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Photo de madame la députée Valérie Boyer

L’article 373‑1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’un des parents décède à la suite d’une atteinte volontaire à la vie ou de violences commises par l’autre parent, ce dernier est privé de l’autorité parentale à compter de la date de sa mise en examen et jusqu’à celle de son jugement ou de la délivrance d’une ordonnance ou d’un arrêt d’irresponsabilité pénale ou de non-lieu. »

Exposé sommaire

L’ambition de cet amendement est de faciliter le retrait de l’autorité parentale pour le parent condamné pour des crimes ou délits commis contre son enfant, et à l’encontre du parent qui s’est rendu coupable d’un crime sur la personne de l’autre parent, la règle.

En 2018, pas moins de 25 enfants ont été tués sur fond de conflit intrafamilial, dont 16 sans que l’autre membre du couple ne soit victime, tandis que 82 se sont retrouvés orphelins de père, de mère ou des deux parents. Parmi les homicides commis sur fond de conflit intrafamilial, 18 ont été commis devant des enfants mineurs, 29 enfants ayant été présents au moment des faits ou ayant découvert un corps à leur domicile.

Or le droit de la famille ne prend pas suffisamment en compte les situations de violences intrafamiliales. La justice civile paraît trop déterminée par le modèle de la coparentalité, selon lequel le parent - singulièrement le père - doit être reconnu dans son statut de parent quelles que soient les circonstances, comme si le conjoint violent pouvait être un « bon » parent. Ce constat a été corroboré par la Délégation aux droits des femmes du Sénat en conclusion de ses travaux sur les violences intrafamiliales, aux termes desquels elle soulignait « les difficultés posées par l’autorité parentale d’un parent violent, qui laisse la possibilité à celui-ci de continuer à exercer son emprise sur les membres de sa famille ».

Longtemps la Justice a cru qu’il fallait que l’enfant puisse garder un lien à tout prix avec ses deux parents. Nous entendions toujours la formule « un mari défaillant n’est pas forcément un mauvais père ».

Cette culture du maintien du lien à tout prix est-elle bien conforme à l’intérêt de l’enfant ? Nous savons que pour certains enfants, les droits de visite et de garde sont très angoissants. Souvent le père s’empresse de questionner l’enfant sur la mère afin par exemple de tenter de savoir si elle a un nouveau compagnon.

Le code civil comporte déjà des dispositions permettant au juge civil de retirer l’autorité parentale d’un parent à l’égard de ses enfants à la suite de fautes graves commises par ce parent et dans le but de protéger les enfants. Un tel retrait est notamment possible en cas de condamnation pénale du parent comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit sur la personne de l’enfant ou d’un crime sur la personne de l’autre parent ou lorsqu’il est reconnu comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant.

Toutefois, ces dispositions sont insuffisamment mises en œuvre par les juridictions civiles, même si, depuis 2005, le code pénal impose au juge répressif de se prononcer sur le retrait éventuel de l’autorité parentale lorsqu’il condamne son titulaire pour certains crimes et délits d’une particulière gravité commis sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent (atteinte volontaire à la vie, tortures et actes de barbarie, violences, menaces, agressions sexuelles, harcèlement moral, encouragement à participer à un groupement ou une entente terroriste).

Comme l’a rappelé le Juge Édouard Durand lors de son audition en Délégation des droits des femmes le 1er octobre 2019, « on ne peut pas déconnecter la protection des femmes victimes de violence du traitement de la parentalité ». D’autant plus que la plupart des femmes victimes de violences (80 %) sont des mères.

Oui, les enfants sont les premières victimes collatérales des violences conjugales. Nous devons aujourd’hui basculer dans une logique préventive.

De plus, les enfants sont bien souvent instrumentalisés comme objet de chantage par le parent violent pour maintenir l’emprise sur le parent violenté. C’est la raison pour laquelle afin de protéger les femmes victimes de violences conjugales, nous devons également améliorer la protection de leurs enfants.

Le temps est enfin venu de prendre en compte l’incidence de ces violences sur l’enfant. Trop longtemps, son statut de victime a été ignoré. Nous devons le replacer au centre de nos préoccupations.

Cet amendement s’inscrit pleinement dans les pistes de réflexion esquissées par le Premier ministre, le 3 septembre 2019, en ouverture du Grenelle contre les violences conjugales, visant à « protéger aussi bien les enfants que leur mère en réformant notre législation en matière d’autorité parentale », en cessant d’opérer « une scission artificielle entre le conjoint et le père, quand il s’agit du même homme ».

C’est pourquoi il est proposé de faire du retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pénale le principe et son maintien l’exception, si l’intérêt de l’enfant l’exige. La juridiction devra dans ce cas, spécialement motiver sa décision. Il est précisé par ailleurs que le retrait de l’autorité parentale ne peut être définitif. En effet, la restitution de l’autorité parentale est prévue à l’article 373 du code civil.

Pour demander la restitution de l’autorité parentale, qu’elle soit totale ou partielle, le ou les parents doivent justifier de nouvelles circonstances dans l’intérêt de l’enfant. Cette demande de restitution ne peut être présentée devant le tribunal de grande instance qu’un an après le jugement du retrait, et l’enfant ne doit pas avoir déjà été placé en vue d’une adoption.

Il instaure par la même occasion un mécanisme de suspension de l’autorité parentale dès la mise en examen du parent présumé auteur des faits à l’origine de la mort de l’autre parent, et ce jusqu’à son jugement. Après cette suspension, l’enfant concerné sera confié à un tiers, généralement un membre de la famille, qui organisera la tutelle, ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance.