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N° 2108

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juillet 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC)  (1)

sur la fiscalité des hébergements touristiques

et prÉsentÉ

par Mme Monique RABIN, MM. Éric WOERTH, Éric STRAUMANN

Députés

___

MM. Olivier CARRÉ et Alain CLAEYS

Présidents.

____

La mission d’évaluation et de contrôle est composée de : MM. Olivier Carré, Alain Claeys, Présidents, M. Gilles Carrez, Président de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Mme. Valérie Rabault, Rapporteure générale, MM. Christophe Castaner, Charles de Courson, Marc Francina, Jean-Pierre Gorges, Laurent Grandguillaume, Jérôme Lambert, Hervé Mariton, Mme Monique Rabin, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, MM. Éric Straumann, Pascal Terrasse, Philippe Vigier, Éric Woerth.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA TAXE DE SÉJOUR : UNE RESSOURCE INDISPENSABLE MAIS D’UN RENDEMENT LIMITÉ 6

A. UNE RESSOURCE HISTORIQUE POUR LES COMMUNES 6

1. La genèse de la taxe de séjour : les lois du 13 avril 1910 et du 24 septembre 1919 6

2. Le rappel des principales règles applicables à la taxe de séjour 9

B. QU’IL EST INDISPENSABLE DE MAINTENIR À LA DISPOSITION DES COLLECTIVITÉS 11

1. L’importance de la taxe de séjour pour les communes 11

2. Les exemples de taxation du séjour touristique à l’étranger 12

3. L’insuffisante valorisation de la taxe de séjour 14

C. MAIS AU RENDEMENT INSUFFISANT POUR REMPLIR SON OBJECTIF 15

1. La taxe de séjour perçue par les communes ou leurs groupements 15

2. La taxe additionnelle départementale : une taxe d’un rapport marginal 16

3. Résultant pour partie de la mauvaise connaissance de l’assiette 17

II. UN DISPOSITIF QUI DOIT ÊTRE RÉFORMÉ EN PROFONDEUR 19

A. TOUT EN PRÉSERVANT LA LIBERTÉ DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 19

1. La liberté de choix du mode d’assujettissement 20

a. Régime réel ou forfaitaire 20

b. Des abattements à simplifier 20

2. La fixation des taux dans la limite arrêtée par la loi 21

3. La libre affectation de la ressource 22

B. RÉVISER ET SIMPLIFIER LA TARIFICATION 25

1. La révision des taux 25

2. La simplification des nombreuses exonérations et réductions de la taxe 27

C. RENDRE LE RECOUVREMENT PLUS EFFICACE 29

1. Des pouvoirs de contrôle peu opérants 29

2. Des moyens à renforcer 30

a. Permettre aux communes de confier aux services fiscaux le recouvrement de la taxe 30

b. Ouvrir la procédure de taxation d’office 31

c. Développer des outils en ligne pour faciliter le recouvrement 32

III. LA FISCALITÉ DES HÉBERGEMENTS TOURISTIQUE CONFRONTÉE À L’ESSOR DE FORMES NOUVELLES D’OFFRE 32

A. LE RISQUE DE DÉSTABILISATION DES MARCHÉS LOCATIF ET HÔTELIER 33

1. L’essor d’un phénomène encore mal appréhendé 33

a. L’apparition de nouveaux acteurs sur la base d’un nouveau modèle d’offre touristique 33

b. La croissance de ce secteur d’activité en parallèle de l’offre traditionnelle 36

2. Les risques sur le marché locatif et la concurrence faite à l’hôtellerie classique 38

a. Les conséquences sur l’offre locative 38

b. La concurrence faite au secteur hôtelier 39

3. Qui génère des distorsions de concurrence notamment en matière fiscale 40

B. QUI APPELLE DONC LA MISE EN PLACE D’UN DISPOSITIF ADAPTÉ 43

1. Rétablir l’obligation de déclaration de la mise en location de la résidence principale 43

2. Confier la collecte de la taxe de séjour aux opérateurs comme aux autres professionnels 44

3. Renforcer les obligations prévues par la loi ALUR 45

RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS DE LA MISSION 47

EXAMEN EN COMMISSION 51

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 63

ANNEXE 1 : TAXES, DROITS ET REDEVANCES APPLIQUÉS DANS L’HÔTELLERIE ET LA RESTAURATION DANS LES PAYS DE L’OCDE 179

ANNEXE 2 : LA TAXE DE SÉJOUR EN EUROPE 185

INTRODUCTION

À l’occasion de la clôture des Assises du tourisme organisées à Paris le 19 juin 2014, M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international rappelait que la France, qui a accueilli 83 millions de touristes étrangers en 2012, demeure la première destination touristique dans le monde, que 7,3 % du PIB français sont liés à ce secteur d’activité et que 41,7 milliards d’euros de recettes ont été générées en 2012 grâce aux touristes étrangers.

Cette ressource est essentielle pour notre pays, alors que l’on sait que le nombre de touristes dans le monde, qui était d’1,1 milliard en 2013 devrait être multiplié par deux dans les quinze années à venir.

Lors de son audition par la mission d’évaluation et de contrôle, Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire rappelait, de la même façon, que le secteur du tourisme réalise un des premiers excédents de notre balance des paiements (près de 12 milliards d’euros en 2012), qu’il mobilise plus de 800 000 salariés, correspond à 2 millions d’emplois directs et indirects et constitue un secteur d’activité porteur pour l’insertion des jeunes dans l’emploi.

Les collectivités territoriales situant leurs actions au plus près du terrain jouent évidemment un rôle tout à fait majeur dans l’organisation de l’accueil des touristes et dans la promotion touristique. Elles doivent donc bénéficier d’un soutien important pour la conduite des politiques correspondantes et notamment pouvoir disposer de ressources fiscales adaptées.

La fiscalité pesant sur les hébergements touristiques est constituée pour l’essentiel de plusieurs types d’impositions locales directes : la taxe foncière sur les propriétés bâties ou les propriétés non bâties, la taxe d’habitation et/ou la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui reposent toutes sur une base identique : la valeur locative cadastrale. Les revenus locatifs tirés de la mise en location de meublés de tourisme bénéficient, par ailleurs, d’un régime fiscal favorable. Il s’y ajoute une dépense fiscale résiduelle, qui a été reconduite jusqu’au 31 décembre 2016, portant sur l’acquisition, au sein d’une résidence de tourisme, d’un logement neuf ou de plus de quinze ans avec réhabilitation, subordonnée à l’engagement de le louer pendant neuf ans.

La mission d’information et de contrôle constituée en janvier 2014 sur la question de la fiscalité des hébergements touristiques a choisi de centrer en grande partie ses analyses et ses réflexions sur un dispositif de fiscalité cette fois indirecte plus que centenaire, essentiel pour les communes et qui suscite pourtant de multiples insatisfactions, celui de la taxe de séjour.

En effet, se pose au travers de l’étude de la taxe de séjour, la question du nécessaire équilibre entre la politique à mener pour encourager la fréquentation touristique de notre pays ainsi que son économie touristique, et la prise en compte des contraintes qui pèsent en contrepartie sur les collectivités territoriales, en particulier sur les communes touristiques, que ce soit en termes d’aménagements nécessaires ou de développement du secteur d’activité et de promotion touristique.

La mission a estimé ainsi que, pour répondre aux enjeux très importants du financement local d’une politique touristique, le dispositif de la taxe de séjour devait être profondément réformé.

I. LA TAXE DE SÉJOUR : UNE RESSOURCE INDISPENSABLE MAIS D’UN RENDEMENT LIMITÉ

La taxe de séjour est, pour les collectivités, une ressource à la fois ancienne et indispensable, mais qui reste d’un rendement limité.

A. UNE RESSOURCE HISTORIQUE POUR LES COMMUNES

Plus que centenaire, la réglementation de la taxe de séjour s’est construite progressivement. Il n’est pas inutile de rappeler ici les grandes lignes de sa genèse, car, si l’on a cherché à adapter la taxe à l’évolution des formes de tourisme, ses principes fondateurs sont, en réalité, pour une grande part restés inchangés.

1. La genèse de la taxe de séjour : les lois du 13 avril 1910 et du 24 septembre 1919

Introduite en France il y a plus d’un siècle, par la loi du 13 avril 1910, la taxe de séjour est régie aujourd’hui par un empilement complexe de dispositions.

Le projet de loi initial portait sur la création de stations hydrominérales et climatiques et l’établissement de taxes spéciales pour y favoriser le développement de l’industrie hydrominérale.

Les objectifs en étaient simples : alors que les stations thermales françaises constituent « une rare richesse », « une statistique publiée en 1899 a mentionné qu’à cette époque, la France possédait sur le territoire métropolitain, 1 291 sources, sans compter les sources d’Algérie et de Tunisie, dont l’importance n’est pas à dédaigner… », la France ne tirait pas de ce capital foncier tous les revenus auxquels elle pouvait prétendre : « à l’inverse des stations balnéaires allemandes, nos stations n’ont pas toujours fait les efforts suffisants pour maintenir leurs installations, leurs établissements, leurs hôtels à la hauteur des exigences modernes… » (2).

Le rapport présenté par M. Fernand Rabier faisait remarquer, qu’en Allemagne, en Autriche ou en Suisse, les stations hydrominérales étaient généralement la propriété des communes qui en conservaient la gestion et augmentaient leurs ressources grâce à des taxes extraordinaires. Tel était le cas de la « Kur-Taxe » qui frappait tous les étrangers à la station stationnant au-delà d’un certain nombre de jours. « Elle a permis, précisait le rapport, de donner à l’étranger riche qui séjourne dans la station, tous les éléments de confort, de luxe et de sécurité qu’il recherche ».

L’article 1er du projet de loi prévoyait donc que toute commune qui possède sur son territoire une ou plusieurs sources d’eau minérale pouvait être érigée en station hydrominérale et que, dans ces stations, sur la demande de la commune il serait prélevé une « taxe de saison » dont le produit devra être affecté aux travaux d’assainissement ou d’embellissement de la station.

L’article 3 du projet de loi précisait que cette taxe pouvait au choix de la commune porter sur les personnes, sur les spectacles et sur des droits d’entrée en divers lieux.

La taxe sur les personnes était « établie sur les personnes non domiciliées dans la commune et n’y possédant pas une résidence à raison de laquelle elles sont passibles de la taxe mobilière». Le tarif de la taxe pouvait être établi par personne et par jour de séjour ou par personne indépendamment de la durée du séjour ; il pouvait être basé sur la nature et le prix de location des locaux occupés et comporter des atténuations, à raison soit de l’âge, soit du nombre des personnes d’une même famille. Il pouvait varier suivant les époques de la saison.

L’article 4 était relatif aux conditions de perception des taxes. « Il n’a pas paru possible, précisait le rapport Rabier, d’établir des rôles au nom des personnes directement assujetties à la taxe de saison. Le séjour parfois très court qu’elles font dans une station rendrait la perception particulièrement difficile. C’est pourquoi on a recours à l’intermédiaire des logeurs, hôteliers ou propriétaires qui seront responsables de l’acquittement de cette taxe ».

L’article 5 obligeait enfin les communes à tenir un compte spécial du produit et de l’emploi des recettes à provenir de l’établissement de ces taxes, ce compte devant être publié et transmis à la commission permanente des stations hydrominérales et climatiques. Ces mesures étaient indispensables « pour éviter que les fonds soient affectés à d’autres objets que ceux-là même pour lesquels les taxes ont été autorisées, à savoir l’intérêt des indigents et des nécessiteux et aussi l’assainissement et l’embellissement de la station. »

Le texte finalement adopté le 22 mars 1910, a étendu, à l’initiative du Sénat, le bénéfice de la loi aux « stations climatiques » et seule fut maintenue une taxe unique de séjour, faisant disparaître la taxe sur les spectacles et les droits d’entrée sur les champs de courses, dans les casinos et les cercles. Le Sénat estimait, qu’« une pareille taxe unique serait moins vexatoire que la multiplicité des droits divers perçus en différentes circonstances dans le courant d’une seule journée. »

Les principes posés à l’origine de la taxe (création par les communes d’une taxe prélevée sur les touristes et destinée à l’embellissement de la station, rôle de collecteurs reconnu aux logeurs et hôteliers) se retrouvent très largement dans la législation aujourd’hui applicable.

La loi du 24 septembre 1919 portant création de stations hydrominérales, climatiques et de tourisme établissant des taxes spéciales dans lesdites stations et réglementant l’Office national du tourisme n’a pas fondamentalement modifié, quant à elle, le dispositif mis en place par la loi de 1910. A cependant été créée la catégorie des « stations de tourisme » qui pouvait s’appliquer aux « communes qui offrent aux visiteurs un ensemble de curiosités naturelles ou artistiques ». Dans ces stations, l’article prévoyait que les communes « pouvaient percevoir, pendant tout ou partie de l’année », la taxe spéciale.

Enfin, il était créé une taxe additionnelle variable selon les stations et affectée à un fonds commun chargé d’actions visant « soit à favoriser la fréquentation et le développement des stations, soit à y améliorer les conditions d’hygiène¸ d’accès, d’habitation ou de séjour ».

Ce régime a ensuite été modifié à plusieurs reprises, le mécanisme de la taxe de séjour ayant été étendu aux départements en 1927 et étant devenu obligatoire dans toutes les stations classées en 1942. Son caractère facultatif a ensuite été rétabli, avec la reconnaissance, par l’ordonnance du 7 janvier 1959, du principe de la libre décision des collectivités locales.

Les réformes suivantes de la taxe ont essentiellement consisté à élargir les communes susceptibles de la percevoir : communes du littoral en 1986, communes de montagne, ainsi que celles qui réalisent des actions de promotion touristique en 1988. En 1995 enfin, ce droit a été reconnu aux communes réalisant des actions de protection et de gestion des espaces naturels.

La loi du 5 janvier 1988 a réformé le recouvrement, le contrôle et le régime des infractions de la taxe de séjour qui est devenue déclarative, a créé un régime de taxe de séjour forfaitaire et réactivé la taxe additionnelle départementale tombée en désuétude. La loi de finances pour 2002 a prévu ensuite une réévaluation des taux de la taxe, inchangés depuis lors.

Enfin, plus récemment, la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques (dite loi Novelli) ayant modifié les critères de classement des hôtels, le décret du 6 octobre 2011 a introduit la catégorie relative à la cinquième étoile dans le barème de la taxe.

La prise en compte dans la grille tarifaire de la taxe des hôtels cinq étoiles s’est opérée, il faut le souligner, sans que le barème ne soit modifié, ce qui pose la question de son adaptation à l’évolution de l’hôtellerie de grand luxe.

2. Le rappel des principales règles applicables à la taxe de séjour

La taxe de séjour est instituée à l’initiative de la commune ou de son groupement, selon les dispositions de l’article L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales. Cette taxe a donc un caractère facultatif.

Le champ d’application de la taxe est large. Il autorise un très grand nombre de communes à l’instituer puisqu’en plus :

– des stations classées et les communes touristiques relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre 1er du code du tourisme,

– des communes littorales au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement,

– des communes de montagne au sens de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne,

– et des communes qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels,

Toute commune qui réalise des actions de promotion en faveur du tourisme peut instaurer la taxe.

L’organe délibérant du conseil municipal ou, le cas échéant, d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) détermine la période de perception de la taxe, la nature des hébergements marchands assujettis à celle-ci et les tarifs applicables en application du barème fixé à l’article D.2333-45 du code général des collectivités territoriales.

L’article L. 3333-1 du CGCT permet, en outre, au conseil général d’instituer une taxe additionnelle de 10 % à la taxe de séjour perçue dans le département par les communes. Cette taxe additionnelle départementale est établie et recouvrée selon les mêmes modalités que la taxe de séjour : collectée par la commune, elle est reversée au département qui en affecte le produit à la promotion du développement du tourisme.

La taxe de séjour fonctionne sur le mode déclaratif auquel sont soumis les professionnels de l’hébergement mais aussi les particuliers louant tout ou partie de leur habitation personnelle.

Son produit est affecté, selon les termes retenus par l’article L. 2333-27 du code général des collectivités territoriales, « aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ».

Il existe deux modes de recouvrement de la taxe de séjour :

● la taxe de séjour « au réel » (ou taxe de séjour classique) :

Établie sur les touristes, compris comme les personnes non domiciliées dans la commune et qui n’y possèdent pas une résidence secondaire à raison de laquelle elles sont passibles de la taxe d’habitation, elle est collectée par le logeur, par personne et par nuitée, directement sur l’assujetti en même temps que les prestations d’hébergement (articles L. 2333-29 à L. 2333-40 et L. 2563-7 du CGCT) ;

● la taxe de séjour forfaitaire (articles L. 2333-41 à L. 2333-46-1 du CGCT) :

Établie, quant à elle, sur le logeur, hôtelier ou propriétaire qui héberge des touristes, elle se calcule en multipliant le tarif retenu pour la catégorie d’hébergement à la capacité d’accueil maximale de l’hébergeur tenant compte du nombre de jours d’exploitation inclus dans la période de recouvrement de la taxe, après abattement d’un pourcentage de 20 à 30 % selon la capacité totale calculée.

Les catégories d’hébergements pouvant être soumis à la taxe de séjour sont définies très largement par l’article R .2333-44 du CGCT, puisqu’il s’agit des hôtels de tourisme, des résidences de tourisme, des meublés de tourisme, des villages de vacances, des terrains de camping et de caravanage ainsi que tout autre terrain d’hébergement de plein air, des ports de plaisance et des autres formes d’hébergement.

La taxe étant assise sur la nuitée marchande, une commune ou un groupement peut instituer une taxe de séjour pour tout hébergement impliquant une transaction financière. Les résidences secondaires, soumises à la taxe d’habitation et l’hébergement gratuit chez des amis ou dans la famille ne sont en revanche pas assujettis à la taxe de séjour.

Les tarifs de la taxe de séjour ne peuvent être inférieurs à 0,2 euro (hébergements de plein air et ports de plaisance), ni supérieurs, en l’état actuel de la réglementation, à 1,5 euro (pour les hébergements d’au moins quatre et cinq étoiles) (3).

B. QU’IL EST INDISPENSABLE DE MAINTENIR À LA DISPOSITION DES COLLECTIVITÉS

Les collectivités sont attachées au maintien d’un dispositif auquel recourent également de nombreux pays étrangers.

1. L’importance de la taxe de séjour pour les communes

Les auditions auxquelles a procédé la mission ont clairement permis de mesurer la légitimité de la taxe de séjour, l’attachement des communes et de leurs groupements à ce dispositif ainsi que son caractère indispensable pour des communes très touristiques.

En 2011, selon les données résultant d’une enquête statistique de la direction générale des collectivités locales du ministère de l’Intérieur, 2 474 communes et 633 établissements publics de coopération intercommunale appliquaient la taxe de séjour.

Il est d’ailleurs à noter que le nombre de communes ayant instauré une taxe de séjour est en augmentation lente mais régulière : de 2 048 en 2002, à 2 474 en 2011. La direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, estime à environ 6 000 le potentiel de communes qui, compte tenu de leur activité touristique pourraient décider d’une telle taxe.

L’étude réalisée par le cabinet de conseil CTR à la demande de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT), rendue publique en juin 2013 (4), donne une photographie des conditions concrètes d’application du dispositif de la taxe de séjour dans ces collectivités.

Elle a mis en évidence les éléments suivants :

– la taxe de séjour est largement perçue par les communes touristiques (dans 62 % des cas) ; 24 % d’entre elles ont délégué cette fonction à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), les offices de tourisme percevant la taxe dans 14 % des communes interrogées ; cette proportion de délégation s’accroît d’ailleurs avec la taille de la collectivité, 26 % des communes de plus de 5 000 habitants déléguant la perception de la taxe de séjour à l’office de tourisme et 22 % à l’EPCI ;

– 56 % des communes appliquent le mécanisme de la taxe sur douze mois, 44 %, notamment dans les stations de la côte ouest, la mettant en place de façon saisonnière (sur deux à six mois en moyenne) ;

– 48 % des petites communes perçoivent moins de 30 000 euros de taxe et 25 % d’entre elles plus de 100 000 euros ; 61 % des communes de plus de 5 000 habitants perçoivent plus de 100 000 euros ;

– 53 % des communes interrogées déclaraient une baisse ou une stagnation du montant de la taxe entre 2010 et 2011 ;

Le Président de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT), M. Marc Francina a fait part à la mission de son souci de conserver cette ressource au plus près du terrain, en déclarant « Il n’est pas question, comme l’a suggéré un rapport du Sénat, d’attribuer à Atout France une partie des recettes issues de la taxe de séjour. » Faisant valoir qu’« il serait inconcevable de priver les communes d’une part de leurs ressources dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités locales ».

M. Jean Burtin, président de la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative (FNOTSI) déclarait, quant à lui : « Nous espérons bien que la taxe de séjour restera au niveau communal ou, en tout cas, au niveau du bloc communal. C’est pour nous absolument indispensable. »

La mission a estimé que l’attachement des collectivités à la taxe de séjour, qui constitue pour elles une ressource précieuse en complément des dotations aux communes touristiques, impose son maintien.

2. Les exemples de taxation du séjour touristique à l’étranger

La taxe de séjour applicable en France n’est pas un dispositif isolé.

La taxation des séjours touristiques est, en effet, une formule de plus en plus fréquemment utilisée dans les pays européens, comme le montre l’instauration récente de ce type de taxe par de grandes villes européennes.

L’enquête de l’OCDE « Tendances et politiques du tourisme 2014 » rendue publique le 7 mars 2014 menée auprès des pays membres et des partenaires de l’organisation, recense les taxes, droits et redevances indirects liés au tourisme dans plusieurs pays.

L’enquête révèle que les prélèvements opérés sur l’hôtellerie et l’hébergement présentent par nature un caractère saisonnier et sont en grande majorité administrés au niveau municipal. Ceci rend donc difficile le recensement des systèmes existants et les comparaisons avec le système français de la taxe de séjour. Il faut noter d’ailleurs que toute comparaison, pour être pertinente, devrait prendre en compte l’ensemble de la fiscalité applicable dans les différents États. L’analyse menée ci-dessous est sans doute significative, mais nécessairement limitée dans son champ.

L’OCDE a recensé 6 pays ayant mis en place des taxes nationales (Annexe 1). Il s’agit de la République tchèque, de l’Égypte, de l’Espagne, de l’Irlande, de la Tunisie (à compter du mois d’octobre 2014) et du Cap Vert.

À Dubaï, dès la fin du mois de mars 2014, les acteurs du tourisme devront payer la Tourist Dirham, une taxe sur les nuits en hébergement touristique qui s’appliquera aussi bien aux hôtels, aux locations de vacances qu’aux chambres d’hôtes. Le montant de la nouvelle taxe s’étendra de 7 dirhams (près de 1,40 euro) à 20 dirhams (près de 4 euros) par personne et par nuit. Les fonds récoltés serviront à financer une partie des projets d’infrastructures et de promotion touristique lancés pour préparer l’organisation de l’Exposition Universelle d’octobre 2020 à avril 2021.

On constate que plusieurs grandes villes européennes ont récemment mis en place des taxes sur l’hébergement touristique, selon des modalités variables et parfois avec des taux conséquents, en tout cas supérieurs à ceux qui sont pratiqués en France et, en particulier, à Paris (Annexe 2).

Parmi les mesures instaurées par les municipalités, on trouve, sans que ce recensement ne soit aucunement exhaustif :

– la ville d’Amsterdam qui impose une taxe de séjour de 5 % sur le logement dont le produit sert à l’amélioration des infrastructures de la ville ;

– Vienne qui soumet à la taxe de séjour les propriétaires d’hébergements touristiques pour les séjours de moins de trois mois. La taxe s’élève à 3,2 % des revenus tirés de l’activité d’hébergement (hors impôt sur le chiffre d’affaires, retenue forfaitaire de 11 % et coût du petit-déjeuner).

– Venise qui a mis en place, depuis le 24 août 2011, une taxe pour résidence touristique. Cette taxe varie de 0,30 euro à 5 euros, dans la limite de cinq nuits consécutives et selon le lieu de résidence et le type de logement. Elle sert au financement du tourisme, à la maintenance du patrimoine culturel et naturel, ainsi qu’aux services publics ;

– Milan applique depuis le 1er septembre 2012 une taxe de séjour dont les tarifs vont de 2 et 5 euros par personne et par jour selon le classement de l’hébergement. La perception de la taxe est limitée aux quinze premiers jours du séjour ;

– la ville de Barcelone qui a instauré, depuis le 1er novembre 2012, une taxe touristique pour toute personne de plus de 16 ans y séjournant une nuit. Le montant de la taxe s’échelonne de 0,45 euro à 2,5 euros pour un maximum de sept jours ;

– Hambourg qui a instauré à partir du 1er janvier 2013, une taxe « culture et tourisme » qui s’applique aux hôtels, aux chambres d’hôtes ainsi qu’aux « bed and breakfast », aux auberges de jeunesse et aux nuitées chez les particuliers, à l’exception des nuitées effectuées dans le cadre de voyages d’affaires. La taxe recouvrée auprès des hébergeurs s’étage de 0,5 à 4 euros ;

– Berlin, où est applicable depuis le 1er janvier 2014 aux séjours de courtes durées assurés par les hôtels, les pensions, les auberges de jeunesse et les campings mais aussi par des particuliers (à l’exception des séjours d’affaires), une « city tax » de 5 % sur le prix net de la chambre (hors TVA et consommations ou services annexes) qui est perçue pour un maximum de 21 jours consécutifs.

Le prélèvement de ressources sur les touristes aux fins de financer le développement touristique lui-même n’est donc pas une exception française.

3. L’insuffisante valorisation de la taxe de séjour

La taxe de séjour constitue pour les communes une ressource construite sur une logique originale : faire acquitter par les touristes eux-mêmes une part des dépenses qui sont générées par leur accueil. Elle repose donc sur l’usager et non sur le contribuable. Et comme l’a souligné M. Lionel Walker, lors de son audition par la mission : « Il semble normal que l’usager contribue au maintien du service de qualité dont il bénéficie. » (5)

Indispensable au financement des investissements touristiques locaux elle est pourtant insuffisamment acceptée, par manque de visibilité des actions conduites ou rendues possibles grâce à l’effet de levier des dépenses ainsi financées par les communes.

M. Marc Francina, président de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT) a pu préciser ainsi devant la mission, que, sur l’échantillon de 304 communes ayant donné lieu à l’enquête CTR précitée, 80 avaient répondu « qu’elles n’avaient pas mis en place la taxe de séjour sur leur territoire, alors que celle-ci présente un potentiel important ».

Ainsi, certaines collectivités pourtant concernées par ce dispositif, puisque la taxe de séjour bénéficie, depuis 1988, à toutes les communes, groupements de communes et départements qui mènent des actions de promotion en faveur du tourisme ou de protection et de gestion des espaces naturels, ne parviennent pas à le mettre en place, faute d’informations ou de moyens adaptés ou parce qu’elles en jugent la gestion trop lourde à assurer.

Plus largement, la taxe de séjour souffre d’être insuffisamment expliquée.

M. Michel Cazaubon, Chef du bureau des destinations touristiques au ministère de l’Économie, du redressement productif et de l’économie numérique a bien fait ressortir cette situation en indiquant : « Les critiques de la taxe de séjour ne sont pas nouvelles et elles émanent tant des élus locaux que des professionnels. Les premiers soulignent qu’elle est d’un rendement faible et qu’elle n’est pas représentative de la réalité d’une économie touristique. Les seconds se plaignent que, n’étant pas instituée partout, elle génère des distorsions de concurrence entre les territoires. Les deux se rejoignent dans leur incompréhension de la justification de cette taxe. Il n’y a pas d’effort de pédagogie suffisant pour expliquer à quoi sert la taxe. ». Il est rejoint dans ce propos par M. Jean Burtin, Président de la FNOTSI (6) : « Cela suppose que l’État fasse des efforts de communication à destination des consommateurs, en passant par les préfectures et les collectivités. ».

Le mécanisme de la taxe de séjour reste ainsi insatisfaisant, mal valorisé. L’information des élus est parfois lacunaire, les professionnels du tourisme peuvent avoir des difficultés à l’accepter, n’ayant pas suffisamment l’impression d’un « juste retour ».

C. MAIS AU RENDEMENT INSUFFISANT POUR REMPLIR SON OBJECTIF

1. La taxe de séjour perçue par les communes ou leurs groupements

Les données résultant des enquêtes statistiques menées par la direction générale des collectivités locales du ministère de l’Intérieur font état d’une ressource en définitive modeste, de 241 millions d’euros pour les communes et les établissements de coopération intercommunale en 2012.

MONTANTS TOTAUX PERÇUS AU TITRE DE LA TAXE DE SÉJOUR PAR LES COMMUNES EN PRÉCISANT LEUR ÉVOLUTION ANNUELLE DE 2002 À 2013

(en millions d’euros)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012 (*)

Montants et évolutions

117,733

127,634

138,179

141,916

146,959

151,460

158,442

166,215

192,946

204,148

241

Évolutions
en %

 

+ 8,40

+ 8,26

+ 2,70

+ 3,55

+ 3,06

+ 4,60

+ 4,90

+ 16,08

+ 5,80

+ 18,12

Nombre de

communes

2 048

2 145

2 206

2 327

2 315

2 285

2 273

2 391

2 480

2 474

N.D.

Source : enquêtes statistiques de la DGCL auprès des services préfectoraux (extraits des comptes administratifs) de 2002 à 2011. N.D : Non disponible.

(*) : Montant issu du tableau « évaluation des voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2014.

Selon les données fournies par l’administration fiscale, sur la base de la volumétrie des encaissements en métropole et outre-mer, le montant total de taxe de séjour encaissé en 2013 (chiffre provisoire) est de 267,9 millions d’euros (7).

2. La taxe additionnelle départementale : une taxe d’un rapport marginal

Les données relatives à la taxe additionnelle font l’objet d’évaluations diverses.

MONTANTS TOTAUX DE LA TAXE ADDITIONNELLE PRÉVUE POUR LES DÉPARTEMENTS EN PRÉCISANT LEUR ÉVOLUTION ANNUELLE DE 2002 À 2013

(en millions d’euros)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012
(*)

Montants

N.D.

1,962

2,935

3,026

3,540

3,841

N.D.

N.D.

4,928

5,183

9

Évolutions en %

   

+ 8,26

+ 2,70

+ 3,55

+ 3,06

     

+ 5,28

+ 73,7

Nombre de départements

N.D

11

12

12

13

14

N.D

N.D

15

16

N.D

Source : enquête statistique de la DGCL auprès des services préfectoraux (extraits des comptes administratifs de 2002 à 2011. N.D : Non disponible.

(*) : Montant issu du tableau « évaluation des voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2014

Selon les données fournies par l’administration fiscale, sur la base des encaissements, le montant de la taxe additionnelle a été :

– de 11,2 millions d’euros en 2010 ;

– 13,2 pour 2011 ;

– 14,9 pour 2012 ;

– et de 16,6 (chiffre provisoire) pour 2013.

Selon les informations fournies par l’Assemblée des départements de France (ADF), en 2013, 35 départements (contre 15 en 2010) ont perçu le produit de cette taxe (8).

Il reste, que d’un rendement global réduit, le produit de la taxe additionnelle devient marginal, quand on le rapporte aux budgets des départements à l’exception de ceux qui mènent une politique active de perception comme la Savoie, département pour lequel, selon les informations fournies par l’ADF, le produit annuel de la taxe atteint 1,3 million d’euros.

Il est à noter que l’Inspection générale des finances, dans son rapport portant sur les taxes d’un rapport inférieur à 100 millions d’euros a préconisé, au vu principalement de ce faible rendement global et relatif, la suppression de cette taxe additionnelle.

Les membres de la mission observent, qu’en toute hypothèse, le projet de loi de réforme territoriale prévoyant une suppression à brève échéance des conseils généraux, une réflexion devra être conduite en concertation avec les professionnels du tourisme, sur le maintien de la taxe additionnelle départementale. Si celui-ci était décidé, il s’avérera alors nécessaire de décider de l’affectation de son produit au niveau de collectivité le plus adéquat.

La mission recommande que soit menée une réflexion, en concertation avec les professionnels, sur le maintien à terme de la taxe additionnelle départementale.

Par ailleurs, dans le contexte nouveau créé par ce projet de réforme territoriale, la mission remarque qu’il faut faire preuve de prudence dans la définition de nouvelles taxes additionnelles à la taxe de séjour pour ne pas rompre l’équilibre d’une taxation souvent contestée et dont l’objectif principal doit rester la promotion touristique.

3. Résultant pour partie de la mauvaise connaissance de l’assiette

Le rendement de la taxe de séjour, déjà assez faible en raison des taux appliqués, est en outre affecté par les deux obstacles auxquels se heurtent les collectivités dans la gestion de la taxe : la méconnaissance par les communes de leurs capacités en hébergements touristiques, liée à la difficulté d’en recenser les redevables et les difficultés à assurer le recouvrement de la ressource.

Ce problème ancien et régulièrement soulevé, a une nouvelle fois été mis évidence par l’enquête CTR précitée qui a fait ressortir le fait que les communes connaissaient souvent mal leurs capacités d’hébergements touristiques : 69 % des communes concernées par cette enquête insistaient ainsi sur les difficultés de recensement des redevables.

Si les capacités d’accueil des hôtels et des campings inclus dans le champ de l’enquête – qui représentaient d’ailleurs à eux seuls 50 % des hébergements –étaient parfaitement connues (5 429 lits dans les communes de moins de 5 000 habitants et 19 429 lits dans les autres communes), 33 % des communes déclaraient en revanche ignorer les capacités d’hébergements des résidences secondaires (9), la proportion étant de 27 % pour celles des résidences de tourisme et de 27 % pour celles des villages de vacances.

53 % des communes interrogées dans l’enquête CTR précitée déclaraient sous-percevoir la taxe auprès de ce type d’hébergement, les gîtes et les chambres d’hôtes étant cités par respectivement 23 % et 22 % des répondants.

En pratique, alors que la taxe de séjour s’applique à toutes les natures d’hébergements touristiques à titre onéreux, même si la location est effectuée de façon occasionnelle, bon nombre de locations proposées par des particuliers y échappent : 74 % des communes ayant répondu à l’enquête déclaraient ne pas percevoir la taxe de façon exhaustive.

Le problème majeur qu’a bien mesuré la mission tout au long de ses travaux et que M. Marc Francina, président de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT), a clairement exposé est celui de la location de meublés qui, selon lui, échappent pour 80 % à tout contrôle et ce, alors que le phénomène se développe considérablement.

Le fait que le système repose sur les déclarations faites par les hébergeurs nuit ainsi à l’identification des meublés touristiques et donc à une collecte correcte de la taxe de séjour. L’exemple de Paris, grande capitale touristique qui reçoit 32 millions de touristes chaque année est à cet égard particulièrement significatif.

M. Jean-Baptiste Nicolas, directeur des finances de la mairie de Paris indiquait ainsi aux membres de la mission : « Nous n’avons pas de problème particulier de connaissance du tissu hôtelier à Paris. En revanche, comme c’est le cas dans d’autres communes, il n’en va pas de même pour les chambres d’hôtes et les meublés : leurs propriétaires ne connaissent pas nécessairement leurs obligations déclaratives et il est très complexe et coûteux de les recenser et de les taxer. ».

Poursuivant sur les nouveaux modes d’hébergement touristiques qui se développent, notamment par le biais d’Internet, M. Jean-Baptiste Nicolas signalait que, selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme, le nombre de locations de courte durée à Paris serait de 20 000 par an ; en comparaison, le nombre de meublés touristiques et de chambres d’hôtes déclarés apparaît, indiquait-il, extrêmement faible, de seulement 200 environ.

M. Jean Baptiste Nicolas indiquait encore : « Le rendement de la taxe de séjour à Paris s’est établi à environ 40 millions d’euros en 2013. La taxe est collectée auprès de quelque 2 000 établissements, dont une très grande majorité
– 1 826 – sont des hôtels. Elle est très concentrée sur les trois et quatre étoiles, qui contribuent à hauteur de 30 millions d’euros sur les 40 millions d’euros perçus. Le montant versé par les propriétaires de meublés et de chambres d’hôtes représente moins de 0,01 % de la recette totale. 
»

Cette mauvaise appréhension de l’assiette de la taxe se traduit nécessairement dans le rendement de la taxe additionnelle départementale. Interrogée sur cette question, l’Association des départements de France précise que les départements considèrent que les moyens de contrôle sont très limités et ne reposent, bien souvent que sur le recoupement d’informations avec le comité départemental du tourisme (10).

II. UN DISPOSITIF QUI DOIT ÊTRE RÉFORMÉ EN PROFONDEUR

Plusieurs personnalités auditionnées par la mission ont souligné la nécessité d’une réforme du mécanisme de la taxe de séjour. 58 % des communes interrogées dans le cadre de l’enquête CTR de juin 2013 réclamaient une réforme ambitieuse de la taxe.

L’Assemblée nationale elle-même s’est penchée à plusieurs reprises sur cette question ; il était précisé ainsi, dans le rapport spécial Tourisme sur le projet de loi de finances pour 2013 (11) que « Les critiques récurrentes sur le faible rendement de la taxe de séjour, les modalités de collecte qui sont souvent artisanales et son utilisation poussent à la mise en chantier d’une réforme de grande ampleur. ».

Les membres de la mission estiment de fait que, tout en préservant la liberté des collectivités locales, il importe de remédier aux facteurs à l’origine du faible rendement de la taxe de séjour et d’en rendre le recouvrement plus efficient.

A. TOUT EN PRÉSERVANT LA LIBERTÉ DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La taxe de séjour est un impôt facultatif dont la création et les modalités d’application sont laissées largement à l’initiative des collectivités, que ce soient les communes ou leurs groupements.

C’est là une traduction du principe de libre administration des collectivités locales posé dès 1959 et qui est contenu aujourd’hui dans l’article 72 de la Constitution, lequel prévoit que : « Dans les conditions prévues par la loi, les collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. ». L’article 72-2, alinéa 2 précise que : « Elles peuvent recevoir tout ou partie des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine ».

Cette liberté se manifeste dans plusieurs domaines : le choix du mode d’assujettissement, réel ou forfaitaire ; la fixation des taux dans les limites du barème légal ; l’affectation de la ressource.

1. La liberté de choix du mode d’assujettissement

a. Régime réel ou forfaitaire

Les communes peuvent opter, comme on l’a indiqué précédemment, entre deux modes d’assujettissement, « au réel » (la taxe est alors collectée par le logeur, par personne et par nuitée, directement sur l’assujetti) ou forfaitaire (elle est prélevée sur le logeur, en fonction de la capacité d’accueil maximale de l’hébergement).

L’enquête CTR précitée a révélé que 66 % des communes appliquaient le régime d’imposition « au réel », le forfait concernant 21 % d’entre elles et 13 % des collectivités recourant à un régime mixte.

Pour des motifs compréhensibles d’égalité de traitement entre les différents acteurs du tourisme, l’option entre régime réel et forfaitaire ne peut s’opérer que par catégorie d’établissements : lorsqu’une commune décide d’appliquer la taxe forfaitaire à une catégorie d’hébergement, elle doit l’appliquer à l’ensemble des établissements de cette nature situés sur son territoire.

Le régime de la taxe de séjour forfaitaire a été créé par la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation pour tenter de résoudre les imperfections de la taxe de séjour traditionnelle et notamment, son rendement jugé insuffisant. La formule forfaitaire n’a pourtant pas eu le succès escompté, malgré le souci manifesté par les Gouvernements successifs, de privilégier ce mode d’assujettissement, qui simplifie la gestion des professionnels et les tâches administratives des communes tout en limitant la fraude.

Celles-ci restent attachées à la liberté de choix du mode d’assujettissement, comme l’ont souligné plusieurs intervenants devant la mission.

La mission recommande néanmoins aux communes et à leurs groupements d’adopter le mode d’assujettissement forfaitaire qui, reposant sur la « capacité d’accueil » des hébergements touristiques, aide à un meilleur recouvrement de la taxe de séjour.

b. Des abattements à simplifier

Le code général des collectivités territoriales prévoit deux types d’abattements sur le nombre d’unités de capacités d’accueil servant au calcul du montant de la taxe forfaitaire.

Un premier abattement est obligatoire. Son taux varie de 20 % à 30 % lorsque le nombre de nuitées comprises dans la période d’ouverture de l’établissement et la période de perception est supérieur à soixante et inférieur ou égal à cent cinq et à 40 % lorsque ce nombre de nuitées est supérieur à cent cinq. Il vise à prendre en compte le fait que plus la période d’ouverture de l’établissement est longue, plus son taux de remplissage est faible.

Un second abattement revêt un caractère facultatif : en application de l’article L.2333-42, le conseil municipal peut fixer un coefficient destiné à tenir compte de la fréquentation habituelle des établissements qui réduit le montant de la taxe ; ce coefficient est fixé par nature d’hébergement et pour tout le territoire de la commune au plus tard deux mois avant le premier jour de la perception.

Ces règles apparaissent trop complexes et malgré la possibilité de majorer l’abattement légal, elles ne sont pas toujours adaptées aux zones touristiques peu sensibles à la saisonnalité. C’est ainsi qu’à Paris, le taux de remplissage des hôtels (de l’ordre de 79 % en moyenne) est bien supérieur à celui qui résulte de l’application de l’abattement de 40 %. La mission suggère donc de simplifier le dispositif pour ne retenir qu’un seul abattement, obligatoire, que la commune pourra déterminer à l’intérieur d’une fourchette de 10 et 40 %, selon le type de fréquentation des établissements sur son territoire. L’abattement applicable ne serait plus mécaniquement lié à l’occupation de l’hébergement, comme tel est actuellement le cas.

Simplifier le régime des abattements pour n’en retenir qu’un seul obligatoire et modulable par décision de la commune, en fonction de la durée de la période d’ouverture. Cette modulation pourrait aller de 10 % à 50 % du nombre d’unités de capacités de l’établissement.

2. La fixation des taux dans la limite arrêtée par la loi

Conformément à un principe constant en matière de fiscalité locale, les communes fixent librement les taux de la taxe de séjour qui diffèrent suivant la nature et la catégorie des hébergements.

En application de l’article 34 de la Constitution qui dispose que la loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, c’est cette dernière qui précise le niveau des taux, en l’espèce, sous la forme d’une « fourchette » entre un taux minimal et maximal. L’article L. 2333-30 du code général des collectivités territoriales applicable à la taxe de séjour classique dispose ainsi que : « Le tarif ne peut être inférieur à 0,20 euro, ni supérieur à 1,5 euro par personne et par nuitée. ».

L’article L. 2333-42 du même code retient la même « fourchette » pour l’application de la taxe de séjour forfaitaire, cette fois, par unité de capacité d’accueil et par nuitée.

Les tarifs de la taxe de séjour sont ensuite arrêtés par délibération du conseil municipal conformément au barème établi par décret, en fonction de huit catégories d’hébergement (hôtels, campings, résidences de tourisme, meublés, anneaux de plaisance, villages de vacances) et par niveaux de qualité (les étoiles du classement national).

Types et catégorie d’hébergement

Barème applicable selon les articles L. 2333-30 et D.2333-45 du CGCT

Hôtels de tourisme 4 étoiles luxe et 4 et 5 étoiles

 

Résidences de tourisme 4 et 5 étoiles

 

Meublés de tourisme 4 et 5 étoiles

0,65 € à 1,50 € /personne/ nuitée

Tous les autres établissements de caractéristiques équivalentes

 

Hôtels de tourisme 3 étoiles

 

Résidences de tourisme 3 étoiles

 

Meublés de tourisme 3 étoiles

0,50 €à 1 €/ personne/ nuitée

Tous les autres établissements de caractéristiques équivalentes

 

Hôtels de tourisme 2 étoiles

 

Résidences de tourisme 2 étoiles

 

Meublés de tourisme 2 étoiles

0,30 € à 0,90 € / personne/nuitée

Villages de vacances 4 et 5 étoiles

 

Tous les autres établissements de caractéristiques équivalentes

 

Hôtels de tourisme 1 étoile

 

Résidences de tourisme 1 étoile

 

Meublés de tourisme 1 étoile

0,20 € à 0,75 €/personne/nuitée

Villages de vacances 1 ou 2 ou 3 étoiles

 

Tous les autres établissements de caractéristiques équivalentes

 

Hôtels de tourisme

Résidence de tourisme

0,20 € à 0,40 €/ personne/nuitée

Tous les autres établissements de caractéristiques équivalentes

 

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 3, 4 et 5 étoiles

0,20 € à 0,55 €/personne/nuitée

Tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes

 

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 1 et 2 étoiles

 

Tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques Équivalentes

0,20 € /personne/nuitée

Ports de plaisance

 

La mission s’est montrée particulièrement attachée à cette liberté (relative) dans la fixation des taux, qui permet aux communes d’adapter la taxe à la configuration de leur offre touristique, tout en prenant en compte leurs besoins.

3. La libre affectation de la ressource

Comme cela a été indiqué précédemment, l’affectation de la taxe obéit au principe posé à l’article L.2333-27 du code général des collectivités territoriales selon lequel « Le produit de la taxe de séjour ou de la taxe de séjour forfaitaire est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ». De même, pour le département, le produit de la taxe additionnelle doit servir à la promotion du développement touristique du département (12).

Si cette formulation est très générale, l’objectif de politique publique est cependant clairement identifié. Il peut justifier le financement d’actions très diverses correspondant aux besoins et aux politiques touristiques des collectivités, dans la limite où la dépense a pour objet principal le développement touristique.

C’est ainsi que la sous-direction du tourisme au ministère de l’Économie recense comme des utilisations habituelles de la taxe :

– le fonctionnement des offices de tourisme (obligatoirement quand celui-ci est constitué sous la forme d’établissement public industriel et commercial (13));

– l’amélioration du cadre de vie (entretien des plages, des jardins, des voiries, d’une station d’épuration) ;

– le recrutement de personnels saisonniers, le fonctionnement des services de police ou d’un service médical ;

– l’embellissement ou le fleurissement de la commune ;

– la construction de parcs de stationnement ;

– la signalétique routière et piétonnière ;

– les travaux d’entretien des monuments.

M. Jean–Baptiste Nicolas, directeur des finances de la Mairie de Paris, détaillait ainsi l’affectation du produit de la taxe forfaitaire prélevée à Paris : « Le produit de la taxe de 40 millions d’euros est affecté de la manière suivante : environ 14 millions à des investissements de voirie à raison de la fréquentation touristique ; 7,5 millions à la subvention allouée à l’Office de tourisme ; environ 9 millions à la contribution versée à la préfecture de police de Paris, pour des missions qui concourent à l’accueil des touristes ; 3,5 millions à des subventions au titre de la culture. ».

Si la diversité des mesures retenues peut surprendre, il faut bien mesurer que cette souplesse traduit l’attachement des collectivités à la libre détermination de l’affectation de la ressource. Pour autant, la légitimité de la taxe – et donc sa bonne acceptation – suppose que les professionnels du tourisme puissent en mesurer concrètement les effets sur les investissements touristiques de la commune.

L’exécutif local doit faire figurer dans un état annexé au compte administratif la somme recouvrée au titre de la taxe de séjour. Cet état qui, comme le compte, doit être tenu à la disposition du public, ne donne cependant pas lieu à une délibération, alors que l’explication des objectifs de la taxe a été souvent présentée comme une exigence fondamentale.

M. Michel Cazaubon, Chef du bureau des destinations touristiques au ministère de l’économie indiquait ainsi : « D’après ce que je perçois, il n’y a pas d’effort de pédagogie suffisant pour expliquer à quoi elle sert. Des divergences existent entre élus et professionnels sur les actions menées par les offices du tourisme et financées par la taxe. Devant les protestations des professionnels, les élus ont parfois du mal à justifier son rôle … Or, le caractère quasi universel de la ressource dilue les sommes perçues dans un ensemble de dépenses au sein desquelles n’apparaît pas la justification directe de ce prélèvement opéré sur l’activité économique touristique et dont, en principe, le produit devrait lui profiter. Il s’agit d’une recette de la section de fonctionnement mais qui contribue à l’autofinancement et donc peut contribuer à l’investissement. »

Comme le fait remarquer l’Assemblée des départements de France, la taxe de séjour et sa taxe additionnelle étant affectées, il devrait être possible à la collectivité de prévoir un système d’information, par exemple sur le même portail que celui utilisé pour la déclaration quand il existe, mettant en regard la recette de la taxe l’année précédente, les actions qu’elle a permis de financer et éventuellement, le retour en termes de fréquentation touristique et de promotion dont le territoire a pu ainsi bénéficier.

Il est vrai également, comme l’indiquait M. Lionel Walker, secrétaire général du Réseau des destinations touristiques (RN2D), que le produit de la taxe départementale n’est pas toujours affecté de façon ciblée au financement d’opérations directement touristiques. « La contrainte budgétaire indiquait-il, pousse de plus en plus de conseils généraux à garder les recettes de la taxe additionnelle, sans les utiliser à des fins touristiques, ce qui est contraire à l’esprit de la loi ».

En tout état de cause, la liberté qui doit prévaloir en matière d’affectation de la ressource concerne l’ensemble des intervenants locaux du secteur, élus, mais aussi professionnels du tourisme.

La mission considère qu’une bonne gestion de la taxe suppose que son utilisation soit discutée avec les professionnels du tourisme.

B. RÉVISER ET SIMPLIFIER LA TARIFICATION

L’enjeu d’une réforme de la taxe de séjour réside dans le nécessaire équilibre entre une taxe qui pèse sur le touriste quand elle est perçue au « réel », ou sur l’hébergeur quand la taxe est instituée au forfait (même si celui-ci, qui en est le collecteur, peut en théorie en répercuter le coût sur son client) et les dépenses générées pour la collectivité par l’accueil desdits touristes et la promotion du territoire dans une ambition de développement de l’activité économique.

La question du rendement de la taxe doit donc être posée.

Pour autant, les rapporteurs ne sont pas placés dans une logique consistant à rechercher systématiquement un élargissement de l’assiette de la taxe ou une augmentation de ses tarifs pour en accroître le rendement, mais bien plus dans celle de l’égalité de traitement de tous les acteurs du secteur, en proposant des mesures pour éviter qu’une partie des redevables de la taxe de séjour, n’y échappent dans les faits. C’est avant tout le souci d’éviter les distorsions de concurrence entre les différentes formes d’offre touristique qui les a inspiré.

Tel est le cas, par exemple, des centres privés d’accueil de séminaires appartenant à de grandes entreprises qui s’en servent pour la formation de leurs personnels, mais peuvent aussi les louer, quand elles ne les utilisent pas. Il est clair que ces centres doivent acquitter la taxe de séjour pour ces activités « externes » qui relèvent en réalité de prestations hôtelières et concurrencent directement ce secteur d’activité.

Et c’est pourquoi, la mission n’a pas retenu les propositions consistant à étendre le champ de la taxe de séjour aux bateaux de croisière et aux camping-cars et que, a fortiori, elle a écarté, la création d’une « taxe touristique » qui aurait reposé sur une assiette étendue à toutes les activités touristiques. Il s’agirait, en fait, de la création d’un nouvel impôt qui aboutirait à taxer indifféremment les touristes et les résidents et serait répercuté sur le prix de vente des biens touristiques offerts. Une taxe de ce type s’apparenterait finalement à une TVA touristique, qui n’est certainement pas l’outil à même de favoriser l’extension du secteur du tourisme en France.

1. La révision des taux

Pour autant, la réforme de la tarification de la taxe de séjour est incontestablement une question qui se pose. 58 % des communes interrogées dans le cadre de l’enquête CTR précitée réclament cette réforme.

Il est de fait que, depuis plus de dix ans (depuis 2002 exactement), les tarifs de la taxe de séjour non pas été modifiés et que le tarif maximum (1,5 euro par nuitée et par personne) est plafonné à un niveau faible quand on le rapporte au prix correspondant de la chambre d’hôtel, puisqu’il s’applique aux hôtels les plus « haut de gamme », quatre ou cinq étoiles, voire aux « palaces ».

D’ailleurs, il faut rappeler que, à la suite de la réforme du classement opéré par la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation du tourisme, c’est à barème constant qu’il a été procédé à l’intégration des hébergements touristiques cinq étoiles.

Il est de fait aussi que le niveau de la taxe est moins élevé que celle pratiquée par plusieurs pays de niveau économique comparable, même si ces comparaisons sont toujours à prendre avec précaution, car elles doivent être replacées dans le contexte plus large de la fiscalité globale applicable à l’activité touristique.

En revanche, dans la mesure où la taxe de séjour est une taxe optionnelle, toute majoration significative des taux est susceptible de générer des distorsions de concurrence entre les établissements hôteliers situés ou non dans une commune ayant instauré une telle taxe.

La mission a étudié plusieurs pistes possibles de révision du barème depuis sa simplification radicale, jusqu’au calcul du montant de la taxe en pourcentage du prix de l’hébergement.

Finalement, elle préconise :

– de conserver un barème progressif en fonction de la qualité de l’hébergement mais de l’adapter, en concertation avec les professionnels du tourisme, aux caractéristiques de l’offre touristique actuelle, tout en préservant la possibilité de dégager les moyens indispensables à l’investissement dans le secteur du tourisme ;

– d’augmenter le plafond des tarifs applicables aux hébergements très luxueux, en faisant des cinq étoiles et des établissements bénéficiant de la distinction « Palace » une catégorie distincte de celle des hébergements de quatre étoiles ;

– de simplifier le barème – sans augmentation du taux le plus bas – par la création d’un taux unique intermédiaire pour les hébergements « une étoile » et la catégorie immédiatement inférieure qui comprendrait également les meublés de tourisme non classés.

Cette mesure a pour but de limiter les distorsions de concurrence entre les hôtels classés et ceux qui ne le sont pas (depuis que le classement n’est plus obligatoire) mais surtout entre les meublés de tourisme. Comme l’a souligné M. Thierry Cherrière, directeur du syndicat du lac du Der (14) « C’est particulièrement vrai pour les hébergements de qualité qui peuvent ainsi bénéficier d’un taux relativement bas, identique à celui d’un hébergement de moins bonne qualité. ». La commune a en théorie la possibilité de leur appliquer le taux qui correspond au niveau de l’hébergement qu’ils proposent (puisque chaque fourchette du barème prévoit son application aux « hébergements équivalents ») mais en pratique, ils se voient simplement appliquer le taux le plus bas, c’est-à-dire celui des hébergements non classés.

– d’indexer annuellement les taux plafonds, ce qui permettrait à la commune d’augmenter les tarifs de la taxe quand, au moment de sa délibération elle constaterait un écart significatif avec le plafond indexé.

2. La simplification des nombreuses exonérations et réductions de la taxe

La tarification de la taxe de séjour « au réel » est assortie d’un système complexe d’exonérations et de réductions. Les nombreuses exonérations obligatoires, parfois obsolètes sont assorties d’exonérations facultatives et les réductions accordées peuvent elles-mêmes être majorées par décision du conseil municipal.

Sont ainsi obligatoirement exemptés de la taxe de séjour :

– les enfants de moins de 13 ans (article L. 2333-31 du CGCT) ;

– dans les stations hydrominérales, climatiques et uvales, les personnes qui sont exclusivement attachées aux malades et les mutilés, les blessés et les malades du fait de la guerre (article L. 2333-32 du CGCT).

Par ailleurs, l’article L. 2333-34 du CGCT prévoit que le conseil municipal peut, par délibération, prévoir l’exemption des personnes :

– qui, par leur travail ou leur profession, participent au fonctionnement et au développement de la station ;

– qui occupent des locaux dont le loyer est inférieur à un montant qu’il détermine.

L’article D. 2333-47 du CGCT dispose que la taxe n’est pas perçue dans les colonies et centres de vacances collectives d’enfants.

Sont également exemptés de la taxe de séjour (article D. 2333-48 du CGCT) :

– les fonctionnaires et agents de l’État appelés temporairement dans la station pour l’exercice de leurs fonctions ;

– les bénéficiaires des formes d’aide sociale.

Enfin, l’article D. 2333-49 du CGCT prévoit que les membres des familles nombreuses bénéficient des mêmes réductions pour la taxe de séjour, que pour le prix des transports sur les chemins de fer d’intérêt général. Le conseil municipal peut décider d’augmenter le montant de ces réductions.

Il peut, de même, décider d’exonérer partiellement ou totalement les personnes bénéficiaires du chèque-vacances ainsi que les mineurs de moins de 18 ans.

Pour la taxe de séjour forfaitaire, un seul régime d’exonération est prévu, qui concerne, en application de l’article L. 2333-41-1 du CGCT,  les établissements exploités depuis moins de deux ans.

Le régime des exonérations, tel que présenté ci-dessus résulte de la révision opérée par la loi de finances pour 2002. La simplification qui avait été alors opérée doit être poursuivie, d’autant que, comme le soulignait le rapport d’information sur la taxe de séjour présenté par M. Michel Bouvard le 11 juillet 2001, l’interprétation des situations individuelles qui relève en théorie du maire, à qui il appartient de délivrer une attestation portant mention de l’exonération est, en fait, le plus souvent laissée aux logeurs à qui il revient d’apprécier ces situations.

La complexité des dispositifs d’exonération et de réduction de la taxe a été critiquée par plusieurs intervenants devant la mission, sensibles aux lourdeurs en résultant dans la gestion de la taxe pour les logeurs, sinon aux risques de fraude. Certaines exonérations prévues dans le CGCT revêtent, d’ailleurs, un caractère obsolète. Mme Virginie Duhamel-Fouet, chef du bureau de la fiscalité locale au ministère de l’Intérieur, indiquait ainsi aux membres de la mission : « Les exonérations sont liées à l’historique de la taxe. Elles sont prévues, par exemple, dans les stations hydrominérales, climatiques ou uvales-termes qui n’existent plus dans la nomenclature actuelle, pour les mutilés et blessés de guerre… Il y a un certain nombre de choses à revoir, ne serait-ce que, parce qu’il n’y a plus, aujourd’hui, que deux catégories de communes, touristique ou station classée. ».

Compte tenu de la modicité des sommes en cause pour les redevables, la mission préconise la révision des exonérations obligatoires et facultatives et à la suppression des réductions de la taxe « au réel », dans un souci de simplification, de lisibilité et donc de meilleure application.

En revanche, l’exonération de taxe forfaitaire prévue pour les hébergements exploités depuis moins de deux ans serait maintenue, et il conviendrait de prendre en compte les situations d’hébergements d’urgence en chambres d’hôtels.

Ne retenir que des exonérations obligatoires : pour les mineurs de 18 ans afin de tenir compte de la situation des familles, pour les personnes que leur travail ou leurs fonctions amènent à vivre temporairement dans la station (travailleurs saisonniers) et enfin pour les personnes bénéficiant d’hébergements d’urgence en chambres d’hôtels.

C. RENDRE LE RECOUVREMENT PLUS EFFICACE

Une difficulté majeure du dispositif de la taxe de séjour, comme l’a fait largement ressortir les travaux de la mission, réside dans les difficultés que rencontrent les collectivités pour assurer son bon recouvrement.

Or la taxe sera d’autant mieux acceptée que la charge en sera répartie sur l’ensemble des contribuables. Même si l’enjeu fiscal peut paraître faible au regard du montant total de la taxe, les hôteliers, en particulier, qui sont souvent soumis au régime forfaitaire dénoncent, le fait selon lequel ils seraient les seuls à la payer.

Les difficultés de connaissance de l’assiette de la taxe déjà soulevées et le développement des nouvelles formes d’offre touristiques rendent nécessaire l’adoption d’un dispositif spécifique.

1. Des pouvoirs de contrôle peu opérants

La taxe de séjour repose sur un système déclaratif et il n’existe pas de possibilité de recouvrement forcé. Le recouvrement de la taxe est dès lors, subordonné aux comportements des acteurs économiques (hébergeurs et touristes), dont dépend le degré de sincérité des sommes effectivement collectées.

Les communes disposent pourtant, en théorie, de prérogatives de puissance publique pour leur permettre de s’assurer que les collecteurs ont correctement rempli leurs obligations déclaratives et ont bien perçu la taxe de séjour sur les hébergements.

Que ce soit pour la taxe de séjour « au réel » ou au forfait, le maire et les agents commissionnés par lui, procèdent à la vérification de l’état recensant les nuitées imposables au profit de la commune et dont la tenue est obligatoire. Les services de la commune disposent, à cet effet, d’un droit de communication des documents comptables permettant de corroborer les données retracées dans l’état tenu par le logeur ou d’obtenir la transmission par les logeurs et hôteliers des pièces comptables se rapportant aux activités d’hébergement (article R. 2333-55 et R. 2333-66 du code général des collectivités locales).

En revanche, à la différence des services fiscaux, ils ne peuvent avoir communication des documents relatifs à toute l’activité des établissements qui, eux seuls, permettraient d’effectuer des rapprochements avec la fréquentation déclarée par l’établissement.

En pratique, ce contrôle est difficile à exercer pour les petites communes et constitue un enjeu fiscal insuffisant, pour certaines grandes communes. Néanmoins, certaines d’entre elles mettent en place, au sein de leurs directions financières, une activité de recouvrement en liaison étroite avec l’office de tourisme compétent sur leur territoire. Les échanges d’information entre les deux entités permettent notamment des recoupements qui facilitent l’appréhension de l’évasion fiscale au niveau communal. Des communes très touristiques de bord de mer mènent ainsi des opérations de contrôle qui permettent d’améliorer de façon significative le rendement de la taxe.

2. Des moyens à renforcer

a. Permettre aux communes de confier aux services fiscaux le recouvrement de la taxe

Confier le recouvrement de la taxe de séjour au réseau de collecte de la direction générale des finances publiques (DGFiP) permettrait d’améliorer son rendement, puisque cette dernière, disposant des données relatives aux autres impôts devrait être en mesure d’effectuer des recoupements entre les données dont elle dispose et de mieux identifier « la fraude ». Ses agents seraient notamment à même d’identifier les loueurs qui, bien que déclarant des revenus locatifs, ne déclarent pas percevoir de taxe de séjour.

Il faut d’ailleurs rappeler que la constatation et la poursuite des infractions concernant le recouvrement de la taxe de séjour relevaient jusqu’en 1988 des services fiscaux qui en ont été déchargés à compter de cette date. Depuis lors, ils n’interviennent qu’au travers de leurs comptables pour l’encaissement des recettes et l’information des collectivités des montants collectés à ce titre.

Cependant, devant la réticence exprimée par certaines communes à se voir dessaisies d’une compétence qui leur fait craindre à terme que le produit de la taxe lui-même ne leur échappe, ou de leur crainte de se voir facturer des coûts de gestion élevés, la mission propose de ne pas transférer, par principe, le recouvrement de la taxe aux services fiscaux, mais d’ouvrir cette possibilité aux communes qui le souhaitent.

D’autre part, une commune qui s’inquiète de savoir si elle a bien perçu la totalité de la taxe doit pouvoir obtenir de l’administration fiscale, à sa demande, les informations dont elle dispose à ce sujet.

Ouvrir aux communes la possibilité de recourir aux services fiscaux pour le recouvrement de la taxe de séjour sachant que les communes qui n’auraient pas opéré ce choix, doivent pouvoir obtenir des services fiscaux les éléments nécessaires à l’établissement et au contrôle de la taxe.

b. Ouvrir la procédure de taxation d’office

En tout état de cause, les collectivités disposent ainsi de moyens juridiques pour recouvrer la ressource, mais ces moyens restent en deçà de ce que prévoit la législation applicable en matière de fiscalité locale où le recours à la collecte forcée est possible.

En application de l’article L. 2333-56 du code général des collectivités territoriales, les poursuites relatives au non-paiement de la taxe de séjour s’effectuent comme en matière de contributions directes, c’est-à-dire à partir de l’établissement par l’ordonnateur communal d’un titre exécutoire adressé au comptable public en vue du recouvrement. Il est rappelé à cet égard que l’article L. 252 A du livre des procédures fiscales dispose que les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes délivrés par les collectivités territoriales constituent des titres exécutoires pour le recouvrement des recettes de toute nature qu’un comptable public est habilité à recevoir.

Les sanctions sont très rarement appliquées et donc inopérantes.

Taxe « au réel » :

– la non déclaration de la mise en location de son habitation, la non perception de la taxe ou la non tenue de l’état relatif à la taxe sont punis d’une amende de deuxième classe ;

– la non déclaration par le logeur du montant de la taxe perçue est punie d’une amende de troisième classe.

Taxe au forfait :

La non déclaration en mairie par les logeurs des éléments permettant le calcul de la taxe de séjour forfaitaire, et par les particuliers de la mise en location de leur habitation personnelle, accompagnée de ces mêmes éléments de calcul, ou bien encore la remise d’une déclaration inexacte ou incomplète, sont punis d’une peine de contravention de cinquième classe.

Par ailleurs, les articles R. 2333-56 du CGCT (pour la taxe « au réel ») et R. 2333-69 (pour la taxe au forfait) prévoient que tout retard dans le versement du produit de la taxe est sanctionné par l’application d’un intérêt de retard égal à 0,75 % par mois. En cas de non-paiement, les mesures d’exécution forcée sont effectuées comme en matière de contributions directes.

Comme cela a été fait en matière de taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), une procédure de taxation d’office pourrait permettre le recouvrement des droits éludés par les collecteurs. Ces modalités de recouvrement forcé doivent être déterminées par la loi. La mise en œuvre de cette procédure pourrait alors être assurée directement par les services de la collectivité.

Ouvrir aux maires et aux Présidents d’EPCI la possibilité de taxation d’office en cas de carence des obligations déclaratives.

c. Développer des outils en ligne pour faciliter le recouvrement

Comme le souligne la direction générale de la Compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), les dispositifs de perception de la taxe de séjour et les formalités de reddition des comptes sont disparates entre les territoires en raison de la liberté laissée à chaque collectivité d’établir les états comptables.

Il n’existe pas de formulaire administratif homologué au niveau national. Dès lors, chaque hébergeur conçoit ses propres supports de collecte dont la conformité à la réglementation est laissée à l’appréciation des collectivités territoriales et de leurs comptables publics. Pour gagner en efficacité, il apparaît indispensable d’élaborer un formulaire homologué par le « CERFA » qui permettrait de clarifier la procédure en la présentant de manière didactique.

En outre, la dématérialisation de la procédure devrait être encouragée. Certaines collectivités proposent d’ores et déjà une procédure de déclaration en ligne, mais sans que le paiement dématérialisé soit accessible. Encourager les communes d’une taille suffisante à mettre en place une démarche complète en ligne (de la déclaration jusqu’au paiement) pourrait en grande partie de surmonter la lourdeur des déclarations et faciliter l’accomplissement des formalités.

Développement d’outils en ligne pour le recouvrement de la taxe, de la déclaration jusqu’au paiement.

III. LA FISCALITÉ DES HÉBERGEMENTS TOURISTIQUE CONFRONTÉE À L’ESSOR DE FORMES NOUVELLES D’OFFRE

Un consensus s’est dégagé au sein de la mission sur la nécessité d’adapter les règles de collecte de la taxe de séjour aux nouvelles donnes du marché de la location touristique, c’est-à-dire, à la mise en location de logements via des sites internet. Si le phénomène n’est pas nouveau, des particuliers offrant traditionnellement à la location des hébergements relevant des meublés touristiques ou des chambres d’hôtes, le média que constituent les sites internet donne à ce type d’hébergement touristique une ampleur nouvelle (même si elle est encore difficile à évaluer précisément) qui a des incidences sur l’ensemble de l’économie du tourisme et génère des distorsions de concurrence.

Or la taxe sera d’autant mieux acceptée que la charge en sera répartie sur l’ensemble des contribuables. Même si l’enjeu fiscal peut paraître faible au regard du montant total de la taxe, les hôteliers, en particulier, qui sont souvent soumis au régime forfaitaire dénoncent, le fait selon lequel ils seraient les seuls à la payer.

A. LE RISQUE DE DÉSTABILISATION DES MARCHÉS LOCATIF ET HÔTELIER

1. L’essor d’un phénomène encore mal appréhendé

a. L’apparition de nouveaux acteurs sur la base d’un nouveau modèle d’offre touristique

Les sites internet d’intermédiation entre propriétaires et touristes à la recherche d’un hébergement de courte durée sont un phénomène en plein essor.

Airbnb, souvent cité, n’est pas le seul à intervenir dans le secteur de l’intermédiation locative. Il n’est pas non plus le premier à être apparu. Le pionnier des « sites collaboratifs de logements » s’appelait Couch-surfing et proposait dès 2004 non pas de louer, mais de mettre gratuitement son « canapé » à disposition d’un voyageur. Le principe est simple : le voyageur est hébergé sans rien avoir à débourser, à condition d’accepter de recevoir à son tour un visiteur chez lui.

Plutôt que d’échanger un lit, on peut aussi échanger sa maison. Deux types d’acteurs sont présents sur ce marché : gratuits (switchhouse.org, planetswap.com) et payants (trocmaison.com, homelink.fr). Pour la souscription d’un abonnement annuel, le site Home-Exchange et sa version française depuis 2005, Trocmaison, donne par exemple accès à une bourse d’échange de 50 000 logements dans le monde entier.

Si le marché s’est donc d’abord structuré autour du concept d’échange proposé via des plateformes elles-mêmes gratuites ou payantes, la mise en location de courte durée connaît aujourd’hui un véritable essor et s’apparente désormais à une véritable activité marchande.

Plusieurs acteurs tels qu’Airbnb, Housetrip, Homelidays, l’allemand Wimdu ou bien encore les Français Bedycasa, Sejourning et Abritel sont implantés sur le marché français. Fondée en 2008 en Californie, Airbnb a investi le marché français en 2012 et se positionne aujourd’hui comme le leader, tant au niveau mondial que français, parmi les plateformes de mise en location de logements entre particuliers. Les loueurs peuvent soit mettre en location une chambre dans leur logement tout en continuant à y résider, leur activité se rapprochant alors de celle d’une chambre d’hôtes (15), soit proposer la mise en location de leur bien en leur absence.

Le succès grandissant de ces plateformes repose sur plusieurs avantages compétitifs.

Le voyageur peut bénéficier d’un prix moyen de la nuitée souvent inférieur à celui proposé par le marché hôtelier. Les touristes réalisent ainsi une économie substantielle sur le poste de dépense consacré à l’hébergement, lequel représente lui-même une part importante du budget d’un séjour. Ce concept répond également à une demande grandissante d’authenticité de la part de voyageurs désireux de vivre en « immersion » dans un quartier ou une région le temps de leur séjour. Ainsi, selon l’étude commandée par Airbnb au cabinet Asterès (16), 93 % des voyageurs séjournant à Paris déclarent vouloir « vivre comme des locaux » et 70 % des logements se situent d’ailleurs en dehors des principaux quartiers touristiques. Ils jouissent enfin d’une plus grande liberté qu’à l’hôtel et d’une offre plus riche. C’est ainsi que, toujours selon cette même étude, 90 % des voyageurs parisiens recherchent plus d’équipements que dans une chambre d’hôtel, avec par exemple une cuisine et plusieurs chambres.

Recueillis par Libération, les témoignages d’Eléonore et d’Isabelle, respectivement originaires de Lyon et de Paris, mettent en lumière ces avantages : « Eléonore, Lyonnaise de 30 ans, a déjà loué à Paris, Lisbonne et New York. « J’ai économisé entre 30 et 40 euros par nuit à chaque séjour », estime-t-elle. Pour les visiteurs, c’est aussi « une autre façon de voyager », l’occasion de se sentir un peu moins touriste : « On peut organiser son temps comme on veut : pas besoin de se presser pour le petit-déjeuner le matin, détaille Isabelle. On voit comment les gens vivent, on peut cuisiner, faire les marchés. C’est un moyen de s’immerger davantage. » Les locataires trouvent même des guides et des informations avec les bonnes adresses du quartier. » (17).

L’argument économique a également été mis en avant par M. Jean-François Martins, adjoint à la maire de Paris chargé du tourisme et des sports, pour justifier la relative bienveillance de la Ville à l’égard du développement de cette forme nouvelle d’offre, tant qu’elle émane de particuliers à la recherche d’un complément de revenu et ne se traduit pas par une diminution de l’offre locative de longue durée : « (…) nous considérons toute opportunité créatrice d’hébergement touristique plutôt avec bienveillance (…) parce que dans un marché hôtelier parisien où les prix sont globalement élevés – avec une nuitée aux alentours de 170 euros – ces acteurs permettent une offre hôtelière à bas coût. (…) C’est à Paris une entrée de gamme intéressante pour accueillir des publics pour lesquels il serait difficile de venir. »

Cet argument économique doit toutefois être pondéré par le fait qu’il est difficile d’y voir clair quant au prix moyen de la nuitée pratiqué sur Airbnb. Les chiffres fournis par l’entreprise varient en effet dans un rapport de 1 à 2,5. Dans l’étude « L’impact économique à Paris et dans ses quartiers », la start-up avance des frais d’hébergement moyens par visiteur et par jour s’élevant à 41 euros. Quelques pages plus tôt, le lecteur apprend que le revenu Airbnb mensuel moyen d’un hôte parisien s’élève à 297 euros pour 3,8 nuitées, soit un peu plus de 78 euros par nuitée. En tenant compte de la commission appliquée par Airbnb, le prix moyen de la nuitée pour le voyageur s’élèverait ainsi à près de 88 euros. Enfin, lors de son audition devant la mission, M. Nicolas Ferrary a affirmé que « Nous savons qu’à Paris un hébergeur loue en moyenne trois nuits par mois et gagne 100 euros par nuitée. » En tenant là aussi compte de la commission moyenne de 9 % retenue par Airbnb sur le voyageur, ce dernier s’acquitterait donc en moyenne de 109 euros par nuitée pour séjourner à Paris.

L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), par la voix de M. Vincent Dollé, directeur des Affaires économiques, fiscales et des nouvelles technologies, doute cependant que le prix moyen de la nuitée pratiqué par Airbnb soit aussi peu élevé : « (…) je suis très dubitatif quant à un prix moyen de la nuitée de 70 euros car lorsque l’on regarde les études qualitatives qui ont été menées sur le sujet, on s’aperçoit que le recours aux locations meublées de courte durée concerne plus les CSP+ qui souhaitent retrouver un peu d’authenticité par rapport au parc hôtelier. Vous imaginez bien que ces catégories ont des budgets qui sont beaucoup plus importants que 70 euros par nuit. C’est un point sur lequel nous souhaitons insister. ».

Le loueur, quant à lui en tire des revenus supplémentaires. Selon les résultats de l’étude commandée par Airbnb (18), les loueurs parisiens inscrits sur cette plateforme mettent leur bien en location 45 nuitées par an en moyenne et retirent 3 564 euros par an de cette activité. Toujours selon cette même enquête, 83 % d’entre eux déclarent que cette source de revenus leur permet de subvenir aux dépenses courantes, telles que le remboursement d’un prêt ou le paiement du loyer. 39 % déclarent même qu’Airbnb les aide à conserver leur logement parisien.

En outre, le développement de l’offre de locations saisonnières entre particuliers est parfois indispensable pour répondre à une affluence inhabituelle et ponctuelle de touristes. Ce point a ainsi été souligné par Mme Carole Delga, Secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie solidaire lors de son audition par la mission : « En période de tensions, on observe des sous-capacités hôtelières dans les villes ou dans les villages. Je peux prendre un exemple que je connais bien, celui du festival Jazz in Marciac. Il n’y a que deux hôtels dans la ville au mois de novembre. Au mois d’août, il est donc nécessaire que le secteur du parc non marchand soit mobilisé pour pouvoir accueillir les festivaliers de manière à ce que la ville bénéficie des retombées économiques. »

b. La croissance de ce secteur d’activité en parallèle de l’offre traditionnelle

Il est indéniable que les plateformes de mise en location d’hébergements entre particuliers ont connu ces dernières années une forte croissance.

Ainsi, Airbnb, premier acteur mondial du secteur, a vu son nombre d’inscrits augmenter de manière exponentielle. Il est, en effet, passé de 20 000 en 2008-2009, à 150 000 en 2010, puis à 3 millions en 2012 pour s’établir à 6 millions en 2013. Il a donc été multiplié par 300 en l’espace de cinq ans. À la suite d’une levée de fonds opérée au mois d’avril 2014, la valorisation de la start-up atteint désormais 10 milliards de dollars. À titre de comparaison, la valorisation boursière de Wyndham Worldwide, groupe hôtelier qui compte 7 500 hôtels à travers le monde, s’élève à 9,36 milliards de dollars.

Il reste toutefois mal aisé d’estimer précisément l’activité de ces plateformes car n’étant pas domiciliées en France et pas cotées en Bourse, elles ne sont pas soumises à l’obligation annuelle de publicité de leurs comptes. Elles semblent d’ailleurs tenir à ce que leur chiffre d’affaires reste secret. Ainsi, pressé par les co-rapporteurs de la mission de fournir le chiffre d’affaires réalisé par Airbnb sur le territoire français, M. Nicolas Ferrary, Country manager France de l’entreprise, affirmait lors de son audition : « Je ne suis pas à l’aise pour vous répondre car l’entreprise n’est pas cotée : ses comptes ne sont pas publics, et je vous ai fourni les chiffres que je pouvais vous communiquer. »

Le Wall Street Journal (19) estime pour sa part que le chiffre d’affaires d’Airbnb s’est élevé en 2013 à 250 millions de dollars. La plateforme californienne déclare héberger quelque 70 000 annonces en France et avoir contribué à l’accueil de 600 000 touristes dans le pays au cours de l’année 2013, dont 223 000 à Paris. Des acteurs tels que Housetrip et Abritel hébergeraient quant à eux respectivement quelque 300 000 (20) et 130 000 (21) annonces sur leur site.

Ces chiffres permettent de mieux appréhender l’activité économique des plateformes de mise en location, mais ils ne disent rien quant à leur impact positif ou négatif sur l’économie. Si l’étude susmentionnée fait état d’un impact positif de 185 millions d’euros induit par l’activité d’Airbnb à Paris entre mai 2012 et avril 2013, ce chiffre doit être envisagé avec précaution. La start-up californienne en est en effet le commanditaire et le détail du calcul permettant d’aboutir à ce chiffre n’apparaît pas dans les documents mis en ligne. L’étude « Mise en marché d’hébergements touristiques par les particuliers » lancée en juillet 2013 à l’initiative de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) et menée par le cabinet indépendant Horwath HTL devrait apporter des éléments d’analyse lorsqu’elle rendra ses conclusions en septembre 2014.

Il serait intéressant pour appréhender le phénomène de connaître le nombre de nuitées réalisées par le biais des différentes plateformes de mise en location dans la mesure où cette donnée permettrait d’apprécier plus précisément leur potentiel en termes de taxe de séjour. Concernant le nombre de nuitées réalisées par Airbnb à Paris, M. Jean-François Martins, adjoint à la maire de Paris chargé du tourisme et des sports, déclarait lors de son audition par la mission le 28 mai 2014 : « Je dispose aujourd’hui de plusieurs chiffres sur le nombre de nuitées d’Airbnb à Paris, ils vont de 20 000 à 60 000 par an. Si l’on est à 20 000 nuitées hôtelières, même si je me mets sur la catégorie intermédiaire à 1 euro, le manque à gagner n’est pas si important que cela… ».

Les rapporteurs s’interrogent cependant sur ces chiffres. En effet, d’après les données fournies par Airbnb, chaque loueur parisien dégagerait de la location de son bien sur Airbnb un peu moins de 3 600 euros (22) par an. Or, dans le même document, Airbnb affirme que 10 626 loueurs ont accueilli à Paris plus de 223 000 touristes sur un an. Le chiffre d’affaires généré par cette activité à Paris avoisinerait donc, pour les loueurs, les 38 millions d’euros.

Toujours dans ce même support, Airbnb affirme que chaque loueur effectue en moyenne 3,8 nuitées par mois, soit 45 nuitées par an. Si l’on divise le revenu annuel pour un loueur parisien (environ 3 600 euros), par le nombre de nuitées, on obtient donc un peu plus de 78 euros. En divisant le revenu annuel de l’ensemble des loueurs parisiens par le coût moyen d’une nuitée, on obtiendrait un nombre de nuitées situé autour de 480 000.

Ces chiffres obtenus par tâtonnements à partir des quelques données fournies par Airbnb montrent, quoi qu’il en soit, qu’il est difficile d’estimer, faute de recul et de données chiffrées, l’ampleur de l’activité exercée par les plateformes de mise en location d’hébergements entre particuliers.

Tout juste les rapporteurs peuvent-ils se borner à souligner le développement exponentiel de ce phénomène. Le site Bnbsitter propose même désormais aux propriétaires désireux de louer leur bien un service de conciergerie. Cette start-up française se propose ainsi d’accueillir les locataires, mais aussi de faire le ménage et de s’occuper du linge, en cas de besoin, entre deux réservations.

Plus généralement, c’est l’ensemble du secteur de l’économie dite collaborative qui se développe. Ainsi certains sites généralistes de location de matériel entre particuliers le disputent-ils à des sites spécialisés dans la location de voitures ou bien encore de voiliers. Bien plus qu’une mode, c’est une tendance de fond qui devrait modifier à terme les habitudes de consommation et qui interpelle le législateur.

2. Les risques sur le marché locatif et la concurrence faite à l’hôtellerie classique

a. Les conséquences sur l’offre locative

Si la mise en location ponctuelle – à l’occasion d’un départ en week-end, d’un déplacement professionnel ou de vacances par exemple – via les plateformes de mise en relation ne porte pas atteinte au marché locatif classique, il n’en va pas de même lorsque cette activité devient habituelle. Certains propriétaires transforment en effet leur logement en location meublée touristique, voire achètent des appartements pour les louer à des touristes. Ils passent alors par les plateformes susmentionnées pour louer leur bien le temps d’un week-end, d’une semaine ou d’un mois à des touristes de passage. Ce sont alors autant de logements qui sont soustraits à l’offre de baux de longue durée.

Cette pratique est là encore difficile à quantifier mais elle n’est pas marginale. Dans un entretien accordé en novembre 2013 à l’hebdomadaire Challenge (23) alors qu’il était adjoint au maire de Paris en charge du logement, Jean-Yves Mano estimait que 25 000 à 30 000 appartements étaient alors loués à la semaine ou à la nuitée à Paris, soit un peu moins de 10 % de l’offre locative.

Ce changement d’usage s’explique par une rentabilité bien supérieure pour le propriétaire. En effet, le prix moyen de la nuitée étant de 78 euros (cf. supra), on estime qu’un propriétaire parisien pourrait tirer 2 340 euros par mois de la mise en location de son bien sur une plate-forme de location. Ce montant est à mettre en regard du loyer moyen dans la capitale. Selon l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), il s’élevait début 2012 à 1 097 euros (24).

Tout aussi difficile à quantifier qu’elle soit, cette pratique n’en fragilise pas moins un marché immobilier déjà particulièrement tendu dans les grandes villes et dans les zones touristiques.

De surcroît, bien que cette pratique soit encore une fois difficile à mesurer, nombre de biens mis en location sur les plateformes en ligne sont en fait mis en sous-location.

En dépit du strict encadrement de la sous-location, cette pratique est en effet aisée. D’une part parce que les plateformes ne requièrent ni titre de propriété ni autorisation expresse du propriétaire pour mettre en ligne une offre, d’autre part parce que le nombre d’offres disponibles est désormais tel que la probabilité pour un locataire s’adonnant à cette activité d’être découvert est relativement faible.

Les propriétaires s’estiment pour leur part lésés dans la mesure où leur logement, bien que cela soit interdit par la loi, est bien souvent loué à une somme supérieure à celle qu’ils en retirent. On assiste d’ailleurs aux premiers contentieux en la matière. C’est ainsi qu’un locataire ayant mis en sous-location son appartement sur Airbnb sans l’autorisation de son bailleur a été condamné en première instance par le tribunal d’instance du 9ème arrondissement de Paris à lui verser 2 000 euros (25).

b. La concurrence faite au secteur hôtelier

Il est difficile d’évaluer l’impact de l’activité des plateformes de mise en location de courte durée entre particuliers sur le marché hôtelier.

En effet, bien qu’Airbnb affirme que l’offre proposée sur sa plateforme attire une clientèle qui sans cela n’aurait pas eu les moyens de venir à Paris en raison des tarifs des hôtels ou qui serait restée moins longtemps dans la capitale, cette assertion n’est que peu étayée dans les documents qui ont été transmis à la mission par la start-up californienne.

L’argument selon lequel Airbnb permettrait à des touristes qui n’auraient pas eu les moyens de séjourner dans le parc hôtelier classique de visiter de grandes villes peut également être contrebalancé par le revenu moyen ainsi que par le profil socioprofessionnel des utilisateurs de la plateforme. Une enquête réalisée par Airbnb auprès de 1 156 de ses voyageurs ayant séjourné à Paris nous apprend en effet que 50 % d’entre eux déclarent un revenu mensuel net égal ou supérieur à 2 749 euros par mois, soit le revenu médian à Paris. Qui plus est, seuls 10 % des voyageurs ont un niveau d’études égal ou inférieur au baccalauréat (26).

Le parc hôtelier parisien a, par ailleurs, enregistré une légère diminution de son activité en 2013. Le nombre d’arrivées hôtelières est en effet passé de 32,5 à 32,3 millions (27). Aussi les touristes passant par ces plateformes de mise en location pour réserver leur hébergement se sont-ils peut-être en partie détournés du parc hôtelier classique qu’ils avaient l’habitude de fréquenter plus qu’ils ne s’y sont ajoutés, contrairement à ce qu’avance Airbnb. C’est d’ailleurs le scénario retenu par M. Arnaud Bertrand, le PDG co-fondateur de Housetrip. Il s’exprimait en effet ainsi fin 2012 dans les colonnes de l’hebdomadaire suisse Le Matin dimanche : « Je lisais récemment une interview du maire de Jérusalem qui cherchait une explication au fait qu’il entendait les hôteliers se plaindre d’avoir de moins en moins de clients alors qu’il observait une croissance du nombre de touristes en ville. En fait, les gens logent dans des appartements. ». Là encore, l’étude menée par le cabinet HTL devrait permettre d’y voir plus clair quant à d’éventuels mécanismes de substitution entre ces deux types d’offres.

Il faut également souligner qu’Airbnb cherche désormais à élargir sa clientèle et à se développer par le biais du tourisme d’affaires. Pour attirer cette clientèle, en plus de proposer des services de confirmation instantanée et de prix dynamiques, Airbnb étudie la possibilité de mettre en place des services de transport depuis les aéroports, de conciergerie ou bien encore de nettoyage, autant d’options susceptibles d’intéresser ce type de clients (28).

3. Qui génère des distorsions de concurrence notamment en matière fiscale

L’élément sur lequel la très grande majorité des acteurs auditionnés par la mission ont tenu à attirer l’attention des rapporteurs est la distorsion de concurrence, notamment en termes de régime fiscal, qui existe entre les hôteliers et les loueurs passant par une plateforme de location en ligne.

Ainsi, selon M. Jean-François Martins, adjoint à la maire de Paris : « La vraie question est plutôt celle du sentiment de distorsion de concurrence à l’égard des hôteliers. Ils demandent que les nouveaux acteurs respectent un certain nombre de règles du jeu. Tout d’abord le même cadre fiscal, la taxe de séjour en faisant partie (…) Les hôteliers sont vraiment inquiets, comme tout secteur quand arrive un saut technologique et une innovation de rupture mais le message qu’ils nous adressent est surtout celui de l’égalité de traitement. Nous devons traiter le sujet de manière urgente pour ne pas nous trouver dans une situation identique à celle qui a abouti aujourd’hui à la crise entre les taxis et les VTC… »

Il s’agit là d’un point dur sur lequel le gouvernement, par la voix de sa secrétaire d’État en charge du commerce, Mme Carole Delga, semble déterminé à agir : « Concernant le développement de l’offre de location saisonnière par le biais d’internet, il s’agit d’un mouvement général de fond mais le gouvernement veillera à ce que cette nouvelle concurrence soit loyale et à ce que l’ensemble des hébergeurs marchands soient soumis aux mêmes règles. »

Dans un registre qui dépasse très largement le cadre du présent rapport et ressortit plutôt de la nécessaire harmonisation de la fiscalité européenne ainsi que de la lutte contre l’évasion fiscale, il est à souligner que le chiffre d’affaires généré par les plateformes de mise en location échappe à l’impôt sur les sociétés. L’activité réalisée par Airbnb en dehors des États-Unis est par exemple sise en Irlande, ce qui constitue sans aucun doute un élément de distorsion fiscale par rapport au parc hôtelier classique domicilié en France. Par ailleurs, une société comme AirBnb percevant les frais de services qu’elle prélève sur ses clients au travers de la société Airbnb.inc qui est immatriculée aux Pays-Bas comme opérateur TVA, c’est dans ce pays qu’elle acquitte l’ensemble des taxes dues au titre des prestations de services qu’elle assure au sein de toute l’Union européenne.

Si la fiscalité des opérateurs d’internet dépasse le champ de la mission, le fait que les plateformes de mise en location d’hébergements entre particuliers ne soient, contrairement aux hôteliers, pas soumises à l’obligation de collecter la taxe de séjour est également à l’origine d’une distorsion de concurrence qui est à considérer.

C’est au loueur de se déclarer spontanément auprès de sa mairie afin de s’acquitter de la taxe de séjour. Comme cela a été dit, du fait de la faible connaissance des réglementations en vigueur ainsi que des faibles moyens de contrôle dont les municipalités disposent, peu de particuliers remplissent cette obligation.

La très grande majorité d’entre eux échappe donc à la taxe de séjour. M. Jean-François Martins le souligne en ces termes : « Il y a à Paris 663 chambres d’hôtes meublées et déclarées, ce qui, nous en sommes conscients, est bien évidemment très faible pour une ville de 2,3 millions d’habitants. (…) On se situe aux alentours de 200 meublés touristiques non déclarés que nous découvrons par an. »

Il résulte de cela que la totalité ou presque du produit de la taxe de séjour provient des nuitées hôtelières. M. Laurent DUC, lors de son audition par la MEC, a cité l’exemple du Grand Lyon dont il est originaire pour illustrer cet état de fait :

« 95 % de la taxe de séjour est collectée par les hôteliers et 5 % seulement par d’autres types d’hébergement alors que les hôteliers n’accueillent que 50 % des touristes. Il y a également des gîtes, des chambres d’hôtes, des résidences de tourisme et des meublés touristiques qui échappent à toute assiette fiscale ou tout simplement à toute assiette de collecte touristique. Cela nous pose un vrai souci. »

Tout comme les revenus tirés de la mise en location d’un bien immobilier via ces plateformes échappent très largement à la taxe de séjour, il y a fort à parier qu’ils échappent également à l’impôt sur le revenu.

Il faut d’ailleurs, à ce propos, noter que la fiscalité des revenus tirés de la location de meublés à titre habituel bénéficie d’un régime favorable qui est présenté dans le tableau ci-après.

Fiscalité des revenus tirés de la location saisonnière

Exonérations :

Sont exonérées d’impôt sur le revenu les personnes :

– qui louent ou sous-louent en meublé une ou plusieurs pièces de leur résidence principale et dont le loyer est fixé dans des limites raisonnables (la notion de loyer raisonnable est fixée chaque année par l’administration fiscale).

– qui louent, à titre habituel, des chambres d’hôtes lorsque le total des recettes de la location et des prestations annexes ne dépasse pas 760 euros par an (29).

Régime fiscal :

Le régime d’imposition varie en fonction du montant des recettes. Les loueurs peuvent bénéficier :

– du régime des micro-BIC :

● si le chiffre d’affaires annuel (ajusté prorata temporis) tiré de la location de gites ruraux, de chambres d’hôtes ou de meublés de tourisme classés au sens du code du tourisme, n’excède pas 82 200 euros. Le chiffre d’affaires brut déclaré donne alors lieu à un abattement forfaitaire de 71 % ;

● pour toutes les autres locations meublées – et notamment les meublés de tourisme non classés – si le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 32 900 euros. L’abattement est alors réduit à 50 %.

– du régime simplifié d’imposition sur les bénéfices industriels et commerciaux applicable lorsque le chiffre d’affaires ne dépasse pas 23 600  euros hors taxe.

Les déficits ne sont pas déductibles du revenu global (à la différence du régime applicable aux loueurs en meublés professionnels) mais peuvent venir pendant dix ans en déduction des revenus de même nature.

De même, en application de l’article 1459 du Code général des impôts, les personnes qui louent ou sous-louent en meublé leur habitation personnelle sont exonérées de cotisation foncière des entreprises (CFE) quand cette activité est occasionnelle. Mais dès lors qu’il s’agit d’une activité régulière (renouvelée chaque année), ou bien d’un meublé de tourisme classé, la commune ou l’EPCI peut décider que cette exonération n’est pas applicable.

Enfin, la pratique habituelle de l’activité de location de meublés, voire d’une pièce, dans sa propre résidence s’assimile à une activité commerciale qui doit alors respecter les obligations qui y sont liées. C’est sur ce motif que le Parquet de Senlis poursuit un propriétaire pour travail dissimulé en raison de la location sur un site internet de la location d’une chambre de l’appartement dont il est propriétaire.

B. QUI APPELLE DONC LA MISE EN PLACE D’UN DISPOSITIF ADAPTÉ

Si le phénomène n’est pas nouveau, des particuliers offrant traditionnellement à la location des hébergements relevant de la qualification de meublé touristique ou de chambre d’hôtes, le média que constituent les sites internet donne à ce type d’hébergement touristique une ampleur nouvelle (même si elle encore est difficile à évaluer précisément) qui a des incidences sur l’ensemble de l’économie du tourisme et génère des distorsions de concurrence.

Cette offre diffuse est d’autant plus difficile à identifier pour les communes et la perception des taxes correspondantes en est rendue encore plus hasardeuse.

1. Rétablir l’obligation de déclaration de la mise en location de la résidence principale

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a modifié l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme pour exonérer les loueurs de la déclaration préalable obligatoire des meublés de tourisme auprès du maire de leur commune, lorsque les locaux mis en location constituent leur résidence principale.

La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation.

La déclaration d’un meublé de tourisme (défini par l’article D. 324-1 du code du tourisme comme les « villas, appartements, ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois, et qui n’y élit pas domicile » doit, en principe, être adressée au maire de la commune où est situé le meublé. Cette déclaration précise le nombre de lits et les périodes prévisionnelles de location. Son non-respect est puni d’une peine de contravention de la troisième classe (art R. 324-1-1 du code du tourisme).

Présentée comme une mesure de simplification administrative lors de son adoption, la suppression de cette déclaration empêche de fait tout contrôle puisque celui-ci ne consistera pas seulement à constater la mise en location mais devra le rapporter à la domiciliation du propriétaire. Il est à craindre que de nombreux propriétaires de meublés touristiques qui exercent à titre d’activité commerciale ne se dispensent de toute déclaration. Compte tenu de la méconnaissance par les communes de leur offre touristique, il semble peu opportun de les priver de cette source d’identification des logements en cause.

Rétablissement de l’obligation de déclaration de la mise en location de courte durée de tous les logements, y compris les résidences principales, prévue par le code du tourisme.

2. Confier la collecte de la taxe de séjour aux opérateurs comme aux autres professionnels

L’article L. 2333-37 du CGCT dispose que « La taxe de séjour est perçue par les logeurs, hôteliers, propriétaires ou autres intermédiaires qui versent, aux dates fixées par délibération du conseil municipal, sous leur responsabilité, au receveur municipal, le montant de la taxe calculé conformément aux dispositions des articles L. 2333-29 à L. 2333-36. »

Cet article est d’application complexe lorsque la réservation s’opère via des sites internet. L’extraterritorialité des transactions rend difficile l’application des délibérations des collectivités territoriales qui sont compétentes chacune pour fixer les tarifs par catégorie et par nature d’hébergement, ainsi que le mode et la période de recouvrement(30).

La mission considère cependant que tous les sites qui opèrent une transaction à titre onéreux entre un loueur et un occupant de courte durée doivent être tenus de collecter une taxe sur le séjour, au même titre que les autres professionnels de l’hébergement.

M. Jean-François Martins estime de même que les plateformes devraient assurer la collecte dans la mesure où elles sont les canaux par lesquels transitent les flux financiers entre loueurs et locataires : « Il n’y a donc pas de raison que ces plateformes ne soient pas elles aussi collecteurs dans la mesure où elles assurent la transaction financière entre celui qui loue temporairement et celui qui va prendre possession quelques jours d’un appartement. Elles sont donc fondées à et capables de collecter une part de cette transaction au titre de la taxe de séjour. »

C’est ainsi qu’à San Francisco, à Berkeley et à Portland, Airbnb et les autorités locales ont conclu – ou sont en passe de le faire – des accords faisant de la plateforme le collecteur de la taxe de séjour que l’entreprise reversera ensuite à la collectivité.

Il ne s’agit aucunement de créer une nouvelle taxe qui serait spécifique aux opérateurs internet mais bien, dans un souci d’égalité de traitement, de concevoir un dispositif qui soit adapté aux nouvelles donnes du marché de la location touristique, pour que ces locations touristiques de courte durée n’échappent pas à la taxe de séjour.

La mission a étudié l’hypothèse d’une taxation sur le chiffre d’affaires ou sur les revenus générés par les locations. Le taux qui doit être discuté devra prendre en compte la part des locations aujourd’hui effectuées via le site qui sont aujourd’hui redevables de la taxe de séjour (sachant que les hébergements loués sont par définition localisables), les durées moyennes de location et le taux moyen applicable aux meublés touristiques.

Le produit de cette taxe, d’un taux et d’une période de perception unique, ne pouvant par hypothèse être reversé aux communes, serait prioritairement affecté à Atout France pour financer ses opérations de promotion du tourisme. Un comité d’affectation de la taxe devrait être créé en son sein.

Etudier, dans un souci d’égalité de traitement des différents acteurs du tourisme et en concertation avec eux, un dispositif de recouvrement adapté qui permette que les gestionnaires de sites qui effectuent de l’intermédiation locative à titre onéreux, soient collecteurs de la taxe de séjour. Les ressources dégagées par ce dispositif forfaitaire pourraient être prioritairement affectées à Atout France.

3. Renforcer les obligations prévues par la loi ALUR

Les obligations des intermédiaires ont été renforcées par la loi Alur dans le but d’améliorer le respect des dispositions législatives et fiscales relatives à la location des meublés touristiques.

L’article L. 324-2-1 du code du tourisme, oblige désormais tout intermédiaire qui se livre ou prête son concours contre rémunération, à la location de meublé touristique que ce soit par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, à informer le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables qui sont requises et à obtenir de lui, préalablement à la location du bien, une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations.

Il n’est pas prévu de dispositif sanctionnant le non-respect de l’obligation d’obtention de la déclaration sur l’honneur du loueur même si une fausse déclaration pourrait être pénalement sanctionnée. Et il est à noter que cette obligation ne s’applique pas, comme l’avait souligné le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, Daniel Goldberg, aux plateformes gratuites.

Au-delà de cette simple information, la mission considère que les loueurs devraient être tenus de produire auprès de l’intermédiaire, quel qu’il soit, l’attestation de déclaration effectuée à la Mairie, faute de quoi la publication des annonces sur un site ou leur opération auprès d’un autre professionnel ne serait pas possible.

Obliger à la remise du récépissé de déclaration en Mairie par le loueur à l’intermédiaire.

Les sites internet de mise en location en ligne proposent, en général, à leurs clients un récapitulatif des opérations de location qu’ils ont effectuées ainsi que des revenus qu’ils en ont tirés. Dès lors, on pourrait concevoir que les gestionnaires des sites soient tenus de communiquer aux administrations fiscales le montant des revenus perçus.

RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS DE LA MISSION

Les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle ont porté pour l’essentiel sur le dispositif de la taxe de séjour : l’analyse de son rendement et de son efficacité au regard de ses objectifs, à savoir permettre aux communes ou à leurs groupements de disposer de moyens propres pour faire face aux dépenses générées par l’accueil de touristes sur leur territoire mais aussi pour promouvoir l’activité touristique.

En préalable, la mission a considéré comme essentiel, dans la mesure où le produit de la taxe de séjour constitue bien souvent pour les communes touristiques et leurs groupements un apport indispensable au soutien à cette activité, que l’utilisation des fonds collectés soit explicitée et mieux encore, qu’elle soit concertée, pour que les actions ainsi financées en faveur du développement du tourisme, soient bien comprises et que la taxe soit ainsi légitimée.

Ensuite, tout en préservant la liberté des collectivités locales dans la gestion de la taxe de séjour (en matière de choix du mode d’assujettissement, comme de fixation des taux à l’intérieur des barèmes ou encore d’affectation du produit de la taxe dans la limite de l’objectif de promotion des activités touristiques), la mission a conduit ses travaux dans un objectif de simplification du régime de la taxe de séjour, pour la rendre plus efficace et plus aisément recouvrée.

Les rapporteurs ne se sont donc pas placés dans une logique de recherche d’élargissement de l’assiette de la taxe pour en accroître le rendement, mais clairement dans celle de l’égalité de traitement de tous les acteurs du secteur, en proposant des mesures permettant d’éviter qu’une partie des redevables de la taxe de séjour n’y échappent dans les faits. Ses propositions sont donc guidées par la volonté de mettre fin aux distorsions de concurrence qui sont générées, au détriment des professionnels du tourisme, par l’apparition de nouvelles formes d’offre touristique.

La taxe sera d’autant mieux acceptée que la charge en sera répartie sur l’ensemble des redevables et que son emploi sera compris, car décidé en concertation avec les professionnels du tourisme.

METTRE FIN AUX DISTORSIONS DE CONCURRENCE

Un consensus s’est dégagé au sein de la mission sur la nécessité d’adapter les règles de collecte de la taxe de séjour aux nouvelles donnes du marché de la location touristique, c’est-à-dire, à la mise en location de logements via des sites internet. Si ce phénomène n’est pas nouveau, des particuliers offrant traditionnellement à la location des hébergements relevant des meublés touristiques ou des chambres d’hôtes, le media que constituent les sites internet donne à ce type d’hébergement touristique une ampleur nouvelle (même si elle est encore difficile à évaluer précisément) qui a des incidences sur l’ensemble de l’économie du tourisme et génère des distorsions de concurrence. Certains qui achètent des appartements dans le but de les louer à des touristes, exercent ainsi dans les faits une activité commerciale.

Même si l’enjeu fiscal peut, a priori, paraître faible au regard du produit total de la taxe, les hôteliers, en particulier, ceux qui acquittent souvent la taxe au régime forfaitaire dénoncent un état de fait selon lequel ils seraient les seuls à la payer, alors qu’ils assument par ailleurs des charges liées à leur activité que ne connaissent pas les particuliers.

Pour ces raisons :

1. La mission demande, pour que les locations touristiques de courte durée n’échappent pas à la taxe de séjour, que soit étudié, dans un souci d’égalité de traitement des différents acteurs du tourisme et en concertation avec eux, un dispositif de recouvrement adapté qui permette que les gestionnaires de sites qui effectuent de l’intermédiation locative à titre onéreux, soient aussi collecteurs de la taxe de séjour. Les ressources dégagées par ce dispositif forfaitaire pourraient être prioritairement affectées à Atout France ;

2. La mission demande également que le rétablissement de l’obligation de déclaration de la mise en location de courte durée de tous les logements, y compris les résidences principales, pour garantir aux communes une meilleure connaissance de leur offre touristique et pour permettre un contrôle effectif de ces mises en location. Ce document devrait être obligatoirement fourni à l’intermédiaire au moment de la mise en location.

RÉVISER ET SIMPLIFIER l’ASSIETTE ET LE BARÈME
DE LA TAXE DE SÉJOUR

L’enjeu d’une réforme de la tarification de la taxe de séjour réside dans le nécessaire équilibre :

– entre, d’une part, une taxe qui pèse sur le touriste quand elle est perçue au réel ou sur l’hébergeur quand la taxe est instituée au forfait – même si celui-ci qui en est le collecteur peut en théorie en répercuter le coût sur son client – ;

– et, d’autre part, les dépenses générées pour la collectivité par l’accueil desdits touristes et par la promotion du territoire dans une ambition de développement de l’activité économique.

La mission préconise d’adapter le barème aux évolutions de l’offre touristique tout en simplifiant le régime par :

3. L’augmentation du plafond applicable aux hôtels cinq étoiles et aux « Palaces », identifiés comme une catégorie distincte des quatre étoiles ;

4. La simplification du barème, en cherchant à réduire l’éventail des autres tarifs notamment – sans augmentation du tarif le plus bas – par la création d’un tarif unique intermédiaire pour les hébergements « une étoile » et la catégorie immédiatement inférieure qui comprendrait également les meublés de tourisme non classés ;

5. La simplification des régimes d’exonération et de réduction de la taxe, en ne conservant pour le régime de taxation « au réel » que des exonérations, de droit, pour les mineurs de 18 ans, les travailleurs saisonniers logés dans la commune et les personnes accueillies dans des hébergements temporaires dans le cadre de l’hébergement d’urgence ;

6. La simplification du mécanisme de l’abattement de la taxe au régime forfaitaire par le maintien d’un seul régime d’abattement obligatoire et modulable par décision de la commune, en fonction des durées d’ouverture, à l’intérieur d’un barème allant de 10 à 50 % ;

7. L’indexation des plafonds permettant à la commune d’augmenter les tarifs de la taxe quand, au moment de sa délibération, elle constaterait un écart significatif avec le plafond indexé.

RENDRE LE RECOUVREMENT PLUS EFFICACE

La mission considère que le fait de confier le recouvrement de la taxe de séjour au réseau de collecte du Trésor public devrait en améliorer le rendement. Certaines communes expriment toutefois de fortes réticences à se voir dessaisies d’une compétence qui leur fait redouter à terme que le produit de la taxe lui-même ne leur échappe ; d’autres, au contraire, renoncent à instaurer la taxe par manque de moyens pour en assurer la gestion. La mission a donc formulé une double série de propositions ouvrant aux communes une option sur cette question et renforçant parallèlement les moyens de recouvrement de celles qui souhaiteraient continuer à assurer la gestion de la taxe.

8. Ouverture aux communes de la possibilité de recourir aux services fiscaux pour le recouvrement de la taxe, sachant que les communes qui n’auraient pas opéré ce choix doivent pouvoir obtenir des services fiscaux les éléments nécessaires à l’établissement et au contrôle de la taxe ;

9. Ouverture aux maires et aux présidents d’EPCI de la procédure de taxation d’office, en cas de carence des obligations déclaratives ;

10. Affirmation du droit à la communication par les services fiscaux au maire ou au Président de l’ECPI sur sa demande des éléments qui ont servi à l’établissement et au contrôle de la taxe ;

11. Développement d’outils en ligne pour le recouvrement de la taxe, de la déclaration jusqu’au paiement ;

12. Encouragement à l’adoption d’un mode d’assujettissement forfaitaire qui, reposant sur la « capacité d’accueil » des hébergements touristiques aide à un meilleur recouvrement de la taxe de séjour.

AFFECTATION DU PRODUIT DE LA TAXE

La mission considère que l’association des professionnels du tourisme à la détermination de l’utilisation du produit de la taxe de séjour est indispensable, tant à son bon usage qui doit être centré sur la promotion touristique, qu’à sa bonne acceptation.

13. Incitation à la concertation avec les professionnels du tourisme sur l’affectation du produit de la taxe.

TAXES ADDITIONNELLES

Un amendement créant une taxe de séjour au bénéfice de la région île de France a été discuté en première lecture du projet de loi de finances rectificative.

Une réflexion sur les taxes additionnelles se pose dans le contexte du projet de réforme territoriale. Le devenir de la taxe additionnelle départementale doit être examiné et, dans l’hypothèse du maintien de ce prélèvement, la question de la collectivité qui en serait attributaire.

14. Conduite d’une réflexion, en concertation avec les professionnels, sur le maintien, à terme, de la taxe additionnelle départementale, compte tenu du projet de réforme territoriale.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 9 juillet 2014 à 10 heures 30, la commission des Finances examine le présent rapport.

M. Pierre-Alain Muet, président. Je vais donner la parole aux trois rapporteurs de la mission d’évaluation et de contrôle – MEC – sur la fiscalité des hébergements touristiques, M. Éric Woerth, rapporteur spécial pour le Tourisme, Mme Monique Rabin et M. Éric Straumann qui est membre de la commission des Affaires économiques, pour nous présenter les conclusions de leurs travaux.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous devons en rappeler le contexte. Nous savons tous l’importance de l’activité touristique pour l’économie française : elle génère 7,3 % du PIB et 2 millions d’emplois directs ou indirects. Sachant que la France a accueilli en 2012, 83 millions de touristes étrangers et que ce nombre doit être multiplié par deux à l’échelle mondiale dans les quinze ans à venir, il s’agit d’un enjeu économique considérable, qui plus est concernant des emplois par nature non délocalisables. Or, la fiscalité en est une composante déterminante.

Le débat sur la fiscalité touristique vient d’être relancé par le dépôt d’amendements sur le projet de loi de finances rectificative, pour modifier la taxe de séjour. Cette taxe a justement été au centre des travaux de notre mission. Il s’avère en effet que malgré plusieurs réformes ou tentatives de réforme, son dispositif doit être adapté à l’évolution de l’offre touristique de notre époque. Même si cette la taxe, perçue par seulement 2 500 communes et une vingtaine de départements, n’est que d’un rendement global relativement limité (251 millions pour les communes et environ 16 millions pour les départements en 2013), elle constitue un apport indispensable au soutien à l’activité touristique locale et à la conduite de politiques de promotion touristique. Pour ces raisons, nous croyons indispensable que la question de la taxe de séjour soit examinée dans tous ses aspects.

Concernant le rendement et l’efficacité de la taxe au regard de son objectif, la mission a d’abord dressé les constats suivants : l’assiette de la taxe est mal connue des collectivités
– vous constaterez, à ce propos, des divergences entre les chiffres recueillis selon les différentes sources. Par ailleurs, la taxe est mal recouvrée et les possibilités de contrôle sont peu opérantes aujourd’hui, ce qui génère des distorsions de concurrence – que je tiens à souligner – entre professionnels et entre particuliers et professionnels. Cette situation nuit à l’acceptation d’une fiscalité dont l’utilisation devrait, en tout état de cause, faire l’objet d’une meilleure concertation.

En préalable, nous voudrions insister sur le point suivant : dans le respect du principe de la liberté des collectivités locales dans la gestion de la taxe de séjour, la mission s’est placée, non pas dans une logique de recherche de l’élargissement de l’assiette pour accroître le rendement de la taxe, mais clairement dans celle de l’égalité de traitement de tous les acteurs du secteur. Elle propose donc des mesures pour éviter qu’une partie des redevables de la taxe de séjour n’y échappent dans les faits.

La taxe, c’est notre conviction, sera d’autant mieux acceptée, que la charge en sera répartie sur l’ensemble des redevables et que son emploi sera compris, car décidé en concertation avec les professionnels du tourisme.

Les principales propositions de la mission s’articulent autour de trois problématiques. Premièrement, il est nécessaire de mettre fin aux distorsions de concurrence. Un consensus s’est dégagé au sein de la mission sur la nécessité d’adapter les règles de collecte de la taxe de séjour aux nouvelles donnes du marché de la location touristique, c’est-à-dire à la mise en location de logements via des sites Internet.

Des particuliers offrent traditionnellement à la location des hébergements relevant des meublés touristiques ou des chambres d’hôtes ; mais le média que constituent les plateformes Internet effectuant de l’intermédiation locative est en train de donner à ce type d’hébergement touristique une ampleur nouvelle (même si elle est encore difficile à évaluer précisément) ; certains exercent ainsi, de fait, une activité para-hôtelière sans connaître les contraintes de la profession.

Même si l’enjeu fiscal peut, a priori, paraître faible au regard du produit total de la taxe, la mission propose donc que soit mis en place, dans un souci d’égalité de traitement des différents acteurs du tourisme et en concertation avec eux, un dispositif de recouvrement adapté qui permette que les locations de courte durée effectuées via les sites Internet n’échappent pas à la taxe de séjour. Les ressources dégagées par ce dispositif forfaitaire et collectées par les gestionnaires de site, au même titre que les hôteliers, pourraient être versées à un fonds. Nous proposons que ce fonds soit affecté prioritairement à Atout France pour développer la promotion touristique. Pour illustrer l’explosion de ces activités, j’observerai qu’en 2008, le leader mondial du secteur, AirBnB avait 20 000 inscrits ; ils sont 6 millions aujourd’hui. Il y a là un champ de recettes dynamique et exponentiel.

Nous demandons également le rétablissement de l’obligation de déclaration de la mise en location de courte durée de tous les logements, y compris les résidences principales, qui a été supprimée lors du vote de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové pour garantir aux communes une connaissance de l’offre touristique sur leur territoire et permettre un contrôle effectif de ces mises en location. Ces deux mesures nous paraissent des préalables indispensables.

M. Éric Woerth, rapporteur. Notre deuxième axe de réflexion a porté sur la révision et la simplification du barème de la taxe de séjour. Nous pensons qu’il ne faut pas augmenter significativement ce barème, pour plusieurs raisons. En revanche, nous proposons diverses modifications qui relèvent du bon sens et de la nécessité de l’actualiser.

Le barème est progressif en fonction des catégories d’hébergements. Le bas du barème distingue les hôtels « sans étoile » et les hôtels à « une étoile ». Le haut s’applique de la même façon aux hôtels « quatre étoiles » et aux « cinq étoiles ». Or, depuis sa création, l’offre touristique a beaucoup évolué. Nous proposons donc deux modifications : tout d’abord, la fusion de la catégorie « une étoile » avec celle immédiatement en-dessous ; ensuite, la création d’une catégorie supplémentaire pour l’application d’un tarif supérieur aux hôtels « cinq étoiles » et aux palaces, désormais distingués des hôtels « quatre étoiles ». Le nombre de tranches de tarif resterait le même. Ce serait une façon réaliste de réformer la taxe, acceptable pour la profession et pour la compétitivité de notre tourisme. Les éventuelles dissonances entre nous, au sein de la mission, sur les niveaux de tarif sont limitées.

Nous vous proposons aussi de simplifier les régimes d’exonération et de réduction de la taxe, ainsi que le mécanisme de l’abattement de la taxe au régime forfaitaire pour les remplacer par une seule catégorie d’abattement progressant entre 10 et 40, voire 50 %, permettant aux collectivités de moduler le forfait de nuitées en fonction des circonstances locales.

M. Éric Straumann, rapporteur. Troisièmement, après la lutte contre les distorsions de concurrence et la simplification de la taxe, nous recommandons l’amélioration de son recouvrement. La mission considère que les communes qui le souhaitent doivent pouvoir confier le recouvrement de la taxe de séjour au réseau de collecte des services fiscaux. Certaines communes expriment des réticences à se voir dessaisies d’une compétence et redoutent qu’à terme, le produit de la taxe lui-même ne leur échappe. D’autres, au contraire, renoncent à instaurer la taxe par manque de moyens pour en assurer la gestion. La mission a donc formulé une double série de propositions ouvrant aux communes une option sur cette question et, parallèlement, renforçant les moyens de recouvrement de celles qui souhaiteraient continuer à assurer la gestion de la taxe de séjour.

Nous préconisons aussi l’ouverture aux maires et aux présidents d’Établissements publics de coopération intercommunale de la procédure de taxation d’office, en cas de carence des obligations déclaratives.

Il nous paraît également indispensable d’affirmer le droit à la communication par les services fiscaux aux mairies des éléments qui ont servi à l’établissement et au contrôle de la taxe et le développement d’outils en ligne pour son recouvrement, de la déclaration jusqu’au paiement.

La mission considère ensuite que l’association des professionnels du tourisme à la détermination de l’utilisation du produit de la taxe de séjour est essentielle, tant au bon usage de la taxe, qui doit être centré sur la promotion touristique, qu’à sa bonne acceptation. Elle préconise donc un développement de la concertation avec les professionnels du tourisme sur l’affectation du produit de la taxe.

Notre dernier point concerne les taxes additionnelles départementales. Dans le contexte du projet de réforme territoriale, leur devenir doit être examiné ainsi que, dans l’hypothèse du maintien de ce prélèvement, la question de la collectivité qui en serait attributaire. Nous en sommes donc venus à proposer une réflexion, en concertation avec les professionnels, sur leur maintien à terme, compte tenu du projet de réforme territoriale. Cette réflexion s’impose d’autant plus après le vote par l’Assemblée nationale, en première lecture du projet de loi de finances rectificative, d’un amendement créant une taxe de séjour au bénéfice de la région d’Île-de-France.

Telles sont, résumées à grands traits, les propositions de la mission sur l’avenir de la taxe de séjour. Ces points sont développés dans le rapport écrit que nous avons élaboré en concertation.

M. Éric Woerth, rapporteur. En résumé, nous proposons, en premier lieu, de permettre de percevoir la taxe sur toutes les locations touristiques passant par Internet, qui sont sources d’une forte concurrence pour les hôtels, sans supporter la même fiscalité. Cette question devra être étudiée avec l’administration fiscale, mais nous pensons que cela est faisable – vraisemblablement sous la forme d’un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé en France. Deuxièmement, nous évitons d’augmenter la taxe de séjour, mais proposons de créer une catégorie supérieure qui correspond à une différence réelle de niveaux de prestations. Enfin, nous laissons aux collectivités la possibilité de faire appel à la Direction générale des finances publiques pour collecter cette taxe, car les collectivités territoriales ont du mal à connaître l’ensemble de l’assiette, notamment s’agissant des meublés et chambres d’hôtes.

M. François Vannson. Je suis élu d’un département touristique. Par expérience, j’ai compris qu’il faut aborder le secteur du tourisme comme une industrie à part entière, soumise à une concurrence internationale de plus en plus exacerbée. Or, on constate que des hébergements du type « meublés de tourisme » se sont beaucoup développés ces dernières années. Si l’on veut une offre de qualité, il est urgent de renforcer leur réglementation. Cette demande est portée par différentes associations de gîtes, pour que la France soit en mesure de proposer à une clientèle étrangère des produits de qualité et, surtout, qui correspondent à ses attentes. Face au développement d’une concurrence déloyale, il est urgent d’avancer dans cette direction.

Les propositions de votre rapport sur l’évolution de la taxe de séjour me rassurent. Ces derniers jours, j’ai été confronté à de fortes réactions de la part d’hôteliers-restaurateurs. Dans un contexte de compétition mondiale, notre industrie hôtelière a besoin de réaliser de lourds investissements pour se mettre au niveau de nos concurrents étrangers. Il faut des clients pour les rentabiliser. À ce titre, l’augmentation de la taxe de séjour, dans des conditions moins contrôlées que ce que vous proposez, aurait pu être très néfaste.

M. Olivier Faure. Je voudrais tout d’abord louer la qualité du rapport présenté avant de revenir sur la polémique qui s’est engagée à la suite de l’adoption de deux amendements, de nature différente, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Le premier amendement de Sandrine Mazetier portait sur la taxe communale de séjour. Je voudrais évoquer le second amendement, dont je suis l’auteur et qui proposait l’instauration d’une taxe régionale spécifique à l’Île-de-France dont l’assiette reposerait sur les nuitées passées en Île-de-France et dont le produit serait exclusivement destiné au plan de mobilisation pour les transports, pour lequel l’État s’est engagé à trouver 150 millions d’euros par an.

La confusion est née du fait que les deux amendements ont été discutés en même temps. En ce qui concerne la taxe de séjour communale, je comprends aujourd’hui, que vous êtes plus favorable à un élargissement effectif de son assiette qu’à un relèvement important de son plafond, mais je maintiens la pertinence d’une taxe régionale pour les transports en Île-de-France. Je reconnais toutefois qu’il vaudrait peut-être mieux en corriger la dénomination et prévoir un barème progressif plutôt qu’un tarif unique de 2 euros par nuitée.

Le tourisme ne peut se développer sans des transports de qualité. Le site d’Euro Disney est dans mon département et je peux témoigner que le RER A est un facteur essentiel à son succès. Qui peut imaginer que des touristes séjournent dans la grande ou la petite couronne si les transports publics n’y sont pas assurés ? Si le tourisme ne peut s’imaginer sans la Tour Eiffel ou le Louvre, il ne peut non plus s’imaginer sans les services publics qui lui sont associés, au premier rang desquels figurent les transports.

Si l’effort financier pour prolonger la ligne 4 jusqu’à Orly n’est pas supporté en partie par les touristes, il le sera par les contribuables français, et cela pèsera sur notre économie d’une manière ou d’une autre.

Je souhaiterais proposer, pour la nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, une rédaction de l’amendement prévoyant une progressivité de la taxe avec un barème allant de 20 centimes d’euros pour les hôtels de première catégorie à 5 euros pour les palaces. Cette taxe devrait offrir un rendement de l’ordre de 140 millions d’euros annuel et surtout constituer une source durable de financement.

À ce jour, il n’a pas été trouvé de voies permettant d’avoir des transports de qualité sans faire appel ni à l’usager, ni au contribuable. Il ne me paraît pas normal que ce soit le contribuable francilien qui subventionne les touristes quand ils utilisent les transports en commun. Je rappellerai que le coût du transport n’est pas son coût d’usage réel, puisque seul 30 % du coût de financement est assuré par l’usager. Il serait donc logique que les touristes en Île-de-France contribuent à l’amélioration de la qualité des transports de cette région.

M. Charles de Courson. Je voudrais avoir quelques précisions sur vos quatorze propositions.

Tout d’abord sur la première proposition, parler d’un « dispositif de recouvrement adapté » signifie-t-il bien que la taxe doit être directement recouvrée par les gestionnaires des sites Internet car il me semble que c’est la seule solution ?

Que va-t-il se passer pour les mobil-homes qui ne paient ni taxe d’habitation, ni taxe sur le foncier bâti ? Échappent-ils aussi à la taxe de séjour ? Il faudrait éviter les détournements qui aboutissent à des exonérations de fait, parce que la loi fiscale ne s’est pas adaptée à l’évolution des modes d’hébergement.

Sur la deuxième partie relative à la révision et à la simplification de l’assiette, je voudrais revenir sur le problème de l’intercommunalisation de la taxe et insister sur le fait que la taxe doit revenir à la collectivité qui a la compétence tourisme.

Sur le recouvrement, je pense que la possibilité pour une commune de confier le recouvrement aux services fiscaux doit constituer un véritable droit d’option. Il doit être clair que les services fiscaux ne peuvent en aucun cas refuser.

Je voudrais enfin faire une remarque sur l’affectation du produit de la taxe. Si aujourd’hui la taxe de séjour est bien affectée, elle ne comporte pas d’obligation de présentation au sein d’un budget annexe. Je souhaiterais rendre obligatoire une telle présentation, parce qu’elle constitue un des rares moyens de vérifier que les produits de la taxe ne sont pas utilisés pour des dépenses courantes.

Sur la proposition n° 14 relative à la taxe additionnelle départementale, je voudrais dire, qu’en tout état de cause, elle doit être versée à la collectivité en charge de la compétence tourisme.

M. Christophe Caresche. Je tiens à saluer la qualité des informations données par le rapport sur un sujet devenu d’actualité, avant d’évoquer l’objectif de la taxe. S’il faut être attentif à ne pas prendre de mesures pénalisant le tourisme, qui constitue une ressource économique essentielle méritant d’être développée et modernisée, il faut aussi être conscient que cette activité génère des coûts non négligeables pour un certain nombre de collectivités. Je peux en témoigner en tant que député à Paris du quartier Montmartre, dont la zone touristique s’est beaucoup étendue. Je pense que la taxe est justifiée, mais le problème est de savoir comment évaluer le caractère dissuasif ou non qu’elle peut avoir.

En ce qui concerne le régime de la taxe de séjour, je me demande s’il faut maintenir l’option entre taxation au réel et taxation forfaitaire. La taxation au forfait est plus facile à percevoir, mais peut avoir un caractère pénalisant pour les hôteliers dans la mesure où le taux d’activité réelle n’est pas pris en compte.

L’élargissement de l’assiette me paraît très intéressant. Le phénomène de location de courte durée est en train de connaître un développement massif et il est tout à fait légitime que la taxe de séjour lui soit réellement appliquée.

M. François André. Je voudrais quelques compléments d’information. Comment expliquer l’importance du non-recouvrement de la taxe de séjour ? Quels types d’hébergements cela touche-t-il ? Au-delà des mobil-homes, y a-t-il des hôtels traditionnels qui échappent à la taxe ?

Vous avez évoqué le rôle croissant des plateformes en ligne. Les prix proposés par les hôtels sont parfois différents de ceux proposés par les sites de réservation. Pouvez-vous nous éclairer sur les relations financières entre les sites en ligne et les exploitants ?

M. le président Gilles Carrez. Je suis en plein accord avec les propositions de ce rapport, notamment celles portant sur « l’élargissement » de l’assiette et le renforcement des modalités de recouvrement. La question de la taxe de séjour est posée depuis très longtemps. Il y a nécessité de la réformer.

En ce qui concerne les deux amendements présentés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, j’avais indiqué qu’il fallait attendre les conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle.

Si la rédaction de l’amendement d’Olivier Faure n’est pas complètement satisfaisante, elle soulève néanmoins le problème réel du financement en Île-de-France de nos transports dont la composante touristique est essentielle.

Dans la négociation avec les Américains sur le projet Disney, le prolongement de la ligne A du RER a joué un rôle fondamental. Une clause du contrat prévoyait même le versement par Disney d’une participation à la RATP, en cas de fréquentation inférieure à un certain seuil. Attractivité touristique et qualité des transports sont très fortement connectées et l’amélioration des transports est une des vocations de la taxe de séjour.

Il a été décidé que les transports ne devaient pas peser sur la province, mais faire l’objet d’un financement spécifique à l’Île-de-France avec, pour les entreprises, la taxe sur les bureaux et, pour les ménages, la taxe spéciale d’équipement qui figure sur la taxe d’habitation et sur la taxe foncière sur le bâti.

Dès cette époque, j’avais dit qu’il fallait prévoir une contribution des touristes à travers un système de participation reposant sur les nuitées. Aujourd’hui, on est dans une réelle impasse de financement. Je pense que la barre des 140 millions est trop haute, mais avec 50 millions d’euros chaque année, on finance immédiatement 500 millions de travaux. Le tourisme en Île-de-France ne peut se développer que si on améliore les transports.

Vous dites, dans votre rapport, qu’il faut réfléchir à l’intérêt de la taxe additionnelle départementale, mais la mission ne pourrait-elle pas prolonger ses travaux, en réfléchissant à ce qui pourrait être imaginé pour l’Île-de-France ? Nous avons proposé un dispositif régional parce que les transports sont une compétence régionale, mais on pourrait imaginer une taxe sur le modèle de la taxe départementale, perçue au niveau régional.

Je suis tout à fait d’accord avec Olivier Faure pour remplacer la taxe à 2 euros par un barème. Il y a selon moi urgence à proposer un dispositif au plus tard dans le cadre de la prochaine loi de finances. Ce serait à la fois logique et équitable.

M. Jean-Louis Gagnaire. La question des transports n’est pas seulement un problème francilien. Il suffit d’observer ce qui se passe pour les TGV. Ce sont les régions et les territoires hors Paris qui ont financé les lignes TGV.

M. le président Gilles Carrez. Je m’inscris en faux contre ces déclarations. Lorsque l’on examine la comptabilité interne de la SNCF, l’on constate que les amortissements passés au titre de la dégradation du matériel d’Île-de-France ont justement permis pendant des années de financer les lignes TGV. Dans le même temps, il n’y a pas eu de renouvellement du matériel en Île-de-France. Il est donc faux de dire que les territoires franciliens n’ont pas participé au financement de ces lignes, bien au contraire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je ne veux pas opposer l’Île-de-France au reste de la France. Il y a bien sûr un problème spécifique au transport en Île-de-France, cela est indéniable. Cependant, la question me semble bien plus large.

Sur les propositions de ce rapport, je souhaiterais aborder deux points.

S’agissant de la mise en location de la résidence principale pour des locations touristiques de courte durée, vous proposez de rendre la déclaration obligatoire. J’ajouterais que les revenus tirés de ces locations ne sont le plus souvent pas taxés car non déclarés : la majorité des propriétaires étant d’ailleurs de bonne foi. C’est d’ailleurs une question qui se posera fortement lors de la compétition de football de l’Euro 2016. Le problème du caractère déclaratif de la taxe de séjour est donc délicat. Ne pourrait-on pas imaginer un système de prélèvement à la source, afin de sécuriser le recouvrement de cette taxe ?

D’autre part, l’un des sujets importants concerne les sites Internet. Certains sites servent d’intermédiaire, mais ne perçoivent pas de revenus en raison de cette activité. Faut-il également fiscaliser ce type d’acteurs ? Cela ne paraît pas souhaitable. Il pourrait enfin être utile d’indiquer clairement sur les sites Internet commerciaux le montant de la taxe de séjour à acquitter, dans un souci de transparence et de clarté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je tiens également à féliciter les auteurs de ce rapport. Cependant, je suis encline à la prudence au sujet de la fiscalité touristique. Il faut en effet faire attention aux dérives, qui auraient pour conséquence de l’alourdir de manière excessive. Dans ma circonscription située dans le Jura, les acteurs du secteur m’ont alertée sur les risques que ferait courir une hausse du taux de la taxe de séjour, qui rendrait, mécaniquement, nos régions moins attractives.

Deux de vos propositions ont particulièrement attiré mon attention. Il s’agit de la proposition n° 9 qui prévoit l’instauration d’une taxation d’office, cela me choque. Il faut être conscient qu’il existe aujourd’hui un rejet de l’impôt. Quant à la proposition n° 13 relative à la concertation avec les professionnels du tourisme, je me demande si cette concertation serait consultative ou délibérative.

Enfin, j’aurais souhaité que vos travaux puissent aller au-delà de la taxe de séjour et traiter de la fiscalité touristique dans son ensemble. J’aurais aimé que vous réfléchissiez à d’autres sujets, comme par exemple la TVA. Le taux de TVA peut en effet varier en fonction du type de clientèle reçu par un établissement, soit des personnes handicapées, des scolaires, ou des touristes. Un travail d’harmonisation et de simplification à ce sujet serait souhaitable.

M. Gaby Charroux. Je comprends mieux la sagesse de notre collègue Monique Rabin en séance il y a quelques jours, qui nous incitait à ne pas adopter d’amendements proposant l’augmentation du taux du plafond de la taxe de séjour. J’ai voté un de ces amendements, je l’assume. Cependant, je suis d’accord pour considérer que la hausse proposée semblait excessive. En tant que maire de Martigues, je suis interpellé par la question d’une fiscalité pesant sur les caravanes et les habitations mobiles ; comment cela pourrait-il se réaliser concrètement ? Je suis très sceptique à ce sujet.

M. Olivier Faure. Écoutez la sagesse de notre président de commission ; je souscris pleinement à ce qu’il a déclaré. Il sera indispensable à l’avenir de déterminer de nouvelles modalités de financement des infrastructures de transport en Île-de-France. En l’absence de solutions, ce seront les usagers qui in fine financeront ces transports. Or, on ne peut prendre le risque de se trouver dans une situation similaire à celle de Londres, où la part du financement par les usagers s’élève à 90 % du coût du transport. En Île-de-France, cette part se situe entre 25 et 30 %. Ainsi, un citoyen de ma circonscription qui paye un abonnement annuel de l’ordre de 1 100 euros devrait acquitter un paiement quatre, voire cinq fois plus important. C’est inenvisageable.

M. Charles de Courson. Il faut réfléchir à l’aménagement du territoire.

M. Olivier Faure. Oui, je suis d’accord. Les temps de transport peuvent actuellement être de 3 ou 4 heures par jour en Île-de-France. Il faut prendre cet élément en considération et tenter d’y apporter des solutions. Si nous ne répondons pas à cette demande légitime des populations qui habitent, notamment, en grande couronne parisienne, nous observerons au cours des prochaines élections soit un renforcement du taux d’abstention, soit un basculement vers un vote extrême. Je suis donc favorable à un élargissement du financement des transports aux touristes.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Certaines réponses aux questions que vous avez posées se trouvent dans notre rapport.

Pour répondre à Marie-Christine Dalloz, notre travail s’est effectivement centré sur la taxe de séjour. Je ressens votre remarque comme une invitation à poursuivre ce travail au cours de travaux menés par la commission des Finances ou par notre Assemblée. J’y suis à titre personnel favorable.

Concernant la taxe de séjour en elle-même, elle a pour objectif le développement de l’activité touristique et la possibilité de faire face aux dépenses induites par cette activité. Une annexe au compte administratif existe, elle doit permettre une transparence de l’utilisation des recettes de la taxe de séjour par la collectivité concernée. Cela suscite d’ailleurs des débats. À Paris par exemple, les hôteliers ont du mal à comprendre pourquoi, avec un rendement de 40 millions d’euros, 7 millions d’euros de la taxe de séjour seulement sont affectés à l’office de tourisme. Cela s’explique par la nécessité de financer d’autres structures, comme la Préfecture de police qui sécurise les sites touristiques et perçoit à ce titre 7 millions d’euros. Ce premier contrôle existe, nous proposons en plus d’associer plus systématiquement les professionnels du tourisme aux choix d’affectation de la taxe.

Nous avons fait le choix de ne pas proposer d’étendre aux camping-cars et aux bateaux de croisière la taxe de séjour. Pour des raisons de complexité mais aussi de préservation de l’attractivité touristique. Nous avons proposé, par contre, une nouvelle modalité de recouvrement de la taxe, avec la possibilité pour la commune de confier ce recouvrement à la DGFiP. En effet, seulement 2 500 communes ont instauré une taxe de séjour sur leur territoire, sur les 6 000 communes qui sont potentiellement concernées, selon Atout France. Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’impact d’un élargissement de l’assiette de la taxe à de nouveaux acteurs. Je pense aux meublés touristiques proposés par le biais de sites Internet. Actuellement 95 % du rendement de la taxe de séjour provient des hôtels, les meublés touristiques n’en représentant que 5 %.

L’utilisation croissante de sites Internet comme moyen de mise en relation entre loueurs et vacanciers est exponentielle et il ne faut pas que le politique soit en retard par rapport à la société. Il existe deux types de sites Internet : des sites payants, comme Airbnb ou des sites gratuits, comme Leboncoin. Aux premiers, il est difficile d’appliquer la taxe de séjour aux locations qu’ils proposent dans ses modalités actuelles. En France, la taxe de séjour est un dispositif fixé par la loi pour tout le territoire, tandis que dans d’autres pays, la taxe relève de la politique de la ville – comme à Berlin, à Barcelone ou encore à Bruxelles. C’est donc à l’État d’engager des discussions avec ces sites d’intermédiation locative à titre onéreux afin de mettre en place une taxation forfaitaire, comme c’est actuellement le cas à San Francisco ou à Portland aux États-Unis. Dans le second cas, des sites Internet mettent en relation des personnes à titre gratuit. Leur situation est différente mais je rappelle que les personnes faisant appel à ces sites Internet doivent déclarer ces locations aux communes. Pour aider les communes à identifier ces personnes, la mission préconise de permettre la communication par les services fiscaux au maire des éléments nécessaires à leur identification.

« L’amendement STIF » me semblait davantage un amendement d’appel sur la mise en place d’une « taxe transport ». Si les recettes supplémentaires induites par l’élargissement de l’assiette de la taxe aux sites Internet d’intermédiation locative sont conséquentes, il pourrait être envisagé d’orienter une partie de ces recettes vers un fonds de modernisation des infrastructures de transport.

La nouvelle proposition d’Olivier Faure est plus adaptée, puisqu’elle rend la taxe progressive : il était difficile d’admettre que, pour un hôtel à une étoile ou un hôtel non classé, la taxe soit identique à un hôtel de luxe. Dans tous les cas, il ne pourra pas s’agir d’une taxe additionnelle à la taxe de séjour, puisqu’elle est peu prélevée en Île-de-France ; en Seine-et-Marne, par exemple, seule une commune est assujettie à la taxe de séjour.

Je voudrais préciser qu’il n’a jamais été affirmé par la mission que le relèvement du plafond de la taxe de séjour serait la seule augmentation à réaliser. La mission suggère également une indexation du barème de la taxe, qui n’a pas été réévalué depuis plus de douze ans. Nous sommes toutefois d’accord pour désolidariser le barème applicable aux palaces et aux hôtels « cinq étoiles » du barème applicable aux hôtels quatre étoiles.

M. Éric Woerth, rapporteur. Pour les sites Internet, il convient d’instaurer une taxation assise sur le chiffre d’affaires de ces sociétés. Les propriétaires qui louent pour une courte durée à des vacanciers sont assujettis à la taxe de séjour quand celle-ci a été instituée par la commune. La difficulté réside dans le contrôle et la collecte de l’information par les communes. Il en résulte de réelles difficultés pour assurer le recouvrement de la taxe, et c’est pour cette raison, que la mission propose que la DGFiP, sur option de la commune, assure la collecte de la taxe de séjour. Le coût de collecte pour la DGFiP sera prélevé sur les recettes de la taxe.

Les pouvoirs de sanction doivent, par ailleurs, être renforcés, en confiant au maire la possibilité d’engager la procédure de taxation d’office, en cas de carence des obligations déclaratives. Les sanctions actuelles ne sont pas suffisamment dissuasives.

La mission est également attachée à une participation des professionnels du tourisme à la définition de l’affectation des recettes de la taxe de séjour. Cette participation ne doit pas nécessairement être contraignante pour les élus, mais doit permettre à chacun de fournir son opinion sur l’affectation de la taxe. La taxe de séjour est payée par les professionnels du tourisme. Il est logique que ces derniers soient associés à la détermination de son affectation pour le développement de la politique touristique de la ville.

En revanche, la création d’un budget annexe pour contrôler l’utilisation de la taxe de séjour ne semble pas constituer la solution la plus adéquate. Il est difficile de déterminer précisément l’affectation de la taxe de séjour pour les communes, puisqu’elle est utilisée globalement par la commune pour faire face aux coûts supplémentaires induits par l’activité touristique.

Il est important que la collectivité puisse choisir, en liaison avec les professionnels, entre la taxation « au réel » ou au forfait. Nous proposons toutefois d’élargir l’abattement au forfait, tout en le simplifiant.

Le barème de la taxe de séjour doit être indexé, mais sans rattraper pour autant l’absence, par le passé, de réévaluations. Cette indexation sera toutefois difficile à réaliser, puisque les montants concernés sont faibles.

Enfin, si la volonté de mieux financer les transports en Île-de-France est louable, la création d’une taxe additionnelle sur la taxe de séjour ne peut être considérée comme la solution miracle. Les touristes consomment et participent déjà à la vitalité économique de la région parisienne, tout en permettant une augmentation des recettes fiscales. La véritable question est de trouver les moyens d’assurer un financement viable des infrastructures de transport en Île-de-France. La taxe de séjour ne constitue pas une réponse logique à ce problème, car ce ne sont pas les touristes qui sont responsables de la saturation des lignes de transports en Île-de-France. Il existe un problème général de financement des infrastructures de transport, dont le tourisme constitue un élément, mais n’est pas l’élément central

M. Éric Straumann, rapporteur. Rendre obligatoire l’affichage de la taxe de séjour pour les sites Internet est difficile en pratique à mettre en œuvre. Il faut identifier les 2 500 communes qui ont établi une taxe de séjour et les tarifs qu’elles ont décidés.

Il faut approfondir le contrôle et améliorer les moyens de recouvrement de la taxe de séjour. Actuellement, même lorsqu’un hôtelier fait l’objet d’un contrôle fiscal approfondi, la taxe de séjour n’est pas contrôlée.

Enfin, concernant le financement des infrastructures de transport en Île-de-France, les touristes ne sont pas responsables de l’engorgement des moyens de transport et constituent au contraire un atout pour l’économie locale. En revanche, l’accord passé entre la ville de San Francisco et le site AirBnB, a permis un surplus de recettes conséquent pour la ville.

M. Éric Woerth, rapporteur. La taxe de séjour s’intègre dans un paysage fiscal et social plus lourd en France que dans la plupart des autres pays. La fiscalité globale applicable aux établissements touristiques est plus faible dans les autres pays par rapport à la France, si l’on y ajoute non seulement les cotisations sociales, mais également les charges des entreprises.

M. Charles de Courson. Y aura-t-il des avancées dans le projet de loi de finances pour 2015 sur ce sujet ? Autrement que sous la forme d’amendements ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il y a eu non seulement les assises du tourisme, avec lesquelles nous partageons certaines propositions, mais également la mise en place d’une mission parlementaire sur le sujet. Dans ce cadre, des amendements seront proposés afin d’obtenir de véritables avancées concernant la taxe de séjour. Dans cette perspective, il conviendra de discuter avec les acteurs de la profession.

Les comparaisons avec les taxes sur l’hébergement des autres pays sont toujours difficiles. Les taxes y sont parfois supérieures mais les hôtels de tourisme subissent déjà en France une TVA supérieure, et une cotisation foncière des entreprises particulièrement lourde, en raison de l’importance de l’immobilier dans le secteur hôtelier.

Il faudra également faire attention à la taxation au forfait, qui aboutit à inclure la taxe dans le prix de l’hébergement, sans la faire apparaître spécifiquement. Le prix de la chambre semble alors plus élevé, ce qui n’est pas le cas lorsque la taxe de séjour est appliquée « au réel ». Cette situation est facteur d’inégalités entre professionnels du secteur.

M. Charles de Courson. Peut-on envisager la mise en place d’une taxe de séjour proportionnelle au chiffre d’affaires, plus simple pour en assurer le recouvrement ? Cette solution serait-elle euro-compatible ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Cette solution ne répond pas à la même logique que la taxe de séjour actuelle qui est notamment assise sur le nombre de nuitées. Elle pourra toutefois être retenue pour les sites Internet, pour lesquelles il faut une solution adaptée.

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, la publication du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle sur la fiscalité des hébergements touristiques.

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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Audition du 12 février 2014

M. Stéphane Créange, chef du bureau B 2, M. Laurent Kohler, adjoint au chef du bureau C 1, et M. Damien Lauth, chef de section au bureau B 2, de la direction de la législation fiscale du ministère de l’Économie et des finances

Mme Françoise Tahéri, sous-directrice des finances locales et de l’action économique au ministère de l’Intérieur et Mme Virginie Duhamel-Fouet, chef du bureau de la fiscalité locale au ministère de l’Intérieur

M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristiques au ministère du Redressement productif

Audition du 5 mars 2014

M. Olivier Colcombet, président du directoire de Belambra, et M. Lionel Gouget, directeur administratif et financier

M. Nicolas Ferrary, country manager France et M. Richard Boutet, directeur des affaires publiques d’Airbnb

M. Jean-Luc Brenner, sous-directeur à la gestion comptable et financière des collectivités locales, et M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction des professionnels de la Direction générale des finances publiques

Mme Joëlle Massoni, chef du bureau CF1 à la sous-direction du contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques, et M. Dominique Valentin, chef de la section « Lutte contre la fraude » du bureau CF1

Audition du 9 avril 2014

M. Jean-Baptiste Nicolas, directeur des finances de la Mairie de Paris, et de Mme Isabelle Oudet, chef du bureau des ressources financières, cellule taxe de séjour

M. Marc Francina, président, et de Mme Géraldine Leduc, directrice générale de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT)

Audition du 16 avril 2014

M. Thierry Cherrière, directeur du Syndicat mixte d’aménagement touristique du Lac du Der

M. Jean Burtin, président de la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative (FNOTSI), accompagné de M. Yannick Bertolucci

Audition du 14 mai 2014

M. Guylhem Féraud, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA), accompagné de M. Nicolas Bouvier, chargé de la communication (agence APCO), et de Mme Yasmine Amer, chargée du service juridique

M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM)

Audition du 28 mai 2014

M. Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris, chargé des sports et du tourisme

Audition du 18 juin 2014

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation, et de l’économie sociale et solidaire

Audition du 25 juin 2014

M. Lionel Walker, Secrétaire général de Rn2D et Mme Véronique Brizon, Directrice générale de Rn2D

M. Laurent Duc, président de la branche hôtellerie de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) et M Vincent Dollé, directeur des affaires économiques, fiscales et des nouvelles technologies de l’UIMM.

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La mission a par ailleurs rencontré M. Didier Chenet, président, et M. Franck Trouet, directeur général du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat) le mardi 8 juillet 2014.

Audition du 12 février 2014

Audition, ouverte à la presse, sur la fiscalité des hébergements touristiques, de M. Stéphane Créange, chef du bureau B 2, M. Laurent Kohler, adjoint au chef du bureau C 1, et M. Damien Lauth, chef de section au bureau B 2, de la direction de la législation fiscale du ministère de l’économie et des finances

M. le président Alain Claeys. Nous entamons un nouveau cycle de travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle aujourd’hui consacré à la fiscalité des hébergements touristiques. Trois co-rapporteurs ont été désignés, M. Éric Woerth et Mme Monique Rabin membres de la commission des finances, et M. Éric Straumann, membre de la commission des affaires économiques.

Cette mission doit faire le point des taxes liées à l’activité touristique, parmi lesquelles la taxe de séjour occupe une place majeure et fait depuis longtemps l’objet de critiques récurrentes : complexité, difficultés de recouvrement, adaptation aux nouvelles formes d’hébergement touristique. L’objectif pour lequel ces taxes ont été instituées est-il véritablement atteint ? Le cas échéant, quelles réformes pourrions-nous proposer ?

La fiscalité des hébergements touristiques inclut la fiscalité locale d’une part, la taxe de séjour d’autre part, ainsi que les dépenses fiscales liées au tourisme comme les réductions d’impôt ou le bénéfice du taux réduit de TVA. Lors de cette première audition, nous examinerons, avec M. Stéphane Créange, M. Laurent Kohler et M. Damien Lauth, de la direction de la législation fiscale, la fiscalité locale applicable aux différents types d’hébergements touristiques. Le sujet de la taxe de séjour, qui ne relève pas de cette direction, sera abordé au cours des deux auditions suivantes.

M. Éric Woerth, rapporteur. Nous avions au départ prévu de travailler sur la taxe de séjour. Puis nous avons élargi notre champ d’étude, car elle n’est pas la seule taxe à influer sur l’offre d’hébergements touristiques. Pouvez-vous, messieurs, nous éclairer sur les types d’impôts susceptibles d’avoir un impact sur cette offre – hôtels, résidences hôtelières ou de vacances et en faire une analyse critique afin d’identifier les points à améliorer

M. Laurent Kohler, adjoint au chef du bureau C 1 de la direction de la législation fiscale. S’agissant de fiscalité locale directe applicable aux hébergements touristiques, une première question a trait à son périmètre, c'est-à-dire aux types d’hébergements visés. Au-delà des hôtels, ce périmètre s’étend qui va jusqu’aux campings ou aux habitations légères de loisirs.

Les différentes impositions directes locales concernées : taxe foncière, sur les propriétés bâties ou sur les propriétés non bâties, taxe d’habitation et/ou cotisation foncière des entreprises (CFE) reposent toutes sur une base identique (qui est ensuite retravaillée) qui est la valeur locative cadastrale.

Voyons tout d’abord ce qu’il en est pour la taxe foncière, sur les propriétés bâties ou sur les propriétés non bâties.

Au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), on distingue trois types de locaux : les locaux industriels (non concernés ici), les locaux d’habitation et les locaux commerciaux. L’assiette d’imposition n’est pas la même selon qu’il s’agit d’un local d’habitation ou d’un local commercial.

Il est assez clair qu’hôtels et meublés de tourisme constituent des locaux commerciaux. En revanche, la question se pose pour des locaux faisant l’objet d’une exploitation para-hôtelière. Ils sont imposés comme locaux commerciaux si au moins trois des quatre prestations suivantes y sont assurées : fourniture de restauration, nettoyage des locaux, fourniture de linge, organiser un service de réception. À défaut, ils sont imposés comme locaux d’habitation.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vous faites aussi allusion aux chambres d’hôtes ?

M. Laurent Kohler. Cette grille s’applique quelle que soit la nature des locaux. Elle vaut également pour les foyers de travailleurs par exemple.

M. Éric Straumann, rapporteur. L’administration fiscale est-elle au courant de l’activité des particuliers qui louent régulièrement une chambre de leur habitation au travers d’un site internet, fournissent le linge et en assurent le nettoyage, si ceux-ci ne la déclarent pas ? Dans quelle catégorie faut-il classer ce type de locaux ?

M. Laurent Kohler. Tout changement des caractéristiques ou de l’affectation d’un local doit être déclaré à l’administration fiscale. Mais, vous le comprenez, c’est là une question de contrôle.

M. Éric Straumann. Le site Airbnb, au travers duquel des particuliers louent une pièce de leur appartement ou leur appartement tout entier, est en pleine expansion, notamment dans les grandes villes. Ce phénomène fait concurrence à l’hôtellerie. À un moment quelconque, rapproche-t-on les fichiers pour identifier ces propriétaires ? Il n’y a pas de changement d’affectation des locaux. Les locaux de ces particuliers n’étant pas affectés de manière permanente à la location touristique, quelles sont les obligations déclaratives.

M. Laurent Kohler. Sur ce point, il faudrait interroger nos collègues de la sous-direction du contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Au regard des quatre critères rappelés ci-dessus, il me semble que seule la fourniture de linge est assurée dans un cas comme celui que vous décrivez.

Éric Woerth, rapporteur. C’est plutôt un problème d’imposition des revenus de ceux qui se livrent occasionnellement à une telle activité que de classification des locaux.

M. Laurent Kohler. En effet. Est soumise à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) toute propriété bâtie, « fixée au sol à perpétuelle demeure et ayant le caractère de véritable construction ». Il n’y a donc pas d’ambiguïté pour les hôtels, les résidences hôtelières ou des locaux d’habitation loués de manière ponctuelle. S’agissant des habitations légères de loisirs, dans un arrêt du 28 décembre 2005, le Conseil d’État a considéré qu’elles devaient être soumises à la TFPB lorsqu’elles sont posées au sol sur un socle et ne sont pas destinées à être déplacées. Dans un arrêt du 9 novembre 2005, la haute juridiction a considéré qu’il en allait de même si elles étaient fixées à des plots en béton plantés au sol. À défaut, n’est imposée à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) que l’assise de l’habitation légère concernée.

Aux termes de l’article 1380 du code général des impôts, des terrains peuvent être soumis à la TFPB s’ils sont non cultivés et affectés de manière permanente à un usage commercial. Ainsi, selon leur degré d’aménagement, les campings sont soumis soit à la TFPB, soit à la TFPNB. Il est clair qu’une fois aménagé, un terrain sur lequel est implanté un camping n’est plus cultivé. Pour ce qui est de l’affectation à un usage commercial, on considère qu’à partir de la troisième catégorie de camping, telle que résultant de l’arrêté du 6 juillet 2010 classant les terrains de camping en fonction de leurs aménagements, un terrain de camping doit être imposé à la TFPB, alors qu’en deçà, il l’est à la TFPNB.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Quid des campings à la ferme ? Ils ne font l’objet d’aucune classification. Des exploitants de campings traditionnels se plaignent d’une concurrence déloyale, les deux types de campings n’étant pas imposés de la même manière.

M. Laurent Kohler. Il faudrait examiner les situations cas par cas. Mais de façon générale, dans le cas d’un camping à la ferme n’offrant que quelques emplacements, il n’y a pas d’affectation définitive à un usage commercial ni d’aménagements tels qu’il y ait une exploitation commerciale. Les propriétaires de campings à la ferme qui seraient imposés à la TFPB pourraient faire valoir la doctrine fiscale actuelle selon laquelle seuls les terrains classés sont imposés de la sorte.

M. Éric Woerth, rapporteur. Avez-vous une idée du montant moyen des sommes en jeu selon que l’usage est commercial ou non ?

M. Laurent Kohler. Je ne dispose pas d’éléments sur les enjeux financiers. En valeur relative, la TFPB a une assiette plus importante que la TFPNB. Par principe, être assujetti à la TFPNB plutôt qu’à la TFPB aboutit à une imposition moindre.

M. Éric Woerth, rapporteur. Nous avons eu l’an passé un long débat en commission des finances sur le fait de savoir s’il convenait d’imposer les terrains de golf à la TFPB ou à la TFPNB, et des solutions transitoires ont été adoptées pour 2014. L’imposition des terrains réservés à des pratiques sportives, très répandus dans les communes touristiques, reste un sujet à éclaircir. L’enjeu est loin d’être négligeable.

M. Laurent Kohler. Aujourd’hui, les terrains qui font l’objet d’une exploitation commerciale sont imposés à la TFPB, les autres à la TFPNB. Après le débat de l’an passé sur l’imposition des terrains de golf, l’article 59 ter de la loi de finances pour 2014 dispose que les terrains de golf « dont l’aménagement n’a pas nécessité de construction d’ouvrages de maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions » seront soumis à la TFPNB à compter de l’imposition due au titre de 2015. L’article 59 quater, quant à lui, autorise les communes et les EPCI à fiscalité propre à exonérer les terrains de golf de TFPB à concurrence de 75 % ou 50 % au titre de 2014. Pour tous les autres terrains, de jeux ou de sport, faisant l’objet d’une exploitation commerciale, la loi dispose qu’ils sont soumis à la TFPB.

M. Éric Woerth, rapporteur. C’est un sujet important car le nombre de terrains réservés à la pratique d’activités de plein air ne cesse d’augmenter. Le critère de l’exploitation commerciale est-il pertinent ? On est en effet souvent dans une situation ambiguë, entre le commercial et le non-commercial. Les terrains de golf sont souvent gérés par des fédérations, mais les parcours sont aussi parfois loués pour des événements particuliers et des droits spécifiques sont de toute façon exigés des non-membres de la fédération. Il est difficile d’imposer une partie du terrain à la TFPB, et une autre à la TFPNB en fonction du pourcentage respectif du chiffre d’affaires soumis ou non à TVA.

M. Laurent Kohler. L’exploitation peut être commerciale, mixte ou non-commerciale. Beaucoup de critères entrent en ligne de compte, comme la nature de l’activité et les conditions d’exploitation elles-mêmes. Les critères actuels, très tranchés, ne valent certes que ce qu’ils valent, mais au moins ont-ils le mérite de fonctionner. Faut-il en retenir d’autres, plus fins, afin de mieux tenir compte de l’extrême diversité des situations ? Pourquoi pas ? Mais on risque de gagner en complexité.

Mme Monique Rabin, rapporteure. L’objet de nos travaux est de dresser un état des lieux et d’essayer de simplifier les règles, à la fois pour les contribuables redevables de ces taxes et pour les pouvoirs publics chargés de les percevoir. Il faudrait approfondir le sujet car les aires de loisirs se développent, tandis que parallèlement se multiplient, notamment dans les petites communes, des délégations de service public à des associations proposant des activités de plein air. Il ne faut pas rajouter de critères, mais clarifier les choses en tenant compte de ces évolutions. Beaucoup d’aires, gérées par des associations ou des auto-entrepreneurs, sont finalement imposées.

M. Laurent Kohler. Si on devait modifier les critères, il faudrait en trouver de simples et d’efficaces, ce qui ne serait pas chose facile, vu la diversité des situations. Mais nous sommes ouverts à la discussion.

Je ne suis pas sûr que la pratique d’activités ponctuelles, l’été, sur un terrain non aménagé appartenant à une commune par exemple, doive conduire à modifier l’imposition du terrain. Quant aux propriétés, bâties ou non bâties, appartenant à des personnes publiques, affectées à un service public au sens large et ne produisant pas de revenus, elles sont normalement exonérées de TFPB ou de TFPNB. Un terrain municipal servant habituellement à l’entraînement des pompiers mais utilisé l’été comme aire de sport pour les jeunes de la commune ne verrait pas ses modalités d’imposition modifiées.

M. Éric Woerth, rapporteur. On pourrait s’interroger sur le sujet des pistes de ski. Elles sont aménagées et entretenues ; les skieurs paient un forfait pour y accéder. On voit bien que les critères s’interpénètrent. Peut-être le plus simple serait-il de considérer le pourcentage de construction sur le terrain.

M. Laurent Kohler. En ce qui concerne le domaine skiable, l’emprise des téléphériques et autres équipements est imposée à la TFPB. S’agissant des pistes elles-mêmes, certaines sont simplement aménagées durant l’hiver et, l’été, redeviennent des pâturages, d’autres, pour lesquelles le terrain lui-même a dû être modifié sont plus durablement aménagées. Dans ce dernier cas, on considère qu’il ne s’agit plus de non-bâti.

J’en viens à la taxe d’habitation (TH) et à la cotisation foncière des entreprises (CFE) dues, non par le propriétaire comme pour la taxe foncière, mais par l’occupant.

Les hôtels sont assujettis, non à la TH, mais à la CFE. Dans un arrêt de 1968, le Conseil d’Etat a toutefois considéré que l’occupant d’un appartement meublé dans un hôtel, qui l’occupe de manière permanente et exclusive, devait être imposé à la TH. La haute juridiction a précisé en 1984 que cela s’appliquait même si l’exploitant était, lui, assujetti à la taxe professionnelle – qui était à l’époque l’ancêtre de la CFE. Celui qui loue quelques semaines par an, l’été à la mer ou l’hiver à la montagne, un logement qu’il occupe le reste du temps de manière permanente, reste assujetti à la TH.

M. Stéphane Créange, chef du bureau B 2 de la direction de la législation fiscale. Je vais traiter plus spécifiquement de la CFE. La location d’hébergements touristiques étant par nature une activité professionnelle, elle est à ce titre passible de cette taxe. Cependant, le code général des impôts prévoit expressément une exonération de CFE pour cette activité. L’exonération est de droit, sauf délibération contraire des communes ou des EPCI à fiscalité propre concernés. D’après nos dernières statistiques, seules 350 collectivités avaient décidé de ne pas accorder d’exonération.

Est exonérée de CFE la location de tout ou partie d’une habitation personnelle à titre de gîte rural, de meublé de tourisme ou de local ne faisant pas l’objet d’un classement. Ces locaux s’entendent comme dépendant de la résidence personnelle, principale ou secondaire, du loueur qui peut donc s’en réserver la disposition en dehors des périodes de location.

Le décret définissant aujourd’hui le gîte rural comme « logement meublé labellisé Gîtes de France » est dépassé. En effet, le label Gîtes de France n’est plus une catégorie de classement depuis 1997 et il existe désormais d’autres labels, comme Clévacances.

Pour ce qui est des meublés de tourisme, ils sont classés dans les conditions prévues à article 324-1 du code du tourisme. Les gîtes ruraux aussi font l’objet d’une décision de classement.

Il y a enfin la troisième catégorie, des locaux « non classés ».

Un projet de refonte de ce décret, codifié à l’article 322 FA de l’annexe 3 du code général des impôts, et qui est devenu obsolète a été engagé il y a deux ans, en cherchant à élargir la notion. En février 2013, le Comité des finances locales a rendu un avis favorable sur le projet qui tendait à restreindre l’appellation gîte rural aux seuls meublés de tourisme, classés dans les conditions prévues par le code du tourisme, et situés dans une zone de revitalisation rurale (ZRR). Le commissaire à la simplification y a vu une restriction du champ antérieur, et les consultations ont dû être reprises à l’été 2013, notamment avec le ministère de l’agriculture et la DATAR, dont on attend encore les avis. Une simplification est sans doute possible.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Autant de catégories sont-elles bien utiles ? Il doit être en effet possible de simplifier. Si on souhaite à tout prix opérer des distinctions, ne faudrait-il pas prendre en considération plutôt le périmètre des pôles territoriaux ruraux ?

M. Éric Woerth, rapporteur. Un local est donc assujetti à la soit à la TH soit à la CFE. Quel est l’enjeu financier selon qu’on est assujetti à la TH ou à la CFE ?

M. Laurent Kohler. Le régime de la CFE et celui de la TH s’excluent en effet l’un l’autre. Le fait d’être redevable de l’un exonère en général de l’autre. Dans les ZRR, en application de l’article 1407 III du code général des impôts, les communes et les EPCI peuvent, par délibération, exonérer de TH les gîtes ruraux, les meublés de tourisme… La même exonération facultative est applicable pour la TFPB.

M. Stéphane Créange. Pour ce type d’activité, l’imposition à la CFE se traduit, en réalité, souvent par la CFE minimale. Il faudrait comparer avec ce que rapporterait la TH cas par cas.

M. Éric Straumann, rapporteur. La CFE revient souvent aux structures intercommunales, alors que la TH revient souvent aux communes.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Si on sortait définitivement ces activités du champ de la CFE, l’impact financier ne serait-il pas quasi-nul ?

M. Stéphane Créange. On ne parle là que des gîtes ruraux et meublés de tourisme, pas des hôtels ni des résidences hôtelières.

M. Marc Francina. Peut-on taxer les étrangers qui achètent des résidences secondaires à la montagne, y réalisent des aménagements, et « prêtent » ensuite prétendument ces chalets à des amis, lesdits amis changeant toutes les semaines durant l’hiver ? Les contrôleurs du fisc n’ont pas vraiment de moyens de contrôle, les maires non plus.

M. Laurent Kohler. Ces personnes sont imposées à la TFPB sur ces chalets. Ils sont également soumis à la TH, sans aucun abattement puisqu’il s’agit de résidences secondaires. S’ils réalisent des aménagements importants qui consistent, par exemple, à changer la destination des locaux, ils sont tenus de les déclarer, tout comme ils devraient faire les déclarations nécessaires aux services de l’urbanisme. Sinon, c’est de la fraude. Mais les pouvoirs de l’administration fiscale, vous l’avez dit, sont limités. Elle ne peut notamment pas entrer dans un domicile privé. Si la location est source de revenus réguliers, ceux-ci doivent être déclarés et imposés comme tels à l’impôt sur le revenu.

M. Marc Francina. Les revenus sont versés à l’étranger, où les propriétaires et les locataires résident.

M. Laurent Kohler. Sous réserve des conventions internationales, s’il s’agit de revenus fonciers portant sur un immeuble situé en France, ils sont imposables en France, même si le preneur est étranger et le loyer versé à l’étranger. La difficulté est double : il faut identifier les flux, pour déterminer l’assiette, et ensuite recouvrer l’impôt dû. Des conventions prévoient une assistance fiscale entre États. Ce sont nos collègues de la DGFiP qu’il faudrait interroger sur ce sujet.

M. Éric Straumann, rapporteur. Il semble qu’aujourd’hui les services fiscaux ne se rapprochent pas du tout des sites de location touristique sur internet. Certains biens sont devenus un investissement très rentable, dont les revenus échappent à toute fiscalité, en France en tout cas, et vraisemblablement à l’étranger aussi.

M. Éric Woerth, rapporteur. C’est en effet un problème relevant de la DGFiP et du contrôle fiscal.

M. le président Alain Claeys. Messieurs, nous vous remercions.

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Audition du 12 février 2014

Mme Françoise Tahéri, sous-directrice des finances locales et de l’action économique au ministère de l’intérieur

M. Alain Claeys, président. Nous accueillons Mme Françoise Tahéri, sous-directrice des finances locales et de l’action économique au ministère de l’intérieur, qui est accompagnée de Mme Virginie Duhamel-Fouet, chef du bureau de la fiscalité locale avec qui nous allons aborder plus particulièrement la question de la taxe de séjour.

Mme Françoise Tahéri, sous-directrice des finances locales et de l’action économique au ministère de l’intérieur. La taxe de séjour sur les hébergements touristiques est inscrite dans le code général des collectivités territoriales – CGCT –, et nous la suivons surtout dans ses modalités juridiques, plus que sur le plan financier, où notre approche est très globale, faute de données statistiques fines par commune ou type de collectivité.

Il s’agit d’une taxe ancienne puisqu’elle remonte à 1910. Elle a été refondue, mais n’a pas évolué à l’occasion de la réforme du classement des hébergements touristiques. Vous allez auditionner nos collègues de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services qui vous feront part de la volonté de réformer cette taxe. Plusieurs pistes ont été évoquées mais aucune n’a abouti à ce stade.

S’agissant des montants en cause, les documents budgétaires de 2013 font état d’une ressource de 226 millions d’euros pour les communes et les établissements publics de coopération communale – EPCI. Le produit de cette taxe peut être affecté aux offices de tourisme et les départements peuvent percevoir une taxe additionnelle plafonnée à 10 % du tarif de base qui est affectée elle aussi à la promotion du tourisme du département. Certaines collectivités y trouvent une ressource importante et il faut se garder d’une approche trop globale en la matière. D’ailleurs, l’Inspection générale des finances, dans le rapport qu’elle vient de rendre sur les taxes à faible rendement, n’en propose pas la suppression.

M. Éric Woerth, rapporteur. La taxe de séjour est à la fois très simple et très compliquée. Si elle est simple à comprendre et à calculer, il est compliqué d’en définir l’assiette. Qui doit la payer en dehors des hôtels ? Faut-il y assujettir les centres qui accueillent des séminaires, par exemple ? Il est compliqué aussi de la collecter. Il suffit à une personne morale qui ne voudrait pas payer de s’en abstenir puisque la taxe n’est pas perçue par le réseau de collecte forcée de la DGFiP. Enfin, son affectation n’est pas très claire non plus. Y a-t-il ou non obligation pour les communes et les EPCI de verser le produit de la taxe à l’office de tourisme, s’il en existe un ? Et, en l’absence d’un office de tourisme, comment apprécier l’affectation ?

Mme Françoise Tahéri. Nous partageons votre diagnostic et vos critiques.

À propos du caractère affecté de la taxe, le CGCT prévoit que la recette est affectée à l’office de tourisme de la commune, et, à défaut, « à des dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune » ou de l’EPCI. Cette formulation relativement large offre une certaine souplesse.

M. Éric Woerth, rapporteur. La commune, ou autre collectivité, est-elle tenue de verser 100 % de la collecte ?

Mme Françoise Tahéri. Selon le CGCT, la taxe peut être affectée à l’office de tourisme, mais ce n’est pas une obligation.

M. Éric Straumann, rapporteur. La taxe de séjour ne va pas automatiquement à l’office de tourisme puisque certaines communes n’en ont pas. Les communes peuvent aussi avoir d’autres priorités comme le fleurissement, par exemple.

Avez-vous des statistiques sur la taxe départementale, qui n’est perçue que là où existe déjà une taxe locale ? Ne trouve-t-on pas, en périphérie des grandes villes, des communes qui ne se considèrent pas comme des communes touristiques, mais qui accueillent néanmoins des hôtels, généralement bon marché ? Pourrait-on envisager d’élargir l’assiette de la taxe ?

Mme Françoise Tahéri. La taxe départementale est une taxe additionnelle que les départements ont la faculté de la mettre en place. Une vingtaine de départements l’a fait. Cette taxe leur rapporte environ 5 millions d’euros.

Si la collecte n’est pas opérée comme en matière de fiscalité directe locale, c’est néanmoins le comptable de la commune qui encaisse la taxe. Le CGCT prévoit un mécanisme de sanction si l’obligation de payer n’est pas respectée. Des peines d’amende peuvent être prononcées.

Mme Monique Rabin, rapporteure. La taxe de séjour va être maintenue, mais on pourrait envisager d’autres modalités pour imposer les touristes. Il faudrait également s’interroger sur la destination de la taxe. Si l’on veut développer le tourisme, il est tout à fait normal que la taxe soit affectée au fleurissement de la commune ou aux offices de tourisme, mais on peut admettre aussi que l’afflux de touristes induit des charges supplémentaires pour les communes et que la taxe peut les aider à y faire face. Notre objectif ne consiste pas seulement à améliorer le système existant mais nous devons aussi nous demander quelle est la finalité de la taxe de séjour, ce qui nous entraînera plus loin qu’un simple aménagement du dispositif existant.

M. Éric Woerth, rapporteur. Qui prononce les peines d’amende ?

Mme Françoise Tahéri. Il me semble que c’est le tribunal de police qui est compétent, selon le régime de droit commun des contraventions.

La taxe de séjour soulève la question de l’équilibre à trouver entre la politique à mener pour favoriser la fréquentation touristique de notre pays, d’autant plus nécessaire que ce secteur, qui représente environ 7 % du PIB, est l’un des secteurs économiques qui dégage un excédent extérieur, et la prise en compte des contraintes qui pèsent en contrepartie sur les communes.

On peut jouer sur plusieurs leviers comme l’élargissement de l’assiette, en revoyant les exonérations qui sont nombreuses; ou bien en réformant et en augmentant les tarifs, inchangés depuis 2002, par l’introduction d’un mécanisme d’indexation qui n’est pas prévu actuellement par le CGCT.

Quant au caractère affecté de la taxe, on peut s’interroger. La direction générale des collectivités locales préfère faire confiance aux élus en leur laissant le soin de trouver les modalités optimales de leur politique. Nous sommes d’autant plus réservés à l’égard de l’affectation de cette taxe qu’elle s’inscrirait en retrait du droit actuel en vertu duquel cette ressource « peut être » affectée aux offices de tourisme. Cela créerait des contraintes supplémentaires pour les communes.

M. Éric Woerth, rapporteur. Je partage cet avis. Une taxe peut être affectée soit à un organisme, et, dans ce cas, les choses sont claires ; soit à une politique, auquel cas il est beaucoup plus difficile de vérifier sur le terrain. On peut aussi favoriser le tourisme en refaisant les trottoirs ou en fleurissant la voie publique. Pour l’instant, nous sommes dans l’entre-deux et ce n’est pas une bonne chose.

Pourquoi ne pas laisser les élus libres de fixer le montant de la taxe ? Et pourquoi imposer une fourchette déterminée par l’État ?

En revanche, la collecte doit pouvoir bénéficier du réseau de la DGFiP.

Le champ d’application doit être précisé. Faut-il étendre la taxe à ceux qui louent leur appartement via Internet ? Et il n’est pas très facile non plus de repérer les revenus tirés d’une telle activité. Plus généralement, comment traiter les centres privés d’accueil de séminaires, propriété notamment de grandes entreprises qui s’en servent pour leur formation et qu’elles ouvrent à des tiers, et qui décident de leur propre chef qu’ils ne sont pas redevables ? N’y a-t-il pas une distorsion de concurrence par rapport aux établissements classiques ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Quelles sont les pistes d’élargissement de l’assiette ?

Mme Françoise Tahéri. Les types d’hébergement assujettis sont nombreux, même si les nouvelles formes de tourisme ne sont pas expressément prises en compte. On trouve les hôtels de tourisme, les résidences de tourisme, les meublés de tourisme, les villages de vacances, les terrains de camping, les ports de plaisance et une catégorie assez vague : « toute forme d’hébergement à titre onéreux ». Mais vous avez raison, les lieux accueillant des séminaires pourraient parfaitement entrer dans le périmètre.

M. Éric Straumann, rapporteur. Il n’y a pas de problème d’assiette, mais il y a un problème de recouvrement. Quelles sont les exonérations prévues ?

Mme Virginie Duhamel-Fouet, chef de bureau de la fiscalité locale au ministère de l’intérieur. Les exonérations sont liées à l’historique de la taxe. Elles sont prévues, par exemple, dans les stations hydrominérales, climatiques ou uvales – termes qui n’existent plus dans la nomenclature actuelle – pour les mutilés et blessés de guerre… Il y a un certain nombre de choses à revoir, ne serait-ce que parce qu’il n’y a plus, aujourd'hui, que deux catégories de commune – touristique ou station classée.

M. Éric Woerth, rapporteur. Classée ou pas, il suffit que la commune ait un hôtel… La définition est tellement large.

Mme Virginie Duhamel-Fouet. En application du CGCT, il faut relever d’une des catégories de collectivité énumérées : station classée, commune touristique, commune de montagne, commune littorale,… Même si les définitions sont larges, je ne suis pas sûre que toutes les collectivités puissent y entrer quand bien même elles auraient un hébergement hôtelier sur leur territoire.

Mme Pascale Got. Vous êtes-vous informées sur les expériences étrangères ?

Mme Françoise Tahéri. Nous n’avons pas eu le temps de nous livrer à cet exercice.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous devons en savoir plus sur ce qui se fait à l’étranger.

Mme Françoise Tahéri. En ce qui concerne la liberté de fixer les tarifs, le législateur doit les encadrer en vertu du principe de légalité de l’impôt. Selon l’article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant […] l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures… ». Tout au plus la collectivité pourrait-elle moduler le taux en deçà d’un plafond déterminé par la loi.

M. Éric Woerth, rapporteur. Pour le moment, la fourchette est étroite, alors que les dépenses ne sont pas les mêmes selon les communes.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je suis partisan de la libre administration des collectivités. Et s’il s’agissait non plus d’une taxe, mais d’une redevance ?

Mme Françoise Tahéri. Les redevances sont libres. On changerait alors de modèle et d’approche puisque le tourisme deviendrait alors un service industriel et commercial et les recettes et les dépenses devraient s’équilibrer. Je ne suis pas sûre que ce serait plus simple.

M. Alain Claeys, président. Mesdames, je vous remercie.

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Audition du 12 février 2014

M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristiques au ministère du redressement productif

M. Éric Woerth, rapporteur. Nous accueillons M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristiques au ministère du redressement productif. Monsieur, pourriez-vous nous présenter d’abord l’action de votre direction et les points selon vous importants du sujet qui nous intéresse.

M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristique. Je précise tout d’abord que la taxe de séjour, frappant la nuitée, est la seule imposition à peser sur l’activité touristique au sens strict. La taxe de séjour est aux mains de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) mais nous participons à la réflexion sur une possible réforme de cette taxe, dans la mesure où nous sommes plus au contact des professionnels du tourisme que le ministère de l’intérieur.

Les critiques de la taxe de séjour ne sont pas nouvelles et elles émanent tant des élus locaux que des professionnels. Les premiers soulignent qu’elle est d’un rendement faible et qu’elle n’est pas représentative de la réalité d’une économie touristique. Les seconds se plaignent que, n’étant pas instituée partout, elle génère des distorsions de concurrence entre les territoires. Les deux se rejoignent dans leur incompréhension de la justification de cette taxe.

D’après ce que je perçois, il n’y a pas d’effort de pédagogie suffisant pour expliquer à quoi elle sert. Des divergences existent entre élus et professionnels sur les actions menées par les offices du tourisme et financées par la taxe. Devant les protestations des professionnels, les élus ont parfois du mal à justifier son rôle. Peut-être cela tient-il au fait que, bien qu’elle soit affectée, son objet est très vaste : elle doit contribuer à « favoriser la fréquentation touristique ». Dès lors, les collectivités qui perçoivent la taxe en affectent le produit à toute dépense susceptible d’améliorer les conditions de séjour. Or, le caractère quasi universel de la ressource dilue les sommes perçues dans un ensemble de dépenses au sein desquelles n’apparaît pas la justification directe de ce prélèvement opéré sur l’activité économique touristique et dont, en principe, le produit devrait lui profiter. Il s’agit d’une recette de la section de fonctionnement mais qui contribue à l’autofinancement et donc peut contribuer à l’investissement. Force est de constater que cela n’apparaît pas toujours clairement, et ceci n’aide pas à justifier ce prélèvement auprès des professionnels. Je rappelle, d’ailleurs, que taxe peut aussi couvrir des dépenses en faveur de la préservation et à la mise en valeur des espaces naturels, communaux et départementaux.

Avec la DGCL, nous avons essayé d’engager des réformes. Des rapports d’inspection ont été rendus, tendant à transformer la taxe de séjour en une « taxe touristique », par le biais d’un élargissement de l’assiette, notamment par le recours à d’autres critères que la nuitée. S’est alors posée la question de savoir quelles activités retenir sans frapper aussi les résidents. Définir les activités touristiques s’est révélé complexe si bien que les gouvernements successifs n’ont pas donné suite.

D’autres pistes ont été envisagées comme la réforme de l’une des « deux » taxes – on distingue le forfait pesant sur les logeurs et la taxe au réel pesant sur les personnes hébergées – avec la volonté de privilégier le premier qui, par rapport à la seconde, présente l’avantage de limiter l’évasion fiscale. Cela a été étudié dans un rapport d’inspection de 2004. Finalement, les élus ont manifesté la volonté de conserver leur liberté de choix.

De façon assez paradoxale, la taxe est critiquée pour son faible rendement mais l’on voudrait aussi frapper le moins possible les activités touristiques, notamment quand elle est recouvrée au forfait. Par ailleurs, le contrôle en est difficile. La taxe est recouvrée par le comptable municipal, au profit de la commune et du département en cas de taxe additionnelle.

Il faut prélever une somme juste sur l’économie touristique sans trop la frapper. L’équilibre ne peut être trouvé et la taxe légitimée que par le retour qu’obtiennent les professions touristiques. Le droit prévoit que l’utilisation de la taxe doit être justifiée, il suffirait de l’appliquer. En effet, l’exécutif local doit, dans le compte administratif, faire état de la somme qui a été recouvrée et de l’usage qui en a été fait. Ce reporting est destiné à ouvrir le débat au sein de l’organe délibérant de la collectivité, voire au sein de l’office de tourisme. L’important, c’est d’en discuter. La légitimité d’un prélèvement sur l’activité touristique réside dans la capacité des élus à expliquer son utilisation.

M. Éric Woerth, rapporteur. Dans ma collectivité, ce sont les hébergeurs qui proposent ; ensuite, elle dispose.

M. Michel Cazaubon. Votre exemple illustre l’intérêt du débat. Il faut montrer que la taxe est investie au profit de l’économie touristique, pour améliorer l’attractivité ou l’efficience du territoire, surtout quand il s’agit d’un secteur déterminant. Plus le territoire est touristique, plus la question du niveau et de l’affectation de la taxe est légitime et importante. Nous militons pour que la discussion se tienne déjà au sein de l’office de tourisme, qui constitue une enceinte privilégiée puisqu’il coordonne l’activité des professionnels.

Les limites de la taxe, fixées par le législateur entre 0,20 et 1,50 euro, sont déjà anciennes. Peut-être faut-il y voir l’une des raisons de son faible rendement. On pourrait imaginer une formule d’indexation, par exemple sur le coût de la vie.

On pourrait aussi s’interroger sur l’assiette et étendre la taxe à des formules d’hébergement au-delà de celles qui le sont déjà. Je pense en particulier aux camping-cars et aux bateaux de croisière, en particulier aux megaships. Les enjeux ne sont pas minces, pour des ports tels que Le Havre ou Marseille où les installations portuaires servent aux très nombreux de vacanciers qui s’y déversent. On pourrait légitimement et facilement frapper les croisiéristes puisque les armateurs ont la liste nominative des passagers. Comme les bateaux se déplacent la nuit, le fait générateur serait l’amarrage à quai. On pourrait aussi envisager de taxer certains parkings dédiés, comme ceux construits le long de certaines plages. Les lieux seraient désignés par les collectivités, selon une procédure particulière à fixer. Un tel système ne peut cependant fonctionner qu’avec un tarif déterminé, c'est-à-dire de façon censitaire. En ce qui concerne les camping-cars, il s’agirait d’une sorte de compensation à la taxe de séjour qu’ils n’acquittent pas et qui pourrait servir à financer l’aménagement d’espaces à leur profit.

M. Éric Woerth, rapporteur. Avez-vous, avec vos collègues de la DGFiP, réfléchi à la collecte ?

M. Michel Cazaubon. Il n’y a pas de difficulté particulière même s’il n’est pas simple d’aller chercher le produit quand il ne vient pas. Nos collègues de la législation fiscale nous ont souvent dit qu’il n’était pas possible, en l’état des textes, de prévoir la taxation d’office. Il serait sans doute intéressant que ce soit le fisc qui liquide et recouvre la taxe, et non plus le comptable municipal.

Dans ce cadre, peut-être pourrait-on réfléchir à une taxe nationale dont le produit serait ventilé entre plusieurs organismes tels qu’Atout France qui promeut l’image du pays à l’international.

M. Éric Woerth, rapporteur. Je suis sceptique… Il faut laisser des initiatives aux collectivités et la taxe relèverait alors du niveau national. Cela dit, la collectivité n’a pas les moyens d’aller vérifier elle-même si ce qui lui a été versé est conforme à ce qui lui est dû.

M. Michel Cazaubon. Cela dépend, certaines communes du sud de la France s’en donnent les moyens. J’ai en tête l’exemple d’une commune, entre 20 000 et 40 000 habitants, qui vérifie le produit fiscal. Mais cela suppose du personnel et toutes les communes ne sont pas en mesure de le faire, d’autant plus que les communes touristiques sont souvent petites. Elles comptent souvent entre 3 000 et 5 000 habitants.

M. Éric Woerth, rapporteur. Quelle est la procédure, exactement ?

M. Michel Cazaubon. Le logeur qui collecte la taxe doit en verser spontanément le produit aux dates fixées par une délibération du conseil municipal. Il doit également établir une déclaration s’appuyant sur son registre, avec la durée de séjour et le nombre de personnes concernées. Les déclarations et les règlements ne sont pas forcément concomitants. Si le logeur ne paie pas, le comptable peut intervenir. Dans le système au réel, l’ordonnateur, en début de période, émet le titre de recettes que le comptable recouvre aux dates fixées par le conseil municipal, si bien qu’il est plus garant de régularité que le forfait.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Comment les autres pays européens financent-ils le tourisme ?

M. Michel Cazaubon. Sans pouvoir être très précis, je pense à la Tunisie qui a instauré une taxe nationale sur le chiffre d’affaires des compagnies aériennes pour financer la promotion. Il y a deux ans, la Catalogne a institué une taxe sur les nuitées, dans la limite de sept jours. Elle est modulée mais son niveau est trois à quatre fois supérieur au nôtre. Un système similaire existe au Cap Vert, je crois. À Amsterdam, la taxe est calculée en pourcentage, 4 ou 5 %, de la facture d’hébergement. On trouve à la fois des approches locales et nationales. Dans ce cas, il s’agit de promouvoir pays à l’international et cela a son importance.

M. Éric Woerth, rapporteur. Que savez-vous des travaux de l’OCDE ?

M. Michel Cazaubon. L’OCDE mène une enquête dans le but de déterminer les systèmes les plus efficaces au plan économique, pour savoir si une taxe sur le tourisme stimule ou freine l’investissement, et si elle rend les entreprises plus innovantes. Autant de questions dont nous attendons impatiemment les réponses.

M. Éric Woerth, rapporteur. Monsieur, il ne me reste plus qu’à vous remercier.

Audition du 5 mars 2014

M. Olivier Colcombet, président du directoire de Belambra, et M. Lionel Gouget, directeur administratif et financier.

M. Éric Straumann, rapporteur. Nous accueillons M. Olivier Colcombet, président du directoire de Belambra, et M. Lionel Gouget, directeur administratif et financier de cette société.

M. Olivier Colcombet, président du directoire de Belambra. Pour, tout d’abord, présenter nos activités nous vous avons apporté trois dossiers : le premier contient la présentation commerciale de notre offre de séjour, qui figure également sur notre site Internet en français et en anglais ; le deuxième est un document à usage interne, destiné à diffuser nos valeurs et nos codes d’expression dans l’entreprise, laquelle emploie 2 500 personnes en pleine activité ; le troisième s’adresse aux collectivités locales où nous sommes implantés. Nous sommes en effet attachés à avoir de bonnes relations avec celles-ci, pour lesquelles nous constituons généralement un acteur économique important.

Belambra a remplacé VVF, association créée il y a une soixantaine d’années grâce notamment à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et qui a décliné après avoir connu un succès considérable. En effet, VVF qui a bénéficié d’implantations remarquables dans des lieux extraordinaires, a souffert d’un modèle économique ne prévoyant pas une marge d’exploitation suffisante pour injecter dans l’outil de travail les flux nécessaires au maintien et à l’adaptation de ces installations.

Nous l’avons sauvée, en changeant de nom et en ajoutant de nouveaux établissements à son périmètre d’origine, qui comprenait de grands établissements mais aussi de plus petits dont les murs appartenaient, non à des sociétés civiles immobilières (SCI), mais à des collectivités locales. Il s’agissait souvent de très petites communes, pour lesquelles ces établissements constituaient un moyen de maintenir l’activité économique locale. N’ayant pas les moyens d’y injecter des fonds, elles étaient dépendantes d’un système de subventions nécessitant une structure sans but lucratif.

Lorsque la CDC a transformé VVF en société anonyme pour lui donner un cadre juridique, il a donc fallu maintenir dans le régime associatif le périmètre détenu par les communes, qui s’appelle aujourd’hui VVF Villages. Cette association a d’ailleurs été regroupée avec une autre du même type, VAL – Vacances Auvergne Limousin. Cela dit, nous n’avons plus de relations économiques ou juridiques avec cette structure, dont le conseil est représenté à la CDC. Reste qu’elle est dans une situation économique très tendue.

La société anonyme a d’abord pris le nom de VVF Vacances puis, fin 2007, celui de Belambra prononçable dans les différentes langues européennes. Cette marque est désormais reconnue dans la profession.

Nous exploitons près de soixante établissements, dont 25 % sont en haute montagne – et ont donc deux saisons – et la plupart des autres sur le littoral. La marque est caractérisée par sa destination exclusivement française : notre action internationale, qui se développe, consiste à faire venir des étrangers dans notre pays.

Notre clientèle est diverse : nous exerçons, entre autres, le métier de la neige et celui des vacances scolaires, qui est le cœur de notre activité puisque nous nous adressons aux familles avec enfants. Nous avons développé un véritable savoir-faire dans ce domaine en proposant de grands parcs sécurisés destinés aux enfants de tous âges. Nos clubs poussins accueillent ainsi les bébés de trois mois, ce qui correspond à une activité à la fois très technique et réglementée. En tout, nous recevons chaque année environ 100 000 enfants avec leurs parents.

Nous offrons aussi des activités sportives : nous avons ainsi conclu depuis plusieurs années un partenariat avec la Fédération française d’athlétisme, consistant à accueillir chez nous des athlètes de haut niveau pendant les vacances scolaires pour jouer le rôle de « coachs athlétisme-santé » et proposer une grande variété d’activités.

Nous servons environ 3 millions de repas par an, sans faire appel à des sous-traitants, avec les mêmes performances économiques que les grandes sociétés de restauration. Nous connaissons donc bien les questions de négociations d’achat et d’hygiène et de sécurité, qui sont très astreignantes.

En dehors des vacances scolaires, nous visons un autre type de clientèle et accueillons des séminaires d’entreprise ou des congrès.

Faire venir des étrangers en vacances en France implique d’être connu à l’étranger, ce qui nécessite beaucoup de moyens. Si nous sommes très connus en Belgique francophone, où nous sont proposés des partenariats sur les grands médias, nous devons principalement passer par des tours opérateurs très coûteux.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Que représentent les étrangers en pourcentage dans votre clientèle ? Avez-vous un partenariat avec Atout France ?

M. Olivier Colcombet. Les étrangers représentent environ 17 % de notre chiffre d’affaires. Ils se concentrent sur les établissements de haute montagne et la Méditerranée. Nous nous efforçons d’avoir une signalétique en français et en anglais et avons, dans ces centres, du personnel parlant les langues étrangères.

Nous avons en effet des partenariats avec Atout France.

Notre hôtellerie a une forme particulière, très saisonnière. Si certains de nos établissements sont ouverts toute l’année, la plupart ferment quatre à six mois par an. Nous faisons donc un métier très difficile, à faible marge, et raisonnons plus en termes de cash-flow disponible qu’en termes de marge d’exploitation. Notre activité est par conséquent très fragile.

M. Éric Straumann, rapporteur. S’agissant de la taxe de séjour, le rapport établi en juin 2013 par le cabinet de conseil CTR fait état d’une méconnaissance préoccupante par les communes touristiques de la réalité et de la diversité des modes d’hébergement présents sur leur territoire, ce qui pèse sur l’application du mécanisme de cette taxe. Quelle est votre analyse sur ce point ?

M. Olivier Colcombet. Les modalités de la taxe de séjour nous paraissent pour le moins erratiques.

Je peux vous donner l’exemple d’un maire qui m’a adressé, en décembre 2013, un courrier dans lequel il annonçait son intention de doubler la taxe de séjour, avec un effet rétroactif pour 2013. C’est aberrant de modifier la règle pour des séjours qui ont déjà eu lieu !

Nous sommes mal à l’aise dans le rôle de collecteur d’impôt que nous jouons de fait. Nous ne contestons pas le fondement de la taxe, mais nous nous étonnons de l’arbitraire quant aux montants demandés.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Sur les différents sites que vous gérez, la taxe de séjour est-elle collectée à l’unité ou de manière forfaitaire ? Comment la clientèle perçoit-elle cette taxe dont elle ignore souvent l’existence lors du paiement de son séjour ?

M. Charles de Courson. Comment imputez-vous la taxe ?

M. Éric Woerth, rapporteur. Quel est le montant total collecté ?

M. Olivier Colcombet. La taxe de séjour est acquittée par les clients lorsqu’ils sont accueillis dans nos établissements – ils ont au préalable payé l’intégralité de leur séjour. Ce procédé est très étonnant, voire déplaisant pour eux. Il crée parfois des tensions et des litiges avec la clientèle à l’occasion du premier contact entre cette dernière et les employés locaux. Ce mode de fonctionnement est néfaste pour la qualité de la relation avec la clientèle.

M. Lionel Gouget, directeur administratif et financier de Belambra. La taxe est collectée de manière unitaire sur place, sauf cas exceptionnels comme pour les tours opérateurs ou les groupes. Le montant collecté en 2013 s’élève à 1,45 million d’euros alors que le chiffre d’affaires dans le secteur du tourisme représente 148 millions d’euros et l’EBITDA c’est-à-dire les revenus de l’entreprise avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations à 1,5 million d’euros.

M. Olivier Colcombet. L’EBITDA normatif, vers lequel nous essayons de tendre – ce devrait être le cas en 2015 – est de l’ordre de 8 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Pourquoi la taxe de séjour n’est-elle pas comprise dans le forfait payé par le client ?

M. Olivier Colcombet. Parce qu’il y a autant de taux que de communes. Mais cette pratique de la collecte locale tient d’abord de l’habitude.

M. Charles de Courson. Votre critique du mode de perception est liée non pas à l’état des textes régissant la taxe de séjour, mais au choix que vous avez fait. Vous pourriez tout à fait prélever la taxe en amont, sans que les clients aient d’ailleurs connaissance de son existence.

M. Olivier Colcombet. Dans ce cas, nous serions dans l’obligation de la faire apparaître sur la facture. Mais il nous faut sans doute repenser le système de collecte, je le reconnais.

M. Charles de Courson. Que faites-vous lorsqu’un client refuse de payer la taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. Il ne la paie pas, mais nous versons le montant correspondant à la commune.

M. Éric Straumann, rapporteur. Cela ne doit pas être très fréquent. Le problème tient peut-être à un manque d’information du client puisque la taxe de séjour apparaît à la fin de votre brochure dans les conditions générales de vente. En Allemagne et en Autriche, la taxe est perçue localement, mais le client est prévenu préalablement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Toutes les communes dans lesquelles vous êtes installés ont-elles instauré une taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. Oui, mais les taux sont très hétérogènes.

M. Éric Woerth, rapporteur. La variation des taux de la taxe ne devrait pas poser, a priori, de difficulté majeure.

M. Olivier Colcombet. Cette audition nous suggère une remise à plat de la question bien que celle-ci ne soit pas notre première préoccupation. La taxe de séjour est un problème essentiellement local qui est déconnecté de l’évolution de l’entreprise.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quels coûts de gestion occasionne la collecte de la taxe de séjour ? Cela représente-t-il une charge de travail significative ?

M. Lionel Gouget. Les coûts de gestion sont difficiles à évaluer, mais ils sont réels, qu’il s’agisse de la déclaration, du reversement ou de la collecte.

M. Éric Straumann, rapporteur. La taxe de séjour constitue souvent la seule dépense du séjour pour vos clients, à l’exception peut-être des boissons qui ne sont pas comprises dans le forfait.

M. Olivier Colcombet. Les clients disposent d’une carte qui est créditée à leur arrivée pour s’acquitter de leurs dépenses sur place.

M. Éric Straumann, rapporteur. Jugez-vous la taxe de séjour légitime ? Quelles sont les contreparties apportées par les collectivités ? Le mode d’encaissement vous paraît-il suranné ? Doit-on envisager de substituer à cette taxe une autre forme de fiscalité ?

M. Olivier Colcombet. La taxe de séjour est légitime, car elle permet aux communes qui la perçoivent de financer les besoins spécifiques liés à l’activité touristique en fonction de la fréquentation – l’accueil de nos clients a nécessairement des conséquences pour la commune sur le territoire de laquelle nous sommes implantés. Mais ses modalités, surannées comme vous l’avez dit, mériteraient d’être revues. En outre, nous regrettons que les taux soient arbitraires.

M. Éric Woerth, rapporteur. La variation des taux est une constante de la fiscalité locale, à cette différence près que la taxe de séjour n’est pas obligatoirement prélevée…

M. Charles de Courson. Avez-vous déjà fait l’objet d’un contrôle de l’assiette et du paiement de la taxe ? Avez-vous eu recours aux exonérations prévues par la loi ?

M. Olivier Colcombet. Je n’ai pas le souvenir d’un contrôle. Nous reviendrons vers vous après avoir vérifié ces deux points. Le flou de nos réponses illustre combien la taxe de séjour constitue pour nous un sujet marginal. Nous nous acquittons de la tâche par nécessité et par habitude. Alors que nous sommes une entreprise très structurée, normée et centralisée, la taxe de séjour n’obéit à aucun de ces critères. Nous vous ferons part de la remise à plat que nous avons décidé d’entreprendre sur cette question à la suite de cette audition.

M. Éric Woerth, rapporteur. Nous auditionnons ensuite les représentants d’Airbnb. Les nouveaux modes de réservation vous font-ils de la concurrence ? Si oui, considérez-vous celle-ci comme déloyale ?

M. Olivier Colcombet. La concurrence dans notre métier est assez diffuse puisqu’elle s’exerce avec toutes les formes de vacances.

Nous ne sommes pas opposés à la concurrence, qui au demeurant est plutôt stimulante, dès lors que l’État garantit l’égalité des chances. Or, en matière de normes, ce n’est pas le cas. Nous sommes écrasés par les normes, dont le respect peut être très onéreux, alors que les activités auxquelles vous faites référence n’y sont pas soumises.

M. Éric Straumann, rapporteur. Vous ne souffrez probablement pas de la concurrence de ces activités puisque vous proposez une offre plus complète, incluant l’accueil des enfants et la restauration.

M. Olivier Colcombet. En effet, aucun directeur d’établissement ne m’a rapporté de problèmes posés par cette concurrence.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Quelles sont vos relations avec les collectivités locales ? Existe-t-il un dialogue avec elles sur la taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. Nous avons presque partout des relations très fortes et personnelles avec les maires et les conseils municipaux.

M. Éric Woerth, rapporteur. L’affectation des ressources procurées par la taxe de séjour fait-elle l’objet d’une discussion avec le maire ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. On pourrait également imaginer que la commune vous consulte sur le montant de la taxe et son évolution. Avez-vous d’autres idées de soutien fiscal aux collectivités locales ?

M. Olivier Colcombet. Nous entretenons des relations étroites avec les collectivités et les élus. C’est une nécessité absolue. L’épuration des eaux ou la qualité des voies sont des sujets de négociation. En revanche, sur la taxe de séjour, les seules discussions que nous pouvons entreprendre ont pour objet de résister à des augmentations erratiques, qui sont malgré tout assez rares.

M. Charles de Courson. Aucune commune ne vous a jamais associé à un groupe de travail sur l’affectation de la taxe de séjour ?

M. Olivier Colcombet. La direction de l’entreprise ne l’a jamais été. En revanche, si certains directeurs locaux peuvent avoir à débattre de cette question, c’est au titre de la fonction qu’ils exercent au sein de l’office du tourisme, pas de celle qu’ils occupent dans l’entreprise.

Audition du 5 mars 2014

M. Nicolas Ferrary, country manager France et M. Richard Boutet, directeur des affaires publiques d’Airbnb

M. Éric Woerth, rapporteur. Pourriez-vous, avant que nous en venions aux questions de la fiscalité du tourisme, nous présenter rapidement votre activité et ses enjeux ?

M. Nicolas Ferrary, country manager France d’Airbnb. La société américaine Airbnb a été créée en 2008 ; elle possède plusieurs bureaux dans différents pays en Europe et dans le monde, dont un à Paris depuis février 2012. Elle met en relation, via une plateforme, des voyageurs et des hébergeurs qui souhaitent louer, soit une chambre à leur domicile, soit ce domicile lui-même s’ils s’en absentent pendant une période donnée pour des raisons personnelles ou professionnelles, soit encore une résidence secondaire.

Notre site est domicilié aux États-Unis. La filiale française, qui a le statut de société à responsabilité limitée (SARL) emploie une quinzaine de personnes. Elle a des activités de marketing et de promotion. Elle assure donc des services pour le compte de la maison mère.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quel est votre chiffre d’affaires ?

M. Nicolas Ferrary. La filiale parisienne est rémunérée par la maison mère à San Francisco, laquelle facture les frais de services prélevés sur chaque réservation.

M. Charles de Courson. Que représentent ces frais en pourcentage ?

M. Nicolas Ferrary. La publication d’une annonce sur notre site est gratuite ; les transactions s’effectuant par l’intermédiaire de celui-ci – ce qui est un élément de sécurité pour les utilisateurs. Nous nous rémunérons en prélevant des frais de services sur chaque transaction, à hauteur de 3 % du côté de l’hébergeur et de 6 à 12 % – selon le montant de la réservation – du côté du voyageur.

M. Charles de Courson. Quel est le pourcentage moyen des frais de service ?

M. Nicolas Ferrary. Il est de 3 % du côté de l’hébergeur et, en moyenne, de 9 % du côté du voyageur, soit 12 % au total.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quel circuit les flux financiers suivent-ils ?

M. Nicolas Ferrary. Un utilisateur basé à Strasbourg qui souhaiterait réserver une chambre à Paris adresserait d’abord, via notre plateforme, une demande de réservation à l’hébergeur ; dès lors que la réservation est acceptée et confirmée, le paiement est encaissé par Airbnb Inc., qui le conserve jusqu’à l’arrivée du voyageur dans le logement, avant de le reverser, dès le lendemain, à l’hébergeur.

M. Éric Straumann, rapporteur. L’argent passe donc par les États-Unis ?

M. Nicolas Ferrary. Oui.

M. Éric Straumann, rapporteur. Comment l’hébergeur perçoit-il son argent ? Par un virement en provenance des États-Unis ?

M. Nicolas Ferrary. Oui.

M. Charles de Courson. Pourriez-vous prendre un exemple concret ?

M. Nicolas Ferrary. Prenons celui d’un Parisien qui proposerait un logement à 100 euros la nuit. Sur l’annonce, il est explicitement mentionné que ce prix s’entend hors frais de services. Si un Strasbourgeois fait une demande de réservation, il paiera donc 100 euros, plus, mettons, 9 % – soit 109 euros. Ce paiement, effectué par carte bancaire sur le site, arrivera à Airbnb Inc., qui conservera la somme jusqu’au lendemain de l’arrivée du voyageur dans les lieux ; après quoi Airbnb Inc. adressera, depuis les États-Unis, un virement sur le compte bancaire de l’hébergeur, virement qui, dans notre exemple, sera de 97 euros – 100 euros moins 3 % de frais de services.

M. Charles de Courson. Vous ne payez donc pas de TVA ?

M. Nicolas Ferrary. Si, sur l’ensemble des frais de services, qui correspondent à des montants hors taxes.

M. Éric Straumann, rapporteur. Où est encaissée la TVA ? En France ou aux États-Unis ?

M. Nicolas Ferrary. En France, dans l’exemple que je viens de prendre.

M. Charles de Courson. Si un voyageur allemand loue un hébergement en France, la TVA est-elle payée en France ou en Allemagne ?

M. Nicolas Ferrary. Dans ce cas, la TVA correspondant aux frais de services de 6 à 12 % est payée en Allemagne, et celle correspondant aux frais de services de 3 % l’est en France – c’est l’inverse si c’est un Français qui loue à l’étranger.

M. Charles de Courson. Quid de la taxe de séjour ?

M. Nicolas Ferrary. Son montant varie selon les collectivités, comme vous le savez. Notre rubrique d’aide contient des informations sur ce point, tout comme les newsletters adressées à nos utilisateurs. Ces informations sont aussi précises que possible, étant entendu que nous conseillons d’abord à nos utilisateurs de se renseigner auprès des autorités locales. Nous réfléchissons d’ailleurs avec les collectivités aux moyens d’améliorer ce système : hier, nous nous sommes entretenus à ce sujet, par téléphone, avec le directeur de l’office de tourisme de Médoc Océan. Dans cette région a été mis en place, en plus du système de pourcentage à la nuitée destiné aux professionnels, un forfait pour les particuliers, dont le montant, calculé sur la base d’une occupation de six mois par an, dépend des capacités d’accueil et du classement de l’hébergement. Nous aimerions mettre en avant ce système auprès de nos utilisateurs, car il nous paraît plus simple. Quoi qu’il en soit, il nous est difficile de communiquer auprès d’hébergeurs potentiellement situés dans les 36 000communes françaises, qui ont chacune leur système propre. C’est pourquoi nous appelons de nos vœux une simplification, qu’il s’agisse des montants de la taxe ou des modalités de sa collecte.

M. Éric Woerth, rapporteur. Recueillir les informations relatives à la taxe de séjour ne me semble pas une tâche insurmontable au vu de celles que vous accomplissez déjà. Au fond, le paiement de cette taxe pourrait faire partie de vos services : cela serait plus facile pour les loueurs, qui ne sont pas des professionnels de l’hébergement.

M. Charles de Courson. Êtes-vous en mesure de savoir qui paie ou non la taxe de séjour, parmi vos utilisateurs ?

M. Nicolas Ferrary. Non, nous n’avons pas de moyen de le savoir, mais nos entretiens avec les offices régionaux permettent de nous faire une idée. L’office de Médoc Océan estime ainsi que 50 % des particuliers paient la taxe.

Une information plus segmentée est effectivement envisageable, mais la grande majorité des hébergeurs utilisent aussi d’autres plateformes que la nôtre, lesquelles ont chacune un système de réservation différent. Dans l’hypothèse où nous assurerions la collecte, il faudrait indiquer à l’hébergeur qu’il doit faire une déclaration séparée pour toute réservation ayant fait l’objet, sur un autre site, d’une transaction hors ligne. Cela me semble techniquement possible, mais pour le moins complexe : il serait plus simple pour l’hébergeur de payer la taxe via un comptoir unique et sous une forme forfaitaire.

M. Éric Woerth, rapporteur. La majorité des personnes qui louent un hébergement le font de façon régulière, j’imagine. Il est peu probable qu’ils multiplient les canaux de diffusion, dès lors qu’ils ont trouvé une plateforme efficace comme la vôtre.

M. Nicolas Ferrary. En zone urbaine, la majorité des hébergeurs louent leur résidence principale, pour des durées plutôt courtes ; c’est le cas de 83 % d’entre eux à Paris, qui la louent en moyenne un peu plus de trois nuits par mois, ce qui représente une somme de 300 euros au total.

M. Charles de Courson. Louent-ils une chambre ou la totalité de leur appartement ?

M. Nicolas Ferrary. Les deux cas sont possibles. Notre site propose, en France, un tiers de chambres chez l’habitant et deux tiers de logements complets.

Dans les zones non urbaines, les résidences secondaires ou dédiées à la location sont plus nombreuses. En ce cas, les hébergeurs déposent en général leur annonce sur plusieurs plateformes – abritel.fr ou leboncoin.fr, par exemple.

M. Charles de Courson. Avez-vous une idée du niveau de déclaration de la taxe de séjour par les hébergeurs louant une résidence secondaire ?

M. Nicolas Ferrary. Je ne dispose pas d’autres informations que celles communiquées par les autorités locales, comme l’office de Médoc Océan. Reste également à savoir si les paiements de la taxe correspondent à son niveau réel… Cet office nous a indiqué qu’il était impossible de contrôler le nombre de nuitées effectives, et que celui-ci était au demeurant difficile à établir par l’hébergeur lui-même, surtout s’il loue via des plateformes différentes ; d’où le choix d’un système forfaitaire. Un important travail de communication reste néanmoins à faire, notamment par des sites comme le nôtre, pour améliorer la prise en compte de la taxe par les hébergeurs.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Notre mission s’intéresse aussi aux autres types d’imposition. À cet égard, votre site a été récemment pointé du doigt dans la presse : confirmez-vous l’information du Nouvel Observateur, selon laquelle vous auriez encouragé les hébergeurs à payer leur impôt aux États-Unis ?

M. Nicolas Ferrary. Non, bien entendu. Peut-être faites-vous allusion au message que nous avons envoyé à nos hébergeurs, pour leur demander s’ils étaient ou non imposés aux États-Unis ; mais jamais nous ne les avons incités à payer leur impôt dans ce pays. Nous insistons même sur la nécessité, pour eux, de se renseigner sur les systèmes fiscaux en vigueur et de les respecter.

La location de courte durée peut être soumise à différents types de fiscalité. La grande majorité de nos hébergeurs étant des particuliers, c’est l’impôt sur le revenu qui est concerné – mais, pour quelques autres, ce peut être l’impôt sur les sociétés.

M. Charles de Courson. Vous n’êtes pas tenu, que je sache, de déclarer au fisc français les montants versés aux hébergeurs au titre des locations effectuées via votre site.

M. Nicolas Ferrary. Nous n’avons qu’une obligation d’information, à laquelle s’ajoutera bientôt celle qui nous est faite par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « ALUR », de recueillir une déclaration sur l’honneur par laquelle l’hébergeur indique qu’il connaît les législations en vigueur et les respecte.

M. Charles de Courson. Les plateformes qui jouent le rôle d’intermédiaire pourraient aussi notifier les locations annuellement par voie informatique à l’administration fiscale afin qu’elle établisse un bulletin de recoupement. Serait-ce difficile à mettre en œuvre ?

M. Nicolas Ferrary. Techniquement, cela me paraît possible. Toutefois, sachant qu’un grand nombre de nos hébergeurs utilise plusieurs plateformes, et qu’une partie de leur activité de location se fait « hors ligne », je m’interroge sur l’efficacité de la démarche.

M. Éric Woerth, rapporteur. Chaque plateforme serait évidemment soumise à la même obligation.

M. Charles de Courson. Le numéro INSEE de chaque personne physique proposant une location serait transmis à l’administration fiscale qui pourrait recouper ces données avec les déclarations individuelles, comme cela se pratique déjà pour les salaires ou les revenus de capitaux mobiliers. Cette solution permettrait à la fois de résoudre le problème de la sous-déclaration des revenus et celui de la taxe de séjour.

M. Éric Straumann, rapporteur. L’absence de déclaration serait facilement détectée.

M. Éric Woerth, corapporteur. Quel est le montant du chiffre d’affaires d’Airbnb dans notre pays ?

M. Éric Straumann, corapporteur. Et celui de la TVA versée au fisc français ?

M. Nicolas Ferrary. Je n’ai pas en tête le chiffre d’affaires de la SARL française.

M. Éric Straumann, rapporteur. Ce qui nous intéresse, c’est évidemment le chiffre d’affaires réalisé par le groupe sur le territoire français. Le service que vous proposez est fondé sur un système informatique très performant ; je serais étonné que vous ne connaissiez pas le montant des sommes versées annuellement par les personnes qui ont trouvé un hébergement en France sur votre site internet !

M. Nicolas Ferrary. C’est une donnée que je ne suis pas en mesure de vous communiquer. Je peux en revanche vous indiquer que, depuis 2008, un million de personnes ont été hébergées en France par l’intermédiaire d’Airbnb, et que plus de 500 000 d’entre elles l’ont été durant la seule année 2013.

M. Charles de Courson. Pouvons-nous connaître la dépense moyenne d’un voyageur ?

M. Nicolas Ferrary. Nous savons qu’à Paris un hébergeur loue en moyenne trois nuits par mois et gagne 100 euros par nuitée.

M. Éric Straumann, rapporteur. Cela donnerait une dépense de 300 euros à multiplier par 500 000. Le chiffre d’affaires d’Airbnb s’élèverait donc en France au minimum à 150 millions d’euros !

M. Nicolas Ferrary. Non ! Le nombre de voyageurs ne correspond pas au nombre de réservations : plusieurs personnes peuvent occuper un même logement. De plus, toutes nos annonces ne concernent pas Paris, même si sur plus de 50 000 hébergements proposés en France, plus de 20 000 se situent dans la capitale.

M. Éric Straumann, rapporteur. Combien de personnes y a-t-il en moyenne par réservation ?

M. Nicolas Ferrary. Leur nombre est, en moyenne, supérieur à deux.

M. Charles de Courson. Disons que vous avez enregistré environ 50 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2013, et que votre groupe en a conservé en moyenne 12 %, soit 6 millions d’euros !

M. Nicolas Ferrary. Je vous laisse la responsabilité de ces calculs. Je vous confirme en revanche que 88 % des revenus générés sont reversés aux hébergeurs.

Je vous ferai parvenir les données concernant la TVA car je n’ai pas les chiffres en tête.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Demandez-vous aux hébergeurs de signer une charte qui porterait à leur connaissance des questions relatives au droit de l’urbanisme et au droit fiscal – comme celle, par exemple, concernant la destination des logements loués ?

M. Nicolas Ferrary. Les hébergeurs présents sur notre site ont tous accepté nos conditions générales d’utilisation. En ce qui concerne l’application des réglementations locales, notre site précise dans une rubrique « Autorisations et enregistrements » : « Renseignez-vous sur les obligations qui peuvent s’appliquer en termes de permis, sécurité ou santé. Les autorités compétentes en charge du contrôle de l’utilisation et du développement des logements de votre secteur peuvent avoir des informations utiles sur ces réglementations. » Une rubrique « Taxes » indique également qu’il revient à l’hébergeur de se renseigner sur la fiscalité en vigueur et de s’y conformer.

Nous recueillerons les déclarations sur l’honneur rendues obligatoires par la loi ALUR  dès que celle-ci entrera en vigueur.

M. Éric Woerth, rapporteur. Les flux financiers sont-ils à sens unique ou la société française verse-t-elle des commissions au groupe américain ?

M. Nicolas Ferrary. Nous sommes seulement une société de prestations de services du groupe ; nous ne sommes soumis à aucune charge à ce titre.

M. Éric Straumann, rapporteur. Faut-il définitivement comprendre que le chiffre d’affaires réalisé par Airbnb en France constitue un secret d’affaires ? Une richesse considérable s’évapore tout de même vers les États-Unis.

M. Charles de Courson. Le montant du chiffre d’affaires mondial du groupe nous intéresse.

Nous savons que 600 000 logements sont proposés à la location dans le monde. Avec 50 000 logements, la France représente donc environ 8 % du parc total. Nous savons aussi que 11 millions de personnes ont voyagé grâce à votre site…

M. Nicolas Ferrary. Nous comptabilisons en effet 11 millions de voyageurs depuis la création du site en 2008, sachant que nous sommes en forte croissance.

M. Charles de Courson. Le nombre de voyageurs dans le monde ayant trouvé un hébergement grâce à votre site en 2013 peut être estimé à 4 ou 5 millions.

M. Nicolas Ferrary. L’ordre de grandeur me paraît juste.

M. Charles de Courson. On peut en conséquence penser que de 500 à 800 millions d’euros transitent dans ce cadre par les États-Unis.

M. Nicolas Ferrary. Je ne suis pas à l’aise pour vous répondre car l’entreprise n’est pas cotée : ses comptes ne sont pas publics, et je vous ai fourni les chiffres que je pouvais vous communiquer.

La diversité des flux qui font couramment intervenir trois pays – celui d’où part le voyageur, celui dans lequel il est hébergé, et celui auquel est rattachée la plateforme qu’il utilise – complique aussi la question du chiffre d’affaires. Il faut tenir compte, par exemple, du cas des étrangers qui réservent en France en utilisant une plateforme dont les coûts de structure et les salariés sont principalement américains.

M. Charles de Courson. Les 12 % prélevés sur les montants versés en France s’appliquent-ils de façon identique dans le monde ou ce taux est-il variable ?

M. Nicolas Ferrary. Ce taux est le même dans le monde entier.

M. Éric Straumann, rapporteur. Avez-vous déjà fait l’objet d’un contrôle fiscal ? La TVA est déclarative ; un hébergeur peut prétendre qu’il habite dans un autre pays. Quel montant de TVA versez-vous au fisc sur les réservations effectuées à partir du territoire national ?

M. Nicolas Ferrary. Nous n’avons pas fait l’objet d’un contrôle fiscal. En la matière, nous ne savons pas ce qu’il en est de nos hébergeurs pour ce qui concerne leurs déclarations individuelles.

Nous vous transmettrons les données relatives à la TVA.

M. Charles de Courson. Il serait utile que vous puissiez distinguer entre les lieux de commande et d’hébergement car, selon les cas, la TVA sur les frais de service ne s’applique pas de la même façon.

Votre groupe a-t-il discuté avec l’administration fiscale française ? Savez-vous s’il a passé des accords avec des administrations fiscales étrangères ?

M. Nicolas Ferrary. Je n’ai connaissance ni de discussions de cette nature ni d’accords de ce type.

 Nous souhaitons que les hébergeurs se mettent en règle fiscalement, et nous sommes partisans d’une simplification de leurs démarches. Il faut faire plus simple pour celui qui n’a jamais proposé aucun bien à la location car, en plus de l’impôt sur le revenu, il va être soumis, selon sa commune de résidence, à une taxe de séjour qui peut prendre la forme d’un forfait ou d’un montant proportionnel. En la matière nous sommes favorables à l’instauration d’un guichet unique.

M. Éric Woerth, rapporteur. Il ne me semble pas plus compliqué de modifier sa déclaration de revenus et de s’informer sur le paiement de la taxe de séjour que de faire la démarche de louer en utilisant votre site. Vous pourriez par exemple proposer aux hébergeurs un modèle de courrier à transmettre au département ou à la mairie. En fait, tout est plutôt question de contrôles et d’abus !

M. Nicolas Ferrary. Les choses restent parfois complexes concernant la taxe de séjour. Cela dit, si l’ensemble des mairies fonctionnait en acceptant la solution que vous proposez, nous serions prêts à l’adopter. J’ajoute que, quitte à mettre en place un dispositif commun, nous serions évidemment favorables à un traitement électronique des informations.

M. Charles de Courson. Que pensez-vous d’une inversion du système, sur le modèle retenu pour les auto entrepreneurs ? Les plateformes internet pourraient acquitter en amont un impôt forfaitaire à la place des hébergeurs, dont le taux pourrait par exemple être fixé à 25 %, ce qui couvrirait la TVA et l’impôt sur le revenu. Mieux vaut un dispositif qui permet de recouvrer l’impôt qu’un autre, peut-être plus juste, mais qui n’y parvient pas !

M. Nicolas Ferrary. Pourquoi pas ? Le principe de l’impôt unique me semble excellent, mais je reste dubitatif sachant qu’il existe plusieurs plateformes.

M. Charles de Courson. Chaque plateforme paierait selon les locations de ses hébergeurs.

M. Éric Woerth, rapporteur. Le sujet mérite en tout cas que nous poursuivions notre réflexion. Messieurs, nous vous remercions.

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Audition du 5 mars 2014

M. Jean-Luc Brenner, sous-directeur à la gestion comptable et financière des collectivités locales, et M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction des professionnels de la Direction générale des finances publiques

M. Éric Straumann, rapporteur. Nous accueillons M. Jean-Luc Brenner, sous-directeur à la gestion comptable et financière des collectivités locales, et M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction des professionnels de la Direction générale des finances publiques.

M. Éric Woerth, rapporteur. Nous nous intéressons à la fiscalité touristique et à la taxe de séjour, dont la DGFiP semble assez peu se préoccuper. L’objet de notre audition est de mieux comprendre votre rôle dans le domaine de la fiscalité locale et, plus précisément, dans la collecte et le contrôle de la taxe de séjour.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction des professionnels de la DGFiP. La taxe de séjour est gérée par les ordonnateurs, donc par les collectivités locales, et recouvrée par le réseau des comptables de la DGFiP, selon une organisation assez similaire à celle qui fonctionne pour d’autres impôts, notamment les impôts d’État, avec, d’une part, un service de gestion, et, d’autre part, un acteur en charge du recouvrement.

Les contrôles sont menés par les élus locaux, par l’intermédiaire d’agents commissionnés, nommés par eux et qui effectuent ce que l’on appelle les rappels, mis en recouvrement auprès du comptable de la collectivité locale.

M. Charles de Courson. Le fait que l’assiette de cette taxe soit établie par la collectivité locale ou par l’établissement public de coopération intercommunale est-il conforme au droit constitutionnel français ?

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. L’article 34 imposant au législateur de déterminer les règles en matière de gestion, de contrôle et de recouvrement des impositions, dès lors que l’on agit dans un cadre légalement défini, je ne vois pas ce qui pourrait poser un problème constitutionnel.

M. Charles de Courson. L’État peut-il déléguer à une collectivité territoriale le soin d’établir l’assiette d’une taxe pouvant être définie comme une imposition de toute nature ? Nous nous sommes déjà posé la question pour d’autres taxes, et j’aimerais connaître votre analyse sur le sujet.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. À ma connaissance, la DGFiP n’a jamais analysé la question en ces termes. Il nous semble en effet que la définition de l’assiette est relativement claire, que la matière imposable, les conditions d’application de la taxe et son taux sont assez bien déterminés par les textes.

M. Charles de Courson. Mais je répète ma question : est-il légal que ce soient les collectivités locales qui établissent aujourd’hui l’assiette de l’impôt, sur la base des déclarations que veulent bien fournir les particuliers ? Pensez-vous que cela soit conforme au principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Votre question n’est pas vraiment au cœur de notre sujet.

M. Éric Woerth, rapporteur. Il revient aux collectivités d’organiser la collecte et le contrôle de la taxe de séjour, le rôle du comptable public étant de l’encaisser et de la comptabiliser. Mais ces collectivités sont souvent désemparées devant la mise en œuvre de cette taxe, et on a le sentiment que la DGFiP ne tient pas à s’en mêler.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. Au sein même de la sphère de l’État, la DGFiP ne gère pas la totalité des taxes existantes, et le législateur a procédé à une répartition des rôles entre les différents acteurs publics. Nous mettons en œuvre ce que la loi a prévu.

Nous parlons ici d’un impôt qui, conformément à nos grands principes fiscaux, est fondé sur le déclaratif, puis sur le contrôle. Pour être efficace, ce contrôle doit s’appuyer sur une connaissance très fine du tissu fiscal. Or qui connaît mieux ce tissu que la collectivité locale, qui peut compter pour cela sur l’office du tourisme ou le syndicat d’initiative, auprès de qui sont référencés les loueurs de meublés, de chambres d’hôte ou de gîtes ruraux ?

M. Charles de Courson. Mais quels sont les outils dont dispose la collectivité territoriale pour contrôler que les déclarations des acteurs touristiques sont correctes et exhaustives ? Je sais d’expérience que certains de ces acteurs ne déclarent pas leur activité ou qu’ils la déclarent mais prétendent n’en avoir tiré aucun revenu faute de client. La DGFiP, chargée du recouvrement de l’impôt sur le revenu, dispose, elle, de ce pouvoir.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous pensons que le système actuel n’est pas satisfaisant et aimerions connaître vos suggestions techniques pour l’améliorer.

M. Charles de Courson. Que pensez-vous de l’idée que le législateur confie à l’administration fiscale le soin d’asseoir la taxe de séjour, de la recouvrer et de la contrôler ?

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. Dans ce cas, la DGFiP appliquerait la loi comme elle le fait pour tous les autres impôts. Mais il faut être conscient que, nos moyens se resserrant, nous les allouons aux objectifs prioritaires, dont je ne peux vous garantir que le recouvrement de la taxe de séjour fasse partie.

Cela étant, on peut en effet imaginer de coupler les déclarations de taxe de séjour avec celles dont dispose déjà la DGFiP et d’inclure cette taxe dans les procédures de contrôle qui touchent les particuliers.

M. Éric Woerth, rapporteur. Les collectivités locales sont assez démunies aujourd’hui face à un contribuable qui ne paie pas sa taxe de séjour. Elles n’ont pas la puissance de l’administration fiscale et, à moins d’aller en justice, elles en restent souvent là. Cela pose un problème d’inégalité devant l’impôt.

M. Charles de Courson. Les loueurs les plus astucieux choisissent de ne déclarer que la moitié des revenus qu’ils tirent de leur activité.

M. Jean-Luc Brenner, sous-directeur à la gestion comptable et financière des collectivités locales. Il convient de se demander pourquoi le législateur a choisi d’organiser comme il l’a fait le recouvrement de cette taxe, confiant aux communes et aux départements - lesquels peuvent adopter une taxe additionnelle – le soin de définir l’assiette. Il me semble que c’est parce qu’il s’est posé la question du rapport entre le rendement de cet impôt et son coût, et qu’il a souhaité, par ailleurs, responsabiliser les collectivités qui décident d’un impôt et doivent donc en supporter le coût.

Sachant que certaines communes disposent des outils juridiques mais pas des ressources nécessaires au contrôle, pourquoi ne pas déléguer cette compétence au niveau intercommunal, voire la mutualiser entre plusieurs collectivités ?

Je rappelle que les collectivités peuvent opter soit pour une taxation au forfait soit pour une taxation au réel. Dans ce dernier cas, c’est l’hébergeur qui liquide et recouvre directement la taxe auprès de son client, en fonction du barème adopté par la collectivité, avant de la reverser au comptable de la commune. Celle-ci n’a donc aucune assiette à gérer et doit se contenter de vérifier que l’hébergeur a bien appliqué les précomptes demandés. Le choix de gestion de l’assiette relève donc des collectivités, et il convient de les responsabiliser financièrement.

M. Éric Woerth, rapporteur. Cette taxe rapporte à certaines collectivités.

M. Charles de Courson. Son rendement est de l’ordre de 170 millions d’euros.

M. Éric Woerth, rapporteur. Elle concerne une activité économique qui n’est pas toujours aisément identifiable, puisqu’elle n’exige aucune autorisation municipale, à la différence des cas d’occupation du domaine public. En cela, la taxe de séjour se rapproche des impôts gérés par l’État, et les petites collectivités ne sont pas toujours bien outillées pour la gérer convenablement. Je comprends, cela étant, que la DGFiP ne soit pas très désireuse de s’en charger, compte tenu des frais de gestion que cela occasionnerait et qu’il faudrait répercuter sur les collectivités. On peut néanmoins s’interroger sur l’opportunité d’effectuer des recoupements avec les données dont disposent vos comptables.

M. Charles de Courson. Lorsque la DGFiP contrôle un camping qui n’a déclaré que 80 % de ses revenus, elle procède à un redressement ; mais elle n’effectue jamais de redressement sur la taxe de séjour.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. Cela ne rentre pas dans notre champ de compétence.

M. Charles de Courson. Vous pourriez néanmoins transmettre l’information.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. La levée du secret fiscal nous autorise en effet à communiquer ce type d’information confidentielle, mais il faut bien distinguer entre les moyens juridiques et les moyens matériels. Je veux bien entendre que les textes actuels qui régissent la taxe ne sont sans doute pas suffisamment développés pour fonder une action en contrôle de la part d’acteurs locaux.

Se pose par ailleurs le problème de l’accès à l’information. Certes, le recoupement peut être un moyen d’accéder à cette information, mais il existe également au plan local des moyens d’identifier les lieux d’activité, ne serait-ce qu’en se référant à la profusion de panonceaux publicitaires censés attirer le client. Il faut ensuite se doter des moyens juridiques permettant de vérifier la véracité des déclarations.

M. Charles de Courson. On sait parfaitement que les propriétaires de gîtes ruraux sous-déclarent leur activité. Comment contrôler, par exemple, les règlements effectués en espèces ?

Je pense que le système en place n’est pas constitutionnel et qu’il doit être réformé. C’est pour cela que nous souhaitions connaître votre opinion sur l’idée de transférer la gestion de cette taxe à la DGFiP.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. Dans cette hypothèse, j’appelle l’attention du législateur sur la nécessité de clarifier l’assiette, pour éviter au vérificateur d’avoir à se renseigner auprès des 36 000 communes sur les taux en vigueur. S’il relève d’une administration d’État, il est recommandé que cet impôt ait peu ou prou les mêmes caractéristiques sur l’ensemble du territoire.

M. Éric Woerth, rapporteur. L’assiette est plutôt homogène. Seul le taux varie en fonction des collectivités locales. Ce qui est compliqué, c’est qu’il s’agit d’un impôt touchant une activité diffuse – nous n’avons pas évoqué la location par internet, qui génère des flux assez significatifs mais complexes à appréhender.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vous êtes-vous interrogés sur la location par internet ?

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. La DGFiP s’efforce d’intégrer dans son spectre de surveillance l’activité commerciale qui procède d’internet. Cela étant un site comme Airbnb, qui offre une plateforme aux particuliers souhaitant louer leurs biens, ne concerne que des montants assez modiques, n’offrant qu’un complément de revenu. Seule une analyse fiscale précise permet ensuite de qualifier ces revenus pour déterminer, par exemple, s’ils relèvent des bénéfices industriels et commerciaux. Je précise enfin que, si la surveillance des plateformes est assez aisée, il est plus difficile de surveiller les hébergements proposés en ligne sur des sites personnels.

M. Éric Woerth, rapporteur. On vous sent en définitive assez peu concernés par le sujet. Il appartient donc au législateur de poursuivre sa réflexion plus avant.

M. Éric Straumann, rapporteur. Messieurs, nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre à nos questions.

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Audition du 5 mars 2014

Mme Joëlle Massoni, chef du bureau CF1 à la sous-direction du contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques, et M. Dominique Valentin, chef de la section « Lutte contre la fraude » du bureau CF1

M. Éric Straumann, rapporteur. Nous vous remercions d’avoir répondu à notre invitation. Nous souhaiterions aborder avec vous la question du recouvrement de la taxe de séjour et de son contrôle.

Mme Joëlle Massoni, chef du bureau CF1 à la sous-direction du contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques. La Direction générale des finances publiques (DGFiP) ne gère ni l’assiette ni le contrôle de la taxe de séjour, impôt local indirect qui appartient au groupe des taxes non fiscales. La seule intervention de la DGFiP est celle, in fine, de ses comptables, pour l’encaissement des recettes liées à cette taxe et l’information des collectivités sur les montants encaissés à ce titre. Nous avons pris connaissance du rapport dans lequel le cabinet de conseil CRT fait état des difficultés qu’éprouvent les communes, en l’absence de moyens de contrôle, pour recenser précisément les modes d’hébergement sur leur territoire et recouvrer la taxe. Il faut dire que si les personnes louant, partiellement ou en totalité, un bien immobilier, sont tenues d’en faire la déclaration préalable en mairie, l’amende de 450 euros prévue en cas de non-respect de cette obligation n’est peut-être pas suffisamment dissuasive.

Si le contrôle de la taxe de séjour n’entre pas dans le domaine de compétence de la DGFiP, il en va bien sûr autrement de la non-déclaration des revenus qui seraient tirés de la location.

M. Éric Woerth, rapporteur. Ainsi, la DGFiP n’a jamais exercé, sur demande d’une collectivité locale, de contrôle relatif à la taxe de séjour ?

Mme Joëlle Massoni. Non, puisque ce contrôle spécifique n’entre pas dans nos attributions. Mais il arrive que des communes situées dans des secteurs touristiques, s’inquiétant de savoir si elles ont bien perçu la totalité du produit de la taxe de séjour, demandent à l’administration fiscale les informations dont elle dispose à ce sujet.

M. Éric Straumann, rapporteur. L’obligation de déclaration préalable s’applique-t-elle aussi aux particuliers qui louent une de leurs chambres ?

Mme Joëlle Massoni. Elle vaut pour toute personne, physique ou morale, qui se livre à la location de manière habituelle et répétitive.

M. Charles de Courson. Si une personne crée un gîte, un camping ou une chambre d’hôte, la création de cette activité vous est-elle déclarée – ou n’est-ce pas le cas ?

Mme Joëlle Massoni. Nous avons connaissance de cette activité si le contribuable nous la déclare, mais il n’existe pas de système spontané et automatique d’échange d’informations entre la DGFiP et les mairies.

M. Charles de Courson. Faudrait-il pour cela une base législative nouvelle ?

Mme Joëlle Massoni. Oui, car cela supposerait de lever, au titre du droit de communication prévu dans le livre des procédures fiscales, le secret professionnel et le secret fiscal. Ensuite se poserait la question de la faisabilité de la mesure au regard de l’enjeu fiscal.

M. Éric Straumann, rapporteur. Lorsqu’ils procèdent au contrôle fiscal d’un professionnel du tourisme, les agents de la DGFiP vérifient-ils qu’il a payé la taxe de séjour ?

Mme Joëlle Massoni. Non, puisque cette taxe, n’étant pas un impôt, n’entre pas dans le cadre juridique du contrôle fiscal. Mais le contrôle nous permet, en tirant un fil, de dérouler la pelote de toutes les impositions dont le contribuable est redevable et qui relève de notre compétence : par exemple, la contribution à l’audiovisuel public si un téléviseur est mis à disposition dans le cadre de la location, ou les impôts fonciers. Nous vérifions donc que le revenu tiré des locations a été déclaré comme il devait l’être en fonction de la catégorie fiscale du contribuable.

Pour plus de clarté, je dirai quelques mots sur la fiscalité de la location meublée. Elle s’envisage de manière différente selon qu’il s’agit d’une location ponctuelle par un particulier – dont le produit est alors déclaré comme un revenu foncier –, ou d’une activité effectuée à titre habituel, ce qui ne signifie pas obligatoirement de façon continue, comme on le voit avec les locations saisonnières, qui entrent dans ce cadre car il y a répétition. Le produit de la location meublée fait partie des bénéfices industriels et commerciaux, mais l’on distingue deux catégories : l’activité professionnelle et l’activité non-professionnelle. Les règles de taxation des revenus tirés de cette activité diffèrent peu dans un cas et dans l’autre, sinon pour l’imputation des déficits – le déficit provenant de l'activité de location meublée exercée à titre non professionnel ne peut s'imputer que sur les revenus de même nature ; le déficit éventuel de l'activité de location meublée exercée à titre professionnel est imputable sur le revenu global du contribuable. La taxation des plus-values diffère également selon ces deux catégories.

L’octroi du statut de loueur en meublé professionnel suppose trois conditions : le foyer fiscal doit être inscrit au registre du commerce ; les recettes annuelles retirées de l'activité de location meublée doivent être supérieures à 23 000 euros ; ces recettes doivent excéder les autres revenus d’activité. Ce statut emporte diverses exonérations.

À mon sens, le lien entre le sujet d’étude de votre mission et la location saisonnière, c’est la détection éventuelle de la non-déclaration des revenus tirés de cette activité si elle est pratiquée de manière occulte, ou leur minoration.

M. Éric Woerth, rapporteur. Il est difficile d’appréhender les revenus tirés de locations, ponctuelles ou habituelles, conclues par le biais de l’Internet. Contrôlez-vous les sites spécialisés dans ces locations ? Êtes-vous en relation avec eux ?

Mme Joëlle Massoni. Le déclenchement d’un contrôle fiscal peut avoir trois sources. La première est l’analyse-risque par l’exploitation des banques de données de la DGFiP, qui incluent les déclarations des contribuables ; elle nous permet de repérer des « clignotants fiscaux » qui peuvent entraîner soit un contrôle du bureau, soit un contrôle fiscal externe et une vérification de comptabilité. La deuxième source, « événementielle », est l’information interne aux services de gestion. Le troisième volet de la programmation du contrôle fiscal est la recherche de ce qui ne nous a pas été déclaré. Cette quête de renseignements peut être faite à deux niveaux : par la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) d’une part, par les brigades départementales de contrôle et de recherche (BCR) d’autre part. Le sujet qui vous occupe sera traité dans ce cadre. J’ajoute que si la fraude en ce domaine a été facilitée par l’Internet, ce vecteur n’a pas suscité un nouveau dispositif frauduleux : l’absence de déclaration des revenus tirés de locations saisonnières préexistait à l’apparition de ces sites électroniques.

Les formes de la fraude évoluent constamment et la DGFiP essaye continuellement d’adapter ses moyens juridiques et son action à cette évolution. C’est ainsi qu’en 2009 le Parlement a permis – ce que traduit l’article L 96 G du livre des procédures fiscales – que les agents des impôts puissent se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d’accès, les hébergeurs de sites de ventes de biens et de services en ligne, et les opérateurs de services. Ce droit de communication concerne les données relatives à l'identification du vendeur ou du prestataire, la nature des biens ou des services vendus, la date et le montant des ventes.

M. Éric Straumann, rapporteur. Mais ces dispositions ne valent que pour les sites domiciliés en France, n’est-ce pas ?

Mme Joëlle Massoni. C’est effectivement la limite du droit de communication. Lorsque les sites sont domiciliés à l’étranger, nous tentons de passer par les hébergeurs, mais les renseignements dont ils disposent sont souvent imprécis. J’ajoute que les informations dont j’ai dressé la liste sont celles que nous sommes autorisés à nous faire communiquer ; cela ne signifie pas qu’elles soient toujours complètes ni, donc, exploitables par nos services. Aussi avons-nous accompli d’importants efforts de formation. La DNEF a créé une brigade nationale d’intervention spécialisée, dont l’un des rôles est de former les agents des BCR aux méthodes de détection des fraudes commises dans le cadre du commerce électronique.

M. Éric Woerth, rapporteur. Les sites considérés affichent, pour chaque location proposée, des données dont chacun peut prendre connaissance. Même s’il faut ensuite opérer des croisements et des recoupements qui demandent du temps, ces éléments sont en accès libre.

M. Charles de Courson. Vos services utilisent-ils ces renseignements dans le cadre de leurs recherches ?

Mme Joëlle Massoni. Oui, mais dans l’optique que j’ai exposée : la détection de locations dont nous pouvons penser, après recoupements, que le produit ne nous a pas été déclaré. Pour cela, nous nous reportons par exemple au calendrier de disponibilité des locaux. Je précise que la DNEF et les BCR privilégient les recherches qui permettront une imposition ; cela les incite à s’intéresser d’abord aux locations de villas de luxe ou d’une grande superficie. D’autre part, nous devons motiver nos propositions de rectification de l’imposition, et les informations obtenues en consultant le calendrier des disponibilités sur les sites spécialisés ne suffisent pas à elles seules à apporter la preuve juridique du montant exact de la recette annuelle obtenue. Des recoupements ultérieurs sont nécessaires ; ensuite, il faut procéder à un contrôle fiscal. Lorsqu’il s’agit d’un particulier, sauf à avoir démontré l’existence d’une activité occulte, on ne peut faire de vérification de comptabilité, et pour accéder aux comptes bancaires il faut engager un examen de la situation fiscale personnelle. Cette procédure lourde n’est déclenchée qu’en cas de fort enjeu fiscal.

M. Éric Woerth, rapporteur. Les opérateurs qui se rémunèrent par des commissions demandées aux bailleurs et aux locataires sont-ils contrôlés ? Certaines règles doivent-elles être adaptées, singulièrement pour ceux qui agissent depuis des pays étrangers ?

Mme Joëlle Massoni. Il en va pour ces opérateurs comme pour les autres sites de commerce électronique : notre axe d’intervention est la détection et la démonstration d’une activité occulte. Mais, avec l’Internet, la première question qui se pose est celle de la territorialité de l’impôt – il nous faut commencer par démontrer que l’opérateur a une activité et éventuellement un établissement stable en France. Ces enquêtes relèvent des directions nationales de contrôle, dont les vérifications permettront de montrer qu’une activité commerciale partiellement ou totalement non déclarée s’est déroulée sur le territoire national ; ainsi déterminera-t-on le montant de l’imposition relative à l’activité démontrée.

M. Charles de Courson. Vos services ont-ils procédé à de nombreux redressements dans le domaine de l’hébergement ?

Mme Joëlle Massoni. Nous réalisons entre 50 000 et 52 000 contrôles fiscaux chaque année ; comme le vecteur Internet ne fait pas l’objet d’un suivi spécifique, je ne saurais vous répondre précisément. Mais même si le nombre de contrôles effectués dans ce secteur n’est sans doute pas très élevé, l’enjeu fiscal des contrôles effectués peut être très important.

M. Éric Straumann, rapporteur. Ce matin, les représentants d’un opérateur Internet agissant depuis les États-Unis nous ont dit payer la TVA en France mais ne pas tenir de comptabilité dans notre pays, la filiale française ayant pour seule activité la prestation de services pour le compte de la société mère. Autant dire que, sans comptabilité, il n’y a aucun moyen de contrôle possible, bien que des opérations fiscales aient lieu sur notre sol.

M. Charles de Courson. Sinon que le paiement de la TVA sur les honoraires perçus donne mécaniquement un ordre de grandeur des transferts effectués entre les États-Unis et la France pour rémunérer les bailleurs.

M. Éric Straumann, rapporteur. C’est vrai, mais faute d’avoir accès à la comptabilité de la société mère américaine, l’administration fiscale française n’a aucun moyen de contrôler le montant d’un contrat qui peut être conclu par un Strasbourgeois pour une location saisonnière à Paris.

Mme Joëlle Massoni. L’assistance administrative internationale nous permet d’interroger nos homologues étrangers sur une société ou une activité et d’obtenir, sinon toute une comptabilité, du moins des renseignements. Puis il nous faut établir la territorialité en démontrant que la société en cause a, en France, un établissement stable qui a exercé une activité et généré des produits non déclarés. La procédure qui sera ensuite engagée sera la procédure classique qui s’applique en de tels cas, que la société visée soit ou non un site électronique.

M. Charles de Courson. Vous semble-t-il possible, sur le plan juridique, de demander aux sites considérés d’adresser par voie électronique à l’administration fiscale la liste de tout ce qui a été payé en France par le biais d’accords conclus aux États-Unis ?

Mme Joëlle Massoni. Actuellement, non.

M. Charles de Courson. Un nouveau texte en ce sens vous serait-il utile ?

Mme Joëlle Massoni. Les services de contrôle fiscal sont preneurs de toutes informations qui nous permettent de faire des recoupements. Les textes qui règlent les droits de communication sont anciens ; nous revenons régulièrement devant le Parlement pour les adapter à l’évolution des activités et des fraudes pour nous permettre de mieux recouper nos informations et les déclarations qui nous sont faites. Le dispositif que vous évoquez relèverait d’une obligation déclarative des entreprises, obligation qui, je le rappelle, doit alors être proportionnée à l’enjeu fiscal.

M. Charles de Courson. Que pensez-vous de l’idée d’instituer un système de paiement forfaitaire pour l’ensemble des impôts dont serait redevable une personne louant un bien immobilier pour une courte durée ? La fréquentation du site de location dont nous avons auditionné ce matin les responsables est en train d’exploser : le nombre de personnes ayant été hébergées via ce site a été de l’ordre de 500 000 en 2013. Et bien que nous n’ayons pu obtenir des montants précis, il est possible, par recoupements, d’évaluer à environ 100 millions d’euros le profit généré par ces locations, reversé à 88 % aux Français qui louent leur domicile ou leur résidence secondaire.

Il est vrai qu’une telle somme n’est pas considérable d’un point de vue fiscal. C’est pourquoi on pourrait envisager un système de forfait comparable à ce qui est appliqué aux auto-entrepreneurs : en donnant à l’administration française, via le site de location, l’équivalent de 25 % du prix de la nuitée, le loueur serait quitte de ses obligations fiscales, qu’il s’agisse de la TVA ou de l’impôt sur le revenu. Une telle idée vous paraît-elle pertinente ?

Mme Joëlle Massoni. Si je vous comprends bien, les utilisateurs de ce service verseraient au site, en plus de la commission, une sorte de prélèvement libératoire correspondant à l’impôt sur le revenu dont ils seraient redevables au titre de la location de leur logement.

Ce qui me gêne, dans un tel système, c’est qu’il reviendrait à supprimer la progressivité de l’impôt sur le revenu, faute de tenir compte de la situation personnelle des particuliers concernés.

M. Charles de Courson. Mais ce forfait intégrerait toutes les impositions exigibles, y compris la TVA et la taxe de séjour. Ce serait un prélèvement à la source forfaitaire et libératoire.

M. Dominique Valentin, chef de la section « Lutte contre la fraude » du Bureau CF1. Une location meublée proposée par un particulier ne donne pas lieu au paiement de la TVA. Celle-ci ne peut s’appliquer qu’à une activité para-hôtelière, comprenant des services associés à la location.

Mme Monique Rabin, rapporteure. C’est parfois le cas.

M. Dominique Valentin. Oui, dans les gîtes, par exemple. Mais un particulier qui donne en location une partie d’un immeuble à usage d’habitation n’y est pas assujetti.

M. Charles de Courson. Le problème est que, dans la mesure où les sommes pouvant être recouvrées ne sont pas très importantes en comparaison du coût d’un contrôle fiscal – même si le total n’est pas négligeable –, cette ressource potentielle ne vous intéresse sans doute pas.

Mme Joëlle Massoni. Cela exigerait par ailleurs une nouvelle législation et de nouvelles modalités d’imposition, ce qui réclame une expertise.

M. Charles de Courson. Je sais que ma proposition va à l’encontre de la position de l’actuelle majorité. Pour autant, tous les prélèvements forfaitaires n’ont pas été supprimés. Pour exceptionnel qu’il soit, le système ne serait donc pas unique.

M. Éric Woerth, rapporteur. Tout particulier sait que le produit d’une location constitue un revenu susceptible d’être pris en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Quant à la taxe de séjour, dès lors qu’une information sur ce sujet est délivrée au niveau local, il sait aussi qu’il doit s’en acquitter. Le problème concerne donc surtout le contrôle.

Par ailleurs, les sites jouant le rôle d’intermédiaire dans la location devraient rappeler aux utilisateurs leurs obligations fiscales, d’autant que celles-ci n’exigent pas des efforts démesurés : il suffit d’informer la mairie qu’on loue un bien occasionnellement et d’intégrer le produit de cette location dans le calcul de l’impôt sur le revenu.

Mme Joëlle Massoni. Il est vrai que toute personne réalisant un revenu en louant un bien est supposée ne pas ignorer qu’elle doit le déclarer. Cela étant, le non-paiement de l’impôt ne relève pas nécessairement de la fraude délibérée. Il est possible d’améliorer la communication et la prévention en rappelant – par exemple sur impots. gouv. fr – les obligations dont doivent s’acquitter les gens qui mettent un bien en location.

Par ailleurs, outre internet, nous disposons, grâce à nos dossiers, d’autres moyens de recoupements. Ainsi, en comparant le patrimoine aux revenus, on peut identifier les personnes possédant plusieurs biens soumis à la taxe foncière sans pour autant percevoir de revenu foncier. Bien sûr, un propriétaire peut avoir des raisons de ne pas vouloir mettre ses biens en location, mais une telle situation, surtout dans une zone touristique, n’en représente pas moins pour nous une sorte de clignotant qui nous conduit à examiner le dossier plus attentivement.

M. Charles de Courson. Le problème est que le site dont nous parlons concerne essentiellement – à hauteur de plus de 60 % – les résidences principales. Qu’il existe ou non des gens possédant cinq maisons sans en tirer aucun revenu – ce qui est sans doute très rare –, les transactions dont nous parlons concernent surtout des personnes qui louent leur appartement pendant un week-end ou la durée de leurs vacances.

M. Éric Woerth, rapporteur. De toute façon, l’enjeu en termes de recettes fiscales est relativement faible : ce qui importe surtout, c’est l’inégalité de traitement dont souffrent les professionnels de l’hôtellerie. Si la « zone grise » se développe, le système finira par exploser. Certes, l’existence d’un secteur d’hébergement soumis à des règles plus souples a ses avantages, mais il ne peut coexister avec un secteur plus professionnalisé que si une certaine égalité de traitement est maintenue entre eux. Par ailleurs, il est un moment où l’on passe du statut d’amateur à celui de professionnel, dès lors que l’activité de location a du succès – ce que permet facilement internet. C’est pourquoi les contribuables doivent être pleinement informés.

M. Charles de Courson. Le recoupement automatique des informations serait un moyen puissant d’inciter les contribuables à déclarer ce type de revenu, quitte à appliquer le régime fiscal de la micro-entreprise. Le micro-BIC n’est pas forfaitaire, c’est l’abattement qui l’est.

Mme Joëlle Massoni. Il est certain que des possibilités de recoupement accrues renforcent le caractère dissuasif de la lutte contre la fraude.

En tout état de cause, la location temporaire de biens immobiliers n’est pas du tout une activité délaissée par nos services. Les brigades de contrôle et de recherche – notamment celles situées en zone touristique – vérifient que de telles locations ont fait l’objet d’une déclaration. Dans ce but, elles ont recours non seulement aux sites internet, mais aussi aux offices du tourisme ou aux organismes de location saisonnière.

M. Charles de Courson. J’espère que ma question n’est pas de nature à trop vous perturber, mais pensez-vous que la taxe de séjour est conforme à la Constitution ? Autrement dit, peut-on confier à une collectivité locale le soin d’établir l’assiette d’un impôt, alors qu’une décision du Conseil constitutionnel a exclu toute possibilité de déléguer ce pouvoir régalien ?

Mme Joëlle Massoni. Je crains de ne pouvoir vous répondre. Un tel sujet relève plutôt de la Direction de la législation fiscale – dont vous avez, je crois, déjà reçu les responsables. Par ailleurs, la taxe de séjour n’est pas la seule dans cette situation.

M. Charles de Courson. Son produit – 170 millions d’euros – est d’ailleurs modeste par rapport à celui – 1 à 1,5 milliard par an – de la taxe sur l’électricité dont nous avons dû revoir en catastrophe les modalités de perception car elle était complètement illégale. Mais je crains qu’un jour, quelqu’un ne dépose une question prioritaire de constitutionnalité sur la taxe de séjour. Avez-vous évalué ce risque ?

Mme Joëlle Massoni. Nous n’avons pas travaillé sur ce sujet.

M. Charles de Courson. Faut-il que je pose une question écrite au Gouvernement ?

Mme Joëlle Massoni. D’autres services ont peut-être examiné cette question.

M. Charles de Courson. Serait-il possible de vous demander une note sur la constitutionnalité du montage juridique existant ?

Par ailleurs, ne faudrait-il pas confier aux services fiscaux l’établissement de l’assiette et le recouvrement de cette taxe ?

Mme Joëlle Massoni. Je vous propose de transmettre cette demande aux services concernés de la DGFiP : le service juridique de la fiscalité et – pour ce qui concerne la deuxième question – le service de la gestion fiscale. Ma compétence se limite en effet aux questions relatives au contrôle fiscal et à ses procédures.

*

* *

Audition du 9 avril 2014

M. Jean-Baptiste Nicolas, directeur des finances de la Mairie de Paris, et Mme Isabelle Oudet, chef du bureau des ressources financières, cellule taxe de séjour

Mme Monique Rabin, rapporteure. Paris attire un nombre très élevé de touristes. La taxe de séjour y constitue donc un enjeu important. Pourriez-vous, nous faire une présentation générale de la gestion et du recouvrement de la taxe de séjour à Paris ? Nous aimerions également avoir votre regard sur les éventuels problèmes spécifiques que pose cette taxe.

M. Jean-Baptiste Nicolas, directeur des finances de la mairie de Paris. La ville de Paris a institué une taxe de séjour, qu’elle prélève auprès des hôteliers et des logeurs. La période de perception est calée sur l’année civile, du 1er janvier au 31 décembre. La déclaration doit être faite un mois avant le début de la période de perception, c’est-à-dire le 1er décembre au plus tard. Nous avons supprimé l’abattement facultatif en 2009 et nous n’appliquons donc plus que l’abattement légal. Les tarifs sont respectivement : 1,50 euro par nuitée pour les hôtels quatre et cinq étoiles – ce qui correspond au plafond fixé par le code général des collectivités territoriales (CGCT) ; 1,30 euro pour les trois étoiles ; 78 centimes pour les deux étoiles ; 42 centimes pour les hôtels une étoile ; 20 centimes pour les autres catégories d’hébergement. La taxe départementale additionnelle à la taxe de séjour n’a pas été mise en place à Paris.

Le rendement de la taxe de séjour s’est établi à environ 40 millions d’euros en 2013. La taxe est collectée auprès de quelque 2 000 établissements, dont une très grande majorité
– 1 826 – sont des hôtels. Elle est très concentrée sur les trois et quatre étoiles, qui contribuent à hauteur de 30 millions d’euros sur les 40 millions perçus. Le montant versé par les propriétaires de meublés et de chambres d’hôtes représente moins de 0,01 % de la recette totale.

Nous avons choisi de taxer non pas au réel, mais au forfait. Les modalités ont récemment évolué : nous proposons aux hôteliers comme aux loueurs de meublés et de chambres d’hôtes de remplir une déclaration en ligne. Le taux de recours à la télédéclaration progresse rapidement : il atteint aujourd’hui 35 % chez les hôteliers. Nous espérons généraliser cette modalité de recouvrement.

Nous n’avons pas de problème particulier de connaissance du tissu hôtelier à Paris. En revanche, comme c’est probablement le cas dans de nombreuses communes, il n’en va pas de même pour les chambres d’hôtes et les meublés : leurs propriétaires ne connaissent pas nécessairement leurs obligations déclaratives, et il est très complexe et coûteux de les recenser et de les taxer.

Le produit de la taxe – 40 millions d’euros – est affecté de la manière suivante : environ 14 millions à des investissements de voirie à raison de la fréquentation touristique ; 7,5 millions à la subvention allouée à l’office du tourisme ; environ 9 millions à la contribution versée à la préfecture de police de Paris, pour des missions qui concourent à l’accueil des touristes ; 3,5 millions à des subventions au titre de la culture. Cette répartition est retracée dans une annexe au budget.

J’en viens à quelques réflexions sur les aménagements qui pourraient éventuellement être apportés à la taxe de séjour. En ce qui concerne l’assiette, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’abattement. En outre, nous pourrions envisager de taxer les locations de courte durée à travers les sites internet qui les proposent. Nous avons ainsi appris avec intérêt que la ville de San Francisco avait récemment mis en place une « taxe Airbnb ».

Pour ce qui est des tarifs, nous avons cherché à établir des comparaisons internationales. Des taxes analogues à la taxe de séjour existent ou ont été récemment instituées dans plusieurs grandes villes touristiques européennes : Bruxelles, Berlin, Genève, Rome, Barcelone. Leur niveau est, en moyenne, quatre à cinq fois supérieur aux plafonds fixés par le CGCT. Les tarifs appliqués dans ces villes sont de l’ordre de 10 euros pour les hôtels cinq étoiles, de 8 euros pour les quatre étoiles, de 6 euros pour les trois étoiles, de 4 euros pour les deux étoiles et de 2 euros pour les une étoile. Quoi qu’il en soit, la fourchette prévue par le CGCT est très inférieure à ce qui se pratique ailleurs en Europe.

D’autres pistes mériteraient également d’être explorées : l’application de tarifs différents aux cinq étoiles et aux quatre étoiles, dans la mesure où le prix de la nuitée varie très sensiblement d’une catégorie à l’autre ; l’adoption de dispositions spécifiques pour les établissements qui bénéficient de la distinction « Palace » récemment créée par Atout France ; l’indexation des plafonds fixés par le CGCT.

S’agissant d’un éventuel transfert du recouvrement de la taxe de séjour au réseau de la direction générale des finances publiques (DGFiP), nous n’avons pas de position de principe. Mais, dans cette hypothèse, les frais de gestion devraient être très faibles par rapport à ce que prélève habituellement la DGFIP pour le recouvrement des autres taxes. En effet, nous consacrons actuellement des ressources limitées au recouvrement de la taxe : un seul agent est affecté à cette tâche.

Je terminerai par les nouveaux modes d’hébergement touristique qui se développent, notamment par le biais d’internet. Selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme, le nombre de locations de courte durée à Paris serait de 20 000 par an. En comparaison, le nombre de meublés et de chambres d’hôtes déclarés apparaît extrêmement faible.

M. Charles de Courson. Combien de déclarations avez-vous reçues ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Environ 200.

M. Éric Straumann, rapporteur. Vingt mille nuitées par an, cela correspond à l’activité du seul site Airbnb, selon les chiffres que ses responsables nous ont communiqués.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Tout à fait, sachant qu’il existe d’autres sites. Cela plaide pour l’institution d’une « taxe Airbnb » comme à San Francisco. Nous nous épuiserions à pourchasser chaque loueur individuellement, et nous y consacrerions probablement beaucoup de ressources pour un résultat limité.

M. Éric Straumann, rapporteur. Comment le dispositif fonctionne-t-il à San Francisco ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Nous n’avons pas eu le temps d’approfondir le sujet. D’après nos sources – un article récent du Figaro et les informations trouvées sur internet –, la ville de San Francisco a passé un accord avec l’entreprise Airbnb. Le programme est baptisé Shared City. Le rendement de la taxe est loin d’être négligeable : environ 250 millions de dollars.

Indépendamment des aspects fiscaux, le développement de ces nouveaux modes d’hébergement peut nuire à la fluidité du marché locatif. La direction des finances de la mairie n’a pas d’expertise particulière en la matière, mais c’est une dimension à prendre en compte.

M. Charles de Courson. Je suis étonné que vous utilisiez une partie du produit de la taxe de séjour pour financer des aménagements de voirie. L’autorité chargée du contrôle de légalité vous a-t-elle fait des observations à ce sujet ?

D’autre part, vous versez une contribution très importante – 9 millions d’euros – à la préfecture de police de Paris sur le produit de la taxe. En quoi la préfecture de police contribue-t-elle à l’accueil des touristes ? N’est-ce pas plutôt un héritage du temps où le préfet de police était l’exécutif de la ville de Paris ?

Qu’en est-il du contentieux de la taxe de séjour ? Formez-vous des recours devant le tribunal de grande instance ? Si oui, combien ?

Nous assistons actuellement au développement très rapide de réseaux, par le biais desquels les propriétaires louent leur logement à Paris pendant leur absence. Cette activité échappe illégalement à la taxe de séjour. Une taxation via les sites internet ne serait-elle pas la solution ?

Les chambres d’hôtes doivent être déclarées en mairie. Quel est actuellement le stock de chambres d’hôtes à Paris ? Le service qui reçoit les déclarations et l’agent chargé du recouvrement rapprochent-ils leurs données ?

Vous avez indiqué que 35 % des hôtels faisaient leur déclaration en ligne. Comment avez-vous mis en place ce dispositif ? Avez-vous signé une convention avec les hôtels ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. À combien de nuitées correspond la recette de 40 millions d’euros ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. L’affectation du produit de la taxe est retracée dans un état du compte administratif qui est porté à la connaissance de l’autorité chargée du contrôle de légalité. À ma connaissance, nous n’avons pas reçu d’observations particulières de la part de celle-ci. D’une manière générale, nous supportons tout un ensemble de coûts liés à la fréquentation de l’espace public parisien par 32 millions de touristes chaque année. Les dépenses de la ville sont en partie dimensionnées par rapport à cette fréquentation. Il y a donc une logique économique à ce qu’une partie de ces charges soient financées par le produit de la taxe de séjour. Par exemple, s’agissant de la voirie, il s’agit de l’aménagement des quais de Seine ou des pistes cyclables. La fréquentation touristique a également un impact sur les dépenses supportées par la préfecture de police.

M. Charles de Courson. Quelles sont ces dépenses ? Comment le chiffre de 9 millions d’euros est-il calculé ? Est-ce à dire que vous versez un fonds de concours à l’État ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. La ville de Paris verse chaque année une contribution à la préfecture de police.

M. Charles de Courson. Aucune autre ville de France ne verse de contribution à la police nationale.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Paris a un statut particulier : elle n’a pas de police municipale.

M. Charles de Courson. À quelle époque remonte l’instauration de cette contribution ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. C’est un héritage lié à l’organisation administrative parisienne.

M. Charles de Courson. Pourquoi ne l’avez-vous jamais remis en cause ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Cette question ne relève pas de ma compétence.

M. Marc Francina. Quel est le statut juridique de l’office du tourisme de Paris ? Est-ce un établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC ? Une société d’économie mixte ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Je l’ignore.

M. Marc Francina. En principe, le produit de la taxe de séjour doit être versé à l’office du tourisme quand il est constitué en EPIC.

M. Charles de Courson. En effet, il est curieux que vous n’affectiez à l’office du tourisme que 7,5 millions d’euros, soit 15 % du produit de la taxe de séjour, alors que c’est là sa finalité. Quel est le fondement de cette pratique ?

M. Éric Woerth, rapporteur. L’objet de la taxe est-il vraiment d’alimenter le budget de l’office du tourisme ?

M. Charles de Courson et M. Marc Francina. C’est ce que disent les textes.

M. Éric Woerth, rapporteur. La rédaction est plus large et la plupart des dépenses peuvent être rattachées à l’objet de la taxe.

Mme Monique Rabin, rapporteure. À condition de le justifier.

M. Charles de Courson. En province, on nous a parfois reproché certaines affectations. Le texte n’est pas d’une grande clarté.

M. Éric Straumann, rapporteur. Y a-t-il vraiment un problème à ce sujet ? Jamais je n’ai vu l’État contester l’affectation d’une somme encaissée par les collectivités locales.

M. Charles de Courson. Nous avons eu des débats avec la préfecture à propos de l’affectation du produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles – TDENS. Les emplois possibles sont définis par une circulaire. D’autre part, certaines collectivités territoriales utilisent une partie du produit de la taxe pour se constituer une trésorerie. Monsieur le directeur, consommez-vous 100 % du produit de la taxe chaque année ? Ou bien procédez-vous à des reports d’une année sur l’autre ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. L’intégralité du produit de la taxe est affectée. Le CGCT dispose que « le produit de la taxe de séjour est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ». L’objet est donc assez large.

M. Charles de Courson. Elle pourrait donc servir à financer le réseau d’eau ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Elle peut en effet servir à financer une station d’épuration, par exemple. Il convient alors de faire une estimation du nombre de touristes qui utilisent l’équipement considéré.

Par ailleurs, tout dépend du statut juridique de l’office du tourisme : régie avec un budget annexe et un conseil d’exploitation ; groupement d’intérêt public ; EPIC.

M. Éric Woerth, rapporteur. D’une manière générale, mieux vaut éviter les taxes affectées.

M. Éric Straumann, rapporteur. S’agissant de l’accord signé entre la ville de San Francisco et Airbnb, j’ai trouvé l’information suivante : « Pour apaiser le lobby de l’hôtellerie, le spécialiste de l’hébergement de particulier à particulier a annoncé le 1er avril qu’il commencerait à collecter une taxe de séjour de 14 % à San Francisco, dès l’été 2014. Cet impôt sera payé par les locataires des appartements ou des maisons louées via la plate-forme web et sera reversé par Airbnb à la ville. Cette mesure fait partie d’un programme plus large qui vise à ce que “notre communauté paie sa juste part d’impôt”, a déclaré David Hantman, qui gère la politique publique du site. Cette collecte devrait rapporter 274 millions de dollars à la ville de San Francisco. » Je rappelle que Airbnb a son siège à San Francisco.

M. Charles de Courson. La taxe s’élève donc à 14 % du prix de la location ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Oui. Ce doit être l’équivalent de la TVA, à laquelle les locations devaient échapper jusque-là. Aux Etats-Unis, la TVA est une taxe locale.

Mme Isabelle Oudet, chef du bureau des ressources financières de la mairie de Paris. S’agissant du contentieux, lorsque nous constatons une absence de déclaration de taxe de séjour, nous effectuons plusieurs relances. Si nous ne recevons aucune réponse, nous transmettons le dossier à notre service juridique, qui mandate des cabinets d’avocats pour poursuivre les redevables. Le nombre de déclarations manquantes est peu élevé : quinze en 2013 ; une vingtaine les années précédentes.

M. Charles de Courson. Quels sont les résultats des poursuites ?

Mme Isabelle Oudet. Ils sont relativement intéressants : nous récupérons généralement 80 % de la recette.

M. Charles de Courson. Le contentieux porte-t-il sur des chambres d’hôtes ou sur des hôtels ?

Mme Isabelle Oudet. Sur les hôtels. Nous maintenons cette politique, car elle a un effet dissuasif.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Il est évident que toutes les chambres d’hôtes ne sont pas déclarées mais nous n’avons pas la capacité administrative de rechercher les propriétaires qui n’auraient pas rempli leurs obligations déclaratives. Le rapport coût-bénéfice en serait probablement négatif, compte tenu notamment du tarif actuel de la taxe
– 20 centimes – pour la catégorie des chambres d’hôtes et des meublés. En outre, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR – prévoit de dispenser les propriétaires de leur obligation déclarative, ce qui ne va pas faciliter notre tâche. D’où l’intérêt d’une taxe qui serait perçue par les plates-formes internet pour le compte des collectivités territoriales.

Mme Isabelle Oudet. Le service qui reçoit les déclarations faites par les propriétaires de chambres d’hôtes transmet le fichier des déclarants à notre direction. C’est de cette manière que nous connaissons les propriétaires. Nous leur envoyons alors une déclaration de taxe de séjour à remplir.

M. Charles de Courson. J’ai été extrêmement surpris de recevoir hier, dans mon courrier, la lettre d’un site internet qui me proposait de louer mon appartement pendant mon absence. Cette activité se développe très rapidement et échappe à toute imposition : taxe de séjour, TVA, impôt sur le revenu. La solution trouvée à San Francisco me paraît être la bonne.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Je reviens aux comparaisons internationales : à Bruxelles, le tarif du prélèvement équivalent à la taxe de séjour pour la catégorie des hôtels cinq étoiles ou assimilés est de 8,75 euros, contre 1,50 euro en France.

M. Éric Woerth, rapporteur. Il conviendrait de prendre en compte l’ensemble des prélèvements obligatoires auxquels sont soumis les hôtels.

M. Jean-Baptiste Nicolas. En effet. C’est la limite de ce genre de comparaison internationale. En matière de taxe sur les nuitées, le niveau de taxation dans les grandes villes touristiques européennes est cinq fois plus élevé qu’à Paris.

M. Éric Straumann, rapporteur. Vous arrive-t-il, en pratique, de détecter un hôtel qui ne verse aucune taxe de séjour ? Que faites-vous dans ce cas-là ? Engagez-vous des poursuites ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Mme Oudet a parlé du contentieux. Ces pratiques restent marginales par rapport à la taille du parc.

M. Éric Woerth, rapporteur. Il existe deux cas de figure : certains hôtels perçoivent la taxe mais ne la reversent pas ; d’autres ne facturent pas au client le montant de la taxe.

Mme Isabelle Oudet. À Paris, nous appliquons la taxe de séjour au forfait. Nous calculons donc la taxe à partir de la capacité d’accueil des hôtels. Celle-ci figure sur le récépissé de la déclaration d’exploitation que doit faire à la préfecture de police tout nouvel hôtel qui ouvre à Paris. Il nous est donc plus facile de connaître le tissu hôtelier que dans d’autres villes.

M. Éric Straumann, rapporteur. Ce système est-il propre à Paris ?

M. Marc Francina. Oui. Par ailleurs, le taux d’occupation des hôtels est très élevé à Paris : entre 80 et 90 %. D’où l’intérêt d’une taxation au forfait. Dans la plupart des autres communes, il vaut mieux taxer au réel, car les hôteliers seraient réticents à payer un forfait qu’ils n’ont pas encaissé.

Mme Isabelle Oudet. Le taux d’occupation des hôtels est en effet de 80 % à Paris. D’ailleurs, du fait de l’abattement légal – qui atteint 40 % lorsque l’établissement ouvre plus de 105 jours dans l’année –, les hôtels paient souvent un montant inférieur à celui qu’ils verseraient s’ils étaient taxés au réel.

M. Marc Francina. Exactement. Au réel, le produit de la taxe s’élèverait peut-être à 60 millions d’euros.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Outre la fiscalité se pose la question du logement. La ville de New York, par exemple, a limité les possibilités de louer les logements pour de courts séjours.

M. Éric Straumann, rapporteur. Vous avez communiqué sur les modalités de mise en œuvre de la taxe, notamment sur votre site internet. Quelles sont les retombées de ces opérations de communication ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. La principale retombée est le développement de la procédure de télédéclaration, qui représente un gain de temps pour notre service et, surtout, une amélioration du confort pour les déclarants. C’est un point très positif.

M. Éric Woerth, rapporteur. Quels sont vos souhaits concernant l’évolution de la taxe de séjour ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. S’agissant de l’assiette, nous ne comprenons pas la rationalité ni la logique fiscale de l’abattement légal. S’agissant des tarifs, le dispositif est en décalage total par rapport à ce qui se pratique ailleurs en Europe, et la piste d’une indexation des plafonds fixés par le CGCT mériterait d’être explorée. Le produit de la taxe de séjour à Paris peut paraître élevé par rapport à ce que perçoivent les autres communes de France, mais nous supportons des coûts liés à la fréquentation touristique qui sont certainement supérieurs à cette somme. D’autre part, il conviendrait de réfléchir à une taxation à partir des plates-formes internet telles que Airbnb ou d’autres.

Quant à l’affectation du produit de la taxe, elle mériterait probablement d’être rediscutée.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous comprenons bien que la situation de Paris est particulière.

M. Éric Straumann, rapporteur. Avez-vous rencontré des représentants de Airbnb ? Cette entreprise a réalisé une étude très documentée sur le marché parisien, avec un sondage sur les retombées économiques pour Paris. En France, y a-t-il une volonté de la mairie d’encadrer les locations de courte durée ? Celles-ci « cannibalisent » le marché immobilier traditionnel.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Les locations de courte durée font concurrence aux hôtels et « cannibalisent » en effet l’offre de logement locatif. À ma connaissance, il n’y a pas de projet particulier visant à encadrer ces locations, ni de position arrêtée sur la question.

À la direction des finances, nous n’avons pas eu de contact avec les représentants d’Airbnb. Je ne sais pas ce qu’il en est de la direction du logement et de l’habitat, ou de celle qui est chargée du tourisme.

M. Charles de Courson. En France, un maire a-t-il le pouvoir d’interdire la location de logements privés, comme cela se fait à New York ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Oui, à tout le moins en cas de changement d’usage du logement.

M. Charles de Courson. En êtes-vous sûr ? En outre, les propriétaires louent leur logement lorsqu’ils partent en vacances, ou même en week-end, aussi dans d’autres grandes villes françaises.

M. Éric Straumann, rapporteur. Airbnb s’est développée dans toutes les zones touristiques. L’offre de locations proposée par le site à Colmar, par exemple, est assez vaste.

M. Charles de Courson. Certains propriétaires couvrent les charges de leur résidence secondaire en la louant une partie de l’année via ces plates-formes. Ils se font payer de la main à la main ou par virement, sans rien déclarer. Ne devrions-nous pas réfléchir à la création d’un régime fiscal forfaitaire tel que le « micro-foncier » ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Nous pourrions créer un système analogue à celui qui vient d’être décidé à San Francisco, mais avec un taux plus modéré, par exemple 5 %. Cela représenterait déjà des rentrées fiscales appréciables.

M. Charles de Courson. Je doute que la fixation d’un taux exprimé en pourcentage soit conforme à la directive TVA.

M. Jean-Baptiste Nicolas. À Berlin, depuis le 1er janvier dernier, il existe une City Tax, dont le taux a été fixé à 5 % du prix de la chambre.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous pourrions aborder ces questions dans notre rapport et évoquer la piste d’une harmonisation européenne ou, à tout le moins, de discussions au niveau européen.

M. Charles de Courson. Selon moi, les taxes forfaitaires – telle que la taxe de séjour – sont « eurocompatibles ». En revanche, l’institution d’une taxe ad valorem serait contraire à la directive TVA. Il conviendrait de le vérifier auprès de la direction de la législation fiscale, avant de formuler des propositions dans notre rapport.

M. Marc Francina. À Paris, les hôtels meublés qui logent des personnes à l’année paient-ils la taxe de séjour ? Sont-ils classés comme hôtels meublés ou non ?

M. Charles de Courson. La question porte plus précisément sur les hôtels gérés par les « marchands de sommeil ». Parfois, des ouvriers qui font les trois-huit se relaient dans la même chambre pour diviser le coût de la location. De tels hôtels sont-ils taxés ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Nous n’avons pas de catégories spécifiques telles que celles que vous mentionnez.

M. Marc Francina. La question est de savoir si les chambres sont déclarées.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous vous remercions.

Audition du 9 avril 2014

M. Marc Francina, président, et Mme Géraldine Leduc, directrice générale de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT).

M. Éric Woerth, rapporteur. L’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT) a demandé au cabinet de conseil CTR de rédiger un rapport sur la gestion de la taxe de séjour dans les collectivités locales. Parmi les différentes préconisations qu’il contient, lesquelles retiennent particulièrement votre attention ? Quels éléments du dispositif actuel souhaiteriez-vous voir modifier ? Quelle simplification peut-on proposer aux collectivités locales sans entraver le développement du tourisme ?

M. Marc Francina, président de l’ANMSCCT. La mise en place d’une taxe de séjour est essentielle pour financer le développement du tourisme local dans certaines communes. En 2011, 2 524 communes et 633 établissements publics de coopération intercommunale ont perçu la taxe de séjour, laquelle a procuré plus de 158 millions d’euros aux premières et 37,8 millions d’euros aux seconds, soit une somme globale de 210 millions d’euros.

Afin de mieux cerner les difficultés liées à la taxe, notre association a décidé, en partenariat avec le cabinet CTR, de mener une grande enquête, la première de cette ampleur auprès de ses adhérents.

L’étude a été réalisée en 2012. Un questionnaire a été envoyé à nos 1 200 adhérents. Leur réponse a été traitée entre le 1er et le 23 mars. Sur un échantillon de 304 communes, quatre-vingts ont répondu qu’elles n’avaient pas mis en place la taxe de séjour sur leur territoire, alors que celle-ci présente un potentiel important.

Dans 66 % des cas, le régime d’imposition au réel est appliqué. La réforme de 1988 n’a pas entraîné de passage massif au régime forfaitaire, même si certaines communes disent vouloir l’adopter pour faciliter la perception de la taxe. Celle-ci s’applique à l’année dans 56 % des communes, et ailleurs – notamment dans les stations de la côte ouest – sur deux à six mois, en moyenne. Nous incitons les communes à allonger leur saison. Encore faut-il qu’elles possèdent des hôtels qui puissent rester ouverts plus longtemps.

Dans 74 % des communes, la taxe de séjour n’est pas correctement perçue. Pour remédier à cette situation, certaines d’entre elles mettent en place des mesures plus ou moins efficaces. Les principaux problèmes sont, pour 67 % des communes, l’absence de moyens de contrôle, pour 69 %, la difficulté du recensement et, pour 49 %, la complexité du recouvrement. De ce fait, 58 % jugent une réforme nécessaire, et proposent deux axes : 58 % souhaitent une réévaluation des tarifs et 44 % une modification de l’assiette. Certaines signalent également la nécessité de simplifier la procédure, de créer des moyens de contrôle et de mettre en place des mesures qui incitent à la déclaration.

Les communes connaissent mal leur parc d’hébergements touristiques. Alors que la loi Novelli fait obligation aux résidences secondaires pouvant accueillir des touristes de se déclarer à la mairie, 33 % des communes ignorent les capacités d’accueil de ces résidences, 27 % celles des résidences de tourisme et 23 % celles des villages de vacances. En revanche, les capacités d’accueil des hôtels et des campings sont parfaitement connues : 5 429 lits dans les communes de moins de 5 000 habitants et 19 429 lits dans les autres communes.

L’enquête a montré la grande diversité des hébergements. Les campings sont en tête du classement avec 37 % des lits. Les résidences secondaires – dont 15 % peuvent être louées - représentent 21 % des lits et les hôtels 13 %. Viennent enfin les chambres d’hôtes. Le camping et l’hôtellerie représentent donc 50 % de la capacité d’accueil. La moitié restante demeure à exploiter, car elle est moins connue.

Le problème majeur est la méconnaissance des meublés, qui échappent pour 80 % à tout contrôle. La déclaration en mairie, que la loi a rendue obligatoire, reste une démarche volontaire. Son défaut est trop peu sanctionné. Une action de communication doit être entreprise à l’intention des touristes comme des hébergeurs. Il est important d’indiquer aux touristes à quoi sert la taxe de séjour. Un guide à ce sujet pourrait être réalisé. Il est également nécessaire d’informer les hébergeurs sur les modalités de déclaration, en mettant en ligne un formulaire ou en adressant un mailing aux propriétaires de meublés.

Les communes qui possèdent un office de tourisme sous forme d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) lui versent la totalité du montant de la taxe de séjour. Dans les autres, le maire et son conseil municipal décident de son affectation. Ils peuvent privilégier l’office de tourisme, le fleurissement de la commune ou favoriser diverses animations.

Conformément aux dispositions de l’article L. 2333-27 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le produit de la taxe de séjour est affecté « aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ». Les collectivités locales déterminent librement celles qui peuvent bénéficier d’un financement spécifique au titre de cette disposition.

Il n’est pas question, comme l’ont proposé certains sénateurs, d’attribuer à Atout France une partie des recettes issues de la taxe de séjour. Il serait inconcevable de priver les communes d’une part de leurs ressources dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités locales.

Plusieurs éléments de la taxe de séjour sont susceptibles d’amélioration.

Premièrement, on peut s’étonner de l’absence d’une catégorie identifiée qui correspondrait aux hôtels cinq étoiles résultant de la nouvelle classification hôtelière créée par la loi Novelli.

Deuxièmement, la revalorisation des tarifs constitue une piste de réforme. On peut envisager soit une augmentation de 15 % des tarifs minimum, afin de compenser les effets de l’inflation depuis 2002, et de 20 % des tarifs maximums, pour élargir l’amplitude de la fourchette ; soit une augmentation incluant une progressivité : 2 % à 4 % pour la fourchette basse, c’est-à-dire les tarifs minimums, et 4 % à 28 % pour la fourchette haute, c’est-à-dire les tarifs maximums.

Une autre piste envisageable est l’indexation des tarifs. On peut imaginer une indexation annuelle du montant de la taxe de séjour, mais quel indice retenir ? Qu’il s’agisse de celui des prix ou du taux d’intérêt, une évolution de 1 à 3 % induirait une augmentation de quelques centimes, ce qui entraînerait des difficultés de calcul. L’indexation triennale serait une autre solution, mais on retombe sur le même problème : il faut trouver un indice en rapport avec l’augmentation de la taxe de séjour et instaurer une règle d’arrondi adaptée.

Les exonérations sont liées à la condition des personnes hébergées. Elles concernent les enfants de moins de treize ans, les agents de l’État travaillant temporairement dans une station – par exemple les sauveteurs-secouristes – et les bénéficiaires de certaines aides sociales : personnes âgées, bénéficiaires d’une aide à domicile, personnes handicapées ou en centre pour adultes handicapés ou en centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Les titulaires de la carte de famille nombreuse bénéficient d’une réduction, qui peut être égale ou inférieure à celle que pratique la SNCF. Il n’a jamais été question de modifier ces modalités.

Enfin, on peut envisager de taxer les catégories d’hébergements touristiques non assujettis à la taxe de séjour. Les bateaux de croisière, par exemple, ne sont pas taxés, alors que la navigation de plaisance l’est par le biais des anneaux de plaisance. Le CGCT pourrait prévoir la possibilité de taxer les croisiéristes au forfait, la taxation au réel ne paraissant pas raisonnable.

Les mobil-homes résidentiels, c’est-à-dire loués en longue durée ou achetés et stationnés dans un camping, pourraient également faire l’objet d’une taxation spécifique. Les propriétaires acquittent actuellement une taxe de séjour déclarée par l’hébergeur, donc le propriétaire du camping, ce qui ne permet aucun contrôle. En outre, il n’est pas équitable que, contrairement aux propriétaires d’une résidence secondaire, les propriétaires d’un mobil-home résidentiel soient peu taxés – quand ils le sont – au regard de la durée de séjour. On pourrait instaurer un régime mixte dans les terrains de camping : la taxe serait acquittée au réel pour une location à la semaine, et au forfait pour un hébergement résidentiel.

Les camping-cars pourraient également être taxés, même s’il est difficile de prélever une taxe de séjour sur ces véhicules, puisque le fait qui génère la perception de la taxe est attaché à la location d’une chambre ou d’un espace spécifique. Une solution consisterait à ajouter à l’article R. 2333-44 du CGCT une nouvelle nature d’hébergement susceptible d’être taxée au titre de la taxe de séjour : l’emplacement des camping-cars. Il est également possible d’augmenter les taxes d’approvisionnement en eau et en électricité, dont le surplus reviendrait à la commune. On pourrait enfin établir une vignette sur les camping-cars.

La taxe de séjour a le caractère d’une contribution indirecte au sens de l’article L. 199 du livre des procédures fiscales. Elle est perçue par les logeurs et reversée au receveur municipal. À ce jour, aucun maire n’a demandé qu’elle soit recouvrée par l’administration fiscale. Il n’est pas envisageable que la taxe de séjour acquière le caractère d’un impôt national dont le taux et les modalités de perception seraient fixés par l’État et dont le montant finirait dans le budget de celui-ci.

Puisque 10 % à 25 % des séjours meublés sont loués par internet ou par des agences, en France ou à l’étranger, pourquoi ne pas recenser systématiquement les biens proposés sur internet, les comparer avec le parc saisonnier déclaré et vérifier par téléphone les adresses et les types de biens, afin de créer un dossier de preuves à l’usage de la mairie ? Le bénéfice d’un déclarant supplémentaire est estimé à 200 ou 300 euros par an.

Dès lors qu’il aura été procédé au recensement des meublés, tout propriétaire d’un logement loué non déclaré recevra une lettre lui proposant de l’accompagner dans sa déclaration de taxe de séjour. Internet pourrait être le catalyseur qui permettrait d’identifier les fraudeurs en rapprochant le fichier des annonces de locations de meublés et celui des propriétaires de biens dans les communes concernées.

L’aménagement de la taxe de séjour est un sujet que notre association aborde depuis de nombreuses années avec la direction générale des collectivités locales. Une commission des finances locales existe au sein de l’association. Elle relancera sa réflexion dès la rentrée de septembre.

En somme, l’essentiel de nos propositions concerne, outre la réforme de l’assiette et la réévaluation de la taxe, la taxation des mobil-homes, des camping-cars et des bateaux de croisières à quai, ainsi que le contrôle des locations proposées sur internet.

Mme Géraldine Leduc, directrice générale de l’ANMSCCT. J’ai écrit plusieurs guides sur l’accueil des camping-cars dans les communes touristiques. Actuellement, seuls les camping-caristes qui s’installent dans un camping acquittent la taxe de séjour, mais certains maires taxent le séjour sur les aires d’accueil ou intègrent une taxe, reversée à la commune, aux jetons qui permettent l’approvisionnement en eau ou en électricité.

M. Marc Francina. Il y a sept ou huit ans, des maires nous avaient sollicités pour savoir comment réagir quand de nombreux camping-cars stationnés en bord de la mer cachaient la vue. Certains avaient mis en œuvre une taxation, à laquelle ils soumettaient tous les véhicules qui restaient garés le soir, ce qui était à la limite de la légalité. Par la suite, des camping-caristes ont cherché d’eux-mêmes des aires de stationnement spécifiques.

M. Charles de Courson. Le week-end, on compte jusqu’à 400 camping-cars sur les bords du Lac du Der. On en trouve un petit nombre dans les campings, où les occupants paient leur place. Les autres ne versent rien à personne.

La solution que nous avons retenue consiste à leur faire payer l’eau et l’électricité au moyen de jetons. Par ailleurs, nous avons créé des aires dédiées, dont on paie l’accès, avec une carte magnétique, entre vingt et une heures et huit heures du matin. Le prix d’une nuit est de sept euros, la moyenne nationale variant entre cinq et neuf. Il ne s’agit pas d’une taxe de séjour, mais d’un palliatif qui permet de faire payer le stationnement des camping-cars sur les parkings publics. Pour éviter qu’ils n’envahissent tout, nous avons installé des barres qui les empêchent de stationner ailleurs que sur ces aires.

Certains campings se sont transformés pour accueillir ces blocs sur roues, qui, étant déplaçables, ne sont soumis ni à la taxe sur le foncier bâti ni à la taxe d’habitation, même quand ils sont loués à l’année. Ils échappent en outre à la taxe de séjour.

M. Éric Straumann, rapporteur. Le problème concerne la réglementation de l’urbanisme.

M. Charles de Courson. Il tient aussi au statut des mobil-homes, qui, en tant logements déplaçables, échappent à toute taxation. Notre conception de la fiscalité locale n’a pas évolué depuis le XIXsiècle.

M. Marc Francina. Certaines sociétés créent des aires d’accueil, équipées de barrières, pour les camping-cars et les mobil-homes. Celles-ci ne doivent pas être éloignées de plus d’un ou deux kilomètres de la ville, pour que les occupants puissent faire leurs courses à pied. Les sociétés concernées traitent avec la mairie, qui leur signe une délégation de service public, après quoi elles lui versent un loyer forfaitaire. C’est ainsi que j’ai résolu le problème à Évian, où j’ai interdit le stationnement des camping-cars.

M. Charles de Courson. Avez-vous le droit de les interdire ?

M. Marc Francina. On ne peut pas les empêcher de passer une nuit sur place. Le problème est que, une fois installés dans une zone touristique, ils n’en bougent plus. Je fais donc passer la police municipale, qui met des marques à la craie sur leurs roues.

M. Charles de Courson. Si une association de défense des camping-caristes vous attaquait, je ne suis pas sûr que vous auriez gain de cause.

M. Éric Straumann, rapporteur. On ne peut pas formuler d’interdiction générale et absolue à l’encontre des camping-cars. Par ailleurs, quand on connaît la difficulté d’exercer un contrôle sur les campings, on voit mal comment soumettre leurs occupants à une taxe de séjour. Si l’on souhaite qu’ils se présentent spontanément à l’office de tourisme, il faut leur proposer un service particulier.

M. Charles de Courson. C’est ce que nous avons fait, parce que c’est la seule solution concrète.

M. Éric Straumann, rapporteur. Certains essaieront toujours d’échapper à la taxe en s’installant dans la nature. Le camping-car, en plein essor, est particulièrement apprécié des Néerlandais.

M. Charles de Courson. Ainsi que des Français, généralement de jeunes retraités, qui appartiennent à la classe moyenne.

L’idée d’une vignette n’est pas opérationnelle, car celle-ci ne pourrait être que nationale. Elle serait donc perçue dans le lieu d’immatriculation, mais comment s’y prendrait-on pour répartir son produit ?

M. Marc Francina. Nous n’avons pas approfondi la réflexion sur ce point.

M. Éric Straumann, rapporteur. La France est très en retard pour l’accueil des bateaux de croisière dans les ports. Les croisiéristes évitent Marseille où il n’existe aucune structure d’accueil. Or, lorsqu’un bateau accoste, il peut faire débarquer jusqu’à 4 000 personnes, qui ont un pouvoir d’achat élevé. Les taxer serait aussi difficile qu’absurde. Il faut au contraire essayer d’attirer cette clientèle qui nous échappe. Les croisiéristes évitent également la Guadeloupe ou la Martinique, ce qui nous prive d’un revenu important. Sur le Rhin, la compagnie alsacienne, leader européen, ne s’arrête que du côté allemand, où se trouvent des pontons, ainsi qu’un service d’accueil et des petits commerces.

M. Éric Woerth, rapporteur. Peut-on instaurer une taxe de débarquement sur les bateaux de croisière, quitte à ce que tel ou tel port décide de ne pas la mettre en place ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Il existe des taxes forfaitaires de débarquement dans certains pays, mais pas en France. Au contraire, il arrive que des villes paient les croisiéristes pour que leurs bateaux s’arrêtent. En contrepartie de services réduits - utilisation de l’eau, assainissement –, la ville peut accueillir ainsi jusqu’à 4 000 touristes prêts à dépenser une centaine de dollars chacun, ce qui représente une somme considérable. Mais, dans ce domaine, la France a beaucoup de retard, particulièrement en Méditerranée.

La situation des camping-caristes, qui viennent essentiellement des pays du Nord, est bien différente : ils apportent toutes leurs provisions – même l’eau minérale –, et ne dépensent rien sur place. Il n’y aurait rien de choquant à ce qu’ils paient une vignette nationale, comme tous les automobilistes qui traversent la Suisse ou l’Autriche. On pourrait imaginer un prix par jour, un forfait pour cinq jours, par exemple de dix euros, et un forfait annuel, par exemple de cinquante ou cent euros.

M. Charles de Courson. Il vous faudra bien du courage pour étendre le système de l’écotaxe aux camping-cars, en équipant chacun d’eux d’un système satellitaire !

M. Éric Straumann, rapporteur. Il suffirait de poser sur le camping-car une vignette touristique. Dès qu’ils pénètrent sur le territoire autrichien, qui, contrairement à la Suisse, est soumis au droit communautaire, les automobilistes acquittent une taxe pour circuler sur l’autoroute. La vignette s’achète à la douane ou dans les stations-service. Il existe des forfaits pour trois jours, cinq jours, un mois ou pour l’année. Même les automobilistes en transit paient la vignette.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas sûr que ce système soit eurocompatible. Y a-t-il eu un contentieux ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Ce système fonctionne en Autriche depuis au moins quinze ans.

M. Éric Straumann, rapporteur. La France est la première destination touristique du monde, mais, en termes de chiffre d’affaires lié au tourisme, elle n’arrive qu’en troisième position. Beaucoup de touristes sont en transit en France sans payer grand-chose. Le séjour des camping-cars qui s’installent le long de la vallée du Rhin est totalement gratuit.

M. Charles de Courson. Supposons que la mesure soit eurocompatible, que fera-t-on du produit de la vignette ? L’État le conservera-t-il ou le répartira-t-il entre les collectivités locales ?

M. Éric Straumann, rapporteur. On peut l’affecter à Atout France, qui manque d’argent, mais il sera difficile de trouver une clé de répartition entre les collectivités. On risque de créer une usine à gaz, dont les coûts de gestion seront élevés.

M. Charles de Courson. En instaurant une vignette, on ne traite pas le fond du problème, qui tient au fait que les camping-cars utilisent gratuitement des équipements publics locaux.

M. Marc Francina. Ce sont les maires qui ont lancé l’idée d’une vignette.

M. Éric Woerth, rapporteur. Comment la taxe de séjour est-elle collectée ?

M. Marc Francina. Il y a différentes manières de procéder. Dans ma commune, un déclaratif est établi. Il arrive cependant que des gens ne paient pas ou ne répondent pas à nos courriers. Au bout de trois non-réponses, et après délibération du conseil municipal, je désigne un expert-comptable qui va voir l’hôtelier. Soit celui-ci fait immédiatement un chèque, parce qu’il craint qu’on n’examine ses comptes ; soit il laisse l’expert examiner sa comptabilité et déterminer le nombre de nuitées, après quoi il verse la somme demandée. Je n’ai jamais eu de contentieux final.

M. Éric Straumann, rapporteur. L’hôtelier est-il obligé de recevoir l’expert-comptable ?

M. Marc Francina. La commune a certains droits. Elle peut décider qu’une personne de l’office de tourisme consacre une partie de son temps de travail à surveiller et à relancer les propriétaires de meublés. En revanche, nous ne recourons pas à des saisonniers pour recenser le nombre d’occupants des résidences secondaires, car ils n’auraient aucun pouvoir pour entrer dans les maisons si on ne leur ouvre pas.

M. Éric Woerth, rapporteur. La désignation d’un expert-comptable relève pratiquement du bluff, même si la délibération du conseil municipal parvient à passer le contrôle de légalité. L’hôtelier pourrait demander de quel droit la municipalité vient regarder ses livres de compte.

M. Marc Francina. Le système fonctionne depuis quinze ans, mais, de fait, c’est du bluff.

M. Charles de Courson. Je m’étonne que personne n’ait saisi le tribunal de grande instance, car les modalités de recouvrement de la taxe de séjour ne sont pas celles de l’impôt.

M. Marc Francina. L’hôtelier joue le rôle de percepteur à l’égard du client qui acquitte la taxe de séjour. Celle-ci n’entre pas dans son chiffre d’affaires, puisqu’elle est reversée à la commune.

M. Charles de Courson. Pas tout à fait, cependant, car l’hôtelier acquitte la TVA sur la taxe.

M. Marc Francina. Dans les grandes unités, il suffit d’appuyer sur une touche de l’ordinateur pour obtenir un décompte précis. La situation est moins claire dans les petits hôtels.

M. Charles de Courson. Ainsi que dans les gîtes et les chambres d’hôtes…

M. Marc Francina. …dont les propriétaires font de la trésorerie avec la taxe de séjour !

M. Éric Woerth, rapporteur. Serait-ce une bonne idée de la faire percevoir par la direction générale des finances publiques ?

M. Marc Francina. Non, elle a déjà assez de travail !

M. Charles de Courson. Confier le recouvrement de la taxe de séjour à la DGFiP serait le seul moyen qui permettrait d’aller au bout d’un contentieux. Actuellement, le maire n’a aucun pouvoir pour consulter – quand elle existe – la comptabilité des différentes structures.

M. Marc Francina. La DGFiP devrait recruter tant de monde pour exercer un meilleur contrôle…

M. Charles de Courson. Elle exercerait alors une véritable dissuasion.

M. Éric Woerth, rapporteur. On pourrait offrir aux communes la possibilité de s’adresser à la DGFiP en signant une convention qui prévoirait un coût de recouvrement.

M. Marc Francina. Les percepteurs sont débordés.

M. Éric Woerth, rapporteur. Ils pourraient travailler comme prestataires. Encore faut-il prévoir une base juridique qui leur permette d’aller plus loin.

M. Charles de Courson. Le maire saurait enfin à qui transmettre le contentieux quand quelqu’un refuse de payer.

Le problème de la fraude se pose non dans les hôtels, qui possèdent des systèmes informatiques intégrés, mais dans les gîtes ruraux ou les chambres d’hôtes. Leurs exploitants racontent ce qu’ils veulent, d’autant que souvent leurs clients les paient de la main à la main. Il ne serait pas absurde d’instaurer un forfait. Le problème est que bien des gîtes ruraux ne sont ouverts qu’une partie de l’année.

Mme Géraldine Leduc. Les résultats de l’enquête, qui ont été rendus publics l’an dernier, lors de notre congrès, ont nourri beaucoup de débats. Des élus souhaiteraient une taxation d’office, ce qui a fait l’objet de plusieurs questions écrites. Ils s’interrogent également sur le calcul de l’assiette de la TS. Avec Didier Borotra, ancien président de l’ANMSCCT, nous avons vainement cherché le moyen de ne pas taxer les hébergeurs. Des questions surgissent sur ce point lors de chaque congrès.

M. Marc Francina. Ce sont surtout les commerces qui profitent des touristes.

Mme Géraldine Leduc. La question est très compliquée. Je viens de relire les débats que nous avions eus l’an dernier à ce sujet. Pour notre part, nous ne sommes pas favorables à une évolution de l’assiette.

M. Éric Woerth, rapporteur. Ce n’est pas dans l’air du temps. En outre, un nouveau système poserait nécessairement des difficultés de gestion.

M. Marc Francina. Un autre problème est celui des villes attractives, qui ne disposent d’aucun hébergement. Avant que Collonges-la-Rouge ne possède un village de vacances VVF, les cars s’arrêtaient et repartaient, sans que la municipalité en tire aucun profit. L’ancien maire, Charles Ceyrac, s’est battu toute sa vie pour qu’on taxe le passage des touristes.

M. Éric Woerth, rapporteur. Les commerces le taxent indirectement.

M. Marc Francina. Bien sûr, mais il n’y a pas de tourisme sans hébergement. C’est pourquoi je me bats notamment pour aider les jeunes, comme le faisait jadis le Crédit hôtelier, à créer des petits hôtels de cinquante-six chambres – ce qui permet d’accueillir un car entier. Sans hôtel, il est impossible de garder les touristes.

Mme Géraldine Leduc. Depuis des années, nous essayons d’avancer sur ces sujets avec la DGCL. Un groupe interministériel existe sur le papier, mais il ne nous a pas sollicités. Il semble qu’il ne se soit jamais réuni. La question la plus urgente est celle du montant de la taxe de séjour, dont le barème doit être revu, même si l’on ne révise pas son plancher.

M. Charles de Courson. Faut-il conserver le système qui s’applique actuellement aux hôtels, en y intégrant le nouveau classement ? On peut aussi créer des tranches en fonction du prix de la chambre.

M. Marc Francina. Ce serait difficile. Les grands hôtels de trois ou quatre étoiles, comme on en trouve à Évian, appliquent désormais le système américain : ils baissent leur prix pendant la basse saison.

M. Charles de Courson. Actuellement, les hôteliers au réel paient une somme par nuitée, alors que ceux qui optent pour le forfait sont taxés en fonction de leur capacité. Je pense que nous n’aurions pas le droit de fixer, comme à San Francisco, une taxe proportionnelle au chiffre d’affaires.

La taxe ad valorem n’est pas eurocompatible, car la septième directive communautaire prévoit qu’on ne peut appliquer aucune taxe professionnelle au chiffre d’affaires en dehors de la TVA. C’est pour cette raison   afin de rendre la mesure eurocompatible – que nous avons prévu des tranches pour la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Mme Géraldine Leduc. Les maires sont très attentifs au rendement de la taxe de séjour, car les finances locales sont de plus en plus contraintes.

M. Charles de Courson. Notre mission n’a pas évoqué le problème de l’intercommunalisation.

M. Éric Woerth, rapporteur. Parce que chacun l’envisage à l’aune de son intercommunalité.

M. Charles de Courson. Cela n’empêche pas que le développement touristique soit de plus en plus intercommunal. Les élus peuvent d’ailleurs se mettre d’accord pour transférer la compétence tourisme à ce niveau.

M. Marc Francina. Dans la loi Novelli, j’avais fait ajouter une clause à ce sujet : pour pouvoir transférer la compétence tourisme à une intercommunalité, il faut que toutes les communes lui versent la TS. La commune d’Évian se garderait bien de le faire. D’ailleurs, mon conseil municipal s’y opposerait. La station de Courchevel, située non loin de la ville d’Ugine, qui se trouve au fond d’une vallée, consacre chaque année 5 millions au tourisme. Pourquoi irait-elle donner cette somme aux Uginois, qui pèsent beaucoup plus lourd dans l’intercommunalité en nombre d’habitants ?

Dès qu’une commune est plus importante que les autres, l’intercommunalité ne fonctionne pas en matière touristique.

M. Charles de Courson. Je ne partage pas votre sentiment : on développe le tourisme non sur une commune mais sur un espace.

M. Marc Francina. En tout cas, ce n’est pas à l’intercommunalité de le faire.

M. Éric Woerth, rapporteur. En somme, vous considérez qu’il ne faut pas trop toucher au système actuel, en dehors des points que vous avez signalés : taxation de certains modes d’hébergement, augmentation des tarifs.

M. Charles de Courson. Il serait bon de permettre à la commune ou à l’intercommunalité de saisir les services fiscaux, pour sanctionner ceux qui ne paient pas. Elles disposeraient alors d’une forme de dissuasion fondée juridiquement.

M. Éric Woerth, rapporteur. Êtes-vous favorable à ce que la DGFiP s’occupe du recouvrement de la taxe de séjour ?

M. Marc Francina. Non.

M. Éric Woerth, rapporteur. Je vous remercie.

Audition du 16 avril 2014

M. Thierry Cherrière, directeur du Syndicat mixte d’aménagement touristique du Lac du Der.

M. Éric Straumann, rapporteur. Nous accueillons Monsieur Thierry Cherrière, Directeur du syndicat d’aménagement du lac du Der. Je vous donne la parole afin que vous puissiez aborder plus précisément la question de la taxe de séjour.

M. Thierry Cherrière, directeur du Syndicat mixte d’aménagement touristique du Lac du Der. Je voudrais dire quelques mots pour commencer, si vous le voulez bien, sur le lac du Der. Il s’agissait d’un barrage réservoir destiné à réguler la Marne et la Seine. En quarante ans, ce lac est devenu la deuxième zone de fréquentation touristique de Champagne-Ardenne après la cathédrale de Reims. On y dénombre 1,1 million de journées/visite par an, ce qui inclut à la fois les personnes qui viennent à la journée et les touristes qui y séjournent. On dénombre par ailleurs 700 000 nuitées au total dont 260 000 nuitées marchandes, c’est-à-dire des nuitées donnant lieu à des paiements.

Le syndicat d’aménagement a investi 90 millions d’euros sur les 40 premières années. Il fonctionne avec un budget d’environ 1,6 million d’euros. Son budget d’investissement s’élève quant à lui à environ 4 millions d’euros. L’autofinancement s’élève à 52-53 %. Mais très vite la question de la promotion touristique s’est posée. En effet, tant les départements que les communautés de communes ne souhaitaient pas nous aider sur la promotion : les départements disposaient déjà des comités départementaux de tourisme et les communes avaient quant à elles les offices de tourisme. Le besoin d’un financement par la taxe de séjour s’est donc très vite fait sentir. En 1997, il nous a fallu convaincre la totalité des communes car il suffisait alors que l’une d’entre elles refuse pour que tout l’édifice s’écroule. Cette situation a donné lieu à des discussions : certaines communes nous ont demandé de payer régulièrement leurs fleurs, etc. Voilà pour ce qui a trait aux difficultés entourant la mise en œuvre de la taxe de séjour.

Elle représente aujourd’hui pour nous 90 000 euros, 70 000 euros nets une fois retirées les dotations à la taxe départementale.

M. Éric Woerth, rapporteur. Sur quoi percevez-vous la taxe de séjour ?

M. Thierry Cherrière. Sur tous les hébergements. Mais un certain nombre d’hébergements qui devraient être soumis à la taxe de séjour ne le sont pas. C’est par exemple le cas des bateaux qui sont dans les ports et qui, pour certains, sont peu ou prou des résidences secondaires.

M. Éric Woerth, rapporteur. La taxe de séjour concerne donc les hébergements des communes membres ?

M. Thierry Cherrière. Un certain nombre de communes membres n’ont pas souhaité que la taxe de séjour soit perçue. Et les maires ne veulent par ailleurs pas assumer leur pouvoir de police en la matière. Dans un certain nombre de communes, la taxe de séjour n’est donc pas prélevée.

M. Charles de Courson. La situation évoquée est celle qui prévalait en 1997. Mais depuis, la réglementation a changé et toutes les communes concernées devraient en principe prélever la taxe de séjour… En réalité ce n’est pas le cas. On peut aussi évoquer, plus généralement, les difficultés de recouvrement. Pour résumer, les campings paient, de même que les gîtes et les chambres d’hôtes, bien qu’il faille souligner que la sous-déclaration constitue un vrai problème parce qu’aucun lien avec les systèmes fiscaux n’est établi et qu’il n’existe aucun moyen réel de détection de la sous-déclaration pour ces catégories. Les hôtels ne posent quant à eux pas de problèmes dans la mesure où ils disposent de logiciels de facturation automatique incluant la taxe de séjour. Les camping-cars posent quant à eux des problèmes spécifiques.

M. Éric Woerth, rapporteur. Le montant de 90 000 euros perçu par le biais de la taxe de séjour est faible par rapport à votre budget global…

M. Thierry Cherrière. Effectivement.

M. Charles de Courson. Il faut préciser que nous avons choisi le taux minimum car cela a déjà été difficile de convaincre les communes de la mettre en œuvre.

M. Thierry Cherrière. Concernant les camping-cars, nous avons mis en place des places de parking qui leur sont dédiées ainsi qu’un système de paiement de place de stationnement dans lequel la taxe de séjour est incluse.

M. Charles de Courson. En réalité il s’agit, pour être plus précis, d’un système équivalent à la taxe de séjour car en droit les camping-cars n’y sont pas soumis. Il serait bon que nous puissions étendre le système de la taxe de séjour à tous les camping-cars car, si ceux qui stationnent dans des campings s’en acquittent, ce n’est pas le cas de ceux qui stationnent de manière sauvage…

M. Éric Straumann, rapporteur. Avez-vous une idée de la proportion de camping-cars qui s’acquittent de cette taxation ?

M. Thierry Cherrière. Nous avons développé 140 emplacements de camping-cars à Giffaumont, la commune où l’activité touristique est la plus forte. Ce dispositif devrait nous permettre de percevoir dans les mois qui viennent une recette relativement conséquente, équivalente à une centaine de camping-cars par jour sur une durée de quatre mois.

Une autre caractéristique remarquable de la taxe de séjour perçue sur le lac du Der est que sur les 90 000 euros collectés, 65 000 le sont par seulement 11 collecteurs. Les 25 000 euros restants sont prélevés par 134 hébergeurs. Cela correspond à une moyenne de 200 euros par hébergeur. Pour chacun d’entre eux, nous devons en moyenne envoyer cinq courriers avant de percevoir la taxe de séjour : un courrier annuel qui leur fait part de la délibération du syndicat fixant le montant de la taxe de séjour, trois autres courriers pour leur demander de payer la taxe en trois fois. Elle était auparavant perçue en intégralité à la fin de l’année mais nous nous sommes aperçus que les hébergeurs s’en étaient servis comme trésorerie et avaient ensuite l’impression de nous donner de l’argent qui leur appartenait lorsqu’ils s’en acquittaient. À cela s’ajoutent les éventuels courriers de relance en cas de non-paiement. Il s’agit donc d’un dispositif très lourd.

M. Charles de Courson. S’y ajoute le problème de la saisie de la matière fiscale car nous n’avons pas transmission des déclarations faites auprès des communes des gîtes et des chambres d’hôtes. Le fait qu’il s’agisse d’un milieu rural nous permet de plus ou moins savoir ce qu’il en est et quelles sont les activités pratiquées dans les environs mais la saisine de l’assiette n’en reste pas moins très empirique… Alors pourquoi n’avons-nous pas adopté le système forfaitaire ? La raison en est que concernant les gîtes, certains n’ouvrent que six mois par an alors que d’autres sont ouverts toute l’année. Cette solution permettrait cependant peut-être de simplifier la situation mais il faudrait établir un système de modulation entre ceux qui ouvrent toute l’année et ceux pour lesquels ce n’est pas le cas.

Par ailleurs, la taxe de séjour est un dispositif fiscal mais qui n’est pas soumis aux modalités de recouvrement d’un impôt dans la mesure où les systèmes fiscaux ne souhaitent pas le prendre à leur charge. Nous ne sommes ainsi jamais allés au contentieux.

M. Thierry Cherrière. Nous savons que certains fraudent car nous sommes propriétaires des réseaux d’eau qui alimentent le pourtour du lac et nous avons ainsi les retours, grâce aux fermiers, des consommations d’eau des campings. Ainsi, en établissant un parallèle entre cette consommation et les déclarations qui sont faites concernant la taxe de séjour, nous pouvons en déduire qu’un certain nombre de nuitées ne sont pas déclarées…

M. Charles de Courson. On peut estimer que la fraude à la taxe de séjour sur les campings est de l’ordre de 25 à 30 %.

M. Éric Woerth, rapporteur. Cela signifie-t-il que la taxe de séjour est encaissée mais qu’elle n’est pas reversée ou qu’elle n’est pas encaissée du tout ?

M. Thierry Cherrière. Il existe deux moyens de frauder. Soit par le biais du système très confus qu’est celui des exonérations et qui permet quasiment de trouver un prétexte pour exonérer tout le monde de la taxe de séjour, soit effectivement la taxe de séjour n’apparaît pas sur la facture mais est incluse dans le prix.

M. Éric Woerth, rapporteur. Une fois que vous avez perçu la taxe de séjour, qu’en faites-vous ?

M. Thierry Cherrière. Comme nous avons eu beaucoup de difficultés à la mettre en œuvre et que nous essayons d’en augmenter le produit, nous avons constitué deux commissions :

– une commission hébergement dans le cadre de l’Office du tourisme qui réfléchit sur la taxe de séjour, évalue, et en propose les montants au syndicat du Der,

– une commission « promotion internet » qui regroupe 20 à 25 adhérents de l’Office du tourisme dont certains prélèvent, et d’autres ne prélèvent pas la taxe de séjour, faute de jouir d’établissements de séjour. Cette commission élabore des propositions quant à l’utilisation des 70 000 euros perçus au titre de la taxe de séjour. Nous éditons par exemple chaque année un document écrit regroupant à la fois la présentation du lac et les adresses des adhérents prélevant la taxe de séjour. La commission réfléchit aussi sur les actions de promotion, les évolutions du site internet, sur les noms de domaine, etc. La commission connaît le coût des supports de communication. Ainsi, lorsque l’un des adhérents émet l’idée de lancer une campagne télévisée, elle peut le ramener à la réalité en mettant face à face le coût d’une telle campagne et les recettes perçues… Cela permet donc de mieux justifier les prélèvements. Par conséquent, le taux de prélèvement de la taxe de séjour est généralement plus élevé parmi ceux qui font partie de cette commission.

M. Éric Woerth, rapporteur. La taxe de séjour est donc affectée au financement des outils de promotion, est-ce bien cela ?

M. Thierry Cherrière. La taxe de séjour est effectivement affectée au financement d’outils de promotion : site internet, supports de documentation, publicité, salons, etc. Nous rendons tous les ans compte de son utilisation devant la commission « Promotion - internet ».

M. Charles de Courson. Nous avons eu beaucoup de mal à créer cette taxe de séjour dans le cadre intercommunal… Il y a donc là une piste de réflexion pour la commission : faut-il aller plus loin dans l’intercommunalisation et la faciliter ou pas ? Je pense qu’il s’agit là d’une bonne idée mais elle nécessite un minimum d’accords. L’ancien texte imposait l’unanimité, ce qui rendait les choses extrêmement difficiles. Ce n’est pas le cas du nouveau texte en vigueur lequel ne requiert qu’une majorité simple.

M. Éric Woerth, rapporteur. Que faudrait-il faire pour améliorer la taxe de séjour ? Cette taxe est-elle nécessaire ?

M. Thierry Cherrière. La taxe de séjour est nécessaire car les collectivités en ont besoin pour financer la promotion touristique. Mais elle pourrait être simplifiée et améliorée en généralisant le régime de la taxe forfaitaire. Cela permettrait à un syndicat comme le nôtre de planifier les dépenses de promotion. Il est vrai que le système forfaitaire est compliqué à mettre en œuvre car de nombreuses discussions sont nécessaires pour effectuer les évaluations. On pourrait s’inspirer du système de la taxe des ordures ménagères dans lequel le prix n’est pas négociable. Il faut aussi aborder le problème des exonérations qui sont trop nombreuses et constituent un moyen d’éluder la taxe. Il faudrait aussi en changer le nom car le terme « taxe » passe mal. Je propose « contribution au développement touristique ».

M. Charles de Courson. Je rajouterai qu’il faudrait que les modalités de recouvrement soient alignées sur celles des impôts locaux. Cela permettrait de réduire le taux de fraude qui est anormalement élevé. Je crains toutefois que la DGFIP ne le souhaite pas. Le produit de la taxe de séjour étant d’environ 200 millions, la DGFIP percevrait pour assurer cette mission de l’ordre de 2 ou 3 %, soit 6 ou 7 millions d’euros. J’ajoute que la collecte des informations pour établir l’assiette pose problème. Le système actuel n’est pas satisfaisant.

M. Éric Woerth, rapporteur. Faut-il élargir l’assiette de la taxe de séjour ?

M. Thierry Cherrière. À ce jour, certains hébergements échappent à la taxe de séjour, comme les cabanes dans les arbres ou les roulottes.

M. Charles de Courson. Il faut affiner le champ de la taxe. Je pense aux camping-cars, aux bateaux utilisés comme résidence secondaire, aux mobile-homes. Mais comment savoir qu’ils sont occupés ?

M. Éric Woerth, rapporteur. Le problème n’est pas celui de leur occupation mais de leur location.

M. Charles de Courson. Oui, je parle des locations. Le problème est le même pour les roulottes ou toute autre forme originale de nuitée. Nos textes ne sont pas adaptés à la diversification des modes d’hébergement. Les mobile-homes posent problème pour la taxe de séjour, mais également pour les autres impôts locaux, taxes d’habitation et foncière.

M. Thierry Cherrière. Pour les mobile-homes, le système actuel permet d’évaluer à 28 jours l’occupation annuelle pour établir la taxe de séjour. Ainsi, si le mobil home est situé sur un terrain de camping, nous avons la possibilité de demander au gestionnaire de nous restituer le produit de la taxe de séjour équivalent à 28 jours d’occupation.

M. Charles de Courson. Oui, mais certains sont occupés beaucoup plus que 28 jours. Le sujet est complexe. Souvent, ces mobile-homes sont achetés par des investisseurs privés qui les utilisent pour partie à titre personnel et les louent le reste du temps. C’est le même sujet que celui des propriétaires de résidences secondaires qui procèdent de temps à autre à leur location et qui échappent à tout impôt. Ce système s’est développé notamment sous l’impulsion de sites internets de mise en relation. Je vous lirai un modèle de contrat à ce propos tout à l’heure.

M. Éric Straumann, rapporteur. Pensez-vous qu’il faut toucher aux taux de la taxe de séjour ?

M. Thierry Cherrière. Les taux sont assis sur les classements. Mais le classement est une démarche volontaire de l’hébergeur. Or, il arrive que l’hébergeur n’effectue pas les démarches nécessaires à son classement, soit parce qu’il dispose d’une notoriété suffisante pour capter une clientèle, soit parce qu’il compte sur la promotion qu’il effectue par lui-même. C’est particulièrement vrai pour les hébergements de qualité qui peuvent ainsi bénéficier d’un taux relativement bas et identique à celui d’un hébergement de moins bonne qualité.

J’ajoute un point sur les moyens de coercition. Nous en avons mis un en œuvre : nous retirons de notre site internet l’hébergeur qui ne reverse pas la taxe de séjour. Ce moyen de pression fonctionne bien car l’hébergeur reprend généralement les versements pour pouvoir y figurer à nouveau.

M. Charles de Courson. Pour résumer votre pensée, il faut revoir les modalités de recouvrement pour les assimiler à celles d’un impôt local, passer à un système plus forfaitaire, prévoir la transmission des déclarations en double à l’organisme collecteur, et supprimer toutes les exonérations qui sont autant de sources de fraude.

M. Thierry Cherrière. Et changer le nom.

M. Charles de Courson. Oui, il faut aussi changer le nom de cet impôt. « Contribution au développement du tourisme » me paraît bien. Le terme « contribution » permet de souligner qu’on associe ceux qui paient l’impôt à son utilisation.

M. Éric Woerth, rapporteur. C’est le cas dans ma localité. Nous avons un comité d’affectation de la taxe de séjour composé majoritairement d’hébergeurs. Ce comité propose à la communauté de communes les dépenses de promotion à effectuer.

M. Charles de Courson. Je voudrais aussi aborder le problème de la fourchette des taux. Le taux minimum est très bas, peut-être trop bas. Il faudrait progressivement le remonter. Peut-être faudrait-il aussi augmenter le taux plafond pour tenir compte de la variété des situations ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Je reviens sur le changement de nom et l’abandon du terme « taxe ». Le terme « contribution » peut atténuer le sentiment du caractère obligatoire de l’impôt alors que ce caractère est bien accepté aujourd’hui.

M. Charles de Courson. Je précise mon propos de tout à l’heure. C’est jusqu’à la loi du 12 juillet 1999 qu’une seule commune pouvait s’opposer à l’institution de la taxe de séjour. Désormais, la majorité simple au sein de l’établissement public intercommunal suffit.

M. Éric Straumann, rapporteur. Monsieur Cherrière, y a-t-il des accès payants sur le site dont vous avez la charge ?

M. Thierry Cherrière. Il n’y a pas d’accès payant au bord de l’eau car nous sommes soumis à la loi relative à la protection du littoral. Nous avons toutefois des recettes issues de diverses locations, places de catway, droit de pêche, ou autres. Nous avons de l’ordre de six cents à sept cent mille euros de recettes, ce qui représente 52 % de notre budget de fonctionnement.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, comme je l’ai dit tout à l’heure, je voudrais vous donner lecture d’une clause d’un mandat de location que propose un site internet spécialisé dans la location de logements de particuliers à des vacanciers. Cette clause porte sur l’aspect fiscal et stipule : « Anatole SAS collecte pour votre compte auprès de l’utilisateur le montant de toute taxe, contribution ou redevance, dues au titre de la réservation et de l’occupation de votre résidence. Ce montant vous est reversé par Anatole SAS en même temps que le loyer. Il vous appartient alors de reverser ces montants à l’administration concernée. Anatole SAS n’intervient pas dans ce processus, sauf si elle y est contrainte par la loi ».

Je vais vous lire un autre article de ce contrat : « la mission confiée à Anatole SAS consiste exclusivement à vous fournir les prestations décrites au terme du présent accord. Par conséquent, sa responsabilité ne saurait être recherchée pour raisons suivantes : conséquences fiscales de la location de votre résidence, étant précisé qu’Anatole SAS ne vous prodigue aucun conseil en matière fiscale ».

À la lecture de ces clauses, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux imposer à ces sites internet de collecter et de reverser la taxe de séjour

M. Éric Straumann, rapporteur. On voit en tout cas qu’ils ont senti le problème.

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Audition du 16 avril 2014

M. Jean Burtin, président de la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative (FNOTSI), accompagné de M. Yannick Bertolucci.

M. Éric Straumann, rapporteur. Nous accueillons maintenant M. Jean Burtin, président de la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative (FNOTSI), accompagné de M. Yannick Bertolucci.

Messieurs, avant de répondre à ces questions, vous pourriez nous présenter en quelques mots votre fédération.

M. Jean Burtin, président de la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative (FNOTSI).  La Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative (FNOTSI), dont le siège est à Paris, est une tête de réseau d’environ 2 800 offices de tourisme et syndicats d’initiative, dont 85 % adhèrent à notre Fédération. Elle emploie 11 000 à 12 000 salariés répartis à travers le réseau. Ses quatre missions régaliennes sont inscrites dans le code du tourisme : la promotion, l’accueil, l’information et la coordination des acteurs locaux.

Depuis une dizaine d’années, nous remarquons une évolution extrêmement rapide et importante, à savoir une importante diminution du nombre des structures. En effet, il y a dix ans, on comptait 3 600 offices de tourisme et syndicats d’initiative. Mais ce n’est pas parce que leur nombre diminue que le nombre de bureaux d’information diminue. Nous allons vers une professionnalisation par regroupement de chacune des structures, qui s’arrangent ensuite entre elles pour assurer une bonne répartition de l’accueil.

Depuis l’arrivée du numérique et des réseaux sociaux, la Fédération a fait preuve d’un grand dynamisme. Nous nous sommes très vite appropriés ces outils, dont nous nous servons au quotidien. Aujourd’hui, certains offices de tourisme sont de véritables entreprises : celui d’Aix-en-Provence emploie plus de 100 salariés et demain, Brive en emploiera 120. Il existe bien sûr encore de petits syndicats d’initiative et il est parfois difficile de faire le grand écart entre les petites et les très grosses structures, même si, sur le plan social, par exemple, elles rencontrent toutes les mêmes problèmes. Je précise que 54 % ont la forme d’offices de tourisme intercommunaux, et déjà 4 ou 5 % la forme d’offices de tourisme intercommunautaires, ce qui prouve que nous avions anticipé les regroupements prônés par la loi Novelli.

Les formes juridiques sont les suivantes : 70 % des offices de tourisme sont encore sous forme associative ; 15 % sous forme d’EPIC et 14 % sous forme de régie ; ce sont les chiffres réels, établis à partir des appels à cotisations que nous avons lancés. Existent 7 sociétés publiques locales (SPL) et quelques syndicats mixtes (SM) dans les régions de montagne.

Le nombre de régies augmente. Selon nous, les raisons sont de deux ordres : d’abord, les subventions ont tendance à diminuer, comme partout ; ensuite, les élus ayant probablement pris conscience de l’importance du tourisme, et donc de ses bras armés que sont les offices de tourisme, ont tendance à vouloir, sinon se les approprier, du moins s’en rapprocher. Au titre de la Fédération nationale, ce n’est pas pour nous satisfaire, dans la mesure où nous considérons que le tourisme est l’affaire de tous. Or, dans le cas d’une régie, les socioprofessionnels sont complètement mis de côté. Nous lui préférons l’EPIC, l’outil le plus efficace, et surtout l’association, qui est certainement le meilleur outil, en raison de sa souplesse. Mais elle n’est pas forcément adaptée pour les grosses structures.

Le classement des hébergements touristiques qui a découlé de la loi Novelli est en train de se mettre en place, mais pas très facilement. Un certain nombre de structures ont du mal à remplir un maximum de critères, voire tous les critères. Aujourd’hui, des établissements ne sont toujours pas classés, non pas parce que c’est leur souhait, mais parce qu’ils ne remplissent pas ces critères. Chaque préfecture ne réagit pas non plus de la même façon. Dans certains départements, tout se passe très bien parce que la compréhension et la confiance sont établies. Dans d’autres, c’est beaucoup plus compliqué. Il arrive même que les préfectures aillent au-delà des critères du classement.

Venons-en à la taxe de séjour. Nous sommes évidemment concernés, bien qu’indirectement. En effet, la TS est intégralement reversée aux offices de tourisme lorsqu’ils sont constitués sous forme d’EPIC. De plus en plus souvent, certains élus acceptent de la reverser aux associations. Cela se conçoit, puisque cette taxe est destinée à financer les actions touristiques. Que la collectivité donne 50 % de TS plus 50 % de subventions ou 30 % de TS plus 70 % de subventions, peu importe. Si l’office du tourisme a besoin d’un budget pour fonctionner, il le lui faudra sous quelque forme que ce soit.

Par ailleurs, nous espérons bien que cette taxe restera au niveau communal – ou en tout cas au niveau du bloc communal. C’est pour nous absolument indispensable.

M. Éric Woerth, rapporteur. Vous auriez peur qu’elle soit départementalisée, par exemple ?

M. Jean Burtin. Un certain nombre de départements ont mis en place la taxe additionnelle. Nous espérons que la TS – quand nous voyons ce qu’elle représente – restera au niveau communal. C’est le moyen de réinvestir cette collecte dans les actions touristiques de proximité. N’oubliez pas que nous sommes les seuls organismes locaux institutionnels dits de proximité. C’est un atout important, mais c’est bien la raison pour laquelle nous avons besoin de cette retombée.

S’agissant de l’affectation de la taxe : nous espérons qu’elle restera la même.

S’agissant des changements dans le classement des hôtels, intervenus dans la loi Novelli : nous ne sommes pas directement concernés. Il n’empêche qu’une partie des adhérents de chacun de nos offices de tourisme sont des hébergeurs – que ce soit des hôtels ou des campings. Voilà pourquoi nous avons quelques propositions à faire.

Il faudrait, selon nous, fortement simplifier la grille actuelle. Plutôt que de parler d’hôtels, de campings ou d’autres sortes d’hébergement, on pourrait parler d’hébergement touristique, auquel on appliquerait un classement allant d’une à cinq étoiles. Pour l’instant, les hôtels cinq étoiles sont au même niveau que les hôtels quatre étoiles. Il n’est pas tout à fait logique de continuer ainsi. Par exemple il y a 17 hôtels cinq étoiles à Courchevel, cela vaudrait la peine de différencier les cinq étoiles des quatre étoiles.

Nous avons également le problème des hébergements non classés, qui existent encore. Est-ce par volonté de ne pas se classer, ou par impossibilité de se classer ? Je pencherais plutôt pour la deuxième solution. Il n’empêche que le taux de TS applicable aujourd’hui aux non classés nous paraît beaucoup trop faible. Nous aimerions qu’on les remonte au niveau d’un trois étoiles, par exemple, ce qui constituerait un bon intermédiaire.

Nous proposons par ailleurs de réduire le nombre de possibilités à l’intérieur d’une même catégorie. Dans la fourchette actuelle, les variations sont possibles au centime près. On pourrait peut-être ne garder que trois possibilités à l’intérieur de la catégorie de classement, en se basant sur la différence de destination touristique : dans les milieux ruraux, le chiffre le plus bas ; dans une ville moyenne, le chiffre du milieu ; et à Paris ou sur une station de montagne ou littorale, le chiffre du haut.

Ensuite, il suffit de voyager à l’étranger pour se rendre compte qu’en France, on est loin du compte en matière de TS. À Milan, par exemple, celle-ci est de 4 euros la nuit pour un hôtel quatre étoiles. On pourrait certainement augmenter un peu l’ensemble des taux. Si l’on en croit d’ailleurs les sondages que nous avons faits dans nos propres offices, la taxe de séjour est vraiment passée dans les mœurs. Curieusement, elle est mieux acceptée par les touristes qui savent qu’ils seront taxés partout où ils iront, que par les hébergeurs.

Enfin, nous proposerions d’inclure dans cette grille les mobil-homes, les camping-cars, et les bateaux de croisière. Pour les bateaux de croisière, il ne serait certainement pas très difficile de mettre en place une TS ; en effet, les investissements sont importants. Pour les camping-cars, ce serait certainement beaucoup plus compliqué ; mais il faudrait peut-être intervenir, ne serait-ce que pour éviter que les autres hébergeurs ne les montrent du doigt.

M. Éric Straumann, rapporteur. S’agissant des bateaux de croisière, quel serait le fait générateur ?

M. Jean Burtin. Les bateaux de croisière pourraient être taxés à l’entrée en cas de débarquement dans la ville ; ils savent tous très précisément combien ils ont de personnes à bord. Ils pourraient aussi être taxés de façon forfaitaire. De toute façon, il ne doit pas être très compliqué de collecter la taxe sur ces bateaux.

Maintenant, la grande question est de savoir si la taxe de séjour doit être réelle ou forfaitaire. Les deux formules existent. J’ai remarqué qu’à chaque fois qu’on était passé de l’une à l’autre, la collecte s’était améliorée, mais je ne crois pas qu’on puisse en tirer de conclusion. C’est à la commune ou à la collectivité de choisir. Il semble, pour avoir été élu, que la collecte est plus facile lorsque la taxe est forfaitaire, puisque, par définition, on connaît le montant à réclamer. Dans un régime au réel, on ne le sait pas, puisque la déclaration est volontaire. Ce côté pratique pourrait inciter un certain nombre de communes à favoriser la collecte forfaitaire. Mais ce n’est qu’un petit avantage. Nous ne pouvons pas, quant à nous, nous prononcer de façon plus précise.

Enfin, nous ne pouvons pas négliger la question des nouvelles formes d’hébergement, qui sont apparues il y a peu. Elle a deux aspects : l’aspect commercial et l’aspect réglementaire.

Prenons le cas de Airbnb, qui s’est engagé à appliquer la loi Alur, donc à obliger le loueur à produire la déclaration, et à demander l’autorisation préalable qui sont prévues par le code du tourisme, le code de la construction et de l’habitation, en exigeant, préalablement à la location du bien, une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ses obligations. C’est certainement un vœu pieux, mais au moins l’a-t-il écrit – sans doute sous la pression.

Si toutes les réglementations ne sont pas appliquées, et d’abord la déclaration en mairie, nous passons évidemment à côté de fiscalités – taxe de séjour, éventuellement impôt sur le revenu, etc. On ne peut évidemment pas soutenir ce commerce sans réclamer de réglementation, même si je ne sais pas comment le législateur pourra procéder. Et je ne parle pas des tour-opérateurs virtuels comme Booking.com, qui ne déclarent à peu près aucune fiscalité dans notre pays, ce qui accroît davantage encore la perte de ressources subie par la France.

Nous sommes sollicités par Booking.com, ou Airbnb, ou HomeAway qui tentent de nouer un partenariat avec nous. Évidemment, nous n’y sommes pas enclins, tant que cette question n’aura pas été réglée. D’abord, nous serions complices de cette non-réglementation. Ensuite, les offices du tourisme qui, eux aussi, proposent de l’hébergement, risquent d’avoir une offre quantitativement moindre que Airbnb, par exemple, alors que leur spécialité est d’offrir des hébergements qualifiés – ce qui n’est pas le problème de Airbnb.

Nous restons à l’écoute et nous essayons de réfléchir et d’écouter tout le monde, parce que c’est un vrai souci qui, je l’espère, est partagé.

M. Éric Straumann, rapporteur. Est-ce que vous sentez de la concurrence entre l’hôtellerie traditionnelle et ce type d’offres sur internet, comme Airbnb ?

M. Jean Burtin. Pas encore. Ces offres portent surtout sur du meublé, des chambres d’hôtes, mais encore peu sur de l’hôtellerie, même s’ils vont certainement s’y lancer.

M. Yannick Bertolucci. Je souhaite compléter les propos de mon président.

D’après les offices de tourisme, il semble qu’un certain pourcentage des clients de l’hébergement traditionnel a adopté ces nouvelles formes d’hébergement mais que, globalement, ces nouvelles formes d’hébergement sont adoptées par de nouveaux visiteurs. Les offices de tourisme, étant là pour développer leur territoire et drainer de nouvelles clientèles, ne peuvent évidemment pas passer à côté du phénomène.

Je crois savoir que la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) est en train de mener une étude là-dessus. De fait, il serait intéressant de voir qui sont véritablement ces clients. S’agit-il de clients qui délaissent l’hôtellerie traditionnelle ou de nouveaux visiteurs ?

M. Éric Straumann, rapporteur. Vos adhérents, hôteliers ou hébergeurs, qui paient leurs impôts, ne se plaignent pas de la montée de ce phénomène du type Airbnb ?

M. Jean Burtin. Pas encore, dans la mesure où les hébergements concernés sont plutôt des chambres d’hôtes ou des meublés classiques. La petite hôtellerie est également concernée. En revanche, les hôteliers sont très critiques à l’égard de Booking.com. Ils ont été contents d’y recourir, mais cela leur coûte environ 20 % de plus – qu’ils ne manquent pas de répercuter sur leurs clients. Bien sûr, ils sont à peu près assurés de remplir leurs chambres, mais ils se trouvent pieds et mains liés, ce qui ne leur convient pas. Aujourd’hui il est difficile de faire machine arrière. Étant donné le budget que Booking.com consacre à son référencement, à sa promotion, à la communication, qui pourrait lutter ?

De notre côté, nous voudrions que l’on puisse commercialiser de l’hébergement diffus à partir de notre site, tourisme.fr, qui appartient à Offices du tourisme de France. Comme nos moyens sont limités, nous procédons avec lenteur. C’est dommage parce qu’il me semble que la création d’un portail national allant jusqu’à la commercialisation, irait dans le sens de la politique menée par les ministères. J’observe que nous sommes les plus riches en données qualifiées, fiables, et fiables au quotidien. C’est un atout dont il faudrait tirer parti. Cela dit, il n’est pas question de prendre la place d’Atout France. Notre objectif consiste seulement à offrir une alternative aux opérateurs des nouveaux types d’hébergement. Nous y parviendrons peut-être…

M. Éric Woerth, rapporteur. Même si vous n’êtes pas directement concernés, êtes-vous souvent sollicités à propos des problèmes de collecte ?

M. Jean Burtin. Nous sommes très souvent sollicités. Personne n’est satisfait de la façon dont se passe la collecte. Certaines stations et métropoles importantes ont embauché, soit à temps plein, soit à temps partiel, un collecteur qui fait du porte-à-porte. Elles se sont aperçues que les frais que cela entraîne sont très vite amortis, tellement le bénéfice est immédiat et important. Cela prouve bien que la marge de manœuvre est considérable.

M. Yannick Bertolucci. Certains ont émis l’idée d’étendre la procédure de taxation d’office à la taxe de séjour, en cas de carence des obligations déclaratives. Jusqu’à présent, la loi l’interdit. Pourtant, dans la pratique, ce serait plus intéressant que les amendes actuelles, qui ne dépassent pas la contravention de troisième classe. De nombreux offices et de nombreuses communes y seraient favorables.

M. Éric Straumann, rapporteur. Avez-vous connaissance de la façon dont ces amendes sont appliquées ?

M. Jean Burtin. Elles sont extrêmement rares. Il ne faut pas oublier que les hébergeurs sont également des électeurs.

M. Éric Straumann, rapporteur. Les maires appliquent bien les amendes aux stationnements interdits !

M. Éric Woerth, rapporteur. Sur l’utilisation de la taxe de séjour, avez-vous des propositions à formuler ?

M. Jean Burtin. Oui. Nous souhaiterions que la taxe de séjour soit plus officiellement encore attribuée aux offices de tourisme. C’est déjà le cas lorsque l’office de tourisme a la forme d’un EPIC. Mais il serait tellement plus simple de prévoir aussi cette obligation pour les offices de tourisme qui ont la forme d’associations. On pourrait ainsi facilement moduler montant de TS et subvention publique de fonctionnement en fonction des besoins de l’office de tourisme. À moins, bien sûr, que la TS dépasse le besoin total de fonctionnement de l’office. Mais c’est très rare, sauf dans de très grandes villes comme Paris.

M. Yannick Bertolucci. Il faut reconnaître que certaines communes versent déjà à l’office de tourisme un montant de subvention globale de fonctionnement beaucoup plus importante que de TS. Mais on pourrait décider qu’un certain pourcentage du montant de la collecte de TS serait reversé à l’office de tourisme – je ne parle pas des EPIC, pour lesquels la question ne se pose pas. Ce serait une façon de garantir à l’office le versement de certaines sommes à des fins vraiment touristiques. Évidemment, les communes qui perçoivent un montant très élevé de taxe de séjour n’y auraient pas intérêt dans la mesure où elles peuvent aujourd’hui procéder à des aménagements qui dépassent clairement l’activité de l’office.

M. Jean Burtin. On pourrait débaptiser la taxe de séjour en « taxe touristique » et appliquer la taxe à d’autres prestations touristiques que le seul hébergement, comme le font la Suisse et l’Autriche : lieux de visite, locations de vélo, de bateaux, etc. Tout commerce devient évidemment touristique en saison, même s’il me paraît difficile de taxer tous les commerces.

M. Yannick Bertolucci. Genève le fait.

M. Jean Burtin. Au moins pourrait-on taxer les opérateurs de loisirs destinés au tourisme. Ce ne serait pas illogique, et il y en a beaucoup. Certains ont même proposé de taxer les gens qui prennent l’autoroute…

M. Yannick Bertolucci. Sont notamment visés les étrangers, par exemple les Allemands qui traversent la France pour aller en Espagne. Mais là encore, comment désigner les futurs assujettis et percevoir la taxe ?

M. Éric Woerth, rapporteur. Un camion paiera la taxe des camions, et tous paieront l’autoroute.

M. Éric Straumann, rapporteur. Et en plus d’acquitter le péage, ils achèteront de l’essence.

M. Éric Woerth, rapporteur. Il serait assez délicat d’étendre la taxe au-delà de l’hébergement. Prenez, par exemple, les parcs de loisir. Ils ne paient pas de taxe de séjour, mais ils paient davantage de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cela nous ferait passer d’une fiscalité fondée sur l’hébergement à une fiscalité touristique affectée, ce qui est tout autre chose.

M. Jean Burtin. Nous pourrons en reparler dans quelques années. Pour le moment, si nous pouvions améliorer la collecte de la taxe de séjour, la reverser là où il faut et l’harmoniser par rapport à nos voisins, ce serait déjà un pas immense. Cette taxe représente aujourd’hui presque 200 millions d’euros. Chacun s’accorde à dire que l’on pourrait en tirer le double.

M. Yannick Bertolucci. On pourrait la rendre obligatoire.

M. Jean Burtin. C’est difficile, chez nous, d’imposer des obligations. Déjà, le classement ne l’est pas, même si on peut le regretter.

À l’appellation de « commune touristique », nous préférerons celle de « commune à vocation touristique ». Aujourd’hui, quelque 2 600 communes sont assujetties à la taxe de séjour. Or, sur les 36 000 communes françaises, je pense que presque la moitié peut se targuer d’avoir quelque chose de touristique – même si on n’a pas fait l’inventaire. En tout cas, il y en a beaucoup plus que 2 600. Comme, par ailleurs, la taxe est passée dans les mœurs, que le voyageur risque de s’étonner de ne pas en payer partout où il va, je pense que toute commune à vocation touristique pourrait la mettre en place.

Il ne s’agit pas d’obliger ces communes à collecter une taxe de séjour, mais de les y inciter fortement. Or, manifestement, certains élus ne savent toujours pas que cette taxe existe, à quoi elle sert et comment l’appliquer. Cela suppose que l’État fasse des efforts de communication à destination des consommateurs, en passant par les préfectures et les collectivités. Cela nous semble important pour une bonne compréhension de tous.

M. Yannick Bertolucci. Il faut surtout rappeler que la taxe de séjour est payée par le visiteur et pas par l’hébergeur. Au niveau des communes, et notamment des offices de tourisme, des plaquettes donnent toutes les informations nécessaires. Mais il est exact que l’hébergeur s’imagine qu’il doit payer une taxe, alors que celle-ci figure sur la facture. Je pense que c’est à l’État de diffuser une information nationale sur la taxe de séjour.

M. Jean Burtin. Nous allons vous laisser une note qui porte, notamment, sur nos propositions de modification de barèmes.

M. Éric Woerth, rapporteur. Êtes-vous en phase avec l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques ?

M. Jean Burtin. Oui. Nous discutons souvent avec l’ANMSCCT, ne serait-ce que sur les offices de tourisme qui, pour elle, doivent être obligatoirement classés.

M. Éric Woerth, rapporteur. Souhaite-t-elle, ou pas, qu’elle soit collectée par la DGFiP ?

M. Jean Burtin. Pour notre part, nous souhaitons que la collecte reste comme elle est. Mais elle nous échappera un jour et ce sera une catastrophe.

M. Éric Straumann, rapporteur. Merci messieurs.

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Audition du 14 mai 2014

M. Guylhem Féraud, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA), accompagné de M. Nicolas Bouvier, chargé de la communication (agence APCO), et de Mme Yasmine Amer, chargée du service juridique.

M. Éric Straumann, rapporteur. Nous poursuivons nos auditions sur la fiscalité des hébergements touristiques en accueillant M. Guylhem Féraud, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA).

Je propose que vous nous présentiez votre action, puis nous aborderons plus particulièrement la question de la taxe de séjour, qui occupe une place majeure dans le dispositif.

M. Guylhem Féraud, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA). La Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA) rassemble l’ensemble des fédérations et syndicats de terrains de camping en France, soit plus de 9 000 terrains de camping au total.

La profession, qui avait massivement investi depuis une vingtaine d’années dans la qualité, s’est retrouvée dans une position plutôt favorable lorsque la crise a éclaté : les établissements, qui s’étaient largement modernisés, répondaient à la demande de la clientèle. Pendant la crise, nous avons donc continué à créer des emplois et le nombre de nuitées en camping n’a cessé de s’accroître, malgré une capacité d’accueil, qui, pour sa part, est restée stable depuis vingt ans.

Dans un premier temps, nous avons bénéficié de l’arrivée d’une clientèle nouvelle, aux revenus relativement élevés, et l’augmentation du nombre de nuitées s’est accompagnée d’une croissance à peu près équivalente du chiffre d’affaires. Cependant, depuis deux ans, la situation a changé : bien que le nombre de nuitées continue d’augmenter, nos marges diminuent, en partie du fait de l’alourdissement de la fiscalité, et notamment de la hausse de la TVA, qui nous a enlevé 4,5 points de marge – les tarifs étant restés sensiblement les mêmes. Le phénomène a été en partie compensé par une réduction des investissements dans les mobil-homes : le nombre de modèles neufs vendus aux terrains de camping est passé de 20 000, il y a trois ans, à 11 000, cette année. Cette variable d’ajustement semble néanmoins avoir épuisé ses possibilités : si l’on continuait sur cette lancée, le parc pourrait vieillir ; les fabricants de mobil-homes sont quant à eux en très grande difficulté, car ils ont subi de plein fouet la diminution des commandes.

Depuis quelques mois, on note en outre une exaspération croissante de la profession face à la multiplication des normes nouvelles. Je suis président de la Fédération depuis 1989 ; j’ai été l’artisan du rassemblement de la profession et j’ai assisté à sa croissance et à sa modernisation. Les gestionnaires de camping font habituellement preuve d’un bon état d’esprit : ce sont des personnes indépendantes, qui portent un regard positif sur l’avenir et qui se prennent en main – ils ne sont pas du genre à se plaindre de l’État tout en réclamant sans cesse des subventions et des aides. Or, depuis quelques mois, je perçois un durcissement de leur ton comme lors de notre dernier conseil d’administration. Jamais je n’ai vu des personnes aussi exaspérées par le résultat de vingt années de complexification administrative, d’un empilement de réglementations, d’une bureaucratisation croissante. Trop souvent, l’administration cherche à contrôler le bon respect des règles plutôt qu’à faciliter l’exploitation des terrains. Prises individuellement, ces règles peuvent être bonnes – nous avons même soutenu certaines d’entre elles ; le problème, c’est leur accumulation, qui a fini par démoraliser la profession.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?

M. Guylhem Féraud. Eh bien, par exemple, les normes d’insertion paysagère ont du bon, puisqu’elles obligent les gestionnaires de camping à intégrer leurs établissements dans le paysage, mais elles impliquent que l’on obtienne un permis d’aménager, au terme d’une procédure longue, complexe et coûteuse. De même, la réforme des normes de classement, que nous avions soutenue, arrive au mauvais moment !

Il y a aussi des choses que l’on subit. La réforme du temps partiel est ainsi la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Nos adhérents nous ont demandé de ne plus négocier avec les syndicats. Nous leur avons répondu que dans ce cas, ils ne pourraient plus conclure de contrats de moins de 24 heures hebdomadaires, ce qui serait très pénalisant pour eux – la profession comptant beaucoup de petits établissements qui emploient du personnel un jour par semaine, pour les arrivées et les départs. Le rejet est total. Or, la fédération étant organisée de manière pyramidale, nous avons besoin d’un mandat de nos adhérents pour négocier.

Le droit du travail est devenu extrêmement complexe. Pendant des années, j’ai géré la profession en insistant sur le fait qu’il fallait privilégier une démarche de partenariat, que la situation budgétaire étant difficile, il était normal que cela provoque un durcissement de la fiscalité ; ce discours était accepté. Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous ne pouvons plus rien demander à nos adhérents. Ils nous accuseraient presque de collusion avec les services de l’État ! Ils veulent descendre dans la rue – mais ce n’est pas ma façon de procéder ; moi, je veux négocier, mais ma marge de manœuvre est limitée.

M. Nicolas Bouvier (agence APCO), chargé de la communication de la FNHPA. Nous vous avons transmis un document qui résume bien la situation. Il y a quatre sources de mécontentement : l’augmentation des coûts, les freins au dynamisme et à la capacité d’innovation, la multiplication des contrôles et les incertitudes législatives et réglementaires.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Peut-être serait-il bon que vous soyez entendus par la commission des affaires économiques, qui a engagé des travaux sur le secteur du tourisme. En ce qui nous concerne, nous travaillons surtout sur le volet fiscal.

M. Éric Straumann, rapporteur. Tous les acteurs économiques font état de difficultés avec la réglementation. Que s’est-il passé depuis cinq ans pour que la situation empire à ce point ? Votre chiffre d’affaires ne semble pas avoir diminué au contraire, les mobil-homes se développent, et ils semblent attirer une nouvelle clientèle. Vos marges de manœuvre financières se sont-elles réduites ?

M. Guylhem Féraud. Il est vrai que notre activité continue de progresser ; le nombre de nuitées en camping croît presque chaque année de 1 à 2 %. En revanche, le chiffre d’affaires progresse moins vite et nos marges se sont réduites. Le poids de la fiscalité s’est accru et les agences de voyage en ligne, les OTA, sont entrées en jeu : or, si leurs commissions n’étaient que de 2 ou 3 % il y a quelques années, elles atteignent aujourd’hui 15 à 20 %.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quelle est la part des OTA dans votre secteur ?

M. Guylhem Féraud. Elle est devenue très importante. Hier, l’une d’entre elles a déclaré compter 2 000 terrains de camping parmi ses clients – soit presque un quart de la profession !

M. Éric Straumann, rapporteur. Quelle proportion du chiffre d’affaires d’un camping cela représente-t-il ?

M. Guylhem Féraud. Nous n’avons pas encore chiffré avec précision le phénomène, car il n’est devenu inquiétant que depuis un an ou deux. Pour ma part, j’évalue cette proportion à 20 % ; pour certains terrains, c’est peut-être plus, pour d’autres, moins.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quelles plateformes sont présentes dans votre secteur ?

M. Guylhem Féraud. Booking est arrivé il y a un an sur le marché, mais sa part y est encore réduite. Le plus important des OTA dans notre secteur est Octopode ; il y a aussi Expedia et d’autres sociétés de moindre poids, comme ANWB.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Leur intervention ne vous assure-t-elle pas un chiffre d’affaires minimum ?

M. Guylhem Féraud. En réalité, les moyens financiers des OTA sont tels qu’ils rachètent les noms de domaine des campings ; ils en assurent ensuite la promotion et ils aspirent la clientèle. Les clients que les OTA adressent aux terrains de camping sont en premier lieu les habitués, qui ne se rendent pas compte qu’ils passent par un intermédiaire. Résultat : le camping en vient à payer une commission sur ses propres clients. Il est bien difficile de sortir du système, puisque, comme l’opérateur détient la propriété du nom de domaine, c’est ce dernier qui continuera d’attirer la clientèle, qui sera ensuite réorientée vers d’autres campings !

M. Éric Straumann, rapporteur. Venons-en au cœur de notre sujet : la taxe de séjour. Fonctionne-t-elle bien ? Comment vos adhérents la perçoivent-ils ? Jugent-ils qu’elle pourrait évoluer ?

M. Guylhem Féraud. Ce problème n’est pas récent ! La taxe de séjour mécontente tout le monde : les maires parce qu’ils n’arrivent pas à la percevoir correctement, et nos adhérents parce que ceux qui paient la taxe de séjour forfaitaire se plaignent qu’elle soit surévaluée. Je veux bien admettre que personne ne paie volontiers l’impôt, mais, en toute objectivité, il y a des problèmes.

Pourrait-on la faire évoluer ? À titre personnel, je pense que l’on pourrait élargir son assiette et diminuer son taux. Aujourd’hui, la taxe de séjour est concentrée sur l’hébergeur ; on dit que c’est le client qui paie, mais c’est toujours le cas, sous une forme ou sous une autre ! Elle représente en outre un montant non négligeable : pour la location d’un emplacement de camping, qui coûte en moyenne de 15 à 20 euros la nuit, il faut ajouter de cinquante centimes à un euro.

Les maires se plaignent de ne pas réussir à percevoir correctement la taxe auprès des hébergeurs individuels ; quant à nos adhérents, ils se plaignent d’être aisément contrôlables, lorsque d’autres ne paient jamais la taxe. Hier, nous avons procédé à un rapide sondage afin de recueillir l’avis de la profession avant de participer à cette audition : presque tous nos adhérents sont favorables un élargissement de la taxe, soit à d’autres activités du tourisme, comme la restauration ou les parcs de loisir, soit à la totalité de l’activité économique. Une taxe touristique communale représenterait un montant infinitésimal, elle n’inciterait pas à la fraude et il n’y aurait aucune tricherie possible ; elle pourrait en outre être perçue par les services de l’État.

M. Éric Straumann, rapporteur. Il s’agirait donc d’une sorte de TVA additionnelle locale. Les habitants s’en acquitteraient-ils eux aussi ?

M. Guylhem Féraud. Oui, mais son montant serait très faible, puisqu’il serait réparti sur l’ensemble de l’activité économique : du maçon au boulanger, tout le monde bénéficie des retombées du tourisme.

M. Éric Straumann, rapporteur. Que savez-vous des sous-déclarations ? S’agit-il d’une pratique généralisée ou la fraude est-elle marginale ?

M. Guylhem Féraud. Nous avons posé la question à nos adhérents, en leur demandant d’y répondre avec honnêteté. Il en ressort qu’en ce qui concerne les hébergements touristiques collectifs – hôtellerie, résidences de tourisme, campings –, globalement, les professionnels semblent respecter les obligations de déclaration. En revanche, pour les autres modes d’hébergement, comme les studios ou les appartements loués par des particuliers, il y aurait 80 % de déperdition.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Une taxe de séjour au forfait ne permettrait-elle pas de répondre à cette situation ?

M. Guylhem Féraud. Nous n’avons pas évoqué cette possibilité avec nos adhérents ; j’ignore si c’est possible pour les hébergeurs individuels.

À titre personnel, je n’y verrais pas d’inconvénient

M. Éric Straumann, rapporteur. Pensez-vous que les sous-déclarations soient plus nombreuses dans les campings que dans l’hôtellerie ?

M. Guylhem Féraud. La profession est dans sa grande majorité composée d’honnêtes gens. Les contrôles fiscaux donnent rarement lieu à des redressements importants ; nous n’avons pas rencontré de cas de tricherie caractérisée.

M. Éric Straumann, rapporteur. Avez-vous connaissance de contrôles qui auraient porté spécifiquement sur le versement de la taxe de séjour ?

M. Guylhem Féraud. Non, car la taxe de séjour a son propre système de contrôle. Les autres contrôles fiscaux sont réalisés par les agents du fisc, de façon très professionnelle ; pour la taxe de séjour, en revanche, on peut se demander comment c’est fait !

Mme Monique Rabin, rapporteure. Un euro pour une nuitée à 15-20 euros, vous trouvez que c’est trop ?

M. Guylhem Féraud. Ce n’est pas négligeable !

Mme Monique Rabin, rapporteure. Travaillez-vous en bonne entente avec les communes ? Quand les clients réservent, leur précise-t-on bien qu’ils auront à acquitter une taxe de séjour au bénéfice de la commune d’accueil ?

M. Guylhem Féraud. Le client regarde le prix total qu’il va payer ; si on ne l’a pas prévenu avant, il prendra toujours mal le fait qu’on lui réclame un supplément.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quel est le montant de la taxe lorsqu’on loue un mobil-home ?

M. Guylhem Féraud. Pour un mobil-home, le prix de la nuitée est bien plus élevé – de l’ordre de 100 euros –, mais la taxe est du même montant.

M. Éric Straumann, rapporteur. Peut-être conviendrait-il que les collectivités territoriales l’adaptent ?

M. Guylhem Féraud. Le mobil-home n’est pas un mode d’hébergement à part, puisqu’il est installé sur un emplacement de camping.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Les camping-cars qui s’installent sur des terrains de camping sont redevables de la taxe de séjour, mais pas les autres. Qu’en pensez-vous ?

M. Guylhem Féraud. Je distinguerai l’avis de la profession et le mien.

La profession juge cela parfaitement injuste ; mais selon moi, ce n’est pas très important, car ce n’est pas ce qui va guider le choix du stationnement. Le problème n’est pas tant la taxe de séjour que le principe même d’un accueil gratuit : les aires de camping-cars publiques nous font une concurrence déloyale, puisque l’on y propose gratuitement des services qui, chez nous, supposent des investissements et font l’objet d’une taxe.

M. Éric Straumann, rapporteur. A priori, le paiement de la taxe de séjour ne fait guère l’objet de contrôles sur le terrain. Faudrait-il confier cette tâche à l’administration fiscale ?

M. Guylhem Féraud. À titre personnel, je pense qu’une unification des contrôles serait plus économique. Cela permettrait à l’administration de réaliser des économies d’échelle et il n’y aurait plus besoin de faire appel à un deuxième contrôleur, d’une compétence parfois déficiente, pour remplir cette mission.

M. Éric Straumann, rapporteur. Que pensent vos adhérents des modalités de recouvrement de la taxe ?

M. Guylhem Féraud. Cela dépend des communes : certains s’en plaignent, d’autres sont satisfaits. Dans certains cas, on demande un acompte important, dans d’autres, on laisse aux gestionnaires une certaine liberté pour effectuer les versements. Mais à de rares exceptions près, cela semble bien se passer : les critiques sur ce point sont peu nombreuses.

M. Éric Straumann, rapporteur. Seriez-vous favorable à la suppression de la taxe de séjour ?

M. Guylhem Féraud. Nous sommes favorables à un élargissement de son assiette.

Nous travaillons en partenariat étroit avec les associations de maires. Une de leurs principales critiques porte sur l’application de la taxe de séjour aux propriétaires individuels qui installent leur mobil-home à l’année sur un terrain de camping : il peut en effet être compliqué de dénombrer les nuitées d’occupation ; c’est en tout cas plus difficile que pour un client de passage. Sur ce point, nous ne sommes pas opposés à un changement – sur le principe en tout cas : reste à savoir si c’est le bon moment !

M. Nicolas Bouvier. Lors de nos échanges avec les associations d’élus, il a été évoqué la possibilité d’appliquer une fiscalité différente pour les mobil-homes résidentiels, qui utilisent beaucoup les services de la commune comparativement aux touristes de passage. Il a même été envisagé d’appliquer une taxe au forfait aux mobil-homes de ce type et une taxe à l’usage pour les autres.

M. Éric Straumann, rapporteur. Actuellement, une personne qui installe son mobil-home sur un terrain de camping est assujettie à la taxe de séjour, mais elle ne paie ni la taxe foncière, ni la taxe d’habitation !

M. Nicolas Bouvier. Telle est en effet l’injustice fiscale qui a été soulignée. Pourtant, le propriétaire d’un mobil-home qui passe tous ses week-ends dans le même lieu a le même usage des services communaux que le propriétaire d’une résidence secondaire.

M. Guylhem Féraud. Il existe toutefois une fiscalité indirecte, puisque le gestionnaire de camping doit payer la cotisation foncière des entreprises (CFE) sur les emplacements qu’il loue. Le client y contribue indirectement.

Aujourd’hui, la solution qui vient d’être évoquée n’est pas applicable, car la loi ne permet pas de percevoir, pour un même établissement, une taxe de séjour qui serait en partie au forfait et en partie au réel. Sur ce point, nous sommes force de proposition ; toutefois, il conviendrait de bien analyser les choses avant de s’engager dans cette voie.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je précise que nous souhaitons non seulement maintenir une ressource non négligeable pour les collectivités territoriales, mais aussi aboutir à une simplification du dispositif. A priori, une modulation de la taxe n’irait pas dans ce sens.

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Audition du 14 mai 2014

M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM).

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous accueillons cet après-midi M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM), accompagné de M. Alain Cartraud, vice-président, et de M. Vincent Regnouf.

M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM). Le Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM) représente les professionnels actifs dans le secteur, soit pour Paris une quarantaine de professionnels gérant au total un parc locatif de l’ordre de 4 000 appartements, sur un marché estimé, en 2011, par l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) et par un institut d’études à 20 000 appartements environ, chiffre qui a sans doute un peu augmenté depuis lors.

L’activité de la location meublée représente à Paris un chiffre d’affaires de l’ordre de 500 millions d’euros au total. Ces chiffres sont à comparer à ceux du marché hôtelier parisien, qui compte environ 80 000 chambres pour un chiffre d’affaires de 5 à 6 milliards d’euros.

M. Éric Straumann, rapporteur. Le chiffre que vous évoquez correspond-il aux seuls meublés touristiques ?

M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM). Non. La durée des locations touristiques va de cinq ou six nuits pour les séjours les plus courts à une quinzaine de jours. Au-delà, on compte de nombreux séjours professionnels dont la durée peut aller de un ou deux mois à un an.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quelle est la part de l’hébergement touristique dans votre activité ?

M. Jean-Marc Agnés. En nombre de réservations, sa part est importante, mais 50 % de l’occupation des appartements est assurée par des séjours d’une durée supérieure à un mois. Un tiers des séjours ont une durée de une semaine à un mois et 15 % environ ont une durée inférieure à une semaine. La limite de la durée d’une visite touristique étant d’une quinzaine de jours environ, on peut penser que 30 % à 35 % des nuits louées correspondent à une fréquentation touristique.

Les adhérents que nous représentons sont des sociétés gestionnaires d’appartements, travaillant pour la grande majorité dans le cadre de la loi Hoguet, en qualité d’agents immobiliers.

M. Éric Straumann, rapporteur. Vos membres ne sont donc pas les propriétaires des logements.

M. Jean-Marc Agnés. Non, en effet.

M. Éric Straumann, rapporteur. Ce sont des professionnels qui gèrent des logements pour des particuliers qui ont effectué un placement financier.

M. Jean-Marc Agnés. Pas pour l’essentiel, et même loin de là. Les deux tiers des appartements loués sont des résidences principales ou secondaires des propriétaires. Moins d’un tiers correspondent à un pur placement financier.

M. Éric Straumann, rapporteur. Airbnb est-il en train de prendre des parts de marché sur votre activité ?

M. Jean-Marc Agnés. Oui, comme d’autres grandes plateformes internet qui ont des moyens et une visibilité très forts et prennent une part de plus en plus importante dans cette activité.

M. Éric Straumann, rapporteur. Comment fonctionne votre activité ? Quel est votre taux de marge ?

M. Jean-Marc Agnés. Nous mettons à disposition un logement et fournissons des services qui l’accompagnent – accueil à l’appartement, assistance pendant le séjour du locataire, ménage, inventaire et état des lieux à l’entrée et la sortie. Les taux de marge sont plus importants pour les courts séjours – où ils atteignent au maximum 30 %, TVA comprise – que pour les séjours de longue durée, où taux de marge et honoraires sont semblables à ceux de la location classique.

M. Éric Straumann, rapporteur. Est-ce vous que les clients paient, ou les propriétaires ? Est-ce vous qui encaissez la taxe de séjour ?

M. Jean-Marc Agnés. C’est nous, en effet, qui encaissons la taxe de séjour et la reversons à la mairie de Paris pour le compte des propriétaires. C’est du reste un engagement que prennent les membres de notre syndicat lors de leur adhésion.

M. Éric Straumann, rapporteur. Combien payez-vous chaque année à la ville de Paris ?

M. Jean-Marc Agnés. Le montant n’est actuellement pas très élevé. Il doit, au total, se situer entre 100 000 et 200 000 euros.

M. Alain Cartraud, vice-président du SPLM. Une partie de notre chiffre d’affaires provient de séjours de moyenne et de longues durées, dans lesquels la part du loyer est beaucoup plus importante que celle de la commission, alors que cette dernière a un plus grand poids pour les séjours de courte durée. Ainsi, une partie de notre chiffre d’affaires, de l’ordre de 200 millions d’euros, correspondant à des séjours de plusieurs mois à un an au titre de la résidence principale qui ne sont pas imposables à la taxe de séjour.

M. Jean-Marc Agnés. Celle-ci n’est due, en effet, que pour des séjours de moins de 90 jours.

M. Alain Cartraud. Ce seuil de 90 jours correspond à la définition même de la location saisonnière.

M. Jean-Marc Agnés. Au-delà s’applique la fiscalité classique, avec la taxe d’habitation.

M. Éric Straumann, rapporteur. Que pensez-vous de la taxe de séjour ? Ce système fonctionne-t-il bien ? N’avez-vous pas trop de difficultés à collecter cette taxe ?

M. Jean-Marc Agnés. La collecte est très facile et nous ne rencontrons pas de problèmes particuliers. Nous l’avons systématisée au cours des trois dernières années auprès des professionnels – la taxe était relativement peu payée auparavant.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Est-ce le fait que vous vous soyez réunis en syndicat professionnel qui simplifie la collecte ?

M. Jean-Marc Agnés. Oui.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour résumer, vous avez donc une double activité, l’une touristique, l’autre de logeur traditionnel.

M. Jean-Marc Agnés. Exactement.

M. Éric Straumann, rapporteur. Le mécanisme de la taxe de séjour vous satisfait-il ? Si on le supprime, vous risquez d’être soumis à d’autres formes de fiscalité.

M. Jean-Marc Agnés. Pour nous, ce système est simple et nous n’avons pas de difficultés à le mettre en œuvre. Cependant, d’autres aspects de la fiscalité qui s’applique ou pourrait s’appliquer à l’activité de la location saisonnière ou meublée ont sans doute un plus grand potentiel que la taxe de séjour.

M. Éric Straumann, rapporteur. À savoir ?

M. Jean-Marc Agnés. Aujourd’hui, la partie transparente du marché n’est pas très importante et il existe des moyens simples pour réduire le marché officieux. Par ailleurs, l’inégalité vis-à-vis de la fiscalité est assez forte entre les différents acteurs de ce marché.

M. Éric Straumann, rapporteur. Avez-vous déjà fait l’objet d’un contrôle portant sur le recouvrement et le paiement de la taxe de séjour ?

M. Jean-Marc Agnés. Non et, à ma connaissance, les autres professionnels non plus.

M. Alain Cartraud. L’inégalité fiscale qui existe entre les acteurs va au-delà de la taxe de séjour. On trouve d’un côté des acteurs locaux, qui sont des sociétés situées à Paris, où elles gèrent des appartements, et qui ne peuvent pas expatrier leur centre de décision. Ces sociétés sont soumises à la TVA sur 100 % du prix du séjour. Elles collectent et reversent la taxe de séjour, et leurs bénéfices sont soumis à l’impôt sur les sociétés. Elles emploient de nombreux salariés – compte tenu des services d’accueil et de nettoyage offerts, dix appartements génèrent un emploi : les 4 000 appartements gérés par nos adhérents représentent 400 emplois, qui entraînent le paiement de charges sociales.

Les autres acteurs sont des plateformes internet souvent situées à l’étranger et offshore. Pour ces opérateurs, 1 000 ou 1 500 appartements génèrent un emploi.

Il y a une véritable inégalité fiscale entre ces plateformes et les sociétés gérant des appartements. Il est facile pour nous de collecter et de payer la taxe de séjour, mais nous ne comprenons pas pourquoi ces autres acteurs ne seraient pas redevables de la TVA pour 100 % du prix du séjour, comme c’est le cas pour une chambre d’hôtel, au lieu de n’être imposés que sur la commission due par le propriétaire – et non pas sur celle due par le client touriste.

Il faut aujourd’hui réduire cette inégalité fiscale, cause de concurrence déloyale de la part de ces plateformes qui ont potentiellement des moyens très importants.

Cette inégalité fiscale tient à une simple inégalité de réglementation : tous ceux qui collectent les loyers sont soumis à la loi Hoguet et doivent être titulaires d’une carte de gestion. Relevant d’une profession réglementée et soumis à une obligation de conseil renforcé, les acteurs régis par la loi Hoguet sont transparents. Nous conservons le récapitulatif des loyers versés au propriétaire et avons obligation de lui transmettre, qui devrait l’inciter à déclarer les loyers.

Les plateformes internationales, en revanche, ne sont pas soumises à la loi Hoguet, alors qu’elles encaissent les loyers. On comprend mal pourquoi les acteurs locaux, qui sont de petits acteurs, subissent les contraintes d’une réglementation sévère, encore renforcée par les nouvelles dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Bien évidemment, nous ne nous opposons pas, à ces dispositions, mais nous nous interrogeons sur ces différences de traitement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Une réflexion est engagée au niveau européen sur la possibilité de collecter la taxe là où la richesse est produite, ce qui apporterait une réponse à la question que vous soulevez – à supposer que l’on trouve en Europe une majorité pour adopter cette mesure.

M. Éric Straumann, rapporteur. Avec un client en Asie du Sud-Est, un appartement à Paris et un ordinateur en Californie, nous sommes dans un monde virtuel et on peut se demander où la richesse est créée.

Quelles sont les contraintes imposées par la loi Hoguet ? Pensez-vous que, compte tenu de ce texte, les plateformes soient dans l’illégalité ?

M. Alain Cartraud. La loi Hoguet s’applique à toute personne qui est en situation d’intermédiation entre un locataire et un propriétaire. Cette situation d’intermédiation existe à l’évidence lorsque l’on encaisse le loyer.

Il y a deux manières d’être annonceur. On peut se contenter de diffuser une annonce en laissant le client s’adresser directement au propriétaire ; on peut aussi encaisser le loyer, ce qui revient déjà, quoi que l’on en dise, à intervenir dans la relation contractuelle, d’autant que le loyer, sur la plupart des plateformes dont nous parlons, n’est reversé que 24 à 48 heures après l’arrivée du client, si celui-ci estime que l’appartement correspond bien à son descriptif.

Ne pas se soumettre à la loi Hoguet alors que l’on encaisse le loyer, cela revient à considérer que l’on n’est pas en situation d’intermédiation au motif qu’on laisse au propriétaire le soin de rédiger lui-même son annonce. Il me semble que ce n’est pas une bonne analyse.

On peut trouver, dans les conditions générales de ces plateformes, une clause selon laquelle la société en question « ne peut pas contrôler et ne contrôle pas le contenu des annonces ni l’état, la légalité ou le caractère adapté des hébergements ». Pour moi, cela ne suffit pas pour se soustraire à la loi Hoguet.

Un professionnel soumis à cette loi fait nécessairement preuve de transparence, du fait des contrôles qui s’imposent à lui. La loi l’oblige à contracter une assurance responsabilité civile professionnelle et à justifier d’une garantie financière, laquelle lui est délivrée par une caisse de garantie qui, en contrepartie, vient le contrôler, vérifier que ses écritures sont bien tenues, qu’il s’acquitte de son obligation de conseil renforcée – par exemple, qu’il s’assure que le propriétaire paie la taxe de séjour.

M. Éric Straumann, rapporteur. En pratique, que proposez-vous ?

M. Alain Cartraud. Que tous les professionnels, acteurs français ou plateformes internationales, soient soumis aux mêmes règles : aux dispositions pertinentes de la loi Hoguet. Celle-ci gère les agents immobiliers ; or nous, qui ne pratiquons que la location meublée, nous considérons bien comme des agents immobiliers.

Toujours selon les conditions générales de l’acteur leader que vous avez cité, l’administration fiscale américaine l’oblige à collecter les taxes en amont du versement du loyer au propriétaire et à s’assurer que toute personne qui dépose une annonce sur son site a bien déclaré ses revenus. Les propriétaires sont tenus de lui fournir un formulaire IRS W-9, pour les Américains, et un formulaire IRS W-8 approprié, pour les étrangers, faute de quoi il est en droit de retenir les loyers dus aux propriétaires jusqu’à ce que ces documents lui soient transmis, et de retenir les impôts et taxes dus sur les loyers qu’il devra verser aux propriétaires.

M. Éric Straumann, rapporteur. Voilà une piste très intéressante que nous allons creuser : ne pourrait-on imposer à ces plateformes, qui réalisent des chiffres d’affaires significatifs, de créer une personne morale en France – qui existe déjà dans le cas dont nous parlons –, et de se soumettre à la loi Hoguet et à ses conséquences en termes de transparence fiscale ?

M. Jean-Marc Agnès. En ce qui concerne la transparence fiscale, la taxe de séjour ne représente qu’une petite partie des revenus à déclarer ; l’essentiel correspond aux revenus locatifs des propriétaires. L’obligation de vérifier que ces derniers sont déclarés à l’administration fiscale est lourde d’enjeux.

À l’heure actuelle, nous renseignons les propriétaires sur les revenus locatifs qu’ils ont perçus par notre intermédiaire ; nous ne verrions aucun inconvénient à fournir cette information au fisc. Cette obligation pourrait s’imposer à tous les acteurs ; les enjeux seraient alors très importants.

M. Éric Straumann, rapporteur. L’opérateur auquel nous faisons allusion a déclaré 20 000 à 25 000 logements à Paris, qui échappent très probablement à la taxe de séjour. Ses représentants ne l’ont d’ailleurs pas nié. Sans compter l’impôt sur le revenu, même si cet aspect n’intéresse pas notre mission.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Avez-vous commencé d’appliquer les dispositions de la loi ALUR relatives aux obligations des intermédiaires ? Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Marc Agnès. La loi ne fait pas encore sentir ses effets puisque les décrets d’application et le nouveau règlement municipal ne sont pas parus. Cela dit, deux aspects nous gênent beaucoup.

D’abord, la « libéralisation » de la location de la résidence principale jusqu’à quatre mois par an est, à nos yeux, l’exemple type de la fausse bonne idée. Cette disposition risque en effet de faire exploser le marché, car, outre les propriétaires, vont s’engouffrer dans la brèche des occupants qui n’ont pas le droit de sous-louer leur logement, sachant que la régulation sera impossible.

Ensuite, nous regrettons beaucoup que la possibilité de louer le premier pied-à-terre ou la première résidence secondaire dans les mêmes conditions que la résidence principale n’ait pas été retenue. Nous espérons pouvoir obtenir des assouplissements à ce sujet dans le cadre du règlement municipal. Car une vraie résidence secondaire, par définition, ne va pas revenir sur le marché : si son propriétaire l’a achetée, c’est parce qu’il en avait besoin.

M. Alain Cartraud. Sur ce point également, l’inégalité de traitement entre acteurs est flagrante. Si louer sa résidence principale pendant quatre mois devient le seul moyen de pratiquer la location touristique, les loueurs vont déclarer de fausses résidences principales. Et comment vérifier que la location a duré quatre mois et non quatre mois et un jour, cinq mois ou six mois ? Alors qu’il suffit aujourd’hui de constater la location pour établir l’infraction, il faudra désormais prouver un cumul de locations supérieur à 120 jours ; c’est impossible, sauf à avoir un régulateur pour chaque appartement.

Selon le procureur de New York, deux tiers des annonces de location publiées dans la ville sont illégales. Demain, à Paris, ce sera pareil. Quoi de plus facile que de prétendre qu’un logement est sa résidence principale ? Quoi de plus facile, pour un locataire, que de le sous-louer sans l’autorisation du propriétaire ? Ou de le sous-louer plus cher qu’il ne le loue, contrairement à la loi de 1989 ?

Toute une activité non déclarée va ainsi se développer, favorisée par ces plateformes offrant 25 000 ou 30 000 logements. Ainsi, le marché officiel va se réduire à peau de chagrin pendant que le marché non officiel va devenir pléthorique.

Paradoxalement, la loi autorise la location de la résidence principale pendant quatre mois, alors que l’on n’a théoriquement que cinq semaines de congé, et un pied-à-terre, un vrai – car nous ne militons pas pour que l’on puisse déclarer un produit d’investissement comme pied-à-terre ! –, ne peut être loué ne serait-ce qu’un jour alors que, par définition, il est vide une partie de l’année, contrairement à la résidence principale.

M. Jean-Marc Agnès. Nous souhaitons que des mesures soient prises afin de mieux contrôler le marché. La concurrence ne nous pose pas de problème, mais il faut que tous soient soumis à la même règle du jeu.

Ces mesures pourraient s’articuler autour d’obligations déclaratives des propriétaires, les professionnels et les grandes plateformes assurant le relais, en vue de garantir une régulation à peu près efficace.

M. Éric Straumann, rapporteur. Merci de cet éclairage très intéressant.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vos propos nous incitent à réfléchir à l’évaluation de la loi ALUR.

M. Alain Cartraud. Un marché non régulé n’est profitable pour personne. On cherche aujourd’hui à protéger le consommateur, y compris par des dispositions européennes. De fait, le consommateur est parfaitement protégé lorsqu’il s’adresse à un professionnel de l’immobilier, car cette relation est encadrée par un dispositif incluant des obligations de conseil renforcées – diagnostic de performance énergétique, état des lieux, etc.

On ne peut transférer ce marché vers un marché de particulier à particulier, vers une économie du troc ou une économie collaborative qui n’est plus fiscalisée. Le peu d’entreprises restantes va payer tous les impôts, pour une toute petite part de l’activité.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Selon vous, cette très forte libéralisation du marché est-elle directement liée au développement d’internet ?

M. Alain Cartraud. Pas vraiment : nos sociétés sont nées en 2002-2003, donc avec internet, et, à l’origine, 100 % de notre commercialisation passait par nos sites, car nous nous adressions à 95 % à des étrangers qui n’avaient pas d’autres moyens d’accéder à nos offres. La révolution est venue de l’investissement de fonds dans des sociétés qui, aujourd’hui, auraient la valorisation boursière d’Alstom, ce qui leur permet de préempter tout le marché sans respecter les règles existant dans chaque pays.

M. Jean-Marc Agnès. On est en train d’accomplir un miracle : externaliser l’industrie touristique, la dernière dont on pensait qu’elle subirait ce sort. Les marges vont sortir du pays.

M. Vincent Regnouf. On peut aussi déplorer l’absence de réglementation adaptée à cette explosion, du point de vue réglementaire mais aussi fiscal.

Le problème n’est pas spécifique à la France – nous avons mentionné New York. De fait, le législateur et les pouvoirs publics de différents pays – Espagne, États-Unis – font en quelque sorte des zigzags, parce qu’ils sont confrontés à une nouvelle activité dont les effets sur l’emploi et la fiscalité sont considérables, mais dont ils ne connaissent pas exactement les tenants et aboutissants.

Alors que le rythme de développement d’internet est rapide et ses cycles économiques très courts, le temps de la législation est plus long, ce qui permet certes d’adapter les règles mais peut être problématique quand le décalage se chiffre en années.

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Audition du 28 mai 2014

M. Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris, chargé des sports et du tourisme.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous recevons aujourd’hui M. Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris en charge du tourisme, et ce après avoir reçu le Directeur des affaires financières de la Ville de Paris. Nous avons souhaité vous rencontrer compte tenu du travail que vous avez effectué sur la question des meublés touristiques. Il s’agit pour nous de vous entendre de manière à compléter la première audition plus technique que nous avions menée.

M. Jean-François Martins, adjoint au Maire de Paris, chargé du sport et du tourisme. Au-delà des meublés touristiques, la question concerne l’intégralité des hébergements hôteliers, de la question de la fiscalité à celle de leur encadrement réglementaire.

C’est évidemment pour la ville de Paris, qui accueille 47 millions de touristes par an, un enjeu fondamental. Nous devons avoir un cadre réglementaire incitatif pour poursuivre notre croissance touristique, car nous allons devoir être capables d’augmenter notre capacité hôtelière. Nous devons disposer de tous les éléments pour le faire et dans le même temps, faire participer les afflux de touristes à l’ensemble des politiques publiques dont ils sont bénéficiaires : de la propreté à la sécurité en passant par les transports en commun. La question de la fiscalité se pose donc.

Comment une ville comme Paris, qui se doit d’être au rendez-vous des pratiques touristiques innovantes et qui se trouve en concurrence au moins avec les grandes capitales européennes, peut-elle intégrer les nouveaux modes de collaboration économique, les nouveaux formats d’offre, y compris hôtelière ? Vous voyez ce à quoi je fais référence.

Très rapidement, quelques éléments concernant la taxe de séjour. Elle est forfaitaire à Paris depuis 1993 et a rapporté 40,3 millions d’euros en 2013 au budget de la Ville. Elle est, comme le cadre de la loi nous le permet, d’un montant forfaitaire par catégorie d’hôtel. Elle s’élève à 1,5 euro pour les 5 étoiles et les 4 étoiles, à 1 euro pour les 3 étoiles, à 0,78 euro pour les 2 étoiles et à 0,42 euro pour les 1 étoile, c’est-à-dire les catégories 5, et à 0,20 euro pour les autres, c’est-à-dire pour les autres hôtels, les résidences, les meublés, les campings – que nous avons en faible nombre à Paris – et les ports de plaisance également (à 20 euros par nuit). Nous avons fait le choix, notamment pour des questions d’efficacité de la collecte, de passer au régime forfaitaire. En effet, le recouvrement de la taxe de séjour au réel est très long et compliqué là où le régime forfaitaire permet des performances de collecte assez justes, étant entendu que l’abattement de 40 % est à Paris un peu surévalué dans la mesure où le taux d’occupation moyen des hôtels y est de 79 %, et a tendance à augmenter avec la catégorie de l’hôtel. Ainsi, plus les hôtels sont prestigieux et plus leur taux d’occupation est bon et ils bénéficient tout de même de l’abattement de 40 % dans le calcul du forfait. Cet abattement correspond à la différence entre le nombre de nuitées théorique permises par leur capacité et celles qui vont leur être effectivement prélevées.

À Paris, la taxe de séjour est essentiellement hôtelière. Près de 1 986 hôtels sont aujourd’hui déclarés dans la capitale, 1 782 sont imposés au titre de la taxe de séjour, le reste faisant l’objet d’exonérations au titre des deux premières années d’exploitation. Au total, 1 826 établissements sont imposés. Nous avons donc également 42 établissements de type résidences qui sont concernés.

La procédure de collecte de la taxe de séjour a été dématérialisée depuis 2012. Sur paris.fr, les hôteliers disposent d’une plateforme sur laquelle ils peuvent télédéclarer et transmettre l’ensemble des informations permettant d’évaluer leur taxe de séjour. Le cas particulier des meublés et chambres d’hôtes se pose en d’autres termes car nous faisons alors face à une vraie difficulté d’évaluation de leur nombre et de leur typologie. Nous savons qu’il y a une sous-déclaration des meublés touristiques à la fois parce que leur régime fiscal est exigeant pour ceux qui en sont les propriétaires et en raison des contraintes que nous avons volontairement mises en œuvre à Paris – et que nous assumons – à savoir que la transformation de logements en meublés touristiques implique une compensation au mètre carré près dans les secteurs déficitaires en logements, de sorte que la création de meublés touristiques ne détruise pas de l’habitat résidentiel.

Maintenir une offre de logement locatif à Paris est en effet notre enjeu. Jusqu’à maintenant le propriétaire devait compenser dans « les secteurs prioritaires », demain nous demanderons à ce que ces compensations se fassent dans l’arrondissement même car le risque est grand que le centre de Paris et, en particulier, les six premiers arrondissements, ne deviennent de plus en plus des arrondissements de meublés touristiques et non plus d’habitations. Aujourd’hui la priorité de la ville de Paris est de produire du logement résidentiel.

M. Charles de Courson. Et pour ce qui est des chambres d’hôtes ?

M. Jean-François Martins. La situation est un peu différente. Nous entretenons avec les propriétaires de chambres d’hôtes des relations qui se rapprochent de celles que nous avons avec l’hôtellerie car elles se situent dans un cadre professionnel, encadré. Nous avons avec eux une certification.

M. Charles de Courson. Combien compte-t-on de chambres d’hôtes à Paris ?

M. Jean-François Martins. Il y a à Paris 663 chambres d’hôtes meublées et déclarées, ce qui, nous en sommes conscients, est bien évidemment très faible pour une ville de 2,3 millions d’habitants. Nous disposons aujourd’hui de sept agents chargés de la vérification et de trouver les éventuelles chambres d’hôtes non-déclarées.

M. Charles de Courson. Et vous en trouvez beaucoup ?

M. Jean-François Martins. Oui, malgré tout, mais pas suffisamment. On se situe aux alentours de 200 meublés touristiques non déclarés que nous découvrons par an.

M. Éric Straumann, rapporteur. Ils sont pourtant relativement faciles à détecter. Il suffit d’aller sur un site internet et de regarder les appartements qui sont mis sur le marché.

M. Jean-François Martins. Il y a une différence pour nous entre la location meublée touristique et les pratiques de location de courte durée de la résidence principale. Ce sont les mécanismes de destruction de résidences principales dans Paris qui suscitent notre inquiétude. Nous ne sommes pas opposés par principe à la location par des propriétaires ou des locataires de leur résidence principale pour une courte durée quand ils n’y sont pas. Par contre, très différente est la situation de l’investisseur locatif qui achète un appartement meublé à Paris pour en faire un meublé touristique – c’est-à-dire en réalité de l’hôtel, mais avec les services en moins – et qui va le louer à la semaine à des prix excessivement élevés et dans des quartiers excessivement prisés, ce qui, in fine aboutit à la destruction de logements. C’est la raison pour laquelle nous avons des règles strictes de compensations et que nous essayons autant que possible de ne pas assurer la promotion de ces modes d’hébergement touristique.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quels sont les moyens dont vous disposez lorsque vous détectez ce type de logements non déclarés ?

M. Jean-François Martins. Mon collègue adjoint au logement Ian Brossat serait plus fondé que moi pour vous répondre mais nous pouvons bien évidemment les soumettre au régime fiscal de l’hôtellerie notamment en ce qui concerne la taxe de séjour et les vérifications de compensation, sous peine de pénalités qui sont très élevées.

M. Charles de Courson. Comment on peut imposer une telle contrepartie. Sur quelle base juridique ?

M. Jean-François Martins. Sur la destination de parcelle et de mètre carré.

M. Jean-François Martins. La chambre d’hôte et le meublé touristique sont des dispositifs un peu différents. Pour ce qui est de la chambre d’hôte, on conserve de l’habitat résidentiel avec une partie qui est à usage d’hébergement touristique. Le meublé touristique est un appartement acheté très cher sur l’Île de la cité, par exemple, loué parfois plusieurs milliers d’euros la semaine à une famille américaine ou russe de passage à Paris.

M. Charles de Courson. Il est très facile de louer son appartement, il y a des sites dédiés.

M. Éric Woerth, rapporteur. Cela devient une activité commerciale, ce n’est plus l’usage d’un bail.

M. Jean-François Martins. Cela relève plus de la politique du logement que de la politique touristique. J’assume, en tant qu’adjoint au tourisme, d’affirmer que la capacité hôtelière et d’hébergement à Paris doit passer par l’hôtellerie et non par la destruction de logements. La question est de savoir comment préserver et protéger des appartements, qui, au moment où ils sont vendus, prendraient une vocation de meublés touristiques temporaires, avec pour conséquence de faire disparaître des habitants de Paris, et notamment du cœur de Paris. C’est notre politique du logement, et elle est traduite à la fois dans le PLU et dans le PLH.

Par ailleurs, il y a un point sur lequel les hôteliers nous alertent assez régulièrement, c’est le fait que la taxe de séjour soit l’un des derniers prélèvements dont ils doivent s’acquitter de façon annualisée. En termes de trésorerie et en termes psychologiques, c’est un système assez brutal car ils paient en une fois la taxe de séjour sur l’ensemble de leurs nuitées de l’année ce qui représente un montant assez important. Ce point fait partie des améliorations législatives et réglementaires. On pourrait par exemple passer à la trimestrialisation.

Mme Monique Rabin, présidente et rapporteure. Vous parlez d’amélioration législative, mais en l’occurrence ce point n’est-il pas du ressort de la Ville ?

M. Jean-François Martins. Non ce n’est pas elle qui décide des modalités du versement.

M. Jean-François Martins. Je vais maintenant aborder le sujet qui vous intéresse le plus, à savoir celui des nouvelles formes d’hébergements et la position de la ville. Nous sommes dans une situation particulière car les hôtels parisiens affichent un taux d’occupation de 79 % et sont donc très rentables. Le problème réside dans le déficit de capacité hôtelière. La croissance de l’activité touristique passera par la possibilité d’héberger de nouveaux touristes. Nous avons donc un plan hôtels pour développer la capacité hôtelière à Paris. Cela concerne 12 000 chambres sur la métropole dans les six ans qui viennent.

Mais nous considérons toute opportunité créatrice d’hébergement touristique plutôt avec bienveillance. Ces nouvelles modalités, qu’elles se nomment Airbnb ou Sejourning – qui est une start-up incubée dans le welcomecitylab, l’incubateur de la Ville de Paris – sont regardées avec une relative bienveillance. D’une part, parce qu’elles apportent une offre hôtelière supplémentaire et d’autre part parce que dans un marché hôtelier parisien où les prix sont globalement élevés – avec une nuitée aux alentours de 170 euros – ces acteurs permettent une offre hôtelière à bas coût. Le prix des nuitées est compris entre 59 et 69 euros. C’est à Paris une entrée de gamme intéressante pour accueillir des publics pour lesquels il serait difficile de venir. Nous avons beau faire des efforts sur la construction d’auberges de jeunesse et favoriser les hôtels à bas coût, les dispositifs de type location de très courte durée de sa résidence principale à travers des sites internet d’économie collaborative permettent des offres pas chères qui nous intéressent car nous ne souhaitons pas avoir exclusivement une clientèle touristique de luxe à Paris. De ce point de vue-là, nous trouvons un intérêt réel à ces plateformes.

Pour autant, si nous les reconnaissons comme activité hôtelière, il faut qu’elles en respectent les règles du jeu. La première d’entre elles étant que ces plateformes ont vocation à être dans l’assiette et à collecter la taxe de séjour. Elles offrent un hébergement de type hôtelier à des touristes qui vont être usagers des politiques publiques parisiennes tout en n’étant pas des imposables parisiens. La taxe de séjour permet de compenser ce déséquilibre. Deuxièmement, nous devons travailler avec elles sur des systèmes de détection d’offres locatives présentées comme temporaires mais qui en réalité ne le sont pas et détruisent du logement. Tant que l’on reste dans le cadre de la résidence principale que le propriétaire souhaite louer quelques jours car il part en vacances ou n’est pas chez lui, ces dispositifs sont à nos yeux plutôt intéressants. Si cela devient un dispositif qui permet de louer à très fort coût et de nourrir la spéculation immobilière à Paris, alors nous nous y opposerons.

Ce que nous souhaitons trouver, y compris avec les opérateurs avec lesquels nous essayons de travailler en bonne intelligence, c’est un compromis pour mettre en place un système de détection des appartements qui seraient loués plus de 90 jours par an – peut-être 140 si nous nous référons à la définition de la résidence principale retenue par la loi ALUR – voire d’interdiction, pour que ceux-ci passent dans une autre catégorie, à savoir le meublé touristique et soient ainsi soumis à une fiscalité différente et avec les obligations que j’ai mentionnées précédemment.

M. Charles de Courson. A quel titre se ferait la taxation des plateformes ?

M. Jean-François Martins. Au même titre que celle des hôteliers aujourd’hui, lesquels déclarent et collectent la taxe de séjour qui est en fait, même si cela est théorique, payée par les touristes qui fréquentent l’hôtel. Les hôtels la collectent et l’intègrent dans le prix. L’élasticité-prix de la gamme hôtelière parisienne permet d’ailleurs largement aux établissements de l’amortir très facilement et de manière indolore. Il n’y a donc pas de raison que ces plateformes ne soient pas elles aussi collecteurs dans la mesure où elles assurent la transaction financière entre celui qui loue temporairement et celui qui va prendre possession quelques jours d’un appartement. Elles sont donc fondées à et capables de collecter une part de cette transaction au titre de la taxe de séjour.

M. Charles de Courson. Du fait qu’elle soit forfaitaire, la taxe de séjour est-elle bien imputée sur la facture ?

M. Jean-François Martins. Comme elle est forfaitaire, il ne me semble pas que la taxe de séjour figure en toutes lettres sur les factures d’hôtel à Paris.

M. Charles de Courson. Ma question en appelle une autre car cela pourrait vouloir dire que les hôteliers bénéficieraient d’une recette supérieure à ce qu’ils reversent ! Cela pose aussi la question du montant de la taxe.

M. Jean-François Martins. La construction du prix d’une chambre d’hôtel à Paris ne se fait pas en fonction du montant de la taxe de séjour. Les prix se construisent à partir de prix de marché, ce dernier étant d’ailleurs globalement mondial ou tout au moins européen. Ce ne sont pas les 1 euro ou 1,5 euros de taxe de séjour qui font la différence. Ceci dit, nous sommes une capitale relativement attractive en termes de taxe de séjour par rapport aux grandes capitales européennes.

M. Éric Straumann, rapporteur. Airbnb m’a transmis une étude sur le marché parisien. Est-ce que vous êtes en discussion avec eux sur le reversement de cette taxe de séjour ? Peut-être avez-vous entendu parler de l’accord qu’ils ont passé avec la ville de San Francisco, qui permet apparemment à la ville de dégager 260 millions de dollars par an de recettes.

Mme Monique Rabin, rapporteure. En tant qu’adjoint au tourisme, considérez-vous que la taxe de séjour est dissuasive ? Vous avez déjà un peu répondu à cette question tout à l’heure en rappelant que le taux de la taxe de séjour en France est relativement faible au regard d’autres capitales européennes. Que penseriez-vous d’un système à l’allemande où la taxe de séjour serait fixée en pourcentage du coût de la chambre puisque vous avez souligné la faiblesse de la taxe portant sur les établissements hôteliers de luxe ? Je voudrais aussi savoir si vous avez décidé d’affecter votre taxe de séjour à une opération particulière dans le domaine du tourisme. Ma dernière question porte sur la collecte de la taxe de séjour. Que penseriez-vous d’un mouvement qui irait vers la collecte de cette taxe par les services de l’État ?

Charles de Courson. Qu’en est-il des contentieux et de leur coût du fait que la taxe de séjour n’est pas un impôt bénéficiant des modes de recouvrement forcé dont bénéficient les impôts de droit commun ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. L’élargissement de l’assiette a aussi été évoqué au cours de plusieurs auditions. D’aucuns nous ont dit que certains équipements touristiques et la restauration pourraient être soumis à la taxe de séjour a également été évoquée. Quel est votre avis à ce sujet ?

M. Jean-François Martins. L’expérience de San Francisco est bien évidemment suivie avec beaucoup d’intérêt car elle montre que l’on peut être une ville au cœur de la Silicon Valley où a lieu l’essor des grands géants de l’Internet et, pour autant, faire preuve de responsabilité fiscale à l’égard de ces grands groupes. Ils ont vocation à rentrer dans le droit commun, y compris sur la question fiscale. J’attire votre attention sur le fait qu’à New York également, les intentions de la ville d’attaquer Airbnb, notamment pour ses activités qui appelleraient le reclassement de particuliers en acteurs commerciaux ont incité cette plate-forme à retirer 6 000 annonces à New York. Airbnb a donc démontré qu’il était en mesure d’identifier et de distinguer ce qui, dans son pool d’appartements, serait de l’ordre de la location temporaire de ce qui relèverait de la pratique spéculative ou du meublé touristique de longue durée. Cela signifie que c’est possible. Je regarde notamment avec attention la méthode qui a été retenue à San Francisco. Il y a eu un compromis au terme d’un dialogue en bonne intelligence entre les différents acteurs. C’est ce dont nous souhaitons nous inspirer. Je rencontrerai d’ailleurs les acteurs du marché la semaine prochaine pour une réunion de travail afin d’étudier avec eux leur capacité à collecter la taxe de séjour et à détecter ce qui relève de la location temporaire ou pas. L’idée pour nous est donc vraiment de travailler avec les opérateurs de manière partenariale et de faire preuve de bonne volonté en espérant que nous aurons la même bonne volonté en retour.

La taxe de séjour est-elle dissuasive aujourd’hui ? Je ne pense pas qu’elle le soit. Ce qui est le plus dissuasif à Paris aujourd’hui, c’est la difficulté à trouver une chambre. Nous avons donc besoin de mobiliser une capacité hôtelière plus importante. Cette question recoupe en réalité celle de l’élasticité-prix. Or, pour des chambres en catégorie 1, soit des chambres à plusieurs centaines d’euros, je ne crois pas qu’une taxe de séjour à 1,5 euro la nuit soit particulièrement dissuasive, surtout au vu du taux de remplissage des hôtels.

Les 40 millions d’euros que nous collectons sont effectivement fléchés. Ils font l’objet d’un élément hors bilan dans l’état de nos recettes. Les deux plus grandes parts sont affectées aux investissements de voirie pour les piétons, les transports en commun, les bus, les espaces civilisés, tout ce qui fait la qualité de l’espace public parisien, car Paris est une ville de tourisme d’espace public. Le deuxième point important est notre subvention à l’office de tourisme et des congrès de Paris, qui s’élève à 7,5 millions d’euros et qui elle aussi est fléchée sur les recettes de la taxe de séjour, tout comme une partie de notre contribution à la Préfecture de police de Paris. En effet, la présence massive de touristes à Paris génère des questions de sécurité et des besoins de renforts de police en particulier sur les sites sensibles que sont le Louvre, les Champs-Elysées et Montmartre pour ne citer que ceux-là. Le reste est intégralement fléché et je tiens à votre disposition le document récapitulatif si vous souhaitez consulter l’état des finances de la ville.

Quant à l’élargissement de l’assiette de la taxe de séjour, plusieurs questions se posent. Mener des politiques publiques qui permettent de maintenir une bonne qualité d’accueil dans une ville ayant un fort patrimoine à entretenir, avec des enjeux en matière de transports en commun et qui est par ailleurs une métropole ville-monde nécessite des ressources. Une partie de ces ressources viennent de l’État et sont en train de se tarir. Or, nous voulons maintenir, notamment par le biais des investissements, Paris au rang de capitale du tourisme. De ce point de vue-là, l’élargissement de l’assiette est à regarder avec précaution mais avec intérêt.

Une première chose est évidente : c’est l’intégration des opérateurs de type « Airbnb ». Il y en a une deuxième qui est celle du montant de l’abattement forfaitaire. Il devrait se situer aux alentours de 21 % contre 40 % aujourd’hui compte tenu du taux d’occupation moyen des hôtels à Paris. Si demain nous devons nous poser des questions sur le montant, sur l’assiette, sur le périmètre de la taxe de séjour, plusieurs éléments doivent selon nous rester à l’esprit : le premier est relatif à la fourchette de la taxe selon la catégorie d’hôtel car nous avons besoin de mécanismes incitatifs vers les hôtels de plus faible catégorie alors que nous n’avons pas trop de difficulté à ce que des palaces se créent à Paris.

Par contre, là où les tarifs de chambres ne sont pas très élevés, la taxe de séjour ne doit pas être dissuasive, par exemple sur les auberges de jeunesse ou sur des hôtels à 0 ou 1 étoile. Nous souhaitons en effet continuer à en construire. Il faut donc que nous gardions la gradation que nous permet le système actuel.

Cela me permet donc de répondre à votre question concernant le système allemand ad valorem qui répondrait à cette exigence, c’est-à-dire que l’on respecte la proportionnalité du prix avec le montant payé.

Le deuxième élément consiste à garder une capacité d’ajustement local et de ne pas en faire une taxe nationale. J’imagine que la situation hôtelière parisienne n’est pas celle de toutes les villes de France. Ainsi la situation qui permet aujourd’hui aux collectivités locales de la collecter et de l’ajuster à la réalité de leur monde hôtelier est la bonne.

Concernant les établissements de restauration, c’est une hypothèse que nous n’avons pas étudiée et cela ne fait pas aujourd’hui a priori partie de nos intentions pour une raison plus politique que budgétaire. La question fiscale chez les restaurateurs est éminemment sensible. Les ajustements divers et variés de taux de TVA au cours des cinq dernières années nous incitent à faire preuve de prudence.

M. Éric Woerth, rapporteur. L’offre de type Airbnb a-t-elle suscité une réaction d’ordre politique ou professionnelle chez les hôteliers ? Évaluez-vous le manque à gagner en termes de taxe de séjour dû à ce type d’hébergement ?

M. Charles de Courson. Avez-vous une idée du taux de fraude ?

M. Jean-François Martins. Nous ne connaissons pas le taux de fraude, mais aujourd’hui la situation d’Airbnb en elle-même ne peut pas être considérée comme frauduleuse. Je dispose aujourd’hui de plusieurs chiffres sur le nombre de nuitées d’Airbnb à Paris, ils vont de 20 000 à 60 000 par an. Si l’on est à 20 000 nuitées hôtelières, même si je me mets sur la catégorie intermédiaire à 1 euro, le manque à gagner n’est pas si important que cela… La vraie question est plutôt celle du sentiment de distorsion de concurrence à l’égard des hôteliers. Ils demandent que les nouveaux acteurs respectent un certain nombre de règles du jeu. Tout d’abord le même cadre fiscal, la taxe de séjour en faisant partie, ainsi qu’un certain nombre d’autres contraintes que l’on demande aux hôteliers. Nous essayons de les rassurer sur le fait qu’il y a de la place pour tout le monde à Paris mais il est important, si l’on s’interroge sur l’assiette, de s’assurer que tous soit effectivement bien au même régime. C’est presque plus une question de principe qu’une question d’intérêt fiscal pour la ville, sauf si évidemment l’on passe à un régime à l’allemande.

M. Éric Woerth, rapporteur. Vous ne percevriez cette taxe que sur des appartements qui seraient loués par leur propriétaire tout à fait régulièrement, pas de manière épisodique.

M. Jean-François Martins. La légitimité de la taxe de séjour vient du fait que vous êtes un touriste, vous venez à Paris ou dans une autre ville où vous allez profiter d’une ville propre, sécurisée, avec des transports en commun…

M. Charles de Courson. Les propriétaires qui louent devraient déclarer leurs revenus locatifs quand ils se situent au-dessus du seuil. Ne faudrait-il pas avoir un système de déclaration par ces plateformes directement au fisc, qui ferait un recoupement comme on en fait sur les salaires, et vous enverrait la feuille pré-imprimée où figurerait ce montant ? Ce serait un système simple, il n’y aurait même pas de déclaration à faire.

M. Éric Straumann, rapporteur. Si c’est pour un montant d’un ou deux euros, le coût de gestion va être élevé… Ce qu’on pourrait imaginer, c’est une fiscalité forfaitaire qui permettrait au propriétaire d’être libéré de l’impôt y compris de la taxe de séjour.

M. Jean-François Martins. Nous pouvons demander à tous les loueurs de remplir des déclarations et de les renouveler régulièrement. Nous aurions alors les moyens de contrôler ceux qui n’auraient pas déclaré. Ou nous avons l’option qui consiste à dire que ce sont les opérateurs qui sont à la fois collecteurs et déclarants sur les transactions financières. En tant qu’élu local je n’ai pas la responsabilité de l’impôt sur le revenu et je vous laisse maîtres d’évaluer ce qui est juste en la matière. Pour la taxe de séjour, je considère qu’à partir du moment où ce sont les opérateurs à travers lesquels passe le flux, comme un hôtelier sait le faire, ils pourraient dire à la fin de l’année « J’ai fait tant de nuitées, je dois collecter et reverser tant au titre de la taxe de séjour… ». Les biens loués sur cette plateforme sont tous géolocalisés, par définition, donc tout cela est techniquement et technologiquement possible. Je crois aussi que c’est économiquement et politiquement possible comme l’exemple de San Francisco l’a démontré. Je crois qu’il y a plus à attendre des opérateurs que d’un système déclaratif.

M. Éric Straumann, rapporteur. Je me demande comment San Francisco arrive à collecter 240 millions de dollars par an auprès d’Airbnb alors que Paris est une ville plus touristique… Cela doit tout de même représenter une part significative des nuitées.

M. Charles de Courson. C’est le taux qui est beaucoup plus élevé.

M. Jean-François Martins. Oui, et d’autre part le marché de la location de résidence principale de courtes durées y est beaucoup plus mûr que le marché français. Airbnb est présent en France depuis 12 à 18 mois alors que San Francisco est leur berceau historique. Même si vous regardez la disponibilité du nombre de chambres par rapport à New York ou à San Francisco, Paris est encore un peu en retard. Une fois le marché arrivé à maturité, et une fois qu’on l’aura considéré à l’échelle de la métropole c’est-à-dire à l’échelle des départements de la petite couronne, on arrivera très probablement dans quelques années, sous réserve que cet acteur reste l’acteur majoritaire, à des montants identiques, surtout si la taxe est fixée ad valorem et pas à un forfait de un ou deux euros.

M. Éric Straumann, rapporteur. La ville de Berlin a pris une mesure drastique pour éviter que des logements ne soient affectés à une activité hôtelière, elle l’a interdit.

M. Jean-François Martins. Les hôteliers sont vraiment inquiets, comme tout secteur quand arrive un saut technologique et une innovation de rupture mais le message qu’ils nous adressent est surtout celui de l’égalité de traitement. Nous devons traiter le sujet de manière urgente pour ne pas nous trouver dans une situation identique à celle qui a abouti aujourd’hui à la crise entre les taxis et les VTC… Nous avons intérêt à trouver un terrain d’entente qui assure aux uns les bénéfices que la technologie leur apporte : l’agilité et les prix, et aux autres que ces nouveaux entrants sont soumis aux mêmes règles du jeu que les acteurs traditionnels, notamment d’un point de vue fiscal.

M. Éric Woerth, rapporteur. Les hôteliers voient leurs marges diminuer du fait des réservations via d’autres types de plateformes…

M. Jean-François Martins. Le caractère monopolistique des agences de voyages en ligne nuit beaucoup plus à leur rentabilité que les nouveaux acteurs de type Airbnb. Les commissions sont excessives car le marché est monopolistique.

M. Éric Straumann, rapporteur. Le ministre M. Arnaud Montebourg porte un projet visant à empêcher les clauses abusives. Booking, par exemple, impose que les touristes ne puissent pas accéder à un prix inférieur que celui proposé sur la plate-forme par le biais d’un autre mode de distribution.

M. Charles de Courson. Quid du contentieux en matière de taxe de séjour ?

M. Jean-François Martins. Nous n’avons pas de difficulté pour connaître l’offre hôtelière. Nous avons un problème sur les meublés touristiques et en partie sur les chambres d’hôte car ce tissu est extrêmement diffus. Mais en ce qui concerne les hôtels, le travail effectué par la préfecture, notamment pour des questions historiques de salubrité, et le suivi des permis de construire nous permettent de connaître tous les hôtels parisiens. Nous disposons ainsi d’une cartographie très fine. Nous connaissons donc le potentiel imposable à la taxe de séjour et notre service de télédéclaration en facilite le recouvrement. Et comme l’hôtellerie représente 95 % du produit, le contentieux n’est pas vraiment un sujet pour nous. En tout état de cause, il s’agit d’un mécanisme contentieux traditionnel.

M. Charles de Courson. Votre collaborateur nous avait parlé d’un nombre assez faible de recours contentieux, de l’ordre d’une vingtaine.

M. Jean-François Martins. Entre le classement Atout France, l’Office de tourisme et la Préfecture, nous connaissons précisément les opérateurs et ils le savent. Nous avons donc des systèmes de relance et de contentieux assez précis. En 2014, sur les 1 994 déclarations, nous avions 88 situations de préjudice après une relance aller-retour. En 2013, on dénombre 15 dossiers de contentieux sur 2 000 établissements. C’est faible et identique aux années précédentes. On est aux alentours d’une vingtaine. Le montant des préjudices avoisine en général 120 000 euros par an, sur un produit annuel de 40 millions. C’est donc infinitésimal.

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Audition du 18 juin 2014

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation, et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Madame la Ministre, nous vous souhaitons la bienvenue dans vos nouvelles fonctions de secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Nous voudrions aborder avec vous le résultat des travaux que nous avons menés sur la fiscalité des logements touristiques et qui ont portés principalement sur la rénovation de la taxe de séjour et la nécessité de prendre en compte de nouvelles formes touristiques, via les plateformes internet. Ceci entraîne des effets certains sur le marché ainsi que des distorsions de concurrence qui ne sont pas acceptables.

M. Eric Straumann, rapporteur. Merci, Madame la Ministre. Nous avons, en effet, un certain nombre de questions que nous aimerions aborder avec vous qui vont des grandes évolutions en matière d’activité touristique en France, en passant par une analyse plus précise de la taxe de séjour et en particulier de son recouvrement. Sur ce point nous souhaiterions connaître les résultats de la concertation conduite depuis 2006 en la matière entre les administrations d’État, les collectivités et les professionnels du secteur et ainsi que votre analyse des propositions visant à substituer à la taxe de séjour un dispositif national de « taxe touristique » avec une assiette large ?

Avez-vous eu des retours sur des expériences étrangères en matière de taxe sur l’hébergement touristique ?

Enfin, on assiste à un très fort développement de l’offre de locations touristiques par l’intermédiaire de sites d’annonces en ligne ? Comment analysez-vous cette situation ? L’impact sur le secteur professionnel hôtelier est-il d’ores et déjà mesurable ? La loi ALUR a adopté des mesures de régulation de ce nouveau marché (régime d’autorisation temporaire préalable à la mise en location de meublés de tourisme dans les zones où le marché du logement est tendu). Faudrait-il aller plus loin et avez-vous réfléchi à un système de fiscalisation de ces nouvelles formes d’hébergement qui échappent souvent à tout type de fiscalité.

Voilà ce que nous souhaitions aborder au cours de cette audition. Merci à vous, Madame la Ministre.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Madame la rapporteure et Monsieur le rapporteur, nous allons essayer d’apporter des réponses à chacune de vos questions. Concernant les grandes évolutions en matière d’activité touristique, d’après les statistiques diffusées par l’Organisation mondiale du tourisme, la France reste la première destination en termes d’arrivées de touristes internationaux. Celles-ci ont progressé de 1,8 % entre 2011 et 2012 et s’établissent à 83 millions en 2012 (les chiffres 2013 de la France n’étant pas encore disponibles). La branche «Hébergement et restauration », qui nous intéresse ici et qui est la plus importante des secteurs caractéristiques du tourisme, représente à elle seule dans les comptes nationaux environ 2,5 % de la valeur ajoutée globale. L’effet moteur que peut exercer le tourisme sur d’autres secteurs comme les transports, les loisirs…doit également être souligné. La « consommation touristique intérieure » c’est-à-dire les dépenses touristiques réalisées par les résidents et les non-résidents, s’élève structurellement à plus de 7 % du PIB.

Le tourisme constitue aussi un des premiers excédents de la balance des paiements : le solde positif pour 2012 est de 11,3 milliards d’euros. Le tourisme constitue également un secteur important pour l’investissement, puisque l’ensemble des investissements touristiques s’élève en 2012 à 12,7 milliards d’euros. Enfin, avec plus de 800 000 salariés et environ 2 millions d’emplois directs et indirects, l’enjeu du développement du secteur est considérable pour le marché du travail d’autant que le tourisme contribue souvent à l’insertion des jeunes dans l’emploi et que de nombreux d’emplois restent non pourvus dans ce secteur, à cause sûrement de la difficulté de ces métiers et malgré l’attrait qu’ils peuvent provoquer.

Aujourd’hui 20 % du territoire accueille 80 % des flux touristiques. Il y a une forte concentration sur certains centres : l’Ile de France, la Côte d’Azur ou les Alpes concentrent l’essentiel de la fréquentation touristique. Cette concentration occulte la diversité et la richesse de l’offre française des autres territoires qui ont une moindre visibilité alors qu’ils complètent de manière très utile les grands centres que j’ai cités. Il est donc nécessaire de valoriser les destinations dotées d’une identité forte ayant un potentiel de développement très significatif, par la présentation de nouveaux produits touristiques, autour de thèmes précis (par exemple, tourisme d’itinérance, tourisme industriel, tourisme urbain, tourisme de mémoire) et d’expériences touristiques innovantes. C'est précisément l’objet des contrats de destination mis en place depuis 2013 par Sylvia Pinel pour fédérer les ambitions des acteurs autour d'un projet commun de mise en valeur d'un territoire à travers ses différentes facettes touristiques.

Je tiens également à vous préciser que nous travaillons sur cette thématique avec Fleur Pellerin.

Concernant la taxe de séjour, il faut rappeler que celle-ci est instituée à l’initiative de la commune ou de groupement de communes, selon les dispositions de l’article L.2333-26 du code général des collectivités territoriales. Le champ d’application de la taxe est large. Il autorise un très grand nombre de communes à l’instituer : les communes littorales, les communes de montagne, les communes touristiques, les stations classées de tourisme, les communes qui réalisent des actions de protection et de gestion de leur espace naturel, ainsi que plus généralement celles qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme. L’organe délibérant du conseil municipal ou le cas échéant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), détermine la période de perception, la nature des hébergements marchands assujettis à la taxe et les tarifs choisis.

La spécificité de la taxe de séjour est qu’elle fonctionne selon un système déclaratif auquel sont soumis les professionnels de l’hébergement et les particuliers louant tout ou partie de leur habitation personnelle. Il existe deux modes de recouvrement de la taxe de séjour : la taxe de séjour au réel (dite taxe de séjour classique), établie sur le touriste selon le nombre de nuitées réellement effectuées ; et la taxe de séjour forfaitaire, établie sur le logeur, qui se calcule en multipliant le tarif retenu pour la catégorie d’hébergement à la capacité d’accueil maximale de l’hébergeur en tenant compte du nombre de jours d’exploitation inclus dans la période de recouvrement de la taxe, après abattement d’un pourcentage
de 20 à 30% selon la capacité totale calculée. En cas de circonstances exceptionnelles ayant affecté la saison touristique, l’hébergeur peut réclamer un dégrèvement du montant à acquitter auprès de la collectivité territoriale.

Il est possible au département, d’instituer une taxe additionnelle au taux de 10 %.

Les natures des hébergements pouvant être soumis à la taxe de séjour sont les hôtels de tourisme, les résidences de tourisme, les meublés de tourisme, les villages de vacances, les terrains de camping et de caravanage, les ports de plaisance ou tout autre forme d’hébergement. La taxe est assise sur la nuitée marchande. Tout hébergement impliquant une transaction financière peut être soumis à une taxe de séjour, mais les modalités sont fixées par un organe délibérant, c’est-à-dire une commune ou un groupement. Les résidences secondaires, soumises à la taxe d’habitation et l’hébergement gratuit chez des amis ou dans la famille ne sont pas assujettis à la taxe de séjour.

La taxe de séjour a été établie par une loi de 1910 et permet aux collectivités locales, en complément du produit des impôts locaux, de disposer de ressources supplémentaires destinées à la politique touristique du territoire. Les communes qui l’ont mise en place apprécient ce gain supplémentaire ; néanmoins sa rentabilité est assez faible. Les dépenses éligibles portent sur les actions de promotion en faveur du touristique et les actions de protection et de gestion des espaces naturels à des fins touristiques

À l’exclusion du cas particulier des offices de tourisme en EPIC, les usages de la taxe de séjour peuvent significativement varier. À titre d’exemples, ils peuvent être utilisés pour :

– le fonctionnement des offices de tourisme,

– l’amélioration du cadre de vie telle que l’entretien des plages, des jardins, des voiries, de la station d’épuration (ex : création d’agrandissement),

– le recrutement de personnel saisonnier, le fonctionnement du service de police ou du service médical,

– l’embellissement des communes,

– la construction de parc de stationnement,

– les travaux d’entretien des monuments,

– la signalétique routière et piétonnière

Je pense donc que la taxe de séjour est un dispositif utile, mais dont les modalités devraient être revues et modernisées. Ce sujet est récurrent, depuis de nombreuses années.

Il apparaît que les visiteurs ne sont pas les seuls bénéficiaires des actions menées par les emplois du produit de la taxe de séjour. C’est pourquoi, il est difficile d’évaluer les impacts touristiques directs. En effet, en 2006, un groupe de travail associant un certain nombre d’acteurs fut institué par le ministère chargé du tourisme. Ses débats, qui ne furent pas conclusifs, portèrent sur les axes possibles d’une réforme:

– resserrement du champ d’application de la taxe aux seules communes touristiques et stations classées de tourisme,

– resserrement de la cible d’affectation du produit collecté,

– élargissement de l’assujettissement de la taxe aux bateaux de croisière et aux camping-cars,

– insertion d’une grille majorée pour les tarifs de nuitées dans les stations classées de tourisme car ces communes réalisent des efforts pour structurer une offre touristique de haut niveau,

– principe d’indexation des tarifs sur l’indice des prix à la consommation,

– ainsi que le principe de la taxation d’office non prévue dans la réglementation en vigueur.

Deux missions d’inspections conjointes entre les ministères de l’intérieur, des finances et du tourisme) avaient été diligentées pour identifier les voies d’une réforme. Leurs rapports remis en juin 2004 et septembre 2006. Plusieurs points y avaient été évoqués : incorporation des consommations de services touristiques dans une acception assez large : restauration, sports, loisirs, commerces alimentaires. Cette idée fut rejetée par le ministre de l’intérieur en 2006, alors qu’il était pensé que cet élargissement pût être assimilé à une nouvelle taxe, ce qui n’est pas le moyen le plus approprié de réformer cette taxe de séjour, qui en a pourtant besoin. De plus, elle risquait d'être contre-productive en pesant sur le prix des prestations et de se faire supporter par les populations résidentes.

La question du recouvrement de la taxe de séjour par le réseau du trésor public est importante ; néanmoins, il est nécessaire de rester prudent, compte tenu de ce que si les professionnels et les collectivités ont le sentiment que la taxe de séjour est incorporée à la fiscalité d’État, ils risquent de s’inquiéter quant à sa future affectation dirigée vers les collectivités locales, ce qui pourrait provoquer des réactions assez défavorables.

Concernant les efforts de pédagogie que l’État et les collectivités concernées devraient mener pour que les professionnels aient l’impression d’un « juste retour », je pense qu’il faut mieux communiquer sur la nouvelle taxe de séjour et sensibiliser les hébergeurs de logements marchands et qu’un élargissement de l’assujettissement de la taxe aux navires de croisières, aux camping-cars et aux parkings touristiques, serait une piste intéressante. Il faut également prendre en compte l’évolution du marché touristique avec le développement du tourisme numérique. Il serait aussi intéressant d’augmenter le barème pour les hébergements de luxe, afin d’être adapté au dispositif des hôtels cinq étoiles.

En effectuant un parangonnage avec d’autres pays, nous avons vu que cinq pays ont mis en place des taxes nationales : la République tchèque, l’Egypte, l’Espagne, l’Irlande, et la Tunisie, selon des dispositifs assez différents. En effet, la République tchèque a établi une taxe sur les nuitées payée par les touristes séjournant dans un établissement thermal ou récréatif et une taxe sur la capacité d’accueil prélevée sur chaque lit occupé de ces mêmes établissements ; l’Egypte applique une redevance de 12% sur les services pour les paiements effectués dans les hôtels et les restaurants ; l’Irlande a instauré des droits d’enregistrement pour les établissements hébergeant du public (hôtels, maisons d’hôtes, maisons et appartements de vacances, auberges de jeunesse, terrains de camping et de caravanage) ; et la Tunisie, dans sa loi de finances 2013, a instauré, en 2013, une taxe de séjour de 2 dinars par nuitée qui sera prélevée à compter du mois d’octobre 2014. Nous pourrons vous transmettre ces points de détail pour que vous ayez accès à ce benchmarking. À Dubaï, depuis la fin du mois de mars 2014, les acteurs du tourisme devront payer la Tourist Dirham, une taxe sur les nuits en hébergement touristique. Elle s'appliquera aussi bien aux hôtels, aux locations de vacances qu'aux chambres d'hôtes. Le montant de la nouvelle variera en fonction du type et de la catégorie de l'établissement, et s’étendra de 7 dirhams à 20 dirhams par personne et par nuit. Je pense que ce dispositif, proportionnel au prix de la nuitée, c’est-à-dire à la qualité de l’hébergement, peut être assez intéressant.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Combien cela représenterait-il à Dubaï ? En recevant aujourd’hui le Ministère, nous effectuons la clôture de notre rapport, qui a fait l’objet de nombreuses auditions auparavant. Nous avons évoqué dans notre rapport les dangers d’une taxation du tourisme d’affaires, et c’est pourquoi je suis intéressé par le cas de Dubaï, dont le tourisme est essentiellement de ce type. En tant que Secrétaire d’État chargé de Commerce, appartenant donc au pôle Économie, ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable d’approfondir ce sujet, afin de savoir si l’impact sur le tourisme d’affaires, au poids économique significatif, a été effectué ?

Mme Carole Delga. Nous avons peu de recul car la mesure a été mise en place au mois de mars 2014.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Peut-être d’autres pays ont-ils mis en place une mesure similaire.

Mme Carole Delga. À Dubaï, le taux oscille entre 1,4 € et 4 € par personne et par nuit.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Bien que ce soit trois fois plus élevé qu’en France, c’est assez peu.

Mme Carole Delga. Oui, car le taux de 4 € ne s’applique qu’aux prestations haut de gamme. Malheureusement, nous n’avons pas de recul suffisant sur cette mesure.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Peut-être vos services pourront-ils nous communiquer des éléments sur l’impact d’une taxe de séjour sur le tourisme d’affaires, sans forcément s’appuyer sur le cas de Dubaï.

Mme Carole Delga. Tout à fait, il est possible de s’appuyer sur des systèmes mis en place au niveau des villes. Par exemple, Amsterdam impose une taxe de séjour de 5% sur le logement, dont le produit sert à l’amélioration des infrastructures de la ville. Barcelone, le 1er novembre 2012, a instauré une taxe touristique pour toute personne de plus de 16 ans séjournant une nuit, dont le montant s’échelonne de 0,5 € à 2,5 € pour un maximum de sept jours pour deux personnes par séjour et doit servir partiellement à investir dans le secteur touristique pour renforcer l’attractivité touristique de Barcelone. Ce sont deux points que nous pouvons en effet approfondir, afin de vous communiquer un bilan sur le sujet.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous avons examiné l’étude de l’O.C.D.E. et nous sommes en possession d’éléments intéressants sur les villes. À Berlin, par exemple, le tourisme d’affaires est exclu de la taxe de séjour. Il serait donc intéressant de connaître le point de vue du gouvernement à ce propos.

Mme Carole Delga. Tout à fait, nous n’avons pas plus de détails sur le tourisme d’affaires mais nous nous concentrerons sur ce point. Par ailleurs, il est fait référence dans l’enquête de l’OCDE à des taxes aux finalités majoritairement environnementales, représentant ainsi une compensation de flux touristique. Ce fut le cas de l’Australie, qui instaura une taxe d’entrée dans le parc marin de la Grande barrière de Corail, afin d’en préserver l’environnement. L’Egypte a également instauré des « billets de visite » ainsi qu’une une série de taxes écotouristiques sur douze sites majeurs pour protéger ces sites et développer le concept de tourisme vert. L’Islande a également institué un fonds de protection des sites touristiques pour diminuer les effets néfastes de la forte fréquentation de certains sites de l’île. Concernant le développement de l’offre de location saisonnière par le biais d’Internet, il s’agit d’un mouvement général de fond mais le gouvernement veillera à ce que cette nouvelle concurrence soit loyale et à ce que l’ensemble des hébergeurs marchands soient soumis aux mêmes règles. Par exemple, en ce qui concerne la sécurité, il faudra que les contraintes soient adaptées et équitables.

Vous avez par ailleurs évoqué les dispositifs de la loi ALUR, et en particulier le fait que la déclaration en mairie de la mise en location touristique par un particulier de sa résidence principale n’est plus obligatoire comme c’était le cas précédemment. Le législateur a estimé peu significatif le risque d’une offre déclassée lorsque les propriétaires louent leur résidence principale comme un meublé de tourisme. Il a privilégié la simplification. Concernant les modalités d’application variables de la taxe de séjour, les meublés en sont souvent exclus. Nous avons donc jugé que le risque était relativement faible.

Les hébergements touristiques ont en France une particularité : leur diversité. Le secteur marchand d’un côté, qui comprend les hôtels, les campings, les meublés, les résidences de tourisme et les chambres d’hôtes est complété par le parc non marchand. Ce dernier répond à deux besoins. Il répond tout d’abord au goût des touristes pour un mode d’hébergement différent, peut-être plus convivial et permettant plus facilement de rentrer dans la vie des gens et de découvrir la culture française. De plus, il permet de répondre à des afflux de touristes ponctuellement particulièrement importants. En période de tensions, on observe des sous-capacités hôtelières dans les villes ou dans les villages. Je peux prendre un exemple que je connais bien, celui du festival « Jazz in Marciac ». Il n’y a que deux hôtels dans la ville au mois de novembre. Au mois d’août, il est donc nécessaire que le secteur du parc non marchand soit mobilisé pour pouvoir accueillir les festivaliers de manière à ce que la ville bénéficie des retombées économiques. Le secteur non marchand est à mon sens nécessaire mais nous devons être vigilants…

M. Eric Straumann, rapporteur. Vous parlez de parc non marchand mais il est tout de même payant… Il rentre qui plus est en concurrence avec le parc « traditionnel ». Je partage votre analyse lorsque vous dites qu’il s’agit d’une forme d’hébergement qui rencontre une certaine demande, celle de personnes désireuses de rentrer réellement dans la vie du pays, mais il n’empêche que nous assistons à une explosion de cette forme d’offre touristique.

Quel est votre point de vue sur la question ? Faut-il que nous réglementions, que nous réfléchissions à une fiscalisation car il y a une forme de concurrence déloyale à l’égard de l’hôtellerie ? Il y a 20 000 chambres sur Paris et beaucoup plus sur le reste du pays. Nous nous sommes posés la question car les personnes s’adonnant à ce type d’activité ne s’acquittent quasiment jamais de la taxe de séjour. Il me semble notamment que seuls 500 logements sur les 20 000 existants à Paris sont déclarés. On peut par ailleurs supposer que les revenus qu’ils en tirent échappent à l’impôt sur le revenu… Il n’y a ainsi presque aucune forme de fiscalisation. Pourrait-on donc imaginer une forme de fiscalisation forfaitaire s’inspirant de ce qui se dessine actuellement à San Francisco par le biais d’Airbnb, pour ne pas les citer ? Certains chiffres circulaient selon lesquels la ville aurait réussi à récupérer entre 200 et 270 millions de dollars auprès de la société. D’après nos informations, cela ne correspond pas tout à fait à la réalité. Ces 270 millions de dollars correspondent au montant total de ce qui est encaissé par la ville pour l’ensemble de l’hébergement touristique, y compris les hôtels, etc.

Peut-on envisager la création, pour cette nouvelle forme d’hébergement, à travers les opérateurs Internet, d’une taxe nationale qui reviendrait par exemple à Atout France et qui exonérerait ces bailleurs non professionnels du paiement de la taxe de séjour voire de l’impôt sur le revenu dans la mesure où ils n’en font pas réellement une activité professionnelle ?

Mme Carole Delga. Je pense qu’il faut établir une distinction claire entre l’aspect très occasionnel de certaines locations rentrant dans ce cadre et les personnes qui en font un complément de revenu pérenne, souvent non déclaré comme vous le souligniez, et pour lesquelles cela devient pour ainsi dire un métier. Je pense donc que l’extension de la taxe de séjour aux sites de locations touristiques pourrait en effet être étudiée. C’est un sujet qui mériterait une étude assez approfondie. Vous avez cité San Francisco, on peut également évoquer la ville de Portland qui a développé ce système.

Concernant l’affectation, il me semble intéressant que le produit de la taxe de séjour demeure affecté aux niveaux communal ou communautaire. En effet, s’il est affecté à un autre organisme que les collectivités locales, je pense que nous risquons d’être sollicités par d’autres organismes qu’Atout France…

M. Eric Straumann, rapporteur. Le problème est que cela risque d’être ingérable pour ces sites. Par exemple, si vous dites à Airbnb qu’il y a en France 36 000 communes France et 6 000 intercommunalités, la société n’arrivera pas à ventiler le produit de la taxe de séjour. Il faudrait qu’il y ait un collecteur unique quitte à ce que l’État sous-répartisse ensuite le produit de la taxe. Sans cela, cela nous paraît compliqué. Par ailleurs, les responsables d’Atout France nous ont expliqué qu’ils font face à une grande difficulté, certainement comme d’autres services de l’État, à savoir la restriction de leurs moyens… Cette affectation pourrait être un moyen de développer l’attractivité de la France, ce dont profiteraient l’ensemble des régions. Pour terminer, à San Francisco, la taxe est de 14 %. Elle est donc bien supérieure à notre taxe de séjour et se rapprocherait plutôt, mutatis mutandis, du niveau de notre TVA.

Mme Monique Rabin, rapporteur. Je souhaiterais compléter les propos de mon collègue M. Straumann en ajoutant que le point central de notre rapport est la taxe de séjour. Il y a donc plusieurs problèmes de fond. En effet, si l’on parle d’une taxe touchant les campings cars, nous ne sommes pas là à proprement parler nécessairement sur du séjour. Il en va de même pour les parkings touristiques. On peut par exemple arriver le matin et repartir le soir sans qu’il y ait obligatoirement séjour. Nous devons donc prendre garde, dans notre rapport, à ne pas dévoyer la taxe de séjour.

Si nous devons imaginer d’autres moyens de financement du tourisme, il s’agit nécessairement de taxes ou de dispositifs complémentaires. Nous savons qu’il y a en France 2 500 communes touristiques. On ne peut donc pas engager des discussions bilatérales entre Airbnb et chacune de ces communes sur le modèle de ce qui s’est fait aux États-Unis entre la société et San Francisco par exemple. Ce modèle ne serait à la rigueur possible qu’à Paris ou alors au niveau des régions. On pourrait en effet imaginer que les régions, en tant que chefs de file au plan économique, se chargent de cela mais nous ne pourrons jamais aboutir dans un avenir proche. Or il me semble que les trois rapporteurs sont désireux de formuler des propositions très opérationnelles dans le rapport qui sera rendu dans quelques semaines. Ainsi, l’avis du gouvernement nous intéresse quant à cette idée d’ajouter une nouvelle taxe à une taxe existante. En effet, si nous discutons avec Airbnb, cela sera nécessairement sur la base d’un forfait un peu déconnecté du nombre de nuitées. C’est ce qu’ils ont fait dans toutes les autres communes. Nous aboutirions ainsi à un dispositif un peu supplétif à la taxe de séjour.

Mme Carole Delga. C’est un sujet dont je pense qu’il demande un certain temps d’approfondissement pour répondre aux questions qui se posent. Quel doit être le niveau de collecte ? Effectivement, comme vous l’avez souligné, on ne peut pas la concevoir au niveau de chaque commune… Faut-il que cela se fasse au niveau des régions dans la mesure où elles vont disposer de compétences touristiques ? Mais il va falloir que nous soyons vigilants quant à une éventuelle inégalité de traitement entre les différentes plateformes de réservation. En effet, Airbnb est très connue, mais même si vous allez sur leboncoin, vous avez aussi la possibilité de réserver un hébergement. C’est donc un sujet à travailler. Je ne ferme pas la porte mais cela demande à être étudié plus en détail.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il s’agit là de l’un des points durs de notre rapport. L’administratrice m’informe à l’instant à juste titre qu’il faut comparer ce qui est comparable. Car si leboncoin loue, ce service est effectué gratuitement. Le site n’apporte pas de prestation de service, ce qui n’est pas le cas chez Airbnb. Nous sommes d’accord avec vous pour dire que nous devons nous garder de toute discrimination mais le temps passe. Le rapport Bouvard, très argumenté sur la question touristique, ainsi que d’autres travaux ont déjà été effectués. Nous aurions souhaité formuler des propositions qui se seraient inscrites dans le cadre du projet de loi de finances dans la mesure où notre rapport sera rendu début juillet. C’est la raison pour laquelle il aurait fallu que nous nous articulions bien avec vous. Le problème étant que le numérique évolue si rapidement qu’il prend chaque jour de l’avance sur la résolution politique.

Mme la Ministre. Vous avez tout à fait raison mais la contrainte qui pèse sur vous, à savoir la livraison de votre rapport dans 15 jours, ne nous permettra pas d’investiguer ce sujet suffisamment profondément. Cette réflexion doit assurément être menée, elle est nécessaire, mais nous ne réussirons pas à formuler de proposition concrète en 15 jours.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous tenterons quelque chose et nous verrons les suites qui y seront données…

Mme la Ministre. Il pourrait être intéressant de proposer une taxe de séjour proportionnelle au prix des nuitées, c’est-à-dire proportionnelle à la qualité des prestations offertes.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il y a là plusieurs points de vue car le montant de la taxe de séjour fixé par décret est encadré sur une base légale, de 20 centimes d’euro à 1,50 euro. La proposition de notre rapport visera donc à élargir cette fourchette en référence aux tarifs pratiqués dans d’autres grands pays. Il n’est par exemple pas normal que l’on paie 1,50 euro dans un palace… Mais si nous mettons en œuvre un système proportionnel, nous devons prendre garde à ne pas instaurer un système en proportion d’un chiffre d’affaires car la taxe de séjour est attachée au nombre de personnes. Or si nous travaillons sur le chiffre d’affaires, c’est-à-dire sur le coût de la nuitée, nous entrons dans une autre logique. Peut-on imaginer un mode mixte ? C’est une question à laquelle nous n’avons pas encore répondu. Il s’agit quoi qu’il en soit de l’un des points qui nous inquiètent un peu.

Mme la Ministre. Je trouverais tout de même assez intéressant de réfléchir à l’instauration d’un système basé sur la proportionnalité. Il ne me semble en effet pas vraiment logique de payer 1,50 euro pour des prestations qui peuvent différer du tout au tout.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Supposons que nous offrions aux collectivités qui elles seules décident de passer, pour le taux le plus bas, de 20 centimes à 30 ou 40 centimes jusqu’à 7, 8 voire 10 euros pour le taux le plus élevé, la collectivité serait ensuite libre d’appliquer ou pas le taux le plus élevé. On retrouve donc le même esprit que celui qui est défendu là, à savoir une vérité par rapport au coût de la chambre, tout en restant tout de même dans la taxe dite de séjour. Nous ne sommes pas dans la proportionnalité par rapport au chiffre d’affaires. Il me semble en effet que les professionnels du tourisme sont un peu inquiets car les prix vont paraître gonfler très vite.

Mme la Ministre. Il faut tout de même rappeler qu’en France le taux maximum est actuellement fixé à 1,50 euro…

Mme Monique Rabin, rapporteure. Mais nous pourrions envisager de le faire passer à 8 ou 10 euros…

Mme la Ministre. Certes, mais lorsque la nuitée coûte 350 euros ou plus…

Mme Monique Rabin, rapporteure. J’entends l’argument…

Mme la Ministre. Il faut bien évidemment mettre en œuvre une proportionnalité mesurée pour éviter tout effet dissuasif. Il ne s’agit pas dans mon esprit d’une proportionnalité liée au chiffre d’affaires mais liée au tarif de la nuitée. C’est plus simple pour le calcul. On pourrait peut-être également prévoir une indexation, par exemple sur les prix à la consommation, qui serait relativement simple à mettre en œuvre et éviterait à la commune d’avoir à redélibérer chaque année. Cela permet d’avoir une évolutivité raisonnable.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Une question importante est posée ces jours-ci à l’Assemblée nationale. Vous en avez peut-être eu connaissance. Certaines régions, en particulier la région Île-de-France souhaiteraient instituer une taxe additionnelle pour le STIF. Si j’étais personnellement amenée à me prononcer en commission sur cet amendement, je le repousserais. Il reviendra cependant lors du projet de loi de finances. Il pose de toute façon une question de fond : est-il pertinent que la taxe de séjour vienne abonder les budgets des collectivités territoriales pour suppléer à d’autres types de manques ? Ce qui me fait peur est l’idée que l’on inventerait des taxes additionnelles dans les régions. Il n’y a pas de raison qu’on l’autorise pour l’Île-de-France et pas pour d’autres régions. Je voulais donc connaître le point de vue du Gouvernement, si vous avez été amenés à en discuter.

Mme la Ministre. Nous n’avons pas été amenés à en discuter mais nous avons effectivement eu connaissance de cette idée. Il faut tout de même rappeler que le produit de la taxe de séjour s’élève à 200 millions d’euros. Le Gouvernement souhaite une certaine modération dans l’augmentation de la pression fiscale. Il faut donc se montrer raisonnable… Je pense également qu’il faut faire attention. Dans le contexte de réduction des dotations aux collectivités locales que nous connaissons, priver les communes de cette ressource risquerait de jeter le trouble parmi les élus locaux… Que l’on finance à travers une taxe…

Mme Monique Rabin, rapporteure. Touristique, une taxe touristique !

Mme la Ministre. … à travers une taxe touristique les infrastructures de transport m’interroge. Si nous acceptons cela, nous ouvrirons la porte à bien d’autres choses. Demain, pourquoi ne financerions-nous pas les monuments historiques par le biais de la taxe de séjour ? Si l’on cherche à établir une liste de tous les équipements nécessaires à l’offre touristique, nous n’avons pas fini… Le tourisme est un secteur transversal. Tout est tourisme. Il nécessite des transports collectifs, des monuments, des espaces naturels, des sites industriels, etc. Nous ouvririons là une boîte de Pandore.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour résumer, il m’apparaît que nous sommes à peu près sur la même longueur d’ondes. La taxe de séjour est très importante pour financer la promotion touristique qui profite à tous, au secteur privé touristique qui en a besoin. Nous devons être guidés par la modération pour que le tourisme ne soit pas plombé par une taxe trop lourde. Nous renvoyons enfin les collectivités vers d’autres formes de financement car même si nous sommes conscients que les touristes irriguent l’Île-de-France et sont des usagers des transports en commun, cette taxe n’existe pas et il n’est pas encore temps de créer de nouvelles taxes. Un rapport sur les micro taxes propose d’ailleurs au contraire de réduire le nombre de taxes existantes. Il me semblait important que nous puissions discuter pour que cette entente de vue soit consignée à notre rapport et donne un peu de force à la décision.

Mme la Ministre. Nous ne connaissons pas les coûts engendrés par le tourisme en Île-de-France mais nous ne connaissons pas non plus les recettes qu’il génère… Je pense que si nous en disposions, nous constaterions que le déséquilibre est plutôt en faveur des recettes… Il me semble qu’en Île-de-France le tourisme est source de richesse.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il est par exemple évident que Paris perçoit beaucoup moins de taxe de séjour que les grandes capitales européennes.

Nous serons peut-être également amenés à reparler de l’affectation car je pense que la taxe de séjour doit profiter directement à l’économie touristique. Or, d’autres types d’affectation existent. Nous avons entendu au cours de nos précédentes auditions que Paris protégeait les touristes et qu’une part du produit de la taxe de séjour était par conséquent affectée à la Préfecture de Police. Ce n’est pas négligeable mais c’est certainement entendable…

Mme la Ministre. Je pense par ailleurs que nous devons mener une réflexion concernant les sites de location. Cette réflexion doit être approfondie car toute mesure est très complexe à mettre en œuvre au point de vue juridique, sur l’efficacité, sur la répartition. Mais pour aller dans le sens ce que vous indiquiez, Mme la Rapporteure, il est sûr que nous sommes un peu pris en étau entre le tempo très rapide de l’extension de ces sites et la nécessité de pouvoir approfondir de façon juridique, fiscale, ce dispositif-là. Mais je pense que si nous proposions un système trop rapidement conçu et mal finalisé cela serait pire que tout. Il vaut mieux prendre quelques mois de réflexion supplémentaires et avoir un dispositif qui fonctionne. Nous l’avons déjà vu : dès que l’on propose une taxation sur les produits liés aux nouvelles technologies, il y a des réactions très rapides qui ne peuvent être endiguées que si le dispositif est bien conçu, bien finalisé et très solide.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Notre orientation de ce point de vue consiste à protéger les professionnels du tourisme car ils sont encadrés, y compris sur le plan fiscal, sans négliger cette recette supplémentaire qui permet d’accompagner tous les touristes qui sont dans l’hébergement dit non marchand et qui génèrent aussi des coûts sur l’espace public.

Mme la Ministre. Je pense que vous avez là une position qui est équilibrée.

Nous vous transmettrons des éléments de parangonnage plus détaillés concernant les autres dispositifs européens ou internationaux.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je pense enfin qu’à la lumière de la réforme territoriale il faudra que nous réfléchissions à la manière peut-être plus adaptée de nous ajuster, notamment aux régions.

Mme la Ministre. Tout à fait.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je vous remercie Madame la Ministre.

Audition du 25 juin 2014

M. Lionel Walker, Secrétaire général de Rn2D et Mme Véronique Brizon, Directrice générale de Rn2D.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous souhaiterions aujourd’hui aborder le volet départemental de l’action touristique ainsi que les aspects liés à la fiscalité, puisqu’une vingtaine de départements ont décidé d’instaurer une taxe additionnelle à la taxe de séjour. Alors qu’un certain nombre d’autres collectivités réfléchissent à des taxes additionnelles, votre point de vue nous sera très utile.

M. Lionel Walker, secrétaire général de Rn2D et président du Comité départemental du tourisme (CDT) de Seine-et-Marne. Je voudrais excuser Monsieur Jean-Pierre SERRA, président du Réseau national des destinations départementales (Rn2D). Quant à moi, je suis le Secrétaire général de Rn2D et président d’un comité stratégique : le Comité départemental du tourisme (CDT). Je suis également vice-président du Conseil général de Seine-et-Marne, chargé du tourisme, des musées et du patrimoine. J’assure les missions liées aux métiers du tourisme et du patrimoine. Je vais donc commencer par présenter Rn2D. Conformément à loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992, les départements se sont dotés d’organismes pour développer leur politique publique de tourisme. Le réseau rassemble ces organismes, que l’on appelait jadis les comités départementaux de tourisme, qui sont devenus pour la plupart des agences de développement et de réservation touristique (ADT). Ce changement de langage traduit une évolution de leurs missions. Outre la promotion et la commercialisation, elles assurent en effet désormais des fonctions d’accompagnement, de développement et d’ingénierie puisque ces organismes assument aujourd’hui le rôle d’agences réceptives : nous recueillons dans le département au minimum 11 millions d’euros de chiffre d’affaires, notamment grâce à des visiteurs qui ne viendraient probablement pas sur notre territoire si l’agence de développement et de réservation touristique n’existait pas. Rn2D est un vrai réseau, très actif, abordant toutes les questions de fond, notamment techniques. Le réseau compte aujourd’hui 100 adhérents et est doté d’un budget cumulé de 200 millions d’euros. Il est investi pour moitié dans la promotion, les conseils généraux investissant en moyenne deux millions d’euros dans ces organismes grâce aux subventions des Agences de développement touristique.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ce montant correspond aux subventions des ADT aux offices de tourisme, les plus faibles étant de l’ordre d’un million d’euros, les plus importantes, celles de l’Office de tourisme de Paris, de l’ordre de onze millions d’euros.

M. Lionel Walker. Globalement, les ADT sont des organismes à qui les Conseils généraux ont délégué, parce que l’administration ne dispose pas toujours des profils appropriés, le travail spécifique de négociation des prix et de discussion des questions d’hébergement. Ce travail est néanmoins vertueux, et a davantage impliqué les conseils généraux dans le développement touristique français, qui y occupent aujourd’hui une place plus significative que les régions. Ils participent à ce développement tant pour des régions rurales que pour l’aménagement de grands sites.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pourquoi y a-t-il plus d’adhérents que de départements ?

Mme Véronique Brizon, directrice générale de Rn2D. Ceci est dû au fait que les agences sont réparties en trois catégories : les agences de développement touristique, les agences de réservation touristique, et les agences de développement et de réservation touristique. Rn2D est né de la fusion de la fédération des CDT et de la fédération des loisirs accueil, ce qui signifie qu’au sein de notre réseau, il existe des membres ayant le même actionnaire, - le département -, mais dont certains ne font que de la commercialisation, et d’autres du développement, de la promotion et de la commercialisation.

M. Lionel Walker. Actuellement, notre réseau est mobilisé sur différentes problématiques.

La question principale est celle de la gouvernance : le tourisme est l’une des trois compétences partagées définies par la réforme territoriale (telle qu’elle est aujourd’hui). L’idée est de mieux coordonner les différents échelons, et non d’en faire disparaître. Il est nécessaire de mutualiser les enjeux autour de logiques de destination et non d’administration, en gardant comme priorité l’économie. La destination doit être le pilier de l’organisation administrative afin de mettre en lien l’offre et la demande touristiques.

Mme Monique Rabin, rapporteure. La proposition de la ministre du Tourisme sur les contrats de destination vous convenait ?

M. Lionel Walker. Oui, sur le principe, même s’il y avait dans les premiers contrats de destination de nombreux éléments à perfectionner, autour d’économies d’emplois ou de l’accueil dans les villes, via les offices de tourisme.

Certaines régions comme la Savoie ou le Finistère sont des destinations touristiques, tandis que d’autres ne pourront pas fonctionner dans cette logique, comme la Picardie-Champagne-Ardenne, contrairement à la Champagne. Il est donc important de conserver une logique territoriale.

Deuxièmement, il ne peut y avoir de réflexion sur les compétences sans réflexion sur les ressources. Étant donné que l’activité peut générer ses propres ressources, il faut trouver les conditions qui permettent de ne pas puiser dans les ressources publiques, de plus en plus contraintes, tout en ayant un effet de levier afin de préserver les capacités d’investissement des secteurs qui fonctionnent. Il y avait 25 millions de touristes en 1950, il y en a aujourd’hui 1 milliard et ce chiffre devrait doubler au cours des quinze prochaines années. Si nous arrivions à gagner 5 % de cette part de marché, nous pourrions créer 500 000 emplois. Ne plus investir et ne pas penser aux questions des ressources, réfléchir de manière purement comptable, pourrait nous être extrêmement dommageable. La réflexion que vous menez sur les ressources est essentielle ; elle est aussi importante que les questions de compétences.

Il y a également la question de la filière qui manque aujourd’hui de visibilité. Le secteur touristique doit se développer en tant que filière économique organisée autour du triptyque formation, recherche et développement, innovation. Aucun des pôles de compétitivité de l’État ne porte sur le tourisme, c’est un problème.

Il est aussi nécessaire de parler d’un sujet passé sous silence : celui de l’aide au départ en vacances, récemment mis en avant par le gouvernement. Le succès de la France à l’international, et notamment le succès de Paris, cache une situation inquiétante : la baisse continue du nombre de Français partant en vacances.

Enfin, nous devons réfléchir aux relations entre les territoires, le numérique, et la politique touristique, qui est un sujet plus technique mais tout aussi préoccupant.

Mme Véronique Brizon. Je me permets d’ajouter un point sur les contrats de destination. Il nous semble indispensable de réfléchir dans les mêmes mesures à la promotion et à l’offre. Si l’offre n’est pas adaptée à la demande, si l’industrie est vieillissante, et s’il n’y a pas une politique d’animation sur l’offre, il manquera un pilier essentiel à la politique touristique. Pour nous, la plus-value du département réside dans son implication politique, car il constitue un échelon de proximité et une source d’expertise au service des professionnels, tant dans la sphère privée que publique (pour les offices de tourisme). Ce qui différencie Rn2D est qu’il est en lien direct avec le client. L’ADT ou le département ont des politiques d’animation et de qualification de l’offre touristique, tandis que le Comité régional du tourisme (CRT) s’occupe davantage de la stratégie et de la promotion internationale.

M. Lionel Walker. Nous sommes en faveur de l’abandon des schémas départementaux et de la création des schémas de tourisme de destination, car il est nécessaire d’avoir une cohésion économique, particulièrement dans le domaine du tourisme. Il n’existe aucun secteur économique ambitieux qui n’ait pas besoin d’investir. La source de l’investissement ne sera pas exclusivement privée, ni certainement uniquement publique. Il est important de noter que le levier public a permis des investissements très importants. À titre d’exemple, une fromagerie de la Seine-et-Marne est sur le point de doubler de taille et d’accueillir ainsi 10 000 visiteurs, grâce à 25 % d’investissement public, dont la taxe additionnelle a été une source de financement majeure. Il existe des investissements de ce type dans tous les départements de France, et c’est ainsi qu’est formé le maillage de l’offre touristique. Certaines collectivités, en compétences partagées, doivent avoir leurs propres ressources, tout comme l’État. La taxe de séjour additionnelle est un bon point d’appui. Nous tenons toutefois à insister sur l’importance du bon fonctionnement de cette taxe - ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, - de l’élargissement de l’assiette à d’autres formes d’hébergement, et de la sécurisation de la perception, car le système actuel est déclaratif.

Mme Monique Rabin, rapporteure. J’aimerais néanmoins que vous reveniez sur l’élargissement de l’assiette. La taxe de séjour est actuellement calculée par nuit et par personne. Il existe des propositions en faveur d’une indexation de la taxe sur le prix de l’hébergement. Certains ont proposé de créer une autre taxe, de développement touristique qui inclurait la visite de grands sites, la restauration. Nous n’y sommes pas favorables car nous ne voulons pas pousser à la hausse les prix de ce secteur, afin de ne pas affecter négativement la fréquentation touristique. D’autres, enfin, ont suggéré une taxe relative aux sites patrimoniaux. Quel est votre avis sur ces sujets ? Par ailleurs, vous évoquiez le fait qu’une partie de la taxe additionnelle est affectée à la consolidation de certains équipements, existe-t-il d’autres affectations ?

M. Lionel Walker. Il arrive que des comités départementaux ne décident d’aucune affectation de la taxe additionnelle. La contrainte budgétaire pousse de plus en plus de conseils généraux à conserver les recettes de cette taxe, sans les utiliser à des fins touristiques, ce qui est contraire à l’esprit de la loi. Si nous cherchons à soutenir l’économie par l’investissement, et à trouver les sources de cet investissement au sein de notre propre dynamique, il faut clarifier l’affectation des recettes. En effet, aucun hôtelier ni aucune commune n’attaque de conseils généraux en raison d’une non-affectation des recettes de la taxe à des activités touristiques.

Il faut également percevoir la taxe sur tous les types d’hébergement, afin que le tourisme ne fonctionne pas selon un régime à deux vitesses. La loi ALUR du 24 mars 2014 représente une vraie faille de ce point de vue.

Mme Véronique Brizon. La loi de 2009 de développement et de modernisation des services touristiques a été très positive en ce qu’elle a imposé la déclaration des locations de courte durée. Cette déclaration permet une meilleure connaissance de l’offre touristique - parcs de meublés et chambre d’hôtes - et une meilleure perception de la taxe de séjour. Si je devais soumettre une proposition à ce sujet, je préconiserais la numérisation de la déclaration. En effet, des déclarations électroniques, contrairement, à celles d’aujourd’hui sous formes de documents CERFA, simplifieraient les systèmes. Nous nous sommes mobilisés, avec les CDT des Bouches-du-Rhône et les associations de maires, pour créer des animations autour de la numérisation des déclarations, et nous avons constaté une amélioration des rendements.

Au sujet de la loi ALUR, l’exemption des résidences principales de la déclaration en mairie lors de la mise en location de courte durée a finalement sorti ces hébergements du marché et de l’offre touristique et, de fait, de la taxe de séjour. C’est pourquoi nous avions été porteurs d’un amendement, qui n’a malheureusement pas été défendu en séance malgré l’aval du gouvernement, afin de continuer à prendre en compte les résidences principales dans la taxe de séjour. Il me semble essentiel de réfléchir à cette problématique, afin de réintroduire dans le champ de la taxe les types d’hébergements alternatifs, qui représentent une nouvelle forme de consommation touristique. C’est d’ailleurs pour cette raison que Rn2D a toujours milité pour le classement des chambres d’hôtes, ce qui permettrait une meilleure visibilité touristique, notamment en termes de prix, pour le client.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pourrez-vous m’adresser la proposition d’amendement que vous aviez soumise ?

Mme Véronique Brizon. Tout à fait.

M. Lionel Walker Nous cherchons à ce que tous les types d’hébergement, y compris les aires de camping-car, soient concernés par la taxe de séjour.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Une entreprise de ma circonscription, unique en France, est vouée à la structuration de l’offre d’aires spécifiques pour les camping-cars. Même si aucune définition n’existe au niveau européen, la Catalogne a ainsi développé un marché très important du camping et du camping-car. Il s’agit donc ici de créer un passe valable pour l’Europe et le nord du Maghreb, qui octroierait une aire sécurisée aux camping-cars, tout en les responsabilisant. La Catalogne est porteuse de ce système, qui offre un moyen supplémentaire de collecte de la taxe de séjour. Inversement, un constructeur de camping-car de ma circonscription plaide pour la conservation d’un style de camping libre et contre une taxation des aires de camping-cars. Néanmoins, il semble normal que les détenteurs de camping-car contribuent à la préservation des installations touristiques, dans la mesure où ils en bénéficient aussi.

M. Lionel Walker. Nous pensons que cette taxe est vertueuse : elle crée des emplois et des moments de bonheur. Cette fiscalité est d’autant plus vertueuse qu’elle est un facteur d’équité au sein du secteur de l’hébergement touristique et que, contrairement à la majorité des taxes dans notre pays, le payeur est l’usager, et non le contribuable. Il semble normal que l’usager contribue au maintien du service de qualité dont il bénéficie, et nous ne connaissons pas de cas où l’augmentation du prix de l’ordre de deux ou de trois euros ait un impact sur la décision de consommation touristique.

Il est toutefois essentiel de garder à l’esprit que cela ne peut fonctionner que si l’argent perçu par la taxe est directement réinvesti dans le secteur touristique, car l’hébergement français, à cause d’un manque d’entretien inquiétant, est en train de s’effondrer.

Mme Véronique Brizon. La politique de l’État avec le classement est de proposer une offre de qualité. Aujourd’hui, les hébergements non classés sont ceux qui contribuent le moins à la taxe de séjour, et il nous semble que l’avantage fiscal dont ils bénéficient (le consommateur payant moins de taxe), fait défaut au parc touristique français. Deux options sont donc possibles : rendre le classement obligatoire - ce que nous avons suggéré - ou renforcer la taxation des établissements non-classés pour rétablir l’équilibre.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Cette proposition est intéressante. En outre, il y a un problème relatif à la fourchette, qui, s’étalant de 0,20 euro à 1,50 euro, est extrêmement resserrée. Nous proposerons donc sûrement, dans notre rapport, une somme plus élevée, notamment pour les hébergements haut de gamme.

M. Lionel Walker. En effet. Je n’ai à ce propos pas connaissance de cas où un consommateur choisirait un hôtel plutôt qu’un autre sous prétexte qu’il n’aurait pas de taxe de séjour.

Mme Véronique Brizon. Par ailleurs, plusieurs pays européens ont des taxes de séjour bien supérieures aux nôtres, ce qui laisse une marge de manœuvre importante.

Mme Monique Rabin, rapporteure. D’autres n’en ont pas du tout.

M. Lionel Walker. Il est vrai, mais je ne crois pas que ce soit, pour les touristes, un facteur déterminant la destination.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Tout à fait. J’aimerais revenir sur le sujet de l’affectation de la taxe de séjour par les départements.

M. Lionel Walker. La situation actuelle est tout à fait insatisfaisante. La taxe de séjour devrait servir le développement touristique en devenant l’outil principal de la mise en place des contrats territoriaux de destination, portée par les collectivités territoriales. Il faut conserver, à l’image de Rn2D, une vision nationale et un aménagement local.

Mme Véronique Brizon. Selon nos services, vingt-huit départements ont mis en place la taxe de séjour additionnelle en 2011. Ce sont principalement des départements très touristiques, situés donc en zone de montagne ou sur le littoral. La Savoie réussit à collecter près de 1,3 million d’euros grâce à la taxe additionnelle départementale, et en affecte la grande majorité à un plan d’accompagnement et d’investissement touristiques. Dans une optique similaire, le Lot a instauré une taxe additionnelle de séjour et a lié ses investissements dans le secteur du tourisme (rendus possibles grâce aux recettes de cette taxe) à la mise en place par la commune d’une taxe de séjour.

Mme Monique Rabin, rapporteure. À combien la collecte totale des départements s’élève-t-elle ?

Mme Véronique Brizon. En 2011, selon la Direction générale des collectivités locales, sans compter la ville de Paris, ce montant s’élevait à 8 millions d’euros.

M. Lionel Walker. Paris est un bon exemple de commune qui ne réinvestit que peu les recettes de la taxe de séjour dans le tourisme. En effet, seuls 10 à 12 millions d’euros des quarante millions perçus au total sont réinvestis dans le tourisme.

Mme Monique Rabin, rapporteure. À cela s’ajoutent 7 millions d’euros destinés à la sécurisation des touristes.

M. Lionel Walker. Certes. Environ 18 millions d’euros sont donc affectés au tourisme à Paris.

Mme Véronique Brizon. Nous savons que plusieurs rapports circulent sur la suppression de la taxe additionnelle départementale et y sommes opposés dans la mesure où le nœud de leur réflexion réside dans la mauvaise collecte de la taxe. Nous pensons bien sûr qu’il est plus judicieux de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour optimiser la collecte que de répondre par une suppression.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Que pensez-vous du projet des syndicats d’Île de France (STIF) de la mise en place d’une taxe additionnelle tenant compte du fait que les touristes circulent sur le réseau de transport ?

M. Lionel Walker. Les politiques publiques se tournent avant tout vers les secteurs qui génèrent d’importants revenus. Il n’est donc pas étonnant que le STIF propose une telle mesure. Rn2D et CRT demandent régulièrement qu’une commission spécifique pour le tourisme soit créée au sein du STIF, mais nous ne pensons pas que la taxe de séjour soit la bonne réponse aux problèmes de transport que connaissent les touristes d’Île de France.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour résumer, au cours de cette audition, vous avez cherché à attirer notre attention sur la généralisation de la taxe de séjour, sur la clarification de son affectation qui mériterait d’être mieux identifiée, sur la simplification et la sécurisation de sa perception. Vous nous avez par ailleurs communiqué vos doutes sur le projet de taxe du STIF. Nous avons également convenu de ce que vous communiquerez à nos services votre projet d’amendement sur la loi ALUR.

Mme Véronique Brizon. Nous avons également insisté sur la simplification de la déclaration, notamment par voie électronique, des meublés et des chambres d’hôtes, qui représentent deux tiers des hébergements touristiques, dans l’optique de mobiliser nos efforts pour une meilleure connaissance du parc des hébergements.

M. Lionel Walker. Derrière cette taxe de séjour, se cachent de véritables sujets de société ; au cours des dernières années, la moitié de l’hôtellerie indépendante a disparu.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Tout à fait. La question de l’hôtellerie indépendante tient à ce que de nombreux hôteliers ne se sont pas rendu compte de la hausse du niveau de vie des touristes et ainsi de leurs attentes. De nombreux touristes chinois, par exemple, se plaignent régulièrement de l’hôtellerie de luxe française. Récemment, j’ai eu l’occasion de discuter avec la directrice du tourisme de la Catalogne, et ai été frappée par la différence de son approche avec celle que nous avons en France : plutôt que de se concentrer sur l’offre, comme nous le faisons, cette communauté espagnole axe ses recherches et ses moyens vers la demande mondiale.

Mme Véronique Brizon. Il faut néanmoins garder à l’esprit que l’offre touristique française est extrêmement concentrée (avec 80 % de l’offre hôtelière sur 20 % du territoire), et qu’un des enjeux principaux est de rééquilibrer cette répartition.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Tout à fait. Je vous remercie pour votre intervention riche et très instructive.

Audition du 25 juin 2014

M. Laurent Duc, président de la branche hôtellerie de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) et de M. Vincent Dollé, directeur des affaires économiques, fiscales et des nouvelles technologies de l’UMIH.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous travaillons sur l’évolution potentielle de la fiscalité des hébergements touristiques et il était donc très important pour nous de recueillir le point de vue des hôteliers, notamment sur la taxe de séjour.

M. Laurent Duc, Président de la branche hôtellerie de l’UMIH. Je suis Président de l’hôtellerie française à l’UMIH, qui est l’organisation majoritaire des hôtels-cafés-restaurants. La branche hôtelière représente à peu près la moitié du parc des hôtels classés. L’hôtellerie française comprend environ 20 000 hôtels. Il y avait 17 000 hôtels classés dans le précédent classement ; il y en a 14 000 dans le nouveau. Ce parc comprend à la fois des hôtels indépendants, des hôtels filiales de chaînes et des hôtels indépendants franchisés. Ce sont donc trois types d’hôtellerie différents. Le parc d’hôtels compte 40 % d’hôtels franchisés et d’hôtels filiales et 60 % d’hôtels indépendants. C’est l’inverse pour le parc de chambres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vous avez commencé à évoquer les caractéristiques principales de l’hôtellerie. Avant d’aborder plus précisément les questions qui nous préoccupent et qui sont d’ordre fiscal, avez-vous une observation particulière à formuler ?

M. Laurent Duc. Nous sommes aujourd’hui la partie émergée de l’iceberg que tout le monde voudrait solliciter. Nous avons l’impression d’être les seuls représentants du tourisme en France. Les hébergements touristiques sont très divers, mais ce sont toujours hôteliers que l’on taxe. Pour prendre un exemple que je connais bien, celui de la région lyonnaise, il est plus facile de collecter la taxe de séjour auprès de 220établissements hôteliers qu’auprès de 1 000 meublés. Dans la collectivité de communes du Grand Lyon, 95 % de la taxe de séjour est collectée par les hôteliers et 5 % seulement par d’autres types d’hébergement alors que les hôteliers n’accueillent que 50 % des touristes. Il y a également des gîtes, des chambres d’hôtes, des résidences de tourisme et des meublés touristiques qui échappent à toute assiette fiscale ou tout simplement à toute assiette de collecte touristique, alors que pourtant la loi le prévoit.

Il s’agit là d’un premier constat. On peut ensuite faire le bilan de ce que l’hôtellerie a subi depuis cinq ans. La TVA y est passée de 5,5 à 7 %, puis de 7 à 10 %. Par ailleurs, les chiffres des observatoires nationaux montrent une stagnation de l’offre et des prix TTC. Ainsi, en dépit des augmentations de TVA, nous n’avons pas augmenté nos prix depuis quatre ans. Cela s’explique par le fait que nous nous situons dans un prix de marché. On peut facilement comparer les prix entre hôtels, et nous sommes obligés de nous adapter à la demande du consommateur. Il s’agit donc d’autant d’augmentations qui viennent réduire les marges.

M. Vincent Dollé. Et ce alors que le taux de TVA dans l’hôtellerie était à 5,5 % depuis le 1er janvier 1994. La plupart de nos interlocuteurs l’oublient et font l’amalgame avec la restauration qui était elle à 5,5 % depuis 2009 seulement. On peut même ajouter que dans le cadre du contrat d’avenir de 2009, l’hôtellerie a financé, comme la restauration, la rénovation du dialogue social mais sans avoir les mêmes marges de manœuvre que le secteur de la restauration dont le taux de TVA est passé de 19,6 % à 5,5 %. La situation de l’hôtellerie est donc aujourd’hui très problématique.

M. Laurent Duc. Il faut ajouter à cela les nouveaux moyens de commercialisation, à savoir les opérateurs en ligne. Leurs commissions sont établies sur les prix TTC et non pas sur le HT. Seul l’État pourrait car ce n’est pas un hôtel isolé qui pourra attaquer Expedia ou Booking, respectivement domiciliés aux États-Unis et aux Pays-Bas. Notre TVA a donc augmenté, ce qui a entraîné une diminution de notre marge et dans le même temps, la commission versée - que les hôteliers n’ont pas les moyens de négocier - a elle aussi augmenté. À euros constants, j’ai calculé que nous avions perdu 3,88 points de marge, ce qui est considérable.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Face à cette situation, vous n’êtes donc pas très enclins à voir la taxe de séjour augmenter…

M. Vincent Dollé. La taxe de séjour n’est malheureusement pas le seul élément à prendre en compte lorsque l’on parle de fiscalité… Pour commencer, nous considérons que la taxe de séjour relève de la fiscalité locale mais il faut également rappeler qu’en 2011 l’hôtellerie a été marquée par la suppression de l’exonération sur les avantages nourriture.

Notre branche a, depuis l’arrêt Parodi de 1946, pour obligation de nourrir ses salariés Nous bénéficiions à ce titre d’une exonération de charges patronales qui s’élevait à environ 28 % du SMIC. Depuis le 1er janvier 2011 cette exonération de charges patronales a été supprimée pénalisant l’hôtellerie, au même titre que la restauration, puisqu’elle a aussi pour obligation de nourrir ses salariés. D’autres secteurs d’activité qui ne sont pas soumis à cette obligation disposent eux, via le mécanisme du titre restaurant, d’exonérations de charge. La situation est donc tout à fait paradoxale : le seul secteur d’activité ayant en France l’obligation de nourrir ses salariés est le seul ne pouvant pas bénéficier d’exonérations.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vous soulevez là un point intéressant…

M. Laurent Duc. Je souhaiterais à présent revenir sur la taxe de séjour. Elle est déterminée par rapport à un classement hôtelier. Ainsi, quid des hôtels qui ne sont pas classés ? Elle était basée sur un précédent texte de 1986, lequel avait des hôtels 0 étoile. Les cinq étoiles qui ont été créés il y a maintenant cinq ans ont été ajoutés sans pour autant en changer l’assiette.

Il y a surtout un caractère assez inégal dans la taxe additionnelle départementale : lorsque vous êtes déjà soumis à une taxe de séjour, le département peut prélever jusqu’à 10 % du montant de cette taxe de séjour. C’est donc la double peine. On distribue à tout un département ce que l’effort local avait déjà produit. Si je prends le cas des collectivités de communes, on arrive à équilibrer la situation mais lorsque vous n’avez qu’une seule ville et que le département décide, cela n’est pas le cas. Je reprends l’exemple de Lyon et de Villeurbanne : il n’y avait pas de taxe de séjour à Villeurbanne alors qu’il y en avait une à Lyon. C’étaient donc les hôtels de Lyon qui collectaient la taxe de séjour pour la ville de Villeurbanne puisque le département récupérait 10 % qu’il redistribuait à l’ensemble des communes. C’est complètement inégal. Y ajouter là-dessus une taxe nationale, une idée qui a la vie dure, paraît donc ubuesque.

On nous compare à l’Allemagne et aux autres pays collectant des taxes locales de séjour mais le problème est que l’on ne compare pas la fiscalité dans son ensemble. On parle par exemple des 5 % de taxe de séjour à Berlin mais la fiscalité d’une entreprise hôtelière outre-Rhin n’est absolument pas la même. À la taxe de séjour, il faut ajouter en France le droit de terrasse, le droit à l’ombre, le droit d’enseigne, etc. Tout cela n’existe pas là-bas. En Italie, vous n’avez par exemple pas d’impôt sur les immeubles commerciaux. Il ne faut donc pas simplement regarder ce que le consommateur va payer mais l’ensemble de la fiscalité de l’entreprise en matière d’exploitation.

Nous allons finir avec une hôtellerie qui sera le jouet de fonds de pension qui ne seront pas nationaux. Nous n’avons plus les moyens d’amortir nos exploitations et nos loyers sur une seule entité franco-française. Nous sommes contraints de faire appel à des tiers ayant des portefeuilles garantissant la sécurité financière. Moi-même, je pense être l’un des derniers représentants de l’hôtellerie indépendante. Quand les hôteliers de ma taille vendent, ils vendent à des fonds car cela leur permet d’équilibrer leurs charges et d’avoir une vraie garantie.

M. Vincent Dollé. L’hôtellerie est un secteur à forte intensité de main-d’œuvre. La durée conventionnelle de travail dans notre branche n’est pas de 35 heures mais de 39 heures puisque la convention collective établit que 4 heures supplémentaires garanties s’ajoutent aux 35 heures. Cela est naturellement antérieur à la mise en place de la loi TEPA. Lorsqu’ont été supprimées les exonérations de charges qui avaient été instaurées par la loi TEPA, les chefs d’entreprise n’ont eux pas eu la possibilité de supprimer ces heures supplémentaires. Elles ont là encore été pénalisées par une augmentation de la fiscalité. L’hôtellerie est également un secteur caractérisé par d’importants actifs immobiliers. Or la taxe de séjour pèse aujourd’hui très largement sur ceux-ci. L’hôtellerie est donc du fait de cette double caractéristique doublement pénalisée par.

M. Laurent Duc. Je souhaiterais revenir sur l’assiette de la taxe de séjour, sur son utilisation ainsi que sur les opérateurs en ligne. On va aujourd’hui chercher chez ceux qui ne sont pas délocalisables, à savoir, les hôteliers, des financements supplémentaires. Or, aujourd’hui 40 % de notre parc de chambres est vendu et commissionable à l’extérieur du pays.

Il existe deux modèles économiques, le modèle commissionable et le modèle marchand. Le modèle marchand est celui d’Expédia, un opérateur qui réserve une chambre à l’hôtelier. Quand il la vend 100 euros à un client, l’argent que ce dernier débourse « part » aux États-Unis. 45 jours plus tard, Expédia reverse 75 euros à l’hôtelier. 25 euros disparaissent donc complètement du PIB ou de l’assiette de l’hôtellerie. C’est un milliard d’euros par an qui sortent ainsi du pays. On est donc en train de chercher 150 millions d’euros pour financer les transports en commun de la région parisienne en créant une taxe de deux euros de alors qu’un milliard d’euros de commissions ne sont pas taxés et partent directement à l’étranger.

L’autre modèle économique est celui de Booking. Booking a son siège aux Pays-Bas et prend une commission nationale moyenne de 17 %. Elle s’échelonne de 15 % à 25-26 %. Elle fait l’objet de négociations avec certains groupes mais c’est le taux le plus élevé qui est payé par les indépendants. Ces commissions ne sont soumises à aucun impôt, pas même à la TVA.

M. Vincent Dollé. Et ce alors qu’il faut rappeler que nous sommes nous sur une activité non-délocalisable. C’est qui plus est sur le territoire national que se fait la création de richesse. Ces agences-là ne créent pas de richesse et d’emplois. Nous faisons donc face à des agences qui pratiquent l’évasion fiscale, ou tout du moins l’optimisation fiscale, tout en ne créant absolument aucune richesse et aucun emploi sur le territoire.

M. Laurent Duc. Les OTA (online travel agencies) sont aujourd’hui les intermédiaires d’un marché biface là où nous traitions avant avec des agences de voyage. Les gens qui réservent sur Booking ou sur tout autre site similaire pensent que c’est gratuit. L’approche commerciale consiste à dire « Vous ne paierez pas moins cher » puisque de toute façon, les hôteliers sont liés par une clause de parité tarifaire. Ce marché de dupe se fait aux frais de l’hôtellerie et aux frais de l’État. C’est donc un point qui doit à mon sens être revu.

Si vous regardez Airbnb, c’est encore pire. On ne sait pas s’ils sont agents immobiliers… Je n’ai rien contre l’économie collaborative mais quand certains appartements situés sur les Champs-Elysées sont mis en location pour 3 000 euros par jour, on n’est plus dans ce cadre. 20 000 chambres sont à louer tous les jours sur Paris.

Mme Monique Rabin, rapporteure. On nous dit que le prix moyen d’une chambre à Paris sur Airbnb se situe aux alentours de 70 euros.

M. Laurent Duc. Je sais que vous avez reçu Nicolas Ferrary. Tant que l’on est sur de l’économie collaborative, que les gens louent tout ou partie de leur habitation principale, pas de problème, à condition de ne pas être dans une situation de sous-location. Mais il est sûr qu’ils ne sont pas soumis à la taxe de séjour…

Mme Monique Rabin, rapporteure. Et pas d’impôt sur le revenu…

M. Laurent Duc. Sur ce point, lorsque je pose la question au Ministère concernant l’impôt sur le revenu, la réponse qui m’est faite est la suivante : « Ce n’est pas parce que l’on fait de la publicité pour son appartement que l’on en tirera nécessairement des revenus. » Connaissez-vous beaucoup de personnes qui dépensent en frais de publicité sans avoir la volonté d’en tirer des revenus ?

Par ailleurs, Airbnb est soumis, sur le territoire américain, à une obligation de déclaration des revenus des gens pour lesquels l’entreprise loue. Cette obligation est clairement mentionnée sur leur site aux États-Unis. « Si vous êtes ressortissant des États-Unis et si vous vivez sur le territoire américain, vous devez remplir telle déclaration que nous transmettrons ensuite au fisc américain. » Mais cette obligation n’existe pas en France. Toute cette assiette-là disparaît donc.

Prenons mon cas. Je suis binational. Imaginons que j’ai un compte en Allemagne. L’Allemagne ne déclare alors que mes revenus placés. Si je mets de l’argent sur mon compte en Allemagne, la banque ne me dira rien. Pour échapper à l’impôt, qu’est-ce que je fais ? J’achète un appartement que je loue via Airbnb. Au lieu de donner mon compte en banque français qui sera visible par le fisc, je donne les coordonnées de mon compte allemand ! J’échappe alors à toute fiscalité. Airbnb est située aux États-Unis et reverse l’argent aux loueurs où ils le souhaitent.

M. Vincent Dollé. Là encore, nous ne demandons pas au législateur de prendre des dispositions puisqu’elles existent déjà. Nous demandons une stricte application de la loi pour toutes ces formes d’hébergement dont la plupart sont aujourd’hui dans l’illégalité la plus totale. Pour commencer parce que cela crée une distorsion de concurrence et une inégalité entre les différents acteurs mais aussi parce que, pire encore, on fait peser sur les acteurs visibles le poids de la fiscalité dont on a besoin. Cela devient insupportable pour les hôteliers.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous avons effectivement déjà identifié le problème que vous soulevez. Nous formulerons des propositions pour réussir à taxer Airbnb et les plateformes similaires.

M. Vincent Dollé. La taxe de séjour est aujourd’hui applicable aux hôtels, aux résidences de tourisme, aux meublés touristiques, aux villages de vacances, aux campings, aux gîtes, aux ports de plaisance, etc. Tous les meublés de tourisme devraient donc s’acquitter d’une taxe de séjour. Or, dans les faits…

M. Laurent Duc. Un premier pas a été franchi avec la loi ALUR pour responsabiliser les plateformes de type Airbnb qui doivent demander au propriétaire de déclarer sur l’honneur qu’il respecte la réglementation. La déclaration sur l’honneur a certainement une portée judiciaire importante mais dans les faits, son impact est nul. Faisons comme les Américains, imposons à Airbnb de déclarer les montants perçus par les propriétaires.

M. Vincent Dollé. Si l’on fait aujourd’hui le constat que les outils législatifs existent mais qu’ils sont contournés, il faut alors imaginer un système contraignant et qui assure un meilleur contrôle de ces formes d’hébergement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Sur le papier effectivement tout le monde est taxable. Mais on voit dans les faits que l’on ne peut pas identifier l’offre. Nous sommes d’accord avec vous sur la philosophie : il faut que le système soit équitable pour les différents acteurs. Mais la taxe de séjour telle que ne peut fonctionner. Nous sommes obligés d’inventer un autre système.

M. Laurent Duc. Revenons sur le cas d’Airbnb. Imaginons que je vais travailler à Bruxelles et que je laisse mon appartement parisien en location sur la plateforme le temps de mon séjour. Quand je loue via une régie, je suis soumis à un prélèvement libératoire car je me trouve à l’extérieur du pays. Or sur Airbnb ce n’est pas le cas. Ainsi, les étrangers qui louent massivement leurs appartements sur Airbnb dans le centre de Paris échappent même au prélèvement libératoire. L’État se prive là d’une énorme recette. Et à côté de cela le législateur veut ajouter une taxe de séjour que nous ne sommes même pas capables de collecter... Les hôtels parisiens sont confrontés à cette concurrence qui relève du travail dissimulé quand, par exemple, le personnel de maison sert les hôtes. Ce n’est plus de l’économie collaborative à proprement parler. Cela ne concerne par exemple pas une personne au SMIC et qui arrondirait ses fins de mois en louant une chambre chez elle. Une personne dans cette situation n’aurait de toute façon pas les moyens d’être propriétaire à Paris.

Faisons un peu de politique fiction et imaginons une taxe de séjour nationale collectée par l’État. Cela poserait un problème politique car la taxe de séjour est le pré carré des maires. D’aucuns l’utilisent bien mais d’autres l’utilisent pour voyager, pour faire des jumelages, etc. Si l’on récupérait ne serait-ce que l’impôt sur les locations meublées en Île-de-France, on n’obtiendrait pas 150 millions d’euros mais bien plus.

M. Vincent Dollé. Nous souhaiterions également une meilleure visibilité et que les professionnels qui s’acquittent de la taxe de séjour soient davantage associés aux prises de décisions par les municipalités. Il est en effet relativement facile, pour un maire, de justifier de l’utilisation de la taxe de séjour. Les professionnels, qui connaissent très bien leur métier et la promotion touristique, pourraient apporter des idées utiles aux municipalités.

Un autre point heurte également les hôteliers : lorsque les offices de tourisme font la promotion d’hébergements qui ne sont pas en conformité avec la législation en vigueur. Les professionnels se disent alors qu’eux paient la taxe de séjour, laquelle vient alimenter via l’office de tourisme la promotion d’établissements qui eux ne s’en acquittent pas et qui sont en infraction avec la réglementation. Nous pensons notamment aux meublés et aux chambres d’hôtes.

M. Laurent Duc. Nous pensons également aux hôtels non classés qui échappent à la taxation… Parce que si vous êtes un hôtel non classé, vous vous présentez comme vous voulez sur les sites mais vous vous acquittez de la taxe de séjour sur la base du 0 étoile. C’est une inégalité flagrante.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il faut effectivement régler cette affaire de classement…

M. Laurent Duc. À l’heure actuelle, c’est l’hôtellerie classée qui paye la taxe de séjour en fonction de son classement. Ce n’est pas le cas d’un beau palace en haut d’une montagne comme il y en sur la Côte d’Azur, mais qui n’est pas classé.

M. Vincent Dollé. Sur la taxe de séjour, puisque nous savons que l’amendement STIF va être discuté cet après-midi, nous aimerions préciser un point. Nous venons de clôturer les Assises du tourisme présidées par M. Laurent FABIUS et nous pensions qu’un nouveau souffle allait être donné à l’hôtellerie et à la promotion du tourisme. Si l’amendement est adopté dans le PLFR 2014, cela signerait quasiment la fin des Assises du tourisme pour les hôteliers. Il ne faudrait pas leur demander de continuer à croire à ce projet alors que cinq jours plus tard une taxe vient les pénaliser, alors qu’une grande partie de l’hébergement ne joue pas le jeu d’un point de vue fiscal. Cela suscite chez nos adhérents une véritable levée de boucliers.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Cet amendement ne fait pas l’unanimité.

M. Laurent Duc. Vous risquez de créer un précédent. Pourquoi la région Rhône-Alpes ne financerait-elle pas un TER entre Genève et Lyon par une taxe supplémentaire ? Pourquoi Paris et pas les autres ? Aujourd’hui, 750 millions d’euros de la promotion touristique sont collectés par les régions au titre des Comités Régionaux du Tourisme pour l’animation des réseaux. Où va cet argent ? Il faut ajouter les comités départementaux, tout cela sur les taxes locales. Seuls 80 millions d’euros sont dépensés par l’État.

Si vous regardez le processus complet, nous nous achetons tous le même mot sur Google. Lyon achète le même mot, la Région Rhône Alpes achète le mot, il en va de même pour le Rhône et pour l’hôtel. Ces quatre acteurs achètent tous le même mot et paient pour cela. Nous-mêmes renchérissons Google. Si je monte aujourd’hui une centrale de réservation française, je vais être soumis à des obligations françaises et mon résultat sera bien différent de celui de Google puisque je vais payer la TVA et des charges en France. Nous discutions de ce problème avec Fleur Pellerin qui a été Ministre de l’Économie numérique et qu’elle est aujourd’hui en charge du tourisme. Elle fait le lien entre ces deux sujets mais cela reste un problème.

Le risque est que nous devenions des prestataires. Expedia, disent avoir dépensé 500 millions d’euros sur le contenu pour pouvoir valoriser les destinations touristiques là où nous cherchons deux millions d’euros pour pouvoir finir le site d’ATOUT France. La Catalogne a dépensé 320 millions d’euros pour la promotion de la Région là où nous ne mettons que 80 millions d’euros. À l’international, quand nous nous retrouvons dans des salons, nous sommes un peu les parents pauvres et ce alors que nous sommes soi-disant la première destination touristique mondiale. Il faut que nous nous en donnions les moyens. Si nous avons l’impression que cela fonctionne aujourd’hui c’est parce que, tels de grands chefs cuisiniers, nous nous reposons sur nos acquis et sur notre renommée. Les chefs se disent « Les gens viennent manger chez moi pour la cuisine ». Demain les gens viendront parce qu’ils auront lu des avis en ligne et ils ne viendront plus si l’accueil n’est pas souriant. La France risque de se retrouver demain dans cette situation. Si nous ne réagissons pas, nous ne serons qu’un prestataire du tourisme international.

M. Vincent Dollé. La taxe de séjour est un sujet important et est une véritable préoccupation pour les hôteliers. Mais il ne fait pas non plus passer sous silence, lorsque l’on parle de la fiscalité des hébergements touristiques, l’augmentation de la fiscalité locale observée au cours des dernières années et qui est souvent due au fait que l’hôtellerie gère de nombreux actifs immobiliers. Nous avons eu successivement la création de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée en remplacement de l’ancienne taxe professionnelle…

Mme Monique Rabin, rapporteure. Oui mais cela allait dans le sens d’un allégement…

M. Vincent Dollé. Effectivement, mais cela a conduit, dans notre secteur d’activité, à un alourdissement de cette contribution puisque la taxe professionnelle portait essentiellement sur les activités industrielles. Dans la mesure où l’hôtellerie est une activité de service, la CVAE a largement augmenté.

Je souhaiterais également citer la création d’une taxe additionnelle à la CVAE qui est destinée au financement des CCI. Là encore, cela concourt à alourdir la fiscalité qui pèse sur les hôteliers. La création de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) – même s’il s’agit de la reprise de la TSA et de la TSE – a abouti à une augmentation des barèmes, et a conduit nombre de municipalités qui n’appliquaient pas de TSA et de TSE à appliquer une TLPE. Les hôtels sont là très clairement pénalisés. Souhaitant être visibles pour les voyageurs, ils ont en effet des devantures assez importantes, or il s’agit là de l’assiette de la TLPE… On pourrait aussi évoquer l’augmentation généralisée des droits de terrasse, de la taxe de balayage, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères… Sur deux ou trois ans, les hôteliers ont in fine été confrontés à une augmentation de la fiscalité locale de 15 % en moyenne.

M. Laurent Duc. En ce qui concerne la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, un établissement hôtelier paie en moyenne entre 2 500 et 3 000 euros de taxe, mais les collectivités n’enlèvent qu’une seule poubelle, comme pour n’importe quel immeuble. La taxe n’a plus de sens et nous sommes obligés de payer une collecte privée.

M. Vincent Dollé. On peut aussi parler de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Nous avons des statistiques en provenance de l’Union Nationale de la Propriété Immobilière selon lesquelles elle a augmenté de 21 % en cinq ans. Les experts s’accordent qui plus est à dire que la révision des valeurs locatives va conduire à une augmentation de 24 % d’ici 2018. Tous ces éléments s’ajoutent les uns aux autres. Soit on augmente les taux, soit on élargit les assiettes. Cela conduit, alors que les chiffres d’affaires n’ont pas progressé car les politiques tarifaires, contraintes par le pouvoir d’achat et par une meilleure connaissance de l’offre par les clients, sont extrêmement tendues, à une diminution du résultat avant impôt et donc, in fine, à de moindres rentrées fiscales en termes d’impôt sur les sociétés.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vous êtes à la tête d’une fédération qui couvre l’ensemble du territoire. Avez-vous des exemples de collectivités dans lesquelles vous avez pu constater une bonne affectation de la taxe de séjour ?

M. Laurent Duc. Dans la mienne, 100 % du produit de la taxe de séjour est affecté au Bureau des congrès. Nous sommes passés à Lyon d’une collecte effectuée par la ville à une collecte effectuée par la collectivité urbaine, dans toutes les villes se trouvent des hébergements touristiques, mais l’affectation de cette ressource est dirigée à 100 % vers un office du tourisme intercommunautaire qui est un bureau des congrès pour la promotion touristique de la Ville.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Et cela fonctionne bien ?

M. Laurent Duc. Oui, car aujourd’hui la totalité de la collecte est affectée à la promotion touristique de la Ville.

Mme Monique Rabin. Les professionnels sont-ils associés au Bureau des congrès ?

M. Laurent Duc. Oui mais il s’agit principalement des hôteliers car, comme je vous l’ai expliqué, les autres formes d’hébergements ne paient presque pas de taxe de séjour.

Mme Monique Rabin. Comment la profession hôtelière est-elle impliquée dans les CCI, puisqu’elles sont composées d’élus et de professionnels qui prennent les grandes décisions stratégiques ?

M. Laurent Duc. Je suis moi-même membre de ma CCI. Je pense que les CCI ont été bâties sur un modèle d’un autre âge, sur une économie du commerce et de l’industrie alors qu’aujourd’hui nous sommes à l’heure des services. Nos métiers sont donc les parents pauvres des CCI. Les commissions tourisme existent mais quand vous parlez d’international dans une CCI - sujet pour nous primordial puisque 20 % de nos clients sont étrangers - on n’entend par là que l’exportation. On ne joue pas suffisamment sur l’attractivité. Même dans des régions à forte intensité touristique, les CCI sont contrôlées par l’industrie et c’est là un vrai problème pour les services.

Mme Monique Rabin. Avez-vous bénéficié du CICE ?

M. Laurent Duc. Cela a plus profité à la restauration qu’à l’hôtellerie puisque l’hôtellerie a du bâti.

M. Vincent Dollé. Nous en avons bénéficié mais beaucoup de PME n’ont pas préfinancé le CICE et vont donc tout juste commencer à en percevoir les fruits après avoir clôturé leur exercice 2013.

M. Laurent Duc. La loi TEPA était infiniment plus intéressante pour nous car dans la convention collective, nous étions à 39 heures avec 4 heures supplémentaires. Tous nos salariés y avaient donc droit. Ils ont été lésés : ils ont perdu 15 à 25 euros par mois et ont été imposés. Les femmes de chambre au SMIC ne payaient pas d’impôt il y a trois ans de cela, aujourd’hui, à salaire équivalent, paient 150 euros.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Les articles 1 et 2 du PLFRSS que nous avons ce matin adoptés en commission des finances devraient il me semble apporter une réponse à ce problème. Mais la non-taxation d’heures supplémentaires pose un problème de principe car cela signifierait qu’il y a des heures qui ne sont pas fiscalisées…

M. Laurent Duc. Sauf que ces heures-là sont chez nous fiscalisées par la branche… Quand on travaille dans un restaurant, on a besoin d’une certaine flexibilité vis-à-vis des clients. Nous étions prêts à payer ce temps supplémentaire. Tous nos salariés sont donc aux 39 heures. C’est la raison pour laquelle une femme de chambre préfère travailler dans un hôtel où elle sera payée 39 heures plutôt que pour une société de nettoyage où elle ne sera payée que 35 heures.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour terminer, avez-vous évalué le rapport de l’amendement STIF qui sera étudié cet après-midi ? Vous avez affirmé que si tous les meublés d’Île-de-France étaient taxés, cela pourrait rapporter un milliard d’euros…

M. Laurent Duc. Non, il s’agit de deux informations différentes. Le milliard correspond à ce que gagnent les opérateurs en ligne qui ne sont pas taxés. Si l’on taxait les meublés d’Île-de-France comme les hôteliers le sont, ne serait-ce qu’en ne prenant que la taxe de séjour, vous pourriez la reverser au STIF sans avoir besoin d’instaurer une taxe additionnelle sur les hôtels.

M. Vincent Dollé. Cela éviterait accessoirement que les prix de l’immobilier à Paris flambent car ce marché entretient aussi naturellement la spéculation immobilière dans la capitale. C’est presque devenu une profession aujourd’hui. Certaines personnes ont plusieurs appartements en location et en vivent. Par ailleurs, je suis très dubitatif quant à un prix moyen de la nuitée de 70 euros car lorsque l’on regarde les études qualitatives qui ont été menées sur le sujet, on s’aperçoit que le recours aux locations meublées de courte durée concerne plus les CSP+ qui souhaitent retrouver un peu d’authenticité par rapport au parc hôtelier.. Vous imaginez bien que ces catégories ont des budgets qui sont beaucoup plus importants que 70 euros par nuit. C’est un point sur lequel nous souhaitons insister.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Merci beaucoup à vous d’avoir répondu à nos questions.

*

* *

ANNEXE 1
TAXES, DROITS ET REDEVANCES APPLIQUÉS DANS L’HÔTELLERIE ET LA RESTAURATION DANS LES PAYS DE L’OCDE

(Données issues du rapport OCDE, Tendances et politiques du tourisme, 2014)

CFE/TOU(2013) 12/FINAL

ANNEXE : TAXES, DROITS ET REDEVANCES APPLIQUÉS DANS L’HÔTELLERIE ET LA RESTAURATION

Pays

Type/désignation des droits et taxes appliqués

Base d’assujettissement

Échelon administratif d’application

Date d’entrée en vigueur

Taux actuel (en %) ou montant forfaitaire

Autriche (Land de Salzbourg à titre d’exemple)

Ortstaxe

Par personne et par nuitée facturée ; le montant varie en fonction de la catégorie (fréquentation touristique) de la ville ; montant fixé par l’office de tourisme local depuis 2013.

Infranational. Dans le Land de Salzbourg, cette taxe est administrée au niveau municipal.

1992

Fixé par la municipalité, mais un maximum de 2 € est facturé par personne et par nuitée.

Kurtaxe

Par personne et par nuitée facturée ; taxe propre aux régions de thermalisme.

Infranational. Dans le Land de Salzbourg, cette taxe est administrée au niveau municipal.

1993

Fixé par la région, mais un maximum de 2 € est facturé par personne et par nuitée.

Chili

Extension de la TVA aux recettes en devises perçues par les hôtels agréés en rémunération des services assurés auprès des touristes étrangers non-résidents du Chili.

Tous les paiements effectués en devises par les touristes étrangers dans des « entreprises hôtelières ».

National

1974

Extension du prélèvement de la TVA (19 %).

Croatie

Taxe de séjour (sojourn tax) appliquée aux touristes accueillis dans les hôtels et les structures d’hébergement privées.

Cette taxe est acquittée par toute personne qui passe au moins une nuit dans un établissement d’hébergement du secteur marchand ou non marchand, en dehors de son domicile habituel. Certaines exonérations sont prévues en fonction de l’âge, du statut (vétérans de guerre, handicapés, etc.) de la personne.

Infranational. Cette taxe est administrée au niveau municipal/communal et au niveau des villes.

2008

De 2 HRK à 7 HRK (environ 1€) par personne et par nuitée. Le montant varie en fonction (a) de la catégorie (A-D) de classification de la municipalité ou de la ville ; (b) de la saison (haute et basse saison).

République tchèque

Taxe sur les nuitées

Cette taxe est acquittée par toute personne qui séjourne dans un établissement thermal ou dans un établissement d’hébergement de loisirs.

-

-

15 CZK par personne et par nuitée.

(environ 0,50 €)

Égypte

Taxes sur les services

Hôtels et restaurants.

National.

-

12 %

Taxes locales

Entreprises de tourisme.

Infranational.

-

1 %

France

Taxe de séjour (au réel ou au forfait)

Taxe prélevée sur les propriétaires, hôteliers et chambres d’hôtes qui accueillent des personnes non domiciliées dans la commune, ni redevables de la taxe d’habitation. Les établissements exploités depuis moins de deux ans en sont exonérés.

Infranational.

24/02/1996

Montant fixé par délibération du conseil municipal entre 0,20 et 1,50 € par lit et par nuitée. Le produit de la taxe de séjour est affecté à la promotion du tourisme ou à la protection/gestion des espaces naturels.

Taxe additionnelle départementale à la taxe de séjour

S’ajoute à la taxe de séjour.

-

Loi du 26/03/1927

Taxe additionnelle de 10 % à la taxe de séjour au réel ou à la taxe de séjour forfaitaire. Autrefois limitée à l’amélioration des conditions de circulation, le produit en est désormais affecté à la promotion du développement touristique.

Hongrie

Taxe sur le tourisme (taxe sur les nuitées)

Taxe prélevée par personne et par nuitée.

Infranational. Niveau municipal.

01/01/1991

1,60 € max. par personne et par nuitée, OU 4 % de la facture d’hébergement par nuitée.

Irlande

Droits d’enregistrement applicables aux hôtels, chambres d’hôtes, locations de vacances (maisons et appartements), pensions, auberges de jeunesse, terrains de camping et caravaning.

Taxe prélevée sur chaque entreprise du secteur touristique et calculée en fonction du nombre de chambres, de nuitées ou d’unités d’hébergement. Ces droits sont affectés au maintien des normes d’hébergement.

National

1939

Montant variable selon le type d’hébergement.

Contribution à la formation

Hôtels et chambres d’hôtes. Cette taxe contribue au financement de la formation des professionnels du secteur.

National

 

Montant variable selon le nombre de chambres.

Japon

Taxe sur les nuitées

Taxe prélevée par personne et par nuitée.

Infranational. Échelon municipal.

01/10/2002.

Taxe de 100 yens (environ 0,70 €) sur les factures d’hébergement de 10 000-15 000 yens ; de 200 yens (environ 1,40 €) sur les factures au-delà de 15 000 yens.

Mexique

Taxe sur les services d’hébergement (Impuesto por la Prestación de Servicios de Hospedaje)

Taxe sur le montant total des recettes de services d’hébergement. Cette taxe a été créée pour financer la promotion de destinations touristiques.

Infranational. Municipalité de Mexico.

04/01/1996

3 % depuis 2013 (2,5 % en 2011 et 2012, à titre temporaire) ; 3 % en 2010 et 2,0 % en 2009.

Pays-Bas

Taxe sur le tourisme (Toeristenbelasting)

Taxe collectée par les établissements d’hébergement auprès de leur clientèle et reversée à la municipalité.

-

-

0,35-4,80 € par personne et par jour, ou 1,3-6 % du prix total de la nuitée.

Pologne

Taxe d’hébergement

Taxe collectée auprès des personnes physiques séjournant plus de 24 heures dans un but de tourisme, de loisirs ou de formation : 1) sur des sites bénéficiant d’un climat bénéfique, d’un patrimoine paysager et d’infrastructures permettant des séjours de tourisme, de loisirs et de formation ; 2) sur des sites bénéficiant du statut de zones de protection de la santé (stations climatiques). Taxe applicable sur chaque journée de séjour sur ces sites.

Échelon communal (gmina).

1991

Chaque gmina fixe elle-même ses taux, mais ceux-ci sont plafonnés au niveau national par voie législative (et réindexés chaque année en fonction de l’inflation), à 2,17 PLN (environ 0,5 €), et à 3,08 PLN (environ 0,75 €) pour les sites classés zones de protection de la santé.

Taxe sur les stations climatiques

Taxe collectée auprès des personnes physiques séjournant plus de 24 heures dans un but de tourisme, de loisirs ou de formation, sur des sites bénéficiant du statut de zones de protection de la santé (stations climatiques), applicable sur chaque journée de séjour sur ces sites.

Échelon communal (gmina).

2007

Chaque gmina fixe elle-même ses taux, mais ceux-ci sont plafonnés au niveau national par voie législative (et réindexés chaque année en fonction de l’inflation), à 4,26 PLN (environ 1 €).

Portugal

Taxe sur les nuitées

Taxe prélevée par personne et par nuitée.

Infranational. Cette taxe est administrée au niveau municipal (à Aveiro seulement).

2013

1) 1,00 € : hôtels, appartements-hôtels, Pousadas, appartements de vacances, villages de vacances et autres établissements de vacances ; 2) 0,50 € : terrains de camping et caravaning ; 3) 0,35 € : hébergement local ; 4) 0,75 € : locations de vacances en ville et à la campagne et entreprises touristiques en milieu rural.

République slovaque

Taxe d’hébergement

Est assujettie toute personne physique hébergée à titre temporaire et contre rémunération dans un établissement. La base d’imposition correspond au nombre de nuitées passées sur place. Le taux est fixé par la municipalité en euro, par personne et par nuitée. La taxe est collectée et reversée à l’administration fiscale par l’exploitant de la structure fournissant l’hébergement temporaire payant. Est compétente la municipalité sur le territoire de laquelle est situé l’établissement.

Local.

-

La taxe varie en fonction de la municipalité, qui en fixe le taux.

Slovénie

Taxe sur le tourisme

Conformément à la loi sur la promotion du développement touristique (Journal officiel, 2/04), toutes les personnes morales qui accueillent des touristes pour des nuitées sont tenues de collecter et de reverser la taxe sur le tourisme

Celle-ci vise à soutenir le développement touristique au niveau local.

En sont exonérées diverses catégories, dont les enfants âgés de moins de 7 ans et les personnes présentant un handicap.

Municipal.

2005

Le montant de la taxe à acquitter est calculé en multipliant le nombre de points (entre 3 et 11) par la valeur de point fixée par les pouvoirs publics (actuellement de 0,09 €) et réindexée chaque année. Le nombre de points est déterminé par la municipalité, qui prend en considération à cet effet le type d’établissement d’hébergement, son caractère saisonnier et l’étendue des avantages et services offerts aux touristes à titre gracieux.

Afrique du Sud

Taxe TOMSA (TOMSA Levy, Tourism Marketing South Africa)

Taxe prélevée sur chaque réservation confirmée. Cette taxe est collectée auprès des touristes, à titre volontaire, par les sociétés de location de véhicules, les voyagistes, les établissements d’hébergement, les offices de tourisme et les organisateurs de circuits.

National. Le TBCSA (Tourism Business Council of South Africa, comité du tourisme d’Afrique du Sud) est l’administrateur de cette taxe.

1998

1 % sur chaque confirmation de réservation.

Espagne

Taxe sur les établissements hôteliers et autres établissements d’hébergement

Taxe unique prélevée sur tout le territoire national sur l’ensemble des activités concernées.

Administrée conjointement par l’État et les collectivités locales.

01/01/1991

Le montant varie en fonction de la catégorie de l’établissement prestataire.

Suisse

Taxe sur les nuitées

Taxe prélevée par personne et par nuitée facturée. La taxe a pour but de soutenir le développement du tourisme local.

Municipal.

1900

Variable en fonction de la municipalité.

ANNEXE 2
LA TAXE DE SÉJOUR EN EUROPE

Exemples de taxes sur l’hébergement dans de grandes villes européennes

CATALOGNE (Barcelone)

La taxe de séjour catalane est entrée en vigueur le 1er novembre 2012. Les recettes qu’elle génère ont pour but de financer le développement touristique de la Catalogne et son affirmation en tant que destination touristique haut de gamme.

Cette taxe s’applique aux hôtels, aux meublés de tourisme, aux campings, aux chambres d’hôtes, aux gîtes, aux emplacements de camping-cars, aux auberges de jeunesse et aux bateaux de croisière. La taxe est concentrée sur une fraction du séjour, soit les 7 premiers jours, les autres n’étant pas taxés.

Le taux appliqué est le suivant :

Type d’établissement

Barcelone

Reste de la Catalogne

Hôtels 5 étoiles, palaces et bateaux de croisière

2,25 euros

2,25 euros

Hôtels 4 étoiles

1,10 euro

0,90 euro

Autres établissements

0,65 euro

0,45 euro

Les hébergements fournis dans le cadre de programmes sociaux ainsi que les personnes âgées de moins de 16 ans sont exemptés de taxe de séjour.

C’est le Trésor public catalan qui est chargé de recouvrer la taxe de séjour, laquelle est établie à partir d’une déclaration trimestrielle.

Le produit de la taxe est affecté au Fonds de développement touristique dont l’objet est de participer au financement des politiques publiques touristiques mises en œuvre par la province. Cela passe notamment par le financement des campagnes de promotion et des infrastructures de tourisme.

BERLIN (Übernachtungsteuer)

Créée en avril 2013, la « city tax » est applicable depuis le 1er janvier 2014 aux séjours touristiques privés (et non aux séjours d’affaires, les visiteurs devant être en mesure d’apporter la preuve du caractère professionnel de celui-ci) (31).

La taxe est applicable aux séjours de courtes durées assurés par les hôtels, les pensions, les auberges de jeunesse et les campings mais aussi par des particuliers.

Son taux est de 5 % sur le prix net de la chambre (hors TVA et consommations ou services annexes) et elle est perçue pour un maximum de 21 jours consécutifs.

Collectée par le loueur, la taxe est ajoutée à la facture du client.

Hambourg

Entrée en vigueur le 1er janvier 2013, la taxe « culture et tourisme » hambourgeoise s’applique aux hôtels, aux chambres d’hôtes ainsi qu’aux bed and breakfast, aux auberges de jeunesse et aux nuitées chez les particuliers. Elle a pour but de financer le développement de l’attractivité culturelle et touristique de la ville. Les nuitées effectuées dans le cadre de voyages d’affaires sont exemptées . La taxe ne s’applique qu’aux locations dont la durée est inférieure à deux mois.

Elle est recouvrée auprès des hébergeurs qui doivent effectuer une déclaration trimestrielle. Les établissements hôteliers sont libres de la répercuter sur leur clientèle ou pas et la mention de la taxe de séjour sur la facture remise au client est laissée à la discrétion de l’hébergeur.

Le montant de la taxe de séjour est calculé sur la base du prix net de la chambre hors TVA et il est individualisé :

Prix de la chambre
(net, en euros)

Montant de la taxe de séjour
(en euros)

De 0 à 10

0

De 10 à 25

0,5

De 25 à 50

1

De 50 à 100

2

De 100 à 150

3

De 150 à 200

4

Au-delà de 200 euros, le montant de la taxe de séjour augmente
de 1 euro par tranche de 50 euros

La création de cette taxe n’a pas fait l’unanimité auprès des hôteliers hambourgeois. D’aucuns ont pointé du doigt les lourdeurs administratives qu’elle allait faire peser sur eux. Certains auraient préféré qu’une contribution volontaire soit mise en œuvre mais cette alternative n’a pas pu réunir de majorité. Tous sont en revanche d’accord pour dire que les recettes de la taxe devront être affectées aux domaines de la culture, du sport et du divertissement et ne devront en aucun cas abonder le budget général.

Venise

Le montant de la taxe de séjour qui est entrée en vigueur le 14 mars 2011 varie en fonction :

– du lieu de villégiature : centre historique de Venise, île de Giudecca et autres îles touristiques (zone 1) ; îles de la lagune de Venise (Lido, Murano, Burano) (zone 2) ; Terraferma (zone 3) ;

– de la période de l’année : haute saison du 1er février au 30 novembre, ou basse saison de 1er décembre au 31 janvier ;

– du type de structure : structure hôtelière ; structure extrahôtelière (chambre d’hôte, bed and breakfast, meublé touristique, gîte) ; structures dites de plein air ;

– de la catégorie (nombre d’étoiles).

La taxe est concentrée sur une fraction du séjour, soit les 5 premiers jours, les autres n’étant pas soumis à la taxe.

Le taux de la taxe de séjour dans les hôtels :

Nombre d’étoiles

Haute saison

Basse saison

 

Zone 1

Zone 2

Zone 3

Zone 1

Zone 2

Zone 3

1

1 euro

0,80 euro

0,70 euro

0,70 euro

0,56 euro

0,49 euro

2

2 euros

1,60 euro

1,40 euro

1,40 euro

1,12 euro

0,98 euro

3

3 euros

2,40 euros

2,10 euros

2,10 euros

1,68 euro

1,47 euro

4

4 euros

3,20 euros

2,80 euros

2,80 euros

2,24 euros

1,96 euro

5

5 euros

4,50 euros

3,50 euros

3,50 euros

3,15 euros

2,45 euros

Le taux de la taxe de séjour dans les structures extrahôtelières :

Type d’hébergement

Catégorie

Haute saison

en euros

Basse saison

en euros

   

Zone 1

Zone 2

Zone 3

Zone 1

Zone 2

Zone 3

Chambre d’hôte

1

2,5

2

1,75

1,75

1,4

1,23

2

2

1,6

1,4

1,4

1,12

0,98

3

1,5

1,2

1,05

1,05

0,84

0,74

Meublé touristique

1

2,5

2

1,75

1,75

1,4

1,23

2

2

1,6

1,4

1,4

1,12

0,98

3

1,5

1,2

1,05

1,05

0,84

0,74

Non classé

1,5

1,2

1,05

1,05

0,84

0,74

B&B

 

3

2,4

2,1

2,1

1,68

1,47

Gîte

 

2

1,6

1,4

1,4

1,12

0,98

Le taux de la taxe de séjour dans les structures dites de plein air (ici les campings) :

Nombre d’étoiles

Haute saison

Basse saison

 

Zone 1

Zone 2

Zone 3

Zone 1

Zone 2

Zone 3

1

0,10 euro

0,08 euro

0,07 euro

0,07 euro

0,06 euro

0,05 euro

2

0,20 euro

0,16 euro

0,14 euro

0,14 euro

0,11 euro

0,10 euro

3

0,30 euro

0,24 euro

0,21 euro

0,21 euro

0,17 euro

0,15 euro

4

0,40 euro

0,32 euro

0,28 euro

0,28 euro

0,22 euro

0,20 euro

Vienne

Les propriétaires d’hébergements touristiques sont soumis à la taxe de séjour.

La taxe ne s’applique pas aux locations à des mineurs scolarisés, en apprentissage ou séjournant en auberges de jeunesse. Il en va de même pour les étudiants scolarisés à Vienne dans l’enseignement supérieur ou en école professionnelle.

Les personnes résidant à Vienne plus de trois mois sans interruption dans le cadre d’un séjour privé en sont également exemptées.

Le paiement de l’impôt doit être effectué avant le 15 du mois suivant l’hébergement.

La taxe s’élève à 3,2 % des revenus tirés de l’activité d’hébergement (hors impôt sur le chiffre d’affaires, retenue forfaitaire de 11 % et coût du petit-déjeuner).

Salzbourg

La taxe de séjour s’applique aux nuitées effectuées dans le cadre de séjours touristiques hôteliers, en camping ou en meublés touristiques. Toute personne mettant un gîte à disposition d’un tiers est soumise à la taxe de séjour, que les nuitées effectuées l’aient été à titre onéreux ou pas.

Sont exemptés de la taxe de séjour :

– les voyages d’affaires et les séjours scolaires ;

– les personnes rendant visite à des membres de leur famille et séjournant chez eux ;

– les parents proches ainsi que les personnes auxquels les propriétaires d’une résidence de vacances ont permis l’usage de ladite résidence ;

– les résidents d’établissements de santé ;

– les mineurs de moins de 15 ans ;

– les personnes ayant entre 15 et 25 ans lorsque leur séjour en auberge de jeunesse, en foyer ou dans un campement résulte de la décision d’une institution sociale agréée et reconnue ;

– les curistes séjournant dans les quartiers qui leur sont dévolus lors de la saison des cures et qui sont à ce titre assujettis à la taxe de cure.

Le montant de la taxe de séjour est fixé par décret du conseil municipal. Il peut être modulé en fonction de la catégorie de l’hébergement et s’élève au maximum à 1,10 euro par nuitée.

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Rapport de M. Fernand Rabier à la Chambre des députés, au nom de la commission du budget.

3 () Le détail de la tarification figure page 22 du présent rapport.

4 () Étude réalisée par le cabinet CTR en 2012 ; un questionnaire a été envoyé aux 1 100 adhérents de l’ANMSCCT et l’analyse a porté sur un échantillon de 304 communes. L’enquête s’est déroulée du 1er au 23 mars 2012.

5 () Audition du 25 juin 2014.

6 () Audition du 16 avril 2014.

7 () Ces chiffres fournis pour les années 2010 à 2013 sont supérieurs de l’ordre de quelques millions d’euros à ceux figurant dans ce tableau.

8 () Contribution écrite de l’Assemblée des départements de France.

9 () Qui entrent dans le champ de la taxe de séjour si elles sont mises en location.

10 () Questionnaire écrit adressé par l’ADF

11 () Rapport N° b0251-tIII-a20 de M. Éric Woerth

12 () La taxe de séjour peut également être affectée à des actions de protection et de gestion des espaces naturels.

13 () Soit 15 % de l’ensemble des offices du tourisme, 70 % d’entre eux étant sous forme associative et 14 % sous forme de régie.

14 () Audition du 16 avril 2014.

15 () La qualification de chambre d’hôte suppose la présence en permanence du loueur.

16 () Réflexions sur l’impact économique d’Airbnb à Paris.

17 () http://www.liberation.fr/economie/2014/06/08/airbnb-les-particuliers-font-jouer-le-reseau_1036423

18 () Réflexions sur l’impact économique d’Airbnb à Paris

19 () http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702303802104579451022670668410

20 () http://www.bilan.ch/tv-bilan-entreprises-les-plus-de-la-redaction/arnaud-bertrand-vante-housetrip-pour-etre-tranquille

21 () Réflexions sur l’impact économique d’Airbnb à Paris

22 () Réflexions sur l’impact économique d’Airbnb à Paris

23 () http://www.challenges.fr/patrimoine/20131114.CHA7080/comment-paris-v

24 () http://www.observatoire-des-loyers.fr/sites/default/files/olap_documents/rapports_loyers/Rapport%20Paris%202013-def.pdf

25 () http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2014/05/21/premiere-condamnation-pour-sous-location-illegale-via-airbnb_4423020_1656968.html

26 () http://www.etourisme.info/wp-content/uploads/2013/07/Airbnb-impact-%C3%A9conomique-Paris.pdf

27 () http://pro.visitparisregion.com/chiffres-tourisme-paris-ile-de-france/Les-chiffres-cles/Les-bilans/Bilan-de-l-annee-touristique-2013-a-Paris-Ile-de-France

28 () http://www.sfgate.com/news/article/Airbnb-sees-influx-of-business-travelers-5345615.ph

29 () NB : les deux exonérations peuvent se cumuler lorsque loue, par exemple, à titre habituel en meublés à des étudiants une chambre et des touristes pendant les vacances

30 () Environ 2 500 communes ont institué une taxe de séjour.

31 () Paiement ou réservation effectuée par une société, lettre de justification émanant de cette dernière.


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