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N° 2535

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 1613)
du 5 décembre 2013 sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Régis Juanico et Jean-Frédéric Poisson

Députés.

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 27

I. L’ADAPTATION DES PARCOURS DE FORMATION INITIALE 31

A. MIEUX ORIENTER 31

1. Une sensibilisation plus précoce au monde du travail 31

a. Du PDMF au PIIODMEP 31

b. Des outils technologiques adaptés 34

2. L’implication des familles 35

a. L’orientation au choix des familles 35

b. La mallette des parents en troisième 35

3. La formation des enseignants 38

4. L’intégration de l’orientation scolaire dans le service public régional de l’orientation (SPRO) 40

B. DÉVELOPPER L’APPRENTISSAGE 42

1. Comment inciter les entreprises à recruter des apprentis ? 43

a. Les incitations financières 43

b. Les freins non financiers à l’apprentissage 44

2. Comment accompagner les apprentis ? 45

a. Aider les jeunes à trouver des contrats d’apprentissage 45

b. Lever les obstacles matériels 45

C. FACILITER LES TRANSITIONS 47

1. Les passerelles entre les cycles d’enseignement 47

a. Entre l’école et le collège 47

b. Entre le lycée et l’université 47

2. Les dispositifs spécifiques en faveur des élèves des milieux défavorisés 48

a. Les cordées de la réussite 48

b. L’accès des bacheliers méritants aux formations sélectives de l’enseignement supérieur 48

c. L’accès des bacheliers professionnels aux études supérieures 49

3. La conciliation entre formation universitaire et emploi 49

II. LES DISPOSITIFS DE DEUXIÈME CHANCE 50

A. LA LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE 50

1. Une meilleure connaissance du phénomène 51

2. Un plan global misant sur la prévention 54

3. La nécessité de ne pas se limiter à une approche strictement quantitative 55

B. LA GARANTIE JEUNES 57

1. Un dispositif ambitieux adapté à des jeunes les plus éloignés de l’emploi 58

a. Un accompagnement global formalisé contractuellement 58

b. Des acteurs de terrain convaincus et convaincants 58

2. Une montée en puissance ralentie par des difficultés révélées par l’expérimentation 59

a. Des difficultés logistiques 59

b. La réaction des jeunes 60

C. LE COMPTE PERSONNEL DE FORMATION 60

1. Un droit à formation ouvert aux jeunes sans expérience 61

2. Des formations qualifiantes 61

3. La garantie d’un accompagnement 61

III. LES ACTIONS EN FAVEUR DE L’AUTONOMIE DES JEUNES 61

A. LES BOURSES ÉTUDIANTES 61

1. L’augmentation du nombre des boursiers et l’indexation des bourses 62

a. La suppression des bourses au mérite 62

b. La poursuite de la réforme des bourses 62

2. La typologie des boursiers par filière 63

B. LE LOGEMENT ÉTUDIANT 64

1. Le plan 40 000 64

2. Le parc privé 65

a. Les résidences étudiantes 65

b. La caution locative étudiante (Clé) 65

c. Les baux de colocation 66

C. LA RÉFORME DU PERMIS DE CONDUIRE 66

1. Augmenter le nombre de places d’examen 67

2. Mieux préparer en amont les candidats 68

3. Des aides financières 68

a. Les prêts bancaires 68

b. Les aides spécifiques 69

EXAMEN PAR LE COMITÉ 71

ANNEXE 1 : PRINCIPAUX AXES DU PLAN DE LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE 85

ANNEXE 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 91

SYNTHÈSE DU RAPPORT

INTRODUCTION

Le rapport d’information sur les politiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes (n° 1613), dont le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a autorisé la publication le 5 décembre 2013, comportait un état des lieux de la mobilité sociale des jeunes et de ses freins.

Le modèle français présente incontestablement des atouts à valoriser, mais la reproduction des inégalités sociales reste importante, puisque, selon l’enquête FQP de 2003, 52 % des hommes de 40 à 59 ans fils de cadres supérieurs étaient eux-mêmes cadres supérieurs (seuls 10 % des fils d’ouvriers du même âge occupant ce statut) et 46 % des fils d’ouvriers étaient eux-mêmes ouvriers. Par ailleurs, on comptait seulement 6 % de fils d’ouvrier en classe préparatoire aux grandes écoles. La toute dernière enquête PISA (présentée dans l’encadré ci-dessous) souligne ainsi qu’en France, la corrélation entre le milieu socio-économique et la performance est bien plus marquée que dans la plupart des pays de l’OCDE, au risque d’accréditer l’image d’une école fonctionnant comme une « machine à trier » la jeunesse.

Pourtant, des moyens importants sont consacrés aux politiques publiques en faveur des jeunes – de l’ordre de 85 milliards d’euros s’agissant des seuls crédits d’État répartis sur une vingtaine de missions budgétaires. Mais la performance des politiques publiques est affaiblie par le foisonnement des acteurs et l’empilement des dispositifs, avec aussi un ciblage parfois insuffisant sur les jeunes les plus en difficulté d’insertion. Par exemple, depuis 1977, plus de 80 dispositifs de la politique de l’emploi ont été mis en œuvre en direction des jeunes, selon un rapport récent de l’OCDE. La complexité compromet la pertinence du pilotage de l’action publique, souvent dans l’impossibilité de mesurer la valeur ajoutée de telle ou telle disposition, et a fortiori de « corriger le tir » au fil de l’eau. L’efficacité des différents dispositifs apparaît inégale et insuffisamment évaluée en dépit de progrès réels dans certains domaines. C’est par exemple le cas en matière d’orientation.

Face à ce constat, les rapporteurs préconisaient une réforme des politiques en direction des jeunes autour de trois axes :

– déployer une gouvernance plus efficace, en associant les jeunes à la conception et à la conduite des politiques déployées en leur direction ;

– réformer l’orientation et adapter l’offre de formation, en offrant aux jeunes la possibilité de choisir leurs parcours d’orientation, en redonnant de la visibilité aux filières professionnelle et en faisant de la lutte contre le décrochage scolaire une priorité des politiques publiques ;

– favoriser l’accès des jeunes à l’emploi et à l’autonomie, en renforçant les moyens des missions locales, en créant une aide à l’insertion professionnelle unifiée, en instituant un droit de tirage dans le cadre du compte personnel de formation et en réformant les allocations logement, les aides fiscales allouées aux parents d’étudiants, les bourses et le permis de conduire.

L’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’ « à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en œuvre de ses conclusions ».

Cette démarche est d’autant plus justifiée que le Président de la République a mis l’accent, dès sa campagne, sur la nécessité de redonner espoir aux nouvelles générations et il en a fait une priorité de son quinquennat. Des actions ont donc été engagées en ce sens, parmi lesquelles figuraient celles étudiées dans le rapport d’information initial. Depuis s’est tenu le 4 mai dernier le Comité interministériel de la jeunesse qui dresse un bilan de la politique menée et pose les jalons de celle à venir dans le plan priorité jeunesse. La grande conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014 réaffirme également la priorité accordée à la jeunesse par le Gouvernement et expose un plan de relance de l’apprentissage, qui va être renforcé. Enfin, à l’occasion du dernier salon de l’éducation, la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a dévoilé un plan de lutte contre le décrochage scolaire qui témoigne de l’importance accordée par le Gouvernement à la formation des jeunes. Il importe en effet, surtout dans une conjoncture marquée par le ralentissement économique et les tensions budgétaires, de préserver les dispositifs en faveur des jeunes, en particulier ceux destinés à les aider dans leur insertion professionnelle.

Les réformes engagées en faveur de la jeunesse s’inscrivent dans un continuum éducatif qui commence avec la formation initiale (I), qui doit s’ouvrir à la « co-éducation » de sorte que l’orientation soit décidée par les élèves en meilleure connaissance de cause, se poursuit avec le renforcement des dispositifs de deuxième chance (II) et se termine par des mécanismes destinés à renforcer l’autonomie des jeunes (III).

Synthèse de l’enquête PISA 2012

Le système éducatif français :
une dégradation du niveau et de l’équité

L’enquête PISA est menée à un rythme triennal dans les 34 pays membres de l’OCDE et dans 31 autres pays, auprès de jeunes âgés de 15 ans. Elle teste le niveau général et met l’accent successivement, sur chacun des items : la compréhension écrite, la capacité à appliquer les connaissances en mathématiques et en sciences à des situations concrètes. Le périmètre de l’épreuve ne correspond pas forcément aux programmes scolaires des pays et c’est l’âge qui est retenu comme critère, non le niveau de la classe suivie. L’étude a porté sur un échantillon de 510 000 élèves représentatifs de 28 millions d’élèves, et elle s’est focalisée sur les mathématiques et la résolution de problèmes.

Par convention, la moyenne se voit attribuer le score de 500.

Sur un plan général, l’enquête 2012 apprend que certains pays comme l’Australie, le Canada, la Finlande, les Pays-Bas, le Japon et la Corée allient performances élevées et égalité des possibilités d’apprentissage ; que l’Allemagne a, entre 2003 et 2012, réussi à améliorer à la fois le score en mathématiques et le degré d’équité de son système d’éducation ; que les élèves issus des milieux socio-économiques plus favorisés obtiennent de meilleurs résultats en mathématiques que les élèves des milieux moins favorisés.

Avec les inégalités d’accès à une éducation de qualité, le risque de ne pas atteindre le seuil de compétence en résolution de problèmes est en moyenne deux fois plus élevé chez les élèves défavorisés que chez les élèves plus favorisés. Le fait que les inégalités dans les possibilités d’apprentissage ne restent pas confinées à des matières scolaires et affectent également la performance en résolution de problèmes montre à quel point il est important de promouvoir l’égalité des chances pour tous dans l’éducation. Comme les inégalités actuelles sont lourdes de conséquences à long terme, les politiques visant à réduire les disparités socio-économiques dans l’éducation devraient améliorer la vie des élèves, et ce bien au-delà de leur scolarité.

Si la France se distingue, c’est par sa médiocrité. En effet, les scores s’échelonnent entre 495 en mathématiques, 499 en sciences et 505 en compréhension de l’écrit. Les proportions d’élèves très performants et moins performants, respectivement 12,9 % et 22,4 %, ne s’écartent pas significativement de la moyenne des pays de l’OCDE, mais la part des élèves de faible niveau (niveaux 1 et 2), en France, est passée de 16,6 % en 2003 à 22,4 % en 2012.

La position de la France se détériore, et l’équité plus vite que la performance, si bien que la relation entre le niveau en mathématiques et le milieu socio-économique s’accuse encore. « Parmi les membres de l’OCDE, la France est celui où la corrélation entre le milieu socio-économique et la performance scolaire est la plus forte : alors que, en 2012 comme en 2003, la progression d’une unité de l’indice PISA de statut économique, social et culturel (qui englobe le niveau de formation, la profession et le patrimoine des parents) entraîne une augmentation du score en mathématiques de 39 points en moyenne dans les pays de l’OCDE, en France, l’accroissement est de 57 points en 2012, contre 43 en 2003 » (1). Face un tel constat, l’OCDE considère que l’action publique doit en priorité combler les écarts de score et aider les élèves défavorisés à obtenir de meilleurs résultats. Combiner des politiques ciblant les élèves peu performants et les élèves défavorisés est le plus approprié, car mener des politiques plus générales, moins ciblées, risque d’être moins efficace pour améliorer à la fois l’équité et la performance.

Si les élèves français se sentent plutôt bien à l’école, les différences entre élèves favorisés et défavorisés sont plus marquées que dans beaucoup d’autres pays. Il est important d’utiliser le levier du bien-être à l’école parce que, souvent, les moins favorisés ne trouvent pas chez eux des conditions et des outils de travail propices aux études. L’étude fait également ressortir que la motivation des élèves est d’autant plus faible que le système éducatif sélectionne davantage sur les performances et le comportement.

I. L’ADAPTATION DES PARCOURS DE FORMATION INITIALE

Puisque, en France plus qu’ailleurs, l’origine sociale conditionne l’avenir professionnel des jeunes, le système éducatif doit veiller à maximiser les chances des élèves qui lui sont confiés. L’importance prise par les technologies dans le monde du travail, la spécialisation des métiers notamment, qui se conjuguent avec l’aspiration des individus à l’émancipation, conduisent l’éducation nationale à s’ouvrir davantage aux autres acteurs de l’éducation que sont les entreprises et les parents dans le but de donner aux collégiens et lycéens les moyens de choisir leur orientation au lieu de la subir.

Une fois acquis le socle commun de connaissances sanctionné par le diplôme national du brevet, l’élève doit, à l’issue de sa scolarité obligatoire, faire des choix et s’orienter selon ses goûts et ses aptitudes. Longtemps considérée comme un sanctuaire par ceux qui la font, l’école doit désormais tenir compte d’autres acteurs et s’engager avec eux dans une démarche partenariale pour mettre au point une « co-éducation » qui permette aux jeunes de se préparer au monde du travail. Pour ce faire, les réformes initiées vont dans le sens d’une plus grande ouverture aux autres modes de formation.

A. MIEUX ORIENTER

Le rapport initial proposait d’approfondir l’initiation au monde du travail, dans le cadre du parcours individualisé de découverte des métiers et des formations (PDMF) commencé dès la 6ème, notamment par des contacts in situ avec des professionnels et une meilleure connaissance à la fois des conditions de travail et des perspectives des différents secteurs d’activité.

Il préconisait aussi un suivi plus attentif des élèves dans leurs choix d’orientation, au moment des inscriptions dans AFFELNET (à l’issue de la 3ème) et APB (admission post-bac).

Dans ces deux domaines, des réformes ont été engagées.

1. Une sensibilisation plus précoce au monde du travail

a. Du PDMF au PIIODMEP

Cela fait plusieurs années que l’éducation nationale s’efforce d’initier les élèves au monde du travail dès le collège, notamment pour lutter contre la reproduction sociale. En effet, pour les élèves venant de milieux défavorisés, l’éducation nationale est souvent la seule source d’information disponible et un accompagnement éclairé par le système éducatif peut se révéler décisif. Dans cet esprit, la rentrée 2009-2010 avait vu la généralisation du parcours de découverte des métiers et des formations (PDMF), expérimenté dans les établissements volontaires l’année précédente.

Le bilan du PDMF fait ressortir une appropriation insuffisante par l’ensemble des établissements scolaires. L’orientation est trop souvent restée périphérique, le PDMF ne s’ancrant pas toujours dans le projet d’établissement, avec le risque d’une trop grande dispersion des actions. La difficulté à associer concrètement orientation et discipline constitue un des écueils que le PDMF n’a pas toujours évité. En revanche, il a mis en évidence la dimension éducative de l’orientation. En somme, le sens de l’orientation s’acquiert, et c’est une tâche à laquelle tous les acteurs du système éducatif, et pas seulement les spécialistes, doivent participer.

Cette prise de conscience s’est d’ailleurs traduite dans la loi de programmation et d’orientation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 qui entend notamment « rénover le système d’orientation et l’insertion professionnelle » de façon à « donner aux élèves les outils nécessaires à ce que chacun s’oriente vers une insertion professionnelle choisie et réussie. (2) » Pour ce faire, elle consacre le parcours individuel dès le début du collège. En effet, l’article 47 de la loi récrit l’article L. 331-7 du code de l’éducation : « Afin d’élaborer son projet d’orientation scolaire et professionnelle et d’éclairer ses choix d’orientation, un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel (PIIODMEP) est proposé à chaque élève, aux différentes étapes de sa scolarité du second degré. Il est défini sous la responsabilité du chef d’établissement et avec l’aide des parents par les conseillers d’orientation psychologues, les enseignants et les autres professionnels compétents. Les administrations concernées, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles, les entreprises et les associations contribuent à la mise en œuvre de ce parcours. »

Dans le rapport annexé à la loi, il est écrit que « la découverte des métiers et du monde du travail ne peut plus être une option de “ découverte professionnelle ” réservée aux seuls élèves s’orientant vers l’enseignement professionnel. Déterminant dans la construction de l’orientation de tous les élèves, qui doivent être informés et éclairés tout au long de leurs études secondaires sur les métiers, sur les formations qui y mènent et sur les entreprises dans lesquelles ils s’exercent, un nouveau parcours de découverte du monde économique et professionnel, mis en place à partir de la rentrée 2015, s’adressera à tous et trouvera sa place dans le tronc commun de formation de la sixième à la troisième. […] À partir de 2014, des évolutions substantielles seront menées. Elles porteront notamment sur des pratiques pédagogiques innovantes (travaux personnels encadrés en terminale, projets interdisciplinaires, amélioration de l’accompagnement personnalisé…), l’aide à l’orientation et l’articulation avec l’enseignement supérieur et sur des parcours plus diversifiés et des séries rééquilibrées. » Le PIIODMEP commencera donc dès la sixième, au lieu de la cinquième, et aucune différence ne sera faite entre enseignement général et enseignement professionnel. Il insistera aussi davantage sur la culture économique, le goût d’entreprendre avec le souci d’une plus grande individualisation de façon à mieux prendre en compte les besoins de l’élève. Ces changements sont donc parfaitement dans la ligne des recommandations des rapporteurs.

L’initiation aux métiers et professions suppose une plus grande proximité avec les acteurs du monde du travail que sont les employeurs et les fédérations professionnelles, les salariés et leurs représentants, les associations et les collectivités locales. Selon les niveaux et l’âge des élèves, elle pourra, à côté de la collecte d’informations classiques sur telle ou telle branche professionnelle, ou sur tel ou tel métier, prendre la forme de réunions dans le cadre de semaines école-entreprise, de stages de découverte, d’activités périscolaires comme la visite de salons, de création de mini-entreprises,…

Dans l’idéal, l’objectif est de rendre l’élève acteur de son parcours, mais ce type de démarche constitue surtout une méthode de travail qu’il est indispensable d’acquérir pour se préparer à des mutations professionnelles presque inéluctables, la majorité des collégiens ayant rarement des idées très arrêtées sur leur avenir. La circulaire de 2008 instaurant le PDMF précisait d’ailleurs bien que l’élève devait « appréhender des métiers différents à tous les niveaux de qualification, relevant de plusieurs champs professionnels » et « connaître l’ensemble des voies de formation que lui offre le système éducatif. »

La volonté de mettre en place une co-éducation dont l’éducation nationale serait le pivot, mais qui impliquerait les autres acteurs, est un objectif clairement affiché par le Gouvernement et ceux qui l’ont précédé. C’est ainsi qu’il faut interpréter, en marge de la loi de refondation de l’école, la création pour une durée de cinq ans du Conseil national enseignement économie qui réunit autour des responsables des ministères de l’éducation nationale et du travail des chefs d’entreprise, des représentants des partenaires sociaux et deux présidents de région. Cette instance de dialogue doit précisément réfléchir à des propositions pour construire le PIIODMEP de façon à favoriser une orientation choisie et l’insertion professionnelle des jeunes.

Il n’en demeure pas moins que le problème ne réside pas tant dans l’ingéniosité des dispositifs successifs conçus au niveau central que dans la difficulté à les traduire dans la vie des établissements. Déjà, le rapport initial reprenait les études menées sur le sujet qui concluaient que le principal obstacle que le PDMF avait rencontré provenait de ce que sa mise en œuvre concrète dépendait du responsable d’établissement et de l’engagement personnel des enseignants. Interrogée sur la difficulté persistante à ouvrir le collège sur le monde du travail, la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) a répondu compter, pour inciter les équipes éducatives à se mobiliser, sur l’impulsion donnée par les recteurs qui ont reçu la consigne de veiller à la mise en place des PIIODMEP et à la coordination des actions dans tous les collèges de l’académie. De même, ils pourront prendre appui sur les instances pédagogiques telles que les conseils école-collège (cf. infra).

b. Des outils technologiques adaptés

L’éducation nationale a aussi mis au point des outils pour aider, si besoin est, les collégiens à se familiariser avec les nouvelles technologies. Chaque élève peut ainsi créer son web-classeur destiné à conserver les informations qu’il aura recueillies tout au long de sa scolarité. De la sorte, les élèves gardent des traces de leurs démarches et activités pour pouvoir ensuite étayer leurs choix. Ce dossier peut être alimenté à l’occasion de travaux personnels, de stages, de visites, et enrichi au fur et à mesure par des recherches supplémentaires. Il peut même recenser des centres d’intérêt extrascolaires qui sont l’occasion d’acquérir des compétences particulières. La logique sous-jacente est de valoriser toutes les compétences, quelles qu’elles soient, non de les valider. Les données ainsi rassemblées serviront quand les élèves devront faire des choix, en fin de troisième, seconde et terminale. Dans le même esprit, l’ONISEP a développé l’application Folios qui est utilisée dans le cadre du PDMF et de l’éducation artistique et culturelle tant par les élèves que les équipes éducatives, voire les parents. Expérimentée désormais dans dix-sept académies, contre sept académies l’année dernière, cette démarche transversale consiste à créer des ressources numériques et contribue à développer les compétences numériques des élèves et à aborder, avec l’appui de leurs enseignants, une approche réflexive et constructive de leur formation, en faisant émerger la notion de parcours.

Incidemment, le recours aux nouvelles technologies modifie en profondeur le fonctionnement des établissements scolaires notamment parce que, en interne, il permet leur mise en réseau et la mutualisation de leurs ressources et que, en externe, la relation avec les autres acteurs de l’éducation, en particulier les parents d’élève, est facilitée, ne serait-ce que parce qu’ils ne sont plus tributaires de leurs enfants pour accéder à l’information puisqu’ils peuvent consulter eux-mêmes les emplois du temps, le cahier de texte ou les relevés de note. Reste que la technologie ne résout pas tous les problèmes et qu’il faudra veiller à coordonner les initiatives pour faire du déploiement du numérique à l’école un succès.

Cette ouverture plus précoce traduit la préoccupation constante des responsables de l’éducation nationale de former à l’orientation. Quel que soit le parcours ultérieur des élèves, il est important qu’ils soient en mesure, avant de quitter le système éducatif, d’obtenir des informations tant écrites qu’orales et de les classer en les mettant en cohérence, en se familiarisant au passage avec les logiciels communément utilisés dans la vie professionnelle. Cette démarche est par exemple une étape dans la confection d’un curriculum vitae et d’une lettre de motivation.

Le précédent directeur général de l’enseignement scolaire estimait que le collège a été conçu sur le modèle du lycée d’enseignement général – les mêmes disciplines y sont enseignées par les mêmes personnels – et qu’il ne fait pas assez la place au concret. L’initiation précoce aux métiers et au monde du travail offre l’occasion de lui en faire une plus grande par le truchement d’une pédagogie de projet.

2. L’implication des familles

a. L’orientation au choix des familles

L’accompagnement peut se faire aussi en associant les parents à l’orientation. L’expérimentation de l’orientation à l’issue de la troisième au choix des familles a commencé à la rentrée 2013 dans 107 collèges. Bien que le recul manque encore pour porter un jugement définitif, les résultats à l’issue d’une année scolaire sont plutôt encourageants car ils révèlent une plus grande implication des parents au cours de l’année scolaire – les initiatives prises par les enseignants pour associer les parents ont porté leurs fruits – et les vœux d’affectation ne se démarquent pas sensiblement de celles des années précédentes. Autrement dit, la conclusion provisoire à tirer est que l’éducation partenariale aboutit à une orientation consentie, mieux acceptée, et qui n’est pas moins pertinente.

Elle suppose seulement un suivi plus resserré de la part des parents de sorte qu’ils mesurent tout au long de l’année l’évolution des résultats et celle des aspirations de leurs enfants. La démarche contribue à rapprocher les points de vue, notamment en ce qu’elle favorise les relations avec les familles, le travail en équipe des enseignants, et renforce le rôle du professeur principal ainsi que le tandem qu’il forme avec le conseiller d’orientation-psychologue. En outre, le parcours sensibilise à l’importance de l’orientation en tant que compétence à développer chez les élèves. L’orientation au choix des familles enlève aux enseignants le caractère exclusif de leur responsabilité dans l’orientation de leurs élèves et l’implication qu’elle induit chez les parents suscite de leur part une demande d’assistance qui, à son tour, incite les équipes éducatives à y répondre. S’enclenche ainsi une spirale vertueuse.

b. La mallette des parents en troisième

Des académies comme celle de Versailles ont expérimenté et, au vu des résultats, finalement adopté la « mallette des parents » en troisième afin d’impliquer les parents dans l’orientation de leurs enfants. Il s’agit à la fois d’associer les parents en amont en leur expliquant les enjeux à l’occasion de réunions d’information et de soutenir la mobilisation scolaire des élèves, notamment en soulignant le rôle des résultats scolaires dans l’orientation.

La « mallette des parents » consiste à organiser précocement (en janvier et avril) deux réunions collectives de deux heures chacune avec le chef d’établissement qui est personnellement entré en contact avec les familles. Intervenir très en amont des vœux laisse le temps aux familles et aux élèves de s’informer et de réfléchir. Pour la tenue de ces réunions, les chefs d’établissement ont reçu un guide de présentation de l’orientation et accompagné d’un DVD contenant des témoignages d’anciens élèves au lycée ou en centre d’apprentissage. Il s’agit donc d’un programme aux coûts modestes.

Un rapport de l’École d’économie de Paris fait le bilan de cette expérimentation, menée avec l’aide du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse sur une période de trois ans (2010-2012) afin d’en mesurer les effets dans le temps. Le dispositif, qui a été expérimenté au cours de l’année scolaire 2010-2011, s’adressait à des élèves auxquels le faible niveau scolaire laissait peu de chances de poursuivre avec succès en voie générale. Il a été mis en place dans trente-sept collèges volontaires au sein desquels les chefs d’établissement ont identifié des élèves susceptibles de décrocher, donc de relever d’un tel suivi. La pré-sélection a porté sur 1 130 élèves de 179 classes, lesquelles ont été scindées entre 97 classes faisant l’objet du programme et 82 autres servant de point de référence. La proportion d’élèves suivis avoisinait 25 % d’une classe.

Le premier constat de l’enquête a consisté à souligner l’écart entre les aspirations et les possibilités réelles. Les élèves avaient été identifiés comme décrocheurs potentiels. Or, en début d’année, les trois quarts des parents pensaient que leurs enfants obtiendraient le baccalauréat et 67,3 % envisageaient de demander une seconde générale, technologique ou professionnelle lors de vœux d’orientation, et 10,4 % un redoublement. Pourtant, à terme, les résultats effectifs des élèves ne sont pas à la hauteur de ces aspirations : seuls 8,2 % des élèves qui n’ont pas le brevet réussissent le baccalauréat et, parmi ceux qui ont le brevet sans mention, seuls 30 % obtiennent le baccalauréat. Dans ces conditions, faire des choix irréversibles en connaissance de cause est un enjeu capital pour la suite de la scolarité des élèves.

L’aide à l’orientation ne modifie pas les résultats scolaires ni, partant, la proportion d’élèves affectés en seconde générale ou technologique. En revanche, par rapport aux classes témoin, la ventilation du solde est différente, révélant une augmentation des élèves entrant en apprentissage ou préparant un CAP et, corrélativement, une baisse des redoublements et du décrochage. Autrement dit, l’intervention des chefs d’établissement a dissuadé des élèves aux résultats très faibles de demander un redoublement, le plus souvent inefficace, ou une orientation en bac professionnel.

Deux ans après la classe de troisième, les effets bénéfiques se font toujours sentir. D’une part, les élèves orientés en CAP ne redoublent pas, ni ne décrochent plus que les autres, ce qui signifie que l’orientation qu’ils ont été incités à suivre ne les pousse pas à l’échec ; d’autre part, les différences entre les taux de déscolarisation entre les groupes test et témoin s’accentuent encore. En somme, éviter le redoublement par une orientation en CAP réduit le décrochage. En outre, alors que nombre d’études sont consacrées au manque d’ambition des élèves doués issus de milieux défavorisés, cette expérimentation montre que l’accompagnement peut contribuer à améliorer le parcours scolaire des élèves faibles en faisant évoluer leurs aspirations. Le service académique d’information et d’orientation (SAIO) a même mis au point un logiciel qui informe le candidat à une voie professionnelle précise sur les résultats scolaires de ceux qui y ont été affectés les deux années précédentes. De la sorte, il peut mesurer ses chances de réussite, identifier ses points forts et ses points faibles pour, le cas échéant, y remédier.

Ce travail de préparation de l’orientation est d’autant plus nécessaire que les élèves rencontrent plus de difficultés. Paradoxalement, plus un élève est doué, plus le choix est simple, et plus il est repoussé dans le temps. En revanche, un élève qui réussit moins bien doit adopter une stratégie réfléchie consistant à concilier ses goûts personnels, les filières qu’il peut espérer obtenir ainsi que l’accessibilité des lieux de formation. Cette complexité ne fait que souligner davantage la nécessité de l’accompagnement par les équipes éducatives. Et la mallette des parents en troisième démontre opportunément que les efforts et l’attention dont peuvent faire l’objet les élèves d’un faible niveau scolaire ne sont pas vains puisque les redoublements et le décrochage sont réduits de plus de 3 points, soit une baisse de 30 % et 40 % respectivement.

3. La formation des enseignants

Les rapporteurs s’étaient déjà préoccupés de la nécessaire formation des équipes éducatives à ces nouvelles exigences. Si des efforts ont été faits sur ce terrain, traduisant en acte l’importance de l’enjeu, ils restent souvent limités et cantonnés à la formation initiale.

L’hétérogénéité observée sur le terrain à propos de la mise en place du PDMF se retrouve dans le suivi de l’orientation des élèves. Le rapport de la Cour des comptes consacré à l’orientation à la fin du collège et publié en septembre 2012 relevait que les acteurs de l’orientation au sein du collège étaient : premièrement, les conseillers d’orientation-psychologues ; deuxièmement, les enseignants à qui la circulaire ministérielle n° 97-123 impose de « conseiller, aider l’élève dans l’élaboration du projet d’orientation », et tout particulièrement, les professeur principaux qui perçoivent d’ailleurs une indemnité mensuelle de suivi et d’orientation des élèves ; troisièmement, les chefs d’établissement.

S’agissant des enseignants de collège, ils n’ont, dans l’ensemble, qu’une connaissance sommaire du monde professionnel et des différentes voies de formation. Ce constat a poussé de nombreuses académies à monter des programmes de formation de connaissance de l’entreprise et des métiers. Pourtant, et pour des raisons assez compréhensibles comme l’organisation des emplois du temps, la proportion d’enseignants ayant suivi des stages reste marginale, si l’on se fie aux résultats de l’académie de Lille étudiés par la Cour des comptes. En outre, les ressources documentaires élaborées par l’ONISEP et à la disposition des enseignants sont souvent très générales.

Le problème ne se pose pas en termes sensiblement différents pour les conseillers d’orientation-psychologues. La formation initiale, délivrée par l’INETOP, qui se déroule sur une durée de deux ans, comprend un stage de six à huit semaines en entreprise, mais au-delà il serait intéressant de savoir comment s’envisage la formation continue et l’actualisation des connaissances professionnelles. Toutefois, il est à noter que les contraintes d’emploi du temps ne sont pas de même nature que celles des enseignants qui ont un service à faire devant plusieurs classes.

Quant aux chefs d’établissement, tous ceux que la Cour des comptes a rencontrés dans le cadre de son enquête étaient soucieux d’agir pour aider leurs élèves à s’orienter mais ils étaient tributaires du dynamisme des enseignants dans ce domaine.

Conscient de l’importance de prodiguer aux collégiens des informations adaptées et pertinentes, le Gouvernement a pris le problème à la racine et l’article 51 de la loi de refondation de l’école modifie l’article L. 721-2 du code de l’éducation qui donne aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) la mission de préparer « les futurs enseignants et personnels d’éducation aux enjeux du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et à ceux de la formation tout au long de la vie. »

La loi crée également, aux termes de son article 20, le Conseil supérieur des programmes, qui comprend, outre deux députés et deux sénateurs, des personnalités qualifiées pour favoriser le débat sur les savoirs qui aille au-delà des logiques disciplinaires, selon le rapporteur du texte. Il a par ailleurs pris l’initiative, initiative qui a été suivie, de proposer que la compétence du CSP soit étendue aux modalités de formation et de recrutement des enseignants ainsi qu’à l’introduction du numérique dans les méthodes pédagogiques et la construction des savoirs.

De plus, dans l’arrêté du 27 août 2013 qui fixe le cadre national des formations dispensées au sein des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » figure explicitement le processus d’orientation des élèves dans l’énumération des compétences comprises dans le tronc commun de formation des étudiants.

Ces dispositions, qui vont dans le bon sens, ne doivent pas masquer, premièrement, qu’il ne s’agit pour le moment que de formation initiale. Or, ces savoirs et cette culture ne peuvent pas se diffuser uniquement par ce canal. Sur le même plan, le rapport de septembre 2014 de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche et consacré à la mise en place d’écoles supérieures du professorat et de l’éducation relève les difficultés liées à la mise en œuvre du tronc commun : des périmètres à géométrie variable selon les ESPE, l’ambivalence des réactions de la part soit des formateurs soit des enseignants, surtout du second degré – là où se fait l’orientation –, qui redoutaient que le tronc commun ne prît le pas sur la discipline enseignée, et des limites liées à une organisation complexe mise au point dans l’urgence.

Les auteurs soulignent le caractère embryonnaire de la formation continue. Or, en matière d’orientation et de connaissance du monde du travail, elle est indispensable aux enseignants soucieux de l’avenir de leurs élèves qui risquent fort d’être confrontés à un environnement professionnel mouvant et exigeant.

Toutefois, la mise en commun de ressources pédagogiques, soit au niveau national, soit au niveau académique, qui permet aux enseignants et pédagogues de faire connaître leurs expériences et de les partager, contribuera à diffuser les bonnes pratiques au fur et à mesure que les enseignants se seront familiarisés avec les outils informatiques. Ce type de mutualisation atténue l’isolement des enseignants et l’autarcie des établissements ; il pourra par exemple servir au développement de l’apprentissage et des stages d’observation en classe de troisième. Le but est de construire une banque de données par bassin d’éducation pour atténuer les inégalités d’accès entre élèves.

Il n’en demeure pas moins que la formation continue des enseignants et des conseillers d’orientation-psychologues est un point délicat qui mérite une mobilisation de la part du ministère de l’éducation nationale.

4. L’intégration de l’orientation scolaire dans le service public régional de l’orientation (SPRO)

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale modifie la répartition des compétences entre l’État et les régions en matière d’orientation et de formation. L’architecture en est fixée par les articles L. 214-12 et L. 214-16 du code de l’éducation ainsi que l’article L. 6111-3 du code du travail qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015.

La région « définit en lien avec l’État et met en œuvre le service public régional de l’orientation tout au long de la vie professionnelle. […] Elle élabore le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles. » Le code du travail précise que « l’État et les régions assurent le service public de l’orientation tout au long de la vie. L’État définit, au niveau national, la politique d’orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur. » Il ajoute que « La région coordonne les actions des autres organismes participant au service public régional de l’orientation ainsi que la mise en place du conseil en évolution professionnelle ».

La loi confie aussi aux régions, aux termes de l’article L. 214-16-1 du code de l’éducation, l’organisation du SPRO tout au long de la vie et la responsabilité de la mise en réseau de tous les acteurs et l’article L. 214-16-2 renvoie à une convention entre l’État et la région pour fixer les services de l’État qui y concourent.

En somme, l’État est compétent pour l’orientation des jeunes en formation initiale ; et la région chargée de coordonner les actions et d’élaborer le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle.

Pour anticiper l’entrée en vigueur de la nouvelle organisation, une expérimentation a été menée dans six, puis huit régions, qui préfigurent l’architecture qui se mettra en place au 1er janvier 2015. Ce travail s’est déroulé en plusieurs temps.

Au niveau national, la première étape a consisté à rédiger la charte de l’expérimentation du SPRO achevée dès novembre 2013. Elle a fait surgir les premières difficultés, les représentants des CIO acceptant difficilement de parler de « professionnalisation du service ». Sur cette base, les travaux, dont les autres régions étaient tenues au courant par l’Association des régions de France (ARF), se sont ensuite poursuivis sur des sujets plus techniques ; il a donc fallu plus de temps pour aboutir à la signature le 28 novembre 2014 d’un accord-cadre relatif à la mise en œuvre du service public régional de l’orientation tout au long de la vie et à la prise en charge des jeunes sortant du système de formation initiale sans un diplôme national ou une certification professionnelle, entre l’ARF et les ministères concernés. Il renvoie à des conventions régionales pour la mise en œuvre dont un modèle type a été fourni, mais qui pourront être enrichies avec le temps et en fonction des spécificités locales.

Sur le plan local, la région est devenue le chef d’orchestre d’une partition qu’elle compose avec l’État et qu’elle doit faire interpréter par les organismes qui concourent au service public régional d’orientation – centres d’information et d’orientation (CIO), Onisep, missions locales, agences de Pôle emploi, réseau information jeunesse, organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle, etc. –, dans le respect des rattachements administratifs et hiérarchiques et des missions de chacun, en vue de mieux répondre aux besoins des populations et des acteurs économiques.

Parallèlement, la région a dû donner corps au conseil en évolution professionnelle qui est un droit accordé aux actifs au sens de l’INSEE, c’est-à-dire aux plus de quinze ans ne suivant pas une formation dispensée par l’éducation nationale, à l’exception des apprentis et des stagiaires rémunérés. Son cadre a été défini dans un arrêté du ministre du travail du 16 juillet 2014 fixant le cahier des charges du conseil en évolution professionnelle. Il a vocation à favoriser l’élaboration et la concrétisation des projets personnels d’évolution professionnelle des actifs qui en expriment le besoin et, le cas échéant, des projets de formation associés visant à accroître leurs aptitudes, compétences et qualifications professionnelles, en lien notamment avec les besoins économiques existants et prévisibles dans les territoires. Le cahier des charges distingue trois niveaux de suivi du demandeur – un accueil individualisé, un accueil personnalisé et un accompagnement à la mise en œuvre d’un projet professionnel.

Profitant de cette concomitance, la région Centre a décidé de s’en inspirer pour bâtir un accueil tous publics. « Jamais plus de deux portes à pousser », tel est le mot d’ordre que s’est donné la région Centre. Un individu en quête d’orientation doit pouvoir s’adresser indifféremment à toutes les instances qui participent au SPRO placé sous la houlette du conseil régional. La personne qui l’accueille doit être suffisamment informée des autres acteurs et des spécificités de leur métier pour, le cas échéant, l’accompagner jusqu’à un deuxième interlocuteur et s’assurer qu’il est bien compétent. Le demandeur doit donc trouver la personne capable de l’écouter, de l’informer et de l’accompagner utilement devant la deuxième porte. Toute cette organisation suppose un réseau solide conforté par une culture commune, qui, aujourd’hui, n’existe pas toujours et qu’il faut impérativement créer et faire partager à tous les acteurs.

Dès le départ, l’objectif de professionnalisation de l’orientation ne faisait pas consensus parce que les personnels des CIO se sentaient implicitement désignés comme des non-professionnels. Ce n’est pourtant faire injure à personne que de considérer que la compétence et la professionnalisation s’entretiennent tout au long d’une carrière. Le consensus s’est fait sur l’« appui aux acteurs ». Il aurait été profondément regrettable que les deux cultures restent étanches l’une à l’autre car elles ont beaucoup à apprendre l’une de l’autre et elles utilisent des outils communs, notamment en termes d’analyse des évolutions de métier et d’emploi. Il fallait réagir et trouver un terrain d’entente pour surmonter des postures stériles contredites par les faits : quand des professionnels montent un projet et qu’ils partagent des connaissances et des instruments d’analyse, ils finissent par s’entendre et à travailler ensemble.

La préfiguration du SPRO s’est déroulée dans des régions volontaires, donc favorables au projet. La généralisation au 1er janvier 2015 ne bénéficiera sans doute pas d’une telle unanimité et des réactions hostiles ne sont pas à écarter. Il n’en demeure pas moins que la réforme va dans le bon sens en ce qu’elle rapproche l’offre de formation de la demande. À cet égard, on ne peut que se réjouir que la région récupère aussi dans son giron le plan régional des formations pour pouvoir infléchir la tendance des académies à s’accommoder des effectifs disponibles plutôt qu’à s’adapter au tissu économique local.

En conclusion, même si l’organisation de l’orientation et de la formation incombe à la région, il serait bon que la porte d’entrée soit unique, à l’instar de ce que préconisaient les rapporteurs et qui a été fait dans le cadre du plan de lutte contre le décrochage scolaire (cf. infra). Cela présenterait un double avantage : la simplicité pour les élèves et leurs parents et l’assurance de ne pas engager des dépenses analogues dans chacune des régions. De plus, un tel portail pourrait s’enrichir d’informations sur les transports et les possibilités d’hébergement qui ont un impact indéniable à la fois sur l’orientation et le décrochage (cf. infra). À l’intérieur du système éducatif comme à l’extérieur, la formation continue du personnel reste un défi qu’il faut relever pour améliorer la qualité de l’orientation.

B. DÉVELOPPER L’APPRENTISSAGE

Malgré une conjoncture difficile, le nombre d’apprentis ne régresse pas, mais ce chiffre global masque un recul du nombre d’apprentis de faible niveau de qualification, alors que c’est à ceux à qui le système scolaire ne convient pas que l’apprentissage est le plus nécessaire pour trouver un emploi. Par ailleurs, le premier semestre a vu une chute du nombre d’entrées en apprentissage. En outre, c’est aussi aux plus faibles niveaux de qualification que l’apprentissage peut entrer en concurrence avec les autres dispositifs de soutien de l’emploi des jeunes.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’APPRENTIS PAR NIVEAU DE QUALIFICATION

 

2011-2012

2012-2013

Variation

Niveau V

189 500

185 875

– 1 ,9%

Niveau IV

123 888

116 897

– 5,6%

Niveau III

67 193

74 868

+ 11,4 %

Niveaux II & I

55 693

60 503

+ 8,6 %

Total 1

436 334

438 143

+ 0,4%

Pré-apprentis

6 919

6670

– 3,6 %

Total 2

443 253

444 813

+ 0,4 %

Source : Ministère de l’Éducation nationale. Repères et statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche, 2014

Annoncé à l’occasion de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014, le plan de relance de l’apprentissage a été suivi des assises de l’apprentissage en septembre. Le cap de 500 000 apprentis en 2017 est maintenu et, pour l’atteindre, les pouvoirs publics doivent inciter les entreprises à embaucher des apprentis et améliorer l’accompagnement des jeunes qui choisissent l’apprentissage.

1. Comment inciter les entreprises à recruter des apprentis ?

a. Les incitations financières

À l’issue d’un comité interministériel de modernisation de l’action publique, le Gouvernement avait décidé le 17 juillet 2013 la fin de l’indemnité compensatrice d’apprentissage. En loi de finances pour 2014, il a cependant créée un dispositif comparable (prime de 1 000 euros par apprenti et par an) réservé aux entreprises de moins de onze salariés. Tel était le contenu de l’article 77 de la loi de finances pour 2014.

À l’occasion de la grande conférence sociale en juillet 2014, le Premier ministre a déclaré qu’une nouvelle aide verrait le jour consistant en une prime de 1 000 euros pour le premier apprenti embauché, réservée aux entreprises de moins de 50 salariés. Cette disposition a été votée en première lecture du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises à l’Assemblée nationale le 22 juillet 2014 par adoption d’un amendement du Gouvernement, qui l’a fait supprimer lors de la lecture au Sénat, le 4 novembre, pour l’intégrer au projet de loi de finances pour 2015. Entre-temps, le 17 septembre, s’étaient tenues les assises de l’apprentissage au cours desquelles le Président de la République avait déclaré aux chefs d’entreprise que le mécanisme serait étendu aux entreprises de moins de 250 salariés et qu’il se cumulerait, pour les TPE, à celui voté dans la loi de finances pour 2014. Finalement, ces engagements se sont concrétisés dans la loi de finances pour 2015.

Ces allers et retours ont aggravé l’instabilité juridique mais aussi parfois créé des effets d’aubaine quand les régions décidaient de compenser le manque à gagner pour les entreprises. Ils se sont traduits par une baisse de l’ordre de 10 % des entrées en apprentissage au premier semestre 2014. Depuis, heureusement, le Gouvernement a réagi pour inciter les entreprises à embaucher des apprentis, en s’adressant en particulier aux petites entreprises qui sont les principales pourvoyeuses de contrats d’apprentissage de faible niveau de qualification, les grandes entreprises faisant davantage appel, quant à elles, aux diplômés de l’enseignement supérieur.

Les dernières mesures annoncées dans le cadre du plan de relance de l’apprentissage sont bonnes puisqu’elles se concentrent sur les apprentis les moins qualifiés. L’engagement de l’État se traduit par un effort financier, concrétisé par un nouveau régime d’aide, avec notamment une aide de 1 000 euros à l’embauche du premier apprenti et/ou d’apprentis supplémentaires à compter du 1er juillet 2014. Initialement réservée aux entreprises de moins de 50 salariés, la prime a été étendue aux entreprises de moins de 250 salariés. L’État a pris en charge la dépense supplémentaire de 60 millions d’euros. Par ailleurs, cette aide pourra être cumulée à la prime de 1 000 euros par apprenti et par année de formation pour les TPE (moins de 11 salariés).

Enfin, depuis le début de l’année 2014, le crédit d’impôt apprentissage de 1 600 euros est réservé aux apprentis dont la formation ne dépasse pas le niveau bac+2.

b. Les freins non financiers à l’apprentissage

Pour développer l’apprentissage, les pouvoirs publics peuvent agir sur l’offre émanant des entreprises, mais aussi sur la demande des jeunes en suscitant leur intérêt.

S’appuyant à la fois sur le rapport initial du CEC et sur le rapport des inspections générales relatif aux freins non financiers au développement de l’apprentissage, le Gouvernement a cherché à modifier l’image contrastée de l’apprentissage en lançant, dans le sillage des assises de l’apprentissage, une grande campagne d’information dans les médias – télévision, radio, réseaux sociaux – pour le faire connaître des jeunes comme des chefs d’entreprise et en améliorer l’image dans l’esprit du grand public.

Néanmoins, pour rendre l’offre encore plus lisible, il serait bon d’intégrer celle des CFA dans AFFELNET qui ne recense encore que les offres des lycées professionnels.

Le plan de relance de l’apprentissage comprend un volet qui concerne la fonction publique. L’objectif de 10 000 apprentis dans la fonction publique d’État est fixé pour 2017 et une mission a été confiée à M. Jacky Richard pour y parvenir. Par ailleurs, le recours à l’apprentissage dans la fonction publique locale et dans la fonction publique hospitalière sera encouragé.

La circulaire interministérielle de protection des jeunes travailleurs du 23 octobre 2013, qui transpose la directive 94/33/CE, s’est révélée ambiguë dans ses effets. Si elle a indiscutablement simplifié les démarches pour les entreprises opérant dans des secteurs à risques avérés (travail en milieu hyperbare, émissions de rayons ionisants, manipulation de produits dangereux …) en permettant désormais l’homologation des sites, et non plus des apprentis, pour une durée de trois ans, au lieu d’un, et en étendant le champ des dérogations possibles, elle est apparue comme porteuse d’insécurité juridique potentielle pour les entreprises et les artisans qui n’y étaient pas soumis auparavant et qui doivent désormais attester qu’ils sont en règle avec le code du travail. Le tir a été corrigé pour les travaux en hauteur, pour lesquels un régime déclaratif simplifié devrait entrer en vigueur au cours du second semestre 2015. Il faudrait veiller à ce que ces dispositions n’aient pas d’effet restrictif dans un contexte de frilosité et de fragilité économiques. Les agents publics, responsables des jeunes en formation professionnelle (directeurs de lycée professionnel et de mission locale), ont d’ailleurs attiré l’attention des pouvoirs publics sur ce point.

2. Comment accompagner les apprentis ?

a. Aider les jeunes à trouver des contrats d’apprentissage

Afin de réduire le taux de rupture de contrats, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a élargi les missions des centres de formation d’apprentis en les autorisant à aider les jeunes à trouver des contrats d’apprentissage et à prodiguer un accompagnement plus serré des apprentis sur le lieu de travail. Ces deux mesures sont de nature à lever des obstacles avérés à l’apprentissage car, d’une part, trouver rapidement un contrat suppose des compétences que tous les jeunes n’ont pas et, d’autre part, un suivi plus attentif peut soit prévenir les ruptures de contrat – encore trop nombreuses surtout aux niveaux IV et V –, soit permettre une réorientation.

En outre, les apprentis pourront bénéficier d’un contrat à durée indéterminée, ce qui permettra de fidéliser les jeunes et d’améliorer leur statut en leur procurant plus de sécurité.

b. Lever les obstacles matériels

Comme le rapport initial le décrivait, la situation d’apprenti, parce qu’elle allie formation théorique et mise en situation de travail, peut obliger les jeunes à avoir au moins deux lieux de résidence. Les études l’ont montré aussi (cf. infra), les conditions matérielles contribuent à la réussite ou à l’échec des jeunes.

Il est donc essentiel de faciliter la vie des apprentis, en particulier en leur offrant des solutions de logement acceptables et bon marché. Ainsi, dans le cadre du programme des investissements d’avenir I (PIA), le Commissariat général à l’investissement chiffre à 8 600 le nombre de places construites, dont 80 % ont bénéficié à des apprentis. Les apprentis ne sont pas les seuls à être accueillis dans les foyers de jeunes travailleurs qui doivent optimiser leur taux de remplissage, mais ils bénéficient d’une clause de réservation prioritaire. Par ailleurs, des projets réunissant des entreprises et des collectivités via leurs bailleurs sociaux pourraient voir le jour, à l’image de la résidence Terre d’envol à Bordes qui héberge les apprentis du CFA qui se forment chez Turbomeca, une filiale de Safran. En outre, une enveloppe de 188 millions d’euros sera consacrée aux internats de la réussite, qui ciblera en priorité les collèges et les lycées professionnels, dans les académies où une tension aura été décelée. L’avenant de la convention signée entre l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l’État porte sur 12 000 places d’ici à 2020.

Les 150 millions d’euros consacrés aux internats de la réussite financeront la construction de 6 000 places nouvelles. Le programme « internats d’excellence » du PIA lancé en 2010 a permis le développement de 44 internats (création de 4 340 places dont 3 971 occupées en 2012) et au total plus de 11 000 places sont d’ores et déjà programmées. Mobilisés sur la base d’un appel à projets national lancé au début de l’année 2014, ces nouveaux crédits permettront de soutenir en priorité des projets portés par les collectivités locales et destinés à combler les lacunes de la couverture en internats qu’elles soient géographiques (en ciblant les académies déficitaires), ou scolaires (en privilégiant les créations de places à destination des collégiens et des élèves de l’enseignement professionnel).

Les 100 millions d’euros, ramenés à 84 millions (dont 25 millions pour le programme « La France s’engage »), affectés en 2014 au programme 411 « Projets innovants en faveur de la jeunesse », sont destinés à favoriser par le biais d’un appel à projets l’émergence de politiques de jeunesse intégrées, qui permettent de traiter les problématiques de jeunes de façon globale et cohérente à l’échelle d’un territoire, en évitant l’écueil d’une juxtaposition d’initiatives sectorielles non harmonisées. Le recentrage des politiques de formation et d’orientation est à cet égard décisif puisqu’il contribue à l’émergence d’un acteur incontournable – la région – capable d’harmoniser et de mettre en cohérence des projets émanant d’autres instances (éducation nationale, entreprises,…). La convention du 10 décembre 2014 conclue entre l’État et l’ANRU mentionne, parmi les axes prioritaires, l’information, l’orientation et l’accompagnement des jeunes pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle ; l’accompagnement et la structuration de parcours éducatifs pour prévenir le décrochage scolaire ou universitaire ; et l’employabilité des jeunes et le développement de partenariats avec les entreprises.

C. FACILITER LES TRANSITIONS

1. Les passerelles entre les cycles d’enseignement

La circulaire de préparation de la rentrée 2014 insiste très directement sur l’amélioration de la fluidité des parcours tout au long de la scolarité qui passe par un meilleur accompagnement de toutes les transitions : entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire, entre l’école et le collège, entre le collège et les trois voies du lycée, enfin entre le lycée et l’enseignement supérieur. De manière générale, le changement de cycle constitue une période de turbulence pour les élèves les plus fragiles (cf. infra « le plan de lutte contre le décrochage »).

a. Entre l’école et le collège

Ainsi, un conseil école-collège a été institué par le décret n° 2013-683 du 24 juillet 2013 et pris en application de l’article L. 401-4 du code de l’éducation introduit par la loi du 8 juillet 2013. Présidée conjointement par le principal du collège et l’inspecteur de l’éducation nationale responsable de la circonscription du premier degré qui conviennent de sa composition dans le respect d’une égale représentation des personnels des collèges et des écoles, cette instance a pour mission de proposer au conseil d’administration du collège et aux conseils d’école des actions de coopération, des enseignements et des projets pédagogiques communs. Sont prévues deux réunions par an ainsi qu’un bilan annuel des réalisations. Dans le même esprit, le décret n° 2014-1231 du 22 octobre 2014 relatif à l’organisation d’instances pédagogiques dans les écoles et les collèges vise à organiser une coordination plus étroite entre l’école élémentaire et le collège.

b. Entre le lycée et l’université

Dans le sillage de la circulaire du 18 juin 2013, qui organise le continuum de formation articulant les trois années qui précèdent et les trois années qui suivent le baccalauréat – le « bac –3/+3 » –, des instructions ont été transmises aux recteurs pour insister sur le rôle du conseil d’orientation anticipé en classe de première, qui doit accentuer le caractère actif de l’orientation – les recteurs doivent d’ailleurs dresser un bilan annuel des initiatives prises dans leur académie. La commission académique des formations post-bac est chargée d’en élaborer le schéma directeur. En particulier, elle favorise le renforcement du dialogue et des échanges entre les grandes filières de formation, de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur ; elle aide à structurer leurs collaborations que ce soit sous la forme de rapprochement entre établissements, entre équipes éducatives ou d’une mise à disposition de ressources et d’outils.

Les conventions entre les lycées et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) pourront prévoir un volet sur le continuum entre le lycée et l’enseignement supérieur. Le but est de faire prendre conscience aux élèves de terminale des exigences auxquelles ils devront satisfaire à l’université, ou en IUT.

Les conventions entre établissements de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur seront généralisées dans la mesure où toutes les formations post-bac doivent être couvertes, de façon à ne pas laisser à l’écart les élèves des lycées professionnels, plus frappés que les autres par le décrochage scolaire.

2. Les dispositifs spécifiques en faveur des élèves des milieux défavorisés

a. Les cordées de la réussite

Les cordées de la réussite s’inscrivent pleinement dans le continuum éducatif puisque la tête de cordée est un établissement d’enseignement supérieur et ceux qui le suivent, des lycéens. La cordée peut donc jouer un rôle important dans l’orientation des élèves.

À la rentrée 2013, et après cinq ans de fonctionnement, on comptait 358 cordées, contre 341 à la rentrée 2012, impliquant 200 établissements d’enseignement supérieur et près de 1 900 établissements secondaires. L’ambition est de mettre désormais l’accent sur les lycées professionnels.

L’un des écueils qu’il est difficile d’éviter, c’est la complexité qu’il y a à mesurer l’impact de la démarche car cela nécessiterait le suivi de cohortes, donc des budgets importants. Le ministère de la ville a eu tendance à monopoliser le dispositif alors que les jeunes ruraux sont aussi éloignés que les jeunes péri-urbains de l’information et de la mobilité. Or, l’intervention en milieu rural oblige à se déplacer et cela coûte plus cher. La redéfinition des quartiers prioritaires et du périmètre des contrats de ville auront un impact sur le financement. La ligne de 500 000 euros inscrite au programme 231 « Vie étudiante » dans la loi de finances pour 2015 répond à un besoin réel et ne suffira pas à un maillage plus serré des zones rurales.

b. L’accès des bacheliers méritants aux formations sélectives de l’enseignement supérieur

Le décret n° 2014-610 du 11 juin 2014 a fixé à 10 % pour 2014, le pourcentage des meilleurs élèves par filière de chaque lycée, au vu de leurs résultats au baccalauréat, bénéficiant d’un droit d’accès dans les formations de l’enseignement supérieur public où une sélection peut être opérée. Ainsi, conformément à l’article L. 612-3-1 du code de l’éducation créé par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, les recteurs réserveront dans ces formations un contingent minimal de places au bénéfice de ces bacheliers qui, par manque d’information ou par autocensure, ne l’auraient pas envisagé. Il faudra veiller à la mise en place de cette disposition d’application délicate puisque les affectations par APB se font souvent avant les résultats du bac, voire avant les épreuves. L’enjeu est particulièrement important pour les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), fortement marquées socialement, afin qu’une plus grande mixité sociale et géographique puisse se développer.

c. L’accès des bacheliers professionnels aux études supérieures

L’article 33 de la loi du 22 juillet 2013 précitée établit qu’« en tenant compte de la spécialité du diplôme préparé et des demandes enregistrées dans le cadre de la procédure [APB], le recteur d’académie, chancelier des universités, prévoit, pour l’accès aux sections de techniciens supérieurs et aux instituts universitaires de technologie, respectivement un pourcentage minimal de bacheliers professionnels et un pourcentage minimal de bacheliers technologiques ainsi que des critères appropriés de vérification de leurs aptitudes. » Un an après sa promulgation, les inscriptions des bacheliers professionnels dans les sections de techniciens supérieurs préparant au brevet de technicien supérieur ont augmenté de 8 % grâce à ce dispositif.

Toutefois, il ne s’agit que d’une étape si l’ambition est de faire de 50 % des quelque 159 000 bacheliers professionnels des diplômés de l’enseignement supérieur, contre 30 % aujourd’hui. Outre que ceux qui se hasardent à l’université n’ont pratiquement aucune chance d’en sortir avec un diplôme (3,5 % seulement réussissent à passer en deuxième année de licence), ils ne représentaient guère que 27 % des effectifs inscrits en STS et 3 % en IUT. Aussi la secrétaire d’État en charge de l’enseignement supérieur a-t-elle confié à M. Christian Lerminiaux, ancien président de la conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs et ancien directeur de l’Université technologique de Troyes, une mission afin de concevoir une filière professionnelle post-bac qui serait organisée dans tous les types d’établissement d’enseignement supérieur (STS, universités et écoles d’ingénieurs) et qui se ferait en alternance.

3. La conciliation entre formation universitaire et emploi

Alors que le nombre de stagiaires dans les entreprises et les collectivités a quasiment doublé de 2006 à 2012 pour atteindre 1,6 million en 2012, la loi du 11 juillet 2014 entend limiter les abus et améliorer la situation des stagiaires.

Outre des garde-fous concernant l’objectif de formation du stage (durée progressivement plafonnée à six mois et présence d’un tuteur), la durée du travail et la limitation du nombre de stagiaires dans l’entreprise, la loi majore la gratification minimale qui sera portée de 436 euros à 523 euros pour les stages de plus de deux mois, en deux paliers successifs au 1er septembre 2014 et 2015. Les stagiaires auront accès aux restaurants d’entreprise ou aux tickets restaurant et à une prise en charge de leurs frais de transport dans les mêmes conditions que les salariés.

II. LES DISPOSITIFS DE DEUXIÈME CHANCE

L’article 14 de la loi de refondation de l’école, en réécrivant l’article L. 122-2 du code de l’éducation, reconnaît que « tout élève qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles doit pouvoir poursuivre des études afin d’acquérir ce diplôme ou ce titre. L’État prévoit les moyens nécessaires, dans l’exercice de ses compétences, à la prolongation de scolarité qui en découle. »

La seconde chance fait donc partie du code de l’éducation et elle pourra prendre des formes diverses, de façon à s’adapter au public concerné. L’enjeu est capital pour les jeunes non formés, dont le taux de chômage est calamiteux, et pour l’ensemble du corps social. Le rapport initial préconisait en particulier de renforcer les moyens et la dimension partenariale des plateformes de soutien et d’aide aux décrocheurs (PSAD), et de simplifier l’offre globale de seconde chance, en appuyant ce travail sur le recensement des décrocheurs.

A. LA LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

Le phénomène du décrochage scolaire connaît en France une ampleur particulière, avec, selon les années, entre 120 000 et 140 000 jeunes qui quittent le système scolaire sans diplôme de l’enseignement secondaire. Ce flux important vient alimenter une population de 16 à 25 ans, évaluée autour de 620 000 individus, qui échouent à entrer dans un quelconque système de formation. Or, en période de chômage de masse et de ralentissement de la conjoncture économique, les chiffres dissimulent des drames humains, une défiance qui mine le pacte social dans la mesure où l’école ne parvient pas à atténuer les disparités sociales. Une étude du CEREQ portant sur l’emploi des jeunes trois ans après leur sortie du système éducatif (3) fait ressortir un taux de chômage de 48 % pour les non-diplômés. Sur un plan strictement économique, le décrochage scolaire constitue un manque à gagner pour notre économie qui doit faire appel à des compétences de haut niveau pour monter en gamme. Il pèse aussi sur les comptes sociaux, puisque les non diplômés sont les premières victimes du chômage de longue durée.

Depuis plusieurs années, le phénomène attire l’attention des chercheurs dont les études ont mis en évidence le caractère progressif du processus ainsi que la variété des profils des décrocheurs. Leurs conclusions ainsi que le rapport de diagnostic, établi sous l’égide du secrétariat général de la modernisation de l’action publique, ont servi à échafauder le plan national de lutte contre le décrochage dévoilé en novembre 2014, à l’occasion du salon de l’éducation.

1. Une meilleure connaissance du phénomène

Pour s’attaquer au problème, il a fallu au préalable faire un état des lieux et comprendre qui se cachait derrière le terme de décrocheur.

Le rapport de diagnostic, placé sous l’égide du secrétariat général de la modernisation de l’action publique, a permis de mieux cerner les différents profils de décrocheur. Avant même la publication du rapport, des études récentes consacrées au décrochage ont mis en évidence la multiplicité des profils des décrocheurs, avec quelques moyens de repérage fiables.

● Des indices significatifs

En cherchant à définir, d’après une cohorte, qui se cachait derrière le terme de « décrocheur », Cédric Afsa (4) a fait ressortir plusieurs critères déterminants.

Celui qui pèse le plus lourd, et cette conclusion est confirmée par d’autres chercheurs, est la faiblesse du niveau atteint en sixième en français et surtout en maths. Parmi les 10 % d’élèves qui avaient le plus faible niveau en maths, 48,4 % ont quitté le système scolaire sans diplôme. Et, si les milieux modestes sont sur-représentés parmi les sortis sans diplôme, c’est aussi parce que leurs enfants ont en moyenne un plus faible niveau en maths que ceux des cadres et professions intellectuelles supérieures. Outre un milieu social favorisé, c’est-à-dire des parents cadres ou exerçant une profession intellectuelle, figurent parmi les facteurs prémunissant contre le décrochage le diplôme de la mère, la structure et le niveau de vie du foyer.

Une orientation subie conduit souvent au décrochage. Ce biais est confirmé par l’absentéisme élevé constaté dans les lycées professionnels. Dans le cadre d’une étude portant sur les classes de CAP dans l’académie de Lyon (5), l’analyse en fonction de neuf critères (sexe, retard scolaire, classe précédente, numéro d’ordre du vœu d’affectation, distance domicile/établissement, sélectivité du CAP et catégorie socioprofessionnelle des parents) des sortants en fin de première année aboutit à quelques conclusions surprenantes : il n’y a pas de différence entre les filles et les garçons, et les taux de décrochage sont supérieurs de 10 à 12 points chez les élèves domiciliés à moins de deux kilomètres de l’établissement que ceux qui habitent dans un rayon compris entre deux et dix kilomètres. Autrement dit, si le choix en classe de troisième a été fait sur des considérations de stricte commodité matérielle, indépendamment du goût des élèves, les risques de déscolarisation sont nettement plus élevés. Logiquement, les élèves qui habitent très loin sont exposés au même risque. Ce double constat éclaire l’importance de faciliter les conditions de vie et de travail des élèves de lycée professionnel pour les aider à réussir et celles de l’orientation. L’appui qu’elle procure doit éviter les inconvénients d’un « accrochage scolaire » – le maintien dans la filière générale à tous prix et le plus longtemps possible – qui n’empêche pas la réorientation ultérieure.

La ventilation des sortants (6), soit près d’un jeune sur cinq parmi les 800 000 élèves entrés en sixième en 1995-1996, montre qu’un jeune sur deux quitte une formation au niveau CAP ou BEP, et 38 % avouent avoir essuyé des refus d’orientation, contre 22 % pour les diplômés. 18 % des sortants étaient de bons élèves qui ont décroché en première ou en terminale, le plus souvent à la suite d’événements indépendants de leur volonté (un quart d’entre eux a eu des problèmes de santé, et un cinquième a vu ses parents soit décéder, soit être victimes d’une maladie ou d’un accident grave, soit divorcer) et ont subi leur orientation dans 40 % des cas.

Enfin, la réforme du baccalauréat professionnel a consisté à fusionner les deux années de préparation du BEP en une seconde professionnelle menant à un bac professionnel, vers lequel le BEP ne serait qu’une étape. Comme le montrent les graphiques suivants tirés de l’article « Le baccalauréat professionnel en trois ans après la troisième : vers une élévation du niveau des élèves ? » de Florence Defresne et Mireille Dubois (7), cette réforme s’est traduite par un raccourcissement de la durée du second cycle et a, pour le moment, eu des effets bénéfiques sur le décrochage. Sur 100 élèves inscrits en seconde BEP, 30 % abandonnent avant d’arriver en terminale au bout de quatre ans. En revanche, sur 100 élèves inscrits en seconde professionnelle, seuls 11 % abandonnent avant d’arriver en terminale au bout de trois ans. Ce constat confirme l’intuition qu’il est préférable de limiter le système des cours magistraux abstraits quand ils ne conviennent pas aux élèves.

PARCOURS SUIVIS PAR LES ÉLÈVES DE TROISIÈME 2007 ENTRÉS EN SECONDE BEP EN 2008

Lecture : sur 100 élèves de troisième 2007 ayant accédé, en 2008, à une classe de seconde BEP, 80 passent à la rentrée 2009 en terminale BEP, 5 redoublent, 7 se réorientent et 8 sortent du champ de l’étude ou sont « perdus ».

Champ : France métropolitaine + DOM.

Source : « Le bac professionnel en trois ans : vers une élévation du niveau des élèves ? » de Florence Defresne et Mireille Dubois in Éducation & formation n° 84, décembre 2013.

PARCOURS SUIVIS PAR LES ÉLÈVES DE TROISIÈME 2007
ENTRÉS EN SECONDE PROFESSIONNELLE EN 2008

(1) Dont 4 en CAP.

Lecture : sur 100 élèves de troisième 2007 ayant accédé, en 2008, à une classe de seconde professionnelle, 81 passent à la rentrée 2009 en première professionnelle, 6 redoublent, 7 se réorientent et 6 sortent du champ de l’étude ou sont « perdus ».

Champ : France métropolitaine + DOM.

Source : idem in Éducation & formation n° 84, décembre 2013.

● Des initiatives trop tardives car mal coordonnées

Il va de soi que ni l’éducation nationale, ni ses partenaires ne sont restés les bras croisés devant le décrochage de près d’un élève sur cinq. Des initiatives ont été prises tantôt au niveau des rectorats, des directions d’administration centrale et des collectivités (système interministériel d’échange d’informations, plateformes de soutien et d’appui aux décrocheurs, réseaux FOQUALE de l’éducation nationale, plateforme de lutte contre le décrochage scolaire) mais les résultats se sont révélés décevants dans la mesure où l’intervention se produisait avec un certain retard même si les travaux entrepris ont mis en évidence des périodes critiques comme le retour des vacances scolaires ou de stage ainsi que l’année suivant les paliers d’orientation. Devant les insuffisances décelées, il était urgent de réagir.

2. Un plan global misant sur la prévention

La ministre de l’éducation nationale a donc pris le taureau par les cornes en lançant fin novembre 2014 un plan national de lutte contre le décrochage scolaire (dont le détail est présenté en annexe 1 au présent rapport), articulé autour de trois axes :

● Une mobilisation de tous les acteurs

Le décrochage deviendra une composante pleine et entière du projet d’établissement fédérant les énergies autour de la semaine de la persévérance scolaire destinée à mettre en avant les initiatives dans ce domaine, d’où qu’elles viennent. Les enseignants et le personnel devront être sensibilisés aux symptômes du décrochage tandis que les parents se verront davantage impliqués dans la scolarité de leurs enfants grâce à la généralisation de la « mallette des parents ». Par ailleurs, tant les élèves que leur famille pourront appeler un numéro unique pour savoir où s’adresser pour « raccrocher » ou trouver des modes de formation plus adaptées.

● Une priorité donnée à la prévention

L’accent mis jusqu’à présent sur la remédiation a démontré qu’elle ne suffisait pas et qu’il faut donc agir le plus en amont possible du décrochage qui est un phénomène progressif.

DÉFINITION DES TROIS CHAMPS DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

Source : Rapport de diagnostic « Évaluation partenariale de la politique de lutte contre le décrochage scolaire », 28 mars 2014.

Le retard pris dans le repérage des décrocheurs risque de fragiliser et de compliquer leurs premières tentatives d’insertion. Aussi les établissements s’astreindront-ils à suivre les absences de plus près surtout pendant les périodes « à risque » comme les changements de cycle et les retours en classe après les vacances ou à la fin des stages. Les établissements pourront recourir à des méthodes pédagogiques innovantes à l’aide des nouvelles technologies notamment, et favoriser le travail collectif tout en veillant au bien-être des élèves : la violence au sein des établissements et les relations entre jeunes se révèlent aussi des facteurs de décrochage. Le retour en classe sera préparé en cas d’absence prolongée. En aval, les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD) deviendront le pivot de la prise en charge des décrocheurs en coordonnant les acteurs et en participant à la recherche de solutions.

● Une nouvelle chance pour se qualifier

La formation initiale devra s’adapter et faire preuve de plus de souplesse dans la prise en compte des acquis qui pourront être conservés, offrant ainsi aux décrocheurs la possibilité de valider progressivement leurs diplômes. Un statut intermédiaire de « stagiaire de la formation initiale » sera proposé à ceux qui risquent de décrocher, leur permettant d’alterner les formations théoriques et pratiques dans le cadre d’un accompagnement personnalisé. L’opportunité de prolonger la formation initiale obligatoire jusqu’à dix-huit ans, sur le modèle de ce qui se fait dans certains pays d’Europe du Nord, sera étudiée.

3. La nécessité de ne pas se limiter à une approche strictement quantitative

Le suivi du décrochage s’inscrit dans la stratégie « Europe 2020 » arrêtée par les pays membres de l’Union européenne, pour une croissance durable et inclusive. Il est mesuré par le taux de sortants précoces, c’est-à-dire la proportion de jeunes âgés de 18 à 24 ans sortis sans diplôme autre que le brevet des collèges, qui n’ont pas suivi de formation depuis plus de quatre semaines. L’objectif européen est de ramener ce taux à 10 %. La France, quant à elle, qui se caractérise par une proportion élevée de jeunes qui quittent le système de formation initiale sans diplôme, s’est fixé un objectif de 9,5 %.

Le tableau ci-dessous, qui retrace l’évolution du nombre de jeunes non qualifiés, montre, d’une part, une baisse tendancielle du taux de sortants sans diplôme de formation initiale, qui passe, en France, de 12,4 % en 2003 à 11,5 % en 2012, traduisant les efforts accomplis par les pouvoirs publics ; d’autre part, une chute brutale constatée en 2013 avec un taux qui tombe à 9,7 %, sans qu’aucune explication simple ne puisse être fournie. Cependant, un article de Béatrice Le Rhun et Mireille Dubois (8) apporte en éclairage intéressant.

JEUNES AYANT QUITTÉ PRÉMATURÉMENT L’ÉDUCATION ET LA FORMATION

(en %)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Zone euro
(17 pays)

18,4 (1)

17,9

17,7

17,3

16,8

16,4

15,8

15,5

14,7

13,8

12,9

France

12,4 (1)

12,1

12,2

12,4

12,6

11,5

12,2

12,5

11,9

11,5

9,7 (1)

(1) rupture de série.

Source : Eurostat.

Cette rupture oblige à se pencher sur la définition des indicateurs retenus et les critères susceptibles de les faire varier.

Outre un indicateur européen, mesurant un stock, et reposant sur une conception globale qui fait de la formation continue une constante de la vie active et de la formation initiale une étape parmi d’autres, la France suit le flux des sortants de formation initiale sans aucun diplôme à partir de deux sources statistiques : l’enquête emploi et le recensement de la population dont la fiabilité est insuffisante pour valider quelque interprétation que ce soit de l’évolution constatée en 2013. Toutefois, les deux séries confirment la tendance à la baisse du taux de décrochage.

COMPARAISON DE L’INDICATEUR DES SORTANTS PRÉCOCES SELON LES SOURCES

(en %)

Source : Insee, calcul DEPP.

Un problème pourrait provenir du fait que le contrat d’apprentissage relève de la formation initiale – il peut néanmoins être utilisé dans le cadre d’une reprise d’études – tandis que le contrat de professionnalisation relève de la formation continue. Comme les deux enquêtes se font sous la forme déclarative, et que l’enquête Emploi a modifié son questionnaire en 2013, les réponses induites ont peut-être été affectées. L’INSEE avait d’ailleurs déjà relevé dans ses propres séries une sous-estimation des chiffres de l’alternance (apprentissage et professionnalisation) par rapport à ceux fournis par la DARES du ministère du travail et de l’emploi.

Par ailleurs, comme le remarquent les auteurs, pour être sortant, il faut ne pas avoir suivi de formation dans les quatre semaines précédentes. En augmentant la durée de ce délai, on augmente la probabilité d’avoir suivi une formation, ce qui fait baisser l’indicateur, qui fléchit de 11,9 % à 28 jours, à 11,8 % à deux mois, prouvant ainsi que les formations suivies sont de courte durée – la médiane se situe à 19 jours.

Autre critère : pour être déclaré sortant, il faut avoir connu une interruption de la scolarité de plus d’un an. C’est aussi une source d’imprécision dans les déclarations d’autant que certains questionnaires se concentrent sur le début de l’année et d’autres sur la date de l’enquête, ce qui peut produire à la marge des petites variations puisque, par exemple, des décrocheurs peuvent n’avoir pas décroché en début d’année mais plus tard.

Ces nuances, assez subtiles, montrent toute la difficulté à interpréter les chiffres, en dehors des tendances de fond. Elles révèlent aussi la tentation qui existe de faire des indicateurs conventionnels des objectifs de politique publique alors qu’ils n’en sont que les instruments. Ainsi, aider les jeunes non diplômés à enchaîner des formations de courte durée peut permettre de rapprocher l’indicateur de sa cible, en espérant que la multiplication des expériences au travail finira par déboucher sur un emploi. Pour être véritablement efficace, l’action publique devra, parallèlement et simultanément, favoriser la création d’emplois stables.

B. LA GARANTIE JEUNES

Parmi les jeunes sortis sans diplôme du système éducatif, tous ne sont pas logés à la même enseigne et il en est qui sont dans des situations très difficiles. C’est à eux que s’adresse la garantie jeunes.

Les territoires pilotes, choisis en raison notamment d’un taux de chômage des jeunes qui dépassait 25 % en 2012, ont été en 2013-2014 les Bouches-du-Rhône, la Réunion, la Seine-Saint-Denis, le Vaucluse, le Lot-et-Garonne, l’Allier associé au Puy-de-Dôme, le Finistère, l’Eure, l’Aude, les Vosges. Et la deuxième vague, qui suivra à compter du 1er janvier 2015, comprendra l’Essonne, la Seine-Maritime, le Pas-de-Calais, la Dordogne, l’Ille-et-Vilaine, la Savoie, l’Oise, l’Aisne, l’Isère, la Creuse. Une troisième vague commencera dans le courant 2015, en fonction des candidatures. L’objectif pour la première année était fixé à 10 000 jeunes, et, avec l’extension progressive, ce ne sont pas moins de 50 000 bénéficiaires qui sont attendus en 2015, et 100 000 à l’horizon 2017.

La garantie jeunes est portée par l’Initiative européenne pour la jeunesse (IEJ), en direction des NEET, c’est-à-dire des jeunes sans diplôme, sans emploi et sans formation, qui devrait à terme contribuer pour 600 millions d’euros.

1. Un dispositif ambitieux adapté à des jeunes les plus éloignés de l’emploi

a. Un accompagnement global formalisé contractuellement

Il s’agit au départ d’assurer à des jeunes, dont le dossier a été retenu par une commission départementale ad hoc, une première expérience professionnelle contre une garantie de ressources.

Dans la pratique, la mission locale s’engage à fournir un accompagnement prenant la forme d’un accueil collectif – en pratique, six, voire huit semaines à plein temps – au sein de petits groupes, ne dépassant pas quinze personnes, et un suivi par un conseiller référent. Ensuite, les jeunes alternent les expériences au travail et les formations à la mission locale, pour compléter et orienter leur parcours. Le conseiller référent est à l’écoute du jeune et doit l’aider à résoudre les problèmes matériels qu’il rencontre, qu’il s’agisse de santé, de logement, de transport, et à rechercher de nouvelles expériences professionnelles. En contrepartie de ce suivi, la mission locale reçoit une somme forfaitaire de 1 600 euros.

Pour pouvoir se consacrer à cette formation, le jeune se voit attribuer une garantie de ressources, qui lui assure le RSA pour une personne seule. L’aide est cumulable avec des revenus d’activité dans la limite de 300 euros par mois ; au-delà elle devient dégressive, les ressources totales étant plafonnées à 80 % du SMIC mensuel. Il ne faudrait pas risquer, en effet, de décourager l’activité des jeunes ou de rompre des liens qui existeraient avec un employeur, leur faisant ipso facto perdre une activité rémunératrice.

De son côté, le jeune s’engage à être disponible, à suivre l’accompagnement qui lui est proposé, à rechercher des expériences professionnelles et à déclarer ses ressources mensuelles.

b. Des acteurs de terrain convaincus et convaincants

Les deux directeurs de mission locale (9) qui ont été auditionnés par les rapporteurs ont insisté sur l’intérêt que présentait cette démarche volontariste et personnalisée. Ils ont expliqué que l’initiative avait trouvé son public et qu’elle était adaptée à des jeunes qui vivent dans une grande précarité et souvent dans le dénuement. Tous deux considèrent que la période d’adaptation durant laquelle les jeunes sont accueillis en petits groupes par deux conseillers – le profil des jeunes demande au moins un fonctionnement en binôme – est indispensable, pour leur fixer un cadre et des repères que beaucoup n’ont pas. Partant de ce constat, ils estiment que six semaines est un plancher et qu’il faut parfois prolonger jusqu’à huit semaines, tant les difficultés à surmonter sont grandes : il faut respecter des horaires fixes, toute la journée, sur une période qui peut parfois paraître longue aux intéressés, prendre le temps de régler les problèmes matériels qui compliquent parfois le respect des consignes (éloignement du logement quand il existe, transports, santé), prodiguer les premiers conseils (tenue vestimentaire, ponctualité, hygiène…). En outre, c’est souvent l’occasion pour ces jeunes de briser l’isolement. L’accueil en groupe permet de faire connaissance, de créer une dynamique positive et une forme de reconnaissance mutuelle. Plusieurs directeurs de mission ont remarqué que les jeunes passaient les fêtes ensemble, ce qui en dit long sur leur solitude.

2. Une montée en puissance ralentie par des difficultés révélées par l’expérimentation

À fin septembre 2014, les jeunes étaient, selon les déclarations du ministre du travail devant le Sénat, environ 6 000 à être entrés dans le dispositif, un chiffre en-deçà des objectifs, soit 10 000 à la fin de l’année 2014, avant le lancement de la deuxième vague.

Plusieurs difficultés sont en effet apparues en cours d’année, l’expérimentation étant précisément destinée à révéler les obstacles, de façon à les aplanir avant de généraliser les actions publiques.

a. Des difficultés logistiques

Le déploiement sur le terrain a pris du retard car les formations préalables des conseillers n’ont pas toujours pu avoir lieu en temps et en heure. Or, comme le droit à l’erreur doit être limité au maximum (il s’agit, le plus souvent, pour les jeunes d’une forme de dernière chance à la qualification), et que les publics sont souvent difficiles, il est préférable de limiter les risques, quitte à prendre un peu de retard.

Il est vite apparu également que les missions locales, en dessous d’une certaine taille, devaient trouver à bref délai des locaux supplémentaires pour accueillir des conseillers supplémentaires et/ou les ateliers, avec à la clé, des dépenses importantes (caution et loyers), et même des dépenses inattendues comme accueillir des jeunes qui, faute de solution alternative, déjeunaient sur place. Le décalage entre les flux de trésorerie des missions locales a alourdi leur charge de travail.

Par ailleurs, les acteurs de terrain hésitent encore quant au fait déclencheur de la prime de 1 600 euros. S’agit-il de l’accueil en atelier ou de la première mise en situation professionnelle ?

Ils soulignent également que les conditions de recrutement des conseillers, embauchés en CDD, ne sont pas toujours très enviables, à la merci des entrées ou des sorties de jeunes et qu’il arrive que l’accueil s’en ressente. Selon les missions locales et les objectifs assignés, l’ampleur de l’augmentation des effectifs peut désorganiser le travail, les taux d’encadrement n’étant pas accrus dans les mêmes proportions.

b. La réaction des jeunes

Le succès a été au rendez-vous puisque les commissions d’agrément ont vite été débordées, d’où l’idée de mettre en place en amont un dispositif de sélection des dossiers, de sorte que la commission n’ait plus qu’à entériner ceux qui lui parviennent. Ce « filtre » a fait preuve de son efficacité, mais il a mis aussi en évidence que les jeunes les plus en difficulté peinent à réunir les documents qui leur sont demandés, et que cette forme de sélection élimine les plus précaires.

Parmi les jeunes suivis, une proportion significative, empiriquement évaluée entre 20 % et 25 %, a révélé des réels problèmes de santé. Ce volet mérite sans doute une attention particulière, voire des actions systématiques de dépistage et de sensibilisation des intéressés.

Plus délicat, le délai pris par l’Agence de services et de paiement à verser aux jeunes les allocations – il s’écoule environ deux mois entre l’entrée dans le dispositif et le règlement des prestations – menace parfois l’accompagnement proposé dans la mesure où les bénéficiaires ont besoin de cet argent pour vivre et qu’ils peuvent être tentés d’interrompre pour de l’argent plus vite gagné offert par un autre dispositif d’aide, comme les emplois d’avenir dont le nombre vient d’augmenter de 15 000, et dont les dossiers sont plus faciles à constituer.

Le risque existe donc de voir s’instaurer une concurrence de fait entre les différents dispositifs ciblés sur les jeunes les plus en difficulté, en particulier les plans locaux d’insertion par l’économie, avec, peut-être, des effets d’aubaine qu’il est encore trop tôt pour mesurer ou évaluer.

C. LE COMPTE PERSONNEL DE FORMATION

Le compte personnel de formation (CPF) est issu de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle. Succédant au droit individuel à formation (DIF), il présente l’énorme avantage d’être « portable », c’est-à-dire associé au salarié, indépendamment de son parcours professionnel, qui pourra ainsi cumuler jusqu’à 150 heures de formation, à raison de vingt-quatre heures par an les cinq premières années, et douze heures ensuite. Son utilisation est à l’initiative du titulaire, avec l’accord de l’employeur si la formation se déroule sur le temps de travail. Celui-ci pourra aussi abonder le compte de ses salariés s’il considère que la formation suivie est utile à l’entreprise, de même que la région ou même Pôle emploi lorsque le demandeur est chômeur.

1. Un droit à formation ouvert aux jeunes sans expérience

Le CPF sera ouvert dès l’âge de seize ans pour toute la durée de la vie professionnelle. En outre, la limite d’âge est abaissée à quinze ans pour les titulaires d’un contrat d’apprentissage. À condition d’être âgé de moins de vingt-cinq ans, tout jeune sortant du système éducatif sans autre qualification que le brevet, pourra demander à bénéficier d’une durée de formation complémentaire.

2. Des formations qualifiantes

Un abondement du compte personnel de formation, à hauteur du besoin de financement du projet de formation, pourra être accordé pour inciter les jeunes en situation de décrochage à réintégrer un cursus de formation. Le CPF constitue donc une opportunité de bénéficier de formations qualifiantes en utilisant ce quota qui complétera les heures accumulées jusque-là. Cette facilité, de la responsabilité de la région, pourra être utilisée pour suivre les formations ciblées dans le cadre de la stratégie définie par le service public régional de la formation. En outre, il pourra aussi servir à acquérir le socle commun de connaissances.

La formation pourra être dispensée sous statut scolaire, dans le cadre d’un contrat en alternance ou en tant que stagiaire. Cette grande souplesse facilite la mobilisation du dispositif et l’adaptation au profil du jeune demandeur.

3. La garantie d’un accompagnement

Le décret d’application, daté du 5 décembre 2014, précise que toute demande de mobilisation du CPF par un jeune sera suivie d’un entretien avec un agent du service public de l’orientation, qui le conseillera et le guidera dans l’élaboration de son projet de formation.

Les caractéristiques du CPF, financé sur les fonds de la formation professionnelle (sommes collectées par les OPCA et subventions de la région), en font donc un véritable dispositif de deuxième chance.

III. LES ACTIONS EN FAVEUR DE L’AUTONOMIE DES JEUNES

A. LES BOURSES ÉTUDIANTES

Le nombre d’étudiants a continué d’augmenter, atteignant 2 429 900 en 2013, d’après les chiffres publiés par l’INSEE en février 2014, révélant une progression de 1,8 % par rapport à l’année précédente. Cette population comptait près de 647 000 boursiers (10).

1. L’augmentation du nombre des boursiers et l’indexation des bourses

Le Gouvernement entend favoriser l’accès du plus grand nombre aux études supérieures, visant un objectif de 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur. Un des instruments à sa disposition consiste à aider les jeunes à obtenir et conserver le statut d’étudiant. Il a ainsi procédé à une refonte du système de bourses afin d’en faire bénéficier un plus grand nombre d’étudiants tout en aidant davantage les plus démunis d’entre eux.

a. La suppression des bourses au mérite

La fin des bourses au mérite, qui se montent à 1 800 euros annuels pendant trois ans, a été décidée par une circulaire ministérielle de juillet 2014. Le Conseil d’État, saisi en référé, a annulé la décision au motif, d’une part, qu’elle ne pouvait être prise que par décret et, d’autre part, qu’intervenant tardivement, l’annulation créait une situation d’urgence puisque les bénéficiaires, privés d’une partie substantielle de leurs ressources, n’avaient pas le temps de trouver une solution de remplacement pour boucler leur budget.

La décision du Gouvernement était motivée par une augmentation très rapide des bourses au mérite, qui reflète celle des mentions « très bien » au bac, phénomène concentré sur le bac général scientifique. Ainsi, le nombre de boursiers au mérite est passé de 20 934 pour l’année universitaire 2009-2010 à 31 371 pour l’année 2013-2014. En outre, il s’agit d’une aide pluriannuelle sans évaluation ultérieure du mérite.

La décision du Conseil d’État aura un impact évalué à 14 millions en 2015 et 2016, et à 6 millions en 2017.

b. La poursuite de la réforme des bourses

L’ambition du Gouvernement est d’augmenter le nombre de boursiers. Il a décidé d’y consacrer 200 millions d’euros supplémentaires et de modifier le périmètre des bourses sur critères sociaux en créant, d’une part, un échelon 0bis, correspondant à une bourse annuelle de 1 000 euros, au profit des jeunes issus des classes moyennes les moins aisées (entre le niveau 0 qui exonérait l’étudiant de ses frais d’inscription dans un établissement public de l’enseignement supérieur et à la sécurité sociale étudiante, et le niveau 1) ; d’autre part, un échelon 7, équivalent à 5 500 euros, pour les étudiants des familles les plus démunies.

Après avoir consacré 118 millions d’euros de plus aux bourses étudiantes dans la loi de finances pour 2014, la loi de finances pour 2015 comporte une augmentation de 82 millions d’euros, pour atteindre l’enveloppe de 200 millions d’euros annoncée au début du quinquennat.

La réforme votée en 2013 a atteint les objectifs fixés au départ. S’agissant de l’échelon 0bis, ce sont 55 000 bourses qui ont été versées, contre 52 600 attendues. S’agissant de l’échelon 7, on compte 37 400 bourses, contre 32 900 attendues.

Le bénéfice du nouvel échelon de bourse ("0bis") est étendu, à la rentrée universitaire 2014, à 77 500 nouveaux étudiants des classes moyennes aux revenus modestes grâce à un relèvement substantiel, de l’ordre de 20 %, des plafonds de revenus. En revanche, les autres seuils n’ont pas été modifiés.

Par ailleurs, le montant des bourses a été ajusté pour tenir compte de l’inflation (+ 0,7 %).

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX DE 2010 À 2015

Année

Effectifs

Évolution

2009-2010

568 096

 

2010-2011

595 626

27 530

2011-2012

622 365

26 739

2012-2013

632 977

10 612

2013-2014

649 418

16 441

2014-2015 (Prévision)

654 571

5 153

2. La typologie des boursiers par filière

RÉPARTITION DES ÉTUDIANTS BOURSIERS DE L’ANNÉE UNIVERSITAIRE 2013-2014

(en pourcentage)

 

Répartition des boursiers

Proportion d’étudiants boursiers

CPGE

3,5

27

STS

15,8

40

Université hors IUT

64,4

29

IUT

7,8

43

Formations d’ingénieurs à l’université

2

45

Formations d’ingénieurs hors université

3

44

Écoles de commerce

2,4

12

Autres formations

1,1

 

Source : CNOUS, AGLAE, 15 mars 2014.

Ces chiffres reflètent d’une part que les boursiers se concentrent dans certaines filières ou modes de formation, en l’occurrence les STS et les IUT, d’autre part, que, si les écoles d’ingénieurs ont réussi leur démocratisation, ce n’est toujours pas le cas des écoles de commerce.

B. LE LOGEMENT ÉTUDIANT

Pour les étudiants, le logement est le principal poste de dépense, d’autant que le marché du logement est tendu dans nombre de villes universitaires. Il est donc important que les pouvoirs publics veillent à faciliter l’accès au logement des étudiants.

1. Le plan 40 000

Pour donner une véritable impulsion à l’offre de logement étudiant, le Gouvernement a lancé le « Plan 40 000 » qui prévoit la construction de 40 000 logements étudiants en cinq ans. Afin de s’assurer de sa traduction dans les faits, une mission a été confiée le 13 mai 2013 à M. Marc Prévot, inspecteur général de l’équipement, pour suivre étroitement les opérations de mises en chantier de logements étudiants entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017. Il s’agit, au niveau national, de mobiliser tous les acteurs du logement étudiant autour de l’objectif fixé, et au niveau régional, de coordonner les acteurs pour faciliter les opérations. Au 31 mars 2014, le potentiel recensé par la mission « Plan 40 000 » est de 42 916 places dont la construction sera achevée ou engagée au 1er janvier 2018.

La première phase a consisté à définir le périmètre qui couvre tous les logements destinés aux étudiants et qui bénéficient d’une aide à la pierre : logements CROUS, logements construits par des bailleurs sociaux et des HLM, dont la gestion n’est pas confiée à des CROUS, et programmes des promoteurs privés destinés au logement étudiant à tarif social. N’ont été prises en compte que les constructions et les réhabilitations lourdes, par exemple la transformation de casernes en résidences pour étudiants.

Ensuite, contact a été pris avec les acteurs impliqués, notamment les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et de l’habitat (DREAL), les ingénieurs de l’équipement placés auprès des recteurs d’académie pour suivre les questions immobilières et les directeurs de CROUS. Région par région, un inventaire a été dressé des projets inscrits jusqu’en 2017. Ont été ajoutées les données fournées par l’Union de l’habitat social et l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (AIRES), qui regroupe l’ensemble des bailleurs privés présents dans le secteur social.

Les 42 916 places recensées se concentrent à plus de 90 % dans onze académies : Aix-Marseille, Bordeaux, Créteil, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Nice, Paris, Toulouse et Versailles.

Ce travail exploratoire a mis en évidence des spécificités locales qui enlèveraient toute pertinence à des objectifs uniformes, simples mais grossiers, sur tout le territoire. Ainsi, dans le Nord, les étudiants restent davantage chez leurs parents que dans les autres régions. Dans certaines régions, l’offre privée est pratiquement aussi compétitive que l’offre à tarif social, par exemple à Besançon où les loyers sont bas.

Ce recensement reste à actualiser régulièrement avec le ministère du logement. En tout cas, les jalons sont posés.

Parallèlement, il faut lever les obstacles réglementaires qui freinent la construction en général, et le logement étudiant notamment. En particulier, la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public est très lourde et rallonge les délais de réalisation des chantiers. Le ministère de l’enseignement supérieur travaille avec celui du logement en vue de simplifier et de gagner en efficacité pour ne pas repousser dans le temps l’objectif initial.

2. Le parc privé

Des mesures ont été prises dans le cadre de la loi ALUR pour faciliter l’augmentation du parc privé à destination des étudiants.

a. Les résidences étudiantes

La définition, dans la loi ALUR, de la résidence étudiante facilitera la rotation des locataires, puisque désormais le bail ne garantira plus le maintien dans les lieux si les occupants ne sont plus étudiants.

En outre, des dérogations ont été consenties en faveur de ces programmes en ce qui concerne le nombre de places de parking et de logements entièrement accessibles aux personnes handicapées. Ces dérogations devraient relancer la construction de résidences étudiantes.

b. La caution locative étudiante (Clé)

Dans la limite de 500 euros, 600 euros en Île-de-France et 700 euros à Paris, et moyennant une majoration de 1,5 % du montant de son loyer, un étudiant peut obtenir une caution locative. En 2013, l’expérimentation a été annoncée tardivement si bien que 600 dossiers seulement ont été déposés, dont 40 % environ ont été acceptés, soit 250. À la fin septembre 2014, date à laquelle il est raisonnable de penser que la plupart des demandes ont été faites, elles se montent à un peu plus de 5 000 et 2 658 ont obtenu une réponse favorable.

Un fonds de garantie a été constitué en 2013 avec une dotation de l’État de 300 000 euros, abondée du même montant par la Caisse des dépôts et consignations. De leur côté, les régions qui participeront au dispositif s’engageront à apporter 100 000 euros. À l’heure actuelle, des conventions ont été signées avec la Haute-Normandie et Midi-Pyrénées. Des projets de convention ont été validés par les instances délibératives des régions Centre et Nord-Pas-de-Calais et ils seront bientôt signés. La procédure est en cours en Bretagne et en Île-de-France.

Le taux de sinistralité en 2013 a été nul, confirmant le constat fait en Aquitaine où le dispositif de la caution étudiante, qui avait été introduit à titre expérimental, affichait un taux de sinistralité de 0,5 %. C’est lui qui a servi de base aux calculs du dispositif retenu.

c. Les baux de colocation

La colocation est très répandue chez les étudiants et elle gagne aussi parmi les jeunes actifs, en raison du prix élevé des logements dans les grandes agglomérations.

La loi ALUR, dans son article 1er, a défini la colocation comme « la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur ». Un contrat type sera défini par décret.

Les dispositions liées à la clause de solidarité ont été assouplies. En particulier, elle ne vaut plus jusqu’au départ du dernier colocataire, mais prend fin à la date du congé si un nouveau colocataire entre dans les lieux ou, à défaut, six mois après la date du congé.

Par ailleurs, les charges pourront faire l’objet de régularisations forfaitaires, dans un souci de simplification et de visibilité pour les locataires dont le turnover est souvent important.

Enfin, bailleur et locataires pourront convenir de la souscription par le bailleur d’une police d’assurance, simplifiant ainsi les démarches des locataires et procurant davantage de sécurité au bailleur.

C. LA RÉFORME DU PERMIS DE CONDUIRE

La réforme du permis de conduire a été annoncée par le Président de la République le 6 mai 2014 et il a fixé l’objectif d’une réduction des délais de passage des épreuves pratiques en équilibrant les exigences en termes de coût et de sécurité, souvent contradictoires. Clairement, le but de la réforme est non pas un permis très bon marché, mais une bonne formation à un coût raisonnable.

Les jeunes sont particulièrement concernés par ces mesures puisque les candidats âgés de moins de vingt-six ans représentent plus de 81 % des candidats.

L’opinion a été sensible à des campagnes de publicité émanant d’entreprises proposant aux candidats des forfaits très bas, mais qui ne comprennent d’ordinaire que vingt heures de conduite là où il en faut en moyenne trente-cinq. En fait, le coût du permis oscille entre 1 200 et 1 500 euros en France, ce qui la situe dans la moyenne européenne, avec la spécificité d’un examen gratuit.

Le taux de réussite à l’examen en première présentation, qui est composé de deux épreuves, augmente de 0,5 % par an depuis plusieurs années. Il s’est ainsi situé à 59,95 % en 2013 et 60,84 % pour les huit premiers mois de 2014.

Le goulet d’étranglement se situe au niveau de l’inscription aux épreuves et, pour les candidats, l’écueil réside, en cas d’échec, dans le délai qui sépare la première tentative de la seconde. Ainsi, pour les candidats qui échouent à la première tentative, le délai moyen entre deux présentations est aujourd’hui de 98 jours, soit nettement plus de trois mois, sachant que les limites inférieures et supérieures de la fourchette sont respectivement 55 jours dans la Meuse et 160 jours en Île-de-France. Ce laps de temps oblige les candidats à reprendre des heures de cours sur une durée presque équivalente à celle dont ils auront eu besoin pour préparer leur première tentative.

1. Augmenter le nombre de places d’examen

● Modifier les modalités d’attribution des places d’examen

Les places aux examens étaient attribuées aux auto-écoles en fonction de la réussite de leurs candidats à leur premier passage si bien qu’elles étaient poussées à privilégier les candidats quasiment assurés de réussir. Une première modification est intervenue avec l’arrêté du 22 octobre 2014 fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire, qui est désormais proportionnelle à la réussite des candidats en première et deuxième présentations.

● Faire appel à d’autres fonctionnaires que les inspecteurs du permis de conduire

La première initiative a consisté à faire appel à d’autres fonctionnaires que les inspecteurs du permis de conduire, en l’espèce des réservistes de la police et de la gendarmerie, soixante-dix-huit personnes, pour surveiller les épreuves théoriques et libérer ainsi du temps d’inspecteur. Cette initiative s’est traduite par une réduction de trois jours du délai entre deux passages, désormais de 95 jours. Dans le même sens, les préfets pourront puiser dans le vivier des agents publics qui suivront une formation de cinq jours pour remplir le même type de tâche, soit environ 258 personnes.

● Réduire la durée de l’épreuve pratique

Depuis le 1er août dernier, la durée de l’épreuve a été ramenée de trente-cinq minutes à trente-deux du fait de la suppression d’une manœuvre de freinage, en général évaluée pendant le parcours effectué par le candidat, dans le cadre strict de la directive européenne.

● Externaliser l’épreuve théorique et les épreuves pratiques des diplômes professionnels

L’article 9 du projet de loi pour la croissance et l’activité permettra d’externaliser l’épreuve du code et de certains permis poids lourds. Il sera fait appel à des organismes privés, préalablement agréés par les préfectures, pour organiser et surveiller les épreuves théoriques et décharger les inspecteurs qui se consacreront donc essentiellement aux épreuves pratiques. Un appel d’offres sera lancé prochainement dans le souci de préserver un équilibre entre les différents territoires, et le budget prévisionnel est évalué à 45 millions d’euros.

2. Mieux préparer en amont les candidats

● L’attestation scolaire de sécurité routière

L’obtention de l’attestation scolaire de sécurité routière (ASSR) par les élèves de cinquième puis de troisième constitue une étape importante dans la préparation du permis. Le Gouvernement prépare pour la rentrée 2015 une ASSR3 qui sanctionnerait les connaissances des élèves de seconde. La formation dans le cadre scolaire est gratuite et facilitera la préparation des épreuves théoriques du permis de conduire.

● L’apprentissage anticipé de la conduite (AAC)

Il apparaît aussi judicieux de développer l’apprentissage anticipé de la conduite (AAC) dont l’âge minimum a été abaissé à quinze ans. Cette méthode qui autorise les jeunes, qui ont suivi une formation de vingt heures dans une auto-école, à prendre le volant sous la surveillance d’un accompagnateur, pour parcourir 3 000 kilomètres, présente plusieurs avantages, notamment celui de mettre souvent en situation l’apprenti conducteur ainsi familiarisé avec la réalité de la conduite, d’atténuer l’appréhension des candidats au moment de l’épreuve et de réduire le coût du permis. D’ailleurs, les taux de réussite à l’épreuve pratique est nettement supérieur chez ceux qui ont choisi cette option : 73,9 % contre 55,2 % pour ceux qui ont suivi la formation traditionnelle. Des campagnes de promotion ont été lancées en novembre 2014 à la radio et sur internet pour vanter les atouts de l’AAC car 23,6 % des candidats seulement y ont eu recours en 2013 – soit 189 000 jeunes qui ont obtenu le permis de cette façon. L’ambition du Gouvernement est de porter le pourcentage à 50 % en 2017.

3. Des aides financières

a. Les prêts bancaires

Le montant des prêts (600-800-1 000 euros) a été relevé à 1 200 euros. Les prêts sont accordés par les banques, dont les intérêts sont pris en charge par l’État avec un cautionnement par la Caisse des dépôts. Les remboursements pourront s’étaler sur vingt, vingt-sept, trente-quatre et quarante mois. En outre, les jeunes pourront le demander à tout moment, et non plus seulement au début de leur préparation au permis. Bon an, mal an, ce sont entre 80 000 et 90 000 prêts qui sont sollicités.

b. Les aides spécifiques

Le comité interministériel de la sécurité routière du 13 janvier 2009 a décidé de soutenir les candidats le plus en difficulté par une aide financière et un accompagnement particulier, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi et les allocataires du RSA. En juin 2010, Pôle emploi a mis en place à leur intention un dispositif d’aide à l’obtention du permis de conduire de catégorie B. En 2010, 26 429 aides ont été distribuées, dont 22 636 aux allocataires du RSA dans le cadre de l’aide personnalisée de retour à l’emploi (APRE). L’année suivante, et ce sont les derniers chiffres connus, le nombre est monté à 33 474, dont 23 686 pour les allocataires du RSA. Cette aide spécifique n’existe plus depuis fin 2012.

Depuis le 1er janvier 2013, seule subsiste l’aide de droit commun. Pôle emploi a refondu son dispositif d’aide à la mobilité qui peut être délivrée au demandeur, qu’il soit en recherche ou en reprise d’emploi, voire en formation. L’aide, plafonnée à 1 200 euros, n’est accordée que si le frein à l’embauche est avéré. Elle est versée directement à l’auto-école, selon un calendrier prévu pour accélérer l’apprentissage de la conduite et le passage de l’examen, mais la décision prend en considération toutes les dépenses auxquelles le demandeur s’expose dans ce cadre (frais de déplacement et d’hébergement notamment).

Enfin, la convention-cadre nationale de partenariat sur la conduite accompagnée des apprentis dans l’artisanat pour la prévention du risque routier professionnel, conclue le 8 juillet 2010, entre la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et la Délégation à la sécurité et à la circulation routières, d’une part, et l’Union professionnelle artisanale (UPA), la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), la Confédération nationale de l’artisanat et des métiers de service et la Confédération générale de l’alimentation en détail, d’autre part, n’a pas produit les effets escomptés, puisque le bilan dressé au 31 août 2013 ne recensait que 50 démarches entreprises et 10 permis obtenus dans ce cadre. Il s’agissait pourtant d’une piste intéressante qui pourrait être rouverte avec le plan de relance de l’apprentissage.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité examine le présent rapport lors de sa réunion du 29 janvier 2015.

Mme Martine Pinville, présidente. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser le président Bartolone, qui ne peut être présent ce matin.

L’article 146-3 du Règlement dispose que les rapporteurs du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques présentent au Comité un rapport de suivi de la mise en œuvre de leurs conclusions à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication de leur rapport initial.

C’est sur le fondement de cet article que nous allons aujourd’hui examiner le rapport de suivi de l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, qui nous avait été présenté au mois de décembre 2013.

Nos deux rapporteurs sont Régis Juanico, pour la majorité, et Jean-Frédéric Poisson, pour l’opposition.

M. Régis Juanico, rapporteur. Nous avons remis, au mois de décembre 2013, le rapport intitulé « Construire des parcours de progression sociale pour et avec les jeunes ». Ce rapport initial recommandait trois pistes d’action : une gouvernance plus efficace qui associe mieux les jeunes à la conduite des politiques publiques ; une réforme de l’orientation qui laisse plus de place aux choix individuels et une adaptation de l’offre de formation qui rende plus visibles les filières professionnelles et fasse de la lutte contre le décrochage scolaire la priorité des priorités des politiques publiques ; un renforcement des aides à l’emploi et à l’autonomie des jeunes, ce qui passe notamment par une simplification des aides à l’insertion et la création d’un droit de tirage via le compte personnel de formation (CPF) et par un réaménagement des aides au logement, des bourses d’études et du permis de conduire.

Un peu plus d’un an après, nombre de nos préconisations ont été engagées, notamment à travers le plan « Priorité jeunesse », ou reprises dans un certain nombre d’annonces du ministère de l’éducation nationale – je pense notamment à l’orientation et au décrochage scolaire –, dans des lois comme celle sur la formation professionnelle ou en matière d’aide à l’insertion des jeunes. Je pense à la garantie jeunes et plus récemment aux mesures de simplification du permis de conduire qui figurent dans le projet de loi présenté par M. Macron.

Ces réformes vont dans le bon sens même si certaines restent à traduire concrètement dans la vie des jeunes. C’est ce sur quoi nous vous proposons de faire le point ensemble.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Nous avons constaté une forme de continuité d’une génération à l’autre, de reproduction sociologique du statut, plus importante en France que dans d’autres pays, ce qui signifie que les jeunes Français ont davantage de mal à s’élever au-dessus de la condition de leurs parents et à accéder à l’autonomie. Lors de notre déplacement à Saint-Etienne, on nous a expliqué que, malgré un nombre important de dispositifs de soutien, d’aides, d’acteurs sociaux, etc., les jeunes éprouvaient de grandes difficultés à accéder à la formation, et tout simplement à quitter leur quartier. Ils ont du mal à sortir de leur milieu d’origine pour aller chercher ailleurs des solutions favorisant leur autonomie, leur insertion dans la vie professionnelle et sociale.

Par ailleurs, contrairement aussi à ce qui se passe dans d’autres pays européens, le schéma d’apprentissage est dominé par le modèle selon lequel on se forme d’abord et on travaille ensuite. En France, on ne sait pas se former un peu, puis travailler, puis continuer à se former et recommencer à travailler, etc.
On – c’est-à-dire les employeurs – privilégie une sorte de parcours linéaire qui empêche les jeunes de travailler tant qu’ils ne se sont pas suffisamment formés. Naturellement, les choses évoluent, mais ce modèle est encore extrêmement présent dans les esprits. Cela pose la question de la capacité des enseignants à imaginer d’autres schémas, à appréhender le monde de l’entreprise, et aussi la question des passerelles qui doivent exister entre les deux. Cette situation a été pointée dans le rapport que nous avons remis il y a un an, mais elle est encore extrêmement prégnante.

Cela dit, on constate tout de même que l’accès aux diplômes d’enseignement supérieur est plus facile maintenant, et plus largement ouvert à des personnes issues de milieux qui ne sont pas favorisés à l’origine, ce dont il faut se féliciter. Toutefois, on note une forte prégnance de l’échec scolaire en France, et les comparaisons par rapport aux pays voisins ne sont pas flatteuses, ce qui, d’une certaine façon, vient contrebalancer cette possibilité élargie d’accès à l’enseignement, y compris supérieur.

L’accès au baccalauréat est plus difficile pour les élèves issus des catégories sociales défavorisées, et il y a une sorte de pré-orientation vers l’enseignement professionnel. Grosso modo, un élève qui ne réussit pas dans les filières d’enseignement général part dans l’enseignement professionnel, où l’on a moins besoin d’être bon en français et en mathématiques. On considère que c’est une solution qui permet à peu de frais de maintenir sous statut scolaire des jeunes dont on estime qu’ils n’ont pas grand-chose à faire dans l’enseignement général.

Vous trouverez, à la page 4 de la synthèse de notre rapport, un schéma qui montre l’empilement des mesures d’aide à l’emploi des jeunes… Si quelqu’un s’y retrouve, qu’il le dise ! Pour notre part, nous n’avons toujours pas compris. Le rapport initial contient un bel organigramme en couleur patiemment préparé par les services – ils ont dû s’y reprendre à huit reprises pour le faire – qui explique qui décide quoi. Vous avez là la preuve de l’incapacité de la puissance publique à proposer un schéma clair.

M. Jacques Myard. Quelle somme est consacrée aux politiques publiques en faveur de la jeunesse ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Les politiques publiques en faveur des jeunes bénéficient de 85 milliards d’euros par an, dont 25 milliards hors éducation nationale pour la tranche des 6-25 ans.

M. Régis Juanico, rapporteur. J’en viens à l’adaptation des parcours de formation initiale, et plus particulièrement à la question de l’orientation.

Nous estimons que l’orientation doit être moins subie et mieux choisie. Cela nécessite que les collégiens soient sensibilisés beaucoup plus tôt au monde du travail. Dans le cadre du collège dit unique, nous avions dit qu’il fallait une offre diversifiée de formations, du type troisième alternative, qui s’adapte aux publics les plus défavorisés.

Un an plus tard, des changements sont intervenus qui découlent de l’article 47 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République puisqu’au parcours de découverte des métiers et des formations (PDMF) s’est substitué le parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel (PIIODMEP). Ce nouveau parcours, qui concerne tous les élèves, commencera dès la sixième, comme nous l’avions préconisé dans le rapport, et non plus en cinquième. Il repose sur des pratiques pédagogiques innovantes, et notamment des ressources numériques qui sont mises en place dans les établissements, même si le plan numérique est encore en gestation et qu’il sera appliqué en 2016. Il contient des outils intéressants, puisque l’on apprend aux élèves, dès le collège, à rédiger un curriculum vitae ou une lettre de motivation.

Cette réforme de l’orientation au collège ne pourra réussir que si l’on trouve tous les relais nécessaires dans tous les établissements : chefs d’établissement, professeurs principaux, enseignants, conseillers d’orientation-psychologues, mais aussi tous les personnels éducatifs. Cela nécessite une mobilisation de tous les jours.

Nous avions insisté également sur l’implication des familles dans les choix d’orientation de leurs enfants. Une expérimentation a été réalisée dans 107 collèges depuis la rentrée 2013 ; elle associe plus étroitement les familles au choix d’orientation et leur permet de choisir en fin de troisième. Cette expérimentation n’a pas bouleversé fondamentalement les décisions effectives d’orientation, prises par les enseignants notamment, mais on a constaté une responsabilité accrue des parents, ce qui induit une plus grande implication de leur part dans le choix d’orientation. Par ailleurs, cela stimule les équipes éducatives. Il n’y a donc que des avantages à impliquer davantage les parents.

Une autre expérimentation a été évaluée, dans le cadre du Fonds d’expérimentation de la jeunesse. Elle concerne la « mallette des parents » en troisième. Cette méthode, qui va être généralisée, permet aujourd’hui, à travers deux réunions avec les parents d’élèves, de réduire de 30 % le redoublement et le nombre de décrocheurs potentiels. Cela veut dire que si l’on a un accompagnement, si l’on associe mieux les parents au choix d’orientation de leurs enfants, on peut obtenir des résultats très concrets. J’ajoute que ce dispositif efficace coûte très peu cher aux finances publiques.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Nous avions insisté sur la nécessité de former les enseignants à l’orientation. Certes, des textes existent déjà qui font de ce type de formation un objectif, parfois même une obligation. C’est le cas notamment de l’arrêté du 27 août 2013. La Cour des comptes a indiqué qu’il fallait intégrer cette dimension dans la formation des enseignants. Mais on constate que tout cela est très peu suivi d’effets.

Les documents de l’ONISEP sont bien conçus, mais ils demeurent d’un accès assez difficile. J’ai consulté, par curiosité, le site de l’ONISEP relatif à la région Poitou-Charentes. Le document d’orientation en fin de troisième, qui est destiné à tout le monde, fait soixante-quatorze pages, celui de fin de seconde quarante-deux pages. Il est en couleurs, très agréable à lire, très complet, mais on y retrouve tous les défauts du système actuel, c’est-à-dire un empilement de mesures dans lesquelles il est difficile de trouver une cohérence quand on n’est pas un « professionnel de la profession », selon l’expression de Jean-Luc Godard. Je mets un parent, qui se pose des questions sur le sort de son rejeton à la fin de la classe de troisième, au défi de s’y retrouver. Il faut donc faire en sorte que ceux qui publient de telles brochures aient une démarche plus simple et moins exhaustive.

En outre, la formation des enseignants à l’orientation ne concerne pas les enseignants déjà en activité alors que, bien évidemment, ils ne sont pas moins concernés que leurs collègues. Il faut donc l’élargir à l’ensemble des enseignants.

La manière d’intégrer les parents dans l’école et de faciliter les échanges entre les enseignants et le monde économique est surtout une question de culture. Il n’est pas nécessaire de légiférer, et il y a des gens qui font des choses formidables dans leur coin. Ce n’est donc pas un problème de moyens ni d’outils, mais de regard et de culture. C’est pour cela que le sujet est aussi difficile.

M. Régis Juanico, rapporteur. J’en viens maintenant à l’orientation scolaire intégrée au service public régional de l’orientation (SPRO). La loi sur la formation professionnelle fait de la région le pivot du SPRO tout au long de la vie professionnelle. C’est une bonne méthode qui pourra être reprise dans d’autres domaines, peut-être dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Ce système a été expérimenté dans huit régions. Pour notre part, nous avons auditionné la région Centre. Ce qui a été expérimenté nous a paru très convaincant. L’État définit au niveau national la politique d’orientation des élèves et des étudiants, mais c’est la région qui élabore un plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle et qui coordonne les acteurs. Ce schéma pourrait être reproduit pour d’autres politiques publiques.

Un accord-cadre relatif au service public régional de l’orientation tout au long de la vie et à la prise en charge des jeunes sortant sans diplôme du système de formation initiale a été signé entre l’État et l’Association des régions de France (ARF). Certes, nous allons attendre l’évaluation de l’expérimentation dans les huit régions, mais il existe déjà un service public régional de l’orientation, avec des actions coordonnées qui permettront un meilleur accès aux informations.

Toutefois, je mettrai un bémol. Nous avions préconisé un portail unique d’information et d’orientation, comme pour la lutte contre le décrochage scolaire. Or nous avons l’impression d’une information limitée, compartimentée par région, qui ne répond pas aux questions que se posent, par exemple, ceux qui souhaitent savoir comment être logé, accueilli ou transporté dans une région alors qu’ils viennent d’une autre. Il y a là certainement matière à améliorer les choses. Il ne faut pas perdre de vue cette ambition de constituer, sur l’ensemble du territoire national, un portail unique d’accès aux informations concernant l’orientation scolaire et professionnelle.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Comme notre sujet initial concernait la mobilité sociale des jeunes et leur accès à l’autonomie, donc à l’emploi, nous nous sommes penchés sur l’apprentissage. Mais je rappelle que nous avons écarté tout ce qui touche à l’éducation nationale en tant que telle, c’est-à-dire le statut des enseignants ou le contenu des programmes.

Si le nombre d’apprentis n’augmente pas, il ne régresse pas non plus, en dépit des mesures récentes de rehaussement des seuils à partir desquels les entreprises sont éligibles à la prime d’apprentissage. Ainsi, une prime de 1 000 euros par apprenti et par an est accordée aux entreprises de moins de onze salariés, et une prime unique de 1 000 euros est versée par la région aux entreprises de moins de 250 salariés en cas d’embauche supplémentaire On constate qu’une très forte proportion de ces contrats d’apprentissage bénéficie de ces primes.

Le dispositif est encore très difficile d’accès pour les jeunes très peu qualifiés. Mais il ne s’agit plus uniquement d’un problème d’origine sociale. Il y a des jeunes d’origine sociale plutôt favorisée qui n’ont pas de qualification, et il y a des cancres de famille riche. Ceux-là ne trouvent pas plus que les autres de possibilité d’apprentissage. Or l’apprentissage est la manière la plus efficace et la plus rapide d’entrer sur le marché du travail. En la matière, il convient donc de faire des efforts particuliers.

Nous avons aussi évacué de notre réflexion ce débat sans fin qui consiste à savoir si la droite traitait mieux que la gauche l’apprentissage, ou inversement. En tout état de cause, et malgré les systèmes mis en place, on ne sait toujours pas comment parvenir à cet objectif de 500 000 apprentis d’ici à 2017, ni comment traiter le problème des jeunes sans qualification et qui n’accèdent pas à des filières de l’apprentissage.

M. Régis Juanico, rapporteur. M. Poisson met le doigt sur un constat qui peut être unanimement partagé, c’est-à-dire qu’il faut éviter une politique de stop and go ou de changement constant de règles, comme ce fut le cas il y a quelques années pour les contrats aidés. Quand on veut parvenir à l’objectif qu’on s’est fixé, surtout lorsqu’il s’agit d’un objectif quantitativement ambitieux, mieux vaut reconnaître ses erreurs, même si elles remontent à six mois ou à un an seulement, et corriger le dispositif, que persévérer dans l’erreur. Le dispositif est désormais stabilisé, et il faut absolument le maintenir afin de garantir le recrutement d’un certain nombre d’apprentis, notamment de faible qualification.

La loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle comporte des mesures nouvelles. D’abord, les centres de formation d’apprentis (CFA) ont désormais la possibilité d’aider les apprentis à trouver des contrats d’apprentissage. Par ailleurs, le compte personnel de formation (CPF) sera ouvert, dès l’âge de quinze ans, aux titulaires d’un contrat d’apprentissage. Ce compte peut faire l’objet d’abondements en heures pour assurer une formation. La loi prévoit également une possibilité d’embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) pour les apprentis.

Nous avions clairement établi que la question du double hébergement constituait un frein à l’apprentissage. Des efforts ont été réalisés dans le cadre du plan d’investissement d’avenir (PIA). 8 600 places ont été construites, dont 80 % ont servi à des apprentis et le PIA 2 prévoit 12 000 places supplémentaires d’ici à 2020, en privilégiant les lycées professionnels et les zones en tension.

Là aussi, je mettrai un bémol. Le logiciel AFFELNET, qui permet de recenser les vœux d’orientation des élèves, ne prend toujours pas en compte l’offre des CFA. Par ailleurs, il faut mieux faire connaître les possibilités d’hébergement et les aides annexes bien en amont des choix.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Il peut y avoir une forme d’hiatus entre le statut des apprentis et le type de contrat qu’ils doivent signer, ce qui dissuade certains maîtres d’apprentissage de recruter. C’est pourquoi nous avions invité les partenaires sociaux à inclure le plus régulièrement possible cette question dans le programme de négociations, afin de faire évoluer le statut juridique des apprentis et de rassurer ainsi le futur employeur. On sait bien que, parmi les freins à l’embauche d’un apprenti, certains touchent à l’application du droit du travail, mais je n’ai pas trouvé trace de réflexions ni d’évolutions à ce sujet, en particulier dans les conversations en cours.

J’en viens à la transition entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Là encore, notre réflexion n’a pas porté sur le fait de savoir s’il était pertinent que 50 % des étudiants obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur. Nous sommes allés sur le terrain, au lycée public Pierre-Mendès-France de Rennes notamment, où nous avons constaté qu’il existe des mécanismes de transition, de facilitation, pour acclimater plus rapidement les étudiants de terminale au milieu universitaire et éviter que le saut qualitatif entre ces deux univers, qui demeurent assez largement indifférents l’un à l’autre, ne soit trop brusque. Ce principe vaut aussi entre le collège et le lycée. Le passage d’un niveau à l’autre n’est pas bien assumé aujourd’hui par le système en place, et il ne fait pas l’objet de documents d’ordre général.

Il faut apprendre à traiter les trois années qui précèdent et les trois années qui suivent le baccalauréat comme un bloc pédagogique sans rupture au milieu, faute de quoi on ne permettra pas aux élèves sortant de terminale de bien appréhender l’université, où ils sont trop souvent livrés à eux-mêmes. Et comme les bacheliers que « produit » l’enseignement secondaire sont moins à même que par le passé d’acquérir des connaissances nouvelles de manière autonome, l’université représente pour eux une marche beaucoup plus haute à franchir. Que l’on soit d’accord ou non avec l’objectif de 50 % de diplômés de l’enseignement supérieur, il faut absolument favoriser des systèmes d’orientation dès la classe de première et prévoir des conventions particulières entre les différents établissements concernés.

Une fois de plus, nous avons constaté que beaucoup d’initiatives existent déjà, qu’elles sont mises en place de manière pragmatique par les équipes pédagogiques, les parents, les entreprises, les organisations professionnelles, les centres d’apprentissage. Un texte normatif n’est pas forcément nécessaire.

Les « cordées de la réussite » sont des mécanismes d’accompagnement d’élèves du secondaire ou de classe préparatoire par des établissements du supérieur et des entreprises. Leur déploiement, selon que la zone concernée est urbaine ou rurale, pose la question de la mobilité géographique et des moyens car, plus les distances à parcourir sont grandes, plus les déplacements sont compliqués pour les élèves, et onéreux, ce qui grève les budgets.

La loi du 11 juillet 2014 comprend des dispositions qui encadrent de manière plus précise les stages : remboursement des frais de transport, tickets-restaurant, gratification. En fait, on ne sait pas si le fait de rémunérer les stagiaires constitue ou non un handicap à leur recrutement. J’ai soutenu, dans la discussion de la loi du 20 août 2008, des mesures relatives à la rémunération des stagiaires. Comme un employeur qui accueille un stagiaire plus de deux mois doit désormais lui verser une gratification, il n’y a pas de raison que le stagiaire ne soit pas éligible aux dispositifs sociaux ouverts aux autres salariés.

M. Régis Juanico, rapporteur. Venons-en aux dispositifs de deuxième chance. La lutte contre le décrochage scolaire est l’un des axes fondamentaux. Que, chaque année, 140 000 à 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme ni qualification constitue un véritable gâchis économique et social. Un plan national de lutte contre le décrochage scolaire a donc été annoncé.

Les travaux préparatoires ont mis en évidence que le niveau de mathématiques en sixième joue un rôle fondamental. On observe en effet que, parmi les 10 % des élèves les plus faibles en mathématiques, près d’un sur deux a quitté le système scolaire sans diplôme, et que les enfants de milieux défavorisés sont surreprésentés dans cette catégorie. Ces travaux préparatoires ont montré également le poids de l’orientation subie dans le décrochage scolaire. L’absentéisme frappe surtout l’enseignement professionnel et, dans l’académie de Lyon, une étude met en évidence un taux de décrochage scolaire plus élevé chez les élèves qui choisissent le lycée professionnel le plus proche de chez eux sur un plan géographique. Enfin, le décrochage a un caractère progressif. Les risques de décrochage sont plus élevés lors des changements de cycle et au retour des vacances ou des stages.

Je rappelle brièvement les grandes lignes du plan de lutte contre le décrochage scolaire : la mise à disposition d’un numéro national unique, la mobilisation de tous les acteurs, l’implication des parents, le renforcement de la prévention notamment par le suivi des absences, les dispositifs de remédiation. Nous avions aussi souligné tout l’intérêt des micro-lycées, des écoles de la deuxième chance. Certains de ces dispositifs de deuxième chance seront évalués cette année par la Cour des comptes.

On constate une baisse du décrochage scolaire, que l’on peut expliquer par la modification méthodologique des questionnaires. Le taux de sortants se situe aux alentours de 9,7 %, sachant que l’objectif est de parvenir à 9,5 %.

La Garantie jeunes est un dispositif nouveau qui va tout à fait dans le sens de la simplification des aides à l’insertion professionnelle des jeunes les plus en difficulté. Vous connaissez le mécanisme : en contrepartie d’un parcours d’intégration, d’insertion et de mise en situation professionnelle, un jeune de dix-huit à vingt-cinq ans, sans qualification, qui ne touche pas le RSA, recevra une allocation d’un montant de l’ordre d’un peu plus de 400 euros. La mission locale est chargée, dans les six à huit premières semaines, de suivre, dans un cadre collectif et de façon très étroite, ces jeunes et de les mettre en situation professionnelle par le biais de stages, de CDD, d’immersion dans les entreprises. En échange, l’État verse aux missions locales 1 600 euros par jeune concerné. Ce dispositif, expérimenté dans une vingtaine de territoires français, sera étendu à soixante-dix territoires, répartis dans toute la France, l’objectif étant de passer de 10 000 à 50 000 jeunes, pour toucher les plus précaires et les plus pauvres. Certes, il existe des difficultés pratiques liées à la montée en charge du dispositif, mais nous les avons identifiées en auditionnant les acteurs de terrain. Nous mentionnons dans le rapport les améliorations que les missions locales nous ont suggérées. Nous souhaitons en particulier qu’au volet « insertion professionnelle » soit ajouté un volet « santé publique », car on constate souvent un état sanitaire dégradé chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Nous avons constaté avec satisfaction que la loi du 5 mars 2014 a rendu le compte personnel (CFP) de formation plus accessible aux jeunes qui n’ont pas d’expérience ni de qualification professionnelle particulière. Ceci leur permettra d’acquérir le socle de compétences nécessaire à la suite de leur vie professionnelle, ou de suivre des formations répertoriées, agréées par les branches ou les collectivités. S’ils le souhaitent, les conseils régionaux peuvent accompagner la démarche des jeunes, qui pourront éventuellement conserver leur statut scolaire pendant leur formation, ce qui évite les ruptures définitives. Comme il est généralement difficile de retourner à l’école lorsqu’on l’a quittée, mieux vaut mêler les différents modes de formation. Par ailleurs, le regard porté par les entreprises sur les jeunes non qualifiés doit évoluer : il faut les mettre en confiance afin de les inciter à s’engager plus avant dans ce genre de recrutement.

Une grande loi sur le travail est attendue. J’insisterai, lors de sa discussion, sur la nécessaire simplification du recours à la validation des acquis de l’expérience (VAE), évoquée dans la version initiale du rapport, car celle-ci est difficile pour une population souvent mal à l’aise à l’écrit. Je mets au défi quiconque, placé dans de telles conditions, de remplir un dossier et de le faire aboutir avec succès sans accompagnement. Il y a là un réel enjeu de simplification, car c’est un outil intelligent qu’il faut absolument maintenir. Le problème est qu’il a été conçu par des universitaires pour des gens qui n’ont, pour la plupart, pas vocation à le devenir. C’est assez regrettable, car chacun s’accorde à reconnaître que l’absence de diplôme ne signifie pas que l’on n’a rien appris en deux ou trois ans d’exercice d’un métier. L’expérience mérite d’être prise en compte, et les certifications professionnelles de branche sont un système qui fonctionne très bien. Il ne faut pas que les textes eux-mêmes, qui relèvent plus du domaine réglementaire que législatif, constituent un handicap supplémentaire pour ceux qui ont du mal à entrer dans le dispositif.

M. Régis Juanico, rapporteur. Nous avons fait une proposition ambitieuse au sujet de l’autonomie des jeunes, et des bourses étudiantes en particulier, sur la base du constat qu’environ 650 000 étudiants, soit 35 %, bénéficient de bourses, ce qui constitue une progression de 14 points en cinq ans : nous demandons que cette proportion atteigne, à terme, 50 %. Le Gouvernement a créé un échelon 0 bis, destiné aux classes moyennes et assorti d’une bourse de 1 000 euros par an, permettant de couvrir des publics qui, jusque-là, ne l’étaient pas, et porté à 5 500 euros par an le montant des bourses pour les étudiants les plus défavorisés, ceux de l’échelon 7. Nous étions favorables au maintien des bourses au mérite, que nous considérions comme un instrument de la méritocratie, moyennant un aménagement du dispositif pour tenir compte du fait que le nombre des mentions très bien s’est considérablement accru ces dernières années. Nous n’avons pas été suivis sur ce point, mais on peut évaluer à 200 millions d’euros l’augmentation des dotations destinées aux bourses. Il s’agit d’un indéniable progrès, qui bénéficie en majorité aux étudiants des filières technologiques plutôt qu’à ceux des écoles de commerce.

Dans les domaines du logement et du permis de conduire, des progrès ont été accomplis, certes, mais ils demeurent insuffisants. S’agissant du logement étudiant, 43 000 places seront créées d’ici 2018, notamment par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et par les bailleurs sociaux. Dans les académies où la situation est la plus tendue, un effort a été consenti en faveur du logement dans le parc privé, avec les baux de colocation puis avec la création de la caution locative étudiante, pour laquelle le nombre de dossiers acceptés a été multiplié par dix entre 2013 et 2104.

En ce qui concerne le permis de conduire, nous avons recommandé dans notre rapport de faciliter son accès en réduisant les délais et en abaissant le coût. Le ministre de l’intérieur avait pris certaines mesures : allongement de la durée de validité de l’épreuve théorique, aménagement des modalités d’attribution des places d’examen, habilitation d’organismes agréés supplémentaires pour l’épreuve théorique. Nous avons insisté sur le volet scolaire et nous avons été suivis : la sensibilisation à la sécurité routière sera renforcée, particulièrement en classe de seconde. Nous avons toutefois identifié une difficulté : une convention avait été passée avec les organismes représentatifs des entreprises utilisant beaucoup d’apprentis – Union professionnelle artisanale (UPA) et Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) –, qui permettait de développer l’apprentissage anticipé de la conduite, formule couronnée de succès par un fort taux de réussite et par un taux d’accident et de mortalité réduits à 20 %, mais cette convention n’a pas produit ses effets, ce qui est regrettable car l’absence de permis de conduire constitue un frein à l’apprentissage.

Telles sont, madame la présidente, les grandes lignes du contenu de notre rapport de suivi du rapport déposé il y a un an sur la mobilité sociale des jeunes.

M. Jean-Yves Caullet. Je salue la qualité de ce rapport, qui ne se résume pas à une évaluation des dispositifs existants, assortie de préconisations, mais qui met également au jour des pratiques très positives et trop peu connues.

La mobilité des jeunes est nécessaire pour la formation, pour l’emploi, pour l’autonomie en général, et l’on voit bien que les handicaps, qu’ils soient financiers, sociaux ou géographiques, ont une fâcheuse tendance à se cumuler. Le milieu rural en fournit une bonne illustration, et toute la carte des formations est à revoir, car elle reste pensée en fonction de la proximité géographique. Les étudiants de Harvard sont loin d’habiter tous à vingt kilomètres de leur université, et j’ai pu constater dans ma propre circonscription que déplacer de sept kilomètres un lycée pose un problème à la fois pratique, social et culturel. Il y a vingt-cinq ans, j’ai expérimenté une formule de précontrat en fin de troisième : études payées, débouchant sur un recrutement. J’ai réuni toutes les administrations et tous les organismes concernés : tous m’ont dit que c’était impossible, et pourtant nous l’avons fait. Des jeunes qui seraient restés chez eux, en se contentant des formations disponibles sur place, sont allés habiter pendant trois ans en internat, à 200 kilomètres, et ont trouvé du travail à leur retour. La preuve est donc faite que c’est possible et que ça ne coûte pas très cher. Si on laisse les établissements ou les centres de formation monter des formations de leur côté, et les jeunes et leurs familles se débrouiller avec ce qu’on leur propose, ça ne marche pas. Il faut qu’à un moment donné les deux parties se rencontrent pour surmonter les obstacles. Sinon, les familles les moins aisées n’ont jamais la force pour le faire.

La linéarité constitue, elle aussi, un écueil. Une étude du CNRS a montré que le choix d’orientation des jeunes est conditionné par les métiers qu’ils peuvent observer dans leur vie quotidienne. Les jeunes urbains s’orientent très rarement vers l’élevage, et les jeunes ruraux très peu vers l’informatique. Il faut donc ouvrir le champ des possibles à ceux pour qui il est le plus réduit. Les enseignants, que je respecte beaucoup par ailleurs, n’ont pas dans leur formation l’obligation de passer un CAP, ce qui leur conférerait une certaine forme d’exemplarité auprès de leurs élèves et pourrait créer une proximité entre les différents types de formation. Je pense également que, quelle que soit la réussite future d’un jeune, il faut lui demander de passer, vers la troisième, la partie théorique d’une des dix grandes familles de CAP. De cette façon, un jeune qui se trouve bloqué en fin de première ou après le bac pourra mettre à profit cette base acquise sans régresser et, le moment venu, se comparer à des personnes exerçant d’autres professions, comme du temps du service national, où l’on s’entendait souvent demander combien de fautes on avait commis lors du certificat d’études...

Le tableau des aides est un casse-tête, une sorte de Rubik’ cube, une matrice tridimensionnelle irrésolue. Il faut passer de l’obligation contrôlée, comparable à une montre suisse tellement perfectionnée qu’elle ne fonctionne plus, à une initiative responsable. Il faut accepter que ceux qui ont des décisions à prendre assument leurs choix et rendent des comptes. C’est là la voie de la simplification.

Par ailleurs, le rapport envisage-t-il un lien entre les dispositifs présentés et l’engagement citoyen, dans le service civique notamment ?

La question se pose, enfin, du mérite et de la mention. Pour ma part, je ne suis pas sûr d’avoir eu beaucoup de mérite à obtenir une mention. Il y a plus de mérite, même à un niveau de moindre reconnaissance, à s’élever, à monter la marche supérieure lorsqu’elle est haute, qu’à se maintenir au sommet quand on s’y trouve déjà. Pour moi, le mérite ne se confond pas avec l’élite.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. J’ai beaucoup appris de ce rapport, dont je salue la qualité. Je m’interroge sur le déterminisme social et la reproduction des inégalités, qui font qu’un enfant d’ouvrier ou d’employé devient souvent ouvrier ou employé lui-même. Le rapport a-t-il déterminé les causes de ce phénomène sur lesquelles il conviendrait d’agir ?

Par ailleurs, si les conditions de stage se sont améliorées, je constate que beaucoup de jeunes ne trouvent pas de stage. La caricature pourrait être celle de l’enfant de parents turcs se résignant à travailler au kebab du coin… Je suis effarée de voir des jeunes qui, bien que possédant les diplômes requis, ne trouvent pas de stage en cabinet d’avocats du fait de leurs origines. L’accès au premier stage est très important, car c’est par lui que se constitue un premier réseau professionnel. Mais les candidats au stage sont souvent sous-utilisés ou occupent des postes subalternes. Comment faire pour que chacun obtienne un stage correspondant à son niveau d’études ? Je m’interroge sur le bien-fondé du versement de 1 600 euros à la mission locale en échange d’un travail qui constitue sa vocation naturelle.

Les auteurs du rapport ont-ils été confrontés, en tant que parents, aux documents d’orientation ? Même avec un bon niveau d’études, ils sont incompréhensibles lorsque votre enfant ne suit pas la voie royale.

Enfin, je veux dénoncer une incohérence : un élève qui s’engage dans l’apprentissage d’une langue ne pourra pas toujours, notamment s’il change d’orientation, continuer cet apprentissage.

M. Jacques Myard. S’agissant de la « balkanisation » des aides, pourquoi n’avoir pas proposé la création d’une autorité indépendante ou d’une administration de mission qui rationaliserait ce labyrinthe, remettrait de l’ordre et éliminerait les doublons, pour ensuite y associer l’Éducation nationale ? Le rapport insiste sur la nécessité d’arriver à 500 000 apprentis, et prétend que leur nombre est stable, alors qu’un tableau montre qu’entre 1994 et 2005 il a singulièrement crû. La raison en est connue : le tissu économique français se délite. Les entreprises sont remplacées par des TPE ou des EURL, généralement créées par des cadres. C’est la conséquence des choix macroéconomiques désastreux effectués depuis trente ans.

En ce qui concerne le permis de conduire, chaque fois que j’ai réfléchi à un système d’aide, les auto-écoles m’ont fait la même recommandation : ne donner les aides qu’une fois le permis obtenu, sinon le taux de décrochage est trop important.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Merci, chers collègues, pour vos appréciations sur le rapport.

En ce qui concerne le déterminisme social, je ne suis pas particulièrement « bourdieusien », mais, comme tout le monde, je constate que le regard porté sur les quartiers et sur les personnes, lui, existe bien. Avons-nous proposé des solutions ? Oui. Le rapport initial s’attachait particulièrement aux voies de sortie de ces environnements au sein desquels les individus restent confinés faute de moyens matériels. Élu d’une circonscription rurale d’Île-de-France, je vois bien que, là où il y a des moyens de transport, il y a des centres de formation, et que, là où les premiers font défaut, les seconds sont absents. C’est l’un des effets du cloisonnement que nous avons constaté partout ; ce pays meurt du cloisonnement. Il faut faire entrer tous ces univers en communication les uns avec les autres.

Lorsque nous demandons le regroupement des aides au sein des services régionaux, tant le système est complexe et les acteurs multiples, on nous répond : « Laissez-nous nos pauvres, sans eux nous ne pouvons pas fonctionner » ! Certes, mon propos est caricatural, mais l’imbroglio semble impossible à démêler. Nous attendons de voir ce que proposera le projet de loi NOTRe. Nous avons déposé des amendements par le passé, et il n’est pas impossible que nous en redéposions certains dans le cadre de ce nouveau débat.

S’agissant du décloisonnement, le rapport évoque l’expérience conduite dans le collège d’Andrézieux, dans la Loire, où les élèves ont fait des enquêtes sur les divers métiers exercés au sein de l’établissement. On a fait venir les parents qui n’étaient plus venus à l’école depuis longtemps, et on a mis les gens en relation au lieu de se borner à leur dire qu’il y avait un centre de décision qui distribuait des aides. On ne peut pas se contenter de cocher des cases et de voir, après benchmarking, si les gens entrent dedans. Il est faux de dire qu’il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas : beaucoup d’acteurs locaux n’y parviennent pas non plus…

Aux missions locales, nous avons régulièrement posé la question de savoir combien coûte un jeune accompagné. Nous n’avons jamais obtenu le même chiffre, car il varie en fonction des interlocuteurs et donc, des bases de calcul. Ainsi, il est très difficile d’estimer le montant des aides délivrées par les collectivités locales : certaines sont en numéraire, d’autres en nature.

Sur le permis de conduire, nous sommes dans la plus grande incertitude puisque le projet de loi dit Macron est en cours d’examen et que nous ne savons pas, à cette heure, ce que contiendra son article 9.

M. Régis Juanico, rapporteur. À Mme Chapdelaine qui s’interroge sur les missions locales et les aides aux des jeunes sans qualification, je répondrai que nous avons demandé la simplification et la clarification des quelque quatre-vingts dispositifs créés depuis 1977. Les jeunes qui sont sans emploi et qui, ne relevant pas de Pôle Emploi, sont dirigés vers les missions locales, qui leur proposent des dispositifs globaux prenant aussi en compte les problèmes de logement et de santé, et ils doivent savoir à qui s’adresser. Le bon dispositif est aussi le plus simple.

À l’occasion d’un rapport élaboré avec notre collègue Michel Heinrich, je m’étais livré à l’étude du millefeuille administratif, dans lequel même les acteurs sociaux se perdent parfois. À mes yeux, la Garantie jeunes constitue une avancée décisive, car elle permettra d’atteindre des jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni employés, ni en formation, ni bénéficiaires du RSA puisqu’ils ont moins de vingt-cinq ans. Dans les départements qui l’ont expérimentée, une commission sélectionne des jeunes et les inscrit dans un parcours de suivi et d’accompagnement d’un an, organisé par les missions locales. Le bénéficiaire s’engage à suivre le parcours et, en retour, reçoit 430 euros d’allocation mensuelle. Les huit premières semaines de ce parcours sont collectives, et consacrées à une remise à niveau de certaines compétences de base. L’État consacre à ce dispositif 1 600 euros par jeune. Au terme de cette étape, le jeune est reçu par sa mission locale et mis à intervalles réguliers, pendant un an, en situation professionnelle : stage, immersion en entreprise, voire contrat de travail. Si ce dispositif simplifié d’aide à l’insertion professionnelle des jeunes en grande difficulté est bien celui que nous réclamions, les autres guichets existant à l’échelon territorial restent à simplifier. Il faudrait coordonner le service public régional de l’orientation (SPRO) et le service public de l’emploi au sein des régions, mais cela crée des difficultés avec Pôle Emploi…

Monsieur Caullet, notre premier rapport comportait des propositions relatives à l’engagement citoyen, sujet qui fait l’objet d’un vif débat au sein de notre groupe.

Je partage l’opinion de François Chérèque, président de l’Agence du service civique, qui considère que nous n’avons pas les moyens de rétablir la conscription, surtout pour une durée brève, que ce soit en termes financiers ou en termes de possibilités d’accueil. En revanche, il est possible de mobiliser différents outils dans un parcours citoyen, autour de l’âge de dix-sept ou dix-huit ans, et de conforter le lien armée-nation, particulièrement dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté, qu’il faut rendre plus longue, avec des rendez-vous plus réguliers. Certains dispositifs doivent être améliorés, le service civique en fait partie : il y a aujourd’hui quatre à cinq demandes pour une place disponible. Il est de notre responsabilité de parlementaires d’obtenir que sa dotation soit portée de 70 millions d’euros à 600 ou 700 millions d’euros, ce qui permettrait d’amener l’effectif des participants, au service des associations et des collectivités, à 250 000 par an.

D’autres dispositifs sont également à mobiliser, qui touchent les jeunes beaucoup plus tôt, notamment ceux qui sont déjà sortis du système scolaire, et que l’on peut confier à des services très encadrés, tels l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDe). Il faut que nous disposions d’une palette d’outils susceptible de replacer ces jeunes dans des parcours de citoyenneté, et ce avant l’âge de dix-sept ou dix-huit ans.

Méfions-nous des solutions chimériques, telles que le retour du service national obligatoire. Réservons plutôt, au cours de la formation initiale, au lycée ou même au collège, des périodes durant lesquelles les jeunes pourraient non seulement effectuer des stages de découverte en entreprise, mais aussi des périodes d’engagement ou de mobilité internationale ou européenne. Il faut agir sur tous ces leviers en même temps.

Le principal, à mes yeux, réside dans l’éducation, la lutte contre le décrochage scolaire et la prise en charge précoce de jeunes à la dérive.

Mme Martine Pinville, présidente. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, pour la qualité des travaux que vous avez menés.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE 1 :
PRINCIPAUX AXES DU PLAN DE LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE

Axe 1 : Tous mobilisés contre le décrochage

La mobilisation de l’ensemble des acteurs est une condition de la réussite du plan. Si le décrochage est d’abord l’affaire de l’école, elle doit nécessairement impliquer les parents et l’ensemble des acteurs qui agissent pour la réussite de tous les élèves. La relation entre l’école et les parents constitue notamment une des clés du succès de l’école de demain : une école qui, en veillant à la continuité éducative entre le temps de la famille et le temps de l’école, met le jeune au cœur de ses préoccupations en misant sur la co-éducation.

● Une dynamique collective

L’ensemble des acteurs sera fédéré et mobilisé autour de la lutte contre le décrochage, élan qui connaîtra son apogée au cours de la Semaine de la persévérance scolaire avec pour slogan « Ensemble, on s’accroche ! ». En s’inspirant des initiatives concluantes déjà engagées, l’événement sera organisé dans toutes les académies et relayé dans les établissements, pour valoriser le travail mené tout au long de l’année par la communauté pédagogique et éducative, les parents, les jeunes et les autres parties prenantes (organisation d’ateliers, échanges de pratiques, etc.).

● Le projet d’établissement intégrera la lutte contre le décrochage

Les missions de l’ensemble des professionnels de l’établissement et des corps d’inspection seront explicitées et articulées pour une politique d’établissement renforcée autour de la prévention du décrochage. De nombreux acteurs participent à la prévention du décrochage au sein des établissements sans que leur rôle et missions respectifs ne soient explicités, articulés et valorisés. Consolider et clarifier les missions de chacun permettra de renforcer les actions du collectif pédagogique et éducatif.

Le chef d’établissement et le directeur d’école seront confortés dans leur rôle de coordination de la prévention du décrochage, par l’intégration de cette mission dans la politique d’établissement et dans le contrat d’objectifs tripartite (établissement, académie, collectivité territoriale).

La prévention du décrochage sera inscrite dans les missions des enseignants et s’accompagnera d’une mobilisation renforcée des corps d’inspection. La mise en place de référents « décrochage » sera généralisée dans tous les établissements. Leur rôle dans le repérage du décrochage et la coordination avec les partenaires extérieurs sera précisé, et ils seront formés en conséquence. Le rôle de coordination du professeur principal au sein des équipes pédagogiques en matière de prévention du décrochage sera réaffirmé.

Le conseiller d’orientation psychologue donnera la priorité à l’orientation des élèves en situation de décrochage et renforcera son intervention dans les lycées professionnels.

● L’implication des parents sera encouragée et renforcée

Une démarche globale visant à impliquer les parents dans le parcours scolaire de leur enfant et dans la vie de l’établissement sera mise en place. Les enseignants seront formés aux méthodes éducatives favorisant l’implication des parents dans la scolarité. Les établissements et écoles seront incités à disposer d’espaces dédiés aux parents et à organiser des rencontres régulières, notamment avec ceux dont les enfants sont exposés au risque de décrochage. L’École d’économie de Paris a démontré les effets bénéfiques de la « mallette des parents » d’élèves en difficulté au cours de la troisième.

La « Mallette des parents » sera généralisée, de même que l’expérimentation « Ouvrir l’école aux parents »  qui offre aux parents allophones un parcours de formation gratuit pour permettre une meilleure connaissance de l’institution scolaire et des modalités d’exercice de la parentalité.

● Un numéro unique d’assistance et d’information sur le décrochage scolaire, le 0 800 12 25 00

Le numéro unique permettra aux jeunes en situation de décrochage ou ayant décroché ainsi qu’à leurs parents d’échanger avec un conseiller pour obtenir une information immédiate et fiable sur les solutions alternatives de formation et d’accompagnement qui s’offrent à eux. Ce conseiller orientera ensuite le jeune vers une structure de proximité fournissant une information et un accompagnement plus personnalisé.

Axe 2 : Faire le choix de la prévention

Alors qu’avaient été jusqu’à présent privilégiées la remédiation et l’intervention, l’accent sera mis sur la prévention. Or, comme le décrochage est progressif, il est très important de le repérer dès que possible, ce qui suppose la sensibilisation de tous au risque de décrochage.

Les actions préventives ont toujours plus d’effet que les actions réparatrices. L’école doit se mobiliser le plus en amont possible dans le parcours de formation du jeune afin de repérer ce qui conduit certains élèves à quitter le système scolaire sans diplôme et faire évoluer les pratiques pédagogiques et éducatives en conséquence. Dès la maternelle, il est possible de mettre en place des actions, associant des professionnels à l’intérieur de l’établissement mais aussi à l’extérieur, qui visent à rendre l’école davantage bienveillante, à donner une place aux parents au sein de l’école, à identifier les difficultés rencontrées par les jeunes et à leur proposer des solutions complètes et adaptées.

● L’évolution des pratiques pédagogiques sera poursuivie afin de renforcer la prévention et le repérage du décrochage dans la classe

Les premiers signes de décrochage doivent être décelés le plus tôt possible par des enseignants sensibilisés, formés et outillés en conséquence.

Des parcours de formation initiale et continue consacrés à la prévention du décrochage et dédiés aux enseignants seront mis en place pour faire évoluer les pratiques dans la classe : il s’agit de comprendre et d’agir sur tous les leviers qui contribuent à « arrimer » le jeune à l’école (repérage des signes de décrochage, confiance en soi et plaisir d’apprendre développés chez le jeune, implication des parents).

La création d’une formation en ligne dédiée (cours en ligne ouvert et massif) – à l’image du MOOC (11) « Enseigner et former avec le numérique » disponible depuis fin avril 2014 – constituera un bon levier afin de former le corps enseignant, dans toute la diversité de ses profils.

● L’appui des nouvelles technologies

La lutte contre le décrochage nécessite de permettre l’apprentissage à des jeunes qui ne se retrouvent pas dans les modes d’enseignement traditionnels. Des contenus de cours vidéo en ligne adaptés aux jeunes en difficulté avec la forme scolaire, dans les matières fondamentales et utilisables par tous, pourront être utilisés dans le cadre d’un parcours individualisé d’intervention ou de remédiation, en soutien d’une reprise de cours dans un établissement « classique » ou « innovant », ou en prévention en développant dans la classe des modalités de pédagogie différenciée.

L’application Folios (cf. supra), actuellement en cours d’expérimentation, sera généralisée dans le cadre de la stratégie numérique.

● Le bien-être des élèves

Développer la bienveillance, c’est également donner aux élèves le goût de l’école, les motiver en leur permettant de s’impliquer dans la vie de leur établissement et de s’approprier leur environnement.

Les élèves seront davantage impliqués dans la vie de leur établissement, via un soutien renforcé des initiatives lycéennes, la poursuite des semaines de l’engagement lycéen, et la généralisation des conseils de la vie collégienne (CVC).

Des temps d’intégration seront organisés afin de développer l’esprit collectif dans les classes. Les établissements permettront à des groupes d’élèves qui « se sentent bien ensemble » de rester dans la même classe pendant plusieurs années.

La dimension éducative des punitions et sanctions disciplinaires sera renforcée : elles devront systématiquement être expliquées et les parents impliqués dans le processus décisionnel.

Les équipes médicales seront associées au repérage des élèves présentant des signes de décrochage, afin de promouvoir un environnement scolaire favorable à la santé physique et psychologique des élèves.

● Encourager le travail collectif

L’entraide et le travail collaboratif entre élèves seront favorisés car habituer les élèves à travailler en binôme ou en petits groupes stimule l’entraide et le soutien entre élèves tout au long de leur scolarité. Un temps d’entraide et de travail hebdomadaire entre élèves sera développé afin d’encourager le soutien mutuel entre élèves. Le travail en petits groupes autour d’un projet commun sera favorisé, en particulier au collège, afin de développer l’esprit collectif.

● Renforcer le suivi des absences

Le suivi des absences est un des moyens privilégiés pour repérer les élèves qui risquent de décrocher et doit donc constituer une priorité et mobiliser tous les membres de la communauté éducative. Dans les établissements, les modalités de contrôle de l’assiduité seront modernisées, notamment celles qui s’appliquent au signalement des absences des élèves. Les outils de mesure des absences seront modernisés dans le premier degré (sous la forme d’une expérimentation) et dans le second.

● Préparer le retour en classe

Les interruptions ponctuelles de scolarité ne doivent pas consister, pour l’élève, en un temps de rupture dans ses apprentissages. Le maintien du lien entre l’établissement et l’élève pendant ses absences est une nécessité pour prévenir le décrochage ; la mobilisation des équipes pédagogiques et éducatives est essentielle pour assurer ce rôle. Dès la première absence, un lien sera systématiquement maintenu avec au moins un enseignant pour préparer au mieux le retour en classe.

● Une collaboration plus étroite des personnels pédagogiques au sein des établissements et à l’extérieur des établissements

Au sein des établissements, la lutte contre le décrochage mobilise de nombreuses parties prenantes et la coordination de leurs actions nécessite un partage d’informations renforcé. Des outils de type « le lycée, ça m’intéresse » seront généralisés pour établir des diagnostics et mieux repérer les jeunes en situation de décrochage. Il s’agit d’un questionnaire à visée préventive et destiné à repérer précocement les difficultés à un niveau individuel comme à celui de la classe. Il est annoté par le professeur principal, le conseiller d’orientation-psychologue et l’infirmière, voire l’assistante sociale. Des solutions sont proposées pour éviter la démobilisation et un suivi est prévu.

Une charte de déontologie et de confidentialité sera mise en place au sein de chaque établissement afin de sécuriser le partage d’informations.

Les groupes de prévention du décrochage (GPDS) qui rassemblent les personnels pédagogiques et éducatifs seront généralisés et renforcés de même que les référents décrochage.

Des alliances éducatives avec des partenaires externes seront mises en place. Dans les bassins à forts enjeux qui ne sont pas pourvus de programme de réussite éducative (PRE) en matière de décrochage, les jeunes seront pris en charge par des alliances éducatives avec des partenaires externes. Reposant sur des équipes de professionnels aux compétences complémentaires (représentants de l’action pédagogique et éducative, de l’action médicosociale, associations, etc.), ces nouveaux modes de coopération permettront d’apporter une prise en charge adaptée et individualisée en fonction des besoins du jeune.

Axe 3 : Une nouvelle chance pour se qualifier

Si l’ambition première consiste à prévenir le décrochage, l’éducation nationale, le service public de l’emploi, les régions et les différentes parties prenantes doivent aussi être en capacité d’apporter des réponses concrètes aux jeunes ayant quitté le système de formation initiale. Permettre plus de souplesse dans les formations et la prise en compte des acquis aux différents stades du parcours du jeune ainsi qu’un accompagnement personnalisé sont autant de solutions adaptées aux jeunes en difficulté d’apprentissage.

● Expérimenter la modularité et la progressivité dans les formations

La prise en compte des acquis du passé et la flexibilité offerte par la modularité des enseignements peuvent contribuer à limiter le risque de décrochage. Les jeunes pourront, dès le premier redoublement après un échec à un diplôme de l’enseignement professionnel, conserver leurs notes et ne repasser que les matières auxquelles ils ont échoué. Ils bénéficieront d’un enseignement adapté tout au long de l’année. Les jeunes en situation de décrochage auront la possibilité de valider de façon modulaire et progressive les diplômes de CAP et de baccalauréat professionnel.

● Aménager un parcours « stagiaire de la formation initiale »

Un parcours aménagé de « stagiaire de la formation initiale » sera mis en place pour les 15-18 ans risquant de sortir sans diplôme ou sans qualification d’un établissement du second degré. Le jeune conservera le statut scolaire et bénéficiera d’un parcours de formation sur mesure et d’un accompagnement personnalisé. Ce parcours permettra au jeune de disposer d’un temps de réflexion mais aussi de l’opportunité de sortir de l’univers scolaire tout en intégrant des activités encadrées (service civique, stages de découverte en entreprises, etc.). Le jeune sera suivi par un tuteur au sein de l’établissement en vue d’intégrer une solution de formation adaptée.

● Étudier l’opportunité d’un allongement de la période de formation obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans

Les 16-18 ans ne sont pas soumis à l’obligation de scolarité en France. Or, au terme de la scolarité obligatoire, un élève sur cinq n’a pas acquis les compétences nécessaires pour affronter les défis de la vie adulte. Plusieurs pays européens, selon des modalités variées, se sont engagés dans la voie d’un allongement de la formation obligatoire jusqu’à 18 ans, incluant l’apprentissage. Une étude sera lancée pour étudier l’opportunité d’un allongement de la période de formation obligatoire en France et les adaptations nécessaires de l’offre de formation qui devraient en découler.

● Encourager les pratiques de remédiation innovantes

Dans chaque académie, au moins une structure innovante de raccrochage sera mise en place, de préférence au sein d’un établissement « classique », pour essaimer les bonnes pratiques. L’échange de pratiques et la capitalisation des expériences entre les structures innovantes dans le périmètre de l’éducation nationale (microlycées, lycée nouvelle chance, etc.) et au-delà (avec les écoles de la deuxième chance, l’Établissement public d’insertion de la défense – EPIDE) seront structurés au niveau national.

● Optimiser l’action des plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD)

Dans le cadre de la convention entre l’État et les régions sur la prise en charge des jeunes sortant sans diplôme, les PSAD coordonneront l’ensemble des acteurs locaux impliqués dans la recherche de solutions personnalisées pour les jeunes de plus de 16 ans ayant quitté le système de formation initiale sans diplôme. Elles constituent un élément central dans la prise en charge des jeunes sans solution de formation.

Un guide de fonctionnement des plateformes permettra de diffuser les bonnes pratiques constatées localement.

ANNEXE 2 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

– M. Xavier Turion, chef du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique, accompagné de Mme Hélène Ouanas, sous-directrice du socle commun, de la personnalisation des parcours scolaires et de l’orientation, et Mme Frédérique Weixler, chef du département de la recherche et du développement, de l’innovation et de l’expérimentation (DGESCO) (21 octobre 2014).

– M. Frédéric Bourthoumieu, conseiller « éducation, jeunesse, économie sociale et solidaire », et M. Jean-Yves Larraufie, conseiller « compétitivité, filières industrielles et transports », au Commissariat général à l’investissement (21 octobre 2014).

– M. Saad Belaib, directeur de la Mission intercommunale pour l’emploi des jeunes 4-93 de Montreuil, et Mme Frédérique Saby, directrice de la Mission locale Espace jeunes de Vichy et sa région, ANDML (5 novembre 2014).

– M. Hugues de Balathier-Lantage, adjoint à la déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, accompagné de Mme Pauline Bourdin, adjointe à la cheffe de la mission de l’insertion des jeunes, sous-direction des parcours d’accès à l’emploi, et M. Michel Ferreira-Maia, chef de la mission des politiques de formation et de qualification, sous-direction des politiques de formation et du contrôle, délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (5 novembre 2014).

– M. Jean-Yves de Longueau, sous-directeur de l’égalité des chances et de la vie étudiante, direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (12 novembre 2014).

– M. François Bonneau, président du conseil régional du Centre, accompagné de Mme Martine Brodard, directrice des politiques d’orientation et de formation au conseil régional du Centre (12 novembre 2014).

– M. Jean-Robert Lopez, délégué à la sécurité et à la circulation routières, accompagné de M. Frédéric Tézé, adjoint au sous-directeur de l’éducation routière et du permis de conduire (19 novembre 2014).

– M. Laurent Girometti, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, accompagné de M. Thierry Chatelain, adjoint à la sous-directrice du financement du logement (19 novembre 2014).

– M. Jean-Benoît Dujol, délégué interministériel à la jeunesse, accompagné de Mme Isabelle Defrance, inspectrice principale de la jeunesse et des sports (19 novembre 2014).

1 () PISA 2012 : faits marquants, note sur la France, OCDE, 2 décembre 2013 cité par Mme Colette Langlade dans l’avis n° 1733, du 28 janvier 2014, sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

2 () Exposé des motifs du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

3 () « Enquête 2013 auprès de la Génération 2010 - Face à la crise, le fossé se creuse entre niveaux de diplôme » de Christophe Barret, Florence Ryk, Noémie Volle in Bref, n° 319, 2014 8 p.

4 () « Qui décroche ? » de Cédric Afsa in Le décrochage scolaire : un défi à relever plutôt qu’une fatalité, Éducation & formations n° 84 déc. 2013.

5 () « Les abandons d’études en cours de CAP » de Maud Coudène in Éducation & Formations, n° 84, décembre 2013.

6 () « Les jeunes sortants sans diplôme : une diversité de parcours » d’Isabelle Robert-Bobée in Éducation & Formations, n° 84, décembre 2013.

7 () In Éducation & Formations, n° 84, décembre 2013.

8 () In Éducation & formations n° 84 déc. 2013.

9 () Montreuil (en périphérie urbaine) et Vichy (territoire rural).

10 () Pour prétendre à une bourse, les étudiants doivent répondre à certaines conditions (être en formation initiale, limite d’âge, nature de la formation suivie, nationalité,…). Le pourcentage de boursiers est obtenu en divisant le nombre de boursiers par le nombre d’étudiants éligibles à une bourse. Ce pourcentage était de 34,8 % pour 2013-2014.

11 () Massive open online course.


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