XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Deuxième séance du jeudi 04 février 2021

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Deuxième séance du jeudi 04 février 2021

Présidence de M. Sylvain Waserman
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Respect des principes de la République

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République (nos 3649 rectifié, 3797).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi en commençant l’examen des amendements identiques nos 1192, 1223, 1714 et 1774.

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    Ces amendements ont été présentés par leurs auteurs et ont reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
    La parole est à M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres II et III du titre II et pour les titres III et IV.

    M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres II et III du titre II et pour les titres II et IV

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    Ces amendements avaient pour objet de supprimer la notion de gravité des atteintes au principe de neutralité. Pourtant cette notion existe déjà dans le code de justice administrative, dont l’article L. 521-2 dispose : « le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice de l’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ». Au reste, la notion de gravité existe également dans le cas de la suspension par déféré d’une décision administrative, laquelle ne doit dans ce cas pas seulement donner lieu à un « doute », mais à un « doute sérieux ». C’est bien le caractère manifeste du doute entourant la légalité de l’acte attaqué qui justifie le recours au déféré – et c’est bien normal, puisque cette mesure de contrôle demandée par le préfet porte atteinte à la liberté d’administration des collectivités locales.
    Par ailleurs, monsieur Jolivet, je m’étonne que l’on se plaigne de la différenciation territoriale. Comme d’autres, nous avons tous deux souvent défendu le principe selon lequel des territoires sont administrés différemment selon les spécificités et les contraintes locales – songez par exemple au concordat qui s’applique en Alsace-Moselle.
    Par conséquent, es amendements me semblent superfétatoires et même dangereux car leur adoption risquerait de susciter une avalanche de déférés, paralysant du même coup la juridiction administrative, sans pour autant renforcer le principe de laïcité.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Nous soutiendrons ces amendements. Avec la suppression de l’adverbe « gravement », que se passera-t-il ? L’appréciation des atteintes à la neutralité différera selon les territoires, comme l’a bien rappelé M. Jolivet. L’interprétation du contrôle de légalité diffère déjà d’un département à l’autre – M. Jolivet a évoqué les quatre-vingt-quinze préfets – voire d’une sous-préfecture à l’autre.
    Ensuite, en conservant la notion de gravité, le législateur que nous sommes laisse la main au juge, à qui il reviendra d’appliquer une gradation des qualifications. Or la neutralité, monsieur le rapporteur général, ne se découpe pas en tranches : il faut l’envisager de manière globale. Comment se fera l’appréciation par tel ou tel ? Qui l’évaluera ? Qui la rapportera ? Nous avons par exemple fait en sorte que les personnes qui, dans le système de santé, sont chargées du respect du principe de laïcité soient précisément celles qui en rendent compte à leur autorité fonctionnelle.
    Ne croyez-vous pas que nuancer la notion de neutralité reviendrait à l’affaiblir ? Nous nous y refusons, parce que cette notion est au cœur du texte. Le rapporteur général et le ministre de l’intérieur l’ont dit l’un et l’autre : le principe de neutralité est un et indivisible. Toute fragmentation instillera le doute dans les esprits, et d’aucuns s’imagineront que tel ou tel acte pourra échapper à toute qualification et ne présentera donc pas de risque. Il en va de même des rappels à la loi : les juges savent bien qu’une même personne peut faire l’objet d’un rappel à la loi, puis deux, puis dix ou quinze. La neutralité, c’est le socle républicain, ne l’oublions pas. La République est laïque. Par définition, elle respecte la neutralité. Ne la fragilisons pas !

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Vous connaissez nos critiques vis-à-vis de ce texte. On aurait pu espérer que, face aux piétinements de la laïcité, notre débat aurait permis de clarifier certaines situations, mais je constate que ce ne sera pas le cas.
    L’adverbe « gravement », en l’occurrence, fait écho, selon moi, à l’interdiction dans le contrat d’engagement républicain du prosélytisme dit « abusif ». Toutes ces marges d’interprétation sont subjectives : qu’est-ce qu’un prosélytisme abusif ? qu’est-ce qu’une atteinte grave à la laïcité ? Tout cela, le débat ne permet pas de le définir. On évoque les piscines sans préciser de quoi on parle. Chacun sait que le débat sur la prétendue communautarisation de la pratique sportive est ouvert mais il mérite d’être précisé, car il existe aussi des femmes qui pratiquent la natation de la plus normale des manières.
    En somme, rien n’est précisé ! Ce texte continuera d’ouvrir la voie aux marges d’interprétation, à la subjectivité. Or il renforce les pouvoirs administratifs du préfet – c’est l’un des reproches que nous lui faisons, monsieur le ministre. Dès lors qu’il appartiendra au préfet d’apprécier ce qui est abusif et ce qui est grave, les interprétations varieront selon les cas, selon les périodes, selon les gouvernements, selon le culte, etc., sans rien régler ! Cette question est au cœur du désaccord que nous avons avec vous au sujet de ce projet de loi. C’est un texte prolixe mais qui ne résout aucun problème ; il restera mi-chèvre mi-chou, sans trancher aucun des grands débats que nous avons eus et en autorisant des marges d’interprétation subjectives, donc soumises au traitement enflammé de tel ou tel sujet par les médias. Enfin et surtout, du point de vue du citoyen, il ne clarifie en rien le principe de laïcité.
    J’en veux pour preuve, monsieur Houlié, que, tout en défendant cette disposition en l’état, vous rappelez que trois départements n’appliquent pas le principe de laïcité et qu’il ne faut pas toucher à cet état de fait car il est l’héritage de l’histoire ! Ce sont 3 millions de personnes qui vivent dans un territoire ou une série de principes sont bafoués, et ce ne serait pas grave !
    Vos arguments sont à géométrie variable et le seront encore lorsque je vous demanderai que les élus cessent de participer à des cérémonies religieuses : vous me répondrez que cela dépend des cas et que les élus font ce qu’ils veulent. Nous ne réglerons rien, le citoyen n’y comprendra rien et pourra même avoir l’impression que ceux qui parlent de laïcité, plus ils en parlent, moins ils la pratiquent !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Pas mal !

    (Les amendements identiques nos 1192, 1223, 1714 et 1774 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 988.

    M. Philippe Naillet

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    Cet amendement, que le groupe Socialistes et apparentés présente à l’initiative de Boris Vallaud, vise à harmoniser les articles 1er et 2 du projet de loi, puisque le premier mentionne les principes de laïcité et de neutralité tandis que le deuxième ne vise que le principe de neutralité. De deux choses l’une : soit les deux notions sont différentes, auquel cas il faut les mentionner dans les deux articles, soit le principe de neutralité englobe celui de laïcité, et alors il suffit à lui seul. En tout état de cause, il faut harmoniser la rédaction du texte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre Ier du titre Ier, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre Ier du titre Ier

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    Comme je l’ai déjà expliqué, le principe de neutralité recouvre notamment la neutralité religieuse, c’est-à-dire la laïcité. L’avis est donc défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Même avis.

    (L’amendement no 988 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 139 de M. Philippe Gosselin est défendu.

    (L’amendement no 139, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 341 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.

    (L’amendement no 341, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Après l’article 2

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2.
    La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 2300 rectifié.

    M. Jean-Michel Clément

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    L’article 2 prévoit que le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales portant gravement atteinte au principe de neutralité peut s’exercer selon une procédure accélérée. Nous proposons de le compléter en étendant cette procédure accélérée aux actes des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, afin de mettre fin à des comportements parfois délicats à apprécier.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    En commission spéciale, le gouvernement s’était dit prêt à accepter l’élaboration d’une rédaction en ce sens, mais le débat n’a pas abouti. Il me semble plus raisonnable de conserver la législation en l’état, d’autant que le code de l’éducation dispose d’ores et déjà que le tribunal statue en urgence en cas de décisions susceptibles d’être illégales. D’après l’article L. 719-7, que vise votre amendement : « Le chancelier peut saisir le tribunal administratif d’une demande tendant à l’annulation des décisions ou délibérations des autorités de ces établissements qui lui paraissent entachées d’illégalité. Le tribunal statue d’urgence. Au cas où l’exécution de la mesure attaquée serait de nature à porter gravement atteinte au fonctionnement de l’établissement, le chancelier peut en suspendre l’application pour un délai de trois mois. »

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément

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    L’avis de la rapporteure est-il défavorable parce que l’amendement est satisfait ?

    M. le président

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    Madame la rapporteure ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Oui.

    (L’amendement no 2300 rectifié est retiré.)

    M. le président

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    L’amendement no 1844 de Mme Yaël Braun-Pivet est défendu.

    (L’amendement no 1844, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Oppelt, pour soutenir les amendements nos 1162, 1163 et 1160, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Valérie Oppelt

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    Ils concernent l’attribution de subventions par les conseils régionaux, départementaux et municipaux, qui jouent un rôle primordial dans le développement des territoires. Il existe un risque que des associations dont les objectifs sont contraires aux valeurs républicaines en bénéficient. Il me semble logique que les conseils délibérants qui décident d’attribuer ces aides – c’est-à-dire les élus – soient plus vigilants à l’égard de ces risques. Il faut donc affirmer le respect des principes de neutralité des services publics et donc des élus, dans le champ particulier des subventions.
    Il m’a été expliqué en commission spéciale que ces amendements sont satisfaits par l’article 6, mais les deux me semblent plutôt complémentaires. Ils permettront en effet de mieux engager la responsabilité des élus, et non pas seulement celle des associations.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Comme je vous l’ai déjà dit en commission spéciale, madame Oppelt, il me semble que votre amendement est satisfait par l’article 6 du projet de loi. Celui-ci prévoit en effet l’insertion dans la loi du 12 avril 2000 d’un nouvel article 10-1 conditionnant précisément l’octroi d’une subvention par une autorité administrative ou un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel ou commercial, au respect, par l’association qui la sollicite, des principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l’ordre public. Je vous demande donc de retirer les trois amendements ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Pardonnez-moi, mais autant je trouve que l’on avance parfois très lentement, autant nous sommes allés très vite sur l’amendement no 1844 rectifié de notre collègue Braun-Pivet, et je n’ai pas pigé : c’est quoi, cette histoire ? Le maire, en tant qu’officier d’état civil, est chargé d’appliquer, au nom de l’État, les lois de la République, lesquelles sont, j’imagine, respectueuses des principes fondamentaux de la République, notamment du principe de neutralité. Alors pourquoi vouloir inscrire dans la présente loi le principe de neutralité de l’élu ? Aurait-on une inquiétude sur la neutralité des élus de la République, en particulier des maires, qui en sont pourtant les piliers ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire !
    On fait passer l’amendement à la va-vite, comme si la manière dont les maires incarnent leur rôle d’officier de l’état civil était suspecte. Mais quand on est maire, on applique la loi, surtout quand on marie ! Or la loi prévoit d’appliquer les articles du code civil, que l’on doit d’ailleurs lire expressément devant les mariés, point barre ! D’où vient cette suspicion à l’égard des élus locaux ? (Signes d’approbation sur les bancs du groupe SOC.)

    Un député du groupe LaREM

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    Il a raison !

    M. Sébastien Jumel

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    Je reviens donc sur un amendement examiné à la va-vite, pour dire que, pour notre part, nous faisons confiance aux élus de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

    Un député du groupe LaREM

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    Nous aussi !

    M. Sébastien Jumel

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    Et je pense que si nous faisions plus confiance aux maires, la République n’en serait pas là où elle en est en matière de renoncement aux principes fondamentaux !

    M. le président

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    Nous n’avons pas traité cet amendement à la va-vite, chacun pouvait évidemment s’exprimer.

    (Les amendements nos 1162, 1163 et 1160, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 1110 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.

    (L’amendement no 1110, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 2299.

    M. Jean-Michel Clément

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    À l’image du dispositif proposé dans l’amendement no 2300 rectifié, que j’ai défendu précédemment, celui-ci tend à compléter l’article L. 6143-4 du code de la santé publique par deux alinéas prévoyant l’extension de la procédure accélérée pour les actes des collectivités locales qui porteraient gravement atteinte au principe de neutralité, prévue à l’article 2 du projet de loi, aux décisions des établissements publics de santé. Le recours serait alors lancé par l’ARS – agence régionale de santé.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Il s’agit d’un amendement proche de celui de tout à l’heure qui tendait à étendre la procédure du déféré accéléré aux établissements publics d’enseignement supérieur. Cette fois, vous proposez de l’étendre aux décisions ou délibérations des établissements de santé qui porteraient gravement atteinte au principe de neutralité ; le directeur de l’ARS serait alors chargé de déposer le recours.
    Comme je le disais ce matin, cette procédure n’existe actuellement que pour les actes des collectivités territoriales de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle – en pratique, cela correspond à des mesures de police. Compte tenu du caractère particulièrement dérogatoire de cette procédure, qui entraîne une suspension immédiate de la décision, je pense qu’il faut la réserver aux actes des collectivités territoriales. Pour être complète, j’ajoute qu’à mon sens, votre proposition devrait également prévoir qu’à l’instar du préfet, le directeur de l’ARS informe sans délai l’établissement qui a pris la décision concernée, de telle sorte qu’il puisse, le cas échéant, la retirer sans attendre le jugement du tribunal administratif.
    Ce sera donc un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    J’aimerais comprendre ce qui motive un tel amendement : pourquoi un établissement public de santé prendrait-il des délibérations contraires au principe de neutralité ? D’autant que les statuts de la fonction publique hospitalière prévoient déjà le respect de ce principe. Je ne saisis vraiment pas quel est le fondement de votre amendement. Ou alors, donnez-nous des exemples d’établissements publics de santé qui auraient pris des délibérations contraires au principe de la République. Il ne faut pas créer des problèmes qui n’existent pas.

    M. Alain Bruneel

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    Elle a raison !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément

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    Je rappelle que je ne me fais ici que le porte-voix de mon collègue Charles de Courson. Vous connaissez son attachement aux libertés : je ne pense pas que son objectif soit d’ajouter des problèmes, et je suppose donc qu’il a été confronté à des situations l’ayant poussé à rédiger cet amendement.

    Mme Marie-George Buffet

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    On aimerait bien savoir lesquelles !

    M. Jean-Michel Clément

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    N’utilisons pas cette proposition pour lui faire un procès déplacé.

    Mme Marie-George Buffet

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    Ce n’était qu’une question !

    (L’amendement no 2299 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 1477.

    M. Alexis Corbière

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    L’objet de cet amendement, dont la présentation en commission spéciale avait engendré un débat, peut-être résumé ainsi : en matière de neutralité, les élus doivent aussi donner l’exemple ; ils devraient être les premiers à le faire.
    Hier, j’ai observé que plusieurs élus – beaucoup sont assis face à moi, mais ce ne sont pas les seuls – considéraient que le principe de neutralité devait s’appliquer aux citoyens jusque dans la vie courante. Selon moi, c’est une mauvaise compréhension des exigences posées par la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État : c’est à la neutralité de l’État que nous devons veiller. Or, aux yeux de la population, qui en sont les représentants les plus évidents et les plus médiatiques, sinon les élus ?
    Pourtant, dans bien des villes, se développent des pratiques que je considère antirépublicaines : ici, c’est le vœu des échevins, qui perdure depuis 1643, lorsque la ville de Lyon se plaça sous la protection de la Vierge pour se protéger d’une épidémie ; là, c’est le vœu de Nice, célébré par le collègue Éric Ciotti,…

    M. Éric Ciotti

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    Absolument !

    M. Alexis Corbière

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    …parce qu’en 1832, la ville aurait été épargnée de l’épidémie de choléra après s’être, elle aussi, placée sous la protection de la sainte Vierge. À Béziers, c’est l’organisation d’une messe, sur fonds municipaux, par le maire, qui va jusqu’à en faire la publicité dans le journal municipal, édité aux frais du contribuable, et sur des affiches en quatre par trois, payées elles aussi par le contribuable, invitant les habitants de la ville à participer à une messe qui n’existait pas publiquement avant son élection ! Selon moi, tout cela relève d’une incompréhension de ce qu’est la laïcité, et constitue une pédagogie redoutable pour jeter la confusion chez nos concitoyens. (Commentaires sur les bancs du groupe LaREM.)
    Dans mon amendement, j’ai évidemment fait la distinction entre deux situations. La participation à une cérémonie religieuse constitue parfois une obligation, car elle symbolise la présence de la République aux côtés de nos concitoyens lors de rassemblements guidés par l’émotion face à un drame en particulier : si des concitoyens de confession juive sont attaqués, il va de soi que la présence des élus que nous sommes à la synagogue de la ville, en signe de solidarité, fait sens. De même, la présence des élus lors de la cérémonie confessionnelle liée à l’enterrement d’une personnalité en vue dans la ville, peut aller de soi et faire sens : il s’agit d’une marque de respect.
    Mais comment justifier l’instauration de cérémonies qui ne sont fondées sur rien d’exceptionnel, qui ne sont pas liées à la nécessaire affirmation du soutien de la République à certains de nos concitoyens ? Élus, donnons l’exemple ! Sans quoi, la leçon qu’en tireront de nombreux concitoyens, c’est qu’une religion en particulier est préférée par certains élus, celle qui fait partie de notre tradition. Cela peut mettre à mal la laïcité : d’un seul coup, parce qu’on parle de cette religion – j’évoque évidemment la religion catholique, que je respecte d’ailleurs –, il n’y aurait plus de neutralité qui tienne ? Les choses ne peuvent pas fonctionner ainsi.
     
    Si nous jugeons utile d’appeler nos concitoyens à la concorde nationale et de les inviter à comprendre l’esprit de la laïcité, nous devons le matérialiser par des gestes symboliques. Car la laïcité, c’est une liberté de conscience qui prévoit avant tout le droit de croire ou de ne pas croire et l’égalité de toutes les religions – je dis bien « toutes » – devant la loi.
    Honnêtement, si vous ne votez pas cet amendement, l’amendement no 1844 rectifié adopté tout à l’heure à l’initiative de Mme Braun-Pivet, qui tend à préciser que les élus sont tenus au respect du principe de neutralité, devient nul et non avenu : il n’a aucun sens, il ne signifie rien,…

    Un député du groupe LaREM

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    Mais si !

    M. Alexis Corbière

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    …il est même plutôt préoccupant.
    Franchement, il est grand temps de prévoir un dispositif simple.
    Je ne sais pas si vous prendrez le temps de me répondre, mais, au cas où, je vous invite à le faire sans outrance. Je ne sais pas si le collègue Courson est présent, mais il va de soi que l’on peut très bien se rendre, par exemple, à une cérémonie d’hommage en mémoire du terrible drame qu’ont subi les Juifs de France durant la Seconde Guerre mondiale : ce que nous visons, c’est la « re-confessionnalisation » de l’espace public, le mélange organisé entre le politique et le religieux, auquel certains élus participent, allant jusqu’à s’en vanter dans le matériel municipal ou sur leur compte Twitter, où ils apparaissent en photo aux côtés de tel ou tel ministre du culte ! C’est vraiment rendre un mauvais service à la laïcité !
    Soyons clairs, profitons au moins de ce débat pour réaffirmer des principes laïques conformes à Georges Clemenceau, vous y serez sensible, monsieur le ministre : au lendemain de la Première Guerre mondiale, il avait demandé à tout son gouvernement de refuser, au nom du respect de la laïcité, de participer au Te Deum de Notre-Dame de Paris, qui visait à rendre hommage aux millions de morts de la guerre ! Nous disposons de beaux exemples ; inspirons-nous en. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    En commission spéciale, où vous aviez déjà déposé votre amendement, monsieur Corbière, nous avons eu des échanges très intéressants à son sujet, qui ont d’ailleurs été pour moi l’occasion d’apprendre beaucoup de références historiques. Grâce aux vôtres, à celles de M. le ministre de l’intérieur, mais aussi d’autres collègues présents, j’ai pu faire un tour de France : en effet, chaque ville possède ses traditions et ses références historiques en matière de manifestations religieuses.
    J’ai relu l’amendement. Il vise à insérer dans le texte un article ainsi rédigé : « Toute personne dépositaire de l’autorité publique, chargée par la loi d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ne peut dans l’exercice de des fonctions assister à une cérémonie religieuse, à l’exception des cas où ces personnes souhaitent exprimer la solidarité de la République à l’égard d’un culte suite à un événement de nature exceptionnelle de par son ampleur ou sa gravité. »
    En fait, vous décrivez presque la jurisprudence en vigueur, et je ne suis pas certaine qu’il faille aller au-delà. En effet, elle prévoit que l’élu participant officiellement à des cérémonies religieuses, en tant que représentant des pouvoirs publics, doit s’abstenir de toute participation personnelle au culte. Cela signifie qu’en principe, il ne doit pas se signer à l’occasion d’une messe catholique, accomplir les rites d’une prière israélite, se prosterner devant un autel bouddhique, effectuer des ablutions dans une mosquée ou participer aux chants religieux du culte protestant.
    Par ailleurs, si le maire assiste à une cérémonie à titre privé, il ne peut pas porter son écharpe, symbole de sa qualité de maire. En revanche, il est autorisé à la porter lorsqu’il assiste à une cérémonie religieuse traditionnelle, organisée par une institution de la République – comme la cérémonie de la Sainte-Barbe, patronne des sapeurs-pompiers, que nous connaissons tous bien dans nos circonscriptions puisqu’elle a lieu dans toute la France –, car il y assiste alors en tant que représentant de la commune. De même, à l’occasion des obsèques d’un élu ou ancien élu se déroulant sur le territoire de sa commune, le maire peut porter son écharpe sans que le principe de laïcité soit remis en cause, puisqu’il représente alors l’autorité communale.
    Je crois que cette jurisprudence permet de concilier l’humanité, le soin que les élus apportent à leur territoire et le respect du principe de laïcité. Je ne crois pas qu’il soit opportun d’aller au-delà : l’avis sera défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un rappel au règlement.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il se fonde sur l’article 58 de notre règlement. Je remercie M. Corbière de profiter de ce qu’il ne me reste plus de temps de parole pour évoquer Béziers, et M. le président de m’accorder, justement, le temps de lui répondre. Nous avons bien compris que M. Corbière déteste les religions…

    M. le président

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    Soyons clairs, madame Ménard. Je suis désolé : je sais combien vous êtes liée à la ville de Béziers (Sourires), mais sa mention ne justifie pas un rappel au règlement pour fait personnel. Je vous laisse vous exprimer rapidement, mais n’abusez pas de la procédure.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je n’en abuse pas, monsieur le président : c’est mon premier rappel au règlement depuis le début de la discussion ! Cependant, je serai très brève. M. Corbière met en cause le maire de Béziers,…

    M. Boris Vallaud

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    Vous n’êtes pas maire de Béziers !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    …qui, en effet, organise chaque année une messe marquant le début de la feria. J’ai déjà eu l’occasion de lui répondre en commission, mais il ne veut pas entendre la réalité. Cette messe de la feria existe depuis la création de la feria elle-même.

    M. Alexis Corbière

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    C’est-à-dire depuis 1968, l’année de ma naissance ! Ce n’est donc pas bien vieux !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Monsieur le président, j’en ai pour deux minutes : il faut que tout le monde soit bien conscient…

    M. le président

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    Deux minutes, ce serait trop.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Cette messe était traditionnellement réservée aux notables de la ville, c’est-à-dire à quelques personnes, des happy few. Le maire a décidé de la démocratiser (Rires sur les bancs du groupe FI)

    M. Alexis Corbière

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    Saint Robert, priez pour nous ! Quel saint homme !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    …en l’ouvrant à tous ceux qui souhaiteraient…

    M. le président

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    Je vous remercie, madame Ménard. Pardonnez-moi de vous interrompre mais je vous ai laissée exprimer votre position sur le sujet alors que, encore une fois, votre intervention ne constituait pas un rappel au règlement. Nous devons respecter nos règles.
    La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Je vous recommande d’accorder vos violons : nous ne pouvons être des ennemis jurés des religions puis, l’instant suivant, des suppôts du cléricalisme. En réalité, d’ailleurs, nous ne sommes ni les uns ni les autres : notre position est aussi traditionnelle que le courant de gauche auquel nous appartenons, Corbière et moi, ainsi que quelques autres membres de notre groupe.
    L’État doit être laïque, c’est-à-dire indifférent aux religions, uniquement parce que nous voulons protéger la liberté de conscience. Dans l’histoire, celle-ci a surgi parmi les principes de l’humanisme, avant même le siècle des Lumières, en raison d’un conflit : pour assurer aux protestants la liberté de pratiquer leur culte, la solution fut d’inventer la liberté de conscience et de la faire protéger par la loi. Vous nous verrez donc toujours défendre la liberté du culte, comme nous l’avons déjà fait, il n’y a pas si longtemps, lorsqu’il s’est agi d’autoriser les fidèles à se rendre de nouveau dans les églises, synagogues, mosquées etc. Mais notre position concernant l’État restera intransigeante.
    Je compléterai l’exposé de mon ami Alexis Corbière en vous disant que, si nous nous trouvions devant une sorte de queue de comète de l’histoire, avec des traditions locales charmantes, il serait permis d’hésiter. Mais nous assistons au contraire à un renouveau, à l’association à toutes sortes de cérémonies de pratiques religieuses ostentatoires, au point, souvent, d’agacer les croyants. Si ce que vous dites s’appliquait, madame la rapporteure, nous ne verrions pas le maire de Nice embarquer, le 15 août, je crois, pour une procession maritime ; nous ne verrions pas la même chose à Paris, et j’en passe. Par conséquent, nous demandons que la loi rappelle aux élus de se tenir à distance des cérémonies religieuses, sauf situation extraordinaire où il s’agit de manifester la solidarité de la République, comme ce fut d’ailleurs également le cas à Nice. Jamais nous ne vous reprocherons d’avoir été présents dans ce contexte car cela n’avait rien à voir avec une fête annuelle.
    Pour finir, rappelez-vous cette histoire de chanoine honoraire de la basilique Saint-Jean-de-Latran.  Ah ! » sur divers bancs.) Quel intérêt historique et politique peut-il y avoir pour la France à ce que le Président de la République soit curé d’honneur de la paroisse du pape ? Personne ne l’a encore compris. Que la France soit à Jérusalem la gardienne des lieux dits « saints », pourquoi pas ; compte tenu du contexte, mieux vaut que ce soit nous plutôt que la foire d’empoigne pour savoir qui s’en occupera – somme toute, même si chaque visite présidentielle se solde par un incident, nous assumons assez tranquillement cette charge. En revanche, je le répète, quel intérêt à ce que le Président de la République accepte d’être chanoine de Latran, et coprince d’Andorre avec l’évêque d’Urgell ? Qu’est-ce que cela vous coûterait de voter contre ces dispositions ?

    Une députée du groupe Dem

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    Qu’est-ce que cela vous coûterait de les admettre ?

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Quelles blessures cela vous causerait-il ? Êtes-vous certains que le pape lui-même se réjouisse d’avoir le Président de la République française pour chanoine honoraire de sa paroisse ? Tout cela est ridicule. Que la loi rappelle donc ce qu’il en est, afin que chaque élu puisse se mettre à l’abri de la loi pour décliner les invitations ou se glisser dans le fond, sans son écharpe, en tant que croyant et non en tant que représentant de tous les citoyens.

    M. Alexis Corbière

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    C’est clair !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je me demandais à quel moment le chanoine de Latran ferait son apparition. (Rires.)

    M. Jacques Marilossian

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    Ça y est ! Gagné !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    La communion de nos esprits, monsieur Mélenchon, en a décidé plus rapidement que je ne le pensais. (Rires sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Toutefois, si vous souhaitiez être exhaustif, vous avez oublié « bien des choses en somme », pour citer Edmond Rostand. Pourquoi y a-t-il au Sénat une chapelle, que le président du Sénat a tout récemment rouverte aux maronites, venus négocier autour de la table de la République, afin d’y faire célébrer des messes ?

    M. Alexis Corbière

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    Alors, fermez la chapelle !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est votre requête, pas la mienne ! Dépêchons-nous de vendre les biens de la France à Rome, où nous possédons six églises, ce que j’ai rappelé en commission spéciale ! Cela, vous ne le proposez pas, peut-être parce que ce serait un peu excessif compte tenu de l’histoire de notre pays. Vous avez cité Clemenceau : en 1920, quelques années à peine après l’entrée en vigueur de la loi de séparation des Églises et de l’État, le Parlement de la République proposait d’accorder un budget à la grande mosquée de Paris.

    M. Alexis Corbière

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    Quel est le rapport ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Auriez-vous considéré cela comme une atteinte disproportionnée au principe de laïcité ? Estimons-nous, tous ensemble, que ces petits faits empêchent la France de ne reconnaître non seulement aucune religion d’État, mais aucune religion majoritaire, ce qui était pour les Français une grande question ?

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Quelle tête feriez-vous si le Président de la République était imam honoraire ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Mettez un terme à ces projections de votre inconscient, pour qui nous sommes islamophobes et vous pro-islamiste. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.) Je vous l’ai déjà expliqué, monsieur Mélenchon : j’ai vu des membres de ma famille prier Allah devant chez moi. N’y voyez donc pas une attaque personnelle ; ne voyez pas des caricatures partout. Ce n’est pas moi qui me réfère à des écrits où la religion est considérée comme l’opium du peuple, position que, d’ailleurs, je respecte.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Vous n’avez rien lu de Marx.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Oh, vous connaissez l’opinion de Pierre Desproges sur Le Capital : « On tourne trois pages et on décroche. » (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, seul M. le ministre a la parole.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    La façon dont M. Corbière défend son amendement, celle dont vous-même évoquez les choses, est excessive. Du reste, je ne vois pas très bien le rapport avec notre texte. M. Corbière est magnanime pour les élus de la République : s’ils sont connus, ils pourront avoir droit à des obsèques religieuses. Merci pour eux ! C’est sympa d’avoir prévu cette exception, que votre amendement n’explicite pas, d’ailleurs.

    M. Alexis Corbière

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    Il s’agit de la possibilité d’assister à des obsèques religieuses, non d’en bénéficier ! Vous n’avez rien compris !

    M. le président

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    S’il vous plaît, écoutez M. le ministre ! Je vous redonnerai la parole ensuite !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Monsieur Corbière, nous avons débattu longuement : acceptez l’idée que j’ai pu vous écouter sans être d’accord avec vous ! Le point le plus important, c’est que votre vision de la laïcité reste extrêmement négative. Votre amendement laisse croire que les élus transigeraient avec elle pour des raisons électorales. C’est grosso modo ce que vous pensez ;…

    M. Alexis Corbière

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    Oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …vous voyez que je vous ai non seulement écouté, mais entendu. Il s’agit là d’une accusation grave. M. Jumel reprochait tout à l’heure au Gouvernement et à la majorité de ne pas faire confiance aux élus locaux : le présent amendement devrait donc vous faire bondir, monsieur le député communiste ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe FI.) On comprend mieux la différence entre La France insoumise et vous. M. Jumel a été maire d’une commune où l’on invoque un saint lorsque les pêcheurs prennent la mer ; lui-même s’est probablement compromis, pour des raisons électorales, sans doute… Il est entré dans l’aire du cléricalisme ! Soyons raisonnables.
    Je le répète, monsieur Corbière, votre amendement est excessif : c’est pourquoi je n’ai pas fourni d’autres explications que celles qui avaient déjà justifié mon avis défavorable en commission spéciale.

    M. Alexis Corbière

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    Pour ne pas en rester aux fantasmes, il aurait fallu m’écouter !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le président Mélenchon, quant à lui, a inscrit son propos dans l’histoire de notre pays, qu’évidemment nous ne renouvelons pas ! J’ai compris que le concordat d’Alsace-Moselle et les statuts religieux particuliers de certains territoires ultramarins constituaient pour lui des périls absolus, mais je m’étonne qu’il n’ait pas déposé un amendement concernant le fait que le nonce apostolique écrit régulièrement au ministre de l’intérieur pour lui demander si la nomination de tel évêque ne pose pas problème, et que mon directeur de cabinet, comme tous ses prédécesseurs depuis 1920, échange avec lui à ce sujet. Aucun gouvernement n’y a manqué, même celui dont vous avez fait partie, monsieur Mélenchon. J’espère que cette révélation ne vous empêchera pas d’œuvrer pour la République en tant que parlementaire !
    La laïcité ne consiste pas pour l’État à ignorer les cultes, mais à ne pas reconnaître de religion majoritaire. Au cours des débats que nous avons eus depuis quarante-huit heures, nos amis du groupe Les Républicains se sont quelque peu fourvoyés concernant la neutralité religieuse ; cette fois-ci, c’est vous qui vous égarez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Blanchet.

    M. Christophe Blanchet

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    Vous dites que les élus doivent se tenir à distance du religieux. Soit : nous l’entendons, mais le ministre a été très clair sur ce point, comme sur votre remise en cause de l’histoire.
    Je vais prendre un exemple dans cet hémicycle même. Regardez en l’air : vous y verrez cinq grands législateurs, Solon, Lycurgue, Numa, Charlemagne et, juste au-dessus de vos têtes, chers collègues de La France insoumise, Justinien. Cet empereur romain d’Orient a favorisé le christianisme en Europe. Devons-nous tout remettre en question ?

    M. Alexis Corbière

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    Et pourquoi pas ?

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Oui !

    M. Christophe Blanchet

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    Encore une fois, il s’agit de l’histoire. Je souhaiterais vraiment que nous en finissions avec les caricatures !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Tout d’abord, je conteste l’idée selon laquelle il faudrait s’abstenir de participer à telle ou telle cérémonie parce que la République serait indifférente aux religions, comme l’a dit le président Mélenchon. Elle ne favorise ni ne subventionne aucun culte, mais se donne le droit d’organiser les relations entre l’État et les religions, et dialogue même régulièrement avec elles : cela prouve bien qu’elle ne leur est pas indifférente. D’ailleurs, il ne conviendrait pas qu’elle le soit, car cela supposerait que les religions mènent en quelque sorte une vie parallèle, alors qu’elles exercent parfois une influence sur ce qui se produit dans l’espace public.
    Ensuite, concernant l’amendement de M. Corbière, expliquer qu’un élu ne doit participer à aucune cérémonie religieuse, sauf événement d’une gravité exceptionnelle, me laisse dubitatif. La circonscription de M. Corbière n’est pas loin de la mienne, où, le troisième dimanche d’avril, de nombreux élus se réunissent à Drancy, au mémorial de la Shoah ; Mme Buffet le sait bien, elle en fait partie.

    M. Alexis Corbière

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    Je l’ai évoqué !

    M. Sébastien Jumel

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    C’est pour la Journée nationale du souvenir de la déportation !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Ces cérémonies ne sont pas religieuses, me direz-vous. Reste que l’État, car c’est lui qui les organise et non les élus locaux, y fait venir un rabbin, un imam, un pasteur et souvent un représentant de l’Église catholique. Leur prière rencontre notre recueillement. Je ne suis pas sûr que de telles convergences nuisent à la République. Au contraire, voir un imam prier devant le mémorial du martyre des Juifs à Drancy, d’où 70 000 personnes sont parties en déportation, c’est une bonne image pour la République, pour la laïcité, pour montrer que chacun, avec ses convictions que respectent les uns et les autres, peut s’unir à eux dans l’hommage.
    Enfin, en tant que maire, puis en tant que député, je suis chaque année invité à la synagogue, à l’occasion d’une prière pour la République. Si votre amendement était adopté, je ne devrais pas y aller ? La communauté juive est la seule qui prie ainsi pour la République et pour notre pays.

    M. Patrick Hetzel

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    Ce n’est pas la seule !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je n’y suis ni particulièrement sensible ni totalement indifférent, mais ma place d’élu est parmi ces citoyens français, certes croyants, qui souhaitent marquer leur adhésion à nos valeurs. En m’excusant, je refuserais cette manifestation d’attachement, qui renforce la République plutôt qu’elle ne l’éloigne de nous.

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Merci à tous de vous être exprimés sur cet amendement ; le débat me semble tout à fait intéressant.
    Pour commencer, monsieur le ministre, je vous ai connu meilleur : tandis que Mme Vichnievsky me répond que mon amendement correspond à la jurisprudence actuelle et qu’il n’est donc pas utile, vous me répondez que mon amendement est excessif. Mettez-vous d’accord ! Suis-je excessif ou redondant ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Les deux ! (Rires sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Alexis Corbière

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    Ce sont deux arguments différents. Me reprocher les deux n’a pas de sens ! À moins de considérer que la jurisprudence est excessive – dans ce cas, changez-la ! (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.) Vous êtes dans en contradiction flagrante, ce qui prouve que vous ne savez pas vraiment quoi répondre, en réalité.
    Deuxièmement, j’ai évoqué moi-même l’exemple que vous avez cité, collègue Lagarde. De grâce, n’y revenons pas ! Oui, cela a du sens qu’un élu de la République aille commémorer à Drancy le sort qui fut réservé aux Juifs, notamment français ; ce fut un terrible événement qui a souillé notre pays à jamais. Bien entendu, cela a du sens ! Mais quel est le rapport avec le fait qu’en 1643, une ville se soit dédiée à la Vierge pour sa protection ? La simple présence d’un élu à cette cérémonie sous-entend qu’il y croit ! Je vais vous dire une chose terrible, dont les catholiques qui m’écoutent ne doivent pas prendre ombrage : il n’est pas vrai que la ville a été épargnée grâce au vœu qu’elle a soumis à la Vierge Marie ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Ce n’est pas un fait historique, contrairement à la Shoah ! Cela relève d’une croyance ! Or nous avons à faire la distinction entre une croyance – respectable, mais que nous n’avons pas à valider par notre présence – et un événement historique ! (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, LR et Dem.)

    Mme Dominique David

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    On se calme !

    M. Alexis Corbière

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    Comme l’a dit M. Mélenchon, chaque élu a le droit de pratiquer sa foi. Il peut être catholique – une religion que je ne déteste pas, madame Ménard, ayant été enfant de chœur et baptisé à Béziers !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ah !

    M. Alexis Corbière

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    Je vous le dis, puisque vous souhaitez que nous parlions de Béziers : celui qui a critiqué avec moi la messe de M. Ménard dans le Midi Libre, c’est l’archiprêtre Luc Jourdan de la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Un curé rouge ?

    M. Alexis Corbière

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    On trouve donc aussi des catholiques qui se sont indignés que le maire se mêle de ce qui ne le regarde pas ! En effet, ce n’est pas à un maire qu’il revient d’organiser une messe ! (Mme Emmanuelle Ménard proteste vivement.)
    Je comprends que vous ne votiez pas mon amendement, collègues, mais j’espère que vous êtes tous choqués par ce que fait Robert Ménard tout de même !

    Plusieurs députés du groupe LaREM

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    Oui !

    M. Alexis Corbière

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    Ne le justifiez pas ! Le problème, c’est qu’il n’existe pas de cadre légal pour faire cesser ces pratiques ! Je veux donc, grâce à la loi, renforcer la jurisprudence, madame la rapporteure, comme nous l’avons fait à l’article 1er. Je vous demande que nous soyons plus forts et disposions d’arguments face à M. Ménard, pour pouvoir lui dire qu’il peut mener la politique qu’il veut, mais qu’il ne doit pas salir la laïcité.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je ne peux même pas répondre !

    M. Alexis Corbière

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    Calmez-vous madame Ménard, il n’y a pas que vous qui portiez Béziers ! Ça commence à bien faire ! (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, LR et Dem ainsi que parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    Poursuivez, monsieur Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    De ce point de vue… (Nouvelles protestations de Mme Emmanuelle Ménard.)

    M. le président

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    Retrouvons la sérénité de nos débats, monsieur Corbière, madame Ménard.

    M. Alexis Corbière

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    Je suis tout à fait serein. Nous ne parlons que d’une présence symbolique – écoutez-moi, monsieur le ministre, car vous avez ironisé sur le sujet –, mais celle-ci marque une préférence pour un culte. Voilà mon problème. Dans un souci de concorde nationale, j’estime que nous ne devons pas assister à ces événements en tant qu’élus, avec notre écharpe.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Vous allez bien à des manifs avec !

    M. Alexis Corbière

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    De la même façon, monsieur Lagarde, je ne participe jamais pour ma part, en tant qu’élu, aux ruptures du jeûne, alors même que j’y suis invité. Quand j’étais élu parisien, j’étais choqué à l’idée que Mme Hidalgo et M. Delanoë, maire à l’époque, organisent une cérémonie de rupture du jeûne dans les salles de la mairie, financée par des fonds municipaux. Ce n’est pas notre rôle !
    Ces sujets sont importants : nous devons garantir le libre exercice du culte, mais nous devons aussi expliquer le principe de l’absence de financement public du culte et de la séparation nette. Vous dites que nous devons lutter contre le séparatisme, mais nous devons aussi veiller à ce que la séparation soit effective !
    Je reviendrai plus tard sur le sujet du concordat d’Alsace-Moselle. Vos arguments ne tiennent pas la route, monsieur le ministre, pardon de vous le dire : ils sont à géométrie variable et affaiblissent votre action. Il en va de même pour la participation des élus. Vous considérez d’ailleurs que certaines choses sont normales alors que d’autres ne le sont pas, sur le fondement d’un double argumentaire : mon amendement irait trop loin ou bien serait déjà intégré dans la loi. Cela ne tient pas la mer ! C’est un problème car, petit à petit, une telle attitude devient blessante et vexante. C’est pourquoi je m’en prends à certains, notamment à l’extrême droite : leur attitude sous-entend que la confession de certains de nos concitoyens ne fait pas vraiment partie de notre histoire.

    Mme Perrine Goulet

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    On va peut-être passer à autre chose ?

    M. Alexis Corbière

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    Je conclurai sur ce point, monsieur le ministre : si la grande mosquée de Paris a été construite, c’est pour rendre hommage au sacrifice de millions de gens !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Absolument, et ce fut une démarche volontaire !

    M. Alexis Corbière

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    La République a fait alors un geste symbolique – d’ailleurs discutable – et important. Pardon de vous citer monsieur Ciotti – vous connaissez le respect que j’ai pour vous –, mais quel geste symbolique faut-il voir lorsque vous vous affichez en photo sur votre compte Twitter, pendant une messe, avec le maire et un ministre du culte, alors que vous ne le faites pas pour les autres confessions ? J’ignore votre intention réelle mais, que vous le souhaitiez ou non, vous montrez une préférence, un attachement à une certaine religion ! Et vous ne le faites pas dans le secret de votre cœur, en privé, mais de manière publique ! Or la laïcité, c’est justement la séparation – l’Église chez elle, l’État chez lui ! C’est un vieux débat. Je ne vous ai sans doute pas convaincus, mes chers collègues…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Non !

    M. Alexis Corbière

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    …mais le débat continuera. Vous pouvez ironiser, mais je pense vraiment que ce débat a du sens pour beaucoup de gens. J’espère au moins qu’il conduira chacun d’entre vous, dans vos circonscriptions et vos communes, à vous interroger sur certaines participations qui ne relèvent plus que de la tradition.
    J’observe qu’en dehors d’un appel aux particularismes locaux ou à la tradition, vous n’avez pas d’arguments. Attention, collègues, nous en avons déjà discuté : ceux qui veulent remettre en cause la République, au titre notamment de l’islamisme politique que vous évoquez, le font aussi au nom des traditions et des particularismes ; si nous leur répondons, par un effet de miroir inversé, que nous aussi nous exaltons les particularismes et les traditions, nous n’en sortirons plus !
    Soyons cohérents pour être compréhensibles et, en tant qu’élus, montrons l’exemple ! Qu’y a-t-il de plus détestable que de s’acharner sur une maman qui, pour accompagner une sortie scolaire, doit être neutre, alors qu’un élu n’a pas à l’être ? On s’acharne sur les pauvres gens mais on juge normal le comportement des notables ! (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Nicolas Meizonnet

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    C’est n’importe quoi !

    M. Alexis Corbière

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    Mesurez-vous l’impact de vos propos sur les gens qui vous écoutent ? Ils sont contre-productifs ! Voilà pourquoi je crois profondément que cela doit faire partie de notre débat, monsieur le ministre. Il faut lutter contre le fait que certains croient de moins en moins à la République à cause du séparatisme scolaire, parce que l’école ne va pas bien, parce que l’hôpital est dégradé et parce que certains élus privilégient certaines religions. Soyons convaincants, votez cet amendement ! (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)

    Mme Perrine Goulet

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    Ça va mieux ?

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Lorsqu’on entend certains propos dans l’hémicycle, il y a de quoi perdre son latin. J’entends des marcheurs nous reprocher de participer à des manifestations avec l’écharpe d’élu – je ne sais pas s’ils sont capables de l’assumer à voix haute –, considérant que cela remet en cause notre neutralité. Vous auriez d’ailleurs dû, chers collègues, être avec nous ce matin aux côtés des électriciens et gaziers : nous portions notre écharpe, et j’ai le sentiment que nous étions dans notre rôle.
    J’ai beaucoup de respect pour la façon dont Alexis Corbière défend sa conception de la laïcité. Il le fait en y ayant réfléchi, avec passion et conviction. Je veux rassurer le ministre : lorsqu’il s’agira de combattre les libéraux que vous êtes, la solidarité de l’opposition que nous représentons sera toujours au rendez-vous – cela ne fait aucun doute. Mais la solidarité lorsque nous vous faisons face n’implique pas que nous soyons d’accord et confondus sur tous les sujets.
    Peut-être ai-je une conception moins intellectualisée de la laïcité, peut-être y ai-je moins réfléchi – je n’exclus d’ailleurs pas de continuer à y réfléchir ! Il se trouve que dans ma ville, les dockers, les pêcheurs, les lamaneurs, les portiqueurs et les chaudronniers-soudeurs militent à la CGT et partagent avec la force communiste de nombreux combats depuis de longues années. Pourtant, dans cette ville portuaire, lorsqu’un bateau est livré par le chantier maritime, il est baptisé par le curé.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Voilà !

    M. Sébastien Jumel

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    Et pourtant, chaque année, avec les marins, notamment avec l’Union fédérale CGT des pensionnés et veuves de la marine marchande, nous honorons, à l’église Notre-Dame-de-Bon-Secours, la mémoire des marins disparus. En tant que maire et député, profondément laïque et profondément athée, je me fais un devoir, ce jour-là, non pas de faire semblant d’être en communion avec ceux qui croient, mais d’être dans une attitude de respect,…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pas nous qu’il faut convaincre !

    M. Sébastien Jumel

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    …de dialogue et de non-ignorance de la croyance ainsi exprimée. Je l’assume car cela correspond à ma conception de la laïcité. Je fais d’ailleurs de même à chaque fois que l’occasion se présente, avec l’ensemble des religions dûment constituées.
    Qu’il soit maire ou député, l’élu ne doit évidemment faire la promotion d’aucune religion. Quant au rôle de la République, il est de faire en sorte que la religion n’interfère pas dans la sphère politique, et vice versa. C’est cet équilibre qu’il nous faut préserver, je crois, et c’est au travers de cette grille de lecture que j’appréhende les amendements proposés.
    La semaine prochaine, vous me verrez participer à Dieppe au baptême d’un bateau baptisé Gloire à Dieu, cela ne s’invente pas !  Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je ne suis d’ailleurs pas certain que le patron de pêche croie vraiment en Dieu – je ne le lui ai pas demandé, car cela ne me regarde pas. Mais je participerai tout de même au baptême du bateau car cette cérémonie est constitutive non seulement de la tradition et de l’histoire, mais du présent et même du futur du territoire dans lequel je vis. (Mme Maud Petit applaudit.) Je crois que nous devons incarner une laïcité assumée, réaffirmée mais aussi décomplexée dans son rapport aux religions. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    Monsieur Corbière, j’entends votre argumentation. Elle est cohérente avec votre histoire. Je crois néanmoins que vous commettez une erreur fondamentale en confondant le cultuel et le culturel. Qui peut nier que la France est l’héritière d’une histoire multi-millénaire, façonnée par le catholicisme ?

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Voilà !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Mais pas seulement !

    M. Éric Ciotti

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    Que nous la contestions ou pas, que nous croyions ou pas, quelle que soit notre religion, l’influence du catholicisme est tout autour de nous. On a parlé de statues ; on pourrait aussi parler de notre calendrier civil, structuré par rapport aux fêtes religieuses catholiques.
    Vous évoquez deux manifestations locales qui ont lieu dans ma circonscription. La première est le vœu de Nice, en référence à un vœu émis par les Niçois pour protéger la ville contre le choléra en 1832 et que, depuis lors, le maire prononce chaque année. Vous évoquez, cher collègue Mélenchon, la fête de la Saint-Pierre, fête des pêcheurs dans le port de Nice. Ces événements sont désormais tout autant culturels et historiques que cultuels, et il est légitime qu’un élu s’associe à ce qui soude, ce qui fédère et ce qui puise ses racines dans l’histoire d’une ville, a fortiori d’un pays ! Vous pouvez le nier mais ces événements sont notre histoire, nos racines et notre identité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Coralie Dubost.

    Mme Coralie Dubost

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    Je crois, monsieur le ministre, que ce qu’évoquent M. Corbière et Mme Ménard relève du particularisme local. Je ne suis pas d’accord avec M. Ciotti : je ne pense pas qu’il y ait de confusion, dans les propos de M. Corbière, entre le cultuel et le culturel.
    Je sais, monsieur Corbière, que nous partageons la même indignation face à ce qui se passe à Béziers, mais je pense que ce qui fait défaut à votre amendement, c’est une notion de temporalité. Les cultes historiques sont parfois passés dans la culture et sont devenus des fêtes populaires. Vous avez cité le Nord, mais nous célébrons aussi la Saint-Pierre à Sète, avec les pêcheurs : les élus, notamment le maire, déambulent en écharpe avec la statue de saint Pierre ; j’y ai déjà participé et cela ne me dérange pas car c’est historique et car la culture a supplanté le culte. Ce n’est pas cela qui est gênant. Ce qui est gênant à Béziers, monsieur le ministre – et c’est une question qui mérite sans doute notre attention –, c’est qu’il n’y avait pas de tradition culturelle ou cultuelle.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Coralie Dubost

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    Celle-ci a été instituée par M. Ménard, et ça c’est gênant !
    Ce qui est extrêmement gênant, c’est qu’un élu local, au prétexte du culte, institue une messe publique qui n’avait pas lieu auparavant.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    C’est faux !

    Mme Coralie Dubost

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    Je trouve cela extrêmement dérangeant et j’y suis très défavorable. Si demain le maire de Montpellier devait, à la Saint-Roch, patron de la ville, organiser une messe publique alors que cela ne s’est jamais fait, je serais choquée et opposée à cet événement. Je partage donc votre opposition aux dispositions prises par M. Ménard, qui sont faussement culturelles : il crée une manifestation cultuelle sous un prétexte culturel, ce qui me paraît grave. (M. Alexis Corbière applaudit.)

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Cela ne dérange personne que je ne puisse pas répondre ?

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Monsieur Corbière, je trouve un peu triste que vous vous en preniez à Mme Ménard, qui ne peut pas vous répondre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, LaREM et Dem.)

    M. Alexis Corbière

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    Croyez bien que le regrette !

    M. Marc Le Fur

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    Prenez-vous-en plutôt à moi, Marc Le Fur ! Vous avez d’ailleurs des raisons de le faire ! J’assiste à la Sainte-Geneviève des pompiers…

    M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II

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    C’est la Sainte-Barbe !

    M. Marc Le Fur

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    Pardon, vous avez raison, à la Sainte-Barbe des pompiers, et à la Sainte-Geneviève des gendarmes, en tant que député, et je suis au premier rang ! J’organise des cérémonies religieuses à la mémoire du général de Gaulle, et j’y suis en tant que député au premier rang !

    M. Alexis Corbière

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    C’est scandaleux !

    M. Marc Le Fur

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    J’organise des cérémonies à la mémoire de Marie-Madeleine Dienesch, qui fut une grande députée – l’une des premières femmes à siéger à l’Assemblée, ce qui lui vaut d’ailleurs d’avoir une plaque à son nom dans notre hémicycle ; celle qui m’a précédé dans ma circonscription était aussi une grande chrétienne, et lors des cérémonies organisées à sa mémoire, je me tiens au premier rang en tant que député, et j’ai bien l’intention de continuer ainsi – je parle des cérémonies car, pour ce qui est d’être député, ce sont mes électeurs qui en décideront ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-I.)
    La société n’est pas laïque (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et FI),…

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Vous laïcisez l’espace public ! Quelle contradiction !

    M. le président

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    S’il vous plaît !

    M. Marc Le Fur

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    …mais partagée entre des religions diverses, et c’est précisément pour cette raison que nous sommes dotés d’un État neutre qui doit respecter les religions – cette notion de respect est essentielle !

    M. Alexis Corbière

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    Il ne faut pas confondre la société et les élus !

    M. Marc Le Fur

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    Face à cette position qui est la nôtre, vous incarnez une pente laïciste…

    M. Alexis Corbière

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    Ah !

    M. Marc Le Fur

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    …pour ne pas dire laïcarde, qui s’est illustrée à de multiples reprises par le passé et qui voudrait faire de la laïcité une religion séculière, voire une promotion de l’athéisme.

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    C’est labyrinthique, on s’y perd !

    M. Alexis Corbière

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    Faut-il réhabiliter le culte de l’Être suprême ?

    M. Marc Le Fur

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    Nous ne voulons pas de cela, nous ne nous situons pas dans cette logique. Nous considérons que cela doit être respecté, pour éviter des conflits entre religions, pour garantir le respect à l’égard de ces religions et pour permettre que notre pays fonctionne en étant conscient de son héritage multiséculaire dans la tradition judéo-chrétienne, comme l’a très bien dit Éric Ciotti.
    La laïcité doit être respectueuse des uns et des autres, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas : c’est ainsi que, chez moi, sous prétexte de laïcité, des gens s’en prennent régulièrement à des croix de carrefour présentes depuis très longtemps, qu’ils cherchent à arracher. Nous ne voulons pas de cela et sommes opposés aux dispositions de ce texte allant dans le sens de ce que vous revendiquez, monsieur Corbière – j’ai d’ailleurs bien compris que la porte-parole du groupe LaREM, Mme Dubost, était d’accord avec vous sur le fond, même si son argumentation était fondée sur l’idée de temporalité.
    En tout état de cause, monsieur Corbière, plutôt que de vous en prendre à Mme Ménard, prenez-vous en à Marc Le Fur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR, sur quelques bancs des groupes Dem, LaREM et UDI-I ainsi que parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    Votre appel a été entendu.
    La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II.

    M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II

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    Je crois que nous sommes en train de prendre des chemins de traverse par rapport au texte, et j’aimerais qu’il soit bien noté au compte rendu que le député Le Fur considère que la société n’est pas laïque.

    M. Alexis Corbière

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    Effectivement.

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Pourtant, ce matin, nos collègues du groupe LR ont demandé avec insistance la neutralisation de l’espace public (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et FI) et, à défaut, la délimitation au double décimètre d’un espace du service public ! Mes chers collègues, ce texte est sérieux ; soyons-le également ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et FI ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et GDR.)

    Mme Marie-George Buffet

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    Très bien !

    M. Éric Ciotti

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    Pour vous, la première communion est l’ennemie de la République !

    M. Marc Le Fur

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    Vous l’avez dit ce matin, monsieur le rapporteur général !

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    Puisque je fais partie d’un petit groupe, qui dispose d’un temps de parole très réduit, je me contenterai de dire à M. Corbière qu’il a prononcé une phrase qui, selon moi, n’est pas laïque, pas neutre, en affirmant que la ville de Nice n’a pas été sauvée par la Vierge : nous n’avons pas à discuter ici de qui a sauvé la ville de Nice ! (Ires sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

    M. le président

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    Après ce débat nourri et riche, nous allons passer au vote…

    (L’amendement no 1477 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir l’amendement no 2572.

    Mme Stéphanie Rist

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    Celui-ci va sans doute permettre de nous rassembler car, comme l’a dit Mme la rapporteure, s’il existe une jurisprudence constante, l’absence d’un cadre législatif clair entraîne une ambiguïté. Ainsi – cet exemple répondra à M. Jumel –, le maire d’Orléans a récemment fait voter par sa majorité municipale une charte de laïcité permettant aux élus de manifester leur appartenance religieuse, c’est-à-dire d’aller prier ou de communier en public lors d’une représentation des fêtes de Jeanne d’Arc. Ce que nous proposons vise à éviter les divergences d’interprétation en précisant que les élus peuvent évidemment participer à des cérémonies religieuses de façon officielle, mais qu’ils doivent alors observer une stricte neutralité.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Votre amendement est ainsi rédigé : « Lorsque les élus participent à des cérémonies religieuses de façon officielle en tant que représentants des pouvoirs publics, ils sont soumis à l’obligation de neutralité des services publics. » Puisque c’est déjà le cas, votre amendement est satisfait, et je ne saurais mieux défendre notre jurisprudence et le comportement qui doit être celui des élus que ne l’a fait notre collègue Jumel il y a quelques instants : je n’ai rien à ajouter à ce qu’il a dit en décrivant le contexte, l’histoire, la solidarité, et je pense que nous devons nous en tenir à cela. J’émets donc un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    Je vais vous dire ce que j’ai l’habitude de faire, car j’aimerais savoir si j’en ai encore le droit. À l’intérieur de l’église de Sarcelles, qui date du XIIe siècle, se trouve le premier monument aux morts de la Première Guerre mondiale. Chaque année, le 11 novembre, les anciens combattants y organisent une messe pour les défunts, à laquelle j’assiste en tant que député – et autrefois en tant que maire –, sans porter mon écharpe et sans communier, puisque je ne suis pas croyant : pour moi, il s’agit simplement de respecter une coutume. Quand, à la fin de la messe, les anciens combattants installent les drapeaux devant le monument aux morts de l’église, je mets l’écharpe tricolore, considérant que, devant un monument aux morts, un élu de la République doit porter cet attribut afin d’honorer les morts pour la France. Je précise bien que cela se fait à l’intérieur de l’église, en présence du prêtre qui donne sa bénédiction. Comme vous le voyez, il y a des moments où il est impossible de s’astreindre à une stricte neutralité, par exemple quand le respect des anciens exige qu’un élu soit présent en cette qualité d’élu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Je remercie la collègue Rist pour son amendement, qui suscite un débat très intéressant. Même si vous avez appelé à voter contre mon amendement, vous devez reconnaître, madame la rapporteure, qu’il a le mérite de faire tomber les masques en incitant certains d’entre nous à préciser leur position. De ce point de vue, l’exemple des fêtes johanniques d’Orléans est très intéressant. Jeanne d’Arc est un personnage historique qui va être réhabilité par deux grands courants de pensée – je vous invite à m’écouter, collègue Petit, puisque vous ne m’aviez pas bien compris tout à l’heure.

    M. Boris Vallaud

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    Moi, je comprends tout !

    M. Alexis Corbière

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    Dans une conception très républicaine, l’historien Michelet va faire de Jeanne d’Arc la figure de celle qui, défendant la nation, sera brûlée par l’Église. Toujours au XIXe siècle, mais quelques années plus tard, monseigneur Dupanloup va faire de Jeanne d’Arc une sainte, permettant à l’Église catholique de se la réapproprier. Dès lors, ce personnage va se caractériser par une dualité culminant en 1920, lorsque Maurice Barrès, que je ne considère pas vraiment comme un ami politique, fait adopter une loi permettant à la République de rendre hommage à Jeanne d’Arc par une cérémonie dite « patriotique et républicaine » ! Ces deux adjectifs sont au cœur du débat : ainsi, quand est organisée à Orléans une cérémonie rendant hommage au personnage historique qu’est Jeanne d’Arc, il importe, pour que la loi soit respectée, que cette cérémonie revête un caractère patriotique et républicain.
    Ce que vise notre collègue dans son amendement, ce sont les messes. Et que l’on ne vienne pas me bassiner en m’accusant d’être contre la religion catholique, car j’ai l’égard de cette religion un attachement sans doute beaucoup plus fort que celui de tous les donneurs de leçons ! En revanche, j’estime incompréhensible qu’un maire fasse adopter une charte de la laïcité par son conseil municipal tout en trouvant normal d’assister à la messe en tant qu’élu ! À Orléans, la mairie devrait organiser une cérémonie laïque et républicaine, avant que les croyants rendent hommage de leur côté à celle qu’ils considèrent comme une sainte : il faut qu’on puisse saluer la mémoire de Jeanne d’Arc pour ce qu’elle représente d’un point de vue culturel, en le dissociant de ce qu’elle représente qu’un point de vue cultuel. Si l’on accepte que la Jeanne d’Arc de Michelet s’efface complètement au profit de celle de monseigneur Dupanloup, c’est un choix qui exclut tous ceux qui voudraient rendre hommage à Jeanne d’Arc uniquement en tant que personnage historique !
    Le débat est passionnant, et je n’ai pas l’impression qu’on prenne des chemins de traverse en le menant, monsieur le rapporteur général. Oui, collègue Pupponi, c’est bien, ce que vous faites : si un monument aux morts se trouve situé à l’intérieur d’un lieu de culte, vous avez raison de vous y rendre en tant qu’élu.

    M. François Pupponi

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    Bien sûr !

    M. Alexis Corbière

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    Et même si vous n’êtes pas d’accord avec moi, j’espère que vous avez compris que ce n’est pas de cela que je parle. De même, il est évident qu’un élu a parfaitement sa place à un événement commémorant la Shoah, même si des prières juives sont dites à cette occasion. On caricature tellement mes propos que j’en viens parfois à me demander si je l’exprime de manière suffisamment claire, mais je crois tout de même que vous voyez ce que je veux dire.
    L’amendement de Mme Rist me semble tout à fait pertinent dans un contexte où, saisis à propos de l’installation de crèches dans des mairies où cela ne se faisait pas auparavant, les préfets ne donnent généralement pas raison aux laïques et aux libres-penseurs qui estiment cela anormal. Je respecte les fidèles, mais la grande majorité des Français ne sont pas croyants et ils ont un peu marre de voir certains élus profiter de l’exaltation du culte pour se mettre en avant : ils aimeraient que chacun reste à sa place. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Voilà ce que je pense, et j’espère que la discussion permettra de faire avancer les consciences sur ce point. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    J’ai été très intéressé par les propos de notre collègue Jumel, qui apaisent un peu le débat en montrant, de manière pragmatique, comment les choses se passent sur le terrain. J’ai été maire pendant seize ans d’une commune rurale et je n’ai jamais eu de problème à appliquer le principe de laïcité en tant qu’élu, tout en faisant en sorte que les religions soient respectées. C’est un peu faire injure aux élus locaux que d’estimer nécessaire de légiférer en un domaine où ils savent très bien comment se comporter.

    M. Patrick Hetzel

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    Très juste !

    M. Jean-Paul Mattei

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    Pour ma part, je ne me souviens pas d’avoir jamais été témoin de signes d’engagement particulier d’un élu au cours d’un office religieux. Pour ce qui est de la neutralité, j’aimerais savoir où elle s’arrête, et en particulier si elle permet à un élu de communier. Quoi qu’il en soit, faisons confiance aux élus de la République, qui n’ont pas besoin qu’on légifère sur un point qui ne leur pose pas de problème. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    J’adhère pleinement aux propos de M. Mattei quand il dit qu’il faut faire confiance aux élus de la République, et je suis choqué par l’amendement de Mme Rist. Bien sûr, chacun a le droit de défendre cet amendement, mais je note la présence parmi ses cosignataires de la présidente déléguée du groupe La République en marche, Aurore Bergé. Cela montre bien la volonté de mettre au pas certains élus, à qui on voudrait interdire d’aller communier quand ils prennent part à une cérémonie en l’honneur de Sainte-Geneviève ou de Sainte-Barbe.

    M. Marc Le Fur

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    Tout à fait !

    M. Patrick Hetzel

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    La position que vous défendez là me paraît être clairement liberticide. Or je fais partie de ceux qui défendent les libertés. En réalité, vous créez des problèmes là où il n’y en a pas, ce que la majorité ne cesse de faire, et je trouve cela scandaleux. Manifestement, monsieur le ministre, vous ratez votre cible :…

    M. Marc Le Fur

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    Bravo !

    M. Patrick Hetzel

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    …au lieu de lutter contre l’islamisme radical, vous faites monter un débat autour de sujets qui ne posent aucun problème. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sereine Mauborgne.

    Mme Sereine Mauborgne

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    Je tiens tout d’abord à manifester ma solidarité envers Mme Ménard, que la procédure du temps législatif programmé empêche de répondre.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Merci !

    M. Alexis Corbière

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    Je n’y suis pour rien !

    Mme Sereine Mauborgne

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    Certes, monsieur Corbière, mais vous le saviez et vous auriez dû y prêter attention. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Alexis Corbière

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    Oh ! Ça va !

    Mme Sereine Mauborgne

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    Je suis députée du Var. Or, dans le sud de la France, la présence d’élus ceints de leur écharpe dans les églises est malheureusement monnaie courante.

    M. Alexis Corbière

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    C’est détestable !

    Mme Sereine Mauborgne

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    Nul n’est pourtant obligé de le faire. Pour ma part, je ne le mets qu’à la sortie de l’église, après avoir communié. C’est précisément parce que tous les élus ne se comportent pas de cette manière que les citoyens s’interrogent. Le respect des principes de la République veut que l’on discute avec chacun de ses positions. Cela ne me paraît pas être un problème de les prendre en considération.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    À l’instant, nous n’avons pas voté l’amendement de M. Corbière, et Sébastien Jumel a exposé mieux que je ne le ferais nos raisons, mais nous allons voter celui de Mme Rist. Je suis d’accord pour dire qu’il faut faire confiance aux élus locaux, mais il faut aussi être lucide s’agissant de certaines dérives. Beaucoup d’exemples ont été évoqués et je pourrais en citer bien d’autres car j’ai été élu local pendant vingt-cinq ans : à Saint Denis, le pardon breton commençait à la basilique pour finir à la kermesse – je ne vous raconte pas comment ! (Rires sur plusieurs bancs) – ;…

    M. Sébastien Jumel

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    Au bistrot ?

    M. Alexis Corbière

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    Au vin de messe ?

    M. Stéphane Peu

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    …quant à la fête de la ville de Saint-Denis, organisée par la municipalité, sa date est fixée le jour de la Saint-Denis. Je pourrais continuer mais m’arrêterai là.
    On ne peut pas contester l’existence de dérives ; certaines ont été citées, à Orléans notamment, et toutes, il faut le souligner, avaient un lien avec le catholicisme. Dans ma ville multiculturelle et multicultuelle,…

    M. Alexis Corbière

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    Eh oui !

    M. Stéphane Peu

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    …quand je participe en tant qu’élu local ou en tant que député à une cérémonie religieuse, je m’astreins à la neutralité – je ne suis pas croyant –, même si je marque mon soutien quand cela est nécessaire, que ce soit à la basilique, à la synagogue pour la Pâque juive, ou bien encore à la mosquée pour la rupture du jeûne, ce qui me vaut chaque année beaucoup d’attaques sur les réseaux sociaux.

    M. Alain Bruneel

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    Eh oui !

    M. Stéphane Peu

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    Cela me conduit à vous poser cette question, chers collègues : êtes-vous prêts à accepter demain la présence d’élus dans les mosquées comme vous acceptez aujourd’hui leur présence aux fêtes catholiques ?
    À cet égard, il ne me paraît pas inutile de dire que les élus peuvent aller aux fêtes religieuses – je considère même que c’est bien qu’ils le fassent –, mais qu’ils doivent s’en tenir à une attitude neutre quand ils sont en représentation officielle ! (Mme Marie-George Buffet applaudit.) C’est ce que dit l’amendement de Mme Rist, et c’est la raison laquelle je le soutiens. Il permettra de mettre fin à certaines dérives, qui entretiennent dans notre pays une sorte de guerre de religion ou du moins une suspicion à l’encontre de certaines d’entre elles.

    M. Julien Ravier

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    Non, ce n’est pas nous qui entretenons une guerre de religion !

    M. Stéphane Peu

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    Ces dérives, nous n’en voulons pas car elles fracturent un peu plus le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Julien Ravier

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    Vous croyez qu’on ne va pas dans les mosquées, nous ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist.

    Mme Stéphanie Rist

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    Monsieur Pupponi, mon amendement n’a rien d’agressif. Je trouve tout à fait normal que les députés participent aux cérémonies religieuses ; je propose simplement d’accorder la loi à la jurisprudence afin de lever toute ambiguïté et de faire en sorte que les élus s’en tiennent à une certaine discrétion dans les lieux de culte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    Elle a raison !

    M. le président

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    La parole est à M. François de Rugy, président de la commission spéciale.

    M. François de Rugy, président de la commission spéciale

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    L’amendement de M. Corbière était sans doute excessif, et la présentation qu’il en a faite avec la fougue qu’on lui connaît pouvait donner l’impression que son but était d’empêcher les élus de faire part de leurs convictions religieuses ou de participer à un office religieux. Mme Rist et d’autres collègues ont apporté différents témoignages et nous avons tous en tête des cas problématiques.

    M. François de Rugy, président

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    La situation des maires, des présidents de région, de département, de tous les responsables d’exécutifs ou des représentants du Gouvernement diffère de la nôtre, en tant que simples parlementaires. Ce qu’a dit M. Le Fur m’inquiète toutefois un peu car j’ai cru comprendre qu’en tant que député, il organisait une cérémonie religieuse,…

    M. Marc Le Fur

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    Mais je ne dis pas la messe !

    M. François de Rugy, président

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    …ce qui me conduit à me demander si des fonds publics ne sont pas indirectement utilisés pour cela. (M. Stéphane Peu applaudit.) En ce domaine, je considère qu’une frontière nette doit être tracée : les fonds publics ne sauraient servir à faire la promotion d’une cérémonie religieuse ou à en organiser une, qu’ils proviennent d’une mairie, d’un département, de la région, de l’État ou d’un parlementaire ; là-dessus, nous devons être clairs.
    En tant que parlementaires, nous sommes cependant invités à des cérémonies religieuses et nous pouvons choisir à titre personnel quelle attitude adopter. Quand j’étais président de l’Assemblée nationale, j’ai été sollicité avec une certaine insistance pour participer à une cérémonie religieuse, juive en l’occurrence, mais j’ai considéré que je n’y avais pas ma place : il ne s’agissait ni d’un enterrement ni d’une commémoration historique, mais d’une célébration propre à ce culte comme il y en a tous les ans. De la même manière, je ne serais pas allé, en tant que président de l’Assemblée nationale, à la messe de minuit, qui est bien un office religieux, même si Noël a une dimension qui va au-delà de la religion.
    L’amendement de Mme Rist ne me paraît pas très opérant : comment faire en sorte que les élus participant à une cérémonie religieuse se soumettent à l’obligation de neutralité des services publics ? (M. Mustapha Laabid applaudit.) En revanche, j’estime que nous pourrions progresser,…

    M. Alexis Corbière

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    Nous sommes d’accord !

    M. François de Rugy, président

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    …et Mme la rapporteure a évoqué la jurisprudence en ce domaine – j’aurais d’ailleurs aimé qu’elle donne plus des précisions à ce sujet. Je vous le dis comme je le pense, il ne me paraît pas bien de continuer à associer à des cérémonies religieuses, des cérémonies patriotiques comme le 11 novembre ou le 8 mai. C’est la tradition, je le sais,…

    M. Julien Ravier

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    Non, c’est l’histoire !

    M. François de Rugy, président

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    …et c’est légal. Sur les premières lignes du carton d’invitation à la cérémonie du 11 novembre de Nantes, on lit : « Messe à la cathédrale à dix heures suivie à onze heures de la cérémonie du souvenir devant les tables mémoriales ». Tous les anciens combattants et membres d’associations patriotiques ne sont pas de confession catholique, que je sache, et cela ne me choquerait pas que la loi permette d’évoluer là-dessus…

    M. Alexis Corbière

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    Faisons-le ensemble !

    M. François de Rugy, président

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    …et que les collectivités locales comme l’État séparent la cérémonie religieuse, organisée par les croyants, de la cérémonie patriotique, organisée par la puissance publique.
    Revenons au cas de Jeanne d’Arc à Orléans : je trouve normal que l’État et les collectivités locales financent une cérémonie commémorative mais pas une cérémonie religieuse. Nous pourrions fixer un cadre dans la loi. M. Pupponi a cité un cas-limite : il est rarissime qu’un monument aux morts soit situé à l’intérieur d’un édifice religieux.

    M. Marc Le Fur

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    Mais non, il y en a plein !

    M. François de Rugy, président

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    La question du port des insignes de la République se pose bel et bien. Monsieur Le Fur, si vous êtes croyant, vous avez bien le droit d’être au premier rang à la messe, député ou pas. En revanche, si vous y assistez avec votre écharpe tricolore, ce que vous n’avez pas précisé, je trouve cela problématique.
    Encore une fois, il ne me paraîtrait pas choquant que ce projet de loi soit l’occasion de régler certains problèmes et d’actualiser les règles ; ce n’est pas parce que des choses se font depuis des dizaines d’années qu’elles ne doivent jamais évoluer.
    Monsieur Le Fur, je vous remercie pour votre intervention, qui nous a permis de clarifier le débat. Il y a plusieurs positions au sujet de la laïcité, y compris au sein de votre propre groupe, ce qui est tout à fait normal. Il est évident que vous ne considérez pas comme d’autres que les élus doivent s’en tenir à une attitude neutre. Vous avez bien dit que vous trouviez normal que les autorités publiques organisent des cérémonies religieuses. Ayons donc ce débat.
    Madame Rist, je vous inviterai plutôt à retirer votre amendement…

    M. Mustapha Laabid

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    Non ! Il faut le maintenir !

    M. François de Rugy, président

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    …car il ne me semble pas opérant dans sa rédaction actuelle. Mettons à profit la navette pour avancer dans le sens de la clarification de la séparation entre le religieux et le politique.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    D’abord, monsieur Hetzel, même si ce débat n’est peut-être pas aussi important que ça, il n’est pas mauvais. Si M. Corbière, avec la fougue et la détermination qu’on lui connaît, évoque cette question, c’est bien que des gens se la posent et qu’il faut y répondre.

    M. Alexis Corbière

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    Merci, monsieur le ministre !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je dois dire que j’ai préféré son intervention à celle très orientée de M. Mélenchon – je n’en dirai pas plus car il est maintenant absent et risque encore de se vexer.
    Connaissant la culture dieppoise, je me suis permis de prendre à témoin le député Jumel, qu’il ne m’en veuille pas.
    Ensuite, monsieur Le Fur, faites bien attention à l’endroit où vous vous placez à la messe, car, vous le savez, les premiers seront les derniers…

    M. Éric Ciotti

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    C’est limite !

    M. Sébastien Jumel

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    Le ministre connaît son catéchisme !

    M. Alexis Corbière

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    Il est de bonne foi !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Mon humour n’est peut-être pas toujours drôle mais le problème, c’est que le monde politique et parfois le monde médiatique oublient complètement le second degré… On a aussi le droit de ne pas être drôle ! Comprenez que je suis obligé de faire des blagues que le garde des sceaux comprend. (Rires.) Comme il ne peut pas répondre non plus, je m’autorise à le dire.
    J’en viens à quatre choses qui me tiennent à cœur.
    Premièrement, je ne partage pas tout à fait l’avis de Mme Rist ni celui de M. le président de la commission – mais s’il n’y a que cela comme différences entre nous, ce n’est pas bien grave.  Ah ! » sur les bancs du groupe LR.)
     
    Puisque chacun parle de son territoire, je vais parler à mon tour du mien, plus précisément de Notre-Dame-de-Lorette, dans le Pas-de-Calais. Tous les présidents de la République s’y sont rendus,…

    M. Philippe Vigier

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et je peux faire devant vous le pari que tous les futurs présidents s’y rendront, ce qui est bien normal. Ce site compte l’un des plus grands mémoriaux dédiés aux soldats de la Première Guerre mondiale, morts dans des conditions absolument affreuses. Ce n’est pas une insulte de dire au Parti communiste qu’il a été extrêmement présent dans cette partie de la région, n’est-ce pas, monsieur Bruneel, vous dont la circonscription se situe dans le bassin minier du Nord, qui forme un ensemble avec celui du Pas-de-Calais. À Notre-Dame-de-Lorette ont donc lieu à la fois de grandes cérémonies patriotiques et de grandes cérémonies religieuses, et personne n’en prend ombrage. Il est évident que la plupart des croyants qui s’y rendent savent très bien que la République est laïque et que les soldats qui y sont enterrés ne croyaient pas tous en Dieu, même si, à l’approche de la mort, dans les tranchées, chacun avait sans doute tendance à prier une entité supérieure. Il faut toujours faire attention au secret des âmes. Sur ce point, je suis assez d’accord avec M. Petit : ne cherchons pas à savoir s’il faut reconnaître ou non tel ou tel miracle, ce n’est pas notre travail. Il serait tout de même absurde, je le dis au président de Rugy, d’interdire aux élus du Pas-de-Calais, quelle que soit leur couleur politique, de porter leur écharpe tricolore pour assister à cette grande cérémonie qui est tout à la fois religieuse et patriotique. Ne sombrons pas dans le ridicule de la loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LT.)
    Je constate du reste que l’amendement de Mme Rist ne prévoit pas de sanctions pénales : il est purement déclamatoire. Quelles peuvent en être dès lors les conséquences ? Le débat « écharpe ou pas écharpe » est totalement dépassé : la différence entre les élus qui ne portent pas l’écharpe et ceux qui la portent, c’est que ces derniers veulent se faire connaître !

    M. Sébastien Jumel

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    Exactement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Quand on commence à être connu dans un territoire, les choses sont différentes et je parie qu’un très grand nombre d’entre vous ne la met plus.
    Si je devais aller à la messe à Tourcoing – je ne vous dirai pas si j’y vais effectivement ou non –, et que je devais communier, quand bien même ce serait le lundi, la veille de Noël, la veille des cantonales, le jour même d’une élection, je peux vous dire qu’au moins une petite partie de la population de cette ville me reconnaîtrait. Si, en plus, mon nom et ma photographie étaient placardés sur toutes les affiches électorales de la ville en raison des élections et que j’allais communier – souvent les jours d’élection tombent un jour de fête catholique –, m’exposerais-je à une sanction ? Ne tombons pas dans des contentieux absurdes.
    Bien sûr, les élus doivent observer un devoir de réserve. Le général de Gaulle, qui était un fervent catholique et qui faisait venir dans la chapelle de l’Élysée quelqu’un de sa famille pour pouvoir communier avec sa femme, s’est toujours abstenu de communier en public. C’est de la simple décence ! Et ce sont les électeurs qui ont à en juger. Celui qui fait dans l’ostentation, en général, ne recueille pas beaucoup de voix, si vous voyez ce que je veux dire. Chacun sait ce que vaut le too much en matière électorale : la vraie bonté, comme le disent les religieux, vient du cœur.
    Je voudrais revenir sur les propos de M. Peu, qui sont très justes. J’ai, comme lui, l’impression d’une géométrie variable lorsqu’il s’agit des cultes. C’est vrai pour les juifs, ça l’est également pour les musulmans. On ne peut pas à la fois demander l’égalité de traitement et le respect des principes de la République…

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Très bien !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et trouver normal de se faire traiter de soumis, de dhimmi – vous savez ce que cela veut dire, de collaborationniste.

    M. Alexis Corbière

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    D’islamo-gauchiste !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est un terme que je ne me permettrais pas de corriger ; en tout cas pas gauchiste en ce qui me concerne, cela me paraît à peu près certain !
    Quand on vit dans une République laïque, on doit aussi s’étonner devant les représentants de la nation des tombereaux d’insultes que l’on reçoit après être allé à la rencontre de compatriotes juifs ou musulmans, surtout. On ne peut pas le passer sous silence et vous avez eu raison de le souligner, monsieur Peu. J’ai toujours trouvé très choquant que des élus, quels qu’ils soient, qui rendaient, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, en tout cas au motif de l’égalité, une visite républicaine aux représentants de tel ou tel culte – ce qui ne signifie pas qu’ils en partageaient les croyances, les rites ou qu’ils entendaient se convertir – fassent l’objet de tant d’hostilité.
    J’émets donc un avis défavorable à l’amendement de Mme Rist, que je respecte évidemment, même si je ne méconnais pas la vie locale orléanaise. Mais l’Assemblée nationale serait avisée de ne pas sombrer dans le ridicule en légiférant sur l’autorisation pour un élu de communier. D’ailleurs, selon quels critères – quand on est ou pas connu, dans tel ou tel lieu de culte, à quel niveau d’élection –, doit-il faire preuve d’un signe de décence ? Les électeurs jugeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    Notre collègue Le Fur a expliqué qu’il organisait parfois des cérémonies et des manifestations cultuelles. En tant que maire, il m’est arrivé de le faire également, dans des situations très précises : lorsque la municipalité organisait la commémoration de la libération des camps de la mort, nous étions amenés à nous recueillir devant la stèle du martyr juif où le rabbin lisait une prière ; quand, le lendemain, nous nous trouvions devant la stèle commémorant le génocide arménien ou le génocide assyro-chaldéen,…

    M. Philippe Benassaya

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    Bien sûr !

    M. François Pupponi

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    …les prêtres arméniens et assyro-chaldéens disaient une prière. C’était effectivement la mairie qui organisait une manifestation commémorative, en présence d’hommes d’églises ou de religieux venus pour prier. Ce n’est plus une question de neutralité, mais de respect envers des personnes tuées car elles étaient juives ou chrétiennes – cela aurait pu être des musulmans, le problème est le même. Il y a donc des moments où une municipalité ne peut pas rester neutre. Et quand je prenais la parole devant ces monuments, j’avais du mal à expliquer aux juifs et aux chrétiens qu’ils n’avaient pas été tués parce qu’ils étaient juifs ou chrétiens. Il fallait bien dire les choses.
    Quand j’ai fait installer à Sarcelles une stèle commémorant la mémoire de Jonathan Sandler, de ses deux enfants et de la jeune Myriam Monsonégo, assassinés par Mohammed Merah à Toulouse, le ministre de l’intérieur de l’époque était venu pour l’inauguration de la stèle, en présence du rabbin qui avait prononcé une prière. Ces victimes ont été tuées par un terroriste islamiste et, dans des cas comme celui-là, la République ne doit pas rester neutre, précisément parce que ces personnes ont été tuées au nom de leur croyance. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Merci, monsieur le ministre, de remettre un peu d’ordre au sein de votre majorité, qui a tendance à s’éparpiller.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Dieu reconnaîtra les siens !

    M. Marc Le Fur

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    Nous assistons en direct à une dérive du texte. Au départ, souvenez-vous, il s’agissait de lutter contre l’islamisme radical et politique. Désormais, on se demande si, pour certains d’entre vous, il ne s’agit pas de lutter contre les religions dans leur ensemble.

    M. François de Rugy, président de la commission spéciale

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    Et aucune religion en particulier !

    M. Marc Le Fur

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    Nous l’avons constaté dès ce matin lorsque le rapporteur général s’est cru obligé de mettre en doute la réalité des premières communions…

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Absolument pas !

    M. Marc Le Fur

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    …au nom d’une pression que les parents exerceraient sur les enfants ! On le voit encore cet après-midi, à l’occasion de l’examen des amendements sur lesquels nous débattons.
    Alors, que les choses soient claires : cette dérive résulte de votre projet de loi, monsieur le ministre, dans lequel l’islamisme radical et extrémiste n’est jamais ouvertement ciblé. Celui-ci figure dans l’exposé des motifs, mais pas dans le texte. Vous citez les religions dans leur ensemble. Mais la République a-t-elle un problème avec les catholiques ? Non ! La République a-t-elle un problème avec les protestants ? Non ! La République a-t-elle un problème avec les juifs, avec les bouddhistes, avec les hindouistes ? Non ! Absolument pas !

    M. Stéphane Peu

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    Et avec les musulmans, elle a un problème ?

    M. Marc Le Fur

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    La République n’a pas davantage de problème avec les évangéliques.

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Et les musulmans ?

    M. Marc Le Fur

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    Vous expliquerez d’ailleurs à Mme Marlène Schiappa qu’il s’agit des évangéliques et non pas des évangélistes, qui eux s’appelaient Marc, Matthieu, Luc et Jean et qui sont morts il y a deux mille ans ! Attention aux confusions. La République n’a pas non plus de problème avec les musulmans  Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LaREM, FI et GDR.), mais avec une dérive de l’islam ; les bons musulmans ne posent pas de problème à la République et je dirai même qu’ils sont les premières victimes de ce radicalisme islamiste extrémiste. Il s’agit donc de les protéger contre certains membres de leur communauté.
    Votre projet de loi est fondamentalement une erreur car résoudre le problème de l’islamisme extrémiste et radical n’est pas une question religieuse, mais bien politique.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est ce qu’on dit !

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    C’est le sens du texte, cher collègue.

    M. Marc Le Fur

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    Nous avons affaire à des gens qui veulent conquérir l’espace public, par le voile en particulier, et c’est cela que nous devons dénoncer. Vous ne vous en donnez pas les moyens, vous ne vous donnez pas la possibilité de lutter contre les dérives de l’immigration,…

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Voilà, on y est !

    M. Marc Le Fur

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    …contre ce qui se passe dans les prisons et dans plusieurs clubs sportifs. Voilà la réalité ! C’est pourquoi les représentants des cultes sont inquiets ; les évêques de France l’ont fait savoir.
    Je vous invite d’ailleurs, monsieur le ministre, à regarder de près ce que les protestants ont écrit. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, ils ont été parmi les plus ardents militants de la laïcité et de la loi de 1905. Que disent-ils aujourd’hui ? Qu’ils sont terriblement inquiets.
    Tâchons de revenir aux réalités et de cibler ceux qui s’en prennent à la République, ceux qui menacent la vie de nos compatriotes : il s’agit de certains musulmans extrémistes. C’est une dérive de l’islam et c’est cela que nous devons dénoncer, je le répète, au lieu de nous en prendre à l’ensemble des religions, à nos traditions françaises, qui existent encore et c’est heureux.
    Pour en revenir à l’écharpe, personnellement, je la porte très rarement. Je la mets à l’occasion de manifestations publiques, contre l’écotaxe par exemple (Sourires sur plusieurs bancs)

    M. Sébastien Jumel

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    L’écotaxe est une autre religion !

    M. Marc Le Fur

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    …ou des choses de ce genre,mais je ne la porte pas dans les églises. Je l’assume parfaitement.
    Pardonnez, monsieur le président, ce propos qui n’est pas celui d’un poissonnier, mais d’un simple pêcheur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Vous êtes tout pardonné, monsieur le président Le Fur. La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Je sais qu’il faut aller vite. J’avais demandé que notre collègue non inscrite puisse s’exprimer, elle n’a pas pu le faire, je n’y peux rien. C’est un débat d’idées que nous avons, donc, de grâce, finissons-en.
    Monsieur le président de la commission spéciale, j’ai trouvé votre propos intéressant. Nous mettons tous beaucoup de passion dans le débat, mais il y a quelque chose qui peut être fertile pour la suite. Franchement.
    Monsieur Le Fur, on devrait vous mettre sous cloche et vous exposer au pavillon Baltard ! Vous êtes le digne représentant, le parangon d’un courant intellectuel qui existe, que je respecte, mais dans lequel je ne me reconnais pas. (Sourires sur plusieurs bancs.)
    Notre collègue de Rugy a évoqué un point auquel j’ai toujours pensé : il m’est arrivé, comme vous tous, de recevoir des invitations à des cérémonies religieuses, à l’occasion notamment de grands événements, comme les commémorations des guerres qui ont frappé notre pays. Cela m’a toujours choqué. Est-ce insulter les religions que de poser le débat ? Non. C’est peut-être même avoir une haute idée des religions, qui renvoient à des convictions spirituelles. Et c’est précisément parce que nous aimons la possibilité de rechercher une transcendance que nous ne voulons pas que les religions deviennent un vulgaire instrument politique, comme cela a pu être le cas dans le passé. Nous serons vigilants sur ce point et ne souhaitons pas que des gens utilisent la religion pour autre chose que ce qu’elle est. Nous avons fait l’expérience, dans le passé, de l’alliance du spirituel et du temporel, qui n’a pas donné de belles choses. Nous sommes fiers de vivre dans un pays qui a clairement séparé les Églises et l’État.
    Je souhaite que notre collègue maintienne son amendement. Vous évoquez tous la passion que j’ai mise dans le débat, mais j’ai le sentiment que, peu ou prou, je me situais sur la même ligne que vous, quand je disais clairement qu’on peut participer à certaines prières – d’ailleurs, monsieur Pupponi, soyons précis : se trouver en présence de quelqu’un qui prononce une prière en mémoire de personnes assassinées en raison de leur culte, ce n’est pas la même chose que de participer à une messe ou à une cérémonie religieuse. Passons.
    Alors, comment fait-on ? La question a été posée en commission spéciale par notre collègue Stéphanie Rist et moi-même. Vous nous dites à présent qu’on peut avancer. Avançons ! Je sens d’ailleurs que certains d’entre vous partagent ce qu’a dit notre collègue Rist. Donc, comment fait-on ? C’est assez simple : un élu, ès qualités, c’est-à-dire revendiquant le fait qu’il s’y rend en sa qualité d’élu, ne devrait pas se montrer dans une cérémonie religieuse. Ce n’est pas sa place. Et que cela signifie-t-il ? Cela veut dire que l’élu qui a des convictions spirituelles peut aller communier, bien évidemment, mais il ne le fait pas ès qualités, en le revendiquant dans ses publications municipales.
    Enfin, nos débats passionnés d’hier soir pour décider, en l’absence des usagers, de la façon dont ceux-ci devaient se comporter étaient empreints d’une rigueur inversement proportionnelle à celle que vous prévoyez pour nous, pour vous, les élus. D’un seul coup, cela devient : ne légiférons pas ! Je vais vous dire, dans une formule que vous trouverez sans doute fort vulgaire, qu’il existe un syndicat des élus qui refuse qu’on touche à ses membres. On peut parler de tout le monde à l’Assemblée nationale, mais pas des élus ! Si on le fait, on devient hostile aux croyants, anticatholique. En revanche, Mme Untel, qui accompagne son gamin, doit enlever le foulard ! Honnêtement, ne trouvez-vous pas cela blessant pour ceux qui nous regardent ? Arrêtez ce comportement corporatiste qui vise à donner l’impression que, dès qu’on touche à vos pratiques, on vous insulte.
    Monsieur Le Fur, je trouve vos pratiques antirépublicaines. Le fait que vous organisiez une messe est contraire à toutes mes convictions, et je trouve cela bien plus grave que la présence d’une maman voilée lors d’une sortie scolaire. C’est un problème de fond. J’espère que vous voyez, comme moi, le problème. Merci à tous d’avoir participé à ce débat. Je l’ai constaté en commission, il ne s’agit pas d’un sujet accessoire. D’un seul coup, les masques tombent.

    M. Marc Le Fur

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    Mais les voiles ne tombent pas !

    M. Alexis Corbière

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    La conception de chacun apparaît au grand jour : il y a des laïcs de posture, de faux laïcs, des gens dont les pratiques diffèrent totalement de ce qu’ils souhaitent imposer à un autre culte. Il théorise même cette différence de traitement. C’est le fond du problème.
    La République et la laïcité sont des mots magnifiques, mais beaucoup de nos concitoyens les considèrent désormais avec suspicion. Quand je parlais de la laïcité à mes élèves, j’ai passé vingt-cinq ans en lycée professionnel, ils me répondaient : pourquoi vous n’aimez pas la religion ? Pourquoi vous n’aimez pas l’islam ? Parce que, pour eux, le terme de laïcité signifie l’hostilité envers leur religion. C’est terrible d’en être là.
    Si nous n’adoptons pas un comportement vertueux, nous qui avons l’honneur d’être élus et qui sommes en quelque sorte des privilégiés par rapport à nos concitoyens, si nous sommes méprisants à leur égard et si nous leur imposons des comportements dont nous nous exonérons, quel mauvais service nous rendons à la République ! Nous salissons des mots, nous les rendons ridicules, nous les vidons de sens. Aujourd’hui, la bataille des mots et des idées est le cœur du débat. (M. Mustapha Laabid applaudit.)
    Monsieur le ministre, vous avez déclaré avec raison sur France Inter que nous avions un débat idéologique à mener, pas un combat de tracasseries administratives qui n’aboutira à rien. Aristide Briand disait que le talent des tailleurs fait qu’on arrivera toujours à trouver une solution. Si vous interdisez la soutane, on trouvera autre chose, comme pour la tenue de clergyman, etc. Il en est de même pour le foulard. On ne fera reculer certaines pratiques ainsi que l’exaltation religieuse que par les idées et la conviction que, parce que la République est grande, elle nous traite tous à égalité. Ainsi, les gens ne s’identifieront pas à leur particularisme religieux qu’ils cantonneront à la sphère privée.
    L’école publique ne tient plus sa promesse : c’est une école inégalitaire. On assiste à un séparatisme scolaire. Selon l’établissement que l’on fréquente, on n’est pas traité de la même manière. Environ 100 000 enfants sortent du système scolaire sans qualification. C’est cela qu’il faut régler. Pardon de mettre tant de passion dans ce débat dont nous allons sortir au bout de quinze jours sans avoir réglé grand-chose et après avoir suscité certaines discussions inutiles.
    Madame Rist, maintenez votre amendement. Monsieur de Rugy, je partage votre opinion et j’aimerais y voir clair. Il faut agir et nous venons d’avancer de manière intéressante. (MM. Ugo Bernalicis, Mustapha Laabid et Stéphane Peu applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Cher collègue Le Fur, la République n’a de problème avec aucune religion, ni avec aucun compatriote pratiquant une religion. Ce n’est ni à vous ni à moi de décider qui est bon catholique, bon musulman, bon protestant. La République a un problème avec tous les intégristes, tous les extrémistes, quelle que soit leur religion ou leur dérive identitaire ou sectaire, qui remettent en cause les principes de notre République, voire notre République.
    La laïcité, ce n’est pas un rapport avec une religion, mais le rapport de la République et de ses principes avec l’ensemble des religions. Il n’y a pas de religion exempte de la laïcité parce que liée à nos racines ou à notre histoire. Cette laïcité, faisons-la vivre en combattant ceux qui s’en prennent aux principes de la République, mais surtout, comme l’a dit à l’instant Alexis Corbière, en faisant vivre quotidiennement les principes de la République, à travers l’école publique, à travers l’égalité des droits, à travers l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est comme cela que nous ferons vivre les principes de la République et que nous ferons reculer ceux qui les mettent en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LaREM et LT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Chalas.

    Mme Émilie Chalas

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    Je voudrais apporter ma modeste pierre à ce débat.
    Monsieur Corbière, débattre n’est jamais inutile. Je suis d’ailleurs d’accord, c’est assez rare pour que je le souligne, avec les quatre premières minutes de votre dernière intervention – pas avec les deux dernières minutes où vous retombiez dans vos excès. Les débats sont constructifs et font avancer l’Assemblée nationale.
    Monsieur Le Fur, personne ne nie que la France a un vrai problème avec l’islam politique et l’islam radical. Devons-nous légiférer sur un problème à l’instant t, une certaine pratique, une certaine vision excessive et fanatique d’une religion ? Je ne le crois pas. À Grenoble, par exemple, j’ai un vrai problème avec les Amish, mais cela ne va pas durer. Je pense qu’en 2026, ils seront nettement moins majoritaires au conseil municipal de Grenoble.
    Monsieur le ministre, comme je suis une jeune députée, j’ai besoin d’être identifiée et je porte régulièrement mon écharpe sur le terrain. C’est légitime, c’est normal, il faut bien se faire reconnaître dans son territoire. Quand j’assiste à des événements comme des hommages, il y a souvent des prières. Mon écharpe, je la porte alors avec dignité sans même me poser la question face à quelqu’un qui prie, quelle que soit sa religion. Parce que nous sommes dans une manifestation républicaine, il est légitime, en tant que députée, que je porte l’écharpe. En revanche, lorsque j’assiste à un office en réponse à une invitation amicale et par curiosité de découvrir le monde de telle ou telle religion parce que je ne connais pas tout, je ne porte pas mon écharpe puisque j’ai un devoir de neutralité. Chacun d’entre nous est capable de faire cette distinction. Je crois aussi, parce que la laïcité se délite aujourd’hui dans notre territoire – je pense aux chartes de laïcité dans les conseils municipaux ou les conseils métropolitains, qui suscitent souvent le débat –, qu’il faut réaffirmer le cadre des valeurs républicaines. À ce titre, je soutiendrai l’amendement de Mme Rist.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Monsieur Le Fur, je vous respecte et j’ai même de l’amitié pour vous. Mais je pense qu’il est malvenu de donner des leçons sur ce qui est courageux et ce qui ne l’est pas, sur l’islam et sur le port ou non du voile. En 2004, vous avez choisi de ne pas voter pour l’interdiction du port de signes religieux ostensibles, dont le voile à l’école, et je respecte cette position parce qu’elle est cohérente. Vous avez le droit de changer d’avis, mais n’en concluez pas que nous sommes très naïfs. Chacun doit développer des arguments qui renforcent son argumentation. Ce n’était pas une insulte de la part du rapporteur général – en tout cas, je ne l’ai pas prise comme telle. C’est la même chose pour M. Xavier Breton dont j’ai salué à plusieurs reprises la cohérence intellectuelle. On a compris que vous ne partagiez pas la position de la majorité de votre groupe, et ce n’est pas grave. C’est la grandeur de votre groupe, comme c’est celle du groupe de la majorité de laisser entendre des voix qui ne sont pas majoritaires en son sein.

    M. Marc Le Fur

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    Heureusement que le ministre m’aime bien, parce que sinon…

    M. Sébastien Jumel

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    Qui aime bien, châtie bien !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    À tout péché miséricorde ! (Sourires.)
    Vous dites que ce texte nourrit la discorde, mais je précise que nous n’avons jamais proposé de disposition pour interdire un vêtement religieux et que le Gouvernement et le rapporteur n’ont jamais voulu légiférer sur le comportement des élus.

    M. Sébastien Jumel

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    Mme Braun-Pivet est bien présidente de la commission des lois !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Elle n’est pas rapporteure. Mais elle n’en est pas moins une députée qui a le droit d’avoir un avis.
    Vous vous écharpez intellectuellement sur des questions extrêmement intéressantes sur lesquelles le Gouvernement accepte bien volontiers la discussion.

    M. Alexis Corbière

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    Ils s’écharpent sur l’écharpe !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Et le masque sur le masque, monsieur Corbière !
    Mais je rappelle que ces dispositions ne figurent pas dans le texte. Ne tirez pas de ce débat la conclusion que c’est le projet de loi qui nourrit la discorde.
    Enfin, le Gouvernement et le rapporteur général, comme la majorité parlementaire je le crois, ont des positions extrêmement cohérentes. Le libéralisme serait d’un côté ou de l’autre, selon les dispositions : on voit bien l’incohérence. Il y a, d’un côté, ceux qui nous disent qu’il faut tout laïciser, y compris la société, parce que le danger est grand : M. Le Fur a même cité, à la fin de sa litanie des croyants ne posant pas de problème à la République, les musulmans. C’est le sens des discussions que nous avons depuis quarante-huit heures. Il y a, de l’autre, ceux qui disent qu’il ne faut pas de réglementation pour les personnes participant occasionnellement au service public. Mais, comme le dit M. Corbière, il y a d’autres personnes dans cette catégorie, ce sont les élus. Vous le voyez, ces positions sont contradictoires. Je ne dis pas que le débat est mauvais, mais la majorité est la seule à être cohérente. Nous ne voulons interdire le port de vêtements ayant une connotation religieuse ostensible ni aux collaborateurs occasionnels du service public ni aux élus dans l’espace public. Au fond, nous réclamons à chacun de la discrétion et de la décence.
    La majorité fait confiance aux gens : elle ne souhaite pas réglementer pas toute la vie sociale, elle considère qu’il y a des bornes et qu’il vaut mieux s’intéresser aux problèmes structurels.

    Mme Annie Genevard

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    La discrétion, voilà !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Mais on peut souhaiter la discrétion sans l’écrire dans la loi. Quand on est libéral, madame Genevard, on n’est pas obligé de réglementer tous les comportements des citoyens.
    J’ai le droit de demander aux gens d’être discrets, pas de l’imposer. J’ai le droit d’être gêné par des comportements, mais pas d’imposer les miens. La liberté, c’est aussi la souffrance que l’autre peut m’imposer dans la rue. La liberté d’expression, c’est la possibilité que des gens caricaturent – le Président de la République, M. Éric Dupond-Moretti, le pape, ma grand-mère ou moi-même – et que cela me gêne. J’ai le droit d’être choqué par ce que je regarde sans vouloir l’interdire. Arrêtez de penser que ce qui vous choque doit être interdit par la loi.
    La majorité est cohérente : elle n’a proposé ni les amendements d’hier, ni ceux de ce matin, ni ceux de cet après-midi. La majorité ne veut pas interdire les signes ostensibles, ni pour les parents participant occasionnellement au service public, ni pour les élus.

    M. Éric Ciotti

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    Ni pour les fillettes, a dit le garde des sceaux !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je n’ai pas le sentiment que le garde des sceaux vous aurait choisi comme porte-parole, monsieur Ciotti.
    Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement de Mme Rist. À défaut, il y sera défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist.

    Mme Stéphanie Rist

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    Je vais retirer mon amendement pour trois raisons.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Tout ça pour ça !

    Mme Stéphanie Rist

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    Premièrement, j’ai entendu la demande de la rapporteure et du président de la commission spéciale de le réécrire lors de la navette parlementaire.

    M. Patrick Hetzel

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    Comme nous sommes en procédure accélérée, il n’y aura pas de navette !

    Mme Stéphanie Rist

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    Deuxièmement, je dois convaincre le ministre qu’il pourra continuer à aller à Notre-Dame-de-Lorette.
    Troisièmement, je ne voudrais pas que M. Le Fur s’inquiète trop pour notre majorité, qui se porte bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Monsieur le ministre, depuis tout à l’heure nous débattons d’un amendement d’un membre de la majorité, donc la cohérence que vous mettez en avant se discute. Cet échange ayant été intéressant et utile, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine reprend l’amendement no 2572.

    M. le président

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    Mes chers collègues, je vous remercie pour ce débat riche et passionnant, mais les meilleures choses ayant une fin, je vous propose de mettre aux voix cet amendement.
    M. Patrick Hetzel, vous avez la parole.

    M. Patrick Hetzel

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    Monsieur le président, il n’y aura pas de navette parlementaire puisque nous sommes en procédure accélérée.

    (L’amendement no 2572 n’est pas adopté.)

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 2676.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Comme chacun sait, le FIJAIT, ou fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, a été créé à la suite des attentats islamistes sanglants de 2015, essentiellement pour lutter contre la récidive des terroristes islamistes radicaux. Dans la pratique cependant – d’où cet amendement, que j’ai déjà souvent défendu –, des militants altermondialistes, écologistes, indépendantistes corses ou basques, condamnés pour des faits dont la gravité est sans commune mesure avec ceux perpétrés par les islamistes, se retrouvent également dans ce fichier, avec les mêmes contraintes que celles qui pèsent sur lesdits barbares islamistes alors que par ailleurs les conditions de l’apaisement de conflits qui n’ont rien à voir avec le terrorisme islamiste, ont été créées, notamment dans les cas corse et basque.
    Il nous semble indispensable de mieux qualifier et de mieux proportionner la peine en désignant clairement la nature des motivations pour laquelle ce fichier a été constitué, à savoir la menace islamiste, ce que tous les gouvernements ont refusé à ce jour.
    C’est pourquoi, en l’absence de prise en compte de la nature des motivations qui ont conduit à commettre des infractions qualifiées de terroristes, nous proposons par cet amendement d’exclure du FIJAIT les individus qui ont commis de simples atteintes aux biens matériels, afin de limiter l’inscription aux atteintes graves à la vie humaine et pour éviter de créer sur le terrain les conditions d’un pourrissement de situations qui sont aujourd’hui apaisées.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Cher collègue, à votre proposition de distinguer, s’agissant de l’inscription au fichier judiciaire national des auteurs d’infractions terroristes, les militants qui n’auraient commis que de simples atteintes aux biens matériels, j’opposerai un principe général de notre droit pénal : ce qui est réprimé, ce sont les faits. Vous vous souvenez peut-être des longs débats que nous avons eus à propos du fameux article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale : la difficulté était d’éviter de créer un délit d’intention. Pour la même raison, il n’est pas question d’opérer la distinction que vous nous proposez. Ce qui compte, ce sont les actes et si des personnes ont été condamnées pour des infractions qualifiées de terroristes, on ne peut pas dire qu’il s’agit de simples atteintes aux biens matériels commises par des militants. C’est donc un avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Monsieur le député Acquaviva, votre amendement restreint considérablement la portée de l’article 3, en contradiction totale avec l’objectif poursuivi par le Gouvernement. Par ailleurs, je rappelle que l’autorité judiciaire peut toujours s’opposer à l’inscription au FIJAIT.
    Enfin, vous distinguez parmi les terroristes ceux qui seraient de bons et ceux qui seraient de mauvais terroristes. On s’est beaucoup posé la question de savoir pourquoi le qualificatif d’« islamiste » avait disparu. En voici une bonne raison : il n’y a pas de bons terroristes et de mauvais terroristes, il n’y a que des terroristes et nous luttons contre tous les séparatismes. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Je prends note de la réponse juridique de Mme la rapporteure tout autant que de la réponse plus politique, même si elle a aussi des aspects juridiques, du garde des sceaux.
    Je répète néanmoins que le FIJAIT a été créé dans un contexte particulier, qui n’a rien à voir avec des situations politiques anciennes qui ont pu aboutir à des conflits, de la violence et des rapports de force de tous ordres. Personne ne conteste la condamnation dont ces militants ont fait l’objet : nous parlons d’un fichage de personnes ayant déjà effectué leur peine, ce qui constitue souvent un obstacle à la réinsertion.
    En outre, dans le cas de la Corse, l’indépendance de la justice a été très vivement remise en cause – je vous ai d’ailleurs interrogé il y a peu à ce sujet – au point qu’on a évoqué une vengeance d’État, donc une dimension politique. Ce que je veux, c’est précisément qu’on enlève toute dimension politique à ces sujets, pour éviter que, comme on dit en Corse, i funi longhi diventani sarpi, les cordes trop longues ne deviennent des serpents, voyez-vous. Pour les hommes de paix et de dialogue que nous sommes, les réponses ne peuvent pas être que judiciaires mais doivent faire appel à l’intelligence collective. Il faut surtout éviter de qualifier de terroristes des gens qui n’ont rien à voir avec les islamistes barbares qui veulent mettre au pas toute une société. Ce n’est pas le cas dans les situations évoquées, même si évidemment il faut s’opposer à tout acte de violence, personne n’en disconvient.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pardon, monsieur le député Acquaviva, mais c’est le libellé même de votre amendement qui m’a conduit à vous répondre ce que je vous ai répondu. Vous souhaitez exclure du champ de ce fichier les auteurs de délits d’apologie de terrorisme et de destructions commises dans un but terroriste, en distinguant entre les terrorismes, ce qu’en droit, rien ne permet de faire : voilà ce que je vous ai dit, rien de plus et rien de moins.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    J’entends et je pourrais même comprendre vos arguments. Néanmoins j’attends que vous apportiez une réponse au problème pointé au travers de cet amendement, même si celui-ci n’est pas adopté. Il fera d’ailleurs l’objet d’autres amendements. On ne peut pas laisser ces situations pourrir, c’est tout le sens de mon intervention : il faudra bien qu’un jour on prenne la mesure de ce problème.

    (L’amendement no 2676 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l’amendement no 1210.

    Mme Agnès Thill

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    Cet amendement vise à ajouter au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes toute inscription dans une association culturelle ou cultuelle. C’est en effet une information indispensable pour connaître les activités, les motivations et la force de frappe des personnes impliquées dans le terrorisme, leur écosystème et l’influence qu’elles peuvent avoir sur ces associations et à travers elles, sur la société elle-même.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Je me contenterai de vous opposer les termes de la loi créant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes – cela permettra peut-être de clarifier nos débats sur beaucoup des amendements suivants – : aux termes de la loi, le FIJAIT est destiné à prévenir le renouvellement des infractions en matière de terrorisme et à faciliter l’identification de leurs auteurs. Ce fichier n’est donc pas un fichier de renseignement ayant pour objectif de rassembler des informations sur une personne. Ce sera donc un avis défavorable

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La position du Gouvernement est la même, madame la députée : le FIJAIT n’est pas un fichier administratif de renseignement, c’est un fichier judiciaire. Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à votre amendement.

    (L’amendement no 1210 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1453 et 1813.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 1453.

    M. Ugo Bernalicis

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    Merci monsieur le président. Je vais en profiter pour défendre la cohérence de l’ensemble des amendements que nous défendons à cet article 3 relatif au FIJAIT.
    On voit bien quel est le nœud de l’affaire : la question est de savoir ce qu’on veut faire de ce fichier. L’article inverse la logique qui prévaut actuellement en rendant obligatoire l’inscription au FIJAIT, sauf à ce que le juge s’y oppose. L’inscription à ce fichier deviendrait donc quasi automatique, à des fins de renseignement plutôt qu’à des fins judiciaires puisque les services de police ont accès aux renseignements administratifs contenus dans ce fichier – c’est la raison d’être de nos divers fichiers.
    C’est le premier point qui me pose problème. Alors qu’aujourd’hui on fait confiance au juge pour apprécier l’opportunité d’une inscription au FIJAIT, on nous demande là de le contraindre à prendre une décision qui n’a rien de banal, une inscription à ce fichier s’apparentant à une mesure de sûreté.
    La seconde série de nos amendements portera plus spécifiquement sur la question du fichage des mineurs, fort à propos, puisqu’une commission mixte paritaire conclusive s’est tenue ce matin sur le projet de loi relatif au code de la justice pénale des mineurs et que nous avions évoqué cette question lors de l’examen de ce texte.
    Que signifie dans le monde réel le délit d’apologie du terrorisme ou d’incitation au terrorisme ? Un mineur qui a partagé une vidéo de Daech sur les réseaux sociaux pourra se voir condamné et fiché à ce titre, pour une durée qu’on nous propose d’augmenter – nous proposerons d’ailleurs de maintenir la durée actuelle. Nous proposerons également que les mineurs de moins de 15 ans ne puissent pas figurer dans ce fichier, fidèles à notre conviction qu’il faut assurer la primauté de l’éducatif sur le répressif. En l’occurrence il s’agit d’éviter que le mineur qui s’est rendu coupable d’une telle infraction soit condamné pendant des années à une forme de relégation sociale. Car que dit-on au mineur qui a commis cette infraction sinon qu’il en sera marqué à vie et qu’il passera sa vie sous surveillance ? On voit d’autant moins l’intérêt d’une telle automaticité qu’il existe déjà un fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT, qui permet de faire du renseignement et du suivi.
    C’est la question de fond : croit-on vraiment que c’est en le traitant de la sorte, en le pointant du doigt le plus longtemps possible sur le plan judiciaire au travers de ce fichage, qu’on arrivera au résultat escompté, c’est-à-dire qu’il ne soit pas réitérant, qu’il ne se sente pas définitivement condamné et qu’il ait la possibilité de réintégrer la communauté nationale, de respecter les lois de la République et de ne pas être dans une forme de séparatisme, y compris terroriste ? Cette question a toute sa place dans nos débats et c’est pourquoi nous vous proposerons de restreindre l’extension de l’inscription au FIJAIT prévue par cet article.
    D’ailleurs, si jusqu’à présent l’inscription à ce fichier n’était pas automatique et si les auteurs d’infractions d’apologie du terrorisme et d’incitation au terrorisme étaient exclus de ce fichier, c’était en grande partie pour des raisons opérationnelles. Mais vous voulez qu’on puisse ficher le plus de monde possible le plus longtemps possible en toute matière, on l’a vu lors de l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale : ce n’est pas la société que je souhaite. Je ne pense pas que c’est ainsi que l’on fait nation, que l’on fait peuple et qu’on lutte contre la récidive, je pense même tout à fait le contraire. Vous vous enfoncez vous-même dans une logique séparatiste.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement no 1813.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Il n’est pas courant que nous défendions des amendements identiques à ceux du groupe La France insoumise, mais nous nous interrogeons sur le dispositif de l’alinéa 4 de l’article, d’abord parce que, d’une façon générale, nous préférons que les décisions du juge ne soient pas implicites, mais expresses, surtout lorsqu’il s’agit d’une inscription dans un fichier fort utile, dont nous souhaitons qu’il soit utilisé à certaines fins.
    Je sais qu’en tant que garde des sceaux, vous ne pouvez plus en convenir, mais il peut arriver qu’une décision de mise en examen soit discutable : si nous voulons améliorer l’efficacité de ce fichier, conditionner l’inscription au fichier à la seule mise en examen, sans que le juge ait à la motiver, nous paraît d’autant plus délicat que cela sera source de contentieux.
    Dans l’état actuel du droit, c’est le juge qui prend la décision d’inscription au fichier s’il l’estime nécessaire pour éviter la réitération de l’infraction. Il s’agit d’une décision explicite, susceptible de recours, et c’est parce qu’il y a un acte positif du juge qu’il y a un recours. Là ce serait l’inverse : il faudrait que le magistrat motive son opposition à l’inscription au fichier. C’est cette décision qui serait susceptible d’être contestée, et qui serait susceptible de former un tel recours, sinon l’État ? Cela nous pose problème.
     
    En cohérence avec les amendements que nous présenterons par la suite, et comme nous souhaitons que l’État puisse prendre des actions sur la base du FIJAIT, il nous semble que la mise en examen, qui survient parfois de façon très aléatoire ou peu fondée – j’espère que ce n’est pas le cas dans le domaine antiterroriste, mais ce peut l’être dans d’autres occasions – ne justifie pas, à elle seule, une inscription automatique au fichier.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Monsieur Bernalicis, vous avez, en réalité, effectué une présentation globale des amendements déposés par votre groupe à l’article 3. Dans un souci de bonne organisation de nos débats, je répondrai uniquement aux arguments que M. Lagarde et vous-mêmes avez développés en faveur de la suppression de l’inscription automatique au FIJAIT pour les personnes mises en examen.
    Je rappelle que le dispositif actuel, qui prévoit une décision expresse du juge d’instruction – ou du tribunal au moment de la condamnation – sera inversé : l’inscription au fichier sera automatique, sauf décision contraire du juge d’instruction ou du tribunal. Un garde-fou existe donc bien. Une telle inversion de la logique d’inscription au FIJAIT vise à optimiser le fonctionnement de ce fichier, dont j’ai exposé les objectifs tout à l’heure, en me référant précisément aux termes de la loi.
    J’ajoute que ce régime s’applique aussi à l’inscription des infractions les plus graves dans d’autres fichiers. Je songe notamment au FIJAIS, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes – cette dernière catégorie d’infractions y ayant été ajoutée récemment. C’est donc la gravité des infractions en cause qui justifie le recours au régime d’inscription systématique. Il faut également prendre en considération la dangerosité probable des personnes inscrites dans le fichier : c’est l’objet même du FIJAIT que de les identifier et de prévenir le renouvellement des infractions.
    Si la mise en examen n’est certes pas une condamnation, elle n’est pas non plus un acte neutre : elle ne peut intervenir que s’il existe des indices graves et concordants laissant penser que la personne mise en cause et présentée au juge d’instruction a pu commettre les infractions qui lui sont reprochées. Une mise en examen peut certes se solder par un non-lieu,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    …mais elle débouche, dans la grande majorité des cas, sur un renvoi devant le tribunal. Nous nous plaçons ici sur le terrain de la dangerosité des individus et du renouvellement possible d’infractions terroristes. J’estime donc que l’inscription de plein droit au FIJAIT est bienvenue et qu’elle protège nos concitoyens. Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à ces amendements identiques.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr, le texte prévoit une inscription de plein droit au FIJAIT. Pour autant, le juge d’instruction, magistrat de l’ordre judiciaire, garant de la liberté individuelle, peut s’y opposer : un véritable contrôle est bien prévu. Dès lors, je suis défavorable à ces amendements, qui ont pour effet de restreindre considérablement la portée de l’article 3.
    Et puis, cessons avec ces histoires, selon lesquelles nous voudrions ficher tout le monde ! Nous incarnerions, au fond, un État totalitaire contre lequel vous, députés de La France insoumise, seriez les seuls à lutter en permanence, chevaliers blancs de la liberté que vous êtes ! Arrêtez ! Comme je l’ai souligné lors de la présentation du texte, j’ai davantage entendu le mot « liberticide » depuis six mois que je suis à la tête du ministère de la justice qu’en trente-cinq ans d’exercice du métier d’avocat. Cessez avec ces caricatures permanentes ! Nous voulons ficher tout le monde – bien sûr ! D’ailleurs, quand on exige le port du masque, c’est aussi du totalitarisme, car tout est totalitarisme ! Heureusement que vous êtes là, les insoumis ! (Mme Maud Petit applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais j’ai beaucoup de mal à entendre, surtout au vu de votre parcours professionnel, qu’une personne mise en examen devrait être inscrite au FIJAIT car elle représenterait potentiellement un danger immédiat pour l’ordre public. J’imagine que tout juge d’instruction faisant face à une personne dangereuse, qu’il met en examen, la place en détention provisoire : je ne vois pas très bien, sinon, à quoi sert de l’inscrire dans un fichier. Je n’ai naturellement jamais été juge d’instruction, mais c’est ce que j’attendrais d’un juge d’instruction estimant qu’une personne représente un danger immédiat.
    Ensuite, j’entends bien l’explication que vient de donner le garde des sceaux, mais tout de même ! L’inscription automatique serait justifiée par la nature terroriste de l’infraction, nous dit-on. Prenons un exemple célèbre : M. Abaaoud est repéré chez un demeuré – son nom m’échappe – qui fait le malin devant les caméras de télévision de BFM TV. Le juge d’instruction se voit confier le dossier, non pas de M. Abaaoud, qui a été abattu par la police, mais de son logeur, qu’il met bien entendu en examen. Doit-il l’inscrire au FIJAIT alors que rien ne semble démontrer, à ce stade – c’est au juge du siège qu’il reviendra de l’établir –, qu’il savait avec certitude qui il hébergeait ? Je pourrais multiplier les exemples, mais je ne gaspillerai pas de temps de parole pour cela.
    Ce sont des situations de ce type qui nous amènent à dire qu’il y a une différence entre arrêter quelqu’un les armes à la main ou sur le point de commettre un attentat – comme les femmes qui avaient voulu faire exploser des bonbonnes de gaz à côté de la cathédrale Notre-Dame de Paris – et l’inscrire au fichier sans attendre une condamnation parce que, même si la présomption d’innocence prévaut, la culpabilité est quasi certaine ; et inscrire au FIJAIT une personne qui évolue dans l’environnement d’un terroriste mais qui sera peut-être totalement blanchie par la suite. Peut-être avons-nous mal compris l’article, mais il nous semble que l’inversion de la logique actuelle conduira à inscrire au fichier, de façon automatique et non argumentée, des individus qui sont peut-être blancs comme neige.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    On touche au fond de l’affaire : l’inscription au FIJAIT peut intervenir à différentes étapes de la procédure, mais, en l’occurrence, elle interviendrait dès le stade de la mise en examen, alors que la présomption d’innocence continue de s’appliquer. Or, les personnes inscrites à ce fichier sont soumises à des contraintes comparables à certaines mesures de sûreté, comme l’obligation de déclarer un changement d’adresse, c’est-à-dire à des mesures susceptibles d’être prises dans le cadre d’un contrôle judiciaire, lequel offre davantage de garanties.
    Or je crois fondamentalement que ce sont les garanties démocratiques et procédurales offertes par notre système de droit – la présomption d’innocence et le fait que ce soit le magistrat qui se prononce a priori sur l’inscription dans le FIJAIT plutôt que de s’y opposer a posteriori – qui font de notre pays une République s’opposant en tout point au projet politique de certains séparatistes ou terroristes qui voudraient que nous reniions ces acquis. Au fond, nous nous honorons de vivre dans un État de droit et de ne pas ficher des individus au simple motif qu’ils sont poursuivis pour apologie du terrorisme : y renoncer, ce serait en quelque sorte donner le point à nos adversaires.
    Je le dis solennellement, notamment à notre collègue rapporteure, puisque je sais qu’elle maîtrise le sujet : l’effet cliquet que nous dénonçons continue de s’appliquer, puisque le FIJAIT a été créé par la loi du 7 juillet 2015 et que tous les textes adoptés depuis permettent à l’exécutif de gagner du terrain sur la question du fichage. Car oui, monsieur le garde des sceaux, nous assistons à une extension problématique d’une multitude de fichiers en France. Si vous ne voulez pas le reconnaître, tant pis : si vous nous donnez le point en admettant que nous sommes les seuls à défendre ce point de vue et à lutter contre cette tendance, nous le prenons.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il faut, me semble-t-il, repréciser les choses : l’inscription dans le FIJAIT devient certes de plein droit. Mais le juge d’instruction, qui décide de la mise en examen s’il existe – c’est la loi – des indices graves et concordants justifiant cette mesure, peut parfaitement ordonner de ne pas procéder à l’inscription au fichier. Cette intervention judiciaire me paraît constituer une garantie largement suffisante. Voilà pourquoi, monsieur Lagarde, je crois devoir vous redire que le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Je n’ai rien à ajouter : M. le garde des sceaux a apporté les précisions nécessaires. Dans le cas que vous évoquez, monsieur Lagarde, il faut faire confiance au juge.

    M. Ugo Bernalicis

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    Cela vaut aussi dans l’autre sens !

    (Les amendements identiques nos 1453 et 1813 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Les amendements nos 1458 de M. Alexis Corbière et 1469 de M. Éric Coquerel ainsi que les amendements nos 1113 et 1115 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.

    (Les amendements nos 1458, 1469, 1113 et 1115, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements, nos 1400, 799, 1118 et 1119, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L’amendement no 1400 de M. Ludovic Pajot est défendu.
    La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 799.

    M. Éric Ciotti

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    Je veux évoquer ici la question des étrangers inscrits au FIJAIT, mais aussi au FSPRT – je reviendrai sur ce dernier point ultérieurement, les deux fichiers étant de nature différente.
    Je souhaite qu’au titre du CESEDA – code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile –, les personnes inscrites au FIJAIT soient automatiquement expulsées du territoire national. La logique à appliquer est claire : un étranger auteur d’une infraction terroriste n’a rien à faire en France. J’estime que le titre de séjour dont il bénéficie constitue en quelque sorte – pour utiliser une formule peut-être malvenue – une forme de contrat de confiance entre le pays d’accueil et la personne accueillie. S’il ne respecte pas les termes de ce contrat – et commettre une infraction terroriste, c’est, à tout le moins, ne pas les respecter –, il n’a plus rien à faire sur le territoire.
    Lorsque nous avons évoqué cette question en commission spéciale, vous aviez souligné, monsieur le garde des sceaux, qu’étaient également inscrites au FIJAIT des personnes mises en examen. Peut-être aurais-je dû modifier l’amendement, ce que je peux encore faire par voie de sous-amendement, pour exclure ces personnes de son champ d’application. À la lecture du rapport de la commission spéciale, je note toutefois qu’aucune personne mise en examen n’a, à ce jour, été inscrite au FIJAIT par un juge d’instruction – Mme la rapporteure ou M. le rapporteur général pourront le confirmer ou non. Ce fichier n’intègre que des auteurs âgés de plus de 13 ans, conformément à la loi.
    Je propose de rendre automatique l’expulsion des étrangers inscrits au FIJAIT, en application d’un principe clair, que j’invoquerai à nouveau au moment de défendre mon amendement relatif au FSPRT, qui est un fichier administratif : un étranger qui présente une menace pour l’ordre public, a fortiori une menace terroriste, n’a rien à faire en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Annie Genevard

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    Très bien !

    M. le président

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    Les amendements nos 1118 et 1119 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Nous avons déjà débattu de cette question en commission spéciale. Je vous remercie néanmoins de la précision que vous avez apportée, car elle me permet de rassurer nos collègues quant aux inscriptions au FIJAIT de personnes mises en examen : comme le révèle l’étude d’impact, les juges font un usage très circonspect de cette possibilité.

    M. Éric Ciotti

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    Exactement !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    C’est d’ailleurs une bonne chose.
    Vous me pardonnerez de répéter ce que j’avais déjà indiqué en commission spéciale : notre droit positif prévoit déjà un arsenal très fourni permettant d’éloigner du territoire les personnes représentant une menace pour l’ordre public, spécifiquement les terroristes. Cet arsenal inclut l’interdiction du territoire français prévue par le code pénal ; la possibilité donnée par le CESEDA à l’autorité administrative d’ordonner, par une décision motivée, qu’un étranger quitte sans délai le territoire français si son comportement constitue une menace pour l’ordre public ; ou encore l’expulsion, qui peut être prononcée si la présence en France d’un étranger constitue une menace grave pour l’ordre public.

    M. Éric Ciotti

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    On le sait, ça !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    L’article 25 du code civil prévoit la déchéance de nationalité pour un binational s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme. C’est exactement le cas de figure dont nous parlons. Enfin l’article L. 214-1 du CESEDA prévoit l’interdiction administrative du territoire lorsque la présence de l’étranger en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.
    Peut-être avons-nous parfois du mal à appliquer ces mesures, et nous devons être attentifs à cette difficulté. Mais nous disposons des outils législatifs, il n’est pas nécessaire d’en prévoir de supplémentaires. L’avis est donc défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous le savons tous, M. Ciotti est un député habile. Le FIJAIT est un fichier judiciaire et l’ITF – interdiction du territoire français – est une mesure judiciaire. Les autres mesures sont administratives. Ne confondons pas tout. Comme l’a très justement rappelé Mme la rapporteure, l’application de ces mesures pose parfois, certes, des difficultés mais a-t-on besoin pour autant d’une inflation législative qui a pour but, monsieur le député, de rappeler aux compatriotes qui suivent nos débats que vous êtes le fer de lance en matière d’expulsion des étrangers ? Il n’est pas illégitime que vous vouliez en tirer une forme de bénéfice politique, je l’entends bien, mais tout figure déjà dans les textes existants.
    Je veux bien admettre que certains puissent confondre le FIJAIT et une procédure administrative qui, elle, est davantage du ressort du ministère de l’intérieur. Mais de votre part, monsieur Ciotti, je ne peux l’imaginer car vous ne pouvez absolument pas être suspecté de ne pas connaître les règles. Naturellement, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, je suis défavorable à votre amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    J’entends votre réponse. J’aimerais cependant que vous n’usiez pas d’arguments politiques. Je ne cherche à tirer aucun bénéfice politique. À mes yeux, le principe est simple : un étranger qui représente une menace pour notre territoire n’a plus rien à y faire. Vous pouvez expliquer le contraire à qui vous voulez, vous ne convaincrez pas grand-monde, quel que soit votre talent, qui est grand – je le dis sans flagornerie. C’est un principe de base. Il faut l’appliquer, quelles que soient les difficultés.
    Je ne confonds pas un fichier judiciaire et une procédure administrative. J’ose cependant espérer que le ministère de l’intérieur et celui de la justice sont en contact et que, donc, une personne qui figure dans un fichier judiciaire peut faire l’objet d’une expulsion automatique décidée dans un cadre administratif. C’est ce que je demande.
    D’autres questions se posent. Concernant les ITF, par exemple, j’ai déposé d’autres amendements. Nous disposons bien sûr d’outils en la matière. Mais par cet amendement, je sollicite une automaticité d’expulsion pour toute personne condamnée. Je partage les réserves exprimées par Jean-Christophe Lagarde concernant les personnes mises en examen – même si, pour l’instant, il n’y en a pas. Celles-ci pourraient donc ne pas être concernées par cette disposition si mon amendement était adopté.  

    M. le président

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    Sur l’amendement no 1775, je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Ciotti, vous m’assurez que vous ne souhaitez tirer aucun bénéfice politicien d’un tel amendement. J’en prends acte.
    Je n’ai pas évoqué les autres amendements, proches du vôtre. Vous le savez, nous l’avons déjà dit, différentes prescriptions, notamment internationales, interdisent d’aller dans le sens que vous souhaitez. Pour ne rien vous cacher, ce qui me chagrine un peu, c’est que je ne crois pas que l’on puisse opposer le bon député, qui voudrait trier le bon grain de l’ivraie en expulsant les étrangers qui n’ont pas leur place sur notre territoire, et tous les autres.
    Je fais tout pour que les interdictions définitives du territoire prononcées par les tribunaux soient exécutées. Vous savez que l’on rencontre parfois certaines difficultés, comme lorsque les pays d’origine ne veulent pas accueillir leurs ressortissants. Il faut que nos concitoyens le sachent.
    Vous tentez d’établir une distinction entre vous, qui seriez favorable à l’expulsion des terroristes étrangers, et le garde des sceaux qui se satisferait de leur présence. Ce n’est pas la réalité. Vous êtes trop avisé pour ne pas le savoir.

    (Les amendements nos 1400, 799, 1118 et 1119, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 1193, 1775 et 1777, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L’amendement no 1193 de M. Ludovic Pajot est défendu.
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir les amendements nos 1775 et 1777, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Si vous me le permettez, je soutiendrai également les nos 1814 et 1776.
    Monsieur le garde des sceaux, j’entends tous les arguments juridiques opposables, y compris les impossibilités techniques. En tout cas, par pitié, ne me faites pas le procès d’une intention politicienne.
    Il est vrai que, au moment où nous débattons d’un projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République, de nombreux concitoyens ne parviennent pas à comprendre pourquoi on pourrait invoquer un droit à rester sur le territoire alors que l’on déteste la France au point d’attenter à la vie d’un seul de ses citoyens – ou malheureusement à plusieurs d’entre eux.
    À travers ces amendements, dont nous imaginons bien qu’ils ne seront pas adoptés, nous souhaitons exprimer notre souhait que l’Assemblée nationale témoigne de sa volonté d’avertir tout étranger que, dès lors qu’il se rend coupable d’une infraction terroriste – ce qui est cohérent avec mon amendement précédent, qui prévoyait d’exclure les personnes mises en examen de cette disposition –, il devra retourner dans son pays. Plus tard dans nos débats, j’irai un peu plus loin en formulant une demande qui n’est pas nouvelle, puisque le débat sur ce sujet remonte à 2015 : que tout étranger qui s’attaque à la France alors qu’il s’était vu accorder la nationalité française soit déchu de cette nationalité et retourne dans son pays d’origine.
    Les Français doivent entendre ce message car le risque, si nous ne trouvons pas un moyen de le leur transmettre, c’est qu’ils se disent, petit à petit, que la République que nous représentons, ouverte aux droits de l’homme, compréhensive et humaniste mais aussi ferme et déterminée à faire valoir ses droits, est trop faible et qu’il faut donc faire appel à d’autres personnes pour défendre ces principes, autrement dit se tourner vers les extrémistes. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public pour cet amendement.
    Le groupe UDI et indépendants veut montrer son attachement à cette idée qui, j’imagine, est partagée par d’autres députés, même s’ils ne voteront pas forcément pour cet amendement : une personne étrangère, ou même naturalisée, accueillie sur le territoire français et qui attente à notre pays en commettant des actes terroristes, n’a plus rien à y faire. Si nous demandions un jour aux Français par référendum s’ils sont d’accord avec cette affirmation, le « oui » serait majoritaire à l’évidence. Je ne voudrais pas que ce référendum prenne la forme de l’élection présidentielle et que les partis extrêmes en sortent vainqueurs.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Nous avons déjà débattu de ce sujet en commission spéciale. Vous vous référez à deux articles du CESEDA qui, certes, énoncent des catégories d’étrangers qui ne peuvent être expulsés, parce qu’ils sont par exemple parents d’enfants mineurs.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Eh oui !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Mais vous oubliez de préciser que ces deux articles prévoient justement des exceptions qui permettent d’expulser des personnes appartenant à ces catégories. L’article L. 521-2 dispose ainsi que l’expulsion est possible « si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique » – une exception qui, vous en conviendrez, peut viser des terroristes.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Encore plus explicité, l’article L. 521-3 cite « les comportements liés à des activités à caractère terroriste ». Votre amendement étant très largement satisfait par le droit positif, l’avis sera défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je partage totalement l’avis de Mme la rapporteure. Le droit positif permet d’expulser un étranger qui a commis des actes de terrorisme sur notre sol – et c’est la moindre des choses. Je ne veux pas que ceux qui nous écoutent pensent que l’opposition du Gouvernement à ces amendements repose sur le fait que nous souhaiterions que les étrangers qui ont commis de tels actes restent sur notre sol. Nous vous disons simplement que le droit permet déjà leur expulsion.
    Dès lors, la discussion est purement juridique. Votre amendement est notamment contraire au droit, constitutionnellement et conventionnellement protégé, de mener une vie privée et familiale. Je ne veux pas épiloguer là-dessus mais je ne veux pas que l’on puisse penser que nous nous opposerions à l’expulsion d’un étranger qui serait un terroriste. Ce n’est pas du tout le cas. Nous avons d’ailleurs pris certaines initiatives qui en témoignent. Je me souviens des déplacements de M. le ministre de l’intérieur dans différents pays pour faire en sorte que ces questions soient résolues de manière encore plus satisfaisante.
    Je partage votre point de vue, monsieur le député. Il n’y a pas d’un côté celui qui voudrait expulser l’étranger terroriste et de l’autre celui qui considérerait, par naïveté voire angélisme, qu’il a vocation à rester sur notre sol. Si des étrangers commettent des actes de terrorisme, je suis d’accord avec vous, ils n’ont plus rien à faire sur notre territoire. Mais nous disposons d’un arsenal législatif suffisant en la matière et nous nous efforçons de mettre ces mesures en application pour que nous ne soyons plus confrontés à ce type de situation.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je ne vous fais aucunement le procès – ni à vous ni au Gouvernement – de refuser ces expulsions.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non, bien sûr !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Cependant votre présence au Gouvernement est nécessairement provisoire : un ministre est en poste pendant cinq ans – ou plus si affinités.
    Je vous fais part d’une expérience personnelle : il y a dix ans, alors maire d’une commune, j’ai eu affaire à un individu, M. Abdelhakim Sefrioui, inconnu du grand public à l’époque mais que tout le monde connaît aujourd’hui puisqu’il a été mis en cause dans l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty. Il était venu se livrer à de nombreuses activités subversives. Ce n’était pas la première fois, il était déjà plus ou moins identifié comme faisant partie d’une certaine mouvance. Eh bien figurez-vous qu’on ne l’a pas expulsé, en vertu des articles L. 521-2 et L. 521-3 du CESEDA que vous avez cités, madame la rapporteure, car un magistrat a estimé qu’il avait le droit à une vie privée et familiale.
    J’entends bien le débat juridique, monsieur le garde des sceaux. Toutefois, quoi que disent les constitutions et les conventions, je ne suis pas d’accord pour autoriser quelqu’un qui propage la haine à rester sur le territoire national parce qu’il a fait un enfant en France.
    D’une certaine façon, ce sont presque des amendements d’appel. Je suis sûr que vous partagez cette conviction mais je souhaite que l’on réfléchisse à cette situation et que l’on tire des leçons de ce qui s’est passé : cette personne avait déjà été repérée comme dangereuse, le préfet de Seine-Saint-Denis de l’époque, Christian Lambert avait demandé son expulsion – il me semble qu’il n’avait pas encore la nationalité française – mais celle-ci n’a pas eu lieu.

    Mme Agnès Thill

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    Eh oui !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    J’ai malheureusement eu l’occasion d’être sali par de pseudo-journalistes mais il se trouve qu’il y a dix ans, c’est bien moi qui me battais contre cet individu. Ceux qui étaient absents, en revanche, c’étaient l’État français et l’État de droit.
    J’aimerais donc que l’on se rende compte que ce système ne fonctionne pas toujours et qu’il faudrait au moins – pardonnez ma trivialité – assainir certains tuyaux pour qu’il s’améliore et, surtout, pour que nos concitoyens soient assurés que la volonté que vous exprimez, monsieur le ministre, et que je partage, soit davantage suivie d’effet. Car, je le répète, il est nécessaire de faire partir des individus qui nous aiment tellement qu’ils veulent détruire notre pays ! Peu importe si de telles expulsions vont à l’encontre des conventions que nous avons signées car je rappelle que celles-ci datent d’une époque où nous n’imaginions pas que nous serions confrontés, dans notre propre territoire, à des individus en guerre contre nous. (Mme Agnès Thill applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vous prie par avance de m’excuser de ce que je vais dire, monsieur le député : ce qui m’importe à cet instant, ce sont ceux qui nous regardent car ils ne sont pas forcément tous des juristes. Et je ne veux pas, parce que c’est contraire à la vérité, qu’ils puissent penser que la position défavorable du Gouvernement et de Mme la rapporteure à vos amendements signifie que nous acceptons qu’un étranger condamné dans notre pays pour faits de terrorisme puisse continuer à y vivre.

    Mme Agnès Thill

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    Il faut accepter son amendement alors !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous me parlez de ce M. Sefrioui, qui, sauf erreur de ma part, fait l’objet d’une mise en examen dans l’affaire du malheureux professeur Samuel Paty. Un juge d’instruction a été saisi, et, vous le savez bien, je ne peux faire aucun commentaire. Avait-il été condamné antérieurement et pouvait-on l’expulser ? Je n’en sais rien. De toute façon, on ne peut pas tirer d’un cas particulier, fût-il un échec – c’est fort possible qu’il en soit un, monsieur Lagarde, mais je l’ignore –, des conclusions comme vous le faites. Je tiens ici à réaffirmer, sous le contrôle de Mme la rapporteure et de tous ceux qui connaissent précisément cette question, que le rejet de vos amendements ne trahit aucun angélisme ni aucune mansuétude coupable à l’égard d’un terroriste étranger condamné. Utiliser l’inscription au FIJAIT – car c’est bien là le cœur du débat – pour favoriser les expulsions me paraît en droit impossible, mais je rappelle qu’il existe déjà, et fort heureusement, des textes qui permettent d’expulser un étranger qui s’est mal conduit sur notre sol.

    (L’amendement no 1193 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 1775.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        115
            Nombre de suffrages exprimés                111
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                17
                    Contre                94

    (L’amendement no 1775 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 1777 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 2677 et 2680, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 2677.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Dans la suite de mon amendement précédent, celui-ci porte aussi sur le FIJAIT. J’ai bien entendu les arguments qui m’ont été opposés, mais je rappelle que si ce fichier a été créé après les attentats terroristes islamistes de 2015 pour empêcher la réitération d’actes semblables, il s’applique à d’autres situations de nature politique dans lesquelles le risque de récidive est nul. Il s’agit d’une dérive, constatée sur le terrain, qui peut provoquer des tensions. Même si j’ai entendu qu’il fallait faire confiance au juge, je pourrais évoquer des faits qui démontrent que, faute de devoir rendre plus systématiquement des comptes devant le peuple, des juges adoptent un comportement plus politique que juridique. Je tiens ces propos dans cette enceinte car j’en appelle à la loi pour encadrer l’utilisation du FIJAIT.
    Cet amendement propose de limiter la durée de l’inscription dans le fichier, à cinq ans pour les majeurs et à un an pour les mineurs condamnés notamment pour « destructions, dégradations et détériorations matérielles ». Il s’agit de ne pas faire d’amalgame entre des actes de nature différente, d’autant plus que le terrorisme islamiste consiste, lui, en une atteinte réitérée, fréquente et barbare à la vie humaine. Ce trait caractéristique ne correspond pas aux autres infractions. Cette mesure serait de nature à distinguer le bon grain de l’ivraie.

    M. le président

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    Puis-je considérer que l’amendement no 2680 de M. Michel Castellani a également été défendu, monsieur Acquaviva ?

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Oui, monsieur le président.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Même si ces deux amendements portent sur la durée de l’inscription au FIJAIT, ils sont très proches de celui que vous avez défendu précédemment car vous estimez que les infractions que vous évoquez ne sont pas de même nature que celles ayant entraîné la création du fichier. Mais je vous rappelle qu’en droit pénal, la distinction que vous faites n’existe pas. Pour cette raison et pour celles que j’ai développées antérieurement, l’avis sera défavorable sur les deux amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Acquaviva, vous dites que les infractions ne sont pas de même nature. On peut en discuter, je le comprends, mais, en tant que garde des sceaux, je suis avant tout ici pour répondre juridiquement. Sur la nature des actes, le distinguo pourrait s’envisager, mais en droit, non. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Je loue, sans ironie aucune, la rigueur juridique de Mme la rapporteure et de M. le garde des sceaux. Néanmoins, on parle, quand il s’agit d’islamisme, d’affaires graves, qui, d’autres l’ont dit avant moi dans l’hémicycle, soulèvent des questions d’ordre politique. Le problème de l’islamisme n’est pas qu’il se réfère à une religion mais à un totalitarisme qui atteint la société. L’islamisme est une question fondamentalement politique. Et les infractions dont je parle, concernées par cette dérive du FIJAIT – j’assume ce que je dis –, sont aussi, de par leur histoire des questions politiques. Entre le juridique et le politique, il y a la volonté des hommes. Et si je maintiens évidemment mon argument sur la différence de nature, je vous rappelle que j’ai surtout dit préalablement qu’il fallait prendre en compte l’absence de risque de récidive, obtenue grâce à l’apaisement qui a été atteint. Depuis des années, il n’y a pas eu de réitérations de ces infractions, contrairement au terrorisme islamique qui nous plonge dans une guerre permanente. Je veux bien penser que le droit doit être écrit avec beaucoup de rigueur, mais il est là pour servir des objectifs politiques, comme le montre ce projet de loi, qui se veut une réponse à des dérives totalitaires. Et c’est pourquoi je m’exprime sur le FIJAIT. Un apaisement ayant été obtenu par les sociétés des territoires concernés – ce qui vaut d’être noté –, il convient d’éviter la systématisation de ce fichier, qui créera de nouvelles tensions car celui-ci empêche la réinsertion et n’évite pas l’instrumentalisation politique – là encore, j’assume ce que je dis. Le droit, en la matière, devra bien être modifié et proportionné à la réalité des infractions.

    (Les amendements nos 2677 et 2680, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Les amendements nos 1466 de M. Éric Coquerel, 75 de Mme Marine Brenier et 885 M. Pierre-Henri Dumont sont défendus.

    (Les amendements nos 1466, 75 et 885, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 1814 de M. Jean-Christophe Lagarde a déjà été défendu.

    (L’amendement no 1814, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 1462.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je le défendrai rapidement pour ne pas consommer trop de temps de parole, mais je souligne qu’il porte, comme le suivant, sur les mineurs : voilà qui répond à votre souhait, que je comprends, madame la rapporteure, de scinder les différentes thématiques de nos amendements. J’attends des réponses de votre part, ainsi que de la vôtre, monsieur le ministre, puisque ce sujet se retrouve dans le code de la justice pénale des mineurs.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Cet amendement vise à interdire que des mineurs inscrits au FIJAIT puissent être astreints à des obligations à titre de mesures de sûreté. Je rappelle que ces mesures, qui découlent de l’inscription à ce fichier, consistent en l’obligation de justifier de son domicile, de déclarer ses changements d’adresse et de prévenir de tout départ du territoire. Or qu’il y soit inscrit ou non, tout mineur mis en examen est soumis à ces mesures et, éventuellement, à une interdiction de quitter le territoire prononcée par le juge.

    M. Ugo Bernalicis

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    Seulement si le juge le décide !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Oui. Il est astreint à ces obligations du fait de sa mise en examen et non à cause de son inscription au FIJAIT. Je ne vois pas par ailleurs pourquoi une personne condamnée, fût-elle mineure, ne devrait pas être inscrite au FIJAIT, dont l’objectif est de prévenir la récidive. Il faut tenir compte de la dangerosité : je rappelle qu’il s’agit de terrorisme. L’avis est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 1462 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 1464 de M. Alexis Corbière est défendu.

    (L’amendement no 1464, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 2534.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Cosigné par M. le rapporteur général, il répondra, me semble-t-il, à certaines craintes exprimées dans notre assemblée puisqu’il vise à clarifier la rédaction finale de l’article 706-25-7 du code de procédure pénale en supprimant l’alinéa 10 de l’article 3 du projet de loi.
    Seront maintenues en l’état les dispositions relatives aux obligations déclaratives des auteurs d’actes terroristes – condamnés ou mis en examen –, tandis que les auteurs d’apologie du terrorisme ou de provocation au terrorisme – adjonction bienvenue du projet de loi – ainsi que ceux qui reproduisent ou transmettent des données à cette fin ne seront astreints à ces obligations que pour une période plus limitée et seulement en cas de condamnation. Je suis prête à répondre aux éventuelles demandes de précision si je n’ai pas été suffisamment claire.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le Gouvernement est défavorable puisqu’il va proposer, dans l’amendement suivant, de supprimer, lui aussi, l’alinéa 10, mais également d’exclure des mesures de sûreté les auteurs de délits d’apologie d’actes de terrorisme. Cette exclusion se justifie par la prise en compte des niveaux de gravité des infractions qui donnent lieu à une inscription au FIJAIT. Il s’agit de respecter le principe de proportionnalité dans le prononcé des mesures de sûreté.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je souhaiterais obtenir quelques précisions. En commission, Mme la rapporteure nous a expliqué que, s’agissant de l’apologie ou de l’incitation au terrorisme, le quantum des peines n’était pas suffisant pour prendre des mesures de sûreté. C’est ce que vous venez de dire d’une certaine façon : vous considérez que ces délits, étant moins graves, donneront lieu à des mesures de sûreté plus courtes.
    L’amendement du Gouvernement, que le garde des sceaux a commencé à défendre – nous devons en parler maintenant, puisqu’il tombera si celui de Mme la rapporteure est adopté –, prévoit, si j’ai bien compris, de maintenir les mesures de sûreté pour ceux qui incitent au terrorisme, et non pour ceux qui se rendent coupables d’apologie du terrorisme.
    Dans tous les cas, les mesures de sûreté visent à éviter la fuite ou la disparition dans la nature, sur notre territoire, d’individus coupables – il est question ici de personnes condamnées et non pas simplement mises en examen – d’apologie du terrorisme ou d’incitation à commettre des actions violentes de nature terroriste. Il me semble que, dans les deux cas, nous avons besoin de savoir où ces individus se trouvent pour mieux les surveiller. On nous explique très régulièrement, et c’est parfaitement compréhensible, qu’il est difficile de surveiller un individu avec une intensité suffisante, car sa surveillance mobilise un grand nombre de personnes : c’est pourquoi on impose des mesures de sûreté.
    Bien sûr, avoir commis un acte terroriste n’est pas la même chose que d’en avoir vanté les mérites ou d’avoir incité à le commettre mais, en matière de sécurité et d’efficacité, il nous semble que maintenir les mesures de sûreté serait utile. C’est pourquoi je voudrais bien comprendre ce qui se joue entre l’amendement de la rapporteure et celui du Gouvernement, pour pouvoir nous exprimer en toute connaissance de cause sur le premier, dont l’adoption, je le répète, ferait tomber le second.

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Abadie.

    Mme Caroline Abadie

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    Je rappelle que l’article 3 prévoit d’inscrire les auteurs de délits d’apologie du terrorisme dans le FIJAIT. De plus, nous avons, en commission, étendu les mesures de sûreté aux auteurs de propos faisant l’apologie du terrorisme. C’est un sujet important : en marge de chaque événement terroriste, des bulles de haine se forment sur internet réunissant des individus faisant l’apologie de ces crimes. Il ne faut pas croire que nous découvrons ce funeste phénomène : cela fait longtemps que nous luttons contre lui. La loi SILT, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme de 2017, a déjà sorti ces propos de haine de la loi de 1881 sur la liberté de la presse : ils relèvent désormais du code pénal.
    Le présent projet de loi renforce encore la possibilité de se protéger des auteurs de propos faisant l’apologie du terrorisme en permettant à l’administration d’avoir accès au fichier FIJAIT avant un recrutement. J’évoquerai également la proposition de loi de la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, adoptée l’été dernier, mais qui a été malheureusement censurée par le Conseil constitutionnel : elle prévoyait des mesures de sûreté pour tous les auteurs d’infractions terroristes.
    J’ai retenu deux choses de la décision du Conseil constitutionnel. La première est qu’il ne faudrait pas imaginer que des mesures de sûreté aient vocation à se substituer à des mesures visant à favoriser la réinsertion. C’est sans doute l’occasion de faire la promotion du programme d’accompagnement individualisé et de réaffiliation sociale – PAIRS –, qui vient d’être évalué et dont les résultats en matière de lutte contre la récidive sont très intéressants. L’évaluation a concerné les quatre centres de prise en charge de la radicalisation en milieu ouvert : c’est dans cette voie que je souhaite que nous avancions. En second lieu, pour le Conseil constitutionnel, la loi était disproportionnée : les mesures de sûreté doivent être prises pour des faits très graves, afin d’empêcher que leurs auteurs, dont on sait qu’ils sont dangereux, ne récidivent.
    Tout étant de ceux qui pensent que les paroles influencent et conduisent parfois aux actes, je refuse toutefois que les législateurs que nous sommes fassions l’amalgame entre des actes et des paroles : leur dangerosité n’est pas équivalente. De ce fait, je ne crois pas que des mesures de sûreté puissent frapper des auteurs de propos, aussi choquants et dangereux qu’ils puissent être.
    Je salue l’amendement de la rapporteure qui permet de revenir sur la mesure adoptée en commission spéciale, en excluant de l’application des mesures de sûreté les personnes mises en cause pour apologie du terrorisme. Néanmoins, elles continueraient de s’appliquer aux personnes condamnées : nous pensons donc que l’amendement ne va pas assez loin et, pour cette raison, nous lui préférons l’amendement n° 2189 du Gouvernement,…

    M. Bruno Millienne

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    Nous aussi !

    Mme Caroline Abadie

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    …qui rétablit une situation qui nous semble préférable. C’est donc avec regret que nous voterons contre l’amendement n° 2534 au profit du n° 2189, puisque, en effet, l’adoption du premier ferait tomber le second.

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Je vais, par anticipation, répondre sur l’amendement du Gouvernement et reprendre la chronologie de nos débats sur l’article 3.
    Au préalable, je rappellerai que les mesures de sûreté dont nous discutons font obligation, à ceux auxquels elles s’appliquent, de déclarer leur adresse, de justifier de leurs changements de domicile et d’avertir les autorités lorsqu’ils quittent le territoire français.
    La commission spéciale a adopté l’article 3 du projet de loi qui élargit le FIJAIT aux personnes condamnées ou mises en cause pour des infractions aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal : le premier punit « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes », et le second, « le fait d’extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l’apologie publique d’actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes ». Par rapport au texte initial, la commission spéciale a renforcé la portée de cet article, en imposant aux personnes condamnées pour ces délits l’obligation de déclarer leur adresse et leurs éventuels changements d’adresse aux services de police et de gendarmerie, ainsi que de signaler leurs déplacements à l’étranger, comme doivent déjà le faire les personnes condamnées ou mises en cause pour des actes de terrorisme.
    Le Gouvernement souhaite revenir au texte initial car il considère, comme le précise l’exposé sommaire de l’amendement n° 2189, que ces mesures de sûreté sont « excessives » dès lors que les délits ne répriment que « des abus de la liberté d’expression ». Cette position est discutable et je ne la partage pas. D’une part, l’apologie du terrorisme et la provocation au terrorisme ne relèvent pas, heureusement, du débat d’idées ni même de l’abus de la liberté d’expression : leur incrimination figure non pas dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais dans le code pénal, à côté des crimes et délits de droit commun. D’autre part, le texte issu de la commission spéciale est très mesuré : les auteurs d’apologie du terrorisme ou de provocation au terrorisme sont astreints à une obligation déclarative de cinq ans pour les majeurs et de trois ans pour les mineurs, tandis que les auteurs d’actes de terrorisme sont tenus à cette obligation pour dix ans s’agissant des majeurs et cinq ans pour les mineurs.
    De plus, et c’est également l’objet de mon amendement, seuls les condamnés seront astreints aux mesures de sûreté, alors que pour les auteurs d’actes de terrorisme, une simple mise en examen entraîne la soumission aux obligations déclaratives. Le texte issu de la commission respecte, à mon sens, une proportionnalité entre les mesures de sûreté imposées aux apologistes et aux provocateurs – qui sont parfois aussi dangereux, voire plus, que les exécutants puisque, cela a été rappelé, les paroles peuvent conduire aux actes –, et celles imposées aux auteurs d’actes de terrorisme.
    Comme je le rappelle souvent, je suis très sensible au contrôle de constitutionnalité et, plus particulièrement, au respect de la proportionnalité. Au regard du texte auquel nous pouvons aboutir, le risque de censure ne me semble pas réel.
    Par ailleurs, je suis surprise que le Gouvernement ne voit dans l’inscription au FIJAIT qu’un moyen de permettre aux administrations d’effectuer un criblage des personnes qu’elles emploient ou qu’elles recrutent. Je l’ai dit dès le début de l’examen de l’article 3 : c’est une vision réductrice de la nature du fichier qui, aux termes de la loi, a pour objet de prévenir le renouvellement des infractions en matière de terrorisme et de faciliter l’identification de leurs auteurs. Cela justifie pleinement la mesure de sûreté adoptée par la commission spéciale et que, je l’espère, notre assemblée va maintenir.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je disais tout à l’heure à monsieur le député Acquaviva qu’on pouvait distinguer nature et droit, comme on distingue droit et morale : c’est ce qu’on apprend à la faculté.
    Sur le fond, je n’ai aucun problème avec l’amendement de la rapporteure. Je comprends ses intentions et elles sont éminemment louables. Mais, voyez-vous, ces murs ont des oreilles et ils ont parfois une mémoire : j’ai soutenu la proposition de loi de Mme Braun-Pivet, je me suis battu pour dire que le bracelet électronique n’était pas une mesure privative de liberté, mais qu’il s’agissait d’une mesure de sûreté. Vous savez cependant que le Conseil constitutionnel a été d’une extrême vigilance sur la question de la proportionnalité.
    Clairement, si vous votez l’amendement de la rapporteure, nous allons vers une possible déclaration d’inconstitutionnalité qui fera tomber l’article 3. Pardon de le dire : en tant que garde des sceaux, c’est un risque que je ne veux pas assumer. Permettez-moi de développer mon propos. Ce qui m’oppose à la rapporteure, c’est une analyse juridique et rien d’autre car, sur le fond, je pourrais être mille fois d’accord avec elle.
    À l’origine, la loi du 24 juillet 2015 créant le FIJAIT a exclu les infractions d’apologie et de provocation au terrorisme. Deux autres rappels sont indispensables. Tout d’abord, le Conseil d’État, pour apprécier le caractère nécessaire, adapté et proportionné du dispositif alors mis en place, a constaté qu’il était réservé aux infractions d’une particulière gravité que constituent les actes de terrorisme. Ensuite, le Conseil constitutionnel n’a jamais considéré que les délits d’apologie d’actes de terrorisme constituaient des infractions d’une « particulière gravité », expression qu’il réserve aux actes de terrorisme.
    Le Gouvernement, prenant acte de l’évolution de notre société, souhaite revenir sur ces équilibres, mais de façon mesurée. Il s’agit donc d’intégrer ces délits au FIJAIT, mais sans y adjoindre de mesures de sûreté. Voilà le point d’équilibre auquel nous tenons beaucoup. Ceux qui ont commis des actes de terrorisme se sont réunis pour préparer et organiser matériellement un attentat : ils méritent d’être l’objet de mesures de sûreté. En  revanche, ceux qui abusent, de façon odieuse, je le concède, de leur liberté d’expression, peuvent-ils faire l’objet du même traitement ? Quel serait l’objectif ?
    Ce qui nous importe, c’est que ces derniers soient inscrits au FIJAIT, donc visibles pour les employeurs publics au moment d’une embauche. Ces auteurs d’apologie d’actes de terrorisme doivent par conséquent être inscrits au FIJAIT mais exclus des mesures de sûreté. Sinon, compte tenu du risque, que personne ne peut ignorer, de contamination à l’ensemble de l’article d’une éventuelle décision d’inconstitutionnalité, le législateur que vous êtes prendrait alors un risque qui, pardon de vous le dire ainsi, n’en vaut franchement pas la peine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Erwan Balanant

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    Ça ne supprimerait pas tout l’article !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Eliaou.

    M. Jean-François Eliaou

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    J’ai bien compris votre démonstration, monsieur le garde des sceaux, qui était très claire. Mais qu’en est-il de l’utilité ou de la fonctionnalité du FIJAIT si, une fois inscrits les auteurs du délit, on ne les suit pas pendant les cinq années de leur inscription, nous privant ainsi de renseignements concernant notamment un éventuel changement d’adresse ou une sortie du territoire national. J’ai par ailleurs compris votre volonté d’inscrire au FIJAIT des délits constitués seulement de provocations, de paroles et non d’actes – je me pose la question de l’utilité de cette inscription.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je pense avoir répondu à votre question. L’employeur public a accès au FIJAIT et c’est une raison suffisante. Pour le reste, je l’ai dit, les mesures de sûreté ne franchiront pas le cap du Conseil constitutionnel. Reste cet outil, consultable, mais dont le but est également – et ce n’est pas le seul, vous avez raison, madame la rapporteure – de permettre à l’employeur public, au sens très large du terme, de vérifier qu’on ne fait pas entrer le loup dans la bergerie.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    J’entends l’argumentation du garde des sceaux et sa crainte de l’inconstitutionnalité du dispositif, encore que j’aie avec lui un désaccord non pas juridique mais politique. Le désaccord politique concerne ce que j’ai entendu précédemment : quelqu’un qui incite au terrorisme ou qui fait l’apologie du terrorisme est aussi dangereux voire moins dangereux que celui qui passe à l’acte et, par conséquent, les peines qu’il encourt sont moins importantes. Le Conseil constitutionnel en a décidé ainsi. Je ne suis pas sûr, d’ailleurs, que ce soit son rôle. Si vous ne pouvez vous prononcer sur le Conseil, j’ai pour ma part la liberté de m’exprimer et je considère qu’il a parfois une vision très extensive des choses et qu’il nous revient de décider si l’idéologue est plus dangereux que le bras qu’il a armé. Car il peut armer plusieurs personnes. Celui qui commet un attentat terroriste, normalement, nous parvenons à le neutraliser d’une façon ou d’une autre, alors que l’idéologue continue à propager sa haine.
    Certes le délit peut être sanctionné d’une peine inférieure mais la surveillance dont son auteur fait l’objet ne me semble pas devoir être inférieure ; elle devrait même être supérieure. Nous avons en effet tous vu, lu, entendu des idéologues islamistes – mais il pourrait s’agir d’idéologues d’une autre forme de barbarie – qui sont dans la nature, continuent à être appelés « émir » et qui, je le répète, nécessitent une étroite surveillance.
    Je me range néanmoins à l’avis du garde des sceaux concernant le risque d’inconstitutionnalité. Ce n’est pas ici que nous allons changer la Constitution, hélas, notamment pour dire au Conseil constitutionnel que la volonté du peuple doit pouvoir être, elle aussi, à un moment donné, prise en considération.
    Il me semble, par ailleurs, qu’il est un argument que vous n’avez pas employé, monsieur le ministre, à moins de vous avoir mal compris. Le FIJAIT est un fichier judiciaire qui donne le droit aux administrations de disposer de renseignements. Celui qui fera l’apologie du terrorisme ou incitera au terrorisme figurera aussi au fichier des personnes radicalisées et c’est celui-ci qui servira à sa surveillance, raison pour laquelle vous ne souhaitez pas qu’on prévoie de mesures de sûreté les concernant. Même si je ne suis pas en désaccord avec vous, cela signifie concrètement que l’individu en question ne va pas être dans la nature sans surveillance puisque son nom figurera dans un fichier de police – mais il ne sera pas astreint à des mesures de sûreté en tant qu’il est inscrit au fichier judiciaire, ce qui est l’argument le plus convaincant, en particulier pour répondre au Conseil constitutionnel.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Merci !

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Je trouve les deux explications qui nous ont été données intéressantes et claires. Je comprends votre préoccupation, monsieur le ministre. Il est vrai qu’une censure de cet article serait très préoccupante. J’ai toutefois une question à vous poser.
    Il s’agit ici de lutter contre le séparatisme, contre la diffusion de la haine et il est vrai qu’on pourrait penser que le Conseil constitutionnel comprenne que le législateur ait voulu caractériser son action par une extrême sévérité et s’éviter tout risque. Vos réserves expriment une préoccupation que je comprends, mais je comprends aussi qu’on veuille traiter les deux cas exposés de la même façon, sans se soucier du principe de proportionnalité, cela au regard du contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi, à savoir la lutte contre le séparatisme. Peut-être cette sévérité est-elle l’un des outils nécessaires – qui manque par ailleurs dans le texte.
    Ensuite, on ne mesure pas les effets de l’apologie : on ne sait pas ce que l’idéologue a fait. Il a produit des effets qui ne se réduisent pas au délit caractérisé et qui persistent après sa commission. C’est pourquoi la mesure de sûreté ici prévue pourrait avoir un sens.
    Enfin, de plus en plus, vous travaillez sur la mise en danger – relative à l’environnement pour ce qui vous concerne. Ainsi est-il de plus en plus question de la prévention du risque, on considère de plus en plus que l’intention doit être autant sanctionnée que l’acte. Pour cette raison, on pourrait imaginer un dispositif.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Madame Untermaier, nous reviendrons dans quelques heures, en détail, sur ce que vous évoquez : le délit de mise en danger.
    Pour le reste, monsieur Lagarde, vous avez raison : je suis ici parce que le FIJAIT relève de l’autorité judiciaire, c’est mon domaine de compétence. D’autres fichiers sont du domaine de compétence de la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur. L’inscription au FIJAIT, qui ne prévoit pas de mesure de sûreté, ne signifie pas que l’individu fiché soit dans la nature, ait le droit d’aller où il veut, ne soit pas surveillé par les services. C’est une pure question de droit. Je ne veux pas prendre le risque d’un anéantissement de cet article pour des raisons de constitutionnalité et je suis, me semble-t-il, pleinement dans mon rôle.
    Vous exprimez ensuite votre avis sur des décisions du Conseil constitutionnel. Il n’engage que vous. Je suis légaliste, pour ma part, et les décisions du Conseil, je les lis sans faire aucun commentaire. Elles deviennent du droit positif et nous devons le prendre en considération.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Je suis assez sensible à l’argument de M. le ministre bien qu’il n’ait pas présenté son amendement, d’un point de vue formel.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est vrai.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Je souhaite simplement connaître la position des rapporteurs puisqu’ils paraissent camper sur leur position. Si nous adoptions cet amendement, il ferait tomber celui du Gouvernement, si j’ai bien compris. Pourquoi, par conséquent, maintenez-vous votre position malgré le risque d’inconstitutionnalité évoqué par M. le garde des sceaux ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Excusez-moi, cher collègue, mais je ne campe pas sur une position. Il n’est question dans les propos que je viens d’entendre que de l’hypothèse selon laquelle prévoir les mesures de sûreté que j’ai rappelées risquerait d’être inconstitutionnel. Or on oublie que mon amendement, adopté en commission, prévoit un régime plus doux que celui en vigueur selon lequel l’obligation de sûreté s’impose pour cinq ans pour les mineurs et dix ans pour les majeurs, délais que je propose de ramener à respectivement trois et cinq ans.
    Ensuite, me semble répondre au principe de proportionnalité le fait qu’il s’agissait – je parle au passé parce que je crois avoir compris quel sera le résultat du vote – de n’imposer ces obligations de sûreté qu’aux personnes condamnées et non à celles qui ne sont que mises en examen, comme pour les autres infractions terroristes. Ce régime différencié, cette durée moindre, et l’idée selon laquelle cette disposition aurait été réservée aux condamnés et non aux mis en examen me laissent penser que le risque d’inconstitutionnalité pour entorse au principe de proportionnalité n’était pas avéré.

    (L’amendement no 2534 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 2189.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Défendu ! (Rires.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je crois comprendre que c’est une incitation à la brièveté. (Sourires.) Je pense que tout le monde a compris le sens de mon amendement auquel, vous l’aurez deviné, je suis favorable. (Sourires.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Défavorable. (Sourires.)

    (L’amendement no 2189 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 35 et 169rectifié n’ont plus d’objet.)

    M. le président

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    La parole est à M. Robin Reda, pour soutenir les amendements nos 716, 717, 718 et 719, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Robin Reda

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    L’article 706-25-9 du code de procédure pénale permet aux maires d’accéder au FIJAIT par l’intermédiaire du préfet pour toutes les décisions qui concernent le personnel dans l’administration : nominations, affectations, révocations… Ces quatre amendements visent à élargir le champ de la consultation du FIJAIT, permise aux maires et aux présidents des exécutifs locaux, à toute décision relative aux attributions liées à des prestations de service public – places en crèche, logements sociaux, permis de construire, location de salle… Ainsi, au moindre doute, les maires, toujours par le truchement du préfet, pourront alerter les autorités sur les prestations demandées – étant entendu que les amendements ne prévoient pas qu’ils puissent refuser l’accès au service public, qui reste universel.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Les informations contenues dans le FIJAIT ne sont pas directement accessibles aux maires, vous le savez, mais ces derniers peuvent, par l’intermédiaire du préfet, avoir communication de ces informations pour les décisions administratives, de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation. Vos quatre amendements, cher collègue, ont pour objet d’élargir ce champ lorsque le maire est saisi d’une demande de permis de construire, de place en crèche, d’attribution d’un logement social ou de mise à disposition d’une salle municipale.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Je comprends bien l’intention des auteurs de ces amendements, inspirés d’un souci légitime de protection de la population des communes concernées, mais j’essaie de faire la part des choses. Il ne faut pas oublier que le FIJAIT ne représente pas un niveau de sécurité juridique équivalent à celui du casier judiciaire. Les condamnations non définitives y figurent, et même les simples mises en examen, qui ne préjugent pas de la culpabilité des personnes qui en font l’objet.
    Notre époque est assez friande d’interdictions ou de déchéances imposées en dehors de toute procédure judiciaire. La personne dont le nom figure au FIJAIT doit-elle se voir refuser une place en crèche, un logement social ou l’accès à une salle municipale sur la simple décision d’un élu ? Il n’est pas facile de défendre les droits individuels des personnes inscrites au FIJAIT, mais, comme je l’ai dit, je fais la part des choses et il est vrai que je n’étais pas sur le même registre tout à l’heure. Toutefois, je ne crois pas que nous puissions condamner ces personnes en dehors de toute procédure judiciaire à une sorte de mort civile. Avis défavorable à ces quatre amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

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    L’avis est également défavorable aux quatre amendements, non seulement pour les raisons juridiques que Mme la rapporteure a fort justement évoquées, mais également pour des questions de fond, particulièrement en ce qui concerne l’amendement relatif aux places en crèche. Celles-ci ne sont pas juste un service proposé par les collectivités aux parents : elles sont aussi un mode d’accueil du bébé ou du jeune enfant. Si un jeune enfant se trouve dans une famille dont certains comportements peuvent paraître problématiques, il est au contraire encore plus nécessaire de pouvoir l’accueillir. Je sais que vous y êtes sensible, compte tenu de votre parcours d’élu local.

    M. le président

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    La parole est à M. Robin Reda.

    M. Robin Reda

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    Vous venez, madame la ministre déléguée, de motiver mon amendement, qui n’a aucun but répressif – on peut en débattre, mais il irait alors trop loin au plan juridique. Il vise à identifier. C’est d’abord un enjeu de dialogue avec les maires : on leur a promis beaucoup de choses et l’accès au FIJAIT pour le recrutement des personnels est déjà une avancée. Dans le débat sur le fichier S, il leur a été rétorqué que les fiches S ne recensent pas que des personnes liées au terrorisme. Dont acte.
    Le FIJAIT étant beaucoup plus ciblé et plus concret, l’objectif est plutôt d’éviter les commérages, qui ne manquent pas dans les territoires : le maire est mis au courant de certains comportements par telle ou telle cellule de veille ou par le préfet, de manière assez détournée. Plutôt que d’éviter les commérages, que le maire puisse avoir accès, toujours par le filtre de la préfecture, au FIJAIT, afin de savoir si ces personnes qui usent de certains services publics, par exemple pour leur enfant, doivent être placées sous la surveillance du pouvoir administratif local, me paraissait être de bon aloi.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je suis sensible aux propos de M. Reda mais, en même temps, en désaccord avec les trois premiers amendements : pour l’obtention d’un logement social ou d’une place en crèche, je ne vois pas l’intérêt pour un maire de connaître l’inscription au FIJAIT du demandeur. En revanche, l’amendement no 719 ne met pas en cause un droit individuel. Nous avons déposé un amendement dans le même sens, mais plus large – peut-être trop.
    Il a traîné dans les couloirs de votre ministère l’idée que les élus locaux pouvaient être irresponsables, voire certains d’entre eux mis sous tutelle parce qu’ils seraient trop peu rigoureux à l’encontre de personnes peu recommandables. Certes ! Mais il peut aussi arriver que l’élu ait en face de lui un responsable associatif qui demande l’attribution d’une salle et dont il ne sait pas qu’il est inscrit au FIJAIT. Ce n’est plus l’exercice d’un droit individuel qui est alors en cause, mais l’organisation d’une activité collective : le maire devrait savoir à qui il a affaire. Or il ne le peut pas.
    Ce serait un véritable paradoxe de votre part que d’envisager, à juste titre, de prendre des mesures vis-à-vis de maires qui se rendraient complices, ne serait-ce que par omission, de personnes qui cherchent à combattre la République, tout en leur refusant de pouvoir savoir à qui ils ont affaire, non pas quand ces personnes veulent un logement social ou une place en crèche, mais quand elles organisent des activités collectives.
    Je ne parle pas des villages, mais le maire d’une commune assez vaste, notamment dans les agglomérations où les mouvements de population sont importants, peut se retrouver face à une personne dont il ignore le passé, alors même qu’elle lui fait une demande pouvant favoriser une activité subversive, voire dangereuse, en tout cas indésirable sur le sol de la République. Vous devriez reconsidérer votre avis sur l’amendement no 719.
    Je le répète : les maires n’ont pas le droit d’accéder au fichier des personnes radicalisées car c’est un fichier de renseignement ; ils n’ont pas non plus accès au fichier S pour la même raison. Ils ont, en revanche, accès au FIJAIT pour éviter de recruter une personne pouvant se révéler dangereuse dans les activités qu’ils lui confieront. Or une personne peut aussi se révéler dangereuse lorsqu’elle est responsable associatif. L’élu peut, en effet, lui donner des moyens, voire des subventions, tout en ignorant que les activités de cette personne peuvent représenter un danger pour la République. Ce devrait être alors un droit pour le maire que d’être informé.

    (Les amendements nos 716, 717, 718 et 719, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 1776 de M. Jean-Christophe Lagarde vient d’être défendu.

    (L’amendement no 1776, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 1114 et 1779, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L’amendement no 1114 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
    Sur l’article 3, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement no 1779.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je l’ai également défendu à l’instant. Même si le chamde l’amendement est trop large, il n’en reste pas moins que le droit d’information du maire ne devrait pas être cantonné aux recrutements auxquels ils procèdent. Comme je l’ai déjà souligné, le maire peut, après la signature d’une convention, subventionner une association et mettre des moyens à sa disposition pour s’occuper d’enfants, par exemple dans le cadre d’activités sportives.
    Il est tout de même paradoxal que, lorsque le maire choisit de placer une école municipale du sport en régie avec, donc, du personnel municipal, il ait le droit de savoir qui il recrute, mais que, s’il la confie à une association dans le cadre d’une convention, il n’a plus ce droit. Est-ce bien raisonnable ? J’ai posé la question au ministre mais je n’ai pas obtenu de réponse. Le Gouvernement pourrait-il nous expliquer pourquoi le maire n’a plus le droit de savoir à qui il a affaire lorsqu’il confie des activités collectives à une association dans le cadre d’une convention, laquelle n’est d’ailleurs pas une délégation de service public ? Une ville, en effet, ne procède pas à une délégation de service public en autorisant une association à diriger des activités dans une installation municipale et en la subventionnant.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable. Les maires ont déjà accès au FIJAIT pour des décisions administratives de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation. Il paraît excessif d’élargir cet accès sans que cela réponde à un objectif précis. Ce fichier n’a pas vocation à être connu en dehors des motifs spécifiquement et précisément définis par la loi. Les fichiers ont vocation a être utiles tout en restant confidentiels.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Monsieur le garde des sceaux, je veux bien vous servir de sparring-partner pour le Sénat, car vous devrez lui présenter des arguments plus convaincants. Si je redeviens maire et que je confie une activité à une personne, si je la recrute, j’aurai le droit de tout savoir sur elle ; en revanche, si je confie exactement la même activité à un responsable associatif, je n’aurai plus le droit de rien savoir sur elle. Je serai pourtant toujours un peu responsable, ne serait-ce que moralement, de l’activité qui sera menée, du service que j’offrirai à la population, des personnes qui l’encadreront. Ce cas de figure n’a manifestement pas été envisagé ; je souhaiterais qu’on y réfléchisse pendant la navette parlementaire : elle est là pour cela.

    (Les amendements nos 1114 et 1779, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1244.

    M. Philippe Vigier

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    L’article 706-25-9 du code de procédure pénale recense les personnes qui relèvent du FIJAIT, dont, chacun le sait, l’objectif est d’empêcher de nouvelles vagues de terrorisme et de faciliter l’identification des auteurs – il contient toutes les personnes de plus de treize ans condamnées ou mises en cause pour ces infractions. Je me souviens des attentats de 2015 : à l’époque, on parlait beaucoup des fichés S. Là, il s’agit des personnes qui figurent dans ce FIJAIT.
    Il y a longtemps que nous cherchons à faire passer un message. Vous savez très bien qu’au sein des collectivités territoriales, des emplois sont plus fragiles que d’autres, notamment ceux qui sont exposés au public : je pense en particulier à la petite enfance, ainsi qu’à tout le secteur éducatif. Or le FIJAIT ne s’appliquant qu’au domaine des transports et aux sous-traitants, il ne couvre pas tout le champ du sanitaire et du social, ni celui du système éducatif. Malheureusement, il y a des hommes et des femmes qui ne devraient pas y travailler. Or, si l’élu, quand il procède au recrutement, n’a pas les informations nécessaires, comment fait-il ? Vous me direz que le préfet ou le procureur sont en contact avec les élus et leur donnent des informations sur les personnes pressenties. Mais cela ne se passe pas ainsi dans la vie de tous les jours, pardonnez-moi de le dire avec un peu de force ! Lorsqu’on a été élu d’une ville pendant dix-sept ans, mes propos peuvent faire ancien combattant, mais sachez-le : confronté à ce genre de difficultés, à aucun moment je n’ai vu l’alerte arriver.
    Cet amendement vise non pas à créer une nouvelle exception, mais seulement à élargir le champ de ce qui existe déjà : à savoir appliquer aux secteurs de la santé et de l’éducation les dispositions déjà appliquées au transport et aux sous-traitants du transport. M. Pupponi le sait aussi bien que moi, certains maires s’occupent de l’accueil périscolaire, des centres de loisir, de tous ces moments où l’on nous confie des enfants. Il faut inventer un système, c’est possible à l’heure du numérique. Nous sommes ouverts à toutes les propositions. Mais il faut briser ce mur ! Imaginez qu’un maire recrute une personne sans savoir qu’elle est inscrite au FIJAIT pour la placer dans une école : que se passera-t-il ? Il pourrait être jugé coresponsable, au moins au plan moral.
    Je vous rappelle enfin que le maire est un agent de l’État, et que cette loi vise à lutter contre le séparatisme et à rappeler le principe de neutralité. Je vous demande donc d’élargir à d’autres secteurs le dispositif qui existe déjà. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Malgré vos explications, je ne suis pas certaine de bien comprendre votre amendement. Soit les présidents de collectivités territoriales sont à l’origine du recrutement ou de l’affection des personnels et ils ont accès aux informations du FIJAIT par l’intermédiaire du préfet, soit ils n’en sont pas à l’origine et il n’y a aucune raison de leur donner accès à ces informations. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends vos préoccupations, monsieur le député, et je vous invite à venir me voir à la chancellerie pour que nous en reparlions. Vous demandez en réalité une modification de l’article R50-52 du code de procédure pénale. Nous sommes là dans un domaine purement réglementaire et je suis ouvert à des propositions quant à la modification de cet article. Sachez que je comprends parfaitement le sens de votre demande, qui est légitime. Je vous suggère de retirer l’amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Vous prenez un engagement fort, monsieur le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, on peut le dire comme ça.

    M. Philippe Vigier

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    Mais pour retirer un tel amendement, nous avons besoin d’assurances. Le sujet est délicat et j’y ai été confronté directement il y a cinq ans. Je vous accorde bien entendu le bénéfice du doute et ma confiance, mais j’ai aussi entendu les propos de Mme la rapporteure, pour laquelle j’ai par ailleurs une grande affection.
    Chère Laurence Vichnievsky, vous avez eu la chance d’effectuer votre magistère professionnel dans mon département. Vous le savez, jamais le procureur de la République ne nous a passé le moindre coup de téléphone. Le département possède pourtant un centre de détention et un centre de déradicalisation et nous nous efforçons de favoriser la réinsertion des détenus à leur sortie. Je défends donc cet amendement en connaissance de cause. Nous aurions eu besoin, dans plusieurs cas, d’avoir accès aux informations contenues dans le fichier pour les décisions administratives. Nous les avons demandées en vain.
    J’ai entendu votre proposition, monsieur le garde des sceaux.

    Mme Isabelle Florennes

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    Nous allons retravailler !

    M. Philippe Vigier

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    Nous allons réfléchir à une solution solide sur le plan juridique. La décision doit toutefois être prise dans cet hémicycle car, avec ce projet de loi, nous envoyons un message aux élus. Ce texte ne peut pas présenter les élus locaux comme les futurs fers de lance de la protection des principes de la République sans leur donner les outils nécessaires pour assumer ce rôle.  

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    À titre principal, votre demande relève du domaine réglementaire, monsieur le député. J’aurais pu dire « avis défavorable » et m’asseoir, mais j’ai choisi de vous faire une proposition, et une proposition honnête !

    M. François Pupponi

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    Ah !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous vous demandez si vous devez me croire et si vous pouvez m’accorder le bénéfice du doute :…

    M. Philippe Vigier

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    Pas à vous !

    M. Erwan Balanant

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    Pas à vous mais à d’autres !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …vous devriez plutôt exprimer le bénéfice de l’adhésion, monsieur le député ! Je vous dis que ma porte est ouverte, qu’il faut retravailler, que le sujet relève du domaine réglementaire et que je comprends votre demande, mais ce qui était superfétatoire l’emporte. Vous minaudez, monsieur le député ! (Sourires.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi pour s’exprimer sur cette proposition honnête ! (Sourires.)

    M. François Pupponi

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    Monsieur le garde des sceaux, c’est de la technique législative ! Si Philippe Vigier avait retiré son amendement, je ne pouvais pas parler. Il me laisse parler et nous le retirons aussitôt après ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Rires sur divers bancs.) À chacun sa technique, les avocats comme les députés !
    Nous viendrons vous voir à la chancellerie, monsieur le garde des sceaux, et nous vous remercions de votre invitation. Permettez-moi une petite anecdote : lorsque le Gouvernement a décrété l’état d’urgence après les attentats de 2015, les services de police sont venus chercher des individus fichés S dans ma ville, mais deux d’entre eux avaient disparu.

    M. Philippe Vigier

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    C’est vrai, je confirme !

    M. François Pupponi

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    En m’informant de cette disparition, le commissaire a souligné que ce n’était pas le problème le plus grave : le plus grave était qu’ils travaillaient, l’un, sur la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle et, l’autre, sur la plateforme aéroportuaire de Paris-Orly. On nous avait pourtant garanti que des contrôles étaient effectués avant toute embauche. Malheureusement, dans la vraie vie, les choses ne se passent pas toujours comme il faudrait. Chaque jour, les collectivités locales peuvent recruter des gens dangereux.

    Mme Isabelle Florennes

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    C’est vrai aussi dans le milieu scolaire !

    M. François Pupponi

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    Le maire ne peut pas le savoir car il ne reçoit d’informations ni du préfet, ni du procureur de la République. Merci pour votre main tendue, monsieur le garde des sceaux, mais il y a urgence à trouver une solution. Quoi qu’il en soit, M. Vigier va retirer son amendement, après avoir parlé ! (Rires.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Étant donné l’engagement du ministre, nous retirons l’amendement, mais rendez-vous est pris !

    (L’amendement no 1244 est retiré.)
    (Mme
     Blandine Brocard applaudit.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Il se fonde sur l’article 93, monsieur le président.
    Nous nous apprêtons à examiner, avec les articles additionnels après l’article 3 et avec l’article 4, une série de nouveaux délits, notamment un délit très important, à l’article 4, visant à pénaliser toute tentative d’influencer une personne participant à l’exécution d’une mission de service public.
    L’article 93 du règlement de l’Assemblée nationale est relatif à l’irrecevabilité qui peut être opposée par le Gouvernement ou par le président de l’Assemblée nationale à l’encontre d’une proposition ou d’un amendement. Alors que notre assemblée est sur le point, à juste titre, de pénaliser les intimidations exercées à l’encontre de tout détenteur de l’autorité publique, un amendement proposé par le groupe UDI et indépendants visant à pénaliser le port, dans l’espace public, d’armoiries, de symboles et de drapeaux utilisés par des terroristes, au motif qu’ils ne contribuent pas à conforter les principes de la République, a été jugé irrecevable.
    Je n’ai pas la possibilité d’y revenir, mais je tenais à le rappeler. Comprenez bien, chers collègues, que se promener avec le drapeau de Daech dans la rue ne participe pas au renforcement des principes de la République ! Cette préoccupation ne nous paraissait pas hors sujet, mais elle a été jugée irrecevable. Nous n’avons pas le droit d’en débattre, ce que je regrette. Voilà ce dont je voulais vous faire part avec ce rappel au règlement. (Mme Brigitte Kuster applaudit.)

    M. le président

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    Je rappelle que, d’après la Constitution, l’irrecevabilité ne tient pas au lien logique ou politique entre le sujet de l’amendement et le texte, mais à un critère légistique. Je ne m’avancerai toutefois pas sur le fond. Je ne connais pas votre amendement et je m’engage à l’examiner ultérieurement. Nous serons, j’en suis sûr, nombreux à vouloir vous répondre précisément à son sujet hors de l’hémicycle.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    L’appel à la haine, monsieur le président ! L’appel à la haine !

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 3.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        120
            Nombre de suffrages exprimés                117
            Majorité absolue                        59
                    Pour l’adoption                117
                    Contre                0

    (L’article 3, amendé, est adopté à l’unanimité.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Après l’article 3

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Meyer, pour soutenir l’amendement no 80, portant article additionnel après l’article 3.

    M. Philippe Meyer

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    Il propose d’empêcher toute candidature à une élection de personnes radicalisées condamnées pour une infraction terroriste en les rendant inéligibles pour une durée minimale de dix ans suivant la fin de leur inscription au FIJAIT.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Votre amendement est satisfait, cher collègue. Aux termes de l’article 131-26-2 du code pénal, « le prononcé de la peine complémentaire d’inéligibilité […] est obligatoire. » Les peines complémentaires obligatoires sont peu nombreuses dans le droit pénal, mais celle-ci l’est à l’encontre de toute personne coupable d’un délit ou d’un crime terroriste, sauf décision contraire motivée du juge – puisqu’il faut bien toujours un garde-fou. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pour les mêmes raisons, avis défavorable. L’amendement est pleinement satisfait.

    (L’amendement no 80 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 712 et 823.
    L’amendement no 712 de M. Robin Reda est défendu.
    La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement no 823.

    M. Éric Diard

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    Ces deux amendements visent à interdire à toute personne inscrite au FIJAIT de se présenter à une élection. Lorsque son nom est retiré de ce fichier, elle peut à nouveau se porter candidate. Nous avons déjà débattu du fait qu’une personne fichée S ou fichée au FSPRT ne peut subir cette même interdiction car ces fichiers sont des fichiers de signalement.
    Mais sans doute allez-vous me dire, madame la rapporteure, monsieur le garde des sceaux, que ces amendements sont satisfaits !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est drôle !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Vous avez tout à fait raison, cher collègue : avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous l’aviez subodoré, monsieur le député. Je vous l’avais déjà dit d’ailleurs. J’invoquerai contre ces amendements non seulement l’article 47 de loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, mais mieux, si j’ose dire, l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Oui vous avez eu raison de le subodorer : je suis totalement défavorable à ces deux amendements.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard.

    M. Éric Diard

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    Monsieur le ministre aurait également pu subodorer que je retirerais ces amendements !

    (Les amendements identiques nos 712 et 823 sont retirés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement no 1815.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je le retire, monsieur le président : les amendements précédemment adoptés l’ont vidé de son sens.

    (L’amendement no 1815 est retiré.)

    M. le président

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    Les amendements nos 2062 de Mme Emmanuelle Ménard et 125 de M. Éric Pauget sont défendus.

    (Les amendements nos 2062 et 125, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Article 4

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel.

    M. Pierre-Yves Bournazel

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    La République doit protéger ses agents publics et toutes les personnes chargées d’une mission de service public. User de menaces, de violence, ou commettre un acte d’intimidation à l’égard d’un agent public est une grave atteinte aux principes de notre République. Nous devons protéger les fonctionnaires, qui sont en première ligne dans la défense de la neutralité du service public. C’est une question non seulement de justice, mais également de fermeté.
    Nous nous félicitons donc de l’article 4, tout comme de l’article 4 bis, qui crée un délit d’entrave à la fonction d’enseignant, une précision ajoutée très utilement dans le texte. Le fait de tenter d’entraver par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant, selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes, doit être puni.
    Jean-Pierre Obin n’est pas seulement l’auteur d’un rapport sur les signes et les manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires. Au mois de novembre dernier, il a publié un ouvrage dans lequel il décrit de manière très concrète, avec de nombreux témoignages, les pressions exercées sur de nombreux agents publics, notamment les enseignants. Selon lui, il est urgent d’agir avec force pour défendre les principes de la République et protéger nos fonctionnaires et nos agents, en particulier les enseignants, qui subissent, dans certains quartiers, les pressions de parents d’élèves demandant des modifications des programmes et des sorties scolaires. Tel est l’objet des articles 4 et 4 bis, dont nous nous félicitons.

    M. le président

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    L’amendement no 1587 de M. Jean-Luc Mélenchon est défendu.

    (L’amendement no 1587, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Mendes, pour soutenir l’amendement no 2231.

    M. Ludovic Mendes

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    Que ce soit clair, il s’agit d’un amendement d’appel destiné à susciter un débat important lié à la protection de l’enfance dont nous parlons beaucoup depuis le début de l’examen de ce texte.
    Il me paraîtrait normal qu’en cas de condamnation pour un délit aussi grave que celui de séparatisme, la personne soit aussi condamnée à la suspension de ses droits parentaux. Cette peine complémentaire permettrait de faire en sorte que les enfants soient accompagnés par le reste de la famille ou de l’État, afin de les protéger de dérives sectaires et des propos tenus par certains responsables islamistes politiques ou religieux.
    Monsieur le garde des sceaux, je cherche une solution pour mieux protéger les enfants de cette dérive. J’essaie de revenir sur un sujet qui a déjà été mis plusieurs fois sur la table mais écarté en application de l’article 45 de la Constitution.
    Dans la future loi sur la sécurité intérieure et le terrorisme, nous pourrons apporter une réponse concernant la protection des enfants, mais il est intéressant d’avoir ce débat aujourd’hui dans l’hémicycle car, comme cela a été dit à plusieurs reprises, les enfants sont aussi les premières victimes de ces dérives sectaires et de l’islamisme.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Attention : le retrait de l’autorité parentale est très grave.

    M. Ludovic Mendes

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    Il s’agit d’une suspension !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    La suspension est un retrait même s’il est provisoire. Elle ne peut être prononcée par le juge que dans deux hypothèses. Première hypothèse : le parent met en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant par de mauvais traitements, par exemple une consommation habituelle et excessive d’alcool ou de drogue, un manque de soins, ou en cas de désintérêt pour l’enfant. Deuxième hypothèse : le parent a été condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou d’un délit – ce sont souvent des violences – commis sur la personne de son enfant ou de l’autre parent, soit comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant.
    En outre, la rédaction de votre amendement ne conviendrait pas car elle conduirait à inscrire dans la loi que le fait d’user de menaces pour obtenir une exemption des règles qui régissent le service public est puni de la suspension des droits parentaux. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’émets un avis très défavorable sur votre amendement. Au rappel des cas où l’autorité parentale peut être retirée que vient d’effectuer Mme la rapporteure, vous voyez bien que l’on ne peut pas l’envisager pour une menace, fût-elle d’ordre séparatiste. Premièrement, nous sommes à des années-lumière de l’infraction qui nous occupe à cet article 4. Deuxièmement, c’est évidemment l’intérêt de l’enfant qui prime. Qu’un homme exerce un jour une menace séparatiste, cela ne fait pas de lui le dernier des pères. Ce serait aller un peu vite en besogne de le considérer comme tel.
    Soulignons en outre un problème de cohérence avec un texte qui existe déjà et que certains voudraient mêler à celui-ci. Tout en étant plus lourdement puni, l’auteur de menaces exercées sur un élu n’encourrait pas cette peine complémentaire de déchéance de l’autorité parentale. Il faut être très prudent sur ces questions. À moins d’un retrait, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur cet amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Mendes.

    M. Ludovic Mendes

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    J’ai déposé cet amendement pour susciter un débat sur la protection de l’enfance. L’ancien procureur de la République de Bobigny me disait que, malheureusement, il est compliqué d’appliquer la loi sur la protection de l’enfance en matière de moralité.
    Avec la création d’un délit séparatisme, nous sommes hors du cadre de la moralité. Est-ce le dernier des pères ou la dernière des mères ? Ce n’est pas mon jugement. Mon objectif est de protéger ces enfants qui peuvent subir, pour des raisons de moralité, des pressions quotidiennes venant des parents ou d’autres membres de la famille tels que les frères, les oncles ou les cousins.
    Vous m’avez apporté une réponse. Je pense que nous aurons à nouveau ce débat mais, en attendant, je retire mon amendement.

    (L’amendement no 2231 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement no 1172.

    M. Éric Diard

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    En commission spéciale, nous avons adopté l’excellent amendement de ma collègue Annie Genevard, créant le délit d’entrave à la fonction d’enseignant, en réponse à la décapitation de Samuel Paty.
    Je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre, et vous avez dit vous-même avoir créé l’article 4 en réaction à ce terrible attentat. L’amendement de notre collègue est très important pour les enseignants et je la remercie de l’avoir fait adopter. Cela étant, nous pourrions peut-être compléter ce délit d’entrave en étendant le dispositif de l’article 4 aux pressions et aux insultes que pourraient subir toutes les personnes chargées de l’exécution d’un service public.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Mon cher collègue, il me semble que votre amendement est déjà satisfait par l’emploi à l’article 4 de la notion de « tout autre acte d’intimidation », qui est suffisamment large pour inclure les insultes et les pressions.
    Je me réfère à l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 18 mai 1999, à propos du dernier alinéa de l’article 433-3 du code pénal et qui vise « l’action concertée de plusieurs personnes, de nature à empêcher un officier ministériel d’accomplir sans le concours de la force publique, un acte de sa fonction […] ». J’émets donc un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur le député Éric Diard, votre amendement est déjà satisfait : les insultes et pressions font déjà partie des éléments constitutifs de l’infraction de menaces. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard.

    M. Éric Diard

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    Monsieur le ministre, me confirmez-vous que ce délit d’entrave s’étend à toutes les personnes chargées de l’exécution d’un service public et pas seulement les enseignants ? Si tel est le cas, je retire l’amendement.

    Mme Fabienne Colboc et Mme Cécile Untermaier

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    Ce n’est pas cet amendement !

    M. le président

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    Il semble y avoir une petite confusion : l’amendement no 1172, qui a donné lieu à deux avis défavorables, porte sur les menaces, insultes et pressions. Y a-t-il une confusion sur l’amendement ?

    M. Éric Diard

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    Je retire l’amendement, monsieur le président.

    (L’amendement no 1172 est retiré.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 720 et 1780.
    L’amendement no 720 de M. Robin Reda est défendu.
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement no 1780.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    L’alinéa 5 de l’article 4 prévoit de rendre délictuel « le fait d’user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service. »
    Avec les collègues du groupe UDI-I, je propose d’inclure les élus au nombre de ceux qui peuvent faire l’objet de telles menaces pour les amener à ne pas faire leur travail et à ne pas respecter les principes de la République. S’il s’agit d’un élu, la menace est tout aussi condamnable que si elle s’exerce à l’égard de fonctionnaires des collectivités territoriales ou de l’État.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Le renvoi aux personnes visées aux deux premiers alinéas de l’article 433-3 du code pénal ne me paraît pas pertinent alors que nous avons précisément essayé de clarifier les champs d’application respectifs des articles 433-3 et 433-3-1. En outre, l’expression « toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public » se veut volontairement large. Nous avons déjà évoqué ce sujet.
    Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a ainsi précisé que la référence à toute personne participant à l’exécution du service public vise « toute personne œuvrant au sein du service public, quels que soient son statut, ses fonctions et ses responsabilités. Les élus participant à une mission de service public au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public sont compris dans ces dispositions. » Je vais vous faire grâce de la lecture des deux premiers alinéas de l’article 433-3. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le Gouvernement partage l’avis de Mme la rapporteure. Les personnes mentionnées à l’article 433-3 du code pénal entrent dans le champ du nouvel article 433-3-1 sans qu’il soit nécessaire de le préciser. Ce n’est pas rien que cette analyse ait été validée par le Conseil d’État. Puis-je vous suggérer un retrait ?

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Malheureusement, monsieur le ministre, les députés n’ont pas les avis du Conseil d’État.
    Mme la rapporteure voulait nous exonérer de la lecture du 433-3 qui dispose : « Est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public […]. » Signalons qu’il est question de menace et non de l’acte lui-même.
    Avant d’éventuellement retirer cet amendement, j’aimerais que vous me donniez une précision, monsieur le garde des sceaux. Vous parlez d’élu. Or certains élus, les conseillers municipaux par exemple, ne sont pas investis d’une mission de service public. Le conseiller municipal fait partie d’un pouvoir législatif, en tout cas d’une assemblée, mais il n’a pas de pouvoir exécutif, il ne règle donc pas la mission de service public. Un parlementaire n’est pas investi d’une mission de service public.
    J’aimerais m’assurer que votre rédaction prévoit qu’un parlementaire sur lequel seraient exercées de telles pressions et de telles violences serait protégé par le texte, de même qu’un conseiller municipal, un conseiller régional, un conseiller départemental qui ne sont pas membres de l’exécutif.
    Telle est la question que nous souhaitons soulever à travers cet amendement. Comme nous sommes lus par les magistrats – ce n’est pas à l’ancien avocat que je vais apprendre cela –, il est bon que l’intention du Gouvernement et du législateur soit précisée.

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    J’irai dans le même sens. Le débat a déjà eu lieu en commission. On va nous dire qu’un arrêt fait que les parlementaires pourraient être concernés, mais qu’en est-il des conseillers municipaux ? Je n’ai pas trouvé de jurisprudence qui permettrait de considérer qu’un conseiller municipal est chargé d’une mission de service public. Ajouter les élus a donc du sens. La jurisprudence existe pour les parlementaires, mais pas forcément pour les autres élus – conseillers régionaux ou départementaux. Dans le doute, mieux vaut légiférer pour que les choses soient claires.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je pense savoir à quelle jurisprudence fait référence François Pupponi : il s’agit de l’arrêt qui détermine que l’utilisation des fonds octroyés aux parlementaires en tant qu’avance de frais de mandat, AFM, ex-indemnité représentative de frais de mandat, IRFM, est susceptible d’être traitée comme constituant un détournement de fonds publics parce que les parlementaires peuvent être considérés comme des personnes chargées d’une mission de service public. Mais appliquer cette jurisprudence à un élu qui serait menacé me semble tiré par les cheveux. J’insiste : autant le maire – agent délégué de l’État – ou les membres d’un exécutif local, comme le président ou le vice-président du conseil régional ou départemental, peuvent être considérés comme participant à une mission de service public, autant le membre d’une assemblée délibérante ne le peut pas forcément. Je demande que, pendant la navette, on vérifie bien avec le Conseil d’État que ces élus seront eux aussi couverts, pour ne pas être un jour confronté à cette difficulté. Voilà l’objectif de notre groupe.
    Compte tenu de vos explications et, je l’espère, de votre engagement d’étudier la question, que le Sénat vous rappellera, je retire mon amendement.

    (Les amendements identiques nos 720 et 1780 sont retirés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 263.

    M. Pierre Vatin

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    Je m’inquiétais, de la même façon, de la situation des collaborateurs d’élus.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Défavorable.

    M. Julien Ravier

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    Ce n’est pas sympa pour eux !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Les dispositions qui s’appliquent aux titulaires d’un mandat électif public concernent évidemment leurs collaborateurs. Je propose donc le retrait.

    (L’amendement no 263 est retiré.)

    M. le président

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    L’amendement no 1116 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.

    (L’amendement no 1116, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l’amendement no 2145.

    Mme Laurianne Rossi

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    Le présent amendement propose que le référent laïcité que nous avons créé à l’article 1er ter puisse, à l’instar du représentant des administrations, déposer plainte lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer la nouvelle infraction. Nous l’avons rappelé ce matin, le référent laïcité a un rôle de conseil ; dans le cadre de ses fonctions, il peut toutefois avoir connaissance de manquements et de faits constitutifs de la nouvelle infraction. Il nous paraîtrait légitime qu’il puisse alors, lui aussi, déposer plainte.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Le référent laïcité a certes une mission de conseil, mais ce rôle doit être exercé sous la responsabilité et des prérogatives du chef de service, auquel le référent laïcité n’a pas vocation de se substituer. Hormis la victime, seul le représentant de l’administration ou du délégataire de service public peut déposer plainte. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le référent laïcité peut toujours signaler les faits au chef de service, mais en aucune façon il ne peut déposer plainte. C’est un rôle qui n’est pas le sien et le lui confier engendrerait la confusion. Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, même si j’en comprends le sens.

    (L’amendement no 2145 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 1075, 1359 et 989, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements identiques nos 1075 de Mme Nathalie Porte et 1359 de M. Philippe Benassaya sont défendus.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 989.

    Mme Cécile Untermaier

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    Le groupe Socialistes et apparentés votera bien entendu l’article 4. Il était tout à fait nécessaire de disposer de ce nouveau niveau de protection et de réprimer menaces et actes d’intimidation à l’encontre des agents publics ou des personnes chargées d’une mission de service public. Il était important de créer un délit autonome, d’autant plus qu’on s’adresse à des personnes qui ne sont pas dépositaires de l’autorité publique, qui ne disposent pas des moyens contraignants ou des pouvoirs qui leur permettraient de s’opposer à ces actes.
    L’alinéa 6, introduit par un amendement de Mme la rapporteure, est intéressant en ce qu’il ne laisse pas la personne seule face à l’infraction qu’elle subit, mettant en avant l’idée que la hiérarchie doit s’impliquer dans l’infraction subie par un agent travaillant sous son contrôle.
    Nous souhaitons cependant donner à cette possibilité, qui rappelle les faits tragiques que nous avons déjà évoqués, un caractère contraignant, en remplaçant les mots « peut déposer plainte » par les mots « dépose plainte ». Dès lors que l’infraction concerne un agent public travaillant sous son autorité, le supérieur hiérarchique ne doit pas avoir la faculté de décider s’il faut ou non déposer plainte, il doit le faire. Cela constituerait une avancée majeure. L’amendement avait été rejeté en commission spéciale, mais nous tenons à inscrire cette action ferme dans la loi. Le soutien de la hiérarchie ne doit pas être négocié, car il peut exister des dissensions entre un agent public et son supérieur hiérarchique. On ne doit pas laisser l’agent public seul : c’est pourquoi le supérieur hiérarchique, lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer l’infraction, doit déposer plainte.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Je comprends parfaitement votre objectif. Nous avons d’ailleurs eu cette discussion en commission spéciale. L’amendement vise, vous l’avez dit, à protéger encore plus la victime. Mais la mesure est à double tranchant, car parfois, la victime ne veut pas qu’on dépose plainte, pour des raisons qui ne sont pas toujours celles que vous évoquez. Surtout, du point de vue juridique – vous devriez entendre cet argument –, à ma connaissance, il n’existe pas de domaine dans lequel on peut obliger quelqu’un à déposer plainte.
    C’est pourquoi, même si je comprends votre objectif, j’émets un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On pense bien sûr à Samuel Paty, mais il y a toute une gradation dans les menaces. Nous pensons au pire parce que nous y avons été confrontés, mais l’obligation de déposer plainte me gêne. Il est des situations dans lesquelles ce n’est pas utile. Je rappelle par ailleurs que l’article 40 du code de procédure pénale constitue déjà un garde-fou important.

    M. Philippe Gosselin

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    Enfin, il n’est pas utilisé très souvent !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je pense qu’il vaut mieux laisser le soin de déposer plainte aux personnes déjà prévues, et en premier lieu à la victime. On comprend votre souci : assurer la prise en charge de la victime par l’administration, par les chefs. Mais il est des cas dans lesquels la victime et les chefs se mettront d’accord pour éviter le dépôt de plainte. Bien sûr, nous pensons au pire, pour les raisons que j’ai évoquées, mais il serait bon de laisser un peu de souplesse et de liberté.
    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    L’amendement fait bien sûr penser à Samuel Paty…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui.

    M. Stéphane Peu

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    …car, dans son cas, le soutien de la hiérarchie n’a précisément pas été sans faille ! Mais les exemples sont nombreux. Les professeurs ou les salariés de l’hôpital public qui travaillent aux urgences sont ainsi parfois confrontés à des violences ou des menaces, sans jamais être soutenus par leur hiérarchie qui se lave les mains et regarde ailleurs.

    Mme Isabelle Florennes

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    Eh oui !

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est ça le problème !

    M. Stéphane Peu

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    En tant que président d’office HLM, j’ai eu le cas d’un gardien d’immeuble qui se faisait littéralement casser la figure, mais qui ne déposait pas plainte à cause de pressions et de menaces ; et puisque le salarié ne le faisait pas, je ne pouvais pas le faire non plus, ma plainte n’étant pas recevable. Donc la société détournait les yeux !
    Au contraire, si on veut aboutir à une loi efficace et non une loi bavarde qui se révèle sans effet sur les problèmes qu’il faudrait combattre avec fermeté, il faut que les hiérarchies, dans l’administration, les hôpitaux, les mairies ou l’enseignement, se sentent obligées – j’insiste sur ce terme – d’agir,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est déjà le cas !

    M. Stéphane Peu

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    …de soutenir leur salarié et de déposer plainte. Il faut bien sûr en discuter, mais pour l’instant, dans la plupart des cas, la hiérarchie regarde ailleurs et laisse les agents – professeurs, gardiens d’immeuble, médecins ou infirmières des services d’urgence – se débrouiller tout seuls et travailler la peur au ventre.
    C’est donc un bon amendement.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je vous remercie pour vos propos. Merci également à Stéphane Peu qui a exprimé avec force ce qu’il a ressenti sur le terrain, et ce que j’ai également ressenti parfois : en cas de dissensions, la hiérarchie s’en va et il faut aller la convaincre. On traite ici d’un sujet majeur : il ne s’agit pas de réagir à la petite infraction, au tout-venant, mais d’essayer de prévenir, par des mesures radicales, des situations très graves qui ne se réparent pas.
    Vous dites que le dépôt de plainte ne peut être imposé à personne, mais que faites-vous de l’article 40 du code de procédure pénale, qui oblige bien à informer le procureur de l’infraction ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et donc, c’est suffisant !

    Mme Cécile Untermaier

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    On ne peut pas être en deçà quand il s’agit de protéger l’agent qui remplit une mission de service public et qui travaille sous le contrôle d’un supérieur. Il faudrait peut-être corriger la rédaction de l’amendement, mais l’important est de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’alternative possible pour l’employeur, selon qu’il en ait envie ou non, d’appuyer ou non son agent. Le soutien doit s’imposer à lui dès lors que l’infraction est caractérisée. Dans le domaine de la sécurité, les choses doivent être claires et transparentes. En l’état, on ne pourra pas apporter un soutien efficace aux agents de service public. Ce que le texte prévoit n’est pas suffisant. Je sais qu’on ne gagnera pas sur cet amendement,…

    Mme Blandine Brocard

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    C’est dommage !

    Mme Cécile Untermaier

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    …mais je suis déterminée à continuer sur cette voie.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Certains d’entre nous étaient partagés sur ces amendements, car l’obligation n’est ni naturelle ni habituelle. Cependant, je suis plutôt convaincu par les arguments qui viennent d’être exposés. Nous avons une culture du détournement de la tête : regardons ailleurs, pas vu pas pris, pourvu que cela ne se reproduise pas… C’est fâcheux et, dans ces conditions, un véritable soutien est nécessaire.
    D’autre part, il nous manque une culture de l’article 40 du code de procédure pénale, que le ministre évoque à l’envi : les saisines à ce titre sont rares. Tout cela mérite réflexion : la suite des débats permettra peut-être d’avancer, à moins que le ministre ne nous propose une meilleure solution dès ce soir ?

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Disons les choses comme elles sont : les administrations, en particulier celles de l’État, ont une fâcheuse tendance à mettre la poussière sous le tapis. Il faut donc trouver un équilibre – sans doute pas ce soir, mais peut-être pendant la navette – qui obligera les employeurs, dans les trois fonctions publiques, à porter plainte lorsqu’un agent exerçant sous leur autorité se plaint à eux, par écrit, des menaces qui lui sont adressées. On évoque l’article 40 mais je pourrais aussi invoquer la protection fonctionnelle : elle n’est pas obligatoire. C’est à l’employeur de décider s’il l’active.

    M. Philippe Gosselin

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    Oui, c’est l’employeur qui décide !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Dans le cas d’espèce, il faudrait ne pas laisser le choix à l’employeur, de sorte que l’employé, qui peut avoir de bonnes raisons d’être craintif, soit protégé. Il lui suffirait de faire rapport à l’autorité dont il dépend de ce qui lui est arrivé ; il incomberait ensuite à l’autorité en question, chargée de défendre les principes de la République, de signaler ces menaces au procureur, lequel juge à son tour de l’opportunité d’engager des poursuites. Un tel équilibre me semble plus satisfaisant.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Nous avons défendu en commission spéciale un amendement similaire à celui que vient de défendre très bien Mme Untermaier. Monsieur le ministre, nous voulons sur tous les bancs que cette loi soit efficace. Il faut donc inscrire cette disposition dans la loi, étant entendu que la possibilité – « le représentant peut déposer plainte » – et l’obligation – « le représentant doit déposer plainte » – sont deux choses très différentes ! La possibilité correspond à un objectif vers lequel on tend…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je sais, je sais.

    M. Philippe Vigier

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    …mais c’est insuffisant ! Il faut agir avec efficacité, et pour cela imposer une obligation – il y va de la grandeur des fonctionnaires et de leur respect du principe de neutralité de l’appliquer.
    Je connais bien le secteur médico-social : pas de bruit, pas de vague, les informations de cette nature sont rarement transmises. On ne peut pas laisser faire cela ! Si vous laissez une telle lacune, monsieur le ministre, elle deviendra béante. Entendez ce que les députés de toutes sensibilités vous disent : pour que cette disposition soit efficace, il faut passer par l’obligation ! (Mme Blandine Brocard applaudit.)

    Mme Isabelle Florennes

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    Absolument ! Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’entends vos observations et j’en comprends le sens. Madame Untermaier, vous dites que la disposition ne concerne pas les faits de moindre importance – je ne veux pas dénaturer vos propos, naturellement. C’est tout le problème du droit ! Il va de soi que l’administration ne doit pas être en retrait, mais elle ne doit pas non plus dépasser la victime lorsque celle-ci, pour des raisons qui ne tiennent pas toujours à la peur – mais parfois à la modestie de la menace que les juges risquent de ne pas punir du maximum de la peine, par exemple – ne veut pas porter plainte.
    Je n’aime pas l’hyper-réglementation. Dans le texte issu des travaux de la commission, il est prévu que l’administration « peut » déposer une plainte. S’y ajoute l’article 40 du code de procédure pénale. Vous objectez, monsieur Gosselin – je sais combien vous êtes fin juriste – que tout le monde ne le connaît pas.

    M. Philippe Gosselin

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    Je dis qu’il n’y a pas de culture de l’article 40.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pensez-vous que cette culture naîtra de ces amendements ? Nul n’est censé…

    M. Philippe Gosselin

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    Oui, les choses changeront si le dépôt de plainte est obligatoire !

    Mme Cécile Untermaier

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    De plus, l’article 40 prévoit un signalement, pas un dépôt de plainte !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Soit, lisons donc l’article 40 : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». C’est donc impératif ! Vous le savez d’ailleurs très bien : l’indicatif vaut impératif – au moins avons-nous ce souvenir commun !
    En clair, le texte existe déjà. Nous pouvons toujours en adopter un autre et je ne me battrai pas sur ce sujet comme un chiffonnier. Je dis simplement qu’il existe des situations – bien que nous pensions tous au pire, par exemple à l’affreux assassinat du professeur Paty – dans lesquelles les victimes d’infractions mineures, même susceptibles d’une qualification pénale, ne voudront pas – et c’est légitime – déposer une plainte. Dans ce cas, l’administration ne doit pas les dépasser. Qu’elle les soutienne, oui : ce sera le cas avec la possibilité prévue dans le texte adopté en commission, et complété par l’article 40 du code de procédure pénale. Qu’elle les dépasse, non.

    M. Philippe Gosselin

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    Le soutien de l’administration, voilà toute la question !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends bien, mais toutes les situations ne doivent pas faire l’objet d’une hyper-réglementation, au point que des plaintes seraient déposées alors que les menaces subies ne sont pas importantes – même si, encore une fois, elles peuvent être qualifiées pénalement – par rapport à d’autres. Certaines personnes ne veulent pas porter plainte : il faut le respecter.
    Quoi qu’il en soit, je ne me battrai pas davantage. Je comprends vos intentions ; elles sont louables. Je ne voudrais cependant pas ouvrir la voie à des situations excessives.

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Nous devons trouver ensemble un juste équilibre. L’article 40 du code de procédure pénale impose un signalement, et non un dépôt de plainte.

    Mme Cécile Untermaier

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    Oui !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    En outre, je m’astreins à ne pas souvent faire état de mes souvenirs professionnels mais, en l’occurrence, j’ai connu peu de cas d’application de l’article 40 dans ma carrière !

    M. Philippe Gosselin

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    Et pour cause : cette culture n’existe pas !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Voici peut-être une solution, même si je ne suis pas certaine de sa validité juridique.

    Mme Cécile Untermaier

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    Il faut sous-amender.

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    L’administration ou le délégataire de service public pourrait déposer une plainte après avoir recueilli le consentement de la victime.

    M. François Pupponi

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    Mais non ! Beaucoup refuseront !

    Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure

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    Je sais quels arguments vous allez m’opposer mais, si le consentement de la victime n’est pas demandé, alors l’obligation de dépôt de plainte pourrait être contestée, y compris par le Conseil constitutionnel. Je propose donc ce moyen terme : le dépôt de plainte est impératif sous réserve d’avoir recueilli le consentement de la victime.

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    La plainte visée à l’alinéa 6, sur lequel portent les amendements, concerne les délits mentionnés à l’alinéa précédent qui, passez-moi l’expression, ne fait pas dans la dentelle ! « Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait d’user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service. » Il ne s’agit donc pas de petits événements, mais d’actes graves ! Et la peine n’est pas graduée, qui plus est : les auteurs des actes en question prennent cinq ans.
    Dans de tels cas, l’administration doit porter plainte, car l’agent mis en cause l’est en tant qu’agent du service public. Il n’est pas ici question de problèmes de voisinage ! Les auteurs des menaces ne veulent simplement pas respecter les règles du service public. L’administration doit alors protéger ses agents car c’est elle et son propre fonctionnement qui sont en cause, non l’attitude de l’agent concerné.
    Bien des agents – j’en ai connu beaucoup en tant que maire – refuseront, si leur consentement est demandé, que l’administration porte plainte, car ils vivent dans le même quartier que l’auteur des faits, et leurs enfants sont parfois scolarisés dans le même établissement. Je crois pour ma part que l’administration « doit » porter plainte parce que c’est le service public qui est mis en cause.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Il me semble qu’il y a contradiction entre l’article 40 du code de procédure pénale, en vertu duquel l’administration est tenue de saisir le procureur, et le texte que nous examinons, qui prévoit qu’elle « peut » porter plainte.

    Mme Cécile Untermaier

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    Exactement !

    M. Jean-Paul Mattei

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    Pour éviter cette discordance, il faut remplacer « peut » par « doit », afin de mettre le projet de loi en cohérence avec la législation existante.

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est ce que j’essayais de faire comprendre.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Comme beaucoup, je pourrais citer d’innombrables exemples de situations de ce type qui rendent absolument nécessaire la responsabilisation des autorités hiérarchiques. Il n’est pas acceptable de regarder ailleurs ; c’est pourtant le comportement majoritaire, notamment dans les services publics de l’État.

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est un message qu’il faut envoyer.

    M. Stéphane Peu

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    Il faut casser cette spirale, faute de quoi la loi ne permettra pas de lutter efficacement contre ce type de menaces.
    Mme la rapporteure a répondu aux quelques questions que je me posais. Certes, l’article 40 existe…

    M. Philippe Vigier

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    Ce n’est pas la même chose !

    M. Stéphane Peu

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    …mais il ne prévoit qu’un signalement. Imaginons qu’un individu casse la figure d’un agent du service public, qui hésite à porter plainte parce qu’il vivra encore pendant des années dans le voisinage de son agresseur et qu’il en a peur – disons les choses : c’est à son administration de prendre la responsabilité de porter plainte contre l’individu en question afin qu’il soit arrêté et condamné – ce que ne permet pas le simple signalement prévu à l’article 40, qui ne fait que s’empiler sur d’autres mesures inefficaces. Je trouve très pertinente la proposition de Mme la rapporteure consistant à recueillir l’accord des victimes.

    M. le président

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    La parole est à Mme Géraldine Bannier.

    Mme Géraldine Bannier

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    Je comprends le souhait d’imposer une obligation mais elle peut poser problème. Prenons un exemple concret : un père d’élève prend rendez-vous avec un enseignant pour l’informer, en l’intimidant, que son enfant ne lira pas le texte proposé – en l’occurrence un extrait de la Bible ; j’ai connu cette situation. L’enseignant doit naturellement signaler le fait à l’administration, mais cet acte doit-il pour autant être passible de cinq ans d’emprisonnement ? Si le dépôt de plainte est obligatoire, l’enseignant risque alors de ne pas signaler l’incident du tout. Lorsque les faits sont de moindre gravité, il faut que les enseignants en informent leur autorité hiérarchique sans que cela donne nécessairement lieu à une plainte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Mme la rapporteure a ouvert la voie à un compromis mais M. Mattei a soulevé à juste titre l’incohérence entre l’obligation de signalement imposée par l’article 40 du code de procédure pénale et, dans l’article que nous examinons, la simple possibilité de déposer une plainte. C’est aussi pour cette raison que nous avons déposé notre amendement.
    D’autre part, par cet article 4, le Gouvernement et la majorité manifestent leur volonté de soutenir les agents de service public qui sont menacés ou intimidés, et c’est très bien. Il faut cependant accompagner ce soutien d’un autre soutien, celui de l’employeur. C’est même à l’employeur, qui représente l’administration, de déposer plainte à la place de l’agent public, lequel ne doit pas apparaître dans le dépôt de plainte car il a peur.
    Je pense que votre position pourra évoluer au cours de la navette. Nous sommes là pour soutenir les agents du service public, qui travaillent pour l’intérêt général, sans moyens, et subissent de plein fouet les intimidations et les menaces.
    À ce stade, je suis tout à fait d’accord pour retenir la proposition de Mme la rapporteure de sous-amender notre amendement, afin de préciser que le représentant de l’administration dépose plainte après discussion avec l’agent – on ne peut même pas utiliser le terme de « concertation », car l’agent ne doit surtout pas porter la responsabilité de la plainte, sans quoi il ne la déposera jamais, et on n’aura jamais connaissance de telles situations. C’est donc à l’employeur de prendre ses responsabilités, après avoir consulté l’agent, pour savoir ce qu’il s’est passé.
    Quoi qu’il en soit, il me semble qu’il faut maintenir le dispositif contraignant du dépôt de plainte que l’amendement vise à instaurer.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur général.

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Comme vous le voyez, nous essayons de trouver, en direct, un compromis entre les préoccupations des différents bancs de l’hémicycle, qui ne se rejoignent que sur un point : la grande fermeté de l’article 4, qui a d’ailleurs été rappelée par le garde des sceaux et la rapporteure. En effet, il s’agit d’un article visant à protéger les agents qui subiraient des menaces, des violences ou tout acte d’intimidation, en vue, je le rappelle, « d’obtenir […] une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement du service [public]. » Il répond donc totalement à l’objectif, puisque nous ciblons les dérives séparatistes.
    Monsieur Mattei, il existe une différence fondamentale entre l’article 40 et ce que nous proposons :…

    M. Pacôme Rupin

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    Bien sûr !

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    …en effet, l’article 40 prévoit un signalement mais, en droit, un signalement n’est pas un dépôt de plainte. Cette différence de nature est d’autant plus importante que le dispositif de l’article 40 prévoit un signalement pour autrui. Or nous savons tous que l’article 40 n’est pas utilisé, ou trop peu – notre collègue Laurence Vichnievsky pourrait d’ailleurs en témoigner très concrètement et précisément, en raison de ses anciennes responsabilités. C’est bien pour cette raison que nous avons voulu introduire cette disposition
    Nous essayons donc de trouver une solution entre l’instauration d’une obligation – ce qui représenterait une véritable rupture avec le droit existant qui, de tout temps, a évité d’emprunter cette voie – et la nécessaire avancée sur la voie de la responsabilisation de la hiérarchie administrative, qu’a évoquée notre collègue Peu. Comme l’a dit M. Gosselin, nous hésitons donc entre une obligation lourde et un droit existant insuffisamment protecteur.
    C’est pourquoi il me semble que nous pourrions nous entendre sur la proposition de Mme la rapporteure : le dépôt de plainte a lieu après recueil du consentement de la victime.

    M. Pacôme Rupin

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    Très bien !

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Cette solution, en pratique, apportera beaucoup, car elle obligera à un échange, à un dialogue entre la hiérarchie administrative et l’agent victime. Or, c’est précisément parce que ce dialogue n’est aujourd’hui pas suffisant dans certaines situations concrètes que, parfois, l’administration s’aveugle et refuse d’intervenir. Le sous-amendement que nous vous proposons permettrait donc à la fois de tenir compte des opinions émises sur chacun des bancs, et de trouver l’équilibre nécessaire pour rendre efficace un article dont je pense que nous soutenons tous l’objectif.

    M. le président

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    Soyons clairs : le sous-amendement ne peut pas être présenté en direct oralement :…

    M. Philippe Vigier

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    Non, il faut l’écrire !

    M. le président

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    …il faut absolument le rédiger.

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    Je vais préciser la rédaction que nous vous proposons – je parle sous le contrôle du garde des sceaux, car cela se fait en direct. Le sous-amendement complétera l’alinéa 6 pour aboutir à la rédaction suivante : « […] la mission de service public dépose plainte après avoir recueilli le consentement de la victime. »

    M. le président

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    Le sous-amendement ne peut pas être présenté à l’oral : il faut le rédiger. Nous en connaissons désormais le contenu : je vous propose donc, mes chers collègues, de le méditer ; à la reprise, monsieur le rapporteur général, vous aurez déposé votre sous-amendement et vous pourrez le présenter. Puis nous le mettrons aux voix : on ne va pas le bâcler maintenant, juste avant d’aller dîner !

    M. Philippe Vigier

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    Absolument !

    M. Florent Boudié, rapporteur général

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    « Bâcler » est un terme un peu fort !

    M. le président

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    Je vais lever la séance : comme nous avons poursuivi nos travaux au-delà de dix-neuf heures trente, nous ne reprendrons qu’à vingt et une heures quinze, avec l’étude du sous-amendement et ce vote important. Je vous demanderai donc d’être à l’heure, mes chers collègues.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quinze :
    Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra