XVIe législature
Session extraordinaire de 2022-2023

Deuxième séance du lundi 10 juillet 2023

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du lundi 10 juillet 2023

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (nos 1346, 1440 deuxième rectification).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 18.

    Article 18

    Mme la présidente

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    Sur les amendements identiques nos 700 et 1140, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de deux amendements, nos 700 et 1140, tendant à supprimer l’article 18.
    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 700.

    Mme Sandra Regol

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    Il vise à supprimer l’article 18 qui tend à alourdir des démarches administratives déjà suffisamment longues et complexes, en particulier dans le cas de régularisations. Cet article aura également pour effet d’augmenter la charge de travail du personnel des préfectures, qui croule déjà sous les dossiers.
    Vous proposez, monsieur le garde des sceaux, de déclarer irrecevables les documents d’état civil établis hors de l’Union européenne, obligeant les personnes concernées à effectuer des démarches supplémentaires pour compléter leur documentation. La procédure en serait allongée, ce qui pourrait avoir pour conséquence un dépassement des délais ou l’impossibilité pour des demandeurs persécutés dans leur pays de trouver asile chez nous, alors qu’ils relèveraient pleinement du droit d’asile. Plusieurs associations, et le Syndicat de la magistrature (SM), vont dans ce sens.
    Nous vous demandons donc de supprimer cet article, contraire aux fondements de la République.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1140.

    Mme Andrée Taurinya

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    Il vise également à supprimer cet article, fort inquiétant, qui offre peut-être un avant-goût du futur projet de loi « immigration et intégration » dont on nous parle tant. Il est question, sinon de faire la chasse aux étrangers, au moins de les empêcher par tout moyen d’accomplir les démarches administratives requises. Les membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale s’opposent à l’obligation de légaliser les documents d’état civil. Alors que les étrangers qui arrivent en France se trouvent souvent dans une situation difficile, voire tragique, vous ajoutez des obstacles à des démarches pourtant déjà fort compliquées : cet article masque mal votre volonté de tout faire pour les empêcher de parvenir à obtenir un titre de séjour. Selon nous, les valeurs du pays des droits de l’homme imposent de les accueillir convenablement, donc de leur faciliter les démarches.

    Mme la présidente

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    Sur l’article 18, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Avis défavorable. Comme nous l’avons déjà expliqué en commission, l’article 18 a été mal compris. Il ne crée pas de nouvelle obligation, bien au contraire : il instaure une voie de recours pour les personnes qui demandent un titre de séjour. Ces amendements de suppression vont donc à l’encontre de vos objectifs.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    J’ai bien entendu votre argument, mais qu’adviendra-t-il des ressortissants de pays où ils sont menacés en raison de leur religion, de leur orientation sexuelle, de leurs opinions politiques, de leurs choix de vie ou de leurs engagements, quels qu’ils soient ? Croyez-vous qu’ils parviendront à faire établir des équivalences par leur pays, non-membre de l’Union européenne, et que ce dernier instruira leur dossier conjointement avec les services français ? La réponse est évidente, aussi défendons-nous la suppression de l’article.
    Vous soutenez que nous faisons une mauvaise lecture du texte, mais le ralentissement des procédures entraînera trop souvent le dépassement des délais ; trop souvent, les mêmes raisons qui obligent les personnes à quitter leur pays les empêcheront de satisfaire aux nouvelles exigences que vous imposez, lesquelles allongeront d’autant les démarches.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 700 et 1140.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        78
            Nombre de suffrages exprimés                78
            Majorité absolue                        40
                    Pour l’adoption                14
                    Contre                64

    (Les amendements identiques nos 700 et 1140 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 814 de Mme Joëlle Mélin est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Avis défavorable, pour la même raison.

    (L’amendement no 814, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 671 de M. Jean Terlier, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 671, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 18.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        86
            Nombre de suffrages exprimés                86
            Majorité absolue                        44
                    Pour l’adoption                72
                    Contre                14

    (L’article 18, amendé, est adopté.)

    Article 19

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard, inscrit sur l’article.

    M. Ian Boucard

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    Nous avons déjà débattu en commission des conditions à respecter pour se présenter à l’examen d’entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA). L’article 19 prévoit en effet d’en limiter l’accès aux étudiants titulaires d’un master 2 (M2). Nous avons longuement discuté du mérite et de l’opportunité d’interdire aux meilleurs étudiants en master 1 (M1), qui représentent 10 % des reçus, de passer, avec une année d’étude en moins, un examen particulièrement compliqué – vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le garde des sceaux.
    Je défendrai donc des amendements similaires à ceux que j’ai présentés lors de l’examen en commission des lois. Le premier vise à maintenir le statu quo ; le second, de repli, tend à maintenir les règles du jeu pour ceux dont les études sont en cours. Je défendrai également un autre amendement de repli, élaboré en concertation avec vos équipes – ce dont je vous remercie.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Le groupe Socialistes et apparentés demande la suppression des alinéas 8 à 10 relatifs au legal privilege, la confidentialité des consultations juridiques. À ce stade, une incertitude pèse sur le périmètre de la confidentialité et le cadre de sa levée ; elle est de nature à nuire aux intérêts de l’entreprise, à complexifier ses droits et à rendre l’œuvre de justice plus difficile. Nous ignorons si le régime ainsi instauré aboutira à créer une nouvelle profession réglementée ainsi qu’à affaiblir le secret professionnel de l’avocat, au préjudice des entreprises et des particuliers, et peut-être des biens communs que sont la justice fiscale et l’environnement.
    J’ajoute que ces alinéas constituent manifestement un cavalier législatif :…

    M. Hervé Saulignac

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    Oui !

    Mme Cécile Untermaier

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    …ils sont dépourvus de tout lien, direct ou indirect, avec le texte.

    M. Hervé Saulignac

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    Il n’y a aucun lien !

    Mme Cécile Untermaier

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    S’il est saisi, le Conseil constitutionnel les censurera à coup sûr, car ils sont complètement étrangers à la procédure pénale et au reste de l’article 19. Ils ont été introduits par un amendement adopté au Sénat, dont la présidence n’obéit pas à la même inspiration que la nôtre : beaucoup moins sévère, elle juge recevables des amendements de cette nature qui jamais n’auraient été débattus dans cet hémicycle.
    Je souligne cette genèse car elle implique l’absence d’étude d’impact sur le dispositif, dont nous ne mesurons pas la portée. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le garde des sceaux, lors de la discussion des articles précédents : la rédaction n’est pas mûre et une concertation doit avoir lieu avec les entreprises et avec les professions réglementées.
    Notre groupe votera donc contre l’article 19. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Hervé Saulignac

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement de suppression no 80.

    M. Philippe Latombe

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    Je le retire. Premièrement, l’amendement no 869 du groupe Renaissance permettra, s’il est adopté, de trouver un compromis sur le diplôme requis – M1 ou M2 – pour s’inscrire à l’examen du barreau.
    Deuxièmement, Mme Untermaier l’a souligné, les alinéas introduits par amendement lors de l’examen du texte au Sénat instaurent un legal privilege et leur rédaction est susceptible de soulever des incertitudes. J’ai noté avec satisfaction que le Gouvernement, le groupe Démocrate, auquel j’appartiens, et d’autres, avaient déposé des amendements identiques visant à réécrire la fin de l’article et à rendre cohérent le legal privilege ainsi créé. S’ils sont adoptés, l’article 19 sera acceptable.

    (L’amendement no 80 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 274, 446 et 1412.
    L’amendement no 274 de M. Philippe Schreck est défendu.
    La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 446.

    M. Laurent Jacobelli

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    Actuellement, peuvent se présenter à l’examen d’entrée à l’école d’avocats les titulaires d’un bac + 4 ou d’un bac + 5, c’est-à-dire d’un master 1 ou d’un master 2. Tous les candidats passent le même examen : il n’est pas plus facile pour les uns et plus difficile pour les autres. Tous doivent satisfaire aux mêmes exigences et montrer les mêmes compétences. Or l’article 19 prévoit d’empêcher les étudiants de se présenter à l’examen avec un bac + 4.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Vous racontez des bêtises ! Il fallait suivre !

    M. Laurent Jacobelli

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    Cela pose un problème de cohérence, puisqu’un bac + 4 reste suffisant pour se présenter au concours d’entrée de l’École nationale de la magistrature (ENM). De plus, pourquoi instaurer ainsi une forme de discrimination ? Il faut reconnaître le mérite et l’engagement : si ces étudiants ont le même niveau que les autres, pourquoi leur demander de renoncer à se présenter ? Pour être honnête, nous ne comprenons pas l’intérêt de ce dispositif, si ce n’est de désespérer Billancourt : ce serait dommage, et ce n’est pas l’esprit du texte.
    Pour ces raisons, le groupe Rassemblement national demande le retrait de la mesure ; ces amendements identiques visent donc à supprimer l’alinéa 4.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1412 de M. Aurélien Taché est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nous avons déjà débattu de cette question. Dans son intervention sur l’article, M. Boucard a évoqué les pistes que nous avons tracées pour aboutir à une solution. Je le remercie de nous avoir alertés sur le risque de pénaliser les élèves les plus méritants, capables de réussir l’examen d’entrée à bac + 4. Les amendements que nous défendrons tendent à maintenir la possibilité de se présenter à l’examen du barreau à bac + 4, à condition que l’élève justifie d’un diplôme de niveau bac + 5 à la sortie du centre de formation. Votre demande est donc partiellement satisfaite. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis. Nous défendrons tout à l’heure des amendements identiques à même de dissiper le risque de discrimination que vous avez évoqué. Je souligne que la profession demande cette réforme.

    (Les amendements identiques nos 274, 446 et 1412 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de cinq amendements, nos 1143, 506, 869, 71 et 73, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 506 et 869 sont identiques.
    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1143.

    Mme Andrée Taurinya

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    Il vise à ouvrir l’accès à l’examen d’entrée aux écoles d’avocats aux étudiants titulaires d’une licence, plutôt qu’aux seuls étudiants détenteurs d’un master 2. Puisqu’il s’agit d’un concours déguisé, on doit donner à tous les étudiants titulaires d’une licence la chance de suivre cette formation d’avocat.

    M. Pierre Henriet

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    En quoi est-ce un concours déguisé ?

    Mme Andrée Taurinya

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    Peut-être le savez-vous – à moins que vous ne vouliez pas l’entendre : Parcoursup complique déjà les choses pour les lycéens de terminale.
    Désormais, la situation se complique également au niveau des masters 2 : des étudiants modestes, qui doivent travailler pendant leurs vacances, ne savent toujours pas où ils seront affectés. Nous considérons qu’ils pourraient faire l’économie d’une année d’études : permettons-leur de passer cet examen, qui est en quelque sorte un concours. Le leur interdire témoignerait d’une volonté de fermer la porte à des étudiants modestes et de réserver cet examen à une élite privilégiée – aux enfants des riches.

    M. Pierre Henriet

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    Vous n’avez vraiment honte de rien !

    Mme la présidente

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    Dans la discussion commune, nous en venons aux deux amendements identiques, nos 506 et 869.
    La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 506.

    M. Ian Boucard

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    L’organisation de la séance est ainsi faite que je défends en premier le deuxième amendement de repli que j’évoquais précédemment. Élaboré de façon concertée après nos débats en commission des lois, il vise à permettre aux étudiants titulaires d’un master 1 en droit d’accéder à l’examen d’entrée aux écoles d’avocats. Son adoption permettrait d’offrir une liberté de candidature à l’examen d’entrée, comme le demandent les étudiants concernés. Celles et ceux qui réussiront l’examen bénéficieront d’un semestre supplémentaire en master avant d’être diplômés et d’exercer le métier d’avocat.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Abadie, pour soutenir l’amendement no 869.

    Mme Caroline Abadie

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    En commission, nous avions exprimé le souhait de laisser les étudiants titulaires d’un bac + 4 accéder à l’examen d’entrée des écoles d’avocats. Le présent amendement me semble être un bon compromis : les étudiants auront au moins un niveau master 1 à l’entrée de l’école et un niveau master 2 à la sortie, lors de la remise du diplôme. Son adoption donnerait en outre aux étudiants une certaine souplesse pour organiser la poursuite de leurs études.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 71.

    M. Ian Boucard

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    Il s’agit de mon amendement principal. J’aurais souhaité conserver le statu quo, c’est-à-dire autoriser les titulaires d’un master 1 à passer l’examen d’entrée et permettre à ceux qui le réussissent – et qui représentent chaque année 10 % de la cohorte d’étudiants intégrant un CRFPA – d’être diplômés immédiatement. Cet amendement me semble le plus à même de répondre à l’exigence de méritocratie, en permettant à toutes et tous d’exercer la profession de leur choix.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 73 de M. Ian Boucard est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Avis favorable sur les amendements nos 506 de M. Ian Boucard et 869 de Mme Caroline Abadie, qu’ils ont bien défendus, et défavorable sur les autres. Ces amendements identiques présentent un bon compromis par rapport au texte initial, en proposant un examen d’entrée dans les écoles d’avocats au niveau bac + 4 et un examen de sortie au niveau bac + 5.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Exactement !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Par ailleurs, je m’insurge contre les inepties professées par La France insoumise,

    Mme Andrée Taurinya

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    Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec vous que ce sont des inepties !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …qui oppose les étudiants riches titulaires d’un master aux étudiants pauvres qui ne pourraient obtenir qu’une licence ! On ne favorise pas les élèves riches ou pauvres selon que l’on ouvre l’accès à ces écoles aux niveaux bac + 4 ou bac + 3 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Ben si !

    Mme Ségolène Amiot

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    Reprenez vos propres statistiques !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    L’examen d’entrée aux CRFPA est exigeant, au point que votre rapporteur a dû s’y prendre à deux fois malgré un master 2 !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Moi, je l’ai eu du premier coup !

    Mme Ségolène Amiot

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    Sauf qu’on ne peut pas s’y reprendre à plusieurs reprises après un master quand les parents n’ont pas les moyens !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Interrogez les avocats : il n’est pas raisonnable d’ouvrir cet examen dès le niveau bac + 3, compte tenu des responsabilités des avocats en matière de droits de la défense ou dans la gestion d’un cabinet. (Mme Andrée Taurinya s’exclame.) Avis très défavorable sur l’amendement no 1143. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’amendement no 1143 de M. Bernalicis vise à abaisser à la licence le niveau de diplôme permettant d’accéder à l’examen d’entrée en école d’avocats,…

    Un député du groupe RN

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    N’importe quoi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …sous prétexte qu’au-delà de la licence, les diplômes seraient réservés aux riches ! Je ne répondrai même pas.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Il ne faut pas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cet amendement est trop pathétique, dans la droite ligne de ce que La France insoumise propose depuis le début des débats ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    En revanche, les amendements identiques nos 506 et 869, issus d’un travail de coconstruction, visent à permettre aux bons étudiants titulaires d’une maîtrise en droit d’accéder à la profession. Mme Caroline Abadie et M. Ian Boucard m’ont ébranlé quand ils m’ont demandé ce qu’il adviendrait de ces élèves : ils ont raison, on doit les accepter. Étant donné que 88 % de ceux qui accèdent à la profession d’avocat sont déjà titulaires d’un master 2, les titulaires d’un master 1 admis dans un CRFPA auront l’obligation d’atteindre rapidement ce niveau de diplôme, afin de maintenir une forme d’égalité. Il ne s’agit nullement de virer les pauvres ; les représentants des avocats eux-mêmes réclament cette modification, dans un objectif de professionnalisation et d’amélioration de la qualité.
    Avis défavorable sur les amendements nos 1143, 71 et 73 et favorable sur les amendements identiques nos 506 et 869.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur le rapporteur,…

    Un député du groupe RN

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    C’est déjà trop long !

    M. Antoine Léaument

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    …ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec vous que nous disons des inepties. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Exactement !

    M. Éric Poulliat

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    Il peut tout de même vous arriver d’en dire !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Ce n’est pas exclusif !

    M. Antoine Léaument

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    Vous nous accusez sans cesse de sortir de l’arc républicain…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    On n’accuse pas, on constate !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On le constate, en effet !

    M. Antoine Léaument

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    …mais dès que des opinions contraires aux vôtres sont exprimées, vous ne pouvez vous empêcher de les qualifier d’inepties.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    On le constate !

    M. Antoine Léaument

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    Vous l’avez fait lorsque ma collègue Andrée Taurinya a rappelé que les enfants de cadres accédaient davantage à l’enseignement supérieur.

    M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république et M. Éric Poulliat

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    Ce n’est pas du tout ce qu’elle a dit !

    M. Antoine Léaument

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    Voici ce qu’on peut lire sur le site du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : « Les enfants de parents cadres, de professions intermédiaires ou indépendants réussissent davantage leurs études. Ils sont proportionnellement plus nombreux à être bacheliers, à entreprendre des études dans l’enseignement supérieur et à en être diplômés. […] En moyenne, de 2019 à 2021, parmi les jeunes âgés de 25 à 29 ans, 67 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants sont diplômés du supérieur, contre 33 % des enfants d’ouvriers ou d’employés. En outre, les premiers possèdent un niveau plus élevé : en 2019-2021, 41 % d’entre eux sont diplômés d’un master, d’un doctorat ou d’une grande école, contre seulement 14 % des enfants d’ouvriers ou d’employés. »

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est factuel !

    M. Antoine Léaument

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    Avec Parcoursup et la plateforme Mon Master, vous avez instauré un système d’exclusion sociale, qui pénalise notamment les jeunes gens des quartiers populaires, avec qui vous n’avez sans doute pas assez de contacts.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Vous n’en avez pas le monopole !

    M. Antoine Léaument

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    Parcoursup est pour eux un enfer ! Dans ma circonscription, à Fleury-Mérogis, ou le nombre de bacheliers est déjà largement inférieur à la moyenne nationale, Parcoursup effectue un tri social supplémentaire, tout comme la plateforme Mon Master.

    Mme Caroline Abadie

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    Quel est le rapport avec les amendements ?

    M. Antoine Léaument

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    Quand nous ne sommes pas d’accord avec vous, nous défendons simplement… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    (L’amendement no 1143 n’est pas adopté.)

    (Les amendements identiques nos 506 et 869 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 71 et 73 tombent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Alexandra Martin, pour soutenir l’amendement no 157.

    Mme Alexandra Martin

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    Il a pour but d’élargir les domaines de formations dispensées par les CRFPA. Il vise, en premier lieu, à permettre aux écoles de préparer les candidats aux épreuves de l’examen de contrôle des connaissances mentionné au dernier alinéa de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et prévu par les dispositions réglementaires relatives aux personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France ou dans un État membre de l’Union européenne.
    Les écoles ont déjà la charge d’organiser matériellement les examens d’accès dérogatoires à la profession d’avocat destinés aux personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités, ainsi qu’à celles ayant acquis la qualité d’avocat dans un État étranger. En revanche, rien n’est prévu concernant la préparation des candidats à ces épreuves. Or l’expérience montre que la demande de telles formations s’accroît et commence à se développer dans des organismes privés.
    En second lieu, l’amendement vise à permettre aux CRFPA d’ouvrir leur formation continue à d’autres professionnels que les avocats, à l’instar de l’École nationale de la magistrature. La profession est favorable à cette réforme, qu’elle a approuvée lors de l’assemblée générale du Conseil national des barreaux (CNB), les 11 et 12 mai 2023. Les articles 28 et 29 du projet de loi seraient également modifiés pour circonscrire les dispositions transitoires et de report d’entrée en vigueur du texte aux seules dispositions liées au relèvement de la condition de diplôme exigé pour accéder à la profession.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Avis favorable sur cet amendement de bon sens.

    (L’amendement no 157, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 233, 368, 640, 1141 et 1291.
    La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 233.

    M. Ian Boucard

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    Cet excellent amendement de notre collègue Marie-Christine Dalloz vise à supprimer les alinéas 8 à 10 de l’article 19, puisque l’extension de la confidentialité aux avis et consultations des juristes d’entreprise risque de conduire à la création d’une nouvelle profession réglementée et à l’affaiblissement du secret professionnel de l’avocat, au préjudice des entreprises et des particuliers.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 368.

    M. Alain David

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    Il vise à supprimer les alinéas relatifs aux juristes d’entreprise, insérés par le Sénat. Une mesure garantissant la confidentialité des consultations juridiques est de nature à faire émerger une profession réglementée parallèle, sans que soit garanti le respect des règles déontologiques, alors que les avocats sont à même de remplir cet office, par voie de convention le cas échéant. Ces dispositions doivent donc être supprimées. Un tel privilège n’est, en tout état de cause, justifié ni dans le domaine fiscal ni en matière pénale ou environnementale.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 640 de M. Vincent Seitlinger est défendu.
    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1141.

    Mme Andrée Taurinya

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    Il vise également à supprimer les alinéas 8 à 10 ajoutés par le Sénat. Quel en est l’intérêt, sinon de répondre au puissant lobbying qui sévit depuis plusieurs années dans la sphère publique et politique ? Il s’agit là d’un serpent de mer pour les grandes entreprises de conseil, qui cherchent à se couvrir et à protéger leurs grands clients.
    Cette tentative d’extension du legal privilege rappelle l’expérimentation de l’avocat salarié en entreprise, envisagée par l’exécutif il y a quelques années et contre laquelle l’ensemble des organisations syndicales des avocats s’étaient élevées, déclarant : « Nous ne sommes pas dupes : cette créature n’est pas un avocat. Elle n’en a aucun des attributs. Elle ne sert qu’à permettre aux juristes de se prévaloir du secret professionnel de l’avocat, instrumentalisé pour faire échec aux règles juridiques et financières garantissant la moralisation de l’économie. »
    Il est irresponsable de prévoir une telle disposition, à l’heure où nous observons une accélération de l’évasion fiscale ainsi que la multiplication de mécanismes sophistiqués de blanchiment d’argent, toujours plus opaques. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1291 de Mme Christelle D’Intorni est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je suis défavorable à ces amendements de suppression des alinéas 8 à 10. Ces dispositions, qui prévoient l’instauration d’un legal privilege à la française, sont particulièrement importantes.
    D’abord, je remercie les sénateurs d’avoir introduit ce dispositif, qui est dans l’air du temps. En effet, il vise à défendre la souveraineté des entreprises françaises, qui, précisément parce qu’elles sont privées d’un tel outil, sont considérées comme des pestiférées sur la scène internationale.
    Je salue l’important travail réalisé sous la précédente législature par le président Olivier Marleix et par Raphaël Gauvain. Je l’avoue, j’étais alors opposé au dispositif dont nous avions débattu. Les discussions ont repris, en bonne intelligence, avec l’Association française des juristes d’entreprise. Un travail de coconstruction a été mené avec notamment les représentants des barreaux et du CNB, des juristes, ainsi que des avocats du barreau de Paris et de la conférence des bâtonniers. Lorsque nous les avons auditionnés, ils ont tous indiqué être parvenus à un accord sur l’instauration du legal privilege.
    Le legal privilege à la française ne constitue pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, une prise de guerre des juristes d’entreprise qui entendraient empiéter sur le secret professionnel des avocats. C’est tout le contraire. En revanche, il faut garantir la confidentialité des consultations assurées en interne par les juristes au profit des dirigeants des entreprises. Aujourd’hui, les analyses et consultations juridiques réalisées dans une entreprise dans le cadre d’un contrôle peuvent être utilisées contre la société elle-même. Ce risque d’auto-incrimination conduit, je le répète, les entreprises françaises à être considérées comme des pestiférées sur la scène internationale. Lorsqu’un juriste d’entreprise, à l’occasion d’une consultation, met en garde sa direction contre tel contrat ou sur la conformité à telles obligations, ladite entreprise pourrait, si ce document venait à être saisi, se voir reprocher d’avoir commis une infraction et être sanctionnée de ce chef.
    L’instauration d’un legal privilege à la française met fin à une injustice : nous donnons la possibilité aux entreprises de se battre sur la scène internationale, en les soumettant aux mêmes dispositions que les entreprises étrangères. Évitons que les entreprises ne partent à l’étranger car elles ne bénéficient pas de ce dispositif protecteur.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est vrai !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    La présente disposition est bienvenue, d’autant que nous avons tenu à encadrer le champ d’application du legal privilege aux seules matières civile, commerciale et administrative, à l’exclusion des matières fiscale et pénale. Nous avons déposé des amendements visant à prévoir le contrôle du juge, pour éviter tout abus lié à la confidentialité des consultations, ainsi que la présence renforcée des avocats. Nous sommes parvenus à un dispositif abouti, qui emporte l’adhésion tant des juristes d’entreprise, bien entendu, que des avocats, lesquels ont participé à sa rédaction.

    M. Benjamin Haddad

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    C’est très clair !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai peu d’éléments à ajouter, car l’avis donné par M. le rapporteur est exhaustif. Certaines entreprises – du reste, pas les plus petites d’entre elles – choisissent d’établir leur siège social à l’étranger. C’est une réalité. Le fait que le dispositif de legal privilege n’ait pas été introduit dans le droit positif nuit à l’attractivité du droit français. Pour rappel, la question n’est pas purement juridique, mais également économique : des milliers d’emplois sont en jeu.
    Il est temps que nous nous mettions à la page, si j’ose dire. Il faut également en finir avec certains fantasmes en la matière. Considérez-vous que les avocats sont à même de remplir cet office ? La réponse est non. Je rappelle que la loi du 31 décembre 1971…

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Très bonne année !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …exclut le salariat des modalités d’exercice de la profession d’avocat, modalité à laquelle est toujours opposée une grande partie de la profession – je le suis également. À force de discuter avec les juristes d’entreprise et les avocats, et grâce aux travaux réalisés par le président Olivier Marleix, le dispositif est prêt. Il est le fruit d’une longue évolution et est indispensable pour sauvegarder notre économie. Mais n’aimant pas les entreprises, vous vous opposez, par principe, à ces dispositions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Manuel Bompard

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    On aime plus les entreprises que vous !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya

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    L’argument selon lequel il faudrait être « dans l’air du temps » est très étonnant. Voilà le seul argument que l’on nous oppose alors que nous examinons un projet de loi relatif à la justice. De quel air du temps parlons-nous ? Encore une fois, vous défendez des positions idéologiques néolibérales.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr, j’assume !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Alors que vous n’êtes jamais dans l’idéologie, évidemment !

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous nous reprochez de ne pas aimer les entreprises.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous n’aimez pas la police non plus, vous n’aimez pas grand-chose !

    Mme Andrée Taurinya

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    Bien entendu, nous aimons les entreprises. Seulement, nous aimons surtout le droit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Tous les avocats étaient opposés à la disposition qui avait été proposée sous la précédente législature. Tous, y compris au sein des barreaux de province sont à nouveau vent debout contre celle-ci.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Patrick Hetzel

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    Ils ont évolué !

    Mme Andrée Taurinya

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    Si vous voulez défendre les entreprises, n’allez pas sur ce terrain. Arrêter de fermer les yeux sur toutes les délocalisations, par exemple, permettrait de faire revenir des entreprises en France. C’est tout de même incroyable ! Le respect du débat devrait vous empêcher d’affirmer que nous disons des inepties sous prétexte que nous ne sommes pas d’accord avec vous – pour ma part, je ne le fais pas. Nous sommes pour le droit, seulement le droit, comme les avocats. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    Les doyens de facultés de droit avec lesquels j’ai échangé avancent deux arguments en faveur de l’instauration d’un legal privilege pour les juristes d’entreprise. D’abord, ce dispositif permet de défendre le droit continental, ce qui a beaucoup de sens. Ensuite, il assurerait des débouchés pour de nombreux diplômés français en droit – cet argument a été invoqué à plusieurs reprises. Dès lors, nous devrions être très favorables à cette mesure, qui va dans le bon sens et qui rendra notre droit plus compétitif.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Bon argumentaire !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Nous sommes au cœur d’un débat majeur relatif à la concurrence entre le droit continental et le droit anglo-saxon. La loi doit prévoir ce dispositif pour les juristes d’entreprise : il y va de la compétitivité de notre droit.
    Je suis un peu étonné de la teneur de ce débat : en tant que législateurs, nous souhaitons précisément que le droit voté dans cet hémicycle soit appliqué, ce qui suppose de permettre aux entreprises d’être concurrentielles et d’éviter qu’elles s’installent dans des pays où s’applique le droit anglo-saxon – lequel, s’il garantit une grande liberté contractuelle, pose des problèmes d’interprétation, dangereux pour nos entreprises. Nous sommes bien entendu favorables à cette mesure. Du reste, nous avons déposé un amendement très bien calibré, qui a fait l’objet d’un travail important avec les acteurs, visant à encadrer ce dispositif.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido

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    Dans une société démocratique libre, le principe est de faire preuve de transparence et de ne rien cacher aux citoyens. Cependant, pour des raisons d’intérêt général, nous aménageons des espaces de secret dans nos vies et nos relations sociales : le secret défense, le secret médical, ou encore le secret professionnel entre un justiciable et son avocat. Ce principe n’a pas été prévu au bénéfice de l’avocat, mais existe pour que le justiciable ait confiance, consulte un avocat, et puisse donc faire vivre son droit à la justice.

    M. Antoine Léaument

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    Exactement !

    Mme Raquel Garrido

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    La société tolère de garantir ce secret professionnel car l’avocat est indépendant : il doit prêter serment en ce sens et ne peut être tenu par un lien de subordination ou marchand. C’est ce qui le différencie du juriste d’entreprise, qui est directement rattaché à cette dernière par un lien de subordination. C’est la raison pour laquelle le juriste d’entreprise n’est pas non plus tenu de dénoncer son employeur. On peut également présumer qu’il s’exprime conformément aux intérêts de celui-ci.
    Introduire le concept de legal privilege en droit français revient à renforcer le secret des affaires, spécifique au droit français et très discutable. Il ne s’agit pas d’un secret d’intérêt général. Nous luttons en permanence pour qu’il soit levé. Vous direz que je digresse mais, dans la même logique, l’association Anticor, dont nous attendons le nouvel agrément, lutte contre les phénomènes criminogènes nés dans le secret des affaires. À chaque fois que vous renforcez ledit secret – et ce dispositif y contribue –, vous créez des délits, vous protégez les criminels et les délinquants. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Anticor, victime de ses propres affaires !

    (L’amendement no 233 est retiré.)

    (Les amendements identiques nos 368, 640, 1141 et 1291 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements identiques nos 1512, 1513, 1514, 1517 et 1518, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1512, 1513, 1514, 1517, 1518, 1258, 1267, 1378, 1421, 236 et 728, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 1512, 1513, 1514, 1517 et 1518, qui font l’objet des sous-amendements nos 1520 et 1521, sont identiques, ainsi que les amendements nos 1258, 1267 et 1378.
    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 1512.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne reviens pas sur tous les arguments développés. Je suis très heureux de constater qu’une large majorité des députés partagent mon constat, celui de la nécessité d’introduire un dispositif de legal privilege à la française.

    M. Antoine Léaument

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    Autant utiliser un terme français, du coup !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Les derniers amendements déposés répondent aux attentes de tous les acteurs. La discussion commune porte sur plusieurs amendements visant à compléter la version adoptée par le Sénat par des éléments essentiels, afin que le nouveau dispositif fonctionne le mieux possible. L’enjeu est très important.
    C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter, de manière transpartisane, les amendements n° 1513 du président Olivier Marleix, n° 1514 du rapporteur Jean Terlier, no 1517 de Mme Tanzilli, no 1518 de M. Mattei et no 1512 du Gouvernement, qui sont issus d’un travail de coconstruction avec les parlementaires, ce dont je me félicite. Leur rédaction reflète un équilibre entre les différents intérêts en présence : ceux des juristes, ceux des avocats ou encore ceux, relayés par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, des autorités administratives chargées des contrôles. Ce dispositif, qui s’attache aux documents, c’est-à-dire aux consultations juridiques, plutôt qu’aux personnes, évite l’écueil de la création d’une nouvelle profession du droit et répond ainsi clairement à la seule véritable inquiétude des avocats.
    L’amendement permet également, en encadrant le dispositif, d’apaiser les craintes des autorités administratives de voir se créer d’éventuelles « boîtes noires » au sein des entreprises. Seules les consultations juridiques seront protégées ; aucun autre document n’est concerné. Elles devront être précisément identifiées et tracées. En outre, une procédure de levée de la confidentialité est prévue pour éviter les abus.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 1513.

    M. Olivier Marleix

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    Je remercie le ministre et le rapporteur d’avoir bien voulu consentir les efforts nécessaires pour aboutir à cette rédaction, que je crois la plus consensuelle possible.
    Lors des travaux de la mission d’évaluation de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, qui nous avait été confiée, Raphaël Gauvain et moi-même avons mis en évidence la nécessité d’étendre le legal privilege anglo-saxon aux juristes d’entreprise.
    Rappelons que cette mission d’évaluation avait été créée à la suite des affaires Alstom et Airbus notamment, lesquelles ont montré que nous étions mal protégés face à des juridictions étrangères, précisément parce que nos juristes d’entreprise ne bénéficient pas du legal privilege.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Absolument !

    M. Olivier Marleix

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    Ce dispositif n’enlève rien au métier d’avocat. La consultation d’un avocat se fait sur commande, si je puis dire ; en l’espèce, il s’agit d’avis, généralement spontanés, émis par des juristes d’entreprise, notamment dans le cadre des missions de compliance qui leur incombent. La loi Sapin 2 a en effet renforcé leurs obligations dans ce domaine, notamment celle de lancer des alertes internes. Il est donc nécessaire que leurs avis soient protégés. Encore une fois, leur mission n’est pas la même que celle qui est confiée aux avocats.
    Cette mesure contribue à notre souveraineté, car il existe une profonde asymétrie entre les entreprises anglo-saxonnes, qui jouissent du legal privilege, et les entreprises françaises, qui n’en bénéficient pas. Pour notre souveraineté, pour la protection de nos entreprises, notamment face à des risques de prédation étrangère, il s’agit donc d’une grande avancée, étant entendu que, comme le ministre l’a rappelé, le dispositif ne s’appliquera pas en matière pénale et fiscale.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1514.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je serai bref, car je me suis déjà exprimé sur le sujet. Je tiens à rassurer nos collègues sur deux points : nous ne créons pas une nouvelle profession réglementée de juristes d’entreprise, ni un nouveau secret professionnel, contrairement à ce qui a été dit du côté gauche de l’hémicycle.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Il nous semble, pourtant !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nous sommes unanimes, ou presque, pour avancer dans le domaine du legal privilege. Encore une fois – cela a été rappelé par les précédents orateurs –, il y va de la souveraineté des entreprises françaises.

    M. Antoine Léaument

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    Ça n’existe pas, la souveraineté des entreprises !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Il est absolument anormal que les consultations des juristes d’entreprise puissent conduire à une auto-incrimination dans les domaines civil, commercial et administratif. Il nous faut donc légiférer de manière urgente. J’ajoute que nous avons recueilli l’adhésion des avocats, que, contrairement à ce qu’a dit Mme Taurinya, nous avons consultés et auditionnés et qui nous ont indiqué avoir travaillé sereinement avec l’Association française des juristes d’entreprise pour aboutir à la rédaction proposée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sarah Tanzilli, pour soutenir l’amendement no 1517.

    Mme Sarah Tanzilli

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    Je me réjouis, pour ma part, que cette question ait pu faire l’objet de travaux transpartisans. Ils ont permis de parvenir à un équilibre en remédiant au désavantage dont pâtit la France du fait de l’absence de confidentialité des avis des juristes d’entreprise, tout en prévoyant des garanties telles que l’exclusion des procédures pénales et fiscales, la clarification des conditions de levée de la confidentialité et l’obligation de recourir à un avocat en cas de contestation de celle-ci.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1518 de M. Jean-Paul Mattei est défendu.
    La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir le sous-amendement no 1520.

    M. Philippe Latombe

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    Il s’agit de substituer aux mots : « d’un master en droit », les mots : « d’au moins soixante premiers crédits d’un master ». En effet, un certain nombre de juristes d’entreprise actuellement en poste sont, pour diverses raisons, titulaires d’une maîtrise ; je pense, par exemple, aux directeurs des affaires juridiques de PME qui sont d’anciens avocats. Or il serait problématique que leurs avis ne bénéficient pas de la confidentialité que nous entendons instaurer. Il faut donc corriger ce hiatus en optant pour une rédaction analogue à celle qui concerne l’examen d’entrée aux écoles d’avocats.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir le sous-amendement no 1521.

    Mme Cécile Untermaier

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    J’ai entendu des propos intéressants et constructifs sur le dispositif proposé, qui est issu d’un travail de coconstruction mené avec un certain nombre de députés. Il n’en reste pas moins que l’article 19 est un cavalier législatif. De fait, nous ne comprenons pas du tout pourquoi il figure dans ce projet de loi. Il ajoute, me semble-t-il, à la confusion du texte – en particulier de son article 3 – qui traite de tout et de rien.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Cela n’a rien à voir avec l’article 3 !

    Mme Cécile Untermaier

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    Je tenais à le dire de la manière la plus ferme. Un cavalier législatif ne fait pas l’objet d’une étude d’impact, de sorte que nous ne sommes pas en mesure, nous, législateurs, de nous exprimer sereinement sur le legal privilege. (M. Andy Kerbrat applaudit.) La question n’est pas de savoir si nous sommes contre : nous demandons simplement l’expertise que nous sommes en droit d’exiger pour faire notre travail de législateur.
    J’ai entendu des interventions rassurantes. Mais ce que j’en comprends, c’est que la confidentialité sera opposable dans toutes les procédures autres que pénales ou fiscales. Ainsi, on se fiche des procédures civiles et environnementales : ce qui est important, ce sont les impôts ! En revanche, l’enjeu environnemental ne justifie pas que l’on exclue cette matière du périmètre du dispositif.

    M. Antoine Léaument

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    Bien parlé !

    Mme Cécile Untermaier

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    Par conséquent, si je comprends bien – pardonnez-moi si tel n’est pas le cas, mais, encore une fois, il n’y a pas d’étude d’impact –, aucune autorité publique ou autorité administrative indépendante ne pourra, dans le cadre de ses pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation et de sanction, connaître d’une action labellisée « confidentielle » par un juriste d’entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Les amendements identiques nos 1258 de M. Jean Terlier, rapporteur, 1267 de Mme Sarah Tanzilli et 1378 de M. Olivier Marleix sont retirés.

    (Les amendements identiques nos 1258, 1267 et 1378 sont retirés.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1421 de M. Thibaut François est défendu.
    L’amendement no 236 de M. Jean Terlier, rapporteur, est retiré.

    (L’amendement no 236 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l’amendement no 728.

    Mme Caroline Yadan

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    Les États-Unis aujourd’hui – et demain, sans doute, la Chine – excellent dans le recours à l’extraterritorialité de leurs normes et procédures judiciaires pour mener leur guerre juridique. La France doit ainsi faire face à des situations d’ingérence contre lesquelles elle a peu de moyens de se défendre.
    Les entreprises françaises qui participent à la croissance économique de notre pays et en font la fierté sont en première ligne. Elles font quotidiennement face au risque de devoir transmettre à des autorités étrangères des informations stratégiques, notamment celles contenues dans les consultations de leurs juristes.
    Il y a donc là un véritable enjeu de protection de nos entreprises et de notre souveraineté. La France doit améliorer ses outils défensifs pour garantir sa souveraineté. Permettre à nos entreprises de continuer à opérer à l’étranger et d’être compétitives sur le marché mondial relève de notre responsabilité. C’est pourquoi l’amendement vise à assurer aux entreprises la confidentialité de leurs avis juridiques en matière civile, commerciale, administrative et pénale, et ce dans un but de justice, d’égalité et de souveraineté.

    Mme la présidente

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    Sur l’article 19, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je suis favorable aux amendements identiques nos 1512, 1513, 1514, 1517 et 1518.
    En revanche, je suis défavorable aux sous-amendements nos 1520 et 1521. En ce qui concerne le premier, monsieur Latombe, nous voulions éviter, en déposant nos amendements identiques, de donner le sentiment que nous créions une nouvelle profession ; or il me semble qu’en précisant le niveau de diplôme requis, votre sous-amendement ne va pas dans le bon sens à cet égard. Je vous demanderai donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
    Quant au sous-amendement no 1521, madame Untermaier, nous avons voulu circonscrire le périmètre du dispositif en le limitant aux matières civile, commerciale et administrative, ce qui inclut en effet les procédures environnementales. J’appelle toutefois votre attention sur le fait que seules les consultations sont protégées par la confidentialité : les documents et pièces qui pourraient être utilisés n’y sont pas soumis. Par ailleurs, nous instaurons un système qui permet, sous le contrôle du juge et en présence d’un avocat, de contester la confidentialité de telle ou telle consultation. Il est en effet possible que des juristes d’entreprise soient tentés d’abuser de cette possibilité et qu’ils placent sous le sceau de la confidentialité des consultations qui n’entrent pas dans le périmètre défini. Nous avons prévu ce cas. Il me semble donc que nous avons bien circonscrit les conditions du recours à la confidentialité des consultations.
    Je demande le retrait de l’amendement no 1421 de M. François, car nous avons abouti à une nouvelle rédaction qui reprend peu ou prou celle que nous avions déposée en commission.
    Enfin, je demande également le retrait de l’amendement no 728 de M. Weissberg. Je sais qu’il a beaucoup travaillé sur le sujet. Mais, soucieux de parvenir à un équilibre, nous n’avons pas souhaité, à ce stade, inclure, comme il le propose, la matière pénale dans le périmètre de la confidentialité.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ma position est la même que celle du rapporteur : favorable aux amendements identiques nos 1512, 1513, 1514, 1517 et 1518 ; défavorable aux sous-amendements nos 1520 et 1521, et demande de retrait ou avis défavorable sur les amendements nos 1421 et 728.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido

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    Oui, les multinationales françaises se voient adresser des demandes parfois abusives par l’État chinois. Oui, elles font parfois l’objet, devant des juridictions américaines, de procédures très lourdes, telle la procédure de discovery, dans le cadre desquelles elles sont obligées de produire toutes les pièces commerciales de leur société.
    Mais nous traitons ici de l’ordre juridique français ; nous faisons la loi française. Que voulez-vous, collègues ? Imiter l’ordre juridique chinois ou anglo-saxon ? Ce n’est pas notre rôle ! Notre rôle est de défendre l’ordre juridique français. Du reste, arrêtez de parler de legal privilege : l’ordonnance de Villers-Cotterêts ne tolère pas ce type de formule ; il faut lui préférer les mots « secret » ou « confidentialité ».

    M. Antoine Léaument

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    Exactement ! Bien dit !

    Mme Raquel Garrido

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    Mais au bénéfice de qui ce secret est-il protégé ? Certainement pas des juristes ! Lorsqu’une consultation juridique provoquera un dommage à une entreprise, vous pouvez être certains, en effet, que l’employeur utilisera cette consultation contre le juriste lui-même, devant les prud’hommes par exemple. Le secret ne bénéficiera donc pas aux juristes mais aux entreprises, qui souhaitent garder confidentiels certains de leurs actes aux dépens de l’intérêt général ! Vous voulez modifier l’ordre juridique français pour cacher leurs méfaits ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Lorsqu’un juriste français prévient par avance son entreprise qu’elle commet une erreur pouvant causer des dommages à autrui, je suis favorable à ce que cette entreprise en paye le prix, plutôt qu’à ce que nous organisions son impunité comme vous le faites ! Vous défendez continuellement des intérêts privés, en sacrifiant l’ordre juridique français et ses grands principes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Et voilà !

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat, pour un rappel au règlement.

    M. Andy Kerbrat

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    Il se fonde sur l’article 86, alinéa 7, de notre règlement, relatif aux études d’impact. Alors que le groupe Écolo-NUPES défendait la semaine dernière un amendement proposé par une association LGBTI, prévoyant la possibilité pour les associations de lutte contre les discriminations de se porter partie civile en cas de faits avérés d’homophobie ou, plus largement, de LGBTphobie, le rapporteur Balanant avait répondu qu’il ne pouvait y donner un avis favorable en raison de l’absence d’étude d’impact. Celle-ci avait pourtant été fournie par l’association SOS homophobie – mais je vous laisse organiser comme vous l’entendez votre travail parlementaire… (M. Erwan Balanant, rapporteur, s’esclaffe.) Or vous nous demandez aujourd’hui de voter un texte relatif au droit des entreprises sans étude d’impact.

    M. Antoine Léaument

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    Exemple impactant !

    M. Andy Kerbrat

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    Je m’interroge sur votre sens des priorités : lorsqu’une question concerne les grandes entreprises, vous cédez, mais lorsqu’elle concerne les personnes LGBTI, vous vous en moquez ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Article 19 (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Nos échanges sur l’article 19 me rappellent les débats qui nous avaient occupés il y a quelque temps au sujet du métier d’avocat d’entreprise, à la création duquel nous nous étions opposés.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Moi aussi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Ce nouveau métier aurait en effet remis en cause de façon très inquiétante le cœur même de la profession d’avocat. Et voilà qu’on invente un juriste d’entreprise qui aurait le même niveau de diplôme et bénéficierait de la même confidentialité que l’avocat – il ne lui manque plus que l’indépendance pour être avocat ! On peut changer le nom de cette profession à l’envi, il n’empêche que le rôle de ce juriste d’entreprise glissera petit à petit vers celui de l’avocat : vous êtes en train de dépouiller un beau métier de tout ce qui fait son essence. Vous expliquez que la confidentialité s’appliquera en matière civile, commerciale et administrative mais qu’elle sera exclue en matière pénale et fiscale. Qu’en sera-t-il de la matière sociale ?

    M. Antoine Léaument

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    Le respect du droit du travail !

    Mme Emeline K/Bidi

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    Ma collègue Cécile Untermaier a aussi évoqué le domaine environnemental. De nombreuses matières ne sont pas explicitement exclues du dispositif. Vous êtes en train, en définitive, de nous faire un remake de l’avocat d’entreprise. Or nous n’en voulons toujours pas, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe

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    Puisque vous m’avez invité, monsieur le rapporteur Terlier, à retirer mon sous-amendement, je vous répondrai en trois points. D’abord, ce n’est pas dans mon sous-amendement qu’est précisé le niveau de diplôme requis, mais dans votre propre amendement ; je ne comprends donc pas que vous me le reprochiez. Par ailleurs, les juristes d’entreprise titulaires d’un master 1 sont bien intégrés à l’Association française des juristes d’entreprise ; il n’y a donc pas d’obstacle à cet égard.
    Je veux bien retirer mon sous-amendement, d’autant qu’il ne sera de toute façon pas adopté, mais il demeurera un vrai problème s’agissant des directeurs d’affaires juridiques âgés de 55 à 60 ans qui, ayant obtenu un diplôme de type maîtrise, seront de fait exclus par la rédaction que vous proposez : les consultations qu’ils réaliseront pour leurs comités de direction ou leurs conseils de surveillance ne seront pas protégées par le principe de confidentialité. Ce problème devra bien être traité à un moment ou à un autre.

    Mme la présidente

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    Votre sous-amendement est-il retiré, cher collègue ?

    M. Philippe Latombe

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    Oui, mais cela ne change rien au problème.

    (Le sous-amendement no 1520 est retiré.)

    (L’amendement no 1421 est retiré.)

    (Le sous-amendement no 1521 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 1512, 1513, 1514, 1517 et 1518.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        138
            Nombre de suffrages exprimés                110
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                79
                    Contre                31

    (Les amendements identiques nos 1512, 1513, 1514, 1517 et 1518 sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 728 tombe.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 19, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        137
            Nombre de suffrages exprimés                109
            Majorité absolue                        55
                    Pour l’adoption                78
                    Contre                31

    (L’article 19, amendé, est adopté.)

    Article 20

    (L’article 20 est adopté.)

    Article 21

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 4, tendant à supprimer l’article 21.

    M. Philippe Schreck

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    L’article 21, supprimé par le Sénat, a été réintroduit par le Gouvernement en commission. Le problème est connu : la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, a habilité le Gouvernement, pour une durée initiale de dix-huit mois, à réformer par ordonnance la publicité foncière qui, il est vrai, en a bien besoin. Cet article porte de dix-huit à trente-deux mois la durée de l’habilitation, un délai anormalement long. Le groupe Rassemblement national estime que le délai initial prévu par la loi « 3DS » était tout à fait suffisant.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Il est défavorable. Nous en avons déjà débattu en commission ; il ressort de nos auditions qu’un délai supplémentaire est nécessaire pour faire aboutir cette réforme ambitieuse et indispensable de la publicité foncière. Cela nous a été confirmé par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), la direction générale des finances publiques (DGFIP) et le Conseil supérieur du notariat (CSN).

    (L’amendement no 4, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 672 de M. Jean Terlier, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 672, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 21, amendé, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1444, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Après l’article 21

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l’amendement no 997 portant article additionnel après l’article 21.

    Mme Béatrice Roullaud

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    L’objectif visé par cet amendement me tient à cœur, tout comme il tient à cœur à notre présidente de groupe, qui l’avait intégré à son programme présidentiel. Nous souhaitons que la désignation d’un avocat soit automatique dans tout procès impliquant un enfant, y compris au civil. Les enfants sont en général représentés par leurs parents, mais il se peut que les intérêts des uns et des autres soient divergents. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter au titre V du projet de loi un chapitre III contenant un article 22, unique, instaurant l’obligation de désigner ou de choisir un avocat pour toute procédure concernant un mineur, afin que les intérêts propres de ce dernier soient défendus. J’espère que cet amendement fera l’objet d’un accord transpartisan. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous souhaitez rendre obligatoire, pour les mineurs, l’assistance d’un avocat dans les procédures civiles. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous avez déposé, pour ce faire, un amendement visant à modifier le code de procédure pénale – sans doute parce que, si vous l’aviez fait porter sur le code civil, il aurait été déclaré irrecevable.
    J’ajoute que, pour l’essentiel, les règles de représentation en procédure civile relèvent du domaine réglementaire. Et sur le fond, vous le savez, le juge saisi de l’instance civile peut faire désigner un avocat pour le mineur s’il l’estime nécessaire au motif que la représentation par ses parents serait défaillante. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends évidemment votre intention et je crois qu’une réflexion mérite d’être engagée sur la question de l’assistance automatique de l’enfant par un avocat. Elle aurait en effet un impact organisationnel et budgétaire très important. Je ne peux donc pas être favorable à votre amendement en l’état, même si j’en comprends le sens.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Je vous remercie, monsieur le ministre, de donner un écho à mes propos et d’être sensible à cette question. Il est vrai qu’elle mérite d’être travaillée et qu’elle aurait un impact budgétaire. Je demanderai donc à vous rencontrer pour évoquer ce sujet qui me tient à cœur. Je souhaite faire avancer la cause des enfants et combler les lacunes en la matière. Il est vrai que le juge peut désigner un avocat pour le mineur. Quelquefois pourtant, il ne le fait pas, et les intérêts civils de l’enfant ne sont alors pas défendus. Pour ces rares cas, je vais tenir bon, déposer peut-être une proposition et loi et, quoi qu’il en soit, travailler avec vous ou avec ceux qui le souhaiteraient. Je tiens en effet à ce que l’on avance dans ce domaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 997 n’est pas adopté.)

    Article 22

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 1444 et 618, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1444.

    M. Pierrick Berteloot

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    Il vise, par souci de parallélisme des formes et de coordination, à demander aux magistrats de l’ordre administratif de prêter serment dans les mêmes termes que les magistrats de l’ordre judiciaire, tel qu’ils figurent à l’article 6 de l’ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Cette demande est notamment formulée par l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA), qui l’a intégrée à ses propositions après qu’une consultation a révélé que plus de sept magistrats sur dix y sont favorables.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 618.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Il vise à réécrire l’amendement relatif au serment des magistrats administratifs que j’ai fait adopter en commission. Je vous invite à le préférer à celui qui vient d’être présenté.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Ils sont tous deux excellents. Pour des raisons rédactionnelles, je suis plus favorable cependant à celui du président Houlié. (Sourires.) Je demande donc le retrait de l’amendement no 1444 au profit de l’amendement no 618.

    Un député du groupe RN

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    Ils sont pourtant excellents tous les deux !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’entends à vos murmures que vous pensez déjà que je ne serai pas objectif !

    M. Laurent Jacobelli

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    Comment pouvez-vous penser cela ? (Sourires.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai la faiblesse de préférer, pour des raisons rédactionnelles, l’amendement du président Houlié. Je suis donc favorable à l’amendement no 618 et suggère un retrait de l’amendement no 1444. Quoi qu’il en soit, ils ont le même objectif.

    M. Laurent Jacobelli

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    Mais pas la même étiquette !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1444.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        106
            Nombre de suffrages exprimés                104
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                73

    (L’amendement no 1444 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 618 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 1235.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Il a été déposé par notre collègue de Polynésie Mme Reid Arbelot, qui s’inquiète – comme nous, d’ailleurs – de l’absence de formation spécifique pour les magistrats de l’ordre administratif exerçant en outre-mer. Ces territoires se caractérisent par une grande diversité, notamment en matière institutionnelle, mais également sur les plans culturel et social ; or il ne suffit pas d’avoir été nommé magistrat pour appréhender correctement ces singularités. Il faudrait donc, pour que ces magistrats puissent prendre leurs fonctions dans les meilleures conditions, qu’ils soient spécialement formés.
    L’amendement part d’un constat formulé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) : la complexité juridique à laquelle font face les justiciables en outre-mer concerne également les magistrats et les auxiliaires de justice, requérant de leur part un travail de mise à jour de leurs connaissances. La Commission ajoute : « Le constat […] est d’autant plus préoccupant que très peu de magistrats (ou avocats) exerçant dans les outre-mer seraient ultramarins et directement issus de ces cultures ».
    S’agissant de l’ordre judiciaire, un arsenal de formations existe déjà ; mais en matière administrative, les initiatives se limitent à une visioconférence organisée avec les magistrats affectés en outre-mer pour échanger sur divers sujets, et à une autre servant à dédramatiser une affectation qui ne serait pas nécessairement souhaitée. Vous voyez ainsi, mes chers collègues, quel sort est réservé dans ce domaine aux outre-mer. Il est nécessaire d’agir en prévoyant des formations spécifiques qui n’aient pas pour seule utilité d’expliquer aux magistrats que s’ils sont là contre leur gré, ils devront s’en contenter.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Contrairement à ce que vous indiquez, la formation des magistrats administratifs existe déjà et tient compte des spécificités de la pratique en outre-mer. J’ajoute qu’une telle mesure relève plutôt du domaine réglementaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    (L’amendement no 1235, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 1448.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il vise à supprimer les dispositions ouvrant à des magistrats de chambre régionale des comptes n’ayant pas eu d’expérience préalable dans des fonctions d’administrateur la possibilité de postuler à l’emploi d’auditeur à la Cour des comptes.

    (L’amendement no 1448, accepté par la commission, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 1236.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Il est le pendant de celui que je viens de présenter, qui concernait les magistrats de l’ordre administratif venant d’être affectés en outre-mer ; celui-là concerne ceux qui sont déjà affectés.
    Monsieur le rapporteur, je n’ai pas rebondi sur vos propos parce que je savais que j’allais reprendre la parole rapidement. Vous m’indiquez que de telles formations existent déjà, mais vous n’en citez aucune ! Pour le reste, déterminer le sujet et la nature des formations appartient assurément au domaine réglementaire ; en revanche, poser une obligation de formation relève bien du domaine législatif. Nous nous en sommes bien rendu compte, puisque de nombreux amendements ont été adoptés en ce sens, depuis le début de l’examen du texte, concernant par exemple les surveillants pénitentiaires ou d’autres professions. C’est bien au législateur de prévoir cette obligation de formation.

    M. Pierre Dharréville

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    Très bien !

    (L’amendement no 1236, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 22, amendé, est adopté.)

    Après l’article 22

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 22.
    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1438.

    M. Pierrick Berteloot

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    Aux termes de l’article L. 121-1 du code de justice administrative, « La présidence du Conseil d’État est assurée par le vice-président. L’assemblée générale du Conseil d’État peut être présidée par le Premier ministre et, en son absence, par le garde des sceaux, ministre de la justice. »
    Depuis l’entrée en vigueur du code de justice administrative, en 2000, le Premier ministre ne préside donc plus le Conseil d’État. Ainsi, rien ne justifie plus, hors un attachement à une dénomination surannée, que soit maintenu un intitulé qui ne traduit pas la réalité des fonctions exercées et qui est incompréhensible pour les citoyens. C’est d’ailleurs au motif de cette inintelligibilité que dans les juridictions administratives de droit commun, la dénomination « commissaire du Gouvernement » a été remplacée par celle de « rapporteur public ».
    Il est donc proposé que le vice-président du Conseil d’État porte désormais le titre de premier président, comme c’est le cas pour le président de la Cour des comptes ou pour celui de la Cour de cassation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Avis défavorable. C’est justement parce que le titre de vice-président appartient à la tradition administrative française et qu’il permet d’établir une distinction avec le premier président de la Cour des comptes que nous sommes défavorables à sa suppression.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est une petite page d’histoire que vous voulez tourner, monsieur le député ! Pourquoi ce titre de vice-président ? Mais vous l’avez dit vous-même : il fait référence à la possibilité, pour le Premier ministre et, en son absence, pour le garde des sceaux, de présider l’assemblée générale du Conseil d’État. Pour ma part, j’aime bien l’histoire : je suis défavorable à votre amendement.

    (L’amendement no 1438 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1437.

    M. Pierrick Berteloot

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    Il vise à consacrer explicitement, pour les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la règle de l’inamovibilité, en des termes identiques à ceux utilisés pour les magistrats judiciaires par la loi organique portant statut des magistrats.
    Il est en outre précisé que tout magistrat retrouvant des fonctions juridictionnelles au sein du corps après avoir exercé des fonctions extérieures retrouve de plein droit, à sa demande, son affectation précédente, dans la dernière juridiction où il a servi.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Demande de retrait, car votre amendement est satisfait. Je vous renvoie à l’article L. 231-3 du code de justice administrative : « Lorsqu’ils exercent leurs fonctions de magistrats dans une juridiction administrative, les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ne peuvent recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle, même en avancement. »

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis : cet amendement est pleinement satisfait !

    (L’amendement no 1437 n’est pas adopté.)

    Article 23

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois, pour soutenir l’amendement no 1280 rectifié.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Il vise à moderniser le régime des incompatibilités applicable aux magistrats des chambres régionales des comptes, en réservant aux cas les plus complexes la possibilité de prononcer une interdiction de principe ou de recueillir l’avis du collège de déontologie des juridictions financières.

    (L’amendement no 1280, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 731 et 905.
    La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir l’amendement no 731.

    M. Daniel Labaronne

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    Il vise à supprimer l’obligation d’avoir effectué une mobilité statutaire au grade de conseiller président – qui a remplacé celui de président de section – pour pouvoir être nommé président de chambre régionale des comptes. En effet, deux mobilités statutaires sont déjà obligatoires, l’une pour accéder au grade de premier conseiller, l’autre pour accéder à celui de conseiller président.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 905 de M. Jean Terlier, rapporteur, est défendu.

    (Les amendements identiques nos 731 et 905, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.

    M. Antoine Léaument

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    Il est fondé sur l’article 50 du règlement, relatif à l’organisation des débats. Il nous reste 687 amendements à examiner sur les deux textes concernant la justice, et nous ne disposons plus pour cela que de six heures de débat – une heure ce soir et cinq heures demain.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Il ne tient qu’à vous qu’on accélère !

    M. Antoine Léaument

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    Dès lors, madame la présidente, je doute que nous puissions examiner tous ces amendements dans le temps imparti sur la feuille verte.

    Mme la présidente

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    C’est une bonne raison pour ne pas perdre de temps, mais nous aurons aussi la journée de jeudi, dont l’ordre du jour comprendra aussi ces textes sur la justice.

    Article 23 (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1153.

    Mme Andrée Taurinya

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    Par cet amendement, nous souhaitons supprimer les alinéas 11 et 12 visant à modifier certaines dispositions statutaires applicables aux magistrats des juridictions financières. Il s’agit d’intégrer les magistrats en détachement dans le ratio des passages de grades de conseiller référendaire à conseiller maître pour, selon l’étude d’impact, « moderniser la gestion » de ces cadres et pour renforcer « l’attractivité » de leurs fonctions.
    D’emblée, l’emploi de ces termes dignes de la start-up nation nous laisse pour le moins sceptiques. De plus, comme l’ont relevé le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes dans leurs avis du 26 avril 2023, la mesure proposée irait à rebours de l’ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État. Cette ordonnance ayant réduit le nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur en prévoyant le ratio de 1/5 plutôt que 1/3, ils estiment prématuré en l’état d’y apporter une modification.
    Nous sommes contre ce dispositif qui facilitera les nominations au tour extérieur, auxquelles nous sommes opposés par principe car elles se font par affinités politiques : d’anciens collaborateurs du Président de la République ou de cabinets ministériels, par exemple, pourraient en bénéficier. Cela nous paraît dangereux.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous voulez supprimer l’intégration des magistrats en détachement dans l’avancement au tour interne au grade de conseiller maître. Vous voulez ainsi revenir sur une disposition qui figurait dans le projet de loi initial avant d’être supprimée par le Sénat puis rétablie par le Gouvernement. Il s’agit de faire avancer les magistrats en détachement selon les mêmes procédures que les magistrats en activité. La différence de traitement entre magistrats en position d’activité et magistrats en détachement fait dépendre le nombre de nominations au tour extérieur au cours d’une année, donc la gestion du corps dans son ensemble, des choix individuels des magistrats de carrière au moment de leur promotion.
    Le projet vise à stabiliser le nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur en intégrant les nominations des conseillers référendaires en activité et en détachement dans le décompte des nominations. Cela améliore la gestion du corps et encourage les mobilités, comme le veut la réforme de la haute fonction publique. Je reste favorable aux dispositions du projet initial et donc défavorable à votre amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Madame la députée, je ne suis évidemment pas d’accord pour supprimer les dispositions relatives à l’intégration des conseillers référendaires en détachement dans le décompte du nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur, pour deux raisons. Premièrement, sur le plan des principes, il faut remédier à une différence de traitement entre les conseillers référendaires en position d’activité et les conseillers référendaires en détachement. Cette différence de traitement ne se justifie plus. Deuxièmement, en matière de gestion, cette mesure permettra, au cours des prochaines années, de stabiliser le nombre de nominations au tour extérieur de conseillers maîtres sans revenir au ratio qui s’appliquait avant l’ordonnance du 2 juin 2021. Avis défavorable.

    (L’amendement no 1153 n’est pas adopté.)

    (L’article 23, amendé, est adopté.)

    Article 24

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 795 et 1167.
    L’amendement no 795 de M. Philippe Schreck est défendu.
    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 1167.

    M. Jean-François Coulomme

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    Par cet amendement de suppression partielle, nous nous opposons à la ratification d’une ordonnance qui porte un coup fatal à l’indépendance des comptables publics vis-à-vis des décideurs politiques – une façon pour le Gouvernement de faire des économies au détriment du contrôle et de la probité des comptes publics.
    Cette réforme unifie la responsabilité des gestionnaires publics, qu’ils exercent des fonctions d’ordonnateur ou de comptable. Elle met fin à la traditionnelle responsabilité personnelle et pécuniaire, dite RPP, des comptables publics.
    Plutôt que de créer un régime de sanctions pour les élus ou de renforcer le maillage territorial des institutions de contrôle, le Gouvernement choisit de dynamiter la RPP et la séparation entre ordonnateur et comptable public au profit d’un nouveau régime qui conduira à un allégement du contrôle, conformément aux recommandations du rapport du CAP 22, le Comité action publique 2022, intitulé « Service public, se réinventer pour mieux servir », et dans lequel on peut lire par exemple : « L’allègement des contrôles passe par la suppression de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables ».
    Le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, rappelait pourtant en 2018 l’importance de la RPP dans la mesure où elle renforce la légitimité du comptable à refuser de valider une opération frauduleuse. Voilà pourquoi nous nous opposons à cette ordonnance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 76 et identique, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Ils visent à supprimer la ratification de l’ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.
    Cette ordonnance est pourtant entrée en vigueur conformément au régime juridique applicable en la matière. Un premier projet de loi de ratification a été déposé en avril 2022 pour éviter sa caducité. La ratification est nécessaire pour sécuriser le dispositif et les décrets qui ont été pris. Si nous ne ratifions pas expressément cette ordonnance, nous fragiliserons de nombreuses procédures.
    Sur le fond, vous lui reprochez de trop assouplir la responsabilité pénale et pécuniaire des ordonnateurs et des comptables et de ne chercher qu’à faire des économies malgré les risques que cela présenterait pour nos finances publiques.
    Or l’objet de cette réforme est justement de mieux cibler les fautes, en ne poursuivant pas inutilement des faits commis de manière non intentionnelle, et de rendre les sanctions effectives, selon un système d’amende proportionné. Les procédures seront plus rapides et plus efficaces avec une centralisation du contentieux auprès de la Cour des comptes.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La réforme portée par l’ordonnance du 23 mars 2022 est importante. La suppression, au 1er janvier 2023, du régime propre de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics se justifie par les écueils que ce régime spécifique a rencontrés, ecueils que tous s’accordent à reconnaître.
    L’objectif de la réforme est de responsabiliser chaque acteur au niveau qui est le sien. Elle ne remet absolument pas en cause la séparation entre ordonnateur et comptable ni la fonction de contrôle de ce dernier. Elle n’affaiblit nullement le rôle du comptable, celui-ci conservant la possibilité d’être réquisitionné comme c’était le cas auparavant.
    En outre, cette réforme dote le comptable de la possibilité de signaler à l’ordonnateur toute opération irrégulière. Elle réaffirme le monopole des comptables publics en matière de maniement des fonds publics en réaffirmant l’infraction spécifique en cas de gestion de fait.
    Elle permettra aux comptables d’adopter une approche plus proportionnée de leur contrôle, moins liée à la jurisprudence parfois très formaliste du juge des comptes et plus orientée vers les risques et les enjeux. Les comptables publics pourront ainsi travailler avec les ordonnateurs pour renforcer la sécurité de la chaîne financière ou les conseiller dans leur pratique.
    La réforme maintient donc pleinement le pouvoir de contrôle du comptable et lui donne par ailleurs des outils pour engager avec les ordonnateurs un travail efficace de sécurisation de la chaîne financière publique.
    Je donne donc un avis défavorable à ces deux amendements.

    (Les amendements identiques nos 795 et 1167 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir les amendements nos 628 et 627, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Daniel Labaronne

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    La Cour des comptes est compétente pour juger les gestionnaires publics, cette compétence étant dévolue à une chambre du contentieux, composée à parité de magistrats de la Cour des comptes et de magistrats des chambres régionales des comptes.
    Or ces derniers n’ont aucune place dans les instances de représentation des personnels de la Cour. Membres d’une chambre de la Cour sans être membre de cette même juridiction, ils se trouvent dans une situation paradoxale. Ils ne sont notamment pas représentés au Conseil supérieur de la Cour des comptes, pourtant le seul compétent sur les questions relatives à l’organisation, au fonctionnement et à la compétence de cette chambre.
    Pour permettre l’exercice correct des droits de représentation des magistrats des chambres régionales des comptes qui composent la Cour, les questions relatives à la chambre du contentieux devraient donc relever de la double compétence des conseils supérieurs de la Cour et des chambres régionales des comptes. Tel est l’objet de mon second amendement, le no 627, l’amendement no 628 étant un amendement de repli qui prévoit que les magistrats des chambres régionales des comptes soient représentés au Conseil supérieur de la Cour.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Cher collègue Labaronne, vous proposez, avec ces deux amendements qui vont dans le même sens, de permettre aux magistrats des chambres régionales des comptes de se prononcer sur les questions relatives à la chambre du contentieux de la Cour des comptes.
    Je comprends votre argument. Dès lors que cette chambre inclut des magistrats des chambres régionales des comptes dans ses formations, ou bien ceux-ci sont légitimes pour être représentés dans le Conseil supérieur de la Cour des comptes, ou bien le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes doit être compétent pour prononcer des avis sur cette chambre.
    Néanmoins, cette raison n’est pas suffisante. Les membres de la Cour des comptes ne participent pas au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, quand bien même ils en assurent souvent la présidence. D’autre part, le Conseil supérieur de la Cour des comptes ne se prononce pas sur les questions concernant les chambres régionales des comptes.
    Ces conseils représentent chacun des deux corps et il me semble préférable de continuer ainsi.
    Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Par votre amendement no 628, vous souhaitez permettre aux magistrats de la chambre régionale des comptes d’être représentés au Conseil supérieur de la Cour des comptes. Cela vous semble nécessaire eu égard à la création, au sein de cette cour, de la chambre du contentieux qui intègre désormais des magistrats des chambres régionales des comptes.
    À mon sens, une telle évolution n’est pas utile, car les magistrats des chambres régionales des comptes affectés à la chambre du contentieux en application de la loi du 12 mai 2012 sont très peu nombreux : huit à temps plein et cinq à temps partiel. Par ailleurs, ils sont représentés au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.
    Enfin et surtout, le changement que vous appelez de vos vœux est prématuré. Il nécessite une réflexion approfondie sur les instances représentatives de deux corps distincts – qui ne saurait se résumer, vous me le concéderez, à un simple amendement.
    Je vous propose donc de retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    (Les amendements nos 628 et 627 sont retirés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 76 et 853.
    La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 76.

    Mme Danielle Brulebois

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    Il prévoit de rétablir le délai de deux mois dont dispose le destinataire d’un rapport d’observations provisoire ou définitif d’une juridiction financière pour remettre sa réponse au greffe de la chambre régionale des comptes.
    Le code des juridictions financières prévoit un dialogue entre la chambre régionale des comptes et les responsables dont elle examine la gestion. En effet, le magistrat instructeur rencontre, avant l’envoi de la lettre d’observations provisoires, l’ordonnateur de la collectivité au cours d’un entretien dit préalable. L’ordonnateur dispose aujourd’hui, après réception de la lettre d’observations provisoires et avant le délibéré de la chambre, d’un délai minimum d’un mois pour apporter une réponse écrite aux observations – que le rapport soit provisoire ou définitif. Les ordonnances des 13 octobre 2016 et 23 mars 2022 ont effet réduit le délai, passé de deux à un mois.
    Or une telle réponse représente un lourd travail, puisqu’il faut rédiger un véritable mémoire, ce qui demande des recherches approfondies pouvant comprendre la consultation d’archives qui remontent parfois à plusieurs années.
    Le délai d’un mois est particulièrement court, comme nous l’ont dit les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, obligés dès lors de travailler dans une urgence et une précipitation qui ne sont pas du tout propices à un dialogue de qualité avec la chambre régionale des comptes.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal, pour soutenir l’amendement no 853.

    M. Philippe Pradal

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    L’amendement, identique à celui qui vient d’être présenté, est à la fois simple et pratique.
    Lorsqu’une chambre régionale des comptes est prête à envoyer son rapport, elle appelle d’abord la mairie concernée pour lui demander si elle aura le temps d’y répondre.
    Par cet amendement, nous proposons de revenir au délai de deux mois qui existait avant l’ordonnance du 23 mars 2022 sur les rapports d’observations provisoires afin de permettre aux greffes des chambres régionales des comptes comme aux ordonnateurs de travailler sereinement et d’apporter des réponses de qualité. Ainsi, les remontées d’informations des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes seront les plus efficaces et pertinentes possibles.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Ces amendements prévoient de faire passer d’un à deux mois le délai de réponse aux observations provisoires et aux observations définitives des chambres régionales des comptes.
    La réduction de deux à un mois du délai de réponse aux observations provisoires constitue l’une des mesures de simplification des procédures prévues par l’ordonnance du 23 mars 2022. Il s’agit d’une mise en cohérence avec le délai de réponse aux observations définitives, lequel a toujours été d’un mois.
    Je comprends ce qui a pu motiver vos amendements – le Gouvernement exprimera sa position dans quelques instants –, cependant je demande leur retrait et émettrai à défaut un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La réduction à un mois du délai de réponse aux observations provisoires constitue l’une des mesures de simplification des procédures prévues par l’ordonnance de mars 2022, par souci de cohérence avec le délai de réponse aux observations définitives, lequel a toujours été d’un mois.
    Il n’apparaît pas raisonnable de revenir dès maintenant sur cette mesure qui n’est entrée en vigueur que depuis quelques mois. Je vous propose donc de retirer ces amendements et émettrai à défaut un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

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    Certes, on pourrait dire qu’il y a autant de manières pour une chambre régionale des comptes d’effectuer un contrôle qu’il y a de magistrats instructeurs. De fait, les pratiques sont très différentes.
    Certains magistrats tiennent l’ordonnateur de la collectivité régulièrement informé de leurs interrogations et font preuve d’une grande transparence, ce qui donne à la collectivité le temps de mûrir sa réponse. D’autres travaillent de façon totalement secrète et livrent leur lettre d’observations à la dernière minute. Dans ce cas, le délai d’un mois laissé à la collectivité est très court.
    Parfois la réponse se résume à des éléments très factuels et anecdotiques, mais parfois elle nécessite de retrouver des pièces justificatives dans les comptes d’une société d’économie mixte dissoute ou des archives relatives à un ancien marché public.
    Une mesure consistant à accorder un tout petit peu de temps supplémentaire au dialogue me semble donc relever du simple bon sens.
    Les élus locaux avaient mis une vingtaine d’années à accepter ces rapports d’observations et nous étions parvenus à un bon équilibre. Rester à deux mois serait beaucoup plus sage que de vouloir pousser les feux en réduisant le délai à un mois.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois

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    Monsieur le ministre, puisque vous dites que la nouvelle disposition simplifie, je vais retirer mon amendement. Mais j’ai tout de même du mal à comprendre comment raccourcir un délai pourrait simplifier les choses.

    (L’amendement no 76 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal

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    Il est maintenu.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 853.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        99
            Nombre de suffrages exprimés                79
            Majorité absolue                        40
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                51

    (L’amendement no 853 n’est pas adopté.)

    (L’article 24 est adopté.)

    Articles 25 à 26 bis

    (Les articles 25, 26 et 26 bis sont successivement adoptés.)

    Avant l’article 27

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 695.

    M. Davy Rimane

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    Il vise à permettre, à titre expérimental, la création d’une juridiction spécialisée en Guyane pour lutter contre la délinquance propre au bassin amazonien et à l’Amérique du Sud. Je rappelle que nous sommes fortement touchés par la criminalité organisée, tant sur le territoire guyanais que dans les pays voisins. Il serait donc très important, à défaut d’instituer une juridiction spécialisée, de prévoir au moins une expérimentation pour lutter concrètement et efficacement contre cette forme de criminalité.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je suis défavorable à ce que le titre VII mentionne des dispositions expérimentales et, par cohérence, à la modification de l’intitulé proposée dans cet amendement. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane

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    Je rappelle que les territoires d’outre-mer vivent des réalités différentes de celles de l’Hexagone en beaucoup de points, et sont notamment touchés par divers problèmes spécifiques. Or, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, la plupart des amendements les concernant ont été rejetés, ce qui me laisse perplexe, même si je n’y vois pas une volonté malveillante. Ainsi, alors que le rapport Sauvé souligne que la justice dans les territoires d’outre-mer est très fragile, rien n’y fait quand nous demandons une adaptation des lois afin de répondre à nos spécificités. C’est à se demander, je le dis clairement, si ces territoires font bien partie de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.)

    (L’amendement no 695 n’est pas adopté.)

    Article 27

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 137.

    M. Davy Rimane

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    Dans le même esprit que le précédent, cet amendement demande que le Gouvernement remette au Parlement, six mois après la ratification de l’ordonnance prévue à l’article 2, un rapport sur la possibilité d’adapter ce texte aux particularités des territoires ultramarins, au plus près de leurs réels besoins. Le rapport Sauvé – qui ne fait pourtant que survoler la question des territoires d’outre-mer – a parfaitement résumé cette nécessité dans son chapitre intitulé : « Une justice ultramarine en état de grande fragilité ». Il est écrit : « L’accès au droit y est particulièrement précaire dans un contexte de pauvreté et de fracture numérique largement supérieures à ce qui est observé sur le territoire européen de la France. » Et de citer le rapport de l’inspection générale de la justice (IGJ) de 2022, qui souligne que, par leur ampleur et leur spécificité, les enjeux ultramarins nécessitent de bâtir un plan stratégique d’actions tantôt communes, tantôt propres à chaque territoire.
    En cohérence avec les recommandations issues des états généraux de la justice, nous souhaitons que soit entrepris un véritable travail d’adaptation par le dépôt d’un projet de loi par territoire ultramarin. Certains de nos amendements ont été retoqués au prétexte qu’ils auraient créé des charges nouvelles, alors même que le présent projet de loi de programmation prévoit la mobilisation de moyens supplémentaires !
    Pour toutes ces raisons, nous demandons un rapport afin que ce projet de loi soit adapté au mieux, territoire par territoire.

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 137, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement en discussion ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous souhaitez remplacer les mesures de coordination visant à étendre l’application de certaines dispositions du texte dans les territoires d’outre-mer par une demande de rapport, constituant une base de réflexion sur les adaptations nécessaires. Or la coordination d’un certain nombre de dispositions est indispensable et doit être immédiate pour que les procédures suivent leur cours, y compris en outre-mer. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas adapter certains dispositifs, j’en conviens avec vous, et nous allons d’ailleurs le faire tout à l’heure pour les cours criminelles.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le ministère de la justice porte une grande attention aux réalités des territoires ultramarins – je pense que vous le savez, puisque nous avons eu l’occasion de nous rencontrer en Guyane et de travailler ensemble. Le ministère a ainsi permis d’améliorer un certain nombre de choses par un apport de magistrats et de greffiers, le ministre de l’intérieur procurant pour sa part des forces de sécurité supplémentaires, et Gabriel Attal, le ministre délégué chargé des comptes publics, des douaniers supplémentaires ; l’aéroport a été mieux équipé. Grâce à tout cela, nous avons obtenu des résultats qui ne sont pas anecdotiques.
    Dans le prolongement du rapport de l’inspection générale de la justice que vous évoquez, un plan d’action concret au service de l’outre-mer est conduit par le ministère ; un délégué dédié à l’outre-mer et rattaché directement à ma secrétaire générale a été nommé au mois d’avril ; des coordonnateurs de l’action du secrétariat général ont été nommés dans l’océan Indien et en Guyane, un autre arrive en septembre dans les Antilles, et c’est à chaque fois pour apporter des réponses concrètes aux problèmes rencontrés dans ces territoires et pour venir en soutien des services locaux. Comme vous l’indiquez, il s’agit d’actions tantôt communes, tantôt propres à chaque territoire.
    Plus que la rédaction d’un nouveau rapport ou de textes de loi déjà en nombre suffisant en la matière aujourd’hui, l’outre-mer a besoin d’actions concrètes. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à votre amendement.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 656 et 1410, ainsi que les amendements identiques nos 680 et 720 et sur l’article 27, je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Je crois qu’on touche ici à l’un des problèmes de ce texte de loi : il n’est pas adapté aux réalités territoriales. Notre collègue a raison de rappeler que la situation de la Guyane n’est pas la même que celle de l’Hexagone – je pense pour ce qui me concerne au Territoire de Belfort. Notre collègue Mansour Kamardine, député de Mayotte, nous a régulièrement alertés sur la situation particulière de l’île, une situation compliquée et loin de ressembler à celle de l’Hexagone – fort heureusement d’ailleurs pour ce dernier. Si la loi de la République est évidemment la même sur l’ensemble du territoire français, en métropole comme dans les départements et territoires d’outre-mer, elle nécessite des adaptations parce que, par exemple, la situation géographique de la Guyane comme celle de Mayotte entraîne des problèmes spécifiques : ainsi, nous n’avons pas l’équivalent des orpailleurs de Guyane ou de l’immigration des Comores dans le Territoire de Belfort. Je voulais donc appuyer ce besoin de reconnaissance des spécificités en outre-mer, comme Mansour Kamardine l’aurait fait s’il avait pu être présent ce soir.

    M. Olivier Marleix

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane

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    J’entends bien votre réponse, monsieur le ministre. Lorsque vous êtes venu en Guyane, à la suite des assises de la sécurité organisées par la collectivité territoriale, certaines actions ont été entreprises : je pense à la task force au niveau de la justice et aux renforts de gardes mobiles pour lutter contre toutes formes de criminalité, deux mesures dont on ne peut qu’espérer qu’elles se révéleront efficaces.
    Néanmoins, les moyens pérennes, structurés et adéquats pour lutter contre la criminalité organisée à l’échelle internationale – ce que justifie la proximité de certains pays – sont insuffisants. Mon collègue Castor et moi-même, qui étions encore en Guyane il y a peu, pouvons vous confirmer que la plaque tournante de cette criminalité est située dans certains États d’Amérique du Sud. Des dispositifs ont certes été prévus – je pense à celui appliqué à l’aéroport Félix Éboué pour empêcher que des mules arrivent sur le territoire hexagonal –, mais cela ne freine aucunement le trafic en Guyane. Un article publié très récemment explique bien que les difficultés pour les forces de l’ordre de parvenir à lutter efficacement s’expliquent par le fait que les moyens ne suivent pas, tant au niveau judiciaire qu’au niveau sanitaire, pour surveiller toutes les personnes se livrant à ces activités.
    Il est urgent que tout le monde comprenne bien ce qui est en train de se jouer : c’est la valeur d’un territoire et le sort de sa population, notamment de toute sa jeunesse ! Le phénomène des mules, le trafic de drogue et autres crimes sont en voie de gangrener un territoire – français, je le rappelle – situé en Amérique du Sud. Il faut prendre rapidement des dispositions particulières et drastiques ! Cela va au-delà de l’envoi de davantage de gardes mobiles : ces dispositions doivent concerner aussi les enquêtes, les moyens humains et matériels. Je rappelle que la Guyane ne dispose même pas de radar pour faire du repérage au large de ses côtes. Beaucoup de choses sont incongrues, voire tout à fait anormales ! Pourtant, elles perdurent.
    Je rappelle pour finir qu’une très grande partie de la Guyane souffre d’un énorme retard numérique et qu’une grande partie de la population guyanaise n’a pas accès à la justice ! Il est urgent de remédier à tout cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 137.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        97
            Nombre de suffrages exprimés                97
            Majorité absolue                        49
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                57

    (L’amendement no 137 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 897, 899, 896, 901, 900, 902 et 898 de M. Jean Terlier, rapporteur, sont rédactionnels ou de coordination.

    (Les amendements nos 897, 899, 896, 901, 900, 902 et 898, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 656.

    M. Pierrick Berteloot

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    Il vise à maintenir l’accès à la formation d’avocat dès le niveau bac + 4, correspondant au niveau de master 1. En effet, la réforme proposée pénaliserait 10 % des étudiants, parfois plus brillants que ceux qui accèdent à la formation à l’issue d’un master 2.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 656.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        81
            Nombre de suffrages exprimés                77
            Majorité absolue                        39
                    Pour l’adoption                20
                    Contre                57

    (L’amendement no 656 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1410 de M. Aurélien Taché est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1410.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        88
            Nombre de suffrages exprimés                71
            Majorité absolue                        36
                    Pour l’adoption                9
                    Contre                62

    (L’amendement no 1410 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 680 et 720, qui font l’objet de trois sous-amendements, nos 1460, 1496 et 1461.
    L’amendement no 680 de M. Stéphane Lenormand est défendu.
    La parole est à M. Guillaume Vuilletet, pour soutenir l’amendement no 720.

    M. Guillaume Vuilletet

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    Je défends le présent amendement au nom de notre collègue Mikaele Seo, député de Wallis-et-Futuna, un territoire excentré de 15 000 habitants situé au milieu du Pacifique.
    L’article 27 modifie l’article 804 du code de procédure pénale, relatif à l’application des dispositions de ce code en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, et en Polynésie française. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a prévu la généralisation de la cour criminelle départementale sur l’ensemble du territoire national à compter du 1er janvier 2023. Composée de cinq magistrats professionnels – et non de jurés –, cette cour est compétente pour juger en premier ressort les crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle. L’objectif de cette réforme est de juger plus rapidement ces crimes et de limiter leur correctionnalisation, en ne prévoyant pas l’intervention de la cour d’assises.
    Le département de Mayotte a été exclu de la généralisation des cours criminelles départementales ; l’amendement consiste à en exclure aussi Wallis-et-Futuna, du fait de l’exiguïté du territoire, du faible nombre d’affaires concernées et du peu de magistrats disponibles. Nous proposons de maintenir le système actuel et de modifier à cet effet l’article 804 du code de procédure pénale.

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1177 et sur l’article 28, je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le sous-amendement no 1460.

    Mme Elsa Faucillon

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    Il a été déposé par ma collègue Mereana Reid Arbelot, députée de Polynésie française, qui souhaite que celle-ci bénéficie de la même exception vis-à-vis de l’obligation de créer une cour criminelle départementale. En effet, les remarques mises en avant dans l’exposé sommaire de l’amendement no 720 s’appliquent aussi à ce territoire. Les dispositions relatives à la généralisation de la cour criminelle départementale se heurtent aux spécificités du ressort de la cour d’appel de Papeete, qu’elles exposent à des difficultés de fonctionnement.
    J’en profite pour dire au rapporteur Balanant, qui nous avait indiqué que nous pourrions sous-amender l’amendement no 680 pour revenir sur la question des cours criminelles départementales et des jurys populaires, que nous avons suivi ce conseil : nos collaborateurs ont essayé de le faire, mais nos sous-amendements ont été jugés irrecevables,…

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Ce n’est pas ma faute !

    Mme Elsa Faucillon

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    …au nom non pas de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution, mais de l’article 98 du règlement de l’Assemblée nationale, qui dispose que les sous-amendements ne peuvent contredire le sens de l’amendement. Je remercie donc M. le rapporteur pour son conseil judicieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Le sous-amendement no 1496 de M. Jean Terlier, rapporteur, est rédactionnel.
    Le sous-amendement no 1461 de Mme Mereana Reid Arbelot est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur les amendements et les sous-amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nous abordons la question des cours criminelles départementales. Il est vrai, chers collègues, que vous aviez déposé des amendements qui, par…

    Mme Sandra Regol

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    Par erreur !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …par erreur, ou plutôt parce qu’un amendement de coordination les a fait tomber, n’ont pas pu être discutés.

    Mme Sandra Regol

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    Normalement, une erreur, ça se répare !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Croyez que nous en sommes les premiers déçus, car nous aurions aimé en débattre ; pourquoi ne pas le faire maintenant ? Je profite de la présence de notre collègue Stéphane Mazars qui, sous le précédent mandat, avait cosigné un excellent rapport avec Antoine Savignat. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Ian Boucard

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    Excellent Antoine Savignat !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Il est important de saluer ces collègues qui ont effectué un travail important. Étant tous deux avocats, ils n’étaient a priori pas très favorables aux cours criminelles départementales ; cependant, le contact avec le terrain et les consultations qu’ils ont menées les ont convaincus de leur impact positif. En effet, elles limitent la correctionnalisation des crimes, notamment des viols,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …mais elles réduisent également les délais d’indemnisation des victimes et, par ricochet, la durée de la détention provisoire.
    Les études dont nous disposons montrent que les cours criminelles départementales fonctionnent, mais nous ne voulons pas nous montrer obtus face à vos propositions. Vous ne souhaitez pas la création de ces cours dans les territoires de Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, compte tenu du faible nombre d’affaires et de la rareté des correctionnalisations ; pour faire bonne justice, il faut en effet prendre acte de ces réalités. Le nombre de magistrats sur place étant limité, la création de ces cours y serait d’ailleurs, au contraire, source de complexité.
    J’émettrai donc un avis favorable aux amendements nos 680 et 720, sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 1496, et un avis défavorable aux sous-amendements nos 1460 et 1461, qui visent à étendre l’exception à la Polynésie française.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je suis favorable à l’amendement no 680 de M. Stéphane Lenormand, qui tend à exclure Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna de l’obligation de créer une cour criminelle départementale. Compte tenu du faible nombre d’affaires et de la rareté des correctionnalisations, la cour criminelle départementale n’y présente aucune utilité.
    En revanche, je suis défavorable aux sous-amendements nos 1460 et 1461, qui consisteraient à ajouter la Polynésie française à la liste des exceptions. Ce territoire ne présente pas du tout les mêmes problématiques que Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon.
    J’étais également défavorable au sous-amendement no 1511 de Mme Elsa Faucillon – déclaré irrecevable –, qui proposait de supprimer les cours criminelles départementales. Ces cours, ne vous en déplaise, fonctionnent. Le rapporteur a rappelé que Stéphane Mazars et Antoine Savignat, tous deux avocats et appartenant respectivement à la majorité et au groupe Les Républicains, ne sont pas allés sur le terrain avec un a priori très favorable. Ils ont pourtant constaté que cela marchait. Ces cours évitent les correctionnalisations, dont les victimes ne veulent pas ; le taux d’appel y est loin d’être supérieur à celui des cours classiques. Je rappelle d’ailleurs qu’en cas d’appel d’une décision rendue par une cour criminelle départementale, on se retrouve devant la cour d’assises classique. Les débats, dans les cours criminelles départementales, sont plus apaisés et les audiences beaucoup plus rapides qu’ailleurs.
    Le procès qui est fait aux magistrats professionnels est un faux procès : le « V13 », par exemple – le procès des attentats du 13 novembre 2015 –, qui est une grande réussite, est à mettre à leur crédit. Ce sont des magistrats professionnels qui ont jugé cette affaire dans le cadre d’un procès qui a duré plusieurs mois et qui a honoré notre justice.
    Cette institution, madame Faucillon, fonctionne très bien ; il n’y a donc aucune raison de la supprimer.
    Enfin, je suis favorable au sous-amendement rédactionnel no 1496 du rapporteur Terlier.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Madame Faucillon, madame Regol, j’aimerais qu’on remette les choses dans leur contexte et surtout qu’on soit juste.
    Du fait de la procédure législative et du règlement de l’Assemblée, trois de vos amendements portant sur les cours criminelles départementales sont tombés à la suite de l’adoption d’un amendement de coordination, qui harmonisait la rédaction du présent texte avec celle du projet de loi organique – il nous a été proposé, comme cela arrive souvent, par la direction de la séance. Vous n’avez pas vu que son adoption allait faire tomber vos amendements ; moi non plus, je l’admets. En effet, vos propositions arrivaient trente ou quarante amendements plus loin. Cela arrive, mais nous n’en avons pas l’habitude et nous avons été surpris.
    J’ai tout de suite fait preuve de diligence à votre égard en essayant de trouver des solutions. Nous ne sommes pas contre le fait d’évoquer les cours criminelles. (Mme Sandra Regol proteste.) Madame Regol, écoutez-moi jusqu’au bout ! Nous avons proposé plusieurs solutions, notamment celle consistant à déposer des sous-amendements aux amendements à l’article 27. Les administrateurs étaient à votre disposition pour rédiger des sous-amendements qui auraient été corrects ; vous avez préféré le faire vous-mêmes et ne l’avez pas fait correctement – cela nous arrive à tous –, ce qui a valu à vos sous-amendements d’être jugés irrecevables au titre de l’article 98 du règlement.
    Vos sous-amendements étaient tombés tard dans la nuit, à vingt-trois heures. Le lendemain matin… (Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.) Je voudrais finir, madame la présidente : j’ai été mis en cause en tant que rapporteur.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Faites donc un rappel au règlement !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Le lendemain matin, on avait une solution à vous proposer, négociée avec la direction de la séance ; vous n’étiez pas là et ne vous en êtes pas saisis. (Les protestations se poursuivent.)

    Mme Sandra Regol et Mme Elsa Faucillon

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    C’est faux !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Je suis désolé, mais je ne pouvais pas faire mieux.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, monsieur le rapporteur Balanant.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Attendez, chers collègues…

    M. Ian Boucard

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    C’est long !

    Mme la présidente

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    Veuillez aller au but !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Je crois que j’ai été suffisamment clair, même si je n’ai pas pu aller au bout de mes explications. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI, LR et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars

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    Je n’aurai pas la prétention de juger l’organisation judiciaire des territoires ultramarins visés par les amendements, mais j’espère que la volonté de créer ces exceptions procède non pas d’une question de principe, mais d’un vrai problème de fonctionnement lié au défaut de magistrats nécessaires pour faire fonctionner les cours criminelles départementales. Nous avons pourtant essayé d’élargir au maximum le vivier de ceux qui peuvent y siéger : au-delà des magistrats professionnels, on peut faire appel aux magistrats exerçant à titre temporaire (MTT), aux magistrats honoraires et aux avocats honoraires.
    M. le garde des sceaux et M. le rapporteur Terlier l’ont rappelé, la mesure avait été prévue à titre expérimental dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et nous étions, pour certains, dubitatifs, et pour d’autres, comme Antoine Savignat qui siégeait sur les bancs du groupe Les Républicains, farouchement opposés. C’est à l’épreuve des faits, dans le cadre d’une évaluation du fonctionnement des cours criminelles départementales, que nous avons constaté qu’elles étaient bénéfiques pour le justiciable car le traitement des affaires criminelles y était plus rapide – ce que nous avons fait valoir lors du débat sur la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
    En effet, derrière l’institution, il y a des victimes qui attendent des réparations et parfois des personnes mises en examen en détention provisoire. La cour criminelle départementale permet en outre d’éviter la correctionnalisation des crimes, notamment des viols, qui échappaient par ce biais à la juridiction criminelle. La justice y est rendue dans d’excellentes conditions puisque ce sont les présidents de cour d’assises qui y siègent – disposition inscrite dans le marbre de la loi. On y préserve également le principe d’oralité des débats.
    J’espère qu’il ne s’agit pas pour vous d’une question de principe, mais d’une question de moyens. Le justiciable, ultramarin ou métropolitain, a intérêt à l’existence de la cour criminelle départementale.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Pour un sujet que vous refusez d’aborder, nous passons tout de même beaucoup de temps à discuter des cours criminelles départementales, faute de pouvoir véritablement les traiter. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, chers collègues. Nous sommes dans un cas où des amendements ont été déposés sur des sujets, à la fois locaux et globaux, qu’il nous faut discuter. Or, quel que soit le moyen par lequel nous abordons ces sujets – par voie d’amendements et de négociations jusque tard dans la nuit, comme l’évoquait tout à l’heure un de nos collègues –, la réponse est la même : nos amendements sont refusés, balayés ; il n’y a pas de discussion possible !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Avec vous, c’est sûr !

    Mme Sandra Regol

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    Si j’avais mauvais esprit, je vous dirais que négocier ne sert à rien et que la seule chose qui fonctionne, c’est d’y aller avec virulence, voire avec violence. Car il semblerait que lorsqu’on négocie calmement et qu’une erreur est commise…

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    C’est quand même incroyable !

    Mme Sandra Regol

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    Vous m’avez demandé de ne pas vous interrompre tout à l’heure, monsieur Balanant : la moindre des choses est de respecter soi-même ce que l’on demande à ses collègues !

    M. Antoine Léaument

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    Bien dit !

    Mme Sandra Regol

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    Lorsqu’une erreur est commise, disais-je, et que tout le monde s’accorde à la reconnaître, la solution est simple : on la répare !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Mais ce n’est pas nous qui avons commis cette erreur !

    Mme Sandra Regol

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    La justice va-t-elle se défausser et dire à des plaignants français que c’est à eux de gérer la situation ? Bien sûr que non ! J’insiste, quand une erreur est commise, on la répare collectivement, ou alors nous sommes dans le mensonge. Pour votre part, vous refusez cette réponse collective !
    Je le répète, une erreur a été faite ; nous avons évoqué toutes les solutions possibles, dans le calme, et nous nous sommes efforcés de négocier avec vous.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous n’êtes même pas capables de suivre la procédure !

    Mme Sandra Regol

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    Or, plusieurs jours après, elle n’a pas été réparée – aucune solution réelle n’a été posée sur la table ! J’y vois de votre part un refus d’évoquer le problème des cours criminelles départementales.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, chère collègue.

    Mme Sandra Regol

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    Il faudrait pourtant que nous puissions en discuter, c’est la moindre des choses : nous sommes dans un hémicycle où nous votons les lois et, surtout, où nous les débattons avant de les voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (Le sous-amendement no 1460 n’est pas adopté.)

    (Le sous-amendement no 1496 est adopté.)

    (Le sous-amendement no 1461 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 680 et 720, sous-amendés.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        95
            Nombre de suffrages exprimés                78
            Majorité absolue                        40
                    Pour l’adoption                78
                    Contre                0

    (Les amendements identiques nos 680 et 720, sous-amendés, sont adoptés à l’unanimité.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 27.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        95
            Nombre de suffrages exprimés                78
            Majorité absolue                        40
                    Pour l’adoption                77
                    Contre                1

    (L’article 27, amendé, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, à quinze heures :
    Questions au Gouvernement ;
    Suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
    La séance est levée.

    (La séance est levée, le mardi 11 juillet 2023, à zéro heure cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra