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N° 3811

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

sur l’évaluation du soutien public au thermalisme

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Dominique DORD et MME Jeanine DUBIÉ

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS 7

INTRODUCTION 9

I. UN SECTEUR D’ACTIVITÉ TRADITIONNEL À LA DIVERSITÉ AFFIRMÉE 11

A. UNE EMPREINTE TERRITORIALE INÉGALE 11

1. Une fréquentation en hausse mais avec des performances contrastées 11

2. Un poids économique variable selon les communes 14

B. DES MODES DE GESTION DIFFÉRENTS MAIS UN ÉQUILIBRE FRAGILE 16

1. Des opérateurs privés aux stratégies variées 18

2. Des engagements publics plus ou moins lourds 20

II. UNE RÉGULATION PAR LES POUVOIRS PUBLICS MARQUÉE PAR LA MÉDICALISATION 22

A. LES SOURCES, LES ÉTABLISSEMENTS THERMAUX ET LES STATIONS : UN STATUT ORIGINAL 22

1. Qu’est-ce qu’une eau minérale naturelle ? 22

2. Comment peut-on exploiter une eau minérale naturelle à des fins thérapeutiques ? 23

3. La disparition programmée de la station hydrominérale au profit de la station classée 26

B. UN CONTRÔLE SANITAIRE RIGOUREUX 28

1. Une reprise en main fondée sur la déconcentration des procédures et l’autocontrôle 28

2. Des résultats probants 33

C. UNE PRISE EN CHARGE PAR L’ASSURANCE MALADIE QUI SEMBLE AVOIR ATTEINT UN ÉQUILIBRE 35

1. Une normalisation détaillée des tarifs et des soins 36

2. Une répartition équitable des charges et des risques entre la collectivité, le curiste et l’établissement thermal 41

3. Le début de la démonstration d’un service médical rendu 46

III. QUEL AVENIR POUR LE THERMALISME FRANÇAIS ? 54

A. AUGMENTER LE SOCLE DES CURES CONVENTIONNÉES 55

1. Des paramètres fondamentaux favorables au secteur 55

2. Adapter les modalités des cures aux contraintes de la société 57

B. PÉRENNISER LA MÉDECINE THERMALE 58

1. Les inquiétantes perspectives démographiques 59

2. Faciliter l’accès à la médecine thermale 60

C. DÉVELOPPER LES AUTRES ACTIVITÉS MÉDICALES 62

1. Répondre à une demande de cures plus courtes 63

2. Proposer des modules d’éducation thérapeutique du patient 64

D. FAVORISER LA DIVERSIFICATION EN CONCILIANT BIEN-ÊTRE ET MÉDICALISATION 67

1. Les spas et les produits dérivés des eaux thermales 68

2. Le thermoludisme et le loisir 69

E. CAPITALISER SUR LE POTENTIEL TOURISTIQUE DES STATIONS THERMALES 70

1. Un patrimoine à mettre en valeur 71

2. Bénéficier de la relance de la politique du tourisme et de ses instruments 72

EXAMEN PAR LE COMITÉ 75

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 87

« Il y a encore une foule de préjugés sur la vie des eaux.
On est assez disposé à croire que c’est une série d’amusements perpétuels,
un carnaval d’été, où l’on mène l’existence à grands guides :
c’est tout le contraire. À part les viveurs excentriques,
qui n’ont jamais assez de fenêtres par où jeter leur argent,
et les joueurs obstinés, qui se ruinent toujours,
les baigneuses et les buveurs d’eau sont généralement des gens simples et paisibles
qui se préoccupent avant tout de leur santé.
 »

Charles Brainne, Baigneuses et buveurs d’eau, Paris, 1861.

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1 : améliorer la qualité des informations disponibles au niveau central sur les eaux minérales naturelles :

– augmenter le nombre d’informations obligatoirement saisies par les agences régionales de santé dans la base de données SISE-Eaux d’alimentation ;

– mettre en œuvre un système d’information géographique sur les captages.

Proposition n° 2 : appliquer rapidement les dispositions de l’arrêté du 22 octobre 2013 relatives au suivi de la stabilité de la composition physico-chimique des eaux minérales naturelles dans les établissements thermaux.

Proposition n° 3 : conduire une expertise scientifique sur la nécessité d’inclure les boues thermales dans le champ du contrôle sanitaire.

Proposition n° 4 : réviser le mécanisme d’agrément des laboratoires autorisés à procéder au contrôle sanitaire des établissements thermaux en s’inspirant du régime applicable au contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine.

Proposition n° 5 : assouplir les procédures règlementant les soins délivrés par les établissements thermaux (nouvelle orientation, nouveaux soins).

Proposition n° 6 : prévoir une représentation des médecins thermaux à la commission paritaire nationale.

Proposition n° 7 : instaurer un délai maximal d’un mois pour la délivrance de la prise en charge administrative par les caisses d’assurance maladie.

Proposition n° 8 : ajuster les tarifs forfaitaires de responsabilité lors de la première année de la nouvelle convention.

Proposition n° 9 : introduire les cures thermales dans le panier de soins minimal pris en charge par les assurances complémentaires souscrites par les entreprises au profit de leurs salariés.

Proposition n° 10 : ne pas porter atteinte à l’équilibre de la convention thermale nationale et maintenir le taux de prise en charge par l’assurance maladie.

Proposition n° 11 : approfondir les études relatives à la démonstration du service médical rendu sur l’impact spécifique de l’eau minérale naturelle dans l’effet thérapeutique et sur l’efficience du thermalisme, notamment sur la dépense de soins des curistes.

Proposition n° 12 : saisir la Haute autorité de santé d’une évaluation de l’impact du thermalisme sur une pathologie donnée ou d’une étude médico-économique sur l’efficience de la médecine thermale.

Proposition n° 13 : réaliser une enquête nationale statistique sur la population des curistes conventionnés.

Proposition n° 14 : répondre à la crise du thermalisme pour enfants en expérimentant le fractionnement des cures ou le séjour en famille d’accueil.

Proposition n° 15 : adapter les modalités des cures aux contraintes de la société :

– expérimenter les cures fractionnées pour certains adultes ;

– développer les cures du soir après la journée de travail ;

– prévoir la possibilité de dispenser des soins le dimanche.

Proposition n° 16 : faciliter l’exercice de la médecine thermale :

– créer un statut de médecin thermal salarié au sein des établissements thermaux ;

– rendre possible la validation des acquis de l’expérience.

Proposition n° 17 : réformer les études de médecine thermale :

– revaloriser l’enseignement thermal dans le deuxième cycle en concevant des épreuves à l’examen national classant ;

– développer et étendre le diplôme interuniversitaire d’une durée d’un an dès le deuxième cycle validé ;

– envisager la création d’un diplôme national d’une durée de deux ans dès le deuxième cycle validé.

Proposition n° 18 : engager une stratégie de conquête des curistes étrangers :

– créer un label européen de qualité des soins inspiré du label Aquacert ;

– financer une campagne de promotion sectorielle à l’étranger en partenariat avec Atout France.

Proposition n° 19 : développer les financements de modules d’éducation thérapeutique du patient dans les établissements thermaux par les fonds d’intervention régionaux gérés par les agences régionales de santé.

Proposition n° 20 : aménager la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation de la République (NOTRE) en autorisant les communes classées stations de tourisme à conserver un office de tourisme communal de plein exercice.

Proposition n° 21 : inciter le secteur du thermalisme à candidater aux appels à projets des investissements d’avenir ou aux financements fléchés de la Caisse des dépôts et consignations en faveur de la promotion du tourisme.

INTRODUCTION

À la demande du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a, le 8 octobre 2015, inscrit à son programme de travail une évaluation de la politique du soutien public au thermalisme.

Le 3 novembre 2015, le CEC a désigné les deux rapporteurs de cette évaluation :

– Mme Jeanine Dubié, membre du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), membre de la commission des Affaires économiques ;

– M. Dominique Dord, membre du groupe Les Républicains, membre de la commission des Affaires sociales.

En application de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, a été constitué un groupe de travail composé de Mme Danielle Auroi, M. Pierre Aylagas, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Édith Gueugneau et M. Philippe Vitel.

Les rapporteurs ont souhaité faire le point sur les modalités du soutien public au thermalisme dans un contexte apaisé puisque ce secteur connaît une phase de croissance modérée mais continue depuis une petite dizaine d’années et que ses relations avec l’assurance maladie sont étroitement définies par une convention dont le renouvellement fera l’objet de discussions au cours de l’année 2017.

Après avoir entendu 38 personnes au cours de 19 auditions, représentatives des différents acteurs et partenaires de ce secteur, les rapporteurs ont pu mesurer le chemin parcouru depuis la crise vécue par le thermalisme français à la fin des années 90, qui s’était notamment traduite par la publication de deux rapports officiels très critiques : le premier était un rapport public particulier émanant de la Cour des comptes (« Les interventions publiques dans le domaine du thermalisme », janvier 1995) et le second un rapport au ministre de l’emploi et de la solidarité de l’inspecteur général des affaires sociales (IGAS), M. Pierre Delomenie (« Rapport sur le thermalisme français », octobre 2000).

La régulation du thermalisme est aujourd’hui beaucoup plus étroite, tant sur le plan du contrôle sanitaire que sur celui de l’encadrement des soins, et le secteur a pris conscience de la nécessité de mieux démontrer le service médical rendu.

Au terme de cette évaluation, les rapporteurs considèrent que la situation économique du thermalisme français reste fragile, que les relations avec l’assurance maladie ont atteint un point d’équilibre satisfaisant mais que les pouvoirs publics devraient davantage utiliser cet outil dans une approche plus large de santé publique.

I. UN SECTEUR D’ACTIVITÉ TRADITIONNEL À LA DIVERSITÉ AFFIRMÉE

Le thermalisme est une activité économique très ancienne dont les contours géographiques se sont pour l’essentiel figés dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

Après avoir connu un âge d’or jusqu’à la Belle Époque, il a lentement périclité avant de renaître après la deuxième guerre mondiale, fortement stimulé par sa prise en charge par la sécurité sociale.

Il se caractérise de nos jours par une grande diversité, malgré la normalisation des tarifs et des soins, tant sur le plan territorial que dans ses modes de gestion.

A. UNE EMPREINTE TERRITORIALE INÉGALE

Le thermalisme français compte actuellement 89 stations en activité et 110 établissements. Si l’on observe généralement la présence d’un établissement par station, il y a plusieurs exceptions à cette règle et un cas atypique avec la ville de Dax qui regroupe à elle seule 12 établissements thermaux.

Son implantation territoriale est le reflet de la géologie mais aussi de l’histoire, puisque certains régimes politiques, comme le Second Empire, ont fortement contribué à son développement. La géographie de cette activité est pour l’essentiel figée depuis la fin du XIXe siècle, même si l’on assiste encore, de manière très exceptionnelle, à la création de nouvelles stations thermales : la ville de Nancy a ainsi obtenu en 2014 un agrément pour une source mais son établissement thermal n’est pas encore en activité.

Il ne s’agit pas d’un jardin à la française avec une répartition équilibrée des sites et des investissements : l’immense majorité des stations est localisée au sud d’une ligne Bordeaux-Metz et les zones montagneuses, comme les Pyrénées ou le Massif central, comptent de nombreuses stations très proches les unes des autres.

Ces stations connaissent des fréquentations très variables et le poids économique du thermalisme, relatif ou absolu, est lui aussi très différent d’une commune ou d’un bassin d’emploi à l’autre.

1. Une fréquentation en hausse mais avec des performances contrastées

Le thermalisme connaît depuis une petite dizaine d’années une période de dynamisme mesuré, avec une croissance de l’ordre de 2 % par an du nombre de curistes conventionnés, c’est-à-dire effectuant une cure prise en charge par l’assurance maladie. 563 000 assurés sociaux ont effectué une cure thermale en 2015, soit 2,4 % de plus qu’en 2014 et 14 % de plus qu’en 2009, année qui a vu une inversion de tendance se produire après des décennies de baisse de la fréquentation qui était passée progressivement de 600 000 curistes en 1993 à 487 000 en 2009.

ÉVOLUTION DE LA FRÉQUENTATION DES ÉTABLISSEMENTS THERMAUX

Source : CNETh.

Ces chiffres sont issus du Conseil national des établissements thermaux (CNETh) qui est devenu l’unique syndicat professionnel représentant les exploitants thermaux français depuis sa création en 2002 à la suite de la fusion des trois syndicats préexistants. Le CNETh jouit d’une forte représentativité puisqu’il compte parmi ses adhérents 106 établissements thermaux sur les 110 exerçant en France. Il collationne les chiffres de fréquentation puisque celle-ci constitue la base de ses cotisations mais n’exerce pas de contrôle sur les déclarations des établissements.

Les rapporteurs ont demandé les chiffres des curistes ayant bénéficié de prise en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et ont constaté qu’ils étaient globalement proches de ceux du CNETh. Néanmoins, la CNAMTS consolide les données au niveau de la région de prise en charge par les caisses primaires et ne semble pas disposer de leur ventilation par station thermale.

Si la reprise de la fréquentation depuis 2009 est réelle, elle n’est cependant pas particulièrement dynamique et reflète davantage la démographie et l’augmentation de la classe d’âge 60-74 ans, qu’une hausse du taux de fréquentation des cures. Pour mémoire, les 563 000 curistes de 2015 équivalaient à 3,5% des plus de 60 ans et à 5,6% des 60-74 ans. Cette classe d’âge est en effet la première concernée par le thermalisme, selon une enquête TNS Healthcare datant de 2006 auprès de 112 000 curistes dans 78 établissements thermaux. Cette enquête révélait ainsi que 68 % d’entre eux étaient âgés de plus de 60 ans et 83 % de plus de 55 ans alors que leur âge moyen était de 63 ans. Ils étaient aussi retraités à 77 %.

La fréquentation reste par ailleurs très contrastée selon les stations puisqu’elle varie de 51 800 curistes à Balaruc à 465 curistes à Enghien-les-Bains. Les cinq premières stations (Balaruc, Dax, Gréoux, Aix et Amélie) cumulent plus de 185 600 cures en 2015, soit un tiers du total. Inversement, 21 stations ont dispensé moins de 2 000 cures chacune pour cette même année.

FRÉQUENTATION DES STATIONS THERMALES EN 2015

Source : CNETh.

2. Un poids économique variable selon les communes

Il est souvent affirmé que le thermalisme est un outil d’aménagement du territoire dans la mesure où il est présent dans certaines parties du territoire, notamment rurales ou montagnardes, où l’économie est peu diversifiée et parfois en déclin. Cette affirmation est parfois vérifiée mais elle est loin d’être observée partout, comme l’a démontré le Conseil national du tourisme (CNT) dans son rapport de 2011 consacré à la « diversification des stations thermales ».

Le CNT avait en effet rapporté le nombre d’emplois dans les établissements thermaux (8 000 postes de travail représentant 4 600 équivalent temps plein) au nombre total d’emplois des stations thermales (217 000 emplois soit un ratio moyen de 4 %) et défini une typologie des stations selon cette importance relative dans les termes suivants :

« - les grandes stations thermales, comme Dax, Vichy, Balaruc, situées dans un environnement économique diversifié : le thermalisme y représente une activité importante en valeur absolue, mais beaucoup moins en valeur relative ;

- les petites et moyennes stations fortement dépendantes du thermalisme, Molitg, Ussat, Vernet, Saint-Laurent ou Neyrac. Le thermalisme y représente plus de 20 % des emplois de façon directe, de l’ordre de 40 % à 50 % de façon indirecte ;

- entre ces deux extrêmes, des stations comme Brides, voire La Bourboule, concentrent un nombre important d’emplois, aussi bien en valeur absolue que relative ;

- enfin un groupe hétérogène de petites stations thermales, au sens où le nombre d’emplois directs est modeste en valeur absolue (moins de 100) comme en valeur relative (moins de 20 %) ».

Source: Insee, CNETh, cabinet Horvath.

La seule prise en considération des emplois directs (qui s’élèvent actuellement à plus de 9 000 dont 5 000 agents thermaux et 3 000 techniciens pour 6 400 équivalent temps plein) ne suffit toutefois pas à mesurer l’impact global du thermalisme sur la vie économique des stations thermales car il convient de mesurer la contribution des curistes et de leurs accompagnants ainsi que les dépenses des établissements thermaux et de prendre en compte les emplois indirects ou induits.

Une approche très simple consiste à mesurer la part relative du temps passé dans la station par les curistes, exprimé en journées, par rapport au temps passé par les résidents sur l’ensemble de l’année dans la station. Le thermalisme représentait ainsi en 2015 plus de 10 millions de journées, soit de l’ordre de 10 % en moyenne de la fréquentation globale des stations thermales et donc au moins 10 % de la vie économique (le chiffre est supérieur car un curiste logé ailleurs que chez lui dépense plus qu’un résident et il faut prendre en compte les accompagnants ; inversement, la saison des cures ne dure pas toute l’année).

Là encore, le ratio est très variable d’une station à l’autre et peut être supérieur à 100 % lorsqu’une station a plus de curistes que d’habitants (Brides-les-Bains ou Eugénie-les-Bains). Ce ratio est rarement marginal car 90 % des établissements thermaux sont implantés dans des communes de moins de 10 000 habitants.

De manière plus analytique, il existe des enquêtes qui permettent de mieux cerner l’impact du thermalisme sur un bassin économique précis.

En 2015, la chambre de commerce et d’industrie de Bayonne a ainsi estimé :

– à 8,7 millions d’euros (et 142 emplois) l’impact direct de l’activité des thermes de Cambo-les-Bains (masse salariale de l’établissement, investissement, consommation) ;

– à 12,8 millions d’euros (et 163 emplois) l’impact indirect correspondant aux dépenses des curistes (ils étaient 14 000 en 2015 dans cette station) et de leurs accompagnants chez les prestataires de biens et de services et notamment au titre de l’hébergement et de l’alimentation ou de la restauration, évaluées, après réponses à un questionnaire, à un montant d’un peu moins de 24 euros par personne et par jour ;

– à 45 millions d’euros (et 458 emplois) l’impact induit correspondant à l’effet d’entraînement sur l’économie locale des flux monétaires générés par l’impact direct et indirect et mesuré par application d’un multiplicateur différencié selon le type de dépenses.

C’est en se fondant sur ce type d’études que le CNETh affiche un chiffre de 100 000 emplois générés au niveau national par le thermalisme, qu’il s’agisse des emplois directs, indirects ou induits. De même, le CNETh a commandé une étude macro-économique en 2009 qui a estimé à un peu moins de 840 millions d’euros le chiffre d’affaires généré par les curistes et leurs accompagnants en additionnant les dépenses médicales, les dépenses d’hébergement, d’alimentation et de transport.

Le secteur le plus directement impacté par la présence d’un établissement thermal est celui de l’hôtellerie au sens large puisque le curiste doit résoudre son hébergement pour une durée de 18 à 21 jours et c’est ce poste qui constitue sa plus grosse dépense et l’essentiel de son reste à charge. À cet égard, les observations du CNT faites dans son rapport précité restent valides : on constate un déclin de l’hôtellerie traditionnelle, par ailleurs de plus en plus déconnectée de l’activité thermale (elle n’accueillerait que 10 à 15 % des curistes conventionnés), au profit des résidences de tourisme et des locations meublées.

Le modèle de l’hébergement intégré, c’est-à-dire proposé par l’exploitant de l’établissement thermal, est aussi en pleine croissance, surtout dans les grands réseaux privés qui fondent de plus en plus leur rentabilité sur ce type de package.

B. DES MODES DE GESTION DIFFÉRENTS MAIS UN ÉQUILIBRE FRAGILE

La coexistence des modes de gestion privée et publique est consubstantielle au thermalisme puisque la propriété des sources relevait des deux régimes depuis l’origine. La gestion déléguée au privé par la puissance publique est également très ancienne, l’État ayant par exemple mis en ferme les sources de Vichy dès 1853. Actuellement, la gestion privée, en pleine propriété ou par délégation de service public (DSP), est très largement majoritaire puisque seulement un quart des établissements thermaux, soit 26 sur 104, sont sous gestion publique, sous forme de régie ou de société d’économie mixte ou de société publique locale (SPL).

MODALITÉS DE GESTION DES ÉTABLISSEMENTS THERMAUX

Source : CNETh.

Au-delà de la diversité des modes de gestion, le secteur connaît des équilibres parfois difficiles qui le rendent encore peu attractif pour de grands investisseurs.

1. Des opérateurs privés aux stratégies variées

La gestion privée des établissements thermaux relève d’opérateurs de taille très différente mais pour l’essentiel anciennement présents dans le secteur et dotés d’une culture d’entreprise familiale où l’indépendance de la gestion permise par la propriété du capital est compensée par des capacités d’investissement parfois limitées.

Avec 19 établissements en gestion et 171 000 curistes conventionnés en 2015 (30 % du total), la Chaîne thermale du soleil est de loin le premier exploitant d’établissements thermaux. Progressivement constitué par son fondateur à partir de la fin des années 1950, le groupe familial, actuellement dirigé par ses petits-enfants, se singularise par la volonté d’acquérir la propriété des sources et des infrastructures, ce qui lui permet de disposer d’une pleine indépendance de décision et d’action. Il a cessé sa croissance externe depuis la fin des années 1990 afin de privilégier sa croissance organique et la modernisation de ses différents sites.

Son chiffre d’affaires s’élevait à 123 millions d’euros en 2014 dont 21 millions au titre de l’hébergement et de la restauration. La Chaîne thermale du soleil a toujours intégré des prestations d’hébergement dont la rentabilité est supérieure à celle du thermalisme. Le groupe exploite ainsi 19 établissements thermaux et 42 structures d’hébergement, de l’hôtellerie de plein air (mobiles homes) à l’hôtel 4 étoiles, qui ont représenté une activité de 562 000 nuitées en 2015.

Le groupe ne distribue pas de dividendes et consacre en moyenne 22 millions d’euros par an aux investissements.

Il emploie plus de 2 500 salariés en pleine saison, représentant un effectif moyen équivalent temps plein de 1 360 personnes et sa masse salariale s’est élevée à 49 millions d’euros en 2014, soit 40 % de son chiffre d’affaires. Ce chiffre montre que le thermalisme est une industrie de main d’œuvre, dont les coûts d’exploitation dépendent fortement de l’évolution du salaire minimum.

La maîtrise de ces coûts est facilitée par les économies d’échelle dues à la mutualisation des moyens et à la stratégie de groupe (promotion et marketing, communication et réservations, moyens techniques, expertise et laboratoires, achats, siège et ressources humaines).

Avec 11 établissements sous gestion et 52 000 curistes conventionnés en 2015 (9 % du total), le groupe Valvital est le second opérateur. Fondé en 1989 par l’ancien directeur marketing de la Chaîne thermale du soleil qui le dirige toujours, le groupe réalise un chiffre d’affaires de 39 millions d’euros dont plus de 20 % résulte des activités de remise en forme et 10 % de l’hébergement et de la restauration. Il n’est pas propriétaire des sites qu’il gère à l’exception des thermes d’Aix-les-Bains qu’il a acquis à l’État en 2011. Il dégage une capacité d’autofinancement de l’ordre de 5 millions et ne verse pas de dividendes. Sa masse salariale représente 52 % de son chiffre d’affaires et il emploie 570 personnes en équivalent temps plein.

Fondé en 1974, le groupe Eurothermes ne gère plus que 3 établissements thermaux en France (il est également présent en Suisse et en Belgique) pour 11 500 curistes conventionnés en 2015. Ce groupe s’est désengagé de cette activité dans la période récente, jugeant les montants de redevances demandés par certaines communes propriétaires de sites incompatibles avec la rentabilité de leur exploitation.

À côté de ces opérateurs historiques, deux nouveaux entrants s’apparentant à des fonds d’investissement semblent vouloir se développer sur plusieurs sites.

La société France Thermes, gestionnaire de Bagnoles-de-l’Orne, vient de prendre également en gestion sous forme de délégation de service public (DSP) l’établissement de Châtel-Guyon avec un projet d’investissement important s’appuyant sur la Caisse des dépôts et la Compagnie Lebon vient d’acquérir les thermes d’Allevard à la commune alors qu’elle gère déjà le site de Brides-les-Bains en DSP.

Les autres gestionnaires privés n’appartiennent pas à un groupe ou un réseau, ils ne sont pas présents sur plusieurs sites et les caractéristiques de leur exploitation relèvent de particularismes locaux liés à l’histoire de la station ou de l’établissement.

À l’opposé du groupe thermal multi-sites, la compagnie de Vichy, concessionnaire de l’État, a développé un modèle d’entreprise thermale totale, investissant tous les segments, depuis les cures conventionnées jusqu’au bien-être médicalisé et aux cosmétiques en passant par l’hébergement, la restauration, et elle est l’une des seules à avoir conservé l’embouteillage (Vichy Célestins) qui représente encore 40 % de son chiffre d’affaires qui s’élève à 35 millions d’euros.

Il est significatif de constater qu’aucun grand groupe n’a investi ce secteur, à la différence de celui des eaux minérales en bouteille, dont l’origine est très proche et qui est très marqué par la présence des grands industriels de l’agroalimentaire, Nestlé et Danone notamment. Danone gère toutefois l’établissement thermal d’Evian mais cette activité est très résiduelle (1 400 curistes conventionnés) dans l’équilibre de la station, consacrée au bien-être et au sport.

Ces réticences, peut-être renforcées par l’échec du groupe Accor à Dax en 2010, s’expliquent sans doute par la faible rentabilité de cette activité dont les tarifs sont administrés ou par les risques liés à la dépendance de la prise en charge par l’assurance maladie.

2. Des engagements publics plus ou moins lourds

Le thermalisme est un secteur partiellement géré et globalement soutenu par les collectivités territoriales et notamment par les communes.

25 % des établissements sont ainsi en gestion publique, soit sous forme de régie ou de société publique locale (SPL), soit sous forme de société d’économie mixte, dont la première station thermale de France, Balaruc avec 51 800 curistes en 2015.

Si l’on exclut Balaruc qui présente un profil très atypique, la moyenne de fréquentation des établissements sous gestion publique est très inférieure à celle des établissements sous gestion privée : 3 500 curistes en moyenne en 2015 pour le public contre 5 400 en moyenne pour le privé. Certaines communes éprouvent ainsi des difficultés à confier la gestion de leurs sites au secteur privé, même avec un loyer très faible, du fait de leur faible fréquentation.

Le seuil de rentabilité dépend des établissements et de plusieurs facteurs dont notamment le plateau de soins (collectifs ou individuels), la conception du bâtiment (sur un ou plusieurs étages), la température et la composition physico-chimique de l’eau à l’émergence (chauffage et dépôt renchérissant le coût de maintenance).

Compte tenu de ses propres paramètres d’exploitation et de ses gains de productivité tenant à sa taille et à ses effets d’échelle, la Chaîne thermale du soleil estime la fréquentation minimale permettant d’atteindre le petit équilibre (exploitation sans financement d’investissement) entre 2 300 et 3 000 curistes par an. Il est rappelé qu’une vingtaine de stations, sous gestion publique ou privée, comptaient moins de 2 000 curistes en 2015.

De son côté, le groupe Valvital estimait le déficit d’exploitation de l’établissement thermal de Lectoure à 500 000 euros par an lorsqu’il en a repris la gestion en 2010 avec une fréquentation de 1 000 curistes par an.

La rentabilité du secteur est en moyenne assez faible, la marge d’exploitation nette de la plupart des établissements ne dépasserait pas 3 % du chiffre d’affaires d’après une étude du CNETh.

De nombreux exploitants, publics ou privés, ont connu des difficultés sérieuses depuis 2010, comme la Compagnie thermale de Plombières-les-Bains liquidée en 2011, le groupe Eurospa mis en redressement judiciaire en 2010 pour Contrexéville et Châtel-Guyon, la société Eurospa Chaudes-Aigues mise en liquidation judiciaire en 2011, la société Le Parc Thermal Montrond-les-Bains mise sous sauvegarde en 2011, la Compagnie Thermale de Dax dissoute en 2013, la Compagnie des Thermes de Bourbonne-les-Bains mise en redressement judiciaire en 2012. En 2015, la société des Thermes de Capvern-les-Bains a été mise en redressement judiciaire et la SEM Allevard placée en procédure de sauvegarde puis cédée à la Compagnie Lebon. En outre, six établissements sont à ce jour dans une situation de grande précarité financière.

Les collectivités publiques sont également engagées dans le financement d’investissements destinés à rénover ou développer l’activité des établissements thermaux, qu’ils soient en gestion publique ou confiés, après réhabilitation, à la gestion privée.

À Balaruc, les collectivités territoriales ont ainsi intégralement financé les 60 millions d’euros nécessaires à la construction d’un nouveau centre thermal doté de cinq bassins de 1 000 mètres carrés.

Aux Eaux-Bonnes, les collectivités ont majoritairement assumé le financement, pour un montant de plus de 6 millions d’euros, d’un nouveau bassin thermoludique qui doit être inauguré en juillet 2016. Il en va de même à Salins-les-Bains pour la création d’un nouvel établissement à hauteur de 11 millions d’euros.

Les communes sièges de stations thermales assument également une partie des coûts de promotion du thermalisme via leurs offices de tourisme dont le financement repose partiellement sur la taxe de séjour prélevée sur les curistes, mais également des activités ou des animations plus spécifiquement destinées aux curistes pendant la saison thermale. Certaines d’entre elles, comme Gréoux-les-Bains, financent aussi un service de navettes qui passent prendre les curistes sur leurs lieux d’hébergement le matin et les ramènent à l’issue de leurs soins.

Certaines initiatives de promotion ou de développement du thermalisme prennent la forme de partenariats public-privé originaux.

C’est par exemple le cas de l’association Thermauvergne née en 1985 et qui réunit onze stations thermales d’Auvergne, de Creuse et de Saône-et-Loire afin d’effectuer la promotion collective du thermalisme auvergnat sous la marque « Auvergne thermale ».

Il en va de même pour le cluster Aqui o Thermes créé en 2009 afin de dynamiser la filière thermale en Aquitaine par des actions portant sur la recherche (boue thermale péloide), la formation du personnel ou la modernisation des outils de production et de traitement. Ce réseau permet aussi à 18 établissements thermaux indépendants de procéder à des achats groupés.

Le cluster Innovatherm, créé en 2013 et rassemblant certains services hospitaliers publics et 10 établissements thermaux d’Auvergne, s’attache quant à lui à promouvoir le thermalisme comme outil de prévention et de santé publique.

II. UNE RÉGULATION PAR LES POUVOIRS PUBLICS MARQUÉE PAR LA MÉDICALISATION

Si la pratique du thermalisme remonte en France à une époque très lointaine (au moins l’antiquité gallo-romaine), sa régulation par les pouvoirs publics s’est faite très progressivement, notamment au XIXe siècle.

Elle repose actuellement sur une approche médicalisée et les principales dispositions normatives applicables à ce secteur d’activité relèvent du code de la santé publique.

La reconnaissance d’un droit à la cure thermale pour tous, concrétisée par la prise en charge financière par l’assurance maladie en application d’une simple circulaire du ministère des affaires sociales en date du 14 août 1947, a constitué une étape décisive dans cette régulation médicalisée dont l’impact est toujours structurant pour ce secteur d’activité.

A. LES SOURCES, LES ÉTABLISSEMENTS THERMAUX ET LES STATIONS : UN STATUT ORIGINAL

Si la surveillance des eaux minérales comptait au nombre des missions de la Société royale de médecine dès 1780, mission confirmée à l’Académie royale de médecine par ordonnance du 20 décembre 1820, c’est bien le XIXe siècle qui voit apparaître une véritable régulation du secteur, notamment sous le Second Empire, avec la loi du 14 juillet 1856 sur l’aménagement et la conservation des sources d’eau minérale. Cette loi, après plusieurs incidents résultant de captations sauvages des eaux et portant atteinte à l’ordre public, notamment à Vichy, accorde une protection particulière aux sources en instituant le régime de la déclaration d’intérêt public et du périmètre de protection.

Cette réglementation ancienne, retouchée au fil des décennies, souffrait de nombreuses carences et imprécisions et a fait l’objet d’une actualisation et codification par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, base du droit actuellement en vigueur.

1. Qu’est-ce qu’une eau minérale naturelle ?

Aux termes du code de la santé publique (article R. 1322-2), une eau minérale naturelle (EMN) est une eau microbiologiquement saine, provenant d’une nappe ou d’un gisement souterrain exploité à partir d’une ou plusieurs émergences naturelles ou forées constituant la source. Il convient donc de dissocier la notion d’ « émergence » (ou captage, ou forage) de la notion de « source » qui peut être constituée de l’eau d’une ou de plusieurs émergences possédant les mêmes caractéristiques.

L’EMN présente une stabilité de ses caractéristiques essentielles (composition physico-chimique, température et débit à l’émergence) et se distingue des autres eaux destinées à la consommation humaine par sa teneur en minéraux et par sa pureté originelle.

Cette définition met l’accent sur la constance des paramètres de l’EMN. C’est vrai de son débit qui varie fortement d’une source à l’autre (800 m3/jour pour Balaruc contre 2 800 m3/jour pour la source Alun d’Aix-les-Bains) mais qui doit rester constant, quelle que soit la saison, comme de sa température qui varie entre 7°C et 82°C pour les sources françaises.

La composition physico-chimique ou minéralisation d’une EMN est fort variable d’une eau à l’autre et constitue véritablement sa carte d’identité. La quantité et le nombre d’éléments minéraux permettent de classer les EMN par appellations génériques (sulfatées, chlorurées, bicarbonatées, sulfurées…). Si l’eau de distribution ne doit pas dépasser une minéralisation de 1 500 mg/litre (résidu sec à 180°C) pour être potable, l’EMN peut largement dépasser ce seuil.

Dès leur émergence, certains éléments chimiques de l’EMN peuvent se trouver en équilibre instable du fait de la variation de température et de l’oxygène de l’air ; certaines eaux bicarbonatées calciques peuvent modifier leur teneur en CO2 et provoquer des incrustations par les carbonates ou des précipités d’aragonite qui conduisent à un entartrage accéléré des canalisations et renchérissent les coûts d’exploitation.

2. Comment peut-on exploiter une eau minérale naturelle à des fins thérapeutiques ?

Dans son rapport précité, la Cour des comptes avait relevé en 1995 d’importants dysfonctionnements illustrés notamment par l’exploitation de sources sans autorisation ou reposant sur des autorisations fondées sur des paramètres obsolètes. Le fait est que l’immense majorité des autorisations d’exploitation a été délivrée dans un passé lointain, pour l’essentiel au XIXe siècle ou au début du XXe siècle.

Depuis les constatations faites par la Cour, les pouvoirs publics ont révisé la réglementation en privilégiant la déconcentration des décisions et en élevant le niveau et la rigueur des informations demandées pour les autorisations nouvelles ou, plus fréquemment, pour les modifications d’anciennes autorisations.

L’exploitation d’une EMN à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal fait l’objet d’une autorisation préfectorale, après instruction de la demande par l’Agence régionale de santé (articles L. 1322-1 et R. 1322-5 et suivants du code de la santé publique).

La procédure est donc déconcentrée mais elle respecte les normes et le pilotage (tutelle) de la Direction générale de la santé (DGS) du ministère des affaires sociales et de la santé dont la sous-direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation dispose d’un bureau de la qualité des eaux.

L’ARS se prononce sur la base d’un dossier comprenant toutes les informations techniques nécessaires prévues par l’arrêté du 5 mars 2007 et notamment les caractéristiques hydrogéologiques, physico-chimiques, microbiologiques ainsi que des études cliniques et thérapeutiques. Elle prend l’avis d’un hydrogéologue agréé, du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ainsi que, conformément à une ancienne tradition, de l’Académie nationale de médecine.

Tout en faisant preuve d’un certain pragmatisme, les membres de l’Académie en charge de cette mission ont néanmoins affirmé aux rapporteurs qu’ils étaient particulièrement attentifs à la qualité des études cliniques et thérapeutiques prospectives qui leur étaient soumises, reposant notamment sur la précision des pathologies décrites ainsi que sur l’indépendance des évaluateurs. Ils ont toutefois déclaré qu’ils n’assimilaient pas leur avis à l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament.

L’arrêté préfectoral d’autorisation est d’une grande précision puisqu’il doit notamment indiquer les noms et lieux d’émergence de la source, son lieu d’exploitation final, les mesures de protection et les conditions d’exploitation des captages, les modalités du contrôle sanitaire, les caractéristiques de l’eau de chaque émergence ainsi que les produits et procédés de traitement utilisés.

Tout projet de modification des installations et des conditions d’exploitation doit être déclaré au préfet qui dispose d’un délai de deux mois pour prendre un arrêté modificatif ou imposer à l’exploitant une révision de l’autorisation initiale si la modification change les conditions de l’exploitation.

C’est cette dernière disposition qui permet aux ARS de progressivement mettre à jour les anciens dossiers d’autorisation initiale, conformément à la nouvelle réglementation, et de renseigner la base de données nationale constituée par le système d’information SISE-Eaux d’alimentation.

La fiabilité et la complétude de cette base de données dépendent donc des ARS et les informations communiquées aux rapporteurs par la DGS montrent que des progrès peuvent encore être faits dans ce domaine. Interrogée en effet sur le nombre et l’ancienneté des sources autorisée, la DGS a fait la réponse suivante : « les informations recensées dans la base de données SISE-Eaux d’alimentation permettent d’approcher certains chiffres :

- 462 captages d’eau minérale naturelle en activité (un même captage peut être exploité pour plusieurs usages : embouteillage et thermalisme) ;

- 261 captages d’eau minérale naturelle alimentent une usine d’embouteillage d’eau ;

- 208 captages d’eau minérale naturelle alimentent un établissement thermal : pour 122 captages, la base de données comporte le renseignement sur la date d’autorisation (item dont la complétude n’est pas obligatoire pour les ARS dans “SISE-Eaux d’alimentation”). Parmi ces 122 captages où l’item est renseigné, 35 captages (29 %) disposent d’une date d’autorisation postérieure au 1er janvier 2007. »

Les rapporteurs s’étonnent que la date d’autorisation ou de révision du dossier d’autorisation ne figure pas parmi les données dont la saisie est obligatoire dans la base car cette information permettrait de mieux cibler le contrôle et de disposer d’un état consolidé du paysage national.

Ils constatent aussi que le rythme de révision des autorisations est relativement lent puisque neuf  ans après l’intervention de la nouvelle réglementation, entre 17 % et 29 % seulement des captages alimentant un établissement thermal ont fait l’objet d’une autorisation conforme aux nouvelles normes.

Enfin la DGS n’a pas été en mesure de communiquer de données sur le nombre et les caractéristiques des périmètres de protection ou des déclarations d’intérêt public applicables à des EMN, mais elle a annoncé qu’elle travaillait actuellement à « la mise en œuvre d’un système d’information géographique qui mettra, à terme, à disposition les données relatives aux captages et à leur protection (notamment : localisation des points de captages, délimitation des périmètres de protection, déclarations d’utilité ou d’intérêt publics) » et que ces dernières années, une seule demande de déclaration d’intérêt public avait été instruite au bénéfice de Vals-les-Bains en 2012.

Ce manque de données empêche toute évaluation de l’efficacité ou de la pertinence des périmètres de protection, par exemple en les comparant aux sites qui ont fait l’objet d’incidents ou de contaminations révélés par le contrôle sanitaire. Les rapporteurs appellent donc de leurs vœux la mise au point rapide d’un tel système d’information et la révision des informations obligatoires dans la base de données SISE-Eaux d’alimentation.

Proposition n° 1 : améliorer la qualité des informations disponibles au niveau central sur les eaux minérales naturelles :

– augmenter le nombre d’informations obligatoirement saisies par les agences régionales de santé dans la base de données SISE-Eaux d’alimentation ;

– mettre en œuvre un système d’information géographique sur les captages.

Le fait d’exploiter une EMN sans autorisation ou de ne pas déférer aux obligations du contrôle administratif et sanitaire est par ailleurs passible de sanctions administratives (fermetures partielles ou complète de l’établissement) ainsi que de sanctions pénales à hauteur d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (article L. 1324-3 du code de la santé publique).

Les établissements thermaux bénéficient quant à eux d’un statut tout à fait dérogatoire dans le paysage de la santé publique puisque, à la différence des établissements médicaux ou médico-sociaux, ils ne sont pas autorisés en tant que tels et leur activité n’est pas suivie par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère des affaires sociales et de la santé.

Le code de la santé publique définit les établissements thermaux comme les établissements qui utilisent l’eau d’une ou plusieurs sources minérales régulièrement autorisées (article R. 1322-52) et prévoit depuis le décret n° 2007-49 du 11 janvier 2007 une série de dispositions que doit respecter leur exploitation tant sur le plan des personnels (présence constante d’une infirmière), que des installations (sol imperméable, température minimale de 18°C) ou en matière administrative (durée de la saison, fiche médicale des curistes). Leur surveillance repose sur les inspecteurs de l’ARS.

Enfin une même station thermale peut compter plusieurs sources autorisées pour des utilisations différentes. Vichy compte par exemple actuellement neuf sources en exploitation : la source Lucas est utilisée en cure de boisson et en pulvérisation pour certaines affections dermatologiques, la source de l’Hôpital est utilisée pour les troubles digestifs, la source des Célestins est embouteillée et exerce une action bienfaisante sur la digestion, etc…

3. La disparition programmée de la station hydrominérale au profit de la station classée

Parce qu’il a très tôt attiré sur le territoire des villes d’eaux une population nombreuse de passage, le thermalisme est à l’origine, avec la reconnaissance progressive d’un statut particulier de la station hydrominérale, des premières mesures législatives favorisant ou accompagnant ce qui allait s’appeler le tourisme.

Dès le 24 juin 1806, un décret impérial crée un régime d’exception pour ces territoires en autorisant les jeux de hasard « pour les lieux où il existe des eaux minérales, pendant la saison seulement », reconnaissant ainsi la nécessité de divertir les baigneurs et les buveurs (l’appellation de curistes sera plus tardive) pendant leur séjour prolongé loin de leur domicile. Cette dérogation sera confirmée et élargie à l’ensemble des stations balnéaires, thermales et climatiques par la loi du 15 juin 1907.

Cette mesure a produit des effets durables puisque 71 des 200 casinos français sont encore implantés dans les 89 stations thermales et a fortement contribué à leur prospérité puisqu’elles bénéficient d’un prélèvement important sur le produit brut des jeux. En revanche, il n’existe plus d’opérateurs gérant à la fois un casino et un établissement thermal, à l’exception du groupe Barrière à Enghien-les-Bains dont toutefois l’activité thermale est résiduelle.

C’est la loi du 13 avril 1910 qui instaure le statut de stations hydrominérales et climatiques et autorise la perception d’une taxe spéciale, qui allait devenir la taxe de séjour, afin de favoriser le développement de l’industrie hydrominérale (déjà bien développée puisque son essor s’est surtout produit pendant le Second Empire) et de compenser les coûts générés par la présence de ce surcroît de population saisonnier.

La reconnaissance de ce statut par décret en Conseil d’État était ouverte aux communes qui possédaient sur leur territoire une ou plusieurs sources d’eaux minérales ou un établissement exploitant une ou plusieurs sources. 89 stations hydrominérales bénéficiaient de ce statut avant la réforme de 2006 qui a fusionné les trois types de classement (stations hydrominérales, climatiques et balnéaires) en un nouveau classement unique de station classée de tourisme.

La loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 prévoit désormais que ce nouveau classement sera réservé « aux communes qui mettent en œuvre une politique active d’accueil, d’information et de promotion touristiques tendant, d’une part, à assurer la fréquentation plurisaisonnière de leurs territoires, d’autre part, à mettre en valeur leurs ressources naturelles, patrimoniales ou celles qu’elles mobilisent en matière de créations et d’animations culturelles et d’activités physiques et sportives » (article L. 333-13 du code du tourisme).

Les stations thermales ont jusqu’au 1er janvier 2018 pour obtenir ce nouveau classement, date à laquelle les anciens classements ne seront plus reconnus, ce qui entraînera la caducité des avantages obtenus au fil des ans. Ces avantages ne sont pas négligeables puisqu’il s’agit :

– d’une majoration de l’indemnité des maires et adjoints ;

– du surclassement démographique permettant un aménagement du taux d’encadrement du personnel communal ;

– du produit de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité foncière prévu aux articles 1584 et 1595 bis du code général des impôts ;

– du taux réduit des droits de mutation pour les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, situées dans les zones de revitalisation rurale.

Obtenir le nouveau classement n’est pas une formalité puisque la candidature de la commune doit satisfaire à une batterie d’une cinquantaine de critères (hébergement, équipement, animation, office du tourisme) démontrant sa vocation touristique et qu’il n’est attribué que pour une durée de 12 ans.

Selon l’Association nationale des maires de communes thermales entendue par les rapporteurs, 42 stations hydrominérales sur 89 auraient obtenu le nouveau classement au 1er janvier 2016, soit un taux de 47 %, supérieur au taux moyen de 34 % (183 anciennes stations classées sur un total de 537 ont obtenu le nouveau classement).

Il convient de noter que la loi de 2006 a maintenu l’autorisation d’implantation des casinos dans les anciennes stations classées, même si ces dernières n’obtiennent pas le nouveau classement, figeant ainsi le paysage de ce secteur d’activité.

Si le calendrier est respecté, il n’existera ainsi plus juridiquement au 1er janvier 2018 de stations thermales mais des communes touristiques unifiées, mettant ainsi fin à une longue histoire et au rôle précurseur des communes thermales dans la reconnaissance normative du phénomène de la villégiature.

B. UN CONTRÔLE SANITAIRE RIGOUREUX

La lutte contre les germes et les bactéries est une préoccupation constante des établissements thermaux dont l’activité est par essence vulnérable à ce fléau. Implantée dans un milieu aquatique et à température plutôt élevée, l’installation thermale est d’autant plus exposée, qu’à la différence des piscines publiques par exemple, il est difficile d’adjoindre à l’eau thermale un désinfectant du type du chlore, sous peine de porter atteinte à sa pureté.

Un respect draconien des règles d’hygiène (pédiluve, bonnet, chaussures, douches savonnées) s’impose donc à tous les curistes et les établissements thermaux y sont d’autant plus vigilants qu’il en va de leur réputation et, à terme, de leur fréquentation. Ils ont ainsi mis au point depuis le 1er juin 2008 un « guide des bonnes pratiques thermales » en adaptant la méthode HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) utilisée pour sécuriser la production et la distribution dans l’industrie agro-alimentaire.

À la suite des évènements survenus aux thermes de Gréoux-les-Bains en 1987 et 1988 (plusieurs dizaines de pneumonies et un décès à la suite de contaminations de légionelles), les pouvoirs publics ont de leur côté considérablement durci les conditions du contrôle sanitaire, conformément aux recommandations du Conseil supérieur d’hygiène publique de France de mai 1999, ce qui a permis d’obtenir des résultats probants.

1. Une reprise en main fondée sur la déconcentration des procédures et l’autocontrôle

Depuis une quinzaine d’années, le contrôle sanitaire des établissements thermaux n’a cessé de se durcir, au rythme des progrès scientifiques dans la détection du risque microbien et de ses conséquences pour la santé des curistes.

Ce contrôle repose d’abord sur l’exploitant au titre de la surveillance de son établissement dont il est le mieux placé pour évaluer les risques et les points de vulnérabilité. L’exploitant a une obligation de résultat sur la qualité de l’eau mise à la disposition du public. L’établissement détermine ainsi son programme d’analyses qu’il fait faire par des laboratoires accrédités par le Comité français d’accréditation (COFRAC) – les opérateurs les plus importants disposant de laboratoires internes – et dont il rend compte à l’ARS.

S’ajoute à ce dispositif le programme de contrôle sanitaire proprement dit qui est déterminé par les pouvoirs publics et dont les analyses relèvent de laboratoires spécifiques bénéficiant d’un agrément.

L’arrêté du 19 juin 2000 du ministre de la santé a substantiellement modifié l’arrêté du 14 octobre 1937 relatif aux analyses des sources d’eaux minérales et a renforcé la rigueur du contrôle sanitaire.

Ce texte a ainsi institué une tolérance zéro sur la présence d’un certain nombre de micro-organismes pathogènes comme les coliformes, les bactéries pseudomonas aeruginosa, les bactéries témoins de contamination fécale ou les légionelles dont l’absence totale doit désormais constituer la norme, aussi bien à l’émergence qu’aux points d’usage. L’arrêté prévoit que « les critères de qualité microbiologique à retenir pour l’eau des piscines thermales doivent être au moins aussi exigeants que pour les piscines publiques ».

L’arrêté précise aussi la nature et la fréquence, pour l’essentiel sur une base trimestrielle (ou mensuelle en cas d’alerte), des analyses du contrôle sanitaire en fonction du type d’exploitation, à l’émergence et aux points d’usage, par catégorie de soins (externes ou en contact avec les muqueuses) dans chaque bâtiment et réseau. Le lieu précis des prélèvements est déterminé par décision du directeur général de l’ARS en fonction des sites. La fréquence des contrôles ne dépend pas du volume d’eau utilisée ou du nombre de curistes puisque la nature du risque sanitaire est la même, quelle que soit la taille de l’établissement.

Enfin l’information des curistes relative à la date du dernier contrôle sanitaire et à ses résultats est obligatoire par affichage dans l’établissement.

En cas de contamination, le directeur général de l’ARS doit déclarer la fermeture administrative de l’établissement, totale ou partielle, et ne pourra autoriser sa réouverture qu’au vu de deux analyses satisfaisantes consécutives.

L’arrêté du 22 octobre 2013 relatif aux analyses de contrôle sanitaire et de surveillance des eaux conditionnées et des eaux minérales naturelles utilisées à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal ou distribuées en buvette publique de la ministre en charge des affaires sociales et de la santé a procédé à quelques modifications de cette réglementation.

Il institue ainsi une photographie très complète de l’EMN sur chaque émergence, une fois tous les 5 ans, sur la base d’un panel élargi de paramètres. Elle comporte, en plus des 9 paramètres classiques de microbiologie, 2 paramètres de parasitologie, 74 paramètres de physico-chimie, des paramètres mesurant la présence de pesticides selon une liste spécifique à chaque département ou région (liste pouvant comporter plus de 10 molécules à rechercher) et 3 paramètres de radioactivité (activités alpha et bêta globale, tritium). Cette nouvelle analyse obligatoire, très proche de celle du dossier de l’autorisation initiale d’exploiter la source, permettra ainsi de mieux mesurer la stabilité ou la dégradation de la composition physico-chimique de l’EMN qui constitue la carte d’identité de l’eau.

Cette préoccupation rejoint celle de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), telle qu’elle était formulée dans ses « lignes directrices pour l’évaluation des eaux minérales naturelles au regard de la sécurité sanitaire » en mai 2008 : « L’évaluation de la stabilité d’une eau minérale naturelle est importante dans la mesure où des observations de fluctuations et/ou de dérive de la composition de l’eau pourraient traduire un risque de contamination via des phénomènes de dilution et de mélange avec des eaux plus vulnérables… les caractéristiques essentielles d’une eau minérale naturelle portent sur des paramètres généraux (température, pH, conductivité, résidu sec) et spécifiques (anions et cations prédominants, éléments spécifiques), dans la pratique et quel que soit le faciès de l’eau, il convient de suivre périodiquement dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux minérales naturelles au minimum les paramètres suivants : température, pH, conductivité, titre alcalimétrique complet (TAC), anions et cations majeurs ». Dans le même document, l’AFSSA proposait une méthode et des critères de suivi de la stabilité des EMN tout en relevant la complexité de l’exercice.

Cette modification règlementaire va donc dans le bon sens aux yeux des rapporteurs dans la mesure où elle permettra de progresser dans le suivi de la stabilité de la composition physico-chimique de l’EMN. La circulaire d’application de cet arrêté n’a toutefois été publiée que le 28 octobre 2014 et elle laisse une période de 5 ans aux établissements thermaux pour s’y conformer. La DGS estime toutefois qu’ils le feront avant cette date, sous l’impulsion des ARS et anticipe une disponibilité de l’essentiel des nouvelles données dans le système d’information SISE-Eaux d’alimentation à la mi-2017.

Les rapporteurs souhaitent qu’il en aille ainsi, compte tenu de l’intérêt à disposer de ces nouveaux paramètres à jour, notamment dans la perspective de mieux asseoir la démonstration du service médical rendu par les cures thermales.

Proposition n° 2 : appliquer rapidement les dispositions de l’arrêté du 22 octobre 2013 relatives au suivi de la stabilité de la composition physico-chimique des eaux minérales naturelles dans les établissements thermaux.

Ce même arrêté ajoute les staphylocoques dans la liste des paramètres à rechercher pour les soins externes collectifs (bains collectifs, couloirs de marche) ainsi que des paramètres spécifiques (chloroforme, bromoforme, dibromochlorométhane, bromodichlorométhane), si l’eau fait l’objet d’un traitement de chloration, conformément aux recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) exposées en mai 2010 pour les piscines. Cette dernière exigence, du fait de sa technicité particulière, imposera aux opérateurs de recourir à des laboratoires extérieurs.

Les rapporteurs constatent que cette actualisation n’a pas porté sur les boues et les gaz alors que plusieurs observateurs avaient évoqué la nécessité de soumettre ces produits au contrôle sanitaire.

Dans son rapport précité d’octobre 2000, l’inspecteur général des affaires sociales Pierre Delomenie avait ainsi écrit : « le rapporteur ne peut que déplorer, après tant d’autres, que deux produits thermaux, les boues et les gaz, ne fassent l’objet d’aucune réglementation et donc d’aucun contrôle de la part des pouvoirs publics. Il y a là une lacune qui devient réellement scandaleuse et que rien ne peut justifier ».

Les boues thermales sont constituées d’un mélange de matériaux minéraux ou organiques avec une EMN. Elles peuvent être naturelles (formée directement à la source lorsque l’eau traverses une couche superficielle de tourbe ou limon), maturées (à partir de substrat organique malaxé avec une EMN sur une période assez longue) ou régénérée (partiellement réintégrée au cycle de production après d’éventuels traitements).

Elles sont utilisées à des fins thérapeutiques dans un grand nombre d’établissements thermaux (approximativement 75 % d’entre eux) en application externe sur des curistes, majoritairement au titre de l’orientation thérapeutique « rhumatologie ».

Interrogée sur ce point par les rapporteurs, la DGS a répondu qu’en l’absence d’alerte sanitaire depuis de nombreuses années, elle s’en remettait au professionnalisme des établissements thermaux qui avaient mis au point une norme AFNOR « NF X50-914 - Établissements thermaux - Maîtrise de la qualité de la boue thermale » ainsi que des bonnes pratiques qui conseillaient de rechercher certains paramètres microbiologiques (bactérie pseudomonas aeruginosa) et chimiques potentiellement présents dans les boues (métaux lourds, polluants organiques) et de les contenir en deçà de valeurs cibles.

Certains établissements thermaux stérilisent les boues qu’ils utilisent dans une étuve à 80 C et recyclent les boues utilisées à hauteur de 90 % pour une nouvelle utilisation, préservant ainsi l’environnement. N’étant pas scientifiques eux-mêmes, les rapporteurs n’ont pas d’avis sur cette question particulière mais ils suggèrent, au nom du principe de précaution, qu’une expertise scientifique soit conduite afin de statuer sur la nécessité d’inclure les boues thermales dans le champ du contrôle sanitaire.

Proposition n° 3 : conduire une expertise scientifique sur la nécessité d’inclure les boues thermales dans le champ du contrôle sanitaire.

Enfin, l’arrêté du 22 octobre 2013 a introduit un mécanisme bienvenu d’allègement du contrôle sanitaire en fonction de la qualité et des performances de l’autocontrôle des établissements thermaux démontrant une capacité de maîtrise du danger de contamination.

La mise en place d’une démarche qualité certifiée par un organisme reconnu, comme l’organisme AES qui délivre la certification Aquacert dans le secteur du thermalisme, sera par exemple prise en compte pour l’allégement du contrôle sanitaire. À ce jour, seuls 32 établissements ont obtenu le troisième et dernier niveau de ce label de qualité sanitaire, inspiré du guide des bonnes pratiques thermales et dont le cahier des charges a été approuvé par la DGS.

Il conviendra également que les laboratoires menant les analyses de la surveillance des établissements respectent les dispositions de l’arrêté du 12 février 2007, c’est-à-dire pour l’essentiel soient accrédités par le COFRAC.

Les rapporteurs approuvent cette démarche partenariale qui permettra de moduler l’ampleur du contrôle sanitaire en fonction de la maîtrise des risques et de mieux assurer la cohérence des deux dispositifs de contrôle, ce qui permettra de réagir plus rapidement face à un incident.

Ils estiment néanmoins que les pouvoirs publics pourraient contribuer à alléger le coût des analyses du contrôle sanitaire sans porter atteinte à leur fiabilité en révisant les modalités d’agrément des laboratoires, seuls habilités à les pratiquer.

La liste de ces laboratoires a en effet été fixée par l’arrêté du 14 octobre 1937 relatif aux analyses des sources d’eaux minérales et n’a jamais été actualisée depuis. Ces 16 laboratoires agréés pratiquent des tarifs libres (on estime à une centaine d’euros le coût d’une analyse de routine des paramètres microbiologiques et physico-chimiques de base) et certains d’entre eux ont été rachetés par des groupes puissants, ce qui n’a pas contribué à aiguiser la concurrence. Ils jouissent d’une rente de situation puisque leur activité a singulièrement augmenté depuis quinze ans du fait des avancées de la réglementation : près de 30 000 mesures de paramètres microbiologiques ont ainsi été réalisées au titre du contrôle sanitaire des établissements thermaux en 2013.

Le coût pour les opérateurs est loin d’être négligeable et ne cesse de croître. La Chaîne thermale du soleil estime ainsi que le coût des analyses officielles, tant aux émergences qu’aux postes de soins, en application de l’arrêté du 22 octobre 2013, est passé de 632 000 euros en 2013 à plus de 735 000 euros en 2015.

Ces coûts s’ajoutent à celui de l’autocontrôle : dans les établissements de la Chaîne thermale du soleil, le coût de fonctionnement des trois laboratoires internes est ainsi passé de 879 000 euros en 2014 à 935 000 euros en 2015. Ces trois laboratoires ont analysé en 2015 un volume de plus de 28 500 paramètres microbiologiques, en plus des 8 600 paramètres microbiologiques des analyses officielles, soit plusieurs centaines de prélèvements à la fois réguliers et inopinés par établissement chaque année.

Il conviendrait donc de moderniser ce dispositif d’agrément figé depuis des décennies, d’ouvrir davantage la concurrence et d’élargir la liste à de nouveaux laboratoires, en s’inspirant du système appliqué pour les analyses de l’eau destinée à la consommation humaine.

L’arrêté du 24 janvier 2005 relatif aux conditions d’agrément des laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses du contrôle sanitaire des eaux fixe en effet les conditions de l’agrément pour le contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine sous toutes ses formes (eau du robinet, eaux conditionnées hors EMN, eaux de source et eaux rendues potables par traitements). En prévoyant notamment un agrément modulable selon les familles de paramètres, ce dispositif a permis de constituer une liste de plus de 140 laboratoires agréés en mars 2016.

Proposition n° 4 : réviser le mécanisme d’agrément des laboratoires autorisés à procéder au contrôle sanitaire des établissements thermaux en s’inspirant du régime applicable au contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine.

2. Des résultats probants

Si les pouvoirs publics ont considérablement renforcé les normes et les modalités du contrôle sanitaire depuis 15 ans, il faut aussi souligner la prise de conscience des établissements thermaux qui ont augmenté les moyens dédiés à cette action ainsi que la formation de leur personnel.

La filière technique s’est professionnalisée avec une intervention constante des ingénieurs sanitaires tant dans le choix des matériaux que de la conception des réseaux et du stockage de la ressource, des produits de désinfection utilisés, ou de l’établissement des protocoles sanitaires dans les postes de soins.

Le rôle de ces ingénieurs et techniciens a été revalorisé au sein du secteur, certains d’entre eux sont devenus directeurs d’établissements tant cette compétence compte (avec la gestion du planning et le contact humain) dans cette activité. Des formations initiales et continues sont régulièrement proposées, par exemple à l’Institut du thermalisme de Bordeaux qui dispose d’installations d’essais afin de mieux enseigner les techniques favorisant la bonne hygiène des réseaux.

Les résultats ont été à la hauteur des efforts consentis, comme le montre le tableau ci-après portant sur les paramètres microbiologiques de référence.

RÉSULTATS DU CONTRÔLE SANITAIRE DES EAUX THERMALES ASSURÉ PAR LES ARS - FOCUS SUR LES PARAMÈTRES MICROBIOLOGIQUES

Source : Direction générale de la santé

On observe ainsi que le taux de non-conformité des analyses tous paramètres microbiologiques confondus oscille entre 2,1 % et 2,6 % depuis 2010, à un niveau très inférieur à celui de 2001 (4,5 %), première année d’application des nouvelles normes.

Le nombre d’analyses non conformes des pseudomonas aeruginosa est ainsi passé de 1 039 en 2001 à seulement 213 en 2015, traduisant une réelle amélioration à partir d’une situation dégradée (16 % de non-conformité) alors que le caractère pathogène de cette bactérie est avéré et qu’elle représente une menace en particulier pour la santé de certaines catégories de personnes (jeunes enfants, immunodéprimés, personnes âgées ou atteintes d’affections graves ou chroniques).

Depuis 8 ans, seuls deux établissements thermaux (Néris-les-Bains et Enghien-les-Bains) ont été contraints de subir une fermeture totale pour contamination de la ressource.

Les rapporteurs observent que le taux de non-conformité microbiologique des établissements thermaux n’est que légèrement supérieur à celui de l’eau du robinet (2,1 % contre 1,9 % selon la DGS) alors même que le nombre de paramètres microbiologiques est plus important pour les eaux thermales (8 paramètres) que pour l’eau du robinet (2 paramètres) en raison de l’usage de l’eau thermale pour certains soins favorisant le contact avec les muqueuses.

En outre, s’agissant des limites de qualité fixées pour les paramètres microbiologiques, les volumes d’analyses diffèrent : l’absence équivaut à une valeur inférieure au seuil de détection pour les 8 paramètres des eaux thermales dans un volume de 250 millilitres d’eau (sauf les bactéries anaérobies sulfito-réductrices dans 50 millilitres et les légionelles dans 1 litre) alors que la mesure est appliquée pour les 2 paramètres de l’eau du robinet dans un volume de 100 millilitres. En conséquence, au-delà du nombre plus élevé de paramètres suivis pour les établissements thermaux, les modalités de mesure du respect des normes sont plus strictes pour les eaux thermales que pour l’eau du robinet.

S’agissant non pas des analyses mais des maladies déclarées, il est intéressant de noter que l’exposition à la légionellose, qui est une maladie à déclaration obligatoire au sens de l’article L. 3113-1 du code de la santé publique, a proportionnellement baissé et reste très faible dans les établissements thermaux. L’exposition à risque (fréquentation d’une station thermale) parmi les cas de légionellose notifiés en France est ainsi passée de 4 % en 1996 (trois cas sur un total de 75 légionelloses notifiées) à 0,2 % en 2014 (trois cas sur un total de 1 348 légionelloses notifiées) selon les données de l’Institut de veille sanitaire.

Ces bons résultats ne signifient pas que tout risque d’infection est écarté dans les établissements thermaux, puisque des bactéries dont la dangerosité ne justifie pas qu’elles figurent dans les paramètres mesurés par le contrôle sanitaire (par exemple le streptocoque b-hémolytique à l’origine de l’érésipèle) peuvent être présentes, au même titre par exemple que dans les piscines publiques, mais les progrès accomplis depuis 15 ans réduisent considérablement cette probabilité d’occurrence.

C. UNE PRISE EN CHARGE PAR L’ASSURANCE MALADIE QUI SEMBLE AVOIR ATTEINT UN ÉQUILIBRE

C’est par une simple circulaire du ministère des affaires sociales en date du 14 août 1947 qu’a été autorisée la prise en charge des premières cures thermales par l’assurance maladie. Cette décision a fait date dans l’histoire du thermalisme français dont la vocation sociale était jusqu’alors, sinon inexistante, car il existait une tradition ancienne de traitement des indigents dans des hospices thermaux, mais très secondaire. Prendre les eaux jusqu’à la deuxième guerre mondiale relevait tout autant de la mondanité et de la villégiature, à l’exception des militaires de la coloniale qui bénéficiaient d’établissements gérés par le service de santé des armées spécialisés dans le traitement des maladies tropicales (amibes, paludisme), que du soin médical.

C’est bien la philosophie politique du Conseil national de la résistance, à l’origine de la création de la sécurité sociale et de l’assurance maladie, qui sous-tend la mesure de 1947 et qui va complètement ancrer le thermalisme français dans un univers médical alors que d’autres pays européens privilégieront le bien-être et l’hédonisme.

La prise en charge des cures thermales par l’assurance maladie a souvent fait l’objet de contestations au motif de l’insuffisante démonstration de leur effet thérapeutique. Elle a même été temporairement remise en cause à deux reprises avec des effets immédiats sur la fréquentation des stations thermales.

L’ordonnance du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 a ainsi supprimé cette prise en charge et le nombre de curistes est passé de 329 000 en 1958 à 255 000 en 1959 (– 22 %). Rétablie par décret dès 1960, elle fut de nouveau modifiée par l’ordonnance du 21 août 1967 qui supprima le tiers payant : le nombre de curistes passa de 460 000 en 1967 à 398 000 en 1970 (– 13 %), et la prise en charge directe fut rétablie par circulaire l’année suivante.

Les rapporteurs estiment que le système actuel, très encadré par la convention de 2003, a atteint un équilibre satisfaisant qu’il conviendrait de ne pas remettre en cause, sous peine de menacer l’avenir d’un secteur qui a fait des efforts substantiels de rigueur et de démonstration du service médical rendu et qui peut apporter une contribution utile au règlement d’importants problèmes de santé publique comme le vieillissement ou le traitement des affections de longue durée, et plus globalement, des maladies chroniques.

1. Une normalisation détaillée des tarifs et des soins

Dans son rapport précité de 1995, la Cour des comptes avait dénoncé de nombreuses insuffisances dans l’encadrement des pratiques thermales : imprécision dans la définition des soins et des forfaits autorisant la prescription systématique de soins en supplément, dilution des responsabilités dans la fixation des tarifs entre les administrations, écarts injustifiés dans le coût des cures entre établissements pour les mêmes orientations.

Les rapporteurs ont constaté que le nouveau cadre progressivement mis en place depuis 1996, et reposant désormais sur la convention nationale organisant les rapports entre l’assurance maladie et les établissements thermaux, prévue à l’article L. 162-39 du code de la sécurité sociale, et approuvée par arrêté du 1er avril 2003, avait permis de faire cesser ces dysfonctionnements, au profit d’une normalisation précise des tarifs et des soins qui présente parfois une rigidité excessive.

Le thermalisme n’est réputé indiqué que pour douze orientations thérapeutiques : la rhumatologie, la neurologie, la dermatologie, la gynécologie, la phlébologie, les troubles du développement de l’enfant, les affections urinaires, les affections des voies respiratoires, des muqueuses bucco-linguales, psychosomatiques, digestives et les maladies cardio-artérielles.

À chacune de ces orientations correspondent trois forfaits possibles, composés d’un nombre déterminé de pratiques ou soins thermaux (entre 54 et 108) auxquels s’ajoutent éventuellement 9 ou 18 séances de kinésithérapie, c’est-à-dire de massages dans l’eau, le tout dispensé sur une période de 18 jours de soins (soit 21 jours en comptant les interruptions le dimanche), soit 4 à 5 soins par jour en moyenne.

Les soins relèvent eux-mêmes d’une nomenclature, ou d’une « grille des appellations normalisées », qui constitue le premier avenant à la convention thermale et qui compte une centaine de lignes. Chaque soin y est précisément décrit avec mention du matériel et du mode d’intervention du personnel, ainsi que sa durée de référence exprimée en minutes (de trois à quinze minutes) et son rattachement à une orientation thérapeutique donnée.

L’établissement arrête la liste des soins proposés pour chaque orientation thérapeutique pour laquelle il bénéficie d’un conventionnement et ce traitement type est validé par le médecin thermal de la station et par la commission paritaire nationale. Il est ensuite prescrit par le médecin thermal, avec éventuellement des adaptations liées au dossier médical particulier, à chaque curiste lors de la visite d’accueil.

Cette standardisation élevée du référentiel réduit considérablement les écarts de pratique d’un établissement à l’autre ou d’un agent thermal à l’autre au sein du même établissement pour un soin donné, même si les traitements types et les plateaux techniques peuvent différer en fonction des établissements. La différenciation se fera éventuellement sur les durées des soins, certains établissements en surcapacité pratiquant parfois une durée de certains soins plus longue que celle décrite par le référentiel ou sur le caractère collectif ou individuel de certains soins en piscine thermale, la configuration des infrastructures dictant souvent la jauge du nombre de curistes traités en même temps. Il est également patent que des impératifs de rentabilité puissent conduire certains établissements à favoriser les séances de soins collectives.

Les caisses d’assurance maladie sont théoriquement en charge du contrôle de la conformité de l’exécution du référentiel mais, dans la pratique, elles ne le font pas, à de rares exceptions près.

Toutefois, un établissement qui ne respecterait pas les bonnes pratiques de soins serait dénoncé comme tel par ses curistes et en subirait les effets sur son taux de fidélisation, paramètre essentiel de son équilibre d’exploitation.

Les cures thermales ne peuvent être remboursées par l’assurance maladie que si elles sont prescrites par le médecin de l’assuré et réalisées dans une station thermale inscrite par arrêté interministériel à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) pour une orientation thérapeutique donnée. Une station peut être inscrite au titre de plusieurs orientations thérapeutiques après avis de l’Académie de médecine. Cette demande des stations est relativement fréquente dans la mesure où la rhumatologie est l’orientation pour laquelle le plus de cures sont prescrites (elle mobilise à elle seule de l’ordre de 80 % des curistes), ce qui les conduit à demander la reconnaissance de cette orientation même si elle n’est pas celle sur laquelle elles ont bâti leur image et leur histoire.

La procédure de l’arrêté interministériel est très lourde et chronophage alors que l’article L. 162-1-7-2 du code de la sécurité sociale donne toute compétence à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) pour toute décision d’inscription, de modification ou de radiation d’un acte ou d’une prestation thermale. Interrogé sur ce point, le directeur de la sécurité sociale a observé que faute de décret d’application la loi ne pouvait s’appliquer en l’état et n’a pas caché sa faible motivation à rédiger ce décret (la loi datant de 2006), au motif que la compétence de l’UNCAM à décider si une eau minérale naturelle donnée avait un effet thérapeutique pour telle ou telle pathologie n’était pas établie.

Les rapporteurs estiment quant à eux que la loi doit être appliquée, que les ministres ne sont pas plus compétents dans ce domaine que l’assurance maladie disposant de l’avis de l’Académie de médecine, le système actuel n’ayant pour seule justification ou conséquence que de faire durer inutilement les procédures.

L’attention des rapporteurs a également été appelée sur le libellé des orientations thérapeutiques qui n’a pas été modifié dans le nouveau cadre et qui appelle certaines critiques. Dans son rapport précité, l’inspecteur général des affaires sociales Pierre Delomenie estimait ainsi que « la notion même d’orientation thérapeutique apparaît singulièrement discutable : il suffit d’en lire le libellé pour constater qu’ils correspondent à des domaines très vastes, recouvrant des réalités pathologiques extrêmement variées, contrastant singulièrement avec les indications thérapeutiques très précises retenues dans d’autres domaines comme celui du médicament par exemple ».

Lors de son audition, le docteur Hugues Desfour, président du syndicat national des médecins thermaux (SNMTh), a aussi affirmé que : « Le schéma des 12 orientations est aujourd’hui désuet et obsolète, et décrédibilise notre thérapeutique, en générant des non-indications, c’est-à-dire des personnes qui n’ont rien à faire dans nos stations, prêtant ainsi le flanc à nos adversaires. Il vaut mieux désormais parler d’indications par pathologies. La médecine thermale est une réponse, parmi d’autres, aux maladies chroniques, avec une efficacité démontrée, des risques nuls, et dans le cadre d’une approche globale. Encore convient-il de définir précisément ces maladies. »

Après examen et recueil de l’avis de nombreuses personnes auditionnées, il apparaît que cette formulation, certes peu précise, permet toutefois des adaptations utiles puisqu’elle autorise la prise en charge de nouvelles indications, comme la douleur chronique ou la convalescence post cancers du sein par exemple. Les progrès accomplis dans la démonstration du service médical rendu permettront également aux médecins prescripteurs de cures thermales de mieux cibler les pathologies les plus indiquées pour ce type de soins.

La comparaison avec les médicaments semble peu opérante, dans la mesure où les molécules peuvent avoir d’importants effets nocifs ou secondaires alors que les contre-indications pour les cures thermales sont peu nombreuses et bien identifiées : il s’agit essentiellement des défaillances viscérales sévères, des maladies malignes non contrôlées, des insuffisances cardiaques décompensées, de certains troubles du comportement ne permettant pas les soins en collectivité ou de certains états déficito-immunitaires ou infectieux aigus (érysipèle) ou inflammatoires (poussée d’arthrite). Il appartient au médecin thermal lors de la visite d’accueil de les repérer et d’en tirer les conséquences sur le programme de soins proposé au patient.

À la différence des médicaments qui génèrent parfois des effets secondaires plus ou moins graves, il est rare que le suivi d’une cure soit la cause d’une aggravation de l’état de santé du patient ou à l’origine d’un effet indésirable, si l’on excepte les chutes accidentelles, qui ne font toutefois pas l’objet d’un recueil systématique.

Transformer les 12 orientations en une liste exhaustive d’indications précises risque de créer de la complexité car la liste ne sera vraisemblablement jamais exhaustive ou assez précisément rédigée ce qui générera des contestations, des interprétations diverses et probablement le refus plus ou moins fondé de prise en charge par certaines caisses d’assurance maladie, d’autant que la procédure pour la modifier est particulièrement rigide.

Pour ces raisons, les rapporteurs ne préconisent pas une évolution de cette nature qui générerait probablement plus d’inconvénients que d’avantages.

Par ailleurs, la nomenclature des soins thermaux établie en 2005 n’a jamais été modifiée depuis, du fait de la lourdeur de la procédure applicable en l’espèce, c’est-à-dire un avenant à la convention thermale, alors que la recherche a permis de mettre au point de nouveaux soins qui ne peuvent pas être proposés aux curistes dans le cadre des forfaits pris en charge par l’assurance maladie.

À titre d’exemple, la Chaîne thermale du soleil a développé un vélo semi allongé ajustable selon la morphologie du patient qui s’installe dans une piscine thermale. Cet équipement pourrait être proposé au titre des orientations rhumatologie et phlébologie car susceptible d’améliorer l’amplitude articulaire ou la capacité circulatoire.

Les rapporteurs souhaitent donc un allègement de la procédure applicable en l’espèce.

Proposition n° 5 : assouplir les procédures règlementant les soins délivrés par les établissements thermaux (nouvelle orientation, nouveaux soins).

Plus généralement, il est étonnant de constater que la commission paritaire nationale (CPN), qui traite des questions relatives à la définition des soins et des traitements types applicables aux stations thermales, est uniquement composée de représentants des caisses d’assurance maladie et des exploitants, à l’exclusion de représentants des médecins thermaux. Ceux-ci ne peuvent qu’être invités à assister aux travaux de la CPN, sans pouvoir délibératif. Les rapporteurs estiment qu’il serait de bonne méthode de prévoir leur représentation à la CPN dans la mesure où cet organe a souvent à prendre des décisions qui devraient être éclairées par un avis médical. Par exemple, leur présence permettrait peut-être de mieux assurer la cohérence des tarifs des différents forfaits au regard de leur apport thérapeutique.

Proposition n° 6 : prévoir une représentation des médecins thermaux à la commission paritaire nationale.

Enfin se pose la question de la prise en charge administrative de la cure thermale par les caisses d’assurance maladie qui s’est substituée depuis 1997 à l’entente préalable, à l’exception des cures à l’étranger et des cures avec hospitalisations. Il existe quelques hôpitaux thermaux, c’est-à-dire des établissements de santé implantés dans des stations thermales (Dax, Vals-les-Bains) et qui disposent d’un service adapté à la prise en charge de curistes atteints de pathologies lourdes ou handicapantes. Le médecin conseil national de la CNAM a indiqué aux rapporteurs que les caisses d’assurance maladie avaient procédé à l’étude de 2 100 demandes de prise en charge d’hospitalisation de ce type en 2014 et qu’elles en avaient refusé un tiers.

De même, les caisses se prononcent sur le lien entre un accident du travail ou une maladie professionnelle et une prescription de cure thermale qui, s’il est établi, permet une prise en charge intégrale sans ticket modérateur. Les caisses ont réfuté ce lien dans 19 % des cas qui leur ont été soumis en 2014.

Pour le reste, la prise en charge est un acte administratif qui consiste essentiellement à vérifier que l’assuré respecte la fréquence d’une cure au plus par année civile et que ses ressources sont inférieures au plafond opposable pour la prise en charge de ses frais de transport ou de séjour. Les caisses ne doivent notamment pas refuser la prise en charge si la station thermale prescrite par le médecin n’est pas la plus proche du domicile de l’assuré pour cette orientation thérapeutique. Elles peuvent et doivent en revanche plafonner la prise en charge des frais de transport au kilométrage correspondant à la station la plus proche.

Le médecin conseil national de la CNAM a indiqué aux rapporteurs que le thermalisme ne lui paraissait pas particulièrement exposé à la fraude à l’assurance maladie ou aux mauvaises pratiques et qu’il ne relevait par conséquent pas du programme de contrôle national.

Dans ces conditions, il est regrettable que certaines caisses d’assurance maladie mettent plusieurs mois à confirmer l’accord de prise en charge ce qui conduit certains patients à annuler leurs cures, faute d’avoir pu disposer de cet accord dans les délais alors qu’ils s’y étaient pris longtemps à l’avance et que la convention prévoit que le document de prise en charge doit être délivré à l’assuré avant le début effectif des soins thermaux (article 8).

Au regard de la faible ampleur des tâches requises dans ce domaine, les rapporteurs estiment qu’il conviendrait d’instituer un délai maximal d’un mois pour la prise en charge administrative des cures par les caisses d’assurance maladie.

Proposition n° 7 : instaurer un délai maximal d’un mois pour la délivrance de la prise en charge administrative par les caisses d’assurance maladie.

2. Une répartition équitable des charges et des risques entre la collectivité, le curiste et l’établissement thermal

Le coût du thermalisme pour le régime général de l’assurance maladie s’est élevé à 273,8 millions d’euros en 2015. Il s’agit d’une dépense dont l’évolution n’est pas négligeable puisqu’elle a augmenté de 22 % (+ 50 millions d’euros) depuis 2010 mais qui reste maîtrisée. Sa part dans la dépense totale de santé (181,8 milliards d’euros en 2015) est toutefois marginale (0,15 %).

Les principales composantes de la dépense sont bien identifiées et les risques très circonscrits puisqu’ils reposent essentiellement sur la progression du volume des cures.

DÉPENSES DE L’ASSURANCE MALADIE LIÉES AU THERMALISME

T.M. : ticket modérateur.

Source : Direction de la sécurité sociale.

(en millions d’euros)

Les honoraires (coût total en 2015 de 35,3 millions d’euros) correspondent aux honoraires de surveillance médicale des médecins thermaux qui rémunèrent pour un montant forfaitaire de 90 euros trois consultations et la rédaction, en fin de cure, d’une fiche de liaison avec le médecin généraliste qui doit se conclure par une proposition diagnostique et thérapeutique. Lorsque le patient suit des soins pour une seconde orientation au cours de la même cure (il s’agit généralement d’une orientation qui s’ajoute à la rhumatologie), le forfait de surveillance médicale est fixé à 45 euros et il est cumulable avec le premier (coût total en 2015 de 4,1 millions d’euros). Enfin ces honoraires peuvent rémunérer neuf pratiques thermales complémentaires précisément répertoriées pour certaines orientations (leur coût total était de 1,6 million d’euros en 2015). Toute consultation supplémentaire sans rapport avec l’objet ou le déroulement de la cure fait l’objet d’une cotation différente.

L’essentiel des dépenses (213,7 millions d’euros soit 78 % en 2015) est constitué des différents forfaits de soins dispensés par les établissements thermaux et dont le montant unitaire s’échelonnait en 2016 de 242 euros (54 soins pour l’orientation muqueuses bucco-linguales) à 536 euros (72 soins pour l’orientation neurologie) pour les forfaits sans séance de kinésithérapie et de 575 euros (dermatologie) à 640 euros (neurologie) pour les forfaits avec 18 séances de kinésithérapie. Les forfaits correspondant à une seconde orientation (28 % des curistes suivent des soins correspondant à deux orientations pendant leur cure) représentaient une dépense de 26,5 millions d’euros en 2015, soit un total de 30,6 millions (avec les honoraires médicaux) et 11 % des dépenses totales.

La revalorisation des forfaits thermaux représente un enjeu majeur pour les exploitants des établissements dont les coûts sont le reflet de leur productivité et de l’efficacité de leur gestion mais aussi de décisions des pouvoirs publics comme la revalorisation du SMIC ou la hausse du taux de TVA passé de 5,5 % à 10 % entre 2012 et 2014.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a institué un mécanisme dont l’application a été précisée par l’avenant n° 10 à la convention nationale du 1er mars 2014 et qui consiste à reporter sur le curiste ou sa mutuelle l’ajustement tarifaire annuel représentatif de l’évolution des coûts d’exploitation des établissements thermaux.

Ce texte distingue ainsi un tarif forfaitaire de responsabilité qui correspond aux anciens forfaits et qui continuera à être appliqué aux bénéficiaires de la couverture médicale universelle. Les autres curistes pourront se voir appliquer par les établissements un surcoût, dans la limite d’un prix limite de facturation, défini chaque année par application d’une formule composée d’indices pondérés représentatifs des coûts des établissements thermaux, à savoir 50 % sur l’évolution du SMIC, 30 % sur l’indice des prix de production des services aux entreprises, 15 % sur l’indice des prix de production de l’énergie et 5 % sur l’indice des coûts de la construction.

Pour 2014, la revalorisation a été plafonnée à 3,71 % (soit un montant de l’ordre de 15 à 25 euros selon les forfaits) et a été bien évidemment appliquée par les établissements et pour 2015, l’application de la formule a abouti à une stabilisation des tarifs compte tenu de la faible inflation des indices concernés (le résultat du calcul aurait même conduit à une réduction de 0,3 %).

Si les rapporteurs comprennent bien la logique de ce nouveau système qui conduit à faire assumer par les curistes le risque de l’évolution des coûts d’exploitation des établissements, ils s’interrogent sur sa pérennité et son fonctionnement dans la durée. La convention thermale en vigueur se terminant fin 2017, normalement les forfaits pris en charge par l’assurance maladie devraient être gelés jusqu’à cette échéance. Mais qu’adviendra-t-il pour la prochaine convention ? Il y aurait quelque injustice à continuer à faire exclusivement porter l’ajustement prix sur les curistes sur une aussi longue durée et il serait logique qu’on réajuste les forfaits, c’est-à-dire les tarifs forfaitaires de responsabilité dans la nouvelle terminologie, au début d’une nouvelle convention.

Proposition n° 8 : ajuster les tarifs forfaitaires de responsabilité lors de la première année de la nouvelle convention.

Le taux de prise en charge par l’assurance maladie est de 70 % pour les honoraires médicaux et de 65 % pour les tarifs forfaitaires de responsabilité sauf pour les curistes souffrant d’affections longue durée (ALD) ou dont la cure est la conséquence d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail pour lesquels elle est de 100 %. Près d’un tiers des curistes bénéficient ainsi d’une prise en charge intégrale, pour l’essentiel du fait de leur classement en ALD. Pour les deux tiers restants, le ticket modérateur est compris entre 180 et 350 euros en fonction des forfaits conventionnels de soins prescrits. Le ticket modérateur est très souvent pris en charge par l’assurance complémentaire des curistes dont les mutuelles ont passé des accords avec de nombreux établissements thermaux (50 % d’entre eux l’avaient fait en 2015) afin de mettre en place le tiers payant et les dispenser d’avancer les frais.

Il faut toutefois noter que le décret n° 2014-1025 du 10 septembre 2014, qui n’a pas classé les soins thermaux dans le panier de soins minimal dont la prise en charge doit être garantie par les assurances complémentaires souscrites par les entreprises au profit de leurs salariés, n’a pas été un bon signal envoyé par les pouvoirs publics aux mutuelles sur la place du thermalisme dans notre système de soins. Nombre d’entre elles l’ont toutefois intégré dans le panier de soins proposés aux entreprises pour la couverture de leurs salariés. Il serait donc inéquitable que certains salariés subissent le choix minoritaire de leurs employeurs et se voient contraints de prendre en charge le ticket modérateur ou de renoncer à leur cure. C’est la raison pour laquelle les rapporteurs souhaitent introduire les cures thermales dans ce panier de soins minimal.

Proposition n° 9 : introduire les cures thermales dans le panier de soins minimal pris en charge par les assurances complémentaires souscrites par les entreprises au profit de leurs salariés.

Il est rappelé que les forfaits couvrent l’ensemble des soins figurant au traitement type, y compris le matériel, les consommables, le linge et que seuls certains accessoires à usage personnel comme les verres de boisson ou les embouts ORL peuvent être facturés aux curistes en plus du forfait.

En revanche, ce sont les curistes qui financent les soins complémentaires (diététicien, psychologue) hors traitement type ou les soins de confort (massages, esthétique) et les établissements doivent les informer préalablement des tarifs et de l’absence de prise en charge par l’assurance maladie.

Certains établissements proposent aussi un service premium qui rappelle l’ancien système des classes des établissements thermaux, en vigueur avant la prise en charge par l’assurance maladie, puisqu’il y avait trois catégories d’établissements assurant des soins de première, deuxième ou troisième classe. La différenciation ne joue plus aujourd’hui sur les soins proprement dits qui sont les mêmes, mais sur l’environnement, les espaces de repos, la décoration, la densité des plannings, les services accessoires. La Compagnie de Vichy propose par exemple un forfait confort à ses curistes conventionnés d’un montant non pris en charge de 370 euros, soit 20 euros par journée de soins, qui leur permet d’accéder à un établissement qui leur est dédié et qui permet une souplesse des horaires, un temps de soin optimisé et le confort d’un espace privilégié avec hammam, sauna et piscine intérieure et extérieure : 2 500 curistes sur les 8 000 curistes conventionnés de la station, soit 30 % d’entre eux, choisissent cette option.

L’assurance maladie peut également prendre en charge des frais d’hébergement ou de transport sous conditions de ressources (14 664 euros annuels en 2016) pour un montant de 65 % du tarif SNCF en 2ème classe dans la limite des dépenses réellement engagées et de 65 % des frais de séjour engagés dans un plafond de 150 euros. Cette prise en charge a coûté 8,7 millions d’euros en 2015 pour les frais de transport et 10 millions pour les frais de séjour.

C’est principalement le poste hébergement qui génère un reste à charge important pour les curistes conventionnés puisque se loger trois semaines dans des communes touristiques à la belle saison coûte cher, même si les formules d’hébergement se diversifient, notamment au profit de la location meublée et de la résidence de tourisme, voire du mobile home. On estime autour de 1 000 euros ce reste à charge moyen du curiste au titre de l’hébergement.

La prise en charge par l’assurance maladie des dépenses liées au thermalisme paraît donc reposer sur un équilibre satisfaisant. La dépense est contrôlée puisque seule la progression du nombre des curistes peut la faire croître (effet volume) alors que les tarifs sont encadrés et gelés (effet prix), au moins pendant les cinq années d’exécution des conventions.

Réduire les taux de prise en charge comme l’ont proposé certains collègues parlementaires générerait un montant d’économies (70 millions d’euros par an sur les forfaits thermaux si on passait le taux de 65 % à 30 % compte tenu de la proportion de curistes bénéficiant d’une prise en charge totale qui ne serait pas modifiée par cette mesure) dérisoire par rapport aux montants de dépenses de santé. Ni le directeur de la sécurité sociale ni le médecin conseil de la CNAM n’ont suggéré aux rapporteurs une telle mesure en observant que les dépenses de thermalisme n’étaient pas une composante de l’ONDAM qui focalise tous les efforts de maîtrise des dépenses de santé.

Il est probable que le montant de l’économie brute, déjà faible, serait encore atténué par des reports de consommations sur d’autres types de soins, médicaments ou séances de kinésithérapie notamment, si certains patients renonçaient à leurs cures pour des raisons financières, ce qui réduirait d’autant le montant de l’économie nette.

Une telle mesure porterait un coup sévère à de nombreux établissements thermaux qui verraient probablement leur fréquentation baisser, notamment si les mutuelles n’assumaient pas la prise en charge d’un ticket modérateur augmenté dans de telles proportions, alors que leur équilibre financier est souvent fragile.

Enfin une telle mesure mettrait un terme à une évolution salutaire consistant à mieux démontrer le service médical rendu et à utiliser le thermalisme comme un outil supplémentaire dans la réponse au vieillissement de notre société et à la prévention des affections de longue durée nécessitant un traitement médicamenteux coûteux.

Proposition n° 10 : ne pas porter atteinte à l’équilibre de la convention thermale nationale et maintenir le taux de prise en charge par l’assurance maladie.

3. Le début de la démonstration d’un service médical rendu

Les opposants au principe de la prise en charge des cures par l’assurance maladie font part de leur scepticisme sur l’effet médical de ce type de soins et regrettent l’absence de démonstration d’un service médical rendu (SMR) comparable à ce qui est exigé pour la mise sur le marché d’un nouveau médicament.

Il était en effet souhaitable d’aller au-delà des enquêtes traditionnelles de satisfaction des curistes, se traduisant majoritairement par des résultats positifs comme en témoigne le fort taux de fidélisation.

De fait, la mise en place de la convention de 2003 régissant les relations entre les exploitants thermaux et les caisses d’assurance maladie s’est accompagnée de l’obligation de démontrer le SMR (article 10). Pour ce faire, l’Association nationale des maires de communes thermales (ANMCT), le Conseil national des exploitants thermaux (CNETh) et la Fédération thermale et climatique française (FTCF) ont créé en 2004 l’Association française pour la recherche thermale (AFRETh) sous forme d’une association loi de 1901 à but non lucratif. Son financement repose sur les exploitants via le CNETh à hauteur de 1,50 euro par an et par curiste ainsi que sur une subvention annuelle de 200 000 euros versée par l’ANMCT.

L’AFRETh est dirigée par un conseil d’administration et un conseil scientifique dont la mission est de sélectionner et d’accompagner, notamment sur le plan méthodologique, les études en cours et à venir. Le conseil scientifique est composé de personnalités indépendantes sans lien d’intérêt avec les établissements thermaux, appartenant au monde académique, à raison de quatre spécialistes de la méthodologie, trois spécialistes cliniques, un spécialiste de l’éducation des patients, deux membres de l’Académie nationale de médecine, un médecin thermal en activité, ni actionnaire ni salarié d’un établissement thermal, et un représentant du service médical de l’assurance maladie.

Les exigences d’indépendance sont fortes puisqu’à la différence des médicaments promus par un laboratoire donné, les études sont multicentriques et pas faites au bénéfice d’un seul établissement. Les investigateurs sont principalement des acteurs publics (seulement 4 études sur 30 ont eu des investigateurs non hospitalo-universitaires et reposaient sur trois médecins thermaux et un médecin libéral). Chaque étude doit s’appuyer sur un conseil scientifique propre et le soutien méthodologique doit s’appuyer sur une structure publique (laboratoires publics ou services hospitaliers). La publication des résultats, quelle que soit leur orientation, est une obligation contractuelle. Les rapporteurs observent toutefois que ce principe a connu au moins quatre exceptions, comme le montre le tableau ci-après.

La démonstration du SMR d’une intervention thérapeutique doit reposer sur un essai clinique contrôlé randomisé (ECR) c’est-à-dire avec tirage au sort et comparateur. Conçue pour le médicament, cette méthodologie est parfois difficile à appliquer aux cures thermales qui sont un traitement complexe regroupant plusieurs paramètres, notamment de multiples soins associés à un séjour.

La réalisation pratique des études peut se heurter à des difficultés de recrutement d’un échantillon suffisant de curistes : pour l’étude « thermes veines », il a été nécessaire de contacter par téléphone environ 3 000 patients pour inclure finalement 440 patients dans l’étude au terme d’un processus qui a pris deux ans.

En onze années d’activité (2004-2015), l’AFRETh a été saisie de 113 pré-projets, en a validé 61 et financé 41 pour un montant de 11 millions d’euros.

ÉTUDES RÉALISÉES PAR L’ASSOCIATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE THERMALE

8 études cliniques achevées et publiées

STOP TAG

Trouble d’anxiété généralisée

ECR – 237 patients

 

THERMARTHROSE

Arthrose du genou

ECR – 462 patients

 

MAATHERMES

Surpoids et obésité

ECR – 257 patients

 

THERMES&VEINES

Insuffisance veineuse chronique

ECR – 440 patients

 

PACTHE

Réhabilitation après cancer du sein traité

ECR – 270 patients

 

PRISME

Prise en charge du syndrome métabolique

Cohorte – 95 patients

Faisabilité

MAPT

Prévention du déclin cognitif

Cohorte – 125 patients

Faisabilité

PROGRAMME DE PRISE EN CHARGE D’AIDANTS ALZHEIMER

   

Rapport d’étude rendu et disponible pour les établissements qui souhaiteraient mettre en œuvre le programme

4 études achevées sans perspective de publication

ECTOTTIT

Otites subaiguës de l’enfant

ECR – 25 patients sur 176

Rapport remis, non exploitable

RHINOSINUSITE CHRONIQUE DE l’ADULTE

 

ECR – 42 patients sur 400

Rapport remis, non exploitable

BPCEAUX

Broncho-pneumopathies chroniques obstructives

ECR – 48 patients sur 333

Rapport remis, non exploitable

ESCAPE

Impact économique des cures de l’arthrose des membres inférieurs

Cohortes de patients curistes – 632 patients

Rapport remis, non publié

1 étude achevée en cours de publication

ROTATHERM

Tendinopathies chroniques de la coiffe des rotateurs de l’épaule

ECR – 163 patients

 

4 études achevées en cours d’écriture

SPECTH

Sevrage de benzodiazépines

   

TCAP

Activité physique adaptée pour les gérontins

70 patients enrôlés

 

MICROBIOTE

Étude de l’action des eaux minérales sur le microbiote intestinal

Modèles animaux et biologiques

 

VEINOTHERMES

ETP porteur d’une insuffisance veineuse chronique

150 patients enrôlés

 

4 études en cours d’exploitation des données

ITILO

Intervention thermale et éducative courte pour reprise du travail de lombalgiques en arrêt de travail

ECR – 90 patients enrôlés

 

ECOTHERM

Étude médico-économique de cohortes

   

STAGE POST-THROMBOSE

Intervention courte à visée éducative après thrombose veineuse profonde

   

CONSULTATION DE GÉRONTOLOGIE

Consultation de personnes de 70 ans

200 patients enrôlés

Faisabilité, production de données de santé publique, dépistage des sujets à risque de fragilité

6 études en cours de déroulement

THERMALGI

Traitement thermal de la fibromyalgie

ECR – 180 patients à enrôler

 

FIETT

Évaluation d’un programme d’ETP de la fibromyalgie délivré durant une cure thermale

ECR – 152 patients à enrôler

 

EDUCATHERM

ETP patient obèse

SCA – 343 patients enrôlés

 

PSOTHERMES

Traitement thermal du psoriasis

ECR – 220 patients à enrôler

 

THERMACTIVE

Évaluation de l’efficience d’un entraînement physique télématique

ECR – 414 patients à enrôler

 

MUSKA

Intervention thermale et éducative courte pour la prise en charge des troubles musculo-squelettiques

ECR – 150 patients à enrôler

 

4 études en cours de mise en place

INSULA-TOP

Mécanismes d’activation cérébrale appréhendés par IRM-fonctionnelle chez des patients porteurs de TAG, les uns traités par cure thermale, les autres par anti-dépresseurs

ECR – 60 patients à enrôler

 

THERMASAS

Traitement thermal du syndrome des apnées obstructives du sommeil associées à une insuffisance veineuse chronique

ECR – 100 patients à enrôler

 

THERMOEDÈME

Traitement thermal des gros bras post-mammectomie

ECR – 160 patients à enrôler

 

RECTHE

Intervention thermale et éducative pour incontinence anale après chirurgie oncologique du rectum

SC – cohorte de 30 patients

Faisabilité

Source : AFRETh.

Huit de ces études ont été publiées dans des revues internationales de langue anglaise particulièrement prestigieuses comme la première revue mondiale de rhumatologie, la première revue mondiale de pathologie vasculaire, la première revue européenne d’oncologie ou la première revue mondiale de médecine complémentaire.

Les rapporteurs tiennent à souligner le sérieux et l’ampleur de l’effort de démonstration du SMR pris en charge par le secteur du thermalisme qui n’a pas d’équivalent à l’étranger puisque la seule structure comparable est la Fondation pour la recherche scientifique thermale (FORST) en Italie qui a investi 4 millions d’euros en études biologiques ou précliniques mais pas en études de SMR.

Interrogée par les rapporteurs, la cheffe du service de l’évaluation économique et santé publique de la Haute autorité de santé (HAS) a indiqué que le séminaire de méthode organisé en 2012 par l’AFRETh sur la prise en charge complexe non médicamenteuse était de très haut niveau et que, sans s’engager sur l’ensemble des études qu’elle n’avait pas analysées de près, elle considérait par exemple la méthodologie de l’étude PACTHE (réhabilitation après traitement du cancer du sein) comme satisfaisante et répondant aux critères de ce type d’exercice.

Sur le fond, le président du conseil scientifique de l’AFRETh, le professeur Christian-François Roques, estime que « les études de SMR étaient contributives dans les domaines de la rhumatologie, le surpoids et l’obésité, le syndrome métabolique, les affections liées au stress, les affections veineuses, les suites de cancer, la gérontologie » et « non contributives dans le domaine de la pathologie respiratoire et ORL ».

Ce constat rejoint celui dressé par la société française de médecine thermale dans le numéro de la Presse thermale et climatique consacré au dixième anniversaire de l’AFRETh (année 2014 tome 2) pour qui l’objectif de démontrer le SMR de la cure thermale peut être considéré comme atteint « dans les domaines où on a pu mener à bien des essais contrôlés randomisés : arthrose du genou, trouble d’anxiété généralisée, surpoids et obésité, insuffisance veineuse chronique, tendinopathies chroniques de l’épaule ».

De même, le professeur Patrice Queneau, rhumatologue et président de la commission en charge du thermalisme et des eaux minérales de l’Académie nationale de médecine, a affirmé aux rapporteurs qu’en matière de rhumatologie « le socle scientifique du thermalisme était important ». Dans un article du Figaro en date du 29 septembre 2014, il précisait ainsi sa pensée : « en rhumatologie avec près de 75 % des prescriptions des cures thermales en France, l’efficacité des soins thermaux est démontrée sur une durée de 3 à 12 mois sur la douleur, le handicap, la qualité de vie des patients et/ou leur consommation médicamenteuse (antalgiques, anti-inflammatoires) dans de nombreuses indications – arthrose du genou et de la main, spondylarthrite ankylosante, fibromyalgie »… « dans l’arthrose du genou, le thermalisme s’avère aussi plus efficace en termes d’atténuation de la douleur et d’accroissement des capacités fonctionnelles des patients que les soins traditionnels. C’est aussi le cas pour l’insuffisance veineuse chronique. En revanche, il faut encore progresser notamment dans l’étude des affections dermatologiques (psoriasis), des infections ORL récidivantes (sinusites des adultes, otites infantiles) mais il est difficile, en France, de recruter des patients pour ces études. » Il a aussi relevé devant les rapporteurs que les cures ne produisaient pas d’effets secondaires indésirables, à la différence de certains anti-inflammatoires chroniques à l’origine d’accidents médicamenteux dangereux, et que l’on exigeait parfois davantage de démonstration du SMR de la part du thermalisme que d’autres interventions thérapeutiques comme par exemple la chirurgie lombaire.

Il semble ainsi démontré que pour une large majorité des cures prescrites, les patients bénéficient d’une sédation plus ou moins durable de la douleur (jusqu’à neuf mois après la cure), d’une augmentation des capacités fonctionnelles et d’une amélioration de la qualité de vie.

Est-ce à dire que la démonstration du SMR du thermalisme est faite et qu’il faut cesser les travaux de l’AFRETh en considérant sa mission comme accomplie ? Les rapporteurs pensent le contraire : il s’agirait d’une grave erreur car d’importantes questions méritent d’être approfondies.

Outre les pathologies pour lesquelles la démonstration du SMR n’a pas été faite, comme par exemple les affections ORL, il semble nécessaire de progresser dans l’analyse de l’impact des différents paramètres à l’origine d’un effet positif afin de bien identifier ce qui relève à proprement parler de l’eau minérale naturelle (EMN).

Comme le relève M. Claude-Eugène Bouvier, délégué général du CNETh, dans sa contribution à la journée du 13 novembre 2014 organisée à l’Académie nationale de médecine pour le dixième anniversaire de l’AFRETh, « la cure thermale est une intervention médicale complexe qui associe plusieurs effecteurs : l’eau thermale au premier chef, mais aussi la rupture avec l’environnement quotidien du patient, le repos, de nouvelles conditions climatiques, les techniques de soins, la relation avec le corps médical et l’équipe soignante, et, comme dans toute intervention, l’effet Hawthorne (effet positivant lié à la conscience de participer à une étude) et aussi l’inévitable effet placebo ».

Les rapporteurs ne souscrivent pas en revanche à la suite de son propos dans laquelle il considère que peu importe de savoir lequel de ces paramètres agit réellement du moment que leur assemblage produise des effets. Si l’on peut comprendre cette approche au début des travaux il y a dix ans, car à l’époque l’urgence était bien de rechercher, voire de trouver un effet, il semble nécessaire aujourd’hui de la dépasser et d’essayer de comprendre les mécanismes du SMR, de dépasser la corrélation pour mettre en évidence la causalité, et d’isoler l’impact de ce qui fait l’essence du thermalisme, à savoir des soins dispensés à partir d’une EMN donnée pour un patient donné souffrant d’une pathologie donnée.

Les rapporteurs rappellent qu’à la différence de l’hydrothérapie ou de la balnéothérapie qui reposent sur l’emploi de n’importe quelle eau, la crénothérapie attribue une action thérapeutique propre à la composition physico-chimique des eaux minérales. C’est ce postulat qui fonde tout le système de régulation du thermalisme et notamment l’autorisation d’une EMN particulière, qui doit rester pure et stable, pour une orientation thérapeutique donnée dans une station thermale donnée.

Les études menées jusqu’à présent n’ont pas démontré la validité de ce fondement théorique, comme l’a relevé devant les rapporteurs le médecin conseil de la CNAM qui a estimé que seule une étude comportant un groupe témoin traité par de la balnéothérapie permettrait de démontrer l’effet spécifique de l’EMN et du thermalisme.

De même, dans ses recommandations relatives au traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) de mars 2007, la Haute Autorité de santé (HAS) affirmait que « les cures thermales semblent apporter un bénéfice antalgique et fonctionnel aux patients atteints de PR stable ou ancienne et non évolutive (grade C). Elles ne sont pas indiquées quand la PR est active (accord professionnel). Les données de la littérature ne permettent pas de déterminer si les bénéfices apportés par les cures thermales sont dus à la composition chimique de l’eau des bains, aux interventions qui y sont pratiquées ou à la situation de mise au repos qui les accompagne ».

Saisi de cette question par les rapporteurs, le professeur Roques, président du conseil scientifique de l’AFRETh, a reconnu sa pertinence en observant que « le rôle spécifique de l’élément minéral fait débat ; certains expriment l’opinion que la minéralité ne joue aucun rôle, les produits hydro-thermaux agissant uniquement par les conséquences physiologiques de l’apport de leurs propriétés physiques à savoir chaleur et de l’immersion ». Il a toutefois porté à leur connaissance l’existence de certaines études comparant des soins thermaux (bains en EMN, applications de boues thermales) à des soins analogues réalisés avec de l’eau de réseau ou avec des boues inertes (boues lavées ou isolées dans une enveloppe imperméable).

Ces études sont centrées sur la douleur et la rhumatologie puisqu’on a pu identifier 15 essais cliniques concernant la gonarthrose ou arthrose du genou, la lombalgie et la fibromyalgie. Dans tous les essais, le traitement thermal s’est avéré efficace et le traitement comparateur seulement 5 fois sur 8 dans le cas des eaux de réseau et 2 fois sur 7 dans le cas des boues inactives ou des paquets chauds. Dans un seul essai, le traitement non thermal de référence s’est avéré supérieur au traitement thermal. Dans tous les autres, le traitement thermal s’est avéré significativement supérieur au traitement non thermal.

Toutefois, comme le reconnaît le professeur Roques, « ces travaux, en dépit du recours fréquent au double-aveugle, ont des limites méthodologiques : plusieurs proviennent d’une même équipe et leur puissance statistique est faible. On devait néanmoins exposer ces données qui, si elles ne tranchent pas définitivement le débat, permettent au moins de le poser ». Il y donc encore du travail à mener sur ce point capital pour la démonstration du SMR et la mise en évidence de ces mécanismes.

Il faut aussi progresser dans l’étude de l’efficience du thermalisme, c’est-à-dire dans l’analyse comparée de son coût, en distinguant son coût brut et son coût net, déduction faite de sa contribution aux finances publiques, et de ses apports, dont la valorisation (amélioration de la qualité de vie par exemple) n’est pas toujours facile.

Sur le premier point, une étude macroéconomique datant de 2009 a établi, après calcul du PIB thermal par l’addition des valeurs ajoutées générées par le thermalisme du fait des principales composantes de la dépense des curistes (établissements thermaux mais aussi hébergement, restauration et loisirs), et application du taux de prélèvement obligatoire moyen en vigueur, que la charge nette représentée par le thermalisme pour les finances publiques était plutôt de l’ordre de 60 millions d’euros (son coût pour l’assurance maladie était à l’époque de 250 millions et sa contribution aux finances publiques de 190 millions).

On peut aussi restreindre l’analyse, par une approche microéconomique, au seul périmètre des dépenses de santé, et tenter de mieux cerner l’impact des cures sur les dépenses de santé des curistes qui sont pour beaucoup d’entre eux (affections de longue durée) de gros consommateurs de soins ambulatoires, voire hospitaliers.

À cet égard, l’étude Ecotherm, première étude médico-économique sur les consommations de soins des curistes lancée en 2013 dans le cadre d’un appel à projets de l’AFRETh, présente un précédent intéressant. Cette étude a consisté à mesurer les consommations de soins ambulatoires de curistes affiliés à la mutuelle de la fonction publique avant et après leur cure. Elle a porté sur une période longue (cures faites entre 2006 et 2011) et une population significative (10 540 individus dont 4 429 souffrant d’arthrose ont été sélectionnés). Les données sur leurs dépenses de santé proviennent des bases de données de la mutualité de la fonction publique services (MFPS) utilisées pour procéder à leur remboursement.

L’effet n’est pas spectaculaire si l’on prend en considération l’ensemble des curistes puisque la baisse des dépenses de santé ne s’élève qu’à 21 euros (– 1,6 %) par curiste en moyenne entre les deux semestres.

En revanche, la prise en compte des cures pour la seule orientation rhumatologie (arthrose) donne des résultats plus significatifs.

On constate une diminution importante de la consommation de soins ambulatoires des curistes traités pour l’orientation rhumatologie entre le semestre qui suit la cure et celui qui la précède, soit 185 euros (– 10,8 %) notamment du fait de la dépense de kinésithérapie à hauteur de 94 euros (– 41,7 %).

Pour être tout à fait convaincante, l’étude devrait être complétée par une comparaison avec un échantillon témoin apparié à la population de curistes afin de mieux mettre en valeur l’effet particulier des cures. Il conviendrait également de suivre une cohorte de curistes dans la durée afin de mieux mesurer le profil des dépenses et de prendre en compte les dépenses d’hospitalisation qui pourraient singulièrement amplifier les résultats. À titre d’exemple, les soins rhumatologiques comparables à une cure thermale sont les soins rééducatifs correspondant à une hospitalisation de demi-journée pour un coût compris entre 60 et 90 euros alors que le coût journalier de soins dans un établissement thermal est de l’ordre de 30 euros.

Proposition n° 11 : approfondir les études relatives à la démonstration du service médical rendu sur l’impact spécifique de l’eau minérale naturelle dans l’effet thérapeutique et sur l’efficience du thermalisme, notamment sur la dépense de soins des curistes.

Les rapporteurs estiment que l’action de l’AFRETh pourrait être complétée par celle des pouvoirs publics dans l’avenir, car force est de constater que jusqu’à présent, le thermalisme a été laissé à lui-même dans la démonstration du SMR alors que la convention de 2003 (article 10) prévoyait une démarche paritaire dans ce domaine et que certaines institutions, comme la HAS, pourraient utilement compléter les travaux, ce qui permettrait aussi une meilleure appréhension du thermalisme par le monde médical. La direction de la sécurité sociale devrait ainsi saisir la HAS soit d’une demande d’évaluation portant sur l’impact des soins thermaux sur une pathologie précise, soit d’une demande d’étude médico-économique sur le coût de la médecine thermale comparé au coût de traitements alternatifs.

Proposition n° 12 : saisir la Haute autorité de santé d’une évaluation de l’impact du thermalisme sur une pathologie donnée ou d’une étude médico-économique sur l’efficience de la médecine thermale.

III. QUEL AVENIR POUR LE THERMALISME FRANÇAIS ?

Au-delà de la description du paysage existant, les rapporteurs ont souhaité présenter une analyse prospective sur le thermalisme en France et examiner dans quelle mesure les pouvoirs publics pouvaient accompagner ce secteur d’activité dans son développement et sa diversification.

Selon la grande majorité des acteurs et experts entendus, le thermalisme continuera de reposer massivement sur le socle des cures conventionnées même si des activités connexes peuvent encore se développer et si certaines stations thermales atypiques conduisent des stratégies différentes qui pourraient inspirer de nouveaux entrants ou susciter des perspectives de croissance pour certains acteurs encore implantés sur un seul site.

A. AUGMENTER LE SOCLE DES CURES CONVENTIONNÉES

1. Des paramètres fondamentaux favorables au secteur

L’augmentation régulière du nombre de curistes conventionnés de l’ordre de 2 % par an constatée depuis 2009 n’a pas de raison particulière de s’inverser ou de ralentir. Les principaux facteurs qui l’expliquent, à savoir le vieillissement de notre pays et le développement concomitant des affections longue durée, l’amélioration de l’image du thermalisme obtenue grâce au dynamisme de certains de ses opérateurs et à la diffusion des études sur la démonstration du service rendu, la prise en charge importante par l’assurance maladie, les investissements des acteurs publics et privés sur les équipements, la bonne tenue du contrôle sanitaire, devraient continuer à produire leurs effets dans un avenir proche.

Pour s’en tenir à la démographie, l’INSEE prévoit une augmentation de 25 % de la population âgée de plus de 60 ans en France (elle passerait de 16 millions à 20 millions de personnes) entre 2015 et 2030. Rapportée à la seule population des curistes de l’orientation rhumatologie, qui est la plus sensible à l’âge, et à la tranche d’âge 60-74 ans, qui est la plus exposée à la pratique des cures, cette croissance donnerait plus de 80 000 curistes supplémentaires d’ici à une quinzaine d’années.

Encore cette prévision est-elle faite à taux de pratique constant alors que plusieurs facteurs culturels de fond pourraient tendre à l’augmenter, comme la méfiance envers les médicaments et l’attirance pour les médecines traditionnelles et naturelles, la recherche de la convivialité contre la solitude ou encore le soin apporté au corps jusqu’à un âge avancé. Une augmentation de 10 % du taux de pratique donnerait 140 000 curistes supplémentaires en 2030.

Interrogés par les rapporteurs sur ces perspectives, les exploitants d’établissements thermaux se sont montrés prudents, avouant s’être parfois trompés dans leurs prévisions, tout en mettant régulièrement l’accent sur la nécessité de disposer d’une garantie de stabilité sur le taux de prise en charge par l’assurance maladie des cures conventionnées, considéré comme la principale variable de régulation du secteur autorisant l’optimisme et l’investissement.

Chacun d’entre eux veille à fidéliser les curistes dans ses établissements et à en attirer de nouveaux. Le taux moyen de fidélisation des curistes d’une année sur l’autre atteint 60 % au sein du groupe de la Chaîne thermale du soleil mais il varie d’un établissement à l’autre (de 50 à 68 %), et, comme dans le groupe Valvital, il s’agit d’un indicateur important d’évaluation de la gestion des établissements.

Tous ont mis en place des questionnaires d’évaluation de la satisfaction de leur patientèle et la Chaîne thermale du soleil dispose même d’un outil numérique d’évaluation, adressé à chaque curiste à l’issue de sa cure, puis après 3 mois, 6 mois et 9 mois. Environ 25 000 personnes sont engagées dans ce dispositif, dont les résultats sont analysés en continu en vue d’une amélioration permanente de la qualité des soins et des prestations de santé.

Le caractère stratégique de ces données relatives à la clientèle explique qu’elles ne soient pas diffusées à l’extérieur de ces entreprises, ce qui empêche une bonne connaissance statistique de la population des curistes alors que ces informations aideraient à mieux prévoir les tendances à venir et à adapter l’offre aux souhaits des curistes. Les rapporteurs souhaiteraient donc qu’une étude globale, toutes stations thermales confondues, soit menée, peut-être sous l’égide du CNETh, comme celle qui fut conduite en 2006, de manière à actualiser les données et à les prendre en compte et contribuer à augmenter le taux de pratique des cures en adaptant les prestations aux attentes de ceux qui les suivent.

Proposition n° 13 : réaliser une enquête nationale statistique sur la population des curistes conventionnés.

Les médecins, généralistes et spécialistes, ont un rôle majeur à jouer dans la diffusion du thermalisme puisque ce sont eux qui prescrivent les cures, ce qu’a confirmé l’étude de 2006 déjà citée qui montrait qu’à la question « qui vous a incité à faire cette cure ? », le médecin traitant comptait pour 47 %, et le médecin spécialiste pour 21 %, le solde se répartissant en « ma précédente cure thermale » (14 %) ou « moi-même » (13 %) ou « mon entourage » (8 %) alors que la publicité ne comptait que pour 2 %. Une extraction de données de la base Damir (dépenses d’assurance maladie interrégimes) de l’assurance maladie montre qu’en 2014 ce sont principalement les médecins généralistes qui ont prescrit les cures à hauteur de 80 % contre 20 % pour les spécialistes dont 6 % pour les rhumatologues.

La diffusion des études démontrant le SMR auprès du monde médical commence à jouer un rôle dans l’accroissement de la population de médecins prescripteurs de cures, même si nombre d’entre eux restent sceptiques sur l’intérêt de ce type de soins. Le président du syndicat des médecins thermaux a ainsi estimé à 80 % la proportion de médecins indifférents à la médecine thermale, notamment en raison de l’absence d’enseignement du thermalisme lors des études médicales, contre 10 % d’hostiles et 10 % de favorables, ce qui montre l’étendue du chemin restant à parcourir.

De même, le président de la société française de médecine thermale a-t-il estimé entre 600 et 700 le nombre de psychiatres prescripteurs de cures thermales alors que la France compte plus de 12 500 psychiatres en activité.

La Chaîne thermale du soleil a tout à fait identifié l’effort à mener puisqu’elle édite un mémento pratique de médecine thermale diffusé à 80 000 médecins qui détaille les activités de soins et de santé mis en œuvre au sein de ses établissements.

2. Adapter les modalités des cures aux contraintes de la société

S’il souhaite augmenter le taux de pratique, le secteur du thermalisme devra aussi s’interroger, comme il le fait actuellement, sur l’adaptation des modalités de suivi des cures aux contraintes de la société.

Dans ce domaine, les rapporteurs ont perçu quelques interrogations et entendu des suggestions.

Il existe par exemple une crise du thermalisme réservé aux enfants puisque les chiffres des enfants curistes sont en chute libre passant de 8 980 en 2013 à moins de 7 500 en 2015, notamment en raison de la quasi-disparition (moins de 500 en 2015) des séjours en maisons d’enfants à caractère sanitaire (MECS).

Cette évolution est dommageable car les enfants souffrent parfois de pathologies qui peuvent être soulagées par la pratique de la cure thermale comme les maladies des voies respiratoires (l’asthme) ou de séquelles de brûlures ou de certains psoriasis. La commission paritaire réunissant les caisses d’assurance maladie et les exploitants thermaux a décidé de mener une expérimentation de fractionnement des cures pour les enfants en deux séquences, de façon à moins peser sur la disponibilité de leurs parents, mais cette expérimentation, plus de deux ans après la décision de principe, n’est toujours pas lancée concrètement puisqu’on évoque encore une étude de faisabilité. Les rapporteurs souhaitent une accélération du dossier car faute de solution pragmatique, il n’y aura bientôt plus d’enfants curistes dans les établissements thermaux. Peut-être faudrait-il réfléchir à d’autres solutions comme le recours à des familles d’accueil dans les stations thermales comme il en existe par exemple pour l’apprentissage des langues étrangères lors d’un séjour estival de plusieurs semaines à l’étranger.

Proposition n° 14 : répondre à la crise du thermalisme pour enfants en expérimentant le fractionnement des cures ou le séjour en famille d’accueil.

S’agissant des adultes, la question de l’adaptation de la durée de la cure, actuellement de 18 à 21 jours pour l’ensemble des orientations et des individus, pourrait se poser. Il est difficile de trouver une justification scientifique incontestable à cette norme qui s’impose à tous et qui remonte à un passé lointain. Lors de l’enquête de 2006 déjà citée, 73 % des curistes interrogés avaient déclaré souhaiter une adaptation de la durée en fonction de la pathologie souhaitée. La durée de trois semaines empêche probablement un nombre important de personnes d’entreprendre une cure. Inversement plus de 560 000 personnes sont parvenues à consacrer ce temps à leurs cures et certains le font chaque année. Réduire la durée des cures ou la moduler selon les pathologies ou les individus introduirait assurément de la souplesse dans le dispositif, mais aussi des questions difficiles portant par exemple sur le contrôle exercé par les caisses d’assurance maladie ou les plannings des établissements.

Peut-être faudrait-il commencer par expérimenter un fractionnement comparable à celui envisagé pour les enfants. Plus modestement, des aménagements pourraient être proposés comme suivre une cure en soirée après sa journée de travail (1 000 curistes l’ont fait dans les établissements de la Chaîne thermale du soleil en 2015) ou ne pas interrompre les soins le dimanche, ce qui permettrait de gagner deux à trois jours sur la durée globale du séjour. Il est toutefois avéré que les soins thermaux peuvent fatiguer des personnes en maladie chronique et que le dimanche est souvent utile comme temps de repos et de récupération, mais l’option pourrait être proposée.

Introduire de la souplesse et de la modularité permettrait ainsi de séduire de nouveaux curistes, mais les rapporteurs sont bien conscients qu’il ne peut s’agir que d’aménagements limités car la durée de la cure est en elle-même une composante de son efficacité et il est difficile voire impossible de fixer le curseur avec certitude pour chaque curiste.

Proposition n° 15 : adapter les modalités des cures aux contraintes de la société :

– expérimenter les cures fractionnées pour certains adultes ;

– développer les cures du soir après la journée de travail ;

– prévoir la possibilité de dispenser des soins le dimanche.

B. PÉRENNISER LA MÉDECINE THERMALE

Le médecin thermal est un acteur essentiel puisqu’il est l’intermédiaire entre le médecin prescripteur, souvent le médecin généraliste, et l’établissement de soins. Il accueille le curiste, vérifie l’absence de contre-indications à la réalisation des soins, assure la surveillance clinique tout au long de la cure et prévient le risque sanitaire, le recueil d’informations cliniques sur l’état du patient étant complémentaire des analyses bactériologiques menées au titre du contrôle sanitaire. Il établit enfin le bilan médical du séjour (état douloureux, amélioration des fonctions, tests d’évaluation) et rédige une lettre au médecin traitant du curiste préconisant des objectifs thérapeutiques.

Il assume également un rôle de partenaire de l’établissement en participant au contrôle de la qualité technique des soins thermaux, à la formation du personnel soignant ou à des études scientifiques relatives à la démonstration du SMR. Enfin, il peut concevoir et animer des sessions d’éducation thérapeutique du patient (voir infra).

Les rapporteurs ont bien pris conscience de l’importance du rôle des médecins thermaux et leur attention a été appelée sur les inquiétantes perspectives démographiques de cette profession qui imposent la définition de mesures innovantes afin d’y faire face et de garantir au thermalisme la pérennité de cette médecine particulière.

1. Les inquiétantes perspectives démographiques

Selon une enquête menée en 2014 par le CNETh et le syndicat national des médecins thermaux (SNMTh), il existe actuellement 840 médecins thermaux dont 75 % ont une activité thermale prédominante (50 % exclusive et 25 % supérieures à 50 %). Ce sont à 58 % des hommes, avec un âge moyen de 59 ans et exerçant seuls dans deux tiers des cas. 27 % d’entre eux envisagent de prendre leur retraite d’ici 2020 (soit 226 départs) alors que seulement 86 médecins thermaux (dont 12 étrangers notamment originaires de l’Europe de l’est) se sont installés au cours des cinq dernières années.

Cette situation est d’ores et déjà préoccupante, puisque le ratio du nombre de curistes suivis par médecin thermal n’est pas satisfaisant dans plusieurs stations thermales comme par exemple à Châtel-Guyon (2 000 curistes par médecin et par saison) ou à Bourbon-Lancy (3 500 curistes suivis par l’unique médecin de la station). Mais un déficit est en train de s’installer partout et risque à terme, sauf réaction rapide, de menacer l’avenir même du thermalisme français.

Les causes de cet inquiétant phénomène résident dans un certain manque d’attractivité de la médecine thermale qui se pratique souvent dans des communes enclavées, parfois au climat rigoureux l’hiver, avec une forte dimension saisonnière qui peut poser des problèmes d’organisation du travail.

Certains jeunes médecins souhaitant s’installer dans des stations thermales peuvent bénéficier de dispositifs destinés à lutter contre les déserts médicaux comme les contrats de praticien territorial définis par le Pacte territoire santé de 2013. Ce contrat garantit un montant de revenu mensuel de 6 900 euros pendant 2 ans à condition de réaliser au moins 165 consultations par mois. Les rapporteurs considèrent que ce dispositif pourrait s’appliquer au thermalisme, mais ils relèvent que le zonage, défini par les ARS en fonction des déserts médicaux, ne coïncide pas exactement avec celui des stations thermales. Il pourrait donc être intéressant d’envisager une expérimentation d’élargissement du zonage à l’ensemble des stations thermales dans une région donnée.

De même, pourrait être envisagée la création de maisons de santé thermales inspirées des maisons de santé médicales et qui permettraient de co-localiser avec l’aide des collectivités territoriales (mise à disposition de locaux, primes à l’installation) des professions médicales ou paramédicales (kinésithérapeutes, infirmières) exerçant une activité thermale.

Il existe aussi un déficit de kinésithérapeutes dans les établissements thermaux faute d’attractivité de ce type de soins pour ces professionnels de santé qui sont souvent débordés par l’exercice classique de leur métier. Les établissements thermaux pallient ces carences en faisant appel à des professionnels étrangers, notamment Roumains et Hongrois, mais leurs diplômes doivent être reconnus par l’ordre des kinésithérapeutes français et ce processus peut être parfois long et difficile.

Ces mesures, si elles peuvent être utiles comme adaptations de dispositifs généraux à la médecine thermale, et atténuer marginalement son attrition, ne permettront pas de lui apporter une réponse spécifique comme le pourrait peut-être la création d’un statut de médecin thermal salarié.

2. Faciliter l’accès à la médecine thermale

Proposer un statut de médecin thermal salarié permettrait peut-être d’attirer de nouveaux médecins dans l’exercice de la médecine thermale du fait des avantages qu’il peut procurer (régularité des horaires, stabilité des revenus), notamment des femmes souhaitant disposer de plus de temps pour leurs enfants ou des médecins confirmés souhaitant réorienter leur vie professionnelle et personnelle. Du point de vue des exploitants, ce statut leur garantirait de respecter l’obligation de disposer d’un médecin référent et de plus de visibilité sur la pérennité de la présence d’un médecin thermal dans la station.

Les actuels médecins thermaux sont toutefois hostiles à cette possibilité : selon l’étude de 2014 déjà citée, 86 % d’entre eux y sont opposés, principalement au motif de préserver leur indépendance vis-à-vis des établissements thermaux ainsi que leur liberté de prescription.

Il est exact que le lien de subordination à l’égard de l’employeur, constitutif du salariat, pourrait générer des conflits d’intérêts. Des précautions devraient être prises afin de prévenir ce type de situation. On pourrait ainsi envisager la rédaction d’un contrat de travail type, soumis à l’Ordre national des médecins, excluant les actes de surveillance médicale de la cure du périmètre du salariat.

Il conviendrait également de modifier la loi car, si le code de la sécurité sociale (article L. 162-26-1) autorise bien les établissements de santé à facturer aux patients les honoraires de leurs médecins salariés, cette mesure ne peut bénéficier aux établissements thermaux puisque ce ne sont pas juridiquement des établissements de santé. Dès lors, puisque sans facturation il ne peut y avoir prise en charge par les caisses d’assurance maladie, les établissements ne pourraient bénéficier de cette ressource et ce statut perdrait tout son intérêt. Il existe bien actuellement des médecins salariés des établissements, mais ce sont uniquement des médecins conseils attachés à l’établissement en qualité de directeur ou de conseiller technique et ils n’exercent pas d’acte de surveillance médicale des cures.

Les rapporteurs estiment que, face à la crise des vocations, il serait utile de proposer ce statut de salarié, notamment aux jeunes médecins, souvent décrits comme moins séduits par la médecine libérale que leurs aînés, comme une solution parmi d’autres, en l’assortissant des précautions décrites.

Il conviendrait également de mieux utiliser les possibilités de validation des acquis de l’expérience (VAE), telles qu’elles sont prévues par le décret n° 2012-637 du 3 mai 2012 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une extension de leur droit d’exercice dans une spécialité non qualifiante, complété par l’arrêté du 16 octobre 2014 qui précise la procédure et les informations qui doivent être fournies aux conseils départementaux de l’ordre des médecins. Selon les informations fournies aux rapporteurs, ce dispositif ne peut en l’état s’appliquer à la médecine thermale car elle ne relève pas d’un diplôme d’étude spécialisée complémentaire réservé aux internes, ce qu’ils trouvent fort regrettable.

Proposition n° 16 : faciliter l’exercice de la médecine thermale :

– créer un statut de médecin thermal salarié au sein des établissements thermaux ;

– rendre possible la validation des acquis de l’expérience.

Le meilleur moyen de favoriser l’accès à la médecine thermale serait toutefois de commencer par réformer sur ce point les études de médecine car la situation n’est vraiment pas satisfaisante.

Tout d’abord, il n’existe en pratique quasiment pas de module d’enseignement de la médecine thermale en deuxième cycle des études de médecine, malgré les textes officiels, faute de professeurs compétents. Le fait qu’il ne tombe jamais de questions sur ce point à l’examen classant national (internat), cause ou conséquence de l’absence d’enseignement, contribue à pérenniser cette impasse. Il conviendrait donc peut-être de commencer par poser des questions à l’examen national pour susciter une réaction des facultés de médecine. Consultés par les rapporteurs, le collège des enseignants en médecine thermale comme l’Académie de médecine sont prêts à proposer des sujets d’épreuve pour cet examen.

Quant à l’enseignement en troisième cycle, la capacité nationale de médecine thermale dure actuellement deux années après la thèse, ce qui, même à temps très partiel, est un obstacle dirimant pour les jeunes étudiants intéressés par cette médecine.

La première réponse à cette rigidité serait de développer ce qui se fait d’ores et déjà à l’université de Montpellier et qui consiste à proposer l’accès à un diplôme universitaire (DU) de médecine thermale dès que le deuxième cycle est validé. Ce cursus d’une durée d’un an comprend 60 heures de théorie (trois séminaires, plus de l’e-learning), 20 heures en cabinet de médecine thermale et deux demi-journées de visite en station. Il est donc compatible avec le suivi du reste du cursus et il est aussi proposé aux médecins exerçant une activité thermale accessoire, aux médecins remplaçants, aux reconversions tardives et aux internes en formation initiale.

Ce DU permet l’inscription directe en deuxième année du diplôme national si le titulaire souhaite une formation plus complète ce qui permet de gagner un an par rapport aux étudiants en médecine dont les universités ne proposent pas de DU. Le développement de cette formule est donc un minimum et l’initiative consistant à transformer le DU de Montpellier en diplôme interuniversitaire (DIU), actuellement approuvée par les universités de Grenoble et Nancy, et suscitant l’intérêt des universités de Bordeaux et de Clermont-Ferrand est une excellente démarche qu’il faut encourager et étendre.

Une autre solution consisterait à créer un diplôme national accessible dès le troisième cycle, ce qui permettrait de gagner deux ans par rapport à la situation actuelle. Si, comme il en est question, une nouvelle réforme universitaire envisageait la création de formations spécialisées transversales (FST) accessibles en 3ème cycle ou en post-internat, la médecine thermale pourrait relever de cette ouverture. Le DIU en un an pourrait néanmoins être maintenu pour les médecins qui souhaiteraient seulement acquérir les notions essentielles suffisantes pour exercer sans acquérir un diplôme national.

Proposition n° 17 : réformer les études de médecine thermale :

– revaloriser l’enseignement thermal dans le deuxième cycle en concevant des épreuves à l’examen national classant ;

– développer et étendre le diplôme interuniversitaire d’une durée d’un an dès le deuxième cycle validé ;

– envisager la création d’un diplôme national d’une durée de deux ans dès le deuxième cycle validé.

C. DÉVELOPPER LES AUTRES ACTIVITÉS MÉDICALES

À côté du socle des cures conventionnées, qui restera l’activité principale de la grande majorité des établissements thermaux dans un avenir proche, il est permis de s’interroger sur le développement de leurs autres activités médicales qui pourraient prendre une nouvelle dimension si les pouvoirs publics, reconnaissant l’intérêt de mieux utiliser cet outil dans une véritable politique de prévention et de santé publique, accompagnaient davantage les établissements dans leurs initiatives.

Schématiquement on peut distinguer deux axes principaux de développement des activités médicales, l’un consistant à proposer des soins thermaux pour une durée réduite à des personnes séjournant en station thermale, l’autre consistant à mettre à profit la présence des curistes conventionnés pour une durée de trois semaines pour leur proposer des activités complémentaires et notamment des modules d’éducation thérapeutique du patient.

1. Répondre à une demande de cures plus courtes

Si la durée des cures conventionnées reste fixée à trois semaines, les exploitants continueront à proposer des séjours de soins plus courts, à des curistes de passage qui se les financeront. La question est de bien calibrer l’offre à la demande et peut-être aussi, dans certains établissements, à faire preuve de davantage de dynamisme commercial.

La plupart des établissements proposent des formules de court séjour, baptisés séjours spécifiques ou mini-cures, de durée et de contenus variables, même s’il s’agit toujours d’un programme de soins allégé par rapport à la demi-journée type du curiste conventionné.

Dans un document de travail, le CNETh a mené une enquête sur ces activités en nommant « cures médicales libres » des séjours supérieurs à 10 jours et « séjours santé » des séjours d’une durée comprise entre 1 et 10 jours. Il apparaît que l’activité des « cures médicales libres » est marginale car elle séduit au mieux quelques centaines de personnes par an dans un petit nombre de stations et ne représente que moins de 1 % de la fréquentation des établissements. Ceci n’est pas très étonnant puisqu’une durée supérieure à 10 jours commence à mobiliser une proportion importante des congés payés et que son coût peut être dissuasif.

La formule des « séjours santé » est plus attractive puisqu’elle permet d’y consacrer par exemple un week-end prolongé (la moyenne est entre deux et trois jours). Elle représente entre 3 et 4 % de la fréquentation pondérée (exprimée en jours curistes) des stations et peut séduire plusieurs milliers de personnes par an. Certaines stations comme Casteljaloux, Vichy, Vittel, Salies-de-Béarn, ou le Mont-Dore en ont fait un axe important de leur développement.

Brides-les-Bains, qui s’est spécialisée dans le traitement thermal du surpoids et de l’obésité, a par exemple développé avec succès une importante activité de mini-cures d’un format de 6 ou 9 jours afin d’apprendre à maigrir, en synergie avec son activité de cures conventionnées correspondant à l’orientation soins de l’appareil digestif.

La segmentation des courts séjours apparaît comme la plus complémentaire de l’activité des cures conventionnées et devrait être développée, notamment dans les établissements qui ne disposent pas de la force de frappe d’un outil marketing comme en ont les deux ou trois principaux groupes du secteur.

Plus largement, ce segment des courts séjours, faute de prise en charge européenne des cures conventionnées, devrait aussi faire l’objet d’une véritable promotion sectorielle à l’étranger, en liaison avec Atout France, car les rapporteurs estiment que les établissements thermaux français, trop axés sur leurs curistes conventionnés, ont longtemps négligé l’apport de la clientèle étrangère, à la différence des acteurs du secteur de la thalassothérapie par exemple.

La présence de curistes de court séjour étrangers ne paraît vraiment significative que dans les stations bénéficiant de marques prestigieuses, positionnées sur le haut de gamme et le bien-être, comme Evian, Vittel ou Vichy. Ce repli du thermalisme français sur la clientèle française est d’autant plus condamnable qu’il tourne le dos à son histoire, marquée par le cosmopolitisme et la contribution importante de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie européenne à son essor.

La campagne de promotion à l’étranger pourrait jouer sur le tourisme de santé en évoquant la bonne image de notre système de santé à l’étranger et les travaux démontrant progressivement le service médical rendu par le thermalisme.

L’effort de promotion serait utilement précédé de la mise au point d’un label européen de qualité des soins inspiré du label Aquacert qui permettrait aux étrangers de disposer d’un repère utile afin de choisir leurs établissements.

Proposition n° 18 : engager une stratégie de conquête des curistes étrangers :

– créer un label européen de qualité des soins inspiré du label Aquacert ;

– financer une campagne de promotion sectorielle à l’étranger en partenariat avec Atout France.

2. Proposer des modules d’éducation thérapeutique du patient

Les conditions de la cure thermale – éloignement du domicile pendant trois semaines, disponibilité tous les après-midis après les soins, présence de patients souffrant de maux comparables – facilitent considérablement l’organisation de modules de prévention et d’éducation thérapeutique à l’attention des curistes et de leurs accompagnants qui représentent une population de 760 000 personnes dont beaucoup sont atteints de maladies chroniques.

Il existe là un potentiel qui commence à être exploité dans une approche de santé publique mais qui n’est pas suffisamment accompagné par les pouvoirs publics.

Depuis longtemps, les thermes sont des centres de diffusion et d’approfondissement de messages de santé publique et font œuvre de prévention primaire. Les établissements thermaux organisent ainsi des conférences, ou parfois des tables rondes, principalement sur la nutrition et l’équilibre alimentaire (60 % des stations) mais aussi le sommeil, la relaxation, la sophrologie, la mémoire (6 stations), les maladies rhumatismales et l’ostéoporose (16 stations), les maladies respiratoires (5 stations), les affections cardio-vasculaires (3 stations), la dermatologie (5 stations), le thermalisme en général (6 stations) ainsi que des ateliers pratiques (dos, exercice physique, lutte contre le tabagisme).

En matière de prévention secondaire (dépistage et retardement de la chronicité d’une maladie), certains établissements participent à une expérimentation de dépistage de la fragilité des personnes âgées, stade réversible mais qui peut conduire à la dépendance, à l’aide d’auto-questionnaires et sous le pilotage du gérontopôle de Toulouse. Suivant les troubles constatés, les patients bénéficient d’ateliers de stimulation cognitive, activité physique et/ou alimentation. Ils sont dirigés après la cure vers l’équipe référente « fragilité et prévention de la perte d’autonomie chez la personne âgée » la plus proche de leur domicile. Ce dépistage est également ouvert à la population de proximité.

Mais c’est surtout en matière de prévention tertiaire, lorsqu’il s’agit de diminuer la prévalence de certaines maladies chroniques et d’apprendre à en limiter les effets que certains centres thermaux ont pris des initiatives qui pourraient être développées. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) a ainsi pour but d’aider le patient à prendre soin de lui-même et à vivre au mieux avec sa maladie. Par des entretiens individuels (bilans éducatifs partagés), patient et soignant évaluent ensemble les difficultés et les ressources de la personne et de son entourage, puis conviennent d’un plan d’action adapté à la situation.

Une quinzaine de stations thermales participent à la mise en place de programmes agréés par les ARS sur la base d’un cahier des charges national dans les domaines de l’asthme (une station), de l’insuffisance veineuse chronique sévère (quatre stations), de la fibromyalgie (quatre stations), du syndrome métabolique et de l’obésité (sept stations), du psoriasis et de l’eczéma (une station), de la polyarthrite rhumatoïde (une station), et du lymphœdème (une station). D’autres sont en cours de demande d’agrément comme le sevrage des benzodiazépines, la réhabilitation post-cancer du sein, et l’arthrose.

LES PROGRAMMES D’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT AGRÉÉS PAR LES ARS

Source : Cneth.

Chaque programme a été conçu par un groupe de travail associant des professionnels de santé, des responsables d’établissement thermaux et des représentants d’associations de patients. Les professionnels menant les entretiens individuels ou animant les ateliers collectifs reçoivent au moins 40 heures de formation à l’éducation thérapeutique et une mise à jour de leurs connaissances sur la pathologie.

Les rapporteurs ont pris connaissance des différents programmes d’ETP proposés par les stations thermales : ils reposent tous sur une combinaison d’activités de groupe (ateliers d’informations et d’activités physiques) et d’entretiens individuels avec des professions de santé (parfois en utilisant les rendez-vous avec le médecin thermal prévus au titre de la cure).

Comme pour les cures, la profession a commencé à mettre en place un dispositif d’études destinées à évaluer l’impact et l’efficacité des modules d’ETP. Les premiers résultats sont encourageants. Ainsi l’étude Veinothermes a pu observer que les patients insuffisants veineux chroniques amélioraient de manière significative leurs connaissances de la maladie, des soins nécessaires à leur état et à observer des règles de contention. L’étude SPECTH a mis en évidence que les patients se sevraient de benzodiazépines dans une proportion importante puisqu’au 3ème et au 6ème mois après la cure et le module d’ETP, 43 % d’entre eux avaient cessé de prendre des benzodiazépines et qu’au 6ème mois, ils étaient 80 % à avoir complètement cessé ou diminué de moitié leur consommation. De même, l’étude Prisme a montré l’efficacité d’une intervention combinant soins hydro-thermaux et éducation pour contrôler le syndrome métabolique.

Il s’agit toutefois d’une première approche par suivi prospectif de cohorte dont la démonstration devra être ensuite confortée par des évaluations utilisant des méthodologies de niveau de preuve supérieur, comme l’essai contrôle randomisé.

L’amélioration de la démonstration du SMR ne pourra qu’inciter les pouvoirs publics à davantage accompagner et financer ces initiatives qui, faute de financement, n’ont pas encore pris une importance décisive. Le coût de la formation et des personnels animant ces ateliers impose une contribution personnelle des curistes qui peut atteindre 200 à 250 euros. Le taux d’inscription est probablement pour cette raison assez faible et les stations ne sont pas en capacité de les proposer systématiquement.

Interrogé sur ce sujet par les rapporteurs, le directeur général de l’ARS d’Aquitaine a exposé tout le bien qu’il pensait de ce type de démarche et a indiqué qu’il avait décidé de financer certains programmes de prévention proposés par des établissements thermaux sur les crédits du Fonds d’intervention régional (FIR). Les activités de prévention, de promotion de la santé et d’éducation assurées par les établissements thermaux peuvent faire l’objet d’un financement par le FIR (articles L. 1435-8, R. 1435-16 et R. 1435-17du code de la santé publique) attribué par les ARS au titre des missions de prévention des maladies et de la perte d’autonomie, ainsi que d’organisation et de promotion des parcours de santé et d’amélioration de la qualité et de la sécurité de l’offre sanitaire et médico-sociale.

L’ARS d’Aquitaine a ainsi décidé de financer deux programmes d’actions portant sur la prévention secondaire destinés à repérer la fragilité et la perte d’autonomie chez les personnes âgées ainsi que le dépistage du cancer. Son directeur général a affirmé aux rapporteurs qu’il n’avait pas d’objection de principe à financer des programmes d’ETP proprement dits.

Les rapporteurs estiment que le FIR pourrait contribuer dans d’autres régions. Même s’il s’agit de montants modestes (73 000 euros en 2015 et 103 000 euros en 2016 pour un FIR d’un montant annuel de 65 millions en Aquitaine), ces crédits peuvent contribuer à lancer un programme sur des domaines nouveaux (des initiatives sont en préparation pour la sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson) qui correspondent parfaitement aux priorités de santé publique identifiées par les pouvoirs publics (prévention du vieillissement et des maladies chroniques), missions que peu d’acteurs du système de santé sont en capacité de remplir. Une fois lancés et leur efficacité démontrés, ces programmes pourront ensuite se tourner vers d’autres sources de financement comme les assurances complémentaires.

À plus long terme, se posera la question de l’insertion de certains établissements thermaux dans des parcours de soins plus institutionnels, notamment sur le segment des soins de suite et de réadaptation (SSR). La prise en charge dans ces établissements de certains patients (maladie de Parkinson, lombalgie chronique, maladie respiratoire) ne nécessitant pas une hospitalisation au regard de leur degré d’autonomie, mais des soins rééducatifs importants dépassant les capacités d’un cabinet de médecine de ville, pourrait être envisagée, ce qui permettrait de soulager les établissements de SSR souvent dans l’impossibilité de répondre aux besoins, faute de places disponibles. L’impact positif de soins de suite en station thermale sur des femmes en rémission d’un cancer du sein est en train d’être démontré, mais d’autres populations (grands brûlés, obèses ayant subi une intervention chirurgicale) pourraient bénéficier des compétences et des plateaux techniques des établissements thermaux, à condition de concevoir les modalités de leur prise en charge.

Proposition n° 19 : développer les financements de modules d’éducation thérapeutique du patient dans les établissements thermaux par les fonds d’intervention régionaux gérés par les agences régionales de santé.

D. FAVORISER LA DIVERSIFICATION EN CONCILIANT BIEN-ÊTRE ET MÉDICALISATION

Les stations thermales peinent à se diversifier au-delà du médical, comme l’avait relevé le rapport précité du Conseil national du tourisme consacré à cette problématique en 2011. La part du chiffre d’affaires représenté par les cures conventionnées et l’hébergement des curistes reste prépondérante, quel que soit le mode d’exploitation des établissements, ce qui pose vraisemblablement la question de l’image véhiculée par la médicalisation du secteur dans l’esprit du public. Pense-t-on aux stations thermales comme des lieux de divertissement, de bien-être et de villégiature ou plutôt comme des lieux de soin à éviter si l’on n’est pas malade ?

Quelques exemples de réussite, liées à des marques puissantes comme Vichy, Evian ou Vittel, montrent toutefois que des stratégies différentes sont possibles et qu’il est possible de concilier bien-être et médicalisation.

Dans un autre registre, les collectivités territoriales ont parfois accompagné les stations dans une diversification vers le loisir et le thermoludisme, dont le bilan reste à établir.

1. Les spas et les produits dérivés des eaux thermales

Le spa est un concept marketing pertinent qui permet aux stations thermales de se positionner sur le créneau du tourisme de bien-être, en pleine expansion, comme l’a montré Atout France dans sa brochure consacrée en 2016 aux « destinations bien-être et spas, attentes clientèles et stratégie de développement ».

La diversité des soins et activités des spas, qui va de la forme (yoga, fitness, aquastretching), à la santé (drainage lymphatique, massothérapie) en passant par le bien-être (bains, solarium), la beauté (gommage, soins esthétiques), la minceur (lipomassage, consultation diététique) et la lutte contre le vieillissement (injections), permet de bâtir des offres très différentes en optimisant l’utilisation des infrastructures et les recettes générées par ces activités.

La norme nationale AFNOR publiée le 10 février 2014 contribue à la professionnalisation de ces activités en établissant des références sur des aspects aussi différents que la superficie des installations (au moins 150 mètres carrés pour la surface totale et 10 mètres carrés pour les cabines), l’entretien et l’hygiène des équipements, le mode de stockage des produits cosmétiques ou la gestion des consommables et du linge.

Le contrôle sanitaire est régi par l’arrêté du 1er février 2010 qui s’applique essentiellement à la surveillance des légionelles et repose sur l’autosurveillance.

Ces textes laissent toutefois une importante liberté dans la définition des prestations proposées par les établissements thermaux qui peuvent proposer des soins à base d’eaux thermales. La Roche-Posay, Evian et Vichy ont été parmi les premières stations à jouer cette carte avec succès.

Le spa médical thermal de Vichy, qui s’adresse à une clientèle française et étrangère à fort pouvoir d’achat, permet ainsi de proposer des prestations de bien-être et de beauté dans un contexte potentiellement médicalisé puisque des médecins, généralistes et spécialistes, et professionnels de santé ont leur cabinet implanté dans le centre et peuvent recevoir des clients du spa. Le spa, implanté dans un espace différent des thermes et relié à un hôtel de standing par une passerelle, propose des programmes santé (détox, dos, burn out, cap de la cinquantaine) qui sont des mini-cures d’au moins trois au quatre jours ainsi que des programmes de remise en forme ou des soins à la carte à l’eau thermale de Vichy (douche, massage, enveloppement de boues).

Ces formules semblent avoir rencontré leur public puisque 4 300 personnes ont acheté des séjours santé de quelques jours à Vichy en 2015, à comparer aux 8 000 curistes conventionnés passés par la station pour cette même année. Le concept est exporté à l’étranger avec succès puisqu’il a séduit le Qatar, le Maroc ainsi que la station thermale historique de Karlovy Vary (Marienbad) en République tchèque.

Certaines stations ont également développé des lignes de produits cosmétiques comme La Roche-Posay, Vichy en partenariat avec L’Oréal ou Avène avec les laboratoires Pierre Fabre, Vichy étant précurseur des produits dérivés puisque la fameuse pastille, composée notamment de sels extraits de l’eau de la source Chomel, a été commercialisée en 1833.

2. Le thermoludisme et le loisir

Avec le thermoludisme, la diversification des activités s’oriente vers les loisirs et vise tout autant une clientèle de curistes, de touristes de passage que de résidents permanents qui sont susceptibles de prendre des abonnements et de revenir périodiquement.

À la différence d’un centre aqualudique, un centre thermoludique est alimenté en eau minérale dont l’usage doit être autorisé par arrêté préfectoral après avis de l’ARS. Il peut arriver que celle-ci impose une déminéralisation préalable si elle l’estime nécessaire pour des raisons de santé publique. Certains d’entre eux sont implantés en dehors des stations thermales, mais il s’agit toujours d’un centre dédié à cette activité (pour une surface type de 2 500 mètres carrés selon le rapport précité du Conseil national du tourisme) qui repose sur des bassins et des jeux d’eau spécifiques et différents des équipements consacrés aux cures thermales.

Les bassins d’eau peuvent être agrémentés de cascades, de banquettes ou jets massants, de couloirs de nage à contre-courant et les plans d’eau peuvent accueillir des séances d’aquagym ou d’aquabike. Des grottes d’eau froide ou des vaporariums peuvent être aussi proposés, ainsi qu’une scénarisation des ambiances (lumières, architecture, décoration) faisant parfois appel à l’exotisme (Orient, grand Nord).

Si l’on excepte la station thermale d’Amnéville, très atypique car au cœur d’un complexe de loisirs polyvalent (zoo, piste de ski, cinémas), qui fut précurseur avec la création du centre thermoludique dès 1996, c’est durant la décennie 2000 que la quinzaine de centres ont été créés, notamment dans la région Midi-Pyrénées, et le rythme s’est ralenti depuis, même si un projet important sera inauguré aux Eaux-Bonnes en juillet 2016.

Tous les centres thermoludiques créés dans les stations thermales relèvent d’une initiative et d’une maîtrise d’ouvrage publique. Leur financement repose essentiellement sur des subventions publiques, la collectivité anticipant la couverture des annuités d’emprunt par la redevance versée par l’exploitant des thermes.

En 2015, la fréquentation des centres thermoludiques ne dépasse 100 000 entrées que pour Amnéville (450 000), Royat (200 000), Casteljaloux (115 000) et Bagnères-de-Bigorre (105 000), les centres suivants descendant à une fréquentation inférieure à 50 000 entrées.

Même si la fréquentation des centres dépasse parfois le nombre de journées-cures conventionnées dans certaines stations, leur contribution au chiffre d’affaires est généralement très inférieure, car on estime à moins de 18 euros le montant moyen d’une entrée au centre thermoludique (compte tenu du poids des abonnements et des entrées à la demi-journée) alors que la recette moyenne d’une journée de cure conventionnée est supérieure à 33 euros.

Si l’impact d’un centre thermoludique sur l’attractivité de la station est globalement positif et permet de mieux étaler l’activité sur l’ensemble de l’année, le bilan financier consolidé de ce type d’installation dépend fortement de sa zone de chalandise et de son bassin de population. Il appelle aussi régulièrement de nouveaux investissements sous peine d’obsolescence ou de lassitude de la clientèle. Ce type de diversification ne peut donc constituer un modèle universel. Faute d’une étude de marché préalable très robuste, il peut même susciter des déconvenues et aggraver les déséquilibres financiers de l’exploitation thermale.

E. CAPITALISER SUR LE POTENTIEL TOURISTIQUE DES STATIONS THERMALES

Le potentiel touristique des stations thermales est très important. Implantées dans des endroits favorisant la villégiature, disposant d’équipements variés et de personnels habitués à recevoir des non-résidents et à les divertir, les communes thermales peuvent et doivent optimiser l’accueil des touristes qui peuvent devenir un jour ou l’autre des curistes, par exemple après avoir visité des établissements thermaux remarquables au titre du patrimoine, alors que les curistes ou leurs accompagnants ont une vocation évidente à se transformer en touristes après leurs soins.

Il y a interpénétration des publics ce qui pose la question de la cohérence des interventions publiques comme l’avait relevé le rapport du Conseil national du tourisme précité dans des termes que partagent les rapporteurs : « Il y a généralement deux communicants dans une station thermale : l’office de tourisme et l’exploitant. Celui-ci scinde parfois sa communication en deux, d’un côté les cures conventionnées, de l’autre côté les cures courtes et la remise en forme. En effet, la communication et la mise en marché des cures thermales doivent relever d’une démarche spécifique, du ressort de l’établissement (ou du groupe). À l’inverse, la communication et la commercialisation de la remise en forme et du tourisme relèvent d’une autre démarche, mettant en avant deux entrées complémentaires : les prestations elles-mêmes et le territoire. Les stations comme les exploitants doivent s’attacher ensemble à maîtriser ces deux discours s’adressant à des cibles différentes avec des outils marketing différenciés. Nombre de stations auraient intérêt à engager une réflexion approfondie sur leur marque ».

Dans l’action de promotion, la répartition des tâches entre l’exploitant et l’office du tourisme n’est pas toujours claire, notamment lorsque les thermes appartiennent et sont exploités en régie par la commune.

Le fait que la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République prévoie le transfert obligatoire de la compétence de promotion du tourisme des communes aux intercommunalités avant le 1er janvier 2017 ne contribuera pas à éclaircir les choses, puisqu’elle interdira aux communes à forte notoriété, dont des communes thermales, de conserver un office de tourisme communal de plein exercice.

Cette dilution de la marque dans l’intercommunalité ne facilitera pas la tâche de promotion. C’est la raison pour laquelle les rapporteurs souhaiteraient un aménagement de la loi permettant aux communes classées stations de tourisme (dont beaucoup d’anciennes stations hydrominérales, voir supra), de conserver leur office communal.

Proposition n° 20 : aménager la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation de la République (NOTRE) en autorisant les communes classées stations de tourisme à conserver un office de tourisme communal de plein exercice.

Au-delà de ces sujets de gouvernance, il y a des leviers puissants à exercer au profit du tourisme dans les stations thermales dont certains s’inscrivent dans la relance de la politique du tourisme engagée par le Conseil de promotion du tourisme en 2015.

1. Un patrimoine à mettre en valeur

Le patrimoine, matériel et immatériel, des stations thermales est d’une grande richesse. Les grands bâtiments ou espaces publics de ces villes particulières sont très variés : thermes bien sûr, mais aussi hôtels, villas, casinos, théâtres, promenades et parcs. Ils reflètent l’évolution des styles et des modes, des courants internationaux (Empire, Art nouveau, Art déco). Ils se répondent parfois d’un site à l’autre et méritent un examen attentif et comparé. C’est la raison pour laquelle il faut concevoir des visites à thèmes, des panneaux indicateurs sur place, mais aussi des circuits d’un site à l’autre, comme l’a très bien compris l’Association La Route des villes d’eaux du massif central, créée en 1998, et qui fédère 17 villes d’eaux et 50 tour-opérateurs et agences de voyage partenaires pour l’organisation de séjours et de visites guidées.

Sur un plan européen, certaines stations se sont regroupées pour créer en 2009 l’European historical thermal town association (EHTTA) qui s’attache à obtenir la reconnaissance des spécificités innovatrices et culturelles des villes thermales auprès de l’Union Européenne en vue de développer leur activité touristique dans le cadre du nouveau plan communautaire encourageant le tourisme transfrontalier. Le réseau, qui compte une trentaine de membres dont dix stations françaises, encourage le développement et le redéploiement économique des villes thermales et la sauvegarde de leur patrimoine culturel par le biais d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques.

Des débats sur l’avenir des villes d’eaux sont notamment organisés à travers une série de tables rondes appelées « Cafés de l’Europe », liées aux festivals culturels d’envergure ayant lieu dans huit villes thermales européennes. La ville de Vichy est au centre de ce projet européen car elle accueille le Centre international de ressources sur le patrimoine thermal au sein de sa médiathèque Valery Larbaud.

L’EHTTA porte également un projet de création d’un « pass » permettant aux touristes, européens ou non, de faire leur propre voyage sur mesure dans les villes d’eaux européennes marquées par l’histoire du thermalisme. Elle est aussi à l’origine d’un projet d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO des stations thermales européennes historiques, que les rapporteurs approuvent sans réserve.

2. Bénéficier de la relance de la politique du tourisme et de ses instruments

Les rapporteurs soutiennent ce type d’initiatives et souhaitent leur diffusion et leur développement. Ils estiment également que le thermalisme devrait davantage bénéficier de la relance des outils de la politique touristique décidée par le Conseil de promotion du tourisme en 2015.

Si le thermalisme est présent dans la relance des contrats de destination au titre du contrat Auvergne et de la thématique des stations de pleine nature, il devrait bénéficier également des financements proposés par la Caisse des dépôts et consignations, soit au titre des constructions et rénovations d’hôtels et de résidences de tourisme (500 millions d’euros), soit au titre des infrastructures et équipements touristiques (400 millions d’euros) comme des espaces de loisirs. Il semblerait que la Caisse commence à s’intéresser de plus près au secteur comme en témoigne son intervention en fonds propres et en investisseur de long terme au côté de l’opérateur France Thermes dans la délégation de service public des thermes de Châtel-Guyon. Cette station fait actuellement l’objet d’une modernisation d’un montant de 35 millions d’euros dont seulement 5 millions de subventions publiques, ce qui montre l’intérêt que le marché privé porte à son projet.

Plus largement, le secteur du thermalisme pourrait également candidater aux appels à projets du Commissariat général à l’investissement dans le cadre du troisième programme d’investissement d’avenir et notamment sur l’appel à projets « partenariats pour la formation professionnelle et l’emploi » pour toutes les thématiques thermales liées à la formation et à la qualification, et l’appel à projets sur la « Silver Economy », support très pertinent pour traiter la problématique thermale.

Proposition n° 21 : inciter le secteur du thermalisme à candidater aux appels à projets des investissements d’avenir ou aux financements fléchés de la Caisse des dépôts et consignations en faveur de la promotion du tourisme.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Lors de sa séance du 8 juin 2016, le Comité examine le présent rapport.

M. le président Claude Bartolone. Chers collègues, nous allons examiner aujourd’hui le rapport d’évaluation du soutien public au thermalisme. Je vous rappelle que nous avons décidé de réaliser cette évaluation à la demande du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP). Nos rapporteurs sont Mme Jeanine Dubié pour la majorité, et M. Dominique Dord pour l’opposition. Le groupe de travail était composé de Mme Danielle Auroi, M. Pierre Aylagas, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Édith Gueugneau et M. Philippe Vitel.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) a en effet inscrit à son programme de travail une évaluation de la politique publique de soutien au thermalisme à la demande du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP).

Nous avons souhaité faire le point sur les modalités du soutien public au thermalisme, dans un contexte apaisé, puisque ce secteur connaît une phase de croissance modérée, mais continue depuis une petite dizaine d’années, et que ses relations avec l’assurance maladie se sont normalisées et sont désormais étroitement définies par la convention thermale, dont le renouvellement fera l’objet de discussions au cours de l’année 2017.

Nous avons effectué 19 auditions et entendu 38 personnes, représentatives de l’ensemble des acteurs et partenaires du secteur. La crise vécue par le thermalisme français à la fin des années 1990 est dépassée. Notre rapport fournit l’occasion d’actualiser les travaux qui avaient été conduits sur ce secteur. Je rappelle qu’avaient été publiés deux rapports officiels très critiques : un rapport de la Cour des comptes de janvier 1995 et un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) d’octobre 2000.

Au terme de notre travail, nous estimons que la situation économique du thermalisme français reste fragile, que les relations avec l’assurance maladie ont atteint un point d’équilibre satisfaisant, qu’il convient de ne pas menacer, mais que les pouvoirs publics devraient adopter une attitude plus positive, en utilisant davantage cet outil dans une approche plus large de santé publique. Nous considérons que le thermalisme peut avoir un avenir très positif en mettant notamment l’accent sur la prévention des maladies chroniques, l’accompagnement du vieillissement et l’éducation thérapeutique.

M. Dominique Dord, rapporteur. La carte des stations thermales de France vous montre qu’elles sont principalement concentrées au sud du pays. Sur les dix dernières années, le thermalisme a connu une progression de 2 % par an environ, même si cette évolution reste fragile. La France compte actuellement 89 stations en activité et 110 établissements, plusieurs stations dénombrant plusieurs établissements, à Dax en particulier.

Ce sont 563 000 assurés sociaux qui ont effectué une cure thermale en 2015, soit 2,4 % de plus qu’en 2014. À cause du vieillissement croissant de la population, les services thermaux sont en effet de plus en plus recherchés.

S’agissant de l’organisation des stations, les cinq premières – Balaruc, Dax, Gréoux, Aix et Amélie – cumulent plus de 185 600 cures en 2015, soit un tiers du total. Inversement, d’autres stations ne survivent qu’avec l’apport décisif des collectivités publiques.

Au niveau national, le thermalisme compte 9 000 emplois directs, mais il revendique un impact global de 100 000 emplois au titre des emplois directs, indirects ou induits. De même, selon les professionnels, une étude macro-économique de 2009 estimait à 840 millions d’euros le chiffre d’affaires généré par les curistes et leurs accompagnants. Au niveau local, l’impact est très différent selon les bassins économiques.

Le thermalisme connaît deux sortes d’exploitation. La gestion privée, en pleine propriété ou par délégation de service public (DSP) des collectivités territoriales, est très largement majoritaire. L’opérateur connu de tous est La Chaîne thermale du soleil, qui assure sa promotion dans les médias nationaux. Mais le thermalisme est aussi un secteur partiellement géré et globalement soutenu par les collectivités territoriales et notamment par les communes. Si l’on exclut Balaruc, assez atypique, où la commune a largement investi pour faire de sa station celle qui est la plus fréquentée de France, la fréquentation des établissements publics est généralement plus faible que dans le secteur privé. Ce n’est guère une surprise, puisque ce sont précisément ces caractéristiques qui les rendent difficiles à privatiser.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. La régulation du thermalisme par les pouvoirs publics repose actuellement sur une approche médicalisée et les principales dispositions normatives applicables à ce secteur d’activité relèvent du code de la santé publique.

L’exploitation des eaux minérales naturelles (EMN) à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal dépend d’une autorisation préfectorale, après instruction de la demande par l’agence régionale de santé (ARS). La procédure est donc déconcentrée depuis 2007, mais respecte les normes et le pilotage de la direction générale de la santé (DGS), qui exerce la tutelle.

Les ARS mettent progressivement à jour les anciens dossiers d’autorisation initiale, et renseignent la base de données nationale constituée par le système d’information SISE-Eaux d’alimentation.

Les échanges que nous avons eus avec la DGS nous ont conduits à considérer que la fiabilité et la complétude de cette base de données pouvaient être améliorées, en tenant compte des périmètres de protection, par exemple en les comparant aux sites qui ont fait l’objet d’incidents ou de contaminations révélés par le contrôle sanitaire.

Il conviendrait notamment d’augmenter le nombre d’informations obligatoirement saisies par les ARS dans la base de données, et de mettre en œuvre un système d’information géographique sur les captages.

Les pouvoirs publics ont considérablement renforcé les normes du contrôle sanitaire depuis quinze ans. Les résultats se sont fortement améliorés, avec une forte prise de conscience des établissements thermaux. Saluons ces progrès. Tous paramètres microbiologiques confondus, le taux global de non-conformité des analyses était de 2,2 % en 2015 contre 4,5 % en 2001 alors que les normes ont été durcies entre-temps.

Dans ce domaine du contrôle sanitaire, nous considérons pourtant que certaines améliorations devraient être apportées. Tout d’abord, il convient de mettre en œuvre l’évaluation de la stabilité de la composition physico-chimique des eaux minérales naturelles dans les établissements thermaux, l’arrêté du 22 octobre 2013 devant être appliqué rapidement. Il faut aussi envisager l’extension du champ du contrôle sanitaire aux boues thermales ; il en existe déjà, mais nous voulons aller plus loin. Enfin, il convient de réviser le mécanisme d’agrément des laboratoires autorisés à procéder au contrôle sanitaire, afin d’instaurer une meilleure concurrence et donc une baisse des coûts pour les établissements. En effet, la liste des 16 laboratoires autorisés n’a pas été révisée depuis 1937 ; elle devrait se rapprocher de la liste des laboratoires agréés pour les analyses de l’eau destinée à la consommation humaine, qui en compte 140.

J’en viens à l’examen des effets de la convention de 2003. La prise en charge des cures thermales par l’assurance maladie a souvent fait l’objet de contestations au motif d’une supposée insuffisante démonstration de leur effet thérapeutique. Elle a même été temporairement remise en cause à deux reprises, en 1959 et en 1967, ce qui a eu des effets immédiats sur la fréquentation des stations thermales.

Notre étude nous conduit à considérer que le système actuel, bien encadré par la convention de 2003, a atteint un équilibre satisfaisant qu’il ne faut pas remettre en cause, sous peine de menacer l’avenir d’un secteur qui a fait des efforts substantiels de rigueur et de démonstration du service médical rendu. En outre le thermalisme peut apporter une contribution utile au traitement de problèmes de santé publique comme le vieillissement ou les affections de longue durée, et, plus globalement, les maladies chroniques.

Les dysfonctionnements que la Cour des comptes avait notés en 1995, en ce qui concerne la définition des forfaits et les prises en charge, sont désormais du domaine du passé, mais on constate aujourd’hui que la normalisation précise des tarifs et des soins présente à certains égards une rigidité excessive. C’est pourquoi nous proposons d’assouplir la procédure applicable pour modifier la nomenclature des soins, pour pouvoir y faire entrer de nouveaux soins qui ne peuvent pas être proposés actuellement dans le cadre des forfaits.

Nous avions envisagé une autre proposition, à savoir transformer les douze orientations en une liste de pathologies précises. Mais cela risquerait de créer de la complexité, car la liste ne sera vraisemblablement jamais exhaustive ou assez précisément rédigée, ce qui générera des contestations et des interprétations diverses. Pour ces raisons, nous ne préconisons pas une évolution de cette nature.

Nous proposons en revanche que les médecins thermaux soient représentés à la commission paritaire nationale qui traite de la définition des soins, des forfaits et des traitements types applicables aux stations thermales, et qui ne comprend actuellement que les représentants des établissements thermaux et des caisses d’assurance maladie.

Le coût du thermalisme pour le régime général de l’assurance maladie s’est élevé à 273,8 millions d’euros en 2015. L’évolution de cette dépense a été de 22 %, soit une augmentation de 50 millions d’euros, depuis 2010, mais elle reste maîtrisée puisque la progression tarifaire est supportée par le curiste depuis 2014. Sa part dans la dépense totale de santé, à savoir 181,8 milliards d’euros en 2015, est marginale : 0,15 %. Nous préconisons le maintien de la prise en charge des forfaits thermaux par l’assurance maladie au taux de 65 % qui nous semble avoir atteint un équilibre satisfaisant pour la répartition des charges entre le curiste, l’assurance maladie et les assurances complémentaires.

Nous présentons deux propositions qui permettraient de garantir cet équilibre dans la durée. Il convient d’abord d’ajuster les tarifs forfaitaires de responsabilité lors de la première année de la nouvelle convention. Il serait injuste de faire uniquement porter sur les curistes l’augmentation des prix. Il faut aussi introduire les cures thermales dans le panier de soins minimal pris en charge par les assurances complémentaires souscrites par les entreprises au profit de leurs salariés afin de garantir une égalité de traitement des salariés sur ce point.

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous sommes tous persuadés que le thermalisme, médecine très ancienne, répond à des enjeux de santé publique nouveaux, tels que le bien vieillir, la lutte contre la douleur, ou l’accent mis sur la prévention par rapport aux soins. Ces enjeux sont très modernes, même si le thermalisme doit à chaque fois faire la preuve de l’efficacité de son concours.

La mise en place de la convention de 2003 régissant les relations entre les exploitants thermaux et les caisses d’assurance maladie s’est ainsi accompagnée de l’obligation de démontrer le service médical rendu (SMR). Cet objectif est mieux rempli que nulle part ailleurs dans l’Union européenne.

En onze années d’activité, l’Association française pour la recherche thermale (AFRETh) a financé 41 études pour un montant de onze millions d’euros. La réalisation pratique des études peut se heurter à des difficultés de recrutement d’un échantillon suffisant de curistes. La démonstration du SMR n’a pas encore été faite pour certaines pathologies comme les affections oto-rhino-laryngologiques (ORL). Nous devons donc continuer à approfondir certaines questions. S’agissant des rhumatismes, des études publiées dans les plus grandes revues scientifiques ont été reconnues par l’Académie nationale de médecine comme apportant une vraie contribution.

Tout le problème est de savoir ce qu’apporte une eau thermale par rapport à une eau ordinaire. La crénothérapie attribue une action thérapeutique propre à la composition physico-chimique des eaux minérales. Il est important pour l’avenir de mieux comprendre ses mécanismes. L’on ne peut que se féliciter des efforts réalisés par la profession.

Nous devons aussi nous intéresser particulièrement à l’efficience du thermalisme, en mettant en balance son coût en termes de dépenses publiques et ses apports. En réduisant le recours aux médicaments et à la kinésithérapie à l’issue de la cure thermale, il fait réaliser des économies, mais cela serait certainement plus frappant encore si l’on savait prendre en compte les journées d’hospitalisation ainsi évitées. Encore aurions-nous besoin, pour mener une étude statistique du phénomène, de disposer de deux cohortes parfaitement semblables, l’une ayant fréquenté les établissements thermaux, l’autre non.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Comment peut-on améliorer l’avenir du thermalisme ? À notre sens, il convient d’étendre le socle de son activité. L’augmentation régulière du nombre de curistes conventionnés, de l’ordre de 2 % par an, constatée depuis 2009, n’a pas de raison particulière de s’inverser ou de ralentir.

Plusieurs facteurs expliquent cette croissance : le vieillissement, le développement des affections de longue durée, l’amélioration de l’image du thermalisme, la diffusion des études sur la démonstration du service rendu, notamment.

Le seul facteur démographique pourrait accroître le nombre des curistes de 80 000 personnes, en se rapportant à l’indication rhumatologique et à la tranche d’âge 60-74 ans, la plus présente parmi les curistes. Il serait important de mieux connaître la population des curistes sous un angle statistique, ainsi que leurs attentes, en menant une enquête nationale, la dernière datant de 2006.

Considérant que les médecins, généralistes et spécialistes, ont un rôle majeur à jouer dans la diffusion du thermalisme puisque ce sont eux qui prescrivent les cures, nous estimons que les études relatives au SMR doivent être davantage diffusées auprès des médecins, car on évalue à 80 % la proportion des médecins indifférents à la médecine thermale, comme nous en avons fait le constat à travers les auditions que nous avons conduites.

Les cures doivent aussi pouvoir être dans une certaine mesure adaptées aux contraintes des patients. Depuis que les maisons d’enfants à caractère sanitaire ont fermé, l’expérimentation du fractionnement des cures pour les enfants devrait être conduite. Un fractionnement pourrait être aussi expérimenté pour les cures des adultes, et les cures du soir peuvent être développées pour les curistes résidant à proximité.

M. Dominique Dord, rapporteur. Vous savez tous que notre démographie médicale est en berne, particulièrement dans les parties reculées du territoire ou dans les villages de montagne isolés, où ce déclin est plus criant encore. Or les stations thermales sont souvent situées dans un tel environnement. Soyons donc vigilants. L’âge moyen d’un médecin thermal est de 59 ans. Ces médecins seront donc à la retraite dans les années qui viennent.

Il nous faut donc réagir. Nous proposons d’abord la piste iconoclaste d’ouvrir la possibilité de salarier les médecins des établissements ; l’Ordre des médecins, même s’il y a été longtemps hostile, connaît une évolution des esprits sur ce sujet. L’on pourrait aussi appliquer au thermalisme les dispositifs destinés à lutter contre les déserts médicaux. Pour cela, il faudra adapter le zonage, défini par les ARS en fonction des déserts médicaux, car il ne coïncide pas exactement avec celui des stations thermales. Il pourrait donc être intéressant d’envisager une expérimentation d’élargissement du zonage à l’ensemble des stations thermales dans une région donnée, ou encore créer des maisons de santé thermales afin de mettre ensemble, quand c’est possible, diverses professions médicales ou paramédicales exerçant dans le secteur thermal.

Plusieurs points relatifs aux études de médecine devraient aussi être réformés. Ajouter deux années de plus au cursus général, déjà long, ne répond plus aux attentes. Mieux vaut utiliser les possibilités de validation des acquis de l’expérience (VAE), pour les médecins présents depuis longtemps dans la profession. Il convient également que les étudiants en médecine puissent se spécialiser en amont dans le cycle universitaire.

Deux axes principaux de développement des activités médicales pourraient être promus. L’un consiste à proposer des soins thermaux pour une durée réduite à des personnes séjournant en station thermale: des cures médicales libres et des séjours santé, plus brefs. Certaines stations en ont fait un axe important de leur développement, comme Brides-les-Bains avec le traitement du surpoids et de l’obésité. Ce rythme est plus adapté au mode de vie des personnes actives aujourd’hui.

L’autre axe serait de promouvoir des activités complémentaires, comme l’éducation thérapeutique du patient (ETP), en mettant à profit sa présence sur une durée de trois semaines. Cette éducation a pour but de l’aider à prendre soin de lui-même et à vivre au mieux avec sa maladie. Ces modules, qui visent à influer sur la manière de vivre et de se nourrir, ne font pas aujourd’hui l’objet d’un conventionnement avec la Sécurité sociale. Il y a un sujet de santé publique à traiter. À l’initiative de certaines ARS, des programmes de prévention sont déjà financés sur les crédits du Fonds d’intervention régional (FIR).

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Je conclurai sur la nécessité de concilier bien-être et médicalisation, le thermalisme de loisirs étant à même de faire aussi découvrir les bienfaits de l’eau pour l’avenir.

Le potentiel touristique des stations thermales est très important. Les villes touristiques classées font entendre une revendication très forte, que nous relayons, pour conserver un office de tourisme de plein exercice, alors que la loi du 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, ne leur en laisse pas la possibilité, puisqu’elle prévoit le transfert obligatoire de la compétence de promotion du tourisme des communes aux intercommunalités avant le 1er janvier 2017. Les villes à plus forte notoriété risquent de pâtir de ce transfert.

Nous considérons que le thermalisme devrait davantage bénéficier de la relance de la politique du tourisme engagée par le Conseil de promotion du tourisme en 2015, en bénéficiant des financements proposés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), soit au titre des constructions et rénovations d’hôtels et de résidences de tourisme, à hauteur de 500 millions d’euros, soit au titre des infrastructures et équipements touristiques, comme des espaces de loisirs, à hauteur de 400 millions d’euros. L’exemple de l’intervention de la CDC dans la modernisation des thermes de Châtel-Guyon suscite l’optimisme à cet égard.

Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir de vous citer un extrait de Baigneuses et buveurs d’eau, ouvrage où Charles Brainne affirme : « Il y a encore une foule de préjugés sur la vie des eaux. On est assez disposé à croie que c’est une série d’amusements perpétuels, un carnaval d’été, où l’on mène l’existence à grandes guides : c’est tout le contraire. À part les viveurs excentriques, qui n’ont jamais assez de fenêtres par où jeter leur argent, et les joueurs obstinés, qui se ruinent toujours, les baigneuses et les buveurs d’eau sont généralement des gens simples et paisibles qui se préoccupent avant tout de leur santé ».

Mme Edith Gueugneau. S’agissant de la démographie médicale, je constate la pertinence des analyses présentées, comme maire d’une petite commune thermale, qui accueille 3 500 curistes et ne compte qu’un médecin, sur le départ… L’économie thermale repose en outre principalement sur du personnel féminin, apportant une réponse à la question de l’emploi dans les territoires ruraux.

Les stations thermales sont en pleine réflexion sur leur diversification, car l’aménagement du territoire peut être mis au service du bien-être. Les communes qui s’engagent dans cette démarche méritent d’être accompagnées.

Le seul sujet qui fâche est sans doute celui de la loi Notre, qui empêchent les stations classées de conserver leur compétence en matière de promotion touristique. Or les villes-centres de territoires ruraux aspirent à continuer de l’exercer, même si elles ne sauraient assurer les investissements laissés aux régions. Il faut trouver une réponse à ce problème, pour que les stations classées puissent conserver leur office de tourisme. Je pense que la question ne se pose pas seulement à Bourbon-Lancy.

Mme Danielle Auroi. Je suis une fidèle des rendez-vous qui portent sur le thermalisme. Comme écologiste, je sais que l’eau est en soi un bien précieux, mais que c’est plus vrai encore de l’eau thermale.

L’idée de promouvoir la création d’un label européen des stations thermales me semble excellente. Des jumelages entre villes d’eau de l’Union européenne ont déjà lieu. Nous sortirions grâce à ce label d’une situation contradictoire : alors que le thermalisme a pu être en perte de vitesse en France, il en est fait une large promotion dans les pays limitrophes du nôtre, comme l’Allemagne. Or il y a forcément beaucoup de points communs entre les différentes pratiques du thermalisme au sein de l’Union européenne, que ce label ferait ressortir.

Ma circonscription compte non moins de cinq stations thermales. La notion qui y est à l’honneur est la notion de pleine santé. Vous avez beaucoup évoqué le rôle du thermalisme en amont, à titre préventif et au service du bien-être. Mais il joue aussi un rôle en aval. À la Bourboule, des malades du cancer traités par radiothérapie bénéficient des vertus cicatrisantes de l’eau thermale. À un colloque qui s’y est tenu la semaine dernière sur ce sujet, de grands professeurs ont montré, par leurs interventions, que la méfiance traditionnelle de la médecine à l’égard du thermalisme est en train d’évoluer. Je crois moi aussi que le thermalisme peut s’inscrire dans une logique de complémentarité avec la cancérologie.

M. Jean-Pierre Dufau. Nous voici enfin devant un rapport parlementaire actualisé sur le thermalisme, qu’il aborde avec un regard, sinon novateur, du moins dénué d’a priori. Il nous présente une photographie du thermalisme aujourd’hui et nous en trace les perspectives dynamiques. Sur la question des boues, aucune étude n’est encore faite à ce stade, mais il sera toujours possible de s’améliorer sur ce point.

Je voudrais vous livrer deux idées principales. D’une part, le thermalisme a en effet sa place dans le panier de soins et dans l’arsenal de prévention. Le message que vous délivrez est extrêmement fort et positif. Vous en avez tiré naturellement la conséquence que sa prise en charge assurantielle ne doit pas être remise en cause. S’agissant d’autre part de la profession des médecins thermaux, il faut en effet se soucier de son renouvellement et de son enseignement. Car le thermalisme irrigue notre territoire. Au moment où l’on cherche à diversifier son attractivité économique, il importe donc de le soutenir. Vous affirmez et confirmez avec raison l’enracinement local du thermalisme. Certes, le thermalisme, ce n’est pas Lourdes ! Mais il permet d’accompagner, de prévenir et de traiter, en valorisant le bien-être des curistes, et d’économiser des dépenses de médicaments.

Au moment du rapport de suivi, nous pourrons soumettre à l’évaluation la pertinence des remarques formulées dans le rapport d’aujourd’hui, et y apporter d’éventuels correctifs. Ce document apporte en tout cas une contribution importante au thermalisme médical. Je crois que, sur ce thème, tout le monde a su jouer le jeu.

M. Gilles Lurton. Je retiens en particulier votre recommandation qui vise à modifier la loi Notre de telle sorte que les communes touristiques classées puissent constituer à assurer la promotion touristique.

Par ailleurs, vous n’avez pas du tout évoqué la situation des stations de thalassothérapie. Quelle différence faites-vous entre les stations thermales et ces dernières ?

M. Jean-Yves Caullet. Le thermalisme peut à mon sens apporter sa contribution au problème posé par l’évolution négative de la démographie médicale, car il fait venir le patient à la médecine, validant ainsi une armature existante du territoire. C’est pourquoi je serais favorable au salariat du corps médical présent dans les stations thermales, la population locale de patients à desservir étant augmentée du nombre des curistes.

Je poserai une question iconoclaste. La géographie des stations thermales, souvent situées en zone peu peuplée, fait apparaître qu’elle impose à de nombreux patients un déplacement. Les frais d’hôtellerie, parfois importants, peuvent alors constituer un obstacle à la volonté de se rendre en cure thermale. Dans ce contexte, certains éléments actifs de la cure thermale pourraient-ils être apportés au domicile même des curistes ? J’ai en mémoire une marque de produits de soins portant le nom d’une station thermale. N’est-il pas possible de rapprocher la cure du patient, quand il ne peut se déplacer ?

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. S’agissant du transfert obligatoire, par la loi Notre, de la compétence de promotion du tourisme des communes aux intercommunalités, il semble que le projet de loi Montagne II offre le véhicule législatif pour assouplir cette disposition, au profit non seulement des stations thermales, mais aussi de toutes les stations touristiques classées.

En ce qui concerne le label européen, l’idée est en effet à creuser et participerait de nos efforts pour développer le thermalisme à l’extérieur de nos frontières, en coopération avec Atout France. La clientèle étrangère est encore trop peu présente dans les stations thermales.

Pour ce qui est des maisons de santé, nous devons convaincre les ARS de la fragilité du maillage médical et des besoins dictés par l’évolution de la démographie médicale, qui concerne, dans les espaces de montagnes ou dans les espaces ruraux, non seulement les médecins, mais aussi les infirmières et les kinésithérapeutes. Maisons de santé et thermalisme sont donc deux sujets à traiter en parallèle, en visant par exemple à adosser les maisons pluridisciplinaires de santé aux établissements thermaux.

Cela accroîtrait l’activité des professionnels de santé présents sur les stations thermales, au-delà de l’activité thermale, qui reste saisonnière. Encore faut-il en convaincre les ARS.

Quant à la thalassothérapie, nous ne l’avons tout simplement pas évoquée parce qu’il ne s’agit que d’eau de mer dans le cas de ce secteur qui ne saurait avoir les mêmes vertus médicales que l’eau thermale.

M. Dominique Dord, rapporteur. J’ajouterai que le thermalisme est une pratique institutionnalisée qui fait l’objet d’un remboursement de la Sécurité sociale. Toutefois, au regard de la loi Notre, rien n’empêcherait que les stations de thalassothérapie engagent une démarche comparable à celle des stations thermales.

Cher collègue Jean-Yves Caullet, je n’aurai qu’un embryon de réponse à votre question concernant la manière d’apporter le service thermal à ses bénéficiaires. Je crois savoir que La Chaîne thermale du soleil garde un lien avec ses curistes, en conduisant un suivi de leur régime après les cures ou entre plusieurs cures. Pour le reste, la faisabilité de votre proposition reste assurément à étudier.

L’opposition frontale entre thermalisme et non-recours à cette pratique, entre remboursement et déremboursement, est révolue. Une période nouvelle s’ouvre, où l’accent est mis sur la prévention, sur le bien vieillir et sur la prise en charge de la douleur… Le titre de notre rapport, « Le thermalisme : une réponse à de nouveaux enjeux de santé publique », est sciemment provocateur. Nous avions même hésité à l’intituler : « Une médecine ancienne pour répondre à des besoins nouveaux ». Car, en face des nouveaux défis qui nous attendent, le thermalisme n’est peut-être pas la panacée, mais il apporte assurément un début de réponse. Si seulement ce rapport pouvait orienter le débat sur le thermalisme de manière un peu différente !

M. le président Claude Bartolone. C’est en effet toute la question. Merci à nos rapporteurs pour la qualité de leur travail.

J’aborderai seulement la question compliquée du rapprochement du service thermal au domicile du curiste. Ayant eu à exercer par le passé des responsabilités dans le domaine de la psychiatrie, je mesure combien le départ du patient de son milieu joue un rôle important dans son parcours de soins.

S’il n’y a pas d’objection, je vous propose, mes chers collègues, d’autoriser la publication du rapport.

Je reste persuadé que ce type d’étude menée par le CEC, qui est un exercice à la fois intellectuel et politique, sera un élément important dans le cadre du non-cumul des mandats. C’est là que les parlementaires montreront tout leur potentiel. Certes, il faut voter la loi et voter le budget, mais l’évaluation des politiques publiques, et le suivi des mesures prises, seront à l’avenir scrutés de plus en plus par l’ensemble de nos concitoyens. Je vous remercie de savoir être des précurseurs.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

– M. Thierry Dubois, président, et M. Claude-Eugène Bouvier, délégué général, Conseil national des établissements thermaux (CNETh) (19 janvier 2016).

– Dr Hugues Desfour, président du Syndicat national des médecins thermaux (SNMTh) (19 janvier 2016).

– Dr Renée-Claire Mancret, présidente du conseil d’administration, et Pr Christian-François Roques, président du conseil scientifique, accompagnés de M. Claude-Eugène Bouvier, chargé de mission, Association française pour la recherche thermale (AFRETH) (26 janvier 2016).

– Pr Patrice Queneau, président de la Commission XII (en charge du thermalisme et des eaux minérales) de l’Académie nationale de médecine, accompagné du Pr Jean-Pierre Nicolas, secrétaire de la Commission XII (26 janvier 2016).

– Pr Luc Barret, médecin conseil national, accompagné de Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique, et de Mme Céline Jouffroy, chargée d’étude au département de l’hospitalisation de la direction déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) (2 février 2016).

– Dr Jean-François Thébaut, président de la Commission Évaluation économique et santé publique, accompagné de Mme Catherine Rumeau-Pichon, chef du service Évaluation économique et santé publique, Haute Autorité de santé (HAS) (2 février 2016).

– M. Jean-François Béraud, président de la Fédération thermale et climatique française (FTCF) (9 février 2016).

– Dr Olivier Dubois, président de la Société française de médecine thermale (SFMTh) (9 février 2016).

– M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale, accompagné de Mme Hélène Monasse, chef du bureau Relations avec les professions de santé à la direction de la sécurité sociale, ministère des affaires sociales et de la santé (16 février 2016).

– Mme Katia Julienne, adjointe au directeur général de l’offre de soins, ministère des affaires sociales et de la santé (16 février 2016).

– M. Michel Laforcade, directeur général de l’Agence régionale de santé Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (1er mars 2016).

– M. Jean-Pierre Grouzard, président de la Fédération française des curistes médicalisés (FFCM), accompagné de Mme Martine Vaillant, trésorière (1er mars 2016).

– Mme Joëlle Carmès, faisant fonction de sous-directrice de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation à la direction générale de la santé du ministère des affaires sociales et de la santé, accompagnée de M. Alban Robin, chef du bureau de la qualité des eaux, de M. Yannick Pavageau, adjoint au chef du bureau de la qualité des eaux, et de Mme Nathalie Franques, en charge notamment des dossiers relatifs aux eaux minérales naturelles/eaux thermales (8 mars 2016).

– Pr Christian-François Roques, président de l’Institut du thermalisme de l’Université de Bordeaux, accompagné du Pr Céline Ohayon, directrice, et du Dr Karine Dubourg, directrice adjointe (8 mars 2016).

– Mme Eléonore Guérard et M. Jauffray Beltrando, directeurs généraux délégués de la Chaîne thermale du soleil, et Dr Alain Garcia, chargé des relations médicales (15 mars 2016).

– M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristiques à la direction générale des entreprises du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, accompagné de M. Vincent Oberto, chargé de mission Tourisme, eau, littoral et itinérances (15 mars 2016).

– M. Bernard Riac, président directeur général de Valvital (22 mars 2016).

– M. Gabriel Bellocq, président de l’Association nationale des maires de communes thermales (ANMCT), accompagné de M. Paul Audan, vice-président, et de M. Jean-François Béraud, secrétaire général (29 mars 2016).

– M. François Victor, directeur associé du Cabinet Horwath HTL (29 mars 2016).


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