSC, a ainsi fait valoir que si le nouveau stade constituait un nouvel atout incontestable – il accueille 40 000 spectateurs en moyenne, contre 17 500 auparavant –, son loyer de 5 millions d’euros ne permettait au club d’y gagner, au final, que 1 million d’euros en net par an.

c) La nécessité de confier l’exploitation des stades aux clubs, sous certaines garanties

La mission considère que la propriété publique d’un stade n’est pas pénalisante pour les clubs, sous réserve qu’ils puissent maîtriser son exploitation et qu’elle préserve la possibilité, pour les collectivités locales, de programmer chaque année un minimum d’événements dans l’enceinte.

La solution réside dans des partenariats intelligents entre les collectivités propriétaires et les clubs utilisateurs, à l’instar de ce qui a été conclu entre l’agglomération du Havre et le club HAC pour le stade Océane. Le nouveau stade, financé par l’agglomération mais à la conception-réalisation duquel le club a été associé une fois le projet arrêté par les élus, a fait l’objet d’un contrat de concession-location sur une durée de douze ans. Une filiale du club est chargée de gérer l’infrastructure et son entretien, ce qui permet de compléter les revenus tirés des matches par des revenus tirés de la mise à disposition de l’enceinte pour des événements divers (foires, concerts, séminaires, matches de rugby, etc.). La collectivité dispose contractuellement de trois possibilités d’utilisation du stade chaque année ; elle touche également un loyer de 1 à 1,2 million d’euros et est intéressée aux résultats de la filiale exploitante du stade.

Un tel équilibre est de bon sens lorsque le club s’entoure des compétences nécessaires à la gestion commerciale de l’infrastructure. Le droit français offre un certain nombre de dispositifs à la disposition des clubs et des collectivités locales pour associer les premiers à l’exploitation des stades :

– la location, contre redevance, sur le fondement d’une concession domaniale ou d’une convention d’occupation privative du domaine public. Elle régit actuellement la très grande majorité des situations. Cette configuration évite aux clubs de supporter la charge des investissements liés à la construction ou à l’acquisition des stades, mais elle leur retire, en contrepartie, l’exploitation commerciale des infrastructures et les empêche d’amortir plus facilement les dépenses de fonctionnement qui leur incombent ;

– la délégation de service public (régie ou affermage). Elle permet à certaines collectivités locales, comme la mairie de Paris s’agissant du Parc des Princes, de confier à une personne publique ou privée la gestion d’un stade, moyennant une rémunération en fonction des résultats issus de l’exploitation commerciale. Dans ce cas, le club n’est pas propriétaire des infrastructures et il doit prendre à sa charge certains coûts de fonctionnement. Toutefois, il dispose d’une latitude plus grande pour développer des activités annexes commerciales, ce qui en fait un instrument juridique plus adapté ;

– le bail emphytéotique administratif (BEA). Il donne aux collectivités territoriales la possibilité de conférer à un club le droit d’occuper un stade leur appartenant sur une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, dès lors que ce club accomplit pour le compte de la collectivité contractante une mission de service public ou une opération d’intérêt général. Ce schéma, choisi pour le stade Félix-Bollaert de Lens, offre des garanties intéressantes pour le club (droit de propriété sur les constructions édifiées et droits réels sur les biens donnés à bail), mais il suppose une mise en concurrence à l’occasion du renouvellement ;

– la concession de service public. Elle délègue aux frais du cocontractant de la collectivité signataire l’exécution d’un service public ou d’un ouvrage public. En contrepartie, le concessionnaire exploite le stade et perçoit des redevances sur les usagers. Hypothèse retenue pour le stade de France et la MMArena du Mans, la concession s’apparente le plus souvent pour le club résident à un dérivé de la location.

Toutes ces solutions présentent des avantages et des inconvénients, soit pour la collectivité territoriale, soit pour le club. La mission estime que compte tenu de l’enjeu que constitue la maîtrise de l’exploitation des stades pour les clubs, il convient d’utiliser tous les moyens juridiques disponibles à cet effet. Cela ne doit pas faire obstacle à une réflexion approfondie sur les contours d’un nouveau mode de relation entre les clubs et les collectivités territoriales qui permettrait de garantir aux premiers une relative autonomie dans l’exploitation des infrastructures, tout en assurant aux collectivités un « droit de regard » sur leurs conditions d’exploitation.

La recherche de cette « troisième voie » est, sur un plan juridique, délicate. Les stades appartenant aux collectivités territoriales constituent en effet une dépendance de leur domaine public (65; cela implique, notamment, que l’autorisation de leur utilisation par des personnes privées est précaire et révocable.

Terra Nova a suggéré aux rapporteurs une solution innovante, qui consisterait à transférer aux clubs la propriété des stades par apport partiel d’actif des collectivités, qui disposeraient ainsi d’un mode de contrôle indirect à la fois des clubs et des infrastructures. La mission n’est pas convaincue par ce mécanisme, qui lui semble constituer une atteinte trop importante au domaine public des collectivités locales. Il est en outre assez risqué, car se pose la question du devenir de l’infrastructure dans l’hypothèse, qui ne peut être écartée, d’une défaillance du club.

Les rapporteurs considèrent qu’une solution équilibrée permettant de préserver le domaine public des collectivités territoriales, tout en garantissant aux clubs une autonomie d’exploitation des stades, consisterait à permettre la conclusion de baux commerciaux en vue de leur utilisation. Une telle option n’est pour l’instant pas possible sur un plan juridique, car de tels baux ne peuvent être conclus que pour des immeubles ou terrains relevant du domaine privé des collectivités (66).

Or le bail commercial offre des avantages pour l’ensemble des parties. Sa durée ne peut être inférieure à neuf ans (article L. 145-4 du code de commerce), ce qui garantit au club une relative stabilité, d’autant que le locataire lié par un bail commercial bénéficie d’un droit au renouvellement Le montant du loyer peut être déterminé en fonction du chiffre d’affaires réalisé par le locataire ; dans ce cas, une telle clause est souvent assortie d’un loyer plancher, ce qui préserve les intérêts du bailleur.

Un tel dispositif serait particulièrement adapté pour permettre aux clubs d’avoir une plus grande maîtrise de l’exploitation du stade, puisqu’ils pourraient ainsi bénéficier des recettes tirées notamment des services dits « d’hospitalité » (restauration en particulier). Il conviendrait toutefois d’assortir cette possibilité de conclure des baux commerciaux de l’obligation d’y insérer des clauses-types permettant de préserver, notamment, les exigences du service public du sport, en garantissant un droit de regard des collectivités sur l’utilisation sportive des infrastructures afin qu’elles ne soient pas détournées de leur objet principal.

Il va de soi qu’une telle évolution ne pourrait malheureusement pas être appliquée, dans l’immédiat, aux nouveaux stades issus de partenariats public-privé, dont l’exploitation a été confiée contractuellement à des sociétés commerciales – sauf à mettre gravement en cause l’économie de conventions qui ont été conclues pour une durée d’environ trente ans, ce qui n’est pas envisageable. La mission estime toutefois que cette piste est intéressante et qu’elle devrait guider la réflexion dans l’élaboration d’outils juridiques adaptés à une exploitation des stades par les clubs.

Recommandation n° 26 : Confier l’exploitation des stades aux clubs par tous moyens juridiques adéquats ; engager la réflexion sur la possibilité de conclure, entre les clubs et les collectivités locales, des conventions s’inspirant des baux commerciaux et incluant des clauses-types qui garantiraient un droit de regard des collectivités sur l’utilisation sportive des infrastructures.

L’optimisation des conditions d’exploitation des stades par les clubs devrait ainsi leur permettre d’améliorer leurs recettes tirées des « jours de match ». En s’inspirant des exemples étrangers, ils pourraient aussi faire des stades de réels lieux de convivialité dans lesquels se rendraient naturellement les familles, pas seulement les jours de compétitions. Il leur faut ainsi diversifier plus significativement leur activité, afin d’atteindre un profil de recettes plus équilibré leur permettant de restaurer des marges de manœuvre en cas de retournement conjoncturel affectant une ou plusieurs catégories de ressources.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Reconnaître les spécificités du sport professionnel à l’échelle européenne

1. Œuvrer, au sein de l’Union européenne, pour une pleine reconnaissance de la spécificité sportive, en s’appuyant sur les travaux du Conseil de l’Europe sur le sport professionnel.

2. Créer, auprès de l’Union européenne, un Observatoire européen du sport professionnel, chargé d’étudier et de mener des travaux de prospective afin de mieux définir et sécuriser la « spécificité sportive », et promouvoir le modèle européen du sport.

Garantir le respect de l’éthique et la transparence des transferts de joueurs

3. Interdire aux clubs de football professionnel français la conclusion de contrats de travail avec des joueurs lorsque des sociétés tierces détiennent des droits sur les indemnités de transfert de ces derniers.

4. Pour accroître la transparence, faire transiter par un compte dédié de la Ligue de football professionnel l’ensemble des indemnités dues en cas de mutations de joueurs, dans lesquelles au moins un club français est impliqué.

5. Supprimer le « mercato » d’hiver pour inciter à une stabilité contractuelle en cours de saison et garantir ainsi le maintien de l’équilibre compétitif.

6. Modifier l’article L. 222-17 du code du sport pour y rétablir le principe de la rémunération de l’agent sportif par le seul joueur lorsque celui-ci fait appel à ses services.

7. Prévoir l’obligation pour les joueurs et entraîneurs de déclarer auprès de la Fédération l’identité de leur intermédiaire sportif.

8. Soutenir la démarche de la Fédération française de football visant à porter à 6 % du montant du contrat le montant maximal de la rémunération des agents sportifs, comme le lui permet l’article L. 222-17 du code du sport.

9. Instaurer dans la partie législative du code du sport une incompatibilité, pendant douze mois, des fonctions d’agent d’entraîneur et d’agent de sportif d’un même club.

Promouvoir les talents locaux et valoriser la formation

10. Mettre à l’ordre du jour du comité du dialogue social sectoriel pour le football professionnel une définition claire et ambitieuse de la règle européenne dite « des joueurs formés localement » en vue d’une transcription ultérieure dans la législation européenne.

11. Durcir, au moins pour les clubs français dans les compétitions nationales et européennes, la règle des « joueurs formés localement » pour rendre obligatoire la présence, sur la feuille de match, d’au moins quatre joueurs issus du centre de formation.

12. Afin de mieux valoriser les clubs formateurs, intégrer, dans la charte du football professionnel, le mécanisme de contribution de solidarité prévu par le règlement de la FIFA, en prévoyant que 5 % du montant des indemnités de transfert de joueurs entre clubs français sont destinés à être redistribués entre les clubs ayant formé ces joueurs.

13. Charger le directeur technique national du football de contrôler l’adéquation du nombre de jeunes en formation avec les besoins réels des clubs.

14. Garantir une éducation citoyenne aux jeunes footballeurs en cours de formation :

– par un contrôle et un suivi réguliers de la mise en œuvre effective du « double projet », scolaire et footballistique, dans les centres de formation, par l’État (directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ainsi que rectorats) et les régions ;

– en intégrant à ce double projet une formation approfondie à l’éthique sportive.

Préserver le caractère populaire du football et améliorer son image

15. Subordonner l’octroi de la licence de club à la constitution d’une équipe féminine.

16. Prévoir qu’au moins un lot soit réservé à des diffuseurs gratuits dans les appels d’offre de la Ligue de football professionnel visant à céder les droits de retransmission télévisée des compétitions, plus particulièrement pour un magazine dominical contenant des extraits longs de matches de Ligues 1 et 2.

17. S’inspirer du modèle espagnol des « socios » et de la règle allemande dite « 50+1 » en encourageant l’acquisition de parts des clubs par les supporters, afin de mieux les associer à la vie et la gestion des clubs et leur réserver une place dans les conseils d’administration.

Renforcer le contrôle de gestion des clubs

18. Soumettre aux prescriptions du fair-play financier européen l’ensemble des clubs de football professionnel de Ligue 1 et Ligue 2.

19. Doter la Direction nationale du contrôle de gestion du statut d’autorité administrative indépendante et de pouvoirs de contrôle renforcés lui permettant :

– de vérifier le respect, par l’ensemble des clubs de football professionnel, des prescriptions du fair-play européen ;

– d’apprécier la soutenabilité économique des projets des clubs dans les trois ans à venir ;

– d’exiger des clubs un équilibre d’exploitation hors mutations ;

– de faire usage de mesures adaptées et graduées lorsque le ratio de la masse salariale sur le chiffre d’affaires des clubs dépasse un certain seuil.

20. Instituer, par la voie d’un règlement de la Fédération française de football, un plafond de masse salariale exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires des clubs :

– 60 % pour les clubs de Ligue 1 ;

– un pourcentage supérieur pour les clubs de Ligue 2, diminuant progressivement pour rejoindre celui assigné aux clubs de Ligue 1 ;

– prévoir des dispositifs transitoires pour permettre aux clubs d’atteindre, dans un horizon de trois à cinq ans, le ratio maximal autorisé.

21. Constituer, dans chaque club de football professionnel, un fonds de réserve d’un montant au moins égal à 10 % du montant de sa masse salariale dédiée aux joueurs, prévue pour la saison à venir.

22. Revenir sur la comptabilisation des contrats de joueurs en actifs incorporels amortissables.

Rénover le cadre juridique et fiscal des clubs

23. Limiter le soutien des clubs professionnels par les collectivités territoriales aux contrats d’achat de prestations de services et, pour ce qui concerne les subventions pour missions d’intérêt général, aux seules dépenses relatives aux centres de formation.

24. Harmoniser les conditions fiscales des clubs de football professionnel :

– éviter les distorsions de concurrence en harmonisant les conditions d’application de la taxe sur les spectacles aux compétitions sportives ;

– préserver l’économie générale des contrats conclus par les clubs avec les joueurs en appliquant un principe de stabilité fiscale, les nouvelles mesures devant s’appliquer aux rémunérations fixées par les contrats conclus à compter de leur promulgation.

25. Mener, en concertation avec les acteurs du football professionnel, une réflexion approfondie sur le statut juridique des sociétés sportives et notamment le caractère inadapté du statut de société anonyme.

Optimiser l’exploitation des stades

26. Confier l’exploitation des stades aux clubs par tous moyens juridiques adéquats ; engager la réflexion sur la possibilité de conclure, entre les clubs et les collectivités locales, des conventions s’inspirant des baux commerciaux et incluant des clauses-types qui garantiraient un droit de regard des collectivités sur l’utilisation sportive des infrastructures.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation, sous la présidence de M. Patrick Bloche, s’est réunie le mercredi 3 juillet 2013, pour examiner le rapport d’information de M. Thierry Braillard, Mme Marie-George Buffet, MM. Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet, en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’application du fair-play financier européen au modèle économique des clubs de football professionnel français.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous allons prendre connaissance du rapport d’information sur l’application du fair-play financier européen au modèle économique des clubs de football professionnel français.

Je rappelle que notre Commission avait confié, le 28  novembre 2012, ce rapport d’information à M. Thierry Braillard, rapporteur, ainsi qu’à trois corapporteurs, Mme Marie-George Buffet, M. Pascal Deguilhem et M. Guénhaël Huet.

En s’éloignant des missions d’information traditionnelles, d’un format plus lourd, cette formule préconisée par le bureau de la Commission était inédite. Je crois qu’elle s’est révélée efficace et a permis de mener un travail de qualité, comme en témoigne le nombre d’auditions réalisées et les deux déplacements effectués pour apporter un éclairage international à la réflexion des rapporteurs.

J’indique que le projet de rapport a été adressé aux membres de la Commission vendredi dernier. Monsieur Thierry Braillard, vous avez la parole.

M. Thierry Braillard, rapporteur. Nos travaux nous ont permis de constater que le football européen avait subi des pertes financières colossales au cours des dernières années. Entre 2007 et 2011, le déficit cumulé des clubs de football professionnel européens est passé de 0,7 à 1,7 milliard d’euros. Cette situation a fait réagir l’Union européenne des associations de football (UEFA), qui a décidé d’instaurer une nouvelle règle, le « fair-play financier ». Cette règle est simple : elle prescrit qu’un club de football professionnel ne doit pas dépenser plus que les recettes qu’il dégage.

Depuis l’arrêt Bosman de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 décembre 1995, la circulation des joueurs en Europe est totalement libéralisée. Il en a résulté une inflation des transferts, qui a elle-même donné lieu à une inflation des salaires. L’UEFA s’est inquiétée de cette dérive, la masse salariale de certains clubs représentant parfois plus de 70 % de leur chiffre d’affaires. Il est clair que lorsqu’un tel niveau est atteint, la société gestionnaire du club se trouve en péril.

Nous nous sommes fait expliquer ce qu’était le fair-play financier européen, ce qui nous a conduits à nous rendre à Bruxelles pour interroger la Commission européenne sur son appréhension du sujet. Nous avons pu constater qu’elle considérait le fair-play financier d’un bon œil, mais sans se soucier davantage de la logique sportive qui l’inspirait, ce que nous avons collectivement regretté. Nous avons également entendu les instances chargées de l’application du fair-play financier européen – il y en a deux, l’une chargée de l’instruction des dossiers et l’autre chargée du jugement. J’indique que plus de 650 clubs doivent voir leurs budgets appréciés à l’aune de cette nouvelle règle de l’UEFA ; l’instance de contrôle financier des clubs peut sanctionner les clubs qui ne la respectent pas, l’échelle des sanctions allant jusqu’à l’exclusion des compétitions organisées par l’UEFA. Nous avons rencontré M. Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre belge, aujourd’hui président de la chambre d’instruction de l’instance de contrôle financier des clubs. Il nous a fait part de la détermination de l’instance européenne du football à mettre en œuvre le fair-play financier ; aucun cadeau ne sera fait.

Nous avons ensuite voulu savoir dans quelle situation se trouvaient les clubs de football professionnel français au regard de cette nouvelle règle de l’UEFA. Nous nous sommes rendus compte qu’à l’instar de ce qui se passait au niveau européen, le football français avait, lui aussi, connu quelques dérives. Elles ont été moindres que dans d’autres pays, grâce au contrôle rigoureux exercé par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Il n’empêche que certains clubs se sont « laissés aller ». Le football français, confronté à des déficits importants, a du mal à émerger dans les compétitions européennes.

Nous avons rencontré toutes les instances intéressées, notamment au plan fédéral, ainsi que des présidents de clubs pour déceler les problèmes du football français et y apporter des solutions.

Nous avons identifié trois cas qui peuvent intéresser les instances chargées de l’application du fair-play financier européen. Le premier, qu’elles ont évoqué auprès de nous, est celui du Paris Saint-Germain. Se pose la question de la recevabilité, au regard de la règle de l’UEFA, du contrat d’image conclu par le club avec la Qatar Tourism Authority, cette dernière étant susceptible d’être considérée comme une « partie liée » au club. Notre mission, en tant que parlementaires, consiste à étudier les options permettant d’améliorer la compétitivité du football professionnel français. Nous n’avons bien évidemment pas souhaité nous prononcer sur une question qui relève des seules instances de contrôle de l’application du fair-play financier.

De la même manière, se pose la question du respect de la règle de l’UEFA par l’AS Monaco, désormais propriété d’un milliardaire russe. Les rapporteurs soutiennent collectivement la position défendue par la Ligue de football professionnel : à l’heure où notre Assemblée travaille à lutter contre l’évasion fiscale, il n’est pas tolérable qu’un club puisse participer à une compétition française sans s’acquitter du moindre impôt, contrairement aux autres clubs. Nous nous sommes également interrogés sur les investissements de certains mécènes, tel celui consenti pour la reprise du Racing Club de Lens par un milliardaire proche du pouvoir d’Azerbaïdjan et dont on ne connaît pas exactement les motivations. Sans apporter de réponse à ces questions, nous n’avons pas été aveugles et avons souhaité les évoquer dans le rapport.

Le fair-play financier européen ne peut, à lui seul, régler tous les problèmes des clubs, mais nous avons le sentiment que depuis sa mise en place en 2010, les clubs français ont commencé à s’adapter à cette nouvelle règle.

Nous en venons à l’état du football professionnel français. Les clubs sont aujourd’hui en situation de « télédépendance ». Avec l’arrivée de Canal +, il y a plusieurs années, sur le marché des droits de retransmission télévisée auxquels l’opérateur a consacré des montants importants, de l’ordre de 600 millions d’euros, les clubs ont profité d’une manne dont ils ont pensé qu’ils en disposeraient « à vie » ; ils n’ont pas cherché à développer d’autres ressources. Je rappelle que les clubs disposent de quatre catégories de recettes : les droits audiovisuels ; le sponsoring et le merchandising ; les recettes de guichet et tirées du stade ; enfin, le soutien des collectivités territoriales, dont nous estimons qu’il doit être réduit.

La manne des droits télévisés a été l’arbre qui a caché un désert. Les clubs ont dépensé en tablant sur sa pérennité et ont augmenté leurs masses salariales, sans s’intéresser aux autres postes de recettes et notamment aux recettes de guichet.

Les recettes de sponsoring et de merchandising sont généralement en baisse, en raison de la crise économique. Il en est de même des recettes de guichet, alors que, dans d’autres pays, elles progressent. Durant des années, les questions d’infrastructures ont été totalement négligées par les clubs de football. L’Euro 2016 a brutalement fait prendre conscience du retard accumulé. Mais nous estimons que les réponses apportées en vue de l’organisation de cette compétition sont inquiétantes. Le recours à des partenariats public-privé pose question, notamment en termes de sécurité juridique : ces conventions courent sur des durées de plus de trente ans, et rien ne dit que les clubs intéressés parviendront à se maintenir, sur une telle période, en Ligue 1. Il en résulte une réelle incertitude, notamment pour les collectivités territoriales car ce sont elles qui, in fine, risquent d’être sollicitées pour financer les équipements, pour des montants parfois astronomiques.

Les personnes que nous avons entendues ont, dans l’ensemble, estimé qu’il faudrait aller dans le sens d’une propriété des stades par les clubs. En pratique, cela est quasiment impossible, hormis à Lyon et, peut-être plus tard, à Paris. Nous estimons, pour notre part, qu’il convient que les clubs exploitent les stades et qu’un instrument juridique doit être élaboré en ce sens, car on ne peut, par exemple, pas laisser à une collectivité locale le soin de changer la pelouse : cela doit revenir au club. Ce n’est pas possible avec les partenariats public-privé, dans le cadre desquels les constructeurs perçoivent les recettes d’exploitation. Par ailleurs, ces partenariats ont été élaborés sur la base de plans d’affaires dans lesquels les recettes d’exploitation proviennent notamment de concerts ; permettez-moi de dire, en souriant, qu’il est peu probable que Johnny Halliday se produise, dans les trente ans à venir, dans les cinq stades issus de partenariats public-privé. Les plans d’affaires sur lesquels reposent ces derniers semblent donc un peu inquiétants.

Nous avons par ailleurs constaté qu’existaient de vrais problèmes concernant les centres de formation. Certains grands clubs, comme celui du Paris Saint-Germain, souhaitent investir dans un tel centre, mais en pratique, aucun des jeunes qui en sont issus ne joue en équipe 1. Cela nous inquiète, car l’exemple du rugby montre que c’est ensuite l’équipe de France qui en pâtit. Nous avons également estimé que le football féminin méritait d’être mis en avant.

À partir de ces constats, nous avons émis un certain nombre de préconisations. Je m’attarderai sur celles qui portent sur les agents sportifs, car nous souhaitons mettre un terme à certaines pratiques opaques. Nous souhaitons ainsi, dans un souci de transparence, que les indemnités de transfert transitent par un compte dédié de la Ligue de football professionnel, comme cela est le cas, pour le règlement des avocats, avec la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (CARPA). Nous proposons également que ce soit le joueur et non le club qui rémunère son agent ; l’audition du Syndicat national des agents sportifs nous a permis de constater que les relations entre clubs, agents et joueurs étaient malsaines et qu’il fallait y remédier.

Nous avons également entendu des services de télévision et nous sommes collectivement assez inquiets de l’évolution actuelle. L’arrivée du nouvel opérateur BeIn Sport permet de renforcer la concurrence, ce qui est sain, mais compte tenu de son souhait de s’impliquer encore plus dans la diffusion de compétitions de football, nous craignons qu’il ne soit possible, à terme, de voir des matches qu’en payant pour cela. C’est pourquoi nous recommandons que dans les procédures d’appel d’offres pour l’acquisition de droits de retransmission télévisée, un lot soit « sanctuarisé » par la Ligue de football professionnel : il s’agirait d’un magazine dominical comprenant des extraits longs des compétitions, qui serait réservé à une diffusion gratuite, en clair.

Nous avons également abordé la question du contrôle de gestion des clubs de football professionnel. Parmi nos préconisations, figure celle consistant à soumettre aux prescriptions du fair-play financier européen l’ensemble des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, et pas seulement ceux qui aspirent à participer à une compétition de l’UEFA. Nous proposons aussi que la DNCG, qui accomplit un très bon travail, soit dotée du statut d’autorité administrative indépendante et ne dépende plus de la Ligue de football professionnel. Nous nous prononçons en faveur d’un salaire plafond, non pas en valeur absolue mais en limitant la masse salariale des clubs de Ligue 1 à 60 % de leur chiffre d’affaires. Nous préconisons par ailleurs l’instauration, par les clubs, d’un fonds de réserve de 10 % de leur masse salariale, pour éviter qu’ils ne rencontrent des difficultés pour verser les salaires. Il nous semble enfin nécessaire de revenir sur la comptabilisation des contrats de joueurs en actifs incorporels amortissables, car cette pratique donne lieu à de la « cavalerie ».

Nous jugeons par ailleurs nécessaire de promouvoir le football féminin. Pour ce faire, nous proposons de subordonner l’octroi de la licence de club à la constitution, par les clubs, d’une équipe féminine professionnelle. Trop peu de clubs en sont dotés : c’est le cas de ceux de Montpellier, Saint-Étienne, Lyon ou Paris, mais d’autres s’y refusent. Nous pensons que le moment est venu d’accompagner l’essor du football féminin.

Nous proposons aussi de revoir la loi dite « Buffet » du 6 juillet 2000 qui avait permis d’instaurer la transparence dans les relations entre clubs professionnels et collectivités territoriales. Il nous semble nécessaire de maintenir la possibilité, pour les collectivités, de procéder à l’achat de prestations de services, mais nous considérons que les subventions au titre des missions d’intérêt général doivent se cantonner au soutien aux centres de formation, le « fléchage » des crédits étant bien défini dans ce cas de figure.

J’en viens à un point qui ne figure pas dans nos recommandations mais a fait l’objet d’un long débat entre les rapporteurs. Nous nous sommes rendus à Munich et y avons constaté que le FC Bayern, qui dispose d’un stade, l’Allianz Arena, de 76 000 places, percevait en moyenne 5 euros supplémentaires pour chaque billet vendu, au titre de recettes liées à des services de boisson et de restauration. Les recettes de même type sont, en France, inférieures à 1 euro par billet. Cette situation est imputable à nos infrastructures, mais aussi au régime d’interdiction de vente et de distribution de boissons à faible taux d’alcool dans les stades, alors que ces mêmes boissons sont autorisées lors d’un concert du Palais omnisport de Bercy. C’est une première hypocrisie. La deuxième, c’est que lorsqu’on a la chance d’être invité dans une loge pour assister à un match, on peut boire du champagne et du vin à l’envi, alors que la majorité du public ne peut pas se payer un verre de bière. Nous ouvrons donc le débat sur cette question.

Nous estimons enfin qu’il faut lever l’incertitude fiscale. Un débat a été engagé sur l’éventuelle contribution exceptionnelle de 75 % sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros. Nous pensons que toute nouvelle mesure fiscale, quelle qu’elle soit, doit s’appliquer aux rémunérations déterminées par les contrats conclus après promulgation de la loi.

Je conclurai en me réjouissant de l’adoption, à l’unanimité des quatre rapporteurs, des vingt-six recommandations figurant dans le rapport, ce qui leur donne d’autant plus de force. Nous les avons présentées à Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, qui nous a dit les considérer avec attention. Elle pourra s’en inspirer pour l’élaboration de ses futurs projets.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure. Je vais être brève car M. Thierry Braillard a très bien résumé le contenu de notre rapport d’information. Je formulerai simplement quelques remarques.

Tout d’abord, il faut renoncer à avoir une vision homogène de la Ligue 1. Celle-ci est constituée, d’un côté, de clubs comme le Paris Saint-Germain ou l’AS Monaco et, d’un autre côté, de clubs qui n’ont rien à voir avec les premiers sur le plan financier. Il n’existe pas d’unité au sein de la Ligue 1, comme le montrent les discours tenus par les présidents de clubs. Certains ont déjà en tête une ligue fermée constituée des seuls clubs se trouvant en capacité de figurer dans les championnats européens. D’autres sont ouverts, par exemple, aux idées de limitation des transferts ou de la masse salariale parce qu’ils rencontrent des problèmes de gestion.

Ensuite, les clubs sont dépourvus de perspectives de financement à très long terme, que ce soit, par exemple, en matière de droits télévisés ou encore d’investissements étrangers. J’ai posé à des représentants du Paris Saint-Germain et de l’AS Monaco la question de la pérennité des apports d’actionnaires, en provenance d’un fonds d’investissement du Qatar, dans le premier cas, et d’un oligarque russe, dans le second. Ils n’en savent rien. À cela on doit ajouter l’aléa sportif, sans perspective de financement alternatif.

J’en viens maintenant aux transferts. La Ligue de football professionnel demande à l’AS Monaco de se mettre en conformité avec son règlement, ce qui est tout à fait normal. Toutefois, dans le même temps, l’on voit l’Olympique Lyonnais céder un jeune joueur de 17 ans pour 5 millions d’euros à l’AS Monaco ! Il y a là beaucoup d’incohérence.

Les pistes de travail concernant l’accueil du public, le rapport aux supporters ou encore l’utilisation des stades ne me semblent pas assez explorées par les présidents de clubs.

Quant au fair-play financier, il présente une série de caractéristiques très positives. Il recèle toutefois un danger, celui de « figer » l’inégalité de la situation des clubs. Par ailleurs, le mouvement sportif s’est doté, avec cette règle, d’un outil de régulation de la finance, mais il ne peut faire l’économie d’une intervention de la puissance publique dans un certain nombre de domaines. On peut citer celui des agents sportifs, mais aussi celui du statut juridique des clubs. Celui de société anonyme de droit commun ne garantit en effet ni la transparence nécessaire, ni une capacité d’adaptation suffisante à l’aléa sportif.

Nous avons par ailleurs besoin de l’Europe. En matière de lutte contre le dopage, la France a pris les premières initiatives, pour être ensuite appuyée par l’Europe, ce qui a permis, finalement, de créer l’Agence mondiale antidopage (AMA). Dans le domaine qui nous intéresse ici, l’Europe doit persister dans la reconnaissance de la spécificité sportive mais aussi créer un Observatoire du sport professionnel. Peut-être, à plus long terme, pourrons-nous avoir, sur le plan international, un organisme nous permettant de lutter contre toutes les formes de dérives, en matière, par exemple, de paris sportifs en ligne.

J’ajouterai que le travail que nous avons mené n’a visé ni à juger ni à stigmatiser, mais à assurer la pérennité du football professionnel français dans le cadre fédéral et dans celui d’une mutualisation avec le football amateur. Il a eu aussi pour ambition de redonner à ce sport une image positive et populaire, malheureusement trop écornée au cours des dernières années.

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Les rapporteurs que nous sommes ont bien conscience que nos recommandations seront davantage commentées dans les médias spécialisés et dans le monde du football professionnel qu’au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, tant elles touchent parfois à des aspects techniques et de gestion. Elles ont au demeurant vocation à inspirer l’ensemble du monde sportif professionnel, même si, pour notre part, nous avons concentré notre attention sur le fair-play financier à l’échelle européenne et sur son application au modèle économique des clubs de football de Ligue 1 et de Ligue 2.

Au cours des précédentes législatures, nous avons été amenés à légiférer, notamment sur la question des agents sportifs et sur celle de l’investissement dans les stades. J’ai aussi en tête nos débats sur la circulation des joueurs à la suite de l’arrêt Bosman. Nous nous sommes également penchés sur la question des médias télévisés et de la diffusion de compétitions sur des chaînes publiques. Aujourd’hui, la masse d’argent investie par un grand diffuseur international pose question car la donne est complètement bouleversée.

À travers nos recommandations, et nonobstant le caractère contrasté des avis recueillis lors de nos auditions, je crois pouvoir dire que nous avons voulu apporter un peu d’éthique dans le sport professionnel. Les dérives que l’on peut reprocher à un certain nombre de dirigeants de clubs ou d’investisseurs ont conduit le système à bout de souffle.

Il est aujourd’hui possible d’avoir un championnat de France avec des équipes professionnelles où ne figure aucun joueur français parmi ceux qui entrent sur le terrain. Cela dénature l’idée d’équipe représentant telle ou telle ville. La circulation des joueurs est sans doute utile et inévitable aujourd’hui, mais il pourrait y avoir davantage de continuité entre les clubs et la filière de formation. De ce point de vue, il importe d’autoriser les clubs professionnels à consacrer à la formation des joueurs les moyens financiers et humains nécessaires. Ceci contribuera à éviter les dérives actuelles en matière de coût des transferts et de salaires de joueurs recrutés à l’extérieur. Nous refusons, pour notre part, la marchandisation des joueurs qui fait que, aujourd’hui, l’on peut démarrer une saison avec un groupe de joueurs, en changer pour de nouveaux en janvier, et se séparer de ces derniers en fin de saison. Ces mouvements de joueurs s’accompagnent de flux financiers au bénéfice massif de quelques-uns. Les montants des transactions sont inconcevables dans le contexte actuel. Quant aux rémunérations des agents de joueurs, elles sont toujours, malgré l’intervention du législateur, d’une grande opacité.

M. Guénhaël Huet, rapporteur. Il était important que les quatre rapporteurs soient tous présents aujourd’hui car nos travaux se sont déroulés dans une excellente ambiance. Mes collègues savent désormais que cela est rendu possible par la traditionnelle ouverture d’esprit de l’UMP… Cela a été un travail long et intéressant.

Nous vivons dans une société très compliquée. Le sport n’échappe pas à cette complexité. Le sport des années 2000-2020 n’est plus le même que celui d’il y a quarante ou soixante ans.

Le travail réalisé a été tout à fait précis. Il nous fallait entendre de nombreuses personnes impliquées dans le football français et dans le football européen afin de poser, tout d’abord, un diagnostic le plus objectif possible, préalable à la démarche normative qui fait l’objet de la dernière partie de notre rapport. Sur ce point, je tiens à souligner que la loi ne peut pas régler tous les problèmes d’autant qu’il existe déjà en la matière un arsenal juridique précis. Il ne faut donc légiférer qu’avec mesure.

Cela dit, nous avons présenté notre rapport à Mme la ministre chargée des sports et lui avons demandé si certaines de nos préconisations pourraient trouver place dans la loi cadre qui devrait être examinée d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.

J’insisterai sur quelques points qui me semblent importants. Il faut que l’Europe se saisisse du dossier et travaille à mieux reconnaître la spécificité sportive. Celle-ci est évoquée par le traité sur fonctionnement de l’Union européenne, mais les institutions européennes n’en ont tiré pour l’instant aucune conséquence juridique et ne semblent pas le souhaiter. Cette question doit donc être abordée par les chefs d’État et de Gouvernement et les conseils des ministres européens. Un « coup d’accélérateur » est nécessaire, car une forme d’hypocrisie prévaut aujourd’hui. Tout le monde déclare soutenir l’UEFA, mais ce soutien reste pour l’instant assez distant. Or si le fair-play financier est salué, il est juridiquement fragile, comme l’a reconnu M. Michel Platini lui-même. Je rappelle qu’il fait l’objet d’un recours devant la Commission européenne. Il faut donc que l’Europe prenne ses responsabilités.

Il faut aussi s’attaquer à la source du problème. Les transferts ont été multipliés par plus de trois en une quinzaine d’années : on est passé de 5 300 transferts par an dans les années 1995-2000, à presque 20 000 aujourd’hui. Il faut mettre un terme à cette inflation des transferts, responsable de celle des salaires.

Parmi nos propositions, figure celle de la suppression du « mercato » d’hiver qui correspond, en janvier, à une deuxième période de transferts. Cela va peut-être choquer certains dirigeants de clubs de football, mais si l’on ne prend pas de mesure radicale, on ne parviendra jamais à endiguer le problème.

Nous suggérons aussi d’interdire une pratique entachée d’immoralité. Il s’agit du fait, pour une personne physique ou morale, d’être quasiment, « propriétaire » d’un joueur, comme on peut être propriétaire d’un cheval. Cela doit être totalement interdit par la Fédération internationale des associations de football (FIFA) et l’UEFA.

Il convient de protéger les jeunes qui sont dans les centres de formation. Sans doute y en a-t-il trop. Les jeunes qui ne font pas l’affaire sont souvent laissés sans solution. Il n’est pas besoin que les centres de formation soient surdimensionnés par rapport aux besoins des clubs. Un travail doit être mené sur cette question, avec la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel. Nous souhaitons aussi protéger les jeunes issus de la formation et recommandons, à cet effet, qu’au moins quatre jeunes issus du centre de formation figurent sur la feuille de match, ce qui leur permettrait de se rapprocher du haut niveau. Nous avons tous en mémoire le dernier quart de finale de la Ligue des champions entre le Paris Saint-Germain et le Barça ; à un moment donné, l’équipe du club parisien ne comptait plus un seul joueur français. À l’inverse, je rappelle que le FC Bayern a remporté la finale de cette même compétition avec six Allemands sur le terrain, formés par le club. Le recours aux jeunes issus de la formation n’est donc pas incompatible avec le haut niveau, bien au contraire.

J’en viens enfin à l’encadrement de la masse salariale que nous proposons, d’abord pour la Ligue 1, puis pour la Ligue 2. Je pense qu’il faut avoir le courage de faire des propositions fortes en la matière. On ne peut pas, juridiquement et techniquement, proposer de salaire plafond individuel, compte tenu des écarts entre régimes fiscaux et sociaux au plan européen. Nous proposons donc que les clubs de Ligue 1, dans un premier temps, puis ceux de Ligue 2, limitent leur masse salariale à 60 % de leur chiffre d’affaires – contre une moyenne de 70 % actuellement.

En conclusion, je me réjouis d’avoir participé à cette mission d’information, qui nous a beaucoup appris. Nos propositions me semblent déterminées, mais aussi équilibrées.

Mme Sophie Dion. Sans rappeler tout ce qui a été dit, je tiens à saluer le travail sérieux, précis et complet qui a été accompli par les rapporteurs, puisque la plupart des acteurs du monde sportif, au niveau national comme au niveau européen, ont été auditionnés. Le titre du rapport fait mention du fair-play financier. Cette règle, qui renvoie à la gestion d’un budget en « bon père de famille », a été instaurée par l’UEFA à l’initiative de M. Michel Platini et inscrite dans les textes qui régissent l’ensemble des compétitions qu’elle organise. Le fair-play financier traite ainsi de la plupart des maux qui affectent le sport, à l’exception du dopage. Le rapport devait vérifier si les clubs français étaient en mesure de le respecter et quelles seraient les conséquences de son application.

Parmi les recommandations figurant dans le rapport, certaines ne poseront aucune difficulté parce qu’elles sont consensuelles. Je pense à la question de la spécificité sportive reconnue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et dont il s’agit de tirer les conséquences, au plan national et européen. Doter la DNCG d’un statut d’autorité administrative indépendante est également une bonne idée, même si la question de son financement n’est pas résolue. On ne peut qu’être d’accord avec les recommandations qui portent les numéros 10 à 14 et visent à conforter le « double projet » des centres de formation des jeunes sportifs.

En revanche, d’autres recommandations seront sans doute discutées. Je pense en particulier à l’interdiction du « mercato » d’hiver, qui me semble difficile à mettre en place, et au statut des agents de joueur. Je suis, comme vous, favorable à un abaissement de 10 % à 6 % du plafond de rémunération de ces agents, comme le permet la loi. Je trouve que c’est une très bonne idée.

Je conclurai mon propos par quelques questions. Le rapport n’évoque pas la loi qui a ouvert la possibilité, pour les clubs professionnels, d’entrer en bourse. Qu’en pensez-vous ? Je suis très favorable au football féminin mais, mis à part celle du club de Lyon, je ne suis pas sûre qu’il s’agisse d’équipes professionnelles. Comment faire pour intégrer une équipe de football féminin dans chaque club de Ligue 1 ou de Ligue 2 ? Comment former les joueuses et aménager les centres de formation pour les accueillir ? Quelle différence faites-vous entre le fair-play financier et l’idée, parfois émise, d’instaurer une DNCG européenne ? Enfin, je m’inquiète pour les clubs français qui vont finalement subir une « triple peine », avec la DNCG, l’obligation de respecter le fair-play financier et l’imposition, à venir, à 75 %, des revenus des joueurs supérieurs à 1 million d’euros. Comment pourront-ils rester compétitifs au niveau international ?

M. Hervé Féron. Merci pour ce travail de qualité. Je voudrais réagir à quelques propos. En tant que maire d’une commune sur le territoire de laquelle est situé le stade de football d’une équipe professionnelle, je n’ai, très franchement, pas du tout envie qu’on puisse vendre des boissons alcoolisées dans l’enceinte du stade. Cela poserait de grandes difficultés. J’ai connu une ville très populaire qui installait des buvettes vendant de la bière lors de chaque fête gratuite, comme celle des feux de la Saint-Jean. Cela se terminait toujours en bagarre. Il y a quinze ans, la vente de boisson alcoolisée a été supprimée. Depuis, les fêtes sont devenues familiales et sympathiques à vivre.

Vous avez évoqué Johnny Halliday en soulignant qu’il ne ferait sans doute pas de tournée dans les stades pendant les trente ans à venir. Vous avez raison. D’une manière générale, peu de spectacles sont prévus pour être produits dans des stades en France ; on en trouve à l’étranger. À l’occasion de la candidature de la France à l’Euro 2016, il a été démontré que la production de grands spectacles dans les stades est coûteuse et difficile à organiser ; loin de contribuer à leur équilibre financier, elle aggrave leur déficit d’exploitation.

Enfin, je rappelle qu’à la même occasion, nous avons déploré le niveau démesuré d’exigences imposées par l’UEFA dans un contexte de crise économique européenne. Le stade de France était par exemple jugé obsolète et des transformations coûteuses lui étaient imposées. Le cahier des charges pour la création, l’agrandissement ou la modernisation des autres stades était draconien. Tous les pays d’Europe, surtout les plus pauvres, espèrent accueillir un jour ce championnat. L’UEFA, qui vit grand train, les amène à s’endetter considérablement pour bâtir des stades trop grands, qui génèrent des frais de fonctionnement énormes que doivent ensuite assumer les clubs résidents et les collectivités locales. Que dire alors lorsque ces clubs descendent en Ligue 2 ou en championnat national ! L’Union européenne, qui a imposé à ses membres un pacte de stabilité budgétaire, ne pourrait-elle imposer à l’UEFA de limiter ses exigences étant donné le contexte économique ? Il me semble qu’elle pourrait faire mieux en étant plus raisonnable.

M. Gérald Darmanin. Je remercie les quatre rapporteurs de cette mission. Je voudrais les interroger sur les stades. M. Thierry Braillard évoquait l’éventualité que les clubs en soient propriétaires. Cela ne paraît pas possible pour 95 % d’entre eux. En revanche, préconisez-vous l’entrée du principal actionnaire du club dans le capital du stade ?

Vous parliez d’un nouveau cadre juridique qui permettrait aux clubs d’être mieux installés dans leur stade, en évoquant par exemple l’entretien de la pelouse. J’ai des exemples précis de délégations de service public accordées à des sociétés pour la gestion de stades, alors qu’à l’évidence, ce n’est pas leur métier. Par exemple, la gestion du beau stade de Valenciennes, fonctionnel et fait pour le club, a été accordée à la société Vert-Marine dans des conditions coûteuses pour le club et pour la collectivité qui le subventionne, alors que cette société était spécialisée dans la gestion de piscines. Les clubs ne devraient-ils pas être eux-mêmes titulaires de cette délégation de service public ? Que vous a dit la ministre sur ce sujet ? Déposerez-vous un amendement en ce sens sur le projet de loi cadre sur le sport ? Cet amendement vous paraît-il en mesure de recevoir l’assentiment du Gouvernement et le soutien d’une majorité parlementaire ?

MM. Guénhaël Huet et Thierry Braillard ont évoqué le plafonnement des salaires des joueurs – en anglais « salary-cap » – et le fair-play financier, tandis que Mme Sophie Dion évoquait la taxe à 75 %. Les mesures que vous proposez sont bonnes si elles sont instaurées au niveau européen. Si on les met en œuvre « dans notre coin » en espérant que d’autres pays nous suivent, nous allons affaiblir la compétitivité de la Ligue de football professionnel française. Les tennismen peuvent se domicilier en Suisse. Les footballeurs professionnels, comme les rugbymen, ne le peuvent pas aussi aisément. Ils vont subir une taxe à 75 % qui va accentuer les inégalités parmi les clubs du championnat de France puisque seuls l’AS Monaco et le Paris Saint-Germain pourront continuer à payer des joueurs comme Zlatan Ibrahimovic, alors que les autres clubs n’auront pas les moyens de payer les charges patronales et sociales des stars qu’ils souhaiteraient faire venir pour soutenir la comparaison. On peut regretter que le football soit mondialisé et que les joueurs comme Ibrahimovic puissent aller jouer ailleurs si le Paris Saint-Germain ne peut plus compenser le montant de leurs impôts. Mais tel est bien le cas. Il faut au minimum « européaniser » ces mesures, sinon ce sera autant d’argent qui ne tombera plus dans les caisses de l’État français.

Mme Marie-George Buffet souhaite réguler le sport professionnel et, comme l’a dit M. Pascal Deguilhem, y réintroduire de l’éthique. Mais vous savez que la fiscalité des clubs, les questions relatives aux droits de retransmission télévisée des matchs et la construction des stades échappent au ministère des sports et relèvent du ministère des finances. Dans notre culture de gouvernement, le ministère des sports n’est pas prioritaire. Le sport n’est valorisé ni culturellement, ni politiquement. Sauf peut-être sous le ministère de Mme Marie-George Buffet, qui bénéficiait d’un accord politique, les ministres des sports ne pèsent pas sur les décisions importantes ou, en tous cas, pas sur les orientations prises par l’administration de Bercy, comme le montre le projet de budget pour 2014. Le ministère des sports n’a pas les moyens de l’éthique qu’il promeut et ne peut que déplorer les atteintes qui lui sont portées. L’autorité de régulation que Mme Marie-George Buffet appelait de ses vœux pour imposer une éthique du sport contre le dopage, que mes collègues ont qualifié de « cancer du sport », ainsi que dans les paris en ligne, serait peut-être mieux à même que ce ministère d’intervenir auprès des puissances financières étrangères, de l’administration des finances et de la diplomatie.

Mme Julie Sommaruga. Les préconisations du rapport sont très pertinentes et j’en remercie les rapporteurs. Le gaspillage d’argent, les rémunérations indécentes et la situation de clubs au bord de la faillite avaient rendu nécessaire l’adoption d’un fair-play financier. Il était important de faire le point sur les résultats obtenus et les améliorations à apporter.

Je salue la volonté des rapporteurs de promouvoir les talents locaux et la formation des jeunes. Ils ont besoin de reconnaissance. Je salue aussi l’importance accordée au projet scolaire qui doit veiller à leur enseigner les valeurs de l’éthique sportive.

J’en viens à mes questions. Vous avez évoqué la nécessité d’une action politique qui soit concertée au niveau européen pour sécuriser les règles sportives. Tous les États membres sont-ils conscients de l’intérêt du fair-play financier ? Nous voyons que beaucoup de joueurs sont internationaux. Ne pourrait-on dès lors construire un cadre réglementaire international ? Je soutiens votre proposition d’encadrer la profession d’agent sportif. L’encadrement des salaires mais aussi des avantages annexes que reçoivent les joueurs et qui coûtent très cher aux clubs est tout aussi important. Le coût des joueurs met les clubs en difficulté et empêche nombre d’entre eux d’embaucher des joueurs professionnels. Comment revenir à des rémunérations qui leur permettraient de vivre et de rétablir davantage d’égalité entre eux ?

M. Paul Salen. À mon tour de féliciter les rapporteurs. Beaucoup de sujets ont été abordés par le rapport, presque trop. J’ai lu plusieurs fois le rapport mais peut-être l’ai-je mal lu ? Je suis favorable au développement du football féminin mais je ne vois pas le lien avec le fair-play financier.

Je suis d’accord avec la description d’un championnat de France à deux vitesses, faite par Mme Marie-George Buffet. Il faut cependant reconnaître que les clubs les plus riches animent le marché des transferts et permettent aux autres clubs de survivre en leur achetant des joueurs. L’Olympique Lyonnais ne s’est pas libéré de son jeune espoir de gaité de cœur mais pour récupérer 5 millions d’euros. L’AS Saint-Étienne cède son attaquant pour équilibrer ses comptes. Ce sont les clubs les plus riches qui animent le marché des transferts et qui permettent la survie de nombreux clubs.

Je me réjouis cependant de la recommandation n° 5 qui propose de supprimer le « mercato » d’hiver. Je regrette que cette recommandation ne vise que la cession de joueurs et non le prêt, alors que des joueurs prêtés en cours de saison risquent de jouer, dans un match décisif pour le maintien dans une division ou pour un titre de champion de France, contre le club auquel ils appartiennent ou bien à nouveau, la saison suivante, contre le club auquel ils ont été prêtés. Ce n’est pas conforme au fair-play sportif.

J’approuve le principe des recommandations n° 6 et n° 8 qui exigent que ce soit le joueur qui rémunère son agent, qui est son conseil. Je ne comprends pas, en revanche, que cette rémunération soit plafonnée. Quand un particulier recourt à un avocat, les honoraires sont libres.

Je me réjouis que la recommandation n° 20 plafonne la rémunération globale des joueurs à une masse salariale fixée en proportion du chiffre d’affaires du club. Mais rien, dans ce rapport, ne détermine ce que devrait être le salaire maximal d’un joueur. Selon ce principe, les clubs les plus riches pourront toujours verser de gros salaires au détriment des autres clubs. Nous aurions pu prévoir un montant maximum.

Je suis favorable à la protection des jeunes mais il me paraît difficile de limiter le nombre d’entrées dans les centres de formation. Celui d’Auxerre, autrefois, faisait entrer cinquante jeunes pour n’en garder que quatre à cinq, cinq ans plus tard. Certes, ceux qui n’étaient pas retenus ne se retrouvaient pas à la rue. Ils allaient jouer dans d’autres clubs ou bien avaient reçu une formation scolaire qui leur permettait de faire autre chose. Cette préconisation me semble difficilement applicable à des jeunes de 14 ans dont vous ne pouvez prévoir ni les performances cinq ans plus tard, ni l’aptitude à rejoindre le monde professionnel.

Le rapport n’a pas abordé les droits d’image que les sportifs reçoivent de sociétés qui ne sont parfois pas installées en France. Ils n’acquittent pas d’impôts sur ces sommes. Les avantages en nature ne sont pas toujours fournis par le club mais souvent par le sponsor qui peut, par exemple, donner des voitures aux joueurs. Un club « huppé » peut disposer d’un partenaire commercial important qui se permette de distribuer ce genre d’avantages. Un petit club ne le peut pas.

Mme Marie-George Buffet souhaitait que les clubs établissent des budgets prospectifs. Mais lorsqu’un club descend dans la division inférieure et passe, comme celui de Nancy, d’un budget de 40 millions à 10 millions d’euros, comment fait-il ? Comment peuvent faire les clubs dont le budget dépend de leur participation à la Ligue des Champions ? Le club peut être qualifié une année et pas la suivante, alors que ses joueurs n’ont pas de contrat à l’année et doivent être payés dans les deux cas de figure.

Mme Dominique Nachury. Sincèrement, merci aux rapporteurs. Vous avez remarqué la bienveillance de la Commission européenne sur le fair-play financier, mais dans un domaine extrêmement mondialisé, une véritable implication de l’Europe semble nécessaire. Que peut-on en attendre en termes de régulation ? Mme Marie-George Buffet a parlé d’un observatoire mais d’autres interventions pourraient également être intéressantes pour faire évoluer la situation au niveau européen.

Sur l’exploitation de « l’outil de travail », c’est-à-dire les stades, au-delà des partenariats public-privé, si l’on considère que de nombreuses manifestations autres que sportives peuvent s’y dérouler, il convient cependant de remarquer que des lieux existent déjà. Les salles à grande capacité qui leur sont destinées se multiplient également, y compris parfois dans de petites régions, et les grands spectacles internationaux ne s’y produisent par plusieurs fois par an. Comment dès lors atteindre un équilibre global pour une utilisation optimale des stades ?

Enfin, vous avez été unanimes sur de nombreuses propositions. Que voudriez-vous, unanimement également, porter prioritairement dans une loi cadre ? Ne serait-il pas pertinent de s’intéresser plus particulièrement aux centres de formation qui attirent beaucoup de jeunes dont les espoirs ne se concrétisent pas forcément ensuite ?

M. Thierry Braillard, rapporteur. L’entrée des clubs professionnels en bourse est le produit d’une loi de circonstance, présentée par M. Jean-François Lamour, qui concernait un club avec un objectif, la construction du stade de Lyon. Je ne suis sûr que ce soit la meilleure chose pour le club de Lyon, dont l’action, vendue à 24 euros, en vaut 3 aujourd’hui. Le seul point positif de cette introduction en bourse est la transparence des comptes qui doivent être publiés trimestriellement, ce qui n’est pas le cas des autres clubs. Comme le rappelait Mme Marie-George Buffet, le choix de se constituer en sociétés anonymes, qui perdent toutes de l’argent, est aussi celui de l’opacité de la structure. Une de nos recommandations est d’y remédier, en assurant la présence des supporters organisés au sein du conseil d’administration des clubs.

S’agissant du football féminin, l’Olympique Lyonnais a été précurseur dans sa reconnaissance, la Fédération française de football n’ayant alors même pas élaboré de statut pour les joueuses, ce qui a donné lieu à des solutions « bricolées » contraires au droit du travail. L’AS Saint-Étienne est aujourd’hui capable de professionnaliser une équipe de football féminine, c’est donc possible pour les autres clubs aussi.

Concernant la consommation de boissons alcoolisées dans les stades, cher Hervé Féron, un large débat doit avoir lieu entre nous. Elle est possible quand on assiste à un concert ; lorsqu’on est invité dans une loge de l’AS Nancy-Lorraine, on peut boire du champagne, mais pas de la bière dans le reste du stade. C’est le seul point sur lequel nous n’avons pas trouvé d’accord entre les rapporteurs, d’où l’absence de recommandation, mais cette question doit être posée. Les recettes qui pourraient en être tirées sont en effet conséquentes.

S’agissant des stades, j’attire votre attention sur les partenariats public-privé. Le constructeur, qui a avancé les capitaux nécessaires aux travaux se rémunère, notamment, grâce aux recettes tirées de l’exploitation. Or, les plans d’affaires de ces constructeurs sont actuellement revus à la baisse, l’exploitation ne permettant la rentabilité initialement envisagée. Comme le remarquait Mme Dominique Nachury, on ne peut pas organiser des concerts tous les jours dans les stades. Alors que les recettes d’exploitation sont moindres que prévu, certains clubs, comme celui de Marseille, refusent d’acuitter le montant imposé de la redevance d’occupation du stade. Tout ceci va se retourner contre les collectivités territoriales qui devront donc verser à ces constructeurs, pendant plus de trente ans – durée moyenne des contrats passés –, des annualités importantes. Des stades, dont le coût avait été évalué au départ à 300 millions d’euros, coûteront, après application du taux actuariel, 700 à 800 millions d’euros. Il faut s’attendre à des difficultés, voire à des scandales.

Enfin, s’agissant de l’imposition exceptionnelle à 75 % des revenus supérieurs à 1 million d’euros, il serait dommage que notre unanimité soit mise à mal. Je rappelle que le Gouvernement précédent, en instituant un droit à l’image collective puis en y mettant brutalement fin, a mis en péril les clubs qui ne l’avaient pas prévu dans leurs budgets. La contribution exceptionnelle, pas encore votée, sera limitée dans le temps, comme l’a souligné le Président de la République. Nous proposons qu’elle ne s’applique qu’aux contrats signés postérieurement à son adoption afin que les clubs concernés ne soient pas pris au dépourvu. Ce sera donc aux clubs de prendre la responsabilité de recruter un joueur aux revenus supérieurs à 1 million d’euros annuels et donc d’acquitter la taxe à 75 %. Les données communiquées par la Ligue de football professionnel font état de 80 joueurs de Ligue 1 percevant, à ce jour, une telle rémunération.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure. Concernant la consommation d’alcool dans les stades, je rappelle que la loi dite « Évin » s’applique ; nous n’avons pas, en effet, trouvé d’accord sur une proposition commune.

S’agissant des normes en matière sportive, il y a celles de l’UEFA, mais aussi celles du Comité international olympique (CIO). Aujourd’hui, se porter candidat pour l’organisation d’une épreuve internationale est lourd de conséquences, comme on l’a vu pour la Grèce. Je ne crois pas à l’autorégulation de la famille sportive. Le problème est qu’aucune instance ne travaille à la régulation au niveau international, que ce soit au CIO ou dans les fédérations internationales. Ce travail est mené au niveau national, avec les fédérations, à travers les conventions ou sur le fondement de la loi. Dès lors, en l’absence de régulation internationale, on semble s’orienter vers des compétitions qu’il sera impossible de financer, les exigences étant trop élevées.

Au niveau européen, comme au niveau international, nous devons avoir la même démarche que celle que nous avons eue pour le dopage. Lors de l’adoption de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, nous étions les seuls à nous doter d’une législation aussi rigoureuse. Je me souviens des arguments de ses opposants d’alors, qui craignaient que nous mettions en péril le sport français. Nous avons donc mené le combat au niveau européen alors qu’il ne disposait d’aucune compétence en matière sportive : la première réunion des ministres des sports européens a eu lieu, de façon presque clandestine, dans les sous-sols d’un stade de France en fin de construction… Cette structuration du conseil des ministres des sports européens, qui étaient quinze à l’époque, nous a permis de nous rendre, groupés, auprès du CIO. Nous avons réussi à faire évoluer sa position pour obtenir, avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), la création de l’AMA.

Pour réguler la place de l’argent dans le sport professionnel ou éviter les dérives liées aux paris en ligne, nous devons suivre la même démarche : commencer par obtenir un accord au niveau européen, puis mettre en place une structure internationale du type de l’AMA, avec la double représentation du mouvement sportif international et des États, en s’appuyant soit sur l’UNESCO, soit sur un autre organisme international. Nous ne parviendrons pas à réguler autrement. Ainsi, sur quatre-vingt-dix pays autorisant les paris en ligne, seule une infime minorité, dont la France, s’est dotée d’une structure de contrôle. Or, par définition, les paris en ligne sont transfrontaliers…

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. J’ai conduit sous la législature précédente, avec M. Bernard Depierre, une mission d’information sur les grandes infrastructures sportives. Je dirais aujourd’hui : « grands équipements : attention, danger ! » Mme Marie-George Buffet a évoqué Athènes. La moitié, voire les trois quart des équipements y sont en déshérence et n’hébergent aucun club. De même, le Portugal qui a accueilli la Coupe d’Europe de 2004 voit ses stades déconstruits aujourd’hui et sans club résident. La France est confrontée au même problème avec le stade de France. Ceci me laisse à penser que contrairement aux Allemands en 2006, nous n’avons pas réussi, de ce point de vue, la Coupe du monde de football de 1998. La Fédération française de rugby pose les bases d’un modèle économique de stade s’appuyant sur un temps d’occupation de l’infrastructure consacré, pour moitié, aux rencontres sportives internationales organisées sur le sol français, le reste revenant aux grands évènements culturels. Un tel plan d’affaires n’a-t-il pas quelques raisons de nous inquiéter aujourd’hui ?

En matière de sport féminin, pour répondre à Mme Sophie Dion, nous proposons de subordonner l’octroi de la licence de club à la constitution d’une équipe féminine. Cela veut simplement dire qu’en l’absence d’une telle équipe, les clubs ne disposeront pas d’un bonus en matière de recettes tirées des droits télévisés. Cette proposition répond également à notre volonté de redonner un public familial au football en améliorant son image.

M. Guénhaël Huet, rapporteur. Mes collègues rapporteurs ont répondu aux questions posées. Mais elles traduisent bien la difficulté de la mission, car nous nous les sommes aussi posées … Notre détermination ne doit pas nous faire oublier la modestie. S’il est un secteur où l’État a abandonné une partie de ses prérogatives, globalement du moins, par la voie de la délégation de service public, c’est bien celui du sport. Notre travail doit donc être poursuivi en étroite collaboration avec le monde du football, au niveau français mais aussi européen ou international. Je m’associe complètement à ce que vient de dire Mme Marie-George Buffet, il faut bien commencer. Si l’on craint de gêner le football français, c’était déjà le cas avec la loi antidopage pour un certain nombre de sports en France… Depuis vingt ans, on a mené une politique de l’autruche. Collectivement, soyons déterminés à sortir la tête du sable. Le football ne peut plus continuer à fonctionner comme cela, au risque de conséquences néfastes, tant pour cette discipline que pour le reste de la société. Un certain nombre de nos propositions vont donc dans le sens d’une réappropriation du sport par la puissance publique.

Mme Sophie Dion. Merci pour votre réponse sur le football féminin. Sur la question de l’introduction en bourse des clubs, la loi existe et reste la loi, même si elle n’est pas appliquée. Que fait-on, dès lors, de ce texte ? Doit-on l’abroger ?

Pour conclure, j’entends bien la nécessité d’ériger notre politique nationale en exemple, mais tout se décidera au niveau européen et mondial. La France doit continuer à organiser de grandes compétitions sportives. C’est un exemple pour la jeunesse et la démonstration d’un certain dynamisme, même s’il est compliqué de satisfaire à l’ensemble des règles fixées par le Comité international olympique et l’ensemble des organismes qui dirigent le sport au plan mondial. Mais quitter ce monde-là, c’est n’y plus revenir. La France doit y conserver sa place.

M. Thierry Braillard, rapporteur. La conclusion de M. Guénhaël Huet nous satisfait tous. J’ajouterai, s’agissant du football, que nous avons constaté que ses instances ne jouaient plus leur rôle. La Ligue de football professionnel est une addition d’individualités, dénuée d’esprit collectif. Notre rapport relève son manque d’anticipation : les instances du football devraient comprendre que c’est aussi à elles d’assurer leur avenir et de prévoir ce que sera le football français de demain.

M. le président Patrick Bloche. Je vous propose maintenant de mettre aux voix l’autorisation de publication du rapport d’information.

*

La Commission autorise, à l’unanimité, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Ernst and Young Advisory – M. Marc Lhermitte, associé

Ø Union européenne des associations de football (UEFA) – M. Michel Platini, président, et M. Gianni Infantino, secrétaire général

Ø M. Frédéric Bolotny, président directeur-général de Bolotny Sport consulting (BSC)

Ø Fédération française de football – M. Noël Le Graët, président

Ø M. Jérôme Champagne, ancien conseiller du président puis directeur des relations internationales à la Fédération internationale de football association (FIFA), président de Football future

Ø M. Yves Wehrli, membre de la chambre d’instruction de l’instance de contrôle financier des clubs de l’Union européenne des associations de football (UEFA), avocat au cabinet Clifford Chance

Ø Union des clubs professionnels de football (UCPF) – M. Jean-Pierre Louvel, président, et M. Philippe Diallo, directeur général

Ø Ligue de football professionnel (LFP) – M. Frédéric Thiriez, président, et M. Jean-Pierre Hugues, directeur général

Ø Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative – M. Thierry Mosimann, directeur des sports, et Mme Sabine Foucher, adjointe au chef du bureau des fédérations unisport et du sport professionnel

Ø M. Christophe Bouchet, ancien président de l’Olympique de Marseille et ancien vice-président du Tours Football Club

Ø Commission européenne – M. Joaquin Almunia, Commissaire européen chargé de la concurrence ; M. Jonathan Hill, chef de cabinet-adjoint, et M. Zenon Severis, membre du cabinet de Mme Androulla Vassiliou, Commissaire européenne chargée de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse ; M. Gianluca Monte, administrateur chargé des questions sportives à la direction générale de l’éducation et de la culture

Ø M. Jean-Luc Dehaene, représentant au Parlement européen, enquêteur principal et président de la chambre d’instruction de l’instance de contrôle des finances des clubs de l’UEFA

Ø Union belge de football – M. François de Keersmaecker, président, et M. Tom Borgions, directeur des finances

Ø Mme Patricia Moyersoen, avocat spécialiste du droit du sport au sein du cabinet Moyersoen avocats

Ø M.  Pierre Jamet, conseiller maître à la Cour des comptes

Ø M. Jacques Lambert, président de la société Euro 2016 SAS, ancien directeur général de la Fédération française de football

Ø M. Bernard Caïazzo, président du conseil de surveillance de l’AS Saint-Étienne

Ø M. Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais

Ø Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) – M. Richard Olivier, président de la commission de contrôle des clubs professionnels, M. Jacques Lagnier, secrétaire général, et Mme Cécile Huet, juriste à la Ligue de football professionnel

Ø AS Monaco Football Club – M. Jean-Louis Campora, vice-président, M. Emmanuel Blanchi, responsable financier, Mme Tetiana Bersheda, administratrice, et M. Konstantin Zyryanov, directeur général exécutif

Ø Stade rennais – M. Frédéric de Saint Sernin, président, et M. Olivier Tomine, directeur des affaires financières

Ø Créteil Lusitanos – M. Armand Lopes, président, et M. José Ferreira, directeur général

Ø M. Jean-Claude Blanc, directeur général du Paris Saint-Germain (PSG)

Ø Lille Olympique Sporting Club (LOSC) – M. Michel Seydoux, président-directeur général, et M. Frédéric Paquet, directeur général adjoint

Ø M. Jean-François Fortin, président du directoire du Stade Malherbe de Caen

Ø Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) – M. Philippe Piat, président, et M. Richard Jezierski, attaché à la direction

Ø Syndicat national des agents sportifs (SNAS) – M. Bertrand Cauly, président, M. Skander Harrabi, agent licencié auprès de la Fédération française de football, et M. Régis Pillon, conseiller juridique

Ø Canal + – M. Cyril Linette, directeur des sports, M. Sébastien de Gasquet, directeur du cabinet de M. Bertrand Méheut, président du groupe Canal +, et Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures

Ø BeIn Sport – Mme Sophie Jordan, administratrice, et Mme Audrey Herblin, consultante chez TBWA Corporate

Ø Union nationale des entraîneurs et cadres techniques professionnels du football (UNECATEF) – M. Joël Muller, président, M. Pierre Reppelini, vice-président délégué, M. Thibault Dagorne, directeur des affaires sociales et juridiques, et M. Richard Deziré, administrateur

Ø Terra Nova – M. Arnaud Flanquart, coordonnateur du pôle « Sport », et M. Vikash Dhorasoo, ancien joueur

Ø M. Jürgen Muth, directeur gérant du stade Allianz Arena de Munich

Ø Mme Silke Böckmann, directrice financière du club TSV Munich 1860

Ø M. Karl-Heinz Rummenigge, président du conseil d’administration du FC Bayern de Munich

Ø M. Jean-Luc Bennhamias, représentant au Parlement européen

Ø M. Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions

Ø Élus locaux chargés des sports – Mme Arielle Piazza, adjointe au maire de Bordeaux chargée de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et M. Jean Vuillermoz, adjoint au maire de Paris chargé des sports

Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Mme Christine Kelly, membre du collège, et M. Laurent Letailleur, chargé de mission « Sport » à la direction des études et de la prospective

Ø M. Didier Primault, directeur général du Centre d’économie et de droit du sport (CDES)

Ø M. Luc Dayan, président du Racing Club de Lens

Ø Groupe M6 – M. Nicolas de Tavernost, président du directoire, M. Philippe Bony, directeur général adjoint des programmes en charge de la fiction, de la jeunesse, du cinéma et du sport, et M. Grégory Le Fouler, directeur administratif et financier adjoint

Ø Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Ø Contributions écrites – Sport et citoyenneté ; Ellipse Avocats

1 () Cour de justice des Communautés européennes, 15 décembre 1995, Union royale belge des sociétés de football association ASBL contre Jean-Marc Bosman, affaire C-415/93.

2 () Jusqu’alors les clubs européens étaient soumis, pour leur recrutement, à des quotas limitant le nombre de joueurs extranationaux, ce que la juridiction communautaire a jugé comme contraire à la libre circulation des travailleurs.

3 () UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs, exercice financier 2010, p. 18.

4 () Cour de justice des Communautés européennes, 15 décembre 1995, Union royale belge des sociétés de football association ASBL contre Jean-Marc Bosman, affaire C-415/93.

5 () Conseil d’État, 30 décembre 2002, Malaja, n° 219646.

6 () Cour de justice des Communautés européennes, 8 mai 2003, Deutscher handballbund c/ Marios Kolpak, affaire C-265/03, et 12 avril 2005, Simutenkov c/ Real Federacion Espanola de Futbol, affaire C-265/03.

7 () Centre de droit et d’économie du sport et KEA European Affairs, Aspects économiques et juridiques des transferts de joueurs, janvier 2013.

8 () Aux termes du règlement du statut et du transfert des joueurs de la FIFA, il s’agit d’une période de trois ans suivant l’entrée en vigueur du contrat si celui-ci a été conclu avant le vingt-huitième anniversaire du professionnel, ou d’une période de deux ans suivant l’entrée en vigueur du contrat si celui-ci a été conclu après le vingt-huitième anniversaire du professionnel

9 () Se sont occasionnellement trouvés dans le même cas de figure, depuis : Arsenal, Wigan et West Bromwich.

10 () Rapport entre une masse salariale « chargée » de 1,036 milliard d’euros et un chiffre d’affaires de 1,349 milliard d’euros selon les données de la Direction nationale du contrôle de gestion (Situation du football professionnel, saison 2011-2012, p. 25).

11 () Devant le Championnat d’Europe des Nations (25,7 millions d’euros), la coupe du monde de la FIFA (24 millions d’euros), le Super Bowl américain (12 millions d’euros), le World Series de baseball (11,5 millions d’euros), la Fed Cup de golf (7,8 millions d’euros), la course de chevaux Dubai World Cup night (7,8 millions d’euros), l’UEFA Europa League (8,7 millions d’euros), le World Series de poker (6,8 millions d’euros) et l’ICC Cricket World Cup (3,1 millions d’euros), selon le journal Foot mercato dans son édition du 22 novembre 2012.

12 () Direction nationale du contrôle de gestion, Rapport d’activité – Comptes des clubs professionnels, saison 2010-2011, p. 7.

13 () UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs, exercice financier 2011, p. 50 et 51.

14 () UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs, exercice financier 2011, p. 10.

15 () Le Paris Saint-Germain, qui déclare respecter les critères du fair-play financier, a par ailleurs reconduit son contrat de partenariat avec Fly Emirates, pour une durée de cinq ans et un montant de 25 millions d’euros par an – soit un montant inférieur à celui obtenu avec la même compagnie par le club d’Arsenal, de 37 millions d’euros par saison.

16 () Ernst and Young-UCPF, Stade critique : clubs en difficulté, filière en croissance – 2ème baromètre Foot Pro, 2012.

17 () Ministère de la culture et de la communication, Chiffres clés 2012 – Cinéma.

18 () Données portant sur l’année 2010 publiées en 2011 par le syndicat des énergies renouvelables et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

19 () Op. cit., p. 9.

20 () Synthèse de l’enquête UCPF-Dialogue social, juin 2011.

21 () Règlement du Comité de la réglementation comptable n° 2004-07 du 23 novembre 2004 relatif au traitement comptable des indemnités de mutation versées par les sociétés à objet sportif visées à l’article 11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984.

22 () Direction nationale du contrôle de gestion, Rapport d’activité saison 2010-2011, p. 6.

23 () Direction nationale du contrôle de gestion, Situation du football professionnel saison 2011-2012, p. 2.

24 () Attribuée pour la première fois lors de la saison 2012-2013, la « licence club » est délivrée par la Ligue de football professionnel, pour une saison, aux clubs de Ligue 1 et 2 satisfaisant à certaines exigences en matière d’organisation et d’infrastructures. Elle ne conditionne pas leur participation aux compétitions mais leur permet d’être éligibles à une fraction des droits audiovisuels. Pour la saison 2012-2013, trente-huit clubs de Ligues 1 et 2 ont obtenu la licence.

25 () Ligue de football professionnel, Rapport d’activité – Saison 2011-2012, p. 92.

26 () Cour des comptes, Rapport public thématique, Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l’action de l’État, janvier 2013.

27 () Ibid., p. 149.

28 () France Football, 20 novembre 2012, n° 3476, p. 10.

29 () M. Éric Besson, Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français, La Documentation française, novembre 2008, p. 43 à 45.

30 () Étude publiée par le site Sporting intelligence le 13 décembre 2012.

31 () M. Jean-Louis Valentin, Rapport de la Commission Euro 2016 sur les grands stades, p. 34.

32 () Ibid.

33 () Direction nationale du contrôle de gestion, Situation du football professionnel, saison 2011-2012, p. 32.

34 () Ligue de football professionnel, Rapport d’activité, saison 2011-2012, p. 89.

35 () Union nationale des footballeurs professionnels, L’image du football et des footballeurs, juin 2007, p. 14.

36 () OL Groupe, Activité des neuf premiers mois de l’exercice 2012-2013.

37 () Direction nationale du contrôle de gestion, Situation du football professionnel français, saison 2011-2012, p. 2.

38 () Ernst and Young-UCPF, 2ème baromètre Foot Pro, 2012.

39 () Union des clubs professionnels de football & Eversheds, Le coût du travail dans les cinq ligues européennes majeures – la France désavantagée, mars 2012.

40 () Réponse du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État à la question écrite n° 63 932 de M. Marc Le Fur, député, Journal officiel, 8 février 2011, p. 1211.

41 () Ligue de football professionnel, procès-verbal du conseil d’administration du 24 janvier 2013.

42 () Ligue de football professionnel, procès-verbal du conseil d’administration du 21 mars 2013.

43 () Cour de justice des Communautés européennes, 18 juillet 2006, Meca-Medina c/ Commission, affaire C-519/04 P.

44 () Résolution du Parlement européen du 29 mars 2007 sur l’avenir du football professionnel en Europe, texte adopté (2007) 0100.

45 () Terra Nova, Changer ou disparaître : quel avenir pour le football français ?, février 2011.

46 () KEA European Affairs et Centre d’économie et de droit du sport, Aspects économiques et juridiques des transferts de joueurs, janvier 2013.

47 () FIFA, circulaire n° 1335, 14 janvier 2013.

48 () Ligue de football professionnel, Livre blanc pour mieux encadrer la profession d’agent et assurer la transparence des transferts, 2006.

49 () M. Dominique Juillot, Rapport d’information n° 3741 sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs, Assemblée nationale, XIIe législature, 20 février 2007.

50 () Conseil d’État, 10 juin 2013, Union des agents sportifs de football et Syndicat national des agents sportifs, n° 361327.

51 () Conseil constitutionnel, décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006.

52 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-55 QPC du 18 octobre 2010.

53 () Décision 98/500/CE de la Commission du 20 mai 1998 concernant l’institution de comités de dialogue sectoriel destinés à favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux au niveau européen.

54 () Décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l’application de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

55 () Ces événements sont : les Jeux olympiques d’été et d’hiver ; les matchs de l’équipe de France de football inscrits au calendrier de la FIFA ; le match d’ouverture, les demi-finales et la finale de la coupe du monde de football ; les demi-finales et la finale du championnat d’Europe de football ; la finale de la coupe de l’UEFA lorsqu’un groupement sportif inscrit dans l’un des championnats de France y participe ; la finale de la Ligue des champions de football ; la finale de la coupe de France de football ; le tournoi de rugby des Six Nations ; les demi-finales et la finale de la coupe du monde de rugby ; la finale du championnat de France de rugby ; la finale de la coupe d’Europe de rugby lorsqu’un groupement sportif inscrit dans l’un des championnats de France y participe ; les finales des simples messieurs et dames du tournoi de tennis de Roland-Garros ; les demi-finales et les finales de la Coupe Davis et de la Fed Cup lorsque l’équipe de France de tennis y participe ; le Grand Prix de France de formule 1 ; le Tour de France cycliste masculin ; la compétition cycliste Paris-Roubaix ; les finales masculine et féminine du championnat d’Europe de basket-ball lorsque l’équipe de France y participe ; les finales masculine et féminine du championnat du monde de basket-ball lorsque l’équipe de France y participe ; les finales masculine et féminine du championnat d’Europe de handball lorsque l’équipe de France y participe ; les finales masculine et féminine du championnat du monde de handball lorsque l’équipe de France y participe ; les championnats du monde d’athlétisme.

56 () L’horaire du match, initialement prévu à 17 heures, a été décalé à 19 heures 30 à la demande du club de Lens qui estimait que cet horaire lésait ses supporters, puis fixé à 19 heures par la Fédération française de football suite aux protestations de France Télévisions et du club des Girondins de Bordeaux. France Télévisions a alors refusé de diffuser le match en direct, en raison du bouleversement de sa grille de programmes que cela aurait impliqué (incompatibilité avec la diffusion du journal télévisé de 20 heures notamment). Ce match a été le seul quart de finale du championnat non diffusé.

57 () M. Nicolas Hourcade, M. Ludovic Lestrelin et M. Patrick Mignon, Livre vert du supportérisme – État des lieux et propositions d’actions pour le développement du volet préventif de la politique de gestion du supportérisme, octobre 2010, p. 35 et 36.

58 () Il existe ainsi trois catégories de « socios » : les « benjamins-bébés », âgés de moins d’un an ; les « benjamins-minimes », âgés de un à quinze ans ; enfin, les « seniors », âgés de plus de quinze ans et qui ont cotisé 161,50 euros pour l’année 2012.

59 () Op.cit., p. 40.

60 () À partir de M. Didier Primault, « Les ligues majeures américaines : éléments de cadrage », in Jurisport, n° 119, avril 2012, p. 20 et suivantes.

61 () Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion, Économie du rugby professionnel français – Comptes des clubs professionnels, saison 2011-2012, p 31.

62 () Les boissons concernées par cette interdiction de vente et de distribution sont : pour le groupe 2, les boissons fermentées non distillées, telles que le vin, la bière ou le cidre, comportant de 1,2 à 3 degrés d’alcool ; pour le groupe 3, certains vins doux naturels et des vins de liqueur, apéritifs à base de vin et liqueurs, ne titrant pas plus de 18 degrés d’alcool pur ; pour le groupe 4, les rhums et alcools distillés ; pour le groupe 5, toutes les autres boissons alcooliques.

63 () Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.

64 () Direction nationale du contrôle de gestion, Situation du football professionnel français, saison 2011-2012, p. 20.

65 () Conseil d’État, 13 juillet 1961, Ville de Toulouse.

66 () Cour de Cassation, troisième chambre civile, 24 janv. 1996, Mme Géroudet – Société Les Pyramides, n° 94-12.952.


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