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3361

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur la filière munitions

ET PRÉSENTÉ PAR

Mm. Nicolas BAYS et Nicolas DHUICQ,

Députés.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur la filière munitions est composée de :

– MM. Nicolas Bays et Nicolas Dhuicq, rapporteurs ;

– MM. Daniel Boisserie, Alain Chrétien, et Philippe Nauche, membres.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : NAISSANCE ET PRODUCTION DES MUNITIONS 11

I. UN TOUR D’HORIZON DU PAYSAGE MUNITIONNAIRE 11

A. LES MUNITIONS PROPULSÉES 12

1. Les missiles 12

2. Les torpilles 12

B. LES MUNITIONS BALISTIQUES 13

II. DE L’EXPRESSION DU BESOIN À L’ACQUISITION DES MUNITIONS : UNE MANŒUVRE DÉLICATE DÉTERMINANTE POUR L’AVENIR 14

A. LA DÉTERMINATION DU BESOIN 14

1. Le processus de détermination du besoin 14

2. L’estimation des stocks nécessaires 15

B. L’ACQUISITION DES MUNITIONS 15

1. Stock objectif et stock détenu 15

2. La réponse au besoin 16

a. Les munitions existantes 16

b. Les munitions à développer 16

C. LES PRINCIPALES DIFFICULTÉS 20

1. La durée de réalisation des projets de développement 20

2. La contrainte budgétaire 21

III. L’INDUSTRIE MUNITIONNAIRE EN FRANCE, UN ENJEU STRATÉGIQUE 21

A. LES DIFFÉRENTS SEGMENTS 21

1. Les munitions de moyen et gros calibre 21

2. Les missiles 22

3. Les torpilles 23

4. Les leurres et artifices 23

5. Les matériaux énergétiques 23

B. LES SUJETS DE PRÉOCCUPATION 24

1. L’absence d’industrie munitionnaire de petit calibre en France 24

2. L’armement air-sol 27

a. Sous l’angle opérationnel 27

b. Sous l’angle industriel 29

3. La contrainte budgétaire et le coût des munitions 30

4. La pérennité de la production 31

a. Les délais de livraison 31

b. Les matières premières 32

c. Une production massive sur une période trop réduite 32

d. Des contrats trop courts 33

DEUXIÈME PARTIE : L’UTILISATION OPÉRATIONNELLE 34

I. UNE LOGISTIQUE COMPLEXE 34

A. LE SERVICE INTERARMÉES DES MUNITIONS 34

1. La création du SIMu 34

2. L’organisation du SIMu 35

3. Son budget 36

4. La fonction achat 37

5. Les systèmes d’information logistique 37

6. Les dépôts de munitions 38

7. L’infrastructure 38

8. Le maintien en condition opérationnelle 39

9. Le personnel 40

a. Des déflations massives en passe d’être atténuées 41

b. Un climat social en demi-teinte 42

c. La mise à disposition de personnel par les armées 42

d. Le personnel civil 43

e. La formation 43

i. Deux établissements de formation 43

ii. Une indispensable harmonisation 43

10. La sécurité 44

a. Pyrotechnique 45

b. Anti-intrusion 47

i. L’organisation 47

ii. Le constat 47

iii. Les mesures 48

iv. Les autres sites de la défense ou exerçant une activité liée à la défense 50

B. LE TRANSPORT 50

1. Le transport stratégique 50

a. Les différents types de transport 51

b. Les voies d’acheminement des munitions 51

c. Les délais de transport 52

d. Les coûts du transport 53

e. La sécurisation des transports de munitions 53

2. Le transport assuré par les unités 54

C. LA GESTION DES MUNITIONS DÉLIVRÉES PAR LE SIMU 55

1. Dans les unités 55

2. En OPEX 56

TROISIÈME PARTIE : LA FIN DE VIE DES MUNITIONS 59

I. LA CONSOMMATION 59

A. L’ARMÉE DE TERRE 59

B. L’ARMÉE DE L’AIR 60

C. LA MARINE NATIONALE 60

D. LA GENDARMERIE 60

II. L’ÉLIMINATION DES MUNITIONS 61

A. LES MUNITIONS 61

1. Le recours à la filière européenne 62

2. Un seul acteur français dans le haut du spectre 62

3. Le coût de l’élimination 62

4. Des coûts supplémentaires dus au regroupement des sites du SIMu 63

5. L’élimination par le SIMu 63

B. LES DÉCHETS DE TIR 64

C. LES CHANTIERS DE DÉPOLLUTION PYROTECHNIQUE 65

QUATRIÈME PARTIE : LES MUNITIONS DE DEMAIN 67

I. L’ÉVOLUTION DES MUNITIONS ACTUELLES 67

II. LA RECHERCHE 68

III. LE DÉFI REACH 68

TRAVAUX DE LA COMMISSION 71

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS ET DÉPLACEMENTS 83

« On peut rester vingt-quatre, s’il le faut même, trente-six heures sans manger ; mais l’on ne peut rester trois minutes sans poudre, et des canons arrivant trois minutes plus tard n’arrivent pas à temps »

Bonaparte, commandant de l’Artillerie de l’armée du Midi le 16 octobre 1793 aux représentants du peuple à Marseille

INTRODUCTION

Conscients de la place déterminante qu’occupent les munitions dans l’action militaire et, dans le même temps, inquiets quant à la place qui leur est accordée, les rapporteurs ont donc abordé leur mission sous l’angle d’une observation destinée à jeter quelques jalons pour le futur. Mais, du fait des attentats tragiques qu’a vécus notre pays et de l’évolution de la situation internationale, le sujet de cette mission d’information se trouve aujourd’hui au cœur de l’actualité la plus brûlante.

Les rapporteurs ont cherché à savoir si la France était toujours en mesure d’agir en toute indépendance en s’appuyant sur ses propres moyens. Les frappes, menées par les Mirage et les Rafale depuis le Charles-de-Gaulle ou la Jordanie, ont été nombreuses et ont redoublé d’intensité après les attentats. Face à cette accélération, des voix se sont fait entendre s’interrogeant sur les réserves des armées françaises, et particulièrement sur les munitions air-sol, tant il est vrai qu’il n’y a pas d’avion de chasse sans munitions ; des munitions air-sol, des bombes donc, dont la nature et l’emploi ont considérablement évolué au cours des vingt dernières années.

En effet, si durant la première guerre du Golfe en 1991, les munitions intelligentes représentaient environ 10 % des munitions utilisées, le ratio a été inversé lors du conflit au Kosovo en 1999. À telle enseigne, qu’il est rare aujourd’hui que soit tirée une bombe autre qu’intelligente, c’est-à-dire guidée. Les tapis de bombes de la deuxième guerre mondiale ont vécu et les bombes doivent à présent atteindre le plus précisément possible une cible identifiée en minimisant, autant que faire se peut, les dommages collatéraux. C’est une question de principe, comme l’a rappelé le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, à la commission, au sujet de l’opération Chammal : « Pour des raisons écologiques et éthiques, il n’est pas question de bombarder n’importe quoi n’importe comment. Je ne veux pas de dégâts collatéraux. » (1)

Quelle est donc la hauteur des stocks ? Les armées considèrent que le nombre de frappes et que leurs stocks de munitions sont couverts par le secret de la défense nationale. Les rapporteurs ne pourront donc faire état d’aucun élément chiffré en la matière. Les sources ouvertes indiquent néanmoins un nombre de frappes se situant entre 650 et 700 frappes depuis 2014, ce que les interlocuteurs des rapporteurs n’ont ni confirmé, ni infirmé, en leur précisant toutefois que les frappes avaient repris un cours « normal ». Les stocks baissent donc au rythme des opérations et devront être reconstitués, ce que les services du ministère de la Défense ont anticipé en début d’année par une procédure d’appel d’offres à échéance de plusieurs années. D’ici là, ont été assurés les rapporteurs, notre pays prend les dispositions utiles pour être en mesure de mener à bien les actions qu’il estimera nécessaires. Le temps industriel étant un temps long, il sera fait appel aux munitions de nos alliés, si l’intensité de l’engagement l’exige.

L’approvisionnement en munitions repose ainsi sur un fragile équilibre entre les besoins estimés des armées pour répondre à différents niveaux d’engagement, les capacités industrielles et les ressources financières.

Qui plus est, les munitions ressortent du soutien qui souffre, dans son ensemble, d’une désaffection de longue date. En effet, les rapporteurs le déplorent, le soutien a toujours été considéré comme une variable d’ajustement et le demeure. Mais, indispensables aux systèmes d’armes les plus élaborés, derrière lesquels elles s’effacent, les munitions occupent une place particulière au sein du soutien. Sans vouloir ignorer ou minimiser les grandes difficultés que rencontrent d’autres pans du soutien, comme la logistique par exemple, les munitions ont la particularité d’être exclusivement militaires et sans alternative civile. S’il est, par exemple, possible de militariser un moyen de transport civil en cas d’urgence, une munition manquante dans le stock le restera, sans produit civil de substitution.

La mémoire est souvent courte, on le sait, et elle l’est particulièrement dans ce domaine. A-t-on oublié la crise des munitions de 1915, puis l’enlisement du conflit qui nécessita des forces vives féminines de l’arrière une production de munitions à marche forcée sans lesquelles la bataille ne pouvait être menée ? A-t-on oublié la guerre en ex-Yougoslavie durant laquelle l’armée française dut acheter en urgence des bombes de médiocre qualité ? Ou encore l’opération Harmattan, qui si elle fut considérée, à juste titre, comme un succès, vit l’armée de l’air mettre plusieurs années à reconstituer son stock ?

Une arme sans munition est sans objet. C’est guidés par ce postulat que les rapporteurs s’attacheront à exposer la complexité de la chaîne munitionnaire d’un bout à l’autre de la filière, et l’impérieuse nécessité de tout mettre en œuvre pour en assurer le meilleur fonctionnement, gage de l’efficacité opérationnelle.

PREMIÈRE PARTIE :
NAISSANCE ET PRODUCTION DES MUNITIONS

Après avoir longuement cherché la définition adéquate du terme munition et s’être heurtés à des formulations beaucoup trop réductrices pour en exprimer la diversité, les rapporteurs ont choisi de l’emprunter à une instruction du service interarmées des munitions :

« Munition : ce vocable s’applique aux munitions, éléments de munitions et matières explosives destinés à produire un effet militaire. Dans un système d’arme, une munition est un objet chargé de matières explosives produisant des effets propulsifs, explosifs, perforants, incendiaires, éclairants, fumigènes, sonores, spéciaux ou des combinaisons de ces effets. Par munition, on entend généralement, obus, bombes, missiles, torpilles, cartouches pour canon, pour armement petit calibre, projectiles autopropulsés, mines, pétards, grenades, artifices divers, ainsi que les poudres, explosifs et toutes matières actives qui entrent dans leur chargement. Cette liste n’est pas exhaustive.

Tout déchet ou résidu de tir pyrotechnique, c’est-à-dire élément de munition non entièrement désorganisé comportant de la matière active ou des traces de matière active, est assimilé à une munition, en raison de son classement au titre des matériels de guerre. » (2)

Cette définition reflète l’ampleur du sujet que les rapporteurs tenteront d’éclairer, en s’attachant à en faire ressortir les différents aspects, sans en faire un catalogue qui n’aurait que peu d’intérêt et ne saurait prétendre être complet. Paradoxalement, et contrairement à certaines attentes, ce rapport ne contiendra pas de chiffres sur les stocks de munitions qui sont des données stratégiques soumises au secret de la défense nationale.

I. UN TOUR D’HORIZON DU PAYSAGE MUNITIONNAIRE

L’éclatement caractérise le paysage mondial de l’industrie des munitions qui, hors quelques exceptions notables, demeure principalement nationale, avec quelques géants et des acteurs modestes, voire très modestes. Il suffit pour s’en convaincre d’un rapide panorama non exhaustif des producteurs de munitions balistiques (3), petit et moyen calibre, d’une part, et de munitions propulsées, les missiles ou munitions complexes, d’autre part. La distinction entre les deux types de munitions tend toutefois à être moins nette que par le passé, en raison, par exemple, du développement, pour les munitions d’artillerie balistiques, notamment en calibre 155 mm, de kits de guidage, les rapprochant des performances de munitions propulsées de précision.

A. LES MUNITIONS PROPULSÉES

1. Les missiles

Le premier missilier mondial est l’américain Raytheon, Boeing et Lockheed-Martin étant, eux, surtout présents sur le segment de la défense antimissile. La Russie est un autre acteur important avec Almaz-Antey et KTRV (4) qui sont les deux principaux missiliers russes. Israël doit également être mentionné ainsi que la Chine et la Turquie avec Rocketsan.

Le secteur est dominé en Europe par MBDA, présent en France, au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne, qui est le deuxième acteur mondial. Les autres acteurs européens notables sont Thales UK, au Royaume-Uni où tous les missiliers américains sont présents via leurs filiales, Diehl, en Allemagne qui se partage le marché avec MBDA Deutschland, SAAB en Suède et Kongsberg en Norvège.

Il semble que ce marché se divise clairement en acteurs globaux, que sont les grands, Raytheon, Lockheed-Martin et MBDA, et acteurs de niche pour quelques produits, sans échelon intermédiaire. D’autres acteurs émergent toutefois, le missile tendant à être le témoin de la capacité d’un état à se défendre seul, tels qu’Avibras au Brésil ou Denel en Afrique du sud.

2. Les torpilles

Le Royaume-Uni, avec BAE Systems, et les États-Unis produisent essentiellement pour satisfaire leur demande domestique ; le Japon est également présent sur ce segment ainsi que la Russie sur les marchés exports traditionnels de ses sous-marins.

En Europe, outre le français DCNS, l’allemand Atlas Elektronik, spécialisé dans les torpilles lourdes, directement lié aux succès commerciaux des sous-marins de TKMS (5), dont il est la filiale, figure parmi les acteurs principaux. Il convient ensuite de citer l’italien WASS (6), filiale du groupe Finmeccanica, spécialisée dans les torpilles légères, avec ses productions propres ou au travers de son partenariat avec DCNS et TUS (7) au sein du groupement européen d’intérêt économique EuroTorp. SAAB, en Suède, est également actif dans le secteur des torpilles.

B. LES MUNITIONS BALISTIQUES

C’est en Amérique du Nord que se trouvent les principaux producteurs mondiaux de munitions de petit et moyen calibre. Soutenus par un marché intérieur solide, ils bénéficient de capacités de développement sans commune mesure avec celles de leurs concurrents européens et proposent une gamme complète, dont une part importante est exportée. Les principaux producteurs américains sont ATK (8), premier fournisseur de munitions au monde, Northrop Grumman, Boeing et enfin General Dynamics, également implanté au Canada.

Le secteur est occupé en Europe par quelques grands, le français Nexter Munitions pour le moyen et gros calibre, le britannique BAE et l’allemand Rheinmetall. Viennent ensuite le norvégien Nammo, l’italien OTO Melara du groupe Finmeccanica, le suisse SBDS (9), filiale de SAAB, le britannique Chemring, l’allemand Diehl, l’espagnol Expal, le suisse RUAG (10) et l’allemand MEN (11).

L’ensemble des besoins britanniques est couvert par la filière nationale dans le cadre d’une dépendance des États-Unis choisie, via l’implantation transatlantique de BAE. Les activités munitionnaires de BAE sont soutenues par le contrat MASS, passé en 2008 pour quinze ans et deux milliards de livres sterling, les besoins britanniques étant en baisse sensible à l’issue des interventions en Irak et Afghanistan.

La Russie assure sa production domestique et exporte vers ses clients traditionnels. Il convient également de mentionner CBC, une entreprise brésilienne spécialisée dans la production de munitions de petit et moyen calibre.

Le secteur des explosifs et de la poudre est occupé en Europe par Eurenco, premier producteur d’explosifs et deuxième producteur de poudres européen et son concurrent Nitrochemie, filiale de Rheinmetall et de RUAG.

À titre d’exemple, les principaux fournisseurs français et internationaux de l’armée de terre sont récapitulés dans l’encadré suivant.

France

• Nexter : munitions de gros calibre (cartouches pour chars et artillerie) et de moyen calibre (20, 25 et 30 mm).

• TDA : roquettes Tigre, munitions pour mortiers.

• Lacroix : grenades, leurres et artifices divers.

• MBDA : missiles ERYX, MILAN, MMP.

• EURENCO : poudres propulsives et nouveaux explosifs du génie.

• Junghans Microtec / T2M filiale TDA/Diehl (Allemagne) : fusées.

Étranger

• Rheinmetall (Allemagne) : munitions pour lance-grenades individuel.

• Lockheed Martin (USA) : missiles antichars HELLFIRE et JAVELIN.

• Saab Bofors (Suède) : roquettes antichars AT4CS et roquettes NG.

• Drew Defense (USA) : artifices de simulation.

• ATK (États-Unis), BAE (Royaume-Uni), IMI (Israël), MEN (Allemagne), CBC (Brésil), NAMMO (Norvège) : munitions de petit calibre.

Source : armée de terre.

II. DE L’EXPRESSION DU BESOIN À L’ACQUISITION DES MUNITIONS : UNE MANŒUVRE DÉLICATE DÉTERMINANTE POUR L’AVENIR

A. LA DÉTERMINATION DU BESOIN

1. Le processus de détermination du besoin

L’expression du besoin est avant tout l’affaire de chaque armée et de son état-major, puis, en dernier ressort, celle de l’état-major des armées (EMA) qui, dans un second temps, synthétise les différentes estimations et procède aux arbitrages nécessaires.

Chaque armée assure une fonction de maître d’ouvrage au sein de la filière, gère son budget, et tient annuellement un Comité de synthèse visant à formuler son besoin propre. Pour ce faire, chacune des armées a mis en place une procédure lui permettant la juste définition du besoin. Témoins de la complexité du processus, les entités concernées sont très nombreuses et diffèrent au sein de chaque armée. À titre d’exemple, participent à l’expression du besoin au sein de l’armée de terre : le bureau plans, le bureau soutien, le bureau emploi, le bureau pilotage de synthèse, la section technique de l’armée de terre, le commandement des forces terrestres, l’état-major de soutien de défense…

Les comités de synthèse des différentes armées se retrouvent ensuite au sein d’un comité de synthèse interarmées Munitions afin de centraliser la définition du besoin. Un comité exécutif Munitions se tient également, copiloté par l’EMA et son service de la cohérence capacitaire (COCA) et la DGA.

Enfin, à la tête de cette procédure se trouve, depuis juillet 2012, un comité directeur du domaine capacitaire munitions, CAPAMUN, qui associe la directrice des opérations de la DGA et le sous-chef plans de l’EMA.

Le service interarmées des munitions (SIMu) est associé au processus en tant que détenteur des stocks et en tant qu’expert.

2. L’estimation des stocks nécessaires

La synthèse des besoins des armées et l’estimation des stocks qui leur sont nécessaires s’effectuent sur la base du contrat opérationnel des armées issu du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et des différents niveaux d’engagements déterminés : les missions permanentes qui correspondent à la situation opérationnelle de référence (SOR), l’urgence, soit l’hypothèse d’engagement urgent en protection et l’intervention majeure, soit l’hypothèse d’engagement majeur en intervention.

L’estimation du besoin repose sur un calcul arithmétique complexe à partir de données telles que l’intensité des engagements, la consommation théorique d’un jour de combat, le nombre de jours de combat par scénario et des critères que sont notamment les politiques de tir pour l’instruction et l’entraînement et les politiques d’équipement.

La prise en compte de l’ensemble de ces éléments conduit à la détermination du « stock objectif », qui correspond à la quantité de munitions estimée nécessaire à la réalisation des missions des armées. Le stock objectif se décline en « stock guerre » et « stock instruction », ce dernier étant calculé pour une période de trois ans. Ces deux stocks ont vocation à se compléter mutuellement lorsque les circonstances l’exigent. Ainsi, en l’absence d’engagements ou en période d’engagements de basse intensité, l’instruction est prioritaire et le stock guerre ponctionné en tant que de besoin. À l’inverse, le stock instruction sert directement, si nécessaire, à combler le déficit du stock guerre.

Ce stock objectif est un niveau vers lequel il convient de tendre en fonction d’une évaluation pragmatique et évolutive des besoins qu’il est possible d’anticiper.

B. L’ACQUISITION DES MUNITIONS

1. Stock objectif et stock détenu

Le stock objectif déterminé par l’EMA et les armées est ensuite rapporté aux stocks détenus. La différence peut conclure à un état des stocks satisfaisant, à des stocks insuffisants restant à un niveau acceptable, à des stocks insuffisants qu’il s’agit de compléter, à court, moyen ou long terme, ou encore à l’émergence d’un besoin nouveau, qu’il convient de satisfaire à court terme par un achat sur étagère ou par un programme de développement d’armement.

Les besoins sont analysés à l’aune des ressources financières disponibles, de la capacité de contractualisation de la DGA et du SIMu, des délais de développement et de production de la filière industrielle, et actualisés en fonction du besoin opérationnel.

2. La réponse au besoin

La réponse aux besoins des armées est ensuite assurée par la DGA ou le service interarmées des munitions selon qu’il s’agit d’acquérir une munition déjà existante, une munition complexe ou d’initier le développement d’un nouveau type de munition. La réactivité de chacune des entités qui recherchent les meilleures offres en termes de qualité, de coût et de délais est déterminante.

a. Les munitions existantes

Lorsque les armées ont besoin de voir leur stock de munitions complété à l’identique, c’est-à-dire sans évolution de la munition nécessitant une nouvelle qualification, elles s’adressent au SIMu pour les munitions de petit calibre ou à la DGA pour les munitions complexes.

Ces acquisitions s’effectuent soit par la voie d’un marché public ou par l’intermédiaire de la NSPA, NATO support and procurement agency, à laquelle a recours le SIMu.

NATO support and procurement agency (NSPA)

La NSPA est l’agence OTAN de soutien et d’acquisition. Elle a pour but d’assister les forces des États-parties dans la satisfaction de leurs besoins en munitions. Elle organise le regroupement des besoins des utilisateurs afin de réaliser des économies d’échelle. Elle peut assurer l’acquisition de munitions pour les forces terrestres, aériennes et navales auprès de ses fournisseurs abonnés.

Toutefois, la NSPA relevant de l’OTAN, la bonne livraison des munitions peut parfois être remise en cause par les évolutions du contexte international. Ce fut notamment le cas durant la crise ukrainienne, qui a eu pour conséquence de retarder les livraisons de munitions de petit calibre destinées à la gendarmerie et à la police françaises. La gendarmerie est, de ce fait, en train de mettre en place une procédure pour diversifier ses approvisionnements en munitions de 9 mm afin de ne pas dépendre d’une source unique et d’éviter une éventuelle rupture capacitaire.

La DGA ne fait pas appel à la NSPA.

b. Les munitions à développer

Les besoins des armées peuvent aussi ne pas être satisfaits par l’offre existante. Qu’il s’agisse de nouveaux besoins opérationnels liés à des avancées technologiques ou conséquences de l’analyse du retour d’expérience, ou encore de besoins résultant d’une évolution de doctrine, l’interlocuteur des armées est la DGA. Il lui reviendra d’assurer, le cas échéant, le développement technologique d’une nouvelle munition.

Il arrive que des développements soient communs à plusieurs armées : c’est ainsi que l’armée de l’air et la marine nationale ont collaboré au développement d’armements, tels que les munitions destinées au Rafale marine et au Super-Étendard, qui présentaient des spécificités identiques, notamment la « muratisation » des équipements (cf. infra).

Les ingénieurs de la DGA et les forces dialoguent alors afin de mettre en concordance les effets recherchés par les militaires avec des conceptualisations de solutions, proposées par la DGA.

Le cas échéant, ces réflexions donnent ensuite lieu au lancement d’études technico-opérationnelles. Les industriels participent à la recherche par le biais de contrats d’études amont et de l’allocation de crédits correspondants. À l’issue de l’ensemble de ces travaux de recherche, un processus classique de conduite de projet est mis en place pour la production finale du programme de munition.

Une fois le projet de programme d’acquisition arrivé au stade de la production, la DGA est en charge de la mission décisive de qualification des munitions. Elle réalise ainsi des essais techniques afin de certifier que la munition produite par l’industriel répond aux exigences techniques spécifiées lors du développement du programme tout en garantissant effet terminal et sécurité d’emploi.

C’est au centre DGA techniques terrestres (DGATT) de Bourges que sont testées les munitions lors de campagnes d’essais. Ce centre comporte une zone pyrotechnique et il est doté d’un champ de tir de 10 000 hectares, long de 30 km et large de trois à cinq km, sur lequel peuvent être conduits plusieurs essais simultanément. Il y est réalisé une moyenne de 500 essais par an pouvant aller chacun d’une durée de quatre à cinq jours. Des ateliers et des laboratoires complètent les installations. Les clients du centre sont principalement l’armée de terre mais également les autres forces et une part non négligeable de clients privés. À ce propos, l’industrie a souhaité attirer l’attention des rapporteurs sur le coût d’utilisation des moyens de l’État, plusieurs centaines de milliers d’euros pour une séance de tir, et des délais d’attente allant jusqu’à huit mois.

Les centres d’essais de la DGA

La direction technique de la DGA dispose des capacités d’essais suivantes :

– évaluation des systèmes d’armes tactiques et stratégiques à DGA EM (site Landes et site Méditerranée) ;

– évaluation de la vulnérabilité des munitions face aux agressions mécaniques et thermiques et évaluation de la propulsion anaérobie des missiles à DGA EM site Gironde ;

– évaluation des armes, des munitions, des missiles de combat terrestre et des matériaux énergétiques de défense à DGA TT à Bourges ;

– évaluation des turboréacteurs de missiles à DGA EM à Saclay ;

– évaluation des systèmes de guidage et de navigation à DGA MI à Bruz ;

– évaluation de munitions et d’équipements aéroportés à DGA EV à Cazaux ;

– évaluation des aspects DRAM à DGA TA à Toulouse ;

– évaluation des têtes militaires à DGA EM et à DGA TT.

Source : DGA.

Ce processus vise à garantir un haut niveau de sécurité des munitions de sorte à éviter tout accident. La conception intègre le démantèlement.

La politique MURAT (MUnitions à Risques ATténués)

La politique MURAT est une politique volontariste menée dans le cadre de l’OTAN afin d’assurer le plus haut degré de sécurisation des munitions. Elle vise à répondre aux nouveaux contextes opérationnels où les forces françaises sont de plus en plus impliquées dans des opérations extérieures multinationales et à parvenir, notamment, à mettre en place des dépôts de munitions communs à plusieurs pays, pour lesquels sera requis une standardisation, garantie du plus haut niveau de sécurité.

Une instruction de la DGA (12) donne la définition suivante des munitions « muratisées » : « … munitions qui répondent de façon fiable aux exigences en matière de performance, de disponibilité et de besoins opérationnels tout en réduisant au minimum la probabilité d’initiation intempestive et la gravité des dommages collatéraux qui en résulteraient pour la plate-forme de lancement, les systèmes logistiques et le personnel quand ces munitions sont soumises à des menaces d’accident et de combat choisies. »

Si cette politique est donc appelée à s’appliquer à l’ensemble des munitions, une instruction ministérielle imposant l’expression du besoin MURAT pour toute nouvelle acquisition, sa mise en œuvre a d’abord concerné les munitions de la marine.

Les munitions utilisées par la marine nationale ont en effet la particularité de se trouver stockées et transportées dans des conditions d’extrême confinement et d’être exposées aux conditions de la vie en mer, à la houle et aux intempéries. Pour les munitions aéroportées, elles sont par ailleurs exposées à des chocs répétés en fonction du nombre d’appontages subis et doivent pouvoir résister à un incendie, à des tirs ou à une explosion de proximité.

Les bombes marines produites par MBDA sont « muratisées », ce qui signifie qu’elles ont été rendues insensibles à divers chocs et agressions. Si cette procédure amoindrit quelque peu leur force de frappe, notamment l’effet de souffle, elle a surtout pour bénéfice de garantir la sécurité et de prévenir tout départ inopportun avec l’avantage de réduire les contraintes logistiques de stockage et de transport.

Nexter Munitions a, pour sa part, développé un obus de 155 mm labellisé MURAT destiné aux canons CAESAR ; TDA Armements s’est vu confier par la DGA un programme de « muratisation » concernant non seulement les obus de mortier, mais également les charges propulsives et les fusées.

La « muratisation » représente un coût supplémentaire à prendre en compte. Des recherches sont en cours portant sur de nouvelles compositions améliorant le triptyque efficacité, sécurité, coût.

L’inspecteur des poudres et des explosifs est l’organe chargé de s’assurer de l’application du STANAG 4439 relatif à la « muratisation » et participe au groupe d’experts chargé de spécifier le besoin MURAT et en valide l’analyse ; il donne son avis sur le programme d’évaluation de la signature MURAT, attribue la signature MURAT, normalisée et symbolisée par une, deux ou trois étoiles, et éventuellement un label. Enfin, il gère le recueil des signatures MURAT des munitions en service.

Dans sa mission de qualification des munitions et de leurs chaînes de production, la DGA est accompagnée par l’inspecteur des poudres et des explosifs (IPE) qui exerce le rôle de contrôleur des activités pyrotechniques.

L’inspecteur des poudres et explosifs

L’inspecteur des poudres et explosifs dépend du ministre de la Défense ; il a deux grandes missions : la sécurité pyrotechnique et la sécurité des munitions.

Il veille au respect des règles de sécurité pyrotechnique qui s’imposent à la chaîne de conception des munitions.

À ce titre, il analyse les dossiers de sécurité des entreprises et organismes exerçant une activité pyrotechnique, au profit de l’autorité technique de la DGA et des équipes de programme de la DGA ; il promeut la politique MURAT et participe à l’élaboration de la réglementation avec les partenaires de la France au sein de l’Union européenne et de l’OTAN.

Il mène des études de sécurité du travail pyrotechnique pour toute activité pyrotechnique se déroulant sur le territoire français. Elles permettent à l’IPE de veiller à ce que les industriels et les organes étatiques exerçant une activité pyrotechnique respectent les normes de sécurité qui s’imposent à ce domaine particulièrement sensible. Il assure également des visites annuelles sur les sites pyrotechniques pour veiller au respect continu des règles en vigueur.

Dans le domaine de la sécurité des munitions, l’IPE participe, en tant qu’organe relevant de la DGA, à la qualification des munitions et de leurs chaînes de production. En qualifiant la munition, l’IPE en définit le cycle de vie et en précise les conditions d’utilisation. Il assure ensuite le suivi de leur utilisation en service. En cas d’accident, les experts de l’IPE sont chargés d’instruire les études techniques afin de proposer des recommandations pour résoudre les difficultés rencontrées, par exemple : réduire les cadences de tir pour des munitions ayant posé des problèmes.

C. LES PRINCIPALES DIFFICULTÉS

1. La durée de réalisation des projets de développement

L’ensemble de ce processus de développement, de l’expression du besoin initial des armées à la livraison du produit fini, peut s’étendre sur une dizaine, voire une douzaine d’années. Ce fut le cas du développement du kit de guidage armement air-sol modulaire (AASM) de Sagem pour lequel le besoin fut exprimé fin 1999 et dont les premières livraisons eurent lieu en 2008.

Les armées constatent un allongement des délais d’acquisition et de qualification. Cela résulte, selon certains interlocuteurs des rapporteurs, de la conjugaison d’une inflation de textes réglementaires de plus en plus complexes à appliquer et d’une diminution importante des effectifs au sein de la DGA, qui a perdu des experts et leur savoir-faire ; ainsi, se sont écoulés entre l’expression du besoin et la notification du marché respectivement douze ans pour les artifices de signalisation à main et sept ans pour les fusées d’artillerie.

À titre d’exemple, MBDA propose un calendrier type du développement et du cycle de vie global d’un missile, qui peut bien entendu varier selon la nature du projet et de son financement.

– phase de réflexion et études technico-opérationnelles : trois ans ;

– phase de pré-développement, dérisquage, programmes d’études amont : trois à cinq ans ;

– phase de développement : cinq à sept ans ;

– phase de production : un à deux ans par missile, la phase de production globale pouvant durer plus de dix ans ;

– rénovation : au bout de dix à quinze ans ;

– démantèlement : au bout de vingt à trente ans.

2. La contrainte budgétaire

L’état-major des armées cadence et hiérarchise les besoins lors de la programmation pluriannuelle, dans le cadre des travaux de version actualisée du référentiel (VAR). Le référentiel financier est validé année par année pour une période de six années glissantes, ce qui permet notamment de tenir compte de la réalisation de l’exercice budgétaire. En cas de pic d’utilisation des munitions, le décret d’avance OPEX est sollicité par les armées.

La disponibilité des ressources financières constitue un élément clef du processus d’acquisition.

III. L’INDUSTRIE MUNITIONNAIRE EN FRANCE, UN ENJEU STRATÉGIQUE

A. LES DIFFÉRENTS SEGMENTS

1. Les munitions de moyen et gros calibre

Le domaine est incontestablement dominé par Nexter Munitions (224 millions d’euros (13) de chiffre d’affaires en 2014) qui a racheté en 2014 le belge Mecar (192 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014) ainsi que l’italien Simmel (26 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014) et couvre le moyen et le gros calibre. Il est actuellement le troisième producteur européen après Nammo et Rheinmetall.

Nexter Munitions a, par ailleurs, créé une coentreprise avec BAE, la CTAI (14) pour développer puis, à terme, commercialiser le système d’arme franco-britannique à munitions télescopées de 40 mm, proposées dans une large gamme, qui représente un progrès majeur dans le domaine du moyen calibre.

Le canon de 40 mm à munitions télescopées CTCA
(Cased telescoped canon and ammunition)

Le concept de la munition télescopée consiste à placer le projectile au cœur du chargement propulsif, ce qui permet, à performance égale, de réduire de façon importante le volume de la cartouche par rapport à une munition conventionnelle.

La solution d’armement basée sur le canon de 40 mm à munition télescopée fait l’objet de travaux soutenus par le Royaume-Uni et la France depuis de nombreuses années par le biais de contrats séparés mais coordonnés à la société CTA international, filiale de BAE Systems et de Nexter, implantée en France.

Ce type d’armement est prévu du côté britannique pour la revalorisation du véhicule de combat d’infanterie Warrior et pour le futur blindé de reconnaissance Scout SV, et du côté français pour le futur engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) prévu dans le cadre du programme Scorpion.

L’armement de 40 mm à technologie télescopée permet de proposer aux forces le meilleur compromis entre la puissance de feu, la masse, le volume et les efforts de tir (recul de l’arme lors d’un coup de canon). Grâce à son calibre, il confère au véhicule porteur une puissance de feu inégalée pour une arme de moyen calibre. Sa gamme de munitions et en particulier sa munition à fonctionnement sur trajectoire (GPR-AB) lui donne un caractère multirôle particulièrement adapté à l’évolution de la menace et aux contextes opérationnels envisagés pour les futurs véhicules blindés de type EBRC.

Source : site du ministère de la Défense.

Viennent ensuite TDA (chiffre d’affaires de l’ordre de 100 millions d’euros), la filiale munitionnaire de Thales spécialisée dans les roquettes et systèmes de mortiers, et sa co-entreprise franco-allemande Junghans T2M (chiffre d’affaires de l’ordre de 40 millions d’euros), joint venture entre les groupes Thales (45 %) et Diehl (55 %), spécialisée dans les fusées, le dispositif de sécurité d’armement et de mise à feu des munitions, et considérée comme un des leaders mondiaux de ce domaine.

Dans une logique de cohérence technologique et d’élargissement de sa gamme aux mortiers, Nexter Munitions pourrait vouloir se rapprocher de TDA, après Mecar et Simmel Difesa. Par ailleurs l’aboutissement du projet KANT pourrait lui ouvrir de nouveaux débouchés, Rheinmetall étant le munitionnaire actuel de KMW.

2. Les missiles

Le principal acteur est MBDA-France (1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2014), est filiale du groupe européen MBDA (2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014), dont les principaux sous-traitants sont Thales pour les autodirecteurs électromagnétiques, les centrales inertielles et divers équipements électroniques, Sagem pour les autodirecteurs infrarouges et les centrales inertielles, ROXEL pour la propulsion solide, et Microturbo pour la propulsion par turboréacteur.

3. Les torpilles

L’établissement de DCNS à Saint-Tropez (chiffre d’affaires de 129 millions d’euros en 2014 pour les armes sous-marines) est le principal acteur en coopération avec WASS pour les torpilles légères MU90 et avec une sous-traitance allemande d’Atlas Elektronik pour les nouvelles torpilles lourdes F21. Les principaux sous-traitants de DCNS sont Thales Underwater Systems (TUS) pour les autodirecteurs et SAFT pour les batteries.

4. Les leurres et artifices

Lacroix Défense et Sécurité (chiffre d’affaires de l’ordre de 60 millions d’euros) est spécialisé dans les systèmes d’autoprotection, dont les leurres, qui sont des dispositifs de première importance pour l’ensemble des forces. La société fabrique des leurres aériens, infrarouges, spectraux, électromagnétiques, électro-optiques, cinématiques, des leurres marins, dont les bombettes anti-sonar utilisées par les sous-marins, et des leurres terriens pour la protection des véhicules, ainsi que des composants pyrotechniques.

Essentiels à la protection des trois armées mais surtout à l’armée de l’air et à la marine nationale, les leurres sont un sous-ensemble des munitions qui a tendance à être utilisé comme la variable d’ajustement d’un ensemble, les munitions, qui souffre du même mal. Les rapporteurs estiment que ces équipements sont indispensables et qu’il convient de soutenir notre capacité de production nationale.

5. Les matériaux énergétiques

EURENCO (220 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014, dont 103 millions d’euros pour les additifs), est le premier producteur d’explosifs et le deuxième producteur de poudres en Europe. La société, qui appartient au groupe Nexter, alimente l’ensemble de la filière de production. EURENCO produit notamment des explosifs insensibles pour les munitions à risque atténué et des poudres pour charges propulsives à vulnérabilité réduite. EURENCO fournira la charge militaire du futur missile anti-navire franco-britannique de MBDA.

En dehors des poudres et des explosifs, EURENCO détient la plus grande capacité mondiale de production d’additifs pour carburant diesel, le nitrate d’éthyl hexyl, dont il exporte un très gros volume aux États-Unis. EURENCO ne fait pas partie du projet KANT.

Son grand concurrent européen est Nitrochemie, filiale de Rheinmetall et de RUAG. On observe à ce propos une verticalisation chez les grands munitionnaires européens qui se sont tous adjoints un producteur d’explosif afin de sécuriser leur approvisionnement.

Ayant connu des difficultés ces dernières années, la société se redresse depuis sa reprise en 2013 par GIAT Industries et dynamise l’activité de son bureau d’études.

Les rapporteurs insistent sur le fait qu’il est indispensable de conserver une capacité industrielle nationale de production d’explosifs à même d’irriguer l’ensemble de la filière de production de munitions.

B. LES SUJETS DE PRÉOCCUPATION

1. L’absence d’industrie munitionnaire de petit calibre en France

Dans le sillage de l’arrêt de la production du fusil d’assaut FAMAS (15), qui a cessé en 1999 pour des raisons de viabilité économique, la production de munitions de petit calibre opérée par GIAT Industrie a également été abandonnée. Après de nombreuses vicissitudes pour trouver une munition « sur étagère » correspondant à l’arme qui restait celle des forces, les armées disposent aujourd’hui de munitions 5,56 mm répondant aux critères de sécurité et d’efficacité requis.

La saga des munitions du FAMAS

Fusil d’assaut des forces françaises, le FAMAS a été conçu pour tirer des munitions basées sur le standard américain M 193. Un standard 5,56 mm cependant adapté, en raison notamment de la culasse non calée du FAMAS qui produit une forte pression sur l’étui de la cartouche au moment du tir.

Le FAMAS disposa donc d’une munition particulière, la cartouche F1, qui évolua ensuite vers la cartouche F1A, jusqu’à l’abandon de la production de munitions de petit calibre par GIAT en 1999.

Un marché de cartouches F5 standard OTAN est attribué début 2006 à BAE au Royaume-Uni et à IMI en Israël. Ces munitions ne conviennent pas en raison d’une balistique défaillante après 50 mètres, la balle n’étant pas adaptée au pas de rayures du canon.

Un nouveau marché est attribué à ADCOM aux Émirats Arabes Unis dont les livraisons de cartouches F3 débutent en octobre 2007. Les premiers accidents de tir sont enregistrés en février 2008. L’interdiction de cette munition est prononcée en avril 2009 après 37 accidents. La défaillance serait attribuée à l’étui en laiton, moins résistant que l’acier de la cartouche adaptée F1.

Les besoins de cartouches pour l’entraînement sont ensuite couverts, de 2009 à 2013, par un achat par Foreign Military Sales (FMS) chez ATK tandis que sont évalués parallèlement six fournisseurs de six pays différents afin de diversifier les sources d’approvisionnement. Quatre seront retenus : ATK, aux États-Unis, MEN en Allemagne, BAE au Royaume-Uni et CBC au Brésil. Pour la qualification des fournisseurs potentiels ont été tirées cinq millions de cartouches par fournisseur par les forces à l’entraînement dans le cadre d’un protocole de remontée des événements.

Si la qualité d’une munition se mesure d’abord par sa compatibilité avec l’arme, elle se mesure également sur le temps long, au cours d’une conservation de dix à vingt ans. La qualité de la munition dépend de l’ensemble de la chaîne de production : de la qualité des matières premières sélectionnées aux produits utilisés pour l’emballage des munitions, les acides présents dans le carton pouvant, par exemple, attaquer les munitions.

Ces munitions sont toutes étrangères et c’est bien ce qui inquiète les rapporteurs. Non pour leur qualité, pour celles qui ont été sélectionnées, ou parce qu’elles seraient de ce fait frappées d’infamie mais pour la simple sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté de nos approvisionnements. Les rapporteurs se sont ouverts de leurs interrogations à leurs interlocuteurs et ont enregistré des réactions qu’ils ont parfois trouvées étonnantes, tant certains ont balayé la question d’un revers de main.

Pour beaucoup, le sujet était de fait clos avant d’être abordé, dès l’évocation de l’aspect économique. L’abandon de la production nationale a en effet engendré des économies substantielles pour la Défense. La cartouche de GIAT Industries était chère au regard de la concurrence. Par ailleurs, le marché mondial de la cartouche de petit calibre serait pléthorique et absolument aucun risque n’existerait d’une quelconque rupture des approvisionnements. Les rapporteurs observent à ce propos que la certitude d’une absence de risques est une notion pourtant peu familière en matière de défense, domaine dans lequel il est justement d’usage de les prévoir tous et de s’en prémunir.

Au demeurant, l’idée que la normalisation OTAN garantirait totalement l’interopérabilité mérite d’être nuancée, comme l’indique le tableau ci-dessous.

Les STANAG (16)

L’OTAN promulgue des STANAG, qui sont des accords de standardisation visant à favoriser l’interchangeabilité des munitions et les échanges d’informations entre pays. Ces normes peuvent porter sur des exigences de conception, des spécifications de munitions, des méthodes d’évaluation ou d’essais. Ils prévoient que le pays responsable du développement d’une munition communique les résultats d’essais aux pays participants qui le demandent.

Ces STANAG, pour pouvoir être ratifiés par un nombre important de pays, autorisent généralement des personnalisations et des dérogations. Les STANAG peuvent parfois être interprétés de différentes façons. Le fait qu’un pays indique qu’une munition respecte un STANAG ne garantit donc pas qu’elle le respecte selon la méthodologie française. Par ailleurs, les pays censés appliquer les STANAG ne les appliquent pas systématiquement et des dossiers complets sont rarement fournis.

Il est important de noter que le respect des STANAG n’est généralement pas suffisant pour garantir la sécurité d’une munition (qui dépend en particulier de son profil d’emploi).

Source : DGA.

La France serait-elle visionnaire en la matière alors que ses voisins ont pour la plupart conservé une industrie nationale de munitions de petit calibre qui alimente nos armées ? Comment est-il possible de s’assurer qu’aucun de nos fournisseurs ne sera contraint de cesser ses livraisons en raison d’une législation nationale ? Comment est-on certain d’un approvisionnement en cas de conflit majeur et pourquoi serions-nous dans ce cas les premiers servis ? Pourquoi, si nos voisins parviennent à faire vivre une industrie de munitions de petit calibre, ne le pourrions-nous pas ?

Mais, loin des discours, les rapporteurs ont trouvé, dans les documents qui leur ont été remis, la trace d’une préoccupation : « La sécurisation et la pérennisation du flux de 5,56 mm reste la priorité … dans le domaine munitions. » ou encore « Le maintien du flux de cartouches de 5,56 mm pour FAMAS est une préoccupation. ». Deux phrases que les rapporteurs peuvent reprendre à leur compte.

Par ailleurs, le marché des armes de petit calibre et de leurs munitions serait en forte croissance en raison du contexte international, ce qui peut constituer une opportunité.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs plaident pour l’étude sérieuse des conditions de la reconstitution d’une filière de production française de munitions de petit calibre. Interrogée à ce sujet, la société Manurhin, dont l’activité est la conception de machines-outils destinées à la production de munitions de petit et moyen calibres, et qui exporte 100 % de sa production, a donné son sentiment sur ce sujet.

La réimplantation d’une usine de fabrication pourrait nécessiter un investissement initial de 100 millions d’euros, comprenant l’achat du terrain, l’embauche du personnel et l’installation de la chaîne de production. L’une des contraintes majeures résiderait cependant dans les conditions de sécurité qu’imposerait le stockage de 20 tonnes de poudre correspondant à trois mois de production ; il conviendrait également de construire une galerie de tir pour assurer les tirs de tests. Trois à quatre ans seraient nécessaires pour bâtir entièrement une usine et produire les premières munitions. Une chaîne de production pourrait produire jusqu’à 80 millions de cartouches par an, étant entendu qu’une même ligne de production est en mesure de produire des munitions de plusieurs calibres différents. La rentabilité serait assurée à partir d’une production annuelle de 60 millions de cartouches sous réserve qu’un niveau de commandes constant soit assuré durant les cinq premières années. Si la société Manurhin n’a pas vocation à redevenir un munitionnaire, et à concurrencer ses clients, elle pourrait être intéressée par d’autres voies à une participation à ce projet s’il devait se concrétiser.

Les rapporteurs regrettent, d’une part, que leur préoccupation rencontre peu d’écho. Ils estiment, d’autre part, qu’aucune des conditions précitées ne semble être un obstacle rédhibitoire et souhaitent que le ministère de la Défense étudie avec attention les modalités d’une démarche garantissant davantage la sécurité de nos approvisionnements.

2. L’armement air-sol

Les bombes sont une autre préoccupation des rapporteurs, d’ordre opérationnel et industriel.

a. Sous l’angle opérationnel

L’intensification des frappes en Irak et en Syrie après les attentats du 13 novembre 2015 a pu laisser penser, et la presse nationale et internationale s’en sont fait l’écho, que la France ne pourrait à court terme mener les opérations qu’elle entend avec ses propres moyens.

Les rapporteurs s’en sont émus et ont reçu les assurances nécessaires : nos forces ont les moyens de poursuivre leur action après les frappes effectuées depuis 2014, que l’on peut estimer, nous l’avons vu, à près de 700, en l’absence de chiffre officiel communiqué. Toutefois il est normal que des stocks ponctionnés baissent. Le niveau d’engagement de l’armée de l’air étant actuellement supérieur à celui de la situation opérationnelle de référence, la consommation de bombes suit naturellement cette tendance. C’est ce qu’ont anticipé l’armée de l’air et la DGA en lançant une procédure d’appel d’offres au début de 2015, destinée à couvrir la consommation à l’horizon de plusieurs années.

Par ailleurs, l’état-major de l’armée de l’air a souhaité disposer à court terme d’une bombe à effet collatéraux réduits pour les opérations en cours. Des BLU 126 (17), qui sont des BLU-111 de 250 kg sous-chargées en explosifs, ont ainsi été achetées aux États-Unis, qualifiées par la DGA et autorisées d’emploi en octobre 2015 sur Mirage 2000 et Rafale. Le premier tir a eu lieu depuis un Rafale, en octobre, dans le cadre de l’opération Chammal.

Si l’intensité devait être telle que le stock s’épuise plus rapidement que dans les prévisions les plus hautes, les solutions sont le recours à nos alliés ou à la démarche générale de l’OTAN visant à mutualiser les stocks interalliés, à l’instar de l’initiative du Danemark, décrite dans l’encadré ci-après.

Initiative danoise d’acquisition et de mise en commun
de munitions au sein de l’OTAN

Contexte

Les munitions guidées de précision (PGM) constituent l’une des 16 lacunes capacitaires identifiées de l’Alliance et mise en avant lors du Sommet de l’OTAN du Pays de Galles du septembre 2014. L’initiative danoise sur les munitions guidées de précision a été lancée formellement à l’occasion de ce Sommet par la signature d’une lettre d’intention (LoI) entre six nations : Danemark, République tchèque, Grèce, Norvège, Portugal et Espagne. Cette démarche avait reçu le soutien des États-Unis et de la France, même si ces deux nations n’avaient pas souhaité signer la LoI.

Le projet engagé visait initialement à favoriser des accords bilatéraux / multilatéraux pour le prêt de munitions, à définir un processus d’acquisition multinationale à l’OTAN pour alimenter les stocks et à étudier la possibilité de créer un stock de munitions multinational à l’OTAN géré en commun.

Situation du projet

Le projet est aujourd’hui piloté par l’organisation d’acquisition de défense et logistique danoise (DALO) au travers d’un groupe de projet (PGM WG) qui s’est réuni plusieurs fois depuis l’automne 2014. L’objectif principal du Danemark est de reconstituer son stock de PGM largement consommé à la suite des opérations en Libye, au moyen d’une enveloppe budgétaire nationale disponible et prévue à cet effet.

Le projet s’est donc recentré sur l’acquisition en commun de munitions (américaines, même si cela n’apparaît pas de manière explicite dans les textes en cours de préparation) au travers d’une nation cadre ou d’une agence ou organisation de l’OTAN (l’agence de soutien et d’acquisition de l’OTAN, la NSPA, étant l’agence privilégiée pour cette option), laissant à des analyses ultérieures l’aspect stock commun.

Cette initiative est aujourd’hui le projet pilote identifié par les États-Unis pour tester le concept d’acquisition groupé sous le processus Foreign Military Sales (FMS) au travers d’une nation cadre (ou d’une agence ou organisation de l’OTAN) agissant au nom et pour le compte de plusieurs autres nations clientes. Ce concept repose sur une facilitation du processus de premier re-transfert du matériel acquis en FMS par la nation cadre vers les nations clientes.

L’activité du PGM WG est aujourd’hui principalement centrée sur la rédaction du Mémoire d’Entente (MoU) cadre dont les objectifs sont :

– d’améliorer les capacités, l’efficacité et l’efficience de l’approvisionnement de PGM ;

– d’obtenir de meilleures conditions de prix ou de calendrier de livraison ;

– d’améliorer la sécurité des approvisionnements de PGM ;

– et de faciliter le transfert des PGM entre les États participants.

Source : DGA.

Ceci dit, une tension sur le marché des bombes est observée car de nombreux pays réarment. Les États-Unis disent (18) avoir du mal à renouveler rapidement le stock de munitions de leurs alliés du Golf Cooperation Council (GCC), composé de Bahrein, du Koweit, du Qatar, de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis, qui sont tous impliqués à des degrés divers dans des opérations en Syrie, en Irak ou au Yémen. La faute en serait le délai exigé par la procédure de Foreign Military Sale (FMS), estimée trop lente.

Le gouvernement américain vient d’autoriser, pour 1,3 milliard de dollars, la vente de 12 000 bombes de 200 à 900 kg, de 1 500 bombes pénétrantes « bunker buster » et 6 300 bombes guidées Paveway II et Paveway III à l’Arabie Saoudite. (19) Il n’est, semble-t-il, pas illégitime de penser que, nonobstant les capacités de production américaines sans commune mesure avec celles des pays européens, les États-Unis ne pourront peut-être pas fournir tous leurs clients potentiels simultanément.

b. Sous l’angle industriel

Un marché est donc en cours pour l’achat de bombes et il se pourrait qu’à l’issue de la procédure, le fabricant ne soit pas français. Cette option est possible car les acteurs français sont quasiment absents de ce secteur. Il s’agit là, au même titre que pour les munitions de petit calibre, d’un sujet d’inquiétude concernant notre souveraineté et notre sécurité d’approvisionnements.

Les principaux acteurs sont en effet américains, avec Boeing, Northrop Grumman et General Dynamics, connu pour la série Mk80. En Europe, se trouvent quelques producteurs : SEI, filiale italienne de l’allemand Rheinmetall, Expal en Espagne et Saab en Suède.

La préoccupation des rapporteurs est la suivante : le leader européen est la société italienne SEI, devenue RWM Italia Munitions S.r.l, filiale de Rheinmetall. La société mère est donc allemande. Il est, dans ce cas, nécessaire de s’interroger sur l’indépendance de cette société au regard des freins administratifs que pourrait mettre l’Allemagne à l’exportation de matériel de guerre. Par ailleurs, la position prudente de l’Italie quant aux frappes au Levant pourrait, elle aussi, influencer sa position en matière d’exportations d’armements. La circonspection serait également de mise avec l’Espagne et la Suède, dans des considérations du même ordre. De plus, si un fabricant étranger était choisi et devenait intégrateur des munitions, il devrait avoir accès à des informations stratégiques confidentielles.

Les rapporteurs rappellent à ce propos le postulat du Livre blanc : « Le maintien de notre autonomie stratégique, gage de liberté de décision et d’action, s’impose comme le premier principe de notre stratégie ».

Le seul fabricant français de corps de bombes, la Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP), en dehors de MBDA pour les bombes marines muratisées, est en grandes difficultés. Une procédure judiciaire intentée pour soutien abusif l’opposant à la DGA, les rapporteurs ne peuvent relater les épisodes d’une relation difficile.

Ils peuvent en revanche regretter la disparition potentielle d’un savoir-faire rare car, si les corps de bombes semblent à l’œil du profane de simples tôles remplies d’explosif, il s’agit en réalité d’objets en acier forgé ne tolérant que peu d’écarts de poids et de gravité, faute de représenter un danger pour le vecteur au moment du largage. Ce savoir-faire est précieux pour une capacité critique, on le constate aujourd’hui, car les bombes sont les premières munitions utilisées en grand nombre lors des conflits. Compte tenu de la capacité d’emport des vecteurs (si le Mirage 2000 emporte généralement deux bombes le Rafale en emporte six), il apparaît clairement, au vu du rythme des opérations, que le besoin en bombes est en train de croître.

La SAMP a indiqué aux rapporteurs qu’elle détenait autour de 900 corps de bombes en voie d’achèvement et qu’elle a conservé une capacité de production réduite lui permettant de mener ce travail à bien. Ces corps de bombes, qu’il conviendrait de charger en sous-traitance, seraient susceptibles d’être disponibles à court terme.

Les rapporteurs souhaitent que l’option d’une acquisition des corps de bombes disponibles soit étudiée, et qu’à tout le moins ait lieu une expertise afin d’en établir l’état. Ils déplorent également que cette activité ne semble intéresser aucun grand groupe qui pourrait se l’adjoindre afin de diversifier son offre et de produire des bombes françaises à un coût raisonnable.

Si le maintien d’une source compétitive d’approvisionnement française en corps de bombes est souhaitable, voire nécessaire, les rapporteurs estiment qu’il convient, de manière générale, de mener une réflexion de fond sur l’adéquation des moyens à la cible, afin de les dimensionner au plus juste.

3. La contrainte budgétaire et le coût des munitions

Sans dévoiler de données stratégiques, et bien que nos forces disposent des moyens opérationnels nécessaires, il serait toutefois naïf de penser que toutes les munitions sont à un niveau de stock satisfaisant. Les disparités sont nombreuses en raison notamment de commandes post-guerre froide en chute libre qui n’ont pas permis de constituer certains stocks rapidement, des contraintes budgétaires et, il convient de ne pas l’oublier, de la réduction constante au cours des dernières années du format des armées qui a naturellement eu un effet sur le soutien, dont les munitions.

Toutefois, s’il est historiquement vrai que le volume de munitions tend à suivre la courbe des effectifs, l’évolution n’est pas linéaire. La réduction du volume des forces ne pouvant impliquer une réduction des capacités, elle entraîne naturellement un accroissement de la qualité des équipements et de la préparation opérationnelle avec une augmentation des coûts.

La contrainte budgétaire nécessite donc de faire des choix en hiérarchisant les besoins dans le maintien de l’équilibre de la réponse opérationnelle.

Une autre difficulté est l’évolution du coût des munitions en raison de l’effet conjugué de l’amélioration des performances, des exigences de sécurité et des règlements internationaux qui influe sur les coûts de développement et de production et fait augmenter les coûts d’acquisition des munitions. Les armées se sont ouvertes de cette préoccupation aux rapporteurs car elles constatent que chaque évolution ou renouvellement de matériel entraîne une augmentation des prix telle qu’elle impose le recours à la simulation au détriment de l’entraînement en grandeur réelle. Le MILAN est à ce titre un exemple emblématique puisque sa valeur unitaire est de 8 500 euros alors que celle de son remplaçant s’élève à 193 000 euros. Cela ne concerne pas que les missiles, puisque les munitions de 20 mm tirées par l’AMX10-P coûtent autour de 50 euros alors que celles de 25 mm du VBCI sont trois fois plus chères.

Certaines munitions produites en petites séries, les missiles, par exemple, nécessitent des développements si lourds qu’ils impliquent la recherche de partenariats, toujours dans le cadre du respect de la souveraineté. La coopération permet le partage des coûts de développement, celui des coûts de soutien dans certains cas, et l’acquisition d’unités supplémentaires grâce aux économies faites sur le développement. Elle facilite par ailleurs, plus souvent que ne le fait un développement national, la réalisation d’un produit exportable.

La France est partie prenante dans les partenariats de production suivants.

Domaine

Programme

Pays

Missiles

Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) – Missile Aster

Italie, Royaume-Uni

Missiles

METEOR

Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède

Missiles

SCALP et Missile antinavire léger ANL (FASGW(H)/ANL)

Royaume-Uni

Torpilles

Torpille MU90

Italie

Source : DGA.

Avec le Royaume-Uni, la France est engagée, au travers de la démarche intitulée One Complex Weapon, dans un partenariat visant à consolider, une filière missilière industrielle commune souveraine et pérenne autour de MBDA.

4. La pérennité de la production

a. Les délais de livraison

Nexter Munitions indique que les délais de livraison sont de douze à seize mois pour les munitions de moyen calibre, selon qu’il s’agit de poudres sur mesure ou d’explosifs standard. La nature de cette production ne permet pas un stockage des approvisionnements. La livraison des munitions complexes, par exemple, l’obus BONUS (20), munition intelligente optronique, peut aller jusqu’à 24 mois.

Des craintes concernant la disponibilité de l’AASM (21) sont également perceptibles. Le systémier SAGEM, filiale de SAFRAN, produit les kits pour l’armement air-sol modulaire communément assimilés aux missiles, bien qu’il s’agisse de modules de guidage. Leur délai de production est de deux ans et il n’est pas certain qu’il puisse être diminué mais la chaîne de production semble assurée pour plusieurs années encore. Ces munitions sophistiquées sont certes plus chères mais tirées en moins grand nombre pour une même efficacité militaire. Là où quatre Jaguar et seize bombes non guidées étaient nécessaires, il suffit aujourd’hui d’un Rafale et de quatre bombes guidées, voire moins.

À cet égard, les rapporteurs observent que, si les délais sont essentiellement le fait de l’industrie, la longueur du processus administratif de passation de commande est également à prendre en compte. Il leur semble qu’il est possible d’agir sur ce segment.

b. Les matières premières

Les industriels ne semblent pas nourrir d’inquiétude particulière sur ce plan. Nexter Munitions indique n’avoir aucun problème pour se fournir en poudre de tungstène ou en tantale, par exemple. Néanmoins les spécifications imposées aux fournisseurs étant très précises tout écart peut nécessiter une nouvelle qualification imposant une campagne de tirs longue et onéreuse.

Les rapporteurs estiment toutefois que les matières premières sont un sujet trop important pour passer au second plan. L’histoire enseigne que la maîtrise des voies commerciales est un instrument stratégique dans le déroulement des conflits. Ils suggèrent que, par sécurité, soient identifiées les matières premières importées en source unique.

c. Une production massive sur une période trop réduite

Les rapporteurs observent que le mode de production des munitions complexes, dont les missiles, a des conséquences regrettables. En effet, sortis quasiment simultanément des chaînes de production, les missiles atteignent tous leur date d’entretien, de rénovation ou de péremption au même moment, avec un risque de rupture capacitaire et d’impossible reconstitution rapide des stocks si la situation l’exige. Une remise en route peut par ailleurs représenter un coût rédhibitoire indépendamment de la rupture, parfois définitive, de la chaîne de sous-traitance.

Nexter Munitions indique que le redémarrage d’une chaîne de production est possible, comme ce fut le cas pour l’obus BONUS dont la production a cessé en 2003 pour reprendre il y a trois ans. Il reste qu’une période de deux ans fut nécessaire au redémarrage de cette chaîne, dont chaque poste dut être requalifié.

L’interruption d’une production présente donc un risque qui doit être bien évalué, au vu du délai incompressible de relance de l’outil industriel en cas de crise. Les rapporteurs souhaitent que les industriels et la défense réfléchissent ensemble, dans une logique de flux, à une solution alliant la constitution d’un stock de base et des prises de commandes régulières permettant le maintien des chaînes de production dont les performances doivent être en mesure de répondre à une intensification des besoins dictée par l’urgence opérationnelle.

d. Des contrats trop courts

À cet égard, les industriels qu’ont rencontrés les rapporteurs insistent sur la nécessité de leur permettre de s’inscrire dans le long terme et de se voir proposer des contrats pluriannuels plutôt qu’une succession de petites commandes au cadencement aléatoire. Ces contrats sont la meilleure garantie non seulement du maintien du tissu industriel, dont la chaîne de sous-traitance, mais également de la compétitivité sur le marché national et international, ainsi que des investissements et de la recherche. Un mouvement dans ce sens semblait avoir été initié, mais la tendance récente à des contrats d’une tranche ferme d’un an assortie de tranches conditionnelles paraît reprendre de la vigueur, remettant en cause les contrats pluriannuels.

Les industriels regrettent également, comme l’ont déjà souligné les rapporteurs à plusieurs reprises, que les munitions constituent une variable d’ajustement budgétaire et ne drainent qu’une faible part des crédits d’études amont.

DEUXIÈME PARTIE :
L’UTILISATION OPÉRATIONNELLE

I. UNE LOGISTIQUE COMPLEXE

Achetées, stockées, acheminées, rapatriées, consommées ou détruites, le parcours des munitions suit une chaîne logistique dont le SIMu est l’opérateur central.

A. LE SERVICE INTERARMÉES DES MUNITIONS

La mission du SIMu consiste à mettre à disposition des forces, en tous lieux et en tout temps, des munitions de toutes natures en quantité et en qualité requises, en assurant aux utilisateurs leur sécurité d’emploi.

Dans le cadre du contrat opérationnel fixé par l’EMA, le SIMu est chargé du soutien opérationnel des forces dans le domaine des munitions. Outre le ravitaillement en munitions, ce soutien opérationnel se traduit par la mise à disposition de personnels qualifiés au profit des OPEX et des missions de courte durée (MCD) (22).

Le SIMu s’impose aujourd’hui comme l’acteur incontournable de la fonction munitions et participe à sa gouvernance.

1. La création du SIMu

Avant la création du SIMu en 2011, chaque armée disposait, au sein de ses services de soutien, de sa propre organisation et de ses propres dépôts de munitions. Il s’agissait de la direction centrale du matériel (DCMAT) pour l’armée de terre, du service de soutien de la flotte (SSF) pour la marine et le commandement du soutien des forces aériennes (CSFA) pour l’armée de l’air.

Ce type d’organisation ne favorisait pas les échanges, la rationalisation des stockages ou l’harmonisation des règles en matière de sécurité.

Porté sur les fonts baptismaux dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le SIMu place désormais, dans l’organisation interarmées des soutiens (OIAS), la fonction munitions au même niveau que les autres fonctions que sont le service de santé des armées (SSA), le service des essences des armées (SEA), la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) et le service du commissariat des armées (SCA), ce dont se félicitent les rapporteurs bien qu’ils craignent encore que cette fonction ne bénéficie pas tout à fait de la considération qu’elle mérite.

Le SIMu gère tous les types de munitions en service dans les armées, hors dissuasion, de la munition de 5,5 mm au missile EXOCET ou SCALP. Le stock qu’il abrite représente 120 000 tonnes de munitions, dont plus de 20 000 à éliminer, pour une valeur totale de 8,5 milliards d’euros.

2. L’organisation du SIMu

Le SIMu est composé d’une direction de 108 personnes localisée à Versailles, et d’entités décentralisées réparties en métropole et outremer :

– le bureau expertise munitions (Salbris, Savigny-en-Septaine, Brest et Toulon), en liaison avec le centre d’expertise de l’armement embarqué (CEAE) pour les munitions embarquées ;

– la cellule maintenance du système d’information logistique munitions (SIL) GTSM2, à Savigny-en-Septaine ;

– à la date du 1er septembre 2015, le SIMu dispose de seize dépôts de munitions, en métropole, regroupés au sein de sept établissements principaux des munitions (EP Mu) situés en Bretagne (Brest, Coëtquidan), Champagne-Picardie (Brienne-le-Château, Connantray), Alsace-Lorraine (Le Rozelier, Neubourg), Centre (Savigny-en-Septaine, Salbris), Provence (Miramas, Fontvieille), Méditerranée (Toulon, Tourris, Canjuers, Solenzara) et en Aquitaine (Cazaux, Sedzère).

Présentation ORG SIMu 2013
IMPLANTATIONS DU SIMU EN MÉTROPOLE 
(23)

Source : Service interarmées des munitions.

Depuis décembre 2011, cinq dépôts de munitions situés outre-mer et quatre à l’étranger (Djibouti, Gabon, Sénégal et Émirats arabes unis) sont subordonnés au SIMu. Le dépôt des forces françaises en Côte d’Ivoire lui a été transféré en janvier 2015.

IMPLANTATIONS DU SIMu OUTREMER ET À L’ÉTRANGER

résentation DMu OMESource : Service interarmées des munitions.

Les relations entre les armées et le SIMu sont régies par un protocole et un contrat de service signés avec chacune d’elle ou en passe de l’être.

3. Son budget

Le SIMu dispose d’un budget de fonctionnement de 9,5 millions d’euros (24) en 2015. Ce budget lui permet de répondre aux besoins principaux suivants : la fabrication d’éléments NEDEX, les fournitures nécessaires aux opérations de MCO réalisées en interne, l’acquisition et l’entretien des équipements nécessaires à l’exécution de ses tâches, ses frais de déplacements et frais divers, les éliminations de munitions (soit 3,6 millions d’euros par an), les visites détaillées effectuées par la DGA/T (soit environ un million d’euros par an).

4. La fonction achat

La fonction achats du SIMu s’exerce au profit des armées et à celui de ses besoins propres. Il s’agit d’une fonction déterminante qui conditionne la fluidité des achats et la réactivité aux demandes des différentes armées. En effet, un poste d’acheteur non pourvu, comme cela s’est vu dans le passé, peut entraîner un allongement significatif des délais de mise à disposition effective des munitions. Les rapporteurs insistent donc sur la nécessité de maintenir ces effectifs au juste niveau. Ils sont aujourd’hui les suivants :

– un attaché d’administration, acheteur professionnel formé à l’institut des hautes études économiques et commerciales (INSEEC) ;

– deux commissaires des armées possédant la spécialité d’acheteur formés, l’un à l’institut supérieur de gestion de Paris, l’autre possédant un master 2 en management stratégique des achats acquis à l’IAE de Grenoble ;

– un sous-officier acheteur public, breveté supérieur, formé en interne ;

– un commissaire acheteur, chargé des acquisitions auprès de la NSPA, licencié en gestion ;

– un sous-officier de la branche « pilotage budget finances » chargé du suivi des dossiers d’acquisition auprès de la NSPA.

5. Les systèmes d’information logistique

Lors de la création du SIMu, l’EMA a décidé que le système d’information logistique (SIL) munitions serait GTSM2, qui était le système utilisé par l’armée de terre. Ainsi, pour ce qui concerne les munitions et les artifices pyrotechniques, les SIL de l’armée de l’air et de la marine ont basculé vers GTSM2. Or, comme cela se produit souvent, l’architecture des différents SIL a engendré des incompatibilités, notamment pour la marine dont les spécificités étaient mal prises en compte. La marine estime à ce propos qu’elle a une moins bonne visibilité de ses stocks depuis la création du SIMu.

Un nouveau SIL, dénommé GTSM2 modifié, intégrant les spécificités des armées, devrait voir le jour aux alentours de 2019. Cette avancée reste néanmoins conditionnée à une prise de décision et à la mise en place d’un financement estimé à environ sept millions d’euros. Elle est, souhaitée par le SIMu qui voit dans cette réforme une simplification notable de son travail.

Le projet est dans la phase de cadrage et d’élaboration du besoin. Le financement n’a pas encore été accordé

6. Les dépôts de munitions

Aux yeux du profane, les dépôts de munitions sont des lieux étonnants de par leur taille, leur isolement, imposé par la dangerosité qu’ils représentent et les mesures de sécurité induites, et leur écosystème particulièrement riche, qu’il s’agisse de la faune ou de la flore. La cohabitation de la plus haute technicité avec une nature exubérante est ici particulièrement frappante.

Si tous les dépôts ont la même vocation, leur activité varie selon leur environnement de proximité, à dominante marine, terrienne ou aérienne, et les régiments qu’ils servent. Ainsi les dépôts servant la marine, ont la particularité de délivrer de petites quantités d’une grande variété de munitions, souvent avec un faible préavis, avec des mouvements incessants qui suivent l’activité de la base navale. Les bâtiments placés en cale sèche, par exemple, sont vidés de leurs munitions. On peut considérer qu’environ 30 à 50 % du stock géré par l’EPMu de Toulon est embarqué et que 80 % du stock marine est abrité dans les dépôts de l’EPMu de Toulon.

Le dépôt de Toulon/Tourris soutient par exemple 95 unités, dont trois unités de l’armée de terre, soit 250 services environ, et gère 1 500 produits selon la nomenclature OTAN.

7. L’infrastructure

Plusieurs types d’infrastructures de stockage sont mises en oeuvre par le SIMu pour conserver les munitions. L’igloo, la structure idéale, au nombre de 613, en constitue un premier exemple. Le site de Brienne-le-Château en compte 241, ce qui représente la moitié du stock national en termes de capacité. Il existe par ailleurs d’autres types d’infrastructures parmi lesquelles 104 magasins enterrés ou semi-enterrés, 525 magasins aériens ou bien encore 51 d’une autre nature : cavernes, shelters, poudrières ou structures métallo-textiles.

Trois ateliers sont chargés de la fabrication de munitions pour le NEDEX tandis que 107 autres sont consacrés à la maintenance de munitions de différente nature, qu’il s’agisse de missiles ou de petites munitions.

Au sein de chaque emprise, les munitions sont stockées selon les règles de sécurité pyrotechniques en vigueur (décret n° 2013-973 du 29 octobre 2013 relatif à la prévention des risques particuliers) et l’étude de sécurité pyrotechnique approuvée, prenant en compte les données techniques de chaque munition, en particulier, leur classe de stockage, leur division de risque et leurs effets en cas d’explosion. Les bâtiments sont séparés par des merlons et comportent une partie soufflable en cas d’explosion.

Depuis la création du SIMu, ont été construits deux ouvrages : le dépôt de Canjuers, qui s’effondrait, a été rasé puis reconstruit intégralement et un atelier moderne situé à Tourris a été inauguré en 2013.

L’investissement consacré aux infrastructures est en moyenne de quinze millions d’euros par an, ce budget étant en baisse compte tenu des restrictions budgétaires actuelles. Le budget 2014 a principalement servi à la reconstruction du dépôt de Canjuers, évoquée plus haut, ainsi qu’à la construction d’ateliers de maintenance attendus depuis plusieurs années à Brienne-le-Château, où certains ateliers sont abrités sous de simples tentes ; des travaux de modernisation vont être entrepris à Miramas et à Brest.

Le SIMu étant un service interarmées, chaque emprise a vocation à pouvoir stocker tout type de munitions, quel que soit son propriétaire, mais la répartition des munitions au sein des dépôts tient compte des critères suivants :

– les capacités de stockage de chaque dépôt ;

– les spécificités des munitions : missiles « marine », torpilles, mines dans les pyrotechnies de Brest et de Toulon ainsi que dans le dépôt de Fontvieille, et missiles « air » dans les dépôts de Savigny, Cazaux et Solenzara ;

– la spécificité des unités rattachées à soutenir : exemple : missiles « air » à Brienne-le-Château au profit de la base aérienne de Saint-Dizier ; munitions d’artillerie à Connantray ou Canjuers pour les campagnes de tir des unités de l’armée de terre, etc.

Les emprises libérées ont, pour certaines, déjà trouvées preneur. Le site de Billard sera repris en totalité par l’armée de terre. Pour celui de Salbris, une étude de MBDA et Nexter est en cours pour une éventuelle reprise afin d’y effectuer des activités pyrotechniques de stockage et d’élimination de munitions et de déchets de tir. La société Eurobengale, spécialisée dans les feux d’artifice, a manifesté son intérêt pour reprendre le site de Connantray. Il n’existe pas de proposition de reprise pour les sites de Fontvieille et de Neubourg, le maintien de ce dernier étant par ailleurs à l’étude. La délégation aux restructurations et la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives sont en charge de la reconversion des sites mais le SIMu peut transmettre des propositions de reprise issues du domaine pyrotechnique ou munitionnaire.

8. Le maintien en condition opérationnelle

Le MCO joue un rôle essentiel puisque la mission du SIMu est de mettre à disposition des forces des munitions sûres, dont l’effet terminal attendu est assuré et dont la mise en œuvre ne met pas les personnels en danger.

Le MCO d’une munition se subdivise en différentes opérations réalisées par le SIMu ou externalisées :

– les opérations réalisées par les personnels du SIMu : la réception, la mise en condition pour le stockage, la mise en condition pour expédition ;

– les opérations réalisées en interne ou par l’intermédiaire de marchés gérés par le SIMu : l’entretien préventif, l’entretien correctif, et l’élimination.

Chacune de ces opérations nécessite des moyens humains, techniques et financiers, gérés par le SIMu. Pour ce faire, le SIMu, qui est un service récent, bénéficie encore du soutien de la SIMMT, de la SIMMAD et de la DGA pour la contractualisation de certains de ses marchés.

La maintenance préventive des munitions communes est réalisée au moyen de visites sommaires par un contrôle visuel quantitatif et qualitatif et de visites détaillées par un contrôle, essais et tirs, des performances et par une analyse chimique ou radiologique des différents composants pour s’assurer de leur tenue dans le temps. Celle des munitions complexes, missiles, torpilles, mines, s’effectue lors de passages périodiques sur leur banc de test.

Le maintien en condition opérationnelle recouvre donc une multitude de tâches allant du simple contrôle visuel des dispositifs de mesure de l’hygrométrie ou de la présence d’exsudat sur les cartouches, à une visite approfondie des munitions complexes, pouvant aller jusqu’à dix jours pour certains modèles. Certains missiles sont retournés pour révision contractuelle périodique chez l’industriel, tel le missile Aster qui repart à intervalles réguliers chez son fabricant.

Il s’agit en outre d’un exercice à la planification complexe puisque le besoin opérationnel doit pouvoir être satisfait à tout moment. Par ailleurs, la mise en œuvre même de cet entretien est délicate car les règles de sécurité rendent, sur un même dépôt, toutes les activités interdépendantes en fonction du timbrage, ou charge active, des munitions visitées ou de l’endroit où elles se trouvent. Ainsi certaines opérations doivent être suspendues pour permettre à d’autres de se dérouler, quand bien même elles ne se déroulent pas dans des locaux contigus.

Les révisions s’effectuent en lien étroit avec les industriels qui assurent de leur côté l’entretien des bancs par le biais d’un marché.

Les personnels observent toutefois que les réductions budgétaires ont un impact négatif sur le MCO et que les conditions de travail se dégradent qu’il s’agisse de bâtiments insalubres ou d’outillage non renouvelé.

9. Le personnel

Le personnel est la préoccupation majeure du SIMu qui est totalement dépendant de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) pour son personnel civil et des directions des ressources humaines de chaque armée pour son personnel militaire.

Depuis sa création et, en vertu du plan « SIMu 2019 », le service verra ses effectifs réduits de 22 %, soit environ 500 pyrotechniciens en moins de 2008 à 2019, alors que ses missions sont restées identiques, avec un très lourd surcroît d’activité dû au regroupement des dépôts.

Le référentiel des effectifs en organisation (REO) 2015 décrit 1 390 postes, dont 85 officiers, 298 sous-officiers, 149 militaires du rang et 858 personnels civils (51 de catégorie A, 49 de catégorie B, 122 de catégorie C et 636 ouvriers de l’État).

Au 31 octobre 2015, les effectifs réalisés sont de 1 289 personnels composés à hauteur de 40 % par du personnel militaire et de 60 % par du personnel civil. Parmi ces personnels, 68,4 % détiennent une compétence dans le domaine « munitions-pyrotechnie », 48 % dans le personnel militaire et 52 % dans le personnel civil. Les tâches pyrotechniques sont effectuées indifféremment par un personnel civil ou par un personnel militaire non projeté. Néanmoins le personnel militaire réalise, dans le cadre du soutien des forces, des destructions urgentes de munitions non explosées sur les camps d’entraînement, des désobusage de terrains difficiles d’accès, comme le grand champ de tir des Alpes par exemple. S’ajoutent à cela les obligations d’entraînement physique et d’entraînement opérationnel et la participation à la protection de son dépôt d’affectation.

a. Des déflations massives en passe d’être atténuées

Le SIMu perd tous les ans entre 30 et 50 personnels, essentiellement civils qui représentent, on l’a vu, 60 % des effectifs.

Toutefois, à la suite de l’annonce du président de la République d’une interruption des diminutions d’effectifs dans les armées, le SIMu a reçu des instructions l’autorisant à formuler des demandes de créations de postes dans deux catégories : la protection et l’activité opérationnelle. Les demandes suivantes, qui feront l’objet d’un arbitrage par l’EMA, vont donc être exprimées :

– des militaires supplémentaires pour la projection car, pour respecter le contrat opérationnel, le SIMu devrait pourvoir projeter 500 militaires alors qu’il ne dispose que de 435. Le SIMu souhaite par ailleurs rendre permanents les postes de missions de courtes durées d’outre-mer ce qui permettrait d’éviter d’employer quatre personnes pour un seul poste et libérerait des ressources pour la projection ;

– un sous-officier par site entièrement voué à la mission de protection ;

– un renfort de trois ETP gardiens-veilleurs supplémentaires sur certains site pour compenser les problématiques de temps de travail des personnels civils ouvriers de l’État ;

– le maintien d’un certain nombre de postes d’ouvriers de l’État qui devaient être supprimés.

b. Un climat social en demi-teinte

Le climat social au sein du SIMu est à l’image du climat dans la défense dans son ensemble. Un sentiment de saturation se développe au sein des personnels alors que les effets de la réduction des effectifs commencent à se faire sentir.

Les diminutions d’effectifs ont des effets conjoncturels directs sur les employés qui doivent réaliser, à la suite de la fermeture de certains dépôts, des manœuvres logistiques considérables. Ainsi les personnels doivent déplacer environ 6 000 containers de munitions, alors même qu’au plus fort de l’opération Serval, il ne s’était agi que de 750 containers. Cette manœuvre logistique de grande ampleur devrait s’étendre jusqu’à 2019, date à laquelle les activités du SIMu devraient retrouver leur équilibre, à moins qu’apparaisse une charge de travail liée à de nouvelles opérations et à de nouveaux déploiements.

Les fermetures de dépôts ont également pour conséquence de rattacher de nouveaux régiments aux dépôts subsistants qui, à effectifs constants, doivent prendre en charge des missions supplémentaires.

Cette manœuvre est encore ralentie dans les dépôts faisant l’objet de travaux, comme, par exemple, dans celui de Brienne-le-Château où seront construits des ateliers de maintenance durant une période de trois ans. En effet, afin de garantir la sécurité des entreprises civiles intervenant sur le chantier au sein d’une zone de risque, certaines installations sont condamnées ou bien des horaires de travail décalés sont mis en place. À Brienne-le-Château, une trentaine d’igloos sur 240 sera donc potentiellement condamnée pendant la durée des travaux.

c. La mise à disposition de personnel par les armées

Le SIMu dispose donc de 435 postes de pyrotechniciens militaires répartis, pour des raisons fonctionnelles, entre une composante socle (60 %) de l’échelon central et des dépôts de munitions, et une composante projetable (40 %). En fait, avec un taux de projection de près de 50 % du personnel réellement disponible, le volume de la composante projetable est loin d’être suffisant.

Les militaires du SIMu sont mis à disposition par leur armée d’origine et n’ont donc tous ni la même culture, la même expérience et la même formation. Les pyrotechniciens de l’armée de l’air, par exemple, ont suivi une formation plus axée sur le MCO de la chaîne armement d’un avion tandis que les militaires de l’armée de terre plus familiers du travail dans un dépôt de munition. Le SIMu ne peut donc envoyer un aviateur en OPEX sans une formation spécifique, à la définition de laquelle il travaille. L’armée de l’air peine, par ailleurs, à fournir au SIMu le personnel en nombre attendu (- 10 %), elle-même victime d’un déficit de personnel armurier. Elle met à la disposition du SIMu exclusivement du personnel militaire, alors que l’armée de terre et la marine nationale mettent également des civils à disposition.

d. Le personnel civil

La place des civils est importante car ils assurent la permanence et la mémoire du soutien, alors que les militaires sont projetés et que leur mutation intervient à intervalles rapprochés. Le personnel exprime par ailleurs la crainte de la disparition progressive des ouvriers de l’État et l’espoir d’une uniformisation des statuts, ouvrier de l’État, agent technique du ministère de la Défense, selon l’adage « même métier, même statut ».

La moyenne d’âge des ouvriers de l’État est de 50 ans et ils pourraient ne pas être remplacés par les départs à la retraite, la situation devenant alors critique sur le terrain. Il convient de prendre garde à une logique comptable qui supprimerait les postes libérés sans considérer les missions.

e. La formation

Elle est, plus qu’ailleurs, la pierre angulaire de l’activité tant il est vrai qu’une connaissance approfondie du corpus de règles de sécurité, de la nature des matériaux et des gestes techniques est à proprement parler vitale. La formation est dispensée dans deux écoles dépendant toutes deux du ministère de la Défense. Il n’existe pas de formation dans le secteur privé.

i. Deux établissements de formation

Situés tous deux à Bourges, deux centres de formation se partagent la tâche.

Les Écoles de militaires de Bourges sont un établissement de l’armée de terre qui s’adresse principalement à ses ressortissants, militaires et personnels civils affecté dans un dépôt relevant précédemment de l’armée de terre. La formation, axée sur le volet opérationnel, s’articule en une formation initiale et une formation complémentaire de cinq mois chacune.

Le Centre de formation de la Défense (CFD) dépend quant à lui de la DRH-MD. Il propose un vaste panel de formations, dont des cursus pyrotechniques qui s’adressent surtout au personnel civil, avec une formation initiale de huit mois et une formation complémentaire de deux mois. Mais le CFD forme aujourd’hui autant de civils de la défense, que de militaires et de salariés de l’industrie munitionnaire et leur propose des formations de tous les niveaux, de l’opérateur au chef d’établissement, dont des formations diplômantes de niveau bac plus trois.

Le CFD travaille au développement d’un module par e-learning portant sur la réglementation. Le CFD est très favorable à l’harmonisation des formations.

ii. Une indispensable harmonisation

La disparité des formations, différentes dans leur contenu, leur durée et les qualifications finales est pour le SIMu un inconvénient majeur auquel il est indispensable de remédier, le système ayant de plus été en quelque sorte instrumentalisé par certains personnels désireux de raccourcir leur temps de formation en choisissant dans chaque établissement le module initial ou complémentaire le plus court.

Une commission spécialisée de la formation (CSF) « munitions et pyrotechnie », présidée par le directeur du SIMu, a été mise en place par le comité de coordination de la formation (CCF) pour harmoniser la formation des pyrotechniciens civils et militaires. Une première formation harmonisée (25) destinée aux ouvriers de l’État groupe IV a vu le jour, dont la première promotion a été diplômée le 12 novembre 2015. Une deuxième formation est en cours et une troisième débutera en janvier 2016. Cette formation se déroule pour partie dans les deux établissements.

Les travaux sont appelés à se poursuivre avec l’harmonisation de la formation (26) des personnels militaires, des personnels civils fonctionnaires de l’État et des ouvriers de l’État groupe VII.

Le SIMu disposera ainsi à terme de personnels ayant reçu la même formation en fonction de leur niveau, ce qui facilitera la gestion du personnel.

Ces cursus sont complétés en tant que de besoin par des formations dispensées par les industriels pour l’entretien des munitions complexes. La visite de missiles de type Exocet nécessite, par exemple, deux ans d’apprentissage. Il s’agit pour le personnel d’acquérir, d’une part, une polyvalence sur les différents modèles de missile et, d’autre part, d’effectuer des visites qui ne résultent pas en un simple « go / no go », c’est-à-dire bon ou mauvais, mais en une analyse débouchant sur une solution. L’EPMu de Toulon, par exemple, traite environ 40 munitions complexes par an. Les rapporteurs ont été impressionnés par le niveau de technicité du personnel.

10. La sécurité

Il s’agit d’une préoccupation constante, constitutive de l’activité. Tous les dépôts de munitions et les usines de fabrication de munitions sont classés « SEVESO seuil haut ». Situés parfois dans des environnements isolés, ils peuvent aussi être, comme l’EPMu de Toulon localisé dans l’enceinte de la base navale de Toulon, en zone urbaine. La sécurité est une véritable culture qui imprègne le moindre geste de la vie laborieuse quotidienne : les véhicules se garent en marche arrière pour permettre un départ rapide, le nombre de personnes dans une pièce est contingenté, etc. Cette culture de la sécurité pyrotechnique repose sur des règles très précises et s’enseigne dans des formations adaptées.

a. Pyrotechnique

La sécurisation des pyrotechnies repose sur la maîtrise et le contrôle des activités pyrotechniques à tous les niveaux. L’inspecteur des poudres et des explosifs veille donc à ce que les normes de sécurité soient respectées lors de la conception, de la fabrication et de l’emploi des munitions. Ainsi, l’IPE mène des études de sécurité puis émet des avis qui portent sur la conception d’une munition dans un cadre de fabrication donné et des conditions d’emploi et de maintenance précisées. Les avis de l’IPE sur la sécurité d’une munition sont soumis à l’autorité technique de la DGA.

Un corpus de normes législatives et réglementaires nationales, très riche comme le montre le tableau ci-dessous, et une réglementation de l’OTAN encadrent les opérations touchant de près ou de loin à la pyrotechnie. À partir de ces normes, l’IPE agit en autorité décisionnaire pour établir le classement de chaque type munitions, en vue de leur stockage dans les dépôts de munition français, et veille à la bonne application des normes de sécurité. Ce classement induit des conditions de conservation, de stockage, de transport, de traitement pour chaque type de munitions.

LA SÉCURITÉ PYROTECHNIQUE : UNE RÉGLEMENTATION QUI TOUCHE DE NOMBREUX DOMAINES

Source : Direction générale de l’armement.

Compte tenu de la nature même des produits et des matières manipulées, les activités pyrotechniques sont intrinsèquement dangereuses pour les personnels qui sont exposés à des risques d’accidents mortels.

La multiplication d’accidents graves a conduit au développement de nouvelles réglementations de ces activités dans les années 1970. Ces réglementations concernent les infrastructures, le transport interne, l’encadrement, la formation et l’information des personnels ainsi que les mesures administratives à caractère obligatoire. Les nouvelles mesures impliquent notamment la réalisation systématique d’une étude de sécurité du travail avant l’exercice de toute activité pyrotechnique. Depuis la création de ces études obligatoires, le nombre d’accidents du travail a chuté de façon significative.

Mais des accidents pyrotechniques se produisent régulièrement ainsi que le montre un extrait des recensements publiés régulièrement dans la Lettre de l’IPE.

Date

Lieu

Description

Bilan

19/12/2012

France

Explosion auprès des opérations de découpe à la lance thermique de corps de projectiles lors d’opérations de dénaturation de munitions réputées inertes.

2 blessés légers

19/02/2013

Italie

Incident dans le laboratoire d’analyse d’une fabrique de munitions lors de tests de sécurité des explosifs.

1 blessé brûlé

18/03/2013

États-Unis

Accident lors d’un tir d’entraînement avec des munitions de combat.

7 morts et plusieurs blessés graves

24/03/2013

Inde

Explosion dans une usine d’explosifs et de détonateurs.

1 mort et 3 blessés

28/03/2013

États-Unis

Explosion dans une unité de production de munitions éclairantes lors d’opérations de routine de nettoyage des poussières avant ou après la production d’un lot de munitions.

5 blessés

18/06/2013

Russie

Séries d’explosions dans un champ de tir atteint par un incendie de l’environnement qui s’est étendu à des stockages de munitions d’artillerie.

1 mort, une centaine de blessés dont 11 hospitalisés

04/09/2015

Argentine

Explosion dans une usine de production de poudre et d’explosifs dans une unité de fabrication de dynamite.

1 mort et plusieurs blessés

10/09/2013

États-Unis

Incendie dans une usine de fabrication de munitions et de dispositifs de contrôle de foule.

12 blessés

Source : Lettre de l’IPE – n° 32, Janvier 2014.

Pour veiller concrètement à la bonne sécurisation des activités pyrotechniques sur le sol français, l’IPE assure des inspections régulières. Les inspections ont pour but d’évaluer le niveau de connaissance et de maîtrise des risques techniques des personnels et des entreprises, de les conseiller sur la lecture, voire l’interprétation, des exigences réglementaires ; et, enfin de vérifier l’application effective des réglementations, des études de sécurité fournies, et des consignes de sécurisation. Toutefois, l’IPE ne possède pas de pouvoir de sanction et ces inspections ont aussi, voire surtout, pour but de maintenir la coopération et le débat entre l’IPE et les entreprises. Les inspections sont toujours l’occasion de discussions sur les réglementations et leurs applications. L’IPE n’intervient pas en ambiance opérationnelle. En cas de manquement constaté par l’IPE sur une base militaire, le contrôle général des armées et l’inspecteur du travail dans les armées sont directement avertis afin que des mesures soient prises.

b. Anti-intrusion

Si la protection était une priorité durant la guerre froide, cette préoccupation semble s’être graduellement dissoute au fil des réorganisations découlant de l’application de la RGPP, des réductions d’effectifs et de moyens.

i. L’organisation

Un dépôt de munitions constitue, dans son ensemble, une zone protégée (ZP), se subdivisant en une zone vie, hébergement, bureaux, ateliers, etc. et une zone de défense hautement sensible (ZDHS) comprenant la zone de stockage des munitions, les ateliers de maintenance et les zones de stationnement temporaire des véhicules pleins. Les principes généraux sont les suivants.

Les fonctions d’accueil et de filtrage sont assurées dans les deux zones, par :

– des gardiens-veilleurs, ouvriers de l’État ou ATMD, dans les dépôts ex-terre ;

– des commandos de l’air dans les dépôts ex-air ;

– du personnel de sociétés de droit privé dans les dépôts ex-marine, ce qui, pour ce qui concerne la ZDHS n’est pas conforme aux directives de l’EMA selon lesquelles ce personnel doit appartenir au ministère de la Défense.

La fonction intervention est, quant à elle, assurée par :

– du personnel militaire, mis à disposition par les trois armées, conformément aux protocoles signés avec le SIMu pour l’élément d’intervention (EI) ;

– des équipes cynophiles militaires, mises à disposition par les trois armées pour l’aide à la détection en complément de l’élément d’intervention.

ii. Le constat

Posé par le ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, devant la commission le 30 septembre 2015 (27), le constat est accablant : « On peut s’interroger sur les raisons de cette situation : après la chute du mur au centre de l’Europe et la fin du service militaire, l’infrastructure de protection a dû pâtir d’un manque d’attention collective ; il faut maintenant faire un effort majeur et j’y veillerai personnellement. De plus, les responsabilités des uns et des autres n’étaient pas clairement définies ; la création de la DPID, directement rattachée au ministre de la Défense et exécutoire, devrait pallier ce problème ».

Il aura donc fallu le vol de munitions (28) dans le dépôt de Miramas survenu début juillet 2015 pour obtenir une accélération des moyens consacrés à la protection de sites dont la vulnérabilité n’était pas méconnue puisque, comme l’a indiqué l’amiral Frédéric Renaudeau, directeur de la protection des installations, moyens et activités de la Défense (DPID), lors de son audition par la commission le 18 novembre 2015 (29), « des mesures, qui étaient programmées en fin de période de la LPM, ont été avancées à 2016-2017 ». En ce qui concerne le site de Miramas, l’amiral estime qu’il s’agit d’une « situation d’urgence impérieuse ».

C’est en juillet 2013 que les conclusions de ces audits ont été présentées à l’état-major des armées dont l’attention a été attirée sur la faiblesse des dispositifs de sécurité de certains dépôts de munitions. La transmission de ces conclusions au ministre a eu pour conséquence la publication d’une feuille de route en deux volets, renfort des ressources humaines et plan d’infrastructure.

La protection défense d’un site de stockage de munitions repose en effet sur plusieurs éléments qui constituent autant d’obstacles :

– la barrière de détection périphérique, permettant par exemple la détection d’un individu essayant de couper une grille d’accès à l’enceinte ;

– la détection périmétrique, par la présence d’alarmes sur les bâtiments ;

– les moyens humains et cynophiles ;

– la vidéosurveillance ;

– les igloos, qui demeurent l’enceinte de stockage la plus efficace de protection des munitions.

Les 220 hectares du site de Miramas ne disposaient d’aucun de ces équipements en juillet dernier.

iii. Les mesures

Les événements de Miramas ont constitué, non sans lien avec le contexte international, un électrochoc qui a permis d’approfondir les mesures déjà évoquées dans une feuille de route de l’EMA. À la suite des résultats de l’enquête de commandement diligentée, un plan d’action a été publié le 20 août 2015 détaillant une soixantaine de mesures destinées aux dépôts les plus critiques.

La DPID a été mandatée pour déterminer les mesures correctrices à mettre en œuvre. Elles sont de trois ordres :

– des mesures immédiates, principalement de renforcement en personnel militaire, de mise en place de barbelés, de réparation des équipements défectueux ;

– des mesures urgentes liées à des capacités intérimaires, dont la réalisation doit intervenir d’ici la fin de cette année, en l’espèce des systèmes de vidéo protection autonomes ;

– des mesures pérennes de renforcement de la protection, notamment de durcissement des bâtiments de stockage des munitions.

Les rapporteurs insistent sur l’indispensable standardisation des mesures de protection qui doivent impérativement faire l’objet de consignes obligatoires, comme c’est le cas pour les dépôts civils, carrières ou fabricants de produits explosifs, auxquels le ministère de l’Intérieur impose notamment barrières et caméras, ainsi qu’obligation de résultat.

La défense ne dispose en effet que d’un document du centre d’expertise des techniques de l’infrastructure de la défense (CETID) donnant de simples recommandations sur les mesures à adopter. Si l’on considère, d’une part, que la réunion des dépôts de munitions au sein d’un même service est récente, et que, de surcroît, les questions d’infrastructure sont instruites au niveau régional par les établissements du service d’infrastructure de la défense (ESID), il n’est guère surprenant que les sites répondent à des standards différents et présentent des disparités notables en matière de sécurisation.

Il est donc essentiel que soient mises en place des normes déterminant les équipements indispensables. Cette standardisation obligatoire aurait en outre l’avantage de permettre des économies d’échelle en traitant les marchés concernés par le service d’infrastructure de la défense (SID) à l’échelon national et non local.

La création du SIMu présente enfin l’avantage considérable d’offrir un interlocuteur unique en matière de sécurité, ce qui devrait faciliter la mise en œuvre des mesures préconisées.

Les rapporteurs considèrent que les normes devraient également concerner la dotation en personnel, que le SIMu a chiffrée précisément mais dont il n’est pas possible de faire état.

Ces normes constitueraient une base minimale, à laquelle il ne serait pas possible de déroger, mais au-delà de laquelle il ne serait pas interdit d’aller le cas échéant, en fonction des spécificités d’un site ou de circonstances particulières. L’imposition de standards à respecter protégerait en outre les dépenses de sécurité d’arbitrages budgétaires en leur défaveur. En effet, les rapporteurs craignent avant tout que la mémoire ne se perde rapidement et que la sécurisation des dépôts ne puisse devenir à nouveau une variable d’ajustement, alors que la protection d’un patrimoine de l’État représentant plusieurs milliards d’euros justifie à elle seule les moyens qui lui sont consacrés. L’accentuation de la menace terroriste constitue en outre une raison puissante pour consacrer les moyens nécessaires à cette tâche.

iv. Les autres sites de la défense ou exerçant une activité liée à la défense

Si les dépôts de munitions sont des cibles potentielles devant bénéficier d’une protection fiable, tous les sites de la défense ou en lien avec la défense le sont également. Aussi, dans son audition par la commission, le 13 octobre 2015, le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, a-t-il déclaré : « Enfin, à la suite de l’incident de Miramas, la prise en compte de la protection défense (PRODEF) est devenue prioritaire. À la demande du CEMA, qui en fait l’un de ses principaux sujets d’attention, l’armée de terre est en train d’étudier les postures qui lui permettraient de mieux surveiller ses emprises et de mieux protéger ses hommes et leurs familles, la PRODEF allant de la protection des cibles « dures » aux cibles « molles » (30). »

Dans le même esprit M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, a indiqué le 7 octobre 2015 à la commission : « Nous sommes concernés à la DGA par quelques dépôts situés dans certains établissements, à Bourges ou Biscarrosse. Un audit rapide a été mené par l’Inspection générale des armées, suite à l’affaire du dépôt de Miramas, montrant que nous aurons seulement quelques travaux d’amélioration à faire pour ce qui nous concerne, non significatifs financièrement, et qui pourront être entrepris dès 2016. Nous souhaitons être d’autant plus exemplaires dans ce domaine que lorsque nous commencerons les essais de missiles de moyenne portée, nous en aurons un certain stock. Cette question, par son ampleur, pose problème pour l’ensemble du ministère. » (31)

Par ailleurs, lors de leurs déplacements effectués durant le deuxième semestre 2015, les rapporteurs ont pu constater que tous les sites militaires ou civils visités avaient renforcé leur sécurité et contrôlaient strictement les accès à leurs installations.

B. LE TRANSPORT

1. Le transport stratégique

Le transport des stocks de munition sur le territoire français et à l’étranger est une mission périphérique stratégique essentielle dont les principaux acteurs sont le Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA) et le Centre des transports et transits de surface (CTTS). Respectivement créés en 2014 et 2008, ils sont tous deux des services interarmées.

Le CTTS est un « guichet unique » vers lequel convergent toutes les demandes de prestations de transport de fret des services du ministère de la Défense ; il se trouve sous l’autorité du CSOA qui gère l’ensemble des demandes de transport dites « stratégiques ». Le CSOA reçoit ses directives opérationnelles du Centre de programmation et de conduite des opérations (CPCO).

Le CSOA emploie 181 personnes, dont deux se consacrent, au sein d’une section munitions, aux demandes émanant des théâtres d’opération ; sur les 104 personnes qu’emploie le CTTS, cinq se consacrent au fret sensible, dont les munitions. Le transport des munitions représente 10 000 tonnes annuelles, soit environ 5 % du tonnage acheminé par le CTTS.

a. Les différents types de transport

Ils se classent en trois catégories :

– le transport des munitions du site industriel au dépôt de munitions : le préacheminement des munitions jusqu’au portail du dépôt ainsi que leur déchargement des moyens de transports est géré par le SIMu, qui est chargé de conclure des accords avec les industriels afin d’assurer le transport de la munition du lieu de conception au dépôt ;

– le transport des munitions de dépôt à dépôt ou vers un régiment : les transports entre dépôts sont assurés par le CTTS. Les unités devant bénéficier des munitions se chargent elles-mêmes de leur acheminement ;

– le transport des munitions vers l’outremer et l’étranger : les transports de munitions destinés à l’étranger pour le ravitaillement des forces déployées en OPEX, des forces prépositionnées ou la réalisation de grands exercices internationaux et les entraînements à l’étranger, sont des « transports stratégiques » mis en œuvre par le CSOA. Toutefois, le CSOA ne prend en charge l’acheminement des munitions qu’à partir de leur chargement dans le vecteur, train, navire ou avion. Le préacheminement jusqu’à ce vecteur est assuré par le CTTS.

b. Les voies d’acheminement des munitions

Elles sont, elles aussi, au nombre de trois : maritime, aérienne, terrestre (routière et ferroviaire). Elles s’effectuent en conformité avec les exigences des réglementations civiles et militaires afférentes à chaque mode de transport. (32)

– La voie maritime, la plus commune et régulière, est privilégiée par le CSOA. Deux navires permettent de desservir l’ensemble des emprises stratégiques des forces françaises. Il est également fait appel à la voie maritime commerciale.

– La voie aérienne est réservée à l’urgence. Le CSOA a alors recours aux ressources des armées ou bénéficie de celles mises à sa disposition par l’European air transport command (EATC) ; l’aviation civile est également sollicitée. Dans tous les cas, la difficulté principale consiste à obtenir les indispensables autorisations de survol, ou diplomatic clearances (33), de la part des États se trouvant sur l’itinéraire qui, pour certains, imposent des délais de plusieurs semaines voire les refusent, ou à obtenir une dérogation de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) pour transporter des munitions dans des aéronefs civils (34).

– Les voies routière et ferroviaire sont le domaine du CTTS qui dispose de vecteurs routiers militaires spécialisés mis à sa disposition par l’armée de l’air et l’armée de terre. Bien que très onéreuse, il peut être fait appel à la voie routière commerciale civile en cas de besoin. En ce qui concerne le rail, le CTTS peut recourir à des trains militaires en vertu d’un contrat stratégique avec la SNCF ainsi que d’une convention OPEX quadripartite (Défense, Secrétariat général aux transports, SNCF Réseau et SNCF Voyage), permettant, en cas d’urgence, de mobiliser un train dans un délai de 72 heures à 120 heures. Cette convention fut, par exemple, mise en œuvre avec succès lors des opérations Serval et Sangaris. Le transport ferroviaire constitue d’ailleurs la voie de transport privilégiée du CTTS car il permet d’effectuer des transports « de bout-en-bout » et de massifier les charges transportées tout en limitant les problèmes de sécurisation du convoi. Les dépôts de Brienne-le-Château et Miramas sont reliés au réseau ferroviaire.

c. Les délais de transport

Les délais varient selon les voies d’acheminement, les destinations finales et la nature des flux. Le CSOA détermine la voie de l’acheminement en fonction de la date de livraison désirée par le client.

Les approvisionnements réguliers par voie maritime affrétée (VMA) s’effectuent à raison de trois à quatre rotations annuelles vers l’océan Indien, d’une part, et vers la côte occidentale de l’Afrique et les Antilles et la Guyane, d’autre part. Ils permettent d’approvisionner les OPEX et les forces prépositionnées. Le délai est de huit à dix semaines entre la commande et la livraison. La voie aérienne est évidemment plus rapide avec un délai de deux à trois semaines pour la voie militaire et de cinq à huit pour la voie civile.

L’acheminement d’urgence vers les théâtres d’opération s’opère par voie aérienne en moins d’une semaine. Pour ce faire, le CSOA et le CTTS disposent tous deux de structures opérationnelles de gestion de crise 24 heures sur 24 afin de faire face aux urgences et aux hypothèses de montée en intensité brutale. C’est le CPCO qui hiérarchise les demandes en cas de demandes urgentes simultanées.

d. Les coûts du transport

Le montant des coûts de transport de munitions dépend du vecteur utilisé, de la destination, du degré d’urgence et de son taux de remplissage. Par conséquent, les coûts de transport peuvent être multipliés par onze, comme le démontre l’estimation des coûts de transport pour l’acheminement de munitions vers les théâtres africains en 2015, au départ d’Istres ou de Toulon.

ESTIMATION DU COÛT DE L’ACHEMINEMENT VERS L’AFRIQUE D’UNE TONNE DE MUNITIONS

Vecteurs

Destination

Coût / tonne

Voie aérienne militaire (A400M)

N’Djamena

5 750 €

Bangui

7 000 €

Affrètement aérien (AN124)

N’Djamena

4 200 €

Bangui

4 900 €

Voie maritime + VS

N’Djamena

620 €

Bangui

600 €

Source : CSOA.

Le transport par voie maritime et le rail sont de loin les moins onéreux. L’anticipation des demandes de transport est donc un facteur clef du coût final et il est nécessaire que les destinataires participent à la réduction des coûts en formulant leurs demandes très en amont.

e. La sécurisation des transports de munitions

Le transport de munitions répond à des règles de sécurité particulières garantissant à la fois la sécurité des personnels et celle du fret. La classification des munitions pour le transport est établie par l’inspecteur des poudres et explosifs sur demande du ministère des Transports. L’IPE veille également à l’application des règles de sécurité en vigueur.

– Les personnels

La formation des personnels est la garantie du bon déroulement de l’acheminement. L’ensemble des conducteurs militaires ou civils de la Défense amenés à réaliser des transports de marchandises dangereuses bénéficie d’une formation adaptée à la nature du fret, des matières explosives en l’occurrence. Chaque armée est responsable de la formation et des qualifications des personnels mis à disposition du CTTS pour l’organisation et l’exécution des missions de transports des munitions.

Enfin, dans les rares cas où la mission de transport de munitions est externalisée, les personnels de l’entreprise choisie sont soumis à une enquête et doivent, de la même façon que les militaires, obtenir une habilitation. Il est interdit à l’entreprise de recourir à des sous-traitants.

– Les munitions

L’instruction ministérielle 2200 « relative à la sécurité des transports et des acheminements de certains matériels sensibles effectués sous la responsabilité des armées » est appliquée pour sécuriser les transports routiers et ferroviaires de munitions. Le transport par voie navigable est en cours d’étude.

La présence d’un convoyeur armé par camion est obligatoire et les camions ne stationnent en gîtes étapes que dans des enceintes militaires sécurisées compatibles. Les préfectures, la gendarmerie et les délégués militaires départementaux sont informés de la programmation et du déroulement détaillés de ces transports.

Pour le transport par voie ferrée, le chargement est assuré par le spécialiste embarquement voie ferrée (SEVF) du dépôt, lui-même contrôlé par un contrôleur de la SNCF. Les conteneurs sont plombés par les armées. La responsabilité est transférée à la SNCF qui assure le bon déroulement et la sécurité de l’acheminement. Les conteneurs sont banalisés.

2. Le transport assuré par les unités

Les rapporteurs ont eu le sentiment que cette catégorie de transport était considérée si peu stratégique qu’il lui est accordé peu d’intérêt, hormis par ceux qui l’organisent avec les faibles moyens à leur disposition.

Par transport non stratégique sont entendus, dans le cadre des munitions, tous les déplacements entre les unités et les établissements du SIMu pour percevoir les munitions commandées, ou encore les déplacements vers les champs de tir et autres lieux d’entraînement. Pour ce faire, les unités disposent rarement, semble-t-il, de véhicules adaptés au transport des munitions. De plus, le regroupement des établissements du SIMu impose des temps de trajet importants aux unités abonnées, avec un risque non négligeable pour la sécurité routière.

Par ailleurs, le SIMu peut avoir besoin de véhicules adaptés au transport de produits dangereux. Ses prédécesseurs passaient un marché spécifique avec un opérateur privé. Il s’adresse aujourd’hui au groupement de soutien de base de défense (GSBdD) et force est de constater que celui-ci éprouve parfois des difficultés pour répondre à leurs besoins.

C. LA GESTION DES MUNITIONS DÉLIVRÉES PAR LE SIMU

1. Dans les unités

Le stockage des munitions s’effectue, dans des dépôts ou des soutes, en fonction des conditions de sécurité technique et des capacités offertes par les unités. En tant que « détenteurs-dépositaires » les unités sont responsables de la gestion et de la conservation des munitions qu’elles ont perçues du SIMu. Le stockage, les mouvements, les distributions et les réintégrations de munitions font l’objet d’instructions spécifiques et sont organisés de façon à faciliter les procédures de contrôle. Un munitionnaire formé est en charge des mouvements de munitions.

Lors d’un exercice, la sécurité des munitions est assurée par un double, voire un triple, contrôle systématique à la commande, à la soute par le munitionnaire de l’unité et par le munitionnaire habilité, à la consommation par le munitionnaire et le directeur de tir, à la réintégration par le directeur de tir, le commandant d’unité et le munitionnaire.

Les unités semblent rencontrer des difficultés pratiques de tous ordres. Ainsi le troisième régiment de hussards de Metz fait face à des problèmes dans le cadre de la brigade franco-allemande à laquelle il appartient, car le conditionnement des munitions dont il dispose n’est pas homologué. Elles ne peuvent de ce fait être transportées dans des véhicules de l’armée allemande et le régiment ne peut s’entraîner au tir ou au combat en Allemagne de façon satisfaisante. De même, le marquage de certaines munitions n’étant pas aux normes internationales, elles sont interdites de tir en Allemagne. Une mise aux normes du conditionnement et du marquage des munitions faciliterait l’entraînement à l’étranger et, d’une manière plus large, les actions en coopération.

Le problème est différent dans la marine nationale puisque le stockage des munitions perçues se fait directement dans les navires, sans étape intermédiaire. Sur une frégate sont ainsi stockées 60 tonnes de munitions dans 150 m3, ce qui nécessite une organisation complexe. Les marins vivent en quelque sorte au sein d’une pyrotechnie, chacun d’entre eux évoluant en permanence à une quinzaine de mètres d’une munition et souvent beaucoup moins.

La gestion des munitions sur un bâtiment impose une grande rigueur et des comptages réguliers. La dépense de munitions, au combat ou à l’entraînement, est formalisée et transmise au SIMu qui la consigne dans le logiciel GTSM2.

Le chargement est une opération particulièrement délicate qui dure dix jours ouvrés pour 60 tonnes de munitions (missiles, torpilles, leurres, etc).

À titre d’exemple, les 60 tonnes de l’armement du Jean Bart correspondent à ceci :

2 systèmes Sadral (soit 39 missiles Mistral)

8 missiles MM 40 EXOCET

1 système SM-1 MR (rampe simple Mk 13, 40 missiles)

1 tourelle de 100 mm antiaérienne Mle 68

2 matériels simples automatiques de 20 mm F 2

4 mitrailleuses 12,7 mm

2 catapultes fixes pour torpilles anti-sous-marines L 5 mod 4 (10 torpilles)

Source : site du ministère de la Défense.

Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de classe Rubis sont équipés de quatre tubes lance-torpilles de 533 mm qui peuvent lancer des torpilles de lutte anti-navires et anti-sous-marines F17 mod 2 ou des missiles SM 39 à changement de milieu contre buts de surface. Ils peuvent également mouiller des mines et disposent d’une torpille d’exercice.

L’embarquement des munitions, complexe sur une frégate, l’est encore davantage à bord d’un sous-marin. Le temps est estimé à environ trente minutes par missile ou torpille, soit une journée au total. Les SNA restant quatre mois en mer auxquels succède un mois d’entretien, les munitions sont embarquées et débarquées à ce rythme. Il s’agit d’une procédure lourde mais bien maîtrisée.

Les dépôts du SIMu d’Avord, de Cazaux et de Solenzara sont également les dépôts des bases de l’armée de l’air. Des munitions sont stockées au dépôt de Solenzara pour répondre à un déclenchement d’opérations en urgence.

2. En OPEX

La gestion des stocks de munitions d’un théâtre OPEX est administrée par un détenteur de biens, le chef de dépôt de munitions de théâtre, un gestionnaire de bien délégué, l’adjoint interarmées du soutien munitions qui est responsable du contrôle interne logistique, fait procéder aux opérations de recensements et désigne les responsables.

Parmi eux, le responsable de la gestion logistique, autrefois appelé comptable des munitions ou des matériels, assure le suivi informatique de la réalisation des ordres logistiques locaux ainsi que celui de l’inventaire ; il a accès au système d’information logistique (GTSM2) national par le biais du réseau interne du ministère de la Défense, Intradef. Un chef du stockage, ou responsable des mouvements logistiques, gère les entrées et sorties des munitions du dépôt de théâtre et tient à jour l’inventaire informatique permanent des biens placés sous sa responsabilité. Chaque unité percevant des munitions, dont elle devient responsable, enregistre en parallèle sur papier les mouvements qui la concernent. Cette organisation assure un suivi complet de la ressource projetée.

Au 30 octobre 2015, 51 personnels du SIMu étaient projetés au titre des opérations extérieures et des forces de présence qui participent au soutien des opérations extérieures, soit 43 en Afrique et huit au Proche-Orient.

Le contrôle de l’état des munitions délivrées est particulièrement important en OPEX car les munitions, notamment les obus, les roquettes et les missiles, sont susceptibles de se détériorer en raison des conditions climatiques.

Par ailleurs, les interlocuteurs des rapporteurs ont observé qu’un dimensionnement supérieur des dépôts pourrait augmenter l’autosuffisance des théâtres et autoriserait un recours accru à la voie maritime. Cela permettrait de s’affranchir ainsi des contraintes du transport aérien, notamment pour ce qui concerne les délais d’obtention des autorisations nécessaires.

Un dépôt OPEX modèle à Brienne-le-Château

L’établissement principal des munitions de Brienne-le-Château est équipé d’un modèle de dépôt de campagne, unique en Europe, pour l’entraînement in situ des pyrotechniciens projetés. L’installation reproduit à l’identique les conditions de travail et de vie d’un dépôt de théâtre. Il a l’allure d’une FOB (forward operating base) entourée de bastion walls (35) au sol recouvert de plaques métalliques. Le shelter est reproduit et le système informatique, GTSM2, y est opérationnel. Des conteneurs rangés par alvéoles, séparées par un merlon, sont disposés par type de munition et quantité de matière active.

Ce dépôt comporte également une zone vie, reproduisant les conditions matérielles d’un théâtre d’opération, où sont accueillis jusqu’à 28 stagiaires pendant une semaine. Un atelier technique modulaire permet de s’entraîner aux gestes requis. Les exercices se font avec des munitions inertes et des caisses lestées. Des véhicules de transport sont également à disposition. La signalétique ou « pancartage », particulièrement importante en OPEX pour prévenir les incidents, fait partie de la formation. Quatre sections ont été formées avant projection en un semestre et il est prévu de huit à dix formations par an, leur nombre étant appelé à s’étendre.

Les munitions délivrées à la marine nationale en OPEX ne le sont bien évidemment pas par le dépôt de théâtre. Les navires sont ravitaillés par des pétroliers ravitailleurs polyvalents qui embarquent notamment des munitions. Toutefois, le ravitaillement à la mer qui est possible pour les obus, les corps de bombes ou les missiles de petite taille, comme le Mistral, ne l’est pas pour les missiles lourds. Il s’effectue alors à quai soit dans les ports d’outremer, soit dans les points d’appui français à l’étranger, permanents ou ponctuels. Lors des interventions au Liban, par exemple, des munitions étaient acheminées à Chypre.

Les forces de gendarmerie engagées en opération extérieure sont placées sous le commandement du chef d’état-major des armées. Leur ravitaillement en munitions est assuré par l’armée de terre.

TROISIÈME PARTIE :
LA FIN DE VIE DES MUNITIONS

La fin de vie d’une munition correspond à sa consommation, en entraînement ou en opérations, à sa cession ou à son élimination. Dans les trois armées, l’instruction et l’entraînement reposent en partie sur la simulation, surtout pour les munitions complexes dont les tirs sont contingentés en raison de leur coût. Les tirs de munitions en fin de vie constituent une alternative.

I. LA CONSOMMATION

La situation des armées est différente au regard de l’usage des munitions, car, si la majorité des munitions de l’armée de terre sont tirées à l’entraînement, ce n’est le cas ni de l’armée de l’air ni de la marine nationale qui tirent la plupart de leurs munitions en OPEX.

A. L’ARMÉE DE TERRE

Les munitions consommées par l’armée de terre se répartissent en neuf grandes familles : les munitions d’artillerie de 155 mm (CAESAR et AUF1/TRF1), les munitions de mortier de 81 mm et de120 mm, les munitions de chars (Leclerc, AMX 10 RCR), les munitions de moyen calibre (20 mm canon, 20 mm hélicoptères de manœuvre, 25 mm VBCI, 30 mm Tigre), les roquettes et les missiles, les grenades (à main, à fusil, pour lance-grenade), la cartoucherie pour armement léger d’infanterie, les leurres pour hélicoptères et artifices, et enfin les munitions du génie (minage/déminage et explosifs).

Le tableau ci-dessous récapitule les crédits de l’armée de terre affectés aux munitions.

RÉPARTITION DE LA CONSOMMATION DE MUNITIONS DE L’ARMÉE DE TERRE

En millions d’euros

2010

2011

2012

2013

2014

Allocation annuelle

222

207

221

239

237

Consommation entraînement

143

140

157

141

133

Consommation OPEX

14

45

25

24

8

Consommation totale

157

185

182

165

141

La différence entre les allocations annuelles et les consommations à l’entraînement s’explique soit par l’indisponibilité technique de certains stocks, soit par les déficits pour certaines munitions qui ne permettent pas d’offrir aux forces toutes les munitions nécessaires à leur préparation opérationnelle. Par ailleurs le rythme des OPEX et de la disponibilité effective des champs de tir affecte directement les consommations de munitions à l’entraînement.

Source : armée de terre.

B. L’ARMÉE DE L’AIR

L’armée de l’air tire 4 000 bombes d’instruction Lacroix non guidées en polycarbonate chaque année, ainsi que 350 bombes d’exercice à guidage laser. Mais elle a également recours à des bombes de guerre et des missiles, chaque pilote tirant au moins un missile air-air au cours de sa carrière. En dépit du coût, l’état-major estime en effet que cela est nécessaire afin que les pilotes et les armuriers puissent se familiariser avec cet armement. Les munitions qui arrivent en fin de cycle peuvent être utilisées à l’entraînement afin d’éviter les coûts liés à leur élimination. Certaines munitions nécessitent toutefois des conditions d’entraînement particulières, comme les bombes AASM propulsées qui doivent être tirées à l’étranger, en Norvège, car les gabarits des champs de tirs français sont insuffisants.

Dans le domaine sol-air, la fréquence de tirs demeure plus faible compte tenu du coût élevé de ce type de munitions et des cibles. Ainsi, un missile Aster est mis à disposition de chaque unité une fois tous les quatre ans.

C. LA MARINE NATIONALE

La marine, comme cela a déjà été dit, dispose d’une grande variété de munitions, de la munition d’infanterie aux missiles, dont des munitions spécifiques aux milieux naval, aéronaval et sous-marin.

La consommation des opérations en cours étant sous embargo, il convient de se référer, pour l’exemple, à celles d’opérations passées. Ainsi, pendant l’opération Harmattan en Libye en 2011, ont été consommés quatre SCALP, tirés par les Rafale, quatre AS30 laser et 407 bombes dont 86 équipées d’un kit AASM, ainsi que 5 500 leurres aéronautiques pour protéger les avions en phase d’attaque. Lors de l’opération Trident au Kosovo, en 1999, ont été utilisés 268 bombes et 181 leurres.

Les torpilles d’exercice, sans charge de combat, peuvent être repêchées et tirées jusqu’à dix fois, étant entendu que leur reconditionnement est très onéreux.

D. LA GENDARMERIE

L’immense majorité des munitions est consommée lors des entraînements pour lesquels sont principalement utilisées des munitions de 9 mm standard, alors que les munitions de service sont des munitions optimisées, les deux stocks étant, là aussi, appelés à se compléter. La gendarmerie bénéficie de cessions de l’armée de terre pour sa fourniture en munitions de 5,56 mm. Suite aux attentats survenus en janvier 2015 à Paris, le directeur général de la gendarmerie nationale a décidé de doubler l’allocation de munitions de pistolet dans le cadre de l’entraînement.

Le service chargé de la gestion des munitions au sein de la gendarmerie entretient des liens étroits avec le SIMu. En effet, en vertu d’une délégation de gestion cadre signée entre le ministère de la Défense et le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie bénéficie, outre ses dispositifs propres, des installations de stockage du SIMu, chaque région de gendarmerie étant rattachée à un de ses dépôts. Les échanges sont nombreux et les éventuels problèmes techniques rencontrés font l’objet d’une information dont bénéficie également la police par voie de conséquence.

II. L’ÉLIMINATION DES MUNITIONS

A. LES MUNITIONS

Si elles n’ont pas quitté définitivement les stocks pour être consommées ou cédées, les munitions finissent par être éliminées. Les raisons sont multiples : elles ont atteint leur date de péremption, s’en approchent et sont estimées impropres à l’entraînement car jugées dangereuses. Elles peuvent aussi être écartées pour raison technique, parce qu’elles se rattachent à un système d’arme retiré du service ou encore parce qu’elles sont sans emploi et n’ont pu être cédées.

L’acte administratif matérialisant l’élimination est une décision de réforme.

Il peut s’agir d’une réforme de commandement décidée par l’état-major de l’armée détentrice en raison d’un excédent de stock au regard du nouveau format des armées ou encore du retrait d’un système d’arme. Dans ce cas de figure, les munitions sont proposées à la commission des cessions, qui les tient à la disposition d’un acquéreur éventuel. C’est ainsi qu’a été cédé à la Roumanie l’ensemble du parc de missiles Hawk, munitions et matériels d’environnement.

Lorsqu’il s’agit d’une réforme technique, décidée par le responsable du soutien en service suite au constat de la défectuosité d’un parc de munitions potentiellement dangereuses, la destruction est systématique.

Le SIMu est responsable de cette élimination financée sur le budget de chaque armée, la matière première retirée en fin du processus de destruction pouvant, le cas échéant, compenser une partie des coûts. Ainsi que l’a indiqué à la commission le général Philippe Toubin, directeur du SIMu, le 9 décembre 2015 : « Par exemple, lors du démantèlement des obus flèche au tungstène de 105 mm de l’armée de terre, la récupération avant valorisation des flèches au tungstène a permis de couvrir le coût de prestation et de doter l’État d’un montant de 0,5 million d’euros. » (36) Ce n’est pas le cas le plus fréquent et l’élimination représente un coût élevé à prendre en compte dans l’estimation du coût de possession des munitions complexes.

1. Le recours à la filière européenne

Pour ce faire, le SIMu a principalement recours à la NSPA, qui passe les marchés européens nécessaires, selon un cahier des charges rigoureux, auprès de prestataires obligatoirement certifiés ISO 14001 correspondant aux standards les plus élevés en matière de respect de l’environnement. Le SIMu procède conjointement avec la NSPA à l’audit de ses prestataires.

La destruction de munitions est un processus dangereux comportant des risques d’explosion et produisant des émissions et des résidus hautement toxiques. Aussi est-il contrôlé tout au long de son déroulement.

Les munitions remises à un tiers pour traitement sont obligatoirement démilitarisées. Les prestataires sont tenus de réaliser le meilleur taux de recyclage possible : transformation de l’explosif en explosif civil et redirection des métaux et des plastiques vers les filières correspondantes en vertu de la politique environnementale R3 (réduire, réutiliser, recycler) imposée par les appels d’offres de la NSPA. La matière première récupérée lors du démantèlement contribue à limiter le coût des prestations.

2. Un seul acteur français dans le haut du spectre

Il n’existe en France qu’une installation répondant aux critères de la NSPA, et notamment au contrôle continu des effluents gazeux, l’usine d’élimination de munitions classifiées de MBDA située à Subdray, non loin de Bourges, que les rapporteurs ont visitée. L’usine ne traite que la partie propulsive de la munition, la tête militaire étant expédiée pour destruction en Norvège. La partie propulsion est découpée en tranches épaisses par un jet d’eau contenant de l’abrasif, mise en carton par un robot, puis dirigée vers un four dans lequel elle est incinérée. Les allumeurs sont traités séparément.

Les gaz de combustion sont traités et l’eau est collectée et filtrée pour être retraitée par une société spécialisée de même que les résidus de la combustion.

Le prix d’élimination est lié à la complexité de la munition ; il peut aller de quelques euros pour les munitions de petit ou moyen calibre jusqu’à plus de 100 000 euros pour les munitions les plus complexes de type missile Apache.

3. Le coût de l’élimination

Le SIMu a procédé à l’évaluation du coût du démantèlement à partir des marchés notifiés. Les prix moyens de l’élimination d’une tonne de munitions sont les suivants : 1 388,08 euros pour les munitions courantes et 147 310,21 euros pour les munitions complexes. Le calcul de la provision pour charges du démantèlement de l’ensemble des munitions le nécessitant, actuellement en stock dans les établissements du SIMu, avoisine 62 millions d’euros.

Les marchés NSPA proposent en tout état de cause les meilleures conditions financières en raison de la mise en concurrence européenne des entreprises partenaires de l’OTAN. Le ministère de la Défense peut également contractualiser directement par le biais d’un marché public mais cela reste exceptionnel.

Depuis 2010, environ 20 000 tonnes de munitions ont fait l’objet d’un marché d’élimination.

4. Des coûts supplémentaires dus au regroupement des sites du SIMu

Les dépôts pérennes ne seront en mesure d’accueillir l’ensemble des stocks des sites à fermer que si un travail important d’optimisation des stockages est effectué. Cela implique un flux régulier d’évacuation des munitions à éliminer, conditionné, en partie, par la mise en place des financements nécessaires par les armées. Il serait en effet regrettable de devoir transporter des munitions vouées à la destruction d’un dépôt à un autre.

En 2014, le SIMu s’est vu transférer 3,6 millions d’euros par les armées au titre de l’élimination des munitions classiques. Ce montant s’avère toutefois insuffisant face au besoin et doit être complété par des crédits des armées.

Le financement de l’élimination des munitions complexes incombe en totalité aux armées. C’est ainsi qu’en 2015 l’armée de l’air a consacré en urgence 5,6 millions d’euros au démantèlement des missiles Crotale en raison de leur état de dégradation. La DGA consacre également 12 millions d’euros via la NSPA au démantèlement des missiles de croisière anti-piste Apache de 2014 à 2018.

Mais ces actions ne représentent encore qu’une faible partie du besoin d’élimination que la division technique du SIMu évalue à 190 millions d’euros pour la période allant de 2016 à 2022.

5. L’élimination par le SIMu

Il peut arriver, rarement, que le SIMu se trouve dans l’obligation de détruire lui-même des munitions par « pétardement » pour des raisons tenant à la sécurité et à la salubrité publique ou encore au secret militaire. Ce fut notamment le cas de munitions présentant un danger immédiat du fait de la présence d’exsudat, telles que les munitions pour mortiers de 81 mm à la schneiderite.

Compte tenu du coût exorbitant que représente l’élimination des munitions, les rapporteurs estiment qu’il est important de procéder à une revue de la durée de vie des munitions complexes afin de s’assurer qu’elle correspond bien au vieillissement effectif de leurs composants, ce qui permettrait de la prolonger si aucune considération de sécurité ne s’y oppose.

Ainsi la durée de vie du missile MICA augmente régulièrement. Initialement de dix ans, elle est actuellement de treize ans et pourrait s’étendre, d’après des études réalisées conjointement par MBDA et la DGA, à seize ans.

B. LES DÉCHETS DE TIR

S’il existe une filière organisée et accessible pour le démantèlement et l’élimination des munitions simples et complexes, il en va tout autrement pour les déchets de tir et le SIMu se heurte à différentes réglementations qui font obstacle à la mise en place d’une procédure efficace d’élimination des déchets de tir.

Selon la convention de Bâle et l’avis de la direction des affaires juridiques du ministère de la Défense, les déchets de tir doivent être considérés comme des déchets. Par ailleurs, l’annexe 5 du règlement européen 1013/2006-annexe 5 dispose que les déchets d’explosifs et leurs trois sous-catégories, les déchets de feux d’artifice, les déchets de munitions et les autres déchets d’explosifs, sont interdits d’exportation. Ils ne peuvent être donc traités qu’en France, alors même que d’autres pays européens tels que l’Allemagne, la Norvège, l’Espagne ou l’Italie sont équipés pour faire face à ce besoin.

Or à ce jour, dans la mesure où il n’existe en France aucune capacité industrielle de traitement des déchets pyrotechniques dangereux, les déchets de tir ne sont pas éliminés.

Des solutions d’élimination propres à la défense sont actuellement à l’étude, à savoir un système de broyage-nettoyage ou un système d’incinération avant valorisation vers des filières de déchets classiques. Dans un cas comme dans l’autre se poseront les questions du lieu d’implantation, du choix d’une mise en œuvre industrielle ou étatique et du coût.

Les déchets dangereux ne se limitent pas aux résidus de tir mais comportent également les emballages des munitions ainsi que le bois traité provenant des caisses d’emballage des munitions.

La gendarmerie

La gendarmerie élimine ses munitions lors des entraînements. La situation se complique pour les munitions munies d’un dispositif pyrotechnique telles que les grenades lacrymogènes. C’est, dans ce cas, le centre de formation de maintien de l’ordre basé à Saint-Astier qui met en pratique le recyclage et l’élimination des grenades.

Les déchets de tir sont également un problème pour la gendarmerie qui, faute de pouvoir les éliminer, stocke actuellement rien moins que 80 tonnes de douilles dans divers dépôts. Elle souhaite donc pouvoir se rattacher à la solution que trouvera le SIMu pour l’élimination de ses propres déchets de tir.

Cette préoccupation pousse la gendarmerie à vouloir inclure la destruction des déchets de tir dans les conditions des appels d’offres pour l’acquisition de munitions de calibre 9 mm, pour lesquelles elle cherche par ailleurs, comme cela a été vu, à diversifier ses approvisionnements.

Les rapporteurs estiment qu’il s’agit là d’une option intéressante qui mérite réflexion et qu’il conviendrait peut-être de généraliser.

C. LES CHANTIERS DE DÉPOLLUTION PYROTECHNIQUE

La pollution pyrotechnique est le corollaire de la fin de vie d’une partie des munitions. Elle concerne la réhabilitation et la dépollution de terrains concentrant une grande quantité de matières pyrotechnique ; il s’agit le plus souvent de champs de tirs et de terrains touchés par des munitions issues des faits de guerre.

La dépollution des terrains touchés par des munitions issues de faits de guerre est particulièrement accidentogène. Héritées des deux guerres mondiales, ces munitions sont toujours présentes en grand nombre dans certaines régions de France. Difficiles à identifier car très diverses, elles sont en outre rendues particulièrement instables en raison de la dégradation causée par des années d’enfouissement. En France sont encore découverts trente tonnes d’obus chaque année.

La dépollution de champs de tirs présente, en revanche, des risques d’accidents plus limités.

Les travaux de dépollution peuvent être assurés par des entreprises privées, notamment dans le cas de cessions de terrains militaire. Elles font alors l’objet d’une étude de sécurité réalisée par l’IPE.

Environ cinquante de ces chantiers sont menés chaque année ; ils sont à 90 % militaires.

QUATRIÈME PARTIE : LES MUNITIONS DE DEMAIN

Si aucune rupture technologique majeure n’est prévisible dans le secteur des munitions, les bureaux d’études sont actifs et le maintien de leurs compétences est indispensable à la performance de l’industrie. Les rapporteurs regrettent donc que les crédits d’études amont bénéficient en proportion moins aux munitions qu’à leurs vecteurs. Les crédits annuels alloués sont de 60 millions d’euros pour les missiles et les bombes, hors dissuasion, et de 15 millions d’euros pour les autres munitions, ce qui semble faible au regard de la moyenne annuelle de 730 millions d’euros prévue par la loi de programmation militaire en cours.

Les rapporteurs souhaitent par ailleurs que la recherche et le développement incluent la maîtrise des coûts et l’élimination.

Les acteurs de la filière, la DGA, l’industrie et la recherche, travaillent selon deux axes : les évolutions de munitions existantes et le développement de nouvelles technologies.

I. L’ÉVOLUTION DES MUNITIONS ACTUELLES

Concernant les munitions existantes, la défense sol-air assurée par les missiles Aster nécessite un effort constant et adaptatif. La tendance générale à l’horizon des années 2020 est celle l’entrée en service progressive de munitions de plus en plus précises aux effets de plus en plus modulables. Toutefois, aucune réelle rupture technologique ne semble en passe de voir le jour sur la génération suivante. Les autres évolutions envisagées sont les suivantes :

– un démonstrateur d’évolution du missile SCALP (en voie d’achèvement) ;

– les systèmes micro-mécaniques inertiels à base de silicium (iMEMS-Si) ;

– le standard B1NT (Bloc 1 Nouvelles Technologies) du missile Aster et le missile de type Mistral pour la défense sol-air vers 2022 ;

– une étude d’avant-projet du successeur du missile MICA, destiné à la défense air-air et son évolution air-sol, attendu à l’horizon 2022 ;

– les futures roquettes guidées laser, armement futur du Tigre, attendues pour 2020-2022 ;

– le FMAN/FMC (futur missile antinavire/futur missile de croisière) pour 2030.

Dans le secteur de la munition de petit calibre, on observe une tendance générale à privilégier la munition de 7,62 mm, voire de 12,7 mm, à la munition de 5,56 mm, la plus répandue aujourd’hui.

II. LA RECHERCHE

La recherche en matière de missiles porte sur le développement de haut supersonique pour les missiles de croisière et antinavire, l’allongement de la portée, les technologies d’autodirecteurs pour la discrimination de cibles dans un environnement brouillé, les technologies de navigation pour s’affranchir de la dépendance au GPS, la précision du tir, la légèreté et la résistance des matériaux, et, enfin, la maîtrise de la chaîne de létalité pour un meilleur contrôle des dommages collatéraux tout en accroissant l’efficacité.

Il convient également de citer le prolongement jusqu’en 2018 du cofinancement par les États et l’industrie du programme franco-britannique MCM-ITP (Materials and Components for Missiles, Innovation and Technology Partnership), partenariat stratégique visant à consolider les capacités du complexe industriel franco-britannique en matière d’armement, à renforcer la base technologique et à favoriser une meilleure compréhension des futurs besoins communs. Dans ce cadre œuvrent, outre les industriels de la filière missiles, de très nombreuses petites et moyennes entreprises ainsi que des universités, soit plus d’une centaine de partenaires. Un projet intéressant est celui de ROXEL qui travaille sur un combustible « escargot »  (37) s’enroulant à l’intérieur du propulseur et permettant d’améliorer significativement la portée.

La sécurité du couple arme / munition demeure un sujet important ainsi que la miniaturisation des équipements, particulièrement celle des missiles de la marine. En effet, la taille des missiles semble avoir tendance à croître alors que celle des bâtiments décroît, option contestable par ailleurs.

Les avancées prévisibles dans le domaine des poudres et explosifs concernent l’insensibilité des munitions à de très hauts degrés de température, la miniaturisation, la maîtrise de la létalité, la survivabilité fonctionnelle aux impacts super/hypersoniques.

III. LE DÉFI REACH

Le respect du règlement européen REACH (38) est un enjeu majeur à relever, le défi étant de parvenir à maintenir la performance des munitions tout en tenant compte de l’exclusion de certains produits chimiques entrant dans leur composition initiale. Les acteurs de la filière devront d’ici trois ans tenir compte des exclusions posées par les mesures REACH et avoir trouvé une solution alternative.

REACH 

REACH est un règlement européen (règlement n° 1907/2006) entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne. Il s’agit de recenser, d’évaluer et de contrôler les substances chimiques fabriquées, importées, mises sur le marché européen. D’ici 2018, plus de 30 000 substances chimiques seront connues et leurs risques potentiels établis ; l’Europe disposera ainsi des moyens juridiques et techniques pour garantir à tous un haut niveau de protection contre les risques liés aux substances chimiques.

Source : ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur la filière munitions au cours de sa réunion du mercredi 16 décembre 2015.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous avons à procéder ce matin à l’examen du rapport d’information sur la filière munitions, examen je le rappelle ouvert à la presse.

M. Nicolas Bays, rapporteur. Le rapport que nous avons l’honneur et le plaisir de vous présenter aujourd’hui, mon collègue et moi-même, traite de la filière munitions. Nous avons pensé au départ que notre travail s’apparenterait à une revue de fond qui, en dehors de vous, mes chers collègues, intéresserait peut-être quelques spécialistes de la défense. Or, voilà que ce sujet est au cœur de l’actualité et qu’il n’est pas un jour sans que l’on nous interroge sur le nombre de frappes en Syrie et en Irak, ainsi que sur l’état précis des stocks de munitions de nos armées. Je vais donc immédiatement devoir vous décevoir : il s’agit d’informations à caractère stratégique couvertes par le secret de la défense nationale. Notre rapport contient donc peu de chiffres et aucun de cette nature. Nous vous donnerons néanmoins notre sentiment sur ce point.

Dans filière munitions, il y a filière. Le terme est important et nous avons tenté de brosser de bout en bout le tableau du cycle de vie d’une munition de sa conception à sa destruction, de la cartouche de 5,56 mm au missile. Qu’y a-t-il de commun a priori entre une cartouche de base et un missile dont la sophistication n’a d’égale que celle de l’avion qui le transporte ? Ce sont des consommables, donc des objets à usage unique, contenant des matières pyrotechniques. Et c’est bien la pyrotechnie qui définit la munition puisque, qu’il s’agisse de poudre ou d’explosif, c’est grâce à ses éléments pyrotechniques que la munition se propulse et produit l’effet terminal recherché. J’emploie ici le terme consommable, qui est choquant pour un missile mais moins pour une cartouche de 5,56 mm, car la fonction munitions fait partie du soutien et souffre, à ce titre, du mal qui affecte l’ensemble du soutien, c’est-à-dire une désaffection et une tendance à le considérer comme une variable d’ajustement.

C’est méconnaître l’importance stratégique des munitions. Un Rafale sans munitions n’est plus un avion de chasse, il peut remplir d’autres missions mais ne peut ni attaquer, ni se défendre. Cela est vrai dans tous les cas, pour les blindés ou les bâtiments de la marine nationale. La munition est donc au cœur de toutes les opérations et doit, à ce titre, jouir de la considération appropriée. Nous avons organisé notre travail autour de la notion de filière et de cycle, hors dissuasion, permettant d’étudier la question en partant de la phase de conception, puis abordant l’ensemble des étapes du cycle opérationnel jusqu’à la destruction de la munition.

Au départ du cycle de vie d’une munition se trouvent, d’une part, l’industrie, qui les fabrique, et d’autre part, les armées qui émettent des besoins matérialisés par des acquisitions.

Le mécanisme de détermination du besoin est complexe et lourd de conséquences puisque c’est de ce processus que dépendent les moyens dont disposeront les armées. Il s’agit donc pour chaque armée de définir ses besoins en fonction du contrat opérationnel issu du Livre blanc et des différents niveaux d’engagements, c’est-à-dire la situation opérationnelle de référence, l’engagement urgent et l’engagement majeur. Sous l’égide de l’état-major des armées, et à l’issue de calculs complexes, est déterminé un stock dit objectif, comprenant un stock guerre et un stock instruction, appelés tous deux à se compléter, le cas échéant. Ce stock correspond au volume de munitions estimé nécessaire à la réalisation des missions des armées. Le stock objectif est la base à partir de laquelle sont décidées l’acquisition de munitions existantes ou le lancement de programmes d’armement pilotés par la DGA. Ce stock objectif n’a toutefois pas vocation à être forcément atteint par le biais de la politique d’acquisition qui implique une hiérarchisation des besoins.

Les besoins sont passés notamment au crible des ressources financières disponibles, pour ne pas dire de la contrainte budgétaire, et des délais de production de la filière industrielle. Ils font bien sûr l’objet d’actualisations régulières en fonction du contexte opérationnel. Lorsqu’il s’agit d’un premier achat, c’est-à-dire d’une munition devant faire l’objet d’une qualification, de tous les achats, d’une munition dite complexe, un missile par exemple, ou, bien entendu, d’un développement, la DGA est en charge de la procédure. Lorsqu’il s’agit d’achats destinés à compléter les stocks à l’identique ou d’achats en très petites quantités, pour les forces spéciales, par exemple, le service interarmées des munitions intervient. Une première préoccupation apparaît ici en lien avec les délais de développement qui, s’ils sont compréhensibles et acceptables pour un missile nouvelle génération, le sont moins quand ils atteignent, par exemple, douze ans pour des artifices de signalisation à main. La tendance ne semble malheureusement pas s’infléchir.

La réponse industrielle fait appel à une variété d’acteurs qui, s’ils sont nombreux en raison de l’étendue de la gamme des munitions, occupent chacun un segment dans lequel la concurrence est parfois réduite. Nous ne referons pas ici le panorama de l’industrie munitionnaire proposé dans le rapport car nous préférons nous attarder sur nos préoccupations.

Elles sont de plusieurs ordres, soit en lien direct avec le processus industriel, soit en lien avec la souveraineté et l’indépendance de nos approvisionnements. On constate, en effet, à chaque évolution, que les munitions soient améliorées ou remplacées par un nouveau produit, une multiplication exponentielle de leur coût atteignant parfois des facteurs vingt ou plus par rapport à la munition précédente. Cette augmentation a ses justifications mais il est utile de s’interroger car elle a une répercussion directe sur les moyens mis à la disposition des armées. En effet, si celles-ci disposent d’outils de meilleure qualité aux performances accrues, leur coût en limite l’acquisition et exerce notamment une contrainte sur les possibilités d’entraînement en conditions réelles et pèse sur la préparation opérationnelle qui, nous tenons à le rappeler, demeure le socle de l’engagement opérationnel. Il n’est donc pas interdit d’envisager la possibilité d’adapter les performances requises à l’environnement de théâtre et au niveau de risque de dommages collatéraux qui ne requiert pas systématiquement une précision extrême. Les délais de livraison, le maintien en fonctionnement des chaînes de production et leur éventuelle réactivation après un arrêt, la pérennité de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières comptent au nombre de nos préoccupations.

Mais, pour nous, une inquiétude majeure est l’absence de moyen industriel de production de munitions de petit calibre en France. Conséquence de la disparition de la capacité de production d’arme de petit calibre, que nous regrettons également comme nombre d’entre vous, la production de munitions adaptées de 5,56 mm a cessé en 1999, essentiellement pour des raisons financières. Nous ne vous exposerons pas ici les vicissitudes du remplacement sur étagère de cette munition, nous les connaissons toutes et tous. Indépendamment des caractéristiques particulières du FAMAS, elles tendent toutefois à démontrer que l’achat sur étagère est loin d’être une panacée et que le couple arme/munition doit rester au centre des analyses lors de la prise de décision. Voilà pour le contexte.

Pourquoi n’avons-nous pas de production de munitions de petit calibre sur notre sol ? En premier lieu, parce qu’aucun acteur industriel ne s’est saisi de ce segment resté en quelque sorte vacant, ensuite parce que, on nous l’a assuré à de maintes reprises, le marché mondial est abondant et propose des prix très compétitifs. Nos approvisionnements seraient donc garantis quoiqu’il arrive. C’est sur ce point que porte notre désaccord. Comment dans un contexte international aussi mouvant et aussi incertain qu’aujourd’hui peut-on affirmer être certain de cela alors que nous sommes dans une situation de totale dépendance ? La majorité des pays européens ont conservé, voire créé de toutes pièces, leur industrie de munitions de petit calibre et exporte, notamment vers la France. Nous estimons qu’il va de notre souveraineté de disposer de cette capacité de production.

Nous avons interrogé un acteur industriel important de ce domaine pour avoir un chiffrage de l’implantation de cette activité ; l’investissement serait de 100 millions d’euros et la rentabilité serait assurée à partir d’une production de 60 millions d’unités par an sous réserve de commandes garanties pendant les cinq premières années. Nous estimons que ces montants, somme toute modestes au regard du budget de la Défense, méritent qu’on s’y arrête et nous souhaitons que cette option soit étudiée très sérieusement, en coopération avec nos industriels, étant entendu que la consommation annuelle moyenne cumulée en munitions de petit calibre des trois armées et de la gendarmerie est bien supérieure à 60 millions de cartouches.

Un autre point concerne l’armement air-sol, d’abord pour répondre aux inquiétudes relayées par les médias quant à une pénurie de bombes à court terme susceptible d’empêcher nos forces de mener les actions qu’elles entendent, comme elles l’entendent. Sans pouvoir communiquer de chiffres, nous avons eu l’assurance que nous ne manquons pas de bombes à l’heure actuelle et que nous n’en manquerons pas à moyen terme. Un marché a été lancé en début d’année par la DGA, afin de couvrir les besoins prévisibles à échéance de quelques années. Un achat, dûment anticipé, aura donc lieu. Si d’aventure la situation devenait critique en raison d’une intensité d’engagement dépassant les prévisions les plus hautes, le recours aux ressources de nos alliés s’imposeraient alors.

Toujours concernant l’armement air-sol, nous avons été alertés de la situation d’un des seuls fabricants de corps de bombes français, la SAMP, qui est dans une situation désespérée. Comme dans le cas des munitions de petit calibre, une perte de savoir-faire est à craindre et nous considérons que toute perte de savoir-faire affecte la souveraineté et l’indépendance de notre pays. Nous souhaitons qu’une attention particulière soit portée à la situation de cette entreprise, dont les corps de bombes sont actuellement tirés lors de l’opération Chammal.

M. Nicolas Dhuicq, rapporteur. Mon collègue vous a parlé des préoccupations que nous avons. Je vais, pour ma part, aborder la partie logistique parce que la munition est en quelque sorte un objet vivant. Au centre de cette organisation se trouve le jeune service interarmées des munitions ou SIMu. Sa mission consiste à mettre à disposition des forces, en tous lieux et en tous temps, des munitions de toutes natures en quantité et en qualité requises, et, c’est important dans la culture militaire française, en assurant aux utilisateurs leur sécurité d’emploi permanente.

Créé en 2011, il est la fusion des services de chacune des armées précédemment chargés des munitions qui assuraient cette mission avec leur propre personnel et leurs propres dépôts.

L’interarmisation de la fonction a résulté en une réorganisation entraînant naturellement la réduction du nombre de dépôts.

Le SIMu compte aujourd’hui seize dépôts métropolitains, quatre ayant déjà fermé au cours des dernières années. Dans le cadre d’un plan se déroulant jusqu’en 2019, il n’en comptera, à cette date, plus que douze. Il dispose également de cinq dépôts situés outre-mer et quatre à l’étranger, à Djibouti, au Gabon, au Sénégal et aux Émirats arabes unis. Le plan SIMu 2019 engendrera une économie de huit millions d’euros portant sur les frais de fonctionnement des dépôts fermés et la réduction des effectifs. Nous reviendrons sur ce sujet également.

Le SIMu gère tous les types de munitions en service dans les armées, hors munitions non conventionnelles, de la munition de 5,56 mm, sur laquelle nous reviendrons, aux missiles. Il abrite un stock de 120 000 tonnes de munitions dont il assure la maintenance.

Les effectifs du SIMu comptent à ce jour 1 289 personnels, alors que le référentiel en effectif et organisation 2015 décrit 1 390 postes, soit cent postes en moins. Le personnel se répartit en 60 % de personnel civil et 40 % de personnel militaire, seul projetable, en majorité des pyrotechniciens qui sont 52 % dans le personnel civil et 48 % dans le personnel militaire.

La réorganisation et la fermeture des emprises conduites dans le cadre du plan SIMu 2019 s’accompagnent d’une réduction de personnel concernant encore 181 postes.

Les ressources humaines sont le problème majeur de ce service qui est toujours en maturation, compte tenu de son jeune âge. Il rencontre le problème de tous les services interarmées, à savoir un manque de culture commune ainsi qu’une dépendance totale des directions des ressources humaines du ministère de la Défense et des armées, qui sont elles-mêmes très en difficulté pour mettre à sa disposition le personnel prescrit. Il convient donc d’accorder une attention toute particulière à ce personnel d’un haut degré de qualification et rare sur le marché du travail, puisqu’il n’existe aucune formation de pyrotechnicien en dehors du ministère de la Défense.

La formation est assurée par deux établissements de la belle ville de Bourges, le centre de formation de la défense et les écoles militaires de Bourges.

Ces deux centres de formation, sur lesquels nous nous sommes interrogés avec mon collègue, proposent aujourd’hui des cycles différents, d’une dizaine de mois, qui s’adressent pour l’un, majoritairement au personnel civil et pour l’autre, majoritairement au personnel militaire. Cette différence est importante, car pour des raisons historiques et géographiques, les publics fréquentent de fait les deux établissements. Ces différences représentent toutefois un problème pour le SIMu qui souhaite que ses pyrotechniciens bénéficient d’une formation au contenu commun. Un projet commun aux deux écoles a été mis en place et une première promotion est sortie cet automne, alors qu’une suivante est déjà en cours. Nous saluons cette initiative et souhaitons qu’elle se poursuive pour tous les niveaux de qualification. Je tiens à insister sur la grande différence entre les deux établissements dont la fusion ne peut être envisagée, le centre de formation de la défense formant les personnels civils dans tous les domaines, la formation de pyrotechnicien étant très minoritaire.

Nous avons également abordé le système d’information du SIMu, qui est un vaste débat. L’ombre d’un grand ministre, Louvois, planant désormais sur tout système informatique de la défense, nous accordons une importance toute particulière à ce sujet. Comme le système devait être très rapidement opérationnel, c’est le système de l’armée de terre qui a été choisi. Or il est peu adapté aux munitions de la marine nationale. Nous rappelons que la marine nationale possède tous types de munitions, du petit calibre au missile, puisqu’est embarquée une impressionnante variété de munitions en faibles quantités permettant de répondre à toutes les situations opérationnelles. Si les dépôts du SIMu détiennent majoritairement les munitions des unités géographiquement proches, ils ont vocation à stocker tout type de munitions, notamment en raison de la concentration que nous avons évoquée. Ainsi une torpille peut être, bien que ce ne soit pas le cas, théoriquement stockée dans un igloo de Brest ou de Brienne-le-Château. Une visibilité géographique du stock par armée et par les armées est donc nécessaire et il faut, par ailleurs, que le SIMu puisse assurer un suivi des munitions complexes, avec leur date de péremption et leur configuration, ce que ne permet pas le logiciel actuel.

Un projet de logiciel devrait voir le jour d’ici 2019, s’il bénéficie de son financement, évalué à sept millions d’euros. Compte tenu de la variété des munitions, que nous avons évoquée, et de la réactivité qui est demandée au SIMu, nous considérons que le développement d’un système fiable et complet, interarmisé dès sa création, est à mener de manière impérative.

Au sein du SIMu, la sécurité est une culture. Tous les gestes, du plus banal au plus spécialisé, en sont empreints, tant la pyrotechnie est un univers dangereux ne souffrant aucune approximation. L’inspecteur des poudres et des explosifs, qui est rattaché à la DGA, établit le classement de chaque type de munitions qui indique pour chacun des conditions de conservation, de stockage, de traitement et de transport.

Le transport des munitions est à la charge de différentes entités. Le centre du soutien des opérations et des acheminements organise les transports stratégiques vers l’outremer et l’étranger et approvisionne donc les forces prépositionnées et nos unités sur les théâtres d’opération. La voie maritime est naturellement privilégiée pour les transports anticipés. La voie aérienne est réservée aux transports urgents. Dans ce dernier cas, les nécessaires autorisations de survol des pays traversés qui sont parfois longues, voire impossibles à obtenir sont un facteur limitant. Il arrive, plus rarement, qu’une voie civile soit choisie.

Le transport en métropole, dit de surface, est assuré par le centre des transports et transits de surface qui recourt, de préférence au rail mais également à la voie routière, pour des transports de munitions de dépôt à dépôt ou pour un préacheminement vers un navire ou un avion.

Les unités soutenues assurent elles-mêmes le transport des munitions qu’elles perçoivent du dépôt dont elles dépendent. Il s’agit là encore d’un facteur limitant car elles disposent rarement de véhicules adaptés ou, tout simplement, disponibles. De plus, la fermeture de certains dépôts nécessite des temps de transport plus longs effectués par la route, ce qui entraîne une augmentation des risques. Ce sujet a été évoqué par les unités et, plus particulièrement par l’armée de terre.

Le danger peut être de deux sortes : un risque d’accident de la route et, compte tenu des circonstances actuelles, un risque de détournement des munitions, ce qui nous conduit à évoquer la situation sécuritaire des dépôts après l’incident de Miramas. Sur ce sujet des efforts conséquents et rapides ont été accomplis essentiellement en termes de sécurité passive et des mesures d’ordre humain sont en cours de mise en place. Néanmoins, vous comprendrez qu’il nous est impossible de donner des éléments plus précis sur le sujet. Depuis de nombreuses années, en raison de la variable d’ajustement budgétaire appliquée au soutien, on peut observer que les moyens ont fait défaut pour mettre à niveau la sécurité des dépôts qui, de plus, n’était pas une priorité. Le vol de cet été a servi de révélateur et force est de constater que le dépôt de Miramas était alors dépourvu de moyens de protection efficaces. Nous recommandons que les mesures de sécurisation des dépôts soient prioritaires et deviennent une norme.

Une fois qu’elles ont quitté le dépôt et qu’elles ont atteint leur destination finale, les munitions sont gérées par les unités qui disposent de moyens humains formés, munitionnaires, artificiers ou armuriers, souvent en trop petit nombre. Il s’agit en effet d’une, voire deux personnes, pour un régiment ce qui pose aux chefs de corps un problème de ressources humaines. L’infrastructure de stockage réservée aux munitions peut être une simple soute ou un igloo sur une base aérienne. La marine a la particularité d’avoir peu besoin de stockage intermédiaire puisque les dépôts du SIMu sont proches des navires et qu’une grande partie du stock prélevé se trouve en permanence sur les navires.

En opérations extérieures, le SIMu projette des pyrotechniciens qui remplissent sur place les mêmes missions qu’en métropole et délivrent les munitions aux unités qui en deviennent alors responsables. Une attention particulière est portée à la sécurité des personnels et des munitions, celles-ci pouvant se dégrader plus rapidement en raison de conditions climatiques extrêmes.

Les munitions sont des objets frappés de péremption, ce qui est peu courant pour un objet industriel. Sa durée d’utilisation est prescrite par le fabricant. Les munitions qui ne sont pas tirées au combat ou à l’instruction ou l’entraînement sont éliminées. L’élimination ne signifie pas systématiquement la direction vers une filière de destruction. Ainsi les munitions réformées parce que leur système d’arme n’est plus utilisé peuvent être cédées à un État acheteur.

Les munitions proches de leur date de péremption sont, autant que faire se peut, tirées à l’entraînement. C’est notamment le cas des missiles. Les munitions présentant un problème technique sont détruites. Le SIMu détruit par « pétardement » de petites quantités de munitions : celles qui sont devenues tellement dangereuses que leur destruction ne peut souffrir aucun retard. Le reste est dirigé vers des filières de destruction auxquelles le service interarmées des munitions a recours par l’intermédiaire de la NSPA, l’agence d’achat de l’OTAN. Les munitions sont traitées à l’étranger ou par l’usine de démantèlement de MBDA à Subdray, à côté de Bourges. Il s’agit d’un processus coûteux, voire très coûteux pour les missiles, même si la matière première récupérée peut venir atténuer le coût de la prestation.

Cette étape, désormais incontournable, nous amène à formuler plusieurs recommandations. Il convient de procéder à une revue de la durée de péremption des munitions actuellement en stock et de la prolonger lorsque cela est possible ; il convient également de soutenir la recherche sur le vieillissement des poudres et des explosifs et l’émergence de matériaux énergétiques plus stables dans le temps, afin de prolonger la durée d’utilisation des munitions. Enfin il est indispensable à nos yeux que le démantèlement fasse partie de la phase initiale de la conception des munitions et il convient d’étudier le bien fondé d’inclure dans les contrats d’acquisition une clause concernant l’élimination.

Ce qui est possible pour le missile le plus sophistiqué, contenant une grande variété de composants, ne l’est malheureusement pas pour les déchets de tir pyrotechniques, c’est-à-dire majoritairement les douilles, qui sont considérés comme des déchets et non comme des munitions et ne sont de ce fait pas exportables en vertu d’un règlement européen. Ils doivent donc être traités en France où la filière n’existe pas. Faute de prestataire, une réflexion est menée en interne en vue de l’émergence d’une solution que nous appelons également de nos vœux.

Soutenues par les crédits d’études amont, dont nous souhaiterions que les munitions bénéficient davantage, les munitions de demain sont à l’étude. La tendance, depuis la première guerre du Golfe, est aux munitions de plus en plus précises et de plus en plus modulables. Nous insistons sur ce point, car, les combats ayant lieu en zone urbaine il convient de réduire le rayon de létalité des munitions, ce qui correspond à une demande croissante de nos armées, notamment dans le cadre des opérations extérieures. Selon toute vraisemblance, les munitions de moyen et gros calibre deviendront à terme probablement toutes « intelligentes ». Nous attirons à ce propos l’attention sur la nécessité de consacrer des crédits de recherche aux obus du futur. D’autres axes sont pour les missiles, la miniaturisation, particulièrement importante pour la marine, l’allongement de la portée et les technologies de navigation alternatives pour s’affranchir de la dépendance au GPS. Ce ne sont que quelques exemples qui devront, comme l’ensemble des développements à l’étude, tenir compte du règlement REACH, ce qui représente un véritable défi, onéreux par ailleurs.

Nous tenons en conclusion à remercier les interlocuteurs que nous avons rencontrés dans le cadre de notre mission, à l’Assemblée nationale ou sur leur lieu de travail. Tous, militaires comme civils, étaient passionnés par leur métier et eux-mêmes passionnants ; ils donnent chaque jour de leur temps et de leur âme au service de la France.

M. Yves Fromion. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux car ils ont mis le doigt sur les problèmes les plus cruciaux qui se posent à la filière munitions.

J’aimerais savoir s’il existe toujours des contrats pluriannuels pour les munitions de petit et moyen calibres pour atténuer l’effet dévastateur des variations budgétaires d’une année sur l’autre et donner davantage de visibilité aux entreprises de cette filière.

J’aimerais également savoir si vous avez des éléments d’information sur la nature de la golden share dans le projet KANT de fusion entre KMW et Nexter. Les munitions, vous l’avez dit, sont un point de souveraineté majeur : cette golden share permet-elle donc à l’État français d’imposer ses conditions aux entreprises ?

Pouvez-vous nous dire un mot sur les munitions de 40 mm télescopées, qui représentent certainement l’avenir ?

Avez-vous enfin des éléments d’informations sur les raisons du départ du président de Nexter, M. Philippe Burtin, qui portait ce projet de fusion ?

M. Nicolas Dhuicq, rapporteur. Les contrats pluriannuels sont malheureusement en voie de disparition, et c’est un sujet d’inquiétude pour les industriels. Cela nuit à la visibilité de leurs investissements et c’est la part qu’ils consacrent à la recherche et au développement qui souffre le plus de cette situation.

M. Nicolas Bays, rapporteur. La filière des munitions de petit calibre est la plus impactée par cette situation, car les marges y sont très faibles alors que les investissements sur la chaîne de production sont très lourds.

M. Nicolas Dhuicq, rapporteur. Nous n’avons pas d’informations particulières sur la golden share. À titre personnel – je m’étais déjà exprimé sur ce point dans l’hémicycle – je ne vous cache pas mon inquiétude. Je n’étais pas favorable à cette fusion entre KMW et Nexter car je vois l’Allemagne concentrer toutes les hautes technologies en matière de défense.

Les raisons du départ de M. Burtin n’entraient pas dans le champ de notre mission.

Pour ce qui concerne les munitions de 40 mm, elles viennent en remplacement de celles de 90 mm ou de 105 mm, avec des avantages liés au recul atténué, une rapidité de tir supérieure et des sécurités supplémentaires en termes de stockage.

M. Nicolas Bays, rapporteur. Je tiens à préciser qu’EURENCO, la filière poudres de Nexter, ne fait pas partie du projet KANT.

M. Jean-Jacques Candelier. Je suis rassuré par vos propos car il n’y aurait pas de pénurie de bombes et de munitions de petit calibre. Où se fournit la France s’agissant de ces dernières ? Je pense que la production de munitions de petit calibre devrait intervenir en France, je suis d’accord sur ce point avec Nicolas Bays.

On entend beaucoup de choses sur le FAMAS, arme ancienne désormais, qui poserait divers problèmes, de chargeur et de munitions, mettant en danger la vie de nos soldats : est-ce vrai ?

M. Nicolas Bays, rapporteur. Pour ce qui concerne les munitions de petit calibre, nous passons par l’agence de l’OTAN et n’avons donc pas de fournisseur unique. Ils sont tous qualifiés au terme d’un long processus imposant un taux d’incidents maximum de deux incidents de tir sur cinq millions effectués. Il n’y a plus de risque sur ce point aujourd’hui pour le FAMAS, bien que l’on ait connu des soucis par le passé.

Concernant les bombes, les fournisseurs étrangers sont en grande majorité des Américains, notamment pour les GBU.

M. Nicolas Dhuicq, rapporteur. Nous considérons, et nous sommes un peu « colbertistes » en la matière, qu’aucune brique de la filière ne doit échapper à la souveraineté nationale. Nous avons six fournisseurs de munitions de petit calibre, répartis sur l’ensemble de la planète.

Nous avons effectivement eu un problème avec le stock d’un fournisseur américain dont les cartouches étaient plus dotées en poudre car elles étaient prévues pour les M16. Elles n’étaient pas adaptées aux FAMAS. Le SIMu accomplit aujourd’hui un gros travail pour trier manuellement ces cartouches pour éliminer les défauts et celles incompatibles, afin d’assurer ainsi la sécurité des cartouches qui seront mises à disposition. En dehors de cette commande désastreuse, le niveau de risque pour les munitions est de 10- 7 .

En ce qui concerne les bombes, je pense qu’il faut bien distinguer les corps de ces bombes, les explosifs et les kits de guidage. La SAMP fabriquait des corps de bombes. Nous ne pouvons pas beaucoup nous exprimer sur ce sujet car un procès est en cours, mais nous pouvons dire que la DGA n’a pas été très efficace sur ce sujet. Pour ce qui concerne les achats de bombes étrangères, se posent des problèmes de normes, certains explosifs allemands ne correspondent pas à nos critères de sécurité mais des travaux sont en cours pour trouver des sources d’approvisionnements.

S’agissant du groupe aéronaval et de ses stocks, nous n’avons aucune inquiétude au vu de la cathédrale de munitions du Charles-de-Gaulle, tant que nous restons dans le cadre actuel de nos missions.

M. Nicolas Bays, rapporteur. Pour revenir sur les munitions de petit calibre, et c’est pourquoi nous y sommes particulièrement attentifs, il y a déjà eu des retards dans les commandes. La police et la gendarmerie commandent par exemple chaque année quelque 28 millions de cartouches de 9 mm et, en raison de la situation en Ukraine l’an dernier, des livraisons ont pris six à sept mois de retard, ce qui a conduit à décaler dans le temps certaines séances d’entraînement. Ainsi, toute tension sur la scène internationale, peut avoir des répercussions chez nous, même si nous avons plusieurs fournisseurs.

Il n’y pas de pénurie de kit de guidage pour les bombes, sachant en outre qu’une bombe peut être tirée en configuration lisse, sans fait de guidage, même si la précision est alors bien moindre.

M. Daniel Boisserie. La question des munitions de petit calibre est pour moi aussi un sujet de préoccupation. Quelles solutions concrètes proposez-vous pour remettre en place une filière industrielle française en la matière ? Vous évoquez un investissement de 100 millions d’euros, ce qui paraît modeste. Envisagez-vous la création d’une société publique, ou un soutien aux industries privées ? S’agissant de nos fournisseurs étrangers, leurs produits présentent-ils le même degré de fiabilité ?

M. Nicolas Bays, rapporteur. Rappelons que l’un des grands champions mondiaux de fabrication de machines-outils destinées à la production de munitions de petit calibre ‒ notamment le calibre 5.56 mm ‒ est français : il s’agit de la société Manurhin.

M. Yves Fromion. Encore faudrait-il s’interroger sur l’avenir de la munition de 5.56 mm : avec le remplacement du FAMAS, si mes informations sont bonnes, on y renoncerait dans le cadre du programme AIF au profit du calibre OTAN. La question est donc posée d’une filière en 7,62 mm.

M. Nicolas Bays. Manurhin fabrique des machines-outils qui produisent elles-mêmes tous types de munitions de petit calibre : il faut deux heures pour convertir une telle machine-outil d’un calibre à un autre.

S’agissant du modèle économique d’une filière française de munitions de petit calibre, la production nationale serait probablement un peu plus chère que les prix mondiaux, et il est particulièrement important de donner à l’industrie une certaine visibilité sur le marché, au moyen de contrats-cadre. Sans une garantie de commande pour cinq ans, les industriels n’investiront pas.

M. Nicolas Dhuicq, rapporteur. L’évolution du calibre évoquée par Yves Fromion renvoie au fait qu’à la différence de la période de la guerre froide, il est désormais nécessaire de disposer d’une munition permettant de stopper l’adversaire, et non seulement de le blesser. Les investissements nécessaires sont très modestes, et l’on peut créer 150 emplois en France. Il s’agit donc d’une question de volonté politique.

M. Michel Voisin. Quel est désormais le rôle de la gendarmerie prévôtale en matière de transport de munitions, notamment nucléaires ?

M. Nicolas Dhuicq, rapporteur. La gendarmerie prévôtale n’a pas de rôle particulier en matière de munitions conventionnelles, à la différence de ce qui concerne la dissuasion, qui n’entrait pas dans notre champ d’investigation.

M. Nicolas Bays, rapporteur. Je tiens à attirer votre attention sur les difficultés de gestion du stock de certaines munitions, fabriquées uniquement pour la France et livrées en une fois, tel le missile SCALP. L’ensemble du stock de ces munitions se périme à peu près en même temps. Or, compte tenu des délais nécessaires pour remettre en place les chaînes industrielles, il faut veiller à anticiper suffisamment leur remplacement.

M. Nicolas Dhuicq, rapporteur. J’aimerais moi-aussi attirer votre attention sur un point concernant la marine : l’importance de veiller à ce que le programme Aster soit pleinement mis en œuvre. Ces missiles sont indispensables pour former une « bulle de sécurité » autour de nos déploiements navals.

La commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur la filière munitions en vue de sa publication.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS ET DÉPLACEMENTS

Par ordre chronologique

1. Auditions

Ø Service interarmées des munitions – M. le général Stéphane Ovaere, directeur

Ø État-major de l’armée de terre – M. le général Philippe Deschamps, adjoint soutien logistique du sous-chef plans programmes, M. le lieutenant-colonel Christian Boulagnon, officier de synthèse munitions, bureau programmes et systèmes d’armes, et M. le lieutenant-colonel Pierre Chareyron, chargé des relations parlementaires

Ø Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP) –M. Christian Martin, président

Ø État-major de l’armée de l’air – M. le général Philippe Roos, sous-chef activité, et M. le lieutenant-colonel Jérôme Pierre, chef de la section armement-munition du bureau appui à l'activité de la division intégration des soutiens

Ø État-major de la marine – M. l’amiral Denis Béraud, sous-chef état-major soutien finances, M. l’amiral Jean-Philippe Chaineau, sous-chef état-major plans programmes, M. le capitaine de vaisseau François Moreau, officier de cohérence d’armée marine, M. le capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman, chef du bureau liaisons parlementaires, M. le capitaine de frégate Laurent Laporte, officier de synthèse munitions, missiles et drones au bureau cohérence organique, et M. le capitaine de frégate Alban-Théodose Morel, chef de la section munitions

Ø M. l’ingénieur général de l’armement Pierre Lusseyran, inspecteur de l’armement pour les poudres et explosifs, M. le commandant Frédéric Pechoux, adjoint de l’inspecteur de l’armement pour les poudres et explosifs, M. l’ingénieur cadre technico-commercial Patrick Lamy, chef de la cellule sécurité des munitions, et Mme l’ingénieure générale de l’armement Mireille Carlier, responsable pôle missiles, armes et technologies nucléaires de défense à la direction générale de l’armement

Ø Gendarmerie – M. Michel Vilbois, chef de service, M. Patrick-Charles Darras, sous-directeur des équipements et adjoint au chef de service, M. François-Alain Duc, chargé de mission, M. Sylvain Chedmail, adjoint au chef du bureau de la gestion des équipements, et M. le colonel Jean-Pierre Aussenac, chef du bureau de la synthèse budgétaire

Ø Centre du soutien des opérations et des acheminements – M. le colonel Philippe Rives chef d’état-major du centre du soutien des opérations et des acheminements et M. le lieutenant-colonel Alain Lefetz, son adjoint et le Centre des transports et des transits de surface – M. le colonel Christophe Denis, commandant en second, M. le commandant Thierry Antolinos et M. le commandant Yann Merlier

Ø MBDA* – M. Jacques Doumic, responsable frappe dans la profondeur et antinavires, business développement groupe, et Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement

Ø Direction générale de l’armement (DGA) – M. l’ingénieur général Bertrand Le Meur, sous-directeur des affaires industrielles, et M. l’ingénieur général François Mestre, sous-directeur du service de préparation des systèmes et d’architecture

Ø Service interarmées des munitions - M. le général Philippe Toubin, directeur

Ø Groupe Manurhin : M. Rémy Thannberger, président du conseil de surveillance, et M. Robert Nguyen, directeur technique

Ø État-major des armées – M. l’amiral Philippe Coindreau, sous-chef « performance », et M. l’amiral Jean-Philippe Rolland, chef de la division cohérence capacitaire

Ø État-major de l’armée de l’air – M. le général Philippe Roos, sous-chef Activité, et M. le lieutenant-colonel Jérôme Pierre, chef de la section armement-munition du bureau appui à l'activité de la division intégration des soutiens

2. Déplacements

Ø Brienne le Château (le 11 juin 2015) - Établissement principal munitions Champagne- Picardie: M. le lieutenant-colonel Arnaud Richebe, directeur et ses collaborateurs

Ø Saint Dizier (le 2 juillet 2015) – Base aérienne 113 « Commandant Antoine de Saint-Exupéry » à Saint-Dizier : M. le général Thierry Angel, adjoint au sous-chef activité, M. le lieutenant-colonel Jérôme Pierre, chef de la section armement-munition du bureau appui à l'activité de la division intégration des soutiens, et M. le colonel Jérôme Bellanger

Ø Metz (le 3 juillet 2015) – Troisième régiment de hussards : M. le colonel Cyril Bourdeau de Fontenay, commandant le 3ème régiment de hussards, M. le lieutenant-colonel Pierre Biclet, chef du bureau opérations instruction

Ø Toulon (les 17 et 18 septembre 2015) :

● Établissement principal de munitions Méditerranée : M l’ingénieur central de première classe des études et des techniques de l’armement Daniel Pichon, directeur de l’établissement, M. le conseiller technique de la défense Jean Claude Colombano, directeur-adjoint, et M. le capitaine de frégate Yann Lefébure, chef du groupement munitions

● Base navale de Toulon :

– Commandement Méditerranée (CECMED) : M. le capitaine de vaisseau Bernard Velly, commandant de la base de défense (ComBdD)

– Frégate Jean Bart : M. le capitaine de vaisseau Olivier de Saint-Julien, commandant

– Visite d’un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) type Rubis, rencontre avec M. le capitaine de vaisseau Sébastien Maloingne, commandant de l’escadrille de SNA (COMESNA)

Ø Bourges (les 3 et 4 décembre 2015) :

● Nexter : M. Philippe Burtin, président de GIAT Industries et président directeur général de Nexter Systems, M. Jean-Patrick Baillet, président-directeur général du pôle munitionnaire de Nexter, M. Michel Vatrey, directeur général de Nexter Munitions, Mme Laetitia Blandin, directrice de la communication externe

● EURENCO : M. Dominique Guillet, directeur général

● DGA techniques terrestres : M. Stéphane Pichon, directeur, et MM. Serge Roques Yannick Anne, Hervé Daurat, Philippe Perret, Tristan Oger et F. Vilain

● Centre de formation de la défense : M. Jean-François Munoz, directeur et M. l’ingénieur d’études et de fabrications Noël Pitault, chef du département P3SE (pyrotechnie, systèmes d’armes, santé et sécurité au travail, environnement)

● MBDA* : M. Jacques Doumic, responsable frappe dans la profondeur et antinavires, business développement groupe, Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement et MM. Pierre Ledoux, Olivier Everaert, David Godet, Pascal Giacometti, Michel Cotiche, Dominique Carriat, Thierry Cuenot et Dominique Vaugeois

● Écoles militaires de Bourges : M. le général Cavatore, général commandant l’école du matériel, M. le colonel Bellanger, directeur de la formation de l’école du matériel, M. le lieutenant-colonel Charlin, chef de la division électronique armement, M. le capitaine Breton, chef du cours pyrotechnie

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

1 () Compte rendu n° 21 du 25 novembre 2015.

2 () Alinéa 1.1.6 de l’instruction n°14-00951-D/DEF/SIMu/TECH/LM du 10 mars 2014 relative à la rédaction et au traitement des procès-verbaux de perte, destruction, détérioration et déficit sur recensement de munitions, déchets de tir, emballages, accessoires associés et matériels spécifiques munitions des trois armées, dont la gestion est assurée par le service interarmées des munitions.

3 () La trajectoire balistique est influencée uniquement par la gravité et la friction aérodynamique. La phase balistique est donc précédée par une phase d’accélération fournie par une-fusée motrice donnant à la munition l’impulsion indispensable à l’atteinte de sa cible.

4 () Corporation des missiles tactiques.

5 () ThyssenKrupp Marine Systems.

6 () Whitehead Alenia Sistemi Subacquei.

7 () Thales Underwater Systems.

8 () Alliant Techsystems Inc.

9 () Saab Bofors Dynamics Switzerland.

10 () Rüstungs Unternehmen Aktiengesellschaft.

11 () Metallwerk Elisenhütte GmbH.

12 () Instruction N° 1184/DEF/DGA/INSP/IPE relative à la spécification du besoin en munitions à risques atténués pour toute nouvelle acquisition de munitions, en date du 20 décembre 2012, publiée dans le bulletin officiel des armées du 7 juin 2013.

13 () Chiffre fourni par Nexter, les autres chiffres figurant dans III émanent de la DGA.

14 () Cased Telescoped Armement International.

15 () Fusil d’assaut de la manufacture d’armes de Saint-Étienne.

16 () Standardization Agreement, accords de normalisation.

17 () Low collateral damage bomb, bombe à dommages collatéraux réduits.

18 () IHS Jane’s Defence Weekly, 18 novembre 2015.

19 () AFP infos mondiales, 16 novembre 2015.

20 () Munition anti-char “intelligente” BONUS (Bofors Nutating Shell), appelée également obus ACED (Anti-Char à Effet Dirigé) de 155 mm. Cet obus transporte deux charges militaires capables de détecter et détruire des blindés.

21 () Concernant l’AASM, le contrat opérationnel fixé par le Livre blanc de 2013 est de 1 748 unités, le parc 2013 est de 1 216, les commandes 2014-2019 prévues par la loi de programmation militaire 2014-2019 sont de 532 et celles prévues par l’actualisation de la loi de programmation de 2015 sont de 492 unités. 212 unités auraient été commandées en 2015.

22 () Les dépôts munitions des forces de présence et de souveraineté (FP/FS) sont armés par du personnel dit permanent en mission longue durée de 2 à 3 ans et par du personnel tournant en mission de courte durée, généralement de quatre mois. Sous les ordres du chef de dépôt, toujours en mission de longue durée, le personnel tournant effectue toutes les tâches du soutien munitions ; il est également susceptible de soutenir directement une OPEX.

23 () Le dépôt de Billard a fermé en été 2015.

24 () Soutien munitions-activités » du BOP 178-68 C.

25 () Formation qualifiante niveau 1 des ouvriers de l’État groupe VI.

26 () Formation qualifiante niveau 2.

27 () Compte-rendu n° 8.

28 () Si les chiffres varient selon les sources ouvertes, il est raisonnable d’estimer que le vol se monte à quelque 150 détonateurs électroniques et pyrotechniques, une dizaine de pains de plastic et une quarantaine de grenades accompagnées d’une soixantaine de leurs bouchons allumeurs.

29 () Compte-rendu n° 18.

30 () Compte-rendu n° 7.

31 () Compte-rendu n° 3.

32 () Notamment : IATA (International Air Transport Association) pour les transport aériens, RID (Regulations concerning the International carriage of Dangerous goods by rail) pour les transports ferroviaires, ADR (accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route) pour les transports routiers et RPM (Règlement pour le transport et la manutention des marchandises dangereuses dans les Ports Maritimes) pour les transports maritimes.

33 () Le délai est de quinze jours dans le meilleur des cas.

34 () Il faut un minimum de huit semaines pour obtenir une dérogation auprès de la DGAC pour le transport de munitions par avions civils.

35 () Structure métallique modulaire permettant d’emprisonner une épaisseur de terre entre deux couches de géotextile.

36 () Compte rendu n° 26.

37 () Snail charge rocket motor.

38 () REACH : Registration, Evaluation, Authorization of CHemicals (EnRegistrement de toutes les substances chimiques fabriquées ou importées sur le marché européen (tonnage >1t/an) d’ici 2018, .Évaluation des propositions d’essais, des dossiers d’enregistrement et des substances, Autorisation pour les substances extrêmement préoccupantes


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