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N° 3172

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 octobre 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX OUTRE-MER (1)

sur les conséquences du changement climatique dans les outre-mer,

PAR

Mme. Maina SAGE, M. Ibrahim ABOUBACAR ET M. Serge LETCHIMY

Députés

——

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux outre-mer est composée de : M. Jean-Claude Fruteau, président ; Mme Huguette Bello, Mme Chantal Berthelot, Mme Marie-Anne Chapdelaine, Mme Sonia Lagarde, M. Serge Letchimy, M. Didier Quentin, vice-présidents ; Mme Brigitte Allain, M. Dominique Bussereau, M. Bernard Lesterlin, secrétaires ; M. Ibrahim Aboubacar, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Jean-Jacques Bridey, M. Ary Chalus, M. Alain Chrétien, M. Stéphane Claireaux, M. Édouard Courtial, Mme Florence Delaunay, M. René Dosière, Mme Sophie Errante, M. Georges Fenech, M. Jean-Marc Fournel, M. Hervé Gaymard, M. Daniel Gibbes, M. Philippe Gomes, M. Philippe Gosselin, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Mathieu Hanotin, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, Mme Monique Iborra, M. Éric Jalton, M. Serge Janquin, M. François-Michel Lambert, M. Guillaume Larrivé, M. Patrick Lebreton, M. Gilbert Le Bris, M. Patrick Lemasle, M. Bruno Le Roux, M. Michel Lesage, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Victorin Lurel, M. Thierry Mariani, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Hervé Mariton, M. Olivier Marleix, M. Jean-Philippe Nilor, M. Patrick Ollier, Mme Monique Orphé, M. Napole Polutélé, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, Mme Maina Sage, M. Boinali Said, M. Paul Salen, M. François Scellier, M. Gabriel Serville, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Paul Tuaiva, M. Jean-Jacques Vlody.

SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 5

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE – LE CHANGEMENT CLIMATIQUE : QUELS IMPACTS EN OUTRE-MER 11

I. L’IRRUPTION DU CLIMAT DANS LE DÉBAT PUBLIC 11

A. UNE NÉGOCIATION ORIGINALE, ENTRE EXPERTISE ET DÉCISION : LA TRAJECTOIRE DU GIEC 11

B. LA BATAILLE DE L’OPINION PUBLIQUE 13

II. POURQUOI LES OUTRE-MER SONT EN PREMIERE LIGNE 14

A. LES CHIFFRES CLES DU CLIMAT DANS LES OUTRE-MER 15

B. TROIS CONSÉQUENCES MAJEURES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE COMMUNES AUX OUTRE-MER 17

1. Les transformations de l’océan : réchauffement et acidification 17

2. La mise en péril des écosystèmes 19

3. L’expansion des phénomènes climatiques extrêmes 23

C. DES IMPACTS SOCIO ECONOMIQUES LOURDS 25

III. LA PERCEPTION ULTRAMARINE DES ENJEUX 27

A. L’ÉTAT DES CONNAISSANCES 27

1. Acquis et lacunes des connaissances sur le changement climatique dans les outre-mer 28

2. L’apport particulier des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) 29

3. Le potentiel de Clipperton 30

B. LA PRISE DE CONSCIENCE DE L’OPINION 31

1. L’implication des élus et de la société civile 31

2. Des populations relativement en éveil 32

DEUXIÈME PARTIE – LES RÉPONSES STRATÉGIQUES DES OUTRE-MER. 36

I. LA STRATÉGIE D’ATTÉNUATION PRIORITAIRE : LA MODIFICATION DE LA DONNE ÉNERGÉTIQUE 36

A. LE CONSTAT DE DÉPART : LA PRÉDOMINANCE TRADITIONNELLE DES ÉNERGIES FOSSILES 37

B. LES ÉVOLUTIONS JURIDIQUES À COURT TERME 38

C. LES POSSIBILITÉS CONCRÈTES DE RECOURS AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES 39

D. LES AUTRES ACTIONS D’ATTENUATION A ENCOURAGER : LES TRANSPORTS, LA CONSTRUCTION, L’EAU 42

II. LES STRATÉGIES D’ADAPTATION 44

A. LES ENJEUX DE LA GESTION DU « TRAIT DE CÔTE » 44

B. LES INSTRUMENTS COLLECTIFS DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ : LES AIRES MARINES PROTÉGÉES, LES RESERVES NATURELLES MARINES ET LES PARCS NATIONAUX 47

C. LA RÉPONSE AUX RISQUES DE FRAGILISATION DE L’HABITAT ET DES ACTIVITÉS HUMAINES IMPUTABLES À LA SUBMERSION 48

D. LA TRANSFORMATION DES ACTIVITÉS AGRICOLES 52

TROISIÈME PARTIE – LE MESSAGE DES OUTRE-MER POUR LA COP21 53

I. CLARIFIER LE CADRE FINANCIER 54

II. LA COOPÉRATION RÉGIONALE 55

A. LES EXPRESSIONS DE LA VOLONTÉ DE COOPÉRATION POLITIQUE 56

B. QUELQUES EXEMPLES DE COOPERATION POSSIBLES 57

III. SECURISER LA PERENNITÉ DES PROGRAMMES D'OBSERVATION ET DE CONNAISSANCES POUR MIEUX AGIR 59

IVPROMOUVOIR DES SOLUTIONS FONDEES SUR LA NATURE ET LES SAVOIR-FAIRE A LA FOIS TRADITIONNELS ET INNOVANTS DES OUTRE-MER 60

CONCLUSION 62

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 63

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA DÉLÉGATION 83

ANNEXE 85

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 100

LISTE DES PERSONNALITÉS REÇUES EN ENTRETIEN ET DES AUTEURS DE CONTRIBUTIONS 102

AUDITION DE MME GEORGE PAU-LANGEVIN, MINISTRE DES OUTRE-MER 107

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Dans la négociation qui s’ouvre à Paris à l’occasion de la 21ème Conférence des parties à la convention sur le changement climatique (COP 21), les outre-mer français occupent une position singulière qu’il convient de prendre en compte.

Territoires insulaires et par là-même vulnérables, ils subissent avec une intensité particulière le réchauffement climatique dû aux gaz à effet de serre et la hausse du niveau des mers qui en résulte, sans en être responsables pour une part déterminante. Territoires marins, ils vont être lourdement affectés par l’augmentation de la température des océans, la mise en péril des écosystèmes et l’expansion inédite des cyclones et des tempêtes. Au terme de processus complexes et interactifs, la vie quotidienne des habitants aussi bien que les activités économiques et touristiques qui leur donnent les moyens de vivre seront profondément perturbées.

Les travaux du Groupe international d’experts sur le climat (GIEC) comme les recherches conduites dans les outre-mer autour du changement climatique, permettent d’apprécier à la fois la qualité des équipes engagées dans ces études et le vaste champ qui s’offre pour préciser les données existantes et explorer des domaines où l’état actuel des connaissances ne permet pas d’apprécier avec la même rigueur l’incidence de la transformation du climat sur l’ensemble des départements et collectivités des outre-mer français. Pour autant, l’engagement des élus et de la société civile, dans leurs territoires respectifs, dans l’effort de décision, d’expertise et d’explication va croissant, et les populations sont de plus en plus réceptives aux messages d’alerte et d’action.

Le rapport décrit les actions menées dans le cadre des stratégies d’atténuation du changement climatique (la transition vers les énergies renouvelables, les politiques des transports et de la construction) et des stratégies d’adaptation fondées sur la nature (la gestion du « trait de côte », la protection de la biodiversité, la réponse à la précarisation de l’habitat liée notamment au risque de submersion et la transformation des activités agricoles).

Il rappelle enfin quatre objectifs prioritaires qui peuvent être dégagés en liaison directe avec la COP 21 : la définition d’un financement stable, le développement de la coopération régionale, la pérennisation des programmes d’observation et la promotion des savoir-faire traditionnels et des capacités d’innovation des outre-mer.

Mesdames, Messieurs,

Le 30 novembre 2015, débute à Paris, sous la présidence de la France, la vingt-et-unième Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur le changement climatique, communément appelée COP 21.

La tenue de cette conférence internationale d’une ampleur véritablement universelle représente une étape capitale dans le processus engagé par l’Organisation des Nations Unies à partir de la résolution du 6 décembre 1988 sur la protection du climat mondial pour les générations présentes et futures, dont le point 5 entérine la création du Groupe intergouvernemental de l’évolution du climat (GIEC) (1). Elle va s’ouvrir, en effet, sur un constat récemment repris par la voix autorisée du secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon :

« Le débat scientifique sur la réalité du changement climatique est clos. Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en particulier le cinquième et dernier, sont très clairs sur ce point. Le changement climatique se produit, et il se produit à cause des activités humaines. » (2)

Il est désormais urgent d’agir.

Les conséquences néfastes de ce phénomène planétaire sont nombreuses : transformation de plus en plus rapide, partout, des conditions climatiques, amplification des phénomènes météorologiques extrêmes comme les tempêtes et les cyclones, élévation inexorable du niveau de l’océan, dont les eaux deviennent plus acides et dont la surface risque dès lors de ne plus jouer son rôle, pourtant indispensable, de régulateur dans l’équilibre général de la nature.

De toutes les parties du territoire français, les outre-mer sont de loin les plus immédiatement exposés aux conséquences visibles du changement climatique, alors qu’ils ne contribuent pas dans une proportion significative aux causes de ce changement. En effet, leurs territoires se situent en majeure partie dans la zone sensible de la ceinture intertropicale et sont fortement marqués par leur caractère insulaire et ou maritime. C’est dire que les enjeux climatiques, notamment océaniques, y sont majeurs partout. Les risques de tempêtes et de cyclones y ont toujours été élevés, mais le dérèglement climatique va très probablement contribuer, disent les spécialistes, à en amplifier les effets. Quant au risque de submersion des îles faiblement émergées, s’il ne semble pas présenter partout, d’après les recherches les plus récentes, un égal caractère d’urgence, il n’en est pas moins bien attesté en certains lieux, avec toutes les conséquences physiques, économiques et sociales qu’il peut comporter. Au-delà des îles faiblement émergées, le risque de submersion affecte également, fortement, les populations installées sur les côtes, localisation caractéristique des habitats en outre-mer.

À la vulnérabilité physique de ces territoires, s’ajoute leur fragilité économique. Leurs économies sont modestes, isolées et encore trop dépendantes des énergies fossiles ; elles sont sensibles aux chocs économiques, qui sont souvent imprévisibles et peuvent frapper durement les ressources primaires locales. L’ampleur des taches urbaines et le mitage de l’habitat donnent au dérèglement climatique des effets spécifiques, auxquels il convient d’ajouter des risques épidémiologiques accrus, qui sont insuffisamment évoqués.

Parmi les désordres provoqués par l’évolution erratique du climat, l’insistance est légitimement mise sur les atteintes à la biodiversité. Les territoires d’outre-mer se caractérisent notoirement par une biodiversité exceptionnelle : de la forêt boréale de Saint-Pierre et Miquelon à la jungle amazonienne en Guyane, des roches sauvages de la Terre-Adélie aux récifs coralliens et aux mangroves, la France est le seul pays au monde à être présent sur l’ensemble du globe, dans les trois océans et à des latitudes et des climats différents, ce qui fait de notre nation la deuxième puissance maritime mondiale.

De nombreuses recherches contemporaines mettent en relief la richesse et la fragilité de ces espaces. La dégradation de tels atouts n’est pas sans conséquences sur l’activité économique, essentiellement fondée sur les ressources naturelles, notamment – mais pas exclusivement – sur la pêche, l’agriculture, le tourisme.

Mais faut-il se limiter à de telles considérations négatives ? Tel n’est pas le sens de la démarche de ce rapport.

La COP 21 peut être, en effet, une occasion de prendre une nouvelle fois conscience de l’atout que représentent les outre-mer pour la France dans la définition d’une politique active de lutte contre les conséquences du changement climatique.

Atout géostratégique, d’abord. Les outre-mer français sont en effet présents dans tous les bassins océaniques : grâce à eux, qui représentent 97 % de sa surface, la France dispose de la deuxième zone économique exclusive au monde ; 80 % de la biodiversité française se trouvent dans les outre-mer ; la France est le seul pays au monde à posséder des récifs coralliens dans les trois océans. On mesure à ces deux faits la responsabilité mondiale de notre pays, rappelée avec force lors de la réunion de la Délégation. Les outre-mer mettent la France en position de participer partout aux incontournables et nécessaires actions régionales contre le changement climatique. Par leur proximité géographique, économique, culturelle, ils détiennent les moyens de pratiquer avec les États-îles, leurs voisins, des coopérations efficaces dont certaines sont déjà mises en œuvre. Ces coopérations sont d’autant plus bienvenues que les ressources budgétaires de ces États sont souvent réduites.

Atout social et politique ensuite, avec valeur exemplaire. Les consultations et auditions auxquelles nous avons procédé pour la préparation du présent rapport nous ont confirmé qu’il existait dans les outre-mer les ressources scientifiques, économiques et culturelles propres à nourrir une attitude de riposte positive au défi que lance l’évolution du climat. Les outre-mer sont en quelque sorte aux avant-postes de la démarche qui va s’imposer progressivement, mais plus rapidement que l’opinion ne paraît le penser, à l’ensemble des régions françaises. La conciliation entre développement économique et préservation de l’environnement, clé de la politique de la transition énergétique, est une nécessité particulièrement sensible dans les outre-mer qui, à cet égard, peuvent offrir à l’hexagone d’utiles précédents.

Nous avons constaté qu’il existait dans les outre-mer, certes avec des inégalités et des disparités, une prise de conscience de la nécessité d’un infléchissement d’attitude, à la fois chez les élus et parmi les responsables socio-économiques. Les esprits y sont davantage disposés à mesurer la brutalité des conséquences à moyen terme du changement climatique sur la vie des hommes que dans un hexagone situé en zone encore tempérée. Il nous a semblé capital de porter témoignage de cette prise de conscience et de rappeler, sur son fondement, la nécessité impérieuse de faire toute leur place aux outre-mer dans la définition de solutions adéquates au changement climatique qui est la mission assignée à la COP 21.

Dans cette démarche, une première phase a été la collecte et la restitution de données sur les plus saillants des phénomènes liés au changement climatique dans les outre-mer, à partir des informations fournies par les scientifiques. Dans un deuxième temps, nous avons souhaité considérer les actions déjà entreprises et celles envisagées pour l’atténuation des conséquences de ce changement, ainsi que pour l’adaptation des activités et de l’habitat aux nouvelles caractéristiques prévisibles du climat. Enfin, nous illustrerons la disposition des outre-mer à évoluer vers une attitude plus respectueuse de l’environnement, en reprenant, autour de quelques thèmes-clés, les principales préoccupations qui s’y expriment en vue de la COP 21.

La France est mondiale et maritime

*

* *

Nous voudrions d’abord remercier les membres de notre délégation aux outre-mer qui ont apporté leur contribution dans la perspective de l’élaboration du présent rapport. Dans cette même perspective, nous avons entendu, à Paris et dans les outre-mer, de nombreuses personnes, responsables de collectivités et d’institutions publiques, scientifiques, directeurs d’établissement public, de centre de recherche, d’agence de développement, les acteurs privés et représentants du monde associatif, auxquelles nous souhaitons exprimer ici nos vifs remerciements(3). Elles nous ont communiqué de nombreuses informations dont nous nous sommes efforcés de tirer la meilleure part pour la rédaction d’un rapport voulu comme un témoignage argumenté des attentes des outre-mer français. Globalement, leur disponibilité nous a permis de prendre la mesure de la sensibilité commune des outre-mer à un problème vital pour leur avenir. Nous espérons que leur mobilisation contribue à faire comprendre à l’opinion publique nationale pourquoi il est essentiel de prendre en grande considération les outre-mer français dans les négociations de la COP 21 et, par la suite, dans la déclinaison des mesures que les conclusions de la Conférence vont amener à prendre à court et moyen terme.

PREMIÈRE PARTIE – LE CHANGEMENT CLIMATIQUE : QUELS IMPACTS EN OUTRE-MER

Le premier temps de notre démarche a consisté à faire « l’état des lieux » général du changement climatique dans les outre-mer. Nous n’avons pas eu l’ambition d’une description exhaustive des manifestations de ce changement et de leurs conséquences. Notre propos, fidèle à l’esprit général de notre entreprise, a consisté à rendre compte des observations qui nous étaient présentées sur les principaux phénomènes généralement associés par la science au changement climatique ; nous nous sommes naturellement appuyés, dans cette tâche, sur les résultats des travaux scientifiques dont nous avons pris connaissance. La méthode se recommande d’autant plus, nous semble-t-il, que la reconnaissance par les populations intéressées de la réalité et de l’ampleur de ce phénomène est une condition nécessaire pour l’acceptation démocratique des mesures qu’il impose de prendre, y compris à terme rapproché. Nous nous attacherons donc à proposer des éléments de description du changement climatique tel qu’il se présente dans les outre-mer, puis à essayer d’évaluer la réceptivité des territoires au défi qui leur est ainsi lancé. Auparavant, il a paru utile de rappeler des conditions générales de la négociation internationale sur le climat dont la COP 21 est la prochaine, et essentielle, étape.

I. L’IRRUPTION DU CLIMAT DANS LE DÉBAT PUBLIC 

Depuis un quart de siècle, le problème du climat a été constitué en objet d’une négociation internationale à l’ampleur sans précédent (4), et dont la réussite dépend pour une large part, sans échappatoire possible, de la compréhension par le plus grand nombre des enjeux en cause.

A. UNE NÉGOCIATION ORIGINALE, ENTRE EXPERTISE ET DÉCISION : LA TRAJECTOIRE DU GIEC

La négociation entre États menée, dans le cadre de l’ONU, sur le climat présente la particularité d’être, depuis l’origine, accompagnée et préparée par un groupe d’experts internationaux spécialement constitué à cet effet, communément appelé GIEC.

Le GIEC est né en 1988 de la volonté conjointe de l’Organisation mondiale de la météorologie et du Programme des Nations Unies pour l’environnement de créer une instance scientifique capable d’établir un diagnostic rigoureux sur la réalité du changement climatique et la détermination de ses causes, autrement dit sur l’implication dans ces causes de l’activité humaine. Placés dès le départ dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU), les travaux du GIEC aboutissent à la publication, deux ans plus tard, d’un rapport dont « l’aperçu général » s’ouvre par les conclusions suivantes :

« Il existe un effet de serre naturel qui maintient déjà la Terre à une température supérieure à celle qu’elle aurait autrement.

« Les émissions dues aux activités humaines accroissent sensiblement la concentration dans l’atmosphère des gaz à effet de serre : dioxyde de carbone, méthane, chlorofluorocarbones (CFC) et oxyde nitreux. Cette augmentation renforcera l’effet de serre, intensifiant le réchauffement général de la surface terrestre. Le principal gaz à effet de serre, c’est-à-dire la vapeur d’eau, deviendra plus abondant sous l’effet du réchauffement planétaire qui accentuera encore ce dernier. »(5)

Les négociations poursuivies dans le cadre ouvert par cette expertise aboutissent à la signature par 154 pays, le 9 mai 1992, de la convention de Rio de Janeiro sur le changement climatique où la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre est explicitement constituée en objectif d’action de droit international.

La première Conférence annuelle des Parties (Conference of Parties, d’où le sigle COP) à la convention sur le changement climatique se réunit à Berlin en 1995. À la troisième conférence, dite COP3, est signé, le 11 décembre 1997, le protocole de Kyoto, dont l’objectif était la réduction des émissions de gaz à effet de serre, entre 2008 et 2012, d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990.

Dans ce cadre, la mission du GIEC consiste à fournir aux responsables politiques des éléments d’appréciation scientifique pour la compréhension des risques liés au réchauffement climatique d’origine humaine et de ses conséquences et, ensuite, la prise de décisions politiques sur les stratégies d’adaptation et d’atténuation nécessaires. Il convient donc de s’assurer de la qualité de ce socle de données, grâce à la pratique systématique du débat contradictoire sur les expertises et la multiplication des procédures de validation (6). Cette méthode permet notamment de constater que l’existence du changement climatique et son imputabilité aux activités humaines sont désormais admises par la quasi-unanimité des experts.

La réunion de la COP 21 à Paris aura comme toile de fond le dernier rapport de synthèse publié par le GIEC en novembre 2014, qui, entre autres, met en relief l’augmentation à un niveau jamais atteint des émissions de gaz à effet de serre dues à l’activité humaine depuis l’ère préindustrielle, provoquées dans une large mesure par la croissance économique et l’augmentation de la population. Ce mouvement a conduit, disent les experts du GIEC, à des concentrations dans l’atmosphère de gaz carbonique, de méthane et de protoxyde d’azote sans précédent depuis au moins 800 000 ans. Il est « très vraisemblable » que ces concentrations, combinées à d’autres facteurs liés à l’activité humaine, soient « la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du vingtième siècle » (7).

Les conclusions du rapport de synthèse sont dominées par l’annonce de l’urgence. La fixation à 2° du seuil de réchauffement climatique auquel les engagements pris dans le cadre de la COP21 devraient correspondre est moins le résultat d’un calcul purement scientifique que la concrétisation d’un objectif politique raisonnablement compatible avec les évaluations scientifiques produites par le GIEC et facilement accessible à l’opinion. Pour la France, il est impératif que les travaux de la COP21 permettent de créer les conditions pour atteindre la réduction significative des émissions de gaz à effet de serre symbolisée par ce chiffre de 2°. Comme l’a dit le Président de la République à l’Assemblée générale de l’ONU, le 28 septembre dernier :

« Alors nous devrons à Paris, nous poser une seule question : l’humanité – ce que nous sommes – est-elle capable de prendre la décision de préserver la vie sur la planète ? Oui, rien que cette question-là nous place à une hauteur que l’on n’avait jamais pu imaginer dans notre génération. On me dira : « mais, cela peut être plus tard, peut-être à une autre conférence ! » Je vous l’assure ici et je vous l’affirme tout net : si ce n’est pas à Paris, ce sera trop tard pour le monde. »

B. LA BATAILLE DE L’OPINION PUBLIQUE

À la singularité que représente la participation organique d’un groupe d’experts scientifiques à une négociation politique, correspond symétriquement le souci de faire comprendre par l’opinion publique pourquoi cette négociation prend une telle ampleur et pourquoi il est essentiel que les citoyens s’en approprient les préoccupations.

L’existence de relais d’opinion est essentielle pour parvenir à une telle appropriation. L’organisation des COP fait donc droit, largement, à côté de l’espace officiel réservé aux négociations, à l’expression des organisations non gouvernementales qui se sont donné pour objet des actions de défense de l’environnement ou de protection de la nature, dans toute la diversité de leurs conceptions. Nous avons rencontré des représentants de trois branches françaises de ces organisations : le Réseau Action Climat, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et Green Cross (8). Ces rencontres, combinées avec d’autres informations, ont montré que la préoccupation du changement climatique faisait partie des idées-forces du monde associatif bien avant que la question ne passe dans la sphère de la décision politique. Pour autant il ne ressort pas des données collectées à ce titre un tableau exagérément positif de la mobilisation de l’opinion publique française en général. L’un de nos interlocuteurs, protagoniste dès l’origine du débat sur le climat, a résumé son expérience de la difficile acceptation par l’opinion de l’importance de l’enjeu en évoquant « un effet de sidération devant l’événement et une difficulté de se mettre au travail pour l’affronter ».

Il est significatif que le GIEC ait cherché lui-même à disposer d’une expertise scientifique sur l’état de l’opinion à l’égard du changement climatique. Mme Annamaria Lammel, anthropologue et membre du GIEC, décrit en ces termes certaines des constatations auxquelles ses travaux l’ont fait parvenir :

« Quand on demande à des habitants de Paris ce que c’est que le climat, ils nous répondent par des notions de chaud et de froid et nous parlent météo. La même question chez des Amérindiens ou des Kanaks de Nouvelle-Calédonie amène à des notions de vie, de globalité de l’existence, de nature. (…) Pour un Parisien, [le changement climatique] a des effets très lointains, comme la fonte des glaces aux pôles. (…) En revanche, les habitants des Alpes nous parlent des risques d’éboulement de roches. Et les Kanaks gardent en mémoire et transmettent le souvenir des événements climatiques forts comme les cyclones qu’ils ont dû affronter. La proximité avec la nature joue un grand rôle. On n’est pas incité à agir quand on ne redoute aucun effet sur son environnement proche (9). »

À plusieurs reprises, notre attention a été appelée sur la difficulté pour un homme d’aujourd’hui, par ailleurs confronté, dans sa vie quotidienne, à de multiples soucis concrets, à se projeter trente ans plus tard pour se représenter des problèmes dont il ne ressent pas les prémisses.

Les ultramarins peuvent jouer un rôle important dans le progrès de la prise de conscience dont la nécessité vient d’être illustrée. Ils y sont sans cesse davantage incités par les phénomènes qu’ils constatent et subissent directement dans leurs territoires.

II. POURQUOI LES OUTRE-MER SONT EN PREMIERE LIGNE

En 2012, l’Observatoire national sur les effets du changement climatique (ONERC) a remis au Premier ministre un rapport intitulé Les outre-mer face au défi du changement climatique. Ce rapport contient une description synthétique du changement climatique et des analyses sectorielles de ses impacts par type d’activité. À travers un exposé riche en données scientifiques de grande qualité, il met en évidence le caractère spécifique du changement climatique dans les outre-mer.

Comment peut-on caractériser ces spécificités ?

La plus immédiatement perceptible est la situation géographique des territoires. Il ne fait pas de doute que le changement climatique touchera le monde entier, et tout le monde. Mais les impacts dans la ceinture intertropicale, où les outre-mer français sont fortement présents, sont d'ores et déjà avérés.

En outre le caractère insulaire des outre-mer accroît leur vulnérabilité. Comme l’indique le rapport de l’ONERC, « la plupart des territoires possède une capacité d’amortissement des pressions et de redéploiement territorial inférieure à celle des espaces continentaux. »(10) Autrement dit, il n’y a guère de possibilités de repli.

Enfin, les outre-mer possèdent des écosystèmes extrêmement sensibles aux variations climatiques et notamment des températures.

De cette accumulation de causes de vulnérabilité, le rapport précité conclut à juste titre que « certains impacts du changement climatique y seront perçus plus tôt et plus vivement qu’ailleurs ». Comme nous l’a fait valoir Mme Virginie Duvat, professeur à l’université de La Rochelle, les outre-mer sont en première ligne des impacts, parce que de nombreux processus liés au changement climatique s’y combinent. M. Antoine Bonduelle, fondateur du Réseau Action Climat, constate, dans le même sens, que, dans les outre-mer, les impacts du changement climatique sont immédiats et entraînent une volonté de réponse politique, alors qu’en métropole ils ne devraient pas avoir des conséquences sensibles trop difficiles à gérer avant 2050.

Les observations scientifiques et les témoignages des habitants concordent pour établir l’existence de perturbations fortes, affectant à la fois le climat et les milieux naturels, qui marquent une rupture par rapport à l’état de choses antérieur. Nous avons voulu, en nous fondant sur l’expertise des territoires, en présenter un tableau qui rende compte d’abord des traits communs à l’ensemble des outre-mer tout en évoquant certaines situations particulières, sans viser à une exhaustivité impossible compte tenu des délais impartis par l’échéance de la COP.

A. LES CHIFFRES CLES DU CLIMAT DANS LES OUTRE-MER

D’une manière générale, les observations météorologiques permettent d’attester une hausse généralisée, mais d’intensité variable, de la température dans les outre-mer.

C’est ainsi qu’à La Réunion, les températures moyennes ont augmenté de 0,62 °C sur la période 1969-2008, les températures maximales augmentant plus que les minimales. On observe parallèlement une baisse du niveau des précipitations et une extension des périodes de sécheresse.

En Guyane, les observations météorologiques disponibles permettent de constater une augmentation de 1,36° C de la température moyenne entre 1955 et 2009, avec une augmentation de 1,1°C des minimales et de 1,65°C pour les maximales (les températures minimales avoisinant 22°C et les maximales 36°C) ; l’augmentation touche toutes les saisons. En revanche aucune tendance significative n’a été caractérisée pour l’évolution des précipitations annuelles, saisonnières et mensuelles.

En Guadeloupe, la température moyenne annuelle s’est élevée de 1,2°C depuis soixante ans.

En Nouvelle-Calédonie, l’augmentation a été de l’ordre de 1° C au cours des quarante dernières années. Partout, est attesté un réchauffement global des températures dans les outre-mer au cours des décennies qui viennent de s’écouler.

Reste à déterminer comment cette évolution va se poursuivre. Dessinant les perspectives de l’évolution du climat dans les outre-mer, le rapport sur le climat de la France publié en 2014 sous l’autorité du ministère de l’écologie donne des indications précises pour les Antilles, prévoyant à l’échéance 2050, par rapport à la période de référence 1976-2005, une augmentation de la température moyenne comprise entre 0,8 et 1,2° quel que soit niveau de l’intervention publique. Dans le scénario le plus optimiste, on observerait « une stabilisation de l’évolution de la température, dont l’anomalie se maintient à 0,7° C en 2100 » ; dans le scénario le plus pessimiste, correspondant à l’absence d’initiative correctrice, l’anomalie serait « de 3 à 3,5° C d’ici 2100 ». Quant aux précipitations, elles diminueraient en moyenne, mais cette évolution globale résulterait d’une accentuation de la saison sèche et d’une « légère augmentation » pendant la saison humide ; autrement dit, elle se traduirait par un accroissement de l’écart entre les deux saisons. Le rapport indique que les évolutions de température et de précipitations « sont comparables pour toutes les régions d’outre-mer » (11). Il renvoie à la constitution de séries de données fiables sur une période significative pour disposer d’indications spécifiques plus précises pour les outre-mer à travers des modélisations adéquates.

Dans les différents territoires, des évaluations prévisionnelles ont été rendues publiques par les soins de Météo France ou avec son concours et ont nourri le débat collectif (12).

L’incertitude qui affecte encore la représentation des tendances climatiques globales n’empêche cependant pas de caractériser une série d’évolutions communes à tous les outre-mer, ou à la plupart d’entre eux, qui correspondent au déploiement du changement climatique.

B. TROIS CONSÉQUENCES MAJEURES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE COMMUNES AUX OUTRE-MER

Les conséquences du changement climatique qui impactent les outre-mer peuvent être présentées sous trois aspects majeurs : les transformations de l’océan, les atteintes aux écosystèmes et l’expansion des cyclones et autres phénomènes climatiques extrêmes.

1. Les transformations de l’océan : réchauffement et acidification

Le rôle essentiel de l’océan dans la régulation du climat tient en trois remarques : « il a absorbé 93 % de la chaleur additionnelle de la Terre depuis les années 1970, maintenant une atmosphère plus froide ; il a capturé 28 % des émissions de CO² d’origine humaine depuis 1750 ; et il a reçu pratiquement toute l’eau provenant de la fonte des glaces » (13). Les principales transformations de l’océan associées par les scientifiques au changement climatique, selon nos interlocuteurs, tiennent à l’élévation de son niveau global et l’acidification croissante de ses eaux.

L’élévation générale et continue du niveau de la mer fait partie des constatations fondamentales de la climatologie contemporaine. Les données scientifiques disponibles font état d’un taux moyen d’élévation du niveau de la mer de 1,7 mm par an, à 0,2 mm près, entre 1901 et 2010 et de 3,2 mm par an, à 0,4 mm près, entre 1993 et 2014. « Cette valeur, double de celle des dernières décennies, suggère une accélération récente de la hausse de la mer. » (14)

En ce qui concerne les outre-mer, selon le même document, des études récentes « ont montré que, depuis 1950, la hausse de la mer a été assez différente d’une région à l’autre. Ainsi, en Polynésie, la hausse a atteint 3,5 mm par an, soit près de deux fois la hausse moyenne globale sur cette période (1950-2010) alors qu’à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), la hausse est estimée à 2 mm par an. À La Réunion, on estime que la hausse des 60 dernières années n’a pas été significativement différente de la moyenne globale » (15). D’autres études font état, pour la même période, d’une hausse moyenne annuelle de 1,7 mm par an pour la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy et de 1,9 mm par an pour la Guadeloupe. La pression semble moindre dans l’Océan Indien.

Les évaluations du GIEC tablent sur la poursuite du phénomène sur une longue durée, en raison de l’inertie qui caractérise le mouvement des masses océaniques. Sans doute reste-t-il une marge d’incertitude quant à l’ampleur exacte de la montée des eaux, mais la poursuite de l’élévation du niveau de la mer déjà constatée est unanimement présentée comme inéluctable.

De toute évidence, cette perspective ne peut qu’inspirer de l’inquiétude dans l’ensemble de nos territoires, où qu’ils soient situés. En effet, ils ont tous en commun une urbanisation massivement concentrée dans les zones côtières, par nature exposées en première ligne à l’élévation du niveau de la mer. Ce sentiment est particulièrement vif dans les atolls, îles basses dont les terres ne sont qu’à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est aussi particulièrement vrai en Polynésie française où 84 des 118 îles sont des atolls – dont 54 habités – formant un cinquième des atolls du monde.

Deuxième phénomène fréquemment cité, l’acidification des océans affecte le rôle stabilisateur qu’ils remplissent alors qu’augmentent les émissions de gaz carbonique, principal gaz à effet de serre. En effet, 25 % de ces émissions sont absorbées par les eaux océaniques. Plus la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère augmente, plus l’océan en absorbe. Il en résulte une diminution du pH océanique et, en répercussion, une diminution de la concentration en ions carbonate, qui peut être dommageable pour les colonies de coraux et les poissons des mers tropicales. Selon des études récentes rapportées par l’ONERC, l’augmentation du gaz carbonique dans l’atmosphère « a entraîné une baisse du pH des eaux de surface de presque 0,1 unité pH dans les eaux chaudes » et « une réduction de 0,2 à 0,3 unité pH pourrait se produire dans le siècle à venir » (16)

La hausse du niveau de la mer est également susceptible d’avoir des conséquences sur les ressources en eau douce constituées par les nappes aquifères côtières. Les conditions dans lesquelles l’eau salée de la mer, plus dense que l’eau douce, envahit les formations géologiques côtières, varient selon les territoires. L’intrusion prend de manière générale la forme d’un biseau plongeant vers l’intérieur des terres et mettant ainsi en cause de manière diversifiée les ressources en eau potable, la qualité des sols cultivés, voire les fondations des immeubles en zone urbanisée (17).

Le réchauffement et l’acidification des océans fragilisent la biodiversité côtière et tout particulièrement les récifs et les mangroves, aujourd’hui premiers « garde-manger » des populations isolées mais surtout principales barrières de protection naturelle contre les phénomènes extrêmes, tels que les cyclones et les tsunamis.

2. La mise en péril des écosystèmes

Les outre-mer situés en zone tropicale se caractérisent par la richesse de leurs écosystèmes naturels. Nos interlocuteurs n’ont cessé de nous montrer l’atout que représentait leur exceptionnelle biodiversité et aussi d’appeler notre attention sur les menaces qui pèsent sur elle. Parmi les espaces menacés, les plus fréquemment cités ont été les récifs coralliens et les mangroves, en raison, notamment, de leur importance pour contrecarrer, jusqu’à un certain point, les effets prévisibles du réchauffement que nous venons d’évoquer.

a. Quelques aspects des menaces sur la biodiversité

Les conséquences du changement climatique sur la biodiversité dans les outre-mer donnent lieu à des affirmations impressionnantes et concordantes (18). Selon le Comité français de l’UICN, « 15 à 37 % des espèces pourraient disparaître à cause du changement climatique d’ici 2050. Les écosystèmes insulaires sont particulièrement vulnérables » (19). En effet, leur isolement géographique et leur taille limitée se traduisent par une spécialisation importante et la faible capacité d’adaptation et de dispersion des espèces. À titre d’illustration, la note de l’UICN cite les menaces pesant sur les forêts humides d’altitude de Tahiti, où vivent actuellement des espèces animales rares et 63 % des 224 plantes endémiques de l’île. En Guyane, elle cite la diminution d’un cinquième en dix ans du nombre des espèces végétales présentes à la lisière de la forêt tropicale, phénomène « qui serait directement lié au réchauffement climatique ». Pour sa part, le Parc amazonien de Guyane estime possibles :

« des déplacements (plus haut en altitude) des aires de répartition potentielles de certaines espèces liées aux forêts humides d’altitude ; des disparitions d’espèces localement (celles qui ne pourraient trouver refuge plus haut) ; des changements dans les communautés végétales : remplacement de certaines espèces par des espèces supportant mieux une forme de sécheresse ; des changements de la phénologie des espèces (décalage des périodes de migration, de reproduction, de floraison, de chutes des feuilles…) pouvant entraîner des ruptures de symbioses et de chaînes trophiques (20). »

Une autre conséquence du changement climatique serait la recrudescence des espèces exotiques envahissantes sur terre et en mer. Selon l’UICN, une étude menée aux îles Kerguélen montre que « le réchauffement climatique (augmentation des températures, diminution des précipitations) a modifié le cortège floristique avec une régression des espèces natives et une recrudescence des espèces introduites ».

La perturbation des cycles biologiques trouve une illustration frappante dans l’Antarctique, où les espèces traditionnellement présentes, tels que les manchots, les pétrels et les albatros, ne peuvent s’adapter à l’évolution rapide du climat : la fonte des glaces a réduit de moitié la population de manchots empereurs de Terre Adélie. Une menace du même ordre pèserait sur les tortues marines, déjà en butte aux comportements prédateurs de l’homme, dans la mesure où « le réchauffement du sable au niveau des sites de ponte pourrait modifier le ratio mâle/femelle des œufs, déterminé par la température d’incubation » (21) L’augmentation de la température risque également d’engendrer des perturbations des cycles de ponte et de migration des oiseaux, au détriment de leurs capacités de reproduction (22). Enfin, elle modifie la répartition, selon l’altitude, des arbres des forêts, au risque de faire disparaître les espèces qui, habituellement présentes aux altitudes les plus élevées, ne supporteraient pas d’être exposées en permanence à une plus forte chaleur.

Le changement climatique devrait également se traduire par une diminution du phytoplancton et du krill qui sont à la base des chaînes alimentaires marines, susceptible de se répercuter sur les poissons qui s’en nourrissent.

Les cyclones prennent une part déterminante dans le déséquilibre des milieux naturels. Ainsi, « les primatologues ont établi que lors d’épisodes cycloniques où la végétation est détruite il y a une forte mortalité des lémuriens (par absence de nourriture) » (23). Les cyclones sont également « susceptibles de dévier la trajectoire d’oiseaux migrateurs hivernant en Guyane ou de détruire sur leurs axes leurs zones de halte et d’alimentation » (24)

b. Le risque de dépérissement des récifs coralliens

Les alarmes se multiplient autour du thème des risques auxquels le changement climatique expose les récifs coralliens. Pour les comprendre, il convient de rappeler brièvement comment ces récifs sont constitués. Les coraux (25) sont formés de squelettes calcaires au long desquels se trouvent des polypes, qui vivent en symbiose naturelle avec des micro-algues, les zooxanthelles. Les coraux protègent et nourrissent les zooxanthelles, qui leur transfèrent des molécules sucrées. Ils se nourrissent également de zooplancton. L’augmentation de la température de l’eau entraîne la rupture de la symbiose, par expulsion ou affaiblissement des micro-algues ; le signe extérieur de la rupture est le blanchissement du corail. Par ailleurs, l’accroissement des rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère, conséquence du développement des activités humaines, se traduit par une augmentation de la part de ce gaz absorbée par l’océan ; le gaz carbonique dissous dans l’eau océanique entraîne une augmentation de son acidité, qui compromet l’accomplissement du processus de calcification à l’origine de la constitution des squelettes des coraux et par conséquent de la formation des récifs coralliens (26).

Ainsi menacé de plusieurs parts, l’avenir des récifs coralliens dans le monde suscite des inquiétudes. Selon des estimations récentes, dans le monde entier, « 19 % des récifs sont actuellement détruits, 15 % sont sérieusement atteints et risquent de disparaître d’ici une dizaine d’années et 20 % risquent de disparaître dans moins de 40 ans. » (27). En Guadeloupe, « la quasi-disparition des coraux corne de cerf et corne d’élan, ainsi que d’autres espèces dominantes, a changé de nombreux récifs coralliens de manière spectaculaire. » (28). On peut observer une certaine capacité d’adaptation des coraux à l’élévation de la température ; mais cette capacité n’est pas identique selon les espèces, ce qui crée un risque de diminution de leur diversité (29), et on ne sait pas jusqu’à quel point elle pourra s’exercer si la hausse de la température de l’océan se poursuit aussi inéluctablement que ne l’affirment les prévisions actuellement reçues. Seule la continuation sur une période significative des recherches en cours pourra apporter les assurances nécessaires.

En outre, les récifs sont victimes des activités humaines : directement, par les prélèvements qui peuvent être faits à des fins de constructions d’immeubles ou en conséquence de la réalisation d’équipements ; indirectement, du fait de la surpêche ou de l’usage de phosphates à des fins agricoles.

Les constatations qui viennent d’être faites s’appliquent naturellement aux récifs situés dans les outre-mer français. Ces récifs et les lagons qui leur sont associés représentent 10 % du total mondial, sur une surface de 55 000 km². En Polynésie française, les récifs couvrent 12 800 km² et comptent 176 espèces de coraux, 1 024 espèces de poissons et 1 160 espèces de mollusques (30). Dans la barrière de corail de Nouvelle-Calédonie, sur une longueur totale de quelque 1 600 km, on dénombre plus de 20 000 espèces marines.

Les épisodes de blanchissement du corail sont relevés avec inquiétude par les services compétents. Ainsi, à Mayotte, le blanchissement corallien observé d’avril à août 1998, suite au phénomène El Niño, s’est traduit par une dégradation massive atteignant localement plus de 90 % de mortalité corallienne. Sept ans après cet épisode de blanchissement considéré comme le plus important jamais répertorié sur l’île, un nouveau blanchissement corallien, moins important, a de nouveau eu lieu en mai 2010 et affaibli la vitalité des récifs (31).

L’affaiblissement des coraux a des effets directs sur les colonies de poissons qui peuplent les récifs et y forment un élément de la chaîne alimentaire. Parmi ces effets, figure la ciguatera, maladie endémique due à la consommation de poissons de récif habituellement comestibles qui ont ingéré des dinoflagellés Gambierdiscus, micro-algues toxiques proliférant sur les coraux morts. Le développement de la mortalité du corail lié au réchauffement climatique, mais aussi à la pollution des eaux, accroît le risque d’exposition à cette intoxication. Les relations entre l’évolution de la vitalité des récifs coralliens et celle de la population de poissons qui peuplent habituellement ces récifs ont fait l’objet d’une étude récente à partir d’observations faites sur l’atoll de Mataiva, choisi en raison de sa situation qui le préserve largement de l’impact des activités humaines. L’étude conclut à une relative résistance des peuplements de poissons à l’affaiblissement de la couverture corallienne et à une certaine capacité de reconstitution de ces peuplements consécutivement au rétablissement de cette couverture, mais laisse ouverte la question de savoir si ce seuil de résistance serait ou non affecté par l’accroissement éventuel – redouté par le GIEC – de l’ampleur et de la fréquence des perturbations multiples subies par les récifs (32).

c. Les menaces sur les mangroves

La mangrove est une forme de forêt particulière aux zones tropicales, où l’espèce prépondérante est le palétuvier, et qui se développe sur le rivage des mers et des lagons en colonisant les dépôts vaseux qui s’y forment et, naturellement, s’y renouvellent. Elle est présente, dans des proportions variées, à peu près dans tous les outre-mer français de ces zones (33).

Depuis plusieurs années, l’attention de l’opinion publique est appelée sur les dégradations subies par les mangroves. La pollution résultant des activités humaines est plus immédiatement citée que le changement climatique : « environ 20 % de la superficie des mangroves mondiales ont été détruites depuis 1980, principalement à cause du déboisement, de la construction d’infrastructures ou du développement de l’aquaculture. » (34). Comme le constate une étude parue en 2003, « la mangrove est souvent considérée soit comme un potentiel forestier à exploiter, soit comme une réserve foncière à remblayer pour urbaniser, soit comme un exutoire pour tous types de rejets liquides et solides. » (35). Ces remarques portent sur la situation de Mayotte, mais les errements qu’elles dénoncent sont observés ailleurs dans les outre-mer.

L’intensification des cyclones, anticipée en liaison avec le changement climatique, devrait se traduire, selon les scientifiques, par la fragilisation des mangroves. La réalité de ce risque est attestée dès maintenant, à leurs yeux, par les précédents du cyclone Hugo, qui a dévasté les trois quarts des mangroves de palétuviers rouges de la Guadeloupe les 16 et 17 septembre 1989, et, plus près de nous, du cyclone Dean qui a frappé la Martinique en 2007. Si la tendance se confirme, les observations faites pendant la période qui a suivi le passage de Hugo donnent à craindre que « les mangroves risquent de ne plus avoir le temps nécessaire pour se régénérer entre deux agressions » (36).

Les atteintes aux mangroves ont des conséquences en chaîne, notamment sur les espèces animales dont ces forêts sont le lieu de vie et parfois l’abri protecteur, et en particulier sur les poissons. Dans la suite de ce rapport, on évoquera d’autres conséquences de leur déclin, qui affecte leur rôle essentiel dans la protection du trait de côte et des zones côtières contre les dégradations imputables à la montée des océans.

3. L’expansion des phénomènes climatiques extrêmes

Les scientifiques attribuent au réchauffement climatique des risques d’intensification et d’aggravation des cyclones en zone tropicale, voire l’augmentation de leur fréquence dans les zones Nord-Atlantique et Pacifique Sud-Ouest (37).

Dans les outre-mer, le besoin se fait sentir d’études permettant de développer les connaissances scientifiques sur les effets locaux et régionaux de ce phénomène. C’est ainsi qu’à Mayotte, l'étude Cycloref, confiée au BRGM, a pour objectif de caractériser de quantifier l'aléa de submersion marine à l'échelle de l'île. Elle intègre des hypothèses d'évaluation du niveau marin liées au changement climatique avec prise en compte de la barrière de corail qui amortit les phénomènes venant du large. À ce jour, ce projet a permis l'identification de vingt cyclones historiques ayant impacté le littoral mahorais. La trajectoire et l'intensité de chacun de ces cyclones ont fait l’objet d’une analyse renouvelée au regard des dernières données météorologiques disponibles. La modélisation météorologique postérieure à ce travail « devrait permettre de reproduire l'onde de tempête à l'intérieur du lagon mahorais ».

La fréquence et l’intensification des cyclones provoquent des conséquences en chaîne. Les vagues qu’ils provoquent brisent récifs et mangroves fragilisés par le réchauffement des eaux, et augmentent la salinité des sols terrestres au cours des invasions marines dont ils sont responsables. Il s’ensuit un enchaînement de causalités négatives diverses.

Enfin, en provoquant une hausse temporaire du niveau des eaux maritimes (les « houles cycloniques »), ils amplifient les phénomènes d’intrusion d’eau salée à l’intérieur des terres précédemment évoqués. La démultiplication des phénomènes cycloniques sous l’effet du changement de climat ne pourrait que conforter et amplifier ces désordres.

De même, les houles distantes constituées sous l’effet du vent, qui traversent les étendues océaniques sur des milliers de kilomètres, peuvent provoquer des submersions temporaires et des déplacements de population. L’élévation du niveau de la mer risque d’en accentuer encore l’ampleur et donc les effets destructeurs. Les prévisions scientifiques actuelles mettent par exemple en question la subsistance à moyen terme de l’isthme de Miquelon, et des inquiétudes légitimes peuvent être exprimées quant à la résistance de certaines îles du Pacifique, y compris les plus urbanisées, à la montée des eaux.

Enfin, parmi les risques, figurent des baisses de précipitations alliées à des saisons des pluies plus intenses contre des épisodes de sècheresse plus durs. Dans l’ensemble des territoires, cette amplification des extrêmes est particulièrement destructrice : de Wallis-et-Futuna dans le Pacifique en passant par l’océan Indien à la Réunion jusqu’en Guyane ou aux Antilles de l’Atlantique, les scientifiques constatent des changements de pluviométrie exceptionnels.

En exemple type, prenons l’île de Saint-Martin, aux Antilles, où, « du 7 au 8 novembre 2014, les pluies diluviennes qui se sont abattues sur l’île auront été sources d’engorgements, d’écoulement boueux, de chutes de blocs rocheux et de débordements importants sur les routes et sites alentours, dans les commerces, les habitations et les établissements publics. Les précipitations abondantes et en continu ont occasionné sur la plupart des secteurs de l’île des niveaux d’eau exceptionnels. Le rapport de Météo France indique que le quantile décennal concernant les précipitations sur cet évènement a été atteint sur la collectivité de Saint-Martin » (38).

C. DES IMPACTS SOCIO ECONOMIQUES LOURDS

Les évolutions physiques que nous venons de décrire auront d’inévitables répercussions sur les conditions de vie dans les territoires, au bout de ce que les scientifiques dénomment des « chaînes d’impact ». Nombre de personnalités auditionnées ou de contributions reçues évoquent ces enchaînements qui affecteront lourdement la vie sociale et économique.

Le plus immédiat est la menace sur l’habitat. Dans les outre-mer, où la majeure partie de la population demeure sur le littoral ou à proximité de celui-ci, l’élévation du niveau de la mer et le renforcement potentiel des capacités de destruction des cyclones et des tempêtes placent de nombreux habitants en situation de précarité : précarité immédiate, que l’on peut vérifier à l’aune de précédents cycloniques récents, ou à terme, lorsque la projection des prévisions de hausse des eaux, même sous leur forme la plus modérée, implique la submersion dans un demi-siècle ou un siècle de zones actuellement habitées de manière stable.

Le changement climatique implique également une raréfaction de la ressource en eau destinée à la consommation humaine. Même si elles sont formulées avec une légitime prudence, les prévisions des météorologues tablent sur une accentuation, dans les outre-mer, des épisodes de sécheresse, obligeant à une gestion attentive de l’eau distribuée et laissant entrevoir des risques de pénurie, avec des conséquences immédiates sur les actes de la vie quotidienne, et aussi sur les productions vivrières de première nécessité. L’inconvénient sera particulièrement sensible pour les populations isolées qui dépendent étroitement de ces productions.

L’élévation des températures et la diminution éventuelle des précipitations peuvent par ailleurs favoriser, dans des conditions que la recherche actuelle s’attache à préciser (39), l’expansion de maladies endémiques vectorielles déjà présentes dans les outre-mer, telles que le paludisme, la filariose ou la dengue (40). Ainsi, sur l’île de Saint-Martin, l’Institut de Veille Sanitaire dénombrait du 7 janvier 2013 au 26 janvier 2014, 4010 cas cliniques de dengue, et depuis le début de l’épidémie de chikungunya en 2013, 5320 cas cliniquement évocateurs (41).

Plus structurellement encore, les phénomènes nouveaux liés au changement climatique altèrent les conditions de fonctionnement de secteurs vitaux pour l’économie des outre-mer. Tel est le cas, en premier lieu, de la pêche : d’une part, l’évolution des océans peut se traduire, soit par la disparition de certaines espèces, soit par la modification de leurs habitudes de vie ; d’autre part, l’insertion des poissons dans la chaîne alimentaire peut en faire le vecteur sournois d’intoxications dont le changement climatique favorise l’expansion, telles que la ciguatera déjà citée. Quant à la perliculture, qui « a des exigences extrêmement strictes en termes de température et de qualité d’eau », elle pourrait être fortement affectée par l’augmentation de la température et de l’acidité de l’océan (42).

Les productions agricoles pourraient subir des répercussions très importantes, évoquées sans détour en audition et dans les documents de l’INRA et de l’ONERC. Selon les spécialistes, les difficultés d’irrigation liées à la baisse prévisible des précipitations devraient avoir, à mode de culture constant, des conséquences très négatives sur la culture de la canne à sucre – davantage que sur la culture de la banane. Les cultures maraîchères, importantes pour l’autosuffisance alimentaire des outre-mer, seraient universellement mais diversement affectées « via la hausse des températures, les sécheresses et les problèmes d’érosion » (43). Il en sera de même pour la culture fourragère, avec des répercussions défavorables sur l’élevage. À ce sujet, la collectivité de Saint-Martin note que « la période de sécheresse entraîne un taux de mortalité plus élevé chez le bétail, la diminution des taux de production, des taux de fertilité et a une influence négative sur la productivité pondérale» (44). Autre impact sur l’agriculture, les risques multiples que la fragilisation des atolls et la salinisation des lentilles d’eau douce, notamment, font peser sur les cocoteraies peuvent accentuer dramatiquement le déclin de la production du coprah.

Le tourisme, activité essentielle pour le développement économique des outre-mer, pourrait lui aussi être fortement atteint par le changement climatique. L’exposition accrue du littoral à la montée des eaux et aux évènements météorologiques extrêmes frappera particulièrement les hôtels et autres lieux d’accueil touristiques, en grevant les conditions économiques de leur exploitation. Comme le précise M. Bruno Magras, président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy,

« …les conséquences actuelles sont encore peu visibles. A moyen terme, l’érosion des plages serait le problème le plus important compte tenu de ses conséquences environnementales et économiques, le tourisme étant le principal secteur d’activité. La sécheresse aurait aussi des effets sur le ravinement et l’érosion des sols » (45).

Bien évidemment, ce point de vue peut être partagé par l’ensemble des outre-mer où l’activité touristique prédomine.

Depuis 2011, des échouages massifs de bancs de sargasses, de plus en plus fréquents et en quantités croissantes, créent, aux Antilles, des nuisances, notamment olfactives, sensibles pour tous, mais particulièrement répulsives pour les touristes. L’hypothèse jugée la plus probable par les scientifiques est que l’anthropisation, accompagnée d’une augmentation des concentrations en nutriments aux embouchures, de l’Amazone et de l’Orénoque notamment, favoriserait la croissance de ces algues pélagiques qui seraient entrainées vers l’arc antillais par le courant de dérive nord équatorial. 46

La raréfaction de l’eau n’est pas favorable non plus à l’essor et même au seul maintien des implantations touristiques. Les risques sanitaires, comme la perspective de l’accroissement des cyclones, ont sur la fréquentation touristique un effet dissuasif attesté par plusieurs précédents et qui pourrait se reproduire à plus grande échelle.

L’exemple du tourisme le montre de manière quasi-expérimentale : c’est bien la combinaison de facteurs divers, aux effets multiples et simultanés, sur des territoires physiquement et économiquement très vulnérables, qui fait des outre-mer des lieux auxquels nous devons être particulièrement attentifs. Elle fait aussi de ces territoires des lieux privilégiés, des avant-postes de l’observation, de la recherche et de l’innovation au bénéfice de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les travaux de recherche et d’innovation sont salutaires pour préserver la richesse du patrimoine naturel et culturel de ces territoires – pour, tout simplement, y préserver la vie ! Aussi, nous sommes-nous intéressés à la fois au regard porté par la science et par les décideurs sur les multiples enjeux directs et dérivés du changement climatique et à la réceptivité des populations à la question.

III. LA PERCEPTION ULTRAMARINE DES ENJEUX

Dans un débat dont, potentiellement, l’enjeu universel est la vie de tous, le lien entre la qualité des connaissances scientifiques sur les changements observés et prévisibles et la conscience qu’en ont les personnes concernées au premier chef par ces changements est essentiel.

A. L’ÉTAT DES CONNAISSANCES

La question générale du niveau et de la précision des connaissances disponibles revient souvent dans les analyses du changement climatique outre-mer. Elle reçoit par les missions conduites dans le cadre des Terres australes et antarctiques françaises, territoire ultramarin au régime sui generis, une précieuse réponse expérimentale sur laquelle il a paru utile de s’attarder. Une mention particulière sera ensuite faite des possibilités ouvertes par la souveraineté française sur l’île de Clipperton.

1. Acquis et lacunes des connaissances sur le changement climatique dans les outre-mer

Sur l’état des connaissances relatives au changement climatique, le BRGM de Mayotte a exprimé une opinion qui nous paraît résumer ce que nos consultations nous ont permis de ressentir :

« Avant de s’interroger sur les conséquences du changement climatique, il faut déjà s’interroger sur le niveau de connaissance sur les changements climatiques eux-mêmes, en cours et à venir. À ce sujet, si pas mal de données existent à l’échelle des bassins océaniques, la connaissance est largement perfectible à l’échelle des îles. Il y a un véritable enjeu scientifique autour des questions de descente d’échelle relatives au climat, de l’océan jusqu’à des territoires donnés. Sur ce plan, beaucoup reste à faire sur l’ensemble de l’outre-mer »(47).

De fait, il ne manque pas dans les outre-mer de centres de recherche de qualité où travaillent des spécialistes internationalement reconnus. La richesse des initiatives prises par l’université de La Réunion dans le domaine des sciences de l’univers, des sciences de la mer et de la biodiversité a été saluée de plusieurs parts. La nécessité d’une coopération entre centres de recherche et autorités politiques a été également soulignée ; un bon exemple en est donné par le CRIOBE qui a développé des programmes de recherche en liaison avec le gouvernement et les services de l’État, sans oublier la dimension internationale dont nous reparlerons.

Cependant, les lacunes de l’information élémentaire sont fréquemment mentionnées. Le constat est général (48), mais il a bien entendu des conséquences particulièrement fâcheuses pour l’évaluation actuelle des effets du changement climatique. Ainsi, pour les données marégraphiques, « on ne dispose que de dix années effectives pour la Réunion, quatre pour Mayotte et la Martinique et dix pour la Polynésie française » (49) alors qu’une utilisation de ces données pour l’appréciation du changement climatique nécessite de disposer de séries chronologiques plus longues. En effet, comme le rappelle, en réponse à notre questionnaire, M. Jean-Yves Meyer, délégué à la recherche de la Polynésie française, « les données du terrain sont importantes. Il ne faut pas se limiter aux modèles, car nous n’avons pas toujours les données qu’il faut pour modéliser » (50) Il peut également arriver que les progrès intervenus dans l’explication de phénomènes naturels jusqu’alors insuffisamment étudiés, sans référence au changement climatique, fassent apparaître la nécessité de prendre en compte ce paramètre dans le développement ultérieur des recherches. C’est ainsi que les auteurs de l’étude, récemment publiée, qui traduit le progrès des connaissances sur les mouvements des courants du bord Ouest du Pacifique, si importants en soi pour la vie des États-îles du bassin océanique, expriment le souhait de la voir prolongée par des travaux portant sur l’impact, qu’ils jugent probable, du changement climatique sur les mouvements de ces courants (51).

Des lacunes sont également déplorées dans la connaissance de la biodiversité :

« Concernant les groupes comme les insectes, les araignées et autres petites bêtes, qui constituent pourtant l’essentiel de la biodiversité (les insectes à eux seuls en représentent plus de 60 %, tous groupes confondus, animaux, plantes, bactéries, etc.), les données sont extrêmement lacunaires dans la région caribéenne, et encore plus dans les Petites Antilles. »(52)

Les collectivités sont souvent sensibles à la nécessité de développer les moyens de la recherche en rapport avec le changement climatique. Ainsi, une convention du 18 avril 2013, passée entre les autorités et l’université de la Polynésie française, prévoit la création d’un observatoire du réchauffement climatique, chargé de « réaliser un suivi du niveau de la mer et une modélisation des tsunamis ainsi que des événement hydrométéorologiques extrêmes ».

Par nature, les activités de recherche portant sur l’évolution du climat ont besoin d’une garantie stricte de leur continuité et de leur pérennité, car leur fiabilité dépend étroitement de la cohérence à long terme des statistiques qui leur fournissent leur matériau de base. Ce souci de la permanence du financement a été exprimé à plusieurs reprises devant nous.

2. L’apport particulier des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Les TAAF (53), c’est-à-dire les îles Kerguelen, Crozet, Saint-Paul-et-Amsterdam, la Terre–Adélie et les îles Éparses, présentent des particularités physiques qui les rendent propres à favoriser la conduite d’activités de recherche scientifique. L’absence de peuplement humain permanent sur l’ensemble de ces territoires isolés et difficiles d’accès a en effet contribué à la préservation d’un patrimoine naturel exceptionnel, faiblement exposé aux impacts directs de la présence humaine, et aujourd’hui encore dans un état de conservation unique. Ils sont notamment un terrain d’élection pour l’étude du changement climatique sous les latitudes australes et antarctiques et de ses impacts sur les milieux et la biodiversité. De nombreux programmes de recherche sont menés dans cette perspective, que doit couronner la prochaine mise en place d’un observatoire du climat et de la biodiversité sur l’ensemble de l’étendue géographique des TAAF (54).

Dans les îles subantarctiques et en Terre-Adélie, la recherche porte en premier lieu sur les stratégies d’adaptation des animaux et des plantes face aux changements globaux dans les conditions climatiques extrêmes de ces latitudes, pouvant inclure désormais les modifications imputables au changement climatique. Les études portent sur les comportements alimentaires de certaines espèces (manchots, albatros) et leurs déplacements en mer ; pour certaines populations d’oiseaux, les données disponibles couvrent une cinquantaine d’années. Par ailleurs, les stations de Météo-France assurent la continuité de l’observation météorologique dans ces régions isolées, dans des conditions qui ont permis d’établir les plus longues séries de données disponibles dans ces régions. En particulier, la base d’Amsterdam accueille l’unique observatoire du gaz carbonique présent dans l’Océan Indien, au cœur d’une zone capitale pour l’absorption du CO2 de la planète par les eaux océaniques.

Dans les îles Éparses, l’activité scientifique se traduit, depuis une dizaine d’années, par des programmes pluridisciplinaires portant sur l’état, le fonctionnement et la valeur de leurs écosystèmes marins et terrestres. Des stations de suivi de la biodiversité marine et des habitats terrestres y sont installées, ainsi que des stations d’observation en sciences de l’univers (marégraphes, sismographes, GPS, etc.) qui permettent de suivre l’évolution du niveau de la mer et la circulation océanique dans le canal du Mozambique. En outre, un programme de sismologie porte sur l’impact de la houle océanique sur les îles (érosion, dégradation des récifs coralliens, etc.). La documentation scientifique sur l’impact du changement climatique sur ces divers phénomènes en sera enrichie d’autant.

3. Le potentiel de Clipperton

L’île de La Passion, communément appelée Clipperton, seul atoll du Pacifique nord-oriental, est un anneau de corail accroché à un mont volcanique sous-marin de 3000 mètres de haut, dont seul émerge le Rocher qui culmine à 29 m d’altitude. Sa superficie totale est de 9 km², dont un lagon, fermé depuis 1850, et 1,7 km² de terres émergées. Administrativement, l’île, totalement inhabitée, est un domaine public d’État géré par le haut-commissaire en Polynésie française. Des missions régulières de la Marine nationale y matérialisent la revendication de souveraineté de la France au regard des normes du droit international.

L’isolement de l’île de la Passion au milieu des eaux du Pacifique en fait un lieu privilégié pour l’observation des migrations des animaux marins et des oiseaux et de la résilience d’espèces végétales, telles que les cocotiers qui y ont été importés vers le début du vingtième siècle, confrontées à un environnement hostile. Plusieurs missions scientifiques se sont déjà livrées sur l’île à un certain nombre d’observations ; la nécessité d’une approche aussi fine que possible du changement climatique peut créer un regain d’attention pour cette possession singulière qui présente pour la France de nombreux intérêts économiques et scientifiques. Comme le constate notre collègue Philippe Folliot, en conclusion du « journal de bord » qu’il a tenu à l’occasion de sa mission sur l’ile à bord de la frégate Prairial, en avril-mai dernier, « Clipperton est une jachère, un atout pour la France qu’il est urgent de protéger et de valoriser ».

B. LA PRISE DE CONSCIENCE DE L’OPINION

De l’avis général, la réussite de la stratégie de lutte contre les effets du changement climatique dépend de la claire perception de ses enjeux par la population. Ce lien est particulièrement net dans les sociétés insulaires des outre-mer, où les conditions naturelles mettent en évidence, sans contestation possible, la solidarité objective des habitants face à la menace et aux réponses qu’elles appellent. Nous avons essayé de prendre la mesure de la sensibilité collective au changement climatique, à travers les entretiens que nous avons conduits avec les personnalités et les responsables d’institutions, les réponses à notre questionnaire et les travaux publiés sur ce sujet. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’effectuer une évaluation globale, qui nécessiterait des moyens considérables, mais de recueillir, à travers les informations rassemblées, des impressions significatives.

1. L’implication des élus et de la société civile

Nous connaissons, en tant que parlementaires, mais aussi comme témoins et acteurs de la vie de chacun de nos territoires, l’engagement des collectivités et de leurs élus dans la sensibilisation au changement climatique ; d’une certaine manière, les initiatives évoquées au long de ces pages, auxquelles les collectivités sont souvent associées, en témoignent.

Mais cette prise en conscience reste encore à développer jusqu’à la plus petite échelle de l’exercice politique. Les communes doivent être pleinement associées à ces enjeux. Nous retiendrons également les travaux des divers conseils économiques, sociaux et culturels d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Mayotte, et de Polynésie française, dont les contributions particulières démontrent l’intérêt croissant de la société civile pour la question du changement climatique.

Les réponses montrent que les élus ont conscience des progrès à faire pour développer des connaissances fines sur les manifestations et les conséquences du changement climatique pour la collectivité dont ils ont la responsabilité, et du rôle que celle-ci peut et doit jouer à l’appui de telles recherches. Ainsi, dans la collectivité de Saint-Barthélemy, des études sont en cours, afin de faire un bilan sur les émissions de gaz à effet de serre et la transition énergétique (la première commandée par l’Agence territoriale de l’environnement, la seconde par le CESC de Saint-Barthélemy). Le rendu final est attendu respectivement pour le mois d’octobre et le premier semestre 2016. Outre un bilan des gaz à effet de serre et des effets probables du réchauffement à Saint-Barthélemy, ces études proposent des plans d’action. Par ailleurs, un inventaire des récifs coralliens va être engagé dans les mois à venir, ce qui permettra de mesurer, parmi d’autres facteurs, les effets du réchauffement sur ces récifs. (55)

Enfin et sans surprise, nous avons noté la forte implication des associations de défense de l’environnement dans les actions d’éveil aux réalités et aux conséquences du changement climatique. Comme il est normal, les analyses des associations ne font pas un sort particulier à ce phénomène, mais l’inscrivent dans une perspective générale alliant la promotion de comportements nouveaux face au réchauffement et la lutte contre toutes les formes de pollution qu’elles constatent. Elles interpellent également les politiques sur la nécessité d’une action concertée et cohérente en matière d’aménagement et de développement. En effet, celle-ci se heurte souvent, de par l’exiguïté du foncier et la raréfaction des ressources, à l’enjeu économique des territoires56.

Les efforts menés par les élus et les forces vives d’outre-mer devraient améliorer la prise de conscience encore relativement faible des populations, naturellement tournées vers des problématiques de vie quotidienne. Néanmoins, on note, selon le contexte, une sensibilité grandissante à certains phénomènes climatiques.

2. Des populations relativement en éveil

La prise de conscience du phénomène du changement climatique par la population dans les outre-mer (comme d’ailleurs dans l’hexagone) est difficile à apprécier qualitativement comme quantitativement. Elle reste, surtout, très inégale selon les territoires, selon le lieu, le niveau de vie et le type d’activité des habitants. Enfin, même si une partie de la population y est sensibilisée, sa perception des connaissances actuelles demeure très imprécise.

Il est notoire que certaines populations sont naturellement plus sensibles aux enjeux marins et maritimes, communs à l’ensemble des outre-mer, parce qu’elles habitent en bordure de littoral ou vivent d’une activité tributaire de la santé des océans. Les traditions culturelles et sociales jouent un rôle important dans la formation du regard que les territoires portent sur les océans, et, bien entendu, ce regard peut évoluer : « culturellement, les populations de La Réunion et de Mayotte sont tournées vers la terre, la considération de la dimension maritime étant quasiment inexistante avant les années 90. » (57)

Dans la Caraïbe, l’École de la Mer de Guadeloupe fait un constat culturel semblable :

« À l’exception des pêcheurs, la population dans sa très grande majorité est sans information sur les enjeux écologiques marins et leurs conséquences. Pour différentes raisons dont certaines historiques, les insulaires antillais ne se sont que très peu approprié leur espace maritime… »(58)

Un même décalage de perception est attesté, pour la Guyane, par notre collègue Chantal Berthelot dans la contribution qu’elle nous a adressée :

« Bien que les instances délibérantes de Guyane prennent de plus en plus en considération les enjeux liés aux changements climatiques, la composante environnementale apparaît le plus souvent comme une contrainte et ne représente pas une problématique de premier ordre pour la société civile. »

À Saint-Pierre et Miquelon, en revanche, la mer semble présente dans la conscience collective ; elle ne cesse, au fil des marées et des tempêtes, de façonner le profil des côtes de l’archipel à travers le travail d’une érosion permanente, et elle a constitué depuis des siècles, à travers la grande tradition de la pêche à la morue, l’élément primordial de l’activité économique et de la vie sociale.

Dans les îles du Pacifique, la culture traditionnelle fait une large place à l’océan. Comme l’a constaté le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française dans un récent avis, « les activités humaines sont étroitement liées à l’environnement naturel, en particulier au milieu marin et au littoral. Les principales activités économiques et sociales étant tournées vers la zone côtière, les enjeux de développement y sont majeurs. »59

Si l’on suppose franchie la première étape, la reconnaissance de principe de l’existence du phénomène, il reste à s’interroger sur la précision de l’idée que les populations ultramarines se font de la consistance du changement climatique. Il y a neuf ans, un sondage réalisé à l’automne 2006 en Guadeloupe et en Martinique incitait à l’apprécier avec prudence : si, dès cette époque, « le fait que l’augmentation de l’effet de serre entraîne un réchauffement de l’atmosphère terrestre [était] une certitude pour trois quarts de la population des Antilles françaises », l’enquête met en évidence le flou de la représentation du phénomène que se faisaient les personnes interrogées : « comme sur le reste du territoire français, une majeure partie de la population ne sait pas donner une définition exacte de l’effet de serre ». Cette image imprécise allait de pair avec le développement d’un sentiment de crainte pour l’avenir.

La projection dans le temps et l’espace, qui permettrait de comprendre l’importance d’agir maintenant pour obtenir des résultats à une échéance dépassant la durée habituelle de la vie d’une personne, ne semble pas plus facile dans les outre-mer que dans l’hexagone, dès lors que les altérations du climat dues au changement climatique ne sont pas clairement identifiées comme telles. Les difficultés de la vie quotidienne sont prioritaires, comme le rappelle Pascal Erhel, de l’association polynésienne « Collectif Ailé » :

« Avec l’expérience on se rend compte que la donne environnementale est importante, mais les problématiques très concrètes des populations sont ailleurs. Aussi, nous valorisons le fait qu’une attitude écocitoyenne est aussi source d’économies au quotidien (électricité, transport…). »(60)

Dans un rapport établi, pour le compte du programme européen BEST, sur les écosystèmes de Wallis et Futuna, l’UICN explique :

« La faible conscience environnementale des populations est aussi le résultat d’une occidentalisation des modes de vie, d’un changement de la consommation. La dépendance vis-à-vis de certaines ressources naturelles s’amenuise à mesure que des produits importés sont consommés. Le manque de sensibilisation vient accentuer le manque d’intérêt pour la problématique environnementale (61). »

De même, la relation complexe à un discours de mise en garde venu d’ailleurs, les mécanismes psychologiques d’auto-apaisement et les traditions culturelles – en particulier la relation au temps – ont été mis en évidence par une récente recherche comme explication de l’apparente absence de sentiment durable d’alerte dans la population d’îles directement exposées aux risques liés à la montée des eaux et à l’exacerbation des tempêtes (62). Pour leur part, les responsables du programme Best III mettent en garde de manière vigoureuse contre le risque né de la non-appropriation des connaissances :

« Beaucoup de travaux ont été menés mais pour les non-initiés ils restent souvent confus. Il faut que le discours soit à la portée du grand public, sinon la population ne peut pas adopter les bons gestes et les recherches resteront entre scientifiques. La population ne sait pas comment adhérer au projet car elle est lasse d’entendre les propos scientifiques (63). »

Les voies possibles d’une communication convenable pour le développement d’une dynamique de résilience dans la population sont clairement exposées dans ce passage d’un rapport adopté par la commission permanente du conseil général de la Martinique :

« Force est de constater que le consommateur-citoyen s’interroge sur l’éthique et l’engagement environnemental des sociétés et des collectivités. (…) Néanmoins, il ne s’agit plus de souligner uniquement les faiblesses, mais surtout [de] valoriser et de promouvoir les engagements et les réussites. Aussi, la communication devrait s’appuyer sur des stratégies de formation, d’adhésion et d’appropriation. L’approche ne peut plus se faire uniquement de la presse orale ou écrite, mais doit être au plus près des populations. Des relais sont à identifier pour coordonner une communication adaptée à la typologie du territoire. (64) »

Un effort de communication adaptée est en tout cas absolument nécessaire pour amener les habitants des outre-mer à une bonne compréhension des stratégies de riposte au changement climatique en cours ou futures.

Leur implication est d’autant plus essentielle que la réussite de la lutte contre le changement climatique passera par une nécessaire prise de conscience citoyenne pour changer les comportements dans les modes de consommation et dans l’attention portée à notre environnement immédiat. La mise en œuvre de politiques publiques de proximité intégrant l’ensemble des acteurs jusqu’au citoyen est encouragée dans les nouvelles stratégies en cours dans nos territoires. C’est notamment le sens du projet européen INTEGRE (Initiative des Territoires pour la Gestion Régionale de l’Environnement) associant la Polynésie française, Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et Pitcairn en vue de « favoriser la gestion intégrée des zones côtières » selon des « approches participatives » : les programmes correspondants « sont élaborés et mis en œuvre par un grand nombre de partenaires : administrations, associations, acteurs socio-économiques, organismes de recherche ». (65)

Il est également important de ne pas négliger le développement des actions d’éducation, indispensable pour sensibiliser les jeunes au changement climatique et les familiariser à l’exercice concret de leurs responsabilités pour la préservation de la planète. Ces actions devraient permettre une meilleure appropriation des savoir-faire des générations précédentes, basés sur l’observation, la connaissance et le respect de la nature, et donc des conclusions qu’elles en tiraient dans leurs choix de vie.

En tout cas, loin de vouloir rester au simple rang de première victime du dérèglement du climat, les outre-mer se veulent aux avant-postes de la lutte contre le changement climatique en développant des stratégies exemplaires qui mettent en avant des solutions fondées sur la nature et sur les savoir-faire à la fois traditionnels et innovants de leurs territoires.

DEUXIÈME PARTIE – LES RÉPONSES STRATÉGIQUES

DES OUTRE-MER.

Conformément à la distinction habituellement pratiquée dans les négociations sur le climat, les réponses stratégiques des outre-mer se répartissent entre l’atténuation, qui vise avant tout à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et l’adaptation, dont l’objectif est la réduction, par des actions convenables, de la vulnérabilité des territoires aux manifestations du changement climatique.

I. LA STRATÉGIE D’ATTÉNUATION PRIORITAIRE : LA MODIFICATION DE LA DONNE ÉNERGÉTIQUE

Pour les outre-mer, comme pour les États-îles de leur voisinage, le défi énergétique est le champ primordial de la stratégie d’atténuation du changement climatique. Affirmer la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre implique de remettre en cause les sources actuelles de la production d’énergie dans ces territoires.

La question de l’approvisionnement des outre-mer français en énergie est un élément constant du débat politique dans les outre-mer depuis la nationalisation de l’électricité dans les départements d’outre-mer par la loi n°75-622 du 11 juillet 1975 et la proclamation concomitante, par cette même loi, du principe de la péréquation tarifaire. Elle a reçu une impulsion nouvelle à travers l’examen et l’adoption de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont l’article premier, codifié à l’article L 100-4 du code de l’énergie, prévoit de « parvenir à l'autonomie énergétique dans les départements d'outre-mer à l'horizon 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d'énergies renouvelables à l'horizon 2020 ». La contradiction manifeste entre la promotion des énergies renouvelables, qui figure parmi les principaux objectifs avérés de cette loi, et la composition effective du « mix énergétique » des outre-mer appelle un changement de politique, que le Gouvernement a manifesté l’intention ferme d’accomplir.

De l’avis général, le rééquilibrage du mix énergétique doit être accompagné par une inflexion significative des comportements dans le domaine de l’habitat et des transports, que nous évoquerons en complément.

A. LE CONSTAT DE DÉPART : LA PRÉDOMINANCE TRADITIONNELLE DES ÉNERGIES FOSSILES

La diminution drastique du recours aux énergies fossiles fait partie des recommandations générales les plus appuyées dans les travaux du GIEC. Elle est également au premier plan des objectifs de la politique gouvernementale dont la loi du 17 août 2015 précitée constitue le principal instrument juridique.

Dans le déploiement de la stratégie nationale de transition, les outre-mer ne représentent pas, en valeur absolue, un enjeu quantitatif premier : « la contribution des territoires d’outre-mer dans les émissions totales nationales est inférieure à 6 % » (66) Ce constat général est précisé par le tableau ci-après qui indique, pour 2012, les valeurs globales d’émission de plusieurs gaz à effet de serre pour les outre-mer et pour l’hexagone (67).

Émissions de gaz à effet de serre outre-mer et en France métropolitaine

(unités)

Outre-mer

(A)

France métropolitaine

(B)

B/A

(en %)

Gaz carbonique(1)

19

272

7

Méthane (2)

75

2 347

3,2

Protoxyde d’azote(2)

2,2

148

1,5

Hydrofluorocarbure(3)

500

18 803

2,7

Hexafluorure

de soufre(3)

4,7

645

7,3

Pouvoir de réchauffement global

22

426

5,2

(1) En millions de tonnes (2) En kilotonnes (3) En kilotonnes d’équivalent CO² (4) En millions de tonnes d’équivalent CO²

La part prédominante des énergies fossiles dans l’approvisionnement en électricité des outre-mer n’en fait pas moins difficulté au regard des exigences de la transition énergétique, comme l’ont souligné, il y a tout juste un an, deux rapports parlementaires (68). En 2012, la contribution des énergies renouvelables à l’offre d’énergie ne dépassait 10 % qu’en Guyane, à La Réunion et en Polynésie française (30% en 2014). (69). À Mayotte, les travaux préparatoires, en cours, de la programmation pluriannuelle de l’énergie font ressortir que le mix électrique est constitué à 94,55 % par l’énergie produite par les centrales thermiques diesel et à 5,45 % par le solaire photovoltaïque.

B. LES ÉVOLUTIONS JURIDIQUES À COURT TERME

L’article 203 de la loi de transition énergétique a modifié le cadre juridique de la politique énergétique dans les outre-mer, en rendant obligatoire l’élaboration en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon de programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) propres à chacun de ces territoires. Parmi les objectifs assignés à ces programmations figurent notamment, outre « la sécurité d’approvisionnement en électricité », le « soutien des énergies renouvelables et de récupération mettant en œuvre une énergie stable » et le « développement équilibré des énergies renouvelables mettant en œuvre une énergie fatale ». Les consultations préalables à la publication de ces documents ont été lancées dès le printemps 2015, avant même la promulgation définitive de la loi, et leur élaboration se poursuit, à un rythme variant selon les collectivités impliquées.

L’évolution des objectifs de la programmation énergétique dont traitent les PPE devrait se traduire par un renouvellement des critères de la péréquation tarifaire opérée selon les calculs réalisés par la Commission de régulation de l’énergie, sur des bases qui étaient, jusqu’à présent, purement économiques. L’évolution des normes de la péréquation est cependant conçue de manière prudente. Sans doute leur réexamen est-il prévu en 2018. Il n’en reste pas moins que le basculement souhaité vers les énergies renouvelables prendra un certain temps. Au demeurant, le parc de centrales thermiques qui dessert les outre-mer a fait l’objet ces dernières années d’un renouvellement complet. Les étapes de la nécessaire transition vers les énergies renouvelables doivent être ménagées pour sauvegarder la continuité de l’activité économique. C’est ainsi que la convention passée entre l’État et la Région Martinique le 9 mai 2015 prévoit, dans son onzième objectif, d’ « étudier l’approvisionnement de la Martinique en gaz naturel liquéfié, pour remplacer l’utilisation du fioul dans les centrales de production électrique existantes ».

La loi sur la transition énergétique permet désormais de moduler l’application de la règle, fixée par l’arrêté ministériel du 23 avril 2008, qui autorise le gestionnaire de réseau à déconnecter les énergies intermittentes lorsque la part de ces énergies dans l’offre globale d’électricité produite dépasse 30 %. Le passage progressif vers un recours plus important aux énergies renouvelables, envisagé avec faveur par les élus ultramarins, implique un usage à la fois systématique et rigoureux – c’est-à-dire évalué en fonction d’un examen précis des circonstances locales – de cette faculté de modulation.

Conformément aux orientations de la politique gouvernementale, l’ADEME et ses partenaires locaux, comme à La Réunion actuellement, conduisent dans les outre-mer une étude sur le thème « 100% énergies renouvelables à l’horizon 2050 ». En trois ans l’étude devrait englober l’ensemble des territoires ultramarins. Il ne s’agit pas seulement d’une compilation, car les données recueillies seront traitées selon un modèle économique commun aux outre-mer étudiés. Le calendrier de réalisation retenu devrait permettre à l’ensemble des territoires de s’approprier les données de l’étude au moment de la révision prévue des critères de la péréquation en 2018 (70).

C. LES POSSIBILITÉS CONCRÈTES DE RECOURS AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES

Si le principe du recours aux énergies renouvelables en remplacement des énergies fossiles dans les outre-mer ne fait pas débat, en revanche la mise en œuvre pratique de ce principe nécessite une réflexion précise. La diversité géographique des outre-mer interdit en effet de songer à une solution unique valable partout, ou même conçue pour tous les territoires situés en zone tropicale.

Les documents qui nous ont été communiqués comportent souvent des mentions fermes en faveur de la promotion des énergies nouvelles, que ce soit d’ailleurs pour la production d’électricité ou pour les transports. Toutes les alternatives énergétiques actuellement connues ont été citées : énergie solaire, éolien terrestre et maritime, énergie hydraulique, etc. Un inventaire exhaustif des actions innovantes ainsi réalisées excéderait le cadre de notre rapport. Cependant il est utile de citer quelques exemples d’innovations souvent méconnues :

- les installations recourant à la climatisation par l’eau de mer puisée en profondeur et permettant d’alimenter en froid des infrastructures diverses à bas coût. Le premier SWAC a vu le jour en 2006 à Bora-Bora. Cette première mondiale a depuis été dupliquée sur d’autres sites. Il fait aujourd’hui l’objet de projets de plus grande envergure comme à l’île de la Réunion où l’on souhaite relier toute la zone urbaine de Saint-Denis et de Sainte-Marie, avec son aéroport, son université, son hôpital, en se dotant d’un réseau de climatisation de 23 km refroidi à l’eau de mer. La première tranche devrait être mise en service en 2016. Un investissement de 150 M€, assuré à 60% par des fonds publics provenant notamment du FEDER et qui sera amorti grâce à l’énergie économisée ;

- La climatisation par l’eau froide des profondeurs des mers et des lacs ne doit pas être confondue avec l’autre processus voisin de l’Énergie Thermique des Mers qui utilise également le différentiel de température entre les eaux des profondeurs et les eaux de surface pour produire de l’électricité. Ce principe fait l’objet d’une nouvelle innovation en cours, la centrale flottante NEMO projetée en Martinique ;

- Le développement de la géothermie, qui fait partie, notamment, des actions énumérées par la convention déjà citée entre l’État et la Région Martinique, dans la perspective de « l’interconnexion électrique avec d’autres pays de la zone caraïbe, et notamment la Dominique ». Comme le fait remarquer une récente synthèse, « en France, il y a un fort potentiel dans les DROM volcaniques, en particulier dans les Caraïbes (Guadeloupe, Martinique), et également sur l’île de La Réunion. Pour autant, la centrale géothermique de Bouillante (Guadeloupe) est actuellement l’unique exploitation existante, avec une puissance de 15 MWe » (71).

Les collectivités s’approprient l’objectif de diversification vers les énergies renouvelables. Certaines nous ont fait part des études qu’elles destinent à déterminer quelles sont, parmi ces énergies, celles qui sont utilisables compte tenu des caractéristiques physiques de leur territoire et des conditions économiques de la production envisagée. Ces exercices, qui peuvent parfois coïncider avec la préparation de la COP 21 et l’élaboration des programmations pluriannuelles de l’énergie, conduisent à privilégier ou à écarter, définitivement ou provisoirement, telle catégorie d’énergies renouvelables : c’est ainsi qu’à Mayotte, le recours à la géothermie et à l’énergie hydrolienne a été, après étude, écarté compte tenu des conditions économiques du moment, à la différence de l’énergie solaire et, avec des réserves, de l’énergie hydraulique (1) ). À Saint-Barthélemy, « faisant le constat d’une dépendance totale de l’île aux énergies carbonées », et prenant en compte la nécessité de préserver un environnement à la fois précieux et fragile, le président du conseil économique, social et culturel, M. Pierre-Marie Majorel, a lancé au début de 2015 une commission sur l’avenir énergétique de l’île ; en suite de quoi, le 2 juin 2015, le conseil a décidé de confier à un cabinet spécialisé une mission d’appui pour « l’élaboration d’un plan d’action pour la transition énergétique » faisant notamment le point sur les possibilités de recours aux énergies renouvelables. Suivant une démarche analogue, la Nouvelle-Calédonie, très industrialisée, a élaboré un « Schéma Energie Climat » développant à l’horizon 2030 un cadre général et 75 actions opérationnelles en vue de la réduction des gaz à effet de serre.

Les associations de défense de l’environnement expriment naturellement leur soutien à l’emploi des énergies renouvelables, qu’il s’agisse des organisations non gouvernementales dont nous avons reçu les représentants à l’Assemblée nationale ou des associations ultramarines. Par exemple, l’association SOS Basse-Terre Environnement appelle à « inciter à la transition énergétique solaire et éolienne tant terrestre que maritime » (73). L’Union régionale Associations Patrimoine Environnement de Guadeloupe (URAPEG) soutient le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire…), en particulier de la géothermie et de l’énergie thermique des mers en Martinique(74). La pluralité des options alternatives possibles est logiquement considérée par les associations comme une chance à saisir par les outre-mer.

Cependant, l’emploi des énergies renouvelables ne peut être envisagé sans une réflexion sur les inconvénients qu’il peut lui-même présenter pour la préservation de l’environnement. Se fondant sur des exemples hexagonaux qui ont fait polémique, l’Institut caribéen pour la nature et la culture s’interroge sur la compatibilité du développement sur de larges surfaces des centrales avec « la préservation de la continuité [des] forêts [martiniquaises] sur tout l’étagement altitudinal dans le massif de la Pelée et dans la zone des Pitons » en qui il voit un des atouts naturels de la Martinique (75). Le développement de l’énergie hydraulique en Guyane est l’occasion d’un débat entre les partisans d’un grand ouvrage hydroélectrique, vu par d’autres comme un facteur de nouveaux désordres écologiques et ceux d’ouvrages de taille plus réduite, au fil de l’eau. Le document de présentation de la consultation sur le développement de l’énergie hydraulique en Polynésie française prend soin d’exprimer d’entrée de jeu une attitude de concertation :

« Compte tenu de l’importance des précipitations et du retour d’expérience de cette technologie, la construction d’aménagements hydroélectriques est une des solutions envisageables. Néanmoins, la sensibilité de la population à son cadre de vie, les nuisances occasionnées pendant la phase travaux et la problématique foncière sont autant d’obstacles à la bonne réalisation de ce type de projets. Aussi, il convient de fixer un certain nombre de principes directeurs du développement de l’hydroélectricité dans le cadre d’une démarche pédagogique et consensuelle. (76) »

L’association de la population aux réflexions et aux décisions est également un impératif pour la réussite des stratégies d’adaptation.

D. LES AUTRES ACTIONS D’ATTENUATION A ENCOURAGER : LES TRANSPORTS, LA CONSTRUCTION, L’EAU

L’action sur les sources de la production d’énergie est aujourd’hui la première citée quand on parle de stratégie d’atténuation, mais elle n’est pas la seule, et c’est logique. En effet, les comportements agressifs qui sont à l’origine de la participation humaine au changement climatique se constatent dans d’autres domaines de l’activité collective, parmi lesquels nous voudrions insister sur les transports et l’habitat.

La gestion des transports dans les outre-mer est rendue difficile par les facteurs objectifs que sont l’insularité et la configuration géographique et démographique des territoires. Concrètement, les transports individuels de personnes et de marchandises prédominent. Il en résulte des conditions de circulation difficiles, un niveau de pollution élevé et une consommation très importante de carburants génératrice d’émissions de gaz carbonique et d’autres gaz à effet de serre. C’est pourquoi il est nécessaire de réfléchir aux moyens de proposer une offre de transports collectifs qui puisse donner aux habitants des outre-mer une substitution crédible et adaptée aux modes individuels de déplacement. Le projet de transports en commun en site propre (TCSP) en cours de réalisation dans l’agglomération de Fort-de-France donne l’exemple d’une telle offre (77). Pour sa part, le schéma de l’énergie et du climat de la Nouvelle-Calédonie 2015 prévoit la mise en place de « modes de transport à la demande » dans les zones rurales et le soutien au projet Néobus de TCSP, porté par le syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa. Pour les transports individuels, on peut citer l’exemple de Saint-Barthélemy où :

« la collectivité souhaite encourager les solutions de mobilité électrique, moins énergétivores que les moteurs thermiques. 5% du parc automobile de l’île est constitué de véhicules électriques. Ces véhicules sont déjà exonérés du paiement de la vignette annuelle. Afin d’accroître cette proportion, le Conseil Territorial a adopté, le 25 septembre 2015, une exonération totale des taxes applicables aux importations de véhicules électriques (contre un droit de quai, jusqu’alors, égal à 8% de la valeur déclarée). »78

Bien d’autres initiatives semblables sont prises dans différents territoires pour inciter à l’utilisation des véhicules moins énergétivores.

La politique de la transition énergétique se décline également dans le domaine de la construction et de l’habitat. Le plan logement outre-mer 2015-2020, publié le 26 mars 2015, fait figurer parmi ses orientations générales l’objectif de « favoriser la rénovation énergétique de l’habitat et promouvoir des constructions sobres en consommations d’énergie ». Ainsi, faisant usage de son habilitation à fixer des règles spécifiques dans le domaine de l’énergie, la région Guadeloupe a adopté une règlementation thermique propre, entrée en vigueur en 2013, qui définit des normes de construction économes en consommation d’énergie, notamment pour la climatisation. La Nouvelle-Calédonie a également produit son schéma pour la transition énergétique 2015, le STENC, qui, consciente de la forte dépense énergétique de l’industrie néo-calédonienne, souhaite promouvoir une réglementation énergétique plus sobre visant à diminuer de 10% l’émission des gaz à effet de serre à l’horizon 2030 (de 35% dans le secteur résidentiel et tertiaire et de 15% dans les transports). La Réunion s’est aussi bien illustrée dans la production de bâtiments bioclimatiques, valorisant l’utilisation de matériaux de construction plus adaptés au climat et des systèmes de ventilation naturelle réduisant les consommations d’énergie liées à la climatisation.

Il faut enfin faire une mention spéciale de l’eau. L’élévation prévue des températures engendre mécaniquement, par le seul fait d’une évaporation accrue, une profonde modification de la disponibilité de l’eau pour la consommation humaine comme pour ses usages agricoles et industriels, mise en lumière, notamment, par l’Institut agronomique néo-calédonien :

« Une hausse de la température augmente l’évapotranspiration, donc les besoins en eau des végétaux, lesquels devront être compensés par plus d’irrigation et plus de prélèvements dans les rivières et les nappes, avec des conséquences probables en termes de conflits d’usage. (79) »

Le problème risque manifestement d’être universel dans les outre-mer… et ailleurs. Aussi les actions portant sur le bon usage de la ressource (80) et les politiques d’assainissement (81), doivent-elles recueillir une attention accrue.

II. LES STRATÉGIES D’ADAPTATION 

Si les stratégies d’atténuation exposées précédemment affichent la volonté croissante des outre-mer de réduire leur dépendance énergétique, les stratégies d’adaptation mises en œuvre dans ces territoires sont, elles, tout simplement vitales dans la lutte contre les effets du changement climatique.

En effet, il faut souligner que la nature, si elle peut être menaçante, produit également, lorsqu’elle est préservée, des phénomènes de résistance et de résilience au changement climatique. Aussi, les actions de préservation des espaces et des espèces contribuant à la protection des territoires (tels que les récifs et les mangroves) sont essentielles. À ce titre figurent en priorité les politiques préventives de gestion des espaces, et surtout le traitement en amont des déchets et des eaux usées encore trop souvent rejetées dans les sols, les rivières et les lagons. Ainsi, la question de l’aménagement du territoire et des choix de développement qui en découlent est cruciale.

Les efforts ainsi accomplis permettront de résister au mieux à des effets malgré tout inéluctables. Aussi faut-il anticiper sur une évolution des économies locales et des politiques d’aménagement pour que ces impacts restent soutenables.

Afin d’illustrer ces actions salutaires d’adaptation, nous avons choisi quatre thèmes prédominants dans les stratégies actuelles : la gestion du « trait de côte », les instruments collectifs de protection de la biodiversité (aires marines protégées, parcs nationaux et réserves naturelles), la réponse aux risques de fragilisation de l’habitat et des activités humaines, et la transformation des activités agricoles. (82)

A. LES ENJEUX DE LA GESTION DU « TRAIT DE CÔTE »

La notion de trait de côte, familière aux géographes, qui est souvent revenue dans nos entretiens, n’est pas seulement technique. Elle permet d’illustrer la qualité de la perception par l’homme du rapport permanent de coexistence et d’affrontement entre la terre – la terre habitée – et la mer qui l’entoure. La perspective du changement climatique amène à s’interroger sur cette qualité.

Dans les outre-mer des régions tropicales, les mangroves et les récifs jouent, de manière plus ou moins nette selon les circonstances locales, le rôle de tampon, et presque de truchement, entre la terre habitée et l’océan. La protection et la réhabilitation des mangroves sont apparues au cours de nos entretiens comme une priorité pour la lutte à long terme contre les effets du changement climatique. Il nous a été rappelé que les mangroves contribuent à l’atténuation des invasions par les houles marines et à l’affaiblissement de l’impact des tsunamis ; qu’elles agissent sur l’évolution du rivage en ralentissant le processus d’érosion naturelle et en fixant, par leurs racines les sols sur lesquels elles sont implantées ; qu’elles contribuent à l’équilibre naturel en accueillant et en abritant de nombreuses espèces animales.

La pression démographique et le développement contemporain des activités économiques, en réduisant la surface des mangroves, a diminué à due concurrence l’efficacité de ces divers apports. Face aux perspectives du changement climatique, il est capital de mettre un terme à la décadence de ces écosystèmes protecteurs. Nous nous réjouissons, à cet égard, de l’intervention du Conservatoire national du littoral et des rivages lacustres, qui couvre actuellement 43 000 ha, dont 25 000 ha situés sur le domaine public maritime et 10 000 ha correspondant à des acquisitions, selon une tendance appelée à se développer au cours des années à venir (83). À titre d’exemple, le Conservatoire devrait recevoir à Mayotte, en décembre prochain, la responsabilité de la gestion de 248 ha de mangroves, et a engagé la procédure d’acquisition de 30 ha de mangroves privées.

Mais, comme nous l’ont fait remarquer plusieurs interlocuteurs, la protection nécessaire des mangroves doit être envisagée dans une perspective globale qui suppose une nouvelle vision du « trait de côte ». La gestion du littoral doit comprendre non seulement la ligne de contact immédiat entre la terre et la mer, mais aussi la première zone maritime, allant par exemple jusqu’aux récifs coralliens, et la zone située immédiatement en arrière des mangroves. On constate que l’installation d’ouvrages de défense artificielle contre les assauts de la mer à proximité des récifs ou des mangroves n’offre pas une garantie absolue de protection tout en conduisant à affaiblir les défenses naturelles existantes.

Le changement climatique risque de conduire à des choix difficiles, car il peut conduire à déplacer vers l’intérieur la succession des zones littorales. Le constat en a été fait par l’URAPEG pour la Guadeloupe :

« La mangrove avance vers l’intérieur (Port-Louis, Petit Canal), diminution des surfaces des marais, herbacées à cypéracées (Choisy Lambis, Grand Cul de Sac Marin), réduction de la forêt marécageuse (écosystème côtier dulçaquicole d’eau douce à eau légèrement saumâtre particulièrement menacée par la montée des eaux marines salées). On constate de jeunes plants de palétuviers de mangrove qui s’installent à côté de vieilles souches de sandragon ou mangle médaille, arbre caractéristique de la forêt marécageuse. »

Le parc national de la Guadeloupe voit dans de tels déplacements une évolution naturelle nécessaire :

« Ces espaces littoraux [les zones humides littorales], très convoités, doivent conserver leur caractère naturel pour permettre à la forêt marécageuse, habitat d’eau douce de très grand intérêt patrimonial, de pouvoir se déplacer progressivement avec la salinisation prévisible des nappes côtières. »

Notre collègue Eric Jalton, député de la Guadeloupe, maire des Abymes, atteste, quant à lui, des facteurs artificiels d’évolution des zones littorales :

« Nous constatons une érosion visible des zones de mangrove liée à la poussée de l’urbanisation, notamment dans le cadre de l’agglomération Pointe-à-Pitre, les Abymes et particulièrement sur le territoire de la ville de Baie-Mahault (84). »

Les collectivités régionales attachent désormais de l’importance à la connaissance de l’évolution du trait de côte, comme le montre, par exemple, la Guadeloupe, où « la collectivité régionale-finance les études notamment sur l’évolution du trait de côte et l’impact de l’élévation du niveau de la mer en zone pointoise portées par le BRGM ; met en place avec la DEAL et le BRGM, un réseau d’observation et de surveillance du trait de côte » (85).

La nécessaire promotion des défenses naturelles, lorsqu’elles sont disponibles (86), suppose la redéfinition des choix d’occupation du territoire et un certain degré d’acceptation des évolutions lentes imposées à la physique des sols îliens, et donc au trait de côte, par le changement climatique. La démarche est illustrée par le projet expérimental de gestion intégrée mer-littoral (GIML) développé à La Réunion par la communauté d’agglomération du Territoire de la Côte Ouest, en collaboration avec la direction de l’environnement, de l’agriculture et du logement, sur la base des conclusions du Livre bleu Sud Océan Indien publié en décembre 2011.

B. LES INSTRUMENTS COLLECTIFS DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ : LES AIRES MARINES PROTÉGÉES, LES RESERVES NATURELLES MARINES ET LES PARCS NATIONAUX

Les aires marines protégées et les parcs nationaux constituent dans les outre-mer des instruments privilégiés de protection de l’environnement, qui sont à même d’apporter une contribution efficace aux stratégies d’adaptation pour la préservation de la biodiversité.

Les aires marines protégées (AMP) sont des espaces délimités en mer dans la perspective d’une démarche de protection de la nature à long terme, incluant des activités de recherche et de suivi scientifique, la définition de chartes de bonne conduite, la protection du domaine public maritime, et les actions de réglementation et de surveillance connexes. Dans les outre-mer ont été créés, l’extension marine du parc national de la Guadeloupe (2009), le parc naturel marin de Mayotte (2010), le parc naturel marin des Glorieuses (2012) et le parc naturel de la Mer de Corail en Nouvelle-Calédonie (2014). À noter que la Polynésie a créé sa première réserve marine en 1971 ; ont suivi d’autres classements, dont le singulier Plan de Gestion de l’Espace Maritime du lagon de Moorea en 2004. Par ailleurs, deux aires marines géantes sont en cours d’élaboration aux Marquises et aux Australes, couvrant respectivement 700 000 km² et 1 million de km².

Les îles Marquises sont également à l’origine du concept d’aire marine éducative, « zone maritime littorale gérée par des élèves de cycle 3 d’une école à travers une démarche participative qui les implique autour d’un projet d’action citoyenne de protection du milieu marin » (87) Ce concept a pour origine l’initiative spontanée d’enfants de l’école primaire de Tahuata, sensibilisés à la protection de l’environnement par une rencontre avec des scientifiques en 2012.

En 2015, le réseau des aires marines protégées couvre au total 16,3 % des eaux françaises d’outre-mer.

Les animateurs de ces aires marines protégées ont fait parvenir aux rapporteurs des informations détaillées sur l’état des initiatives qu’ils ont prises, dans le cadre de leur mission de protection, pour répondre aux questions nouvelles nées du changement climatique. Ainsi, le parc national de la Guadeloupe mentionne le suivi de l’état de santé des coraux, mené depuis près de dix ans ˗ plutôt en lien, actuellement, avec le risque créé par l’eutrophisation des eaux consécutive à l’écoulement des eaux usées ˗ et l’étude de l’écosystème des zones humides littorales, appelé à évoluer sous l’effet de l’érosion et de la salinisation consécutives à l’élévation du niveau de la mer. Dans une note conjointe, les parcs naturels marins de Mayotte et des Glorieuses font clairement ressortir quel peut être l’apport d’une aire marine protégée dans la définition de stratégies d’adaptation pour la biodiversité :

« Les Glorieuses sont considérées comme un sanctuaire de biodiversité dont le caractère patrimonial exceptionnel est incontestable. Les impacts anthropiques y étant très faibles, les réponses des compartiments biologiques et physiques du milieu marin face aux changements globaux sont particulièrement visibles. Inséré dans un contexte régional où les écosystèmes marins sont soumis à de fortes pressions, le Parc naturel marin des Glorieuses peut ainsi constituer un véritable point de référence pour de nombreuses études scientifiques réalisées dans l’Océan Indien (88). »

A la protection de ces espaces marins s’ajoute, bien entendu, la protection de la biodiversité terrestre par la création d’espaces classés qui poursuivent des objectifs très proches de ceux des parcs naturels constitués en aires marines protégées.

Dans ce domaine, les outre-mer se distinguent avec trois parcs nationaux sur 10 : le parc national de la Guadeloupe créé en 1989 (380 km²) ; le parc national de la Réunion (1055 km²) datant de 2007, et le parc amazonien de Guyane, le plus grand parc national français (20 300 km2).

Faisant, comme tant d’autres, le constat de l’insuffisance des connaissances scientifiques actuelles, les responsables du parc guyanais mettent en avant les initiatives prises pour disposer d’un « état de référence de la biodiversité et des habitats » préalable à toute mesure des évolutions sous « forçage climatique ». Ils décrivent notamment les raisons qui les ont poussés à retenir comme site d’observation du changement climatique le mont Itoupé (89) et indiquent que cette observation devrait prendre la forme d’un suivi satellitaire corrélé aux relevés effectués sur le terrain.

Toutes les contributions qui viennent d’être évoquées insistent sur la nécessité d’une action continue et développée en concertation avec des partenaires régionaux et internationaux et sur l’implication nécessaire des populations.

C. C. LA RÉPONSE AUX RISQUES DE FRAGILISATION DE L’HABITAT ET DES ACTIVITÉS HUMAINES IMPUTABLES À LA SUBMERSION. RÉDUIRE TITRE ET PARAGRAPHE

Si, comme l’affirment avec constance les prévisions officielles, le niveau moyen de la mer est appelé à s’élever d’une valeur qui pourrait approcher un mètre d’ici la fin du vingt-et-unième siècle, il y a lieu de s’interroger dès maintenant sur les conséquences d’un phénomène qui, de surcroît, selon les scientifiques, se caractérise par une grande inertie. Il y a déjà vingt ans, le risque extrême susceptible d’être encouru par les îles Tuvalu, atoll océanien, a été l’occasion d’une sensibilisation médiatique dont les étapes viennent de faire l’objet d’une analyse sociologique (90). La hausse du niveau moyen de la mer n’est pas seule en cause dans l’appréciation de tels périls ; il y a lieu d’envisager, également, les dommages dus aux houles provoquées par les cyclones, dont la science affirme que le changement climatique va augmenter l’intensité et la fréquence.

Très sensible dans le Pacifique, le risque peut également se concrétiser dans de nombreuses régions ultramarines de toutes latitudes, car, sur de nombreuses îles de nos outre-mer, on constate que les communes les plus importantes, et les activités économiques qui se sont développées en zone urbaine, se trouvent sur la bande côtière, à des altitudes très basses. Bien qu’elle soit un territoire continental, la Guyane présente des caractéristiques d’implantation des activités proches de celles des autres outre-mer, car l’essentiel de la population et des activités se trouve en bord d’océan, sur une bande littorale n’excédant pas un à deux kilomètres. L’étude déjà citée du CETMEF sur l’exposition aux risques littoraux a cherché à quantifier l’étendue des zones situées en dessous du seuil de référence (1 m au-dessus du niveau de la mer) retenu pour l’appréciation de la vulnérabilité (91). Fondée sur les connaissances actuellement disponibles sur le rythme et les modalités de l’érosion dans les outre-mer ainsi que sur les données climatiques connues, elle est réalisée dans la perspective d’« une première évaluation sectorielle des coûts de l’impact du changement climatique et des coûts d’adaptation » ; elle se situe donc avant la prise en compte explicite du changement climatique. Si l’on considère celui-ci comme un facteur d’aggravation ou d’accentuation des évolutions naturelles, on est amené à tirer de ces travaux en quelque sorte préliminaires la conclusion qu’il comporte des conséquences potentiellement très importantes sur l’état des logements, des activités économiques et des infrastructures dans tous les territoires analysés. Le Conseil régional de la Guadeloupe prend en compte ce risque dans son approche actuelle de l’aménagement de l’île :

« En Guadeloupe, l’exacerbation de certains risques naturels aura des conséquences directes sur les populations. Certaines zones de l’île sont d’ores-et-déjà concernées car très peuplées. Sur certaines zones, la densité est estimée à plus de 300 habitants/km². Les zones littorales très peuplées et directement soumises aux phénomènes naturels côtiers (submersions marines, érosion, …) seront les premières zones touchées ainsi que les espaces très soumis aux inondations et aléas associés (92). »

Le changement climatique peut également aggraver la tendance à la contamination par l’eau salée des aquifères côtiers dans les outre-mer. Le risque a été étudié de manière systématique par le Bureau de recherches géologiques et minières, qui a cherché à dresser des cartes d’exposition des aquifères à la salinisation pour La Réunion, la Guadeloupe et la Martinique. Ces cartes, selon les conclusions du rapport, « mettent en évidence des zones de forte vulnérabilité sur tout le pourtour de Grande-Terre en Guadeloupe et pénétrant certains secteurs de basse altitude (Centre-Ouest au niveau de Morne à l’Eau), à Marie-Galante et sur le pourtour de l’île de La Réunion. Pour cette dernière certaines zones de forte vulnérabilité correspondent à des zones de falaise et donc ne sont pas à considérer en tant que telles » (93).

Les services de l’État cherchent à anticiper les risques liés à la vulnérabilité des zones côtières. C’est ainsi que, le 14 février 2013, le ministère de l’écologie a présenté à Paris un projet de « relocalisation », comportant cinq programmes dont quatre sont situés dans l’hexagone et le cinquième à la Guadeloupe, sur le territoire de la commune de Petit-Bourg. Cette commune a été retenue, selon le document de présentation, en raison des risques élevés auxquels son littoral est exposé en raison de l’ampleur de l’érosion marine et des phénomènes cycloniques qui le frappent. Le même document précise :

« La littoralisation [sic] des activités économiques et le caractère spontané de l’urbanisation, notamment dans la zone des 50 pas géométriques, imposent de rénover les modes d’habiter de portions entières du territoire exposées aux risques littoraux, comme c’est le cas des sites de Bovis et de Pointe-à-Bacchus (94). »

Le texte ne mentionne pas le changement climatique, mais il préfigure ce que pourrait être l’action de l’État si le changement climatique venait à accroître, comme le prévoit le GIEC, le risque de survenance de phénomènes cycloniques ou de tempêtes.

La nécessité d’un déplacement des populations menacées par l’élévation du niveau de l’océan et l’amplification des invasions marines est évoquée par les associations et les organisations non gouvernementales. Ainsi la Plate-Forme Océan et Climat écrit :

« En milieu insulaire où une grande partie de la population est concentrée sur le littoral, il devra être envisagé de délocaliser une partie des habitants du littoral vers l’intérieur des terres. Ce genre de mouvements de populations est à anticiper. »

Les répercussions humaines de tels déplacements font un devoir de chercher à avoir une connaissance aussi exacte que possible du rythme et des effets de l’élévation du niveau des eaux, qui ne peut se borner à la projection localisée des simulations permises par des modèles globaux.

Les études les plus récentes conduisent à nuancer, sans les supprimer, les appréhensions légitimes que fait naître la prévision de la montée des eaux. Elles établissent en effet, dans une mesure que de nouvelles observations scientifiques permettront de vérifier, que les récifs coralliens qui constituent le substrat des îles basses du Pacifique et, entre autres, des atolls de Polynésie française, possèdent une capacité d’adaptation certaine à l’élévation du niveau de la mer, qu’ils ont tendance à accompagner ; il faudrait cependant pour cela qu’aucun obstacle ne soit mis aux processus naturels de renouvellement par des prélèvements excessifs ou par l’édification d’ouvrages de sauvegarde artificiels et, en outre, que la hausse de la température de l’océan reste en-deçà de certaines limites (95). Ces observations tendraient à diminuer, sans les éliminer tout à fait, les craintes de submersion, au moins à moyen terme.

La relative réévaluation des prévisions portant sur certains effets du changement climatique ne doit pas conduire à écarter les mesures de précaution que celui-ci appelle de toute manière. Les collectivités ont pris des dispositions en conséquence. En Polynésie française, l’élaboration du plan de prévention du risque naturel a conduit à prévoir un retrait de 10 à 50 m depuis le bord de mer pour tout nouveau projet de construction et à recommander la surélévation systématique des constructions. À Saint-Martin, le plan territorial de sauvegarde « se base notamment sur le recensement des enjeux et des risques, actuels et à venir, liés également aux effets du changement climatique. » Par « le contrôle de l’urbanisation, la conservation de zones naturelles, l’application des normes de constructions pour limiter les impacts des événements extrêmes,... les documents d’urbanisme ont un rôle important dans la préparation du territoire aux effets du changement climatique » (96). À Saint-Pierre-et-Miquelon, un plan de prévention des risques a été élaboré par la préfecture, sur la base de prévisions très pessimistes de submersion des habitats littoraux. À La Réunion, même si le thème du changement climatique n’est pas mis explicitement en avant, le projet EcoCité porté par le Territoire de la Côte Ouest propose un exemple de démarche d’aménagement prospectif favorisant les comportements collectifs de résilience et intégrant a priori avec détermination les conséquences exceptionnelles des cyclones (97).

Des choix difficiles peuvent se présenter, dans un avenir plus ou moins proche. Encore faut-il savoir faire comprendre la nécessité de telles mesures à des populations auxquelles il ne serait pas respectueux de les imposer sur la seule base d’un discours qui paraîtrait venu d’ailleurs.

Là encore, les stratégies d’actions concertées, intégrant les élus locaux et les populations comme acteurs de l’observation, de la surveillance et de la protection de leur environnement sont à promouvoir. L’avenir est réellement à la construction d’action intégrée et participative, qui sont beaucoup plus adaptées à la réalité des territoires ultramarins où résident encore des savoir-faire traditionnels à se réapproprier.

D. LA TRANSFORMATION DES ACTIVITÉS AGRICOLES

La transformation des activités agricoles se recommande d’abord pour des raisons propres aux cultures : la vulnérabilité particulière des économies ultramarines aux aléas de production amplifiés par des phénomènes climatiques extrêmes en expansion. Elle s’impose aussi au regard de la contribution de ces activités au réchauffement climatique en raison du rejet de gaz à effet de serre qui leur sont imputables (98).

On retrouve dans l’analyse des agricultures les causes de vulnérabilité – la taille restreinte et l’isolement – qui font la spécificité générale des économies insulaires des outre-mer. L’Agence française de développement a récemment cherché à quantifier cette caractéristique à travers la définition d’un indice de vulnérabilité physique au changement climatique. Cette étude a permis de mettre au premier rang des causes immédiates de vulnérabilité l’instabilité du régime des précipitations (99) qui a, par nature, un effet direct sur l’activité agricole et est annonciatrice de difficultés dans l’utilisation de ressources en eau devenues plus rares et plus aléatoires. Comme l’indique, dans sa réponse à notre questionnaire, l’Institut agronomique néo-calédonien, « une hausse de la température augmente l’évapotranspiration, donc les besoins en eau des végétaux, lesquels devront être compensés par plus d’irrigation et plus de prélèvements dans les rivières et les nappes, avec des conséquences probables en termes de conflits d’usage. »

L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) vient de lancer un programme de recherches sur les impacts couplés du changement climatique sur les productions agricoles et les ressources quantitatives en eau. Pour l’instant, ses actions, telles que nous les a exposées M. Jean-François Soussana, directeur de recherches, portent davantage sur les conditions de diffusion de produits polluants et les moyens de limiter les transferts de pollution que sur le changement climatique proprement dit.

L’INRA s’est également préoccupé de l’avenir des « cultures de rente » que sont la banane et la canne à sucre dans un contexte de renforcement prévisible de la sécheresse. Selon une note communiquée à vos rapporteurs, « les simulations faites en Guadeloupe indiquent que, dans les systèmes non irrigués, la productivité en sucre de la canne serait réduite dès 2020-2040. La culture de la banane serait moins vulnérable que celle de la canne à sucre sans irrigation. Toutefois, les bananeraies sont particulièrement vulnérables aux cyclones dont l’incidence pourrait se renforcer ». En outre, l’augmentation des précipitations pourrait faciliter le développement de champignons parasites compromettant le rendement et la conservation des récoltes. Ces constats incitent l’Institut à préconiser la diversification des cultures permettant l’augmentation de la production alimentaire destinée à la consommation locale. Pour en permettre l’adaptation aux phénomènes climatiques extrêmes, il est conseillé de recourir, suivant des précédents relevés en Amérique latine, à des cultures en terrasses et à courbes de niveau et à la couverture continue du sol. On encourage également le renouveau des jardins créoles, connus dans toutes les parties du monde, qui reposent sur le principe de la coexistence d’espèces végétales (plantes, arbustes et arbres) et où les plantations sont agencées de manière à faciliter la coexistence des différentes espèces et leur implication dans une relation de protection réciproque. Il est établi que les rendements de la production agricole de ces jardins sont supérieurs à la moyenne et qu’ils résistent mieux tant aux agressions parasitaires qu’aux évènements climatiques.

Une autre série d’initiatives porte sur l’élevage, avec une étude réalisée en Guadeloupe et portant sur « une limitation des rejets en méthane d’origine entérique par l’utilisation de plantes locales riches en tanins et en saponines ».

Ces conclusions, tirées essentiellement d’observations faites à partir des implantations de l’INRA situées aux Antilles et en Guyane, pourraient vraisemblablement être étendues à tous les outre-mer qui se trouvent dans des conditions économiques et climatiques comparables.

TROISIÈME PARTIE – LE MESSAGE DES OUTRE-MER

POUR LA COP21

La future COP 21 sera un challenge comme une opportunité pour la France d’y mettre en avant la diversité de ses territoires et de leurs innovations en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Elle sera surtout un moment crucial pour l’avenir ! Souhaitons que nos plus hauts responsables politiques trouvent la voie d’un accord mondial qui permettra à la fois de contraindre les pays pollueurs autour d’objectifs soutenables et de les engager dans une solidarité exceptionnelle en faveur des Pays et des Iles les plus vulnérables.

D’où qu’ils soient, les élus des outre-mer ont été nombreux à s’exprimer au sein de leurs instances locales et régionales pour rappeler l’urgence d’agir… de préserver et d’adapter nos territoires.

Le changement climatique n’a pas de frontière ! Aussi, s’il est tout à l’honneur de notre Nation de s’engager pour les États indépendants les plus démunis et vulnérables, il paraît inconcevable que les outre-mer français ne puissent pas être soutenus de la même manière, au regard à la fois de l’hyper-vulnérabilité environnementale et économique de leurs territoires et des services exceptionnels rendus par leur biodiversité terrestre et maritime ! Ces espaces, qui ont servi aux forces spatiale et militaire de la France, sont un atout géostratégique majeur qui mérite toute l’attention de notre Pays.

Ils sont d’ores et déjà des lieux privilégiés d’observation et de lutte contre le changement climatique. Mais ils sont avant tout des lieux de vie ! Parce qu’ils sont exigus et fragiles, nos territoires nécessitent un suivi précis et pérenne des changements du climat. Ils sont aussi source d’innovation originale, valorisant des savoir-faire qu’il faut mobiliser pour une réappropriation éco citoyenne partagée avec le reste de la Nation et du monde.

I. CLARIFIER LE CADRE FINANCIER

La préparation de notre rapport nous a permis de constater une forte implication, y compris financière, des outre-mer dans la conduite des actions de lutte contre le changement climatique, dont nous avons donné plusieurs illustrations. Mais il est incontestable que les stratégies d’atténuation et d’adaptation en cause ont un coût considérable, qui est hors de portée des ressources financières des États indépendants comme de celles des régions d’outre-mer.

Pour les États indépendants, officiellement qualifiés de « petits États insulaires en développement » (PEID), la solution a été recherchée dans la création d’un Fonds vert pour le climat, alimenté par les contributions des États développés, et qui a pour objet de soutenir les efforts des pays en développement pour limiter ou réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et pour s’adapter aux impacts du changement climatique, selon les termes de l’article 2 du « governing instrument » du Fonds approuvé à Durban le 11 décembre 2011. Ainsi, l’Agence française de développement a été agréée comme intermédiaire qualifié pour la distribution des concours financiers alloués par le Fonds vert ; cet agrément est la reconnaissance d’une expérience d’intervention maintenant bien affirmée au bénéfice des États-îles. Mais, en l’état actuel du droit, le Fonds vert n’est pas accessible aux outre-mer français, comme d’ailleurs aux autres territoires ultramarins dépendant d’États contributeurs. Cette exclusion a pour conséquence de créer une certaine inégalité aux dépens de nos territoires, dont les ressources propres ne sont pas beaucoup plus abondantes que celles des États qui en sont proches dans chaque bassin océanique, et qui font face aux mêmes difficultés et aux mêmes défis actuels et futurs.

L’ouverture du Fonds vert aux outre-mer français supposerait que, pour l’accès à ses concours, la notion générique d’économie insulaire ou de pays insulaire soit substituée à celle, organique, de petits États insulaires en développement. Or, cette substitution ne peut résulter que d’un accord international entre les États créateurs du Fonds. Sans vouloir l’exclure tout à fait, la ministre des outre-mer ne s’est pas montrée, lors de son audition par notre délégation le 29 septembre, très optimiste quant au succès de la négociation sur un tel sujet.

Dans le cours des travaux préalables à l’élaboration de notre rapport, on nous a fait valoir, pour atténuer le désagrément né de cette exclusion du Fonds vert, que d’autres ressources de même nature étaient actuellement disponibles aux outre-mer, et qu’il incombait aux responsables des collectivités ultramarines d’en faire l’inventaire et de s’en assurer l’accès pour leurs opérations. Il nous semble que, de toute manière, l’information sur l’existence éventuelle de ces fonds sera d’autant plus consistante qu’elle sera centralisée puis diffusée aux bénéficiaires potentiels et, d’autre part, que le recours à des financements dispersés n’est pas nécessairement un gage de cohésion.

À défaut d’intégration des outre-mer français dans le cadre du Fonds vert, et par conséquent dans le système de gestion par une autorité nationale décentralisée prévu par le protocole de Kyoto, nous proposons la création d’un Fonds national ou européen spécifique sur le modèle du Fonds vert, dont la gestion dans les territoires pourrait être confiée aux représentations de l’Agence française de développement, avec le concours de l’ADEME. Le niveau de délégation de la gestion reste à déterminer en fonction de l’effet d’échelle qui peut rendre trop coûteuse une gestion par territoire. Les modalités financières des prêts qui pourraient être accordées par ce Fonds pourraient s’inspirer des dispositions prévues pour le Fonds vert, qui admettent un aménagement des conditions de prêt (durée, différé de remboursement et taux) correspondant à la nature des investissements financés et à la situation financière des bénéficiaires.

La clarification du cadre financier est une condition essentielle pour une coopération régionale que, par ailleurs, les outre-mer français appellent à développer.

II. LA COOPÉRATION RÉGIONALE

Le changement climatique, menace commune pour l’ensemble des Etats et des territoires des trois bassins océaniques, appelle une réponse politique commune dans le cadre de la coopération régionale, qui doit se décliner ensuite techniquement.

A. LES EXPRESSIONS DE LA VOLONTÉ DE COOPÉRATION POLITIQUE

La perspective des conséquences graves des désordres liés au changement climatique a suscité un renforcement, dans chaque bassin océanique, de la coopération politique entre les États-îles et les régions françaises, qui s’est traduit par la publication de déclarations solennelles.100 Ainsi, à La Réunion, les gouvernements et autorités régionales réunis à l’occasion de la Conférence internationale Climat Énergie ont-ils adopté, le 25 juin 2014, la Déclaration des Iles sur le changement climatique. Pour le bassin du Pacifique, une volonté analogue est exprimée par la Déclaration de Lifou, du 30 avril 2015, adoptée dans le cadre de l’initiative Oceania 21, et la Déclaration de Taputapuâtea du Groupe des dirigeants polynésiens, en date du 16 juillet 2015. Dans la Caraïbe, le 9 mai 2015, l’Appel de Fort-de-France a conclu, avec la participation du Président de la République française, le sommet Caraïbe-Climat.

Bien que, naturellement, chacun de ces actes présente sa physionomie propre, il est frappant de constater la convergence des démarches fondamentales qui les animent, toutes orientées vers la préparation de la COP 21 :

- Reconnaissance de la réalité du changement climatique et de ses manifestations déjà sensibles dans les territoires au nom desquels s’expriment les signataires ;

- Appel à une coopération internationale réelle et efficace pour prendre les mesures propres à répondre à ce constat, incluant une demande de renforcement des financements internationaux dont l’insuffisance est relevée et déplorée ;

- Appel aux pays développés pour qu’ils prennent la mesure de leur responsabilité première dans le déclenchement du processus de changement climatique et, partant, dans la mise en œuvre des actions qui permettront d’en infléchir le cours ;

- Compte tenu de la vulnérabilité spécifique des États et territoires signataires, dûment décrite et mise en avant, engagement individuel et collectif à prendre sa part des stratégies d’atténuation et d’adaptation et des efforts de recherche permettant une meilleure connaissance des phénomènes associés au changement climatique.

Ces actes s’inscrivent dans le prolongement des discussions organisées dans le cadre d’organisations internationales régionales qui existent dans chaque bassin océanique :

- La Commission de l’Océan Indien, dont le 28ème Conseil des ministres a adopté, le 17 janvier 2013, un document-cadre de stratégie d’adaptation au changement climatique ;

- La Communauté caraïbe (CARICOM), dont la 36ème conférence des chefs d’État a publié, à l’occasion de sa réunion à la Barbade du 2 au 4 juillet 2015, une Déclaration pour l’action sur le climat.

- La Communauté du Pacifique, qui a notamment défini une stratégie d’engagement sur le changement climatique pour les années 2011- 2015.

La stratégie développée dans l’Océan Indien sur la base de la Déclaration des Iles a été prolongée par l’adoption, en mai 2015, d’une déclaration commune entre la Commission de l’Océan Indien et l’Union européenne, et se décline en actions préparatoires à la COP 21 telles que la déclaration pour l’action climatique des Etats de la COI adoptée à l’Ile Maurice en septembre (101).

L’AOSIS (Alliance of Small Island States), est l’expression commune des États insulaires, se fixant comme but « la survie de tous les P.E.I.D » menacés par le réchauffement climatique et notamment par la montée des eaux, défend une norme de limitation de la hausse des températures de 1,5° C, plus ambitieuse que l’objectif des 2° généralement envisagé, impliquant la priorité donnée aux stratégies d’adaptation. Elle réclame également la création d’un mécanisme de compensation financière (les « pertes et dommages ») correspondant aux pertes économiques irrémédiables liées à l’impact des changements climatiques.

L’objectif de 1°5 C est ambitieux compte tenu de l’équilibre général des négociations. Il est l’expression chiffrée du sentiment d’urgence vécu dans les États-îles et largement partagé dans nos outre-mer. La revendication exprimée par les États-îles mérite une compréhension positive. Le sommet France-Océanie qui doit se tenir à Paris, les 25 et 26 novembre prochains, soit quelques jours avant l’ouverture de la COP 21, se fixe pour objectif de « dégager une position commune des Etats du Pacifique », comme le déclarait un récent communiqué du ministère des outre-mer.

B. QUELQUES EXEMPLES DE COOPERATION POSSIBLES

Nous saluons le développement, avec la participation des outre-mer français, d’actions de coopération. Un symbole en a été récemment donné par l’accueil en Martinique, les 23 et 24 juin derniers, avec le concours de la Région, d’un séminaire de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (International Renewable Energy Agency – IRENA) autour de son initiative SIDS Lighthouse visant à renforcer les échanges d’informations, les compétences et une « approche intégratrice » du système énergétique des îles (102).

La similitude des situations objectives et l’apparentement des traditions sociales rendent possible et souhaitable la conclusion d’accords de coopération régionale qui renforceront la capacité de mener des actions communes dans tous les domaines contre le changement climatique. Les associations ressentent clairement le besoin d’une telle coopération régionale. Ainsi, l’association guadeloupéenne SOS Basse-Terre Environnement écrit-elle :

« Nous appartenons à une réalité géographique : la mer caraïbe, énorme méditerranée qui baigne toutes nos côtes. S’il est un domaine où la coopération est indispensable, c’est bien celui-là : ancrage dans nos réalités et surtout à travers ce dérèglement climatique qui s’impose à tous, conséquence de nos activités humaines quotidiennes. (103) »

Dans le même sens, notre collègue Chantal Berthelot préconise l’élargissement de la concertation « aux pays voisins qui constituent, avec la Guyane française, l’ensemble géologique et écologique du bouclier guyanais » (104)

Les initiatives de coopération en vue de la mise au point de stratégies d’atténuation se déclinent dans divers domaines sectoriels. C’est ainsi que la Communauté de la Caraïbe (CARICOM) a adopté en 2013 une politique régionale de l’énergie, fondée sur le constat que la coopération entre États et régions de la zone offre de meilleures possibilités pour sortir de leur dépendance envers les énergies fossiles traditionnelles tout en tenant compte des besoins liés au développement des activités économiques dans la région (105).

La recherche et la formation sont également des domaines à encourager. Dans l’Océan Indien, il existe des partenariats entre l’Institut de recherche pour le développement, l’Université de La Réunion et la Commission de l’Océan Indien, créée en 1982 et régie par l’accord général de coopération signé à Victoria (Seychelles) le 10 janvier 1984, dont « la conservation des ressources et des écosystèmes » fait partie des domaines de compétence. Un accord-cadre a été ainsi signé le 19 septembre 2014 entre la Commission de l’Océan Indien et l’IRD autour de quatre thématiques : les climats et les grands écosystèmes marins de l’Océan Indien ; la santé humaine et les maladies émergentes ; les patrimoines, ressources et gouvernance ; les bases de données et les observations. (106)

Dans le bassin du Pacifique, on relève des actions de formation telles que le séminaire organisé aux îles Fidji du 9 au 12 septembre 2014 sur les méthodes de surveillance des récifs coralliens par l’Institut des récifs coralliens du Pacifique et l’Université du South Pacific à destination, notamment, des personnels chargés de cette surveillance dans les administrations de Fidji et des îles Salomon.

Dans le même bassin océanique, un bon exemple de coopération scientifique est donné par le GIS GOPS (Grand Observatoire de l’environnement et de la diversité terrestre et marine du Pacifique Sud et Sud-Ouest créé avec le concours de l’Institut de recherche pour le développement, qui anime le réseau ReefTEMPS « d’observation du domaine côtier d’une vingtaine de territoires et Etats insulaires (…) pour le suivi à long terme du changement climatique et de ses effets sur l’état des récifs coralliens et de leurs ressources ». (107)

La disponibilité à la coopération régionale des institutions et des organismes de recherche de nos territoires mérite d’être saluée et encouragée.

III. SECURISER LA PERENNITÉ DES PROGRAMMES D'OBSERVATION ET DE CONNAISSANCES POUR MIEUX AGIR

À de nombreuses reprises, au cours de leurs travaux, nous nous sommes vu opposer, pour expliquer la difficulté de telle ou telle réponse, les insuffisances des connaissances disponibles, soit en l’absence de toute recherche sur le sujet, soit en raison d’un défaut de coordination et d’harmonisation d’activités de recherche qui sont, prises isolément, très prometteuses. Il est urgent de porter remède à une situation nuisible à la bonne compréhension des phénomènes climatiques et de leurs conséquences concrètes, en s’assurant d’une connaissance exhaustive des programmes en cours et en favorisant le regroupement et la mutualisation des moyens et des équipes – tout en respectant, bien entendu, la liberté de la recherche. La préconisation du COMER (« Promouvoir le développement en réseau pour développer l’innovation ») paraît tracer une bonne ligne de conduite :

« Des opportunités existent pour créer un réseau de pôles ultra-marins de compétences, constituer des plateformes technologiques, regrouper géographiquement les acteurs sur des sites de type « technopole » et élargir les coopérations à l’échelle régionale en se rapprochant des équipes internationales de recherche (108). »

Évidemment, appliquée à la recherche orientée vers le changement climatique, une telle action ne se conçoit pas sans un minimum de garanties de financement, ne serait-ce que parce que la continuité du travail de collecte et d’analyse des données scientifiques est une condition sine qua non de la validité des résultats qui en sont tirés. À cet égard, les enjeux qui sous-tendent la préoccupation de la recherche pluridisciplinaire sur le changement climatique dans les outre-mer doivent conduire à la considérer comme prioritaire. L’idée de « booster » les universités ultramarines, en relation avec l’hexagone, grâce au concours temporaire de chercheurs compétents, ne vaut pas seulement pour la recherche maritime ; elle peut être appliquée de manière générale aux thèmes de la biodiversité, de l’eau, de la santé, évoqués lors de son audition par M. Gilles Bœuf à partir de son expérience dans la recherche sur le changement climatique.

Nous souhaitons également reprendre la suggestion de Mme Françoise Gaill, directrice de recherches au CNRS, qui préconise de mettre en place des programmes intégrés avec les industriels et la société civile : toute exploration, en particulier, devrait entraîner conjointement le financement de la connaissance associée, ce qui permettrait une meilleure compatibilité des travaux essentiels et une plus grande durabilité des actions.

En outre, nous voudrions signaler la suggestion de création d’une « plate-forme multi-acteurs d’observation, de suivi et d’étude intégrée dans les îles polynésiennes » due à l’Institut des récifs coralliens du Pacifique. Cette instance devrait mener, selon la « note de restitution » précitée, communiquée par l’Institut, trois types d’« actions » :

– mettre en place la coordination des organismes existants et créer une gouvernance multi-acteurs ;

– identifier et orienter les financements climatiques vers les études intégrées et les plans de gestions adaptés aux changements climatiques ;

– impliquer les sociétés dans l’observation des changements environnementaux et dans les plans de gestion.

La suggestion de l’Institut des récifs coralliens du Pacifique appelle opportunément l’attention sur l’importance de la prise en compte des savoirs traditionnels dans la conduite des stratégies d’adaptation au changement climatique.

IV. PROMOUVOIR DES SOLUTIONS FONDEES SUR LA NATURE ET LES SAVOIR-FAIRE A LA FOIS TRADITIONNELS ET INNOVANTS DES OUTRE-MER

En se précisant et en se concentrant, les débats sur le changement climatique tendent à remettre en valeur le recours aux savoirs traditionnels dans les outre-mer. Le sujet est également abordé dans l’hexagone, mais il est peut-être plus immédiatement accessible outre-mer, parce que, dans des sociétés insulaires à dimension restreinte, les outils de la mémoire collective susceptibles de redonner une actualité utile à ces savoirs sont plus accessibles aux personnes que dans des sociétés continentales urbanisées et à forte mobilité.

Les scientifiques qui travaillent sur le changement climatique sont les premiers à reconnaître la saveur et la consistance des traditions culturelles. À plusieurs reprises, il nous a été ainsi affirmé qu’à côté des données procurées par l’utilisation des techniques scientifiques modernes, le recours aux savoirs traditionnels était essentiel pour une bonne connaissance des phénomènes associés au changement. Ces savoirs peuvent combler les lacunes de l’information scientifique de base et contribuer efficacement à la compréhension des faits. En outre, l’association des populations locales aux recherches scientifiques sur le climat est un excellent moyen de déterminer les réponses les plus adaptées et d’en faire comprendre la nécessité. La restitution auprès des ultramarins des résultats de recherches qui les concernent directement est considérée comme naturelle par les scientifiques que nous avons rencontrés. C’est, à leurs yeux, une question de respect et d’efficacité bien comprise. Nous ne pouvons que partager cette opinion.

Sans aller jusqu’au retour systématique et dogmatique au passé, il semble qu’une plus grande attention aux usages suivis dans la construction et dans la localisation des activités humaines permettrait d’apporter des réponses plus adaptées à certains effets menaçants du changement climatique.

Le rapport l’illustre à plusieurs reprises avec l’exemple des jardins créoles qui reposent sur le principe de la coexistence d’espèces végétales ou encore l’exemple du « rahui » polynésien, aire marine protégée traditionnelle qui a donné vie à des formes modernes et inédites de gestion telles que les PGEM et les AME.109

A ces techniques de gestion, s’ajoutent des savoir-faire en matière d’aménagement et de construction. Ainsi l’on peut constater que les constructions anciennes étaient souvent en retrait du littoral et surélevées. Les matériaux choisis conservaient la fraîcheur et les modes de construction permettaient une ventilation naturelle adaptée au climat tropical. De ces savoir-faire découlent aujourd’hui de nouvelles méthodes de construction d’habitats dits « bioclimatiques ».

L’ensemble de ces savoirs repose sur des siècles d’observation de la nature, qui ont permis aux générations nous précédant de faire preuve de bon sens dans leurs choix de vie et de gestion de leur environnement.

Les territoires d’outre-mer sont d’ores et déjà des lieux d’innovations fondées sur ces savoirs. La démarche de réappropriation et de modernisation de ces savoirs est à promouvoir dans l’ensemble des territoires d’outre-mer et dans l’hexagone. Ils sont d’autant plus efficaces qu’ils contribuent au double objectif de préservation du patrimoine culturel et d’une meilleure intégration des populations à la gestion de leur environnement.

C’est aussi le sens de la contribution des outre-mer aux stratégies nationales et internationales de lutte contre le changement climatique.

CONCLUSION

Les analyses et les constats rassemblés dans notre rapport convergent vers une conclusion : dans la conduite des négociations de la COP 21 comme dans la formulation des solutions qui seront actées, la voix des outre-mer, premières victimes du changement climatique, devra être considérée à la hauteur des menaces auxquelles ces territoires sont confrontés.

Il n’est pas actuellement de pourparlers au propos plus objectivement universel que les négociations sur le climat conduites dans le cadre des COP qui se sont succédé depuis 1995. Il n’y en a guère dont la réussite soit aussi fortement déterminée par l’application du principe de solidarité, dans l’exposition commune mais différenciée à une évolution climatique porteuse de nombreux périls comme dans la recherche de solutions pour y faire face. Les outre-mer peuvent incarner l’expression de cette double solidarité. La volonté d’action exprimée, dans chaque bassin océanique, par les déclarations reproduites en annexe de La Réunion, de Lifou, de Fort-de-France et de Taputapuâtea, reproduites en annexe, se retrouve dans les initiatives et les prises de position qui nous ont été communiquées par les acteurs locaux.

Les perspectives que les prévisions actuelles dessinent pour les outre-mer indiquent que le changement climatique n’est pas un processus linéaire, mais largement cumulatif. Il en sera de même des réponses formulées dans le cadre des stratégies d’atténuation et d’adaptation en cours de définition.

L’attention apportée à la situation critique des outre-mer sera un test important pour la crédibilité globale du processus de négociation sur le climat, face à une menace que les travaux scientifiques caractérisent de plus en plus précisément et de plus en plus exactement. Aussi, les réponses qui seront apportées dans ce cadre devront refléter des préoccupations universelles : la mise en place de dispositifs de financement crédibles des mesures d’adaptation, la valorisation des savoirs traditionnels pour faire face aux défis à venir, la définition de mécanismes de coopération transfrontalière et de transferts de technologie innovante.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux outre-mer a examiné le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mardi 27 octobre 2015.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Il était important de discuter des effets du changement climatique dans les outre-mer, que chacun peut déjà percevoir dans sa circonscription. Nos trois rapporteurs nous montreront en quoi ce débat est capital pour l’avenir de nos territoires, à moyen et à long terme. Mais je voudrais pour ma part en souligner, comme président de la Délégation aux outre-mer, la forte portée symbolique.

Comme vous le savez, étymologiquement, le symbole est ce qui unit. Et si la création de la Délégation aux outre-mer sous une forme institutionnelle et non plus seulement amicale, a un sens, c’est bien celui de permettre l’expression collective, sereine et déterminée des outre-mer au sein de l’Assemblée nationale.

Cette expression collective implique, dans mon esprit, que les collègues membres de l’opposition parlementaire puissent s’exprimer le plus souvent possible en tant que rapporteurs. Ce fut le cas dans le passé, pour un certain nombre de rapports d’information sur lesquels la Délégation a travaillé. C’est le cas cette fois-ci, puisque j’ai souhaité que notre collègue Maina Sage, députée de Polynésie, devienne le chef de file de l’équipe de trois rapporteurs qui s’est investie dans ce rapport sur les effets du changement climatique dans les outre-mer. Je la remercie d’avoir accepté cette responsabilité.

Mais je remercie également nos trois rapporteurs. Outre Mme Maina Sage, M. Ibrahim Aboubacar, député de Mayotte, et M. Serge Letchimy, député de la Martinique, ont mené à bien leur travail, dans un souci constant de coordination et dans la meilleure entente possible. Ils se sont réparti la tâche d’interroger les élus, les divers acteurs associatifs, culturels et économiques sur leurs analyses et leurs propositions au regard des enjeux du changement climatique.

De nombreuses personnes ont été appelées à s’exprimer, et de nombreuses réponses ont été reçues. Ainsi notre Délégation a-t-elle été dans son rôle : faire partager à l’ensemble des collègues ultramarins et au-delà, à l’ensemble de l'Assemblée, leur connaissance de la réalité des outre-mer, et les aspirations qui s’y manifestent dans toute leur diversité.

La publication de ce rapport nous permettra de contribuer, au sein du Parlement, à l’expression collective des outre-mer dans ce moment crucial des ultimes semaines avant l’ouverture de la COP 21. Là encore, la Délégation aux outre-mer est pleinement dans son rôle. Certes, au cours des dernières semaines, nous avons reçu de nombreuses assurances que les outre-mer ne seraient pas oubliés dans la préparation de la COP. L’initiative que nous avons prise, en nous saisissant du sujet, contribuera sans nul doute à encourager les pouvoirs publics à donner la meilleure consistance possible à ces assurances. Je vous signale à ce propos que le rapport de la Délégation devrait être officiellement remis la semaine prochaine à Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer.

Vous avez par ailleurs été saisis, pour signature, d’un projet de résolution exprimant ces mêmes préoccupations. Comme vous le savez, les règles de procédure applicables aux délibérations de la Délégation ne donnent pas de portée juridique formelle à l’insertion – que nous vous proposons – de ce texte dans le projet de rapport. Cette décision, si vous en êtes d’accord, n’en aura pas moins une évidente signification politique. Nous avons des possibilités d’action et d’intervention qui ne sont pas négligeables. Le présent débat sur le changement climatique est là pour le montrer, et il ne tient qu’à nous de les utiliser, comme nous l’avons déjà fait, au cours des mois qui viennent.

Mme Maina Sage, rapporteure. Merci, monsieur le président. Mes chers collègues, merci d’être venus nombreux pour la restitution de ces travaux. Avant de vous présenter en synthèse les éléments de ce rapport, je vous précise que celui-ci comporte trois parties.

La première porte sur les connaissances des impacts, dans nos territoires, du changement climatique, et sur la perception locale du changement climatique par les élus, la société civile, les chefs d’entreprise, les associations et la population.

La deuxième partie met en avant les initiatives locales, à la fois en matière de stratégies d’atténuation et de stratégies d’adaptation : ce qui se faisait déjà, ce qui est en cours, et les stratégies qu’il nous faut soutenir prioritairement.

Enfin, puisque notre rapport se dessinait à l’aube de cet évènement majeur qu’est la COP 21, la troisième partie concerne le message commun à nos territoires d’outre-mer en vue de la COP, celui que nous souhaitons que la France porte pour nous lors de cette rencontre et de ces négociations, majeures pour l’ensemble des pays, l’ensemble des territoires, mais aussi, prioritairement, pour nos territoires d’outre-mer.

Je souhaite bien entendu remercier tous ceux qui ont contribué à la collecte des informations. Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre confiance ; mais je dois aussi dire que, de fait, notre travail n’aurait pas été possible sans le soutien de nos collègues de la Délégation, qui ont servi de relais dans leur collectivité, leur département, pour nous aider à réunir le maximum d’informations, à procéder à des auditions, et ont même apporté leur contribution personnelle en s’exprimant sur le sujet.

Chacun de nous trois a rencontré plus d’une centaine de personnes dans nos territoires et ici, au niveau national : des scientifiques, des directeurs de centres de recherche et d’établissements publics, les institutionnels – je remercie le ministère des affaires étrangères et le ministère de l’outre-mer, qui nous ont reçus – et en dernier lieu, mais non les moindres, les forces vives du tissu associatif ; ce sont des acteurs majeurs, qui ont une autre perception des choses, puisqu’ils agissent au quotidien sur le terrain.

J’en viens à notre sujet. Comme l’ont souhaité mes deux collègues, Je ferai une synthèse rapide, puis je leur laisserai la parole pour qu’ils vous exposent le message essentiel que nous souhaitons porter en vue de la COP 21.

Sans entrer dans le détail de tous les impacts que vont subir nos territoires, je souhaite vous expliquer pourquoi ils sont en première ligne du changement climatique. Sur ce point, les scientifiques ont été unanimes. Il me semblait donc fondamental de sensibiliser la représentation nationale sur cet aspect majeur.

Il y a plusieurs raisons à cela. La première est que, dans leur quasi-totalité, nos territoires se situent dans la ceinture tropicale, au climat tropical et subtropical, qui figure parmi les zones qui seront les plus impactées par des phénomènes plus intenses et plus fréquents.

La deuxième raison est que ce sont, dans leur quasi-totalité, des territoires insulaires. Comme le précise notamment le rapport de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC), les capacités d’amortissement des chocs climatiques y sont bien moindres que dans les zones continentales. En raison de la situation géographique et de la concentration de l’habitat sur les bandes littorales, les impacts seront très importants, d’autant plus que les outre-mer concentrent la quasi-totalité de la biodiversité terrestre française. Cela est vrai même pour un territoire comme la Guyane, qui n’est pas une île. Certes, Saint-Pierre et Miquelon est situé en zone tempérée. Néanmoins, notamment par l’effet du Gulf Stream, ce territoire sera impacté comme pourraient l’être les territoires proches des pôles. De toute façon, Saint-Pierre et Miquelon est bien une île, et la concentration de l’habitat à très basse altitude fait craindre les effets de la montée des eaux.

La troisième raison est que l’économie de ces territoires – le secteur primaire, le tourisme – est liée à leur environnement naturel. Bien évidemment, les modifications de leur environnement ont un impact très fort sur leurs économies.

Vraiment, les territoires d’outre-mer seront en première ligne des impacts du changement climatique.

Quels sont les effets attendus ?

Le constat du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est sans appel. De notre côté, nous n’avons pas décrit les effets du changement climatique, territoire par territoire. Nous avons essayé de dégager les effets les plus communs à l’ensemble de nos territoires.

Le premier effet du changement climatique est bien entendu la hausse des températures, puis le réchauffement des surfaces océaniques et l’acidification des océans par les pollutions que ceux-ci captent. Ces effets de réchauffement et d’acidification fragilisent les écosystèmes marins, en particulier les coraux et les mangroves. Or coraux et mangroves, outre qu’ils permettent aux populations de nos territoires, notamment les plus isolées, de se nourrir, constituent des barrières de protection naturelle face aux phénomènes climatiques, notamment face aux cyclones et aux tsunamis. Ces enchaînements d’impacts affecteront les littoraux, les traits de côte, et les habitats qui sont situés, dans leur majeure partie, en zone côtière.

Le deuxième effet est l’intensification des phénomènes climatiques : intensification des cyclones et des situations extrêmes, avec l’accentuation des périodes de précipitations et de sécheresse. Le rapport rappelle que les niveaux de ces extrêmes varient selon les territoires mais que, néanmoins, l’intensification des phénomènes climatiques se retrouve dans l’ensemble des outre-mer. Elle provoque, là aussi, des réactions en chaîne : destruction d’habitats ; destruction de zones agricoles ; impacts sur les espèces terrestres et marines.

Le changement climatique finit par accroître la vulnérabilité, non seulement de notre environnement naturel, immédiat, mais aussi de nos habitats et de notre environnement économique. Nous devons prendre conscience que si l’on n’arrête pas le processus, si on ne s’investit pas lors de la COP 21 pour atteindre l’objectif de réduction des gaz à effet de serre (GES), nos territoires seront confrontés à de graves problèmes – environnementaux, économiques, sociaux et même sanitaires.

J’en viens à la perception du changement climatique dans nos territoires.

On s’aperçoit que la classe politique locale se sent de plus en plus impliquée par le sujet. Elle se lance d’ailleurs dans différentes stratégies. Pour autant, les populations semblent assez éloignées du sujet. Il faut dire que la situation économique de nos territoires est relativement fragile, et que les populations sont essentiellement tournées vers les questions du quotidien – le logement, l’habillement, l’emploi, etc. C’est toute la difficulté du sujet du climat : il n’est pas forcément perceptible immédiatement et pourtant nous avons le devoir, la responsabilité de le prévoir.

Malgré tout, avec des différences selon les territoires, les populations commencent à s’en préoccuper, mises en éveil par certains phénomènes climatiques qui se font d’ores et déjà ressentir – intensification des précipitations, fortes sècheresses, raréfaction des ressources en eau ou salinisation des sols. En effet, les fortes houles cycloniques viennent parfois submerger temporairement les littoraux, apportant des eaux salées qui viennent s’infiltrer dans les sols, jusqu’aux nappes phréatiques. Cela a aussi des impacts sur les cultures en bord de rivage. Et sur les atolls, qui sont des îles basses où il n’y a pas de point haut, des hectares et des hectares de cultures – notamment les cocoteraies, qui permettent la production du coprah – sont aujourd’hui menacés.

La population est donc en éveil. Mais cela reste très flou. Si la communauté scientifique est de plus en plus précise sur ces impacts, si elle travaille de plus en plus en réseaux, les liens avec les élus locaux, les communes et les populations sont encore à renforcer.

On pourrait céder au catastrophisme. Mais ce n’est pas le but de notre rapport. Nous y faisons le constat de ce qui se passe et le constat des prévisions. Mais nos territoires ne veulent pas se présenter en victimes ; ils souhaitent s’impliquer très fortement dans la lutte contre le changement climatique et être aussi en première ligne des acteurs. Nous pensons que les outre-mer peuvent constituer, pour la France, des avant-postes pour l’observation, la recherche et la mise au point de stratégies d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. C’est une source d’espoir.

D’ores et déjà, les territoires, qui sont de plus en plus dynamiques, se sont lancés dans la préparation de divers schémas liés à la transition énergétique, à l’amélioration des transports, aux questions d’aménagement, de gestion du foncier, pour pouvoir se préparer au mieux à ces changements. Je ne développerai pas ces stratégies, qui sont traitées dans notre rapport. Mais je ferai deux remarques à leur sujet.

D’une part, dans cet océan de mauvaises nouvelles, il faut retenir une bonne nouvelle : très récemment, les scientifiques ont démontré que si la nature pouvait être menaçante, elle pouvait aussi apporter des solutions. En clair, lorsque l’environnement est préservé des activités humaines polluantes, on observe des phénomènes naturels de résistance et de résilience.

Par exemple, on a constaté qu’en période de très fort cyclone, et donc de destruction massive des coraux, les atolls où il y avait peu de population et d'activité humaine s’étaient agrandis, un phénomène de rechargement des littoraux s’étant opéré. On a observé également que parmi les centaines d’espèces de coraux, certaines supportaient et s’adaptaient à l’augmentation des températures. Voilà pourquoi, dans certains instituts de recherche, on sélectionne aujourd’hui de telles espèces pour les réimplanter prioritairement demain dans les récifs. Il s’agit de maintenir les récifs coralliens qui sont des barrières naturelles aux phénomènes climatiques. D’autres exemples sont cités dans notre rapport.

Ces phénomènes de résistance et de résilience sont à encourager. On sait que le fait de cultiver plusieurs types d’espèces végétales permet de mieux résister et de mieux retenir les sols en période de fortes précipitations et en période cyclonique. La façon dont on plante, dont on aligne les plantations joue également sur la force des vents. Les mangroves constituent elles aussi un vrai paravent naturel.

Ce point est majeur. Il montre que, dans nos stratégies d’adaptation, il y a une priorité à impulser. Et cette priorité va à la protection de ces écosystèmes : plus nous les protègerons, et plus nous renforcerons leurs capacités de résistance et de résilience aux effets du changement climatique.

Pour autant, ces effets restent inéluctables. Il ne faudrait pas que cette bonne nouvelle nous exonère du reste. Bien entendu, nous soutiendrons jusqu’au bout notre pays pour obtenir un accord à la COP 21. Mais sachez que même à deux degrés, nous serons touchés par les effets du changement climatique. En revanche, si nous faisons tout pour protéger les écosystèmes, et donc leur capacité de résistance, ces effets seront relativement supportables et surmontables. C’est toute la question des stratégies d’adaptation que nous devons mettre en œuvre. Leur coût sera phénoménal, surtout au regard de la taille de nos économies. Vous comprendrez, dès lors, que notre rapport conclue prioritairement à la nécessité de clarifier le cadre financier. C’est un élément clé.

Pour nos territoires, la COP est l’opportunité de faire entendre leur voix. Car nous sommes face à un enjeu majeur. Sur un continent, on peut reculer de quelques mètres pour changer de ville. Mais dans nos territoires, ce ne sera pas possible. Nous refusons le scénario catastrophe des mouvements de populations, car nous savons qu’il y a beaucoup de choses à faire – ce que l’on appelle les solutions, les mesures « sans regret ». Nous devons rapidement mobiliser nos moyens pour être à la fois exemplaires sur le plan de nos propres pollutions liées à l’énergie ou aux transports, pour adapter au mieux nos territoires et préserver au maximum nos écosystèmes.

Il est un point sur lequel il nous faudra beaucoup de courage, de la diplomatie, de la concertation, de l’écoute et de la compréhension : comment penser le réaménagement de nos territoires avec nos populations ? Celles-ci ne supporteraient que l’on se contente de leur dire : c’est terminé, pour telle ou telle raison, vous n’habitez plus là ! Nous avons à impulser une politique concertée, cohérente, et surtout participative. Les choses doivent se faire avec nos populations. Sinon, elles ne se feront pas – des exemples existent.

D’autre part, si nos territoires peuvent être des avant-postes en matière d’innovation et de recherche, ils sont aussi riches d’enseignements et de savoir-faire traditionnels. Nous souhaitons nous les réapproprier, les valoriser, les promouvoir et les transmettre. Ce sont des solutions de bon sens que nos ancêtres appliquaient déjà et que nous avons perdues. Au nom d’une volonté de modernisation, on a tourné le dos à des pratiques traditionnelles qui étaient respectueuses des espaces naturels.

Nous avons pris trois de ces pratiques en exemple.

Premièrement, les jardins créoles, avec des cultures mélangées, combinées, complémentaires, qui permettent d’améliorer les rendements et de protéger les sols. Aujourd’hui, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) mène des études approfondies sur le sujet, et met en œuvre de nouvelles stratégies innovantes en matière d’agriculture fondées sur ce savoir-faire traditionnel.

Deuxièmement, dans le Pacifique, il existait une forme de gestion intégrée des espaces terrestres, maritimes et lagonaires : le rahui était une aire marine traditionnelle, où l’on alternait les zones de pêche, pour garder les espaces naturels sains et protéger la ressource à long terme pour les générations futures. C’est une pratique qui, de la même façon, est remise en avant et pourrait être partagée avec les autres.

Troisièmement, dans l’Océan Indien, et sans doute dans d’autres territoires, on utilisait des matériaux plutôt que d’autres parce que l’on savait qu’ils étaient à la fois plus résistants et plus rafraîchissants. Il y a aujourd’hui des projets innovants, notamment à la Réunion, qui portent sur des constructions bioclimatiques, et qui font la promotion de ces techniques qu’il convient de se réapproprier. Si on utilisait tels ou tels matériaux à l’époque, ce n’était pas pour rien, et leur réutilisation serait tout bénéfice. Dans le bassin mélanésien, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna et finalement dans chacun de nos territoires, il y a des savoir-faire que l’on peut mettre en avant.

Je vais maintenant laisser mes collègues exprimer le message qui vient en conclusion de ce rapport. Mais vous comprenez bien que la question du climat est pour nous vitale. Elle est urgente parce que les effets du changement climatique se font d’ores et déjà sentir, et elle est nécessairement liée à la solidarité internationale.

Évidemment, c’est tout à l’honneur de la France que de défendre aujourd’hui la création du Fonds vert, en faveur des pays les plus vulnérables. Mais nos territoires d’outre-mer ne comprendraient pas que l’on puisse faire la promotion de cette solidarité internationale sans prendre en compte les propres réalités des espaces français les plus vulnérables qui sont dans les mêmes zones.

Le changement climatique n’a pas de frontières. Ces territoires sont nos voisins, avec lesquels nous travaillons pour trouver des solutions. Nous souhaitons la création d’un fonds exceptionnel, un fonds spécifique dédié au soutien aux outre-mer, qu’il soit national ou européen. C’est un enjeu majeur pour la survie de ces territoires d’outre-mer, PTOM, RUP, tous confondus, qui doivent nécessairement travailler avec leurs voisins, la coopération régionale étant une des clés premières de la lutte contre le changement climatique. (Applaudissements.)

M. le président Jean-Claude Fruteau. Ces applaudissements sont mérités, madame Sage, au regard de l’ampleur du travail réalisé sous votre direction. Vos collègues vont maintenant compléter votre exposé.

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur. En entendant son exposé, nous avons pu constater que nous avions eu raison de nous en remettre à notre rapporteure principale, qui a su résumer de manière extrêmement fidèle le contenu du rapport que nous avons préparé dans un laps de temps très limité. Je tiens d’ailleurs à remercier notre président d’avoir pris l’heureuse initiative d’un tel rapport.

Je souligne que la même initiative a été prise au Sénat. De fait, il nous est arrivé de croiser sur place nos collègues sénateurs. Certains acteurs locaux n’ont d’ailleurs pas compris ce télescopage. Mais nous n’avons pas à regretter que nos deux assemblées s’intéressent aux effets du changement climatique dans les outre-mer.

Ajoutons à cela l’initiative heureuse de l’organisation, par Mme la ministre des outre-mer, du colloque qui s’est tenu le 15 octobre dernier. Ce fut un autre moment de partage et l’occasion, pour nous, de transmettre un certain nombre de messages. Cela aura sans doute contribué à faire bouger un petit peu la situation, même si un long chemin reste encore à parcourir.

Maintenant, si nous tenons à ce que les outre-mer aient une visibilité dans ces négociations de fin d’année, et à ce que leur sort y soit effectivement pris en compte, c’est notamment parce que les collectivités de l’Océan indien, et en particulier la Réunion, se sont fortement mobilisées avec les pays voisins. Si la Commission de l’Océan indien (COI) et l’Union européenne (UE) adoptent une position commune en vue de la COP 21, ce sera sur la base du travail de coopération régionale mené à partir des collectivités françaises de l’Océan indien – travaux de 2012, déclaration de la Réunion de 2014. Nos territoires ont constitué des points d’appui pour tous ces travaux.

Dans leur déclaration commune du 30 septembre dernier, les pays de la région parlent de « renforcement des dispositifs institutionnels », de « centres régionaux d’adaptation », de « mécanismes de transferts de technologie immédiats » ou de « systèmes d’alerte précoce ». Mais on ne peut s’empêcher de remarquer que nous avons déjà œuvré en la matière, et que, par notre intermédiaire, la France et de l’Union européenne peuvent proposer des solutions concrètes à ces États indépendants qui nous entourent.

Par exemple, le système météorologique de l’île de la Réunion, qui opère depuis l’Afrique du Sud jusqu’en Australie, constitue le principal point d’appui en termes de systèmes d’alerte sur les phénomènes météorologiques de la zone de l’Océan indien. C’est l’un des six centres météorologiques régionaux de l’Organisation mondiale de la météorologie en termes de savoir-faire, de technicité et d’observation. Personnellement, j’ai eu le plaisir, au cours de mes auditions, d’assister à la conférence internationale qui s’est tenue à la Réunion sur les risques cycloniques dans le bassin de l’Océan indien, entendu au sens large.

Par exemple, nos Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) constituent des points d’appui, de recherche et d’observation sur les phénomènes liés au changement climatique et sur la préservation de la biodiversité. Il s’y passe beaucoup de choses qui ne sont pas suffisamment mises en valeur, et sur lesquelles on pourrait renforcer les partenariats, par exemple avec l’université de la Réunion, ou avec des chercheurs qui travaillent au niveau national. Ceux que nous avons eu l’occasion d’auditionner ici ont regretté le manque de synergie des travaux de recherche en la matière.

Ce qui se fait déjà sur nos territoires pourrait donc être utilement renforcé, mis à la disposition des P.E.I.D., et mis en valeur dans le cadre des discussions qui s’annoncent.

Quant à la prise de conscience des effets du changement climatique, il est vrai que la situation est contrastée. Mais, au sujet du changement climatique, selon la formule célèbre, on fait de la prose sans le savoir. En effet, quand on regarde les projets qui ont été lancés depuis une dizaine d’années – initiatives purement locales, réponses à des appels à projets nationaux, participation à l’Agenda des solutions outre-mer, ébauché lors du dernier colloque – on s’aperçoit que beaucoup de projets se développent, et que le transfert de savoir-faire vers les pays qui nous entourent peut s’opérer, ou plutôt continuer à s’opérer, à partir de nos collectivités d’outre-mer. J’ai croisé des élus locaux réunionnais qui font de la coopération régionale avec les Seychelles ou avec Madagascar, sur des thématiques qui peuvent relever du changement climatique. Initialement, ces thématiques n’étaient pas considérées comme telles, mais entre-temps, la loi sur la transition énergétique et les débats sur la biodiversité sont passés par là. De sorte que nos outre-mer ont beaucoup de réalisations particulières à faire valoir.

Par exemple, j’ai été très impressionné par la richesse du Museum d’histoire naturelle de la Réunion, qui existe depuis cent soixante ans et qui constitue un exemple unique dans notre pays pour la connaissance de la faune et de la flore. Le Museum est engagé dans un projet régional – il a une antenne à Mayotte – et intervient également à Madagascar et ailleurs.

Ce sont des outils qui sont déjà là, qui sont opérationnels de longue date, qui nous permettent d’avoir notre place et donnent de la visibilité à notre action de coopération régionale. Les actions que nous menons renforcent notre légitimité et notre détermination à réclamer que nous prenions toute notre part dans le débat. Ce sera l’objet de la résolution que – je l’espère – nous allons adopter ici. Cette résolution doit être forte, parce que nos exigences sont tout à fait justifiées, qu’elles sont à la hauteur de nos attentes, de nos contributions, des enjeux et des risques que nous courons du fait du changement climatique.

M. Serge Letchimy, rapporteur. L’intervention de Maina Sage était magistrale, tout comme celle d’Ibrahim Aboubacar, et je les remercie. Je ne vais pas revenir dessus, mais je vais mettre les pieds dans le plat.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Comme d’habitude. (Sourires)

Mme Maina Sage, rapporteure. C’est pour cela qu’on vous demande de conclure !

M. Serge Letchimy, rapporteur. De quoi s’agit-il, monsieur le président ? Vous avez commandé ce rapport en prévision de l’évènement planétaire qui aura lieu en décembre à Paris. Dans la négociation qui s’annonce, je retiendrai trois points.

Premièrement, il faut atteindre l’objectif des deux degrés. La bataille s’est engagée entre ceux qui polluent, ceux qui ne polluent pas, et ceux qui sont en développement. Mais tous savent que si l’on ne fait rien du tout, on court tous à la catastrophe : encore plus de migrations, de faim, de destructions, etc. Reste que ceux qui profitent déjà en produisant trop, vont continuer à profiter, et que ceux qui sont pauvres vont continuer à être pauvres.

Deuxièmement, les États, et donc la France, vont devoir s’engager. La question est de savoir quelle sera la part de l’outre-mer. Il faut dire – les chiffres sont connus – que nous représentons beaucoup : 80 % de la biodiversité et 97 % des surfaces maritimes. Or, pour l’instant, on n’a pas entendu grand-chose de concret à ce propos.

Que proposera-t-on, en décembre, pour les outre-mer ? Quelles mesures prendra-t-on en décembre pour que les analyses présentées à l’instant par Maina Sage et Ibrahim Aboubacar se traduisent concrètement par des mesures d’atténuation, d’adaptation et même de mutation ? Car lorsque l’on parle de mutation et de résilience économique, culturelle et sociale, on imagine un autre modèle. Il ne s’agit pas de réparer les plages, mais de profiter de la crise pour faire naître quelque chose de nouveau et enclencher une nouvelle dynamique. Quelle forme va donc prendre le débat ?

L’ennui est que nous n’avons pas accès au Fonds vert. Il faudrait donc demander, et même exiger, la mise en place d’un dispositif pour les pays et les régions les plus touchées ou les plus sensibles au changement climatique – dont les îles.

Ensuite, on peut se demander si la loi sur la biodiversité et la loi sur la transition énergétique vont répondre totalement aux effets des mutations climatiques. Selon moi, non. Dans ces conditions, faudrait-il domicilier localement les plans stratégiques de résolution des mutations climatiques, pour qu’ils soient appropriables localement ?

Troisièmement, la coopération régionale est nécessaire, comme l’a dit Ibrahim Aboubacar. Elle est même obligatoire, et fondamentale pour l’avenir. Si le vent souffle fort à Sainte-Lucie, il souffle fort aussi chez nous.

Voilà les problèmes qu’il faut poser. C’est pour y répondre qu’une résolution a été présentée. Notre collègue Chanteguet, président de la commission du développement durable, en a présenté une autre, qui place l’outre-mer en tête. La nôtre aura-t-elle suffisamment de poids ?

Je suis ravi qu’il y ait beaucoup de monde aujourd’hui à la Délégation aux outre-mer. Car il faut pouvoir peser lourdement pour que cette résolution puisse être inscrite dans le débat. Si tel était le cas, nous pourrions demander que, dans les propositions de l’État, figure un volet outre-mer. Je ne vise pas l’objectif des deux degrés, qui concerne tout le monde, mais un volet spécifique outre-mer, où seraient repris les propos de Maina Sage et Ibrahim Aboubacar. Si nous l’obtenons, nous aurons gagné la bataille. Je vous fais confiance, monsieur le président, pour y parvenir. Et je serai très content, à ce moment-là, d’avoir contribué à l’élaboration de ce rapport.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre…

M. Philippe Gosselin. Ni de réussir pour persévérer.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Voilà pourquoi nous allons porter cette résolution, que je vais vous proposer de faire nôtre.

Certes, la Délégation n’a pas qualité pour présenter une proposition de résolution. Mais si nous sommes les plus nombreux possibles à la signer, nous pourrons la déposer. Ensuite, nous en discuterons avec les instances de l’Assemblée. Je crois que Jean-Paul Chanteguet les a interrogées à ce propos. Nous suivrons cette affaire.

Merci à vous trois pour le travail que vous avez réalisé, pour la détermination dont vous avez fait preuve et pour la passion que chacun, avec son propre caractère, y a mise. Comme on l’a vu, la diversité de nos outre-mer est bien représentée ici.

Je donne maintenant la parole aux membres de la Délégation ici présents. Nous sommes plus nombreux que d’habitude et c’est bien ainsi, car le sujet le mérite. C’est un acte de responsabilité des élus des outre-mer et des autres élus qui sont fidèles à nos réunions depuis le début.

M. Philippe Gosselin. Je remercie nos trois rapporteurs pour ce travail de qualité. Je me réjouis que la Délégation aborde avec sérieux cette question essentielle qui ne concerne pas uniquement notre petit hexagone, mais le territoire français dans sa globalité. Au-delà, c’est même l’ensemble de la planète qui est touché par les effets croisés du changement climatique – effets physiques, géologiques, économiques et sociaux.

La France est présente sous toutes les latitudes, en raison de son histoire, parfois tumultueuse, parfois tempétueuse, au sens propre comme au sens figuré. Les constats qui ont été faits peuvent être partagés, d’autant que certains problèmes particuliers, liés à la biodiversité, au trait de côte, etc. se posent aussi dans d’autres territoires comme la Manche, par exemple, qui compte 330 km de côtes. Il est important que nous puissions partager ce diagnostic.

Je pense, sans trop m’avancer, que nous aurons une approche commune sur le sujet, quelles que soient nos sensibilités. C’est une force, à la veille de grandes négociations qui vont attirer tous les regards vers Paris et la France. Cela donne du poids à l’intégration pleine et entière, sans discussion, des outre-mer dans les propositions présentées par notre pays. Mais il faudra faire en sorte que les enjeux des outre-mer soient parfaitement intégrés dans les déclinaisons locales des négociations, et que l’on tienne compte de la proximité géographique des outre-mer avec des États étrangers.

Je partage totalement la présentation faite par les rapporteurs. Pour autant, comme cela a été dit, de vraies questions restent en suspens sur la manière dont le Gouvernement souhaitera faire siennes ces conclusions, et notamment sur les moyens financiers qui seront mis à la disposition des outre-mer ? Notre rapporteure a parlé d’un fonds. D’autres solutions sont sans doute envisageables. À ce stade, il ne faut rien négliger, rien écarter par principe. Il faut seulement réaffirmer que les outre-mer sont dans l’œil du cyclone, qu’ils ne peuvent pas être écartés des négociations, et que pour l’ensemble de notre pays, ils constituent un enjeu essentiel puisqu’ils représentent, on l’a rappelé, 80 % de la biodiversité française et 97 % de l’espace maritime français.

Ces chiffres expliquent sans aucun doute, monsieur le président, qu’il y ait aujourd’hui plus de monde que d’habitude. On ressent une prise de conscience de l’importance de l’enjeu, et nous voulons la porter avec vous. Et pour ma part, je confirme que je cosignerai ce projet de résolution, qui me paraît tout à fait consensuel sans pour autant masquer certaines interrogations. Encore une fois, ce n’est pas un blanc-seing que je donne au Gouvernement actuel et au Président de la République. Nous devons en effet veiller à ce que les objectifs que nous partageons soient effectivement pleinement portés et débouchent sur des éléments plus concrets – moyens financiers, calendrier, etc.

M. Philippe Houillon. Je tiens à dire à Maina Sage que son exposé oral était remarquable. Cette question présente un intérêt majeur. Je tiens également à remercier le président pour son initiative, et les rapporteurs pour le travail qu’ils ont accompli.

Monsieur le président, vous pouvez utiliser ma signature pour cette résolution même si, comme pour mon collègue Gosselin, cela ne vaut en aucun cas, et surtout pas, soutien à l’actuel Président de la République ! Mais cela vaut soutien au travail, aux conclusions et aux questions que je viens d’entendre.

Je terminerai sur une question très simple pour les rapporteurs : connaît-on, même de façon approximative, les évolutions à venir ? A-t-on pu établir un calendrier des effets du changement climatique ?

Mme Maina Sage, rapporteure. Cela dépend des lieux et des effets attendus : augmentation de températures, intensification des phénomènes climatiques, élévation des océans, etc. Par exemple, tout porte à croire qu’à l’horizon 2100, les océans auront monté de 40 à 80 cm, voire d’un mètre pour les plus pessimistes. En revanche, l’élévation des températures, et c’est tout l’objet des accords en cours, dépendra de notre capacité de réduction des gaz à effet de serre.

Comme on est arrivé à remonter dans le temps, on a pu observer des phénomènes de décrochage inquiétants. Ainsi, sur les trois dernières décennies, on a noté un emballement de la progression des augmentations de température. Nous disposons également de moyennes sur les élévations de températures.

L’évolution des cyclones varie selon les bassins cycloniques, mais on a tout de même fait des prévisions à l’horizon 2050. D’une part, l’intensification des cyclones est prévue assez prochainement. D’autre part, l’augmentation des fréquences des cyclones, sous réserve des précisions qu’apporteront les études régionales, concernerait uniquement le Nord-Atlantique et le Pacifique-Ouest.

Enfin, les phénomènes extrêmes de précipitations et de sécheresse vont déjà en s’aggravant et cela continuera. Mais finalement, tout dépendra de notre capacité à contraindre les États pollueurs à réduire leurs émissions.

M. le président Jean-Claude Fruteau. C’est tout l’enjeu de ces négociations.

Mme Ericka Bareigts. Merci, monsieur le président, d’avoir initié le travail de grande qualité de nos trois rapporteurs, qui, grâce à leur implication, ont su traiter en très peu de temps un sujet très vaste et complexe.

Les enjeux liés au climat nous font prendre conscience que nous, les outre-mer, sommes situés dans des océans, et que si notre destin institutionnel et politique est lié à la France, notre survie est liée, surtout, à notre situation géographique et aux États voisins. L’acceptation de cette réalité est une évolution majeure, dans nos territoires ; ce n’est pas une évidence pour tout le monde. Il faut travailler pour que la prise en compte de cette réalité géographique soit naturelle, pas conflictuelle, et que son niveau d’acceptabilité soit tel qu’il nous permette d’avancer. Il nous faut parvenir à une conscience apaisée.

Notre République est une et indivisible, mais elle est aussi diverse, et c’est sur cette diversité que nous devons travailler. M. Aboubacar nous a parlé du Museum d’histoire naturelle de la Réunion, qui constitue en effet un bel outil. Je suis sûre que ce musée est aujourd’hui très peu visité par les jeunes. Finalement, nos connaissances nous échappent. Or la connaissance est un axe prioritaire du travail de prévention que nous avons à mener ensemble.

Ne pourrions-nous pas développer une stratégie un peu nouvelle, qui impliquerait l’université et l’éducation nationale ? Celles-ci reviendraient sur des programmes scientifiques nationaux, internationaux, basés sur nos territoires, se nourrissant de nos réalités territoriales et qui auraient vocation à être partagés par l’ensemble de la France – voire par l’ensemble du monde. En effet, c’est sur nos territoires que se trouve l’essentiel de la biodiversité et de nos richesses naturelles. L’université de la Réunion est certes dynamique, mais – je parle sous votre contrôle – il me semble que le travail effectué dans ce domaine, et en tout cas le partage des connaissances, y sont très insuffisants.

En matière d’adaptation, nous avons également des progrès à faire. Par exemple, dans le domaine de l’habitat, dont parlait Maina Sage, nos savoir-faire locaux, qui datent de très longtemps, se heurtent au cadre législatif national. Il conviendrait de procéder à des adaptations législatives et réglementaires.

Cette nouvelle approche stratégique correspond à une véritable prise de conscience. Merci de la faire partager. Si nous pouvions la faire partager au niveau de la COP 21, ce serait magnifique.

Je terminerai par les parcs nationaux, terrestres et de protection marine. Maina Sage a déploré avec raison l’insuffisance du dialogue sur nos territoires. Or il se trouve que nous assistons à de violentes remises en cause de nos parcs nationaux, ce qui pourrait avoir de très graves conséquences pour la protection de notre biodiversité. D’après que vous avez vu, que serait-il possible de faire ? Je pense que, dans nos territoires, nous n’avons peut-être pas encore suffisamment avancé sur le sujet.

M. Daniel Gibbes. Je me joins à mes collègues pour féliciter ceux qui ont été à l’origine de ce magnifique rapport. Je m’inscris d’autant plus dans ce sens, mon cher président, que nous avons été à l’origine d’un autre rapport sur le Pacte de responsabilité, à l’occasion duquel nous avons mis en avant la nécessité d’instituer, sur nos territoires, des politiques spécifiques. Ce rapport fait prendre conscience, une nouvelle fois, des spécificités de nos territoires. Malgré nos ressemblances avec l’hexagone, notre destin est lié à notre environnement. Chacun de nos territoires est situé dans des océans différents, ce qui a des conséquences bien particulières. J’approuve donc les propos d’Ericka Bareigts : il est bon de faire valoir nos spécificités, pour qu’elles soient prises en compte dans les politiques menées dans l’hexagone.

Encore une fois, je félicite nos trois rapporteurs. Nous sommes venus nombreux, parce que nous reconnaissons votre travail qui est non seulement intéressant, mais très utile pour l’avenir de nos territoires.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, je voudrais évidemment m’associer à tous mes collègues pour remercier Maina Sage et les deux autres rapporteurs, car leur travail était complet, clair et même pédagogique. Mais je voudrais aussi rappeler la particularité de la Guyane.

Quand l’Occident parle de réduction des gaz à effet de serre et de la nécessité de produire à bas carbone, il faut savoir ce que cela signifie pour les pays en développement. Il faudrait que la France regarde à l’intérieur d’elle-même, en tout cas regarde précisément les outre-mer, et encore plus précisément la Guyane.

La Guyane est un territoire qui a besoin d’être accompagné dans son développement. Par sa forêt, par sa biodiversité, elle donne à la France son stock carbone - 5 milliards de tonnes à elle toute seule. Or, pour ma part, je constate le manque d’implication de la France dans la définition, pour la Guyane, d’un modèle innovant de développement durable.

Sa particularité est qu’elle s’étend sur un littoral très occupé, mais qu’elle abrite, à l’intérieur des terres, des populations autochtones qui ont envie d’un modèle différent, que l’on doit accompagner. Et je lance un petit clin d’œil à Marie-Anne Chapdelaine, qui est venue en Guyane à l’occasion d’une mission portant sur les peuples autochtones, et plus particulièrement sur un sujet dramatique pour nous : le suicide des jeunes Amérindiens.

Au même titre que des pays en voie de développement, j’aurais tendance à lancer un cri de douleur à l’intérieur de l’espace France, dans cette COP 21, pour rappeler que la France peut certes jouer les donneurs de leçons, mais qu’elle doit chercher en elle-même ce qu’elle peut faire pour accompagner ces territoires vers un développement harmonieux, en fonction de leurs réalités géographiques.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Merci pour ce rappel, qui est utile. Il est clair que si nous ne crions pas nous-mêmes, personne ne pourra crier à notre place. Il faut même ne pas laisser les autres tenter de crier à notre place. Ce que vous venez de dire est très important, comme les remarques d’Ericka Bareigts, que j’ai relevées.

Le problème ici posé est celui de l’indivisibilité de la République et de sa diversité, et de la façon dont l’une et l’autre seront prises en compte. Je crois que le problème qui est posé aujourd’hui trouvera sa réponse demain. Reste que le rôle de la Délégation est tout de même de peser sur la réponse qui sera donnée demain par d’autres que nous.

M. Philippe Gomes. Monsieur le président, à mon tour de vous féliciter de l’initiative que vous avez prise, dans la perspective de la COP 21. Il est bon que notre voix, singulière au sein de la République, puisse porter au-delà de notre hémicycle. Et je félicite bien sûr les trois rapporteurs pour la qualité de leur rapport et de leurs exposés.

Je souhaiterais insister sur un point particulier. On a dit et redit que les outre-mer abritaient 80 % de la biodiversité de la France, et représentait 97 % de sa zone maritime. Mais ils abritent aussi 100 % de ces récifs. La France est la quatrième puissance mondiale en matière de récifs – 10 % des récifs du monde sont français – et c’est la seule puissance à avoir des récifs dans les trois océans.

Si l’on ajoute à cela qu’un tiers des espèces marines connues à l’échelle de la planète sont aujourd’hui logées dans les récifs, et que 54 % des récifs de la planète ont déjà été détruits ou sont gravement menacés, on comprend que la France a une responsabilité particulière à l’égard de l’outre-mer bien sûr, mais aussi à l’égard de la planète toute entière. C’est pour cela que je rejoins tout à fait Serge Letchimy dans ce qu’il a dit précédemment.

J’ai lu avec intérêt la déclaration qu’a faite Mme la ministre lors de son audition. On peut partager certains constats qu’elle a exprimés. Mais il semble que le portage politique des propositions destinées à nous faire entendre soit extrêmement léger. Nous avons une place dans le pavillon France, mais nous ne sommes pas éligibles au Fonds vert parce que les collectivités intra étatiques ne le sont pas. Ce n’est pas possible !

Le sujet n’est pas là. Le sujet, aujourd’hui, est que la France a une responsabilité particulière à l’égard de la planète, du fait de ses outre-mer, pour les raisons que j’ai déjà indiquées. Cela justifie un portage politique particulier de la part du Gouvernement avant et pendant la COP 21, notamment pour que nous soyons éligibles au Fonds vert ou à un autre fonds. Selon moi, le Fonds vert serait la bonne solution, car je ne vois pas la France créer un fonds spécial dans la foulée de la COP 21 – pas plus que l’Europe.

Je souligne que les outre-mer n’ont pas attendu la COP 21 pour agir et pour mettre en garde sur les menaces qui pèsent sur certaines espèces, et sur l’impact qu’aura le changement climatique dans les territoires. Le rapport met d’ailleurs en lumière le travail effectué sur le terrain, la mobilisation de nos environnements régionaux, qu’illustrent les différentes déclarations qui lui ont été annexées – pour le Pacifique, celle de Lifou et celle des dirigeants polynésiens, mais aussi celles de la Réunion et d’ailleurs – et le travail de nos organismes de recherche. Tout ce travail, toute cette mobilisation doivent trouver leur traduction politique au niveau de la COP 21. Or mon sentiment, aujourd’hui, est que ce n’est pas le cas, et qu’il n’y a pas de réponse politique adaptée, ni aux enjeux de la COP 21, ni aux responsabilités de la France.

Monsieur le président, je souhaite que l’on saisisse l’opportunité que représente ce rapport de grande qualité pour mettre en lumière ces enjeux et pour médiatiser notre voix dans le concert des Nations, où la France a vocation à faire entendre notre petite musique.

M. Stéphane Claireaux. Je souhaite remercier les rapporteurs pour leur écoute et pour la qualité de leur travail. Ils ont eu d’autant plus de mérite qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps pour le faire, alors même que les outre-mer sont dispersés sur tous le globe et que leur situation est très diverse. Faire la synthèse des problématiques climatiques du Pacifique à l’Atlantique Nord, en passant par l’Océan indien ou la Caraïbe, relève d’une véritable performance.

Ils ont insisté tous les trois sur le fait que la coopération régionale était essentielle dans la lutte contre les impacts du changement climatique. De ce point de vue, je tiens à signaler que la récente élection de Justin Trudeau, le nouveau Premier ministre canadien, est porteuse d’espoir. En effet, c’est une personnalité très ouverte au respect de l’environnement, et qui a déjà déclaré vouloir s’impliquer davantage au niveau de la COP 21.

Cela étant dit, je souscris bien évidemment à la proposition de résolution de la Délégation, que je cosignerai.

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur. Je voudrais répondre à une partie des interrogations, qui portait sur la réglementation. Comme Mme Bareigts l’a remarqué, nous sommes dans différents moules. En le travail que nous avons conduit nous a permis de constater la diversité des compétences de nos collectivités d’outre-mer sur ces questions-là.

En matière de développement durable, d’environnement, etc. les compétences des départements d’outre-mer ne sont pas forcément les mêmes que dans les autres collectivités d’outre-mer et de Nouvelle-Calédonie. Dans ces collectivités, ces compétences sont même souvent transférées aux territoires, que ce soit à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy ou ailleurs. Il est, de ce fait, plus difficile de répondre pour ces collectivités. Mais la problématique reste la même.

S’agissant des départements d’outre-mer, la plupart du temps, on observe que les régions ont agi en mobilisant les habilitations, que ce soit en matière de transports, d’énergie, ou en d’autres matières et – par voie de conséquence – en lançant des expérimentations propres à leurs territoires. Peut-on imaginer de généraliser ces expérimentations ? Faut-il mobiliser davantage ces structures ? Faut-il plutôt trouver une méthode pour lancer des expérimentations dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer ?

Quoi qu’il en soit, nos institutions actuelles offrent des possibilités d’action. Mais au regard de la problématique qui est aujourd’hui la nôtre, celle du changement climatique, on ne peut opérer que de façon extrêmement lente, et pas suffisamment appropriée à la mutualisation rapide de certaines expériences. C’est donc une vraie question, qu’il va falloir se poser en matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire, de développement économique, d’environnement, etc.

Mme Maina Sage, rapporteure. Nous pourrions peut-être consacrer un autre rapport à des solutions concrètes d’adaptation des réglementations, pour rendre ces dernières les plus efficaces possible dans nos territoires. En effet, on n’est pas du tout sur les mêmes échelles, ce ne sont pas les mêmes réalités ni les mêmes priorités, et l’on ressent bien qu’il est nécessaire d’adapter ces réglementations au plus près de chaque territoire.

D’un autre côté, le fait d’avoir des statuts juridiques tellement différents est source de difficultés. Il faudrait que l’on arrive à trouver des points communs, puis à mettre au point des mécanismes souples et adaptables. Cela m’amène à de vous reparler de la proposition que j’avais faite sur la loi outre-mer : l’institution d’un rendez-vous annuel fixe, qui permettrait d’appréhender les sujets plus en amont, et de faire un travail de fond sur les priorités qui nécessitent des travaux législatifs.

M. Houillon et M. Gosselin nous ont quittés, mais je suis ravie qu’ils aient pu participer et prendre conscience, en tant que députés de l’hexagone, de ces réalités. Car en effet, c’est un message commun et « transpartisan » que nous souhaitons envoyer.

Cela rejoint la position d’Ericka Bareigts et de Philippe Gomes sur la nécessité, pour la France, de prendre conscience de ces réalités. Sinon – en raison du principe selon lequel elle est « une et indivisible » – elle risque de passer à côté d’une opportunité. Car l’outre-mer n’est pas une spécificité, c’est une opportunité pour la France. Elle pourra mettre en avant, dans le cadre de la COP, ses atouts géostratégiques, des atouts majeurs pour l’observation et la lutte contre le changement climatique.

C’est tout l’objet du message constructif que l’on souhaite faire passer. Il ne s’agit pas tant de hisser le drapeau pour dire qu’il y a urgence, que de montrer que nous sommes vraiment impliqués et que nous souhaitons être des acteurs, aux avant-postes de la stratégie nationale de la lutte contre le changement climatique.

J’en viens à la gestion des parcs nationaux des espaces marins. Dans le rapport, j’évoque l’initiative d’une petite commune de moins de 1 000 habitants, au fin fond des îles Marquises, dont les habitants ont créé une aire marine éducative. Ceux-ci ont réussi, à partir d’un projet inédit, imaginé par les enfants, à impliquer toute la population de l’île dans la gestion de cette aire. Un conseil de gestion a été constitué, dans lequel les enfants siègent et participent aux décisions. Nous avons souhaité mettre en avant cette initiative, qui est complètement détachée du gouvernement polynésien. Le projet a été labellisé et présenté lors du dernier colloque sur les aires maritimes protégées. C’est un exemple de gestion intégrée d’espace classé, qui nous montre la voie.

Je crois que nous sommes un peu en avance en matière de gestion des espaces naturels, de par nos traditions : en effet, il existait chez nous des espaces communautaires de gestion traditionnelle, où l’on décidait ensemble, et le souvenir en subsistait. Mais cela ne concernait que les espaces marins. Voilà pourquoi je ne me permettrai pas de m’exprimer sur la gestion des parcs terrestres. Cela dit, on devrait pouvoir y transposer cette méthode participative de gestion concertée, où tout le monde – élus locaux, associations et population – se trouve impliqué.

Il ne s’agit pas seulement de se mettre au courant, mais de décider des espaces et de la destination de ces espaces, de dire qu’à l'intérieur de tel espace classé, là on pêche, mais là on ne pêche pas – et sur un espace terrestre : là on chasse, mais là on ne chasse pas ; là, on plante, là on met des bois précieux, etc. Sans oublier un espace réservé aux écoles, pour créer une dynamique au sein de la population et renforcer les liens.

Voilà ce que je pouvais partager sur le sujet. Je vous propose de vous reporter au passage du rapport qui traite des instruments collectifs de protection de la biodiversité, dans le chapitre II consacré aux stratégies d’adaptation.

Madame Berthelot, tout ce que vous avez dit à propos de la Guyane rejoint notre analyse.

Dans l’ensemble, je pense que nous nous rejoignons tous sur le message que nous attendons de la France, dans le cadre de la COP.

J’en profite pour remercier à nouveau tous ceux qui y ont contribué à ce rapport et nous ont permis de le réaliser en quatre mois. J’espère que tout le monde s’y retrouvera. Et comme il nous reste encore quelques jours, je vous invite, mes chers collègues, si vous le souhaitez, à nous apporter quelques éléments complémentaires. J’en profite également, monsieur le président, pour vous remercier de votre initiative, et remercier le secrétariat de la délégation et tous nos collaborateurs pour leur disponibilité.

J’espère avoir répondu à vos interrogations. Mais je suis consciente que vous n’y trouverez pas tout ce que vous auriez pu souhaiter y trouver. En effet, nous avons dû aller à l’essentiel : les sujets prioritaires et communs à l’ensemble de nos territoires.

Je terminerai sur des considérations financières. Il est évident que nous devrions être éligibles au Fonds vert, mais ce n’est pas le cas. Le principe est en effet que ce sont les pays pollueurs qui aident, par solidarité, ceux qui sont les plus touchés, et qui sont les plus vulnérables. Mais nous sommes Français, et il est difficile d’être à la fois contributeurs et bénéficiaires. Voilà pourquoi nous souhaitons que les États puissent trouver les moyens soit d’accorder une partie du Fonds vert aux plus vulnérables de leurs territoires, soit de créer pour ceux-ci un mécanisme spécifique.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Encore une fois bravo à nos trois rapporteurs, et merci à Maina Sage pour son travail de coordination.

La Délégation examine enfin la proposition de résolution tendant à promouvoir la prise en compte des outre-mer dans les négociations de la COP 21.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, vous avez été destinataires d’une proposition de résolution sur la place des outre-mer dans la COP 21. Êtes-vous d’accord pour adopter cette proposition de résolution, et la joindre au rapport ?

M. Philippe Gomes. Monsieur le président, j’ai constaté que l’article unique de la résolution ne reprenait pas l’ensemble des conclusions du rapport, en particulier à propos du Fonds vert. Je propose donc que l’on rajoute, à la fin de cet article, un alinéa indiquant que nous souhaitons que le Fonds vert soit accessible aux pays insulaires et aux outre-mer français ou qu’à défaut, de nouveaux outils de financement soient créés, au niveau national ou européen, à destination des outre-mer.

Par ailleurs, je considère que s’il est important de réaffirmer l’importance des outre-mer au sein de la Nation, il conviendrait aussi d’insister, dans un autre alinéa, sur la responsabilité particulière qu’a la France à l’égard de la planète, du fait même de l’existence des territoires ultramarins en son sein.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Monsieur Gomes, c’est malheureusement impossible. Nous avons fait circuler le texte de la résolution. Des collègues ont déjà exprimé leur volonté de la signer. Il est difficile maintenant d’en modifier le texte, et ce d’autant plus que si nous ne nous dépêchons pas de déposer cette résolution, nous risquons fort d’être en dehors des délais règlementaires. Je vous remercie toutefois pour vos remarques qui, sur le fond, sont justifiées.

M. Philippe Gomes. Il est curieux que l’on ne retrouve pas dans la résolution ce qu’il y a dans le rapport !

M. le président Jean-Claude Fruteau. Une résolution est beaucoup plus succincte qu’un rapport.

M. Philippe Gomes. Le financement est tout de même essentiel ! Le reste n’est que rhétorique.

Mme Maina Sage, rapporteure. Il y a tout de même un point qui traite du financement.

M. Philippe Gomes. Pas dans la résolution !

M. le président Jean-Claude Fruteau. Monsieur Gomes, votez-vous cette résolution, malgré cette absence ?

M. Philippe Gomes. Oui, car je n’imagine pas de ne pas le faire. Je regrette seulement que l’essentiel n’y soit pas.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je prends acte de vos observations, mais je ne peux rien faire de plus pour l’instant.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

La proposition de résolution est adoptée à l’unanimité.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Comme précédemment annoncé, je vous propose l’insertion de la proposition de résolution dans le rapport.

Il n’y a pas d’opposition ? Il en est ainsi décidé.

Je mets aux voix le rapport ainsi complété.

Le projet de rapport est adopté à l’unanimité.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Merci pour votre nombreuse participation.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA DÉLÉGATION

tendant à promouvoir la prise en compte des outre-mer

dans les négociations de la COP 21

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

– Réaffirme l'importance des outre-mer au sein de la nation, de par leur apport à la richesse française en termes de biodiversité et leur contribution géostratégique au territoire national.

- Souhaite que dans la définition de la stratégie de la France dans la conduite des négociations de la vingt-et-unième Conférence des Parties sur le climat (COP 21), toutes dispositions soient prises pour assurer la prise en compte de la situation spécifique des outre-mer et de leur exposition particulière aux conséquences du changement climatique, notamment dans la composition de la délégation française à la conférence.

- Souhaite que les outre-mer soient pleinement associés à la mise en œuvre ultérieure des décisions prises lors de la COP 21.

- Souhaite que des mesures adéquates soient prises pour faciliter la pérennité des efforts accomplis dans les outre-mer pour le développement des connaissances liées à l’étude du changement climatique et de ses conséquences et pour la mise en œuvre des actions d’atténuation et d’adaptation appelées par ce phénomène.

- Souhaite que soient résolument appuyées les initiatives de coopération régionale prises avec la participation des outre-mer dans les différentes régions océaniques où ceux-ci sont présents.110

ANNEXE

DÉCLARATIONS OFFICIELLES

1. Communiqué de La Réunion

La Réunion, le 25 juin 2014

Nous, représentants des gouvernements, autorités régionales, organisations régionales et internationales, réunis à La Réunion du 24 au 26 Juin pour la Conférence Internationale Climat Énergie « Les îles et le changement climatique : Opportunités, Résilience, Adaptation »,

Affirmons notre volonté de poursuivre la réflexion sur l’élaboration d’un document intégrant une vision partagée du changement climatique dans nos îles, qui sera présenté en tant que « Déclaration des Îles sur le changement climatique », à Paris en 2015, lors de la 21ème Conférence des Parties – COP 21 – Paris Climat 2015 ;

Prêts à consolider et à enrichir la Déclaration des Îles votée à La Réunion (annexe), lors des futures rencontres internationales préparatoires à Paris Climat 2015 :

- 3ème conférence de l’ONU sur les petits États insulaires en développement (PEID) à Apia (Samoa), 3-4 septembre 2014 ;

- Sommet des leaders à New-York, 22-23 septembre 2014, convié par le Secrétaire général de l’ONU ;

- Conférence internationale sur la biodiversité et le changement climatique en Guadeloupe, 21-25 octobre 2014 ;

- 20ème Conférence des Parties (COP 20) à Lima, 1-12 décembre 2014.

*

* *

2. Déclaration des Iles sur le changement climatique

La Réunion, le 25 juin 2014

Nous, chefs d'État, représentants des gouvernements, autorités régionales réunis à La Réunion du 24 au 26 Juin pour la Conférence Internationale Climat Énergie « Les îles et le changement climatique : Opportunités, Résilience, Adaptation »,

Conscients de notre grande vulnérabilité face au changement climatique en tant que territoires insulaires, les premiers impactés par les effets conjugués de la globalisation des échanges socio-économiques et de l’accroissement de crises environnementales ;

Inquiets que le changement climatique puisse compromettre la préservation de notre patrimoine naturel unique au monde, abritant des écosystèmes naturels et une biodiversité exceptionnelle, indispensable à la résilience de nos îles au regard des risques de catastrophe et de nos moyens de subsistance ;

Inquiets des faibles capacités et ressources dont nous disposons, pour faire face aux variabilités climatiques, aux phénomènes extrêmes, au déplacement des populations et à une éventuelle reconstruction du territoire ;

Préoccupés par les conclusions du 5ème rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui confirme une augmentation de la température et du niveau marin à l'horizon 2100 dues essentiellement aux activités anthropiques ;

Déterminés à prendre notre destin en main et à assurer l’avenir de nos populations et de nos économies, en particulier par la sécurité alimentaire et sanitaire, par l’accès à la ressource en eau, et par la réduction de la pauvreté ;

Engagés à créer un dialogue avec la société civile et les populations, dans un processus bottom-up, impliquant une dynamique positive dans chaque pays, et une adhésion des citoyens aux modes de vie du futur et aux solutions concrètes à mettre en œuvre dans une démarche de développement durable ;

Engagés au niveau de l'Océan Indien à mettre en place des politiques de résilience et d’adaptation de nos territoires dans un cadre collaboratif et efficace au travers par exemple de la Commission de l'Océan Indien, qui a permis de bâtir une stratégie d'adaptation spécifique dans cette zone géographique, et au niveau mondial au travers de la Déclaration de l'Organisation Mondiale du Tourisme  « Tourisme durable des îles » faite à La Réunion en octobre 2013 ;

Engagés à promouvoir des outils de gestion des risques naturels pour un aménagement durable de nos territoires, au travers du pôle d’excellence SEAS OI à vocation régionale, dans le domaine de l’imagerie satellitaire ;

Engagés à mettre en place et renforcer des politiques publiques permettant une transition écologique et énergétique vers un développement durable, en contribuant à promouvoir l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, par la mise en place d’une plate-forme à rayonnement régional ou « Hub énergie », favorisant le transfert des compétences et de technologies, à vocation pédagogique, promouvant le développement de projets communs, susceptibles de bénéficier d’investissements privés ;

Engagés à renforcer les partenariats et la coopération à l’échelle régionale et internationale, y compris entre les PEID et les autres îles, dont les RUP et les PTOM;

Engagés à promouvoir la coopération territoriale à tous les niveaux de gouvernement (local infranational - national) et géographiquement (Nord-Sud, Sud-Sud) à échanger les meilleures pratiques et favoriser une plus grande coopération dans l'adaptation au changement climatique et d'atténuation. Le partage de connaissances et d'expertise sur ces questions permet une plus grande harmonisation au-delà des frontières et favorise l'utilisation par tous de solutions réussies. Comme clés pour le changement, les gouvernements infranationaux jouent un rôle essentiel dans la création, la mise en œuvre et l'efficacité des actions climatiques.

Soulignant l'importance des négociations internationales menées sur le changement climatique et l’impérieuse nécessité d’un accord ambitieux, qui limite l’augmentation moyenne de la température en dessous de 2°C, à Paris en 2015, lors de la 21ème Conférence des PartiesCOP21 - Paris Climat 2015 ;

Prêts à contribuer aux efforts internationaux de lutte contre le changement climatique et en particulier, en apportant nos contributions à la préparation de l’accord attendu à la COP21, pour que Paris Climat 2015 soit un succès ;

Prêts à s’associer à l'initiative SIDS Lighthouse en liaison avec l'IRENA qui sera représentée au Sommet des Leaders sur le climat convié par le Secrétaire général des Nations Unies en septembre prochain à New-York ;

Reconnaissant que les mesures d'atténuation et d'adaptation, prises au niveau local, sont indispensables pour le développement durable des îles, à travers le développement de nouveaux modes de production et de consommation, l’émergence d’une économie verte, le développement des transports, la préservation de la biodiversité et des écosystèmes qui, grâce à leurs services rendus permettent d'aider les communautés dans leurs efforts d'adaptation et de soutenir leurs moyens de subsistance, avec une attention particulière en faveur de la conservation et de la gestion durable des écosystèmes terrestres et marins ;

Reconnaissant que les territoires insulaires doivent développer le concept d’économie verte et bleue, basé sur une gestion raisonnée des ressources naturelles et une gestion durable des écosystèmes en lien avec notre identité culturelle et économique ;

Reconnaissant qu’une mobilisation de tous les acteurs, États, collectivités locales, secteur privé, communauté… est indispensable à tous les échelons ;

Reconnaissant l’importance de la coopération et solidarité internationale et régionale sur ces enjeux de changement climatiques et d’énergies,

Demandons que les Iles et les États insulaires deviennent une priorité de l’agenda climat international post-2015, et bénéficient d’efforts de grandes envergures de la part de la communauté internationale pour accompagner l’engagement de nos territoires et de leurs citoyens dans une transition écologique et énergétique. En tant que territoires vulnérables, nous souhaitons un accès facilité à l’ensemble des instruments, appuis et soutiens, financiers comme institutionnels, permettant de mettre en œuvre les politiques de développement durable et d’améliorer la résilience de nos territoires face aux effets du changement climatique ;

Demandons en particulier aux nations, aux organisations supranationales et aux organismes intergouvernementaux de créer des partenariats et des initiatives multilatérales à travers les mécanismes existants ou nouveaux, en vue de renforcer et de soutenir une action climatique locale, résiliente, efficace et à faibles émissions de carbone, ainsi que créer un espace spécifique pour les parties prenantes gouvernementales des petits états insulaires en développement dans la gouvernance des différentes structures responsables de la mise en œuvre des instruments issus des négociations multilatérales ;

Saluons à ce titre le WIOCC, le challenge régional pour le changement climatique dans l’Océan indien, et le partenariat mondial pour les îles (GLISPA), la Commission de l’Océan Indien et l’Union Européenne pour leur soutien à une telle initiative ;

Incitons les nations, les banques de développement, les institutions financières publiques, les fonds privés et les mécanismes de financement alternatifs à renforcer leur soutien à l'action climatique locale, à améliorer l'accès des territoires insulaires à ces types de financements, à soutenir les solutions locales innovantes en matière de financement climatique, à allouer les fonds à des projets durables sur le long terme, à faibles émissions de carbone, et résilientes au changement climatique ;

Saluons à ce titre, l’acceptation par le Club de Paris du projet Debt for adaptation swap proposé par les Seychelles permettant de protéger une importante part de leur ZEE, une préservation des zones côtières et une meilleure gestion des ressources marines en échange d'une réduction de leur dette.

En appelons aux nations de développer des moyens de financement pour permettre un soutien direct à l'action climatique et au développement durable, dans le cadre de mécanismes de financement globaux, tels que le Fonds vert pour le Climat, le Fonds d'adaptation, le Fonds pour l'environnement mondial, la Banque Mondiale et les autres instruments de coopération internationaux ;

Confirmons résolument à la communauté internationale que nous nous positionnons en tant que « Sentinelles du changement climatique », en contribuant au développement d’outils et d’indicateurs pour mesurer les vulnérabilités, en particulier par l’élaboration d’un index de la vulnérabilité qui permettra de prioriser les actions à mener par la communauté internationale, afin d’assurer que cette question cruciale pour l’humanité et nos pays, de la lutte contre le changement climatique reste une priorité de l’agenda international et celui des Nations Unies ;

*

* *

3. Déclaration de Lifou

Paris 2015 : Sauvez l’Océanie!

30 avril 2015

1. Nous, dirigeants, Ministres et représentants des 15 États et territoires membres de l’initiative Oceania 21, réunis à Lifou, en Nouvelle-Calédonie, en présence de l’Australie, la France, la Nouvelle-Zélande, l’Union Européenne, ainsi que des représentants du PROE, du Forum des Îles du Pacifique, du Secrétariat du GFL, de la CPS et de l’Université du Pacifique, et dans la continuité des précédents sommets Oceania 21 qui rassemblent les autorités coutumières, la recherche (à savoir l’Institut de Recherche pour le Développement) et la jeunesse, avons décidé de nous engager fermement et résolument à contribuer à l’adoption, à Paris, au mois de décembre 2015,d’un Accord sur les changements climatiques qui soit ambitieux et juridiquement contraignant.

2. Nous sommes tous victimes des effets des changements climatiques, une réalité que nous ne pouvons plus contester et qui est confirmée par les différents rapports scientifiques du GIEC. Alors que les émissions de gaz à effet de serre moitié de tous les océans et presque un tiers de la surface du globe, est le témoin de l’augmentation des températures moyennes, de la dégradation de la santé de l’océan, de la montée du niveau de la mer, et également de phénomènes climatiques extrêmes aux conséquences désastreuses, comme en témoignent les cyclones Pam et Maysak qui ont récemment frappé les États Fédérés de Micronésie, Kiribati, les Îles Salomon, Tuvalu et Vanuatu.

3. Nous saluons les efforts de la communauté internationale visant à lutter contre les changements climatiques, mais nous reconnaissons aussi qu’ils sont encore insuffisants pour les pays vulnérables en développement, en particulier pour les petits États insulaires en développement. Nous constatons l’insuffisance des financements pour la mise en œuvre des politiques d’atténuation et d’adaptation, l’insuffisance du renforcement des capacités et du transfert des avancées technologiques, la faiblesse des mesures existantes en matière de pertes et dommages, ainsi que le manque d’inclusion de la société civile dans les négociations portant sur le climat.

4. Nos pays figurent parmi les plus sévèrement affectés au monde. Pourtant, les émissions de GES des pays et territoires du Pacifique ne représentent que 0,03% des émissions mondiales (soit 8 millions de tonnes) alors que l’absorption de CO² par l’océan Pacifique est de 776 millions de tonnes.

5. Ce constat nous alerte et nous commande d’agir. 2015 est l’année de l’action. Nous souhaitons vivement que la 21ème Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, qui se tiendra à Paris cette année, soit l’occasion de l’annonce d’une révolution internationale dans la manière dont les nations du monde font face aux changements climatiques.

6. Dans la continuité de la Déclaration sur l’environnement et les changements climatiques adoptée par les dirigeants du GFL le 21 juin 2013 à Nouméa, et de la Déclaration de Majuro sur le climat du 5 septembre 2013, adoptée par les membres du Forum des Îles du Pacifique, nous demandons solennellement aux États parties à la CCNUCC qui négocient activement le projet d’Accord de Paris de bien vouloir entendre notre voix. Notre appel commun s’inscrit en outre pleinement dans le message «SAMOA Pathway», adopté lors de la conférence des Nations Unies sur les petits États insulaires en développement, qui s’est tenue à Apia en 2014.

7. Nous estimons qu’il est de la responsabilité de tous les États d’agir de toute urgence afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’adopter les mécanismes de séquestration de carbone appropriés, de rétablir la santé des océans, et de travailler ensemble à l’élaboration de mesures d’adaptation et d’atténuation.

Notre démarche

8. Nous souhaitons que nos doléances pèsent dans les travaux du Groupe de travail sur la Plateforme de Durban pour une action renforcée (GTPD). Nous voulons que nos inquiétudes, nos souffrances, nos espoirs et nos propositions concrètes soient entendus par les négociateurs, afin que la COP21 trouve des solutions efficaces aux défis posés par les changements climatiques dans notre région.

Nos résolutions

9. L’Accord de Paris devra réunir tous les États parties à la CCNUCC. Les pays qui sont les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de la planète devront être Parties aux engagements pris à Paris

10. Nous, pays et territoires du Pacifique, ne sommes pas responsables de ces changements climatiques mais nous en sommes les premières victimes. Cette réalité est un appel d’urgence envers tous les partenaires de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Nous voulons avoir voix au chapitre lors des négociations car nos gouvernements et nos populations nous montrent la voie vers un climat stabilisé.

11. Nous exhortons les États parties à la CCNUCC à s’engager avec sincérité sur des objectifs de réduction des gaz à effet de serre qui soient quantitatifs, ambitieux, juridiquement contraignants et définis sur le long terme. Ces objectifs devront être clairs et compatibles avec l’objectif de la Convention de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, ou même 1,5°C, au-dessus des niveaux de l’ère préindustrielle, conformément à la position de l’AOSIS. Les Parties devront définir précisément quels sont leurs engagements et seront tenues de répondre de leurs actions de manière transparente. Les pays et territoires océaniens sont prêts à montrer l’exemple en la matière. Lors de la Conférence des Parties qui s’est tenue à Lima en décembre dernier (COP20), il a été convenu que les pays qui seraient en mesure de le faire pourraient présenter leurs contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN) avant la tenue de la COP21 en décembre prochain à Paris. Nous entreprenons de remplir cette obligation avec le soutien du PROE et d’autres partenaires.

12. Bien au-delà de l’enjeu pourtant essentiel de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous recommandons que l’Accord de Paris aborde directement la question de la réduction de la dépendance aux énergies fossiles. Nous sommes déjà bien engagés sur la voie de la transition énergétique et souhaitons améliorer sa mise en œuvre grâce à une coopération efficace et au fort soutien de nos partenaires internationaux.

13. Nous demandons que le modèle du développement économique mondial soit refondé autour de l’économie verte et de l’économie bleue, autour d’un développement sobre en carbone, et qu’il soit plus global et encourage la solidarité entre les pays.

14. Nous nous engageons à éduquer et former les jeunes générations en leur proposant une éducation à la fois formelle et non formelle qui intègre, avec l’aide des autorités coutumières, les pratiques et les savoirs traditionnels, notamment ceux relatifs aux changements climatiques, dans les programmes scolaires nationaux.. Nous soutenons la mise en œuvre de projets basés sur la nature et les écosystèmes comme outil d’adaptation aux changements climatiques.

15. Nous nous engageons à impliquer pleinement les jeunes, acteurs essentiels, dans la planification et la mise en œuvre durable de mesures d’adaptation aux changements climatiques. Nous les invitons à proposer des solutions originales qui seront considérées par toutes les Parties présentes lors de chacune de nos futures réunions.

16. Nous nous engageons à développer d’ici avril 2017 une plateforme océanienne commune qui aura pour objectif de rassembler, garantir, renforcer et transmettre les pratiques et les savoirs traditionnels, à commencer par ceux relatifs à la lutte contre les effets des changements climatiques.

17. Nous réaffirmons l’urgence de renforcer et de développer des systèmes d’observation dans le Pacifique afin d’améliorer la gestion des risques de catastrophe ainsi que de surveiller et mieux comprendre les changements climatiques et environnementaux et leurs conséquences. Ces systèmes faciliteront la collecte de données scientifiques utiles qui permettront aux décideurs des pays océaniens d’améliorer la gestion durable des ressources et l’adaptation aux changements climatiques.

18. Nous affirmons qu’il est essentiel que l’Accord de Paris facilite l’accès des pays et territoires du Pacifique aux financements des actions pour lutter contre les changements climatiques, mais prévoie également des ressources financières supplémentaires, prévisibles, durables et transparentes qui permettront de répondre aux changements climatiques dans nos pays et territoires.

19. Nous sommes attachés à la mise en place dans le Pacifique du mécanisme international de Varsovie pour les pertes et les dommages qui sera défini de façon concertée par toutes les Parties.

20. Nous souhaitons que cette révolution économique et environnementale profite distinctement à nos populations qui devront y prendre part, pleinement et directement.

21. Nous nous engageons à diffuser et à mettre en œuvre cette Déclaration de Lifou.

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* *

4. Appel de Fort-de-France

9 mai 2015

La planète Terre est notre berceau commun. Une Patrie partagée. Elle constitue un écosystème indivisible où les frontières et les vanités nationales ne peuvent occulter une interdépendance profonde dans laquelle les excès des uns affectent la sécurité et l’avenir des autres. Dans cette Patrie commune, les richesses et les misères, l’abondance et le manque, ne sont que les extrémités d’une même dynamique circulaire des causes et des effets.

Cette interdépendance est rendue encore plus évidente par les défis extraordinaires que nous posent le changement climatique, ses conséquences en chaîne, ses désastres en cours et à venir, le renouvellement brutal qui s’imposera à tous. Nul ne pourra se sauver seul. Nul ne s’effondrera sans que l’ensemble de la biosphère, et de ses capacités de résilience, ne s’en trouve affecté.

1. La région Caraïbe, ne contribuant que de manière marginale aux émissions de gaz à effet de serre, fera pourtant partie des zones les plus durement touchées. Ses populations ressentent déjà les effets du dérèglement climatique, qui pourrait entraîner des phénomènes extrêmes plus fréquents, plus intenses, modifier le régime des précipitations, occasionner une acidification et un réchauffement des océans, le blanchissement des coraux, l’élévation du niveau de la mer, l’érosion des côtes, la salinisation des aquifères, l'apparition de nouvelles maladies transmissibles à très forte incidence, une réduction de la productivité agricole, un bouleversement des traditions de pêches…

2. Par-delà nos urgences, nos responsabilités inégales, nos situations différenciées, nous devons donc admettre :

- une unité de destin qui nous oblige à un esprit de responsabilité collective ;

- une exigence de solidarité partagée, effective et concrète.

Ce sont les deux piliers d’une haute conscience-monde sans laquelle nous ne saurions surmonter ces défis.

3. La communauté internationale dispose de moins d'un an pour définir un dispositif juridique contraignant applicable aux parties prenantes à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUC). Cet accord devra être adopté lors de la 21ème session de la Conférence des Parties (COP 21) qui se tiendra à Paris, France, en décembre 2015. Ce nouvel accord devra répondre aux recommandations contenues dans le 5ème rapport d’évaluation (AR5) du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Il devra aussi être parfaitement évolutif afin de prendre en compte les données scientifiques au fur et à mesure de leurs évolutions.

4. Dès lors, nous, Chefs d'État et de Gouvernement et responsables d'autorités régionales, réunis à la Martinique le 9 mai 2015, appelons les dirigeants mondiaux, les autorités régionales et municipales, le secteur privé et les peuples du monde :

- à nous rejoindre dans une formulation opérationnelle qui nous permettra de relever, de la manière la plus solide, la plus saine et la plus large possible, le défi multiforme du changement climatique ;

- à comprendre qu’une coopération et une collaboration internationales sont indispensables pour s'attaquer tant aux causes qu'aux conséquences du changement climatique afin de protéger notre région des Caraïbes dans l'intérêt des générations futures et de l’équilibre planétaire ;

- à entendre l'appel des pays les plus vulnérables, en sorte que cette mobilisation internationale bénéficie au plus grand nombre sous une forme parfaitement équitable ;

- à décider d’une aide financière, scientifique, technique, et de toutes formes d’accompagnement, visant à renforcer les capacités de la région des Caraïbes à prendre les mesures d'adaptation et de redéploiement prospectif qui seront nécessaires ;

- à reconnaître que certains problèmes sont spécifiques aux petits États et territoires insulaires et de faible altitude ; que ces situations différenciées appellent des solutions singulières adaptées à leur réalités nationale et culturelle ; qu’une expertise régionale, que le recours à des connaissances traditionnelles, seront nécessaires pour que ces mesures soutenues par la solidarité mondiale recueillent l'adhésion créative des populations locales ;

- à apporter le soutien financier et technique nécessaire à la préparation et à la soumission de leurs contributions qui seront déterminées au niveau national, (CPDN) d'ici octobre 2015. Les CPDN à venir seront ambitieuses. Elles prévoiront des mesures visant à atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Elles détermineront celles pourront être engagées avec les ressources nationales, et préciseront celles qui ne seront réalisables qu'avec une aide technique, scientifique et financière internationale.

5. Enfin, même si les Caraïbes n’assument qu'une part infime des émissions mondiales de gaz à effet de serre, nos Gouvernements veilleront à contribuer pleinement à l'action internationale en vue de limiter les futures émissions à un niveau qui garantira la survie des communautés les plus vulnérables, la sécurité alimentaire pour tous, le bien-être socio-économique de tous, et tout cela dans le respect définitif des équilibres de notre biosphère.

Nous sommes dans le monde et le monde est en nous.

Dès lors, nous sommes le monde.

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5. Déclaration de Taputapuâtea du Groupe des dirigeants polynésiens

16 juillet 2015

Nous sommes le peuple du plus grand océan du monde.

Pour nous, le « peuple de la pirogue », protéger notre océan et notre environnement, c’est être résilient aux conséquences dommageables du changement climatique et rester fidèles à notre identité polynésienne.

L’océan Pacifique est un régulateur primordial du climat pour toute la planète. Il mérite un porte-parole. Nous, le groupe des dirigeants polynésiens sommes la voix de l’océan Pacifique. Nous souhaitons porter notre vision stratégique afin de contrer les effets dommageables du changement climatique, en limitant le réchauffement global à 1,5 °C et en ayant accès aux outils et instruments d'adaptation aux impacts négatifs causés par le changement climatique.

Nous voulons que la voix des Polynésiens soit entendue à la COP2l à Paris, eu égard à l'intensification des phénomènes météorologiques extrêmes, à la perte d’intégrité territoriale, aux déplacements de populations, à l’érosion de notre patrimoine naturel et culturel et à la gestion de notre océan commun.

Nous, le Groupe des Dirigeants Polynésiens, déclarons que nos îles et populations sont en première ligne des dégâts causés par le changement climatique. Nous en sommes victimes et nous devons être entendus. Nous en appelons à la justice car il en va de notre pérennité.

Nous exhortons la communauté internationale à ne pas seulement constater mais à ressentir nos souffrances, à se tenir à nos côtés et à nous soutenir dans la mise en œuvre de solutions pratiques pour assurer notre survie.

Nous, le Groupe des Dirigeants Polynésiens, réaffirmons notre intime relation historique et culturelle avec notre océan et la nature. Aujourd’hui, en grande partie du fait de l'activité humaine et de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre, notre océan se réchauffe, devient plus acide et son niveau monte. Nous souffrons de l’affaiblissement progressif de la vitalité corallienne, de l'intoxication de notre vie marine, de l’érosion de nos côtes, de l'intensification des cyclones et de la fréquence des houles, de l'apparition nouvelle de maladies infectieuses et de la mise en péril de nos habitats.

Le changement climatique et ses effets dommageables empoisonnent notre mer, rendent nos terres infertiles et menacent le fondement de notre identité en tant que peuples polynésiens. Le doute est jeté sur l’avenir de nos enfants si les causes du changement climatique ne sont pas prises en considération et si nous sommes incapables de nous adapter à ses conséquences.

Nos îles sont dispersées sur l0 millions de km3 et le tiers des atolls du monde est situé dans nos eaux. Nous sommes extrêmement vulnérables. Aussi, nous faisons part de notre grande inquiétude face aux conséquences dévastatrices du changement climatique et de ses effets collatéraux sur l’érosion de la biodiversité, les atteintes portées à la justice sociale et les dommages économiques qui en découlent. Nous affichons ici notre crainte que le changement climatique risque de contribuer aux déplacements forcés de populations et à la perte de territoires renfermant un patrimoine naturel et culturel unique au monde.

Nous, le peuple de la pirogue, avons su traverser le temps et relever les nombreux défis pour nous adapter, construire notre résilience et continuer d’exister. Nous sommes fiers d’être polynésiens et de notre héritage maritime.

Ce jeudi 15 juillet 2015, nous, le Groupe des Dirigeants Polynésiens, sommes réunis, sur le site sacré du marae Taputapuâtea, en Polynésie française, pour décider ensemble de notre cap commun et marquer notre engagement pour le P.A.C.T. polynésien (Polynesia Against Climate Threats) par amour pour nos peuples, nos terres et notre océan, unis par ce sentiment et cette valeur que nous partageons tous : « Te Aroha ».

1. Bien que collectivement peu responsables des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale nous, Polynésiens, devons faire face à des menaces météorologiques et environnementales extrêmes qui sont exacerbées par le changement climatique et qui mettent de plus en plus en danger nos existences.

2. Nous déclarons que pour une justice inter et intra-générationnelle entre populations issues d’une histoire partagée, il est de notre responsabilité de préserver nos cultures, de gérer notre océan et de protéger nos terres. Reconnaissant que nous ne possédons pas la nature mais que nous n’en sommes que les "usufruitiers", nous nous engageons à soutenir un développement durable. Étant donné que notre développement repose sur le tourisme, la pêche, l'aquaculture et l'agriculture, nous soulignons l’importance de bénéficier d’un environnement sain et d’un climat stable. En conséquence, nous considérons les mesures "sans regret" d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses impacts comme de nouvelles opportunités de développement durable de nos sociétés.

3. Nous prions instamment la communauté internationale de reconnaître et prendre en compte nos vulnérabilités spécifiques ainsi que le cas particulier des Petits États Insulaires en Développement, conformément aux Orientations de Samoa, document final de la 3ème Conférence internationale des PElD adopté le 4 septembre 2014 à Apia.

Notre obligation d’adaptation à ces multiples vulnérabilités nous amène à considérer avec une attention toute particulière trois points cruciaux à l’ordre du jour de la COP21 :

- L’objectif de contenir le réchauffement global à 1,5°C à l'horizon 2100 : Nous réitérons notre appel à l'urgence et à l'engagement de la communauté internationale en faveur d’un cadre juridiquement contraignant pour atteindre cet objectif.

- Le Fonds Vert pour le Climat : Face à l'urgence climatique, nous demandons à la communauté internationale le courage politique et les outils financiers pour que s'exprime notre capacité d'adaptation. En conséquence, nous nous félicitons des efforts de la France visant à s’assurer que les crédits qu’elle allouera au Fonds Vert bénéficieront en priorité à l’Océanie, tel qu'indiqué lors du dialogue de haut niveau sur le changement climatique à Nouméa, Nouvelle-Calédonie, le 17 novembre 2014. Le PLG demande que l’Océanie reçoive une part équitable des ressources climat provenant de toutes les sources de financement disponibles pour renforcer ses capacités institutionnelles et les transferts de technologie en lien avec le changement climatique et ses effets dommageables.

- Reconnaître que les mécanismes des "pertes et dommages" sont un élément indispensable pour renforcer la résilience au changement climatique et que cela doit se traduire par un accord juridiquement contraignant.

4. Notre capacité et nos potentialités d’adaptation au changement climatique et de son atténuation doivent être reconnues et encouragées par toutes les parties prenantes à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) réunies lors de la 21ème session de la Conférence des Parties (COP21) qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Dès lors, nous, le Groupe des Dirigeants Polynésiens, appelons tous les États parties à :

Concernant l'intensification des phénomènes météorologiques extrêmes :

- Reconnaître les vulnérabilités réelles de nos territoires et admettre les causes anthropiques de l'intensification des événements météorologiques extrêmes.

- Poursuivre et renforcer les synergies entre les actions visant à aider tous les pays et territoires insulaires en matière d’adaptation au changement climatique et aux catastrophes naturelles, par la création de mécanismes d’assistance d’urgence et d’alerte précoce.

Concernant la perte d’intégrité territoriale :

- Comprendre que le changement climatique et ses conséquences dommageables constituent une menace à l’intégrité territoriale, à la sécurité et à la souveraineté, voire à l'existence de certaines de nos îles tant par la submersion de terres existantes que par la diminution de notre surface maritime.

- Reconnaître, dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), l'importance des Zones Économiques Exclusives pour les États et Territoires insulaires polynésiens dont la surface est calculée en fonction des terres émergées et fixer de manière permanente les lignes de base établies en accord avec la CNUDM sans tenir compte de la hausse du niveau de l’océan.

Concernant le déplacement des populations :

- Prendre la pleine mesure du risque de déplacement des populations, qui s’accentue du fait de la pauvreté et peut conduire à des déshérences morales, intellectuelles, physiques, psychologiques et culturelles.

- Considérer la mise en place d’un régime de protection international des populations déplacées à cause du changement climatique.

Concernant les atteintes à nos patrimoines naturels et culturels :

- Tenir pleinement compte des dispositions de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'UNESCO et de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique.

- Respecter le message de Hôküle’a du 22 juin 2014, concernant "les trésors de notre biodiversité unique et de nos écosystèmes marins : récifs, tortues, baleines, requins, poissons et oiseaux marins. Ce patrimoine naturel est l'emblème de notre culture et le garant de notre économie à travers le tourisme, la pêche durable et la perliculture".

- Comprendre qu’il est essentiel de minimiser les impacts du changement climatique sur nos patrimoines naturels et culturels, et accorder la plus haute considération aux pertes d’opportunités de développement liées à l'altération d'usages potentiels futurs de notre biodiversité.

- Établir un système international de soutien basé sur la compensation des impacts de la détérioration ou de la perte des ressources et des écosystèmes naturels.

- Favoriser le développement d’une économie circulaire et sobre en carbone plus respectueuse des modes de vie traditionnels, de notre environnement et de nos ressources.

Concernant la gestion de notre espace océanique commun :

- Admettre que nous sommes de Grands États et Territoires Océaniques.

- Respecter la demande des Grands États et Territoires Océaniques constituant le PLG, de baptiser« Te Moana o Hiva » l’espace continu de leurs zones économiques exclusives, d’une surface cumulée de 10 millions de km2, et reconnaître, « Te Moana o Hiva »  comme l’un des puits de carbone parmi les plus grands au monde à l'instar des plus grandes forêts.

- Reconnaître les droits et obligations des Grands États et Territoires Océaniques du PLG à faire respecter la protection des intérêts économiques, humains et écologiques de leurs zones économiques exclusives.

- Se rappeler que, le 3 octobre 2014, les ministres en charge de l'environnement du Pacifique ont fait une déclaration reconnaissant l’importance vitale de l’océan Pacifique pour la subsistance et pour le développement économique durable des peuples d’0céanie à travers ses services d’approvisionnement, de protection de la biodiversité marine et de régulation du climat.

- Affecter les financements suffisants pour la création et la mise en œuvre d’une stratégie de coopération régionale de conservation, de gestion et de surveillance des espaces et des écosystèmes marins afin d’en renforcer la résilience face au changement climatique.

- Reconnaître les intérêts écologiques, pédagogiques, humains et économiques des espaces protégés mais également leurs coûts importants de gestion pour toutes les communautés océaniennes.

Concernant notre dépendance aux hydrocarbures importés :

- Nous aider à sortir de notre dépendance énergétique en nous donnant les moyens techniques et financiers de la transition énergétique et prioriser les investissements en matière d'économie d'énergie, d’efficacité énergétique et de production d’énergies renouvelables, en remarquant les progrès déjà accomplis par certains membres du PLG.

- Encourager notre souhait de coopérer sur les initiatives respectueuses de l'environnement et du principe de précaution, valorisant les ressources en eaux profondes pour le développement des énergies.

5. Nous, le Groupe des Dirigeants Polynésiens, faisons entendre notre détermination et celle de nos communautés à unir nos efforts contre les causes humaines du changement climatique qui compromettent nos perspectives d'avenir et de développement durable. À ce titre, nous réitérons la déclaration du groupe des dirigeants polynésiens sur le changement climatique et les récifs coralliens de septembre 2012 à Rarotonga, Îles Cook, exhortant les Parties à la CCNUCC émettrices de gaz à effet de serre à mettre en place les mesures visant à leur atténuation dans les plus brefs délais.

Notre Océan, « Te Moana o Hiva » détient de nombreuses richesses. Nous affirmons avec force que notre collaboration avec les Pays les plus industrialisés ne peut qu'être fonction de leurs efforts pour atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre.

Nous, Groupe des Dirigeants Polynésiens, avec le concours de la communauté internationale, nous engageons à tout mettre en œuvre en faveur de la préservation du patrimoine naturel et culturel polynésien pour devenir une vitrine mondiale du développement durable.

Le Président en exercice du Groupe des Dirigeants Polynésiens, Monsieur Toke Talagi, et le Président de la Polynésie française, Monsieur Edouard Fritch, sont chargés de porter la Déclaration de Taputapuâtea au Sommet 2015 des dirigeants du Forum des Iles du Pacifique, à la 26ème Conférence du Programme Régional Océanien de l’Environnement, à la 9ème Conférence ministérielle de la Communauté du Pacifique, au 4ème Sommet France-Océanie et à la session de la Conférence des Parties à la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique.

Le climat change, l’heure est grave et le temps est à l'action.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

 M. Nicolas Bériot, secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du changement climatique (ONERC)

 M. Gilles Bœuf, directeur du Museum national d’histoire naturelle, conseiller scientifique pour l’environnement, la biodiversité et le climat auprès du cabinet de Mme la ministre de l’Écologie

 M. Antoine Bonduelle, fondateur de Réseau Action Climat France, membre du Conseil économique, social et environnemental

 M. Alain Brondeau, délégué de rivages Outre-Mer au Conservatoire national du Littoral et des espaces lacustres

 Mme Dupont-Kerlan, directrice générale de l’Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), et M. Alexis Delaunay, directeur du contrôle des usages et de l’action territoriale

 Mme Virginie Duvat, professeur à l’Université de La Rochelle

 M. Guy Fabre, directeur de l’Action régionale à l’ADEME

 Mme Françoise Gaill, directrice du département Environnement et développement durable du CNRS

 M. Nicolas Imbert, directeur exécutif de Green Cross France

 M. Jean Jouzel, directeur de recherches au Commissariat de l’énergie atomique, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

 M. Bernard Larrouturou, directeur général, et M. Jean-Marc Chastel, directeur délégué pour les risques, santé, énergie et climat du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA)

 M. Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, et Mme Aurélie Bocquet, chargée de mission

 M. Serge Planes, directeur du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE) et de l'Institut des récifs coralliens du Pacifique

 M. Fabrice Richy, directeur, M. François Parmantier, directeur adjoint du département Outre-mer et M. Pierre Forestier, responsable de la division Changement climatique, Agence française de développement

 M. Jean-François Soussana, directeur scientifique Environnement à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA)

Nous remercions vivement Mme Marie-Hélène Aubert, conseillère pour les négociations internationales sur le climat et l’environnement à la présidence de la République, et Mme Charlotte Lepri, conseillère pour les relations avec le Parlement au cabinet de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui ont bien voulu nous recevoir pour un échange autour des objectifs et des conditions de préparation du présent rapport.

LISTE DES PERSONNALITÉS REÇUES EN ENTRETIEN ET DES AUTEURS DE CONTRIBUTIONS

Pour le bassin de l’Océan Atlantique :

Institutionnels

 Mme Chantal Berthelot, députée de la Guyane

 Mme Karine Claireaux, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, maire de Saint-Pierre

 M. Stéphane Claireaux, député de Saint-Pierre-et-Miquelon

 M. Daniel Gibbes, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

 M. Eric Jalton, député de la Guadeloupe, maire des Abymes

 M. Victorin Lurel, député de la Guadeloupe, président de la Région Guadeloupe

 Mme Aline Hanson, présidente du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin,

 M. Bruno Magras, président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy

 M. Pierre-Marie Majorel, président du conseil économique, social et culturel de la collectivité de Saint-Barthélemy

 M. Athanase Jeanne-Rose, président de la communauté d’agglomération du Centre de la Martinique – CACEM

Par ordre alphabétique :

 Agence Urbanisme Aménagement Martinique

- M. François Colas, chef de la mission d'étude pour la création d'un parc naturel marin en Martinique

- Mme Nice Cotillon-Cambronne, présidente de l’association SOS Basse-Terre Environnement

- Mme Pauline Couvin, présidente de l’URAPEG-FNE Guadeloupe

- M. Pascal Foy, président de l’association Terr an nou 

 M. Florent Grabin, président de l’association PUMA (Pour une Martinique Autrement)

 M. Patrick Maréchal, président de l’Institut caribéen pour la nature et la culture

 M. Emmanuel Marie-Luce, président de l’association L’Arbre à Vie

 M. Claude Suzanon, président du conseil d’administration du Parc amazonien de Guyane

*

* *

Pour le bassin de l’Océan Indien

Institutionnels

 M. Seymour Morsy, préfet de Mayotte

 Mme Cécile Pozzo di Borgo, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises

 Mme Vanessa Miranville, maire de La Possession

 M. Abdou S. Dahalani, président du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte

 M. Hamada Sidi Sidi Moukou, vice-président, commission environnement et cadre de vie du Conseil de la culture, de l’environnement et de l’éducation de Mayotte

 Conseil économique, social et environnemental de La Réunion

 Conseil de la culture, de l’environnement et de l’éducation de La Réunion

Par ordre alphabétique

 Mme Bernadette Ardon, présidente de l'association SREPEN Réunion Nature Environnement

 M. Yacine Chouabia, directeur d'Électricité de Mayotte

 M. Daniel Courtin, directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Mayotte

 M. Daniel Fauvre, directeur de l’Environnement, de l’aménagement et du Logement de La Réunion et M. Michel Monclar, directeur adjoint

 M. David Goutx, directeur interrégional pour l'Océan Indien et M. Bertrand Laviec, délégué départemental pour Mayotte, Météo France

 Mme Valérie Guiot, chargée de mission, Conservatoire botanique national de Mascarin (Mayotte)

 M. Laurent Mercy, directeur de l’agence de Mayotte de l’Office national des Forêts

 M. Benoit Morel, directeur, association Les Naturalistes, Environnement et Patrimoine de Mayotte

 M. Tanguy Nicolas, chargé de mission biodiversité Océan Indien, Comité français de l’UICN

 Mme Cécile Perron, directrice déléguée du Parc marin de Mayotte

 M. Pascal Puvilland, directeur régional du Bureau de recherches géologiques et minières, Mayotte

 M. Sonia Ribes-Beaudemoulin, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du Muséum d'histoire naturelle de La Réunion

 M. Patrick Salles, Directeur et Mme Mélodie Falcon, chargée d'études et coopération régionale, Agence française de développement, Mayotte

 Mme Christel Thuret, représentante de l'ADEME à Mayotte

 M. Sylvain Viard, directeur général adjoint de la communauté d’agglomération du Territoire de la Côte Ouest (La Réunion)

*

* *

Pour le bassin de l’Océan Pacifique

Institutionnels

 M. Philippe Gomès, député de Nouvelle-Calédonie

 M. Napole Polutélé, député de Wallis et Futuna

 M. Edouard Fritch, président de la Polynésie française

 M. Marcel Tuihani, président de l’Assemblée de Polynésie française et Mme Nicole Bouteau, présidente de la commission en charge de l’Environnement ainsi que les membres présents en audition

 M. Angelo Frébault, président du Conseil Economique, Social et Culturel de la Polynésie française, et l’ensemble de ses membres, en particulier la commission en charge de l’environnement

 M. Cyril Tetuanui, maire de Tumaraa, président du Syndicat pour la promotion des communes, Raiatea

 Pour Le Haut-Commissariat de Polynésie française : M. Eric Zabouraeff, secrétaire général adjoint, M. David Mourot, directeur du pôle ingénierie, Eric Cruat, délégué régional à la recherche et à la technologie, ADEME, Polynésie française

 Pour le Gouvernement et les services de la Polynésie française : M. Bruno Peaucellier, directeur de cabinet adjoint du président de la Polynésie française, M. Jean-Yves Meyer, délégué à la recherche, M. Bran Quinquis, délégué interministériel COP 21, M. Thierry Trouillet, conseiller technique au ministère du budget, des finances et des énergies de Polynésie française - Mme Sylvie Yu Chip Lin, chef de service des énergies, M. Benoit Tchepidjian, chef de projet, M. Jerry Biret, chargé de communication COP 21

Par ordre alphabétique :

 M. Eric Conte, président de l’Université de Polynésie française et le conseil scientifique de l’UPF, en particulier son vice-président

 M. Georges De Noni, coordinateur régional pour le Pacifique, directeur du centre de Nouméa de l’Institut de recherche pour le Développement

 M. Edouard Haegy, directeur interrégional p.i., Mme Victoire Laurent, chef de la division Etudes-Climatologie, M. Daniel Nouveau, chef de la division de la communication, M. Frédéric Troc, responsable qualité, MM. Marc Tardy, Patrick Varney, Michaël Flohr, Météo-France, Polynésie française

 MM. Yann Jacquemin et Vincent Joguet, Agence française de développement

 M. Raimana Lallemant, professeur à l’Université de Polynésie française

 M. Laurent L'Huillier, directeur général de l'Institut agronomique néo-calédonien

 M. Christophe Plée, président de la CGPME de Polynésie française

 M. Marc Taquet, directeur de recherches, représentant de l’Institut de recherches pour le développement en Polynésie française et Mme Elodie Martinez

 Associations de Polynésie française : M. Winiki Sage, président, M. Maxime Chan, vice-président, et M. Tony Adams, trésorier de la Fédération des associations de protection de l'environnement de Polynésie française. Associations présentes en auditions : Colibris, Collectif Ailé, Sea Shepherd, SOP-Manu, SPG Biofetia, Taravao Nui Ma, Te Mana O Te Moana, Tiaimoana, Te Rau Ati Ati, Vaititarava. En auditions particulières : M. Jean Kape, coordinateur du projet Best III, M. Jérôme Petit, Fondation PEW, M. Pascal Ehrel et Mme Emilie Vigneau, Mme Cécile Gaspard, Mme Vie Stabile, Mme Elena Gorchakova

AUDITION DE MME GEORGE PAU-LANGEVIN,
MINISTRE DES OUTRE-MER

Audition, ouverte à la presse, de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur le changement climatique et les outre-mer.

Compte-rendu de l’audition du mardi 29 septembre 2015

M. le président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, au nom de la délégation aux outre-mer, la bienvenue à Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté de venir évoquer avec nous les perspectives de la négociation sur le climat, communément appelée COP21, sur laquelle trois des membres de notre délégation sont en train de préparer un rapport qu’ils nous présenteront à la fin du mois d’octobre. Ces trois rapporteurs représentent chacun un bassin océanique – l’océan Pacifique pour Maina Sage, l’océan Indien pour Ibrahim Aboubacar et l’océan Atlantique pour Serge Letchimy.

Je rappelle que les outre-mer sont intéressés au premier chef par les questions relatives au climat, car ils subissent de manière particulièrement forte les effets de son dérèglement, qu’il s’agisse de la hausse des températures, de l’intensité accrue des cyclones et des houles, ou de l’élévation du niveau des océans. Ils ne sont évidemment pas restés passifs devant la menace. Des rencontres ont eu lieu, des initiatives ont été prises, et le ministère des outre-mer me semble pouvoir jouer un rôle important dans la stimulation des recherches, dans le partage des expériences des différents territoires et dans la coordination de la réflexion sur les aspects financiers de la réponse à apporter aux conséquences du changement climatique.

Je vous donne maintenant la parole afin que vous nous exposiez l’état de vos réflexions et nous indiquiez quel rôle vous entendez faire jouer au ministère que vous dirigez sur cette question essentielle qu’est le changement climatique.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir invitée à m’exprimer sur la question du changement climatique et de son impact sur les territoires d’outre-mer, qui constitue un enjeu majeur. Dans moins de deux mois, la France présidera la vingt et unième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, communément appelée COP21, qui représente une échéance cruciale pour nous tous.

L’objectif est d’aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, afin de maintenir le réchauffement climatique mondial à moins de 2 °C. Cet accord a vocation à s’appliquer à partir de 2020 et la France, qui présidera la Conférence, va jouer un rôle de premier ordre sur le plan international, pour rapprocher les points de vue et pour faciliter la recherche d’un consensus, tout en permettant au débat de se dérouler dans de bonnes conditions.

Nous sommes tous concernés par les bouleversements liés au changement climatique qui s’annonce, et plus particulièrement par ceux qui vont toucher les outre-mer, qui concentrent sur leurs territoires un patrimoine naturel exceptionnel, tout en faisant face à des contraintes très fortes. Les effets du changement climatique mettent en péril leur environnement, mais aussi leurs populations. Nous devons nous interroger sur les leviers à mobiliser pour favoriser la transition écologique des outre-mer, faire face au défi du changement climatique, et permettre aux populations et aux territoires de bénéficier de la croissance verte issue d’une gestion durable et responsable des ressources naturelles.

L’adaptation aux risques naturels est le premier défi auquel les décideurs publics sont confrontés. Comment faire des outre-mer des territoires capables de s’adapter aux risques naturels et aux effets du changement climatique ? Les risques naturels sont nombreux : incendies de forêt, inondations, submersions marines, sécheresse, érosion des sols et du littoral. Le changement climatique aura des effets sur le niveau de la mer, sur les précipitations, sur la fréquence des cyclones. Les derniers travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ont confirmé la tendance à la hausse du niveau des mers, qui affecte directement les outre-mer et tout particulièrement les îles du Pacifique, qui s’élèvent très peu au-dessus du niveau de la mer. On assiste d’ores et déjà à une recrudescence des catastrophes naturelles ; c’est pourquoi il est nécessaire de développer et de renforcer les réseaux d’alerte précoce. Il faut améliorer les modèles de prévision en s’appuyant sur les centres de Météo France impliqués en outre-mer, mais aussi renforcer la coopération régionale dans ce domaine. C’est ainsi que la France a initié récemment un programme ciblant en priorité les zones où se situent les petits États insulaires du Pacifique, des Caraïbes et de l’océan Indien, et visant à intensifier la coopération régionale dans le domaine de la connaissance des risques météorologiques et de leurs impacts, de l’alerte précoce et de la transmission d’informations.

Pour agir à bon escient, encore faut-il disposer de données scientifiques permettant d’éclairer utilement les décideurs politiques. À cet égard, les outre-mer français peuvent constituer des postes avancés. Présents sur les trois océans, leur répartition géographique en fait des avant-postes privilégiés de la recherche et du suivi de ses effets à l’échelle planétaire. C’est particulièrement vrai pour les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), un monde unique, peu peuplé mais jouant un rôle extrêmement important en raison de la présence de nombreuses bases scientifiques où sont mis en œuvre des programmes relatifs aux gaz à effet de serre, ainsi qu’aux modifications météorologiques à venir. Ce sont des observatoires privilégiés des changements globaux qui perturbent les écosystèmes marins et terrestres.

Sur une autre échelle, nous avons aussi à évoquer l’Initiative française sur les récifs coralliens (IFRECOR), qui s’est lancée dans la construction d’un observatoire du changement climatique inséré dans les réseaux mondiaux. Il s’agit en fait d’une mise en réseau des observatoires locaux installés dans chacun des territoires ultramarins. Cette initiative est très importante, car le fait que les coraux se mettent à blanchir constitue un très mauvais signe de la santé des océans. Nous essayons actuellement d’élargir le champ des connaissances et d’améliorer les réseaux internationaux de suivi du changement climatique.

Notre seconde priorité est la biodiversité, car préserver l’environnement des outre-mer, c’est préserver le patrimoine et le cadre de vie des ultramarins, mais aussi valoriser une exceptionnelle richesse utile à tout le monde. En dépit d’une superficie réduite, les territoires ultramarins abritent 3 450 plantes et 380 vertébrés endémiques, c’est-à-dire plus que toute l’Europe continentale. Quant au milieu marin d’outre-mer, vaste de plus de 10 millions de kilomètres carrés, il abrite plus de 10 % des récifs coralliens et des lagons de la planète. Un décret pris récemment, visant à faire respecter nos droits sur nos espaces marins, devrait avoir pour conséquence d’accroître significativement notre domaine maritime.

Mme Chantal Berthelot. De 500 000 kilomètres carrés !

Mme la ministre. Si l’on considère que la Polynésie représente une zone économique exclusive (ZEE) équivalente à celle de l’Europe, on comprend que le patrimoine naturel des outre-mer fasse de la France l’un des plus riches pays au monde en matière de diversité biologique.

Les services rendus par les écosystèmes – récifs coralliens, mangroves, herbiers – sont considérables en termes de protection du littoral et pour lutter contre les effets de l’augmentation du niveau des océans. Toutefois, ce patrimoine naturel est d’une grande fragilité. Il est donc indispensable de mettre en œuvre une politique ambitieuse de protection. Les outre-mer sont des territoires où les aires protégées sont très développées : parcs nationaux ou régionaux, réserves naturelles, parcs marins. Si nous devons poursuivre nos efforts en vue du développement durable des territoires, nous devons également veiller à ce que les habitants puissent y vivre et y exercer des activités économiques : il ne s’agit pas de mettre les territoires sous cloche, et il faut donc trouver le moyen de faire cohabiter ces deux préoccupations qui peuvent parfois se révéler antinomiques.

La politique de préservation des ressources naturelles est particulièrement importante pour les espaces maritimes. Les océans sont en effet les poumons de la planète : ils produisent la majorité de l’oxygène que nous respirons et leur capacité de stockage du CO2 est largement supérieure à celle de l’ensemble des forêts terrestres. Les océans sont directement impactés par l’augmentation des émissions de CO2 et le réchauffement climatique. L’acidification des eaux menace les coraux et les mollusques à coquille, tandis que l’augmentation de la température de l’eau et du niveau des mers, ainsi que la surexploitation des ressources et la pollution, diminuent la capacité des écosystèmes marins à s’adapter aux changements climatiques présents et futurs. La préservation et la reconquête des milieux marins constituent donc une priorité.

La France, qui possède la deuxième zone économique exclusive au monde grâce à ses outre-mer, a une responsabilité particulière en la matière. Dès 1999, le ministère des outre-mer et le ministère de l’écologie ont créé l’IFRECOR, seul réseau d’action rassemblant l’ensemble des outre-mer français, et auquel nous avons assigné l’objectif de protéger 35 000 hectares de mangrove et 75 % des récifs coralliens français d’ici à 2020. On assiste à une prise de conscience de plus en plus marquée de la nécessité d’une meilleure prise en compte des océans lorsqu’on évoque le changement climatique. La création en juin dernier de la plateforme mondiale Océan et Climat, qui a pour objectif de développer les connaissances scientifiques sur les liens entre océan et climat, va permettre d’accélérer la prise de conscience.

Je veux rappeler que les outre-mer ont aussi un rôle à jouer en matière d’atténuation du changement climatique. Ces territoires sont très dépendants des énergies fossiles, car ils ne sont pas interconnectés au réseau des centrales nucléaires ; les réseaux de transports en commun y sont très limités. Il importe donc que nous nous efforcions d’encourager la transition vers une économie plus sobre en carbone – à l’heure actuelle, ce sont les voitures qui constituent les plus grosses émissions de gaz à effet de serre. Les territoires d’outre-mer sont dotés d’atouts considérables en matière d’énergies renouvelables – solaire, photovoltaïque, thermique, biomasse, géothermie, énergie marine renouvelable – et il s’y fait déjà beaucoup de choses innovantes en la matière. Lors d’une visite à la Réunion, j’ai beaucoup entendu parler du prix d’achat de la bagasse – le résidu de la canne à sucre issu du broyage de celle-ci, que l’on brûle dans les centrales thermiques pour produire de l’électricité – et je peux vous dire que l’arrêté qui va augmenter le prix d’achat est prêt à être signé.

La loi de transition énergétique, portée par Ségolène Royal et votée cet été, constitue une avancée majeure en matière de lutte contre le changement climatique. Elle fixe des objectifs ambitieux pour les départements d’outre-mer, puisqu’il s’agit d’atteindre l’autonomie énergétique à l’horizon 2030, avec un objectif intermédiaire de 50 % dès 2020. Par ailleurs, elle renforce les pouvoirs des régions en matière de politique énergétique grâce à la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui va définir pour chaque territoire, ainsi que pour Saint-Pierre-et-Miquelon, les orientations de la politique énergétique en matière de développement des énergies renouvelables, de maîtrise de la demande en énergie et d’efficacité énergétique.

Nous savons qu’il importe que la transition énergétique s’appuie sur les caractéristiques propres à chaque territoire sur la base d’un objectif commun, consistant à atteindre à terme l’autonomie énergétique. Aujourd’hui, les outils sont en place et il appartient aux territoires et aux acteurs de s’en saisir pour agir, notamment en matière d’économie circulaire, d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables. Des collectivités comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ont la responsabilité de fixer leurs propres objectifs. L’État peut les accompagner dans cette démarche, et je tiens à saluer le travail des autorités polynésiennes, qui ont élaboré un plan Climat Énergie extrêmement intéressant, qui fixe un objectif de 50 % d’énergies renouvelables en Polynésie d’ici à 2020. La Polynésie possède tous les atouts pour atteindre cet objectif. Je me souviens avoir visité une petite île polynésienne sur laquelle se trouvait un très bel hôtel, malheureusement abandonné en raison du coût de l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Il nous a été dit que cet hôtel pourrait rouvrir si l’on trouvait le moyen d’utiliser des énergies renouvelables pour l’alimenter. Je pense que ce cas est loin d’être unique et que, si l’on veut développer un tourisme durable, il faut le faire en recourant aux énergies renouvelables.

Je sais que le gouvernement calédonien souhaite également s’engager dans une démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et nous ne pouvons que l’y encourager. En effet, la Nouvelle-Calédonie présente une situation particulière : si globalement, elle est assez peu émettrice de gaz à effet de serre, elle présente un niveau d’émission par personne extrêmement élevé.

Comme vous le voyez, nous sommes au cœur des problématiques qui vont mobiliser les États lors de la préparation de ce grand moment qu’est la COP21. Les territoires d’outre-mer sont en pointe sur ces sujets et doivent être présents lors de la Conférence. Ils se sont mobilisés pour fédérer leur voisinage : une conférence Caraïbe Climat s’est tenue à la Martinique en mai dernier, et un sommet des dirigeants dans le Pacifique en juillet dernier. Enfin, je me suis rendue récemment en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour le Forum des Îles du Pacifique. Nous allons réunir un sommet France-Océanie le 26 novembre prochain, à la veille de la COP21, pour répondre à la préoccupation des petits États du Pacifique, que toute montée des eaux menace directement.

Nous allons faire en sorte que les problématiques des outre-mer soient bien représentées dans le cadre de la COP21, et je sais qu’une zone leur sera réservée au sein du pavillon France. Pour relayer avec force leur message, nous organisons le 15 octobre prochain un séminaire sur les outre-mer face au changement climatique, afin d’élaborer un agenda des solutions pour les outre-mer. Je remercie ceux d’entre vous qui ont manifesté leur intention de s’y rendre, car nous avons besoin de mettre en lumière les initiatives et les projets ultramarins qui contribuent d’ores et déjà à l’adaptation au changement climatique.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je vous remercie, madame la ministre. Nos trois rapporteurs ont accompli un travail considérable consistant d’abord à effectuer des consultations écrites au niveau des institutions, puis à entreprendre des démarches sur les territoires concernés, en collaboration avec les députés s’intéressant à ces questions, enfin à procéder à l’audition de personnalités qualifiées – scientifiques, responsables d’institutions et d’établissements publics, représentants d’ONG. Je les remercie de s’être saisis de ces questions avec détermination et je leur donne maintenant la parole, en commençant par Maina Sage, qui est un peu le chef de file de l’équipe dont ils font partie.

Mme Maina Sage, rapporteure. Je m’associe à notre président pour vous remercier de votre présence, madame la ministre. L’objectif de notre rapport est de faire un état des lieux des connaissances sur les impacts du changement climatique, actuel et à venir, dans nos territoires ; de regrouper l’ensemble des actions et initiatives déjà menées en matière de stratégies d’atténuation et d’adaptation – si nous sommes en première ligne des victimes, nous souhaitons également être en première ligne des acteurs : il est important pour nous de valoriser ce que nos territoires font déjà pour se prémunir contre le changement climatique – ; enfin, de permettre à l’ensemble de nos collègues de porter haut la voix des outre-mer et de se regrouper autour de ce rapport afin de passer un message commun en vue de la COP21.

Nous avons mené une quinzaine d’auditions au niveau national début septembre. Chacun a ensuite mené des auditions locales, dans son bassin océanique – une vingtaine en ce qui me concerne pour la Polynésie. Nous avons invité nos collègues députés à participer à nos travaux, et je tiens à remercier ceux qui ont apporté leur contribution.

Nos territoires sont des atouts pour la France, de par la richesse de leur biodiversité, et de par leur position géostratégique – ils sont répartis sur l’ensemble de la planète, à toutes les latitudes, et constituent à ce titre des avant-postes privilégiés d’observation du changement climatique. Pour ce qui est de la biodiversité – que ce soit en matière d’écosystèmes coralliens, de mangroves ou d’espaces maritimes –, la France possède la deuxième surface maritime mondiale, avec près de 10 millions de kilomètres carrés se trouvant à 97 % en outre-mer – dont la moitié en Polynésie française : les outre-mer abritent donc 80 % de la biodiversité française. La richesse de cette biodiversité rend sa protection fondamentale pour nos territoires, d’autant plus que nos économies sont souvent fondées sur cette richesse, ce que l’on a tendance à oublier : elles seront donc particulièrement fragilisées par le changement climatique, car nombre de nos activités vont se trouver menacées, qu’il s’agisse de la pêche, de la perliculture ou de l’aquaculture. La situation insulaire de nos territoires – à l’exception de la Guyane – renforce encore leur fragilité. Nos territoires sont de taille réduite, souvent situés sur des atolls, des îles sans point haut, dont les habitants ont toutes les raisons de s’inquiéter de la montée des eaux.

Au regard de ce constat, et la COP21 étant imminente, il nous a semblé nécessaire de rappeler que les impacts du changement climatique seront extrêmement graves pour les territoires d’outre-mer. Les menaces ne sont pas les mêmes que pour l’Hexagone, ce qui nous a été confirmé par toutes les auditions que nous avons menées auprès de la communauté scientifique : les outre-mer vont se trouver en première ligne des impacts du changement climatique.

Si nous sommes peu contributeurs des gaz à effet de serre, nous nous engageons tout de même dans une stratégie d’atténuation, afin d’apporter notre contribution. Nous demandons cependant, au titre de notre insularité, de la fragilité de nos économies, de la richesse de notre biodiversité et des atouts que l’outre-mer représente pour la France, à ce que l’État français nous donne la parole dans le cadre des discussions de la COP21. Toutes les auditions que nous avons réalisées auprès des institutions, des élus locaux, communaux, régionaux, et au niveau national, ont mis en évidence une demande particulière des outre-mer de ne pas simplement être vus et entendus au cours de la COP21, mais de savoir très concrètement comment l’État prévoit d’intégrer ce paramètre dans les décisions qui seront prises pour lutter contre le changement climatique. S’agit-il d’un accompagnement technique et financier ? Nos petits territoires, qu’il s’agisse des départements d’outre-mer (DOM) – souvent autonomes en matière d’environnement et d’énergie – ou des collectivités d’outre-mer (COM), ne peuvent relever ce défi à eux seuls.

La première question que nous nous posons est celle de l’accessibilité au Fond vert. Cette année, plusieurs députés sont intervenus pour poser la question de l’éligibilité à des fonds exceptionnels, destinés à permettre à leurs territoires à la fois d’être avant-gardistes en matière de solutions et de mettre en œuvre des stratégies d’adaptation – car si les outils sont là, encore faut-il les financer, ce qui est très difficile à l’échelle de nos territoires.

La deuxième question a trait à la coopération régionale. Vous avez raison de dire que nous avons su mobiliser pour fédérer nos voisinages, au-delà de nos nationalités, car la question du changement climatique ne fait pas de différence entre les territoires français et les petits États insulaires indépendants qui les entourent. Il y a une logique à travailler au plan régional et à mettre des moyens en commun. Pour ce qui est du Pacifique, les petits États insulaires seront éligibles au Fond vert. Si nous avons le privilège d’accueillir de nombreux centres de recherche bien dotés et actifs, ce n’est pas le cas de tout le monde. Il existe une volonté de plus forte coopération régionale, que nos statuts ont malheureusement tendance à freiner. Les territoires d’outre-mer veulent être accompagnés par l’État en vue de consolider cette coopération régionale.

Enfin, vous avez évoqué la table ronde du 15 octobre prochain – une initiative dont nous vous remercions – et le sommet France Océanie du 26 novembre, au sein duquel le pavillon France sera présent. Aujourd’hui, à deux mois de la COP21, je veux souligner la volonté des outre-mer d’avoir rapidement des certitudes sur la façon dont ils seront représentés. Les outre-mer disposeront-ils d’un espace réservé au sein du pavillon France ? Il s’agit là de questions purement organisationnelles, mais vous comprendrez que nous ayons désormais besoin de précisions, compte tenu des distances qui nous séparent de Paris : nous ne sommes pas à deux heures de train, mais à 20 000 kilomètres – à 2 500 euros le billet pour la Polynésie –, ce qui nécessite de s’organiser un peu à l’avance.

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur. Pour ma part, j’évoquerai plus particulièrement la contribution de la zone de l’océan Indien au positionnement de la France sur les questions de biodiversité et de changement climatique. Je veux souligner la contribution de nos outre-mer au travail effectif mené au niveau mondial, qu’il s’agisse de la connaissance des phénomènes ou des outils de protection de la biodiversité. Il est important de mettre en avant les atouts des outre-mer, ainsi que les actions qui y sont déjà menées.

En ce qui concerne l’océan Indien, l’île de la Réunion est dotée d’un centre régional météorologique, où s’est tenue récemment une conférence régionale réunissant quinze pays de l’océan Indien, allant de l’Afrique jusqu’aux abords de l’Australie. Comptant parmi les six centres de référence mondiaux au sens de l’Organisation mondiale de la météorologie, il accomplit un remarquable travail de recherche sur les questions de l’air, de l’eau et de la mesure du réchauffement, et témoigne du fait que les outre-mer peuvent être acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les Terres australes et antarctiques françaises sont également à la pointe de ce qui se fait en matière d’observation et de recherche scientifique, que ce soit aux Kerguelen, en Terre-Adélie ou sur les îles Éparses, des îles inhabitées qui constituent autant de centres de référence.

En matière de biodiversité, le parc national de la Réunion, qui couvre 40 % du territoire de l’île, constitue un outil d’avant-garde de protection de la faune et de la flore, tout comme les aires marines protégées correspondant à l’intégralité des zones économiques exclusives de Mayotte et des îles Glorieuses – où un projet de stratégie biodiversité vient d’être mis en œuvre en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD). C’est une preuve supplémentaire de la contribution significative des outre-mer à la recherche scientifique, qui justifie qu’une place leur soit réservée au sein du pavillon France lors de la COP21.

La première question que je souhaite vous poser, madame la ministre, porte sur le partage des informations de toute nature entre les structures – d’État ou de nature associative – travaillant sur la question du changement climatique et les élus locaux. Faute de disposer d’éléments précis, les élus en sont pour le moment réduits à raisonner et agir sur la base d’approximations, qui ne leur permettent pas de jouer efficacement leur rôle de relais auprès de la population.

Ma deuxième question a trait à l’éducation à l’environnement et au développement durable. Un sondage récent effectué au niveau national a montré que 52 % des Français ignoraient ce qu’était la COP21. Plus généralement, un effort réellement systématique doit être accompli pour l’éducation aux problématiques qui nous intéressent, pas seulement dans le cadre de l’école, mais en recourant à l’ensemble des structures susceptibles de contribuer à l’éducation.

Ma troisième question, très préoccupante dans les territoires de l’océan Indien, est celle de la politique de transport et des gaz à effet de serre. Aujourd’hui, c’est le règne du « tout voiture » et, si des schémas régionaux de transport existent, notamment à la Réunion et à Mayotte, une grande inertie freine les évolutions pourtant nécessaires dans ce domaine : nous devons absolument nous interroger sur la manière de promouvoir les comportements d’atténuation si nous voulons parvenir aux objectifs que nous nous sommes fixés.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Je salue l’initiative de la délégation aux outre-mer de s’être saisie du sujet du changement climatique, ainsi que la décision de Mme la ministre d’organiser un débat sur cette question à la mi-octobre.

Comme l’a très justement dit Maina Sage, nous serons les premières victimes du changement climatique mais, plutôt que de pleurer sur notre sort, nous souhaitons être en première ligne pour trouver des solutions. Nos sociétés d’outre-mer ont fondé leur organisation sociale et économique sur la biodiversité, et les traditions et coutumes dans ce domaine sont nombreuses et puissantes. Enfin, les conséquences du changement climatique seront particulières en outre-mer.

Le passage de la tempête Erika sur la Dominique, en août 2015, a fait dire au Premier ministre Roosevelt Skerrit que l’île avait reculé de trente ans – ce qui est particulièrement frappant quand on sait que la Dominique avait déjà un retard de vingt-cinq ans en matière de développement. Le professeur Jean Jouzel, chercheur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), estime que nous allons subir une élévation de la température moyenne située entre 1 °C et 3,5 °C, ce qui fait craindre une augmentation plus importante en outre-mer, où la situation est beaucoup plus fragile et difficile à gérer. Selon lui, la montée des eaux va se situer entre quarante centimètres et un mètre : dans cette hypothèse, des îles risquent de disparaître. D’autres phénomènes sont à craindre, tels que la salinisation et l’acidification des sols, ainsi que l’augmentation de la violence et de la fréquence des cyclones.

Face à cette perspective, la première question que je me pose est de savoir comment différencier, dans le cadre de la COP21, la stratégie soutenue au niveau national par la France de celle de ses outre-mer. Si nous sommes tous d’accord pour nous associer à une stratégie mondiale, comment pouvons-nous dégager, à côté de la stratégie nationale, des stratégies régionales dédiées aux outre-mer, et de quelle manière pouvons-nous les faire valoir dans le cadre de la COP21, sans que l’on nous oppose que nous ne sommes que des régions françaises ? Si je dois avouer que la Martinique siégera pour sa part sous le pavillon de l’Organisation des États de la Caraïbe de l’Est (OECS), cela ne m’empêche pas de soulever cette question qui intéresse d’autres outre-mer. J’insiste sur l’aspect fondamental que revêt le thème de la différenciation, et sur le fait qu’il est essentiel pour vous de remporter cette bataille, madame la ministre. Le droit à l’égalité n’est pas l’ennemi du droit à la différence et parfois même, l’expression de la différence permet d’accomplir de grands progrès.

Par ailleurs, il est essentiel que nous ne nous contentions pas de survivre à l’événement dramatique que va représenter le réchauffement climatique, mais que nous en fassions le levier d’un nouveau modèle de développement économique. Cela m’amène à ma deuxième question : comment accompagner et financer la transition énergétique ? S’il faut se contenter des mécanismes existants, notamment ceux relevant de l’aide au développement, autant ne plus y penser, tant les besoins actuels sont déjà importants. Il faut des financements spécifiques.

Mme Maina Sage, rapporteure. Exceptionnels !

M. Serge Letchimy, rapporteur. Quelles seront les conditions d’accessibilité au Fonds vert ?

La troisième question que je souhaite aborder est celle de la coopération scientifique et de l’organisation par bassins maritimes transfrontaliers. Il y a quelques années, les élus d’outre-mer ont obtenu que l’expression « bassin maritime transfrontalier » soit inscrite dans la loi Grenelle, créant ainsi un nouveau concept qui permet aux outre-mer d’acquérir une nouvelle dimension en matière de coopération scientifique : ils ne sont plus réduits à n’exister, de ce point de vue, que comme des régions et départements de France. J’espère pouvoir compter sur le soutien de l’ensemble des outre-mer lorsque je défendrai ma proposition de loi sur la coopération, qui pourrait nous permettre un élargissement à ce qu’Aimé Césaire appelait la « géographie cordiale ». Si nous n’avons pas la possibilité de nous connecter facilement à la diplomatie territoriale et à l’économie de proximité, nous aurons beaucoup de mal à évoluer – c’est Laurent Fabius lui-même qui l’affirme.

Aimé Césaire me disait souvent : « Cherche dans la nature, tu vas trouver », et je me suis longtemps interrogé sur le sens de cette phrase. Appliquée au changement climatique, elle signifie qu’il faut savoir le considérer comme une opportunité de reprendre la main en matière de stratégie de développement endogène. Toutes les expertises réalisées à partir de l’Europe continentale sont inadaptées à nos réalités – certaines sont adaptables, mais pas toutes. S’inspirer des liens entre la résilience sociale, la résilience économique et la résilience en matière de biodiversité, pour produire de l’innovation technologique en mêlant le coutumier à la modernité, nécessite de mettre au point des stratégies de recherche et développement par bassin maritime transfrontalier.

Il y a trois ans, Sainte-Lucie a été ravagée par un cyclone. Les dégâts n’auraient sans doute pas été aussi importants si l’île avait été dotée de moyens de communication météorologique plus performants, à l’échelle du bassin maritime transfrontalier. Il en est de même pour les algues sargasses qui envahissent toutes les côtes des Antilles : si la Martinique est particulièrement touchée par ce problème, sa résolution ne se fera qu’à une très grande échelle, incluant même le Brésil.

En tant que parlementaire, je vous remercie de privilégier cette approche globale des choses, madame la ministre, et j’appuierai les efforts que vous accomplirez pour nous permettre de trouver notre place au sein de la COP21. Ce n’est pas gagné – pour le moment, je n’ai pas ressenti une volonté affirmée de l’État et des ministères d’aller en ce sens –, mais nous comptons sur vous.

Mme Chantal Berthelot. Je salue également l’initiative de la délégation aux outre-mer de s’être saisie de la question du changement climatique et je m’associe aux propos de nos trois rapporteurs, qui ont parfaitement saisi les enjeux de cette question pour nos outre-mer.

Bien que ses terres soient continentales, la perspective d’un réchauffement climatique de grande ampleur est tout aussi préoccupante pour la Guyane que pour les territoires d’outre-mer situés sur des îles : une augmentation des températures située entre 2,6 °C et 3,7 °C aurait des conséquences dramatiques pour notre environnement, pour la biodiversité mais aussi pour l’activité économique. L’agriculture et la pêche ne manqueraient pas de se trouver impactées, avec des saisons sèches plus longues et plus intenses, des pluies plus importantes et des phénomènes d’érosion – or, si la végétation guyanaise est luxuriante, elle n’en est pas moins fragile.

Les peuples autochtones d’Amazonie ont su, grâce à des traditions millénaires, préserver leurs terres jusqu’à présent, et souhaitent associer leur présence à celle des Amérindiens lors des grands rendez-vous à venir. L’enjeu climatique ne peut être perçu par nous comme il l’est par le monde occidental : pour nous, il s’agit avant tout de défendre la vie en préservant la planète terre-mère qui nous nourrit. C’est cette vision des choses qui a inspiré le président bolivien Evo Morales lorsqu’il a organisé la Conférence mondiale des peuples contre le changement climatique en 2010 : l’homme doit prendre conscience de sa fragilité et adopter un comportement plus humble vis-à-vis de sa planète. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si la participation de la Coordination des Organisations Indigènes du Bassin Amazonien (COICA) à la COP21 est bien prévue ?

M. le président Jean-Claude Fruteau. Madame la ministre, vous aurez compris à quel point les outre-mer veulent être acteurs, et même leaders, en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Appelés à subir de plein fouet les dérèglements à venir, ils entendent occuper une place particulière dans la réflexion qui va s’engager. De nombreuses questions vous ont été posées, auxquelles vous avez certainement à cœur de répondre.

Mme la ministre. Si elles contiennent des questions, les interventions des parlementaires que nous venons d’entendre constituent également des contributions à la réflexion qui s’est engagée sur le thème du réchauffement climatique.

Pour répondre à Maina Sage, je dirai que l’un des principaux objectifs que nous poursuivons est d’essayer de faire entendre la voix des petits États insulaires, dont font partie la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie. C’est pourquoi nous avons souhaité redonner vie au sommet France Océanie, plus ou moins abandonné après s’être réuni une première fois il y a quelques années. Il ne faut pas perdre de vue que, si la France accueille la COP21, elle n’est pas la seule à assumer son organisation, qui se fait au niveau international : les États auront pour objectif d’aboutir à une déclaration commune, mais il faut aussi s’attendre à un événement riche en initiatives émanant des États et de multiples associations. L’avantage de ce caractère foisonnant, c’est qu’il a toutes les chances de sensibiliser un grand nombre de personnes.

Les petits États réclament à juste titre d’être épaulés afin de pouvoir s’engager dans des stratégies nouvelles visant à économiser l’énergie. L’un des objectifs des débats organisés dans le cadre de la COP21 sera précisément de définir les financements de ces évolutions de stratégies. Pour fonctionner, le Fonds vert doit être alimenté conformément à ce qui avait été prévu initialement, à savoir 100 milliards de dollars par an. Or, on n’a trouvé qu’une dizaine de milliards pour le moment, et la France s’efforce de convaincre les autres pays développés de la nécessité de réunir l’intégralité du financement.

Il est prévu d’adosser l’Agence française de développement à la Caisse des dépôts, ce qui va permettre de disposer de sommes considérables pour financer les politiques dont la mise en œuvre aura été décidée dans le cadre de la COP21. Nous sommes très attentifs à cette opération, car l’AFD intervient beaucoup pour financer les projets de coopération, mais elle intervient aussi pour les collectivités d’outre-mer : à ce titre, le ministère des outre-mer est très présent dans la gouvernance de l’Agence, et nous ne souhaitons pas perdre la main sur cet outil important. Le renforcement de l’AFD dans le Pacifique sera une excellente chose dans la mesure où il permettra de financer des projets. Cela dit, les deux collectivités françaises du Pacifique ne sont pas susceptibles d’émarger aux fonds de l’AFD de la même façon que les petits États insulaires du Pacifique. Nous avons donc à trouver une cote mal taillée, et je crois que la coopération régionale nous permettra de faire coïncider les différentes politiques menées dans le Pacifique – c’est aussi ce qui rend le sommet France-Océanie si important.

J’ai discuté avec David Sheppard, le directeur général du Programme Régional Océanien pour l’Environnement (PROE), et je crois pouvoir dire que chacun se rend bien compte de l’importance de la participation de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie à l’évolution en cours. La conférence internationale qui s’est tenue à Port Moresby il y a quelques semaines a été l’occasion de lancer l’idée d’un sommet France-Océanie, qui a immédiatement suscité un grand intérêt parmi l’ensemble des pays de la zone concernée.

Nous avons demandé à ce que l’outre-mer dispose d’un espace particulier au sein du pavillon France lors de la COP21 et espérons disposer d’un stand acceptable, mais il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas les seuls et que nous ne sommes pas les maîtres d’œuvre de l’organisation de cet événement – de ce point de vue, Serge Letchimy a sans doute été prudent de se trouver une place au sein de l’espace Caraïbes. Comme lors de toutes les conférences internationales, l’aspect officiel de la COP21 est extrêmement formel, c’est pourquoi tous les efforts de sensibilisation que nous aurons accomplis précédemment seront d’une grande utilité.

Ibrahim Aboubacar a insisté, à juste titre, sur l’importance de la biodiversité, et évoqué le parc naturel et le centre météorologique se trouvant à la Réunion, tous deux très importants – ainsi, le centre météorologique participera à la prévention des tsunamis. Il a raison de souligner le rôle des TAAF : ces zones très peu peuplées sont extrêmement utiles pour les scientifiques car elles leur permettent d’effectuer des observations essentielles pour suivre l’évolution des climats. J’envisage de m’y rendre prochainement, ce qui nécessitera sans doute de voyager à bord d’un avion militaire, car les infrastructures de transport y sont très peu développées.

Le sujet du partage de l’information doit effectivement être porté par les élus locaux si l’on veut que les choses évoluent et que les populations se sentent impliquées. Certaines informations, certains chiffres, sont insuffisamment diffusés à l’heure actuelle, et nous devons trouver le moyen de faire en sorte que les structures nationales partagent davantage avec les élus locaux : sur ce point, il n’y a pas d’opposition de principe, il faut simplement opérer certains rapprochements. Je sais que, grâce au combat que vous avez mené en ce sens, les outre-mer seront désormais plus présents au sein de l’Agence française pour la biodiversité, ce qui est très positif pour les outre-mer, mais aussi pour la France en général.

Des actions sont déjà menées au sein des écoles pour l’éducation à l’environnement. Sans doute les ateliers éducatifs mis en œuvre dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires permettront-ils de développer chez les enfants la connaissance du milieu dans lequel ils vivent, avec l’aide des associations de défense de la nature.

Les élus ont évidemment la possibilité de prendre des décisions importantes visant à réaliser des économies d’énergie et à préserver la planète. Ainsi, un élu pourtant plus très jeune avait fait le choix du tram-train, il y a une dizaine d’années – un choix d’avant-garde pour l’outre-mer, où c’est généralement le « tout voiture » qui domine.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Si je ne me trompe, madame la ministre, vous faites allusion au sénateur Paul Vergès qui, il y a vingt ans, attirait déjà l’attention sur les conséquences des changements climatiques et évoquait la montée des océans – à l’époque, la plupart des gens lui riaient au nez.

Mme la ministre. Paul Vergès a souvent eu une vision très novatrice…

M. Serge Letchimy, rapporteur. Une pensée toujours moderne !

Mme la ministre. Et je trouve dommage que son projet de tram-train ait été abandonné.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Cela n’est pas définitif, madame la ministre, cela peut changer !

Mme la ministre. En tout état de cause, nous devons tous réfléchir à des moyens de transport alternatifs si nous voulons préserver la planète.

Serge Letchimy nous a suggéré d’essayer de dégager une stratégie ultramarine différenciée. Pour ma part, je suis convaincue qu’il existe des problèmes et des solutions particulières pour l’outre-mer. Nous devons faire un maximum de lobbying pour que nos préoccupations soient prises en compte dans la déclaration finale de la COP21, mais je pense que nous pouvons également faire beaucoup en nous appuyant sur la réglementation existante. Ainsi, la loi nous permet actuellement de mettre en œuvre des programmations pluriannuelles de l’énergie. Dans ce cadre, nous avons la possibilité de développer des stratégies propres à chaque territoire et répondant à la fois aux préoccupations locales et aux besoins de la planète.

Certaines préoccupations écologiques actuelles ont le mérite de remettre en cause des modèles économiques restés longtemps inchangés, aboutissant par exemple à ce que l’on fasse venir des produits fabriqués à l’autre bout de la planète pour des raisons de coût, ce qui déstructurait les économies locales. Aujourd’hui, la prise en compte du bilan carbone, par exemple, a pour conséquence que l’on privilégie de plus en plus les produits locaux, ce qui est bénéfique pour l’économie de nos territoires.

Pour ce qui est du financement, on a évoqué les 100 milliards du Fonds vert, mais je considère que nous devons également nous appuyer sur les fonds de financement mis en place dans le cadre de la transition énergétique. En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous avons la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et les fonds de l’AFD, mais aussi le Fonds européen de développement (FED) et les programmes européens de coopération régionale. Pour mener à bien des programmes ambitieux, nous avons besoin de financements, mais aussi et surtout d’une sensibilisation des populations et des élus concernés, afin de pouvoir mobiliser ces financements : ce sera l’un des principaux objectifs de la COP21.

Pour ce qui est des algues sargasses, je redis mon intérêt pour une initiative régionale permettant d’échanger entre les pays concernés par ce phénomène nouveau qui constitue, aux yeux des populations, une manifestation tangible de la réalité du réchauffement climatique.

Chantal Berthelot a évoqué la question de l’Amazonie et de ses habitants. Si ces personnes s’entendent continuellement dire que leur pays constitue le poumon de la planète, encore faut-il qu’elles puissent y vivre correctement. Nous avons désigné une mission de parlementaires qui se trouve actuellement en Guyane. Elle est allée à la rencontre des peuples autochtones, qui rencontrent actuellement d’importants problèmes liés au conflit entre la modernité et la tradition, ce qui se traduit notamment par une épidémie de suicides extrêmement préoccupante. Il est souhaitable que ces personnes puissent s’exprimer en tant que peuples autochtones dans le cadre de la conférence, et nous nous efforcerons de faire en sorte que ce soit le cas. Leur expérience nous est précieuse, car ils ont toujours eu un mode de vie écologique, basé sur une utilisation raisonnable des ressources de leur environnement. Le monde moderne, lui, n’a peut-être pas respecté les grands équilibres de la planète, c’est pourquoi il me semble que nous pourrions tirer enseignement de la sagesse de ces populations. J’espère que leur voix sera écoutée avec intérêt dans le cadre de la COP21.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Personne ne souhaite intervenir ?

Madame la ministre, nous vous remercions d’être venue vous exprimer devant notre délégation.

1 () « L’Assemblée générale… approuve la décision prise par l’Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l’environnement de créer conjointement un Groupe intergouvernemental de l’évolution du climat, qui fournira des évaluations scientifiques, coordonnées à l’échelle internationale, de l’ampleur, de la chronologie et des effets potentiels de l’évolution du climat sur l’environnement et sur les conditions socio-économiques et formulera des stratégies réalistes pour agir sur ces effets, et se déclare satisfaite des travaux déjà entrepris par le Groupe. »

2 () Extrait d’une interview publiée dans Le Monde, 27 août 2015, p. 6.

3 () La liste des auditions et contributions figure en annexe au présent rapport.

4 () Pour une vision d’ensemble de l’évolution du climat sur longue période, voir Serge Planton et al., « Évolution du climat depuis 1850 », La Météorologie, n° 88, février 2015, p.48-55.

5 () GIEC, Premier rapport d’évaluation. Aperçu général, p. 56.

6 () Sur la procédure, voir le témoignage de M. Jean Jouzel, climatologue français, membre du GIEC, « Une expertise collective sur le climat. Le fonctionnement du GIEC », Études, n°421, juin 2015, p.7-18.

7 () Climate change 2014. Synthesis Report, Summary for Policymakers, [Le changement climatique en 2014. Rapport de synthèse. Résumé à l’intention des décideurs] p. 4.

8 () France Nature Environnement a fait parvenir, pour sa part, une contribution écrite.

9 () Extraits d’une interview de Mme Annamaria Simmel à Sciences et Avenir, 20 septembre 2015. Mme Simmel a rassemblé les résultats de ses travaux dans une note intitulée Changement climatique : de la perception à l’action, accessible sur le site de la Fondation de l’écologie politique www.fondationecolo.org.

10 () Rapport précité, p. 9

11 () Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Le climat de la France au XXIe siècle, volume 4, Scénarios régionalisés, sous la direction de Jean Jouzel, Paris-La Défense, 2014, p. 43. Des graphiques d’évolution prévisionnelle relatifs aux Antilles, à La Réunion, à la Nouvelle Calédonie et à la Polynésie française sont publiés p. 44 du même document, qui ne contient en revanche aucune donnée sur St Pierre et Miquelon, Mayotte ou Wallis et Futuna.

12 () Par exemple, l’étude Évolution du climat et ses impacts en Guadeloupe, publiée en 2014 par l’Observatoire régional de l’énergie et du climat sur la base d’outils de modélisation mis en place récemment par Météo-France. On y relève, p. 19, l’habituelle précaution de méthode : « Les simulations ont des limites liées aux simplifications des processus physiques, ce malgré d’importants moyens de calcul. »

13 () Alexandre Magnan et al. « Intertwined ocean and climate : implications for international climate negotiations » [L’imbrication de l’océan et du climat : ses implications dans les négociations internationales sur le climat], IDDRI Policy Brief, n° 4, 15 septembre 2015, p. 2.

14 () Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Le climat de la France au XXIe siècle, volume 5, Changement climatique et niveau de la mer : de la planète aux côtes françaises, sous la direction de Jean Jouzel, Paris-La Défense, 2015, p. 14-15.

15 () Op.cit. p.19-20.

16 () Jérôme Petit et Guillaume Prudent, Changement climatique et biodiversité dans l’outre-mer européen, rapport établi par l’UICN pour le compte de l’ONERC et publié en 2008. Ce rapport contient une description synthétique et des analyses spécifiques pour tous les territoires ultramarins dépendant de pays membres de l’Union européenne – donc pour tous les outre-mer français.

17 () Cf. Nathalie Dörfiger et al., Influence de la montée du niveau de la mer sur le biseau salin des aquifères côtiers des DROM/COM, Paris, BRGM, 2011. En dépit de son titre, et faute de données scientifiques suffisantes pour les autres territoires, l’étude ne porte en réalité, pour l’essentiel, que sur la Guadeloupe, la Martinique, les Saintes et La Réunion.

18 () Une description détaillée en est donnée par le rapport précité de Jérôme Petit et Guillaume Prudent,

19 () Citation extraite de la « Note en vue de l’audition à l’Assemblée nationale sur le changement climatique et la biodiversité dans les outre-mer » remise aux rapporteurs par M. Sébastien Moncorps, directeur du Comité français de l’UICN.

20 () Note de juillet 2015.

21 () Eleonora Avagliano et Jérôme Petit, Etat des lieux sur les enjeux du changement climatique en Polynésie Française, s.l., Ministère de l’Environnement de la Polynésie française, 2009, p. 50. Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, l’association Te mana o te moana insiste sur la même relation.

22 () Contribution écrite de l’association d’ornithologie Sop-Manu.

23 () Contribution écrite du 15 septembre 2015 adressée par France Nature Environnement aux rapporteurs.

24 () Citation de la note Le Parc amazonien de Guyane et le changement climatique, élaborée dans la perspective de la COP 21, datée de juillet 2015 et jointe par M. Claude Suzanon, président du conseil d’administration du Parc, à sa lettre du 11 août 2015.

25 () Nous sommes ici redevables à M. Serge Planes, directeur du CRIOBE et du Laboratoire d’Excellence Corail, que nous remercions pour son concours et pour la documentation qu’il nous a remise.

26 () Les interactions incluses dans les scénarios futurs par les travaux scientifiques s’appuient également sur les observations géologiques correspondant à des périodes de forte concentration en gaz carbonique (Alexandre Magnan et al., op. cit, p.3).

27 () Denis Allemand, « Les coraux et le changement climatique » in Françoise Gaill (dir), Océan et Climat, fiches scientifiques¸ Paris, 2015, p. 68. Certaines prévisions sont encore plus pessimistes : « De nombreux scientifiques annoncent que le changement climatique pourrait détruire la majeure partie des coraux du monde d’ici 2050. » (Jérôme Petit et Guillaume Prudent, op.cit, 2008, p.31).

28 () Lettre, en date du 7 septembre 2015, de l’École de la Mer de Gosier (Guadeloupe).

29 () La fiche scientifique n°474 publiée en février 2015 par l’Institut de recherche pour le développement laisse prévoir, en se référant à une étude internationale conduite avec la participation de l’Institut, la prédominance absolue, dans l’avenir, des espèces de coraux possédant les meilleurs atouts pour s’adapter au réchauffement (tolérance thermique, taux de croissance, longévité).

30 () Eleonora Avagliano et Jérôme Petit, op.cit., 2009, p. 2.

31 () Extrait de la « note synthétique » Changement climatique et milieu marin à Mayotte, élaborée en septembre 2015, qui a été communiquée aux rapporteurs.

32 () Ricardo Beldade et al. « More coral, more fish ? Contrasting snapshots from a remote Pacific atoll » [Plus de corail, plus de poissons ? Instantanés contrastés d’un atoll éloigné du Pacifique], PeerJ, 2015.

33 () Par exemple, la mangrove est résiduelle à Wallis ; son développement, irrégulier, obéit en Guyane à des contraintes très particulières liées au régime de l’érosion des terres et à la formation intermittente de bancs de sable au large des côtes.

34 () Jérôme Petit et Guillaume Prudent, op. cit. p. 30.

35 () Catherine Gabrié et al., « Plan de gestion du lagon de Mayotte », Océanis, vol. 29, n°3-4, 2003, p.355-373.

36 () Jérôme Petit et Guillaume Prudent, rapport précité, p. 46.

37 () G. Ouzeau et al. Scénarios régionalisés : édition 2014 pour la métropole et les outre-mer (Le climat de la France, volume 4), Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’environnement, Paris-La Défense, août 2014, p.46.

38 () Réponse au questionnaire des rapporteurs jointe au courriel du 24 septembre 2015 de Mme Aline Hanson, présidente du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin.

39 () Pour un exemple de recherche actuelle sur le développement d’une maladie endémique vectorielle, l’ulcère de Buruli, en Guyane, voir l’article de Aaron Morris et al., « Complex temporal climate signals drive the emergence of human water-borne disease » [Des signaux climatiques chronologiques complexes font ressortir l’émergence d’une maladie humaine d’origine aquatique], Emerging Microbes and Infections, 2014, 3.

40 () Sur l’expansion récente de la dengue dans la Caraïbe, voir Philippe Quénel et al., « Épidémiologie de la dengue dans les départements français d’Amérique », Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire, n° 33-34, 2011, p.358-363.Un programme de recherches sur les « indicateurs climatiques et entomologiques » relatifs aux épidémies de dengue dans le Pacifique est en cours d’exécution dans le cadre de l’Observatoire de l’environnement du Pacifique Sud.

41 () Réponse de Mme Aline Hanson, précitée.

42 () Eleonora Avagliano et Jérôme Petit, op.cit., p. 57.

43 () Rapport de l’ONERC précité, p.92-93.

44 () Réponse de Mme Aline Hanson, précitée.

45 () Réponse au questionnaire des rapporteurs annexée à la lettre de M. Bruno Magras, président de la collectivité de Saint-Barthélemy, en date du 24 septembre 2015.

46 Nous remercions Mme Françoise Gaill d’avoir bien voulu nous apporter ces précisions.

47 () Réponse du BRGM-Mayotte au questionnaire des rapporteurs.

48 () À titre d’exemple, il ne cesse d’être exprimé, à propos de multiples données de base, dans le rapport du Centre d’études techniques maritimes et fluviales, Vulnérabilité du territoire national aux risques littoraux. Outre-Mer, publié en septembre 2012 et portant sur un sujet particulièrement sensible pour les populations.

49 () Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Le climat de la France au XXIe siècle, volume 5, op. cit., p. 21.

50 () Réponse au questionnaire. Parmi ces données, M. Meyer cite successivement « PH de la mer, oxygène, pluie en montagne, taux de CO² ». Dans le même sens, cette observation de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Mayotte en réponse au questionnaire des rapporteurs : « Les conséquences actuelles du changement climatique sont déjà visibles, mais elles manquent d’études et d’observations scientifiques ».

51 () Dunxin Hu et al., « Pacific western boundary currents and their role in climate » [Les courants de bord Ouest du Pacifique et leur rôle dans le climat], Nature, 2015, n° 522, p. 299-308.

52 () Lettre du 15 septembre 2015 du Dr Patrick Maréchal, président de l’Institut Caribéen pour la Nature et la Culture.

53 () Les éléments d’information contenus dans ce paragraphe nous ont été fournis par Mme Cécile Pozzo di Borgo, préfet, administrateur supérieur des TAAF, que nous remercions pour sa contribution.

54 () Des programmes de conservation (lutte contre l’érosion de la biodiversité, maintien et suivi des écosystèmes de référence comme les récifs coralliens, les mangroves, ...) et des projets de gestion durables des activités (économie d’énergie sur les bases, gestion durable des pêcheries, ...), sont également en cours d’exécution.

55 () Réponse au questionnaire des rapporteurs précitée.

56 () Notes d’audition de la Fédération des Association de Protection de l’Environnement de la Polynésie française

57 () Déclaration de M. Jean-François Silvain, directeur de recherches à l’Institut de recherches pour le développement, lors d’une table ronde tenue au Sénat (Rapport d’information n° 698 (2014-2015) de MM. Jérôme Bignon et Jacques Cornano sur les actes des tables rondes « Biodiversités des outre-mer et changement climatique » organisées le 11 juin 2015, déposé le 18 septembre 2015, p. 33).

58 () Note sur l’« état des lieux » adressée en réponse au questionnaire des rapporteurs.

59 () Avis du CESC de Polynésie française en date du 28 août 2015.

60 () Compte rendu de l’entretien avec le Collectif Ailé, 13 octobre 2015. Sur le fond, cette observation pertinente ne semble pas valoir uniquement pour la société polynésienne.

61 () Comité français de l’UICN, Profil d’écosystèmes de Wallis et Futuna, p. 50,

62 () Cf. Elisabeth Worliczek, La vision de l’espace littoral sur l’île Wallis et l’atoll Rangiroa dans le contexte du changement climatique, thèse sous la direction de Michel Allenbach et Hermann Mückler, Université de la Nouvelle Calédonie et Universität Wien, mai 2013.

63 () Réponse au questionnaire des rapporteurs.

64 () Extrait du rapport Les propositions du département, garant de l’adaptation au changement climatique, adopté le 7 mai 2015 par la commission permanente du conseil général de la Martinique, annexé à la lettre, en date du 22 septembre 2015, de Mme Josette Manin, présidente du conseil général.

65 () Fiche de présentation du projet INTEGRE publiée par le secrétariat général de la Communauté du Pacifique.

66 () Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA), Inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en outre-mer – Format outre-mer, Paris, 2014, p. 23.

67 () Données extraites des statistiques du CITEPA. La référence à l’année 2012 a été retenue par souci d’homogénéité, les données 2013 étant disponibles, à la date de rédaction du présent rapport, pour la seule France métropolitaine.

68 () Rapports d’information n° 2197 de M. Serge Letchimy, fait au nom de la délégation aux outre-mer, sur le projet de loi relatif à la transition énergétique de la croissance verte, déposé le 11 septembre 2014, et n° 2225 de Mme Ericka Bareigts et M. Daniel Fasquelle, fait au nom de la commission des affaires économiques, sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer, déposé le 17 septembre 2014.

69 () Service des énergies de Polynésie française, Situation énergétique de la Polynésie française 2014, rapport, mars 2015, p.8

70 () Données communiquées lors de son audition par M. Guy Fabre, directeur de l’action régionale Sud et outre-mer de l’ADEME.

71 () Isabelle Czernichowski-Lauriol et al., « Géosciences et atténuation des rejets de gaz à effet de serre », Géosciences, numéro spécial, juillet 2015, p. 28-40, citation p.31.

1)  (Note du préfet de Mayotte du 29 juillet 2015 relative à la mobilisation des outre-mer sur le changement climatique en vue de la COP 21, communiquée aux rapporteurs et confirmée par les travaux préparatoires en cours de la programmation pluriannuelle de l’énergie propre à la collectivité de Mayotte.

73 () Lettre du 5 septembre 2015 de Mme Nice Cotillon-Cambronne, présidente de l’association SOS Basse-Terre Environnement.

74 () Note de l’URAPEG, en date du 12 septembre 2015.

75 () Lettre de son président, le Dr Patrick Maréchal, précitée.

76 () Extrait d’un document du service des Énergies intitulé Élaboration des principes directeurs du développement de l’hydroélectricité en Polynésie française. Complément méthodologique à la consultation.

77 () Sur le cadre de ce projet, voir COLETTE RANÉLY VERGÉ-DÉPRÉ, « LES ENJEUX TERRITORIAUX DU TCSP DE LA MARTINIQUE », REVUE GÉOGRAPHIQUE DE L’EST, 2012, N° 1-2, P. 2-16.

78 () Réponse du président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy, précitée.

79 () Réponse de M. Laurent L’Huillier, directeur général de l’Institut agronomique néo-calédonien au questionnaire des rapporteurs, en date du 25 septembre 2015.

80 () Nous remercions M. Emmanuel Marie-Luce, président de l’association L’Arbre à Vie, de nous avoir fait part de son initiative pour la réhabilitation des sources en Martinique (lettre du 10 août 2012).

81 () Cette préoccupation, par nature commune à tous les outre-mer, se décline à Saint-Pierre-et-Miquelon dans des conditions naturelles spécifiques sur lesquelles Mme Karine Claireaux, sénateur, maire de Saint-Pierre, a bien voulu nous communiquer une information complète.

82 () Au cours de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la biodiversité, l’Assemblée nationale a adopté, le 19 mars 2015, un amendement du Gouvernement prévoyant l’élaboration d’un programme d’actions territorialisé de protection de 55 000 ha de mangroves et d’un plan d’action pour la protection de 75 % des récifs coralliens français, établi sur la base d’une évaluation quinquennale de leur état.

83 () Informations données par M. Alain Brondeau, délégué aux outre-mer du Conservatoire national du littoral et des espaces lacustres, lors de son audition à l’Assemblée nationale, le 2 septembre 2015.

84 () Lettre du 7 octobre 2015 en réponse au questionnaire des rapporteurs.

85 () Réponse de M. Victorin Lurel, président de la Région Guadeloupe, au questionnaire des rapporteurs, le 14 octobre 2015.

86 () Les considérations qui précèdent ne peuvent s’appliquer à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour des raisons évidentes de différences climatiques.

87 () Définition donnée par les auteurs du projet Pukatai, qui vise à créer une aire marine éducative dans chacune des six îles habitées des Marquises.

88 () Extrait d’une « note synthétique », datée de septembre 2015, Changement climatique et milieu marin à Mayotte.

89 () « Ce site figure comme celui ayant dans l’intérieur de la Guyane la plus longue période annuelle de nébulosité dans sa partie sommitale, et de fait présente une forêt d’altitude "submontagnarde" à nuages favorable pour témoigner de variations climatiques » (note précitée)

90 () L’évènement a fait l’objet d’une étude sociologique particulière (Damien Vallot, « La "disparition de Tuvalu" : analyse des discours autour d’une mise sur l’agenda », communication au 2ème colloque international du Collège international des sciences du territoire, 27-28 mars 2014. L’étude montre comment la situation de Tuvalu a servi d’ancrage à la succession des débats médiatiques autour du changement climatique depuis 25 ans.

91 () Centre d’études techniques maritimes et fluviales (CETMEF), Vulnérabilité du territoire national aux risques littoraux. Outre-mer, Paris, 2012, p.8.

92 () Conseil Régional de Guadeloupe, Profil climat Territoire. Adaptation au changement climatique du territoire, version provisoire communiquée aux rapporteurs le 14 octobre 2015 par M. Victorin Lurel, président du conseil régional de Guadeloupe, p.18.

93 () Nathalie Dörfiger et al., étude précitée, p. 174. Les auteurs ont considéré que les données dont ils disposaient ne les mettaient pas à même d’établir une carte de vulnérabilité pour la Martinique.

94 () Document de présentation, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Vers la relocalisation des activités et des biens. 5 territoires en expérimentation. Séminaire national de lancement du 14 février 2013, p.28.

95 () Ces remarques sont inspirées par un article de Virginie Duvat, « Changement climatique et risques côtiers dans les îles tropicales », Annales de Géographie, n°1, 2015, p. 5-30, qui contient le dernier état de la question.

96 () Réponse au questionnaire des rapporteurs jointe au courriel du 24 septembre 2015 de Mme Aline Hanson, présidente du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin.

97 () D’après le document Territoire de la Côte Ouest, Ecocité insulaire et tropicale de La Réunion. Plan guide durable. Synthèse, communiqué aux rapporteurs.

98 () Selon la FAO, les émissions de l’élevage représenteraient 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre dues aux activités humaines. Sur ce total, 45 % seraient dus à la production et à la transformation des aliments du bétail, 39 % au méthane issu de la digestion des ruminants et 10 % des fumiers et lisiers (Anne Mottet et al., « Accompagner l’adaptation de l’élevage », in L’adaptation au changement climatique, cahier spécial de Pour la Science, mars 2015, p. 15).

99 () Cf. Michaël Goujon et al., Vulnérabilités comparées des économies ultramarines, document de travail n°145, coll. Études et Recherches, Paris, Agence française de développement, 2015.

100 () Le texte de ces déclarations est publié en annexe au présent rapport.

101 () Cette stratégie a fait l’objet d’une communication de M. Luc Hallade, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l’Océan Indien, lors du colloque tenu au ministère des outre-mer le 15 octobre 2015.

102 () Le statut de l’Agence a été signé par 75 États lors de la conférence de Bonn, le 26 janvier 2009. Elle compte aujourd’hui 143 États membres.

103 () Lettre de Mme Nice Cotillon-Cambronne, précitée.

104 () Citation de Le changement climatique en Guyane. Contribution au document de synthèse PNF pour la COP 21, octobre 2015.

105 () Les potentialités de transformation de la politique énergétique de la Caraïbe par l’utilisation des énergies renouvelables, ainsi que les modalités souhaitables de la coopération propre à rendre efficace cette transformation ont été analysées à l’intention de la CARICOM par le Worldwatch Institute dans un rapport de juin 2013, Caribbean sustainable energy roadmap, phase I, [Feuille de route de l’énergie durable en Caraïbe, phase I], qui a été remis aux rapporteurs.

106 () Rapport d’activité de la Commission de l’Océan Indien pour 2014, p. 120.

107 () Note transmise le 28 septembre 2015, par M. Georges De Noni, directeur du centre IRD de Nouméa, coordinateur régional pour le Pacifique.

108 () Comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale, Propositions élaborées dans le cadre de la préparation de la stratégie nationale de la mer et du littoral et de la consultation publique pour la stratégie nationale de la recherche, 21 mai 2014, p. 23.

109 PGEM : Plan de Gestion de l’Espace Maritime AME : Aire Marine Éducative (cf. supra, p.47-49).

110  Cette proposition de résolution a été déposée le 27 octobre 2015, sous le n°3171, par M. Jean-Claude Fruteau, Mme Maina Sage, MM. Ibrahim Aboubacar, Serge Letchimy, Mme Brigitte Allain, M. Bruno Nestor Azerot, Mmes Ericka Bareigts, Huguette Bello, Chantal Berthelot, Marie-Anne Chapdelaine, MM. Stéphane Claireaux, Daniel Gibbes, Philippe Gomes, Philippe Gosselin, Philippe Houillon, Patrick Lebreton, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Victorin Lurel, Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, MM. Thierry Robert, Gabriel Serville, Jean-Paul Tuaiva, Jean-Jacques Vlody.


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