Fabrication de la liasse
Rejeté
(jeudi 15 octobre 2020)
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Photo de monsieur le député François Ruffin
Photo de madame la députée Bénédicte Taurine

Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209 C ainsi rédigé :

« Art. 209 C – I. – 1. Aux fins de l’impôt sur les sociétés, un établissement stable est réputé exister dès lors qu’il existe une présence numérique significative par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

« 2. Le 1 s’ajoute, sans y porter atteinte ni en limiter l’application, à tout autre critère conforme au droit de l’Union ou à la législation nationale permettant de déterminer l’existence d’un établissement stable dans un État membre aux fins de l’impôt sur les sociétés, que ce soit spécifiquement en relation avec la fourniture de services numériques ou autre.

« 3. Une présence numérique significative est réputée exister sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’activité exercée par son intermédiaire consiste, en tout ou en partie, en la fourniture de services numériques par l’intermédiaire d’une interface numérique, définie comme tout logiciel, y compris un site internet ou une partie de celui-ci, et toute application, y compris les applications mobiles, accessibles par les utilisateurs, et qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne la fourniture de ces services par l’entité exerçant cette activité, considérée conjointement avec la fourniture de tels services par l’intermédiaire d’une interface numérique par chacune des entreprises associées de cette entité au niveau consolidé :

« a) La part du total des produits tirés au cours de cette période d’imposition et résultant de la fourniture de ces services numériques à des utilisateurs situés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition est supérieure à 7 000 000 € ;

« b) Le nombre d’utilisateurs de l’un ou de plusieurs de ces services numériques qui sont situés sur le territoire national membre au cours de cette période imposable est supérieur à 100 000 ;

« c) Le nombre de contrats commerciaux pour la fourniture de tels services numériques qui sont conclus au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs sur le territoire national est supérieur à 3 000.

« 4. En ce qui concerne l’utilisation des services numériques, un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur utilise un appareil sur le territoire national au cours de cette période d’imposition pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. Ces derniers sont définis comme services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information.

« 5. En ce qui concerne la conclusion de contrats portant sur la fourniture de services numériques :

« a) Un contrat est considéré comme un contrat commercial si l’utilisateur conclut le contrat au cours de l’exercice d’une activité ;

« b) Un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition ou si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés dans un pays tiers mais dispose d’un établissement stable sur le territoire national au cours de cette période d’imposition.

« 6. L’État dans lequel l’appareil de l’utilisateur est utilisé est déterminé en fonction de l’adresse IP de l’appareil ou, si elle est plus précise, de toute autre méthode de géolocalisation.

« 7. La part du total des produits mentionnée au a du 3 est déterminée par rapport au nombre de fois où ces appareils sont utilisés au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs situés n’importe où dans le monde pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. »

Exposé sommaire

Depuis janvier, la France a suspendu sa pseudo taxe GAFA. Bruno Le Maire affirmait encore le 3 juin “ne rien lâcher” et se donner “quelques mois pour parvenir à un accord multilatéral avec l’OCDE”. 2 semaines plus tard, les Etats-Unis enterrent définitivement cet accord, sans surprise puisqu’en janvier déjà, le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin proposait à l'OCDE que la future taxation soit « optionnelle » pour les entreprises.
Ces négociations n’ont jamais été autre chose qu’une mise en scène grotesque, s’inscrivant dans une longue série de gesticulations du gouvernement ayant pour unique ambition de faire de la communication. En effet, avant de suspendre sa taxe GAFA, le gouvernement s’était déjà engagé à rembourser la différence si jamais la taxe s'avérait plus élevée que celle issue des négociations internationales. Et même avant cela, il n’a en réalité jamais été véritablement de taxer les GAFA. La prétendue taxe GAFA du gouvernement suspendue depuis des mois, ne s'appuie que sur le chiffre d’affaire issu de la fourniture de certains services, pour lesquels « la participation des utilisateurs localisés en France à la création de valeur est prédominante ». Elle s’apparente donc moins à une taxe qu’à ’une forme de transaction à l’amiable où le Gouvernement français, convenant qu’il ne peut rien contre l’optimisation fiscale dans l’UE, finit par accepter les pratiques des GAFA moyennant une contrepartie dérisoire. Bilan du gouvernement concernant la taxe des GAFA : un point de départ sans ambition et une série de concession faisant passer son action en la matière de faible à nulle.
Par cet amendement, nous proposons donc d’instaurer une véritable taxe GAFA, en créant la notion d’établissement stable pour les entreprises ayant une présence numérique significative en France, de sorte que les multinationales du numériques s’acquittent de l’impôt sur les sociétés français, au même titre que les entreprises physiquement implantées en France.
Il est injuste que ces entreprises dont l’une a récemment dépassé l’an dernier les mille milliards de dollars de capitalisation boursière, contribuent au bien public dans une proportion moindre que les autres, du fait de la centralisation propre à leur nature de « plateformes » et de leurs stratagèmes d’évasion fiscale. La Commission européenne estime pour l’heure que les GAFA paient moitié moins d’impôts que les entreprises traditionnelles, avec une perte estimée de 5,4 milliards de revenus fiscaux entre 2013 et 2015.
Plutôt que de leur vendre un droit de frauder, comme le faisait la « taxe GAFA » avant d’être suspendue, il conviendrait de quantifier leur activité numérique sur le territoire, puis de les imposer comme les autres si elles atteignent un certain seuil. Cet amendement prévoit de fixer ce seuil à 100 000 utilisateurs français et 3 000 contrats conclus avec des acteurs français.
Pour faire face à la crise sans précédent que nous traversons, la France ne peut faire l’économie de cette mesure : imposer le profit des multinationales plutôt que la subsistance des travailleurs, c’est restaurer de la justice fiscale.