N° 1114

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078).

TOME VI
DÉFENSE
AIR

PAR M. Yann GALUT,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros : 1111 (annexe n° 40)

Lois de finances

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Michel Voisin, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Philippe de Villiers, Jean-Claude Viollet, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE

UN BUDGET CLAIR ET RIGOUREUX

I. —  DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT COHÉRENTS AVEC LA

PROFESSIONNALISATION 10

II. —  DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT SUFFISANTS ET MIEUX

PRÉSENTÉS 13

A. —  LA RÉFORME DE LA NOMENCLATURE 14

B. —  L’ÉVOLUTION DU TITRE V AIR 18

DEUXIÈME PARTIE

LE CHANTIER DE LA PROFESSIONNALISATION

I. —  L’ADAPTATION DYNAMIQUE À UNE GESTION SOUS

CONTRAINTE 23

A. —  UNE ORGANISATION ADAPTÉE 23

B. —  LES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT ET LE DISPOSITIF DES

BASES 25

C. —  LES CRÉDITS OPÉRATIONNELS ET L’ACTIVITÉ AÉRIENNE 30

1. — Les contraintes de l’entraînement des forces 30

2. — Les crédits de carburant opérationnel 31

3. — L’entretien et la rénovation du matériel 32

a) Les crédits budgétaires 32

b) La réforme de la gestion des rechanges aériens 33

II. —  LA GESTION DES PERSONNELS ET DES EFFECTIFS 34

A. —  UNE ANNÉE CRUCIALE POUR L’ARMÉE DE L’AIR 34

B. —  LA POURSUITE DE LA DÉFLATION DES PERSONNELS MILITAIRES

DE CARRIÈRE 36

1. — Les conditions générales 36

2. — Les officiers 37

3. — Les sous-officiers 39

C. —  LE REMPLACEMENT DES APPELÉS 41

1. — La restructuration des fonctions 41

2. — Le recrutement des militaires techniciens de l’air 43

3. — Les personnels civils 45

TROISIÈME PARTIE

DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES MAINTENUES
DES ÉQUIPEMENTS NORMALEMENT RÉNOVÉS

I. —  L’OBSERVATION ET LE COMMANDEMENT 47

A. —  LE SYSTÈME DE COMMANDEMENT ET DE CONDUITE DES

OPÉRATIONS AÉRIENNES (SCCOA) 47

B. —  L’AMÉLIORATION DU SYSTÈME AWACS 49

II. —  LA DÉFENSE AÉRIENNE ET LA PROTECTION DU TERRITOIRE 49

A. —  LE MIRAGE 2000-5 49

B. —  LE MISSILE MICA 51

C. —  LA PROTECTION DES BASES AÉRIENNES 52

1. — Le programme MTBA 52

2. — Le missile Mistral 53

3. — Le programme SAMP/T-FSAF 54

III. —  L’AVIATION TACTIQUE ET LA PROJECTION DE PUISSANCE 54

A. —  LE MIRAGE 2000 D 54

B. —  LES MISSILES DE CROISIÈRE APACHE ET SCALP 56

1. — Le missile Apache 56

2. — Le missile Scalp 57

C. —  L’ARMEMENT AIR-SOL MODULAIRE (AASM) 57

IV. —  LA PROJECTION AÉRIENNE 58

A. —  LA PROLONGATION DES TRANSALL 58

B. —  LE RAVITAILLEMENT EN VOL ET LA FLOTTE LOGISTIQUE 60

C. —  LE PROGRAMME D’HÉLICOPTÈRE “ RESCO ” 61

QUATRIÈME PARTIE

L’ARMÉE DE L’AIR DE DEMAIN

I. —  UN NOUVEL AVION D’ARMES : LE RAFALE 63

A. —  UNE QUESTION RÉSOLUE 63

B. —  UN APPAREIL SYNTHÉTIQUE ET ADAPTÉ 64

C. —  DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES RESPECTABLES 66

II. —  L’AVION DE TRANSPORT FUTUR 68

A. —  UN BESOIN NOUVEAU ET INCONTOURNABLE 68

B. —  UN PROGRAMME QUI DOIT S’AFFIRMER 71

C. —  DES ALTERNATIVES DÉCEVANTES 73

TRAVAUX EN COMMISSION 77

I. —  AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE 77

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN RANNOU, CHEF D’ÉTAT-MAJOR

DE L’ARMÉE DE L’AIR 92

III. —  EXAMEN DE L’AVIS 102

Mesdames, Messieurs,

Pour la troisième année consécutive, le budget de l’Armée de l’air s’inscrit dans le contexte de la professionnalisation des Armées.

L’annuité 1999 est sur ce point une étape unique. L’Armée de l’air que présentait l’an dernier le présent rapport pour avis était encore l’armée mixte, de professionnels et d’appelés, qu’elle avait toujours été. Celle qui sera présentée l’an prochain sera, pour ainsi dire, une armée professionnelle.

Quoiqu’on puisse penser de la professionnalisation, dès lors qu’elle a été décidée et mise en oeuvre, elle doit être réussie. Votre rapporteur s’est donc cette année longuement penché sur la façon dont l’Armée de l’air la mène. Il croit pouvoir vous dire qu’elle est conduite avec maîtrise, clairvoyance et sens des enjeux. L’Armée de l’air de l’an 2000 sera, il en est convaincu, l’instrument efficace dont l’Etat, et la Nation, ont besoin pour porter la force et défendre le territoire.

De façon générale, le Gouvernement poursuit une modernisation de la défense qui n’oublie pas les autres enjeux auxquels notre pays doit répondre. La revue de programmes maintient, à coût contenu, les capacités qui lui sont nécessaires pour remplir les missions qui lui sont confiées. L’Armée de l’air recevra, à temps, les avions et systèmes d’armes dont elle a besoin.

Pour remplir cependant ses missions de projection, un avion de transport de type nouveau lui est indispensable. Un programme européen, l’ATF, avance lentement, étape par étape. Votre rapporteur sera attentif à sa progression. Au moment en effet où l’on voit partout s’ébaucher les éléments d’une Europe de la sécurité et de la défense, il serait paradoxal qu’un échec vienne faire échouer ce qui sera l’un de ses principaux outils.

Le chef d’état-major de l’Armée de l’air l’a dit devant la Commission de la Défense, le projet de budget de l’Armée de l’air pour 1999 est conforme aux engagements pris par le Gouvernement et permet de poursuivre la progression vers le nouveau modèle d’armée. C’est aussi l’avis de votre rapporteur.

PREMIÈRE PARTIE

UN BUDGET CLAIR ET RIGOUREUX

Le budget de l’Armée de l’air pour 1999 s’élèvera à 35,797 milliards de francs, répartis entre 15,559 milliards de francs pour le titre III et 20,238 milliards de francs pour les titres V et VI. Il représentera, comme en 1998, 18,9 % du budget de la Défense.

En francs courants, il s’accroît ainsi de 2,6 % par rapport à 1998, un peu plus que l’ensemble du budget de la Défense qui augmente de 2,4 %.

Au contraire de l’an dernier, il garde ainsi la même place au sein du budget de la Défense.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES CRÉDITS DE LA DÉFENSE
ET DE L’ARMÉE DE L’AIR

(en millions de francs)

 

Crédits de paiement
1998(1)

Crédits de paiement
1999(2)

%

Défense

dont titre III

dont titres V et VI

184 722

103 722

81 000

189 159

103 958

86 000

+ 2,40

+ 2,28

+6,17

Air

dont titre III

dont titres V et VI

34 874

15 713

19 161

35 797

15 560

20 238

+ 2,60

- 0,98

+ 5,62

(1) Loi de finances initiale

(2) Projet de loi de finances

Son évolution interne apparaît cependant contrastée : au contraire du titre III Défense, le titre III Air est en légère baisse, de 0,98 %. En revanche, avec 5,62 % d’augmentation, les titres V et VI Air progressent légèrement moins que les titres V et VI Défense. Ces évolutions méritent cependant un examen attentif.

I. —  DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT COHÉRENTS AVEC LA PROFESSIONNALISATION

Le titre III pour 1999 se monte à 15,56 milliards de francs au lieu de 15,71 en 1998 ; il connaît donc une légère baisse, de 0,98 %. En fait, ce chiffre n’est qu’une résultante sans grand sens de mouvements contraires aux origines tout à fait diversifiées. C’est dans une analyse poste par poste qu’on peut apprécier l’adéquation du titre III à la gestion d’une année dont il a déjà été dit à quel point elle allait être délicate pour l’Armée de l’air.

TITRE III AIR
ÉVOLUTION PAR CATÉGORIES DE DÉPENSES

(en millions de francs)

 

1998(1)

1999(2)

Evolution en francs

Evolution en %

Rémunérations et charges sociales

11 888,5

12 230

+ 341,5

+ 2,87

Alimentation

482,5

404,1

- 78,4

- 16,25

Fonctionnement

1 524,3

1 444,9

- 79,4

- 5,2

Carburants d’aéronefs

903,5

827,2

- 76,3

- 8,4

Entretien programmé du matériel

889,2

628,5

- 260,7

- 29,3

Musée de l’air et de l’espace

24,8

24,8

Total

15 712,8

15 559,5

- 153,3

- 0,98

(1) Loi de finances initiale
(2) Projet de loi de finances

TITRE III AIR
RÉPARTITION EN POURCENTAGES

 

1998(1)

1999(2)

Rémunérations et charges sociales

75,66 %

78,60 %

Alimentation

3,07 %

2,60 %

Fonctionnement

9,70 %

9,29 %

Carburants d’aéronefs

5,75 %

5,32 %

Entretien programmé du matériel

5,66 %

4,04 %

Musée de l’air et de l’espace

0,16 %

0,16 %

Total

100,00 %

100,00 %

(1) Loi de finances initiale
(2) Projet de loi de finances

TITRE III AIR :
PRÉSENTATION GRAPHIQUE

(en millions de francs)

(1) Loi de finances initiale
(2) Projet de loi de finances

Le poste rémunérations et charges sociales, tout d’abord, se monte désormais à 12,23 milliards de francs, en hausse de 2,87 % ; il représente désormais 78,6 % du titre III Air, contre 75,66 % en 1998.

Comme l’année dernière, cette évolution inclut l’application à l’Armée de l’air de mesures générales en matière de rémunérations (revalorisation de l’indemnité pour charges militaires de 1,142 % et revalorisation de la solde des militaires du rang au niveau du SMIC). Mais surtout, et là aussi comme l’an dernier, elle traduit la mise en œuvre quasi-parfaite de l’annuité 1999 de la programmation militaire : suppression de 60 postes d’officiers, de 725 postes de sous-officiers et création de 2 371 postes de militaires de rang engagés, comme prévu, suppression de 9 144 postes d’appelés du contingent et création de 211 postes de volontaires, ces deux dernières catégories connaissant des variations très mineures par rapport à la programmation (il était prévu 56 postes d’appelés de moins et 89 postes de volontaires de plus...).

Les postes alimentation, fonctionnement et entretien programmé du matériel (EPM) sont comme l’an dernier, en diminution, et pour les mêmes raisons.

L’essentiel de la diminution traduit mécaniquement et comme prévu les conséquences de la baisse des effectifs planifiée pour l’année par la loi de programmation : celle-ci induit des économies de 73,4 millions de francs sur l’alimentation, 76,4 millions de francs sur le fonctionnement courant et 29,7 millions de francs sur l’EPM. Ces montants sont notablement plus élevés qu’en 1998 ; en effet la déflation du personnel pendant l’année 1999 sera la plus forte de celles que l’Armée de l’air devra mettre en œuvre pendant la période de professionnalisation. Néanmoins, et comme l’an dernier, des mesures d’économie supplémentaires ont été, autant que possible, recherchées. Cinq millions de francs sont ainsi gagnés sur l’alimentation. En matière de fonctionnement, c’est 3 millions de francs qui sont économisés, ce chiffre étant lui-même la résultante de mouvements complexes où interviennent notamment 29 millions de francs d’économies, qui concernent en particulier la formation, mais aussi, dans l’autre sens, une provision de 12 millions de francs pour des opérations de sous-traitance et 10 millions de francs transférés de l’EPM. Enfin, si elle recouvre les 10 millions de francs qui viennent d’être évoqués, la baisse spectaculaire de l’EPM est pour l’essentiel due à une modification de périmètre, 220 millions de francs étant transférés du titre III au titre V.

Le poste “ carburant d’aéronef ” obéit à une logique spécifique. En effet, le coût du carburéacteur dépend du cours du pétrole en dollars et du taux de change du dollar en francs : son évolution est donc permanente, avec de très forts écarts.

Cette caractéristique a parfois été utilisée de façon peu convenable. On se souvient qu’en 1997, il avait été choisi en construction budgétaire un cours irréaliste : ce choix, s’il avait eu des conséquences positives sur l’équilibre apparent du budget, n’avait pas permis, on le verra plus loin, à l’Armée de l’air de réaliser son programme d’entraînement. En 1998, au contraire, le nouveau gouvernement, soucieux de transparence et de vérité budgétaire, avait choisi de s’en tenir au cours réel : le prix prévu était en hausse de 18,8 % par rapport à 1997. Votre rapporteur avait alors salué cette initiative saine.

Cette année, la forte baisse de 76,3 millions de francs, soit 8,4 % de la dotation réservée à l’achat de carburant n’est que la conséquence de cette politique de vérité : elle est la simple traduction mécanique de la baisse du tarif du carburéacteur en francs.

En conclusion, il apparaît que deux notions permettent de qualifier le projet de titre III Air pour 1999.

Il s’agit d’abord de la cohérence et de l’efficience. Le titre III est d’abord en effet la transcription claire, franche et sans réserves de l’annuité 1999 de la loi de programmation. Il donne aussi à l’Armée de l’air, et votre rapporteur s’en réjouit, les moyens nécessaires pour passer cette annuité qui sera pour elle la plus difficile des cinq années de professionnalisation.

C’est ensuite, la rigueur et la transparence. On l’a vu, la transcription de l’annuité 1999 a été faite dans un souci incessant de recherche d’économies de gestion. Celles qui ont été réalisées le sont sur des lignes budgétaires clairement définies, pour des actions clairement identifiées. On pourrait d’ailleurs se demander si ce constat ne devrait pas être l’occasion de donner une bonne fois pour toutes à l’Armée de l’air, par exemple à l’occasion de l’examen de la loi de finances rectificative pour 1998, les moyens d’apurer définitivement l’irritant report de charges d’un peu plus d’une centaine de millions de francs qu’elle est amenée à répercuter d’une année sur l’autre depuis quelques années. Par ailleurs, cette maîtrise du détail budgétaire permet aussi, on l’a vu pour le fonctionnement, des rééquilibrages internes à chaque chapitre entre les divers postes.

Eu égard à la façon dont a été longtemps perçu le budget de la Défense, votre rapporteur s’en serait voulu de ne pas mettre en évidence cette dernière caractéristique : il est temps de considérer que l’Armée de l’air connaît son budget, sait le gérer et le présenter.

II. —  DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT SUFFISANTS ET MIEUX PRÉSENTÉS

L’analyse du titre V mérite, cette année, un approfondissement particulier.

On le sait, comparer les crédits ouverts au titre V une année à ceux de l’année précédente est un exercice assez facilement formel : les annulations et transferts de crédits qui interviennent en cours d’exercice -et l’année 1998 n’a pas dérogé à la règle-, la difficulté de consommer tous les crédits ouverts, pour des raisons de procédure financière, voire des causes internes à la DGA, pourraient même le rendre faussement instructif. C’est donc bien à la lecture des rapports pour avis rendus chaque année par notre Commission sur la loi de règlement qu’on peut, une fois le budget exécuté, connaître les crédits dépensés.

Cette année, ces difficultés sont renforcées à la fois par la réforme de la nomenclature du titre V et par les statuts très différents des lois de finances initiales pour 1998 et 1999 au regard de la loi de programmation. Après avoir apprécié ces deux éléments, votre rapporteur tentera de porter une appréciation sur le projet de titre V.

A. —  LA RÉFORME DE LA NOMENCLATURE

La réforme de la nomenclature du titre V, poursuivie par le Gouvernement lors du dernier débat budgétaire, était attendue depuis longtemps. En particulier, l’imputation de l’ensemble des fabrications sur un seul chapitre, le 53-80, représentant la moitié du titre V avait été suffisamment critiquée pour qu’on ne salue pas ici sa disparition.

En pratique, le titre V Air figurait à quatre des sept chapitres de l’ancien titre V : les chapitres 51-60 (espace), 51-80 (autres études), 53-80 (fabrications terre-air-mer) et 54-40 (infrastructures). Les chapitres 51-60 et 51-80 regroupaient les études et le développement des prototypes.

La réforme de la nomenclature n’aboutit à créer qu’un seul chapitre de plus au titre V. En revanche, elle ventile les crédits différemment.

Le chapitre 51-61 (“ Espace-Systèmes d’information et de communication ”) intègre désormais les crédits des programmes de télécommunication (développements et fabrications), y compris les systèmes de commandement et les programmes de communications informatisés.

Le chapitre 51-71 (“ Forces nucléaires) regroupe tous les crédits identifiés au sein du domaine nucléaire, à l’exception des études. Il inclut donc tant les programmes de développement que les fabrications ou les munitions nucléaires.

Un chapitre 52-81 regroupe l’ensemble des études, mais sans le développement, qui est donc rattaché désormais aux programmes auxquels il s’applique.

Figurent au chapitre 53-71 les programmes interarmées, et au chapitre 53-81 les programmes gouvernés par une seule armée. Ces deux chapitres regroupent développement et fabrications.

De plus, les programmes les plus importants font l’objet, au sein de chaque chapitre, d’un article qui leur est consacré.

S’agissant de l’Armée de l’air, on en trouvera ci-après la liste,

accompagnée de leur numéro d’article :

MTBA 51-61-12

Syracuse III 51-61-13

FSAF (SAMP/T) 53-71-12

Mica 53-71-13

Rafale 53-71-15

Scalp-EG 53-71-16

Mirage 2000D 53-81-18

SCCOA 53-81-19

Apache antipiste 53-81-21

Mirage 2000-5 53-81-22

Il faut noter que le chapitre 53-71 étant consacré aux programmes interarmées, les articles Air s’articulent pour chaque programme avec des articles relevant d’autres armées : ainsi pour le Rafale, l’article 53-71-15 (crédits Air consacrés au Rafale) est complété par l’article 53-71-31 (crédits Marine consacrés au Rafale).

Deux chapitres regroupent désormais les opérations dites de flux (par opposition aux programmes d’armement) : le chapitre 55-11 (soutien des forces) regroupe l’entretien programmé du personnel (EPP) et les achats de munitions et le chapitre 55-21 les crédits d’entretien programmé du matériel.

Enfin, le chapitre 54-41 regroupe les crédits d’infrastructure, comme autrefois le chapitre 54-40.

Au bout du compte, les investissements de l’Armée de l’air sont désormais présentés à travers 28 articles au lieu de 18.

Il n’est pas besoin d’insister sur l’amélioration qu’apporte cette réforme pour la lisibilité des dépenses d’équipement : la séparation des études amont, le regroupement des crédits par programme et la promotion des plus importants de ceux-ci en articles, éventuellement séparés en fonction des gouverneurs de crédits, la mise en évidence des crédits d’EPP et d’EPM donnent enfin au Parlement une capacité effective de vérification et d’action sur les investissements du pays en matière de Défense.

On peut tout particulièrement le constater à la lecture des deux tableaux ci-après, qui retracent les crédits de paiement en 1998 et 1999 en fonction de la nomenclature.

NOUVELLE NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE DU TITRE V

PAR CHAPITRE ET ARTICLE EN 1999

Chapitre 51-61 : Espace et systèmes d’information et de commandement

Article 11

Air : Systèmes spatiaux et de télécommunication sol

Article 12

Air : Programme MTBA

Article 13

Air : Programme Syracuse III

Chapitre 51-71 : Forces nucléaires

Article 11

Air : Forces nucléaires

Chapitre 52-81 : Etudes

Article 11

Air : Etudes technico-opérationnelles

Article 12

Air : Etudes hors domaine technico-opérationnel

Chapitre 53-71 : Equipements communs, interarmées et de la gendarmerie

Article 11

Air : Programmes communs

Article 12

Air : Programme FSAF

Article 13

Air : Programme MICA

Article 14

Air : Programmes communs aéronautiques

Article 15

Air : Programme Rafale

Article 16

Air : Programme Scalp EG

Chapitre 53-81 : Equipement des armées

Article 11

Air : Matériels électroniques de sol et de bord

Article 13

Air : Développement et production des matériels

Article 14

Air : Essais

Article 15

Air : Simulateurs

Article 16

Air : Développement et production des matériels

Article 18

Air : Programme Mirage 2000D

Article 19

Air : Programme SCCOA 1, 2 et suivants

Article 21

Air : Programme Apache antipiste

Article 22

Air : Programme Mirage 2000-5

Chapitre 54-41 : Infrastructure

Article 11

Air : Installations et acquisitions de l’infrastructure de l’air

Chapitre 55-11 : Soutien des forces

Article 11

Air : Matériel informatique de soutien des forces

Article 12

Air : Armement et munitions

Article 13

Air : Armement et munitions SPAé

Article 14

Air : Matériels sol

Article 15

Air : Matériels

Chapitre 55-21 : EPM

Article 11

Air : Maintien en condition opérationnelle des matériels

TITRES V ET VI AIR : CRÉDITS DE PAIEMENT
(sur la base de l’ancienne nomenclature)

(en millions de francs)

 

1998

1999

Etudes, recherches et prototypes
(chapitres 51-60 et 51-80)

3 244

3 610

Fabrications
(chapitre 53-80)

14 816,1

15 586

Infrastructures
(chapitre 54-40)

1 075

1 012

Titre V

19 135,1

20 208

Titre VI

26

30

Total

19 161,1

20 238

TITRES V ET VI AIR : CRÉDITS DE PAIEMENT

(nouvelle nomenclature)

(en millions de francs)

 

Crédits votés
1998

PLF
1999

% du titre V
Air

Etudes (52-81)

29

40

0,20 %

Espace et communication (51-61)
dont MTBA

461

524
290

2,59 %

Nucléaire (51-71)

423

823

4,07 %

Equipements interarmées (53-71)
dont :
– FSAF (SAMP/T)
– MICA
– Rafale
– Scalp/EG

3 657

171
435
2 577
364

4 913

201
459
3 750
368

24,21 %




Equipement Air (53-81)
dont :
– Mirage 2000D
– SCCOA
– Apache
– Mirage 2000-5

5 987

1 146
712
310
640

6 702

1 218
811
326
662

33,16 %




Soutien des forces et munitions (55-11)

993

1 527

7,6 %

Entretien programmé du matériel (55-21)

3 782

6 447

23,09 %

Infrastructures (54-41)

837

1 012

5 %

TITRE V

16 169

20 208

100 %

TITRE VI

7

30

 

Total

16 176

20 238

 

La nouvelle nomenclature permet de faire apparaître de façon saisissante le poids des programmes dans les investissements de l’Armée de l’air : 11,62 milliards de francs sont provisionnés à cet effet aux chapitres 53-71 et 53-81, pour un titre V de 20,208 milliards de francs, soit 57,48 % du titre V.

Le poids des programmes d’avions est écrasant : le Rafale représente 3,7 milliards de francs, le Mirage 2000D 1,22 et le Mirage 2000-5 662 millions de francs, soit un total de 5,6 milliards de francs pour les avions de combat (27,87 % du titre V).

Le second poste, pris globalement, est représenté par l’entretien programmé du matériel et le maintien en condition opérationnelle : 4,67 milliards de francs en 1999, soit 23,1 % du titre V, près du quart.

Puis viennent les principaux programmes de missiles (FSAF, Mica, Scalp et Apache) avec 1,35 milliard de francs de crédits de paiement (6,68 %), le soutien des forces (7,6 %), les infrastructures (5 %), le nucléaire (4,07 % seulement) et enfin l’espace et la communication (2,59 %).

Ainsi la nouvelle nomenclature met-elle en évidence une structure de dépenses beaucoup plus parlante, ce dont votre rapporteur se réjouit.

B —  L’ÉVOLUTION DU TITRE V AIR

Cette transparence nouvelle reste cependant de faible secours pour porter une appréciation sur le projet de titre V Air pour 1999.

Une comparaison avec l’année 1998 fait apparaître un excellent projet de titre V, puisqu’on peut constater une hausse de 23 % des autorisations de programmes et de 5,6 % des crédits de paiement.

TITRES V ET VI AIR
AUTORISATIONS DE PROGRAMMES

(en millions de francs courants)

1998(1)

1999(2)

Evolution
en francs

Evolution
en %

16 405,3

20 238

+ 3 832,7

+ 23,36 %

(1) Loi de finances initiale
(2) Projet de loi de finances

TITRES V ET VI AIR : CRÉDITS DE PAIEMENT

(en millions de francs)

 

1998(1)

1999(2)

Evolution
en francs

Evolution
en %

(francs courants)

19 161,1

20 238

+ 1 076,9

+ 5,62 %

(francs constants 1999)

19 171,9

20 238

+ 866,1

+ 4,47 %

(1) Loi de finances initiale
(2) Projet de loi de finances

Cependant, on sait que le titre V pour 1998 était en retrait de 10 % environ par rapport à celui de 1997 ou encore par rapport à celui que prévoyait l’annuité 1998 de la version actualisée du référentiel de programmation (VAR) qui est un document interne du ministère pour le suivi de la mise en oeuvre de la loi de programmation. En ce cas, il faudrait dire que le titre V pour 1999 ne permet pas de racheter l’encoche de 1998.

Cette analyse ne serait cependant pas plus pertinente que la précédente : en effet, la revue de programmes intervenue au début de cette année a fait apparaître que certaines économies étaient possibles sans mettre en cause les objectifs de la loi de programmation. C’est donc dans ce nouveau cadre, qui a abouti à stabiliser à un niveau de 85 milliards de francs (valeur 1998) les crédits d’équipement militaire – soit à un niveau inférieur de 5 % aux crédits prévus par la loi de programmation – qu’il convient d’analyser l’actuel projet de titre V.

Enfin, contrairement aux crédits de fonctionnement, les crédits d’équipement d’une année n’ont aucune raison d’être commandés par ceux de l’année précédente : il reste tout à fait indifférent que les vingt avions qui vont permettre d’équiper un escadron soient commandés sur une seule année civile ou répartis sur deux. De même, le calendrier des commandes a ensuite des conséquences sur celui de l’entretien : une année pourra voir très peu de crédits consacrés à l’entretien -car peu d’avions devront cette année là passer en “ grande visite ” par exemple- tandis que le budget de l’année suivante devra provisionner d’importants crédits à cette fin. Ainsi, comme votre rapporteur l’avait exposé l’an dernier dans son rapport pour avis, le budget consacré aux rechanges aériens en 1998 était à la fois en hausse de 6,83 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997 et en recul de 3,94 % par rapport aux prévisions de la version actualisée du référentiel de la loi de programmation pour 1998.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur prendra pour référence, pour analyser le présent projet de titre V, non pas la loi de finances de l’an dernier, mais bien la version actualisée du référentiel de programmation pour 1999, compte tenu des conséquences de la revue de programmes sur l’établissement de celui-ci.

Sur la base des informations fournies à votre rapporteur par le ministère de la Défense, et s’agissant de l’Armée de l’air, il s’avère que les ressources qui auraient dû être ouvertes à celle-ci pour 1999 au titre V en application de la loi de programmation, compte tenu des abattements dus aux décisions de la revue de programmes, se montent à 20 329 millions de francs.

Les crédits ouverts sont de 20 238 millions de francs.

Il faut cependant tenir compte des modifications de périmètre et de structure. Ainsi, le projet de titre V inclut pour 235 millions de francs de charges qui n’étaient pas prévues en loi de programmation : 13 millions de francs pour le transfert à l’Armée de l’air de l’unité de transports d’éléments d’armes nucléaires, 22 millions de francs pour la couverture de la moitié de la charge induite par l’augmentation des cotisations des pensions des ouvriers et 220 millions de francs pour le transfert de charges d’EPM du titre III vers le titre V. La prise en compte de ces charges aurait dû amener à un titre V de 20 584 millions de francs. C’est sur cette base qu’a bien été construit le projet de budget.

Toutefois, l’Armée de l’air a dû prendre sa part des charges supplémentaires dont le Ministre de la Défense a exposé à la Commission qu’elles avaient été mises au titre V du budget de son département.

Ont été prélevés sur le montant à partir duquel le projet de titre V a été construit : 213 millions de francs pour le budget civil de recherche et développement, 34 millions de francs pour la charge induite par l’augmentation des cotisations des pensions des ouvriers d’Etat, 95 millions de francs pour le transfert de charges d’EPM du titre III vers le titre V et 4 millions de francs d’ajustement résiduel, soit 346 millions de francs. Ce chiffre représente bien la différence entre le montant qui aurait dû être celui du titre V Air (20 584 millions de francs) et le montant réel (20 584 - 346 = 20 238).

Le titre V Air apparaît ainsi comme représentant 98,32 % du titre V idéal auquel l’Armée de l’air aurait pu prétendre, par application stricte de l’actualisation financière de la loi de programmation, compte tenu des abattements de la revue de programmes. Qu’un budget d’investissement soit respecté à 1,68 % près est en fait une excellente nouvelle. De ce fait, le projet de titre V Air apparaît comme tout à fait bon.

L’examen des dépenses effectives de l’Armée de l’air amène à confirmer ce jugement. On sait en effet que si les soldes de fin de gestion sont toujours très modestes en titre III, tel n’est pas le cas en titre V. De fait, depuis 1995, l’Armée de l’air n’a jamais dépensé plus de 19,6 milliards de francs par an.

GESTION DES CRÉDITS DES TITRES V ET VI AIR

(en millions de francs)

Année

Dotation
initiale

Reports
accordés

Autres
mouvements

Crédits
disponibles

Dépenses
réelles

Solde de fin de gestion

           


En francs

en %
des crédits
disponibles

1995

22 720,738

1 302,513

- 3 525,507

20 497,744

19 461,529

1 036,215

5,1 %

1996

21 091,942

1 036,215

- 1 856,535

20 271,622

19 582,911

688,711

3,4 %

1997

21 623,592

688,711

- 1630,972

20 681,331

19 324,895

1 337,436

3,3 %

1998

19 161,100

1 337,436

         

(Source : ministère de la Défense)

L’année 1998, qui a été marquée par des retards considérables en matière d’engagements de crédits, du fait de la restructuration de la DGA devrait être cause de reports abondants. On peut penser que, à cause cette fois de la réforme de la nomenclature, la consommation des crédits sera également difficile en 1999.

De ce fait, il est clair que le budget d’investissement de l’Armée de l’air en 1999, avec 20,238 millions de francs, permettra sans conteste à celle-ci de financer les achats établis comme nécessaires en 1999 pour accomplir les missions qui lui sont déférées.

Si l’on peut formuler une inquiétude, c’est plutôt sur les conditions dans lesquelles elle pourra ou non passer ces commandes ; cependant une amélioration en ce sens n’est ni des compétences de votre rapporteur, ni même vraiment de celles de l’Armée de l’air.

DEUXIÈME PARTIE

LE CHANTIER DE LA PROFESSIONNALISATION

En matière de personnel, l’année 1999 est une année charnière pour l’Armée de l’air. En effet, elle va perdre 9 000 appelés environ, le quart de l’effectif d’avant la professionnalisation et près de la moitié de l’effectif subsistant. En même temps, elle ouvrira cette année 2 371 postes de militaires techniciens de l’air, le nombre le plus important de la période.

Le caractère délicat de cette transition est accru par ses conséquences mécaniques. A chaque appelé sont attachés des crédits de fonctionnement. Chaque suppression de poste entraîne donc une suppression concomitante de crédits. L’année où la déflation des effectifs d’appelés est la plus importante sera donc aussi celle de la déflation la plus importante des crédits de fonctionnement.

Par ailleurs, il faut rappeler qu’outre la réduction mécanique des crédits de fonctionnement, un effort supplémentaire d’économie est demandé aux armées.

De ce fait, indépendamment de la réalisation des plans d’effectifs, la réussite de la professionnalisation suppose un travail très important en matière d’organisation et de fonctionnement à la fois pour en supporter les incidences budgétaires et aussi pour permettre les redéfinitions et transferts d’emplois et assurer les recrutements correspondants.

Avant la question de l’adaptation des effectifs, on évoquera donc ici d’abord la réorganisation du dispositif de l’Armée de l’air.

I. —  L’ADAPTATION DYNAMIQUE À UNE GESTION SOUS CONTRAINTE

A. —  UNE ORGANISATION ADAPTÉE

On le sait, le cœur de l’Armée de l’air, c’est la base aérienne.

Celle-ci, lieu de stationnement et de mise en œuvre des unités mais aussi collectivité constituée par ces unités, est le niveau de synthèse et de coordination entre les commandements opérationnels, organiques et territoriaux ; la base aérienne est ainsi l’outil de combat de l’Armée de l’air.

Dans son effort de restructuration, entrepris depuis plusieurs années déjà, l’Armée de l’air a privilégié la base aérienne comme support et pivot de cette restructuration : des bases de moins en moins nombreuses, mais de plus en plus importantes, et des unités rattachées de plus en plus nombreuses.

C’est aussi la base aérienne qui a été choisie comme cadre du recrutement et de la reconversion des MTA, ainsi que pour le recrutement des personnels civils.

Depuis plusieurs années, il apparaissait que la pleine réussite de cette politique supposait une réforme interne de l’organisation des bases aériennes.

En effet, aux termes de l’instruction 1257 de l’état-major de l’Armée de l’air, l’organisation de la base aérienne reposait sur un commandant de base, chef unique et investi de toutes les responsabilités, assumant un commandement complet, à la fois opérationnel et territorial, et ayant autorité sur toutes les unités de l’Armée de l’air stationnées sur la base. Il était assisté de six chefs de moyens (moyens opérationnels, moyens techniques, moyens généraux, moyens de sécurité et de protection, commissaire de base) et enfin du chef du service médical, le plus souvent lieutenants-colonels ou commandants.

Cette organisation donnait au commandant de base un nombre élevé d’interlocuteurs.

Or, avec le temps, les réformes de l’organisation opérationnelle (disparition du niveau escadre entre 1993 et 1996) et l’augmentation des unités sur les bases, ce nombre s’est régulièrement accru, tandis que le développement des missions de projection et la mise en œuvre de la professionnalisation requérait de sa part de plus en plus de temps et d’attention.

Le principe a été de réduire légèrement le nombre d’interlocuteurs directs du commandant de base, mais surtout de confier à ceux-ci des responsabilités élargies, permettant de libérer le commandant de base pour ses nouvelles tâches, pour lesquelles un officier supérieur supplémentaire -qui devrait être plutôt un commandant- lui sera adjoint. Le bureau de relations publiques sera rattaché à cet officier.

Dans ce cadre, le poste de commandant en second a été revalorisé ; celui-ci est désormais aussi l’adjoint forces, en charge donc de la réalisation des missions opérationnelles, notamment celles liées à la projection.

Trois chefs de soutien (le chef du soutien opérationnel, le chef du soutien technique et le chef du soutien du personnel, poste qui sera attribué à un commissaire) remplacent les cinq chefs de moyens.

La durée d’affectation du commandant de base a été portée de deux à trois années. La durée actuelle était considérée comme trop courte pour permettre au commandant de base d’accomplir toutes les tâches de responsabilité qui lui sont aujourd’hui confiées.

Votre rapporteur se réjouit de la mise en œuvre de cette réorganisation longtemps mûrie, qui lui paraît bien adaptée au renforcement des bases aériennes, qu’a choisi l’Armée de l’air comme support pour sa restructuration et sa professionnalisation, et donc de bon augure pour la poursuite de ces deux réformes.

B. —  LES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT ET LE DISPOSITIF DES BASES

Cette année comme l’an dernier, les crédits de fonctionnement des bases seront en diminution de 5,18 % et 6,12 % hors carburants routiers, contre respectivement 4,09 % et 4,8 % en 1998.

Cette diminution de 79 millions de francs traduit, on l’a vu, tant les conséquences mécaniques de la professionnalisation qu’un effort volontariste d’économie.

CRÉDITS DESTINÉS AU FONCTIONNEMENT DES BASES EN 1998 ET 1999
(chapitre 34-03)

(en millions de francs)

 

1998(1)

1999(2)

Evolution

Fonctionnement des bases et des services

1 524

1 445

- 5,18 %

– Fonctionnement courant
– Carburants routiers et combustibles

1 291
233

1 212
233

- 6,12 %

Carburants opérationnels

904

827

- 8,45 %

Total

2 428

2 272

- 6,42 %

(1) Loi de finances initiale
(2) Projet de loi de finances

Comme les années précédentes, elle correspond à une restructuration du nombre des bases aériennes.

On le sait, l’Armée de l’air a pris l’habitude d’appeler “ base aérienne ” toutes ses implantations importantes, et non pas seulement les bases dotées d’une piste d’envol et susceptibles d’accueillir des avions. C’est de plus en plus exclusivement sur ces bases “ non plates-formes ” que portent les restructurations.

Ainsi, après la transformation en détachement air de la base de Toul-Rosières en 1998, aucune base plate-forme ne sera touchée en 1999. En revanche, après les bases de Bordeaux-Cenon et Toul-Thouvenot, en 1998, la base d’Apt sera fermée en 1999 et celle de Contrexéville transformée en détachement air.

Fin 1999, l’Armée de l’air aura ainsi fermé 18 bases aériennes depuis 1982, dont 4 auront été transformées en détachements air.

Par ailleurs, le 7 juillet dernier, le ministre de la Défense a rendu publiques les mesures complémentaires d’adaptation, pour la période 2000-2002. S’agissant de l’Armée de l’air, ces réorganisations toucheront les bases aériennes de Varennes-sur-Allier (2000), Romorantin (2002) et Doullens (2002), qui seront transformées en détachement air.

A la fin de l’année 1998, l’Armée de l’air dispose ainsi de 25 bases plates-formes (dont 13 bases majeures de stationnement), 13 bases non plates-formes (dont la Cité de l’air, la BA 117 à Paris), 2 écoles, 4 détachements, 6 bases ou détachements air dans les DOM-TOM et deux détachements air à l’étranger.

13 BASES MAJEURES DE STATIONNEMENT DE CHASSE
OU DE TRANSPORT

Numéro BA

Ville voisine

Département

102

Dijon

21

103

Cambrai

59

105

Evreux

27

112

Reims

51

113

Saint-Dizier

52

115

Orange

84

116

Luxeuil

70

118

Mont-de-Marsan

40

123

Orléans-Bricy

45

125

Istres

13

132

Colmar

68

133

Nancy-Ochey

54

702

Bourges-Avord

18

12 BASES ÉCOLES, À VOCATION INTERARMÉES,
ÉTAT-MAJOR, CENTRES D’OPÉRATIONS

Numéro BA

Ville voisine

Département

101

Toulouse-Francazal

31

106

Bordeaux-Mérignac

33

107

Villacoublay

78

110

Creil

60

114

Aix-en-Provence

13

120

Cazaux

33

126

Solenzara

2B

128

Metz

57

279

Châteaudun

28

701

Salon-de-Provence

13

705

Tours

37

709

Cognac

16

13 BASES NON PLATES-FORMES

5 BASES RADAR

Numéro BA

Ville voisine

Département

901

Drachenbronn

67

902

Contrexéville

88

922

Doullens

80

942

Lyon Mont-Verdun

69

943

Nice

06

3 BASES ENTREPÔTS OU ATELIERS

Numéro BA

Ville voisine

Département

273

Romorantin

41

277

Varennes-sur-Allier

03

278

Ambérieu

01

5 BASES DIVERSES

Numéro BA

Ville voisine

Département

117

Paris

75

200

Apt

84

217

Brétigny

91

721

Rochefort

17

921

Taverny

95

2 ÉCOLES

Ecoles

Ville voisine

Département

— Ecole d’Enseignement Technique de l’Armée de l’air (EETAA 722)

Saintes

17

— Ecole des pupilles de l’air (EPA 749)

Grenoble

38

4 DÉTACHEMENTS AIR

Numéro DA

Ville voisine

Département

90.106

Bordeaux-Beauséjour

33

90.113

Prunay

10

90.115

Narbonne

11

90.136

Toul-Rosières

54

2 BASES AÉRIENNES ET 4 DÉTACHEMENTS AIR
DANS LES DOM ET LES TOM

2 BASES AÉRIENNES

Numéro BA

Ville voisine

DOM ou TOM

181

Saint-Denis

Réunion

190

Papeete

Polynésie française

4 DÉTACHEMENTS AIR

Numéro DA

Ville voisine

DOM ou TOM

365

Fort-de-France

Martinique

366

Pointe-à-Pitre

Guadeloupe

367

Cayenne

Guyane

376

Nouméa

Nouvelle-Calédonie

2 DÉTACHEMENTS AIR À L’ÉTRANGER

Numéro DA

Ville et pays

160

Dakar (Sénégal)

188

Djibouti

Il faut enfin noter que, également dans une perspective de rationalisation, il a été décidé d’adopter, à l’été 2000, un schéma à deux régions aériennes, Nord et Sud, en remplacement des trois actuelles. Cependant, là aussi, ce resserrement, principalement motivé par l’économie qu’il procure en terme d’effectif du fait de la disparition d’une structure d’état-major, celui de l’actuelle région aérienne Méditerranée et de ses organismes rattachés devrait également présenter divers avantages pour l’articulation entre aviation militaire et aviation civile, entre structures territoriales de l’Armée de l’air et de l’Armée de terre, voire en matière de liaison avec nos alliés de l’OTAN. Il conviendra de s’y intéresser de plus près l’an prochain.

C. —  LES CRÉDITS OPÉRATIONNELS ET L’ACTIVITÉ AÉRIENNE

1. —  Les contraintes de l’entraînement des forces

En matière opérationnelle, l’Armée de l’air est soumise à deux pressions contradictoires : la diminution des crédits, dans un but d’économies budgétaires et de stricte gestion, et la nécessité d’un niveau d’entraînement fonctionnel des pilotes.

Comme on peut le voir à la lecture du tableau ci-dessous, dans l’aviation de transport, ce niveau est atteint chaque année du fait des nombreuses missions de liaison, de transport ou d’évacuation effectuées.

ACTIVITÉ MOYENNE DES PILOTES
DE LA FORCE AÉRIENNE DE PROJECTION

(heures de vol)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998
(estimation)

1999 prévision

Pilotes à l’instruction (1)

389

325

384

305

310

350

350

Pilotes qualifiés (2)

459

407

446

438

380

420

420

(1) Pilotes en progression professionnelle, depuis leur arrivée en unité opérationnelle jusqu’à l’obtention de la qualification de “ chef de bord ”

(2) Chefs de bord, commandants de bord et moniteurs en vol

En revanche, la formation et l’activité des pilotes de chasse demandent le respect de normes fermes d’entraînement. Cette remarque vaut d’ailleurs tout autant pour l’ensemble des personnels des bases consacrées à la défense aérienne (contrôle du sol, mécaniciens...) dont l’activité est structurée par l’activité aérienne.

La norme minimale fixée par l’OTAN est de 180 heures par pilote et par an. Même si certains de ses membres ont fixé une norme plus élevée, c’est aussi la norme de l’Armée de l’air.

NORMES D’ACTIVITÉ DES PILOTES DE CHASSE :
COMPARAISON AVEC LES PRINCIPALES AVIATIONS DE COMBAT

(heures de vol par pilote et par an)

France

Etats-Unis

Allemagne

Royaume-Uni

180

190

140

200

Or, l’activité aérienne dépend de trois paramètres budgétaires :

— les crédits destinés aux carburants aéronautiques ;

— les crédits destinés à l’entretien programmé du matériel ;

— les crédits consacrés à l’achat de rechanges aériens et au maintien en condition opérationnelle, qui figurent, eux, au titre V.

Si l’un de ces postes est insuffisamment doté, c’est l’ensemble de l’activité qui peut se trouver affectée.

2. —  Les crédits de carburant opérationnel

Le prix du carburant opérationnel dépend du cours du baril en dollars et du dollar en francs, cours qui varient tout au long de l’année. A des fins d’ajustement budgétaire, le caractère incertain de ce prix a été à la source de pratiques modérément orthodoxes, consistant notamment à afficher les quantités nécessaires mais à des tarifs en fait irréalistes : ainsi, en 1996, l’Armée de l’air a dû limiter à 172 heures l’entraînement des pilotes de chasse du fait d’un tarif prévisionnel fixé à 890 francs le m3 alors que le cours constaté a été de 1 184 francs/m3.

Dans son rapport de l’an dernier, votre rapporteur faisait part de ses inquiétudes pour l’exercice 1997. Alors que le tarif avait été fixé à 1 010 francs m3, le prix moyen constaté était de 1 228 francs/m3, soit un écart de 21,5 %.

De fait, le nouveau Gouvernement a dû accorder des ressources complémentaires à l’Armée de l’air. Le décret d’avances du 17 octobre 1997 et la loi de finances du 29 décembre 1997 ont ainsi accordé 150 millions de francs à l’Armée de l’air pour le carburant opérationnel.

Cependant, cet octroi a été trop tardif pour permettre la pleine réalisation du programme d’entraînement qui s’est donc limité à 176 heures, soit un léger déficit d’activité de 2 % environ.

Eu égard à ces difficultés, la décision a été prise lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 1998 de s’en tenir désormais à une évaluation sincère et réaliste du cours prévisible des carburéacteurs ; pour cette raison les crédits de carburéacteurs avaient été fixés à 903,5 millions de francs, en hausse, pour correspondre à un tarif prévisionnel de 1 200 francs/m3, en hausse de 18,8 %, sur 1997.

Le projet de budget 1999 traduit là aussi pleinement la mise en oeuvre de cette doctrine. Le prix du carburéacteur ayant beaucoup diminué en 1998 (le prix moyen constaté était de 971 francs/m3 au 31 août 1998), il a été possible de prévoir des crédits de 827,2 millions de francs, en baisse de 8,44%, pour tenir compte d’un tarif prévisionnel pour 1999 de 910 francs/m3 seulement.

Par ailleurs, selon les informations de votre rapporteur, un point sera fait en cours d’année en cas d’évolution sensible du cours constaté par rapport au cours prévu.

Votre rapporteur se réjouit de cette bonne application de la règle du cours réel au carburant opérationnel, qui permet à l’Armée de l’air d’être assurée des volumes nécessaires à son entraînement et à son activité de façon transparente, et ce alors qu’elle n’a aucun moyen d’en maîtriser les coûts.

3. —  L’entretien et la rénovation du matériel

a) Les crédits budgétaires

Outre le carburant opérationnel, les deux postes dont dépend l’activité aérienne sont ceux de l’entretien programmé du matériel (EPM), qui recouvre les dépenses de personnel nécessaires à la maintenance lourde des appareils, effectuée soit chez le constructeur, soit dans les trois ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) de la DGA à Cuers, Clermont-Ferrand et Bordeaux, dont les crédits figurent au titre III, et du maintien en condition opérationnelle (MCO), c’est-à-dire les crédits destinés aux rechanges aériens (pièces détachées) qui figurent au titre V. Le transfert, cette année, de 220 millions de francs d’EPM au titre V, c’est-à-dire dans les chapitres budgétaires ou figure le MCO, amène cette année votre rapporteur à analyser ensemble les crédits d’EPM et de MCO.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D’ENTRETIEN PROGRAMMÉ
DU MATÉRIEL ET DE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE

(en millions de francs)

Crédits

Crédits de
paiement

Écarts

 

1998(1)

1999(2)

Valeur absolue

%

Titre III (Chapitre 34-20)

889,2

628,5

- 260,7

- 29,32

Titre V (Chapitres 53-80, puis 55-21 et 55-71)

4 719

5 127

+ 408

+ 8,65

Total

5 608,2

5 755,5

+ 147,3

+ 2,63

(1) Loi de finances initiale
(2) Projet de loi de finances

Cette analyse permet de conclure à une légère hausse en francs courants des crédits d’entretien et de rénovation du matériel.

Il ne faut cependant pas oublier que, par rapport aux prévisions tirées de la loi de programmation militaire, l’annuité 1998 avait été frappée d’une réduction de près de 10 % environ en EPM et de 4 % en MCO. En fait, les montants prévus pour 1999 sont la traduction des décisions prises dans la revue de programmes de supprimer 5 % environ des crédits de flux par rapport à ce qu’ils auraient dû être si la programmation avait été intégralement appliquée.

Cette situation amène votre rapporteur à formuler deux réflexions. D’abord, il se félicite une nouvelle fois de la façon plus raisonnée dont est conduite la gestion budgétaire du ministère de la Défense : à la régulation brutale qu’on a connue autrefois, a désormais succédé une gestion prudente et fine, cela en est la preuve.

Ensuite, il est clair que cette politique doit elle-même entraîner un effort d’adaptation permanent pour que l’outil soit maintenu tout aussi performant à moindre frais.

b) La réforme de la gestion des rechanges aériens

La réforme de la gestion des rechanges aériens est l’autre réponse de l’Armée de l’air à la diminution des crédits des flux.

Sur ce point, le système ancien avait ses limites. C’est pourquoi, pour tenter d’adapter en permanence la gestion des matériels aux nécessités opérationnelles tout en maîtrisant les dépenses, une refonte du système de gestion des matériels techniques a été réalisée. Le nouveau système a été baptisé SIGMA (système d’information pour la gestion des matériels air).

Après diverses vicissitudes, la réception du système a été prononcée le 8 octobre 1997 par la Direction centrale du matériel de l’Armée de l’air et SIGMA a été mis en service le 8 décembre 1997.

SIGMA est un système puissant et compliqué. Il met à la disposition des gestionnaires de puissantes possibilités de simulation associées à des algorithmes appropriés pour le calcul des besoins en rechanges et en réparations. Il comporte un dispositif de veille des paramètres technico-logistiques permettant de détecter les écarts entre les prévisions et le comportement observé, et met en oeuvre des indicateurs d’activité et de performances capables de mesurer l’efficacité de la gestion. Il participe enfin à l’élaboration de la comptabilité de gestion du service du matériel de l’Armée de l’air.

L’Armée de l’air en attend une gestion des matériels à la fois plus efficace et moins coûteuse, grâce à l’amélioration de la capacité de prévision des besoins, source d’un meilleur ajustement des commandes et des stocks, au développement d’une gestion optimisée sous contrainte budgétaire, et à la mise en place d’indicateurs de performances, permettant une amélioration et une meilleure connaissance du système de gestion lui-même.

Après l’année 1998, consacrée d’abord à la montée en puissance du système et sa bonne appropriation par les utilisateurs, l’année 1999 devrait permettre de mesurer les premiers progrès obtenus par son utilisation.

II. —  LA GESTION DES PERSONNELS ET DES EFFECTIFS

A. —  UNE ANNÉE CRUCIALE POUR L’ARMÉE DE L’AIR

En matière de professionnalisation, l’année 1999 est une année cruciale pour l’Armée de l’air. En effet, après avoir perdu 5 016 personnels entre 1996 et 1997, 5 088 entre 1997 et 1998, et avant d’en perdre 5 325 entre 1999 et 2002, elle va voir ses effectifs diminuer de 7 043 personnes pour cette seule année.

Cette diminution sera ventilée de la façon suivante :

- 60 officiers,

- 725 sous-officiers,

- 9 144 appelés du contingent,

+ 2371 militaires techniciens de l’air engagés,

+ 211 volontaires,

+ 304 civils.

Une comparaison avec les années précédentes où les prévisions pour les années suivantes montrent de plus que, au-delà de son importance relative, cette réduction est marquée par le caractère massif de la déflation d’effectif des appelés et le niveau élevé du nombre de postes de MTA créés.

En effet, au milieu de l’année 1999, l’Armée de l’air qui comptait 32 674 appelés en 1996 et encore 19 931 en 1998 n’en comptera plus que 11 000 sur un total de 76 425 personnels, leur nombre diminuant encore au cours de l’année puisqu’il n’est plus prévu que 6 000 appelés en 2000. Les appelés ne représenteront plus alors que 8 % du personnel de l’Armée de l’air, contre plus du tiers en 1996 et encore près du quart en 1998. Parallèlement, le nombre d’engagés, avec 11 407 droits budgétaires, sera pour la première fois supérieur à celui des appelés ; il croîtra encore au cours de l’année puisqu’en 2000, 13 231 droits budgétaires seront ouverts, soit deux fois plus que de droits d’appelés.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE L’ARMÉE DE L’AIR

 

1996

 

1997

1998

1999

2000 *

2001 *

2002

Catégories

               

Officiers

7 277

 

7 278

7 218

7 158

7 097

7 037

6 974

Sous-officiers

42 813

 

42 564

41 964

41 239

40 298

39 353

38 392

Engagés

5 882

 

7 220

9 036

11 407

13 231

14 667

16 758

Appelés

32 674

 

26 398

19 931

10 998

6 000

2 400

2 225**

Effectifs militaires

88 646

 

83 460

78 149

70 802

66 626

63 457

64 349

                 

Effectifs civils

4 906

 

5 076

5 299

5 603

5 933

6 334

6 731

                 

Total général

93 552

 

88 536

83 448

76 405

72 559

69 791

71 080

* Effectifs prévisionnels

** Volontaires

Pour l’Armée de l’air, l’année 1999 apparaît bien ainsi comme l’année charnière de la professionnalisation : c’est en 1999 que l’Armée de l’air perdra son caractère traditionnel d’armée mixte pour devenir une armée professionnelle.

B. —  LA POURSUITE DE LA DÉFLATION DES PERSONNELS MILITAIRES DE CARRIÈRE

1. — Les conditions générales

Le format de l’armée professionnelle, défini par la loi de programmation, suppose pour l’Armée de l’air entre 1997 et 2002 une diminution de 303 officiers, soit 4,2 % des droits budgétaires de 1996, et de 4 421 sous-officiers, soit 10,3 % des effectifs. On sait que le recours à une loi de dégagement des cadres ayant été écarté, des mesures d’incitation ont été instituées. Il s’agit d’abord de mesures financières avec l’instauration d’un “ pécule d’incitation au départ ”, pour le personnel en position d’activité, à plus de trois ans de la limite d’âge de son grade, ayant effectué au moins vingt-cinq ans de services militaires pour les officiers et au moins quinze ans pour les sous-officiers, mais aussi la prorogation jusqu’en 2002 des articles 5, 6 et 7 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975, permettant aux officiers de partir à la retraite avec la pension du grade supérieur ou le bénéfice d’un congé spécial et la revalorisation importante de l’indemnité de départ des militaires non officiers, quittant le service entre huit et onze ans de service, au terme de leur contrat (vingt-quatre mensualités au lieu de quatorze antérieurement).

Pour l’année 1998, la part des crédits attribués à l’Armée de l’air est la suivante :

— pour les pécules : 223,6 millions de francs (au lieu de 171,5 millions de francs l’année dernière), soit une hausse de 30 % ;

— pour l’article 5 de la loi du 30 octobre 1975, 70 droits sur les 700 ouverts au profit de l’ensemble des armées. Le montant des pécules associés est de 7 millions de francs, en sus des 223,6 millions de francs précédents ;

— pour l’indemnité de départ : 14,1 millions de francs, comme l’an dernier.

Comme l’an dernier, le bénéfice des pécules a été ouvert de façon prioritaire aux personnels, officiers et sous-officiers, appartenant aux unités touchées par une mesure de restructuration, aux plus anciens, et à ceux dont la date de départ demandée était située soit entre trois et quatre ans de la limite d’âge, soit au-delà de six ans de la limite d’âge. Ont été également jugés prioritaires les sous-officiers servant dans une spécialité excédentaire. Le cas particulier des officiers dits “ hors créneau d’avancement ” a été aussi pris en compte.

Enfin, l’Armée de l’air a également fait usage des normes de reclassement prévues par la loi de programmation militaire, notamment la possibilité d’un changement d’armée au profit de la Gendarmerie ou de la Marine et le développement des possibilités de reclassement dans la fonction publique.

2. — Les officiers

L’Armée de l’air réussit fort bien à gérer son effectif d’officiers dans le contexte de déflation de la loi de programmation. En effet, la déflation imposée est faible puisqu’elle n’est que de 60 par an, sur plus de 7 000 officiers. De plus, l’Armée de l’air ne connaît plus de sureffectifs depuis plusieurs années et le développement des transports aériens amène de nouveau les compagnies aériennes civiles à recruter, notamment dans le milieu militaire.

Les dispositions de la loi de programmation sont cependant utilisées. Ainsi, 39 pécules ont été accordés pour 83 demandes, soit un taux de satisfaction de 47 % et un montant de 15,05 millions de francs. Ces chiffres sont cependant en retrait sur ceux de l’an dernier (47 pécules pour 92 demandés, 51,1 % de taux de satisfaction et 15,88 millions de francs).

Par ailleurs, 76 officiers admis au bénéfice d’une pension de retraite calculée sur les émoluments du grade supérieur, en application des articles 5 et 6 de la loi 75-1000 du 30 octobre 1975, ont obtenu le pécule réduit des 4/5 pour un montant total de 6,35 millions de francs.

Enfin, quatre officiers du corps des bases (contre six l’an dernier) ont, en 1998, quitté l’Armée de l’air pour le corps de soutien de la Gendarmerie.

Le contexte général et les mesures de déflation permettent ainsi à l’Armée de l’air d’anticiper totalement les mesures de réduction d’effectifs pour 1999 à la fin de 1998. Ils permettent aussi une légère révision à la hausse des embauches de jeunes pilotes. En effet, l’Armée de l’air table désormais sur 410 départs par an, au lieu de 400, ce qui lui permet de porter à 350 les recrutements annuels d’officiers au lieu de 340 pour effectuer la diminution d’effectifs de 60 imposée. Cet accroissement qui se situe par rapport à une référence qui reste assez faible (le recrutement est de 30 % inférieur à celui du début des années 1990) permettra également de mener une politique structurelle puisqu’il concernera essentiellement le recrutement des officiers à carrière courte (ORSA), notamment ceux originaires du corps des sous-officiers et du contingent. Cette politique devrait être poursuivie à l’avenir.

RECRUTEMENT DES OFFICIERS DE 1998 À 2002

(Prévisions)

 

1998

1999

2000

2001

2002

Ecole de l’air

Ecole du commissariat

Ecole militaire de l’air

81

9

67

80

8

70

80

8

70

80

8

70

80

8

70

Officier “ rang ”

Officier de réserve en situation d’activité :

— Origine EOPN (1)

— Origine sous-officiers

— Origine contingent

Divers (Polytechnique, admis sur titre, ...)

60

88

14

34

4

60

78

15

40

9

60

90

15

35

8

60

90

15

30

8

60

90

15

30

8

(1) Il s’agit d’officiers dont l’entrée en service initiale est intervenue 4 ou 5 ans auparavant.

Enfin, s’agissant des officiers de l’air, une mesure spécifique a été prise, concernant le créneau d’avancement des capitaines pour le grade de commandant qui passe de 3/7 ans à 4/8 ans (décret n° 98-488 du 15 juin 1998).

Cette modification du décret, qui aligne les créneaux des officiers de l’air sur ceux des corps des officiers mécaniciens et des officiers des bases de l’air, permet d’augmenter l’éventail des propositions utiles. En effet, jusqu’alors le créneau des 3 ans n’était pas utilisé, ces officiers n’ayant pas achevé leur formation professionnelle et ne pouvant donc apporter la preuve de leur aptitude au commandement avant leur quatrième année de proposition.

3. — Les sous-officiers

Votre rapporteur l’avait déjà indiqué l’an dernier, s’agissant des militaires de carrière, c’est la gestion des sous-officiers qui est la plus difficile. Ceux-ci, du fait de recrutements importants dans les années 1980, et du recul des limites d’âge par la loi du 13 décembre 1991, d’un contexte économique difficile, notamment dans le transport aérien civil, s’étaient progressivement retrouvés en sureffectif tandis que le recrutement annuel d’élèves sous-officiers était réduit de 50 %, descendant à 1 200 places, et n’assurait plus le renouvellement satisfaisant de la pyramide des âges.

Or, l’Armée de l’air, qui a perdu 600 postes budgétaires de sous-officiers cette année, devra encore en perdre 725 en 1999, puis entre 900 et 1 000 chaque année jusqu’en 2002.

Même si une embellie s’est produite à partir de 1996, avec la reprise de l’embauche dans les compagnies de transports aériens, l’Armée de l’air estime avoir tout à fait besoin du dispositif de la loi de programmation et notamment des pécules, pour maintenir la cohérence de son corps de sous-officiers.

DÉPARTS DE SOUS-OFFICIERS DE 1988 À 1997

Années

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Nombre de départs

2 124

2 373

2 662

2 309

1 715

1 491

1 195

1 147

1 404

2 044

De fait, la forte reprise des départs des sous-offficiers en 1997 doit être rapprochée de l’attribution de 640 pécules cette année-là.

A la fin 1997, le sureffectif de sous-officiers était ainsi entièrement résorbé. Depuis l’année 1998, l’Armée de l’air se trouve ainsi en situation de mener une politique moins contrainte.

L’attribution de nombreux pécules lui permet une légère reprise des embauches, destinée à rapprocher le taux de formation du besoin annuel de renouvellement, tout en respectant les échéances de la loi de programmation. Ainsi, 820 pécules ont été attribués en 1998.

ATTRIBUTION DES PÉCULES AU PROFIT DES SOUS-OFFICIERS EN 1997

 

1997

1998

Evolution

Evolution
en %

Nombre de demandes déposées

3 024

2 838

- 186

- 6,2

Nombre de demandes agréées

640

820

+ 180

+ 28,1

% des demandes agréées

21

28,9

-

+ 7,9

Coût des demandes agréées (en millions de francs)

155,7

208,6

+ 52,9

+ 34,0

Plus que jamais, les pécules sont donc dans l’Armée de l’air une mesure d’accompagnement de la déflation du nombre de sous-officiers, qui consomment 93,3 % de leur montant, dans le cadre de la professsionnalisation. Moins d’un tiers seulement des demandes étant satisfaites, on peut penser que les objectifs poursuivis par la loi de programmation seront atteints.

Les mesures de reclassement sont cependant aussi mises en œuvre. Ainsi, 69 sous-officiers ont quitté l’Armée de l’air pour le corps de soutien de la Gendarmerie, contre 57 l’an dernier, et pendant les 6 premiers mois de l’année 1998, 71 ont bénéficié de l’indemnité de 24 mois de solde pour un départ volontaire entre 8 et 11 ans de service, contre 50 pendant la même période de l’an dernier.

L’ensemble de ces résultats a permis une légère reprise des embauches en 1998. Cette politique sera poursuivie en 1999.

RECRUTEMENT DES SOUS-OFFICIERS

Années de
recrutement

Années d’entrée en service(1)

Rochefort (2)

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998*

1999

1989

718

               

1990

687

780

             

1991

156

744

1 020

           

1992

 

170

1 022

706

         

1993

   

89

665

338

       

1994

     

169

526

460

     

1995

       

90

380

207

   

1996

         

125

401

94

 

1997

           

187

657

88

1998

             

239

857

1999

               

201

Total

1 561

1 694

2 131

1 540

954

965

795

990

1146

Saintes (3)

360

304

344

305

267

277

394

328

184

Production

1 921

1 998

2 475

1 845

1 221

1 242

1 189

1 318

1 330

* Prévisions

(1) La durée de la formation, très différente selon les spécialités, fait que, pour un même recrutement, l’entrée en service effectif s’effectue avec un décalage qui peut aller jusqu’à deux ans

(2) “ Ecole de formation militaire ” : recrutement au niveau de la terminale

(3) “ Ecole d’enseignement technique de l’Armée de l’air ” : recrutement au niveau de la seconde pour deux ans d’études, puis intégration à Rochefort.

C. —  LE REMPLACEMENT DES APPELÉS

1. — La restructuration des fonctions

L’Armée de l’air, disposant d’appelés du contingent sur toutes ses bases aériennes, a souhaité avoir le plus tôt possible des éléments d’expérience en matière de professionnalisation. C’est pourquoi dès 1997 trois bases aériennes ayant des vocations différentes ont été totalement professionnalisées. Ces bases sont celles de Colmar, base plate-forme mettant en œuvre des escadrons de combat, Ambérieu, base spécialisée dans le support technico-opérationnel et Cognac, base école.

Le nombre de postes de MTA et de civils offerts à l’Armée de l’air ne recouvrant pas, bien sûr, le nombre d’appelés auxquels elle avait droit, un taux de correspondance entre postes d’appelés et postes de MTA, de civils, voire de volontaires, a été déterminé en fonction des tâches à remplir.

Bases

Droits 1996

Droits 1998

Expérimentales

Appelés

MTA

Civils

Volontaires*

Total

Colmar

477

228

45

38

311

Ambérieu

267

131

30

26

187

Cognac

410

186

41

28

255

* Postes actuellement tenus par des militaires du contingent.

Par ailleurs, des expérimentations ont été effectuées afin de déterminer s’il ne fallait pas faire évoluer certaines fonctions ou modifier la répartition par spécialité des futurs MTA, qui remplaceront progressivement les appelés sur les bases aériennes. Les principales évolutions concernent la sécurité incendie, l’adaptation des permanences, c’est-à-dire la rapidité de réaction, ainsi que le mode de fonctionnement de certains services des bases, tels que le garage, le service médical ou le ravitaillement technique.

Plusieurs conclusions en ont été tirées.

En premier lieu, la professionnalisation de ces trois bases aériennes, réalisée à hauteur de 90 %, a permis de valider le taux global de remplacement des appelés par des MTA, des civils et des volontaires.

Ensuite, il est apparu que le dispositif de protection des bases pouvait être remanié. Une hiérarchisation des sites a été faite, en fonction de leur sensibilité et de leur vulnérabilité.

Dans ce cadre, les dispositifs de protection ont été revus. Ce réexamen, assorti aux restructurations, a permis de réduire de 25 % l’effectif nécessaire de fusiliers-commandos de l’air.

Par ailleurs, l’adaptation des permanences, notamment celles des pompiers de l’air et peut-être des évolutions en matière de sous-traitance devraient également contribuer à un resserrement du dispositif.

Un référentiel a ainsi été créé, permettant que la transition vers la professionnalisation soit ainsi maîtrisée sur le plan des effectifs, ce dont votre rapporteur se réjouit.

2. — Le recrutement des militaires techniciens de l’air

Dans le cadre ci-dessus défini, ce sont pour l’essentiel les MTA qui ont vocation à remplir les tâches de soutien autrefois remplies par les appelés. Après l’ouverture de 1 816 postes en 1998, 2 371 seront ouverts en 1999, portant l’effectif total moyen à 11 407, supérieur au nombre d’appelés.

Les MTA sont recrutés entre 17  et 25 ans et ont vocation à servir pendant un contrat de quatre ans, renouvelable une fois, soit une durée de service limitée à huit ans. A huit ans de service, en revanche, ils auront droit à l’indemnité de départ de vingt-quatre mois de solde. Par ailleurs, la durée totale des services militaires de toute nature ne pourra excéder onze ans, dont huit ans au maximum comme MTA.

La rémunération des MTA est comprise entre 5 700 et 7 000 francs, selon les grades. Les MTA peuvent être nommés à la distinction de 1ère classe à deux ans de service militaire, au grade de caporal à partir de trois ans et promus caporaux-chefs à partir de cinq ans de service militaire.

Le niveau scolaire requis varie en fonction de la spécialité d’emploi (vingt-et-un au total). Il va du niveau de la classe de troisième à celui du Bac professionnel.

Pour les deux premières années (1997 et 1998), 4 411 postes de MTA ont été créés, répartis au sein de 23 spécialités. 1 320 postes, soit 30 %, concernent les spécialités de fusilier-commando et de conducteur de chien.

Le calendrier prévisionnel de créations de postes de MTA durant la phase de professionnalisation est le suivant :

1997

1998

1999

2000

2001

2002

1 801

2 610

2 353

1 544

1 436

1 132

A ces chiffres, il convient d’ajouter les MTA recrutés au titre du renouvellement des militaires du rang arrivant en fin de contrat.

Il s’agit là de chiffres importants, et ce d’autant plus que le recrutement visé est un recrutement local. En 1997, 71 % des MTA ont été recrutés localement ; en 1998, c’est 80 % des MTA qui sont originaires du département d’implantation de la base qui les recrute.

Actuellement, selon l’Armée de l’air, le recrutement des MTA se déroule conformément au plan prévu, sans rencontrer de difficultés particulières. La qualité et le niveau de connaissances générales des militaires recrutés semblent correspondre à la population qu’avait ciblée l’Armée de l’air pour ce type d’emploi.

En termes statistiques, l’âge moyen des MTA recrutés en 1997 est de 21 ans. Les parents des MTA recrutés en 1997 relèvent de toutes les catégories socio-professionnelles, les catégories d’employés et de fonctionnaires étant les plus représentées. 91 % des candidats recrutés possèdent un diplôme de type CAP, BEP ou Bac professionnel. Enfin, le taux de féminisation est de 30 %, 40 % si l’on exclut les fusiliers commandos de l’air.

Perpétuer ce succès oblige l’Armée de l’air à être très vigilante sur la réussite de la vie professionnelle des jeunes MTA, avant et après leur séjour dans l’armée.

C’est pourquoi elle a lancé l’étude et la réalisation d’un Dispositif d’Education pour la Future Insertion, le DEFI.

Ce dispositif établit que tout jeune MTA devra être suivi tout au long de son séjour dans l’Armée de l’air par un encadrement de proximité qui l’aidera à progresser tant en termes d’éducation que de savoir-faire technique.

D’ores et déjà, conformément à ce principe de perfectionnement individuel continu, toute la formation initiale est structurée autour d’un double volet d’éducation et d’instruction ; cette logique de formation est poursuivie sur les bases aériennes où les MTA sont affectés, sous forme d’un double tutorat personnalisé.

De plus, aujourd’hui, dans le cadre de la réforme des bases aériennes, se mettent en place les structures administratives d’aide au commandement, pour optimiser le recrutement et pour faciliter la reconversion et la réinsertion dans les bassins d’emploi autour des bases.

Enfin, si l’Armée de l’air a bien insisté sur le fait que les MTA n’ont en aucun cas vocation à intégrer à l’ancienneté le corps des sous-officiers, dont la compétence technique est trop aiguë, votre rapporteur estime, en revanche, qu’il ne serait pas raisonnable de refuser d’ouvrir une telle porte aux MTA qui en auraient les capacités. C’est pourquoi il prend note avec satisfaction des réponses que lui a faites le Général Jean Rannou, Chef d’état-major de l’Armée de l’air, lors de son audition devant la Commission, aux termes desquelles : “ les textes relatifs aux personnels de l’Armée de l’air vont être modifiés pour créer des passerelles entre les MTA et le corps des sous-officiers. Elles prendront d’abord la forme de la sélection externe, qui suppose pour le candidat d’être titulaire du baccalauréat. Une partie des MTA suit des cours pour réussir cet examen et, en cas de réussite, il sera possible de les recruter comme sous-officiers. Par ailleurs, des épreuves du niveau de la classe de terminale, seront organisées, si possible, en liaison avec l’Education nationale ; l’accès au corps des sous-officiers sera également ouvert aux MTA qui y satisferont. Enfin, un certain nombre de MTA ont les qualifications requises pour passer des concours de recrutement d’ouvrier fonctionnaire ou d’ouvrier d’Etat. Des possibilités de recrutement seront recherchées dans cette voie. ”

Il faut cependant rester conscient que ces actions ne pourront concerner qu’une proportion modeste de MTA, puisque l’Armée de l’air en recrute 2 500 par an, contre 1 500 sous-officiers seulement.

3. — Les personnels civils

L'Armée de l’air doit également voir s’accroître ses effectifs de personnel civils, c’est-à-dire de fonctionnaires et d’ouvriers d’Etat, de plus du tiers sur la durée de la loi de programmation. Ceux-ci passeront de 4 906 en 1996 à 6 731 en 2002. Ils ne représenteront cependant que 9,5 % du total des effectifs de l’Armée de l’air. Celle-ci restera donc plus militaire que d’autres armées.

Les postes à pourvoir sont d’abord des postes administratifs et fonctionnels n’ayant pas vocation à être projetés.

1 825 créations de postes sont prévues de 1997 à 2002 par la loi de programmation, répartis entre postes de fonctionnaires et postes d’ouvriers d’Etat. Les postes de fonctionnaires sont au nombre de 1 186, répartis en 57 postes de catégorie A, 460 de catégorie B et 669 de catégorie C. Les secteurs concernés sont l’administration, l’informatique, la gestion, le secrétariat, la communication.

Par ailleurs, 639 postes d’ouvriers seront ouverts, notamment dans les métiers du bâtiment, de la logistique, de la mécanique et de l’électrotechnique.

Les civils seront totalement intégrés dans le fonctionnement et le dispositif des bases aériennes.

L’an dernier, votre rapporteur s’inquiétait cependant que, si les droits budgétaires correspondaient bien aux prévisions de la programmation, les effectifs réalisés ne correspondaient pas aux droits budgétaires.

Cependant, comme l’indique le tableau ci-dessous, la situation est d’ores et déjà stabilisée.

 

Effectifs budgétaires

Effectifs
réalisés

Différence

Taux
de non-réalisation

1996

4 906

4 574

- 332

6,8 %

1997

5 076

4 478

- 598

11,8 %

1998*

5 299

4 672

- 627

11,8 %

* Prévisions en fin d’année

En fait, elle est même en cours d’amélioration. Le nombre de civils s’accroît désormais. Au 31 juillet 1998, les trois bases professionnalisées (Ambérieu, Cognac, Colmar) voyaient leurs postes de personnels civils pourvus à un taux de 85 à 99 %.

En effet, des concours de recrutement ont été programmés et devraient permettre l’accroissement du nombre de fonctionnaires, sous réserve des dispositions relatives au gel partiel des emplois, mais qui concernent l’ensemble de la fonction publique.

La difficulté, semble-t-il, ne subsistera que concernant les ouvriers, pour lesquels les recrutements et les reclassements ne permettront de combler que partiellement ce déficit.

TROISIÈME PARTIE

DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES MAINTENUES
DES ÉQUIPEMENTS NORMALEMENT RÉNOVÉS

On l’a vu, la dotation en capital de l’Armée de l’air pour 1999, en croissance de 5,6 % par rapport à 1998 avec 20,238 milliards de francs de crédits de paiement, correspond tout à fait aux conclusions de la revue de programmes.

Celle-ci ne remettant aucun de ses grands équipements en cause, l’Armée de l’Air réalisera intégralement le programme de modernisation opérationnelle prévu pour l’année 1999.

I. —  L’OBSERVATION ET LE COMMANDEMENT

Les programmes relatifs à l’observation et au commandement sont le programme SCCOA et le programme d’amélioration des Awacs. Ces deux programmes concernent à la fois la défense aérienne du territoire, mission de protection, et les actions de projection.

A. —  LE SYSTÈME DE COMMANDEMENT ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS AÉRIENNES (SCCOA)

Le SCCOA est destiné à doter l’Armée de l’air d’une capacité de gestion globale des systèmes d’armes, à partir d’un commandement unique des opérations aériennes fortement automatisé, rapidement renseigné et en situation d’interopérabilité élevée avec les autres armées françaises et les forces alliées. Le SCCOA doit être interopérable avec le système ACCS de l’OTAN. Ses équipements devront également être compatibles avec les systèmes civils de la circulation aérienne.

Lancée en 1993, la réalisation du SCCOA se prolongera jusqu’en 2010. Trois “ étapes ” ont été distinguées, chacune avec un financement propre.

Le système comportera en particulier les éléments suivants. Pour la détection, 11 radars, dont 2 mobiles (TRS 2215), et 4 transportables par avion cargo (TRS 22XX), tous livrés, 2 tampons ISARD pour les Awacs (livrés en 1995), 40 postes radio UHF dits “ Have Quick II ” et 3 stations météorologiques déployables.

Pour la surveillance et le contrôle, une nouvelle version, dite version C, du logiciel Strida assurant la liaison des centres d’action et de contrôle avec les Awacs sera développée.

Pour la conduite des opérations aériennes, deux centres d’opération ont d’ores et déjà été réalisés : un Centre de conduite des opérations aériennes, intérimaire (CCOAI) (1997) et surtout un Centre de commandement et de contrôle(C3M) projetable, permettant l’utilisation des capacités du SCCOA en opérations extérieures. Le C3M a été livré, dans sa première version, en 1996 et sera mis en service dans sa version 1.1 en 1999.

A un niveau plus local, 25 systèmes d’information et de communication des opérations de la base aérienne (SICOPS) commenceront à équiper les bases aériennes à partir de 2000.

Enfin, pour la réalisation des missions, 88 systèmes locaux de préparation et de restitution de missions (SLPRM) seront livrés à partir de 1999.

En 1999 seront également mis en service un centre de définition et de validation du SCCOA (CDEVS), et une entité opérationnelle de l’ACCS de l’OTAN (CARS). Ce centre de conduite des opérations de détection et de contrôle sera installé à Lyon en 2001.

L’architecte industriel du système est Aérospatiale. Au coût des facteurs 1998, le coût total du programme est de 15,484 milliards de francs, soit 5,180 milliards de francs pour l’étape 1, 2,304 milliards de francs pour l’étape 2 et 8 milliards de francs pour l’étape 3 et au-delà (jusqu’en 2010).

Les crédits déjà consommés s’élèvent à 3,396 milliards de francs, soit un cinquième environ. S’agissant du projet de loi de finances pour 1999, 545 millions de francs de crédits de paiement seront ouverts au titre de l’étape 1 et 266 millions de francs pour l’étape 2, soit 811 millions de francs contre 792 millions de francs en 1998 ; 3,323 milliards de francs seront encore consacrés au SCCOA sur la durée restant à courir de la programmation.

B. —  L’AMÉLIORATION DU SYSTÈME AWACS

Pour pallier dans certains domaines l’ancienneté de conception du système de détection et de commandement aéroporté (SDCA) français, et pour garantir sa nécessaire interopérabilité avec les autres forces aériennes dotées d’appareils Awacs (OTAN, Royal Air Force, US Air Force, ...), l’Armée de l’air a entrepris, à partir de 1993, d’améliorer ses 4 Boeing Awacs par l’adjonction de différents équipements.

A l’heure actuelle, deux modifications ont été retenues. L’ESM (Electronic Support Measures) permet d’accroître les capacités d’identification des plates-formes (bateaux, sites, avions), par utilisation d’un mode de détection discret, équipement devenu indispensable sur les théâtres d’opération d’aujourd’hui. Le RSIP (Radar System Improvement Program) améliore de façon tout à fait majeure la capacité de détection du radar.

La première de ces modifications est actuellement en cours de réalisation. La commande a été lancée en juin 1997, et les avions rééquipés seront livrés de juin 1999 à décembre 2000, à raison d’un tous les six mois. Le coût total de ce programme a été de 595 millions de francs. Il n’est plus prévu de crédits de paiement en 1999.

Le lancement du RSIP est programmé à partir de 2002. Cette évolution majeure est rendue nécessaire dans le cadre du remplacement du matériel actuel. Son coût prévisionnel, en 2002, est de 1,22 milliard de francs. A l’heure actuelle, seuls un avion de l’US Air Force et deux de l’OTAN sont équipés du RSIP.

Par ailleurs, s’agissant d’avions Boeing et de systèmes Awacs, la modernisation est effectuée par Boeing sous maîtrise d’oeuvre de l’US Air Force dans le cadre d’une procédure FMS (Foreign military sales).

II. —  LA DÉFENSE AÉRIENNE ET LA PROTECTION DU TERRITOIRE

A. —  LE MIRAGE 2000-5

L’avion d’armes moderne actuel de l’Armée de l’air est le Mirage 2000, Mirage 2000-DA pour la défense aérienne, 2000-N pour la dissuasion nucléaire et 2000-D pour le combat tactique et l’attaque au sol. L’Armée de l’air a ainsi acquis 153 Mirage 2000-DA entre 1983 et 1995. Eu égard aux difficultés de développement du radar choisi, le radar RDI (radar doppler à impulsions) à capacité de détection tous azimuts, les 51 premiers appareils avaient été équipés du radar RDM (radar doppler multimode) lui aussi fabriqué par Thomson mais dépourvu de capacité de détection vers le bas. Les capacités de ce radar étant tout à fait insuffisantes par rapport aux besoins opérationnels français, les avions suivants ont reçu comme prévu le radar RDI. Cette configuration permet de les armer de deux missiles Super 530 D pour l’interception et de deux missiles Magic 2 pour le combat rapproché.

La société Thomson ayant développé par la suite un radar encore plus performant, le radar RDY, qui ajoute à la capacité tous azimuts la capacité multicibles, (il peut suivre 8 cibles à la fois et en traiter 4), l’Armée de l’air a souhaité équiper de ce nouveau radar deux escadrons de Mirage 2000-DA. Le radar RDY permet d’armer les avions qui en sont équipés, en sus des deux missiles Magic 2, de quatre missiles Mica, missiles à la fois d’interception et de combat aérien, et qui, contrairement aux Super 530 D, disposent de la capacité “ tire et oublie ”.

Un double chantier de rénovation est donc en cours. A vrai dire, il est en voie d’achèvement, les dernières livraisons étant prévues pendant l’année 2000. D’abord, tous les Mirage 2000 RDM sont actuellement rééquipés en radars RDI. Et 37 de ces radars sont prélevés sur les Mirages 2000 les plus récents, et donc les plus modernes, qui, eux, reçoivent le nouveau radar RDY et sont rebaptisés Mirage 2000-5. A l’issue de ce chantier, on peut considérer que l’Armée de l’air va se trouver dotée d’un instrument de défense aérienne d’une qualité exceptionnelle.

CALENDRIER DE LIVRAISON DES MIRAGES 2000-5

 

Avant 1995

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Total

Commandes

1

20

16

0

     

37

Livraisons

     

1

11

22

3

37

En 1999, l’Armée de l’air recevra donc 22 Mirage 2000-5, portant le total des livraisons à 34 sur 37 avions commandés. En fin d’année, la progression de la “ transformation ” des pilotes, c’est-à-dire de leur formation, lui permettra également de constituer son premier escadron opérationnel de Mirage 2000-5.

Il faut noter que la transformation d’un Mirage 2000 DA en Mirage 2000-5 revient à 80 millions de francs (coût des facteurs 1998) alors qu’un Mirage 2000 DA monoplace en coûte 186 et un biplace 194.

En 1999, il est affecté en crédits de paiement au programme Mirage 2000-5 83 millions de francs pour le développement et 579 millions de francs pour la production, soit au total 662 millions de francs contre 1,08 milliard de francs en 1998.

Par ailleurs, 72 Mirage 2000-5 ont été vendus à l’étranger, 60 à Taïwan en 1992 en version air-air (dont 12 biplaces) et 12 au Qatar en 1994 (dont 3 biplaces), en version air-air et air-sol. Les livraisons sont en cours. Des discussions sont menées avec le Pakistan, l’Autriche, les Émirats Arabes Unis (version dite 2000-9) et la Pologne. Le Mirage 2000-9 se différencierait du Mirage 2000-5 par la conduite de tir de missiles air-sol, ce qui lui donnerait ainsi également des capacités proches du Mirage 2000 D.

L’Armée de l’air participe à ces percées à l’exportation à travers des démonstrations et une aide à la transformation des forces aériennes étrangères une fois le contrat signé. Ainsi, elle a déployé au salon aéronautique de Dubaï en 1997 10 Alphajet et 2 C 160 pour la Patrouille de France, 3 Mirage 2000, 2 C 135 FR pour le ravitaillement en vol et près de 140 personnes pendant 10 jours.

L’effort peut être plus continu encore. L’Armée de l’air s’est engagée dans une action de coopération privilégiée avec l’Armée de l’air singapourienne. La base de Cazaux accueille depuis juin 1998 un détachement singapourien de 10 avions et environ 100 personnes, détachement dont le volume pourrait doubler début 1999. Cette opération mobilise bien sûr d’importants moyens tant en personnel qu’en matériels.

B. —  LE MISSILE MICA

Le Mica (missile d’interception, de combat et d’autodéfense) est le missile air-air destiné à équiper le Mirage 2000-5 et par la suite le Rafale. C’est l’arme essentielle de ces appareils dans leur mission de défense aérienne. Ainsi, le Mirage 2000-5 nécessite d’être associé au Mica pour montrer la pleine mesure de sa capacité multicible.

La vocation du Mica est de remplacer à la fois le missile Super 530D, missile d’interception, depuis 1989, qui équipe les Mirage 2000 RDI et reste le seul système français permettant le tir vers le bas par tout temps sur des objectifs volant à très basse altitude, et le missile Magic 2, en service depuis 1987, destiné au combat aérien rapproché. Comme ses deux prédécesseurs, il est fabriqué par Matra.

Doté d’une capacité “ tire et oublie ”, le Mica disposera de deux types d’autodirecteurs (infrarouge et électromagnétique) interchangeables permettant le traitement de cibles à courte et à moyenne portée (60 kilomètres maximum).

Le programme Mica a été lancé en 1987. Le premier tir d’un missile doté d’un autodirecteur électromagnétique a été effectué en 1992 et celui d’un missile à autodirecteur infrarouge en 1995. La “ cible ” du Mica pour l’Armée de l’air est actuellement fixée à 1 000 exemplaires, parmi lesquels 600 Mica électromagnétiques et 400 Mica infrarouge. En 2002 cependant, 225 seulement devraient avoir été commandés (avec 190 autodirecteurs électromagnétiques et 35 infrarouge), dont 125 pour l’Armée de l’air.

La préoccupation de l’Armée de l’air l’an dernier était d’être livrée d’un minimum de Mica dans les temps de façon à pouvoir en équiper ses Mirage 2000-5 dès que ceux-ci seraient opérationnels. En fait, les 225 missiles ont été commandés de façon groupée en décembre dernier et l’Armée de l’air recevra ses 25 premiers missiles dès 1999. Elle devrait en recevoir 100 autres avant la fin de la programmation.

Le coût total du programme Mica, qui est commun à l’Armée de l’air et à la Marine, est estimé à 3,157 milliards de francs pour le développement - exclusivement financé sur des crédits Air - et 7,45 milliards de francs pour l’industrialisation et la production de 1 000 missiles, soit 10,608 milliards de francs. L’Armée de l’air a déjà dépensé 2,743 milliards de francs pour le Mica. Pour 1999, il est prévu sur ses crédits 459 millions de francs de crédits de paiement, 138 millions de francs pour le développement et 321 millions de francs pour la production.

C. — LA PROTECTION DES BASES AÉRIENNES

1. — Le programme MTBA

Le programme de Modernisation du réseau de Transmissions des Bases Aériennes (MTBA) a pour objet la couverture, de façon sécurisée, de l’ensemble des besoins de communication fixes de l’Armée de l’air. Il est composé de stations modulaires permettant la commutation, l’adaptation aux différentes interfaces et le raccordement aux infrastructures, ainsi que d’un ensemble d’artères de communication assurant le transport des informations sous une forme unique quelle qu’en soit la nature, et organisées selon un maillage permettant la reconfiguration automatique du réseau en cas d’interruption du fonctionnement de certaines lignes ou stations.

Le marché a été notifié il y a un an, en décembre 1997. L’équipement comprendra 40 MTBA fixes, concernant 102 sites de l’Armée de l’air, ainsi que 6 MTBA déplaçables. La maîtrise d’oeuvre industrielle est assurée par Thomson-CSF. En 1999, conformément aux prévisions, seront livrés les 4 premiers MTBA fixes et les 2 premiers MTBA déplaçables. Le coût total du programme, exprimé en coût des facteurs 1997, est de 2,995 milliards de francs. Pour le MTBA, il a déjà été consommé 936 millions de francs et 290 millions de francs sont inscrits au titre V en 1999.

2. — Le missile Mistral

Le missile Mistral est destiné à la protection des bases aériennes. C’est un missile de défense antiaérienne à très courte portée (3 kilomètres) et à autoguidage infrarouge. Très souple d’emploi, il est lancé à partir d’un poste de tir constitué par un trépied repliable, le missile dans son tube et le poste de tir étant portables par un homme. L’Armée de l’air devrait être équipée à terme de 1 440 missiles Mistral et de 60 postes de tir.

En 1998, 150 missiles auraient dû être commandés et 25 trépieds livrés. Dans le cadre des diminutions de crédits faites sur le titre V, ces livraisons ont été reportées d’un an. En 1999, l’Armée de l’air recevra donc bien les 25 trépieds ainsi décalés.

A la fin 2002, le cumul des commandes et des livraisons est ainsi fixé :

CUMUL DES COMMANDES ET DES LIVRAISONS
DE MISSILES MISTRAL FIN 2002

 

Commandes

Livraisons

Missiles

750

750

Postes de tir (trépieds)

60

60

Le coût total du programme Mistral est de 4,76 milliards de francs, dont 2,97 pour la production, sur lesquels la part de l’Armée de l’air est de 1,1 milliard de francs.

3. — Le programme SAMP/T-FSAF

Le programme de missiles sol-air à moyenne portée (SAMP/T) est destiné à assurer la défense aérienne des points sensibles de l’Armée de l’air. Il fait partie du programme FSAF (Famille sol-air futur), qui est un programme interarmées (il doit notamment équiper le porte-avions Charles-de-Gaulle). Il est réalisé par le GIE Eurosam, composé de Thomson, Aérospatiale et l’Italien Alenia.

Il s’agit d’un système multicibles (10 cibles) de 45 kilomètres de portée contre un avion d’armes et 80 contre un gros porteur. Il mettra en service le missile antimissile Aster.

L’Armée de l’air devra être dotée au total de 7 conduites de tir SAMP/T, 28 lanceurs, 21 systèmes de rechargement et 450 missiles Aster 30.

La mise en service opérationnel du système est prévue pour 2008. Aucune commande n’est envisagée avant 2002. Cependant, dans le cadre de la poursuite du développement de ce programme, pour lequel l’Armée de l’air a déjà payé 1,896 milliard de francs, il est prévu, dans le projet de loi de finances pour 1999, 201 millions de francs de crédits de paiement.

III. —  L’AVIATION TACTIQUE ET LA PROJECTION DE PUISSANCE

Traditionnellement, dans le cadre de l’équilibre bipolaire et la perspective d’un conflit entre les blocs, les fonctions privilégiées de l’Armée de l’air étaient la défense aérienne, face aux bombardiers stratosphériques soviétiques, et la frappe nucléaire. L’aviation tactique était moins développée. On sait que l’évolution géopolitique et le développement des interventions dans le cadre de conflits localisés et classiques, comme au Koweït et en ex-Yougoslavie, ont amené au contraire à réévaluer le besoin en projection de puissance, et à développer des systèmes d’armes nouveaux.

A. — LE MIRAGE 2000 D

L’Armée de l’air disposait cependant d’un excellent avion tactique, le Jaguar. Celui-ci peut tirer à distance de sécurité et guider jusqu’à leur cible des missiles et des bombes grâce à la nacelle ATLIS de poursuite télévision et d’illumination laser dont il est équipé. Cependant cet équipement, par ailleurs tout à fait opérationnel, n’est utilisable que de jour et par temps clair.

En 1988, l’Armée de l’air a donc entrepris d’améliorer sa capacité de frappe tactique. Pour cela a été lancé le programme Mirage 2000 D, réalisé sur la base du Mirage 2000 N de bombardement nucléaire.

Le Mirage 2000 D est équipé d’un radar de suivi de terrain très perfectionné, le radar Antilope, qui le rend capable de pénétration en zone hostile en vol très basse altitude en toutes conditions, de jour comme de nuit. Il est également armé d’une nacelle ou “ pod ” de désignation laser caméra thermique (PDLCT) qui lui permet de tirer à distance de sécurité et de guider jusqu’à leur cible un missile ou une bombe guidée, mais au contraire du Jaguar, par n’importe quel temps. Le Mirage 2000 D est enfin capable d’emporter le missile nucléaire ASMP et, à terme, des systèmes de reconnaissance montés en nacelle.

La loi de programmation 1997-2002 a fixé la cible du Mirage 2000 D à 86 appareils (105 étaient prévus lors du lancement du programme en 1988). La cadence de livraison, de 12 appareils par an, a été divisée par deux entre juillet 1996 et la fin 1998.

CALENDRIER DES COMMANDES ET DES LIVRAION DE MIRAGE 2000

Années

88

89

90

91

92

93

94

95

96

97

98

99

2000

2001

Commandes

18

21

18

18

15

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Livraisons

0

0

0

0

0

12

12

12

9

6

6

12

12

5

L’année 1999 verra le retour au rythme initial de livraison. L’Armée de l’air recevra donc 12 Mirage 2000 D comme prévu, portant sa dotation fin 1999 à 69 appareils sur les 86 prévus. Fin 1999, elle disposera ainsi de la dotation complète de trois escadrons de combat en ligne, de vingt appareils chacun.

La montée en puissance opérationnelle de ce dispositif devra être la plus rapide possible dans la mesure où, suite à la revue de programmes, une accélération du calendrier de retrait des Jaguar a été décidée ; deux escadrons seront en effet retirés dès 2001 et le troisième en 2005.

Le coût total du programme Mirage 2000 D est de 28,05 milliards de francs au coût des facteurs 1998. Il a déjà été dépensé 21,75 milliards de francs. Comme en 1998, 1,2 milliard de francs de crédits de paiement est prévu pour le Mirage 2000 D en 1999.

Le prix unitaire d’un Mirage 2000 D est de 202 millions de francs au coût des facteurs de janvier 1998.

L’Armée de l’air recevra également en 1999 les deux derniers des 22 PDLCT commandés, portant sa dotation finale à 22 comme prévu. Ce programme aura coûté 743,8 millions de francs.

B. — LES MISSILES DE CROISIÈRE APACHE ET SCALP

Les missiles de croisière Apache et Scalp sont des armements extrêmement sophistiqués. Ils seront mis en oeuvre par le Mirage 2000 D, puis le Rafale. Lourds de plus d’une tonne, ils sont tirés à distance de sécurité des défenses ennemies (de 140 kilomètres pour l’Apache antipiste à 400 kilomètres pour le Scalp). Ils sont propulsés par turboréacteur et possèdent un système de navigation par inertie et de suivi de terrain automatique qui leur permet d’effectuer leur approche de façon autonome et à très basse altitude. Un système de guidage terminal assure également de façon autonome la détection et l’identification de l’objectif.

Le missile Apache est un missile à sous-munitions. Le missile Scalp, qui en est dérivé, est, lui, un missile à charge unique.

1. — Le missile Apache

Le missile Apache emporte 500 kilos de sous-munitions. Le programme comportait au départ deux versions, une version antipiste et une version interdiction de zone. Les travaux de la revue de programmes ont conclu à l’abandon de la version interdiction de zone et au maintien de la seule version antipiste.

Les 100 Apache antipiste prévus par la loi de programmation militaire 1997-2002 ont fait l’objet d’une commande pluriannuelle en 1997. Le calendrier de livraison a cependant pris du retard puisque les premiers missiles ne seront livrés qu’en mars 2001 et que le cumul des livraisons pour 2002 est de 72 sur les 100 commandés

Le programme Apache avait été développé au sein d’un partenariat Matra-Aérospatiale. Son coût total est de 4,22 milliards de francs. Les quatre cinquièmes des 2,45 milliards de francs prévus pour son développement ont été consommés. En 1999, 326 millions de francs de crédits de paiement sont prévus, dont 218 millions de francs pour la fabrication.

2. — Le missile Scalp

Le missile Scalp, qui est dérivé du missile Apache, est destiné à la destruction des infrastructures (bases militaires, ponts, usines...). Il emporte une charge unique d’environ 400 kilos. Il peut être tiré de plus loin que l’Apache, c’est-à-dire à 400 kilomètres maximum de sa cible.

Le programme a été lancé en mai 1997. Une commande pluriannuelle de 500 missiles a été passée en décembre 1997. La répartition prévue est de 450 missiles pour l’Armée de l’air et 50 pour la Marine. L’entrée en service du missile Scalp doit avoir lieu à partir de 2003.

Le programme Scalp peut être considéré comme l’un des programmes constitutifs de la conception nouvelle de l’Europe de l’armement puisqu’il est en fait quasiment identique au missile britannique Storm Shadow, commandé à 900 exemplaires à Matra BAe Dynamics, et que, bien que les deux marchés soient indépendants, le développement de deux programmes sera commun. Cette communalité a été source d’économies conséquentes.

Le coût total du programme Scalp est aujourd’hui estimé à 5,42 milliards de francs dont 2 milliards environ pour le développement. Pour la production, la part Air est de 2,97 milliards. En 1999, 368 millions de francs de crédits de paiement lui sont destinés.

C. —  L’ARMEMENT AIR-SOL MODULAIRE (AASM)

Le programme d’armement air-sol modulaire est un programme, commun à l’Armée de l’air et à la Marine, de valorisation d’armements classiques (bombes de 250 kilos ou de 1 000 kilos, cargos porteurs de sous-munitions) par l’adjonction d’un kit d’accroissement de portée (ailettes ou propulseur) et d’un kit de guidage laser.

Armement à capacité multicibles, de type “ tire et oublie ”, sa portée est beaucoup plus réduite que celle des missiles de croisière (15 kilomètres en très basse altitude et 60 kilomètres en haute altitude). En fait, il s’agit d’un armement de faible coût unitaire, destiné à des objectifs qui ne sont pas justifiables d’un véritable missile de croisière. C’est un armement typique des opérations de rétablissement de la paix. Il doit pouvoir être emporté par n’importe quel type d’avion et tiré par tout temps, jour et nuit.

3 000 exemplaires sont prévus dont 2 000 pour l’Armée de l’air. Un appel d’offre international a été lancé par la DGA. Neuf industriels ont répondu. Il devrait aboutir à une commande groupée de 500 unités fin 1999 pour une livraison à partir de 2004. Le coût total prévu pour l’AASM est de 2,535 milliards de francs, à partager entre l’Armée de l’air et la Marine.

IV. —  LA PROJECTION AÉRIENNE

A. — LA PROLONGATION DES TRANSALL

La force de projection de l’Armée de l’air, quoique composée d’appareils éprouvés, évolue doucement vers l’obsolescence. Elle est en effet d’abord constituée de Transall dits de première génération, dont les premiers sont entrés en service il y a plus de trente ans. Leur retrait est prévu à partir de 2004, c’est à dire d’ici cinq ans. L’un d’eux vient d’être mis hors service pour des raisons de corrosion. Depuis l’entrée en service de ces appareils, la flotte n’a fait l’objet que de rajeunissements limités, puisqu’elle n’a été dotée que d’une nouvelle série de 20 Transall, ravitaillables en vol et donc dotés d’une allonge supérieure, à partir de 1981, puis de quelques C 130 Hercules américains à partir de 1987.

Même si ses capacités d’emport sont plus importantes que celles du Transall, le C 130 est assez proche de lui tant par les dimensions que par la conception : cet avion a en effet été construit dans les années 1950.

Type

Nbre

Entrée en service

Charge transportée/Distance

Nbre maxi de passagers

Transall C 160 1ère génération

Transall C 160 2ème génération

Hercules C 130 H/H 30

Casa CN 235-100

46

20

14

10

1967

1981

1987

1991

4 T à 4 400 km

8 T à 6 600 km avec RVT

10 T à 5 500/4 850 km

3 T à 1 950 km

91

91

92/122

44

En fait, la situation de la flotte de projection aérienne est liée à l’Histoire. Elle a été conçue pour des transports relativement légers en Centre-Europe, à l’époque du bipolarisme, dans un environnement où les forces terrestres évoluaient dans la continuité territoriale en emportant tous leurs matériels y compris les plus lourds.

Or, ce sont d’autres missions qu’on lui demande de mener aujourd’hui. Il s’agit de missions de projection de forces d’intervention, pour des missions d’évacuation ainsi que de maintien ou de rétablissement de la paix. Ces missions demandent un type d’appareil nouveau, à l’autonomie et à la capacité d’emport, surtout en volume, considérablement accrues. Or, on le sait, cet appareil à la fois logistique et tactique n’existe pas aujourd’hui. En attendant son lancement, la flotte actuelle doit donc être prolongée, de façon à remplir le plus longtemps possible les missions nouvelles qui lui sont assignées.

Eu égard à la perspective de leur maintien en service au-delà de 2003, une opération de rénovation des C 160 Transall a donc été entreprise.

Cette opération consiste essentiellement en une rénovation du système de navigation, l’avionique d’origine suscitant des difficultés de maintenance, voire de conformité vis-à-vis de l’évolution prévisible de la réglementation de la circulation aérienne.

Le nouveau système est fondé sur l’association d’une centrale inertielle gyrolaser et de calculateurs de Sextant Avionique avec poste de commande et de visualisation intégrée. Pour une bonne précision de navigation, le système est hybridé avec un récepteur GPS. Le poste de pilotage est réaménagé et les instruments de pilotage anciens sont remplacés par des instruments électroniques (EFIS). D’autres améliorations, plus liées à une aptitude en vol tactique, sont introduites. Ainsi, un dispositif de “ visualisation tête haute ” a été installé et la cabine réaménagée pour une plus grande efficacité en vol tactique de nuit.

Ce programme a été lancé en 1991, pour l’ensemble des 67 Transall. Les livraisons devaient s’échelonner entre 1994 et 2001. L’Armée de l’air a déjà repris possession de 50 Transall rénovés et 9 devraient lui être livrés en 1999. Le développement du programme est assuré par Aérospatiale. Les chantiers de série sont effectués par l’AIA de Clermont-Ferrand.

Son coût total, au coût des facteurs 1998, est de 1,599 milliard de francs ; 1,409 milliard de francs a déjà été consommé. Il est prévu 39 millions de francs de crédits de paiement pour la rénovation des Transall en 1999.

Par ailleurs, entre 1967 et 1978, des essais de fatigue avaient été effectués pour déterminer la limite de vie des Transall. Pour les plus anciens, celle-ci avait été fixée à 2003.

Le calendrier prévisionnel de réalisation de l’avion de transport futur, dont les armées ont besoin pour assurer la projection des forces, a donc suscité une difficulté. En effet, l’échéancier prévisionnel actuel ne prévoit pas que le premier de ces avions puisse être mis en service avant la fin 2005, voire le début 2006. Il est également prévu que les livraisons s’étalent jusqu’en 2015. La question se pose donc du maintien des capacités de transport aérien des armées pendant cette période. La solution la plus simple, bien qu’onéreuse en coût de maintenance, est bien sûr de faire durer autant que possible la flotte actuelle pour assurer la transition au mieux et sans rupture.

Dans ce but, l’état-major de l’Armée de l’air a décidé de procéder à une nouvelle étude de vieillissement. Cette étude a été lancée en mai 1995. Son coût est estimé à 57 millions de francs. C’est à la fin de 1999 que les premiers résultats seront connus. Ils permettront ainsi de commencer à tracer des perspectives pour une éventuelle prolongation, la synthèse concernant les Transall de première série ne devant être connue, elle, qu’en 2002. Celle-ci permettra de statuer en 2003 sur la prolongation de la durée de vie des C 160 de la deuxième série ainsi que des appareils spéciaux.

B. — LE RAVITAILLEMENT EN VOL ET LA FLOTTE LOGISTIQUE

· Le ravitaillement en vol des avions de combat a d’abord été l’affaire de la force aérienne stratégique, dans les années 1960. A partir de 1964, l’Armée de l’air fut équipée de 12 appareils ravitailleurs Boeing C 135, destinés tout particulièrement au ravitaillement des Mirage IV. Ces avions furent régulièrement améliorés au cours du temps. En 1985 notamment, ils furent remotorisés avec des moteurs CFM-56 co-produits par SNECMA et General Electric.

De question stratégique, le ravitaillement en vol devint ensuite une question de projection, de force ou de puissance. Aussi, progressivement, l’ensemble des avions de combat de l’Armée de l’air devinrent ravitaillables en vol. Aujourd’hui, ils le sont tous, ainsi que les Awacs et une partie des Transall. L’Armée de l’air française n’ayant pas cependant pour mission première la projection, l’équipement en ravitailleurs n’a pas été une priorité. De ce fait, lors de la guerre du Golfe, le ratio ravitailleurs/avions de combat n’était que de 12 % pour la France contre 23 % pour la Grande-Bretagne et 29 % pour les Etats-Unis, qui avaient mis en place 200 ravitailleurs C 135.

C’est pourquoi, dans le cadre du modèle d’Armée 2015, seize ravitailleurs étaient-ils prévus, soit cinq de plus qu’à l’époque. Dans cette perspective, la loi de programmation a fixé pour première étape le chiffre de quatorze à l’horizon 2002. Les trois ravitailleurs supplémentaires, des KC 135, ont été achetés d’occasion à l’US Air Force, et livrés, deux à la fin de 1997 et un au début de 1998 ; 85 millions de francs de crédits de paiement sont prévus de 1999 à 2001, pour leur maintenance et leur mise à un standard proche de ceux en service dans l’Armée de l’air, cela incluant leur remotorisation. L’Armée de l’air dispose donc désormais des 14 avions ravitailleurs prévus par la loi de programmation. La date de leur retrait du service est fixée aux environs de 2020.

· La problématique de la flotte logistique se mêle à celle des ravitailleurs. En effet, après le retrait du service de son DC8-55, la flotte logistique de l’Armée de l’air ne comprend plus désormais que deux DC8-72, achetés en 1966 et deux Airbus A310-300, achetés d’occasion en 1993.

La date de retrait du service des deux DC8-72 est fixée à 2010. Par ailleurs, se pose la question de l’obtention du format de la flotte de ravitaillement en vol envisagé pour 2015, qui est de seize appareils, et celle du remplacement des anciens C 135 FR, à partir de 2020.

Eu égard aux contraintes budgétaires, il pourrait être envisagé de constituer progressivement une flotte qui assure à la fois le transport à long rayon d’action et le ravitaillement en vol. C’est pourquoi l’apparition probable, à partir des années 2000, sur le marché de l’occasion d’appareils Airbus à des conditions financières intéressantes a donné l’idée d’un programme de rénovation et de transformation pour la création d’une telle flotte, le programme MRTT (Multirole Tanker Transport). Selon l’Armée de l’air, l’achat, dans un premier temps, de deux appareils permettrait à la fois de réaliser le modèle 2015 et d’entreprendre le renouvellement de la flotte de transport à long rayon d’action.

C. — LE PROGRAMME D’HÉLICOPTÈRE “ RESCO ”

Dans le cadre de la projection des forces, l’Armée de l’air a souhaité se doter de plusieurs hélicoptères Cougar destinés à la récupération des pilotes de combat. C’est le programme Cougar Resco. Ce programme est apparu essentiel à la fois pour le moral des pilotes qui savent qu’ils pourront être récupérés si leur avion est abattu, mais aussi pour la conduite des opérations, les détenteurs de pilotes prisonniers étant susceptibles d’en faire des otages pour peser sur la décision politique.

Après la livraison d’un Cougar Resco en 1998, deux seront commandés en 1999. Le calendrier de ce programme figure ci-après. Il est prévu 86 millions de francs de crédits de paiement en 1999 et 487 millions de francs de 2000 à 2002.

 

1998

1999

2000

2001

2002

Commandes *

2

1

     

Livraisons

1

 

1

1

1

* Une commande a été passée en 1994

(Source : ministère de la Défense)

QUATRIÈME PARTIE

L’ARMÉE DE L’AIR DE DEMAIN

L’évolution du monde, qui modifie les rapports de force et donc les missions des armées, mais aussi le progrès des technologies, qui transforme les conditions de combat, obligent les armées à étudier, développer et mettre ensuite en œuvre des équipements sans cesse nouveaux.

D’ici quelques années seulement, un nouvel avion d’armes et un nouvel avion de transport devront ainsi équiper l’Armée de l’air. C’est ces deux importants changements qu’il convient de présenter maintenant.

I. —  UN NOUVEL AVION D’ARMES : LE RAFALE

A. —  UNE QUESTION RÉSOLUE

Après bien des années d’incertitudes, l’année 1999 sera une année faste pour l’avion Rafale. Non seulement, l’Armée de l’air recevra son premier appareil, ce qui lui permettra de familiariser ses personnels avec celui-ci et de développer l’intégration de ses armements, mais surtout, elle va passer ses premières commandes en série.

Pour qui en douterait, il suffit de se reporter à l’article 15 du nouveau chapitre 53-71 qui est désormais l’article budgétaire consacré de Rafale Air : cet article comporte pour 1999 3,750 milliards de francs de crédits de paiement et 3,123 milliards de francs d’autorisations de programme.

En fait, les crédits de paiement correspondent à l’imminence souvent annoncée d’une commande pluriannuelle de 28 appareils dont 7 Rafale marine. Par ailleurs, une option devrait être prise sur 20 autres appareils, à confirmer en 2000. Cette inscription budgétaire lève toute hypothèque sur l’avenir du Rafale. En effet, vingt et un appareils, ajoutés aux deux appareils commandés avant 1995 et à livrer en 1999 et en 2000, c’est non pas un parc de démonstrateurs mais bien la dotation d’un premier escadron opérationnel. L’ampleur des adaptations qui en découle pour l’Armée de l’air implique inévitablement que cet escadron en appelle d’autres et signifie que le Rafale va devenir l’avion d’armes de l’Armée de l’air.

Le calendrier de cette montée en puissance est désormais stabilisé. Pour l’Armée de l’air, c’est celui établi par la loi de programmation militaire. Autrement dit, l’Armée de l’air constituera son premier escadron opérationnel à la fin 2005. Les appareils seront au standard F2, c’est-à-dire avec l’intégralité des fonctionnalités nécessaires à la défense aérienne : conduites de tir Mica électromagnétique et infrarouge, systèmes d’autoprotection et d’identification complets, ravitaillement en vol et liaison automatique de données. Bien que le standard F2 inclue également les premières fonctions tactiques, c’est avec l’équipement au standard F3 que le Rafale deviendra l’avion polyvalent capable indifféremment de missions de défense aérienne et de missions tactiques. Il disposera alors d’un système de suivi de terrain précis et complet, des conduites de tir de l’ensemble des armements air-sol à la précision requise, de l’optronique de secteur frontal complète et des capacités de reconnaissance. Ce standard, à partir duquel l’Armée de l’air se réorganisera autour du Rafale, sera mis en service comme prévu en 2008. Enfin, en 2010, le standard F4 viendra lui apporter diverses améliorations.

B. —  UN APPAREIL SYNTHÉTIQUE ET ADAPTÉ

Le Rafale sera ainsi l’avion d’armes d’une force de combat aérienne économique et souple d’emploi.

Le Rafale présente en effet la particularité d’être polyvalent.

Pour les avions d’armes, il existe deux types de missions. La première est la mission tactique, c’est-à-dire l’attaque et le bombardement d’objectifs situés au sol. La seconde est la défense aérienne, c’est-à-dire la protection contre cette menace. Les autres missions, missions militaires et missions de reconnaissance, sont les variantes de la mission tactique.

Pour ces deux types de missions, les Armées de l’air ont eu besoin jusqu’ici de deux types d’appareils.

Pour la France, le Mirage 2000 a marqué une première étape dans l’intégration de ces missions : c’est le même appareil de base, mais équipé différemment, qui accomplit les deux missions : on l’a vu, ce qui différencie un Mirage 2000-5 et un Mirage 2000 D, ce ne sont pas leurs qualités aéronautiques mais leur radar et leurs systèmes de conduite de tir.

Pour le Rafale, on a réussi à intégrer dans le même appareil, équipé de façon unique, les fonctionnalités nécessaires pour accomplir les deux types de missions.

Cette polyvalence est un gage d’économie et de souplesse. En effet, pour toute opération, l’obligation d’assurer l’attaque et la défense oblige à mettre en place à la fois des avions de défense aérienne et des avions tactiques, alors même qu’on n’aura pas l’usage permanent des uns et des autres. Cela suppose de définir le nombre d’avions nécessaires par catégorie et de prévoir une marge de sécurité pour chacune d’entre elles.

Cette contrainte disparaît avec l’avion polyvalent : le parc d’appareils étant unique, sa gestion le devient aussi. De ce fait, on gagne en souplesse, tout en diminuant le nombre d’appareils.

Ainsi, à l’heure actuelle, pour 380 appareils, l’Armée de l’air ne dispose que de 145 avions pour ses missions tactiques, 130 étant destinés à la défense aérienne, 45 à la reconnaissance et 60 à la mission nucléaire.

On voit que l’équipement de l’Armée de l’Air ne serait-ce qu’avec 140 Rafale en 2015 lui permettra d’affecter simultanément, si nécessaire, à chacune de ces missions nettement plus d’appareils qu’aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle l’équipement futur de l’Armée de l’air a pu être réduit à cette date à 300 avions d’armes, qui seront par ailleurs en moyenne plus puissants que ceux d’aujourd’hui, le Rafale étant plus lourd qu’eux et emportant donc plus d’armements.

Par ailleurs, comme dans tous les matériels modernes, la maintenance et l’évolution future de l’appareil ont été prises en compte dès sa conception. Il est donc attendu des gains importants de maintenance, en personnel et en matériel, par rapport aux appareils actuels, pourtant déjà peu dispendieux, et une grande facilité pour la réalisation des “ rétrofits ”, c’est-à-dire les deux ou trois améliorations majeures que connaît tout appareil au cours de sa vie.

Le tableau ci-après présente l’évolution de la flotte d’avions de combat de l’Armée de l’air à l’horizon 2015 et fait apparaître la place qu’y occupera le Rafale.

DOTATION DE LA FLOTTE DE COMBAT

 

1997

1998

2000

2002

2005

2010

2015

Jaguar

50

50

45

20

Mirage F1 C/B

20

20

20

20

20

10

Mirage F1 CR

40

40

40

40

30

20

Mirage F1 CT

40

40

40

40

40

20

Mirage 2000 N

65

65

60

60

60

40

40

Mirage 2000 D

45

50

60

60

60

60

60

Mirage 2000 C/B

115

95

80

80

80

60

40

Mirage 2000-5F

15

30

30

30

30

20

Mirage IV P

5

5

5

5

Rafale

20

80

140

Total

380

380

380

355

340

320

300

On peut cependant se demander si cette nouvelle configuration n’est pas payée trop cher. En fait, dès lors que sont mises en oeuvre des commandes pluriannuelles, le prix prévisionnel du Rafale s’établirait à 287 millions de francs pour un monoplace et à 306,9 pour un biplace. Les comparaisons avec les autres avions d’armes ne lui sont pas, on le verra, trop défavorables. Quant aux coûts de développement, votre rapporteur livré sa pensée dans son rapport pour avis de l’an dernier. Les choses étant ce qu’elles sont, le Rafale est devenu, en coût d’achat et de maintenance, une solution sans alternative.

C. —  DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES RESPECTABLES

On a parfois argué des décalages successifs du calendrier du programme Rafale pour faire valoir que l’Armée de l’air risquerait de se doter d’un système d’armes technologiquement dépassé.

Il serait erroné de le croire. L’équipement dont va se doter l’Armée de l’air sera de très grande qualité.

En fait, fabriquer un avion polyvalent suppose de disposer de ressources scientifiques et technologiques exceptionnelles. Seul l’avion américain F22 sera dans la situation du Rafale. Il n’est pas indifférent de noter qu’il a connu les mêmes vicissitudes de budget et de calendrier.

Il faut d’abord maîtriser la technologie du radar. Le radar de l’avion polyvalent doit en effet être capable à la fois de détecter la menace tous azimuts en mode air-air et de guider les missiles tirés en défense, et en même temps offrir les capacités de suivi de terrain en vol très basse altitude nécessaires au succès des missions d’attaque tactique.

C’est pourquoi l’équipement primordial du système d’armes Rafale est sans doute le radar RBE2 réalisé par Thomson CSF (et Dassault Electronique, mais les deux entreprises viennent de fusionner), radar multimode à balayage électronique dans les deux plans.

Le Rafale dispose cependant aussi d’un système de contre-mesures, brouillage et leurrage, dénommé Spectra. En effet, contrairement au F22 dont l’autoprotection est d’abord assurée par des techniques de furtivité, ce qui a des conséquences sur la structure de l’avion, l’autoprotection du Rafale reste assurée par les techniques classiques de brouillage et de leurrage qui ont l’avantage de ne pas remettre en cause la structure de l’appareil et donc ses performances. Le niveau de celles-ci apparaît cependant exceptionnel.

Autre novation, le système d’armes inclura également un capteur optronique, situé à l’avant de l’appareil, dit pour cela capteur OSF (optronique de secteur frontal). Pour la navigation et la mise en œuvre des armements, l’OSF joue en fait le rôle d’un radar ; cependant, il n’émet pas d’ondes et assure donc à l’appareil une très grande discrétion. C’est la première fois qu’un système OSF est monté sur un avion de combat.

L’ensemble de ces éléments font du Rafale un appareil très supérieur aux avions d’armes précédents, aussi bien en attaque tactique et en défense aérienne qu’en survivabilité, celle-ci étant obtenue par un faible niveau de signature, une manœuvrabilité élevée et un système de contre-mesures performant.

Le Rafale mettra, bien sûr, en œuvre tous les armements modernes décrits dans la troisième partie, qu’il s’agisse du Mica, du Scalp ou de l’Apache, ou de l’AASM.

De plus, le Rafale dispose d’un potentiel de croissance considérable, très supérieur aux avions d’armes précédents. Par ailleurs, le fait que ses principaux constituants intègrent les normes OTAN permettront de trouver des solutions simples aux problèmes d’interopérabilité.

Une comparaison avec les autres appareils en cours d’expérimentation est significative. Le Rafale surclasse à peu près tous les appareils en service ou en développement. Le JSF américain n’a pas de fonction air-air et manque d’autonomie, ce qui pourra poser des difficultés dans certaines missions de projection pour lesquelles il est pourtant programmé. Le F16 Block 50 américain a moins d’autonomie, un degré d’autoprotection plus faible et n’a pas la capacité multicible. Quant au F16 Block 60, c’est un concept à l’attention des acheteurs du Moyen-Orient. La comparaison entre le Rafale et l’Eurofighter, pourtant de conception plus récente, ne tourne pas à l’avantage de ce dernier : non seulement, l’Eurofighter est un avion de défense aérienne, ce qui obligera les pays qui s’en doteront à acheter d’autres types d’avions pour les missions tactiques -ainsi BAe a pris une part dans la construction du JSF-, mais, même en mode air-air, pour des raisons de taille, il ne peut pas “ tenir la mission ” aussi longtemps que le Rafale. De plus, et c’est un comble pour un programme en coopération, il est 7 % plus cher !

Au bout du compte, seul le F18 américain apparaît égaler le Rafale, au moins dans les missions tactiques, et le F22 lui être supérieur. Le F22 est cependant toujours à l’état de prototype et il est au moins 25 % plus cher. De plus, il faut insister sur le niveau exceptionnel des contre-mesures du Rafale, gage de succès pour ses missions.

II. —  L’AVION DE TRANSPORT FUTUR

A. —  UN BESOIN NOUVEAU ET INCONTOURNABLE

On l’a vu, la flotte actuelle d’avions de transport de l’Armée de l’air arrive maintenant en fin de vie. Par ailleurs, le besoin s’est modifié : la nécessité de pouvoir projeter à longue distance dans des délais brefs des forces d’intervention avec leurs matériels de protection ou de combat (missiles air-sol, véhicules de l’avant blindés, hélicoptères...) amène à rechercher des appareils qui soient à la fois à long rayon d’action et dotés de capacité d’emport suffisant, c’est-à-dire des avions cargos de bonnes capacités logistiques, capacités dont ne disposent pas les actuels appareils de la Force aérienne de projection.

En même temps, un avion de transport militaire doit pouvoir assurer l’engagement au contact direct des troupes adverses (par aéroportage ou aérolargage). L’Armée de l’air devra donc continuer à être équipée d’appareils dotés de capacités tactiques, autrement dit de capacités de combat.

Ainsi, l’achat éventuel d’avions civils pour des besoins logistiques n’empêcherait pas que l’Armée de l’air doive renouveler sa flotte d’avions de transport tactiques.

En fait, le besoin est désormais celui d’avions aux capacités à la fois logistiques et tactiques. On le voit régulièrement lorsqu’il faut organiser des opérations en Afrique.

Lors de l’opération Turquoise en 1994 au Rwanda et de l’opération Almandin en 1996 en Centrafrique, l’Armée de l’air a dû avoir recours aux services de sociétés privées situées sur le territoire de l’ex-URSS qui avaient récupéré de l’ex-armée soviétique des matériels présentant à peu près les capacités requises. En 1997 encore, pour acheminer un hôpital de campagne au Congo, dans le cadre de l’opération Pélican, il a fallu affréter un Ilyouchine 76 à une compagnie ouzbèke.

Ces épisodes montrent bien que, pour la France, l’acquisition d’un avion de transport à la fois logistique et tactique est une nécessité incontournable. Les opérations extérieures relèvent de décision de souveraineté ; devoir recourir à des sociétés placées sous juridiction étrangère pour de telles missions est une restriction de souveraineté.

L’arrivée en fin de vie des Transall amène donc à les remplacer par un avion de ce type.

Cette orientation étant aussi celle d’autres pays européens, les experts de sept, puis huit nations - l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni (à partir de 1996) et la Turquie - ont entrepris de définir en commun les caractéristiques de l’appareil dont ils auraient besoin.

Sur le plan tactique, le point de référence a été les excellentes performances du Transall franco-allemand.

Sur le plan logistique, il a été décidé de concevoir non pas un avion capable d’emporter tous les matériels possibles qui aurait été très coûteux, mais un avion capable de transporter tous les matériels susceptibles d’être projetés en opérations extérieures, ce qui en fait un appareil nettement moins lourd, les exigences de la projection relevant plus du volume que du poids.

Ces études ont abouti à une fiche de caractéristiques militaires provisoires, dites ESR (European Staff Requirement). Depuis juillet 1997, celle-ci est désormais approuvée par les huit partenaires du programme. Ce document définit un appareil répondant au besoin opérationnel commun, tout en limitant au maximum, pour des raisons de coût, certaines spécifications opérationnelles. Les spécifications adoptées figurent dans le tableau suivant.

   

ATF

C 130 J

Dimensions de

Longueur

17 m 25

16 m 90

la soute

Largeur

4 m

3 m 05

 

Hauteur

3 m 85

2 m 74

Motorisation

4 THR (1)

9 000 CV (2)

4 600 CV

Masses

Charge offerte maximum

25 T (3)

17 T

 

Masse maximum au décollage

107 T

70 T

Vitesses

Vitesse de croisière

Mach 0,68 (4)

Mach 0,5

 

Vitesse maximum de croisière

Mach 0,72 (4)

Mach 0,55

Niveau de

Normal

31 000 à 35 000 Ft (5)

25 000 à 30 000 Ft (5)

croisière

Plafond de croisière

37 000 Ft (5)

32 000 Ft(5)

Performances

Distance franchie avec 25 T

3 700 km

3 700 km

 

Distance franchie avec 17 T

5 500 km

-

 

Distance de convoyage (à vide)

7 800 km

7 600 km

(1) Turbopropulseur à hélice rapide

(2) Puissance unitaire en chevaux

(3) Cette masse peut être portée à 32 T sous certaines conditions

(4) Permet le ravitaillement en vol des avions de chasse en haute altitude

(5) En pieds

Le turbopropulseur à hélice rapide a été préféré au réacteur pour donner à l’ATF une plus grande capacité d’utilisation de terrains d’atterrissage rustiques. En effet, du fait de sa conception même, un moteur à réaction est toujours sensible au risque d’ingestion de corps étrangers, tels que des oiseaux, voire tout simplement de poussière ou de caillasse.

Les autres caractéristiques, et notamment celles de la soute, ont été calculées en fonction des dimensions des matériels de l’Armée de terre susceptibles d’être projetés en opération extérieure, qu’ils soient en dotation ou commandés. Il s’agit notamment des hélicoptères Super-Puma, NH-90 et Tigre, du système sol-air SAMP/T, du véhicule blindé VBCI et du camion TRM 10000.

B. —  UN PROGRAMME QUI DOIT S’AFFIRMER

Une fois les spécifications définies se pose la question du coût et du financement de l’appareil. Le coût dépend largement de la série prévisible, du mode de construction et des procédures de financement.

S’agissant du premier point, l’échéancier exprimé par les partenaires européens du programme est actuellement le suivant.

Pays

Besoin

Échéance

France

50

2005

Allemagne

75

2008

Grande-Bretagne

45

2004

Espagne

36

2008

Italie

44

2008

Belgique

12

2010

Turquie

20 à 26

2007

Portugal (1)

6 à 9

2010

Total

288 à 297

 

(1)Le Portugal ne participe plus aux réunions du programme, mais n’a jamais annoncé son retrait de l’ATF.

S’agissant de la production, l’idée a été de s’adresser directement à l’industrie. En Europe, le seul constructeur capable de répondre à un tel appel d’offre est Airbus Industries. En pratique, l’organisation industrielle retenue serait fondée sur la création d’une filiale spécifique, Airbus Military Company, ce qui permettrait d’utiliser les structures et les centres de compétences existants et serait ainsi facteur d’économies.

Par ailleurs, la France a décidé en février 1996 de ne pas financer le développement d’un tel appareil. La loi de programmation 1997-2002 ne prévoit aucun financement à ce titre. Une approche à phase unique de développement-production, comme dans les procédures civiles de type Airbus, a donc été proposée par Aérospatiale le 14 mars 1996.

Sur la base d’une production totale de 300 avions, et en l’absence de financement du développement par le ministère de la Défense, le coût total de 50 appareils était estimé à 32,6 milliards de francs, y compris les rechanges et divers, soit un prix unitaire de série de 596 millions de francs.

Un rapport a alors été demandé par le Premier Ministre à M. Pierre Lelong, à l’époque président de chambre à la Cour des comptes, sur la faisabilité d’une telle option. Dans un rapport intermédiaire, remis en juin 1997, il semble que M. Pierre Lelong ait conclu que l’approche à phase unique envisagée était opérationnelle, et aussi que les ressources prévisibles pendant la période de planification de 2003 à 2010 seraient compatibles avec les besoins de financement du programme.

S’agissant du financement de la phase unique, il estimait alors qu’elle devrait prévoir une avance de 500 millions de francs de l’Etat actionnaire à la société Aérospatiale, celle-ci devant trouver sur les marchés financiers une somme équivalente, et que le ministère de la défense devrait dégager chaque année 1 milliard de francs de 1999 à 2002, en plus des 666 millions de francs déjà provisionnés en 2002.

Dans ces conditions, la livraison du premier avion à la France interviendrait en 2005. La cadence de livraison, d’abord faible (2 avions par an pour les trois premières années) irait croissant par la suite pour atteindre 6 par an à partir de 2009.

Par la suite, le dossier s’est encore rapproché d’une solution de droit commun, puisqu'en septembre 1997, la France et le Royaume-Uni ont décidé de mettre le programme ATF en concurrence. Par ailleurs, à l’initiative de l’Allemagne, des discussions ont été engagées avec le consortium russo-ukrainien Antonov sur des possibilités de coopération pour la production de l’avion Antonov 70.

A l’été 1998, le projet a franchi une étape supplémentaire : en juillet, un appel d’offres a été lancé à Boeing et Lockheed, ainsi qu’à Airbus Industries. Au moins de juin le prélancement avait été préalablement signifié, de façon à permettre à Airbus de répondre à l’appel d’offres en s’engageant sur des performances, des délais et des coûts. Comme votre rapporteur l’avait souhaité, l’Etat français a alors décidé de financer pour moitié, soit pour 66 millions de francs, la part d’Aérospatiale.

La remise des offres est prévue a été fixée au 31 janvier 1999. La notification des contrats, suivie du démarrage de la phase de développement-production, devrait avoir lieu début 2000, pour une première livraison à la fin 2005.

C. —  DES ALTERNATIVES DÉCEVANTES

Le lancement de plusieurs appels d’offres amène à s’interroger sur les solutions concurrentes de l’ATF.

Les seuls avions existants qui pourraient remplacer les Transall en lieu et place de l’ATF sont deux avions américains, le C17 et le C130J. Le C17, construit par Boeing, est un énorme quadriréacteur capable de transporter des chars lourds de plus de 50 tonnes à travers l’Atlantique. Son coût est actuellement de près de 1,5 milliard de francs l’unité. Le Lockheed C130J est une version actualisée du C130 Hercules actuel. Compte tenu du prix du C17, (trois fois celui de l’ATF), il faudrait dans ce cas constituer une flotte mixte, comportant à la fois des C17, pour être sûr de pouvoir transporter l’ensemble des matériels, mais surtout des C130J pour rester dans une enveloppe de coûts raisonnable.

Lorsque cette hypothèse avait été étudiée, l’Armée de l’air avait considéré que 5 C17 et 48 C130J seraient nécessaire. Le prix d’une telle flotte était alors estimé à près de 30 milliards de francs.

Il n’est pas exclu qu’en matière de prix, l’appel d’offres aboutisse à une bonne surprise. En revanche, il est certain qu’une telle flotte serait nettement moins souple d’emploi qu’une flotte d’ATF. En effet, les capacités tactiques du C17, qui est un avion à réaction et un appareil lourd, sont moins bonnes que celles qu’on peut attendre de l’ATF. Quant au C130J, il reste trop étroit.

Par ailleurs, la maintenance de plusieurs types d’avions est toujours plus coûteuse que celle d’un avion unique. De plus, avec le temps, des progrès considérables ont été fait en matière de maintenance. Celle-ci est désormais prise en compte dès la conception des appareils, de sorte que les coûts soient aussi bas que possible. Or, le C130 a été conçu dans les années 1950, à une époque où ces préoccupations n’avaient pas cours. Rien d’étonnant en conséquence à ce que le ministère de la Défense ait chiffré à 6,4 milliards de francs environ les surcoûts globaux de possession à trente ans de la flotte mixte sur la flotte d’ATF, soit de l’ordre de 200 millions de francs par an.

Les difficultés de la solution russo-ukrainienne paraissent de nature différente. En effet, l’Antonov 70 n’existe qu’à l’état de prototype. Ce prototype vole depuis avril 1997. Contrairement à la solution de la flotte mixte, ses capacités d’emport satisfont globalement aux spécifications demandées. En revanche, des modifications considérables apparaissent indispensables pour le mettre aux normes des armées de l’air européennes. En particulier, la refonte complète du cockpit et de l’avionique est nécessaire pour permettre le pilotage à deux. En outre, de nombreuses incertitudes subsistent sur la certification aux normes occidentales et l’interopérabilité avec les matériels occidentaux. Enfin, la question de la constitution de son soutien logistique se pose, ainsi que la garantie de sa pérennité, voire de la poursuite du programme. De plus, ce programme provoque de fortes oppositions, des Britanniques notamment.

Ces difficultés et ces incertitudes ont donc amené Airbus Industries à renoncer à prendre la responsabilité de maître d’oeuvre contractant d’un Antonov 70 occidentalisé.

Se pose également la question du coût. Au vu d’études complémentaires récemment menées, il ne serait pas exclu que, outre les problèmes ci-dessus évoqués, et dont on voit bien qu’ils ne remettent pas en cause les qualités de l’appareil mais portent plutôt sur des questions de conduite du processus industriel et de modalités d’exploitation, le coût de la solution Antonov puisse être assez nettement supérieur à celui prévu, certaines estimations allant jusqu’à un surcoût de 30 % à 50 %. Dès lors, et si tel était le cas, on voit mal comment l’option associant les industriels européens au consortium Antonov qui va être examinée courant 1999 au même titre que les offres d’Airbus Industries, Boeing et Lockheed pourrait éviter d’en retracer, au plan financier, les conséquences.

En conclusion, il apparaît d’abord que l’ATF est la meilleure réponse au nouveau besoin de projection de forces ressenti par les états-majors des armées européennes.

Dans la mesure où ces spécifications sont le fruit d’une réflexion puis d’un travail commun, cela n’est à vrai dire guère surprenant. Cette mise en commun emporte cependant elle-même ses propres conséquences positives. On a évoqué plus haut l’intérêt en termes de coûts d’une flotte équipée d’un modèle unique d’avion. Ce raisonnement vaut encore plus à l’échelle européenne. En effet, outre les économies à attendre d’une acquisition groupée ou de centres d’instruction ou de maintenance communs, l’utilisation d’un même type d’avion facilite les renforts mutuels, ce qui permet à chacun des partenaires de limiter la dimension de sa force.

La pratique qui est désormais celle de la force aérienne de projection et de son homologue allemand, le Lufttransportkommando, est éclairante. Pour remédier à leurs insuffisances ponctuelles, dans la mesure où elles disposent des mêmes types d’avions, les deux aviations échangent tout simplement des missions. La mise en service de l’ATF permettra d’élargir cette coopération à l’ensemble des partenaires européens du programme.

Par ailleurs, sur le plan industriel, l’ATF représente un potentiel de 35 000 emplois qualifiés en Europe, dont 7 000 en France, des retombées prévisibles pendant trente à quarante ans et une charge de travail équivalente à la fourniture de 500 A320. De plus, l’ATF représentant un type d’avion nouveau, il n’est pas exclu qu’il y ait pour lui à la fois un marché, militaire ou civil, hors de l’Europe occidentale. Ainsi, il manque aux Américains un avion intermédiaire entre le C17 et le C130.

Un appel d’offres a été lancé. Sans doute était-ce la meilleure solution pour empêcher que les coûts de ce programme dérivent à la façon de ceux de tant d’autres, en coopération ou non. Il est désormais de la responsabilité des parties prenantes de faire en sorte que l’appel d’offres conduise à une solution européenne. Compte tenu de l’adéquation de l’ATF aux besoins, de celle des technologies les plus fines mais aussi de celle des coûts qu’a acquise l’industrie française et européenne de l’aéronautique, votre rapporteur a bon espoir que tel soit le cas. L’emploi en Europe, tout autant que l’Armée de l’air, a besoin de l’ATF.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. —  AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La Commission de la Défense a entendu, le 9 septembre 1998, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 1999.

Accueillant le Ministre de la Défense, le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission de la Défense était particulièrement attentive aux conditions de la professionnalisation, au retour des crédits d’équipement à un niveau permettant de mener à bien le programme de modernisation des forces ainsi qu’à l’amélioration de la transparence et de la lisibilité du budget de la Défense, en loi de finances initiale comme en exécution.

Le Ministre de la Défense a présenté les principales orientations du budget de la Défense contenues dans le projet de loi de finances pour 1999, adopté le 9 septembre 1998 par le Conseil des Ministres. Il a rappelé que le budget de l’exercice précédent avait fait de la poursuite de la réforme des armées et de la professionnalisation sa priorité et s’était traduit, d’une part, par une conformité du titre III aux objectifs fixés dans la loi de programmation et, d’autre part, par une réduction temporaire des crédits d’équipement par rapport à cette même loi, en raison des contraintes de l’assainissement des finances publiques.

Il a relevé que les difficultés entraînées par cette réduction des ressources disponibles pour l’équipement des armées ne pouvaient être surmontées qu’à la condition d’un réexamen d’ensemble de la cohérence des choix financiers de la loi de programmation militaire, constat qui avait présidé à la revue de programmes et donné lieu, en conséquence, à un ajustement des flux financiers prévus. Il a d’ailleurs souligné que le projet de loi de finances pour 1999 appliquait les conclusions de la revue de programmes concernant les crédits d’équipement, tout en répondant à une vision à long terme des besoins de la défense. Il s’est également félicité des conditions d’élaboration du budget de la Défense, qui n’avait pas nécessité le recours à l’arbitrage du Premier Ministre, en ajoutant que la nouvelle présentation des crédits portait la marque d’un effort de clarification comptable répondant notamment aux souhaits réitérés de la Commission de la Défense.

M. Alain Richard a ensuite présenté les principaux chiffres du projet de loi de finances pour 1999. Il a indiqué que le titre III, d’un montant de 104 milliards de francs, progressait de 240 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, concédant que ce montant aurait été plus élevé si l’on avait appliqué les règles générales d’indexation mais soulignant qu’il restait conforme aux objectifs de la programmation. Quant aux crédits des titres V et VI, il a déclaré qu’ils s’établiraient à 86 milliards de francs, ce qui, par rapport aux 81 milliards de francs du budget voté de 1998, représentait une augmentation d’autant plus forte en termes réels que la valeur des achats d’équipements militaires avait tendance à suivre l’évolution de l’indice des prix industriels, nettement inférieure à celle de l’indice des prix. Il a indiqué qu’au total, les crédits militaires hors pensions progresseraient de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.

Le Ministre de la Défense a souligné que le projet de budget permettait de poursuivre la professionnalisation des forces, qui perdraient en 1999 un peu plus de 30 000 appelés et 2 690 sous-officiers, le nombre d’officiers demeurant globalement stable, alors que seraient créés environ 16 000 emplois, soit, notamment, 8 400 militaires du rang, 4 750 volontaires, dont 3 000 dans la Gendarmerie, et 1 900 emplois civils. Il a fait observer que la baisse de 9 % des crédits de fonctionnement, corrélée à l’évolution des effectifs, n’amputait pas le pouvoir d’achat du titre III, des économies non pénalisantes ayant été rendues possibles en 1999, notamment par l’évolution du prix du pétrole ou par l’augmentation des ressources extrabudgétaires du Service de santé des armées.

S’agissant des crédits d’équipement du budget de la Défense, le Ministre de la Défense a souligné que leur évolution marquait un rattrapage par rapport à la précédente loi de finances et traduisait les conclusions tirées de la revue de programmes. Il a fait observer que les ressources affectées à la dissuasion se trouvaient confortées, le programme de SNLE de nouvelle génération se poursuivant normalement, avec l’admission au service actif du deuxième SNLE-Ng en juillet 1999 et un objectif de mise en service du dernier SNLE-Ng en 2008. Evoquant les crédits consacrés à l’espace, il a rappelé le caractère prioritaire du programme Hélios II et indiqué, s’agissant du programme Trimilsatcom, que la décision de retrait britannique du 12 août 1998 n’entravait pas la coopération entre la France et l’Allemagne dans ce domaine, les deux partenaires ayant décidé de modifier, en les simplifiant, certaines spécifications du programme.

En ce qui concerne les armements conventionnels, il a indiqué que l’année 1999 verrait la poursuite des livraisons de chars Leclerc, à raison de 33 exemplaires, le lancement du programme VBCI réalisé en collaboration avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne, l’entrée dans la phase de fabrication du programme Tigre, la livraison du premier Rafale Marine, du deuxième Hawkeye, le lancement du programme de TCD de nouvelle génération et la poursuite du programme d’hélicoptère NH-90. Il a également fait valoir que, pour la Gendarmerie, les délais d’équipement du programme Rubis seraient respectés puisque, fin 1999, 85 départements seraient équipés, ce qui permettait d’être désormais sûr de l’achèvement du programme à la fin de l’année 2000.

M. Alain Richard a également fait remarquer que l’effort du ministère de la Défense en matière de recherche et développement dépasserait 21 milliards de francs en 1999 contre 19,6 dans la loi de finances initiale pour 1998.

Il a indiqué par ailleurs que près d’un milliard de francs seraient consacrés à l’accompagnement économique des restructurations sous la forme de dotations du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) et du Fonds d’adaptation industrielle (FAI), destinées à financer l’accompagnement économique et social des restructurations, tandis que les aides au départ et à la mobilité, accordées dans le cadre de la professionnalisation, représenteraient plus de 1,8 milliard de francs. Sur ce dernier point, il a fait observer que, conformément à la loi de programmation, les crédits relatifs aux pécules connaîtraient leur première baisse puisqu’ils se monteraient à 810 millions de francs au lieu de 900 en 1998. Il a ajouté qu’après la réalisation complète des prévisions de départ pour 1998, ce montant devrait assurer le départ aidé de 900 officiers et 2 000 sous-officiers en 1999.

Evoquant les restructurations industrielles, le Ministre a indiqué que les efforts de la DGA produisaient désormais leurs fruits en matière de coûts et de délais et mis l’accent sur le dialogue mené avec les industriels de la défense. Sur le point plus précis des relations de la DGA avec les PME-PMI, il a fait observer que, désormais, de nouveaux moyens, notamment en personnel, seraient affectés spécifiquement à cette tâche.

Le Ministre de la Défense a alors analysé la participation du budget de son département à la politique générale du Gouvernement en faveur de l’emploi, de la sécurité intérieure et de la construction européenne.

S’agissant de la politique de l’emploi, il a souligné à nouveau que le ministère allait ouvrir en 1999 de l’ordre de 16 000 recrutements dont plus de 13 000 de militaires du rang et de volontaires, c’est-à-dire des emplois destinés à des jeunes de qualification moyenne et faible. Il a ajouté que 15 millions de francs seraient consacrés à l’accompagnement social des jeunes sans emploi en fin de contrat et rappelé que le ministère prenait sa part des efforts de relèvement des rémunérations les plus basses, qu’il s’agisse de celles des militaires ou de celles des personnels civils.

S’agissant de l’effort en matière de sécurité intérieure, il a précisé qu’en relève des appelés, 3 000 volontaires allaient être recrutés par la Gendarmerie en 1999 en complément des 800 recrutés par anticipation dans les prochaines semaines. Il a toutefois fait observer que l’effort en faveur des effectifs de la Gendarmerie engendrerait en contrepartie un alourdissement des charges de formation, consécutif, notamment, à l’accroissement du nombre de départs à la retraite dans les prochaines années, de 2 000 à 4 000 par an. Il a ajouté que le renforcement des effectifs de la Gendarmerie d’autoroute serait néanmoins poursuivi pour tenir compte de l’accroissement du kilométrage autoroutier et annoncé que, dans le cadre du programme de renouvellement des hélicoptères Alouette III, la première commande d’hélicoptères biturbines allait être passée.

M. Alain Richard a alors décrit la part prise par le ministère de la Défense à la politique européenne du Gouvernement. Il a fait ressortir la participation accrue de la France au développement d’une industrie de défense européenne compétitive et attiré l’attention sur la signature du traité instituant l’OCCAR. Sur ce point, il a fait remarquer la forte volonté des signataires de déléguer à l’OCCAR la gestion de nouveaux programmes, indiquant que les Britanniques avaient fait part de leur intention de porter à 40 % la part des programmes européens dans leurs acquisitions.

Il a également souligné que la France faisait pleinement appel aux crédits de reconversion de l’Union européenne (fonds KONVER et Objectif 2).

En conclusion, il a indiqué que le projet de budget pour 1999 marquait une nouvelle étape dans la modernisation et l’adaptation de nos capacités de défense tout en contribuant efficacement à la mise en oeuvre des grands objectifs du Gouvernement. Il a également mis l’accent sur l’efficacité des armées dans l’accomplissement de leurs missions extérieures, puisque l’année 1998 avait vu, outre la conduite d’opérations sur divers théâtres, la mise en oeuvre de plusieurs interventions d’évacuation de nos ressortissants, tout en rendant hommage aux qualités dont elles faisaient preuve dans l’exercice de leurs missions intérieures. Evoquant la participation du ministère de la Défense à la sécurité de la Coupe du Monde de football, il a à ce propos tenu à rendre hommage au gendarme Nivel, symbole du dévouement et de l’efficacité des armées dans l’ensemble de leurs missions.

Rappelant que l’arrêté d’annulation et le décret d’avance du 21 août 1998 avaient réduit de 3,8 milliards de francs les crédits d’équipement de l’exercice 1998 et ouvert sur le même exercice un crédit de 3,8 milliards de francs en vue de couvrir des charges de personnel, notamment au titre des opérations extérieures, le Président Paul Quilès s’est demandé si, dans la mesure où une bonne partie de ces opérations pouvait être prévue en début d’exercice, une provision ne pourrait pas être instituée en loi de finances initiale pour faire face aux charges qu’elles entraînent, ce qui permettrait ainsi un meilleur contrôle parlementaire.

Remarquant également qu’une partie des crédits ouverts par le décret d’avance semblait destinée à remédier à l’insuffisance des dotations initiales pour la rémunération des VSL (volontaires service long), il s’est demandé si cet ajustement ne traduisait pas certaines dérives en matière de rémunérations et s’est interrogé sur leur perpétuation en 1999.

Abordant alors la réforme destinée à rapprocher la comptabilité des investissements du ministère de la Défense de celle des ministères civils, il a souhaité savoir si l’on pouvait en attendre une plus grande conformité des autorisations de programme du budget de la Défense à la définition qui en est faite par l’ordonnance de 1959 relative aux lois de finances, soulignant qu’une telle amélioration faciliterait le contrôle parlementaire des dépenses en capital, grâce notamment à l’inscription dans le fascicule budgétaire de la Défense d’échéanciers véritablement significatifs des crédits de paiement. Il a également demandé dans quelles conditions le montant en autorisations de programme des nouvelles opérations budgétaires d’investissement ainsi que leur échéancier en crédits de paiement seraient portés à la connaissance des rapporteurs budgétaires.

Enfin, s’agissant des commandes groupées, il a souhaité savoir si leur montant en était connu et si elles feraient l’objet d’une individualisation au sein du fascicule budgétaire de la Défense.

M. Alain Richard a apporté les éléments d’information suivants :

— le décret d’avance qui porte sur 3,8 milliards de francs couvre en partie (1 milliard de francs) les surcoûts liés aux opérations extérieures. Il ouvre également des dotations supplémentaires pour assainir la situation des chapitres de rémunérations, afin d’éviter des tensions de trésorerie avant le collectif budgétaire prévu en novembre prochain ;

— environ 300 millions de francs de crédits provisionnels avaient été inscrits pour la première fois dans le projet de budget pour 1998 pour couvrir une part des surcoûts entraînés par les opérations extérieures. D’une part, il est difficile d’évaluer à l’avance l’ampleur de ces surcoûts. D’autre part, cette provision, souhaitée par le Ministre de la Défense, doit rester modérée et ne saurait dépasser à terme un milliard de francs ;

— le débat politique avec le Parlement sur les opérations extérieures se déroule habituellement au moment de l’examen de la loi de finances rectificative de fin d’année mais il serait souhaitable que le Ministre de la Défense vienne, dès le printemps, présenter les principales dépenses liées à ces opérations ;

— les VSL permettent d’accompagner la professionnalisation. Parce qu’il n’a pas été possible d’inscrire en 1998 des postes de volontaires pour pallier la disparition des appelés, les armées ont été autorisées à recourir à des VSL en anticipation de l’arrivée des volontaires ;

— la couverture du décret d’avance repose sur des annulations de crédits d’équipement. Mais ces annulations seront compensées par une autorisation de consommer un montant équivalent de crédits de report de l’exercice 1997 sur l’exercice 1998 afin de garantir la capacité de dépenses du ministère de la Défense pour l’exercice en cours ;

— la mise en oeuvre au sein du ministère de la Défense de la nouvelle comptabilité spéciale des investissements (CSI) s’est traduite par des retards de paiement au détriment des fournisseurs, en particulier des PME, et l’application de la réforme de la nomenclature budgétaire prévue par le projet de loi de finances pour 1999 risque d’entraîner des conséquences de même nature. Les retards provoqués par l’introduction de la CSI devraient toutefois être rattrapés d’ici quelques mois afin que la consommation des crédits approche, à la fin de l’exercice 1998, les montants inscrits en loi de finances initiale ;

— la présentation du budget pour 1999 se place dans la cohérence des demandes des commissions parlementaires. Elle fait passer de 7 à 8 le nombre de chapitres du ministère de la Défense et permet, notamment, de détailler, dans le chapitre des fabrications, 25 articles, correspondant chacun à un grand programme ;

— cinq commandes groupées de matériels pour un montant d’engagements d’environ 11 milliards de francs ont été lancées en 1997 et deux nouvelles commandes de ce type seront sans doute attribuées en 1999. Le Gouvernement ne pourra confirmer publiquement la commande groupée des 48 Rafale qu’en 1999 car, si l’essentiel de la négociation est effectué, il reste certaines questions à régler avant la signature définitive du contrat.

Après s’être félicité de l’augmentation des titres V et VI en loi de finances initiale et des efforts effectués dans certains domaines, en particulier dans l’adéquation des autorisations de programme et des crédits de paiement, M. Arthur Paecht a émis la crainte que la loi de finances rectificative pour 1998 ne vienne à nouveau amputer les crédits d’équipement pour abonder les dépenses liées aux opérations extérieures. Ayant estimé ambitieux l’objectif de fabriquer en coopération européenne près de 40 % des programmes en valeur, il s’est interrogé sur la nature de l’identité européenne de défense qui soutiendra le développement de l’OCCAR. Enfin, il a évoqué l’élaboration du nouveau concept stratégique de l’Alliance atlantique et a souhaité obtenir des informations complémentaires sur la participation de la France aux structures intégrées alliées.

M. Jean-Yves Le Drian s’est étonné que le projet de budget pour 1999 prévoie le lancement du développement de deux frégates Horizon dans la mesure où il n’avait pas eu connaissance que des progrès significatifs avaient été récemment accomplis dans la définition des spécifications de ce programme en coopération trilatérale. Evoquant la réforme de la DCN, il a souhaité avoir des précisions sur la méthode et le calendrier retenus par le ministère de la Défense.

Estimant qu’il ressortait des propos du Ministre de la Défense que l’augmentation du titre III ne correspondait pas à celle du coût de la vie, M. Michel Voisin a souhaité que l’effort entrepris en faveur de la professionnalisation ne soit pas terni par une altération de la qualité de vie des personnels militaires. Notant qu’une dotation supplémentaire de 40 millions de francs était affectée aux réserves, il a demandé quel était l’état d’avancement des travaux d’élaboration du projet de loi les concernant. S’agissant de la réorganisation des services de police et de Gendarmerie, il a indiqué que la réforme annoncée avait soulevé, notamment dans la zone périurbaine de Lyon, de vives protestations de la part des élus locaux et des populations qui craignent qu’il s’ensuive une altération des conditions de sécurité et a regretté qu’elle n’ait été précédée d’aucune véritable consultation préalable. Evoquant l’annonce de la double commande de 80 hélicoptères Tigre faite à la suite de la rencontre des Ministres de la Défense à Berlin, il a souhaité savoir si ces commandes avaient été notifiées à l’industriel. Enfin, il s’est inquiété du maintien des effectifs et des spécificités de la Légion étrangère ainsi que des troupes de marine.

M. René Galy-Dejean a fait part de sa satisfaction au regard d’un budget qu’il a considéré comme une assez bonne surprise, après les résultats de la revue de programmes, et indiqué qu’il portait des appréciations également positives sur la politique suivie en matière de restructuration industrielle. Il a toutefois regretté que les négociations avec le ministère du Budget n’aient pu permettre d’obtenir une augmentation du montant des crédits militaires et en particulier de ceux du titre III, en rapport avec l’amélioration sensible des recettes fiscales. Rappelant que le contexte international avait sensiblement évolué dans le domaine de la prolifération nucléaire et balistique depuis l’élaboration du précédent budget, il a souhaité savoir si cette situation avait été prise en compte dans la fixation des orientations budgétaires concernant la dissuasion et si le Ministre avait pu constater l’émergence d’une prise de conscience européenne en ce domaine.

Après avoir fait valoir que l’augmentation des crédits de la Défense pour 1999 était conforme aux engagements précédents du Gouvernement et que le projet de budget reflétait la priorité accordée à l’emploi, M. Yann Galut a fait part de ses préoccupations quant à l’avenir de GIAT-Industries, en ce qui concerne notamment le secteur armes et munitions, la nature de la participation française au VBCI, et plusieurs incertitudes relatives à la revalorisation des matériels d’artillerie de type 155 AUF 1 ou aux commandes portant sur le système Minotaur et les tourelles d’hélicoptères. Il a noté avec satisfaction l’accroissement des crédits de recherche-développement, qui lui a paru témoigner du souci de préserver l’avenir des industries françaises de défense et a souhaité savoir quels moyens pouvaient être accordés, dans le cadre de cet effort, à des programmes tels que le VEXTRA, l’artillerie future des chars de combat et les munitions intelligentes. S’agissant des aides à la diversification des entreprises de défense, il a souhaité savoir quelle avait été l’affectation des crédits inscrits à ce titre dans le budget pour 1998. Il s’est enfin félicité de l’annonce de la prochaine commande pluriannuelle de 48 Rafale et des engagements pris en faveur du programme ATF, tout en indiquant que parmi les trois options évoquées par le Ministre, il souhaitait que celle proposée par Airbus Industrie soit privilégiée.

M. Georges Lemoine s’est félicité que le projet de budget de la Défense pour 1999 vienne atténuer certaines inquiétudes concernant les moyens alloués à la Gendarmerie, notamment en matière de volontariat. Se déclarant satisfait à cet égard de l’ouverture, par anticipation, de 800 postes de volontaires en 1998 et des objectifs de recrutement fixés pour 1999, il a toutefois fait état des difficultés que pourrait soulever, dans les brigades, la durée de formation de ces personnels, nettement supérieure à celle des actuels gendarmes auxiliaires. Il a ensuite évoqué les nombreuses inquiétudes suscitées, chez les élus, par le rapport de MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest. Il a plaidé en faveur d’une information accrue des élus locaux sur les propositions énoncées dans ce rapport, dont il a souligné qu’il avait été peu lu et estimé que l’intervention du Directeur général de la Gendarmerie nationale devant le congrès des maires de France, au mois de novembre, pourrait participer de cette meilleure information. Après s’être félicité des perspectives d’achèvement du programme Rubis, il a soulevé la question des conditions de vie et des casernements, qui risquait d’être rendue plus difficile par l’arrivée des volontaires. Il a enfin interrogé le Ministre sur la contribution des sociétés autoroutières au financement des pelotons de gendarmerie d’autoroute.

M. Jean-Claude Sandrier s’est déclaré gêné pour approuver le projet de budget, de la même façon que les membres de l’opposition s’étaient trouvés gênés pour le critiquer. Il a précisé que son analyse concernant la loi de programmation militaire était inchangée et a exprimé son désaccord avec une politique de défense principalement fondée sur des objectifs de projection. Il a souligné en revanche que le concept de défense nationale gardait toute sa validité et que sa mise en oeuvre supposait de revaloriser les forces et équipements classiques. Il a estimé en outre que la journée d’appel de préparation à la défense ne suffirait pas à insuffler aux jeunes l’esprit de défense. Il a ensuite interrogé le Ministre sur les résultats de la campagne de recrutement de l’Armée de terre et, s’agissant des crédits d’équipement, sur leur taux de consommation en 1998. Après avoir demandé au Ministre de faire le point sur les nouvelles infrastructures, il s’est interrogé sur l’état actuel de la coopération européenne pour la réalisation du programme Hélios II. Il s’est également déclaré inquiet de la politique industrielle suivie dans le secteur de la défense, relevant qu’elle était largement inspirée par le souci d’instaurer une défense européenne. Il s’est à ce propos interrogé sur l’évolution de la politique de coopération suivie par nos partenaires britanniques et allemands en matière de défense, notamment à l’égard des Etats-Unis. Il s’est enfin demandé s’il était prudent de programmer la fin du système armes et munitions de GIAT-Industries, avant de demander que le plan de restructuration de cette entreprise soit revu en fonction d’autres objectifs que ceux qui ont été retenus par le Gouvernement.

Remarquant que plusieurs des questions posées avaient trait aux orientations de la politique générale de défense de la France, M. Alain Richard a proposé que leur examen ait lieu en séance publique, à l’occasion du débat sur les crédits militaires, de sorte qu’ils puissent faire l’objet d’une discussion plus approfondie.

Il a également suggéré que la Commission de la Défense tienne un débat spécifique sur la politique industrielle dans le secteur de la défense et s’est déclaré disposé à y contribuer.

Il a en outre apporté les éléments de réponse suivants :

— les dépenses liées aux opérations extérieures sont, par nature, affectées d’un fort coefficient d’incertitude en début d’exercice ; en 1999, elles seront sans doute en réduction par rapport à 1998 du fait, notamment, de la fermeture des bases françaises en République centrafricaine ;

— le programme Horizon sera bien lancé en 1999 ; en effet, la définition de ses besoins par la Grande-Bretagne, principal acheteur, a beaucoup évolué et s’est considérablement rapprochée de celle de la France ;

— la réforme de la DCN est une réforme en profondeur qui doit donc être conduite sur le long terme. La DCN doit conserver une place éminente au sein de l’industrie de défense européenne de demain. Pour cela, il a été demandé à sa direction de recueillir des avis diversifiés avant de formuler ses propositions en vue d’une réforme et d’un plan d’entreprise. Cette réflexion prend nécessairement du temps. Le plan d’entreprise qu’elle élaborera devra permettre à la DCN de répondre aux demandes de la Marine et de trouver des marchés, dans des conditions économiques saines ;

— la hausse des rémunérations et charges sociales, au sein du titre III, est de 2,9 %. Elle inclut donc des accroissements de pouvoir d’achat. Mais elle pèse indéniablement sur les moyens de fonctionnement. Les tensions sur les crédits de fonctionnement n’affecteraient la qualité de vie que des personnels logés. Or, sur ce point, sans doute du fait de l’ingéniosité des chefs de corps, il n’apparaît pas qu’on aille vers une situation réellement difficile. De plus, les jeunes engagés sont tous en début de contrat et il n’est pas certain qu’ils souhaiteront, à l’avenir, continuer à être logés à la caserne ; il convient donc d’être prudent dans la construction des casernements de manière à éviter les surcapacités ;

— le ministère de la Défense a bénéficié d’une amélioration spécifique de ses crédits de fonctionnement, due notamment à la réforme du financement du fonds de pension des ouvriers d’Etat. Celui-ci connaissait un déficit structurel apuré a posteriori par une subvention. A la suite d’une proposition du ministère des Finances, ce déficit sera désormais financé par les cotisations des employeurs. Cette réforme, appliquée de façon plafonnée, aboutit à transférer 300 millions de francs de cotisations du titre III vers les établissements employeurs des ouvriers d’Etat, notamment la DCN ;

— en ce qui concerne les modifications du partage de compétence territoriale entre la Police et la Gendarmerie, les propositions envoyées aux préfets feront l’objet de négociations et ne présagent pas des décisions finales ;

— les besoins, plus importants en zones urbaines périphériques, sont mieux satisfaits par un travail collectif des brigades ;

— le reversement des sociétés concessionnaires d’autoroutes à la Gendarmerie par la procédure du fonds de concours a été déclaré non conforme à l’ordonnance organique relative aux lois de finances. Pour compenser ce fonds de concours, un peu plus de 500 millions de francs ont été inscrits en crédits budgétaires dans la loi de finances initiale pour 1998. Le projet de budget pour 1999 fait l’objet d’une procédure analogue ;

— la consommation de l’ensemble des crédits d’équipement devrait dépasser 95 % des dotations initiales pour l’exercice en cours ;

— la commande des 80 hélicoptères Tigre sera notifiée à l’industriel avant la fin de l’année ;

— il est de l’intérêt de GIAT-Industries de participer au programme VBCI qui concerne près de 2 000 commandes à terme et dont la France pourrait recevoir près de 30 % de part industrielle, même si les négociations de prix ne sont pas terminées. Au contraire, pour l’instant aucun marché assuré n’existe à l’exportation pour le programme VEXTRA dans la situation économique très difficile que connaît l’armement terrestre. Quant à l’artillerie future des chars de combat, il s’agit d’un domaine auquel des crédits de recherche seront affectés ;

— les crédits du FRED et du FAI dont la consommation est satisfaisante permettent une bonne mise en place des programmes de diversification économique et d’accompagnement social ;

— les partenaires du consortium Airbus doivent faire une proposition crédible et compétitive en termes de prix pour remporter le marché de l’avion de transport militaire européen. S’il est nécessaire de tenir compte des intérêts économiques et industriels européens dans le choix des coopérations, il n’est pas non plus politiquement souhaitable de fermer a priori la porte à toute coopération avec Antonov ;

— la réponse favorable de l’Espagne au programme Hélios II, dont le calendrier de réalisation est maintenu, permet de le poursuivre dans un cadre de coopération européenne. L’Italie qui effectue d’importants efforts d’économie budgétaire n’a pas encore fourni de réponse. D’autres partenaires sont par ailleurs envisageables. Les pays intéressés pourront s’abonner au programme en cours de réalisation ;

— les recrutements d’engagés de l’Armée de terre se déroulent dans de bonnes conditions, grâce à l’amélioration des conditions de rémunération des personnels et à l’image positive que donne cette armée dans sa démarche de professionnalisation, notamment en matière de formation et d’intégration sociale ;

— la professionnalisation des armées suppose la remise en cause des spécificités de certaines armes de l’Armée de terre et il apparaît nécessaire de faire comprendre tant à la Légion étrangère qu’aux Troupes de Marine que l’accroissement global des capacités opérationnelles des forces constitue une garantie importante pour la Nation.

M. Bernard Grasset a souligné le courage dont avait fait preuve le Gouvernement en modifiant la carte de répartition des zones de Police et de Gendarmerie, apportant ainsi une réponse à une question très ancienne que les gouvernements précédents avaient toujours hésité à aborder. Il a fait part du trouble suscité chez un certain nombre de maires de sa circonscription par les confidences du Directeur général de la Gendarmerie, concernant l’emploi de ses personnels, parues dans un supplément d’un grand journal parisien. Il s’est félicité du dépôt prochain d’un projet de loi sur les réserves, qui constituent un élément essentiel du lien entre la Nation et ses Armées et a souhaité qu’à l’avenir le recrutement dans les sessions régionales de l’IHEDN soit moins élitiste. Après avoir estimé que les spécificités de certaines armes telles que les troupes de Marine devaient être préservées, il s’est prononcé en faveur du maintien du Service militaire adapté, dont il a souligné qu’il apportait, dans les DOM-TOM, une contribution essentielle au resserrement des liens entre les Armées et la population. Relevant la diminution de 16 % des crédits de paiement consacrés à l’Espace, dont il a déclaré comprendre les raisons, il a insisté sur la nécessité de préserver l’avenir en accordant une priorité au programme de satellite radar Horus.

M. Pierre Lellouche a tout d’abord convenu que le projet de budget apparaissait optiquement meilleur que celui de l’année en cours, estimé que les restructurations industrielles engagées pouvaient être considérées comme satisfaisantes et jugé courageuse la politique menée par le Ministre de la Défense pour restructurer les arsenaux. Il a résumé son appréciation en déclarant que le libéral qu’il était se réjouissait de ces orientations. Il a également insisté sur la nécessité d’instituer un mode approprié de financement des opérations extérieures, excluant toute ponction sur les crédits d’équipement pénalisant, en cours d’exercice, la politique d’équipement des forces armées. Soulignant l’intérêt du volontariat du service national en entreprise, il a souhaité savoir si le Gouvernement entendait proposer au Parlement son maintien. Il s’est par ailleurs inquiété de la répartition des officiers, sous-officiers et militaires du rang au sein des armées, notant que la professionnalisation avait pour effet de créer un déséquilibre important en faveur des gradés par rapport aux hommes du rang. Enfin, rappelant qu’il avait saisi la présidence de l’Assemblée nationale de la nécessité d’une réflexion parlementaire sur la pertinence du concept de dissuasion au regard de l’évolution géostratégique liée aux essais nucléaires indiens et pakistanais, il a fait part de sa stupéfaction quant au manque d’intérêt suscité par sa demande. Il s’est enfin interrogé sur la cohérence des choix financiers effectués, dans le projet de budget pour 1999, en faveur des différents systèmes de forces face à une menace aujourd’hui très évolutive et s’est demandé si une réflexion suffisante avait été conduite sur le modèle d’armée dont la France avait à présent besoin.

Le Président Paul Quilès a indiqué que le bureau de la Commission, dont M. Pierre Lellouche est membre, devait se réunir la semaine prochaine pour examiner notamment sa proposition. Il a par ailleurs rappelé les propos de M. Arthur Paecht et ceux du Ministre, évoquant les travaux de l’OTAN relatifs au nouveau concept stratégique de cette organisation, et souligné que les conclusions de ces travaux ne seront pas sans incidences sur nos propres réflexions nationales en matière de politique de défense. Enfin, il a observé que l’analyse des menaces et des besoins militaires de la France était déjà contenue dans le Livre Blanc et la loi de programmation militaire, qu’une majorité de membres de la Commission, dont certains appartenaient à l’opposition, n’avaient pas souhaité remettre en cause.

M. Guy-Michel Chauveau s’est félicité du projet de budget, qu’il a considéré comme le meilleur depuis plusieurs années. Il a plaidé en faveur d’une maîtrise des dépenses du titre III, condition nécessaire à la préservation des crédits de recherche et développement. Il a également souhaité savoir s’il avait été procédé à une réorganisation des dispositifs de formation, pour mieux les adapter aux spécificités des personnels engagés. Il a également demandé quelles étaient les mesures de reconversion des engagés prévues. S’agissant de la politique industrielle menée par le Gouvernement, il s’est déclaré pleinement satisfait des décisions prises depuis quinze mois, souhaitant que toutes les grandes entreprises du secteur y participent. Se félicitant de la nomination d’un coordinateur des restructurations au niveau national, il a souligné la nécessité d’une évaluation de leur impact, site par site.

M. Jean-Noël Kerdraon, rappelant que la revue des programmes avait fixé à l’an 2000 le lancement du programme de nouveau transport de chaland de débarquement (TCD), a demandé au Ministre de la Défense de confirmer qu’il était avancé d’un an. S’agissant des programmes en coopération, il a évoqué les divergences entre la France et l’Italie dans le choix du sonar destiné à équiper le NH 90, non sans estimer que celui proposé par Thomson-Marconi semblait de meilleure qualité. De même, il a souhaité que le choix du sonar du chasseur de mines tripartite s’oriente vers le produit proposé par cette même société, dont 300 emplois étaient en jeu sur un effectif de 400.

Félicitant le Ministre, non pour son budget, qu’il a estimé critiquable mais pour l’habileté avec laquelle il l’avait présenté, M. Yves Fromion, usant de la faculté que l’article 38 du Règlement confère aux députés d’assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a indiqué que, pour sa part, il avait toujours estimé qu’il fallait maintenir l’actuelle loi de programmation militaire, fruit d’un débat approfondi. Il a même regretté que la loi de programmation militaire initiale n’ait pas été appliquée plus fidèlement encore, évoquant notamment le retard que la France risquait de prendre dans le domaine de l’aéromobilité avec un parc d’hélicoptères qui allait passer de 600 environ à 350 ou 370 en 2010. Il a également demandé au Ministre des informations sur l’abandon du département munitions de GIAT-Industries et sur les perspectives d’exportation du char Leclerc. Il l’a enfin interrogé sur l’appel de préparation à la défense.

Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :

— il a convenu que l’accès à l’IHEDN, notamment à ses sessions régionales, devait être élargi ;

— le SMA (service militaire adapté) fonctionne de manière satisfaisante. Le souhait de la Polynésie française de se voir attribuer directement les crédits correspondants pour organiser elle-même la formation des jeunes pourrait cependant créer une disparité de situation entre les différents départements et territoires, qui rendrait le dispositif plus difficile à maintenir ;

— l’objectif de construction d’un satellite d’observation radar n’est pas abandonné mais il est sans doute opportun d’attendre que les évolutions technologiques en cours permettent de l’atteindre à moindre coût ;

— la dissuasion a, jusqu’ici, été surtout l’affaire du Chef de l’Etat ; c’est sans doute la raison pour laquelle la nécessité d’un débat parlementaire n’est pas apparue pressante ;

— le taux d’encadrement d’une armée professionnelle est toujours supérieur à celui d’une armée de conscription. Par ailleurs, l’analyse des taux d’encadrement doit tenir compte de la structure des grades de la Gendarmerie, puisque les gendarmes sont tous sous-officiers ;

— la professionnalisation va indiscutablement engendrer des tensions sur la part relative des crédits du titre III et du titre V, d’ici à la fin de la programmation ; un risque de glissement existe. Ce sera l’un des points à évoquer lors de la préparation de la prochaine loi de programmation;

— il y a des gains d’efficacité à faire en matière de formation. Ils passent notamment par des regroupements d’écoles. S’agissant du recrutement, l’une des clefs du succès sera effectivement la réussite de la reconversion des engagés et sa perception correcte par le public ;

— en matière d’industrie aéronautique, le pas essentiel est la fusion entre les sociétés Aérospatiale et Matra : en revanche, s’agissant de la position de la société Dassault au sein de l’industrie européenne, il est encore possible de se laisser un temps de réflexion ;

— le souci de préserver le plus grand nombre de sites et de maintenir une activité industrielle dans les bassins d’emploi a joué un rôle essentiel dans l’élaboration du plan de restructuration de GIAT-Industries ;

— en ce qui concerne le TCD, le besoin est avéré : il s’agit d’un outil de projection précieux qu’il ne faut pas trop tarder à réaliser. Des négociations devront toutefois s’engager avec la DCN en vue de sa construction, notamment sur la question des prix ;

— dans les mois qui viennent, il faudra résoudre les divergences entre l’Italie et la France à propos du sonar Thomson-Marconi ;

— dès lors qu’on est en accord avec les objectifs fixés par la loi de programmation militaire, il convient de se tenir à celle-ci ;

— la réduction en cours du nombre d’hélicoptères laissera à la France un nombre d’appareils dont les capacités seront toutefois hors de comparaison avec celles des matériels qu’ils remplaceront ; l’aéromobilité reste un concept essentiel dans la doctrine d’emploi de l’Armée de terre ;

— le plan de réduction des capacités du secteur des munitions de GIAT-Industries répond aux besoins d’adaptation de l’entreprise qui ne peut produire que ce qu’elle est en mesure de vendre dans des conditions économiques normales. S’agissant de l’achat de chars Leclerc par l’Arabie Saoudite, le Gouvernement ne s’en désintéresse pas ; il est cependant trop tôt pour formuler des commentaires à ce sujet ;

— s’agissant de l’appel de préparation à la défense, il est organisé avec rigueur. De plus, aujourd’hui, la vision qu’ont les jeunes de la Défense est positive. Ces éléments permettent de penser que la nouvelle formule sera un succès ;

— en ce qui concerne les réserves, la concertation est en bonne voie et le Premier Ministre a annoncé devant l’IHEDN que le projet de loi les concernant serait déposé sur le bureau d’une des Assemblées avant la fin de l’année ;

— pour réformer le partage de compétence entre Police et Gendarmerie, il fallait bien partir d’un point de départ, susceptible de constituer une base de discussion. Des instructions ont été envoyées aux préfets pour rappeler que c’est là précisément la fonction du rapport Carraz-Hyest qui n’a donc pas vocation à être transposé sur le terrain dans son intégralité.

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN RANNOU, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR

La Commission de la Défense a entendu, le 20 octobre 1998, le Général Jean Rannou, Chef d’état-major de l’Armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 1999.

Accueillant le Général Jean Rannou, Chef d’état-major de l’Armée de l’air, M. Robert Gaïa, Président, a rappelé qu’il allait présenter un projet de budget dont l’évolution paraissait globalement favorable, mais contrastée, puisque les crédits d’équipement connaissent une progression sensible alors que le titre III subit une légère baisse. Il a observé qu’en commentant ces évolutions, il allait pouvoir indiquer en particulier à la Commission comment le projet de budget de l’Armée de l’air pour 1999 traduisait les prévisions de la programmation, telles qu’elles ont été ajustées par la récente revue de programmes.

Estimant tout d’abord que le projet de budget de l’Armée de l’air, conforme aux conclusions de la revue de programmes, permettait de poursuivre la professionnalisation dans de bonnes conditions, le Général Jean Rannou a précisé que son montant de 35,8 milliards de francs correspondait à une augmentation de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. La réduction de 1 % du titre III, fixé à 15,6 milliards de francs masque une forte croissance des crédits consacrés aux rémunérations et charges sociales qui représenteront 81,2 % des dépenses ordinaires et une diminution des dotations destinées au fonctionnement courant ou à l’activité aérienne.

Après avoir rappelé que les effectifs de l’Armée de l’air passeraient de 82 000 à 76 400 (dont 5 603 civils), le Chef d’état-major de l’Armée de l’air a indiqué que la diminution globale de 7 043 postes permettrait d’atteindre l’objectif de la programmation et que l’essentiel de la professionnalisation aurait ainsi été réalisé en trois ans. Il a ajouté que la déflation concernait 60 postes d’officiers, 725 de sous-officiers et 9 144 d’appelés. Parallèlement, seront ouverts 2 371 postes de militaires techniciens de l’air (MTA), 211 de volontaires et 304 de civils.

Le Général Jean Rannou a alors appelé l’attention de la Commission sur le rôle primordial des bases aériennes en matière de professionnalisation, notamment en raison de la responsabilité des commandants de base en matière de recrutement puis de reconversion des MTA. Une structure spécifique est en particulier mise en place sur les bases pour préparer leur retour à la vie civile à la fin de leurs contrats de 4 ou 8 ans.

Le Chef d’état-major de l’Armée de l’air a fait observer que, malgré les efforts entrepris, le recrutement de personnels civils s’avérait difficile dans les bases éloignées des bassins d’emploi touchés par les restructurations. Le déficit des personnels civils devrait cependant être réduit de 785 à 635 grâce à la reprise du recrutement des fonctionnaires et à l’embauche autorisée de 47 ouvriers d’Etat. Il a également souligné l’importance du nombre de pécules alloués aux officiers et aux sous-officiers afin de maintenir les flux de départ, compte tenu en particulier de la prolongation des limites d’âge de 48 à 55 ans pour les adjudants-chefs.

Abordant les crédits de fonctionnement courant, le Général Jean Rannou a indiqué que leur baisse de 79 millions de francs par rapport au budget voté de 1998 (soit 5,2 %) était la conséquence directe des déflations d’effectifs et des restructurations. Il a cependant souligné que la situation des dotations de fonctionnement demeurerait tendue et a émis la crainte que le report de charges de 1997 à 1998 ne puisse être résorbé, le budget de 1998 ayant été construit avec un déficit structurel. Pourtant, les efforts entrepris pour maîtriser les coûts de fonctionnement sont poursuivis, le niveau de productivité s’est élevé et des travaux menés au sein du ministère montrent que le coût de fonctionnement per capita de l’Armée de l’air est le plus faible des armées.

Il a également fait observer que la solution de la sous-traitance était intéressante pour la rationalisation des fonctions non strictement opérationnelles et des activités non spécifiquement militaires dans le cadre de l’accompagnement de la professionnalisation. Rappelant que la sous-traitance était utilisée, par exemple, pour les activités de maintenance lourdes, confiées aux ateliers industriels de l’armement de la DGA ou au secteur privé, il a indiqué qu’elle serait développée pour un grand nombre de tâches de soutien, notamment dans le domaine du fonctionnement général. Il a cité à cet égard l’expérimentation de sous-traitance élargie envisagée sur la base entrepôt de Varennes-sur-Allier par le service des matériels de l’Armée de l’air.

Il a ensuite considéré que la diminution de 8,5 % des dotations en carburant opérationnel restait cohérente avec l’évolution des cours du baril et du dollar et permettrait de maintenir l’activité aérienne au niveau souhaitable. Enfin, il a expliqué la forte baisse de 30 % des crédits d’entretien programmé des matériels par leur transfert à hauteur de 220 millions vers le titre V.

Le Général Jean Rannou a alors abordé la présentation des dépenses en capital. Notant que les titres V et VI de l’Armée de l’air, avec une allocation de 20 238 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement, croissent de 5,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, il a estimé que ces dotations, qui correspondent aux conclusions de la revue de programmes, permettaient de poursuivre, sans retard notable, la modernisation des équipements prévue dans la loi de programmation militaire 1997-2002.

Il a exposé qu’en matière de dissuasion, le démantèlement des missiles et des installations du plateau d’Albion s’était achevé en 1998. La définition préliminaire du missile ASMP amélioré prévu pour moderniser la composante aéroportée à l’horizon 2007 devrait être achevée en 1999 pour un lancement du développement en 2000.

S’agissant de la prévention et de la protection, le Chef d’état-major de l’Armée de l’air a indiqué que la force aérienne de combat retrouverait 22 de ses Mirage 2000 DA, transformés en Mirage 2000-5. Parallèlement, elle prendra livraison des 25 premiers missiles air-air MICA figurant dans la commande globale passée fin 1997. Il a conclu que la force aérienne de combat disposerait ainsi en 1999 d’un système d’armes cohérent rivalisant avec les meilleurs.

Il a ajouté que la rénovation du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) se poursuivait. Elle donne à l’Armée de l’air les outils indispensables pour garantir l’intégrité de l’espace aérien français et assurer la cohérence d’emploi de l’arme aérienne, notamment dans le cadre d’opérations interarmées ou interalliés.

A ce propos, le Chef d’état-major de l’Armée de l’air a invité le Président Paul Quilès et la Commission de la Défense aux prochains exercices aériens franco-britanniques où le SCCOA sera mis en oeuvre.

Enfin, il a exposé que, dans le cadre de l’amélioration de la protection anti-aérienne des unités projetées par des missiles sol-air, 25 postes de tir SATCP et 90 missiles VT1 destinés au Crotale NG seront livrés.

Il a ajouté que six premières bases seront équipées des moyens de transmission des bases aériennes (MTBA) dont deux projetables.

S’agissant de la projection de puissance, le Général Jean Rannou a indiqué que les capacités de la force aérienne de combat seraient améliorées avec la livraison de 12 Mirage 2000 D qui porterait, fin 1999, sa dotation à 69 appareils sur les 86 prévus. Trois escadrons de combat (de vingt appareils en ligne) auront alors reçu leur dotation complète. Les appareils livrés en 1999 disposeront de deux pods de désignation laser caméra thermique (PDLCT) supplémentaires qui permettent de tirer de manière très précise un missile ou une bombe guidée et ont été utilisés dans les opérations de maîtrise de la paix en Bosnie. Enfin, 500 armements air-sol modulaires (AASM) feront l’objet d’une commande groupée fin 1999 pour des livraisons prévues à partir de 2004.

Le Chef d’état-major de l’Armée de l’air a ensuite exposé que l’année 1999 serait marquée par la livraison du premier Rafale qui servira au développement de ses armements. Il a également rappelé que le projet de budget était construit sur la base de la commande pluriannuelle de Rafale.

Abordant alors la force aérienne de projection, il a indiqué que celle-ci reprendrait possession de 9 avions de transport C 160 Transall, après une rénovation concernant essentiellement leur avionique, et qu’elle recevrait en livraison le douzième cargo léger CN 235 de fabrication espagnole sur les quinze prévus, le treizième exemplaire devant être commandé en 1999.

Il a ajouté que, pour récupérer les membres d’équipage éjectés en zone hostile, deux hélicoptères Cougar, dits Cougar Resco, seraient commandés en 1999, le quatrième et dernier appareil de ce type devant l’être en 2000.

Enfin, il a indiqué qu’après la phase de prédéfinition lancée en 1997, le programme d’Avion de transport futur se poursuivrait en 1999 avec la mise en concurrence de trois solutions, celle d’une coopération européenne sous l’égide d’Airbus Industrie, celle d’une flotte mixte constituée d’appareils C 130 et C 17, et celle d’une coopération autour d’un avion russo-ukrainien Antonov.

Il a ajouté que les premières livraisons du successeur du Transall, fixées initialement en 2004, devraient intervenir en 2005, cette date constituant une butée au-delà de laquelle il faudrait admettre une perte de capacité opérationnelle en matière de projection de force, compte tenu du calendrier de retrait de service du Transall.

Le Chef d’état-major de l’Armée de l’air a enfin exposé que les flux consacrés au maintien en condition opérationnelle (MCO) de l’aviation de combat et de transport avaient été diminués de 5 % par rapport aux ressources prévues en programmation, conformément aux décisions prises lors de la revue de programmes. Sur ce point, il a fait remarquer que la légère croissance de 1,6 % des crédits d’entretien inscrits aux titres III et V du projet de budget par rapport aux ressources de la loi de finances initiale pour 1998 devait être appréciée compte tenu de la sous-dotation de l’annuité 1998 due à la réduction de 10 % de son montant en construction budgétaire. Il a souhaité que l’augmentation relative observée dans le projet de budget permette de rattraper une partie des grandes visites d’aéronef retardées les années précédentes.

Il a également fait ressortir les difficultés créées par la lourdeur des procédures de gestion, en matière notamment de passation des marchés, pour le maintien en condition opérationnelle des matériels. Estimant que c’est à cette lourdeur, beaucoup plus qu’à des raisons financières, qu’il fallait imputer les problèmes de disponibilité d’aéronefs, certains d’entre eux pouvant être immobilisés par manque de pièces de coût modeste, il a espéré que la mise en place d’une structure intégrée associant les armées et la DGA pour le maintien en condition opérationnelle des matériels permette d’améliorer la situation.

Il a attiré l’attention de la Commission sur l’importance que revêtait, pour l’Armée de l’air, l’exécution dans de bonnes conditions du budget de 1998 et souhaité qu’elle bénéficie des ressources correspondant à ses besoins de fonctionnement pour l’exercice en cours, qui n’étaient aujourd’hui couverts que de façon partielle.

Soulignant qu’il était très favorable à la transparence en matière budgétaire et en particulier à la meilleure lisibilité de l’exécution des dépenses que devaient apporter les réformes de la gestion financière en cours au ministère de la Défense, il a estimé qu’il convenait cependant de veiller à ce que ce processus de modernisation indispensable reste compatible avec l’objectif d’atteindre, dans les conditions définies par la loi de programmation et confirmées par la revue de programmes, le modèle d’armée 2015 défini avec l’approbation du Parlement, et pour la réalisation duquel la première tranche de la commande globale d’appareils Rafale et le lancement du programme du futur avion de transport revêtaient une importance essentielle.

En conclusion, le Général Jean Rannou a estimé que le projet de budget pour 1999, conforme aux engagements pris par le Gouvernement, permettrait de poursuivre dans de bonnes conditions la progression, déjà engagée depuis près de deux ans, vers ce nouveau modèle d’armée, après avoir fait remarquer que l’année 1999 allait être cruciale pour la réussite de la professionnalisation de l’Armée de l’air et le renouvellement de ses capacités.

Le Président Paul Quilès a souhaité savoir dans quelles conditions les nouvelles procédures financières du ministère de la Défense avaient été introduites pour la gestion des crédits d’équipement de l’Armée de l’air, s’il en était résulté des ralentissements dans la consommation des crédits et quel niveau de reports de crédits d’équipement le Général Jean Rannou attendait pour la fin de l’exercice 1998. Il lui a également demandé quels étaient les moyens aériens que la France avait mis à la disposition de l’OTAN dans le cadre de l’ordre d’action du 13 octobre dernier, en vue de frappes sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie, quels étaient ceux qu’elle envisageait d’affecter à la surveillance aérienne non-armée du Kosovo et comment se situait cette contribution française aux missions de l’Alliance par rapport à celle de nos principaux partenaires européens, tant en termes qualitatifs que quantitatifs.

Il s’est enfin interrogé sur l’état de la coopération de l’Armée de l’air avec l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, en ce qui concerne en particulier la surveillance et l’alerte aériennes et les infrastructures, et a demandé au Général Jean Rannou de préciser si les liaisons de la France avec l’Alliance lui avaient permis d’être associée dans de bonnes conditions à la planification des opérations alliées dans le cadre de la gestion de la crise du Kosovo.

Le Général Jean Rannou a apporté les éléments de réponse suivants :

— c’est la DGA qui est gestionnaire pour 80 % des crédits inscrits au titre V de l’Armée de l’air. L’Armée de l’air ne gère elle-même que ceux qui concernent l’infrastructure et le matériel au sol. Elle assure également la gestion des crédits relatifs au matériel relevant du Commissariat. S’agissant du matériel relevant du Commissariat, il y aura des reports dus à des lenteurs administratives au moment de la passation des marchés. En matière de matériel au sol, la reprise comptable, qui a eu lieu cette année, sera cause de près de six mois de retard. En matière d’infrastructures, la situation est pire, car la nécessité nouvelle de passer les commandes par l’intermédiaire du ministère de l’Equipement a donné lieu à des ralentissements supplémentaires ;

— l’Armée de l’air a participé à la planification des opérations de l’OTAN mais il est du ressort du Chef d’état-major des armées de porter une appréciation sur cette participation ;

— s’agissant des moyens mis à la disposition de l’OTAN, l’Armée de l’air a ajouté 8 Mirage 2000 DA et 4 Mirage 2000 D aux 5 Jaguar déjà déployés en Italie, à Istrana. Elle a également affecté à la force alliée 2 C 135 ravitailleurs, un avion Awacs et deux hélicoptères de recherche et sauvetage ;

— l’Armée de l’air est très performante en matière de surveillance, qu’il s’agisse de l’imagerie aérienne (photo, infrarouge et radar), ou de l’écoute électromagnétique pour la localisation des radars. Elle tient ces moyens prêts pour emploi.

Après avoir souligné la qualité du dialogue qu’il avait mené avec l’Armée de l’air pour la préparation de son avis budgétaire et approuvé l’analyse portée par le Général Jean Rannou sur le projet de budget de l’Armée de l’air pour 1999, M. Yann Galut l’a interrogé sur trois points.

Relevant que les premières livraisons de l’Avion de transport futur avaient été reportées d’un an, à 2005, il a souhaité connaître les conséquences de ce report pour l’Armée de l’air. Il a également souhaité savoir si le Général Jean Rannou considérait le recours à l’avion Antonov comme réaliste et si le choix d’une flotte mixte de C 17 et de C 130 J pourrait répondre aux besoins opérationnels de l’Armée de l’air, alors que l’une des faiblesses de la flotte de transport réside dans l’insuffisante capacité d’emport en volume, non seulement de ses Transall, mais aussi des C 130 dont elle dispose actuellement.

S’agissant du retrait anticipé des Jaguar en 2001, décidé à l’issue de la revue de programmes, il a voulu en connaître les conséquences sur les capacités aériennes tactiques.

Evoquant enfin le cas des militaires techniciens de l’air (MTA) et soulignant qu’il était régulièrement rappelé que ces personnels n’avaient pas vocation à être intégrés au sein du corps des sous-officiers à l’issue de leur contrat, il a rappelé qu’existaient toutefois, dans la fonction publique, des concours internes réservés au personnel déjà en fonction. Il s’est alors interrogé sur la possibilité de faire bénéficier les MTA qui en ont le goût et les capacités de ce mode de promotion. Evoquant la préférence accordée au recrutement local des MTA, il s’est félicité de cette contribution de l’Armée de l’air à l’insertion sociale et à l’aménagement du territoire.

M. René Galy-Dejean, faisant écho aux propos du Général Jean Rannou relatifs aux difficultés du maintien en condition opérationnelle et aux problèmes logistiques que connaissait l’Armée de l’air, a souhaité savoir combien d’avions étaient, de ce fait, immobilisés et quelle était la durée de cette immobilisation. Il a également voulu connaître l’évolution récente du nombre d’heures de vol par pilote.

S’agissant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 pour la commande groupée de Rafale, il a souhaité savoir sur combien d’avions cette commande porterait.

Faisant écho aux propos de M. Yann Galut sur l’Avion de transport futur, il a demandé au Général Jean Rannou quelle solution était considérée comme préférable par l’Armée de l’air en la matière.

Le Général Jean Rannou a apporté les éléments de réponse suivants :

— les premières livraisons de l’Avion de transport futur ont effectivement été repoussées d’un an par rapport aux prévisions initiales. Ce choix nécessitera d’être attentif à ménager la flotte actuelle des Transall ;

— s’agissant des trois possibilités d’équipement de l’Armée de l’air en avions de transport, il n’en existait à l’origine qu’une seule, celle proposée par le Consortium Airbus. Puis sont venues successivement s’ajouter à cette proposition initiale les hypothèses de recours à une flotte mixte de C 17 et de C 130, puis à une flotte d’Antonov. Afin d’évaluer la meilleure solution, il est nécessaire d’en revenir à l’analyse des spécifications de ce futur avion de transport. Sauf à passer des accords avec Air France, l’Armée de l’air ne dispose pas des moyens d’entretenir une flotte logistique en temps de paix. L’Avion de transport futur doit donc assurer une fonction logistique. S’agissant de ses capacités tactiques, il doit permettre un déchargement rapide des matériels embarqués, ce qui implique, techniquement, l’existence d’une rampe et d’une porte arrière. Quant à la taille de la soute, elle doit être suffisamment large et haute pour accueillir notamment trois types de matériel : les hélicoptères, les VBCI et les missiles sol-air. Ce sont ces spécifications qui ont été définies en commun par les huit chefs d’état-major européens dans le projet qu’ils ont retenu il y a deux ans. La solution proposée par les Russes et les Ukrainiens est satisfaisante au regard des spécifications de taille concernant la soute, qui sont semblables à celle de l’Avion de transport futur. La crédibilité de la solution Antonov est toutefois entachée par des doutes, essentiellement de nature politique, sur la continuité de la maintenance, notamment en matière de pièces de rechange. Il convient à ce sujet de suivre l’évolution de la position de l’Allemagne, jusqu’alors favorable à la solution proposée par les Russes et les Ukrainiens. En revanche, le recours à une flotte mixte d’appareils C 17 et C 130 ne permettrait pas de satisfaire aux besoins définis, en raison de la taille insuffisante de la soute du C 130 et du prix trop élevé du C 17. Au regard du coût, c’est la solution proposée par Airbus qui est la plus satisfaisante malgré le renchérissement dû aux spécifications techniques propres à la nature militaire de l’avion. Quant au moteur, SNECMA a lancé, sur la base du M88, une coopération avec les Allemands, les Italiens et les Espagnols qui est de nature à répondre aux besoins. Au total, on peut considérer que l’appareil proposé par Airbus offre la meilleure solution en termes techniques et financiers ;

— le retrait anticipé du Jaguar s’effectuera en deux temps, la première étape intervenant en 2001 et le dernier escadron étant retiré en 2005. Si les délais du programme Rafale sont tenus, la soudure entre les deux équipements se fera sans difficulté, même si les transformations à opérer au cours de l’année 2002 seront vraisemblablement difficiles à gérer et si, de façon temporaire, les capacités opérationnelles seront légèrement affaiblies ;

— s’agissant des MTA, si pour les deux premières promotions le recrutement a été national les quatre premiers mois, ils sont depuis recrutés localement. Ce recrutement s’opère dans de bonnes conditions. L’Armée de l’air est très satisfaite des MTA. S’il y a eu des difficultés avec certains cadres anciens, qui n’acceptaient pas qu’on puisse entrer dans l’Armée de l’air sans le baccalauréat, au contraire, les jeunes sous-officiers sont proches des MTA et souhaitent les aider à progresser.

— les textes relatifs aux personnels de l’Armée de l’air vont être modifiés pour créer des passerelles entre les MTA et le corps des sous-officiers. Elles prendront d’abord la forme de la sélection externe, qui suppose pour le candidat d’être titulaire du baccalauréat. Une partie des MTA suit des cours pour réussir cet examen et, en cas de réussite, il sera possible de les recruter comme sous-officiers. Par ailleurs, des épreuves du niveau de la classe de terminale, seront organisées, si possible, en liaison avec l’Education nationale ; l’accès au corps des sous-officiers sera également ouvert aux MTA qui y satisferont. Enfin, un certain nombre de MTA ont les qualifications requises pour passer des concours de recrutement d’ouvrier fonctionnaire ou d’ouvrier d’Etat. Des possibilités de recrutement seront recherchées dans cette voie. Ces actions ne concerneront cependant qu’une proportion modeste de MTA, puisque l’Armée de l’air en recrute 2 500 par an, contre 1 500 sous-officiers seulement.

M. Charles Cova s’est interrogé sur l’intérêt porté par l’Armée de l’air aux jeunes dont le parcours scolaire s’arrête avant la classe de terminale.

Le Général Jean Rannou a répondu que l’Armée de l’air portait une très grande attention à ces personnels et qu’elle aidait à la formation et à l’embauche de milliers de jeunes. Il a fait valoir qu’il avait accepté d’embaucher des jeunes titulaires d’un CAP ou d’un BEP, contre l’avis de certains de ses collaborateurs. Il a souligné que l’Armée de l’air entendait former ces jeunes souvent marqués par l’échec scolaire et leur donner une véritable qualification professionnelle. Il a fait observer que 2 000 à 2 500 sous-officiers les parrainaient et a souligné la contribution que l’Armée de l’air apportait ainsi à leur promotion sociale. Il a toutefois estimé qu’il convenait d’attendre un an à un an et demi pour juger des résultats de cette politique de formation.

Le Général Jean Rannou a ensuite indiqué qu’une trentaine d’avions, de tous types, étaient actuellement immobilisés mais que ce nombre était fluctuant. Pendant la période où un avion est cloué au sol, il sert de “ réservoir ” de pièces pour dépanner les autres appareils. Il est ensuite remis en état de marche, ce qui permet un “ échelonnage ” des appareils afin d’optimiser les potentiels de vol.

Il a souligné que le nombre d’heures de vol annuel des pilotes sur les avions de combat avait été stabilisé à 180 heures. Toutefois, ce plafond peut être dépassé par des pilotes effectuant des vols très longs ou être modulé pour permettre la progression des jeunes pilotes. Il a précisé que le projet de budget avait été construit sur la base d’une commande pluriannuelle de 48 Rafale pour l’Armée de l’air et la Marine dont 28 correspondraient à un engagement ferme.

A M. Robert Poujade qui souhaitait savoir si le lien établi entre les spécifications de l’Avion de transport futur et celles du VBCI pouvait permettre de conclure que les caractéristiques de ce dernier programme étaient définitivement arrêtées, le Général Jean Rannou a confirmé qu’elles avaient servi de référence pour déterminer les dimensions de la soute.

M. Michel Voisin a demandé si des personnels de l’Armée de l’air allaient participer aux groupes d’observateurs chargés de suivre l’application des accords récemment conclus pour le règlement de la crise du Kosovo.

Le Général Jean Rannou a précisé qu’il ne lui appartenait pas de décider d’une telle participation mais que, si le Chef d’état-major des armées sollicitait l’Armée de l’air, celle-ci mettrait bien évidemment à sa disposition les effectifs qu’il demanderait.

III. —  EXAMEN DE L’AVIS

La Commission de la Défense s’est réunie le 28 octobre 1998, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 1999 consacrés à l’Armée de l’air, sur le rapport de M. Yann Galut, rapporteur pour avis.

M.  Yann Galut a d’abord exposé que le projet de budget de l’Armée de l’air pour 1999 s’élèverait à 35,8 milliards de francs, soit une augmentation de 2,6 % par rapport à l’an dernier, et que, comme l’an dernier également, il représenterait 18,9 % du budget de la défense.

Il a indiqué que si le titre III, fixé à 15,8 milliards de francs, connaissait une légère diminution, de 0,98 %, le budget d’équipement, après avoir été réduit de 11,4 % en 1998 progressait de 5,6 %, et correspondait pratiquement, avec 20,38 milliards de francs de crédits de paiement, au montant “ idéal ” découlant de la revue de programmes.

S’agissant du titre III, le rapporteur pour avis a fait remarquer que, compte tenu des modifications de structure qu’il comportait, puisque notamment 220 millions de francs de crédits de paiement destinés à l’entretien du matériel passaient au titre V, l’essentiel n’était pas son évolution globale, mais la variation des grandes catégories de dépenses. Il a observé que, si, en conséquence de la professionnalisation, les crédits de rémunération y prenaient de plus en plus de place puisqu’ils augmentaient de 341,5 millions de francs, soit de 2,7 %, les crédits de fonctionnement, une fois mises à part les dépenses de carburant opérationnel, qui suivent l’évolution du prix du baril de pétrole, diminuaient de 5,2 % après avoir baissé de 4 % l’an dernier.

Présentant la méthode qui avait permis à l’Armée de l’air d’absorber cette diminution continue, il a jugé qu’elle l’avait en fait anticipée, grâce à un effort de restructuration entamé depuis longtemps et qui se poursuit. Il a précisé que fin 1999, l’Armée de l’air disposerait de 36 bases aériennes, c’est-à-dire de 36 implantations, soit 18 de moins qu’en 1982. Il a souligné également que le budget de fonctionnement des bases avait été distingué des dépenses liées à l’activité opérationnelle et que la gestion en était décentralisée et confiée aux commandants de base. Il a ajouté que l’organisation des bases venait en outre d’être réformée : le commandant de base a désormais moins de subordonnés directs, et ceux-ci ont plus de responsabilités, le commandant en second notamment étant désormais en charge de l’activité des forces, libérant le commandant de base pour d’autres tâches parmi lesquelles le pilotage de la gestion de la base, le recrutement et la reconversion des militaires du rang.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la professionnalisation de l’Armée de l’air. Il a fait remarquer que celle-ci se poursuivait à un rythme rapide. Alors qu’elle disposait de plus de 32 000 appelés en 1996, il n’en est plus prévu que 11 000 en milieu d’année 1999 et 6 000 en 2000. A la fin 1998, elle n’en aura plus que 14 000, ce qui signifie qu’elle a d’ores et déjà perdu 60 % de ses effectifs d’appelés. Il a conclu que le budget de l’Armée de l’air pour l’an 2000 serait pratiquement le budget d’une armée professionnelle, ce qui faisait de l’année 1999 une année charnière pour sa professionnalisation.

A ce propos, il a indiqué que l’Armée de l’air allait créer 2 353 postes de militaires techniciens de l’air (MTA) sur l’année, portant l’effectif de militaires du rang engagés aux deux tiers de l’effectif final. Il a jugé que le choix d’un recrutement local, sous la responsabilité première de chaque base aérienne apparaissait efficace et prometteur, l’Armée de l’air semblant satisfaite des prestations fournies par les MTA et les MTA des conditions offertes par l’Armée de l’air. Il a rappelé que le Général Jean Rannou, Chef d’état-major de l’Armée de l’air, avait décrit à la Commission les actions de formation et de promotion que l’Armée de l’air avait décidées au profit des MTA pour leur permettre d’aborder au mieux la suite de leur carrière professionnelle.

Abordant les crédits du titre V, il a fait observer que ceux-ci correspondaient aux décisions de la revue de programmes et indiqué que, de ce fait, les opérations d’équipement prévues pour 1999 seraient toutes réalisées, qu’il s’agisse du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), des moyens de transmission des bases aériennes, des avions et des armements. Il a indiqué qu’était prévue la livraison de 22 Mirage 2000-5 issus de la transformation de Mirage 2000 de défense aérienne, de 12 Mirage 2000 D d’attaque au sol, mais aussi de 25 missiles MICA pour les Mirage 2000-5 et de 2 pods de désignation laser pour les Mirage 2000 D. Il a ajouté que ces livraisons permettraient à l’Armée de l’air de mettre en service en fin d’année son premier escadron de Mirage 2000-5 à Dijon et trois escadrons de combat de Mirage 2000 D. Il a ajouté que 500 armements air-sol modulaires seraient également commandés pour une livraison à partir de 2004, et que la force aérienne de projection retrouverait 9 Transall rénovés, recevrait 1 Casa CN 235 et commanderait 2 hélicoptères Cougar Resco.

S’agissant de l’avenir de l’Armée de l’air, il a évoqué le nouvel avion d’armes Rafale et le futur avion de transport. Il a souligné que l’article 15 du nouveau chapitre 53-71, spécifiquement consacré au Rafale Air, était doté dans le projet de budget de 3 750 millions de francs de crédits de paiement et de 3 123 millions de francs d’autorisations de programme. Il a ajouté que ces dotations garantissaient l’acquisition du Rafale par l’Armée de l’air. Il a rappelé qu’une commande pluriannuelle de cet appareil devait être passée prochainement et précisé que le Rafale serait livré à partir de 2005 pour compléter, puis remplacer les Mirage 2000 D d’attaque au sol après leur mise au standard F3, en 2008. Il a jugé que l’échéancier prévisionnel de retrait des avions de combat existants montrait que le calendrier de livraison du Rafale correspondait globalement aux besoins de l’Armée de l’air.

Faisant observer que les Transall puis les C 130 devraient être retirés du service à partir de 2004, il a indiqué que l’appareil qui les remplacerait devrait cependant présenter des spécifications très différentes puisqu’il serait destiné à assurer la projection des forces dans le cadre d’opérations extérieures ou de maintien de la paix, alors que le Transall avait été conçu pour la guerre en centre-Europe.

Dans ce cadre, il a constaté que les perspectives de réalisation du programme d’avion de transport futur (ATF) se concrétisaient progressivement et que, si le calendrier connaissait un léger glissement puisque, après que la fin de l’année 2005 eut été évoquée pour son entrée en service, le ministère semblait envisager maintenant plutôt le début 2006, le prélancement avait été signifié en juin dernier et un appel d’offre adressé fin juillet à Airbus Industrie, Boeing et Lockheed. Il a précisé que la remise des offres devait être faite le 31 janvier 1999.

Il a ajouté que la solution d’un achat sur étagère d’avions existants paraissait moins évidente qu’auparavant dans la mesure où certaines spécifications de l’Antonov 70, différentes de celles de l’ATF, nécessitaient des modifications sérieuses et où le Chef d’état-major de l’Armée de l’air avait par ailleurs fait état devant la Commission des inconvénients de l’achat d’une flotte mixte de C 17 et de C 130, le C 17 étant coûteux et ne disposant que de capacités tactiques limitées, tandis que le C 130 ne présentait pas une capacité d’emport suffisante.

En conclusion, le rapporteur pour avis a déclaré satisfaisant le projet de budget de l’Armée de l’air et a, en conséquence, proposé à la Commission d’émettre un avis favorable à son adoption.

M. Bernard Grasset s’est étonné que l’on puisse, année après année, annoncer que les décisions concernant la prise de commande du Rafale ou de l’ATF interviendront prochainement alors qu’elles sont sans cesse remises à plus tard. Par ailleurs, il s’est félicité de constater que l’hypothèse d’achat sur étagère d’un avion de transport et celle du remplacement du Transall par un Antonov semblaient susciter un intérêt moindre.

M. Guy Teissier a considéré qu’il convenait d’éviter de repousser indéfiniment le lancement du programme ATF dans la mesure où les Transall épuisent progressivement leur potentiel de vol et apparaissent de moins en moins adaptés aux missions.

M. Robert Poujade a fait part de ses préoccupations devant les retards mis à engager le programme d’avion de transport futur alors que le remplacement du Transall s’avérait de plus en plus nécessaire.

M. Arthur Paecht a souligné que l’ATF était actuellement le seul programme d’avion militaire prévu dans le cadre d’une coopération industrielle européenne, ce qui, outre l’amélioration des capacités des forces qu’il pouvait procurer, lui donnait une importance politique particulière. Il a estimé que les différences de priorités de la France et de l’Allemagne à l’égard de ce programme trouvaient leur origine dans le fait que l’armée française avait fait un usage plus intensif de ses Transall que l’armée allemande. Enfin, il a considéré que les cibles initiales du programme ATF avaient été surestimées mais que la redéfinition des spécifications de l’appareil avait permis une baisse de coût qui le rendait plus réaliste.

M. Jean Briane, exprimant le voeu que le programme d’avion de transport futur soit lancé dans de brefs délais, a déclaré ne pas partager sur ce point l’optimisme du rapporteur.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

— des crédits ont d’ores et déjà été inscrits en loi de finances pour permettre la commande d’avions Rafale ;

— les décisions concernant les réponses aux appels d’offre relatifs au remplacement des avions de transport Transall seront rendues publiques le 31 janvier 1999 ;

— le programme d’avion de transport futur constitue, du fait de sa proximité avec la famille Airbus et sa conception industrielle, une solution qu’il faut privilégier ;

— l’avion de transport futur représente la meilleure solution aux besoins exprimés par l’Armée de l’air ;

— globalement, les glissements constatés sur les différents programmes de l’Armée de l’air ne paraissaient pas de nature à altérer à terme ses capacités opérationnelles.

*

La Commission de la Défense a ensuite procédé au vote sur l’ensemble des crédits de la Défense pour 1999.

Elle a tout d’abord adopté à l’unanimité deux observations, l’une présentée par M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine, relative à la gestion et à la politique d’embauche de la DCN, l’autre, par M. Charles Cova relative à la situation des sous-lieutenants retraités et des veuves allocataires.

M. Michel Voisin a souligné que, si le projet de budget de la Défense pour 1999 avait d’abord paru favorable, une analyse approfondie des dotations montrait qu’il était présenté en trompe l’oeil. Il a alors indiqué que le groupe UDF réservait son vote sur ces crédits.

M. Guy-Michel Chauveau a estimé qu’il convenait de se féliciter du niveau des dotations budgétaires compte tenu de la situation de l’exercice 1998 et des circonstances économiques et financières. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait les crédits de la Défense.

Après avoir considéré que le projet de budget pour 1999 se caractérisait par de fortes contraintes soulignées par la plupart des Chefs d’état-major, M. Charles Cova a fait observer que la hausse de 6,2 % des crédits d’équipement n’était pas à la hauteur des ambitions de la loi de programmation militaire. Il a émis le voeu que l’exécution budgétaire soit conforme aux dotations initiales, notamment pour les 25 programmes d’armement dont les dotations sont individualisées. Il a rappelé que le Général Philippe Mercier, Chef d’état-major de l’Armée de terre, avait estimé que les crédits d’équipement ne pouvaient plus être entamés qu’à la marge sauf à créer de véritables ruptures capacitaires, et que, si le Chef d’état-major de l’Armée de l’air avait fait preuve d’un optimisme réconfortant sur le niveau des crédits de fonctionnement, les Chefs d’état-major des deux autres armées avaient “ tiré le signal d’alarme ”. Le Chef d’état-major de la Marine avait évoqué avec inquiétude la réduction d’activité générale, fait état d’un risque de “ casser l’outil ” et souligné que la Marine était à la limite de la rupture de capacité alors que ses missions ne sont pas diminuées, et qu’il est impossible de prévoir les nécessités opérationnelles qui pourraient surgir. M. Charles Cova a également rappelé que le Chef d’état-major de l’Armée de terre avait mis l’accent sur la réduction sévère des crédits de fonctionnement dont il a souligné qu’elle entraînerait une baisse draconienne des objectifs de soutien et d’activité, même s’il a jugé par ailleurs que le projet de budget lui permettait de poursuivre la refondation de son armée. Enfin, il a rappelé l’inquiétude exprimée par le rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie nationale, M. Georges Lemoine, à l’égard de la faiblesse du titre III.

M. Charles Cova a alors estimé que, si le projet de budget pour 1999 témoignait d’un léger redressement par rapport à 1998, l’extrême contrainte financière qu’il établissait entraînerait une réduction des objectifs de soutien et d’activité et ramènerait au concept de disponibilité différée pour certaines unités. Il a indiqué que le groupe RPR s’abstiendrait sur les crédits de la Défense.

Se déclarant en accord avec les propos tenus par M. Charles Cova, M. Guy Teissier a souligné les difficultés que soulevaient certaines réductions de dotations, notamment liées au fonctionnement courant, et a estimé que le budget de la Défense, outil opérationnel, risquait de devenir un outil opératoire. Il a indiqué que le groupe DL voterait contre les crédits de la Défense.

La Commission de la Défense a alors donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la Défense pour 1999, les commissaires appartenant au groupe DL votant contre, ceux du groupe RPR s’abstenant et ceux du groupe UDF ne prenant pas part au vote.

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