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N° 1879

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le10 avril 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Jeanine DUBIÉ et M. Arnaud RICHARD

Députés

——

SOMMAIRE

___

Pages

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS 9

INTRODUCTION 15

PREMIÈRE PARTIE : RADIOGRAPHIE D’UN SYSTÈME EN CRISE 17

I. UNE DEMANDE D’ASILE EN FORTE CROISSANCE 17

A. DES FLUX ÉLEVÉS, MAIS COMPARABLES À D’AUTRES PAYS ET QUE LA FRANCE A DÉJÀ CONNUS 17

1. Un cycle de croissance de la demande dont on ne voit pas la fin 17

2. Des chiffres déjà atteints par le passé et relativement plus faibles que dans certains États voisins 18

3. Une répartition régionale en évolution permanente 21

B. DES POPULATIONS NOUVELLES DE DEMANDEURS D’ASILE, QUI NE REFLÈTENT PAS LA CARTE DES CONFLITS LES PLUS AIGUS 23

1. Les principaux pays de provenance des demandeurs d’asile 24

2. Qui sont les demandeurs d’asile ? 27

C. QUI EST RÉFUGIẾ AUJOURD’HUI ? 28

1. Les pays de provenance des réfugiés 28

2. Un taux d’admission à la protection en baisse 30

II. DES PROCÉDURES QUI ÉCHAPPENT AU CONTRÔLE DES POUVOIRS PUBLICS 31

A. DES DÉLAIS DE TRAITEMENT BEAUCOUP TROP LONGS 31

1. Le parcours préalable au dépôt de la demande 31

2. L’examen par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides 34

3. Le recours devant la Cour nationale du droit d’asile 36

4. Des délais globaux insoutenables 38

B. DES COÛTS CROISSANTS ET DÉSÉQUILIBRÉS 39

1. La difficile consolidation des coûts 39

2. La sous-budgétisation de la politique de l’asile 42

C. UN ENCADREMENT JURIDIQUE EUROPÉEN DE PLUS EN PLUS CONTRAIGNANT 44

1. La construction d’un système européen commun d’asile 45

2. L’impact important des deux directives de 2013 sur le droit de l’asile 45

3. La refonte récente des règlements Dublin et Eurodac 47

4. La décision prise sur le fond par l’organe de protection échappe à l’harmonisation 48

III. LES ZONES D’OMBRE DE L’APRÈS DEMANDE D’ASILE 49

A. L’INTÉGRATION DES PERSONNES PROTÉGÉES 49

B. LE SORT DES PERSONNES DÉBOUTÉES 50

1. Le recours croissant à l’hébergement d’urgence de droit commun 50

2. La porosité des procédures 52

3. La faible exécution des obligations de quitter le territoire français 53

DEUXIÈME PARTIE : POUR UNE RÉFORME D’ENSEMBLE, ASSOCIANT RESPECT DES DROITS ET PERFORMANCE DE L’ACTION PUBLIQUE 57

I. SIMPLIFIER ET HARMONISER L’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE 57

A. UNE MULTIPLICITÉ D’INTERLOCUTEURS ET DE LIEUX 58

1. La régionalisation de l’admission au séjour : un bilan insatisfaisant 58

2. Les plateformes d’accueil des demandeurs d’asile disposent d’un référentiel de prestations qui n’est pas assorti d’un référentiel de coûts 59

3. Le parcours du demandeur d’asile est actuellement compliqué et générateur de « délais cachés » 62

B. METTRE EN PLACE UN LIEU D’ACCUEIL UNIQUE RÉGIONAL AU FONCTIONNEMENT HARMONISÉ 64

C. ACCÉLÉRER L’ENTRÉE DANS LA PROCÉDURE D’ASILE 67

1. Modifier les exigences liées à la domiciliation 67

2. Modifier la logique d’accueil et de traitement des dossiers par la préfecture 69

a. Rendre la première démarche en préfecture plus opérationnelle 69

b. Calquer la durée de l’autorisation provisoire du séjour sur celle de l’instruction de la demande en procédure normale 70

c. Mieux lutter contre les demandes d’asile multiples sous identités différentes 71

3. Adapter le référentiel des prestations réalisées lors du premier accueil 71

4. Mettre en place la détection de la vulnérabilité 72

D. RÉINTRODUIRE L’INTERVENTION D’UN AGENT DE PROTECTION DÈS LE DÉBUT DE LA PROCÉDURE 73

E. MIEUX APPLIQUER LES PROCÉDURES PARTICULIÈRES 74

1. Redonner un sens à la procédure d’asile à la frontière 74

2. Appliquer la procédure Dublin et améliorer le taux de transfert vers nos partenaires de l’Union européenne 76

II. ASSURER UN HÉBERGEMENT ET UN ACCOMPAGNEMENT ADAPTÉS AUX DEMANDEURS D’ASILE 79

A. METTRE EN PLACE UNE PROGRAMMATION RÉALISTE DES CAPACITÉS DES CENTRES D’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE 81

1. Une capacité d’hébergement dédiée encore insuffisante malgré les efforts réalisés 81

a. La progression régulière des capacités d’accueil depuis 2001 81

b. Les coûts des centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont été rationalisés grâce à un référentiel depuis 2012 83

c. La répartition des places de centres d’accueil pour demandeurs d’asile sur le territoire ne correspond pas à la polarisation de la demande d’asile sur certaines régions 83

d. Le nouveau programme d’extension des capacités décidé en 2012 poursuit l’objectif d’une meilleure répartition sur le territoire 86

2. Atteindre l’objectif d’une capacité de 35 000 places de centres d’accueil pour demandeurs d’asile en 2019 87

B. ASSURER UNE MEILLEURE UTILISATION DES RESSOURCES GRÂCE À UN DISPOSITIF D’ORIENTATION DIRECTIVE DES DEMANDEURS 89

1. Le dispositif d’hébergement DN@ constitue une première étape dans le pilotage et le suivi des demandeurs d’asile 90

2. Confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration la réorientation du demandeur d’asile, en cas de saturation des capacités, vers une autre région 91

3. Laisser au demandeur la faculté d’être hébergé par un tiers sans en être pénalisé 92

4. Diversifier les structures dédiées à l’hébergement des demandeurs d’asile 93

C. RATIONALISER LE RECOURS À L’HÉBERGEMENT D’URGENCE 94

1. Les difficultés du pilotage et de la gestion de l’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile 95

2. Poursuivre la rationalisation des coûts de l’hébergement d’urgence 95

3. La saturation de l’hébergement dédié aux demandeurs d’asile a conduit à les adresser aux structures de réinsertion ou de mise à l’abri 96

4. Améliorer l’information des représentants de l’État sur les personnes hébergées et disposer des moyens d’évaluer les besoins réels du public demandeur d’asile ou débouté 98

a. Le suivi du parcours des demandeurs d’asile comporte des lacunes importantes 98

b. Compléter les informations du DN@ et prévoir une obligation d’échange d’informations relatives aux demandeurs d’asile hébergés 99

D. AMÉLIORER ET MODERNISER LA GESTION DE L’ALLOCATION TEMPORAIRE D’ATTENTE 101

1. L’élargissement des catégories de demandeurs d’asile admis au bénéfice de l’allocation temporaire d’attente 101

2. La progression des coûts de l’allocation temporaire d’attente et la nécessité d’éviter le versement d’indus 104

3. Confier la gestion de l’allocation à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et moderniser son versement 106

4. Engager une réflexion sur la familialisation de l’allocation temporaire d’attente 107

5. Améliorer la conditionnalité de l’allocation comme le permet le droit européen et la respecter dans la pratique 108

E. METTRE AU POINT UN OUTIL INTÉGRÉ DE SUIVI DE LA SITUATION DES DEMANDEURS D’ASILE 109

III. DYNAMISER LA PROCÉDURE D’EXAMEN DES DEMANDES D’ASILE 111

A. MIEUX UTILISER LES POTENTIALITÉS DES PROCÉDURES ACCÉLÉRÉES 111

1. Flexibiliser la liste des pays d’origine sûrs 113

2. Généraliser le caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d’asile 115

3. Adapter l’examen des demandes manifestement infondées 116

B. ACCÉLÉRER LA MISE EN œUVRE DU PLAN DE RÉFORME DE L’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES 117

1. Un plan cohérent qui commence à produire ses premiers effets 118

2. Des résultats fragiles qui doivent être confortés par des moyens supplémentaires 121

C. POURSUIVRE LA PROFESSIONNALISATION DE LA COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE 122

1. Le transfert du contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs n’est pas souhaitable 123

2. La professionnalisation de la Cour doit être renforcée 125

a. Modifier la composition des formations de jugement 127

b. Réduire le taux de renvoi des dossiers à l’audience 129

IV. TIRER LES CONSÉQUENCES DES DÉCISIONS DÉFINITIVES EN MATIÈRE D’ASILE 132

A. FAVORISER L’INTÉGRATION DES PERSONNES PROTÉGÉES 133

1. Renforcer les capacités d’hébergement temporaire et d’accompagnement pour les personnes sous protection internationale 133

a. Le rôle des centres d’accueil pour demandeurs d’asile dans l’accompagnement des réfugiés 134

b. Des places d’hébergement temporaire en nombre insuffisant 134

c. L’exemple du programme Accelair 135

2. Le droit européen pose le principe du traitement égal du réfugié ou de la personne bénéficiant de la protection subsidiaire et du ressortissant de l’Union 136

3. Différents domaines d’action pour aider les personnes à accéder à l’autonomie et à s’insérer 137

B. SE PRÉOCCUPER DU SORT DES PERSONNES DÉBOUTÉES 138

1. Prendre en compte la porosité des procédures 138

2. Assurer un accompagnement et un hébergement 139

EXAMEN PAR LE COMITÉ 143

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 161

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1 : Instaurer, au niveau des préfectures de région, un lieu unique d’accueil des demandeurs d’asile, réunissant le Service régional d'immigration et d'intégration (préfecture), la direction territoriale de l’OFII ainsi que les associations d’aide et de soutien présentes localement.

Proposition n° 2 : Modifier les exigences liées à la domiciliation :

– pour l’admission au séjour des demandeurs d’asile, supprimer l’exigence de domiciliation préalable ;

– pour la procédure de demande d’asile, confier la domiciliation à l’OFII, en admettant une certaine souplesse afin que cette domiciliation soit effectuée en fonction de la situation du demandeur et du contexte local : domiciliation au lieu d’hébergement dédié affecté au demandeur, domiciliation par un proche chez lequel le demandeur a choisi de résider, ou encore domiciliation par une association agréée par le préfet. La domiciliation par le centre communal d’action sociale doit être encouragée en l’absence d’autre solution.

Proposition n° 3 : Accélérer et moderniser le traitement des dossiers par les préfectures :

– effectuer la prise d’empreintes du demandeur et leur confrontation à la base européenne Eurodac dès le premier contact avec les services de la préfecture ;

– pour les demandeurs d’asile en procédure normale, aligner la durée de validité de l’autorisation provisoire de séjour sur la durée de la procédure d’instruction de la demande d’asile. Instaurer une carte informatisée comportant les informations relatives à la situation du demandeur d’asile parmi lesquelles l’actualisation de son droit au séjour sur le territoire.

Proposition n° 4 : Adapter et compléter le référentiel de prestations pour l’accueil du demandeur d’asile :

– adapter le référentiel de prestations pour l’accueil du demandeur d’asile afin de répartir ces prestations entre le lieu unique d’accueil et la structure d’hébergement. L’élargir à la détection de la vulnérabilité éventuelle du demandeur ;

– compléter ce référentiel par un référentiel de coûts.

Proposition n° 5 : Confier la détection de la vulnérabilité éventuelle du demandeur d’asile, lors du premier accueil, aux médecins de l’OFII, en organisant à cette fin un plateau technique de médecins, intégré au lieu unique d’accueil des demandeurs d’asile ou situé à proximité.

Proposition n° 6 : Prévoir un accès à l’OFPRA dans le lieu unique d’accueil du demandeur d’asile, en y instituant une antenne, une mission régulière ou une consultation périodique en visioconférence d’agents de protection, afin de répondre aux demandes d’avis qui pourraient être adressées par les agents de la préfecture en charge de la détermination de la procédure applicable.

Proposition n° 7 : Redonner du sens à la procédure d’asile à la frontière :

– renforcer les astreintes de l’OFPRA à Roissy le week-end ;

– clarifier la rédaction du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sur les conditions de prolongation du maintien en zone d’attente.

Proposition n° 8 : Utiliser toutes les potentialités du règlement Dublin III, notamment en matière d’échange de données médicales, afin d’améliorer le taux de transfert vers nos partenaires de l’Union européenne.

Proposition n° 9 : Faire des CADA le dispositif central de l’hébergement des demandeurs d’asile :

– renforcer la capacité du dispositif des CADA en fixant un objectif de 35 000 places. À terme, unifier les deux catégories actuelles d’hébergement – l’hébergement en CADA et l’hébergement d’urgence dédié – afin de faire bénéficier l’ensemble des demandeurs d’asile en procédure normale de conditions égales et équitables ;

– répartir les nouvelles capacités sur l’ensemble du territoire, y compris dans les régions rurales, afin de rééquilibrer efficacement l’accueil des demandeurs d’asile entre les différentes régions métropolitaines ;

– conserver un volant de places d’hébergement d’urgence d’environ 11 000 places pour héberger les personnes dont la demande fait l’objet d’une procédure prioritaire ou « accélérée », qui devraient être plus nombreuses qu’aujourd’hui, ou les demandeurs d’asile en procédure «  Dublin » ;

– prévoir des places avec un suivi particulier pour les personnes qui viennent d’arriver sur le territoire et vont voir leur situation évaluée par la plate-forme d’accueil ou le futur lieu unique d’accueil.

Proposition n° 10 : Établir une orientation directive des demandeurs d’asile pour leur hébergement :

– mettre en place une politique plus volontariste d’équilibrage de la demande d’asile sur le territoire, grâce à un système directif d’orientation des demandeurs d’asile ;

– confier à l’OFII un rôle de réorientation du demandeur d’asile vers une autre région, dans le cadre de sa gestion du premier accueil des demandeurs d’asile ;

– préserver la possibilité pour le demandeur d’asile d’être hébergé en dehors du dispositif d’accueil (sans suppression de l’allocation temporaire d’attente) s’il peut être hébergé par un proche. Cette possibilité a l’avantage de ne pas créer de demande supplémentaire, et de diminuer la charge financière supportée par l’État ;

– étendre les capacités du modèle de l’accueil temporaire du service d’asile (AT-SA) afin de limiter le recours à l’hébergement d’urgence.

Proposition n° 11 : Améliorer l’information des représentants de l’État sur les demandeurs d’asile et les déboutés présents dans les structures d’hébergement d’urgence :

– intégrer le dispositif HUDA dans le système d’information et de pilotage DN@ afin d’avoir une vision globale et opérationnelle de l’ensemble des capacités théoriques et mobilisées au jour le jour pour l’accueil des demandeurs d’asile ;

– rétablir la visibilité et la réalité de la consommation des crédits budgétaires : transférer vers les crédits du programme 303 les crédits du programme 177 consacrés à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ;

– prévoir dans les conventions signées avec les gestionnaires de l’hébergement d’urgence des modalités de transmission des informations relatives à l’identification des demandeurs d’asile ou des personnes réfugiées ou déboutées présentes dans leurs structures ;

– prévoir une obligation pour les structures d’hébergement d’urgence généraliste de répondre aux demandes d’information des services de l’État sur le public hébergé dans le cadre de la mission qui leur est confiée par l’État et financée par les fonds publics.

Proposition n° 12 : Améliorer et moderniser la gestion de l’allocation temporaire d’attente :

– confier la gestion de l’allocation à l’OFII, en transférant des moyens en personnel pour l’accomplissement de cette nouvelle mission ;

– instituer, en commençant par une expérimentation régionale, le versement de l’allocation au demandeur en créditant une carte de retrait et de paiement utilisable dans certains commerces et grandes enseignes alimentaires ;

– engager une réflexion sur la familialisation de l’ATA ;

– pour les demandeurs hébergés dans les structures AT-SA, remplacer l’allocation temporaire d’attente par l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) versée dans les CADA, pour tenir compte de l’équivalence des prestations et de l’accompagnement apportés par ces structures ;

– pour les demandeurs d’asile dont un autre État membre a accepté la réadmission sur son territoire dans le cadre de la procédure « Dublin », interrompre le versement de l'ATA lorsque le demandeur se soustrait à la mesure de réadmission vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande ;

– instaurer un délai, courant dès l’entrée sur le territoire du demandeur d’asile, à partir duquel l’allocation temporaire d’attente ne pourrait plus être demandée ;

– supprimer le bénéfice de l’allocation temporaire d’attente à partir de la deuxième demande de réexamen, afin d’éviter que l’accès à l’allocation ne constitue un élément d’attractivité suscitant des demandes de réexamen abusives.

Proposition n° 13 : Mettre au point un outil intégré de suivi de la situation des demandeurs d’asile :

– élaborer un nouveau système d’information, ou créer à partir des systèmes existants, une application unique, rassemblant toutes les informations utiles au suivi des demandeurs d’asile, à l’exception des informations protégées par la confidentialité de la procédure d’examen de la demande d’asile ;

– ouvrir ce système en consultation et en saisie aux principaux acteurs du système de l’asile : l’OFII, le service des étrangers de la préfecture, l’OFPRA et la CNDA.

Proposition n° 14 : Mieux utiliser les potentialités des procédures accélérées :

– confier au directeur général de l’OFPRA la définition de la liste des pays d’origine sûrs ;

– généraliser le recours suspensif devant la CNDA, y compris pour les procédures accélérées ;

– pérenniser les procédures existantes permettant un examen adapté des demandes manifestement infondées par les autorités de détermination du droit d’asile.

Proposition n° 15 : Accélérer la mise en œuvre du plan de réforme de l’OFPRA :

– mettre en place au plus vite la mutualisation et le traitement adapté de l’instruction ;

– créer 20 emplois d’officiers de protection dans le projet de loi de finances pour 2015 ;

– reconnaître au demandeur d’asile un droit à l’assistance d’un conseil et à l’accès au compte-rendu de l’entretien, en application de la directive procédure du 26 juin 2013.

Proposition n° 16 : Écarter le transfert du contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs.

Proposition n° 17 : Conforter la professionnalisation de la Cour nationale du droit d’asile

– modifier la composition des formations de jugement en doublant le nombre de présidents permanents et en substituant les rapporteurs aux assesseurs désignés sur proposition des ministres ;

– utiliser la visioconférence pour les audiences ultramarines.

Proposition n° 18 : Renforcer l’insertion des personnes bénéficiaires de la protection internationale :

– développer les capacités d’hébergement destinées aux réfugiés, afin de leur éviter d’avoir recours aux structures de mise à l’abri ;

– prévoir un rééquilibrage territorial de l’offre d’hébergement accessible aux réfugiés ; charger l’OFII de cette mission et de l’orientation du réfugié vers un hébergement temporaire et un accompagnement sur le territoire français ;

– élargir le programme Accelair à l’ensemble du territoire et en accroître le nombre de bénéficiaires ;

– mettre en place une aide à l’orientation et un accompagnement spécifiques des réfugiés par les services sociaux, afin de traiter leur recherche de logement et leur insertion dans l’emploi.

Proposition n° 19 : Prendre en compte la porosité des procédures :

– confier à l’OFII l’avis médical prévu au titre de la procédure « étrangers malades » relevant actuellement de l’Agence régionale de la santé (ARS) ;

– assurer un suivi statistique des déboutés du droit d’asile déposant plusieurs demandes d’accès au séjour au titre de procédures différentes.

Proposition n° 20 : Mettre en place une véritable politique d’accompagnement au retour des personnes déboutées du droit d’asile.

INTRODUCTION

À la demande du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI), de la commission des Affaires étrangères et de la commission des Finances, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a, le 31 octobre 2013, inscrit à son programme de travail une évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile.

Cette évaluation a été décidée après l’annonce par le Gouvernement du dépôt d’un projet de loi réformant le droit d’asile. L’objectif de l’évaluation consistait donc à apporter la contribution du CEC à la préparation de cette réforme.

Le 5 décembre 2013, le CEC a désigné les deux rapporteurs de cette évaluation :

– Mme Jeanine Dubié, membre du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), membre de la commission des Affaires économiques ;

– M. Arnaud Richard, membre du groupe UDI, membre de la commission des Affaires sociales.

En application de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, a été constitué un groupe de travail désigné par les commissions des Affaires sociales, des Lois et des Finances, et composé de MM. Éric Ciotti (UMP), Claude Goasguen (UMP) et Laurent Grandguillaume (SRC), de Mmes Chantal Guittet (SRC) et Élisabeth Pochon (SRC), et de MM. Denys Robiliard (SRC) et Jean-Louis Touraine (SRC).

Les travaux des rapporteurs ont commencé par une phase de cadrage, à la suite de laquelle le projet d’évaluation a été défini et présenté au groupe de travail.

Cette mission faisant suite à la concertation menée par le ministère de l’Intérieur en charge de l’asile et confiée à Mme Valérie Létard, sénatrice, et M. Jean-Louis Touraine, député, dont le rapport a été remis le 28 novembre 2013, le CEC a bénéficié de l’important travail, technique et politique, mené à cette occasion.

Fidèle à sa vocation, le CEC n’a pas reconduit cet exercice de concertation mais il s’est efforcé de centrer ses auditions et ses analyses sur l’évaluation de la politique publique de l’asile et sur les propositions de réforme qu’elle peut susciter. Au total, 44 personnes ont été entendues au cours de 22 auditions.

Tenant à publier leurs propositions avant l’examen du projet de loi en conseil des ministres, les rapporteurs ont condensé leurs travaux sur une période de trois mois, ce qui ne leur a pas permis de multiplier les déplacements. Ils se sont néanmoins rendus, accompagnés de certains membres du groupe de travail qu’ils remercient pour leur engagement, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Cour nationale du droit d’asile. En outre, un déplacement a été organisé à la préfecture de la Côte d’Or à Dijon, afin de rencontrer sur le terrain les acteurs et parties prenantes de la politique d’accueil des demandeurs d’asile.

Ils tiennent à rappeler que, si tout exercice d’évaluation repose par nature sur des chiffres et des données statistiques, ils ont toujours gardé en mémoire que derrière les dossiers se jouait le destin d’hommes et de femmes contraints de s’exiler, en quête d’une vie meilleure.

Ils se réfèrent aussi à la longue tradition républicaine dans ce domaine et à son assise constitutionnelle reposant sur le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».

Ces fondements ont été renforcés par la révision de la Constitution du 25 novembre 1993 qui confère aux autorités de la République le droit de « donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté » ou « pour un autre motif » (article 53-1).

PREMIÈRE PARTIE :
RADIOGRAPHIE D’UN SYSTÈME EN CRISE

La politique publique de l’asile a fait l’objet de nombreux rapports et études récents qui convergent sur un diagnostic alarmant : les uns parlent de crise, les autres de système « à bout de souffle ».

L’origine première de cette crise résulte de la forte augmentation de la demande d’asile adressée à la France depuis 2007, dont il faut prendre la mesure, absolue et relative, quantitative et qualitative.

Elle s’illustre par de nombreux dysfonctionnements de la procédure, tant en termes de délais que de coûts, mais aussi par les suites insatisfaisantes données à l’issue de la procédure, qu’elle soit positive avec la reconnaissance de la protection internationale ou négative avec la qualification de débouté du droit d’asile.

I. UNE DEMANDE D’ASILE EN FORTE CROISSANCE

L’évolution récente de la demande d’asile en France se caractérise par des flux élevés, en croissance régulière depuis 2007. Cette croissance est constatée de manière globale dans l’Union européenne : en 2012, il a été enregistré dans les 28 pays de l’Union 335 000 demandeurs d’asile, soit une hausse de 10 % par rapport à 2011. Cette hausse a été suivie d’une autre encore plus importante, de 30 %, en 2013 par rapport à 2012. Il a été déposé l’année dernière 435 000 demandes d’asile dans l’ensemble de l’Union européenne.

Cinq pays (Allemagne, France, Suède, Royaume-Uni et Belgique) enregistraient toujours 70 % des demandes d’asile, et la France se classait au 2ème rang de l’Union avec 15 % du total, derrière l’Allemagne, qui a reçu 29 % des demandes.

A. DES FLUX ÉLEVÉS, MAIS COMPARABLES À D’AUTRES PAYS ET QUE LA FRANCE A DÉJÀ CONNUS

1. Un cycle de croissance de la demande dont on ne voit pas la fin

La demande de protection internationale globale (mineurs accompagnants et réexamens inclus) a augmenté de plus de 85 % entre 2007 et 2013 en passant de 35 520 demandes en 2007 à 66 251 en 2013.

La période s’est caractérisée par une hausse continue et régulière.

ÉVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE ADRESSÉE À LA FRANCE ENTRE 2007 ET 2013

 

Total demande d’asile

Évolution %

2007

35 520

 

2008

42 599

20 %

2009

47 686

12 %

2010

52 762

11 %

2011

57 337

9 %

2012

61 468

7 %

2013

66 251

8 %

Source : OFPRA.

Avec une progression de 8 %, l’année 2013 poursuit la tendance amorcée en 2007 dont rien ne semble indiquer un affaiblissement ou un ralentissement, bien au contraire, puisque les seules premières demandes ont progressé de plus de 11 %. Les deux premiers mois de 2014 sont néanmoins en léger reflux mais il est trop tôt pour en déduire un retournement de tendance.

ÉVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE 2013 PAR COMPOSANTE

 

2013

2012

évolution
2013/2012 %

Premières demandes (1)

45 925

41 254

11,3 %

Réexamens (2)

5 790

6 213

-6,8 %

Total demandes hors mineurs (1+2)

51 715

47 467

8,9 %

dont total en procédure prioritaire

13 254

14 796

-10,4 %

soit en % des demandes

26 %

31 %

 

Demandes de mineurs accompagnants (3)

14 536

14 001

3,8 %

Total demandes mineurs inclus (1+2+3)

66 251

61 468

7,8 %

Source : OFPRA.

2. Des chiffres déjà atteints par le passé et relativement plus faibles que dans certains États voisins

Contrairement à une opinion répandue, la situation actuelle est loin d’être sans précédent dans l’histoire du droit d’asile en France qui remonte, pour sa partie contemporaine, à la création de l’OFPRA en juillet 1952.

Notre pays a ainsi connu deux pics de demandes en 1989 et 2003, avec respectivement 61 400 premières demandes et 52 200 premières demandes, bien supérieurs aux chiffres actuels, puisque le nombre de premières demandes a été en 2013 de 45 925.




(*) hors réexamens, hors mineurs accompagnants

Source : OFPRA.

L’histoire de la demande d’asile sur une longue période est marquée par des évolutions juridiques (ratification du protocole de New-York en 1971 qui lève les réserves géographiques et temporelles de la convention de Genève et élargit la demande à tous les continents au-delà de la seule Europe), mais aussi et surtout géopolitiques (Amérique latine et péninsule indochinoise dans les années 70, crise yougoslave dans les années 90).

Elle est aussi influencée par les évolutions des procédures internes comme l’interdiction pour les demandeurs d’asile de travailler, décidée en septembre 1991 ou le raccourcissement des délais d’instruction obtenu au début des années 90 grâce à la modernisation des méthodes de travail et à des créations de postes à l’OFPRA, qui ont un impact sur la demande dans la mesure où il est communément admis que la longueur des procédures incite les individus à demander l’asile dans un pays donné afin de bénéficier du droit au séjour qui y est associé.

La France n’est pas la seule en Europe à faire face à une croissance de la demande d’asile puisque celle-ci est passée dans l’ensemble de l’Union européenne de 335 000 à 435 000, réexamens compris. L’Allemagne est depuis 2012 le premier pays d’accueil avec plus de 64 500 demandes, chiffre qui a presque doublé pour atteindre 127 000 en 2013, soit 29 % du total de l’Union européenne, la France étant deuxième (15 % du total), suivie de près par la Suède (13 % du total).


(*) hors réexamens.

Source : Eurostat

Rapporté au nombre de ses habitants, l’effort de la France (985 demandes par millions d’habitants) est très inférieur à celui de la Suède (5 700 demandes par millions d’habitants), de la Belgique (1 900 demandes par millions d’habitants) ou de l’Allemagne (1 600 demandes). Plus globalement, le Haut-commissariat aux réfugiés relève périodiquement dans ses rapports annuels que la grande majorité des réfugiés dans le monde est accueillie dans les pays voisins des zones de conflit et que l’Europe n’accueille que l’ordre de 15 % des réfugiés au niveau mondial.

3. Une répartition régionale en évolution permanente

La répartition régionale de la demande d’asile reste marquée en 2013 par l’importance de l’Île de France (36 % de la demande nationale) mais en baisse relative (41 % en 2011), toujours secondée par Rhône Alpes (12 % de la demande nationale).

La demande est ensuite très présente dans de nombreuses régions (15 régions sur les 22 de métropole ont accueilli plus de 1 000 demandes en 2013) et les fluctuations varient fortement d’une année à l’autre. L’année 2013 a ainsi été très tendue pour les régions Alsace, Aquitaine, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées et Nord-Pas-de-Calais qui ont vu leur demande d’asile progresser de plus de 15 % par rapport à 2012. Le tableau suivant présente le nombre de demandes d’asile reçues dans les différentes régions françaises et l’évolution de ce nombre entre 2011 et 2013.

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION RÉGIONALE DE LA DEMANDE D’ASILE

Source : ministère de l’Intérieur.

RÉPARTITION DE LA DEMANDE D’ASILE (HORS RÉEXAMENS) PAR RÉGION EN 2013

























Afin de mieux mesurer les causes et l’impact de telles évolutions dans une région donnée, les rapporteurs ont conduit une mission de travail le 25 février 2014 à la préfecture de la région Bourgogne à Dijon.

Cette région s’est en effet caractérisée, et plus particulièrement encore le département de la Côte-d’Or, par une croissance exponentielle de la demande entre 2007 et 2012 (de 250 demandes à 1 330 demandes soit une multiplication par plus de cinq). Ceci a conduit à une situation de crise fin 2012, caractérisée par des files d’attente de plus de 300 mètres à l’extérieur de la préfecture, des délais d’entrée dans la procédure supérieurs à 3 mois, des capacités d’hébergement d’urgence saturées par les demandeurs d’asile (plus de 20 % de la capacité hôtelière de l’agglomération dijonnaise), et l’apparition de squats.

Cette crise a déclenché un plan d’action qui s’est traduit par une décrue de la demande à moins de 500 dossiers en 2013. Il est en fait apparu que cette croissance exponentielle de la demande dans un département que sa localisation géographique ne prédestinait pas à cette situation, ne devait rien au hasard.

Le département se caractérisait en effet par l’octroi d’une aide exceptionnelle versée par la plateforme d’accueil sous forme d’un chèque service d’un montant de 46 euros par semaine et par personne (75 euros pour un couple), dans l’attente du versement de l’allocation temporaire d’attente. Cette pratique non réglementaire (seules des aides exceptionnelles sont possibles en fonction de la situation individuelle des personnes) remontait à 2006 et a été supprimée en 2012.

Par ailleurs, il était aussi avéré que le médecin inspecteur de la santé mandaté par l’Agence régionale de santé afin de donner un avis dans le cadre de la procédure étranger malade donnait un avis positif dans plus de 90 % des cas.

Ces deux éléments étaient à l’origine du succès inégalé du département de la Côte d’Or entre 2007 et 2012 pour la demande d’asile, ce qui montre que l’information circule au sein des populations concernées, parfois organisées en filières ou réseaux échangeant les informations sur les pratiques en vigueur d’un département à l’autre.

Le plan d’action arrêté par le préfet et reposant sur la suppression de l’aide exceptionnelle généralisée, le passer outre l’avis du médecin inspecteur dans la procédure étranger malade (validé par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel) et la réorganisation du séquençage des flux dans les services de la préfecture, a permis de redresser la situation et d’inverser la tendance des flux qui ont été divisés par plus deux entre 2012 et 2013.

Cet exemple montre que la demande d’asile évolue en fonction de paramètres exogènes comme la situation géopolitique mais aussi en fonction de décisions de gestion des différents acteurs qui peuvent faire appel d’air dans un monde où l’information circule aussi vite que les individus.

B. DES POPULATIONS NOUVELLES DE DEMANDEURS D’ASILE, QUI NE REFLÈTENT PAS LA CARTE DES CONFLITS LES PLUS AIGUS

La provenance des demandeurs d’asile présente certaines caractéristiques constantes ; ainsi les deux principaux continents de provenance des demandeurs d’asile sont, depuis 2007, l’Europe et l’Afrique, avec un grand nombre de demandeurs issus de certains pays comme la République démocratique du Congo, la Guinée, la Russie, le Kosovo et l’Albanie, la Chine. La variation du nombre de demandes n’est pas nécessairement corrélée aux évolutions géopolitiques et aux conflits les plus aigus. Ainsi, les demandes d’asile de ressortissants de Syrie ou d’Afghanistan ne sont pas très nombreuses en France, alors qu’elles le sont davantage dans d’autres pays européens.

1. Les principaux pays de provenance des demandeurs d’asile

Les demandes en provenance d’Europe et d’Afrique ont représenté entre 65 % et 75 % de la demande globale entre 2007 et 2012, et représentent 60 % de cette demande en 2013. Ainsi, en 2012 comme en 2013, c’est le nombre de demandeurs en provenance du continent européen qui connaît la plus forte progression par rapport à l’année précédente. En 2013, on assiste en outre à une forte progression des demandes d’asile en provenance du Bangladesh et de Syrie, ces dernières restant cependant comparativement faibles en valeur absolue.

Le tableau suivant présente les flux de premières demandes d’asile en France métropolitaine par nationalité.

PREMIÈRES DEMANDES D’ASILE EN FRANCE MÉTROPOLITAINE PAR NATIONALITÉ

(Comparatif 2012/2013)

Nationalités

2012

2013

Variation 2013-2012

Rang

Premières demandes d’asile

Premières demandes d’asile

Rang

Premières demandes d’asile

Premières demandes d’asile

Congo (RDC)

2

5 269

9,6 %

1

5 203

8,7 %

-1,3 %

Kosovo

3

3 177

5,8 %

2

5 188

8,6 %

63,3 %

Albanie

5

2 643

4,8 %

3

5 008

8,3 %

89,5 %

Russie

1

5 324

9,7 %

4

4 648

7,7 %

-12,7 %

Bangladesh

13

1 073

2,0 %

5

3 053

5,1 %

184,5 %

Géorgie

6

2 546

4,6 %

6

2 456

4,1 %

-3,5 %

Guinée (RDG)

10

1 866

3,4 %

7

2 413

4,0 %

29,3 %

Chine (RPC)

7

2 225

4,1 %

8

2 293

3,8 %

3,1 %

Sri Lanka

4

3 085

5,6 %

9

2 274

3,8 %

-26,3 %

Pakistan

9

1 941

3,5 %

10

1 733

2,9 %

-10,7 %

Arménie

8

2 184

4,0 %

11

1 711

2,8 %

-21,7 %

Algérie

12

1 162

2,1 %

12

1 477

2,5 %

27,1 %

Nigeria

15

967

1,8 %

13

1 301

2,2 %

34,5 %

Syrie

19

627

1,1 %

14

1 291

2,1 %

105,9 %

Mauritanie

11

1 290

2,3 %

15

1 042

1,7 %

-19,2 %

Autres

 

17 039

   

16 550

   

TOTAL

52 418

57 641

10 %

Source : OFII mars 2014

La République démocratique du Congo se situe au premier rang avec 5 203 premières demandes en 2013. Cette montée du besoin de protection a suivi le cycle de violences intervenu en décembre 2011, à la suite de la publication des résultats des élections législatives de novembre. La demande émane généralement de militants de base de la principale formation d’opposition, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Les demandeurs d’asile en provenance de Guinée sont également nombreux (2 413 demandes), avec des motivations politiques mais aussi souvent sociétales : le refus de mariages forcés par des jeunes femmes et celui de l’excision de jeunes filles nées en France sont souvent invoqués comme étant à l’origine de craintes de menaces ou de persécutions en cas de retour en Guinée. Les demandes de réexamen reposent presque toujours sur le motif des mutilations génitales féminines.

Plusieurs autres pays apparaissent dans ce classement avec de fortes progressions. Il en est ainsi de l’Albanie, qui est en 3ème position pour les demandes de protection (+ 89 % par rapport à 2012 après une progression de 446 % par rapport à 2011) : ses ressortissants invoquent des motifs relevant surtout de la protection subsidiaire, au premier rang desquels les vendettas, les violences conjugales, les litiges familiaux et les problèmes avec des réseaux criminels mafieux. Une demande émerge aussi pour motifs ethniques de la part des Roms d’Albanie. La demande de ressortissants de la Géorgie arrive en 6ème position : ses motifs en sont la discrimination ethnique et le racket dont les demandeurs font l’objet de la part des policiers.

La demande en provenance du Sri Lanka est régulièrement élevée (2 274 dossiers en 2013), de la part de personnes qui allèguent souvent l’assistance réelle ou imputée à l’ancienne organisation LTTE (Tigres tamouls) ; de même la demande des Pakistanais, en 10ème position (1 733 dossiers).

Les modifications apportées à la liste des pays d’origine sûrs ont fortement influencé la représentation de certaines nationalités : ainsi l’inscription du Bangladesh et de l’Arménie sur la liste en décembre 2011 a entraîné une baisse respective de 71 % et de 42 % des flux en provenance de ceux deux pays en 2012. À la suite de la décision du Conseil d’État, le 4 mars 2013, de retirer le Bangladesh de la liste, les demandes en provenance de ce pays ont augmenté et ce pays se trouve, à la fin 2013, en 5ème position du classement avec plus de 3 000 demandes.

De même, le retrait du Kosovo et de l’Albanie de la liste des pays d’origine sûrs, par décision du Conseil d’État du 26 mars 2012, a entraîné une reprise de ces demandes dès le second semestre 2012 qui s’est inscrite dans le cadre plus large d’une montée en puissance de la demande en provenance des Balkans (+ 64 % par rapport à 2011). Pour 2013, le Kosovo est en 2ème position des demandes d’asile avec près de 5 200 demandes et l’Albanie en 3ème position avec 5 000 demandes.

À nouveau, l’Albanie, le Kosovo et la Géorgie ont été inscrits sur la liste par décision du conseil d’administration de l’OFPRA du 16 décembre 2013, ce qui peut expliquer que l’OFPRA a constaté une baisse des demandes en début d’année 2014.

L’observation des flux de demandes d’asile adressées à la France montre que les raisons en sont difficiles à prévoir, et les variations ne sont pas nécessairement corrélées aux évolutions géopolitiques, comme le note le rapport présenté par Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine le 28 novembre 2013.

Ainsi, comme le souligne le rapport, « les pays dont les ressortissants ont un très fort besoin de protection internationale, comme la Syrie, ne figurent, ni en 2012 ni en 2013, dans la liste des 10 premiers pays d’origine des demandeurs d’asile. Par contre, en 2013 par exemple, deux pays figurent parmi les premiers pays d’origine – l’Albanie et le Kosovo – alors que le taux de protection est très bas pour leurs ressortissants ». Les ressortissants de ces deux pays représentaient en effet 8 % du total en 2013. Les rapporteurs se montrent particulièrement sévères quant au dévoiement des règles d’accueil subies par notre système, et regrettent à cet égard que la France n’ait « pu accueillir, en plus grand nombre, les victimes du conflit syrien, tandis que nos structures d’accueil hébergent une majorité de personnes qui ne devraient pas y séjourner. »

La France n’est pas le seul pays à connaître cette situation paradoxale, comme le montre la saisine, fin 2012, de la Commission européenne par l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, l’Autriche, les Pays-Bas et la France, afin d’exprimer des inquiétudes face au nombre important de citoyens originaires des pays des Balkans occidentaux, exemptés de visa, arrivant depuis plusieurs mois sur leur territoire en demandant l’asile. La demande portait sur l’activation de la clause de sauvegarde prévue dans les accords avec les cinq pays concernés (la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, la Serbie, le Monténégro et l’ancienne république yougoslave de Macédoine), afin de réintroduire l’obligation du visa. La Commission européenne a reconnu être « préoccupée » par certains citoyens profitant de l’exemption de visa pour présenter des demandes d’asile « non fondées » qui surchargent les États membres qui les reçoivent et « causent un préjudice aux vrais demandeurs d’asile. »

Pourtant, d’autres pays européens reçoivent, parmi les principales demandes en nombre, des demandes émanant de ressortissants d’Irak, d’Afghanistan et, à partir de 2012, de Syrie : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Suède. Les Pays-Bas et la Suède reçoivent, de plus, de nombreux demandeurs en provenance d’Érythrée et de Somalie.

Les pays européens cités ont un taux d’accord en première instance plus élevé, ou même beaucoup plus élevé que la France : le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié va de 23 % en Belgique à 39 % en Suède, à comparer avec le taux de 14 % de décisions favorables prises par l’OFPRA. Toutefois, il faut souligner que certains pays incluent dans les décisions positives les protections pour raisons humanitaires : c’est le cas de l’Allemagne, de l’Italie, de la Suède et du Royaume-Uni.

Source : OFPRA, mars 2014.

2. Qui sont les demandeurs d’asile ?

La demande d’asile était auparavant presque toujours le fait d’un homme isolé, qui faisait ensuite venir sa famille au titre du regroupement. Statistiquement, le demandeur d’asile est encore, dans 55 % des cas, un homme célibataire. L’âge moyen du demandeur d’asile est de 32 ans.

La part des femmes parmi les demandeurs d'asile a progressé à partir de 2008 : depuis, elles représentent environ 37 % des demandeurs d’aile. Pour certains pays, elles sont majoritaires, comme par exemple en provenance de République dominicaine (74 %), d’Angola (57 %), du Nigéria (57 %) de Russie et de Chine (55 %), ou encore d’Arménie, d’Azerbaïdjan ou de Mongolie (52 %). En nombre, les trois premières nationalités pour les femmes sont les Russes, les Congolaises de RDC, puis les Kosovares.

À partir du milieu des années 2000, la proportion de demandeurs d’asile arrivant en famille avec conjoint et enfants s’est beaucoup accrue, modifiant radicalement la nature de la prise en charge demandée à la collectivité publique.

De nombreuses demandes d’asile supposent à présent la prise en charge d’une famille, avec des enfants dont il convient d’assurer le suivi médical et qu’il faut scolariser, auxquels peuvent s’ajouter des enfants nés sur le territoire du fait de la longueur de la procédure. Les demandeurs d’asile de certaines nationalités arrivent plus fréquemment sur le territoire avec leur famille : Tchétchènes et Géorgiens, personnes arrivant de Bosnie, Kosovo et Albanie.

Les mineurs étrangers isolés demandeurs d’asile sont également devenus un public plus nombreux : l’OFPRA a recensé, en 2012, 492 premières demandes de mineurs isolés. Ces mineurs sont majoritairement issus du continent africain (pour 72 % d’entre eux). Ils proviennent fréquemment du Congo (RDC), d’Angola, de Guinée ou du Sri Lanka.

Si la population de mineurs isolés en France ne comptait que 3 100 personnes en 2003, elle s’élèverait aujourd’hui à 7 500 personnes, auxquelles s’ajoutent 1 500 jeunes majeurs.

Le présent rapport n’abordera pas la question des mineurs isolés demandeurs d’asile, qui appelle un travail d’analyse particulier. Il sera seulement mentionné que leur taux d’admission à la qualité de réfugié par l’OFPRA s’est élevé à 20 % en 2012 ; et le taux global après recours a été de 38 %.

C. QUI EST RÉFUGIẾ AUJOURD’HUI ?

La dernière enquête globale de l’OFPRA sur les demandeurs d’asile et les réfugiés en France a été publiée en 2011, et prend en compte des données allant jusqu’à 2009.

Cette enquête rappelle que les effectifs moyens annuels de réfugiés ont été de 140 000 personnes depuis 1953 ; or ce chiffre moyen apparaît largement dépassé à partir des années 2010-2011, où le nombre des personnes réfugiées installées sur le territoire a dépassé les 160 000.

1. Les pays de provenance des réfugiés

Au 31 décembre 2012, la population placée sous la protection de l’Office etait estimée à 176 984 personnes (hors mineurs accompagnants), dont 162 882 réfugiés, 12 892 personnes placées sous protection subsidiaire et 1 210 apatrides. Le nombre de personnes bénéficiant d’une protection internationale a donc augmenté d’environ 4,8 % par rapport à l’estimation du 31 décembre 2011. Ce chiffre reflète une hausse de 35 % par rapport à 2007 où l’on comptabilisait 130 926 réfugiés statutaires.

Depuis l’entrée en vigueur en France, en 1953, de la convention de Genève sur les réfugiés de 1951 et jusqu’en 1973, les Européens ont représenté près de 100 % des réfugiés dans notre pays. De fait, l’article 1 A 2 de la convention en limitait la portée aux faits survenus durant la Seconde Guerre mondiale et au début de la Guerre froide. À la suite de la ratification en 1967 du Protocole de Bellagio, qui supprime cette limitation temporelle, des personnes en provenance d’autres continents ont pu trouver refuge en France.

Le graphique suivant montre que le nombre actuel des personnes protégées en France est très élevé, et qu’il rejoint un niveau proche de celui atteint dans les années 1950, qui correspondaient à de très forts mouvements de réfugiés et d’apatrides à travers l’Europe, à la suite de l’établissement du « rideau de fer » en Europe de l’Est. Un niveau semblable de populations bénéficiaires de la protection internationale n’avait pas été atteint dans notre pays depuis lors.

Actuellement, et comme depuis 2009, l’Asie est le premier continent de provenance des réfugiés (38 % du total), suivi de l'Afrique (29,8 %), de l’Europe (29,2 %) et des Amériques (2,8 %). L’évolution des dernières années tend à répartir de manière égale les effectifs de personnes protégées entre l’Asie, l’Europe et les Amériques.

Les nationalités pour lesquelles les personnes protégées sont les plus nombreuses sont, par ordre décroissant : les Sri-Lankais (23 225), les Cambodgiens (12 666), les Congolais de République démocratique du Congo (12 585), les ressortissants de la Fédération de Russie (11 438) et les Turcs (10 887). S’agissant du Cambodge, le nombre de personnes protégées tend à diminuer légèrement (-2 %) alors que pour les quatre autres pays ce nombre a augmenté depuis 2011.

Le tableau suivant présente la provenance des réfugiés selon leur continent d’origine.

NOMBRE ET PROVENANCE DES ÉTRANGERS PLACÉS SOUS LA PROTECTION DE L’OFPRA DEPUIS 2008

CONTINENT

Estimation au 31/12/2008

Estimation au 31/12/2009

Estimation au 31/12/2010

Estimation au 31/12/2011

Estimation au 31/12/2012

Estimation au 31/12/2013

Afrique

37 303

41 936

45 277

48 976

52 455

56 337

Amériques

4 146

4 353

4 514

4 696

4 836

4 902

Asie

56 672

60 658

63 002

64 878

67 124

70 285

Europe

40 085

44 417

46 594

49 157

51 359

53 463

Apatrides & indéterminés

1 006

1 078

1 131

1 180

1 210

1 247

TOTAL

139 212

152 442

160 518

168 887

176 984

186 234

Données hors mineurs accompagnants

Source : OFPRA, 20 mars 2014

Le statut de réfugié n’est pas nécessairement permanent, et entre 1994 et 2009, près de 14 000 réfugiés ont renoncé à leur statut. L’OFPRA peut également cesser de reconnaître la qualité de réfugié, en vertu de la clause 1C5 de la Convention de Genève, prévoyant qu’une personne ne peut plus être réfugiée si « les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue réfugiée ont cessé d’exister ».

2. Un taux d’admission à la protection en baisse

Le taux global d’admission au statut de réfugié connaît une baisse continue depuis 2008. Ainsi, il s’élevait à 29,4 % en 2009, à 27,5 % en 2010, à 25,3 % en 2011 et à 21,7 % en 2012. Il est toutefois remonté en 2013 à 24 %.

La baisse du taux d’admission peut s’expliquer par l’accroissement de la part des réexamens dans les décisions rendues, mais aussi par les principaux flux de demandeurs d’asile. En effet, une grande majorité (7 sur 10) des principales nationalités d’origine des demandeurs ne connaît que des taux d’admission très inférieurs à 10 % : c’est le cas des demandeurs en provenance de Chine, du Pakistan, d’Arménie, de Géorgie, de Turquie ou du Kosovo.

Par contre, l’OFPRA reconnaît majoritairement la qualité de réfugié aux demandeurs de Syrie (92 % d’admissions), d’Irak (68,5 %), d’Iran (54 %), du Mali (47,6 %) et d’Afghanistan (45,5 %).

Pour ces cinq pays, c’est la situation de conflit ou de crise qui explique naturellement le large taux d’admission, sauf pour le Mali où la situation est autre : le nombre important d’admissions à la protection répond au besoin de protection en raison de risques d’excision pour les enfants.

En conclusion, on observe que les nationalités pour lesquelles les taux d’accord sont supérieurs à 10 % correspondent essentiellement à des flux peu nombreux, soit moins de 600 demandes annuelles.

Comme l’ont fait Mme Létard et M. Touraine en 2013, les rapporteurs s’interrogent également sur le fonctionnement de notre système d’accueil, engorgé par le flux de demandes, devenu de plus en plus coûteux au fil des années et qui, dans les faits, se voit contraint de traiter de très nombreuses demandes de nationalités qui ne seront que marginalement reconnues réfugiées, alors que celles reconnues comme ayant un réel besoin de protection ne s’adressent que peu à lui.

Ces observations, que l’on peut faire depuis plusieurs années, conduisent à s’interroger sur les mesures à prendre pour faire face à cette dérive, que l’on peut dans certains cas qualifier d’instrumentalisation, de notre système d’accueil. Toutefois, au-delà de mesures d’amélioration de la gestion et de resserrement de l’accès à certaines prestations pour décourager les abus, les solutions susceptibles d’être efficaces et de redonner son sens véritable à l’asile relèvent probablement du niveau européen, dans la mesure où les directives adoptées en 2013 forment un cadre juridique contraignant dans lequel nos tentatives de réforme doivent s’inscrire.

II. DES PROCÉDURES QUI ÉCHAPPENT AU CONTRÔLE DES POUVOIRS PUBLICS

La forte pression de la demande d’asile depuis 2007 a contribué à désorganiser les procédures qui se caractérisent par de nombreux dysfonctionnements comme l’insuffisante maîtrise des délais de traitement et la sous-budgétisation des coûts, dans un contexte marqué par un encadrement juridique de plus en plus contraignant.

A. DES DÉLAIS DE TRAITEMENT BEAUCOUP TROP LONGS

La procédure d’asile se caractérise par l’addition de phases successives dont les plus importantes sont l’examen de la demande par l’OFPRA et le recours de plein contentieux auprès de la CNDA mais qui comprennent aussi des délais cachés d’entrée dans la procédure et de transmission du dossier entre les différentes étapes.

La consolidation de ces différents délais produit un résultat supérieur aux chiffres officiels, qui varie fortement d’un point du territoire à l’autre et qui impose une réforme d’ensemble.

La maîtrise de ces délais est un objectif consensuel de la concertation menée en 2013, tant au regard du respect des demandeurs que de l’efficacité administrative.

1. Le parcours préalable au dépôt de la demande

En application des articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), les formalités en vue de l’introduction de la demande d’asile et les formalités d’autorisation à demeurer sur le territoire, relèvent de l’autorité administrative.

Cette compétence administrative se justifie par la nécessité de procéder à l’identification du demandeur d’asile (fixation de l'identité déclarée), par l'obligation d'enregistrer ses empreintes digitales dans la base de données européenne des demandeurs d'asile, par la nécessité de déterminer si s’applique le règlement Dublin (établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers) et parce que les formalités d’admission au séjour relèvent en effet de l’autorité administrative et non de l’autorité de détermination de la protection.

L’enregistrement proprement dit de la demande d’asile se fait à la préfecture qui remet au demandeur un dossier à renvoyer à l’OFPRA dans un délai de 21 jours.

Cet enregistrement est lui-même soumis à deux conditions, la domiciliation du demandeur, et la délivrance par le préfet d’une autorisation provisoire de séjour (APS) qui dépend de la situation administrative du demandeur notamment au regard des procédures accélérées de la demande d’asile.

En application de l’article R. 741-2.4° du CESEDA, l’étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l’asile, doit communiquer une « adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de la validité de l’autorisation provisoire au séjour ». L’adresse peut être celle d’un parent, d’un tiers accueillant ou hébergeant le demandeur, ou celle d’une association agréée. Cette possibilité de s’adresser à une association agréée est une réponse aux difficultés que peuvent rencontrer des demandeurs d’asile pour justifier d’une adresse stable et effective où ils peuvent recevoir leurs correspondances. L’agrément imposé vise à garantir la qualité du service rendu aux intéressés.

Le délai théorique de délivrance de l’APS est fixé à 15 jours par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en son article R. 742-1. Dans les faits, il est très supérieur.

Il n’existe pas de mesures fiables des délais entre le moment où le demandeur se présente la première fois à la préfecture et le moment où sa demande est officiellement enregistrée, ce qui dénote un malaise profond des préfectures sur ce sujet.

La mission conjointe de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale des affaires sociales consacrée à l’hébergement et à la prise en charge financière des demandeurs d’asile a toutefois permis d’apporter quelques éléments dans son rapport publié en avril 2013.

La mission relève ainsi que l’indicateur qui mesure les délais de convocation, d’une valeur moyenne de 24 jours en 2012, ne mesure pas la réalité du délai total car plusieurs passages en préfecture sont parfois nécessaires pour l’obtention de l’APS. La mission signale que la situation est très contrastée sur le territoire en évoquant notamment les chiffres préoccupants de la région parisienne, avec un délai moyen de sept mois et demi pour les familles arrivant dans la capitale avant d’être enregistrées à l’OFPRA.

À Dijon, au plus fort de la crise de 2012 (voir supra), ce délai était de trois mois, il est actuellement d’un mois alors que la demande d’asile a spectaculairement baissé par rapport à 2012. Il est probable que les régions confrontées à un afflux important de demandeurs en 2013 sont proches des trois mois de la Bourgogne en 2012.

Les délais pondérés par le nombre de demandeurs d’asile se comptent donc vraisemblablement en mois, du fait du poids de la région parisienne, ce qui est inacceptable.

Cette situation est d’autant plus regrettable que, dans cette phase préalable, les candidats à l’asile sont placés dans une situation irrégulière au regard de la réglementation applicable au séjour puisqu’ils ne disposent d’aucun document pour attester de leur statut ni de dispositif de prise en charge spécifique, notre pays contrevenant ainsi doublement à la convention de Genève et à la directive accueil du 27 janvier 2003.

Interrogé sur ce point par les rapporteurs, le service de l’asile dépendant de la direction générale des étrangers en France a fait la réponse suivante : « Un important effort a été réalisé pour améliorer tant les délais que la qualité de la domiciliation. Une association de domiciliation agréée est financée par l’OFII pour chaque département accueillant plus de 10 demandeurs d’asile par mois (soit un coût de 2 M€ en 2013 pour cette seule mission). Le territoire est désormais entièrement couvert et les délais de domiciliation se sont très largement améliorés en 2013. À titre d’exemple, dans la région Franche-Comté, les délais de domiciliation sont passés de 2,5 mois au premier trimestre 2013 à 5 jours au troisième trimestre 2013 dans un contexte de hausse des flux des primo-arrivants.

Enfin, la plupart des régions ont mis en place des outils de communication permettant soit aux plateformes d'accueil des demandeurs d'asile soit aux associations de solliciter les services préfectoraux pour planifier le premier rendez-vous auprès de l'autorité administrative. Ces procédures participent à la réduction des délais d'enregistrement effectif de la demande d'asile. »

Il est regrettable que cette réponse ne se soit pas accompagnée de chiffres nationaux consolidés reflétant cette amélioration décrite par rapport à 2012.

2. L’examen par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides

Créé en 1952, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est un établissement public administratif placé depuis le 15 novembre 2010 sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 décembre 2003, l’OFPRA traite toutes les catégories de demandes d’asile (conventionnel, constitutionnel et subsidiaire) au cours d’une instruction unique et il assure la protection des réfugiés.

L’Office est saisi par les demandeurs sur la base d’un formulaire comptant quinze rubriques qu’ils remplissent en langue française. La plus importante d’entre elles est le récit écrit, défini comme suit : « veuillez exposer par un récit personnalisé et circonstancié les évènements à l’origine de votre départ ainsi que vos craintes de persécution en cas de retour dans votre pays d’origine. Soyez le plus précis possible sur les faits, les personnes, les dates et les lieux mentionnés. Évitez d’invoquer la situation générale dans votre pays d’origine qui est connue de l’OFPRA. »

Sur la base de ce récit, un officier de protection va instruire le dossier et recevoir le demandeur pour un entretien approfondi, assisté si besoin d’un interprète. L’entretien est au cœur de la procédure et, pour avoir assisté à certains d’entre eux, les rapporteurs et certains membres du groupe de travail mesurent pleinement la difficulté du métier d’officier de protection. La charge émotionnelle souvent présente lors de cet échange et l’agilité intellectuelle requise (l’officier de protection mène l’entretien tout en saisissant les réponses en vue d’élaborer le compte rendu), rendent l’exercice particulièrement éprouvant.

À l’issue de l’entretien, l’officier de protection produit un compte rendu reflétant l’intégralité des échanges, une synthèse accompagnée de ses observations personnelles (commentaires sur la vraisemblance des affirmations entendues) ainsi qu’un projet de décision soumis à son chef de section.

La décision est notifiée au demandeur, accompagnée du compte rendu. En cas de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, l’ensemble du dossier est communiqué au requérant sur sa demande.

Les délais de traitement de l’OFPRA reposent donc largement sur les conditions d’exercice du métier d’officier de protection qui sont difficiles et génèrent un fort turn over. C’est à la lumière de cette réalité que les rapporteurs souhaitent examiner les objectifs fixés dans ce domaine ainsi que les propositions de réforme envisageables.

L’OFPRA a signé avec l’État le 3 septembre 2013 un contrat d’objectifs et de performance (COP) couvrant la période 2013-2015 et dont l’objectif n° 1 est formulé ainsi : « garantir, dans des délais de traitement réduits, une réponse de qualité à la demande d’asile ».

Cet objectif se décline en deux indicateurs principaux, le délai de traitement moyen d’un dossier par l’Office et le nombre de dossiers traités dans l’année par équivalent temps plein (ETP) d’agent instructeur, dont la trajectoire est décrite par le projet annuel de performances annexé au PLF 2014 de la mission Immigration, asile et intégration comme suit :

En trois ans, l’OFPRA doit donc réduire ses délais moyens de traitement par deux, sur la base d’une progression annuelle de la demande d’asile évoluant entre 5 % et 10 %.

L’observation de l’exécution de l’année 2013 montre qu’il n’est pas encore sur cette tendance, même si l’entrée en vigueur du plan de réforme à partir de l’automne 2013 permet d’espérer une correction de la trajectoire (voir infra).

Depuis 2008, les délais moyens se sont gravement dégradés puisqu’ils ont doublé, passant progressivement de 101 jours à 186 jours en 2012 et 205 jours en 2013, très au-delà de la prévision actualisée de 173 jours. Cette dégradation résulte d’une insuffisante capacité de traitement face à la pression de la demande, générant une augmentation des stocks de dossiers non traités en fin d’année (de 11 000 en 2008 à 19 000 en fin 2010 et 30 000 fin 2013).

L’augmentation du nombre des officiers de protection passant de 223 ETP en 2007 à 290 ETP en 2013 a permis d’atténuer les effets de la hausse du nombre de dossiers à traiter mais la stagnation de la productivité par agent depuis 2008 n’a pas maximisé l’impact de ces renforts.

Depuis 2008, le nombre de décisions par jour et par ETP d’officier de protection est passé de 1,8 à 1,7 en 2011 pour se stabiliser à ce niveau en 2012. Ce chiffre était de 2,7 en 2002 et il n’a cessé de baisser jusqu’en 2008 du fait des nouvelles garanties procédurales et notamment du taux effectif d’entretien qui est passé de moins de 50 % en 2002 à 80 % en 2012.

En 2013, la productivité a légèrement augmenté puisque le nombre de dossiers traités dans l’année par ETP s’est établi à 390, un peu moins que la prévision actualisée fixée par le COP (397), mais en progression de 4 % par rapport à la réalisation de 2012 (375 dossiers).

Compte tenu de cette réalisation inférieure aux objectifs en 2013, le seuil à franchir en 2014 sera d’autant plus important afin de rejoindre la trajectoire : objectif de 420 dossiers soit 30 dossiers de plus par ETP et une augmentation de productivité de presque 8 % en un an.

Les objectifs de productivité redescendent légèrement en 2015 afin de tenir compte de la transposition de la directive procédure du 26 juin 2013 dont les dispositions sont susceptibles de modifier significativement les conditions de déroulement de l’entretien.

C’est notamment le cas du droit reconnu au demandeur d’accéder au compte rendu de l’entretien avant la décision afin d’y ajouter des commentaires ou d’apporter des précisions (article 17) et de se présenter à l’entretien accompagné de son conseil (article 23).

Il est certain que l’impact de ces deux mesures sur la productivité des officiers de protection sera bien supérieur à ce qui est programmé pour l’année 2015 (baisse de 0 à 2 % par rapport à 2014) mais il est probable que leur plein effet survienne après 2015.

Cela dépendra de la date d’entrée en vigueur de la réforme prévue dans la loi de transposition et de la rapidité d’appropriation par les demandeurs d’asile de la faculté reconnue de venir à l’entretien accompagné d’un avocat. L’éligibilité de cette prestation à l’aide juridictionnelle et la détermination de son barème influenceront aussi cette appropriation.

L’OFPRA se prépare néanmoins à cette évolution majeure qu’il devra pleinement intégrer à son plan de réforme qui commence à produire ses premiers effets (voir infra).

3. Le recours devant la Cour nationale du droit d’asile

À partir de la notification de la décision de l’OFPRA, le demandeur dispose d’un mois pour présenter un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), créée par la loi du 20 novembre 2007 et rattachée depuis 2009 au Conseil d’État.

La CNDA a succédé à la Commission de recours des réfugiés qui dépendait de l’OFPRA depuis sa création en 1952. La CNDA est une juridiction administrative spécialisée unique qui statue en premier et dernier ressort sur les décisions d’une seule autorité administrative. Elle examine les recours de plein contentieux, c’est-à-dire qu’elle se substitue entièrement à l’OFPRA et prend une nouvelle décision en examinant le fond du dossier.

Pour ce faire, la CNDA confie l’instruction des demandes à des rapporteurs qui présentent le dossier devant une formation de jugement présidée soit par un président permanent (magistrat de l’ordre judiciaire ou administrative exerçant à temps plein à la Cour), soit par un président vacataire (souvent un magistrat en retraite), assisté de deux assesseurs dont l’un est désigné par le Haut-commissariat aux réfugiés et l’autre par les ministères représentés au conseil d’administration de l’OFPRA.

Le volume d’affaires de la CNDA dépend du volume de décisions rendues par l’OFPRA, de son taux de décisions négatives et du taux de recours des demandeurs ayant reçu une décision négative.

Pour la première fois depuis sa création, la CNDA a connu en 2013 une baisse des recours, avec 34 750 dossiers enregistrés, soit 1 610 de moins qu’en 2012 (-4,4 %), après des progressions à deux chiffres continues depuis 2009, +16 % en 2011 et +14 % en 2012.

Ce retournement de tendance qui n’est pas appelé à durer compte tenu des paramètres en cause, résulte d’une croissance modérée de l’activité de l’OFPRA en 2013 (+3 %) mais surtout d’un taux d’accord en forte hausse (de 9,4 % en 2012 à 12,8 % en 2013) et d’un taux de recours en baisse (85,4 % contre 87,3 % en 2012).

Au cours de cette même année 2013, la CNDA a rendu 38 540 décisions, soit près de 1 200 de plus qu’en 2012 (+3,2 %), ce qui lui a permis de continuer à réduire ses délais de jugement et ses stocks de dossiers qui s’élèvent à 21 837 fin 2013, soit une baisse de 15 % en un an.

Le premier indicateur suivi dans ce domaine par le projet annuel de performances (PAP) de la mission Conseil et contrôle de l’État annexé au PLF 2014 s’applique aux délais prévisibles moyens de jugement des affaires en stock, correspondant au nombre de dossiers en stock en fin d’année, divisé par la capacité annuelle de jugement (nombre de décisions rendues durant l’année).

Cet indicateur est passé de 9 mois 5 jours en 2011 à 8 mois 7 jours en 2012, puis à 6 mois 24 jours en 2013, en avance de 15 jours par rapport à la trajectoire. La cible est de 6 mois 15 jours en 2014 et de 6 mois en 2015 et, toutes choses égales par ailleurs, elle devrait être atteinte avec un an d’avance, soit fin 2014.

Le second indicateur suivi s’applique aux délais moyens constatés correspondant à la somme des délais de jugement des affaires traitées sur une période divisée par le nombre de dossiers effectivement jugés pendant cette période.

Cet indicateur est passé de 11 mois 10 jours en 2011 à 9 mois 29 jours en 2012, puis à 8 mois 26 jours en 2013, en avance de 4 jours par rapport à la trajectoire. La cible est de 8 mois et 15 jours en 2014 et 8 mois en 2015.

Comme pour l’OFPRA, ces résultats ont été obtenus avec des moyens nouveaux puisque les effectifs de rapporteurs ont doublé entre 2008 et 2012, passant de 70 ETP à 142 ETP, plutôt que par une hausse de la productivité.

Le PAP suit ainsi l’indicateur de productivité des rapporteurs défini comme le nombre d’affaires réglées devant la CNDA divisé par le nombre moyen de rapporteurs exprimé en équivalent temps plein travaillé (ETPT).

Ce chiffre est passé de 290 en 2011 à 287 en 2012 et 296 en 2013, soit une augmentation de la productivité de 3 % alors que l’objectif était de 312 (+ 5,5 %). Cette faible augmentation relève en fait de la baisse du taux de renvoi des audiences en 2013 par rapport à 2012 (de 27 % à 24 %). L’indicateur porte en effet sur le nombre d’affaires réglées et non sur le nombre de rapports d’instruction élaborés par les rapporteurs, la différence reflétant les rapports ne débouchant pas sur une décision pour l’essentiel du fait des dossiers dont l’audiencement est reporté.

La charge de travail des rapporteurs est donc beaucoup plus élevée puisque leur norme de production est d’instruire 372 dossiers par an, ce qui signifie un dossier et demi en moyenne par jour ouvrable travaillé (en plus des décisions dont ils rédigent le projet à l’issue du délibéré). Cette norme uniforme s’accompagne d’un barème de cotation de la difficulté des dossiers en trois niveaux ce qui permet de réguler le système en confiant plus de dossiers difficiles aux rapporteurs expérimentés. Il paraît difficile d’augmenter cet objectif moyen même si le turn over des rapporteurs est moindre que celui des officiers de protection de l’OFPRA.

Leur métier est d’une certaine manière moins éprouvant dans la mesure où ils ne sont pas en contact direct avec le requérant au moment de l’instruction, mais tout aussi exigeant car la procédure repose essentiellement sur leur travail, ce que l’institution pourrait assumer davantage en réévaluant leur rôle dans la formation de jugement et le délibéré (voir propositions infra).

Malgré la tendance positive des délais de traitement des affaires portées devant la CNDA, ceux-ci restent trop élevés et légitiment un train supplémentaire de mesures permettant de lever les obstacles à une meilleure fluidité des procédures.

4. Des délais globaux insoutenables

Les rapporteurs se sont essayés à évaluer les délais consolidés de l’ensemble de la procédure en rassemblant les informations à leur disposition.

Ces délais consolidés ne prennent pas en compte certains comportements minoritaires mais qui existent, tendant à allonger la durée des procédures par tout moyen mis à la disposition des demandeurs (demandes répétées de nouvel examen, nouveaux recours devant la CNDA, alternance des procédures de l’homme et de la femme dans l’hypothèse d’un couple ou d’une famille).

Ils ne prennent pas non plus en compte les étapes suivant la notification de la décision de la CNDA qui peuvent conduire le débouté du droit d’asile à être éloigné du territoire (notification de l’Obligation de quitter le territoire, recours contre l’OQTF, exécution de l’OQTF).

Ces délais ne sont pas supportables car ils ont pour effet d’emboliser l’ensemble de la chaîne de l’asile et ils rendent l’éloignement des déboutés très difficile voire impossible pour des familles dont les enfants sont scolarisés depuis parfois plus de deux ans.

B. DES COÛTS CROISSANTS ET DÉSÉQUILIBRÉS

La hausse de la demande d’asile constatée depuis 2007 s’est forcément traduite par une augmentation des coûts de cette politique publique. Mais la stratégie choisie afin de faire face à cet afflux de la demande, c'est-à-dire le recours exclusif aux solutions d’hébergement d’urgence, dans l’espoir d’un hypothétique retournement de tendance, a considérablement fragilisé le pilotage budgétaire, d’autant qu’elle s’est accompagnée d’une gestion défaillante de l’allocation temporaire d’attente (ATA).

Il a par ailleurs été impossible au groupe de travail de reconstituer l’ensemble des coûts générés par la politique de l’asile, au-delà des coûts directs des procédures de traitement des demandes et des hébergements réservés aux demandeurs d’asile.

1. La difficile consolidation des coûts

Les coûts directs de la politique de l’asile sont assez bien identifiables car ils sont retracés pour l’essentiel dans l’action 2 du programme 303 de la mission Immigration, asile et intégration.

COÛTS PRÉVISIONNELS DE LA POLITIQUE DE L’ASILE POUR 2014

(en millions d’euros)

Poste de dépenses

Organisme

Programme

Coût

Pilotage de la politique de l’asile

Service de l’asile, direction générale des étrangers en France, ministère de l’Intérieur

Programme 216 conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

6

(43 ETP)

Pilotage du dispositif national d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile

Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)

Programme 104 intégration et accès à la nationalité française

15

(70 ETP)

Hébergement en centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA)

Opérateurs agréés par l’OFII

Programme 303 immigration et asile

214

Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile

Opérateurs et hôteliers

Programme 303 immigration et asile

115

Allocation temporaire d’attente

Pôle emploi

Programme 303 immigration et asile

135

Traitement de la demande d’asile

Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

Programme 303 immigration et asile

39

(475 ETP)

Recours en cas de rejet de la demande

Cour nationale du droit d’asile (CNDA)

Programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives

34

(349 ETP)

Aide juridictionnelle devant la CNDA

 

Programme 101 accès au droit et à la justice

4

Intégration des réfugiés

OFPRA et OFII et opérateurs

Programme 104 intégration et accès à la nationalité française

14

Total

576

Source : documents annexés au projet de loi de finances pour 2014

Ces crédits correspondant à ceux inscrits en loi de finances initiale, il s’agit donc d’un budget prévisionnel qui sera très probablement dépassé en exécution, notamment du fait de l’allocation temporaire d’attente (voir infra).

Par ailleurs, ils ne prennent pas en compte l’hébergement d’urgence généraliste auquel les demandeurs d’asile, comme les déboutés, ont massivement recours, faute de place dans l’hébergement d’urgence qui leur est consacré.

En l’absence d’instrument de mesure fiable fourni par les pouvoirs publics (Direction générale de la cohésion sociale), on peut recourir au baromètre de la veille sociale (115) piloté par la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), qui couvre 37 départements en plus de Paris. Pour le mois de février 2014, ce baromètre indique que les migrants étrangers (hors Union européenne) représentaient 52% des attributions d’hébergement (14 813 sur un total de 28 528) contre 28% pour les personnes de nationalité française, 10 % pour les ressortissants de l’Union européenne et 10% pour les personnes dont la nationalité n’a pas été identifiée ou saisie dans le système d’information.

Cet instrument ne prend toutefois pas en compte le statut administratif des personnes hébergées ni la régularité de leur présence en France et il n’indique donc pas la proportion de demandeurs d’asile ou de déboutés parmi ces 52%. En prenant l’hypothèse minimaliste que cette proportion est de 50% et sans prendre en compte les 10% de nationalités non identifiées dont on peut supposer qu’une partie comprend des demandeurs d’asile, on parvient à un taux de demandeurs d’asile ou de déboutés dans l’hébergement d’urgence d’au moins 25%.

Si l’on applique ce ratio à la consommation 2013 de l’hébergement d’urgence généraliste (programme 177 Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables), qui était de 360 millions d’euros (47000 places dont 22 000 en hôtel, au coût quotidien moyen de 21 euros), on obtient une évaluation approximative et minimale de 90 millions d’euros.

Ce chiffre ne prend pas en compte le coût de l’hébergement généraliste hors urgence (40 000 places de stabilisation ou d’insertion) qui comprend aussi, quoique dans des proportions moindres, des demandeurs d’asile ou des déboutés.

On peut dès lors estimer le budget total de la politique de l’asile en 2014 à un montant de 666 millions d’euros (576 millions + 90 millions), en intégrant l’hébergement d’urgence généraliste mais sans anticiper une exécution supérieure à la prévision, hypothèse pourtant hautement vraisemblable (voir infra).

Enfin ces chiffres ne prennent pas en compte les coûts indirects résultant de la présence des demandeurs d’asile et des déboutés sur le territoire, comme l’aide sociale des collectivités territoriales, les prestations des organismes faisant appel à la générosité publique, la prise en charge des frais de santé au titre de la couverture maladie universelle pour les demandeurs d’asile et de l’aide médicale d’État pour les déboutés en situation irrégulière, ou les coûts de scolarité de leurs enfants. Le document de politique transversale « politique française de l’immigration et de l’intégration » prend en compte certains de ces coûts pour l’ensemble des étrangers résidant en France mais la part des demandeurs d’asile n’y est pas identifiée spécifiquement.

La réglementation interdisant aux demandeurs d’asile de travailler pendant l’instruction de leur dossier (plafonnée à une durée d’une année, au-delà de laquelle cette interdiction est levée), au motif que tant que la protection internationale n’est pas octroyée, ces personnes n’ayant pas vocation à s’installer en France, ces coûts ne sont pas compensés par des cotisations sociales prélevés sur leurs salaires.

2. La sous-budgétisation de la politique de l’asile

L’observation de l’évolution des crédits de l’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile du programme 303, qui retrace l’essentiel des coûts directs de la politique publique, montre le caractère particulièrement chaotique de l’exécution budgétaire, caractérisée par une sous-budgétisation chronique, quoiqu’en baisse suite aux rebasages opérés en 2012 et 2013.

Le coût de cette action est ainsi passé de 334 millions en 2008 à 566 millions en 2013, soit une progression voisine de 70 % alors que la demande annuelle d’asile adressée à la France n’a progressé que de 55 % dans la même période. L’écart entre les deux progressions s’explique essentiellement par l’allongement des délais de traitement des dossiers et la prise en charge des demandeurs en attente d’une décision (effet stock).

Si la budgétisation des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ne pose pas de problème particulier car elle est normée par des paramètres bien identifiés (24 euros par jour et par place), il n’en va pas de même pour les dispositifs d’urgence, par définition moins prévisibles et activés en fonction des situations de crise constatées sur le territoire.

La grande erreur des pouvoirs publics avant 2012 est d’avoir fait porter exclusivement sur ces dispositifs d’urgence l’ajustement face à l’afflux de demandes, ce qui a généré d’importants dysfonctionnements.

L’écart entre la prévision et l’exécution 2011 a ainsi atteint un point maximal de presque 187 millions d’euros, et les dotations initiales de l’ATA et de l’hébergement d’urgence n’ont couvert cette année-là que respectivement 37 % et 30 % des besoins.

ALLOCATION TEMPORAIRE D'ATTENTE

Comparaison LFI/exécution pour les années 2008 à 2014

(en millions d’euros)

HÉBERGEMENT D’URGENCE

Comparaison LFI/exécution pour les années 2008 à 2014

(en millions d’euros)

Le traitement budgétaire de l’allocation temporaire d’attente (ATA) est particulièrement contestable et la gestion 2013 n’a pas fait exception à la règle.

Malgré une consommation sans précédent de près de 180 millions d’euros en 2013 pour l’ATA, le report de charge de la gestion 2013 sur 2014 s’élève en effet au montant record de 41 millions d’euros, notamment en raison de l’éligibilité nouvelle à l’ATA des demandeurs en attente d’un transfert vers un pays européen pour un montant de 11,7 millions et du redéploiement de crédits en gestion au profit de l’hébergement d’urgence afin de faire face à des situations critiques pour un montant de 9,3 millions d’euros.

Compte tenu de ce report de charge, il est d’ores et déjà acquis que la dotation en LFI 2014 d’un montant de 135 millions d’euros, inférieur de 5 millions à celle de la LFI 2013 au motif de l’augmentation des places en CADA dont les bénéficiaires ne perçoivent pas l’ATA, ne permettra pas de faire face aux besoins.

Par ailleurs, la mission conjointe des inspections d’avril 2013 a mis en évidence la très mauvaise gestion opérationnelle de cette allocation par l’État et Pôle emploi : après un contrôle aléatoire sur un échantillon représentatif de dossiers, la mission estime la proportion de trop perçus à 18 % et à 25 millions d’euros pour la seule année 2012 le montant d’indus (voir infra).

Ces différents éléments illustrent le manque de maîtrise budgétaire qui participe au constat général de crise de la politique de l’asile en France.

C. UN ENCADREMENT JURIDIQUE EUROPÉEN DE PLUS EN PLUS CONTRAIGNANT

L'évolution du droit d'asile a été marquée par sa reconnaissance en droit international. Le premier statut international du réfugié est adopté par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951. Sa mise en œuvre est facilitée par la création à la même date, par l'Assemblée Générale des Nations Unies, du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), instrument de protection internationale des réfugiés chargé de veiller à l'application de la Convention de Genève.

Pour sa part, l’Union européenne a depuis 1999 pour ambition de développer une politique d’asile commune, par la mise en place d’un régime d’asile européen commun (Raec) initié en 2004 par le programme de La Haye. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne inclut la politique des visas et de l’asile dans la méthode communautaire (de décision à la majorité qualifiée), sauf sur certains points pour lesquels l’unanimité reste la règle.

Cette politique commune se traduit principalement par une procédure de coordination visant à éviter les demandes d'asile multiples ainsi que l'établissement de normes minimales en matière d'accueil et d'instruction des demandes, sous la forme de garanties procédurales très complètes.

1. La construction d’un système européen commun d’asile

La première phase de mise en place du régime européen d’asile commun a été entreprise après le Conseil européen de Tampere en 1999, et a consisté en une harmonisation progressive des cadres juridiques des États membres en matière de statut des réfugiés, de procédures et d’accueil.

Les règlements Dublin puis Dublin II ont fixé les règles déterminant la compétence des États membres pour l’examen d’une demande de protection internationale, afin d’éviter les demandes d’asile multiples, en s’appuyant sur la base de données Eurodac, qui recense les empreintes des demandeurs d’asile. Trois directives ont été adoptées en 2003 et 2005, établissant des normes pour l’accueil des demandeurs d’asile et relatives à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale. Les régimes d’asile nationaux sont toutefois restés peu harmonisés, avec des marges de manœuvre importantes laissées aux États membres.

La deuxième phase de rapprochement des systèmes d’accueil et des procédures est intervenue à la suite de l’adoption par le Conseil européen du « Pacte européen sur l’immigration et l’asile » en octobre 2008, sous la présidence française. Un « système européen commun d’asile » devra être instauré, dont l’objectif est une procédure d’asile unique comportant des garanties communes.

Pour concrétiser cet objectif, la Commission européenne a présenté, en 2008, un premier « paquet législatif » composé des propositions de refonte des règlements Eurodac et « Dublin II » et de la « directive accueil » de 2003, suivi, en octobre 2009, d’un second paquet constitué des propositions de refonte des directives « procédures » et « qualification ».

Les travaux de refonte ont abouti pour la directive « qualification », par son adoption en décembre 2011, et, pour les deux autres directives, par une adoption en 26 juin 2013.

2. L’impact important des deux directives de 2013 sur le droit de l’asile

La directive dite « qualification », adoptée le 13 décembre 2011 (1) , opère une refonte des normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, qui résultaient d’une directive de 2004. Elle devait être transposée à la fin de l’année 2013. Ce texte visait à harmoniser les droits octroyés aux bénéficiaires d’une protection internationale, en s’approchant d’une uniformisation des droits économiques et sociaux conférés aux bénéficiaires d’une protection subsidiaire par rapport aux réfugiés. La France ayant déjà rapproché les droits des bénéficiaires d’une protection internationale, la directive n’entraîne pas de modifications très importantes.

Par contre, les directives du 26 juin 2013 (2) auront un fort impact sur l’organisation, les procédures et les coûts du système français de l’asile.

Ces directives poursuivent l’objectif d'harmonisation de l’ensemble de la politique européenne d’asile. Leur transposition en droit interne doit être effectuée en juillet 2015 au plus tard. Elles tendent à l’instauration de procédures harmonisées, de conditions d’accueil des demandeurs d’asile uniformes et à des statuts communs de protection.

La directive dite « accueil » comporte des dispositions qui impliquent des évolutions de notre droit en différents domaines. L’accès du demandeur d’asile au marché du travail sera ouvert plus tôt : neuf mois après le dépôt de la demande au lieu de douze mois. De nouvelles garanties protègent les personnes vulnérables et les mineurs non accompagnés : une identification des besoins particuliers des personnes vulnérables devra être prévue, ainsi que l’amélioration des garanties qui leurs sont accordées ; le placement en zone d’attente des mineurs non accompagnés ne pourra avoir lieu que dans des « circonstances exceptionnelles ».

La directive dite « procédures » vise à garantir l’accessibilité des procédures d’asile, à en améliorer l’équité, la qualité et l’efficacité, et à garantir une application uniforme des mécanismes procéduraux communs.

Les principales évolutions concernent d’abord l’organisation et le déroulement de l’entretien personnel : le demandeur d’asile bénéficiera obligatoirement d’un entretien et de la présence possible d’un conseil. L’entretien sera enregistré ou, à défaut, le demandeur aura la possibilité de procéder à des rectifications ou des annotations sur le compte-rendu de son entretien. Enfin, il pourra accéder à son dossier avant la prise de décision.

Ensuite, il faut souligner l’introduction d'un délai de six mois encadrant l'instruction de la demande d'asile, éventuellement prolongé à 9 mois pour les cas complexes. En outre, la directive édicte la généralisation du recours suspensif dès lors que la décision a pour conséquence de mettre fin au droit du demandeur de rester sur le territoire.

Les personnes vulnérables et les mineurs isolés bénéficieront de nouvelles garanties procédurales spécifiques.

Enfin, un régime spécifique d’examen des demandes ultérieures pourra être introduit, avec la possibilité d’aménager les conditions du droit au maintien sur le territoire.

Ces deux directives ont un fort impact potentiel sur le système d’asile français et impliquent des modifications de notre législation comme, sur certains points, de nos pratiques. Aussi le projet de loi qui devrait être prochainement présenté au Parlement intégrera-t-il les dispositions rendues nécessaires par les nouvelles normes européennes.

Comme les rapporteurs le souligneront par la suite, l’adaptation à ces normes européennes contribuera à opérer des changements importants tant dans nos procédures que dans l’organisation des compétences respectives de nos acteurs, car l’application de certaines des nouvelles normes, à organisation inchangée, ne pourrait que faire imploser totalement notre système de traitement de la demande d’asile.

De même, le coût budgétaire et en termes d’effectif de la transposition, dont on peut prévoir qu’il ne sera pas négligeable, devra être intégré dans l’équilibre budgétaire plus global de la réforme.

3. La refonte récente des règlements Dublin et Eurodac

Un nouveau règlement Dublin (3) du Parlement européen et du Conseil, adopté le 26 juin 2013, est entré en vigueur le 19 juillet 2013. Il est directement applicable aux demandes de protection internationale introduites à compter du 1er janvier 2014. Il comporte des évolutions très importantes.

Ce texte renforce d’abord les garanties de la procédure de transfert d’un demandeur d’asile vers le pays compétent pour l’instruction de sa demande. Ainsi, il impose des délais de procédure restreints et prévoit l'harmonisation des échanges de données entre États membres, portant sur l’information et les entretiens individuels, les données médicales ou relatives à la vulnérabilité constatée notamment pour les mineurs isolés.

Il introduit l’exigence d’un recours effectif contre la mesure de transfert.

Il pose aussi le principe d'un mécanisme d'alerte de préparation et de gestion de crise subie par un État membre confronté à un afflux de demandeurs d'asile, ceci afin de lutter contre les problèmes qui apparaissent dans les systèmes nationaux d’asile avant qu’ils ne se transforment en crise. Le Conseil a adopté ce principe comme solution de repli après avoir rejeté la proposition de la Commission d’introduire un mécanisme de suspension des transferts lorsqu’un État membre est confronté à une situation d’urgence particulière soumettant ses capacités d’accueil, son système d’asile ou ses infrastructures à une pression exceptionnellement forte.

Enfin, parmi les principales dispositions nouvelles, le règlement prévoit que les demandeurs d’asile ne seront pas transférés dans des pays de l’Union où il existe des défaillances systémiques qui pourraient entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant.

Cette dernière disposition est la conséquence d’une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme intervenue en 2011, par laquelle la Cour a jugé que la Belgique avait violé la Convention européenne des droits de l’Homme, d’une part, en exposant le requérant aux risques résultant des défaillances de la procédure d’asile en Grèce, dès lors que les autorités belges devaient savoir qu’il n’avait aucune garantie de voir sa demande d’asile examinée sérieusement par les autorités grecques et, d’autre part, en exposant le requérant à des conditions de détention et d’existence constitutives de traitements dégradants. La situation problématique des demandeurs d’asile en Grèce a été reconnue ensuite par la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 21 décembre 2011, dans lequel la Cour a jugé, au sujet de demandeurs d’asile devant être transférés vers la Grèce en application du règlement Dublin II, qu’un demandeur d’asile ne peut pas être transféré vers un État membre où il risque d’être soumis à des traitements inhumains.

Enfin, le système informatisé Eurodac est un outil essentiel pour la bonne application du règlement Dublin. La révision du règlement afférent (4), adoptée le 26 juin 2013, est entrée en vigueur le 19 juillet 2013. L’applicabilité en a été reportée au 20 juillet 2015.

Cette révision introduit deux éléments nouveaux : l'accès encadré aux données (empreintes digitales) pour les forces de police et Europol dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, ainsi que le marquage des données qui informera les États membres de l'attribution d'une protection internationale à un demandeur d'asile.

4. La décision prise sur le fond par l’organe de protection échappe à l’harmonisation

En conclusion, il doit être rappelé que si les procédures et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile sont soumises à l’harmonisation, la décision prise par l’organe de protection ne fait pas l’objet d’une telle harmonisation.

Cela explique les taux très différents d’accord en première instance constatés entre les différents États membres : ce taux peut aller de 39 % de décisions positives en Suède, ou 37 % de décisions positives en Italie, à 1 % de décisions positives en Grèce. Le taux de décisions positives en première instance est de 12,7 % en France, ce qui est un taux faible en comparaison de celui accordé par les pays comparables en termes de flux : il est de 29 % en Allemagne, de 28 % en Autriche, de 35 % au Royaume-Uni et de 23 % en Belgique, selon des données de 2012.

En termes absolus, le nombre le plus élevé de décisions positives en matière d’asile (décisions en première instance et définitives) en 2011 a été enregistré au Royaume-Uni (14 355), suivi par l’Allemagne (13 045), la France (10 740) et la Suède (10 625). Ces quatre États membres de l’UE totalisaient ensemble 61 % des décisions positives rendues dans l’UE.

Selon l’analyse de l’institut européen de statistique Eurostat, plusieurs facteurs jouent un rôle dans le choix du pays dans lequel un demandeur d’asile dépose sa demande. Parmi ceux-ci « on peut citer les liens historiques entre les pays d’origine et de destination (anciennes colonies, par exemple), une certaine connaissance de la langue parlée dans le pays d’accueil, la présence de communautés ethniques établies et la situation économique du pays de destination. Ces effets d’attraction coïncident largement avec les moteurs d’autres flux de migration non liés à l’asile. Toutefois, d’autres facteurs, comme la probabilité perçue que le pays de destination accordera un statut de protection ou les avantages associés à un statut de protection, sont propres aux demandeurs d’asile ».

III. LES ZONES D’OMBRE DE L’APRÈS DEMANDE D’ASILE

A. L’INTÉGRATION DES PERSONNES PROTÉGÉES

Malgré le principe formulé par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, qui érige en priorité l’accès des bénéficiaires d’une protection internationale à l’emploi et au logement dans son article 30, l’autonomisation et l’insertion de ces personnes restent aujourd’hui très difficiles, ce que constatent et regrettent beaucoup d’associations impliquées dans l’aide à ce public.

Le processus d’insertion difficile des personnes protégées s’explique en partie, selon la Cimade par exemple, par la « précarité sociale » dans laquelle se trouvent les personnes pendant l’examen de leur demande d’asile : elles ne peuvent alors ni travailler, ni suivre une formation linguistique ou professionnelle, et ne bénéficient pas d’assez de ressources pour chercher un logement autonome.

Lorsque la procédure s’étend en longueur comme cela a été le cas au cours des dernières années, la personne peut subir une « rupture » dans sa situation sociale et professionnelle. C’est pourquoi la volonté du Gouvernement de réduire la durée de l’examen de la demande d’asile à un an, appel inclus, contribuera à réduire les effets négatifs de la situation d’incertitude et de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les personnes pendant cette période.

Lorsqu’elle obtient le statut de protection, elle subit des délais administratifs pour la délivrance des documents d’état civil par l’OFPRA et même la visite médicale obligatoire à l’OFII. Pour l’aspect professionnel, bien souvent ses diplômes et compétences sont dévalorisés ou non reconnus, et entreprises comme organismes sociaux méconnaissent la spécificité des parcours des réfugiés. Ả cela peuvent s’ajouter des problèmes de santé liés aux traumatismes de l’exil.

B. LE SORT DES PERSONNES DÉBOUTÉES

L’un des grands mérites de la consultation animée par Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine est d’avoir évoqué la question des déboutés du droit d’asile comme partie prenante de la politique d’asile. En vertu d’une hypocrisie coupable il est arrivé que l’analyse s’arrête avec la décision définitive de la CNDA sans se préoccuper du sort des personnes à qui la France refuse la protection internationale.

S’il est exact que les déboutés ne relèvent plus à proprement parler des procédures de demande d’asile, la politique publique de l’asile doit les prendre en compte, ne serait-ce que pour mieux mesurer leur impact sur l’amont de la chaîne (occupation des logements dédiés aux demandeurs).

Cette obligation est d’autant plus impérieuse que leur nombre va croissant depuis 2007, corrélativement au nombre de demandeurs d’asile : le taux d’admission global (OFPRA et CNDA) à la protection oscillant entre 22 % (2012) et 25 % (2011 et 2013), la population de déboutés (mineurs inclus) était de l’ordre de 45 000 personnes en 2013 et de 43 500 personnes en 2012.

Faute d’un système d’information assurant leur suivi effectif, les rapporteurs ne peuvent que constater le caractère très lacunaire des données disponibles sur le sort des déboutés, ce qui n’empêche pas d’identifier quelques tendances préoccupantes.

1. Le recours croissant à l’hébergement d’urgence de droit commun

Une fois la décision définitive de la CNDA notifiée, les déboutés logés en CADA disposent d’un mois pour quitter leur logement réservés aux demandeurs d’asile en cours de procédure. Le taux moyen national de présence indue des déboutés était de 6% au 31 décembre 2013, avec de fortes variations par rapport à la moyenne selon les régions (de 0 à 18%), alors que le taux théoriquement imposé aux gestionnaires de CADA est de 4 %. Il leur incombe, sous le contrôle de l’OFII, de veiller à l’application de la règle, sous peine d’interdire aux nouveaux demandeurs de bénéficier de cette structure qui leur est réservée et de l’accompagnement qui la caractérise.

La plupart d’entre eux prennent soin de rappeler régulièrement la règle aux demandeurs, avant même les décisions de l’OFPRA et de la CNDA, afin de les sensibiliser régulièrement et de les préparer à cette échéance inéluctable. Ils veillent aussi à préparer cette sortie en évoquant les aides au retour proposées par l’OFII et en proposant une formule de logement alternative, souvent de l’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile ou, plus fréquemment, généraliste.

En cas de durcissement de la situation, les opérateurs doivent recourir à des procédures d’expulsion, ce que certains pratiquent plus spontanément que d’autres.

La tendance la plus fréquemment décrite par les acteurs sociaux entendus par le groupe de travail est le recours croissant à l’hébergement d’urgence de droit commun, dont la gamme est très étendue, depuis les centres d’hébergement ou de réinsertion sociale (CHRS) jusqu’aux foyers de nuit relevant de la veille sociale, en passant le plus souvent par des nuitées hôtelières. En situation de crise comme à Dijon en 2012, ces structures sont débordées et on assiste à l’installation de campements sauvages ou de squats, y compris en centre-ville.

Les rapporteurs rappellent en effet qu’en vertu du principe de l’inconditionnalité de l’accueil des personnes en détresse, les déboutés comme les autres étrangers en situation irrégulière ne peuvent se voir refuser l’accès au dispositif de veille sociale ou à l’hébergement d’urgence (article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles). Lorsque la demande est supérieure à l’offre d’hébergement les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) procèdent à l’évaluation de la situation de détresse des demandeurs et établissent des niveaux de priorité.

Dans ses travaux antérieurs, le CEC a déjà identifié cette présence massive des déboutés dans l’hébergement d’urgence de droit commun et souligné l’insuffisance de la coordination entre les plateforme d’accueil des demandeurs d’asile et les SIAO (voir le rapport « pour un service public efficace de l’hébergement et de l’accès au logement des plus démunis » de Mme Danièle Hoffman-Rispal et de M. Arnaud Richard n° 4221 en date du 26 janvier 2012).

Les données dans ce domaine ne sont cependant toujours pas consolidées puisque l’origine et le statut administratif des personnes accueillies dans les structures d’hébergement d’urgence généralistes ne font pas l’objet d’un suivi particulier.

Entendue par le groupe de travail, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a reconnu ne pas avoir mené d’enquête nationale à ce sujet depuis celle de 2009 qui avait conclu à un taux de présence des déboutés du droit d’asile de l’ordre de 12 % dans l’hébergement d’urgence généraliste. Elle a estimé ce taux bien supérieur actuellement, sans fournir de chiffres précis. L’IGAS, entendue au titre de la mission conjointe des inspections d’avril 2013, a évoqué un doublement de ce taux, soit un chiffre de 24 %.

La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) s’est montrée plus précise en évoquant les résultats de son baromètre de la veille sociale de février 2014 couvrant 37 départements et Paris. La FNARS estime ainsi la proportion des étrangers migrants hors Union européenne à 58 % des demandeurs du 115 et à 52 % des attributaires de l’hébergement d’urgence généraliste, sans être en mesure de préciser si ces personnes sont issues de la demande d’asile.

Lors du déplacement fait par le groupe de travail à Dijon, la préfecture a estimé à 65 % la part des déboutés du droit d’asile dans l’hébergement d’urgence généraliste en Côte d’Or, suite à l’afflux sans précédent des demandes d’asile constatées dans ce département en 2012 (voir supra).

2. La porosité des procédures

Les étrangers déboutés du droit d’asile après parfois deux ans de procédure tentent souvent de régulariser leur séjour soit en faisant valoir qu’ils remplissent les critères de régularisation fixés par les circulaires en vigueur, soit en entamant d’autres procédures spécifiques.

La procédure la plus sollicitée est celle dite « étrangers malades » définie au 11° de l’article L. 313-11 du CESEDA comme suit : « la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit à l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. »

La jurisprudence a défini à un an la durée nécessaire pour que la résidence puisse être considérée comme habituelle, ce qui permet aux déboutés du droit d’asile de présenter leur dossier alors même que la procédure de demande d’asile est toujours pendante. Certaines préfectures refusent de prendre en compte ces demandes parallèles mais aucune base légale ne permet de fonder un tel refus.

La mission conjointe des inspections d’avril 2013 avait estimé à ce propos que « le dépôt simultané offre l’avantage aux préfectures de pouvoir statuer dans un temps plus court sur l’ensemble des demandes d’accès au séjour déposé par les demandeurs d’asile. Ce phénomène met toutefois également en exergue un risque de détournement de la procédure de demande d’asile, des ressortissants étrangers effectivement malades, et souffrant éventuellement de pathologies lourdes, pouvant avoir intérêt à déposer une demande d’asile dans le seul but de demeurer sur le territoire français pendant un an, afin d’être en mesure de solliciter une admission au séjour au titre de la procédure “étrangers malades” ».

Une autre mission conjointe de l’IGA et de l’IGAS consacrée à l’admission au séjour des étrangers malades datant de mars 2013 a confirmé la présence importante de déboutés du droit d’asile dans les dossiers présentés au titre de cette procédure : 50 % à Toulon et 90 % à Metz. Au niveau national, les extractions AGDREF montrent que 39 % des étrangers qui obtiennent un premier titre de séjour à ce titre sont issus de la demande d’asile. En 2011, ce chiffre représentait de l’ordre de 4 300 personnes puisque cette procédure avait bénéficié à un total voisin de 11 300 personnes dont 6 500 premières délivrances de cartes de séjour et 4 800 autorisations provisoires de séjour délivrées le temps d’examiner le dossier.

Le même phénomène a été constaté à Dijon par les membres du groupe de travail, amplifié par le taux très élevé d’avis positif du médecin de l’agence régionale de santé locale.

3. La faible exécution des obligations de quitter le territoire français

Du fait de l’absence de suivi statistique des déboutés, il est impossible de mesurer la proportion d’entre eux qui quittent volontairement le territoire français sans demander d’aide au retour à l’OFII, ou bien qui sont régularisés après une période plus ou moins longue de séjour irrégulier ou bien encore qui font l’objet d’un éloignement contraint, suite à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Dans son rapport annuel d’activité pour 2013, l’OFII précise que 466 départs de CADA se sont faits grâce à l’aide au retour volontaire, soit une diminution de 26% par rapport à 2012, dont 64 % au profit de déboutés et 36 % au profit de personnes qui se sont désistées de leur demande d’asile.

Par ailleurs, l’OFII estime à 5500 (chiffre en baisse de 20% par rapport à 2012) le nombre d’étrangers ressortissants de pays tiers à l’Union européenne dont il a organisé (prise en charge du trajet de retour) le départ volontaire en 2013, sans détailler leur situation administrative ni le motif de leur présence sur le territoire français. Tous ne sont pas des déboutés du droit d’asile et l’examen de quelques nationalités (Albanie, Arménie, Kosovo, Bangladesh) montre que les flux d’aides au retour (entre 150 et 200 personnes pour chacun de ces pays en 2013) restent marginaux par rapport aux effectifs annuels de déboutés du droit d’asile.

Le directeur général des étrangers en France, entendu par le groupe de travail, a précisé que 23 % des OQTF prononcées en 2012 (la proportion est la même pour 2013), soit de l’ordre de 19 000 sur un total de 82 400, concernaient des déboutés du droit d’asile mais que le système de remontée statistique ne permettrait de connaître le nombre de déboutés effectivement éloignés qu’en 2014.

Le rapprochement des chiffres des déboutés du droit d’asile (45 000 en 2013) et des OQTF prononcées pour cette population (19 000) montre que le lien entre rejet de la demande d’asile et prononcé d’une OQTF n’est pas mécanique.

Administrativement, c’est le préfet qui prononce l’OQTF, au vu de l’ensemble du dossier de l’étranger. Il ne le fait donc pas systématiquement puisqu’on peut parfaitement être débouté du droit d’asile et en situation régulière sur le territoire français, par exemple au titre de la procédure « vie privée et familiale » et « étrangers malades ».

C’est la raison pour laquelle la proposition de la mission conjointe des inspections tendant à prévoir que la décision définitive de rejet par la CNDA vaille mécaniquement obligation de quitter le territoire français est impraticable, sans parler de la confusion contestable entre politiques de l’asile et de l’immigration, entre autorité administrative et juridiction, générée par une telle mesure.

En revanche, le ministre de l’Intérieur vient de rappeler à ses services par voie de circulaire (INTK 1400684C du 11 mars 2014) qu’il convenait de raccourcir les délais entre le prononcé de l’OQTF et les décisions définitives de l’OFPRA et de la CNDA, saisies chaque semaine dans l’application TELEMOFPRA.

Quant aux OQTF exécutées, les rapporteurs ne peuvent, faute d’informations plus précises, que rapprocher le nombre total d’OQTF prononcées (82 400 en 2012, 89 000 en 2013) et exécutées (13 600 éloignements contraints en 2012 et 15 200 en 2013) soit un taux de l’ordre de 17 %, sans pouvoir isoler la part des déboutés du droit d’asile dans ces chiffres. C’est pour répondre à cette lacune que le ministre de l’Intérieur a demandé à ses services dans la même circulaire du 11 mars 2014 de mettre en place une « comptabilisation spécifique des départs de demandeurs d’asile déboutés, tant en retours contraints qu’en retours aidés ».

La principale cause d'échec aux procédures d'éloignement est l'absence de mise à exécution des mesures de reconduites prononcées, se traduisant par le non placement en centre de rétention administrative, principalement pour cause de nationalité incertaine ou difficilement éloignable.

Entendu par le groupe de travail, le directeur central de la police aux frontières a identifié les principaux motifs d’annulation des missions d’éloignement mises en exécution comme suit :

– refus d’embarquement (19 %) ;

– libération par le juge des libertés et de la détention (18 %) ;

– absence de l’étranger à sa convocation (14 %) ;

– laissez-passer consulaire refusé ou non délivré dans les temps (9 %) ;

– demande d’asile politique en cours (6 %).

Les nationalités ayant fait l’objet d’un éloignement contraint (roumaine, tunisienne, marocaine, algérienne et bulgare) ne correspondent pas du tout à celles des déboutés du droit d’asile, ce qui laisse penser que ceux-ci sont faiblement représentés dans les éloignements contraints.

Dans son rapport d’avril 2013 la mission conjointe avait fait part de son sentiment sur cette question dans les termes suivants « la mission a été frappée par la forme de renoncement constatée dans plusieurs préfectures, les éloignements des familles demandeuses d’asile étant en particulier fréquemment considérés comme impossibles, du fait notamment du durcissement du cadre juridique applicable et de la sensibilité médiatique du sujet ».

Les membres du groupe de travail ont ressenti la même impression lors de leurs auditions et de leur déplacement à Dijon, d’autant qu’entre-temps l’ampleur de « l’affaire Léonarda » n’a fait que compliquer l’exercice.

DEUXIÈME PARTIE :
POUR UNE RÉFORME D’ENSEMBLE, ASSOCIANT RESPECT DES DROITS ET PERFORMANCE DE L’ACTION PUBLIQUE

La « radiographie » du système de l’asile montre que le « chantier » d’une réforme de l’asile est important et complexe. Les rapporteurs aborderont successivement dans cette deuxième partie les différentes phases de la demande d’asile, afin de proposer une réorganisation ambitieuse de notre système, en s’attachant au premier accueil, à l’organisation de l’hébergement et de l’accompagnement et à une rénovation des procédures. Il conviendra aussi d’améliorer la situation des personnes protégées, pour lesquelles les freins à l’insertion sont encore importants. Enfin, il est inévitable de se préoccuper de manière plus cohérente du sort des personnes déboutées, et d’assumer ainsi une responsabilité et des choix difficiles qui relèvent avant tout de la décision politique.

I. SIMPLIFIER ET HARMONISER L’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Les délais excessifs de la procédure de l’asile peuvent être constatés dès l’entrée dans la procédure, qui prévoit la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour et l’accès à une domiciliation. Dès cette première étape, le parcours du demandeur d’asile est caractérisé par la multiplicité des intervenants et des lieux, d’une part, et une certaine complexité, d’autre part, qui induisent des délais dont la réduction est très souhaitable.

L’étape de l’entrée dans la procédure n’est pas harmonisée d’une région à l’autre : selon la région choisie par le demandeur d’asile, le premier contact pourra être soit la préfecture, soit une association d’aide aux étrangers, soit une plateforme d’accueil des demandeurs d’asile. Sans exclure l’intérêt d’expérimentations régionales afin de parvenir à un mode d’organisation optimum, une harmonisation s’impose dans un cadre simplifié et « resserré ».

Le rapport présenté en novembre dernier par Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine souligne que le premier accueil des demandeurs d’asile présente des dysfonctionnements et manque de lisibilité, ce que le groupe de travail a également relevé au cours de ses auditions.

Une réorganisation de ce premier accueil devrait être conduite, afin de le rendre plus lisible et plus simple pour le demandeur d’asile, d’accélérer les premières étapes afin de déposer plus rapidement la demande, et de rendre plus « fluide » la procédure, en évitant ainsi l’encombrement des services préfectoraux comme des opérateurs en charge de l’accueil.

La mise en place d’un nouveau système d’accueil s’avère inévitable si l’on veut respecter l’exigence posée par la directive « procédures » de 2013, dont l’article 6 prévoit que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale doivent avoir « la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais », et que l’enregistrement doit avoir lieu « trois jours ouvrables après sa présentation ». Ce délai peut être porté à dix jours ouvrables si l’État membre fait face à un nombre élevé de demandes.

A. UNE MULTIPLICITÉ D’INTERLOCUTEURS ET DE LIEUX

Le premier accueil du demandeur d’asile s’effectue par deux lieux d’entrée principaux : la préfecture du chef-lieu de région, qui recueille les demandes d’asile provenant des personnes présentes sur le territoire, et la plate-forme d’accueil, qui, depuis 2010, offre un dispositif visant à faciliter le dépôt des demandes d’asile. Outre ces deux points d’entrée, le demandeur d’asile doit s’adresser également à d’autres interlocuteurs pour les différents aspects de sa situation.

Depuis le 1er janvier 2010, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a la responsabilité de la mise en œuvre effective et du financement, dans chaque région, des modalités d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile. Ce transfert de compétence s’est intégré aux missions de l’OFII telles que prévues aux articles L. 5223-1 et R. 5223-1 du code du travail.

Par contre, les formalités en vue de l’introduction d’une demande d’asile et en vue d’obtenir une autorisation à demeurer sur le territoire relèvent de l’autorité administrative en vertu des articles L. 741-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

1. La régionalisation de l’admission au séjour : un bilan insatisfaisant

Une organisation régionalisée de l’admission au séjour des demandeurs d’asile a été mise en place à partir du 1er mai 2010 dans toutes les régions de métropole à l’exception de l’Ile-de-France, de l’Alsace et de la collectivité territoriale de Corse, en raison des spécificités locales. Cette réforme a donné compétence au préfet du département chef-lieu de région pour traiter les premières demandes d’asile, faisant en principe du chef-lieu l’unique « point d’entrée » de la région.

Ce sont donc 33 préfectures, en principe chef-lieu de région, qui ont gardé la compétence de l’admission au séjour pour le dépôt de la demande d’asile, et une grande partie des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile a été supprimée, afin de ne conserver qu’un point de premier accueil par région. La régionalisation n’a pas totalement dessaisi les préfets de département, qui ont conservé un certain nombre de compétences parmi lesquelles la délivrance et le renouvellement du récépissé d’admission au séjour du demandeur d’asile.

L’objectif de la régionalisation était d’assurer la cohérence du traitement de la demande d’admission au séjour au titre de l’asile sur le territoire, avec un traitement identique de cette demande. Une autre attente de cette réorganisation était une meilleure répartition des demandeurs d’asile au sein d’une même région, pour une prise en charge sociale plus mutualisée entre les départements. La perspective d’une rationalisation des coûts était également présente. Par ailleurs, la régionalisation a permis, selon les services du ministère de l’Intérieur, une plus grande spécialisation des agents des services des étrangers des préfectures dans l’application du Règlement Dublin.

Il a néanmoins été décidé ensuite de créer des points d’entrée supplémentaires dans certaines régions (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays de la Loire et Rhône-Alpes…), ou parfois de confier la compétence relative à l’examen de la demande d’admission au séjour à un autre préfet de département dans une même région (Picardie). Il en a été de même en Bourgogne depuis le 1er mars 2013, avec la création de deux points d’entrée supplémentaires avec borne de prise d’empreintes Eurodac en Saône-et-Loire et dans l’Yonne.

C’est aussi dans cet objectif de meilleure mutualisation qu’a été publiée la circulaire du 24 mai 2011 relative au pilotage régionalisé du premier accueil et de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, dont la teneur et les résultats seront évoqués plus loin.

Si l’objectif d’un traitement plus harmonisé de l’admission au séjour a été atteint, celui de la répartition des demandeurs d’asile au sein d’une même région ne l’a pas été, sous l’effet de la réticence des élus des villes chefs-lieux de département et des préfets à devoir héberger et prendre en charge de nouvelles populations migrantes. En conséquence, la régionalisation a, en fait, été l’objet de critiques, notamment celle de voir les demandeurs d’asile concentrés dans le département chef-lieu de région, unique point d’entrée du dispositif d’admission au séjour.

La régionalisation a eu une autre conséquence négative : elle a entraîné une dégradation des délais de traitement des demandes d’autorisation provisoire de séjour dans certains départements ne disposant plus de sites d’accueil.

C’est pourquoi la régionalisation ne peut suffire à obtenir une réelle mutualisation de la prise en charge sociale des demandeurs d’asile sur le territoire et à « désengorger » les structures d’accueil et d’hébergement situées dans les chefs-lieux de région.

2. Les plateformes d’accueil des demandeurs d’asile disposent d’un référentiel de prestations qui n’est pas assorti d’un référentiel de coûts

Le dispositif de premier accueil des demandeurs d’asile repose sur des plateformes d’accueil, d’orientation et d’accompagnement des demandeurs d’asile (PADA), qui jouent actuellement un rôle très important dans la procédure d’orientation du demandeur.

L’implantation des plateformes a d’abord constitué un réseau ambitieux comptant jusqu’à une soixantaine de structures fin 2012. Puis ce réseau a été articulé avec la cartographie de la régionalisation de l’admission au séjour : une plateforme a été, en principe, mise en place dans chaque département « point d’entrée régional » pour l’admission au séjour. Le nombre des plateformes a donc été ainsi réduit à 34.

Le dispositif est coordonné et financé par l’OFII. Les plateformes sont gérées par les directions territoriales de l’OFII, par des structures associatives subventionnées à cet effet (23 des 34 plateformes sont ainsi gérées), ou conjointement par l’OFII et une association. Les structures associatives peuvent être éligibles aux financements du Fonds européen pour les réfugiés.

Afin d’harmoniser le nombre et la qualité des prestations de premier accueil confiées aux PADA, un référentiel de prestations a été élaboré sous le pilotage du ministère chargé de l’asile et adopté le 9 décembre 2011 par le conseil d’administration de l’OFII. Les plateformes associatives financées par l’OFII se conforment donc, depuis 2012, à ce référentiel qui doit permettre d’assurer un accès égal de tous les demandeurs d’asile à des prestations d’accompagnement quel que soit le lieu de leur demande. Ces prestations sont rappelées dans le tableau suivant.

RÉFÉRENTIEL DE 11 PRESTATIONS POUR GARANTIR UNE ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE

1) Accueillir et informer les demandeurs d’asile sur les démarches à entreprendre ;

2) Domicilier les demandeurs d’asile ;

3) Aider à la constitution d’une demande d’admission au séjour ;

4) Orienter vers le dispositif d’hébergement d’urgence ;

5) Accorder des aides de première urgence ;

6) Accompagner et suivre la demande de prise en charge par le DNA ;

7) Aider à la constitution du dossier de demande d’asile auprès de l’OFPRA ;

8) Accompagner le demandeur d’asile dans ses démarches administratives ;

9) Accompagner le demandeur d’asile dans ses démarches sociales ;

10) Préparer la sortie du dispositif de premier accueil ;

11) Orienter les mineurs isolés.

Source : OFII

Ce référentiel a été critiqué par le secteur associatif, qui considère notamment que l’aide apportée à la constitution du dossier OFPRA est insuffisante, et qu’aucun accompagnement pour le recours devant la CNDA n’est prévu. Il a également fait l’objet de contentieux.

Les plateformes d’accueil exercent leurs missions à l’arrivée des demandeurs d’asile mais aussi pendant toute la durée de la procédure d’instruction des demandes d’asile lorsque le demandeur n’est pas hébergé en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).

À cette organisation a été ajouté, en 2013, le financement par l’État d’associations agréées pour la domiciliation des demandeurs d’asile, dans les départements recevant plus de 10 demandeurs d’asile par mois. Ce financement est fondé sur un appel à projets national passé par l’OFII et un appel à projets financé par le Fonds européen pour les réfugiés (FER).

En 2013, les moyens alloués aux plateformes associatives se sont élevés à 12 millions d’euros, dont 7,3 millions d’euros en provenance de l’OFII et 4,3 millions d’euros en provenance du FER. Le concours des collectivités territoriales s’établit à environ 2 %.

Une lacune demeure cependant dans le fonctionnement et l’évaluation de ces structures : aucun référentiel de coût n’a été élaboré afin d’étudier les avantages et les inconvénients des différents modes de gestion en termes de coûts de fonctionnement.

Le fonctionnement des plateformes a généralement donné satisfaction, bien qu’aucune évaluation de leurs missions n’ait été effectuée. Dans certains départements, la gestion des plates-formes a été transférée à l’OFII.

Il convient de souligner que la situation financière des plateformes pourrait connaître des difficultés sérieuses en 2014 en raison de leur modalité de financement. Le Fonds européen pour les réfugiés (FER), institué pour la période 2008-2013 et doté de 614 millions d’euros, est à présent caduc, et il sera remplacé par le nouveau Fonds asile et migration (FAM) au champ d’intervention plus large et doté d’un budget de 3,87 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Le nouveau fonds soutiendra des actions portant sur tous les aspects de la migration, parmi lesquels l’asile, la migration légale, l’intégration et le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Cependant la nécessité d’ouvrir et d’instruire de nouveaux appels à projet compromet l’apport de financements européens pour 2014, ce qui risque de placer les plateformes dans une situation financière difficile en cours d’année.

Dans le cadre de la réforme ambitieuse que les rapporteurs appellent de leurs vœux, l’organisation du premier accueil du demandeur, comme son hébergement par la suite, se verrait considérablement modifiés.

3. Le parcours du demandeur d’asile est actuellement compliqué et générateur de « délais cachés »

Le demandeur d’asile doit, pour pouvoir déposer sa demande, obtenir un titre provisoire de séjour (article L. 742-1 du CESEDA) ; le délai théorique d’obtention de ce titre est fixé à 15 jours mais est loin d’être toujours respecté.

Pour l’obtenir, les demandeurs effectuent au moins deux passages en préfecture, mais ces passages peuvent être en pratique plus nombreux.

Lors du premier passage, le demandeur reçoit un formulaire de demande d’asile, un rendez-vous pour le dépôt de sa demande ; enfin, il est adressé vers la plateforme d’accueil qui lui assurera un accueil et un accompagnement, ainsi que la domiciliation indispensable à la présentation de sa demande.

Il a été expliqué plus haut que le délai moyen de convocation de 24 jours pour le second rendez-vous, tel qu’il est mesuré par la direction de la modernisation et de l’action territoriale du ministère de l’Intérieur, ne rend pas compte des situations locales, où ce délai a pu atteindre plusieurs mois dans certains chefs-lieux. Le délai courant avant le dépôt de la demande d’asile à l’OFPRA a pu aller jusqu’à 7 mois et demi en Ile-de-France, comme le souligne le rapport de la mission d’inspection présenté en avril 2013 : 4 mois pour être reçu par un travailleur social, 3 mois pour être reçu par la préfecture de police pour le premier passage, puis 3 semaines pour effectuer le second passage en préfecture, au cours duquel le droit au séjour est éventuellement accordé et le dossier de demande d’asile peut être déposé.

Le schéma suivant présente le dispositif d’accueil du demandeur d’asile en préfecture actuellement en vigueur.

Cet état de fait engendre différentes conséquences négatives : la situation d’illégalité dans laquelle se trouve le demandeur d’asile pendant ce temps (et qui est contraire à l’article 6 de la directive « normes minimales d’accueil »), le fait qu’il ne peut être pris en charge par les dispositifs d’hébergement et doit l’être par le dispositif généraliste d’hébergement d’urgence.

Le délai qui sépare le premier passage du second en préfecture peut aussi favoriser les comportements abusifs, car il a pour effet de décaler la prise d’empreintes et la confrontation des empreintes du demandeur avec la base européenne Eurodac.

Le groupe de travail, lors de son déplacement à Dijon, a par exemple été informé d’une pratique abusive par laquelle, dans le cadre d’une filière d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, une personne se présente pour le premier passage en préfecture et y obtient un rendez-vous pour le second passage. C’est alors seulement que le voyage du futur demandeur d’asile est organisé, afin que celui-ci n’arrive sur le territoire qu’en vue de ce second rendez-vous et en vue de sa prise en charge par le système d’accueil.

Le retard accumulé pour la prise d’empreinte et le traitement par la base Eurodac nuit également à la bonne mise en œuvre des mesures prévues par le règlement dit « Dublin II » et compromet la prise en charge de la personne par l’État membre compétent pour le traitement de la demande d’asile au fond.

Ces observations conduisent à préconiser la réorganisation de cet accueil en préfecture.

On soulignera à ce stade que certains États membres procèdent avec une quasi immédiateté de l’enregistrement de la demande, en évitant les deux phases qui retardent en France la diligence de la procédure : l’admission au séjour et la domiciliation. Ainsi, en Allemagne, le demandeur doit se faire enregistrer dans un centre d’accueil (Aufnahmeeinrichtung) et le dépôt de sa demande se fait soit immédiatement après, soit à la date fixée par le centre d’accueil. La demande est déposée dans un service extérieur de l’office fédéral de l’immigration, lequel se trouve à proximité immédiate du centre d’accueil. Aux Pays-Bas, le dépôt de la demande se fait dans un délai de six jours, après une inscription de la personne auprès du service de police des étrangers qui doit s’effectuer en deux jours au plus.

B. METTRE EN PLACE UN LIEU D’ACCUEIL UNIQUE RÉGIONAL AU FONCTIONNEMENT HARMONISÉ

La réorganisation du premier accueil du demandeur d’asile doit avoir pour objectif de simplifier le parcours et de lui donner une plus grande efficacité, ce qui devrait se traduire par une réduction importante des délais.

L’étude des modèles d’organisation existant dans les États membres de l’Union européenne, également confrontés à un flux important d’arrivée de demandeurs d’asile, montre que les modèles parvenant à une lisibilité de la procédure et des prestations apportées, comme à une rapidité du dépôt de la demande d’asile (et donc de la prise en charge de la personne) reposent sur une organisation très intégrée des différents intervenants.

C’est le cas observé aux Pays-Bas, en Allemagne, de même en Suède avec les centres de l’Office national suédois des migrations.

La réorganisation de notre système d’accueil pourrait, dans un objectif de simplification et de lisibilité accrue, assurer une unité de lieu pour la première entrée dans la procédure, en réunissant en un même lieu tous les acteurs du premier accueil du demandeur.

Cette organisation est inspirée par l’expérience des plateformes, mais elle doit nécessairement réunir tous les services intervenant en amont et jusqu’au dépôt de la demande d’asile : le service régional préfectoral d’immigration et d’intégration, afin de procéder aussitôt à l’enregistrement de la personne et à la prise de ses empreintes, puis de délivrer l’autorisation provisoire de séjour ; l’OFII (direction territoriale) afin de lui apporter les informations relatives à la procédure et à l’aide dont elle peut bénéficier, puis de prendre les décisions relatives à son hébergement ; les associations d’aide et de soutien présentes localement afin de compléter l’accompagnement social de la personne.

Deux questions se posent alors au vu de l’évolution prochaine de notre droit sous l’effet des directives européennes adoptées en 2013. La première est l’organisation de la détection de la vulnérabilité de la personne, qui doit également prendre place à ce stade premier de la procédure. La seconde est la présence dans ce même « guichet unique » des agents de protection de l’OFPRA, étant donné que la directive « procédure » pourrait conduire à une extension plus ou moins large des procédures prioritaires ou « accélérées » selon la nouvelle terminologie.

Le schéma suivant fait apparaître le grand nombre des interlocuteurs du demandeur d’asile dans cette première phase d’accueil qui devrait être très brève et réduite à deux ou trois interlocuteurs. Les autres prestations d’accompagnement, comme l’aide à la préparation du dossier pour l’OFPRA, la santé, la scolarisation des enfants, pourraient alors être apportées sur le lieu d’hébergement du demandeur.

LES INTERLOCUTEURS DU DEMANDEUR D’ASILE ACCUEILLI PAR UNE PLATE-FORME RÉGIONALE (SERVICES ET OPÉRATEURS IMPLIQUÉS)

Proposition n°1 : Instaurer, au niveau des préfectures de région, un lieu unique d’accueil des demandeurs d’asile, réunissant le Service régional d'immigration et d'intégration (préfecture), la direction territoriale de l’OFII ainsi que les associations d’aide et de soutien présentes localement.

Le projet de loi de réforme de l’asile en préparation ferait de l’Office français de l’immigration et de l’intégration un acteur plus important qu’aujourd’hui pour l’ensemble de la procédure d’accueil, ce qui apparaît très pertinent, car améliorer l’efficience du système suppose de confier la responsabilité de l’accueil du demandeur d’asile à un opérateur expérimenté et présent sur tout le territoire. Cette option se rapproche d’ailleurs à certains égards de celle d’une agence responsable de l’asile, que certains États européens ont mise en place.

Si l’OFII gère actuellement la domiciliation du demandeur, son orientation et son accompagnement, ce rôle devrait être élargi à l’ensemble de la prise en charge du premier accueil, ainsi qu’à la préparation du retour pour les personnes déboutées.

C. ACCÉLÉRER L’ENTRÉE DANS LA PROCÉDURE D’ASILE

L’accueil du demandeur d’asile est donc caractérisé par la multiplicité des intervenants et des délais qui retardent la véritable entrée dans la procédure avec le dépôt de la demande d’asile. La réunion des interlocuteurs du demandeur d’asile en un même lieu devrait considérablement simplifier l’accès du demandeur aux services « incontournables », le guichet préfectoral et l’OFPRA.

Cependant l’objectif de simplifier et d’accélérer la protection et la prise en charge du demandeur d’asile conduit à proposer d’autres mesures.

1. Modifier les exigences liées à la domiciliation

En application de l’article R. 741-2.4° du CESEDA, l’étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l’asile doit communiquer une « adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de validité de l’autorisation provisoire au séjour ».

L’exigence d’une adresse, prévue par l’article 7-6 de la directive dite « accueil », répond à la nécessité évidente de pouvoir contacter le demandeur d’asile pendant le déroulement de la procédure.

L’adresse peut être celle d’un parent, d’un tiers accueillant ou hébergeant le demandeur, ou celle d’une association agréée. La possibilité de s’adresser à une association agréée a constitué une réponse aux difficultés rencontrées par des demandeurs d’asile pour justifier d’une adresse stable et effective où recevoir les correspondances. Cet agrément vise à garantir la qualité du service rendu aux intéressés.

Des représentants des associations d’aide aux demandeurs d’asile ont attiré l’attention des rapporteurs sur l’engorgement de certaines structures de domiciliation, en particulier dans la région parisienne, qui ont dû faire face à une forte augmentation de la demande d’asile, et ont critiqué le défaut d’adaptation de l’administration face à cette situation, alors qu’il aurait été possible aux préfets de conférer l’agrément à des associations supplémentaires, lesquelles auraient ainsi pu participer à l’accueil d’une partie des personnes. Une telle situation est évidemment inacceptable.

Cette difficulté semble toutefois propre à la région parisienne, dans la mesure où une association de domiciliation a été agréée dans chaque département accueillant plus de dix demandeurs d’asile par mois. C’est ainsi que les délais de domiciliation ont été améliorés en 2013 dans plusieurs régions, alors même qu’elles faisaient face à une augmentation des demandes (ainsi en Franche-Comté, par exemple).

Malgré les améliorations constatées, l’étape de la domiciliation telle qu’elle s’impose actuellement participe aux « délais cachés » du traitement de la demande d’asile.

Il convient de distinguer deux étapes dans la procédure actuelle.

Lorsqu’une personne qui va déposer une demande d’asile sollicite son admission au séjour, une attestation de domiciliation suffit pour obtenir une autorisation provisoire de séjour (APS) d’un mois, ainsi que pour la délivrance d’un récépissé de trois mois renouvelable jusqu’à la fin de sa procédure (article R. 742-4 du CESEDA). Pour renouveler ce récépissé, il faudra un « justificatif du lieu où le demandeur a sa résidence » (article L. 742-4 du CESEDA).

Une simplification administrative pourrait être apportée en modifiant l’article R. 741-2.4° du CESEDA afin de ne plus faire de la domiciliation une condition préalable de l’admission au séjour des demandeurs d’asile. Cette première étape serait donc supprimée pour passer directement à l’étape de la domiciliation réelle.

Par la suite, dès que le demandeur d’asile est pris en charge par le lieu unique évoqué plus haut, la procédure de domiciliation pourrait faire partie des attributions de l’OFII. Une certaine souplesse doit être admise afin d’effectuer la domiciliation en fonction de la situation du demandeur et du contexte local : domiciliation par le lieu d’hébergement dédié affecté au demandeur, domiciliation par un proche chez lequel le demandeur a choisi de résider, ou encore domiciliation par une association agréée par le préfet.

Une solution supplémentaire pourrait être encouragée par défaut : la domiciliation par le centre communal d’action sociale (CCAS) dans des conditions comparables à celles du droit commun résultant de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, qui permet notamment aux personnes « sans domicile stable » d’élire domicile auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, d’y recevoir du courrier officiel et d’accéder à leurs droits et aux prestations.

En effet, la circulaire du 25 février 2008 précise qu'une « personne sans domicile stable détentrice d’une attestation au titre de la demande d’asile [peut] élire domicile dans les conditions de droit commun pour bénéficier d’une des prestations mentionnées à l’article L. 264-1 du CASF dès lors qu’elle en remplit les conditions (allocation temporaire d’attente, couverture maladie universelle) ». Les CCAS doivent déjà faire face aujourd'hui à un accroissement considérable des demandes sociales de la part des bénéficiaires de droit commun. L’élection de domicile pour un demandeur d’asile auprès d’un CCAS ou d’un CIAS doit donc rester une solution « de dernier recours » à encourager en l’absence d’autre solution.

L’accroissement des places dans les CADA et l’accès plus facile des demandeurs à ces structures dès leur arrivée sur le territoire réduiront évidemment les difficultés liées à la domiciliation.

Proposition n°2 : Modifier les exigences liées à la domiciliation :

– pour l’admission au séjour des demandeurs d’asile, supprimer l’exigence de domiciliation préalable ;

– pour la procédure de demande d’asile, confier la domiciliation à l’OFII, en admettant une certaine souplesse afin que cette domiciliation soit effectuée en fonction de la situation du demandeur et du contexte local : domiciliation au lieu d’hébergement dédié affecté au demandeur, domiciliation par un proche chez lequel le demandeur a choisi de résider, ou encore domiciliation par une association agréée par le préfet. La domiciliation par le centre communal d’action sociale doit être encouragée en l’absence d’autre solution.

2. Modifier la logique d’accueil et de traitement des dossiers par la préfecture

a. Rendre la première démarche en préfecture plus opérationnelle

Les rapporteurs considèrent que le premier contact avec le service de la préfecture doit intervenir soit après le premier contact avec la plateforme, soit immédiatement sur le lieu unique d’accueil si celui-ci venait à être mis en place.

Ainsi, le premier contact avec la préfecture devrait être plus opérationnel : c’est déjà à ce stade que les empreintes du demandeur devraient être prises et confrontées à la base Eurodac.

Cette intervention très rapide permettra de faire échec à la substitution de personnes, organisée par les filières de passeurs en vue de la demande d’asile. La personne qui sollicite le rendez-vous de dépôt de la demande d’asile et celle qui se rendra à ce rendez-vous sera bien la même. Également, la mise en œuvre de la procédure Dublin pourra être faite immédiatement, s’il s’avère que la personne est entrée sur le territoire de l’Union européenne via un autre État membre ou bien si elle a déjà déposé une demande d’asile en un autre lieu.

La détection des situations d’abus justifiant le placement en procédure accélérée sera aussi beaucoup plus rapide, participant largement à une réduction des délais de l’ensemble de la procédure.

b. Calquer la durée de l’autorisation provisoire du séjour sur celle de l’instruction de la demande en procédure normale

Les échanges que le groupe de travail a eus avec les représentants des services préfectoraux mais aussi avec les représentants des services centraux les ont confortés dans la nécessité de faire évoluer le système actuel de délivrance de document de séjour.

En effet, ce système comportait jusqu’en 2013 la délivrance d’un premier récépissé dont la validité était limitée à un mois, puis d’une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité initiale comprise entre trois et six mois, laquelle devait être ensuite renouvelée par périodes de trois mois jusqu'à la notification de la décision de l’OFPRA. Le décret n° 2013-235 du 21 mars 2013 a porté la durée de validité du premier récépissé à six mois, pour tenir compte des délais constatés avant le dépôt de la demande d’asile.

L’extension de la validité du premier récépissé à six mois doit avoir pour conséquence de supprimer, selon l’analyse effectuée par les inspections générales dans leur rapport, quelque 40 000 passages par an en préfecture, soit une économie de 6 600 heures de travail par an à raison d’un temps moyen de 10 minutes par passage.

Cette première modification doit être approuvée, mais il conviendrait d’aller plus loin, car la succession des contrôles formels nécessaires au renouvellement de l’APS continue de solliciter beaucoup les services des préfectures, alors que ceux-ci ont connu des baisses d’effectifs au cours des dernières années, ce qui rend ce formalisme de plus en plus difficile à observer.

Les rapporteurs considèrent qu’il conviendrait, pour les demandeurs d’asile en procédure normale, de délivrer une autorisation provisoire de séjour dont la durée est calquée sur celle de l’instruction de la procédure de l’asile. Cette solution pourrait être mise en œuvre avec la création d’une carte informatisée comportant les informations relatives à la situation du demandeur d’asile, qui sera évoquée plus loin. Une telle « carte de procédure » existe dans d’autres pays de l’Union européenne (Autriche, Pays-Bas, Royaume-Uni par exemple), et permet un traitement plus efficient des informations, et leur accessibilité par les différents services intervenant dans le traitement de la demande et l’accompagnement du demandeur.

Dans ce système, l’application AGDREF enregistre la caducité du titre après le rejet de la demande d’asile. Le partage des informations est d’autant plus logique et indispensable que les décisions sont liées les unes aux autres : décision sur le fond de la demande, hébergement dans le dispositif dédié, versement de l’ATA, droit au séjour.

c. Mieux lutter contre les demandes d’asile multiples sous identités différentes

Certaines pratiques abusives amènent des personnes à effectuer des demandes d’asile en différents points du territoire ou sous des identités différentes, en brûlant les extrémités de leurs doigts de manière à déjouer la reconnaissance par le système Eurodac. Il semble que de telles pratiques soient assez courantes, et qu’elles permettent la fraude à l’allocation temporaire d’attente.

Déjouer ce type de fraude repose aujourd’hui sur la perspicacité des agents des services des préfectures, mais il conviendrait de rechercher un système d’identification complémentaire pour les cas où la prise d’empreinte serait inopérante. Il conviendrait de considérer, dans le cadre européen notamment, comment les nouvelles méthodes biométriques comme la reconnaissance de l’iris ou la morphologie de la main pourraient suppléer la prise d’empreintes dans ces cas particuliers mais semble-il assez fréquents.

Proposition n° 3 : Accélérer et moderniser le traitement des dossiers par les préfectures :

– effectuer la prise d’empreintes du demandeur et leur confrontation à la base européenne Eurodac dès le premier contact avec les services de la préfecture ;

– pour les demandeurs d’asile en procédure normale, aligner la durée de validité de l’autorisation provisoire de séjour sur la durée de la procédure d’instruction de la demande d’asile. Instaurer une carte informatisée comportant les informations relatives à la situation du demandeur d’asile parmi lesquelles l’actualisation de son droit au séjour sur le territoire.

3. Adapter le référentiel des prestations réalisées lors du premier accueil

Une plus grande rapidité de traitement de la phase de premier accueil aura pour effet d’adresser plus rapidement les personnes admises à présenter leur demande d’asile vers les structures d’hébergement. C’est donc là que s’effectuera l’essentiel de l’accompagnement comme l’accompagnement social et de santé, la scolarisation des enfants, le suivi du dossier de demande d’asile.

Le rôle du lieu unique d’accueil sera centré sur les premières démarches à effectuer, sur la mise en place d’un hébergement et sur la détection de la vulnérabilité, nouvelle obligation instituée par le droit européen.

Dans ce nouveau contexte, il faudra simplifier et délivrer rapidement l’ensemble des informations, par exemple lors de la première visite du demandeur d’asile au lieu d’accueil.

Le référentiel des onze prestations devra alors être revu et adapté car les prestations qui y sont décrites seront en réalité partagées entre le lieu unique d’accueil et la structure d’hébergement à laquelle le demandeur sera adressé.

Les missions devront être actualisées en incluant la détection de la vulnérabilité éventuelle du demandeur d’asile, prévue par le droit européen.

Le référentiel modifié devra être complété par un référentiel de coûts, sur le modèle de celui élaboré pour les prestations d’hébergement et d’accompagnement et auquel doivent satisfaire les opérateurs gérant des CADA.

Proposition n° 4 : Adapter et compléter le référentiel de prestations pour l’accueil du demandeur d’asile :

– adapter le référentiel de prestations pour l’accueil du demandeur d’asile afin de répartir ces prestations entre le lieu unique d’accueil et la structure d’hébergement. L’élargir à la détection de la vulnérabilité éventuelle du demandeur ;

– compléter ce référentiel par un référentiel de coûts.

4. Mettre en place la détection de la vulnérabilité

La directive « accueil » révisée en 2013 prévoit que les États membres devront tenir compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine. »

Lorsqu’une personne sera considérée comme vulnérable, il devra être tenu compte de ses besoins particuliers en matière d’accueil pendant toute la durée de la procédure d’asile, et sa situation devra faire l’objet d’un suivi approprié.

L’énumération faite par l’article 21 de la directive, cité ci-dessus, conduit à considérer qu’il y a aura deux types de vulnérabilité. Le premier comptera des personnes objectivement vulnérables, que la loi de transposition devra énumérer : les mineurs, les femmes enceintes, les personnes handicapées (vulnérabilité à caractère social). Le second type de vulnérabilité ne sera pas détectable au premier abord, comme celle des victimes de traite et de mutilations, les victimes de torture ou de violences.

La détection de ces formes de vulnérabilité supposera un examen médical mais aussi éventuellement psychologique, et un entretien suffisamment approfondi pour que la personne accepte de se confier.

La détection de la vulnérabilité peut faire partie des missions de l’OFII, qui pourra s’appuyer sur les médecins, infirmiers et radiologues qui assurent déjà les visites et contrôles médicaux obligatoires dans le cadre des procédures d’entrée sur le territoire et d’immigration.

Ainsi que l’a souligné M. Yannick Imbert, directeur général de l’OFII, cette mission peut logiquement être confiée aux 208 médecins travaillant déjà pour l’OFII, et assurant 200 000 visites médicales par an. Cependant, la charge supplémentaire occasionnée suppose de réfléchir à une modernisation des règles régissant les contrôles médicaux passés par les étrangers : pourraient ainsi être supprimées les visites médicales pour les étudiants, les salariés étrangers des entreprises installées en France, les personnes hautement qualifiées venant s’installer en France pour des motifs professionnels.

Il conviendra de définir si la visite médicale devra avoir un caractère systématique (elle n’est actuellement obligatoire que pour les personnes entrant en CADA), ou bien si elle devra être réservée aux personnes pour lesquelles les premiers entretiens réalisés par l’agent de l’OFII aura détecté un risque de vulnérabilité.

L’évaluation des situations de vulnérabilité doit en tous les cas être effectuée par des professionnels formés. Il conviendra aussi de préciser que les informations recueillies ne pourront être communiquées aux organismes en charge de l’accueil qu’avec le consentement de la personne : la confidentialité des informations médicales doit rester le principe.

Proposition n° 5 : Confier la détection de la vulnérabilité éventuelle du demandeur d’asile, lors du premier accueil, aux médecins de l’OFII, en organisant à cette fin un plateau technique de médecins, intégré au lieu unique d’accueil des demandeurs d’asile ou situé à proximité.

D. RÉINTRODUIRE L’INTERVENTION D’UN AGENT DE PROTECTION DÈS LE DÉBUT DE LA PROCÉDURE

La directive européenne du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale comporte, dans son article 31, une extension importante des cas dans lesquels la demande d’asile pourrait être traitée en procédure « accélérée », les conséquences sur notre droit en seront examinées dans la partie III du présent rapport.

La détermination de la procédure applicable par le service régional d’immigration et d’intégration de la préfecture est depuis longtemps l’objet de critiques tant de la Commission nationale consultative des droits de l’homme que de plusieurs associations d’aide et de soutien aux demandeurs d’asile. L’extension de cette mission à la suite de la transposition de la directive ne pourra que nourrir davantage ces critiques, qui portent sur la confusion de la forme et du fond entretenue par les modalités françaises de détermination de la procédure applicable.

La question se pose de l’introduction d’un représentant de l’OFPRA à ce stade de la procédure, afin d’apporter davantage de garanties pour les personnes et de gagner en efficacité, grâce à la compétence et à l’éventuelle spécialisation de l’agent de protection. On peut souligner que l’intervention de l’Office s’exerçait plus en amont avant la réforme de l’asile effectuée par la loi du 26 août 1993.

Dans le cas de lieux uniques d’accueil à caractère interrégional, ou à caractère régional mais situés dans des régions fortement concernées par la demande d’asile, il pourrait être envisagé de prévoir une antenne de l’OFPRA ou une mission foraine, ou encore un rendez-vous périodique en visioconférence. Les agents de protection pourraient donner un avis dans de brefs délais pour certaines demandes plus complexes ou exigeant une meilleure connaissance géopolitique du pays d’origine du demandeur.

La directive permet par exemple de traiter la demande de manière accélérée si le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées du pays d’origine, ce qui rend sa demande peu convaincante quant à sa qualité de bénéficiaire d’une protection internationale.

Il paraît difficile de se prononcer de cette manière sur une demande d’asile pour un agent non averti des situations politiques ou des conflits régionaux.

Proposition n° 6 : Prévoir un accès à l’OFPRA dans le lieu unique d’accueil du demandeur d’asile, en y instituant une antenne, une mission régulière ou une consultation périodique en visioconférence d’agents de protection, afin de répondre aux demandes d’avis qui pourraient être adressées par les agents de la préfecture en charge de la détermination de la procédure applicable.

E. MIEUX APPLIQUER LES PROCÉDURES PARTICULIÈRES

Le groupe de travail a pris connaissance avec intérêt de deux procédures dérogatoires aux règles communes d’enregistrement de la demande d’asile qui méritent quelques développements en vue de possibles améliorations : la première est celle de l’asile à la frontière qui s’applique aux demandeurs maintenus en zone d’attente et la seconde est dite procédure Dublin du nom du règlement communautaire qui détermine les règles de compétences entre les différents États de l’Union européenne dans ce domaine.

1. Redonner un sens à la procédure d’asile à la frontière

L’article L. 221-1 du CESEDA prévoit qu’un étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui demande son admission au titre de l’asile peut être maintenu en zone d’attente pendant le temps strictement nécessaire à un examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée.

Cet examen touchant au fond du dossier, c’est l’OFPRA qui l’assume et qui rend un avis sur le caractère manifestement infondé de la demande. Au vu de cet avis, le ministre en charge de l’immigration délivre ou non une autorisation d’entrée sur le territoire afin de permettre au demandeur de procéder au dépôt de son dossier dans les conditions de droit commun auprès des préfectures.

L’examen de l’activité en 2012 et 2013 montre que ce schéma est très théorique et qu’il ne correspond pas à la réalité de la pratique constatée sur le terrain.

En 2012, 2 226 demandes d’entrée sur le territoire au titre de l’asile ont été enregistrées à la frontière, essentiellement à l’aéroport de Roissy. Ce chiffre était le plus bas depuis 2004 après un pic à plus de 5 000 demandes en 2008. Il a encore baissé en 2013.

Parmi ces personnes, 12 % (272) n’ont pas pu être entendues par l’OFPRA dans le délai de 96 heures en zone d’attente et ont donc été libérées par le juge des libertés et de la détention. Ce taux d’évaporation était de 23 % en 2011, il aurait encore baissé en 2013. D’après le directeur central de la police aux frontières entendu par le groupe de travail, cette évaporation pourrait résulter d’une insuffisance des astreintes de l’OFPRA le week-end à Roissy, point d’entrée qui concentre l’essentiel des demandes.

Sur les 1 954 personnes entendues ayant présenté leur demande, l’OFPRA en a reconnu 255 comme non manifestement infondées et 1 699 comme manifestement infondées et qui ont donc fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.

Plus de 80 % d’entre elles (1 394) ont malgré tout été autorisées à entrer, soit sur décision du juge des libertés et de la détention, soit sur décision du juge administratif, soit sur décision du ministre en charge de l’immigration (constat d’un refus d’embarquement, d’une hospitalisation, d’une impossibilité de procéder au réacheminement) et se sont vues délivrer un sauf conduit pour se rendre dans la préfecture de leur choix afin de présenter leur demande d’asile.

Le filtre réellement exercé par cette procédure est donc très relatif puisque seulement moins de 14 % des postulants à l’asile (305 sur 2 226) ont été effectivement empêchés d’entrer sur le territoire et de déposer une demande d’asile alors qu’au moins 76 % d’entre eux avaient présenté des demandes considérées comme manifestement infondées par l’OFPRA (1 699 sur 2 226). Les chiffres communiqués pour 2013 ne permettent pas une analyse aussi détaillée mais présentent des proportions comparables.

L’analyse de la jurisprudence faite par le service de l’asile montre que le législateur pourrait clarifier la rédaction du CESEDA (article L. 222-3) s’il souhaite remédier à cette situation qui affaiblit considérablement cette procédure :

« Le contrôle du juge judiciaire s’exerce indépendamment de la légalité de la décision de refus d’entrée du ministre.

Ainsi, le juge judiciaire peut mettre fin au placement en zone d’attente notamment pour des motifs liés à la procédure diligentée lors de la notification du refus d’admission sur le territoire à l’arrivée de l’étranger (recours à l'interprétariat par téléphone non justifié, garanties de représentation, défaut de preuve suffisante de l'avis au parquet, défaut de bénéfice du jour franc, délai jugé excessif entre le contrôle et la notification des droits, défaut de fourniture du règlement intérieur de la zone d'attente au tribunal, défaut de preuve de la lecture des droits, durée trop courte de la notification des droits) mais également s’il considère que l’administration n’a pas fait toute diligence pour mettre en œuvre le réacheminement de l’étranger.

Bien que le 3ème alinéa de l’article L. 222-3 du CESEDA précise que l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente, près de 22 % des étrangers placés en zone d’attente ont été libérés sur ce motif en 2013 ».

Proposition n° 7 : Redonner du sens à la procédure d’asile à la frontière :

– renforcer les astreintes de l’OFPRA à Roissy le week-end ;

– clarifier la rédaction du CESEDA sur les conditions de prolongation du maintien en zone d’attente.

2. Appliquer la procédure Dublin et améliorer le taux de transfert vers nos partenaires de l’Union européenne

Le règlement Dublin III en date du 26 juin 2013 d’application directe depuis janvier 2014 organise la procédure de détermination de l’État responsable d’une demande d’asile au sein de l’Union européenne et le transfert du demandeur vers cet État. Il aménage à la marge le système jusqu’ici en vigueur et qui repose sur le premier règlement du Conseil en date du 18 février 2003.

Le règlement est fondé sur le principe de la responsabilité d’un seul État membre pour l’examen d’une demande d’asile présentée sur le territoire de l’Union européenne. L’un de ses objectifs est d’éviter l’itération des demandes auprès de plusieurs États membres, phénomène souvent décrit comme l’« asylum shopping ».

Le règlement couvre en particulier le droit à l’information, les entretiens, les garanties procédurales, les critères de détermination, les procédures de prise/reprise en charge, les recours, la rétention ou encore les échanges d’informations entre États membres.

L’application pratique du règlement repose notamment sur Eurodac, qui est un système informatisé permettant la comparaison des empreintes digitales afin de vérifier si le demandeur a déjà présenté un dossier dans un autre pays ou si sa demande relève d’un autre pays pour d’autres raisons.

La base de données regroupe les empreintes des demandeurs d’asile et celles des personnes appréhendées lors du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure. Lorsqu’une personne dépose une demande d’asile à la préfecture, en rétention ou en zone d’attente, ses empreintes digitales sont relevées et comparées avec celles contenues dans la base de données Eurodac. En cas de résultat positif, le demandeur est placé en procédure Dublin, c'est-à-dire que la demande d’asile n’est pas transmise à l’OFPRA et qu’une demande de prise en charge, ou de reprise en charge si une demande d’asile a déjà été déposée au sein de l’Union européenne, est adressée à l’État compétent.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce système fonctionne très mal dans notre pays car les préfets rencontrent de nombreuses difficultés dans son application pratique.

Lors de leur déplacement à Dijon, les membres du groupe de travail ont été informés par la préfecture de certaines tentatives d’échapper à Eurodac en rendant illisibles les empreintes, soit en les enduisant de colle, soit en les brûlant avec de l’acide. Certaines bornes Eurodac parviennent néanmoins à lire des empreintes légèrement abîmées ; dans le cas contraire, les demandeurs sont classés en procédure prioritaire au titre de la fraude délibérée.

Au-delà de ces cas extrêmes qui concernent certains demandeurs au profil bien identifié (ressortissants de pays de la corne de l’Afrique), les difficultés se posent dès lors que le demandeur est informé du résultat positif du relevé de ses empreintes et de l’engagement de la procédure Dublin. Le service de l’asile fait état de nouveaux comportements de la part des demandeurs : disparition dès la notification du refus de séjour jusqu’à l’expiration du délai de transfert (qui est de six mois à compter de l'accord de l’État membre, prolongeable jusqu’à dix-huit mois si le demandeur d'asile a pris la fuite), multiplication des recours, famille incomplète au moment du transfert.

Les statistiques illustrent ce phénomène : ainsi les cas de prolongation des délais de transfert sont passés de 280 (15 %) en 2007 à 1 504 (41 %) en 2013, et le taux de transfert vers le pays de première entrée a chuté de 45 % en 2007 à 16,80 % en 2013 soit (pour les 11 premiers mois) un peu plus de 600 transferts effectifs (principalement à destination de l’Italie, de la Belgique, de la Pologne et de l’Allemagne) pour 3 600 accords de transfert de la part de nos partenaires européens.

À l'expiration de ce délai prolongé, le demandeur d'asile sous procédure Dublin réapparaît et se présente une nouvelle fois en préfecture pour solliciter l'asile, et cette demande ne peut alors être traitée qu’en procédure normale.

TRANSFERT DES DEMANDEURS D’ASILE VERS UN AUTRE ÉTAT MEMBRE RESPONSABLE DE L’INSTRUCTION DE LA DEMANDE

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013
(11 mois)

               

Accords

1 843

2 641

3 430

3 340

2 847

3 555

3 600

Transferts

826

783

1 010

883

487

598

606

Délais de transfert prolongés

280

383

462

891

809

1 100

1 504

               

Taux transferts

44,82 %

29,65 %

29,45 %

26,44 %

17,11 %

16,82 %

16,83 %

Taux délais prolongés

15,19 %

14,50 %

13,47 %

26,68 %

28,42 %

30,94 %

41,78 %

Source : Direction générale des étrangers en France, Service de l’asile

Les préfets rencontrent également des difficultés dans l’organisation des transferts, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de familles, qui ne peuvent être placées en centre de rétention administrative. L’assignation à résidence est privilégiée, en vertu de la circulaire du 6 juillet 2012, mais les demandeurs d’asile ou quelques membres de la cellule familiale ont souvent disparu lorsque les forces de police se présentent à leur lieu d’hébergement le jour du départ.

Par ailleurs, les demandeurs d’asile sollicitent de plus en plus un droit au séjour en raison de leur état de santé, du fait de la porosité des procédures déjà décrite, et plus particulièrement dès la notification par le préfet de la décision de transfert. Même si le règlement Dublin prévoit l'échange de données médicales entre États membres afin de permettre un accueil adapté à la pathologie du demandeur d'asile, certains juges administratifs enjoignent aux préfets de délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le territoire français à ce titre.

Le nouveau règlement dit « Dublin III », applicable depuis le 1er janvier 2014, devrait permettre aux États membres d’échanger des imprimés spécifiques comportant les données médicales du demandeur ainsi que des éléments permettant le transfert des personnes particulièrement vulnérables en toute sécurité, dans le délai prolongé de six mois. Les rapporteurs espèrent que ces nouveaux éléments convaincront les juges administratifs du bien-fondé de ces transferts et de leur régularité juridique.

Il convient de souligner que nos principaux partenaires européens – la Belgique, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume Uni, la Suède et la Suisse – ont des conditions d'accueil plus contraignantes pour les demandeurs d’asile sous procédure Dublin et obtiennent de ce fait un taux de transfert de 53 % (Norvège) à 82 % (Pays Bas) vers la France. L’enjeu est loin d’être négligeable puisqu’il porte sur 3 000 demandes par an que la France est amenée à traiter alors qu’elles relèvent de nos partenaires.

Proposition n° 8 : Utiliser toutes les potentialités du règlement Dublin III, notamment en matière d’échange de données médicales, afin d’améliorer le taux de transfert vers nos partenaires de l’Union européenne.

II. ASSURER UN HÉBERGEMENT ET UN ACCOMPAGNEMENT ADAPTÉS AUX DEMANDEURS D’ASILE

Conformément à la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, la France a mis en place un Dispositif national d'accueil (DNA) permettant d’accueillir les demandeurs de protection internationale pendant toute la durée de leur procédure. Ce dispositif doit répondre aux exigences formulées par la directive, et doit à ce titre « garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et à assurer la subsistance des demandeurs ».

Ce dispositif repose à titre principal sur un hébergement accompagné dans des Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Ce parc de places, qui souffre d’une insuffisance chronique, est complété par un dispositif d’accueil d’urgence géré au niveau déconcentré (HUDA), comportant un hébergement et le versement de l’allocation temporaire d’attente (ATA), d’un montant de 11,35 euros par jour en 2014, versée aux seuls adultes. Un dispositif d’accueil temporaire géré au niveau national par le service de l’asile a été ajouté en 2012, l’AT-SA.

Le dispositif global a bénéficié d’une extension continue de ses capacités à partir de la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2003. Malgré cela, l’augmentation de près de 50 % de la demande entre 2008 et 2011 (après une réduction au cours des années précédentes), associée à l’allongement du délai global de traitement des dossiers, a entraîné sa saturation.

Le schéma suivant montre le décalage entre la progression du nombre des demandeurs d’asile et les capacités d’hébergement dédiées disponibles. Il montre aussi la part élevée qui a été prise par l’hébergement d’urgence dans l’accueil et la mise à l’abri des demandeurs d’asile.

Source : 2ème étude ciblée sur l'organisation des structures d'accueil pour demandeurs d'asile en France, Point de contact français du Réseau européen des migrations, septembre 2013.

Comme l’admission au séjour et le premier accueil, le pilotage de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile a fait l’objet d’une régionalisation à partir de la circulaire du 24 mai 2011, dans le but de réduire la concentration des publics dans les départements « points d’accueil » et de remédier aux problèmes posés par la saturation des capacités.

Le système actuel d’accueil et d’hébergement, malgré les efforts accomplis en termes de progression des capacités, a laissé s’installer une inégalité de traitement entre les demandeurs, en fonction de leur accès ou non au dispositif dédié : un demandeur hébergé en CADA bénéficie d’un accompagnement pour la préparation de sa demande d’asile et le suivi de son dossier, et aurait, selon les associations gestionnaires, plus de chance de la voir aboutir qu’un demandeur resté à l’extérieur du dispositif dédié. Il est toutefois difficile, selon l’OFII, d’étayer cette assertion, le taux de reconnaissance résultant d’une multitude de facteurs, comme la nationalité des hébergés ou les modalités d’arrivée sur le territoire, bien que le facteur tenant à la qualité de la prise en charge puisse également jouer un rôle.

Le modèle du CADA, qui prévoit l’hébergement et l’accompagnement juridique et social dans un même lieu, doit constituer le pivot de l’hébergement proposé par l’État, et doit être accessible dès le dépôt de la demande d’asile, pour les personnes qui ont besoin d’être hébergées.

Pour les demandeurs d’asile hébergés chez un tiers, car même une bonne extension des capacités ne conduira probablement pas à l’hébergement de tous les demandeurs, l’accès à l’accompagnement juridique et social doit être possible dans une certaine proximité.

Formuler une telle exigence appelle à rebâtir un système d’accueil construit autour de lieux d’hébergement et d’accueil servant de point d’accompagnement pour les demandeurs non hébergés présents dans la commune ou dans le département.

A. METTRE EN PLACE UNE PROGRAMMATION RÉALISTE DES CAPACITÉS DES CENTRES D’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE

Le dispositif d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile a bénéficié d’investissements continus de la part de la puissance publique depuis le début des années 2000, pour faire face à l’afflux de personnes en demande d’asile lors de « pics » constatés à la suite, notamment, de conflits comme celui de l’ex-Yougoslavie. La capacité du dispositif global était d’environ 15 000 places en 2005 : elle a progressé pour atteindre 41 700 places à la mi-2013.

Pourtant, les demandeurs d’asile hébergés ne représentaient en 2013 que les deux tiers du total. Ainsi, en juin 2012, on pouvait constater que 33 % des demandeurs n’avaient pas sollicité ou pas obtenu d’hébergement.

De plus, les hébergements dédiés aux demandeurs d’asile sont concentrés dans certaines régions et villes du territoire français, situés à proximité des préfectures de région qui sont souvent les points d’entrée dans la procédure.

1. Une capacité d’hébergement dédiée encore insuffisante malgré les efforts réalisés

Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) sont des établissements sociaux dont la gestion et la tarification sont régies par le code de l'action sociale et des familles. Les résidents y bénéficient d'un encadrement sur la base d’un agent à temps plein pour 10 à 15 personnes ; taux qui répond aux dispositions du décret n° 2013-113 du 31 janvier 2013 relatif aux conventions conclues entre les centres et l’État. Dans ces centres, au nombre de 264, il est apporté aux personnes hébergées une aide administrative et juridique relative à la procédure d'asile, un suivi social notamment en termes de santé et de scolarisation des enfants, mais également des activités et des sessions collectives d'information ou de « gestion de l'attente ».

a. La progression régulière des capacités d’accueil depuis 2001

Il avait été prévu, dans la loi de programmation pour la cohésion sociale adoptée en 2003, de porter à 20 000 places la capacité d’accueil en CADA en 2007, soit un quadruplement par rapport aux capacités de 2003. Par la suite, l’extension des capacités a été freinée, la priorité ayant été donnée à l’extension des capacités d’hébergement d’urgence. Ce n’est qu’en 2012 que la décision a été prise par le nouveau Gouvernement d’ouvrir à nouveau un nombre significatif de places de CADA.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PLACES DE CADA DE 2007 À 2014

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014*

19 410

20 410

20 410

21 330

21 410

21 410

23 369

25 410

* En prévision

Source : OFII

Ces places seront, à terme, réparties dans 268 CADA. Au 31 décembre 2013, 22 890 personnes y étaient hébergées, soit un taux d'occupation de 98 % des capacités. Le Dispositif national d’accueil compte également 246 places en centres de transit et 33 places au centre d'accueil et d'orientation pour les mineurs isolés demandeurs d'asile (CAOMIDA).

Le tableau suivant décrit l'évolution du nombre d'admissions en CADA et celle du nombre de sorties depuis 2010.

 

Admissions

Durée moyenne de séjour en CADA

Délai de sortie (bénéficiaires d'une protection internationale)

Délai de sortie (déboutés)

2010

12 745

586 jours, soit 19,5  mois

165 jours, soit 5,5 mois

116 jours, soit 3,8 mois

2011

12 808

587 jours, soit 19,5  mois

158 jours, soit 5,2 mois

101 jours, soit 3,3 mois

2012

13 483

576 jours, soit 19,2  mois

163 jours, soit 5,4 mois

103 jours, soit 3,4 mois

2013

14 831

562 jours, soit 18,7  mois

170 jours, soit 5,5 mois

115 jours, soit

3,8 mois

Source : Service de l’asile, Ministère de l’Intérieur

Les bénéficiaires d’une protection internationale peuvent demeurer en CADA pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois, après la notification de l'obtention de leur statut. Les gestionnaires des CADA sont tenus d’organiser la sortie des personnes qui ne sont plus éligibles à cet hébergement dans ces délais. Pourtant, organiser la sortie est souvent très difficile, soit parce que la personne qui a obtenu la protection internationale se heurte à de grandes difficultés pour trouver un logement, soit parce qu’il faut trouver à la personne déboutée de la demande d’asile un hébergement d’urgence.

Aussi, parmi les personnes hébergées en CADA, une part évaluée entre 8 et 9 % est constituée de réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire. Les statistiques montrent que le premier délai pour la sortie est en moyenne dépassé de deux mois : les gestionnaires de centres connaissent de toute évidence de grandes difficultés pour diriger le réfugié vers un logement. Les auditions tenues par les rapporteurs ont confirmé le fait que les réfugiés se trouvent souvent dans les structures d’hébergement d’urgence généralistes, et même dans les lieux de simple mise à l’abri.

Une partie des réfugiés se trouvent donc en présence indue : cette proportion s’est réduite au cours des dernières années, passant de 4 % en 2007 à 1,6 % à la fin 2013.

Par contre, le taux de présence indue des personnes déboutées de la demande d’asile reste plus élevé : il était de 7,5 % en 2007, et est de 6 % en 2013.

b. Les coûts des centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont été rationalisés grâce à un référentiel depuis 2012

Le prix de journée moyen national des CADA est de 24,43 euros par personne hébergée en 2013, pour un budget global de 190 millions d’euros. Les centres sont gérés par des associations ou par la société d’économie mixte Adoma. Le coût moyen de référence est établi par agrégation des prix des places de CADA, des places de transit et du centre d’accueil et d’orientation des mineurs isolés demandeurs d’asile (CAOMIDA).

Ce budget comprend l’hébergement, l’allocation mensuelle de subsistance et l’accompagnement social et administratif. Le montant de l’allocation mensuelle de subsistance varie selon le mode de restauration proposé par le CADA (collective, individuelle ou mixte).

Le budget alloué aux CADA a subi une baisse de 8 % sur la période triennale 2011-2013.

Afin de répercuter les baisses de crédits de manière raisonnée, et non de façon uniforme, un référentiel de coûts par prestation a été élaboré en 2011.

Il a amélioré la visibilité des coûts réels des prestations des CADA, et a permis de prendre en compte la diversité de situations des centres et des populations accueillies. Ce référentiel permet d'identifier les coûts cibles par prestation à atteindre en fonction de la structure des CADA et de la population hébergée. Une étude de coûts a ensuite été réalisée, en 2012, qui a permis l’élaboration d’un nouvel outil de simulation budgétaire.

Ainsi, les répartitions régionales et départementales de crédits pour 2013 et 2014 ont pu être faites sur des données de référence objectives, et manière plus équitable, selon le Service de l’asile.

c. La répartition des places de centres d’accueil pour demandeurs d’asile sur le territoire ne correspond pas à la polarisation de la demande d’asile sur certaines régions

La répartition des places d’hébergement sur le territoire n’a pas suivi l’importance des flux des demandeurs. Ainsi par exemple, 16,5 % des places en CADA et 2 % des places en centres collectifs d’hébergement d’urgence (soit respectivement 3 531 et 53 places) sont situées en région parisienne, alors que cette région attire, en 2013, 36 % des demandes d’asile. Cette situation n’est pas nouvelle puisque qu’en 1995, 62 % des demandeurs d’asile se présentaient en région parisienne.

Le rapport de la mission d’inspection de 2013 indique à titre d’exemple que 16 050 demandeurs d’asile résidant en Ile-de-France étaient en attente d’une place de CADA en février 2013, soit 52,6 % du total des demandeurs en attente d’une place. Étant donné que la capacité en places d’hébergement d’urgence financées par le programme 303 est de 3 784, il est facile de constater que le différentiel est très important (12 266 places), différentiel qui doit être comblé par l’hébergement en chambres d’hôtel.

La situation est moins déséquilibrée en région Rhône-Alpes, avec 12,6 % des demandes et 11,8 % des capacités d’hébergement. Cette situation va se dégrader car cette région a connu une augmentation de plus de 25 % des demandes au cours des trois dernières années.

À l’échelon régional, il a été constaté que la régionalisation de l’accueil avait concentré les flux de personnes vers les chefs-lieux de région, ou les autres villes points d’entrée dans la procédure. Dans ces villes, les dispositifs de prise en charge dédiés ont été saturés à partir de 2011, puis il en a été de même de l’accueil et de l’hébergement de « droit commun ».

Malgré le recours à ce dernier type d’hébergement, un tiers des demandeurs d’asile ne sont pas hébergés par les dispositifs publics, soit qu’ils soient en attente d’accéder à un CADA, soit qu’ils n’aient pu, ou n’aient voulu, accéder à un hébergement.

Le tableau suivant montre la répartition des demandeurs d’asile entre les différents types d’hébergement et fait apparaître la part des personnes non prises en charge dans un dispositif public.

LA RÉPARTITION DES DEMANDEURS D’ASILE ENTRE LES DIFFÉRENTS TYPES D’HÉBERGEMENT (*)

 

2 011

2012

2013

 

(31déc.) 

(31 déc.)

(30 juin)

Nombre de demandeurs d’asile en cours de procédure

53 153

54 322

59 327

Nombre de demandeurs d’asile hébergés en CADA

16 166

18 330

19 008

% de demandeurs éligibles à un hébergement en CADA effectivement hébergés en CADA

30,41 %

33,7 %

32 %

Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 303) - Déclaratif

Env.

19 500

Env. 20 637

Env.

21 898

Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 177) - Déclaratif

n.d.

n.d.

n.d.

% de demandeurs d’asile hébergés dans un dispositif financé par l’État/demandeurs d’asile en cours de procédure

67 %

71,7 %

69 %

% de demandeurs d’asile n’ayant pas obtenu un hébergement ou ne l’ayant pas sollicité

33 %

28,3 %

31 %

Source : Ministère de l’Intérieur

(*) Les chiffres ci-dessus sont à analyser avec précaution, notamment en raison du fait que, parmi les demandeurs d’asile, les différences de statut (procédure normale, procédure Dublin, procédure prioritaire) ouvrent droit à différentes modalités de prise en charge que l’approche globale ne permet pas de prendre en compte. Par ailleurs, les données sont évolutives avec la demande d’asile et certaines sont déclaratives.

Cet état de fait montre que les tentatives de réorientation des demandeurs d’asile vers des régions moins soumises à la pression ne sont guère efficaces.

La première est un système de péréquation nationale consistant à réserver 30 % des places de CADA, dans les zones moins chargées, à des demandeurs arrivés dans les zones saturées : ce report des personnes ne s’est effectué que de façon marginale, et il semble que les préfets n’aient pas « joué le jeu », leur réticence reflétant peut être celles des élus locaux.

Cet objectif n'a donc pas été atteint, puisque le nombre d'orientations effectuées par le niveau national a représenté 11,2 % du total des orientations au premier semestre 2013 (contre 20,2 % à la même période en 2012).

La seconde est le dispositif AT-SA pour lequel les orientations sont faites au niveau central par l’OFII, grâce à l’application DN@. La réorientation dans ce cadre a fonctionné, mais elle ne porte que sur 2 160 places, ce qui n’est pas à la hauteur des difficultés.

Peu de régions ont réussi à mieux homogénéiser les flux sur leur territoire : seuls les exemples de la Picardie et de Rhône-Alpes peuvent être cités, la tentative la plus aboutie étant constatée dans la première de ces régions.

Les rapporteurs déduisent de cet échec qu’il est nécessaire d’être plus volontariste dans la répartition géographique de la prise en charge des demandeurs d’asile.

d. Le nouveau programme d’extension des capacités décidé en 2012 poursuit l’objectif d’une meilleure répartition sur le territoire

En 2012, le Gouvernement a décidé la création de 4 000 nouvelles places de centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), et il a été demandé aux préfets, par la circulaire du 9 novembre 2012, d’initier des procédures d'appels à projet départementaux pour la création de ces nouvelles places.

Dans 70 départements, 151 projets, représentant 5 371 places potentielles, ont été déposés. La sélection nationale a permis de retenir 69 projets pour un total de 2 047 places, augmentant ainsi le parc national de 9,7 %. Cependant 24 départements n’ont présenté aucun projet soit parce qu'ils ne souhaitaient pas étendre leur parc de CADA, soit parce qu'ils n'ont reçu aucune candidature d’opérateur.

L'objectif de déconcentration du parc existant a été recherché de manière à rééquilibrer l'offre d'hébergement sur le territoire, et à favoriser un système de péréquation nationale de la prise en charge des demandeurs d'asile. L’objectif de la sélection nationale était en premier lieu de déconcentrer les capacités d’hébergement des régions soumises à une forte pression vers les régions peu sollicitées et peu dotées afin d’équilibrer l’offre au niveau national.

C’est ainsi que la quasi-totalité des projets présentés dans des territoires considérés comme prioritaires, tels que la Basse-Normandie, la Champagne-Ardenne, le Limousin, Poitou-Charentes, a été retenus. Ont également été retenus nombre de projets en Aquitaine, en Auvergne, en Bourgogne, en Bretagne, dans le Centre, en Languedoc-Roussillon, en Midi-Pyrénées, en Pays de Loire et en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA).

Toutefois, le résultat de la sélection effectuée conserve de manière relativement égale les grands équilibres de répartition de places entre opérateurs mais également entre les régions.

Une nouvelle circulaire a été prise le 5 avril 2013 concernant les appels à projets départementaux pour la création de 2 000 nouvelles places de CADA, dont 1 000 devraient être ouvertes en avril 2014 et 1 000 autres en décembre 2014. Des appels à projets ont été lancés dans plus de 35 départements, dont 23 des 31 départements listés prioritaires par cette circulaire.

Le parc total sera donc constitué de 25 656 places à la fin 2014.

2. Atteindre l’objectif d’une capacité de 35 000 places de centres d’accueil pour demandeurs d’asile en 2019

Le dispositif d'accueil n’héberge actuellement qu'un tiers environ des demandeurs d’asile. Les deux autres tiers sont en attente de place, et une partie d’entre eux ne sera jamais hébergée dans ce dispositif, car le délai moyen d'obtention d'une place dans les CADA a été de 12 mois en 2013, et a tendance à s’allonger ; 15 000 personnes étaient en attente urgente à la fin 2013, contre 12 000 à la fin 2012.

L’accès à un hébergement en CADA, pour le flux de primo-demandeurs entrant sur le territoire, est très limité, puisqu’il est seulement de 25,7 %. Cette proportion peine à progresser car le délai de sortie des personnes, après décision définitive, s’est accru en 2013. La proportion de familles parmi les nouveaux hébergés progresse : en 2013, 82,2 % des entrants sont des familles.

Le pourcentage de demandeurs d’asile hébergés en CADA constitue un indicateur de performance concourant actuellement à l’évaluation et au contrôle de la politique de l’asile. Le second indicateur porte sur la diminution du taux d’occupation indue des places de CADA.

Ces deux indicateurs de performance ont été renseignés de la manière suivante dans le projet de loi de finances pour 2014 :

INDICATEUR 6.1 : POURCENTAGE D’HÉBERGEMENT EN CADA DES DEMANDEURS D’ASILE EN COURS DE PROCÉDURE REMPLISSANT LES CONDITIONS D’ACCÈS À CET HÉBERGEMENT

Unité

2011 réalisation

2012 réalisation

2013 prévision PAP 2013

2013 prévision actualisée

2014 prévision

2015
cible

%

34.1

33.2

41

37

39

45

Source : PLF 2014 – DPT Politique française d’immigration et d’intégration

INDICATEUR 6.2 : POURCENTAGE DES PLACES DE CADA OCCUPÉES AU 31 DÉCEMBRE
PAR DES DEMANDEURS D’ASILE ET AUTRES PERSONNES AUTORISÉES

Unité

2011 réalisation

2012 réalisation

2013 prévision PAP 2013

2013 prévision actualisée

2014 prévision

2015
cible

%

90.2

89

90

90

91

92

Source : PLF 2014 – DPT Politique française d’immigration et d’intégration

La situation actuelle a pour conséquence un système « à deux vitesses » de prise en charge, avec un tiers des personnes bénéficiant de structures d’accompagnement qui leur apportent un hébergement stable et une aide efficace dans la procédure, tandis que d’autres, en hébergement d’urgence généraliste par exemple, ne recevront aucune aide spécialisée.

La réduction des délais de traitement, qui est l’un des objectifs du projet de loi en préparation et également un objectif essentiel pour les rapporteurs, devrait contribuer à améliorer l’accès aux CADA en résorbant le stock de demandes d’asile en cours, mais ne permettra pas à tous les demandeurs d’asile d’accéder aux CADA.

C’est pourquoi les rapporteurs sont convaincus que le dispositif d’hébergement dédié doit être développé pour atteindre une capacité de 35 000 places dans cinq ans, ce qui permettra d’unifier les conditions d’accueil. Considérant qu’un objectif d’accroissement des capacités a déjà établi à 25 410 places pour 2014, c’est environ 10 000 places qu’il faut ajouter au dispositif. Ainsi que l’envisage le rapport des inspections générales, ce but peut être atteint en assimilant les places d’AT-SA comme places de CADA, d’une part, et en créant une capacité nouvelle de 2 000 places chaque année, d’autre part.

Cet objectif de capacités nouvelles se fonde sur la simulation des besoins d’hébergement des demandeurs d’asile à l’horizon 2018, effectuées par les inspecteurs. Cette simulation est présentée dans le tableau suivant :

SIMULATION DES BESOINS D’HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE
À HORIZON 2018

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Flux de primo-arrivants (mineurs accompagnants inclus)

56 100

57 222

59 511

60 701

61 915

63 153

Flux de demandeurs sollicitant un hébergement

33 660

35 706

38 620

40 968

43 459

46 100

Source : Tableau de la mission (sur la base des données flux 2012 OFPRA)

Une telle capacité devrait permettre l’accueil de tous les demandeurs en procédure normale, et d’éviter le recours à l’hébergement d’urgence hôtelier assorti du versement de l’allocation temporaire d’attente.

Il sera très important de répartir ces nouvelles capacités sur l’ensemble du territoire, y compris dans les villes petites et moyennes, et sans exclure les zones rurales. Afin de garder un caractère budgétairement soutenable à cet investissement en nouvelles capacités, il est nécessaire de mobiliser le patrimoine immobilier vacant dans les zones détendues du territoire. Par exemple, il pourrait être fait usage des anciens foyers de travailleurs migrants, ou des logements sociaux dont 10 à 20 % des capacités restent disponibles dans de nombreuses zones.

Toutefois, un volant de places d’hébergement d’urgence devra être conservé pour héberger les personnes placées en procédure prioritaire ou « accélérée », qui devraient être plus nombreuses qu’aujourd’hui après la transposition de la directive, ou les demandeurs en procédure « Dublin ». Cette capacité devrait s’élever à 11 000 places selon l’évaluation prévisionnelle effectuée par la mission d’inspection.

Reste une question importante : de quelle manière est-il préférable de loger les personnes qui viennent d’arriver sur le territoire et qui sont en attente d’être orientées dans la procédure, puis, en fonction de celle-ci, dans un type ou un autre d’hébergement ?

Si les propositions des rapporteurs en matière de premier accueil venaient à être mises en œuvre, cette phase devrait être très rapide et ne pas dépasser quelques jours. En conséquence, l’hébergement du demandeur d’asile, pendant la phase d’orientation, devrait avoir lieu dans un hébergement collectif dédié, qui peut être un hébergement d’urgence, mais prévoyant pour ces personnes arrivantes un suivi particulier, dans la mesure où, si elles ne sont pas admises à présenter une demande en procédure normale, leur séjour sur le territoire doit en principe être bref, et il convient donc de préparer leur retour ou leur transfert dans l’État membre compétent pour examiner leur demande.

Proposition n° 9 : Faire des CADA le dispositif central de l’hébergement des demandeurs d’asile :

– renforcer la capacité du dispositif des CADA en fixant un objectif de 35 000 places. À terme, unifier les deux catégories actuelles d’hébergement – l’hébergement en CADA et l’hébergement d’urgence dédié – afin de faire bénéficier l’ensemble des demandeurs d’asile en procédure normale de conditions égales et équitables ;

– répartir les nouvelles capacités sur l’ensemble du territoire, y compris dans les régions rurales, afin de rééquilibrer efficacement l’accueil des demandeurs d’asile entre les différentes régions métropolitaines ;

– conserver un volant de places d’hébergement d’urgence d’environ 11 000 places pour héberger les personnes dont la demande fait l’objet d’une procédure prioritaire ou « accélérée », qui devraient être plus nombreuses qu’aujourd’hui, ou les demandeurs d’asile en procédure «  Dublin » ;

– prévoir des places avec un suivi particulier pour les personnes qui viennent d’arriver sur le territoire et vont voir leur situation évaluée par la plateforme d’accueil ou le futur lieu unique d’accueil.

B. ASSURER UNE MEILLEURE UTILISATION DES RESSOURCES GRÂCE À UN DISPOSITIF D’ORIENTATION DIRECTIVE DES DEMANDEURS

L’afflux des personnes et des demandes d’asile vers quelques territoires conduit à la saturation des services compétents comme des opérateurs et travailleurs sociaux chargés de l’accueil, et au dépassement des capacités d’hébergement avec le recours aux nuitées hôtelières et autres solutions de mise à l’abri temporaire. Ainsi, en 2010 par exemple, dans plusieurs départements, le préfet n’a pu mobiliser de nouvelles places d’hébergement d’urgence en raison de la saturation des capacités hôtelières, ce qui a entraîné l’installation de campings sauvages. Des référés ont alors été intentés par les demandeurs d’asile afin de faire condamner l’État pour n’avoir pu leur trouver un hébergement.

Les rapporteurs estiment indispensable d’adopter un système de répartition équilibrée des flux d’arrivée de personnes en fonction d’un schéma territorial fixe, prévoyant la répartition des demandeurs d’asile entre les régions, en fonction des capacités d’accueil qui seront développées. Le volume de personnes prises en charge par les territoires aujourd’hui peu sollicités sera amené à s’accroître, afin d’alléger les difficultés que rencontrent aujourd’hui les départements chefs-lieux qui sont les principaux points d’accueil. Cette répartition reposera sur une orientation des personnes dès leur première demande d’hébergement et de titre de séjour, car il est très difficile de réorienter une personne ou une famille qui ont déjà noué des liens sociaux dans la ville où ils ont déposé leur demande et séjourné.

1. Le dispositif d’hébergement DN@ constitue une première étape dans le pilotage et le suivi des demandeurs d’asile

Le système d’information, de gestion et de pilotage du dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile – le DN@ – a été mis en place en 2009 par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, afin de permettre le suivi des demandeurs d’asile hébergés en CADA et d’améliorer le pilotage du dispositif national d’accueil (5).

Ce système d'information inclut également, depuis le mois de janvier 2012, les 2 160 places d’hébergement d’urgence mises à disposition du niveau national par la société d'économie mixte Adoma. Le parc ainsi constitué est dénommé Accueil temporaire-Service de l'asile (AT-SA).

Le DN@ permet à l'OFII ainsi qu'au ministère chargé de l'asile d’être informés sur les taux d'occupation de ces structures d’hébergement, et également sur le taux de présence indue en CADA et en AT-SA. Le système permet enfin de connaître les personnes admises au séjour et qui sont en attente d’une place de CADA. Les informations sont accessibles aux services de l’État ainsi qu’aux gestionnaires de centres, qui doivent régulièrement renseigner les données d’occupation.

L’une des lacunes du système DN@ est l’absence des données relatives à l’occupation des structures d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile gérées au niveau déconcentré (les HUDA). C’est pourquoi, à la demande du Service de l’asile, l'OFII a expérimenté, à partir de 2012, une extension du DN@ aux personnes hébergées en HUDA. Les régions soumises à l'expérimentation étaient la Bretagne, la Franche-Comté, le Poitou-Charentes et le département du Nord. Des difficultés liées à l’absence de pilotage régional et uniformisé dans certaines régions, ou au manque de coopération de certains partenaires, ont été constatées. Néanmoins, l’expérimentation est apparue concluante puisque l’administration a décidé de la généraliser en 2014.

2. Confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration la réorientation du demandeur d’asile, en cas de saturation des capacités, vers une autre région

Le rapport Létard-Touraine prend position pour un dispositif d’orientation contraignant qui obligerait tout demandeur d’asile, dès l’expression de sa demande, à être hébergé dans un dispositif de type CADA. Il précise que le refus de ce lieu de résidence pourrait emporter refus d’octroyer l’hébergement et l’allocation financière de substitution. De plus, les personnes qui refuseraient de se plier à l’exigence formulée verraient alors leur demande d’asile instruites dans des délais restreints.

Les rapporteurs considèrent que le rôle de réorientation du demandeur d’asile vers une autre région pourrait être confié à l’OFII, dans le cadre de sa gestion du premier accueil des demandeurs d’asile.

L’OFII détient déjà un rôle important dans l’hébergement des demandeurs d’asile, puisqu’il les oriente et assure le suivi des entrées et sorties pour plusieurs types de centres, en premier lieu les CADA, mais aussi pour le dispositif AT-SA.

Enfin, l’OFII assure également le suivi des entrées et sorties des centres provisoires d'hébergement (CPH) ainsi qu’une partie des orientations vers ces centres, qui accueillent en principe des réfugiés ou des bénéficiaires d'une protection subsidiaire.

Adopter ce système piloté au plan national et à caractère directif suppose de disposer d’une application informatique pour orienter les arrivées de demandeurs d’asile vers les places disponibles. Le DN@ peut en être la base, en l’enrichissant d’un schéma de répartition des capacités d’hébergement sur l’ensemble du territoire métropolitain.

L’orientation directive est expressément prévue par la directive « accueil » de 2003, qui indique, dans son article 7, que les États membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d’accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Cette disposition autorise d’ailleurs certains États membres à prévoir une autorisation à résidence des demandeurs d’asile pendant le premier examen de leur situation et leur orientation en procédure.

Ce schéma directif doit bien sûr admettre la possibilité d’exceptions, par exemple dans le cas où la personne a été jugée vulnérable par les autorités d’accueil, et qu’elle nécessite un suivi médical spécifique.

La définition du schéma d’accueil et d’hébergement devra être soumise aux acteurs territoriaux, qu’il s’agisse du conseil départemental, qui connaîtra les répercussions de l’installation des demandeurs sous l’angle des mesures sociales ou de l’aide sociale à l’enfance. De même le maire doit être associé à la concertation sur l’installation de nouvelles capacités dans la commune.

Mettre en place un tel système d’orientation directive rend nécessaire une clarification législative, dans la mesure où le Conseil d’État, dans deux arrêts du 1er août 2013, a jugé que le droit à un hébergement opposable (Daho), institué par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, bénéficiait à un demandeur d'asile, alors même que ce dernier n'a pas préalablement sollicité un hébergement en CADA, dès lors que la commission départementale de médiation a estimé que ce demandeur d’asile faisait partie des personnes prioritaires (6).

3. Laisser au demandeur la faculté d’être hébergé par un tiers sans en être pénalisé

Tous les demandeurs ne sollicitent pas un hébergement. Ainsi, en 2011, 41 % des personnes primo-arrivantes éligibles à l’hébergement n’en avaient pas sollicité. Le rapport des inspections souligne que les demandeurs d’asile ont sollicité de façon croissante un hébergement effectif, ce que l’on peut constater par la diminution des refus d’hébergement, passés de 13 % en 2008 à 4,3 % en 2012. En 2013, 132 demandeurs d’asile seulement ont refusé la proposition d’admission dans le DN@.

Depuis 2010, lorsque les personnes refusent un hébergement, leur droit à l’ATA est suspendu, ce qui n’est pas toujours appliqué, semble-t-il, par exemple lorsque la plateforme d’accueil ne transmet pas l’information à Pôle Emploi.

Cette condition au versement de l’ATA pourrait être supprimée, car elle fait d’un hébergement par un proche un élément de contexte défavorable. Si la procédure d’examen de la demande était réalisée dans un délai de six mois, un système exclusif d’hébergement avec un suivi de la personne pourrait se justifier, notamment pour préparer son éloignement si elle est déboutée.

Par contre, dans un contexte de délais d’examen de la demande très longs, cette pénalisation de la domiciliation chez un tiers ne semble pas appropriée, car on peut considérer de manière positive qu’un demandeur d’asile soit plus autonome et socialement plus inséré, grâce à un hébergement obtenu grâce à l’aide de parents ou de sa communauté.

Si le demandeur a besoin d’un hébergement par la suite au cours de la procédure, il pourrait rentrer dans le dispositif d’orientation et se plierait à une orientation directive pour son hébergement. On soulignera qu’un tel système est en vigueur au Royaume-Uni et en Suède.

4. Diversifier les structures dédiées à l’hébergement des demandeurs d’asile

Plusieurs enquêtes et études récentes ont entrepris d’évaluer l’adéquation entre les besoins réels d’hébergement et les nouveaux moyens nécessaires, ce qui suppose plusieurs démarches.

Tout d’abord, une réflexion est engagée sur les coûts respectifs des différentes solutions d’hébergement (CADA et HUDA dépendant du programme 303, CPH dépendant du programme 104, hébergements d’urgence dépendant du programme 177).

En ce qui concerne la nature des nouvelles structures à ouvrir en différents points du territoire, la convergence des modes d’hébergement devrait être recherchée, le modèle du CADA étant le pivot du système pour les demandeurs d’asile en procédure normale. Cependant, ce modèle est rigide quant à l’extension de places : une extension de places supérieure à 30 % de la capacité suppose une procédure d’appel à projet en vertu de l’article D. 313-2 du code de l’action sociale et des familles qui régit les CADA. Or cette procédure génère des délais et des coûts de gestion importants.

La création de nouveaux CADA demandera donc des formalités assez importantes, qui découlent du statut d’établissement social des CADA.

Il pourrait être envisagé de faire évoluer ce statut. Cependant, une autre solution pourrait être mise en œuvre : l’extension du modèle de l’accueil temporaire du service d’asile (AT-SA), géré aujourd’hui par l’opérateur Adoma.

Enfin, une clarification devrait être apportée en ce qui concerne les personnes hébergées en AT-SA, au regard de l’allocation temporaire d’attente. En effet, ces personnes reçoivent l’allocation, puisqu’elles ne sont pas hébergées par un CADA au sens strict.

Pourtant, les prestations réalisées par ADOMA dans ces structures s’apparentent davantage à celles fournies en CADA qu’à celles fournies dans les centres d’hébergement d’urgence en général. En effet, les demandeurs d’asile y sont accompagnés avec un taux d’encadrement cible d’une personne pour 20 demandeurs d’asile (contre une personne pour 15 demandeurs dans les CADA).

Les rapporteurs partagent les observations émises par le rapport des Inspections générales à ce sujet, et considèrent que, puisque les prestations d’accompagnement et les services fournis par ce dispositif équivalent à ceux fournis par les CADA, les places d’ATSA doivent être considérées comme des places « d’équivalent-CADA », et les demandeurs devraient alors percevoir non plus l’ATA mais l’allocation mensuelle de subsistance versée aux personnes hébergées en CADA. Le montant de cette allocation est compris entre 91 et 718 euros par mois et varie selon les prestations fournies par le CADA et la composition familiale des demandeurs.

Proposition n° 10 : Établir une orientation directive des demandeurs d’asile pour leur hébergement :

– mettre en place une politique plus volontariste d’équilibrage de la demande d’asile sur le territoire, grâce à un système directif d’orientation des demandeurs d’asile ;

– confier à l’OFII un rôle de réorientation du demandeur d’asile vers une autre région, dans le cadre de sa gestion du premier accueil des demandeurs d’asile ;

– préserver la possibilité pour le demandeur d’asile d’être hébergé en dehors du dispositif d’accueil (sans suppression de l’allocation temporaire d’attente) s’il peut être hébergé par un proche. Cette possibilité a l’avantage de ne pas créer de demande supplémentaire, et de diminuer la charge financière supportée par l’État ;

– étendre les capacités du modèle de l’accueil temporaire du service d’asile (AT-SA) afin de limiter le recours à l’hébergement d’urgence.

C. RATIONALISER LE RECOURS À L’HÉBERGEMENT D’URGENCE

Alors qu’ils n’avaient été conçus qu’à titre subsidiaire, l’hébergement d’urgence et la prestation financière qui lui est liée (l’ATA) sont devenus, du fait de l'engorgement des CADA, des composantes structurelles de la politique publique de l’asile.

Dans le contexte d’une saturation progressive du parc de CADA depuis 2007, causée par l'augmentation des flux de premières demandes d'asile et par l'allongement des délais de traitement, les demandeurs d'asile ne bénéficiant pas d’un hébergement en CADA, soit par manque de place, soit en raison de leur statut administratif – demandeurs en statut prioritaire ou « Dublin » – sont admis dans une structure d’hébergement d’urgence dédiée aux demandeurs d’asile (HUDA).

Ce dispositif a pris de l'ampleur, jusqu'à comporter aujourd’hui le même nombre de places qu'en CADA. Alors que seules 13 000 places étaient financées en 2009, près de 22 000 places étaient financées en 2013, soit une augmentation de près de 70 % des capacités en quatre ans.

Les demandeurs d'asile séjournant dans ces structures bénéficient d'un accompagnement réduit par rapport aux CADA, et ne font pas l'objet d'un mécanisme de suivi au niveau national.

L’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile se présente sous la forme d’une prise en charge de nuit d'hôtels (pour 56 %) ou d'hébergement dans des structures collectives (pour 20 %) ou dans des appartements (pour 23 %).

1. Les difficultés du pilotage et de la gestion de l’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile

Outre les tensions liées à sa saturation, le dispositif d’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile connaît des difficultés de pilotage et de gestion qui ont conduit le ministère chargé de l’asile à engager une réforme en 2011. L’objectif était double : d’une part, mettre en œuvre une gestion régionale afin de répartir la prise en charge des demandeurs d’asile entre les départements d’une même région, et, d’autre part, rationaliser les coûts et les prestations liés à l’hébergement d'urgence et encourager la négociation entre les préfets et les opérateurs.

Le premier accueil et l’hébergement étaient, jusqu’à 2010, gérés au niveau départemental. La circulaire du 24 mai 2011 relative au pilotage des hébergements d’urgence des demandeurs d’asile a prévu que chaque région doit, à partir du 1er janvier 2012, mettre en place une « gestion centralisée et coordonnée » des places d’hébergement d’urgence, ainsi que des mécanismes permettant une répartition équitable des demandeurs d’asile entre les départements d’une même région.

Sur le terrain, les acteurs de la gestion centralisée des places d'hébergement d’urgence se sont organisés en plateforme d'orientation régionale, qui recense les places disponibles, ainsi que les mouvements d'entrées et de sorties de ces dispositifs, afin d’y orienter les primo-arrivants d'un département vers un autre.

Les années 2012 et 2013 ont vu la mise en place de cette nouvelle gestion régionalisée, et de nouvelles places d'hébergement d’urgence ont été ouvertes dans les départements les moins soumis à la pression de la demande d’asile.

2. Poursuivre la rationalisation des coûts de l’hébergement d’urgence

La circulaire fixait également le coût-cible des nuitées d’HUDA à 15 euros. Les efforts de rationalisation ont effectivement permis de faire diminuer le coût moyen : au troisième trimestre 2013, ce coût constaté au niveau national s’établissait à 16 ,65 euros, contre 18 euros en 2011. La part des nuitées hôtelières sur la totalité des nuitées d'hébergement d'urgence financées a diminué, passant de 57 % au troisième trimestre 2012 à 52 % au troisième trimestre 2013.

Les coûts moyens par typologie d’hébergement sont :

– en structures collectives : 14,80 euros/jour ;

– en hôtels : 17,17 euros/jour ;

– en logement diffus (appartements) : 12,84 euros.

Le coût complet d’un demandeur d’asile pris en charge dans le dispositif d’hébergement d’urgence, lorsqu’il est détenteur d’un titre de séjour ou en procédure prioritaire, doit inclure le montant journalier de l’allocation temporaire d’attente (ATA), soit 11,35 euros par jour en 2014 (ou 340,50 euros pour un mois de 30 jours).

Les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2014 pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile s’élèvent à 115,4 millions d’euros.

En même temps que deux rebasages de crédits étaient effectués en loi de finances pour 2011 et pour 2013, il était demandé aux services chargés de l’exécution des dépenses (SGAR, préfectures, DRJSCS et DDCS) de mieux conventionner avec les opérateurs associatifs en charge notamment de l’hébergement hôtelier en renégociant les tarifs, afin de réduire les coûts et les prestations offertes aux demandeurs d’asile pris en charge dans ces structures.

La circulaire du ministère chargé de l’asile du 24 mai 2011 introduit de nouvelles modalités de pilotage des capacités déconcentrées d’hébergement d’urgence, afin de mieux maîtriser les dépenses et de privilégier l’hébergement en structure collective.

Les préfets assurent le pilotage et le suivi des dispositifs d’hébergement d’urgence et les services de la préfecture peuvent suivre l’état de la consommation budgétaire, au moyen du progiciel de gestion Chorus. Les services déconcentrés en charge de l’hébergement des demandeurs d’asile (la DDCS et la préfecture) a accès à l’outil DN@ qui gère les admissions en CADA (et en HU pour certaines) et peut calibrer l’offre en hébergement d’urgence en fonction des personnes en attente d’une place en CADA et donc éligibles à une place d’hébergement d’urgence.

Le service de l’asile assure un suivi trimestriel du nombre de places financées sur chaque territoire, de leur occupation et de leur coût. Ces enquêtes sont transmises chaque trimestre pour information aux services régionaux en charge de la gestion du BOP 303.

3. La saturation de l’hébergement dédié aux demandeurs d’asile a conduit à les adresser aux structures de réinsertion ou de mise à l’abri

Face à la saturation des capacités d’hébergement dédiées, une part importante des demandeurs d’asile sont accueillis dans les structures d’hébergement d’urgence généraliste.

Pourtant, l’impact de la demande d’asile sur ce dispositif est insuffisamment connu et l’absence de vision globale de cet hébergement a fini par entraîner une forme d’inefficacité de l’action publique et une dérive de la gestion de la dépense, vouée à augmenter sans qu’aucun levier d’intervention ne soit disponible pour la limiter ou la réduire.

Selon une enquête réalisée fin 2009 par le ministère chargé du logement auprès de ses services déconcentrés pour prendre la mesure de la prise en charge sur le programme 177 du public demandeur d’asile et du public réfugié, au 1er octobre 2009, les demandeurs d’asile étaient 1 662 dans le dispositif généraliste et mobilisaient 6 % des places. Cette proportion est aujourd’hui largement dépassée, et les remontées d’informations de certains départements font plutôt état d’une occupation de 25 % à 60 % de l’hébergement d’urgence par des demandeurs d’asile et les personnes déboutées.

Cette évolution a conduit à une concurrence des publics demandeurs d’asile avec les publics nationaux ou européens en grande précarité dans l’accès aux lieux de réinsertion comme de mise à l’abri.

Cette situation entraîne des difficultés de gestion importantes tant pour les services de la cohésion sociale que pour les travailleurs sociaux qui animent ces structures.

Également, les préfectures sont exposées à la sanction du juge administratif lorsqu’un référé est déposé par un demandeur d’asile à qui aucun hébergement n’a été trouvé. C’est ainsi qu’une jurisprudence administrative s’établit sur la « priorisation » de l’hébergement et de la mise à l’abri, en fonction des besoins des personnes et de leur situation de vulnérabilité.

En effet, c’est dans un tel contexte de tension sur les capacités d’hébergement d’urgence que le Conseil d’État a rappelé, dans deux arrêts du 25 janvier 2011 (n°345800) et du 10 août 2011 (n°351324), que la liberté fondamentale qu’est le droit d’asile est garantie par des conditions matérielles d’accueil. Aussi l’autorité administrative doit-elle couvrir les besoins fondamentaux des demandeurs d’asile ; elle doit, en particulier, rechercher si des possibilités d’hébergement sont disponibles dans d’autres régions et, le cas échéant, recourir à des modalités d’accueil d’urgence.

Toutefois, le Conseil d’État a pris en compte les moyens dont dispose l’administration, les diligences qu’elle a effectuées ainsi que les conditions d’âge, l’état de santé et la situation familiale de l’intéressé. Ainsi la demande d’hébergement de demandeurs d’asile adultes non accompagnés d’enfants et qui ne font pas état de problèmes de santé peut être rejetée et ce rejet ne constituera pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile. Si le demandeur d’asile fait état de circonstances particulières tenant à son état de santé ou à sa situation de famille, le préfet est tenu de désigner un lieu d’hébergement.

Cette jurisprudence, accompagnée par plusieurs décisions des tribunaux administratifs, a introduit la notion de « priorisation » dans le traitement par la préfecture des demandes d’hébergement. Les contours de la notion de vulnérabilité du demandeur d’asile sont ainsi progressivement précisés par le juge administratif.

La situation de porosité entre les dispositifs d’hébergement conduit à souhaiter une clarification des personnes hébergées dans le dispositif de droit commun, en attendant que le développement des capacités dédiées ne contribue à « desserrer » la situation. Il convient en conséquence rétablir la visibilité et la réalité de la consommation des crédits budgétaires, en transférant sur les crédits du programme 303 les crédits du programme 177 consacrés à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile.

Une articulation renforcée entre les deux gestionnaires de programme, au niveau central, a été développée, en lien avec le délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées (DIHAL). Dans le cadre de la refondation de la politique de l’hébergement et de l’accès au logement, des services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) ont été mis en place depuis le 15 septembre 2010. Ces SIAO ont pour objectif et ambition de mieux identifier et donc de mieux traiter les demandes d’hébergement ou de logement afin d’ajuster les moyens disponibles et les situations.

La montée en charge des SIAO devrait contribuer à mieux coordonner sur le terrain les interventions publiques relevant de l’asile et celles relevant de l’hébergement généraliste.

4. Améliorer l’information des représentants de l’État sur les personnes hébergées et disposer des moyens d’évaluer les besoins réels du public demandeur d’asile ou débouté

a. Le suivi du parcours des demandeurs d’asile comporte des lacunes importantes

Les informations relatives à l’identification des personnes hébergées en HUDA (par leur nom, leur statut, la procédure et le délai de l’autorisation de séjour) peuvent être connues au niveau régional ou départemental, selon le degré de pilotage du dispositif et la coopération établie entre les différents services. Cependant, il est très regrettable qu’aucune consolidation des données au niveau national n’ait été possible jusqu’à présent.

Ainsi, les services centraux de l’État n’ont actuellement pas accès aux informations relatives à l’identification des personnes apparaissant comme « en attente d’une place de CADA » dans l’outil DN@ mais hébergées en HUDA (données nominatives, compositions familiales, statut, étape de la procédure). Ils ne disposent pas toujours des informations relatives à l’occupation des places d’HUDA et ne disposent pas non plus de l’identification des personnes en procédure prioritaire ou sous convocation Dublin hébergées en HUDA.

Quant au taux de présence de ces personnes dans le dispositif d’hébergement d’urgence généraliste (les CHRS, l’urgence 115, notamment), il est aujourd’hui presque impossible d’obtenir des informations agrégées au niveau national, et les remontées d’information ne sont que locales et partielles. Tant pour les demandeurs d’asile que pour les personnes ayant obtenu une réponse définitive à leur demande d’asile (qu’ils soient réfugiés ou déboutés), il serait important d’identifier ceux qui sont hébergés dans le dispositif généraliste.

Pour ce qui concerne les personnes déboutées, elles bénéficient en effet d’un droit à l’hébergement d’urgence au titre de l’accueil inconditionnel (article L. 345 -2-2 du code de l’action sociale et des familles), pour lequel le préfet est tenu à une obligation de moyen, en fonction des diligences qu’il aura effectuées, des moyens dont il dispose et de la situation de la personne (âge, état de santé et situation familiale) (7). La situation familiale ou de santé sera, comme pour les demandeurs d’asile, déterminante : le préfet est tenu de pourvoir sans délai à l’hébergement temporaire d’urgence lorsque la personne est accompagnée d’une famille, comme l’établit par exemple le tribunal administratif d’Orléans par une décision du 1er mars 2012.

On ajoutera que l’identification des demandeurs d’asile hébergés par leurs propres moyens ou n’ayant pas accès à une solution d’hébergement fournie par l’État n’est pas non plus possible au plan national.

Cette situation est paradoxale car elle conduit à ce que les services de l’État ne connaissent pas toujours le lieu de résidence réel du demandeur d’asile. Ainsi que l’observe le rapport des inspections générales, le suivi des demandeurs d’asile est donc moins scrupuleux que celui des autres étrangers primo arrivants sur le territoire, y compris ceux bénéficiant d’un titre de séjour définitif, pour lesquels la communication de l’adresse de résidence est une obligation essentielle.

Ce manque d’information rend aléatoire l’évaluation des besoins réels du public demandeur d’asile en matière d’hébergement, et contribue au manque de transparence de la distribution des crédits budgétaires entre les programmes 303 et 177.

Plus largement, les services de l’État, qu’il s’agisse du ministère des Affaires sociales, de l’OFII ou du Service de l’asile, devraient pouvoir connaître l’ensemble des demandeurs d’asile (en procédure normale ou spécifique) hébergés dans le dispositif d’hébergement d’urgence dédié et généraliste.

b. Compléter les informations du DN@ et prévoir une obligation d’échange d’informations relatives aux demandeurs d’asile hébergés

La question de la coopération avec les opérateurs gestionnaires des structures d’urgence se pose, dans la mesure où les services déconcentrés en charge des crédits de l’asile, comme l’OFII, se heurtent souvent au refus des responsables associatifs de centres d’hébergement d’urgence généralistes de communiquer les données nominatives relatives aux personnes hébergées.

Les gestionnaires sont réticents à communiquer aux services de l’État la liste des demandeurs d’asile ou des personnes déboutées qu’ils hébergent car ils s’appuient sur le principe de l’accueil inconditionnel résultant de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles, dont le premier alinéa prévoit que « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. »

Face à ces difficultés, trois évolutions devraient être engagées.

Tout d’abord, il conviendrait d’intégrer les 20 000 places du dispositif HUDA dans le système d’information et de pilotage DN@ afin d’avoir une vision globale et opérationnelle de l’ensemble des capacités théoriques et mobilisées pour l’accueil des demandeurs d’asile. Ce renforcement du dispositif assurera une connaissance du nombre et de la domiciliation réelle d’une grande partie des demandeurs d’asile.

Par ailleurs, il conviendrait d’inscrire dans les conventions passées avec les associations gestionnaires des lieux d’hébergement d’urgence dédiés, les modalités de transmission des informations relatives à l’identification des demandeurs d’asile ou des personnes déboutées présentes dans les structures.

Si l’on se place dans une perspective financière, l’attribution de fonds publics à des structures ayant pour rôle, pour le compte et aux frais de l’État, de recevoir une catégorie de population bien déterminée doit avoir pour contrepartie la communication d’informations précises sur l’activité accomplie et donc d’éléments sur les personnes hébergées. En cas de refus, les opérateurs pourraient se voir retirer la mission qui leur a été confiée.

Parvenir à ce résultat suppose sans doute de mieux encadrer juridiquement la catégorie des centres d’hébergement d’urgence destinés aux demandeurs d’asile, qui ne l’est pas aujourd’hui, car c’est le droit commun qui lui est applicable (articles L. 345 -2-1 et L. 345 -2-2 du code de l’action sociale et des familles).

Une obligation d’information pourrait aussi être imposée aux structures d’hébergement généraliste, qui ne semblerait pas s’inscrire à l’encontre du principe formulé à l’article du code de l’action sociale et des familles précité. Le principe d’accueil ne s’oppose pas à la connaissance par l’État des publics accueillis et des coûts afférents à chaque type de prise en charge.

Proposition n° 11 : Améliorer l’information des représentants de l’État sur les demandeurs d’asile et les déboutés présents dans les structures d’hébergement d’urgence :

– intégrer le dispositif HUDA dans le système d’information et de pilotage DN@ afin d’avoir une vision globale et opérationnelle de l’ensemble des capacités théoriques et mobilisées au jour le jour pour l’accueil des demandeurs d’asile ;

– rétablir la visibilité et la réalité de la consommation des crédits budgétaires : transférer vers les crédits du programme 303 les crédits du programme 177 consacrés à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ;

– prévoir dans les conventions signées avec les gestionnaires de l’hébergement d’urgence des modalités de transmission des informations relatives à l’identification des demandeurs d’asile ou des personnes réfugiées ou déboutées présentes dans leurs structures ;

– prévoir une obligation pour les structures d’hébergement d’urgence généraliste de répondre aux demandes d’information des services de l’État sur le public hébergé dans le cadre de la mission qui leur est confiée par l’État et financée par les fonds publics.

D. AMÉLIORER ET MODERNISER LA GESTION DE L’ALLOCATION TEMPORAIRE D’ATTENTE

L’allocation temporaire d’attente a été instituée en 2006 pour les demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés en CADA. Elle s’analyse comme un revenu de subsistance versé aux demandeurs d’asile, conformément aux prescriptions de la directive « accueil » du 27 janvier 2003.

Alors que l’ATA était initialement destinée aux demandeurs en procédure normale, une évolution de la jurisprudence du Conseil d’État a conduit, en plusieurs étapes, à ouvrir le bénéfice de cette allocation de subsistance à toutes les catégories de demandeurs d’asile, qu’ils soient en procédure normale, prioritaire ou « Dublin ». A contrario, seuls les demandeurs d'asile en procédure normale qui ont accepté l'offre de prise en charge présentée en préfecture et qui sont hébergés en CADA n'ont pas droit à l'ATA.

Le rapport des inspections générales, présenté en 2013, a consacré une partie de son analyse au coût budgétaire de l’allocation, et a constaté que, si l’allocation, couplée à l’hébergement d’urgence, était à l’origine conçue comme un dispositif subsidiaire, son coût pour les finances publiques est aujourd’hui proche de celui des CADA.

1. L’élargissement des catégories de demandeurs d’asile admis au bénéfice de l’allocation temporaire d’attente

L’accès à l’allocation temporaire d’attente a été élargi au cours des dernières années à de nouvelles catégories de bénéficiaires. Cette donnée, ainsi que l’allongement de la durée moyenne d’indemnisation, qui était de 416 jours en 2012, ont conduit au triplement de la dépense afférente entre 2007 et 2013.

En ce qui concerne les bénéficiaires étrangers, il convient de rappeler que l’allocation bénéficie aux demandeurs d’asile, aux personnes bénéficiaires de la protection subsidiaire (pendant une durée déterminée de 12 mois) ; aux apatrides et aux ressortissants étrangers auxquels une autorisation provisoire de séjour a été délivrée en application de l'article L. 316-1 du CESEDA.

Jusqu’en 2007, les demandeurs d’asile étaient bénéficiaires de l’allocation à l’exception des personnes qui proviennent d'un pays pour lequel le conseil d'administration de l’OFPRA a décidé que les circonstances ayant justifié la protection ont cessé d’exister (article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, point C-5), ou d’un pays considéré comme pays d'origine sûr.

Depuis une décision du 16 juin 2008 du Conseil d’État (n° 300636), le périmètre des bénéficiaires s’est élargi aux personnes suivantes :

– les demandeurs d’asile qui proviennent d'un pays pour lequel le conseil d'administration de l’OFPRA a décidé qu’il pouvait être mis fin à la protection car les circonstances l’ayant justifiée ont cessé d’exister ;

– les demandeurs d’asile qui proviennent d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, au sens du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

– les demandeurs d'asile qui, à la suite d'une décision de rejet devenue définitive, présentent une demande de réexamen à l’OFPRA, et ce exceptionnellement, pour les cas humanitaires signalés par l’OFPRA dans les conditions prévues par voie réglementaire.

Ả la suite de la décision du 7 avril 2011 (n° 335924) du Conseil d’État (censurant plusieurs dispositions de la circulaire interministérielle du 3 novembre 2009 relative à l’ATA), ont également été admis au bénéfice de l’allocation :

– les autres demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire (relevant des 3° et 4° de l’article L. 741-4 du CESEDA). Il s’agit des demandeurs d’asile qui représentent une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État et ceux qui ont formulé une demande reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif aux procédures d’asile ou présentée uniquement en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente : ces personnes ne sont pas admises au séjour, mais, parce qu’elles sont en droit de demander l’examen de leur situation par l’OFPRA, elles doivent bénéficier des conditions matérielles d’accueil ;

– les étrangers qui, à la suite d’une décision de rejet devenue définitive, ont formé une demande de réexamen de leur demande d’asile à l’OFPRA. Cette exclusion se fondait sur l’article L. 5423-9 1° du code du travail, lequel nécessitait pour sa mise en œuvre l’adoption d’un décret d’application. Ce décret n’ayant jamais été adopté, les dispositions de l’article L. 5423-9 1° n’étaient donc pas directement applicables à la date de signature de la circulaire le 3 novembre 2009, suscitant leur annulation par le Conseil d’État. En conséquence, le régime actuel de l’ouverture des droits à l’ATA est le suivant : pour les réexamens en procédure prioritaire, le demandeur perçoit l’ATA jusqu’à la décision de l’OFPRA ; pour les réexamens en procédure normale, le demandeur perçoit l’ATA jusqu’à la décision de la CNDA.

En dernier lieu, le Conseil d’État a admis au bénéfice de l’ATA les demandeurs d’asile relevant de la procédure dite Dublin II, c’est-à-dire les ressortissants d’États tiers dont la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État européen en application du règlement européen. Ce dernier élargissement des catégories de bénéficiaires résulte de la décision (n° 335924) du 17 avril 2013, qui reprend la position prise par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa réponse du 27 septembre 2012 à une question préjudicielle posée par le Conseil d’État.

Les demandeurs d’asile en procédure prioritaire qui demandent le bénéfice de l’ATA perçoivent cette allocation jusqu'à la notification de la décision prise par l’OFRA. Les demandeurs en procédure « Dublin » doivent bénéficier du versement jusqu’à leur transfert effectif vers l’État membre compétent pour examiner leur demande d’asile : les délais sont en pratique assez longs, comme il a été décrit plus haut.

Les bénéficiaires de l’allocation étaient 42 115 au 31 décembre 2013, contre 37 600 à la fin 2012.

Par contre, le champ des bénéficiaires devrait connaître une restriction par la prise en considération de l’évolution des modalités d’hébergement et d’accompagnement.

Ainsi, les places d’AT-SA devraient dorénavant être considérées comme des places « d’équivalent-CADA ». Ce changement de catégorie conduirait d’abord à une nomenclature plus réaliste, mais aussi à la suppression de l’ATA pour les demandeurs d’asile qui y sont hébergés, et qui bénéficient de prestations d’accompagnement et de services équivalents à ceux fournis par les CADA. L’allocation serait remplacée par l’allocation mensuelle de subsistance (AMS), telle qu’elle est versée en CADA.

Le rapport sur la réforme de l’asile présenté par Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine propose de lier le bénéficie de l’allocation à l’acceptation par la personne de s’inscrire dans le dispositif d’hébergement dédié : les rapporteurs ne sont pas favorables à cette proposition, dans la mesure où le recours par le demandeur à un hébergement par un tiers, souvent grâce à sa communauté d’origine, ne peut être considéré en soi comme un détournement de la procédure ; ce type d’hébergement peut même être un facteur d’autonomie et d’insertion par la suite, si le demandeur se voit reconnaître le statut de réfugié.

2. La progression des coûts de l’allocation temporaire d’attente et la nécessité d’éviter le versement d’indus

Le coût de l’ATA a considérablement augmenté au cours des dernières années, pour parvenir à une progression de 367 % entre l’année 2007 (l’ATA représentait une dépense de 47 millions d’euros) et 2013 (140 millions d’euros en prévision et 156 millions en exécution). Cette augmentation s’explique clairement par la forte progression de la demande d’asile, le fait que la création de places de CADA n’a pas augmenté parallèlement, la longueur des délais de traitement de la demande, et, enfin, l’accroissement du périmètre des bénéficiaires.

Le coût du versement de l'ATA aux demandeurs d'asile sous procédure « Dublin » avait été estimé à environ 10 millions d’euros, mais il a atteint 12 millions d’euros pour 2013. Ả l’inverse, l’ouverture de nouvelles places de CADA en 2013 et 2014 aura des conséquences en termes d’économie sur l’ATA, économie estimée à 10 millions d’euros au titre de l’exercice 2014.

La gestion de l’ATA a été confiée à Pôle Emploi en 2007. Elle est aujourd’hui encadrée par la convention du 15 septembre 2009 qui donne à l’opérateur un mandat de gestion prévoyant les conditions de cette gestion, notamment les conditions d’ouverture de droits et d’interruption, la mise à disposition de données par le ministère chargé de l’immigration, l’OFII et l’OFPRA, et réciproquement une communication de données statistiques et financières par Pôle Emploi.

Le rapport des inspections souligne que certaines des dispositions de cette convention n’ont pas été mises en œuvre : ainsi, du fait de la sous budgétisation, les versements mensuels effectués par l’État au profit de Pôle Emploi n’ont jamais pu correspondre aux sommes nécessaires pour assurer le paiement de l’ATA aux bénéficiaires, sollicitant la trésorerie de l’opérateur.

Mais surtout, un autre dysfonctionnement a été relevé, qui emporte des conséquences sur la dépense au titre de l’ATA : Pôle Emploi ne procède pas à la vérification périodique de la situation administrative des demandeurs d’asile bénéficiant de l’allocation depuis plus de 12 mois (article 3 de la convention de gestion).

La gestion de l’ATA souffre en outre d’une grande complexité, car elle contraint Pôle Emploi à centraliser pour l’instruction des dossiers des informations en provenance de nombreux acteurs (le demandeur lui-même, le Service de l’asile, l’OFII, le préfet et l’OFPRA). Or, les échanges d’informations posent différentes difficultés sérieuses, dans leur périodicité, dans leur absence d’homogénéité de la saisie des données, dans l’absence d’une automatisation efficace.

Le tableau suivant montre les difficultés présentées par le système actuel de transmission des informations entre les services impliqués.

NATURE DES INFORMATIONS TRANSMISES À PÔLE EMPLOI
ET MODALITÉS DE TRANSMISSION

 

Institution responsable

Modalités

de communication des informations

Date d’envoi

des informations

Obligations

de Pôle emploi

Refus de l’offre

de principe d’hébergement

Service de l’asile

Fichier mensuel

Avant le troisième vendredi du mois en cours

1. Intégration des données dans la base nationale des individus pour détection d’indus éventuels.

2. Inscription des données sur une liste de traitement dans les systèmes d’information de Pôle emploi.

Entrée en CADA

OFII

Fichier mensuel

Avant le 5 du mois en cours

Décisions

de l’OFPRA

ou de la CNDA

OFPRA

Fichier mensuel

Avant le 10 du mois en cours

Informations relatives à l’état d’avancement

de la procédure

OFPRA

Mise à disposition permanente de TélémOFPRA

En temps réel

Consultation « manuelle » en tant que de besoin

Source : Convention de gestion Pôle emploi – SGII du 7 octobre 2009, cité par le Rapport sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile, avril 2013.

Cette organisation complexe et défectueuse dans les faits, qui a obligé les services territoriaux de Pôle Emploi à créer des circuits parallèles d’échange informations, entraîne des retards pour les bénéficiaires mais aussi des indus pour l’État.

La mission d’inspection a constaté, sur l’échantillon représentatif de bénéficiaires soumis au contrôle, un taux d’indu probable de 21 %. Si sur l’ensemble des bénéficiaires, le taux d’indu était de l’ordre de 18 %, cela représenterait une dépense indue de 25 à 30 millions d’euros.

Ces indus découlent de la non prise en compte par le gestionnaire du dossier de faits intervenus dans le parcours du demandeur d’asile, comme par exemple le refus d’une offre de principe d’hébergement, l’entrée ou le refus d’entrée en CADA (qui doivent en principe conduire à suspendre le versement de l’allocation), l’intervention de la décision de l’OFPRA ou de la CNDA, la décision intervenue pour un demandeur en procédure prioritaire, ou encore en raison d’une absence de notification de décision de l’OFPRA ou de la CNDA.

Plus que le retard de transmission, ce sont les insuffisances de saisie des informations transmises à Pôle Emploi par les institutions compétentes qui entraînent les indus, ainsi que l’absence d’homogénéité des données saisies, ce qui rend les croisements d’informations impossibles ou difficiles, surtout pour des personnels insuffisamment formés et ne restant pas très longtemps dans le poste.

Ce bilan défavorable conduit à proposer une réforme importante du système de gestion et de versement de l’ATA, afin de conférer homogénéité et efficacité au système d’information, ce qui ne pourra que faciliter son utilisation par les gestionnaires des dossiers et conduire à une économie budgétaire par la limitation des indus.

Cette réforme doit comporter le changement de gestionnaire de l’allocation afin d’en confier la gestion à un acteur impliqué dans l’accueil et l’accompagnement du demandeur d’asile ; elle doit aussi comporter l’élaboration d’un système d’information unique intégrant les différents aspects de la situation juridique et sociale du demandeur d’asile.

3. Confier la gestion de l’allocation à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et moderniser son versement

L’absence de prise en compte d’informations relatives à l’hébergement du demandeur d’asile est à l’origine de la moitié des situations d’indus.

Cette situation constituerait en soi une bonne raison de confier la gestion de l’ATA à l’OFII, puisque cet établissement public est chargé du suivi de la demande d’hébergement en CADA des demandeurs d’asile, et que son rôle dans le premier accueil des demandeurs d’asile est très vraisemblablement conduit à s’accroître. La déperdition d’informations ne pourra qu’être moindre, puisque l’OFII restera informé tout au long de la procédure de la situation et des droits ouverts au demandeur.

Le directeur de l’OFII, M. Yannick Imbert, entendu par le groupe de travail, a jugé possible l’accomplissement de cette nouvelle mission par l’Office. La gestion opérationnelle des versements serait alors confiée à l’Agence de service et de paiement (ASP), établissement public interministériel qui contribue aux paiements participant à la mise en œuvre de différentes politiques publiques, l’OFII assurant le contrôle de l’ouverture et de la fermeture des droits.

Cette solution présenterait plusieurs avantages : réduire le nombre d’acteurs impliqués dans le système d’accueil des demandeurs d’asile, confier le versement de l’allocation à un opérateur déjà familier des problématiques de l’asile, retirer cette mission du champ de compétences de Pôle Emploi pour lequel cette activité est marginale et difficile à accomplir dans de bonnes conditions en l’absence d’interfaçage pertinent des systèmes d’information avec l’OFPRA et l’OFII. En outre, le personnel de Pôle Emploi montre peu d’appétence pour cette tâche et préfère se consacrer, logiquement, au suivi des demandeurs d’emploi, aussi la tâche est-elle fréquemment confiée à des personnels en contrat à durée déterminée, moins bien formés et sujets à un turn over important.

Le traitement de l’ATA par Pôle Emploi nécessite actuellement 60 ETPT : il conviendrait donc de prévoir en conséquence d’étoffer les ressources humaines par un transfert de moyens vers l’OFII.

La question des indus fait apparaître un autre dysfonctionnement : l’imperfection de la transmission des informations relatives au rendu des décisions par l’OFPRA et par la CNDA. En effet, une moitié des indus est liée à l’absence de prise en compte par Pôle Emploi du fait que le demandeur a été débouté ou a vu son appel rejeté.

Il serait intéressant de s’inspirer des bonnes pratiques mises en œuvre dans d’autres États membres de l’Union européenne, et en particulier du recours pour le versement de l’allocation de subsistance à une carte à puce utilisable aussi bien comme carte de retrait sur certaines bornes que comme carte de paiement dans certains commerces et grandes enseignes alimentaires.

Un tel système est opérationnel en Suède, où l’allocation est versée sur une carte de paiement délivrée au demandeur d’asile dès son premier enregistrement à l’Office des migrations, et alimentée tous les mois par un service de l’office. Cette carte est utilisée comme carte de paiement (uniquement dans la chaîne de magasins ICA, mais aussi comme carte de retrait sur les bornes des mêmes enseignes).

Un système semblable a été institué aux Pays-Bas, où l’allocation est versée sur une carte de paiement Visa fournie par une grande banque néerlandaise. Les demandeurs d’asile peuvent retirer des sommes d’argent ou régler des achats en caisse, mais ne peuvent faire de transactions sur internet.

Les avantages d’un tel système sont évidents : il permet la rapidité de l’ouverture comme de la fermeture du droit à l’allocation, limite les indus si les droits sont gérés par l’OFII, qui centralise les informations relatives à la situation de la personne. Le système de la carte évite l’ouverture d’un compte bancaire, difficile dans la situation particulière des demandeurs d’asile. Il sera certainement plus facile de mettre en place ce système en l’adossant à une banque de réseau présente sur tout le territoire qui fournirait la carte de retrait et de paiement, ou à un système de carte sans compte, comme la carte Nickel lancée en 2013 dans les régions où elle a commencé à fonctionner.

4. Engager une réflexion sur la familialisation de l’allocation temporaire d’attente

L’allocation temporaire d’attente est actuellement fixée à 11,35 euros par jour et par demandeur d’asile majeur. Elle est liée au statut de demandeur d’asile sans prise en considération de la composition familiale.

Ce système résulte d’un contexte plus ancien où les demandeurs d’asile étaient en majorité des personnes seules, alors qu’il s’agit aujourd’hui très souvent de familles. Ainsi, la population hébergée dans les structures d’urgence dédiées (les HUDA) est composée à 80 % d’adultes et à 20 % d’enfants. Dans le cas d’une famille, la situation actuelle peut présenter une rupture d’égalité, comme par exemple dans le cas où un adulte accompagné de trois enfants reçoit 11,35 euros par jour, soit la même somme qu’un adulte isolé.

Cette situation ne répond pas à l’interprétation de la directive « accueil » de 2003, telle qu’elle résulte de la récente jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, citée dans la première partie du présent rapport (arrêt du 27 février 2014), et qui précise que l'aide financière octroyée doit être « suffisante pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d'asile, afin, notamment, de préserver l’unité familiale et de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Une évolution vers la familialisation de l’ATA doit donc s’engager, car l’État pourrait certainement être mis en cause dans un éventuel contentieux portant sur l’absence de prise en compte des charges familiales de certains demandeurs d’asile. Plusieurs pays de l’Union européenne ont établi une différenciation de l’allocation servie en fonction de la composition familiale : le Royaume-Uni (192 euros par mineur accompagnant), allocation de base et allocation de minimum socioculturel familialisées en Allemagne (130 à 193 euros selon l’âge de l’enfant), allocation supplémentaire par enfant en Suède, notamment.

L’hypothèse, évoquée par le rapport des inspections générales, d’une familialisation de l’allocation à budget constant, paraît cependant difficile à réaliser, dans la mesure où diminuer le montant de l’allocation pour les adultes ne répondrait pas aux exigences du droit européen et de la récente jurisprudence de la Cour.

5. Améliorer la conditionnalité de l’allocation comme le permet le droit européen et la respecter dans la pratique

Il convient de rappeler que la directive « accueil » permet de limiter ou de mettre fin aux conditions d'accueil faites aux demandeurs d'asile qui ne coopèrent pas avec les autorités nationales. La mission d’inspection a conduit à mettre en exergue aussi des comportements abusifs auxquels il convient de parer, comme d’autres États membres de l’Union européenne l’ont fait.

Constatant les difficultés rencontrées par les services des étrangers des préfectures, décrites plus haut, dans les cas de plus en plus nombreux d’absence de coopération des demandeurs en procédure « Dublin », il peut être proposé de sanctionner cette absence de coopération par l’interruption du versement de l'ATA. Il est peu logique qu’un demandeur qui s’est soustrait à la mesure de réadmission vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande ou qui est déclaré en fuite continue à bénéficier de l’allocation.

L’article 20 de la directive « accueil » prévoit la possibilité de moduler les conditions d’accueil lorsque « le demandeur, sans raison valable, n’a pas introduit de demande de protection internationale dès qu’il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l’État membre ». Il serait à ce titre souhaitable de fixer un délai, courant dès l’entrée sur le territoire du demandeur d’asile, à partir duquel l’allocation temporaire d’attente ne pourrait plus être versée : un délai de 90 jours pourrait être considéré comme suffisant. Par comparaison, on soulignera que, au Royaume-Uni par exemple, la demande d’asile elle-même doit être déposée au plus tard 21 jours après l’entrée sur le territoire.

Un autre comportement vraisemblablement abusif a été mis en exergue par le rapport des inspections : les demandes successives de réexamen de la demande d’asile, dont les bénéficiaires bénéficient à chaque fois de l’ATA, avec un cas extrême de cinq réexamens. Dans ce cas, il faut éviter que la perspective de percevoir l’ATA soit un élément attractif pour déposer une demande de réexamen.

Le code du travail, dans son article L. 5423-9, avait exclu la possibilité de recevoir l’ATA en cas de décision de rejet devenue définitive, mais n’a pas fait l’objet de texte réglementaire d’application.

Pourtant, l’article 20 de la directive « accueil » permet la réduction de la prise en charge à partir de la deuxième demande de réexamen. Il convient donc de reprendre cette disposition en ce qui concerne le bénéficie de l’ATA.

Proposition n° 12 : Améliorer et moderniser la gestion de l’allocation temporaire d’attente :

– confier la gestion de l’allocation à l’OFII, en transférant des moyens en personnel pour l’accomplissement de cette nouvelle mission ;

– instituer, en commençant par une expérimentation régionale, le versement de l’allocation au demandeur en créditant une carte de retrait et de paiement utilisable dans certains commerces et grandes enseignes alimentaires ;

– engager une réflexion sur la familialisation de l’ATA ;

– pour les demandeurs hébergés dans les structures AT-SA, remplacer l’allocation temporaire d’attente par l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) versée dans les CADA, pour tenir compte de l’équivalence des prestations et de l’accompagnement apportés par ces structures ;

– pour les demandeurs d’asile dont un autre État membre a accepté la réadmission sur son territoire dans le cadre de la procédure « Dublin », interrompre le versement de l'ATA lorsque le demandeur se soustrait à la mesure de réadmission vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande ;

– instaurer un délai, courant dès l’entrée sur le territoire du demandeur d’asile, à partir duquel l’allocation temporaire d’attente ne pourrait plus être demandée ;

– supprimer le bénéfice de l’allocation temporaire d’attente à partir de la deuxième demande de réexamen, afin d’éviter que l’accès à l’allocation ne constitue un élément d’attractivité suscitant des demandes de réexamen abusives.

E. METTRE AU POINT UN OUTIL INTÉGRÉ DE SUIVI DE LA SITUATION DES DEMANDEURS D’ASILE

Les auditions et les visites de terrain auxquelles les rapporteurs ont procédé ont montré que la situation des demandeurs d’asile est connue, pour chacun de ses aspects, par le service ou l’opérateur responsable, mais que les échanges d’informations entre ces acteurs répondent souvent à des processus complexes et inadaptés, et que la seule application générale (DN@) n’est pas consultable par plusieurs des acteurs – OFPRA, CNDA, Pôle Emploi.

Comme le souligne le rapport des inspections, la saisie parcellaire et non harmonisée des informations relatives à la situation du demandeur d’asile, d’une part, les lacunes des interconnexions, d’autre part, rendent possibles les situations d’indus. De manière générale, le caractère disparate et incomplet du système d’information rend le pilotage impossible et le travail quotidien des acteurs difficile.

Il serait donc utile de construire un outil intégré, permettant la visibilité de l’ensemble du public demandeur d’asile et la gestion des droits des personnes d’une manière rapide, efficace et efficiente.

Des outils semblables ont été mis en place en Suède, au Pays-Bas ou au Royaume-Uni : ils constituent une aide réelle pour la connaissance du public concerné et pour la gestion des droits.

Les données collectées par cet outil devraient être les suivantes.

La première catégorie de données reprend celles qui figurent dans l’application DN@:

– état civil du demandeur d’asile et situation (adresse) ;

– état d’instruction du dossier et catégorie de procédure ;

– droit au séjour et durée de validité du titre de séjour ;

– situation en matière d’hébergement (avec la mention éventuelle du refus d’hébergement). Cette information devrait être plus complète qu’aujourd’hui, en étendant le champ de l’information à l’hébergement d’urgence.

A ces données serait ajouté le type de prise en charge financière (ATA, AMS ou absence de prise en charge). La mention de l’ouverture de droits à la CMU pourrait être étudiée.

L’identification de la personne pourrait être faite par son numéro d’étranger AGDREF, puisque tous les demandeurs d’asile sont enregistrés dans cette application.

Le Service de l’asile devra formaliser le cahier des charges d’un tel système. La création d’une application nouvelle pourrait être préférable à l’adaptation des systèmes existants au moyen d’interconnexions. Cette solution pourrait présenter un meilleur fonctionnement, avec l’inconvénient de demander un délai de construction et de mise en œuvre. Il est en tout cas essentiel que l’ensemble des acteurs gérant les différents aspects de la situation des personnes puisse consulter le système et y saisir les données : l’OFII, la préfecture, l’OFPRA et la CNDA.

Proposition n° 13 : Mettre au point un outil intégré de suivi de la situation des demandeurs d’asile :

– élaborer un nouveau système d’information, ou créer à partir des systèmes existants, une application unique, rassemblant toutes les informations utiles au suivi des demandeurs d’asile, à l’exception des informations protégées par la confidentialité de la procédure d’examen de la demande d’asile ;

– ouvrir ce système en consultation et en saisie aux principaux acteurs du système de l’asile : l’OFII, le service des étrangers de la préfecture, l’OFPRA et la CNDA.

III. DYNAMISER LA PROCÉDURE D’EXAMEN DES DEMANDES D’ASILE

L’amélioration de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile ne peut se faire dans de bonnes conditions que si les procédures sont dynamisées afin de garantir un traitement plus rapide et de meilleure qualité des dossiers.

Ceci passe par une fluidification des différentes étapes de la chaîne, une amélioration de la performance administrative de l’OFPRA et de la CNDA mais aussi par un traitement adapté à la diversité des demandes.

Ce dernier point est un des plus controversé, comme l’a montré la concertation menée en 2013 qui a mis en évidence la réticence de nombreux acteurs face au risque de passer à côté de demandes fondées, du fait de procédures trop rapides ou simplistes.

Il y a un équilibre à trouver entre cette préoccupation légitime et le nécessaire traitement d’une demande de masse très diverse, dont la régulation ne peut reposer sur les seules variables du temps ou des moyens nouveaux.

A. MIEUX UTILISER LES POTENTIALITÉS DES PROCÉDURES ACCÉLÉRÉES

Le concept de procédure accélérée, développé par la directive procédure du 26 juin 2013, a vocation à se substituer en droit français à celui de procédures prioritaires.

Cette notion cristallise de nombreuses critiques qui reposent parfois sur des malentendus. Il existe en effet une certaine confusion dans le débat qui porte à la fois sur l’existence même de ces procédures, leur champ d’application, l’autorité administrative qui les active et leurs conséquences sur le statut du demandeur, sans toujours s’attacher à vérifier leurs effets pratiques sur le traitement des dossiers.

Le CESEDA (article L. 741-4) définit quatre cas dans lesquels le demandeur d’asile peut se voir refuser l’admission en France par les services des préfectures : sa demande relève d’un autre État (mécanisme Dublin voir supra), il a la nationalité d’un pays d’origine sûr, il constitue une menace grave pour l’ordre public, sa demande repose sur une fraude délibérée.

Ni la menace à l’ordre public ni la fraude délibérée ne posent de problèmes de fond. Les deux situations existent et il n’est pas contesté que les préfectures assurent ce contrôle de l’accès au territoire.

Les rapporteurs ont ainsi vu à Dijon les services de la préfecture qui leur ont décrit des pratiques de fraude caractérisée, sans pouvoir toutefois les quantifier, consistant par exemple à rendre ses empreintes digitales illisibles pour les bornes Eurodac dans le but d’éviter un transfert ou de s’inscrire dans plusieurs préfectures différentes afin de toucher plusieurs fois l’allocation temporaire d’attente.

De même, le directeur central de la police aux frontières, entendu par le groupe de travail, a évoqué le démantèlement de filières spécialisées dans la fraude documentaire à la demande d’asile (faux justificatifs de domicile, fausses déclarations de minorité, faux actes de naissance, faux passeports ou extraits de casier judiciaire).

Seuls les services de police et des préfectures sont armés pour détecter ces fraudes et ces trafics en amont de la procédure.

L’hypothèse de l’appartenance à un pays d’origine sûr est plus contestée dans son principe même.

Les conséquences de ce classement en procédure prioritaire sont aussi fortement contestées : nécessité (non respectée) de statuer dans les 15 jours pour l’OFPRA, interdiction de l’accès aux CADA, recours non suspensif devant la CNDA. Depuis deux décisions du Conseil d’État de 2008 et 2011, les demandeurs d’asile en procédure prioritaire peuvent toutefois désormais bénéficier de l’allocation temporaire d’attente jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA.

Le débat a ressurgi avec la discussion de la directive procédure dont l’article 31 paragraphe 8 élargit les cas de recours à une procédure accélérée notamment dans des hypothèses nécessitant un examen du fond du dossier (histoire personnelle de la personne) et non plus seulement en cas d’éléments objectifs comme la nationalité, ce qui pose la question de l’autorité de détermination du classement en procédure accélérée avec une acuité nouvelle.

Il convient toutefois d’éviter de se focaliser sur les seules questions de principe et d’évoquer les conséquences concrètes du classement en procédure prioritaire aujourd’hui ou en procédure accélérée demain, qui n’exclue pas du tout un examen individualisé du dossier, comme le montre l’exemple de la liste des pays d’origine sûr.

1. Flexibiliser la liste des pays d’origine sûrs

Le CESEDA (article L. 741-4) définit un pays d’origine sûr (POS) comme un pays « qui veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et précise (article L. 722-1) que la liste des POS est arrêtée par le conseil d’administration de l’OFPRA.

La grande difficulté de cette notion est de s’assurer qu’elle corresponde à une réalité observée sur l’ensemble du territoire du pays concerné et applicable à l’ensemble de ses citoyens et minorités. Certaines association réfutent l’existence même de cette notion, d’autres contestent au coup par coup son application à tel ou tel pays devant le Conseil d’État qui leur donne régulièrement raison.

Le fait qu’il n’existe pas de liste valable pour l’ensemble de l’Union européenne affaiblit ce concept même si l’on peut comprendre que le regard porté sur l’état de droit de tel ou tel pays puisse varier selon les cultures nationale et les liens diplomatiques passés ou présents.

Les directives européennes ont toujours validé ce principe et c’est le cas de la directive procédure du 26 juin 2013.

En France, le principe de l’établissement d’une liste de pays d’origine sûrs et l’application de la procédure prioritaire pour les demandes émanant d’étrangers qui ont la nationalité de l’un de ces pays ont été validés par le Conseil constitutionnel (Décision n° 2003 485 DC du 4 décembre 2003).

Sur ces bases, une première liste de pays d’origine sûrs a été adoptée le 30 juin 2005 et cette liste n’a cessé d’évoluer depuis, car il est indispensable de l’adapter aux évolutions géopolitiques quasiment en temps réel. La liste en vigueur compte 18 États dont l’Ukraine, ce que certains observateurs contestent au regard de l’évolution de ce pays depuis l’automne 2013.

On peut toutefois s’interroger sur le fait de confier cette compétence au conseil d’administration d’un établissement public qui, du fait de la fréquence nécessairement réduite de ses réunions, ne garantit pas une adaptabilité maximale de la liste aux évolutions géopolitiques, même si la liste a été modifiée trois fois en 2013. Les rapporteurs estiment qu’il pourrait être plus simple de confier cette compétence au directeur général de l’OFPRA qui pourrait actualiser la liste autant de fois que nécessaire.

Il ne faut pas se méprendre sur les effets pratiques d’un classement en procédure prioritaire. L’OFPRA examine bien la situation individuelle des personnes et procède à leur convocation pour un entretien dans la quasi-totalité des cas (98 % en 2013). Les dossiers prioritaires passent avant les autres sans toutefois respecter le délai de 15 jours fixé par le CESEDA, mais ne font pas l’objet d’un traitement fondamentalement différent.

En revanche, l’inscription sur la liste d’un pays donné a un effet sur le volume de la demande d’asile adressé à la France, comme l’a montré la mission conjointe des inspections en étudiant l’exemple de l’Arménie.

Évolution de la demande d’asile arménienne entre 2009 et 2011

Demandes d’asile (hors mineurs accompagnants)

Janvier à novembre 2009

Décembre 2009 à juillet 2010

Août 2010 à décembre 2011

Nombre moyen de premières demandes mensuelles

187,4

109,8

193,4

Évolution entre périodes

-

 41 %

+ 76 %

Source : extraction Eurostat, calculs mission.

Rappel : inscription sur la liste des POS le 20 novembre 2009 et retrait le 23 juillet 2010.

De même, en 2012, la demande d’asile en provenance du Bangladesh a baissé de 68 % en quatre mois après l’inscription de ce pays sur la liste des POS (décision du 6 décembre 2011). À l’inverse, elle est repartie à la hausse immédiatement après son retrait de la liste des POS en mars 2013 (décision du Conseil d’État du 4 mars 2013).

Les dossiers de POS ont représenté près de 13 % des premières demandes et près d’un quart des réexamens en 2012 à l’OFPRA, pour un taux d’admission à la protection internationale de 4 %, logiquement plus faible que la moyenne (9,4 % en 2012).

La notion de POS apparaît aux rapporteurs comme correspondant à une certaine réalité et ne leur paraît pas contestable en elle-même, d’autant que son utilisation est systématiquement contrôlée par le conseil d’État, saisi par les associations.

Si sa portée pratique est relativement limitée sur la procédure d’examen de la demande, elle a en revanche des effets sur le statut du demandeur qui n’est pas éligible au CADA et dont le recours devant la CNDA n’est pas suspensif, ce dernier point paraissant contestable.

2. Généraliser le caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d’asile

Le recours d’un demandeur d’asile classé en procédure prioritaire devant la CNDA n’est actuellement pas suspensif ce qui veut dire qu’il peut théoriquement faire l’objet d’une mesure d’éloignement pendant la période d’examen de son affaire par la juridiction.

Le seul recours suspensif dont il dispose est celui devant le juge de la reconduite à la frontière chargé de contrôler la légalité de la mesure d’éloignement et d’en vérifier la compatibilité avec les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette situation est régulièrement déplorée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (avis sur le régime d’asile européen commun 28 novembre 2013) et a fait l’objet récemment d’un avertissement de la part de la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt I.M contre France du 2 février 2012).

Dans cet arrêt, la Cour a fait de la suspensivité du recours un élément d’appréciation important du caractère effectif du droit au recours devant une instance nationale en cas de violation des droits et libertés reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme, garanti par l’article 13 de ladite convention, et il n’est pas exclu que la France soit un jour condamnée pour ce motif.

Dès lors, les rapporteurs considèrent qu’il serait avisé de mettre fin au caractère non suspensif du recours pour les procédures prioritaires à l’occasion de la réforme législative de l’asile.

Certains acteurs, à commencer par Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine, font le lien entre cette mesure et la création d’une procédure accélérée spécifique devant la CNDA qui serait dédiée aux dossiers classés en procédures prioritaires.

Ce lien n’apparaît pas évident, dans la mesure où actuellement il n’existe pas de procédure particulière pour ces dossiers devant la CNDA, à la différence de l’OFPRA. Généraliser le recours suspensif ne parait pas suffire en lui-même à provoquer un surcroît de premières demandes, et l’impact sur l’activité de la CNDA ne semble donc pas évident à première vue. Il peut y avoir néanmoins un impact si la perspective de ne plus courir de risque d’éloignement, tant que la procédure est en cours, incite certains demandeurs à la prolonger artificiellement (demandes répétées de réexamen, demandes successives de renvoi de l’audience) afin de continuer à bénéficier du séjour régulier en France.

On peut souhaiter mettre en place une procédure spécifique pour ces dossiers, indépendamment de la question du recours suspensif, au motif qu’ils présenteraient peu de difficultés et pourraient être tranchés lors d’une audience à juge unique plutôt que lors d’une audience nécessitant la présence de trois juges.

Les rapporteurs observent à ce propos qu’il conviendrait de bien définir la place de cette nouvelle procédure par rapport à la procédure dérogatoire qui existe déjà à la Cour, celle des ordonnances à juge unique (voir infra). Ils font aussi part de leurs réserves face à un lien mécanique entre procédures prioritaires et procédures dérogatoires, déterminisme qui risque d’aboutir à des erreurs d’aiguillage, et font part de leur préférence pour un système qui laisse à la juridiction comme à l’OFPRA le soin d’adapter son examen du dossier au cas par cas, en fonction de ses caractéristiques propres.

C’est la même approche pragmatique reposant sur la confiance dans l’expertise des instances chargées de la politique de l’asile qui guide leurs analyses relatives à la mise en place d’éventuelles nouvelles procédures accélérées à l’occasion de la transposition de la directive procédure du 26 juin 2013.

3. Adapter l’examen des demandes manifestement infondées

L’article 31 paragraphe 7 et l’article 32 de cette directive paraissent élargir les cas de recours à des procédures accélérées, au-delà des procédures prioritaires en vigueur actuellement en France. C’est notamment le cas du demandeur qui n’exposerait que « des questions sans pertinence » ou qui ne ferait que « des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles ».

Le trait commun de ces nouvelles hypothèses est qu’il impose un examen au fond du dossier et donc la compétence de l’OFPRA pour les activer. Il paraît donc logique de laisser à l’OFPRA le soin d’identifier ces dossiers et d’adapter son traitement à leurs caractéristiques propres.

Ceci n’impose aucune modification législative puisque l’article L. 723-3 du CESEDA permet déjà à l’OFPRA de ne pas convoquer pour un entretien des demandeurs dont le dossier apparaît comme manifestement infondé. Son application est marginale pour les premières demandes puisque leur enregistrement est soumis à la production d’un récit écrit circonstancié qui appelle nécessairement un entretien d’approfondissement dont la durée est toutefois variable (entre une heure et deux heures et demie pour les entretiens auxquels ont assisté les membres du groupe de travail).

Il est en revanche très utilisé pour l’instruction des réexamens qui n’a exigé un nouvel entretien qu’à hauteur de 12,5 % d’entre eux en 2013.

De même, la CNDA dispose de la possibilité de rejeter par ordonnance les recours qui « ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l’OFPRA » (article R. 733-4 du CESEDA). Ces ordonnances sont prises par le président de la Cour ou les présidents de formation de jugement qu’il désigne à cet effet et instruites par des rapporteurs et le requérant a accès à son dossier avant un éventuel rejet par ordonnance ce qui assure une certaine transparence, moindre que l’organisation d’une audience publique, ce qui fait l’objet de nombreuses critiques. En 2013, la CNDA a traité par cette procédure 6 222 dossiers soit 16 % du total, dont plus de la moitié consécutives à des demandes de réexamen.

Il apparaît aux rapporteurs plus judicieux d’utiliser ces procédures qui existent déjà, plutôt que d’en créer d’autres, car leur grand mérite est de reposer sur l’expertise des institutions responsables du droit d’asile et de garantir un examen individualisé du dossier ce qui ne serait pas automatiquement le cas de procédures accélérées nouvelles.

Proposition n° 14 : Mieux utiliser les potentialités des procédures accélérées :

– confier au directeur général de l’OFPRA la définition de la liste des pays d’origine sûrs ;

– généraliser le recours suspensif devant la CNDA, y compris pour les procédures accélérées ;

– pérenniser les procédures existantes permettant un examen adapté des demandes manifestement infondées par les autorités de détermination du droit d’asile.

B. ACCÉLÉRER LA MISE EN œUVRE DU PLAN DE RÉFORME DE L’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES

L’OFPRA est confronté à un environnement difficile depuis plusieurs années, confirmé par l’année 2013 : augmentation importante de la demande d’asile (+11 % des premières demandes par rapport à 2012), stagnation de la productivité des officiers de protection, augmentation des stocks de dossiers et des délais de traitement (voir infra).

Les moyens nouveaux attribués depuis 2007 n’ont pas permis d’inverser cette spirale négative et les réformes de procédure imposées par la directive du 26 juin 2013 compliqueront sérieusement l’équation à partir de 2015. L’OFPRA a pris la mesure de cette situation de crise et a défini un plan de réforme mis en œuvre à partir de l’automne 2013.

Après avoir longuement entendu le directeur général de l’OFPRA lui exposer ces différentes mesures, lors d’une audition à l’Assemblée nationale puis dans les locaux de l’établissement public, le groupe de travail estime que ce plan est ambitieux et cohérent et souhaite son application la plus rapide possible afin de remettre au plus vite l’OFPRA sur la trajectoire de sortie de crise.

1. Un plan cohérent qui commence à produire ses premiers effets

Le diagnostic posé à l’appui du plan de réforme a confirmé le désarroi de l’institution et les risques sous-jacents pour la politique de l’asile : « Il a notamment mis en évidence une situation insatisfaisante où la CNDA accorde un plus grand nombre de statuts protecteurs que l’Office ; une altération du sens de la mission sous l’effet d’une « politique du chiffre » alors même que baissait l’efficacité de l’instruction ; un allongement des délais de réponse aux demandeurs, au détriment de ces derniers mais aussi des agents confrontés à un stock croissant de demandes en attente; une tentation d’éviter l’instruction, un manque de mobilité interne comme externe et un « turn over » de jeunes agents contractuels élevé ; un repli sur les divisions au détriment de l’identité et de l’efficacité communes ; un déficit de management pour l’accompagnement des agents au sein des équipes; des obstacles dans l’organisation du travail préjudiciables à la qualité du travail comme à son efficacité; une qualité du travail des agents de l’Office insuffisamment connue et mise en valeur à l’intérieur et à l’extérieur de l’Office » (Plan d’action pour la réforme de l’OFPRA, 22 mai 2013).

Fort de ce diagnostic sans concession, le plan de réforme de l’OFPRA se caractérise par une démarche globale qui vise à la fois à améliorer la qualité du travail fourni et les garanties d’équité de traitement que sont en droit d’attendre les demandeurs d’asile et à répondre aux attentes de performance administrative exprimées par les pouvoirs publics. Les deux dimensions sont en effet interdépendantes et reposent sur l’adhésion et le soutien des personnels de l’OFPRA dont les représentants syndicaux siégeant au comité technique de l’établissement ont approuvé le plan à l’unanimité.

Plusieurs actions tendent à renforcer la protection due aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Parmi celles-ci figurent : la création d’un comité d’harmonisation destiné à contribuer à une doctrine unifiée et à des pratiques de travail partagées, le développement d’une expertise de l’instruction à travers notamment le développement des moyens d’appui (information sur les pays d’origine et sécurité juridique), la mise en œuvre d’un contrôle qualité permettant une vérification des procédures d’instruction en lien avec le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), une formation des officiers de protection plus diversifiée et mieux ciblée sur leurs besoins, une concertation plus ouverte et plus approfondie avec les partenaires associatifs, une anticipation sur la mise en œuvre des garanties européennes à la suite de l’adoption du « paquet asile » et enfin une attention particulière aux personnes vulnérables.

Les rapporteurs ont particulièrement apprécié l’initiative de l’audit qualité mené en partenariat avec le HCR, consistant pour une équipe paritaire (4 chefs de section de l’OFPRA, 4 experts du HCR) à passer au crible d’une grille d’évaluation très sophistiquée – peut-être trop mais elle s’affinera au fil de la pratique (plus de 100 questions) –, un échantillon représentatif (200 dans un premier temps puis 350 en régime de croisière) des décisions notifiées par l’OFPRA. Ce geste d’ouverture sans précédent permettra à la fois à l’OFPRA de progresser dans l’élaboration et la rédaction de ses décisions, notamment dans les motivations, tout en associant le HCR à ses pratiques et sa doctrine, ce qui ne peut que conforter sa légitimité et son professionnalisme.

Un second train de mesures vise à améliorer l’efficacité de l’OFPRA et à atteindre des objectifs plus ambitieux. Plusieurs actions s’y rattachent : la mutualisation des principaux flux de demandeurs d’asile pour une meilleure réactivité et un partage plus équitable de la charge de travail, la mise en place d’un traitement adapté permettant une instruction proportionnée au degré de complexité de la demande, un meilleur accès aux sources d’informations juridiques et documentaires, une responsabilisation des officiers de protection confirmés par la délégation de signature du directeur général, une modernisation des pratiques de management et la suppression des blocages techniques par une meilleure organisation du travail et l’achèvement du processus de numérisation.

Ce train de mesure touche au cœur du métier de l’OFPRA et devrait lui permettre de renouer avec les gains de productivité tout en renforçant l’harmonisation de sa doctrine et la cohérence de ses décisions.

La mutualisation progressive entre les quatre divisions géographiques de l’OFPRA du traitement des principales nationalités de demandeurs (Albanie et Kosovo dans un premier temps puis Arménie, Géorgie, Bangladesh et République démocratique du Congo) est particulièrement prometteuse, de même que la mise en place du traitement adapté de l’instruction.

Aux termes du plan, « le traitement adapté conduit à une simplification des procédures d’instruction pour venir en aide aux officiers de protection et garantir le respect des droits des demandeurs. Il suppose un questionnement plus directif et doit conserver un caractère contradictoire permettant au demandeur de s’expliquer sur les points faibles ou les contradictions apparentes. L’instruction s’effectue sur la base d’une synthèse des principaux faits invoqués et la qualification juridique doit correspondre à un modèle simplifié. S’il apparaît au cours de l’instruction des éléments de nature à remettre en cause l’appréciation initiale, l’officier de protection doit passer du traitement adapté à un examen plus approfondi. Les modalités de mise en œuvre du traitement adapté sont spécifiques à chaque type de demande. » (Plan d’action pour la réforme de l’OFPRA 22 mai 2013). Des fiches de traitement adapté à certaines nationalités ont ainsi été rédigées pour les officiers de protection afin de limiter leur subjectivité tout en respectant leur autonomie de décision et d’action.

Les rapporteurs s’interrogent à ce propos sur le maintien dans sa configuration actuelle du dispositif du récit écrit (voir infra) servant de base à la saisine de l’OFPRA. Peut-être serait-il plus judicieux d’encadrer ce récit sous forme de questions précises et normalisées dont l’exploitation par l’officier instructeur serait plus rapide et encadrée que le système actuel qui repose sur la liberté totale d’expression du demandeur et nécessite une aide spécifique des associations qui connaissent les attentes de l’OFPRA.

Enfin, le troisième volet concerne les mesures propres à améliorer les conditions de travail des agents : une redéfinition des missions des agents de catégories B et C et le développement de la promotion interne, un management transparent et participatif des équipes, l’instauration du télétravail, un dispositif d’appui psychologique pour permettre aux officiers de protection une analyse d’expérience et de nouvelles règles de mobilité interne et externe qui auront notamment pour but de mieux organiser les parcours professionnels entre divisions d’appui et divisions de l’instruction.

Un objectif de production annuel est désormais fixé aux officiers de protection, en cohérence avec l’indicateur du programme annuel de performances (voir supra) sur la base d’un forfait de 192 jours travaillés et un suivi trimestriel quantitatif et qualitatif de leur travail est assuré à partir de 2014.

Ce plan a été défini au cours du premier semestre 2013 et n’a commencé à entrer en application qu’à compter du 1er septembre 2013. Ses effets doivent donc être suivis sur l’ensemble de l’année 2014 afin de disposer d’une consolidation en année pleine.

D’ores et déjà, certains signes sont encourageants comme la légère baisse des annulations des décisions de l’OFPRA par la CNDA (15 % des requérants contre 16,4 % en 2012) ce qui, ajouté à l’augmentation du taux d’admission de l’OFPRA, a permis de mettre fin à l’anomalie régulièrement dénoncée du nombre de protections accordées par la CNDA supérieur à celui de l’OFPRA. En 2013 l’OFPRA a accordé près de 6 000 protections contre près de 5 400 pour la CNDA.

Il est rappelé qu’une protection accordée au stade du recours est plus coûteuse et que la mission conjointe des inspections avait estimé à une douzaine de millions d’euros l’économie qui résulterait du fait d’accorder dès le stade de l’OFPRA 2 000 protections actuellement accordées au stade de la CNDA.

Si les délais moyens de traitement se sont encore allongés en 2013, on observe un début de retournement de tendance à partir du mois d’octobre qui mérite toutefois d’être conforté.

2. Des résultats fragiles qui doivent être confortés par des moyens supplémentaires

L’examen du tableau de bord mensuel de l’OFPRA montre que la tendance est meilleure depuis octobre 2013, date à laquelle la courbe des décisions prises est passée au-dessus de celle des demandes déposées.

Les courbes se sont toutefois de nouveau croisées en février 2014 alors même que la demande baissait de 8 % pour les deux premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2013.

La capacité de traitement de l’OFPRA a augmenté depuis octobre 2013 mais pas assez pour réduire significativement les stocks qui ont néanmoins cessé d’augmenter pour stagner autour de 30 000 dossiers.

À moins d’une amplification durable de la baisse de la demande amorcée début 2014, on voit mal comment l’OFPRA peut atteindre la cible de trois mois de délais de traitement en 2015 et la conserver au-delà, compte tenu des effets de la transposition de la directive procédure sur la durée de l’entretien.

Dès lors il convient de maximiser les effets du plan de réforme en accélérant sa mise en œuvre (mutualisation de l’instruction, traitement adapté de l’instruction) et en augmentant significativement les moyens d’instruction dans le projet de loi de finances pour 2015.

La mission conjointe des inspections avait modélisé en avril 2013 un scénario de rejointe de la trajectoire de référence sur la base d’hypothèses d’évolution de la demande d’asile optimistes : +4 % en 2013 (contre +8 % constatés), +2 % en 2014 (-8 % pour les deux premiers mois) et +4 % en 2015.

Son scénario de référence tablait sur un délai moyen prévisible de 3 mois et un volume de 11 000 dossiers en stock en 2015 et passait par la création de 10 ETP à l’OFPRA (obtenus en LFI 2014) et une hausse de la productivité de 10 % en 2014 qui n’est pas hors de portée si la réforme continue à produire les effets constatés depuis octobre 2013. La hausse de la productivité globale dépend toutefois aussi de l’éventuel processus de déconcentration partielle qui peut fortement réduire la performance s’il est mal calibré.

Si l’on souhaite réellement concrétiser la trajectoire et rattraper le retard accumulé en 2013, du fait notamment de la hausse de la demande supérieure aux prévisions, il conviendrait d’au moins doubler l’effort de créations de postes au profit de l’instruction des décisions.

Au regard des faibles possibilités de redéploiements internes – plus de 75 % des effectifs de l’OFPRA, soit 320 ETP, sont d’ores et déjà affectés à l’instruction ou en appui à l’instruction (documentation, affaires juridiques, interprétariat, archivage) –, il s’agirait de créations nettes de 20 emplois d’officiers de protection. Le coût d’une telle mesure (1,3 million d’euros en année pleine) serait largement compensé par la baisse du montant de l’allocation temporaire d’attente générée par une baisse des délais de traitement (6,5 millions pour une baisse des délais d’un mois à l’OFPRA selon la mission conjointe des inspections).

Proposition n° 15 : Accélérer la mise en œuvre du plan de réforme de l’OFPRA :

– mettre en place au plus vite la mutualisation et le traitement adapté de l’instruction ;

– créer 20 emplois d’officiers de protection dans le projet de loi de finances pour 2015 ;

– reconnaître au demandeur d’asile un droit à l’assistance d’un conseil et à l’accès au compte-rendu de l’entretien, en application de la directive procédure du 26 juin 2013.

C. POURSUIVRE LA PROFESSIONNALISATION DE LA COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE

La Cour nationale du droit d’asile fait régulièrement l’objet de critiques portant sur ses délais de jugement (voir supra) et plus globalement sur son fonctionnement et la qualité de ses jugements.

Il s’agit d’une institution encore jeune dans sa configuration actuelle puisque son rattachement au Conseil d’État ne remonte qu’à 2009 et dont l’activité est atypique, tant par sa nature que par son volume qui la classe au premier rang des juridictions françaises au regard du nombre de ses décisions.

Si la CNDA suscite nombre de commentaires de la part des différentes parties prenantes de l’asile, aucun des nombreux interlocuteurs entendus par les rapporteurs n’a souhaité sa disparition au profit des tribunaux administratifs, ainsi que le suggéraient Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine dans leur rapport.

Les rapporteurs estiment pour leur part que cette suppression n’est pas souhaitable alors que la CNDA est sur la voie de la professionnalisation et de la performance administrative. Il lui reste cependant d’importants progrès à accomplir dont certains sont engagés et d’autres restent encore à concrétiser.

1. Le transfert du contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs n’est pas souhaitable

Le rapport Létard-Touraine préconise une expérimentation du transfert du contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs, soit dans une ou deux régions à forte demande d’asile, soit pour l’ensemble du contentieux en procédure prioritaire.

Au-delà de la question de la validité juridique des expérimentations en matière de contentieux (peut-on traiter différemment des requérants selon la territorialisation de leurs affaires ?), la pertinence même de ce transfert n’est pas évidente.

Les associations entendues par les rapporteurs s’y sont unanimement opposées pour des raisons de fond, relevant au passage que cette proposition ne leur avait pas été soumise lors de la concertation. Selon elles, ce transfert aurait pour conséquence de nier la particularité du contentieux de l’asile et risquerait de fragiliser cette politique en la rapprochant dangereusement du contentieux du séjour et plus globalement des étrangers et de l’immigration.

Il est cependant constaté que ce modèle de juge spécialisé dans l’asile et l’immigration existe dans plusieurs pays européens notamment aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède, alors qu’en Allemagne c’est bien le tribunal administratif de droit commun qui est compétent pour l’asile.

Sur un plan pragmatique, ce transfert n’emporte pas la conviction comme le montre l’examen des arguments avancés par la mission conjointe des inspections d’avril 2013, à l’origine de cette proposition.

L’argument de l’accessibilité pour les requérants, actuellement obligés de se rendre une fois et une fois seulement dans l’immense majorité des cas pour leur audience au siège de la CNDA à Montreuil, en banlieue parisienne bien desservie par le métro, est très fragile.

L’examen de la domiciliation des requérants en 2013 montre, reflétant logiquement la territorialisation de la demande d’asile, que la région parisienne représente une petite moitié d’entre eux (15 700 sur 34 750), loin devant Rhône-Alpes (un petit 10 %) et une dispersion dans toutes les régions. Il faudrait donc transférer le contentieux à une vingtaine de tribunaux administratifs pour progresser réellement sur la proximité, ce que personne n’envisage, du fait de la technicité de ces affaires.

DOMICILIATION DES REQUÉRANTS DEVANT LA CNDA EN 2013

Source : CNDA

L’objectif d’une meilleure cohérence jurisprudentielle est plus pertinent que celui de l’accessibilité, mais il peut être atteint par d’autres mesures que le transfert. Il en est de même de la nécessaire baisse du taux de renvoi des audiences qui porte atteinte à l’efficacité de la CNDA.

Le transfert de ce contentieux spécialisé aux tribunaux administratifs, ou à quelques-uns d’entre eux (Paris, Lyon, Marseille, Nantes et Strasbourg par exemple) aurait en revanche un coût élevé pour les finances publiques.

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est une juridiction à faible coût budgétaire, du fait de la proportion des magistrats (90 %) rémunérés à la vacation, par rapport aux magistrats permanents rémunérés à temps plein (10 %) et de l’organisation de la juridiction qui confie l’instruction des dossiers à des attachés d’administration ou à des contractuels, alors que l’instruction est assurée dans les juridictions de droit commun par des magistrats, dont le coût budgétaire est beaucoup plus élevé.

En assignant la même productivité aux magistrats professionnels qu’aux rapporteurs de la Cour, il faudrait créer 155 emplois de magistrats et 186 emplois d’agents de greffe aux coûts moyens de 122 000 euros par an pour un ETPT de magistrat (soit au total 19 millions d’euros) et de 37 000 euros par an pour un ETPT d’agent de greffe (soit au total 6,9 millions d’euros).

La masse salariale résultant de la création des emplois considérés serait de 26 millions d’euros, soit plus du double de la masse salariale actuelle qui atteint 10,9 millions d’euros (6,3 millions pour les rapporteurs, 2,1 millions pour les secrétaires, 1,5 million pour les présidents permanents et 1 million pour les vacations versées aux présidents et assesseurs).

Le transfert imposerait de procéder à l’extension des locaux des juridictions concernées (bureaux et salles d’audience) ou à leur déménagement afin d’accueillir les personnels et les quelques 600 justiciables qui fréquentent quotidiennement la Cour. L’utilisation des salles d’audience est nettement plus intensive qu’en contentieux classique, compte tenu de l’oralité de la procédure en matière d’asile. Des constructions nouvelles ou réaménagements lourds seraient donc indispensables.

D’autre part, l’interprétariat, indispensable dans la quasi-totalité des recours, verrait ses coûts augmenter considérablement en cas d’éclatement du contentieux et la dispersion des besoins aggraverait la pénurie des interprètes dans certaines langues fréquemment appelées à être traduites.

Enfin, compte tenu des délais actuels de traitement des affaires portées devant les tribunaux administratifs et du coefficient élevé d’apprentissage de ce contentieux (géopolitique, droit de l’asile), rien ne démontre que ce transfert permettrait de réduire les délais, notamment dans la phase de transition qui coïnciderait vraisemblablement avec une phase d’augmentation du nombre des affaires. De fait, la proposition des inspections ne reposait sur aucune étude d’impact.

2. La professionnalisation de la Cour doit être renforcée

Outre des délais de traitement trop longs, la Cour souffre encore d’une professionnalisation insuffisante pouvant porter atteinte à la cohérence de sa jurisprudence : la persistance d’importants écarts de taux d’admission entre les formations de jugement en est le principal indice.

De même, les relations de la juridiction avec les avocats spécialisés dans ce contentieux ne sont pas apaisées, comme en témoigne la grève de l’assistance des requérants menée par les avocats du 14 mai au 7 juin 2012 qui a toutefois permis, à la suite de la médiation de M. Jean-Marie Delarue, de définir une nouvelle organisation de la procédure, concrétisée par le décret du 16 août 2013, prenant davantage en compte les contraintes des uns et des autres.

Certains dysfonctionnements relevés par la mission conjointe des inspections sont en train de trouver des réponses dont il faudra assurer le suivi en 2014, c’est le cas notamment du traitement des recours ultramarins et de l’attribution de l’aide juridictionnelle (AJ).

La mission avait ainsi souligné les insuffisances de la Cour dans le traitement des dossiers ultramarins (essentiellement en Guyane et à Mayotte) dont les délais de traitement étaient beaucoup plus longs que ceux de métropole. Les délais moyens constatés étaient supérieurs de 7 mois et 20 jours en 2012 à ceux de métropole et s’élevaient à 1 an 5 mois et 6 jours.

Les rapporteurs constatent que cet écart a été réduit en 2013 mais qu’il atteint encore 6 mois ce qui n’est pas acceptable. Le recours à la visioconférence, rendu possible par la loi du 16 juin 2011 et le décret d’application du 6 avril 2012 complété par l’arrêté du 12 juin 2013, doit désormais être enfin activé afin de réduire cet écart, en complément d’audiences foraines si nécessaire comme il s’en est tenu trois en 2013 (deux à Cayenne et une à Mayotte).

La mission d’inspection conjointe avait aussi déploré les délais excessifs de traitement des demandes d’AJ qui s’élevaient à 4 mois et 9 jours en 2012 contre seulement 1 mois et 18 jours pour l’ensemble des bureaux d’AJ français fin 2011 et avait préconisé des mesures qui ont été suivies mais qui n’ont pas encore produit leur plein effet puisque ce délai moyen était encore de plus de trois mois en 2013.

Depuis la suppression de la condition d’entrée régulière sur le territoire pour l’octroi de l’aide juridictionnelle (AJ) à compter du 1er décembre 2008, le nombre de demandes a presque quadruplé (de 6 200 en 2008 à 22 150 en 2012) et le taux d’octroi aussi puisqu’il est passé de 20 % à 80 % en 2013, les 20 % de rejet relevant essentiellement de la forclusion, le requérant disposant d’un mois à compter de l’avis de réception de son recours pour présenter sa demande d’AJ. De ce fait le bureau de l’AJ a été submergé par les demandes et les délais de traitement se sont allongés.

Le décret du 20 juin 2013, en doublant la rétribution au titre de l’AJ qui est passé ainsi pour un dossier de 187 euros à 374 euros, et en prévoyant la possibilité, pour tous les bâtonniers de France métropolitaine comme d’outre-mer, d’établir des listes d’avocats volontaires pour intervenir devant la CNDA au titre de l’aide juridictionnelle, a permis d’augmenter l’attractivité de la CNDA auprès des auxiliaires de justice et de faciliter l’enrôlement des affaires. Ce phénomène n’est toutefois pas constaté outremer car les bâtonniers y sont très peu réactifs et tardent à désigner des avocats dans leurs barreaux. Les délais de traitement de l’AJ sont encore supérieurs à 9 mois outremer ce qui est insupportable : le développement des vidéo-audiences devrait accélérer cette désignation en 2014 et contribuer à redresser la situation.

De même, la suppression du contrôle des conditions de ressources du demandeur (qui n’aboutissait à un refus que pour 0,3 % des demandes) au profit d’une simple déclaration sur l’honneur, a considérablement allégé la tâche du bureau de l’aide juridictionnelle de la Cour mais n’est entré en vigueur qu’à la mi-2013 et ne produira ses pleins effets qu’en 2014.

Les rapporteurs prennent acte de ces avancées mais ils appellent de leurs vœux de nouvelles mesures permettant de consolider la professionnalisation de la Cour et de traiter les dysfonctionnements encore constatés.

a. Modifier la composition des formations de jugement

La Cour est actuellement organisée en dix divisions présidées par un magistrat professionnel et comptant chacune une douzaine de rapporteurs et cinq secrétaires.

Les dix présidents permanents ne peuvent, à eux seuls, assumer les 3 169 audiences organisées chaque année par la Cour. Ils sont secondés dans cette tâche par des présidents dits « vacataires » lesquels sont des magistrats en activité auprès d'autres juridictions ou à la retraite.

Le président de la formation de jugement peut donc être un membre du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, mais également un magistrat du siège de l’ordre judiciaire (ou magistrat honoraire) ou encore un magistrat de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, ce qui est unique en France.

Le président est assisté de deux assesseurs qui sont des personnalités qualifiées nommées par le vice-président du Conseil d'État pour le premier sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'OFPRA et, pour le second, sur proposition du Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ce qui est unique au monde. Ces personnalités présentent des profils variés et sont censées détenir des compétences géopolitiques, juridiques, ou de terrain dans le domaine de l’asile : anciens ambassadeurs, universitaires, salariés d’organisations non gouvernementales.

Les juges assesseurs ne sont pas affectés à une division ou une formation de jugement donnée mais évoluent à chaque audience avec des formations de jugement différentes. Ce système n’est pas satisfaisant car l'absence de continuité peut générer une certaine instabilité dans la jurisprudence de la Cour et être source d'insécurité juridique.

De plus, la disponibilité relative de certains présidents vacataires et de certaines personnalités qualifiées assesseurs compliquent singulièrement l’enrôlement des affaires.

Enfin leur implication dans les dossiers est très variable : les avocats entendus par les rapporteurs ont observé que nombre d’entre eux découvraient les dossiers en audience ce qui ne garantit pas un traitement équitable aux requérants qui, il faut toujours le garder en mémoire, jouent leur destin et celui de leurs enfants lors de cette audience et des échanges oraux d’une durée de quelques dizaines de minutes.

Pour ces raisons, les rapporteurs considèrent que la proportion de présidents permanents doit augmenter à la CNDA : un doublement de leur nombre de dix à vingt, soit deux par division, permettrait de trouver un meilleur équilibre avec les présidents vacataires, et renforcerait substantiellement l’ossature professionnelle de la juridiction.

Le pivot de la procédure est le rapporteur qui est chargé de l'instruction des affaires depuis la mise en état du dossier, jusqu’à la rédaction et à la présentation en audience publique d'un rapport contenant les éléments de fait et de droit exposés par les parties ainsi que des conclusions. Au terme de l'audience, il assiste au délibéré sans voix délibérative puis assure la rédaction du projet de décision ainsi que, le cas échéant, des éventuels suppléments d'instruction.

Son analyse et son expertise ont une influence importante sur l'issue de la décision. Le fait qu’il propose une décision dans ses conclusions avant même le déroulement des échanges entre le requérant et les trois juges et la plaidoirie de l’avocat a été contesté et c’est la raison pour laquelle le décret du 16 août 2013 a modifié sur ce point la procédure en prévoyant désormais que le rapporteur « fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans prendre parti sur le sens de la décision ». Cette réforme doit entrer en vigueur au plus tard le 30 avril 2014.

Cette clarification du rôle du rapporteur mériterait d’être poursuivie. Dans le but de renforcer la professionnalisation de la Cour et de minorer la part des personnalités qualifiées plus ou moins impliquées dans l’examen des dossiers, il serait souhaitable de reconnaître explicitement l’influence du rapporteur en l’intégrant pleinement dans la formation de jugement avec voix délibérative, comme c’est l’usage devant les tribunaux administratifs. Cette réforme pourrait intervenir sans modifier le nombre de juges dans les formations de jugement qui resterait à trois, ce qui permettrait de supprimer la présence des assesseurs nommés sur proposition des ministres. Elle devrait s’accompagner de la suppression de la fonction actuelle de chef de division, confiée à d’anciens rapporteurs, et dont les tâches (relecture et signature des décisions, notations des rapporteurs, vérification du contenu des rôles) devraient relever des présidents permanents afin de conforter leur assise sur leur division.

Cette mesure, associée au doublement des présidents permanents, garantirait une meilleure cohérence de la jurisprudence, une harmonisation du déroulement des audiences et donc une plus grande équité des décisions, ce qui constitue bien l’objectif premier de toute juridiction.

b. Réduire le taux de renvoi des dossiers à l’audience

La mission d’inspection conjointe avait identifié à raison le taux de renvoi des dossiers à l’audience comme un dysfonctionnement majeur de la CNDA au regard des juridictions administratives et comme une source de coût et d’inefficience.

Il est en effet navrant de constater que près d’un quart (24,2 %) des dossiers ont encore été renvoyés à l’audience en 2013 alors qu’ils étaient instruits et prêts à être examinés, même si ce taux est en progrès par rapport aux années précédentes puisqu’il s’élevait à 31,6 % (27,3 % en neutralisant l’impact de la grève des avocats) en 2012.

Ayant entendu des analyses quantitativement très divergentes des différentes causes de ces renvois, les rapporteurs ont demandé à la CNDA communication de l’outil analytique de suivi pour l’année 2013.

Ce tableau montre que la Cour a encore des progrès à faire puisque 14 % des renvois lui sont imputables mais qu’elle a mené une action corrective importante par rapport à 2012, 30 % des renvois lui étant imputables cette année-là. Ces renvois relèvent de motifs organisationnels qui peuvent être encore améliorés (convocations, heure tardive des audiences) ou de fond qui doivent faire l’objet d’une analyse complémentaire (supplément d’instruction).

La grande majorité des renvois (les 2/3) relèvent néanmoins de l’absence des requérants (37 %) ou/et de leurs avocats (29 %). Il importe dès lors de trouver des solutions permettant de réduire substantiellement ces indisponibilités sans avoir recours à une lecture trop littérale de la réglementation qui autorise pleinement le président de la formation de jugement à statuer en l’absence d’une partie (l’article R. 733-24 du CESEDA prévoit que « l’absence d’une des parties ou de son avocat à l’audience n’emporte pas obligation pour le président de la formation de jugement de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure »).

M. Jean-Marie Delarue, médiateur du conflit entre la CNDA et les avocats, a fait des propositions d’organisation qui ont été reprises dans le décret du 16 août 2013 et qui vont entrer en vigueur prochainement. Ces propositions sont de nature à fluidifier les relations avec les avocats en leur permettant notamment de mieux s’organiser et de mieux anticiper leurs engagements vis-à-vis de la Cour.

Il en va ainsi par exemple de la transmission numérique des dossiers aux avocats grâce à une plateforme numérique dématérialisée sur laquelle l’avocat vient récupérer les dossiers par une application web. Ce dispositif est encore à un stade expérimental avec une quinzaine d’avocats. Les rapporteurs souhaitent sa généralisation dans les délais les plus brefs ce qui suppose de mener à bien très vite les adaptations techniques complémentaires.

De même, le nouveau calendrier prévisionnel d’instruction et d’enrôlement des dossiers va entrer en vigueur à compter du 1er mai 2014. Cette chronologie nouvelle permettra des envois de pré-convocations à 3 mois et la clôture de l’instruction dix jours francs avant la date de l’audience, ce qui devrait permettre à chacun (avocats, rapporteurs, présidents, service central de l’enrôlement) de travailler dans de meilleures conditions et de repartir sur de meilleures bases.

Le fait pour le président de la formation de jugement de pouvoir désormais convoquer les parties sans conditions de délai à une audience ultérieure lorsqu’il fait droit sur le siège à une demande de report de l’audience présentée par le requérant devrait aussi dissuader les utilisations du renvoi comme un instrument de gestion des affaires.

Il conviendra aussi de progressivement venir à bout des goulets d’étranglement constitués par la grande concentration du contentieux de l’asile sur quelques cabinets spécialisés (les 8 premiers avocats totalisent 38 % des dossiers du stock du service central de l’enrôlement). On constate ainsi que les dossiers de ces avocats ont des délais de jugement supérieurs au délai moyen (deux d’entre eux dépassent même les 16 mois de délais moyens constatés), du fait d’un phénomène de file d’attente puisqu’ils ne peuvent être décemment convoqués pour plus de sept affaires par jour.

Si certains d’entre eux, entendus par les rapporteurs, ont affirmé confier certains dossiers à des confrères ou à leurs collaborateurs, cette pratique ne semble pas encore de nature à garantir la résorption des stocks accumulés. Dès lors, on ne peut que soutenir le rappel du code de déontologie des avocats fait par la mission conjointe des inspections et au terme duquel « l’avocat ne peut accepter une affaire s’il est dans l’incapacité de s’en occuper promptement, compte tenu de ses autres obligations » et inciter la CNDA à appliquer les textes lui permettant de faire respecter ce principe de bonne justice.

Proposition n° 16 : Écarter le transfert du contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs.

Proposition n° 17 : Conforter la professionnalisation de la Cour nationale du droit d’asile

– modifier la composition des formations de jugement en doublant le nombre de présidents permanents et en substituant les rapporteurs aux assesseurs désignés sur proposition des ministres ;

– utiliser la visioconférence pour les audiences ultramarines.

IV. TIRER LES CONSÉQUENCES DES DÉCISIONS DÉFINITIVES EN MATIÈRE D’ASILE

Il convient de rappeler brièvement les droits accordés aux personnes auxquelles l’OFPRA a reconnu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.

Ces personnes reçoivent dans les huit jours un récépissé de demande de titre de séjour valable trois mois et les autorisant à travailler. Ce récépissé est renouvelé jusqu'à la délivrance d'une carte de résident de 10 ans si la personne a été reconnue réfugié, ou, si elle a été admise au bénéfice de la protection subsidiaire, d'une carte de séjour temporaire d'un an, mention vie privée et familiale. Lors du renouvellement de la protection subsidiaire, l’OFPRA peut réexaminer les circonstances qui ont conduit à accorder la protection subsidiaire et refuser de la renouveler si elles ne sont plus d’actualité.

Les personnes protégées par l’OFPRA bénéficient également d'un certain nombre de droits administratifs et sociaux, notamment :

– le droit au travail et à la formation professionnelle ;

– l’accès aux aides financières des caisses d’allocations familiales ;

– l’accès à une couverture médicale de base et complémentaire ;

– l’accès à la procédure de réunification familiale ;

– les aides au logement et accès à un logement social ;

– l’accès au parcours d’intégration organisé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

A. FAVORISER L’INTÉGRATION DES PERSONNES PROTÉGÉES

Comme l’ont bien décrit les associations d’aide aux migrants entendues par le groupe de travail, les personnes ayant reçu un statut de protection connaissent pour la plupart d’importantes difficultés d’insertion. Les freins rencontrés par ces personnes sont de plusieurs ordres, et ont notamment été décrits par un rapport du Haut-commissariat aux réfugiés publié en septembre 2013 ; ils sont également évoqués par le rapport de Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine.

Si certains sont aidés par le Dispositif national d’accueil à l’intérieur duquel ils étaient hébergés, ou par des programmes spécifiques comme le programme Accelair, d’autres ne bénéficient d’aucune aide et souffrent d’une grande instabilité pendant la période qui suit l’obtention du statut. En ce sens, l’inégalité entre les demandeurs d’asile pris en charge en CADA et ceux qui ne le sont pas continue à porter des conséquences à la suite de la procédure d’asile.

Le Premier ministre a annoncé le 11 février dernier un plan d’action pour l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations. Ce plan comporte 28 mesures et sera mis en œuvre sous la direction d’un délégué interministériel à l’égalité républicaine et à l’intégration placé sous l’autorité du Premier ministre.

Les rapporteurs souhaitent vivement que ce plan prenne en considération de façon particulière la situation des personnes bénéficiaires de la protection internationale afin d’apporter une amélioration significative à leur situation.

1. Renforcer les capacités d’hébergement temporaire et d’accompagnement pour les personnes sous protection internationale

Lorsqu’un demandeur d’asile acquiert la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, il bénéficie de l’appui de différentes structures selon les cas ; il peut également être aidé dans le cadre du programme Accelair, dont les résultats sont positifs mais dont l’accès est encore trop restreint faute de financement suffisant.

a. Le rôle des centres d’accueil pour demandeurs d’asile dans l’accompagnement des réfugiés

Lorsque le demandeur d’asile a pu bénéficier d’un hébergement en CADA pendant sa procédure, lorsqu’il obtient le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, les travailleurs sociaux présents en CADA lui assurent un accompagnement dirigé sur l’ouverture des droits sociaux et l'accès à un logement. Une information en matière de droit des réfugiés et d'accès aux droits sociaux est délivrée, et une aide peut être proposée pour instruire les demandes d'aide sociale (ouverture des droits à la caisse d'allocations familiales, demandes de contrats d'insertion, ouverture des droits au revenu de solidarité active).

Les CADA peuvent également accompagner les résidents dans les démarches de délivrance des nouveaux documents d'identité (accompagnement à la préfecture pour la carte de séjour, à l'OFII pour la signature du contrat d'accueil et d'intégration). Certains CADA proposent un entretien de définition d'un projet professionnel et développent des partenariats avec des entreprises d’insertion pour l'accès à l'emploi.

Les principaux efforts des travailleurs sociaux se portent cependant sur l'accès des résidents à un logement, ou à défaut, à un hébergement temporaire : les difficultés de l’accès au logement social font que les CADA orientent les personnes vers des résidences sociales, des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou des services d’hébergement temporaire tels que les centres d'hébergement provisoires (CPH) ou autres structures locales.

Les statistiques portant sur le premier semestre 2013 montrent que la majorité des réfugiés statutaires en CADA ont été orientés vers des solutions d'insertion : 53 % vers le logement social et 35 % vers des solutions d'hébergement tels que des CPH, des CHRS ou encore des foyers de travailleurs.

Seule une minorité (11,6 %) des réfugiés a pu être orientée vers le logement privé et 8 % a pu bénéficier d’un bail direct.

b. Des places d’hébergement temporaire en nombre insuffisant

Les centres provisoires d’hébergement (CPH) sont au nombre de 28, répartis dans 26 départements du territoire métropolitain, et comptent une capacité totale de 1 083 places. Cette capacité est restée stable au cours des dernières années, le Gouvernement ayant choisi de privilégier la prise en charge des réfugiés par des dispositifs de droit commun.

Le taux d’occupation des CPH est élevé et s’établit au-dessus de 100 % (102 % en 2012) et la durée moyenne de séjour est d’environ 10,6 mois. Le nombre d’entrées s’établit entre 1 200 et 1 300 personnes, soit 16 % environ de l'ensemble des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire sortis des centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

En complément de l’offre proposée par les CPH, un certain nombre de dispositifs alternatifs d’accès à l’hébergement des réfugiés se sont développés au cours des dernières années, avec notamment le programme Reloref et le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) de l’association France Terre d’Asile (FTDA), la méthode Accelair et le CADA-IR de l’association Forum réfugiés, ou les actions retenues dans le cadre des appels à projets nationaux ou du fonds européen pour les réfugiés.

En 2012 étaient recensés 27 projets d'accès à l'hébergement ou au logement pour les bénéficiaires d'une protection internationale, à destination d'environ 1 700 bénéficiaires.

Il convient de développer ces capacités d’hébergement pour les réfugiés, afin de leur éviter d’avoir recours aux structures de mise à l’abri, trop précaires pour permettre à la personne de commencer son parcours d’intégration professionnelle et sociale.

Pour les réfugiés comme pour les demandeurs d’asile, un rééquilibrage territorial de l’offre d’hébergement accessible aux réfugiés devra être réalisé : il pourrait être également confié à l’OFII.

c. L’exemple du programme Accelair

Le programme Accelair a été lancé en 2002 à partir de programmes européens axés sur l’aide à l’emploi (programme Equal, programmes du Fonds social européen) sur le principe d’un accompagnement du public réfugié vers le logement et l’emploi s’inscrivant dans le cadre des procédures de droit commun. Il vise une intégration durable et l’autonomisation des publics aidés. L’objectif de ce dispositif était aussi de faciliter la sortie des réfugiés du dispositif national d’accueil.

Les indicateurs de performance par lesquels l’impact du programme peut être mesuré montrent que, dans le département du Rhône par exemple, les délais moyens actuels sont de 10 mois pour un relogement (contre 40 mois en général), de 8 mois pour accéder à un premier emploi et environ 2 ans pour la sortie du dispositif Accelair, celle-ci étant conditionnée à un emploi stable. Il semble que ces résultats soient particulièrement performants grâce à l’implication particulière des partenaires et des collectivités territoriales dans ce département.

À partir des résultats encourageants constatés, l’association Forum réfugiés a été chargée de piloter l’extension de cette méthode à d’autres départements, avec la perspective d’une extension à l’ensemble du territoire métropolitain.

Trois régions mettent en œuvre aujourd’hui le programme : Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Pays-de-Loire.

Cette mise en œuvre repose sur un diagnostic territorial destiné à adapter la méthode au contexte local. Les pouvoirs publics doivent donner leur accord à la mise en œuvre, car ils doivent être étroitement associés à la démarche, qui implique l’ensemble des acteurs et identifier une structure-pilote qui porte le projet. Forum réfugiés apporte un soutien à la structure pilote.

Le bilan du programme Accelair établit que, sur dix ans, 1 569 ménages ont été relogés, 924 stages de formation ont été dispensés et 1 878 contrats de travail ont été signés. Au total, le nombre de bénéficiaires s'élève à 4 755 réfugiés (adultes).

Il serait évidemment souhaitable que ce programme soit étendu à l’ensemble du territoire et bénéficie à davantage de personnes.

2. Le droit européen pose le principe du traitement égal du réfugié ou de la personne bénéficiant de la protection subsidiaire et du ressortissant de l’Union

Le droit de l’Union européenne a formulé des exigences en ce qui concerne l’accès des réfugiés ou des personnes sous protection subsidiaire à l’emploi, à l’éducation et à la formation : ces exigences sont énumérées par la directive du 13 décembre 2011 (8) concernant les conditions pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, d’un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

Au titre de la protection, les États membres veillent à ce que « des activités telles que des possibilités de formation liée à l’emploi pour les adultes, des actions de formation professionnelle, y compris des formations pour améliorer les compétences, des expériences pratiques sur le lieu de travail et des services de conseil fournis par les agences pour l’emploi soient offertes aux bénéficiaires d’une protection internationale dans des conditions équivalentes à celles applicables à leurs ressortissants » (article 26 de la directive).

Également, les États membres « s’efforcent de faciliter le plein accès des bénéficiaires d’une protection internationale aux activités visées au paragraphe (précédent) ».

Cette directive établit bien une égalité entre les réfugiés et les ressortissants pour l’accès à ces possibilités. De même, des exigences assez poussées sont formulées en termes d’accès à l’éducation et à l’emploi.

L’article 28 de la directive prévoit aussi que les États membres garantissent l’égalité de traitement entre les bénéficiaires d’une protection internationale et leurs ressortissants dans le cadre des procédures existantes de reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres de formation étrangers.

Lorsque ces personnes ne sont pas en mesure de fournir des preuves documentaires de leurs qualifications de leur formation antérieure, l’État membre doit s’efforcer de leur permettre le plein accès malgré tout aux systèmes appropriés d’évaluation, de validation et d’accréditation.

Ces exigences ne sont pas pleinement mises en œuvre en France, et le sont davantage, par exemple, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Suède.

3. Différents domaines d’action pour aider les personnes à accéder à l’autonomie et à s’insérer

Le nouveau plan du Gouvernement comporte un certain nombre d’actions visant à assurer l’égalité d’accès aux droits sanitaires et sociaux.

Le Haut-commissariat aux réfugiés, dans son étude sur l’intégration des réfugiés en France, indique que les répondants interrogés (migrants issus de différents parcours, dont les demandeurs d’asile) ont exprimé leur satisfaction générale à l’égard du système de santé français. Cependant, les acteurs de terrain et les répondants ont souligné la nécessité pour de nombreux réfugiés de bénéficier d’une aide psychologique, en raison de la torture subie, de leur expérience de la fuite, de la séparation familiale et de la souffrance vécue du fait de la demande d’asile. Le manque de structures appropriées pour soigner les victimes de la torture ou des traumatismes a été relevé.

Le HCR préconise aussi la mise en place de formations régulières pour les professionnels de santé et les employés de la Caisse primaire d’assurance maladie sur les situations spécifiques aux réfugiés et sur les prestations auxquelles ils sont éligibles.

En effet, les droits des personnes protégées doivent être renforcés par la délivrance rapide d’une carte de séjour de dix ans, et dans l’attente, la délivrance immédiate d’un récépissé de longue durée. Il conviendra en outre de simplifier et d’accélérer les procédures de visa en vue de la réunification des familles ; pour cela, les consulats ne doivent pas exiger des documents impossibles à obtenir dans les pays d’origine (par exemple en l’absence de services d’état civil). L’OFPRA pourrait être consulté pour vérifier les déclarations du réfugié.

Pour apporter la preuve des liens de famille, il convient de donner force probante aux actes d’état civil étrangers et de permettre aux personnes d’apporter tous les éléments nécessaires à l’appui de leur demande en cas de doute des services consulaires.

Les autres mesures à prendre relèvent selon les rapporteurs des domaines suivants :

– une aide à l’orientation et un accompagnement spécifiques doivent être mis en place par les services sociaux, afin de traiter la recherche du logement et l’insertion dans l’emploi. Le Haut-commissariat aux réfugiés, dans son étude sur l’intégration des réfugiés en France, recommande que soit effectuée un recensement des qualifications et aptitudes des réfugiés, et la reconnaissance de celles-ci. Des initiatives doivent être prises au sein des entreprises pour favoriser la validation des savoir-faire et des compétences ;

– également, les procédures de reconnaissance des diplômes et des acquis professionnels doivent tenir compte de l’impossibilité des réfugiés de s’adresser aux autorités du pays d’origine.

Avancer dans tous ces domaines suppose une réelle ambition et un travail de mise à jour des textes législatifs et réglementaires encadrant les dispositifs destinés aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Proposition n° 18 : Renforcer l’insertion des personnes bénéficiaires de la protection internationale :

– développer les capacités d’hébergement destinées aux réfugiés, afin de leur éviter d’avoir recours aux structures de mise à l’abri ;

– prévoir un rééquilibrage territorial de l’offre d’hébergement accessible aux réfugiés ; charger l’OFII de cette mission et de l’orientation du réfugié vers un hébergement temporaire et un accompagnement sur le territoire français ;

– élargir le programme Accelair à l’ensemble du territoire et en accroître le nombre de bénéficiaires ;

– mettre en place une aide à l’orientation et un accompagnement spécifiques des réfugiés par les services sociaux, afin de traiter leur recherche de logement et leur insertion dans l’emploi.

B. SE PRÉOCCUPER DU SORT DES PERSONNES DÉBOUTÉES

1. Prendre en compte la porosité des procédures

Il est établi que nombre de demandeurs d’asile, désireux avant tout d’obtenir un titre de séjour sur le territoire français, entreprennent plusieurs procédures à cet effet, parfois concomitamment (voir supra). Ce phénomène n’est pas identifié précisément par les pouvoirs publics faute de disposer d’un outil de suivi statistique adapté.

Les rapporteurs, à la suite de la mission conjointe des inspections d’avril 2013, estiment que ce suivi doit être assuré afin de prendre position sur l’opportunité de maintenir ou non une telle possibilité. Ce suivi pourrait être assuré par un système d’information plus global qui permettrait à l’OFII de répondre aux attentes et aux besoins des demandeurs d’asile dans les différents domaines de sa compétence (accueil, hébergement, aide administrative et sociale).

La principale des procédures en cause étant celle des « étrangers malades », il serait cohérent de renforcer le pilotage de ce suivi en confiant à l’OFII le soin de rendre l’avis médical prévu à cet effet, à la place des agences régionales de la santé qui s’acquittent avec difficulté de cette mission (manque d’information sur les systèmes sanitaires étrangers, absence de pilotage, avis différents pour les mêmes pathologies d’un point du territoire à un autre).

Le groupe de travail a pu constater au cours de sa mission à Dijon que le médecin de l’ARS donnait des avis favorables à plus de 90 % des cas, parfois sans voir les malades, ce qui a conduit le préfet à ne pas suivre son avis en raison de soupçon de fraude, position validée par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel.

Le directeur général de l’OFII, entendu par le groupe de travail, a confirmé sa disponibilité pour exercer cette mission en évoquant les possibilités de redéploiement offertes par la suppression de visites médicales actuellement effectuées et appelées à disparaître prochainement (étudiants étrangers, étrangers hautement qualifiés). Il a aussi estimé complémentaire cette mission avec le recentrage de l’OFII dans l’accompagnement des demandeurs d’asile tout au long de leur séjour en France notamment lors de l’accueil. Sur un plan médical, la réforme de l’accueil aura notamment pour effet de mieux détecter les vulnérabilités particulières des demandeurs d’asile ce qui illustre bien la cohérence des missions de l’OFII ainsi redéfinies.

Proposition n° 19 : Prendre en compte la porosité des procédures :

– confier à l’OFII l’avis médical prévu au titre de la procédure « étrangers malades » relevant actuellement de l’Agence régionale de la santé (ARS) ;

– assurer un suivi statistique des déboutés du droit d’asile déposant plusieurs demandes d’accès au séjour au titre de procédures différentes.

2. Assurer un accompagnement et un hébergement

La situation actuelle des déboutés du droit d’asile n’est pas satisfaisante. Faute d’un outil de suivi statistique, personne ne sait combien d’entre eux quittent le territoire volontairement sans demander d’aide au retour, s’engagent dans d’autres procédures de régularisation, passent dans la clandestinité ou font l’objet d’un éloignement contraint.

Beaucoup trouvent un toit dans les structures d’hébergement d’urgence généralistes, foyers ou hôtels, sans accompagnement spécifique.

Cette situation a conduit Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine à proposer la création de centres dédiés aux déboutés dans lesquels ces derniers se verraient proposer un accompagnement reposant sur l’examen des possibilités de régularisation, une préparation psychologique et matérielle au retour en cas de délivrance d’une OQTF et l’organisation du retour sous une forme volontaire ou contrainte.

Leur régime serait celui d’une assignation à résidence, c'est-à-dire un régime de semi-liberté obligeant les gens à pointer régulièrement à la gendarmerie ou au commissariat, comme il est actuellement souvent pratiqué pour ces populations.

Plusieurs opérateurs entendus par le groupe de travail ont fait preuve de leurs réserves sur ce type de structures sans exclure absolument de candidater dès lors qu’un cahier des charges serait émis par l’administration. L’un d’entre eux, Adoma, a fait part d’une réflexion plus approfondie en livrant quelques informations sur le cadrage possible d’une telle expérimentation (propositions d’Adoma dans le cadre de la réforme de l’asile – 25 juillet 2013).

Les prestations proposées relèveraient de la mise à l’abri à titre humanitaire (hébergement et subsistance sans versement de pécules), l’accompagnement inclurait la prise en charge sanitaire et l’ouverture des droits à l’aide médicale d’État et un accès à la scolarisation des enfants.

Ce type d’hébergement fonctionnerait dans une logique de mutualisation des moyens avec d’autres dispositifs gérés par Adoma ce qui assurerait une continuité de prise en charge pour les personnes hébergées dans un CADA ou un hébergement d’urgence généraliste.

Le format serait un centre de 60 places avec deux intervenants sociaux chargés de l’accompagnement des familles. Les moyens budgétaires prévisionnels pourraient être calés sur un prix de journée par personne de 14 euros, inférieur aux nuitées hôtelières (17 euros en moyenne) pour lesquelles il n’y a pas d’accompagnement.

Plusieurs associations ont souligné que ces propositions s’inspiraient d’un dispositif mis en place en Belgique en septembre 2012 dans le cadre de la réforme de l’asile opérée par la loi du 19 janvier 2012. L’une d’entre elles, France Terre d’Asile (FTDA), a remis au groupe de travail une note en date de novembre 2013 analysant ce dispositif et ses résultats, suite à une visite d’étude menée sur place en septembre 2013.

La loi belge a développé le concept de « trajet de retour » dont la dernière étape repose sur 300 places spécialisées dans 4 centres d’accueil gérés par l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil). Dès la notification de la décision négative du Conseil du contentieux des étrangers (équivalent belge de la CNDA), la personne se voit assigner une place dans ces centres et elle dispose de 3 jours pour les rejoindre.

Dans le centre, la personne déboutée est prise en charge par un travailleur social de Fedasil ainsi que par un agent de liaison de l’Office des étrangers (OE). S’ouvre alors une période de 20 jours au cours de laquelle les trois personnes travaillent au retour volontaire au cours de plusieurs entretiens.

S’il apparaît que l’étranger ne coopère pas, l’OE entame la préparation du retour forcé et peut donner instruction à la police de convoquer l’étranger au commissariat ou de venir l’arrêter dans le centre d’accueil s’il refuse de le quitter.

Selon les chiffres réunis par FTDA, les résultats de ce dispositif sont mitigés puisqu’entre septembre 2012 et septembre 2013, sur les 5 373 personnes qui se sont vues proposer une place de retour dans ces centres, 3 800 (plus de 70 %) ne s’y sont pas rendues et seules 237 sont rentrées dans leur pays volontairement soit 4,4 % du total. FTDA n’a pas pu disposer des chiffres des retours forcés qu’elle estime très faibles puisque la majorité des personnes présentes dans ces centres disparaitrait dans la nature lors de la convocation à la police et que les interventions de la police dans les centres seraient extrêmement rares.

Cet exemple illustre bien les interrogations que l’on peut légitimement avoir sur ce type de dispositif : comment s’assurer que les déboutés vont librement venir s’installer et rester dans des centres qu’ils considéreront forcément comme des antichambres de l’éloignement forcé, ou comme une solution de transition avant la disparition dans la clandestinité ou le retour à l’hébergement d’urgence généraliste qui garantit l’incognito ?

Cependant, les pouvoirs publics ont la responsabilité de souligner que la décision définitive de rejet constitue une rupture de statut par rapport à celle de demandeur d’asile, sauf à déconsidérer complètement la qualité de réfugié et l’ensemble de la procédure qui permet de reconnaître cette qualité.

S’en remettre à la clandestinité ou à l’assignation à résidence dans un hébergement d’urgence, dans l’attente aléatoire d’une régularisation, n’est pas non plus une politique, ne serait-ce que par le signal que l’on adresse ainsi aux migrants économiques qui ne pourront que considérer la demande d’asile comme la voie privilégiée pour la résidence en France, au détriment des réfugiés politiques authentiques.

Pour ces raisons, les rapporteurs considèrent qu’il convient de mettre en place une véritable politique d’accompagnement au retour, qu’il soit volontaire (aides, projets de réinsertion économique dans le pays d’origine) ou forcé (meilleure exécution des OQTF prononcées, notamment par sécurisation juridique des procédures).

Proposition n° 20 : Mettre en place une véritable politique d’accompagnement au retour des personnes déboutées du droit d’asile.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité examine le présent rapport lors de sa séance du 10 avril 2014.

M. le président Claude Bartolone. Mes chers collègues, nous allons aujourd’hui examiner le rapport d’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile. Je vous rappelle que nous avons décidé de réaliser cette évaluation à la demande conjointe du groupe Union des démocrates et indépendants, de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères.

Nos deux rapporteurs sont Jeanine Dubié pour la majorité et Arnaud Richard pour l’opposition. Le groupe de travail désigné par les commissions était composé d’Éric Ciotti, Claude Goasguen, Laurent Grandguillaume, Chantal Guittet, Élisabeth Pochon, Denys Robiliard et Jean-Louis Touraine.

Madame et monsieur les rapporteurs, vous avez la parole.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Le rapport que nous allons vous présenter s’inscrit dans le prolongement des travaux que le Comité d’évaluation et de contrôle avait consacrés à l’évaluation de la politique de l’hébergement d’urgence et dont j’avais eu l’honneur d’être le co-rapporteur, avec Mme Danièle Hoffman-Rispal. Notre rapport soulignait en effet la nécessité pour la France de repenser sa politique d’accueil des demandeurs d’asile.

Je tiens à remercier les membres du groupe de travail, en particulier Denys Robiliard, Chantal Guittet et Élisabeth Pochon, qui nous ont accompagnés avec une assiduité sans faille dans nos auditions et nos déplacements, ainsi que Laurent Grandguillaume, qui n’a pas pu être présent aujourd’hui.

Cette évaluation fait suite également à la concertation menée par Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, à la demande du ministre de l’intérieur. Nous avons bénéficié de l’important travail accompli par ces deux collègues et je veux dire d’emblée que nos conclusions convergent pour l’essentiel, avec cependant des nuances, voire de réelles divergences s’agissant par exemple du rôle de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, ou de l’opportunité de créer des centres dédiés aux déboutés.

Notre objectif était de fournir à notre assemblée une évaluation de notre politique d’asile et des propositions de réforme dans la perspective de l’examen du projet de loi actuellement en préparation. Nous espérons avoir rempli cette mission.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Le nombre des demandes d’asile adressées à la France et aux autres pays européens est en forte croissance, puisqu’en 2013 435 000 demandes ont été déposées dans l’Union européenne, soit 30 % de plus qu’en 2012. Cinq pays – l’Allemagne, la France, la Suède, le Royaume-Uni et la Belgique – totalisent à eux seuls 70 % de l’ensemble des demandes. Avec 985 demandes pour un million d’habitants, la France est loin derrière la Suède, qui a reçu 5 700 demandes pour un million d’habitants. Viennent ensuite la Belgique, avec 1 900 demandes, et l’Allemagne, avec 1 600 demandes.

Sur les 66 300 demandes adressées à la France en 2013, 46 000 étaient des premières demandes, 5 800 des réexamens et 14 500 concernaient des mineurs accompagnants. La France a déjà connu des flux comparables, avec 61 400 premières demandes en 1989 et 52 200 en 2003. La situation actuelle n’a donc rien d’exceptionnel.

Concentrant 36 % des demandes, la région Île-de-France reste de loin la première, suivie de Rhône-Alpes, avec 12 % des demandes, mais on constate partout dans notre pays une augmentation du nombre des demandeurs depuis 2007. Cependant, d’après les chiffres communiqués par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, le premier trimestre 2014 aurait vu une diminution de 3 % de ce nombre par rapport au premier trimestre 2013.

Depuis 2007, les deux principaux continents de provenance des demandeurs d’asile sont l’Europe et l’Afrique. En 2013, les principaux pays d’origine ont été la République démocratique du Congo, le Kosovo, l’Albanie, avec plus de 5 000 demandes émanant de chacun de ces trois pays, puis la Russie, le Bangladesh, la Guinée et la Chine.

La demande d’asile était auparavant presque toujours le fait d’un homme isolé, qui faisait ensuite venir sa famille au titre du regroupement. Or, si le demandeur d’asile reste, dans 55 % des cas, un homme célibataire, la proportion de ceux qui arrivent avec conjoint et enfants s’est beaucoup accrue depuis le milieu des années 2000, modifiant la nature de la prise en charge demandée à la collectivité publique.

L’âge moyen des demandeurs d’asile est de trente-deux ans, et 37 % sont des femmes.

La variation du nombre de demandes n’est pas nécessairement corrélée aux évolutions géopolitiques et à l’intensité des conflits. Ainsi les demandes d’asile de ressortissants de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan ne sont pas très nombreuses en France, à la différence de ce qui se passe pour d’autres pays européens.

Actuellement, le nombre de personnes protégées en France est élevé, rejoignant un niveau proche de celui atteint dans les années 1950. Ainsi la population placée sous la protection de l’OFPRA était estimée fin 2012 à près de 177 000 personnes, hors mineurs accompagnants, soit 162 882 réfugiés, 12 892 personnes placées sous protection subsidiaire et 1 210 apatrides. Le nombre des réfugiés est en hausse de 35 % par rapport à 2007, année où il s’élevait à 130 926 réfugiés statutaires.

Le taux global d’admission au statut de réfugié connaît une baisse continue depuis 2008. Il se montait à 29,4 % en 2009 et a progressivement diminué pour tomber à 21,7 % en 2012 – il est toutefois remonté à 24 % en 2013. Cette baisse peut s’expliquer par l’accroissement de la part des réexamens dans les décisions rendues, mais aussi par l’évolution des principaux flux de demandeurs d’asile.

Pour la grande majorité – sept sur dix – des principales nationalités d’origine des demandeurs, les taux d’admission sont très inférieurs à 10 % : c’est le cas pour les demandeurs en provenance de Chine, du Pakistan, d’Arménie, de Géorgie, de Turquie ou du Kosovo. Par contre, l’OFPRA reconnaît majoritairement la qualité de réfugié aux demandeurs originaires de Syrie, avec un taux d’admission de 92 %, d’Irak – 68,5 % –, d’Iran – 54 % –, du Mali – 47,6 % – et d’Afghanistan – 45,5 %. Mais les flux en provenance de ces pays sont moins importants.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Les délais de traitement des demandes sont excessivement longs. La durée totale de traitement n’est pas connue du fait des délais nécessaires pour entrer dans la procédure, très différents d’une région et d’une année à l’autre en fonction des flux de personnes. Néanmoins, des difficultés chroniques sont constatées en Île-de-France.

Le parcours préalable au dépôt de la demande comporte la domiciliation du demandeur et la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour par la préfecture. Le délai de domiciliation a pu varier de quelques jours à deux mois et demi en Franche-Comté. À Dijon, le délai de convocation par la préfecture a varié de trois mois en 2012 à un mois actuellement ; il a atteint sept mois et demi à Paris en 2012. Ce sont là les délais dits cachés qu’il faut résorber. En ajoutant les étapes suivantes – transmission du dossier à l’OFPRA, traitement de la demande par l’Office, recours éventuel devant la CNDA et son traitement par la Cour, on arrive à une durée constatée, pour l’ensemble de la procédure, de dix-neuf à vingt-six mois.

Au cours de la concertation animée par Mme Létard et par M. Touraine comme au cours de nos auditions, un consensus s’est dégagé pour estimer que ces délais sont excessifs, qu’ils fragilisent la situation des véritables demandeurs d’asile et qu’ils rendent très difficile l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) signifiées aux déboutés, après deux années ou plus de création de liens sociaux et de scolarisation des enfants.

Notre rapport indique par ailleurs les coûts prévisionnels de l’asile pour 2014. Ces prévisions seront vraisemblablement dépassées en exécution, comme c’est le cas chaque année depuis 2008, notamment en ce qui concerne l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, avec 41 millions de report de charge de 2013 sur 2014, et l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, dont le coût explose. Encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte l’hébergement d’urgence de droit commun ou généraliste : un taux de 25 % de présence de demandeurs d’asile ou déboutés dans ce type d’hébergement en 2013, ce qui est une estimation basse, se traduit par une dépense de 90 millions d’euros. Nous n’avons pas non plus pris en compte les coûts indirects, tels que ceux de l’aide sociale à l’enfance et des aides des collectivités territoriales et des organismes faisant appel à la générosité publique, ou encore les frais de santé et de scolarité. Sans prendre en compte ces coûts indirects, nous sommes cependant parvenus à un coût prévisionnel de 666 millions d’euros pour 2014.

Au vu de ces constats, nous proposons, comme Mme Létard et M. Touraine, de simplifier l’accueil des demandeurs d’asile.

La première étape de leur parcours est caractérisée par la multiplicité des intervenants et des lieux. Ce premier accueil doit être réorganisé afin de le rendre plus lisible, plus simple et plus efficace. Une procédure plus fluide permettrait d’éviter l’encombrement des services préfectoraux comme des opérateurs en charge de l’accueil, qu’il s’agisse de l’Office français de l'immigration et de l’intégration (OFII) ou des associations.

Pour mémoire, la directive « Procédures » de 2013 prévoit dans son article 6 que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale doivent avoir « la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais », et que l’enregistrement doit avoir lieu « trois jours ouvrables après sa présentation », ce délai pouvant être porté à dix jours ouvrables si l’État membre fait face à un nombre élevé de demandes.

Les États membres de l’Union européenne, tels les Pays-Bas, l’Allemagne ou la Suède, qui, bien que confrontés à un flux important d’arrivées, réussissent à assurer le dépôt rapide de la demande d’asile, et donc la prise en charge également rapide de la personne, se caractérisent par une organisation très intégrée des différents intervenants. Sur ce modèle, nous proposons d’établir, au niveau des préfectures de région, un guichet unique réunissant le service préfectoral d’immigration et d’intégration, qui serait chargé de procéder sans délai à l’enregistrement de la personne et à la prise des empreintes, puis de délivrer l’autorisation provisoire de séjour ; la direction territoriale de l’OFII, qui devrait fournir au demandeur les informations relatives à la procédure et à l’aide dont il peut bénéficier, et prendre la décision relative à son hébergement ; enfin, les associations locales d’aide et de soutien, qui ont un rôle très important dans cette politique publique, auraient pour mission de compléter l’accompagnement social de la personne.

Cette première phase d’accueil doit être très brève et réduite à deux ou trois interlocuteurs.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Après la simplification de l’accueil du demandeur, il convient également d’accélérer l’entrée dans la procédure.

L’étape de la domiciliation, nécessaire à l’obtention d’une autorisation provisoire de séjour (APS) participe largement aux délais cachés. C’est pourquoi nous avons repris la proposition de Valérie Létard et de Jean-Louis Touraine de supprimer l’exigence de domiciliation préalable pour l’admission au séjour des demandeurs d’asile.

Pour le dépôt de la demande d’asile, la domiciliation réelle de la personne peut être confiée à l’OFII. Cette domiciliation doit être effectuée en fonction de la situation du demandeur et du contexte local : soit une domiciliation au lieu d’hébergement dédié affecté au demandeur, soit une domiciliation par un proche chez lequel le demandeur a choisi de résider, ou encore par une association agréée par le préfet.

Avancer au premier passage en préfecture la prise des empreintes sur la borne Eurodac, qui n’intervient actuellement qu’à la seconde présentation, permettrait également une accélération, outre qu’elle découragerait la substitution de personnes et l’organisation des arrivées de demandeurs d’asile par les filières.

Une autre mesure susceptible d’accélérer la procédure en allégeant le travail des préfectures consisterait à aligner dès le début, pour les demandeurs d’asile en procédure normale, la validité de l’APS, actuellement renouvelée par période de trois mois, sur la durée de la procédure et du recours.

Nous proposons également d’instaurer pour le demandeur d’asile une carte informatisée comportant les informations relatives à l’état de la procédure et, corrélativement, à l’actualisation de son droit au séjour, sur le modèle de la carte « de procédure » en vigueur aux Pays-Bas, en Autriche et au Royaume-Uni.

La directive « Procédures » de 2013 permet d’étendre la possibilité de recourir à la procédure accélérée à de nouveaux cas, par exemple aux cas de déclarations peu plausibles rendant la demande peu convaincante. Si la France usait de cette possibilité, il serait souhaitable que les agents des services préfectoraux chargés de la détermination de la procédure applicable puissent prendre l’avis de l’OFPRA.

Il conviendrait par ailleurs d’adapter le référentiel des prestations d’accueil. Une plus grande rapidité de traitement de la phase de premier accueil aurait pour effet d’orienter plus rapidement les demandeurs d’asile vers les structures d’hébergement. C’est donc là que doit s’effectuer l’essentiel de l’accompagnement : accompagnement social et sanitaire, scolarisation des enfants et suivi du dossier de demande d’asile.

Les plateformes d’accueil des demandeurs d’asile (PADA) associatives doivent depuis 2012 se conformer à un référentiel de onze prestations. Celui-ci devrait être revu afin que ces prestations soient partagées entre le lieu unique d’accueil d’abord, avec un rôle accru de l’OFII, et la structure d’hébergement ensuite.

Depuis sa révision en 2013, la directive « Accueil » prévoit que les États membres devront tenir compte de la situation particulière des personnes vulnérables. La détection des formes de vulnérabilité non visibles au premier abord supposera un examen médical, voire psychologique, et un entretien suffisamment approfondi pour permettre à la personne de se confier. Nous proposons que cette mission soit confiée aux médecins de l’OFII, dans le lieu unique d’accueil ou à proximité, lors du premier accueil du demandeur d’asile.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Il est essentiel d’assurer aux demandeurs d’asile un hébergement et un accompagnement adaptés. Le dispositif d’hébergement repose à titre principal sur un hébergement accompagné dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), qui offrent aujourd’hui 23 400 places. Il est complété par un dispositif d’hébergement d’urgence, les HUDA, géré au niveau déconcentré, qui compte 22 000 places. Les demandeurs d’asile hébergés en HUDA perçoivent l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, d’un montant de 11,35 euros par jour en 2014, versée aux seuls adultes. Enfin, un dispositif d’accueil temporaire géré au niveau national a été ajouté en 2012 : l’Accueil temporaire-Service de l’asile, l’AT-SA, de 2 200 places.

La capacité globale d’hébergement a augmenté régulièrement, passant de 15 000 places en 2005 à 47 520 places aujourd’hui, et elle s’élèvera à 49 570 places fin 2014 avec la construction de nouvelles places en CADA décidée par le Gouvernement en 2012. Il subsiste pourtant un décalage entre la progression du nombre de demandeurs d’asile et les capacités d’hébergement dédiées disponibles. Le dispositif n’accueille qu’un tiers environ des demandeurs d’asile ; 15 000 personnes sont en attente de place et le délai moyen d’obtention d’une place en CADA est de douze mois.

Au vu de ce constat alarmant, nous proposons de renforcer la capacité des CADA pour la porter à 35 000 places. À terme, il faudra unifier les deux catégories d’hébergement, les CADA et l’hébergement d’urgence dédié, afin de faire bénéficier l’ensemble des demandeurs d’asile en procédure normale des mêmes conditions d’hébergement.

Nous proposons également de répartir ces nouvelles capacités sur l’ensemble du territoire, y compris dans les régions rurales, afin de rééquilibrer l’accueil des demandeurs d’asile entre les différentes régions métropolitaines. Il paraît en outre souhaitable de conserver un volant d’environ 11 000 places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile relevant de la procédure prioritaire ou « accélérée » et de la procédure « Dublin ».

Nous préconisons par ailleurs l’institution d’un dispositif d’orientation des demandeurs. Depuis 2010 en effet, la concentration des demandes d’asile dans certains territoires a abouti à la saturation des services préfectoraux, des opérateurs et des travailleurs sociaux chargés de l’accueil, et au dépassement des capacités d’hébergement dédiées. Les préfets ont été contraints de recourir aux nuitées hôtelières et aux autres solutions de mise à l’abri temporaire, mais il est arrivé dans plusieurs chefs-lieux de région que les capacités hôtelières soient elles-mêmes saturées.

C’est pourquoi nous nous prononçons pour l’instauration d’un dispositif d’orientation contraignant, qui obligerait tout demandeur d’asile exprimant le besoin d’être hébergé à l’être dans un CADA déterminé, dans le cadre d’un pilotage national confié à l’OFII, qui pilote déjà le logiciel DN@ mis en place en 2009. Une application informatique permettrait d’orienter les demandeurs arrivants vers les places disponibles. Un tel dispositif serait conforme à la directive « Accueil » de 2003, qui prévoit que l’État peut fixer un lieu déterminé pour la résidence des demandeurs d’asile qui bénéficient des conditions matérielles d’accueil.

Ce schéma directif admettrait évidemment des exceptions, dans le cas par exemple où le demandeur d’asile aurait été jugé vulnérable par les autorités d’accueil et nécessiterait un suivi médical spécifique.

La définition du schéma d’accueil et d’hébergement territorial devrait être soumise aux acteurs territoriaux, qu’il s’agisse du conseil général, compétent en matière sociale, ou du maire, dont relève la scolarisation des enfants.

Nous considérons qu’il faut préserver la possibilité pour le demandeur d’asile d’être hébergé en dehors du dispositif d’accueil, sans suppression de l’allocation temporaire d’attente, s’il peut être hébergé par un proche.

Nous estimons d’autre part qu’il faut étendre les capacités de l’accueil temporaire du service d’asile, l’AT-SA, afin de limiter le recours à l’hébergement d’urgence généraliste.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Nous avançons plusieurs mesures pour améliorer et moderniser la gestion de l’ATA, dont bénéficient aujourd’hui 42 000 demandeurs d’asile pour un montant d’environ 180 millions en 2013. Nous avons constaté en effet que l’allocation de cette aide donne lieu à un certain nombre de dysfonctionnements, notamment à un taux d’indus évalué à 18 %, ce qui représente une trentaine de millions d’euros. Ces indus trouvent essentiellement leur origine dans un défaut de transmission d’informations entre les services responsables et Pôle emploi, chargé de verser cette prestation. C’est pourquoi nous proposons que la gestion de l’ATA soit confiée à l’OFII, en lui transférant depuis Pôle emploi les moyens en personnel nécessaires pour l’accomplissement de cette mission.

Nous proposons également d’instituer, au niveau régional et à titre expérimental, le versement de l’allocation au demandeur via une carte de retrait et de paiement utilisable dans certains commerces et grandes enseignes alimentaires.

Nous préconisons en outre qu’une réflexion soit engagée sur la familialisation de l’ATA, aujourd’hui versée aux seuls adultes, pour tenir compte de l’accroissement du nombre de demandes d’asile provenant de familles.

Lorsqu'un autre État membre a accepté la réadmission du demandeur d’asile sur son territoire dans le cadre de la procédure « Dublin », il nous semblerait légitime d’interrompre le versement de l’ATA si ce demandeur se soustrayait à la mesure de réadmission.

Afin d’éviter des demandes d’opportunité, nous préconisons d’instaurer un délai, courant dès l’entrée sur le territoire, au-delà duquel l’allocation temporaire d’attente ne pourrait plus être demandée.

Nous proposons enfin de supprimer le bénéfice de l’ATA à partir de la deuxième demande de réexamen, conformément à l’article 20 de la directive « Accueil », afin d’éviter que l’accès à l’allocation ne constitue un élément d’attractivité suscitant des demandes de réexamen abusives.

Le pilotage de l’hébergement et de l’accompagnement des demandeurs d’asile nécessite de disposer d’une application unique rassemblant toutes les informations utiles au suivi des demandeurs d’asile – état de la procédure, situation au regard du séjour, droits sociaux ouverts, hébergement, ATA –, à l’exception des informations protégées par la confidentialité de la procédure d’examen de la demande d’asile.

Il nous semble qu’il faut mieux utiliser les potentialités des procédures accélérées, également dites « prioritaires ».

La procédure dite « prioritaire » en vigueur permet aux services des préfectures de refuser l’accès à la procédure d’asile de certains demandeurs, soit qu’ils relèvent de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne, soit qu’ils constituent une menace grave pour l’ordre public, soit en cas de fraude délibérée, ou d’imposer à l’OFPRA de statuer dans un délai maximal de quinze jours, dans le cas de ressortissants d’un pays figurant dans la liste des pays d’origine sûrs, c’est-à-dire garantissant le respect des droits de l’homme.

Cette liste, qui regroupe actuellement dix-huit États, est une liste nationale, établie par le conseil d’administration de l’OFPRA. Sans être opposés à ce dispositif, nous souhaitons qu’il soit suffisamment souple pour tenir compte des évolutions géopolitiques et que l’établissement de la liste soit confié au directeur général de l’OFPRA plutôt qu’à son conseil d’administration.

Le recours devant la CNDA d’un demandeur d’asile relevant d’une procédure prioritaire n’est actuellement pas suspensif : cela signifie que l’intéressé peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement pendant la période d’examen de son affaire par cette juridiction. Cette possibilité a valu à la France un avertissement de la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 2 février 2012. Voilà pourquoi nous préconisons de mettre fin à cette situation en généralisant le caractère suspensif des recours formés devant la CNDA.

Enfin, nous souhaitons pérenniser les procédures qui permettent à l’OFPRA et à la CNDA d’accélérer l’instruction de demandes d’asile manifestement infondées, ce qui n’exclut pas d’en créer d’autres, à condition de laisser à ces instances – et non aux préfectures – la responsabilité exclusive d’aiguiller les dossiers entre toutes ces procédures, en fonction de leurs caractéristiques propres.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Nous souhaitons aussi que soit poursuivie la professionnalisation de la Cour nationale du droit d’asile, qui a déjà engagé une réduction de ses délais de jugement, conformément aux objectifs que les projets annuels de performance lui assignent : alors que ces délais étaient de onze mois et dix jours en 2011, ils devraient être ramenés à huit mois et quinze jours en 2014, l’objectif étant de les réduire à huit mois en 2015.

La proposition de nos collègues Valérie Létard et Jean-Louis Touraine d’expérimenter un transfert du contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs ne nous est pas apparue constituer la solution la plus convaincante, en raison de la grande technicité du sujet, de l’engorgement actuel des tribunaux administratifs et du coût excessif d’une telle mesure. Nous préférons la voie d’une professionnalisation renforcée de la Cour. Il reste en effet des marges de progrès, notamment en ce qui concerne la cohérence de sa jurisprudence. Nous proposons donc de modifier la composition des formations de jugement en portant de dix à vingt le nombre des présidents permanents, en remplaçant les assesseurs, nommés sur proposition des ministres, par les rapporteurs, qui actuellement instruisent les dossiers et les présentent à l’audience, tout en conservant les assesseurs nommés sur proposition du Haut-commissariat aux réfugiés.

Une réduction du taux de renvoi des audiences est également nécessaire – il était encore de 24 % en 2013. 37 % de ces renvois étaient dus à l’absence des requérants et 29 % à l’absence des avocats. La transmission numérique des dossiers et le nouveau calendrier prévisionnel d’enrôlement, avec une pré-convocation à trois mois de préavis, devraient permettre de remédier à ce dysfonctionnement.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Nous recommandons également d’accélérer la réforme de l’OFPRA. Celui-ci n’est pas actuellement en voie d’atteindre en 2015 l’objectif d’un traitement des demandes en quatre-vingt-dix jours. Il l’est d’autant moins que la transposition de la directive « Procédures » du 26 juin 2013, qui instaure le droit de bénéficier de l’assistance d’un conseil et d’accéder au compte rendu de l’entretien, réduira sa productivité.

Le plan arrêté en septembre 2013 par le nouveau directeur général est cohérent et ambitieux. Il devrait permettre d’améliorer la productivité de l’Office, notamment par la mutualisation entre les divisions géographiques des principaux flux de demandeurs d’asile, par une instruction proportionnée au degré de complexité de la demande et par l’instauration d’un audit « qualité » des décisions. Ce nouveau plan a produit ses premiers effets, mais cette amélioration est fragile et insuffisante pour résorber le stock de dossiers en attente de traitement, évalué à 30 000 fin 2013.

Outre la poursuite de la réorganisation de l’OFPRA, une augmentation des effectifs d’officiers de protection par la création de vingt équivalents temps plein, en plus des 320 déjà affectés à l’instruction, nous paraît nécessaire. Il nous semble que le coût de cette mesure, soit 1,3 million d’euros en année pleine, serait compensé par l’économie d’ATA générée par la réduction des délais de traitement, sachant qu’une baisse d’un mois des délais d’instruction de l’OFPRA pourrait se traduire par 6,5 millions d’économie.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Les dépenses nécessaires pour poursuivre la professionnalisation de la CNDA et accélérer la réforme de l’OFPRA seraient en effet des dépenses vertueuses en ce qu’elles généreraient à terme des économies budgétaires.

Notre rapport propose par ailleurs de renforcer l’intégration des personnes bénéficiaires de la protection internationale, dont la plupart rencontrent des difficultés d’insertion, soulignées par Mme Létard et M. Touraine et dont vous trouverez un exposé dans le dernier rapport du Haut-commissariat aux réfugiés publié en septembre 2013. Le plan d’action pour l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations, annoncé en février dernier, devra prendre en considération de façon particulière la situation de ces personnes.

Améliorer cette situation suppose d’intervenir sur plusieurs plans : développer les capacités d’hébergement destinées aux réfugiés, afin de leur éviter d’avoir recours aux structures de mise à l’abri ; prévoir un rééquilibrage territorial de l’offre d’hébergement accessible aux réfugiés ; charger l’OFII de cette mission et de l’orientation du réfugié vers un hébergement temporaire et un accompagnement sur le territoire français ; accroître les moyens du programme Accelair, afin de pouvoir l’étendre à l’ensemble du territoire et accroître le nombre de bénéficiaires. Je rappelle que ce programme a été lancé en 2002 avec l’aide de programmes européens ; il vise à assurer l’accompagnement des réfugiés vers le logement et l’emploi, en vue d’assurer leur intégration durable et de les faire accéder à l’autonomie.

Il faudra enfin mettre en place une aide à l’orientation et un accompagnement spécifique des réfugiés par les services sociaux, afin de faciliter leur recherche de logement et leur insertion dans l’emploi.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Il faut enfin se préoccuper du sort des déboutés du droit d’asile, qui représentent 80 % des demandeurs d’asile : une fois exercés tous les recours, ils peuvent devenir des étrangers en situation irrégulière. Il nous semble temps d’arrêter de « faire l’autruche » pour enfin regarder cette situation en face. Il faut assurer le suivi, notamment statistique, dans l’hébergement d’urgence généraliste, de ces personnes dont on ignore ce qu’elles deviennent réellement.

C’est pourquoi nous proposons que l’OFII soit replacé au centre des différents dispositifs et que l’information sur la situation administrative des personnes soit consolidée dès le début de la demande d’asile. La carte de procédure dont nous préconisons la création aurait aussi cet objectif.

Nous sommes en revanche très réservés quant à la mise en place, proposée par nos collègues Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, de centres dédiés aux déboutés. Le précédent belge ne semble pas probant, les personnes ne se rendant pas dans ces centres ou les quittant à la perspective d’un éloignement contraint. Toute personne déboutée du droit d’asile et qui séjourne de façon irrégulière sur le territoire français relevant de la politique publique d’immigration, ce problème devrait être traité dans le cadre de la réforme de cette politique, et non dans celui de la réforme du droit d’asile.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Nous espérons que ces propositions, élaborées dans un cadre pluraliste, inspireront l’action du Premier ministre, qui avait manifesté quand il était ministre de l’intérieur le souci de réformer profondément notre droit d’asile, aujourd’hui en crise. Il y a des voies de progression si on veut assurer des conditions plus dignes d’accueil de celles et ceux qui demandent à bénéficier de la protection internationale sur le territoire français.

Mme Danielle Auroi. Merci à tous deux de ces très intéressantes propositions. Notre politique d’asile, vous l’avez souligné à plusieurs reprises, s’inscrit nécessairement dans un contexte européen ; la commission des affaires européennes organise d’ailleurs, ce 15 avril, une table ronde consacrée à la politique de l’Union en ce domaine.

La directive « Accueil » révisée du 26 juin 2013 raccourcit à neuf mois le délai d’accès des demandeurs d’asile au marché du travail. Cette disposition peut apporter de la souplesse au profit de personnes vulnérables, mais aussi se prêter à des dévoiements. Il faudra peut-être approfondir ce point.

Élue de Clermont-Ferrand, je n’oublie pas le drame qui s’y est déroulé à l’automne dernier. Nous n’avons toujours pas de solution à ce jour, malgré les grands efforts fournis tant par l’État que par les ONG. Les demandeurs d’asile restent accueillis principalement dans la capitale régionale, où la saturation des hébergements d’urgence représente un véritable problème : de ce fait, il devient presque impossible de venir en aide à certains publics, par exemple aux jeunes en déshérence. Mais il faut se rendre compte qu’héberger des Syriens réfugiés au fin fond de la campagne auvergnate n’est pas nécessairement simple non plus !

Enfin, nombre de demandeurs d’asile viennent de pays considérés comme sûrs. Mais certains de ces pays continuent de n’être pas sans danger pour certaines parties de leur population – je pense notamment à l’Arménie. Il me semble que l’OPFRA, qui dispose de l’information la plus fine, est l’organisme le mieux à même d’établir la liste de ces États.

M. Jean-Louis Touraine. Je veux moi aussi féliciter nos rapporteurs pour leur travail. La réforme de notre droit d’asile est un impératif humanitaire, car ceux qui se voient accorder l’asile doivent voir leurs droits mieux reconnus et leur intégration facilitée. C’est aussi une urgence : nous devons raccourcir nos délais et mieux appliquer les décisions prises, pour respecter la convention de Genève mais également nos obligations européennes car, si nous nous montrons laxistes, nous risquons des pénalités et nous serons montrés du doigt.

Vous l’avez dit, il y a entre vos propositions et le rapport que Valérie Létard et moi-même avons rendu au ministre de l’intérieur quelques divergences ; mais cela ne me paraît pas poser problème. Le projet de loi ne reprendra ni l’un ni l’autre rapport dans son intégralité ! Il faut comprendre ces divergences comme un élargissement de la palette des possibilités et des solutions en vue du dépôt d’éventuels amendements.

Pour répondre aux exigences des directives européennes, il faut réduire de moitié le délai d’examen par la CNDA afin de le ramener de près de neuf mois aujourd’hui à moins de quatre mois. Expérimenter le transfert de cette compétence aux tribunaux administratifs était une proposition de Mme Létard, sur la suggestion de magistrats que nous avons auditionnés. Pour ma part, j’estime comme vous qu’il serait plus judicieux de donner à la CNDA les moyens de faire son travail. Mais il faut reconnaître que le seul fait de proposer une telle expérimentation – donc d’organiser une compétition entre les deux systèmes – a été un aiguillon pour la CNDA, l’incitant à atteindre les objectifs assignés. Il faut donc laisser ouverte cette possibilité et ainsi « maintenir la pression ».

Vous n’approuvez pas l’idée de créer des centres qui accueilleraient les déboutés du droit d’asile – qui représentent 80 % des demandeurs. En pratique, aujourd’hui, très peu retournent effectivement dans leur pays ; l’affaire Leonarda a d’ailleurs bien montré les difficultés de tels retours après plusieurs années de présence en France. Le raccourcissement des délais les facilitera – mais on ne peut pas imaginer que le problème se réglera de lui-même ! Nous proposions donc des centres ouverts, où ces personnes – qui s’engageraient à repartir dans leur pays d’origine – pourraient être aidées, ce qui serait un avantage pour elles. Il s’agirait d’établir des contacts avec leur pays d’origine pour traiter des questions de logement et d’emploi, pour s’assurer qu’elles ne subiront pas de discrimination. Je note qu’il n’y avait pas de consensus parmi les associations : si la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) était très critique, Forum Réfugiés était tout à fait volontaire pour s’occuper de ce dispositif. Quelle que soit la formule choisie, il faudra en tout cas intervenir et donc mettre en place un dispositif spécifique.

La question des déboutés n’entrait pas au départ dans le cadre de la réflexion que j’ai menée avec Valérie Létard, mais les auditions nous ont rapidement montré qu’elle était en fait au cœur du système. C’est l’une des causes principales de l’encombrement des structures d’accueil. De plus, les décisions judiciaires perdent toute crédibilité si les déboutés du droit d’asile finissent par rester en France de toute façon ; et les passeurs savent bien quels sont les pays laxistes.

S’agissant des étrangers malades, je ne peux, comme médecin, qu’être sensible à ce devoir humanitaire, sacré, d’accueil des personnes qui ont effectivement besoin de soins. Mais plus de 90 % des déboutés du droit d’asile font valoir qu’ils sont malades. En outre, les maladies qui ne peuvent être soignées qu’en France sont en petit nombre ! La maladie la plus souvent invoquée est le choc post-traumatique. Or de tels chocs peuvent être traités par un psychiatre ou un psychologue dans la plupart des pays ; et nous savons bien que les structures françaises sont déjà débordées. Certaines informations sont connues dans les pays d’origine : ainsi, nous voyons un afflux de ressortissants du Kosovo ou d’Albanie présentant des insuffisances rénales chroniques qui invoquent la nécessité d’une greffe de rein en France. Mais notre pays connaît déjà une grave pénurie de donneurs et l’accueil de ces malades allonge encore les listes et les délais… Il serait donc bien préférable d’organiser un transfert de technologie et d’aider les médecins de ces pays à réaliser ces opérations eux-mêmes, ce dont ils sont tout à fait capables.

Votre proposition de confier à l’OFII – plutôt qu’à l’Agence régionale de la santé (ARS) – l’avis médical prévu par la procédure permettrait de distinguer vraiment quels sont les soins ou les actes thérapeutiques qui imposent une présence en France. Car, au fond, le problème est bien que tout cela porte atteinte à ceux qui ont vraiment besoin de l’asile, qui doivent être protégés !

Vos propos en faveur d’une meilleure répartition géographique des demandeurs d’asile m’ont paru très pertinents : la saturation de l’Île-de-France et de Rhône-Alpes complique considérablement l’intégration. Bien sûr, un accompagnement est nécessaire et il faut donc penser plutôt à des hébergements dans des villes de taille au moins moyenne. Il faudra sans doute être un peu directif et cela suppose aussi des moyens, notamment en personnel, et une déconcentration des services de l’OFPRA. Mais une réduction des délais, et donc une augmentation de la rotation des personnes hébergées, permettra de se rapprocher des objectifs.

Il y a aujourd’hui consensus sur l’intérêt de familialiser l’ATA, pour les raisons que vous avez dites.

Au total, il s’agit bien d’intégrer les réfugiés à la société française, en leur offrant une véritable deuxième chance, comme nous avons su le faire par le passé pour d’autres immigrés, qui ont beaucoup apporté à notre pays. L’acquisition du statut de réfugié n’est pas une fin en soi, mais le début d’un parcours. Les propositions avancées dans nos deux rapports permettront, je crois, au Gouvernement d’écrire un bon projet de loi – sur lequel nous travaillerons lors du débat parlementaire.

Mme Chantal Guittet. Je veux moi aussi féliciter nos rapporteurs.

Il est toujours difficile d’obtenir des statistiques ou des chiffres précis : les départements, je le sais par expérience, sont réticents à donner ces informations, car ils ont peur que le fait qu’ils dégagent des sommes conséquentes n’encourage l’État à se décharger sur eux…

La création d’un guichet unique au chef-lieu de région peut poser problème : ainsi, en Bretagne, un demandeur installé à Brest est loin de Rennes. Et cette difficulté ne peut qu’empirer si nous diminuons le nombre des régions. Souvent d’ailleurs, ce sont les départements qui financent les déplacements en train, que ne peut couvrir le montant actuel de l’ATA.

Vous n’évoquez pas la question des langues, qui peut être source de report des audiences ou entretiens. Le Finistère est abonné, pour 30 000 euros par an, à une plate-forme de traduction qui fournit rapidement des interprètes à la demande. Cela fonctionne extrêmement bien.

Dans un arrêt du 27 février 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné la Belgique à payer 3 000 euros à une famille de réfugiés à laquelle elle n’avait pas offert des conditions d’accueil dignes. Cet arrêt fera sans doute jurisprudence ; or je connais beaucoup de familles qui ne sont pas accueillies en France dans des conditions satisfaisantes, et c’est un doux euphémisme : beaucoup de demandeurs d’asile sont à la rue ou vivent dans des conditions vraiment déplorables. Il faut donc agir vite pour se prémunir contre ce nouveau risque de condamnation juridique.

S’agissant de l’accompagnement des déboutés, j’approuve vos propositions, même si je doute de la possibilité d’établir des statistiques fiables sur le devenir des déboutés du droit d’asile : les associations ne voudront pas devenir des informateurs. Quant aux intéressés, ils accepteront difficilement de se rendre dans des centres pour préparer un retour au pays qu’ils refusent. J’entends aussi que l’on prendrait contact avec les régions d’origine des déboutés : mais ce serait donner là-bas une publicité à leur demande d’asile, ce qui peut être très délicat pour eux ! Je n’ai pas de solution à ce problème. Mais il me semble qu’il faut encore approfondir beaucoup notre réflexion.

M. Denys Robiliard. Je me joins aux félicitations de nos collègues : c’est un travail mené rapidement, mais qui témoigne d’une réflexion approfondie.

Dégager des moyens permettra de faire rapidement des économies, puisque, vous le montrez, une réduction d’un mois du délai d’examen des demandes à l’OFPRA permet une économie de plus de 6 millions d’euros. Pour cela, il faut résorber les goulots d’étranglement à toutes les étapes de la procédure – supprimer la condition de domiciliation, mieux utiliser le premier rendez-vous en préfecture ou dans le lieu unique nouveau, informatiser le titre de séjour et lier sa durée de validité à celle de la procédure, accroître le nombre des agents de l’OFPRA, professionnaliser la CNDA… Votre proposition de vingt officiers de protection supplémentaires pour l’OFPRA ne me paraît pas suffisante, mais il est vrai qu’il faut les former et que ce n’est pas si facile. L’idée d’un lieu unique paraît très pertinente ; il ne doit pas être installé à la préfecture même, car certaines associations, pourtant tout à fait nécessaires au soutien des demandeurs, refuseraient d’y intervenir.

Il est donc possible de réduire vraiment les délais sans porter atteinte à la qualité de la procédure : la France doit rester la terre d’asile dont nous sommes fiers.

Il est effectivement indispensable de prévoir des places en nombre suffisant pour héberger les demandeurs d’asile. L’hébergement permet en outre une meilleure qualité d’accompagnement. Vous faites preuve de souplesse, notamment sur cette question de l’affectation des demandeurs : tout en se montrant directif, il est important de maintenir la possibilité d’être hébergé par ses propres moyens sans se voir supprimer le bénéfice de l’ATA et sans qu’on présume un recours à des filières – qui doivent certes être combattues, mais par d’autres voies.

Des moyens supplémentaires doivent donc être accordés pour renforcer la qualité de la procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié.

S’agissant de l’asile à la frontière, je ne rejoins pas entièrement vos propositions. Je comprends que l’on fasse le nécessaire pour que l’OFPRA soit présent en permanence à Roissy. Mais il faut souligner que cela crée une différence avec l’aéroport d’Orly, qui accueille pourtant aussi des demandeurs. Il faut surtout noter l’importance du nombre de demandes déclarées manifestement infondées à Roissy, ce qui montre sans doute plutôt un dysfonctionnement administratif qu’une répartition différente des demandes : il y a là un système trop prompt à rejeter des demandes.

En revanche, l’introduction à l’OFPRA de la possibilité d’avoir un conseil qui assiste à l’entretien, certes exigée par la directive, ainsi que la formalisation de l’entretien par un compte rendu, donc l’introduction du contradictoire dans la procédure, me paraissent des points très positifs. Je vous rejoins également sur le rôle de conseil des préfectures que vous attribuez à l’OFPRA afin que soit choisie la procédure la plus opportune. Faut-il aller plus loin et demander à l’Office de choisir lui-même entre procédure prioritaire et procédure de droit commun ? Cet organisme, je le sais bien, n’est pas demandeur, mais nous pourrions peut-être insister : c’est bien lui qui dispose des connaissances juridiques les plus précises en la matière.

Ce serait en fait un retour à la période d’avant 1993, puisque dès lors que l’OFPRA déterminerait la durée et les modalités de traitement d’une demande, nous n’aurions plus vraiment besoin de la procédure prioritaire – dont la généralisation du caractère suspensif des recours diminuerait d’ailleurs l’intérêt.

J’approuve que la CNDA soit préférée aux tribunaux administratifs. Ces derniers ont déjà par le passé joué un rôle dans la procédure de demande d’asile dit « territorial », ouverte à ceux qui s’étaient vu refuser le statut de réfugié, mais les délais dans lesquels ces demandes étaient traitées n’incitent pas à revenir à cette situation ! Les tribunaux administratifs ne peuvent pas tout faire alors qu’on leur en demande de plus en plus – ils doivent maintenant, je vous le rappelle, statuer dans de très brefs délais en matière d’OQTF, mais aussi, par exemple, sur les plans de sauvegarde de l’emploi. On ne peut pas indéfiniment charger leur barque. De plus, la CNDA est une juridiction de qualité, qui fonctionne, dont les rapporteurs sont très spécialisés et qui travaille à l’amélioration de ses propres délais. Elle a aussi le mérite insigne d’accueillir un juge qui est, indirectement, désigné par le Haut-commissariat aux réfugiés. Il me semble donc qu’il faut soutenir cette institution.

Je ne peux pas approuver votre recommandation de recourir à la visioconférence. Une demande d’asile, ce peut être une question de vie ou de mort, c’est en tout cas une question de liberté, souvent de protection de l’intégrité. C’est une procédure administrative, mais où l’humain compte énormément. Or si le juge et la partie au procès ne se trouvent pas dans la même pièce, l’audience sera désincarnée, ce qui risque de désarçonner et donc de défavoriser les demandeurs, qui sont particulièrement vulnérables.

Puisque la question de l’asile sanitaire a été soulevée, je soulignerai qu’on touche là à un sujet qui dépasse de beaucoup celui des demandeurs d’asile : bien d’autres étrangers demandent à être soignés en France. Le législateur est récemment intervenu pour casser une jurisprudence du Conseil d’État d’après laquelle, pour refuser à un étranger malade le droit de rester en France pour se soigner, l’accès au traitement dans le pays d’origine devait être effectif. Si nous ne voulons pas envoyer à la mort des gens qui pourraient théoriquement se soigner dans leur pays, mais dont on sait parfaitement que pour des raisons économiques ils ne le pourront pas, alors il faut absolument revenir sur cette question : dire à des Congolais qu’ils trouveront des trithérapies en rentrant chez eux, c’est se moquer du monde ! Je ne reprends pas la question du Kosovo ou de l’Albanie, mais les chiffres ne me paraissent pas si importants. Je ne suis pas sûr que les médecins de l’OFII soient plus à même de donner un avis que les médecins de santé publique de l’ARS. Il me semble en tout cas qu’il faut repenser ce problème en gardant à l’esprit la nécessité de préserver la dignité humaine de tous, en particulier des malades.

Mme Élisabeth Pochon. Je tiens à souligner que notre groupe de travail a su, sur ce sujet important, dépasser les clivages partisans pour établir un diagnostic et avancer des propositions. Avec l’augmentation du nombre de demandes d’asile, nous arrivons à un point où une réforme devient nécessaire pour réduire les délais d’examen, pour ne plus laisser pendant des années des personnes dans l’expectative avant de décevoir leurs espoirs. Il nous faut préserver la qualité de notre asile, fruit de notre histoire, et, tout en faisant preuve d’un esprit rigoureux, respecter la dignité de tous. Mais nous devons aussi parfois rendre la France moins attractive. Souvenons-nous toutefois que nul, même parmi ceux à qui l’on refuse le bénéfice du droit d’asile, ne quitte son pays par plaisir ou par caprice. C’est toute notre politique d’immigration, nos aides et notre solidarité avec les pays d’origine qu’il faut en réalité repenser – ce qui inclut la question des déboutés, qu’on ne peut laisser repartir sans plus aucun espoir.

Je voudrais insister sur la qualité des personnes que nous avons rencontrées et dire en particulier ma considération pour le travail des agents de l’OFPRA et des associations. J’ai été très touchée par les témoignages que nous avons entendus : ces auditions nous ont permis de faire sortir toutes ces personnes de l’invisibilité.

J’approuve dans l’ensemble les propositions présentées, avec peut-être une légère réserve sur l’idée de confier au seul directeur général de l’OFPRA l’établissement de la liste des pays sûrs : n’est-ce pas une responsabilité bien lourde pour une seule personne ? Le Parlement ne pourrait-il pas ici jouer un rôle ?

M. le président Claude Bartolone. Mes chers collègues, je voudrais avoir ici une pensée pour Dominique Baudis, Défenseur des droits, qui s’est beaucoup occupé de ces questions et dont nous venons d’apprendre la disparition.

Ces travaux, pour lesquels je veux féliciter les rapporteurs, mais aussi les fonctionnaires du secrétariat du Comité d’évaluation et de contrôle, sont exemplaires de ce que peut apporter ce Comité à l’Assemblée pour l’évaluation des politiques publiques.

Le système de l’asile est à bout de souffle, ce n’est pas un ancien président du conseil général de Seine-Saint-Denis qui vous dira le contraire. Nous ne savons pas accueillir comme il le faudrait les réfugiés. C’est d’autant plus préoccupant qu’il en va de l’honneur de la France.

Il faut toujours rappeler combien il est important de distinguer politique de l’asile et politique de l’immigration. Mais la procédure de demande d’asile est, il faut le reconnaître, trop souvent détournée ; à nous de la réformer pour qu’elle corresponde mieux à la haute idée que nous nous faisons du droit d’asile.

Le Président de la République s’est déjà engagé à limiter le délai d’instruction des demandes à six mois. Beaucoup de vos propositions vont dans ce sens, notamment celle de créer un lieu unique d’accueil par région, idée qu’il faut creuser. Je suis sensible aussi, vous le devinez, à la question de la répartition géographique des demandeurs, dont certains pourraient être accueillis dans les territoires ruraux. Toutefois, ces personnes ont besoin, comme tous les publics fragiles, de services publics qui ne soient pas trop lointains.

Votre rapport, qui vient en compléter avantageusement d’autres, éclairera utilement le débat qui se tiendra bientôt à l’Assemblée.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Notre groupe, qui réunissait des députés de sensibilités politiques différentes, a su travailler dans un esprit républicain, sans angélisme, avec un souci d’humanité et d’efficacité et en gardant en tête la nécessité pour notre pays de respecter pleinement la Convention de Genève. Élu d’une circonscription qui fut celle de Michel Rocard, je voudrais citer ici une phrase de lui que l’on a trop souvent tronquée : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part. »

Notre réflexion sur l’asile est une conséquence du rapport sur l’hébergement d’urgence, qui nous avait montré le caractère central de la question de l’accueil des demandeurs d’asile, ou plutôt du manque de places pour les accueillir : là est la première raison pour laquelle notre système est au bord de l’embolie.

Mme Auroi a raison de citer la directive de 2013 : il est certain qu’elle nous contraindra, s’agissant de l’emploi des demandeurs d’asile.

S’agissant des étrangers malades, je salue la position républicaine de Jean-Louis Touraine. Nous pourrons, je crois, trouver des points de consensus pour écrire la loi.

Je veux pour finir redire mon plaisir et ma fierté d’avoir travaillé avec vous, mes chers collègues, sur ces sujets délicats.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Madame Guittet, nous avons bien pris en considération la question du logement que vous évoquez : c’est pourquoi nous proposons la création de 11 000 nouvelles places, dédiées notamment aux personnes en procédure d’urgence ou en procédure « Dublin ».

Je veux dire moi aussi que j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler dans un climat d’ouverture et d’écoute mutuelles. Nous avons pu nous accorder sur de nombreuses propositions, qui ont pour but de s’assurer que des personnes en proie à l’injustice, pourchassées, torturées parfois, à qui l’on dénie le droit de s’exprimer et la liberté de conscience, puissent être dignement accueillies en France grâce au statut de réfugié. Il est important, croyons-nous, de redonner tout son sens à la politique de l’asile, qu’il faut effectivement distinguer de la politique de l’immigration.

M. le président Claude Bartolone. Merci encore à tous. Mes chers collègues, sauf objection, je vous propose d’autoriser la publication du rapport.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions

– Audition de Mme Valérie Létard, sénatrice, et de M. Jean-Louis Touraine, député, auteurs du rapport sur la réforme de l’asile remis au ministre de l’Intérieur le 28 novembre 2013 (16 janvier 2014).

– Audition de M. Jean-Philippe de Saint-Martin et de M. Alban Hautier, inspecteurs des finances, de M. Florian Valat, inspecteur de l’administration, et de Mme Christine d’Autume, inspectrice générale des affaires sociales, auteurs d’un rapport sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile (avril 2013) (16 janvier 2014).

– Audition de M. Jean Gaeremynck, président de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), et de M. Pascal Brice, directeur général (16 janvier 2014).

– Audition de M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France au ministère de l’Intérieur, et de Mme Brigitte Frénais-Chamaillard, cheffe du service de l’asile (23 janvier 2014).

– Audition de Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), et de M. Pascal Girault, secrétaire général (23 janvier 2014).

– Audition de M. Joseph Krulic, président de l’Association française des juges de l’asile (23 janvier 2014).

– Audition de Mme Katia Julienne, cheffe du service des politiques sociales et médico-sociales, adjointe de la directrice générale de la cohésion sociale, au ministère des Affaires sociales et de la santé, accompagnée de M. Sylvain Turgis, adjoint de la sous-directrice de l'inclusion sociale, de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté (30 janvier 2014).

– Audition de M. Jean-Marie Oudot, directeur général de l’association Coallia, accompagné de M. Djamel Cheridi, responsable « produits hébergement social et habitat social adapté » (30 janvier 2014).

– Audition de M. Jean-François Ploquin, directeur général de l’association Forum-réfugiés, accompagné de Mme Messaouda Hadjab, directrice Accueil Asile (30 janvier 2014).

– Audition de M. Yannick Imbert, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) (6 février 2014).

– Audition de M. Stefan Maier, administrateur chargé de la protection au bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR Paris), accompagné de Mme Caroline Laly-Chevalier, administratrice associée de liaison avec l'OFPRA et la CNDA (6 février 2014).

– Audition de M. Bruno Arbouet, directeur général d’ADOMA, accompagné de Mme Nathalie Chomette, directrice de l’exploitation (6 février 2014).

– Audition de Mme Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France, accompagnée de M. Jean-François Dubost, responsable du programme « Personnes déracinées » (13 février 2014).

– Audition de M. Pierre Henry, directeur général de France Terre d’Asile, accompagné de M. Matthieu Tardis, responsable du secrétariat administratif général (13 février 2014).

– Audition de M. Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), accompagné de Mme Marion Lignac, chargée de mission, et de Mme Katya Benmansour, chargée de mission (13 février 2014).

– Audition de M. Laurent Giovannoni, responsable du département « étrangers » au Secours catholique, et de Mme Claire Sabah, son adjointe (20 février 2014).

– Audition de M. Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, et de M. Gérard Sadik, responsable de la commission Asile (20 février 2014).

– Audition de M. Martin Dannaud, avocat, membre du Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s (GISTI), et de M. Jean-Pierre Alaux, membre du GISTI (20 février 2014).

– Audition de M. Frédéric Perrin, directeur central de la police aux frontières au ministère de l’Intérieur (20 février 2014).

– Audition de M. Gilles Piquois, avocat, président de l’Association ELENA France (27 février 2014).

– Audition de représentants de la direction de l’action sociale de la Croix-Rouge française : M. Marc Zyltman, membre du bureau national, administrateur et président de la commission du conseil d’administration en charge de l’action sociale, de l’urgence et du secourisme, Mme Maryam Rafii, en charge des réfugiés migrants, pôle lutte contre les exclusions, et Mme Nasrine Tamine, en charge des mineurs étrangers isolés, pôle enfance-famille (27 février 2014).

– Audition de Mme Marianne Lagrue, avocate, membre du Conseil national des barreaux (CNB), accompagnée de Mme Françoise Louis-Tréfouret, responsable des relations institutionnelles du CNB (27 février 2014).

2. Déplacements

● Visite de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), à Fontenay-sous-Bois dans le Val-de-Marne (13 février 2014) et rencontre de :

– M. Pascal Baudouin, directeur de cabinet,

– M. Pascal Brice, directeur général,

– M. Didier Mouton, coordinateur Contrôle Qualité.

● Déplacement à Dijon (25 février 2014) et rencontre de :

– Mme Marie-Hélène Valente, secrétaire générale de la préfecture de Côte d'Or,

– M. François Roche-Bruyn, secrétaire général pour les affaires régionales,

– M. Régis Virot, chargé de mission au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR),

– Mme Agnès Radnic, directrice du Centre d’accueil de demandeurs d’asile CADA ADOMA,

– M. Gilles Furno, directeur d'établissement Nord/Est pour ADOMA,

– M. Philippe Bourgeois, directeur du Centre d’accueil de demandeurs d’asile CADA Croix Rouge,

– Mme Anne Maréchal, directrice de l’urgence au service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) et directrice adjointe de l’Association dijonnaise d’entraide des familles ouvrières (ADEFO),

– M. Elie Métry, directeur territorial de COALLIA,

– Mme Claire Ayral, responsable PADA-MADA et du centre d’accueil de demandeurs d’asile CADA COALLIA,

– Mme Patricia Tessèdre, directrice opérationnelle COALLIA centre/sud,

– M. Dajmel Cheridi, responsable hébergement social COALLIA,

– M. Claude Giacomino, direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) de la Côte d’Or,

– Mme Evelyne Nugues, responsable de pôle, direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) de la Côte d’Or,

– M. Cédric Mpindy, représentant du directeur territorial de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII),

– Mme Nathalie Aubertin, directrice de la citoyenneté de la préfecture de Côte d’Or,

– M. Sébastien Gauthey, chef du service régional d’immigration et d’intégration, M. Alexandru Tomulescu, adjoint au chef du service régional d’immigration et d'intégration et Mme Corinne Bertucat, responsable du Pôle asile,

– Mme Françoise Duguet, ancienne présidente de la CIMADE Bourgogne Franche-Comté.

● Visite à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), à Montreuil en Seine-Saint-Denis (27 février 2014) et rencontre de :

– Mme Martine Denis-Linton, présidente,

– M. Pascal Girault, secrétaire général.

1 () Directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

2 () Directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale. Directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte).

3 () Règlement (UE) no 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

4 () Règlement (UE) no 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n ° 604/2013.

5 () La création du DN@ résulte de la décision n° 2009-202 du 29 mai 2009 de l’OFII, relative au traitement automatisé de données relatives aux capacités d’hébergement des CADA, à l’utilisation de ces capacités et aux demandeurs d’asile qui y sont accueillis. Elle répond aux dispositions de l’article L. 348 3 du code de l’action sociale et des familles.

6 () L’arrêt du 1er août 2013 du Conseil d’État (N° 345130) annule la décision du Tribunal administratif de Paris qui rejetait la demande d’hébergement d’un demandeur d’asile qui n’avait pas sollicité auparavant une place de CADA. Le Conseil indique que « En l'absence de mention expresse en ce sens, un demandeur d'asile ne saurait se voir refuser un hébergement dans le cadre de la procédure prévue au III de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation (CCH) du seul fait qu'il n'a pas présenté une demande d'hébergement dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile dans le cadre des dispositions de l'article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) ».

7 () Décisions du TA de Lyon (n°12011991 et suivantes) du 28 mars 2012, décision du TA d’Orléans du 1er mars 2012 et arrêt du Conseil d’État (n°356456) du 10 février 2012.

8 () Directive du 13 décembre 2011 du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.


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