XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Deuxième séance du mardi 14 mai 2024

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 14 mai 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Hommage aux agents de l’administration pénitentiaire tués dans l’Eure

    Mme la présidente

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    Ce matin, vers onze heures, au péage d’Incarville, dans l’Eure, près de Rouen, un convoi pénitentiaire a été victime d’une embuscade. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.) Attaqués par une voiture-bélier, les fourgons ont essuyé des tirs à l’arme lourde, qui ont coûté la vie à deux agents de l’administration pénitentiaire. L’un d’eux laisse une femme et deux enfants, l’autre une femme enceinte de cinq mois. Trois autres agents, grièvement blessés, sont actuellement hospitalisés. En notre nom à tous, j’adresse notre soutien à tous les agents de l’administration pénitentiaire endeuillés par la mort de leurs collègues, ainsi qu’aux familles de ces derniers.

    Les auteurs de cette attaque criminelle ne doivent pas rester impunis et je sais que tout est mis en œuvre pour les retrouver. Je salue l’action des forces de l’ordre, leur courage et leur réactivité. L’Assemblée nationale se tiendra toujours aux côtés de ceux qui servent la République et protègent nos concitoyens. C’est pourquoi, en mémoire des fonctionnaires assassinés dans l’exercice de leur mission et en solidarité avec leurs familles et leurs collègues, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)
    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Ce matin, dans l’Eure, deux agents de l’administration pénitentiaire sont morts en accomplissant leur devoir et trois autres ont été grièvement blessés. Ce matin, dans l’Eure, la République a été attaquée, l’ordre républicain a été pris pour cible, notre justice et le refus de l’impunité ont été frappés. À mon tour, au nom du Gouvernement, en notre nom à tous, de rendre hommage aux victimes. Notre peine est celle du pays tout entier, choqué par cette attaque d’une violence inouïe, par la brutalité et la lâcheté de ses auteurs.
    Notre pays est reconnaissant aux agents de l’administration pénitentiaire de leur engagement quotidien et ne reculera jamais devant les violences et les attaques. Il se tient uni, solidaire, derrière toutes celles et ceux qui se battent pour faire respecter le droit, la loi et la justice. Notre pays est déterminé à ce que la justice soit rendue.
    Mes pensées vont aux familles et aux proches des victimes. Je leur dis notre solidarité et notre soutien. Je pense à tous les agents de l’administration pénitentiaire qui escortent des détenus au quotidien, qui accomplissent chaque jour leur devoir dans les établissements, sur les routes, qui se disent que cela aurait pu être eux et dont la douleur est immense. Les Français savent ce que ces fonctionnaires accomplissent au quotidien. Nous serons à leurs côtés chaque jour pour veiller sur leur sécurité et pour que l’autorité soit respectée, pour que force aille toujours à la loi.
    Le ministre de la justice a convoqué ce matin une cellule de crise et s’est rendu auprès des collègues des victimes. La juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée s’est saisie de l’affaire. Tout sera mis en œuvre pour retrouver les auteurs de ce crime abject. Le plan Épervier a été déclenché. Nous n’économiserons ni les efforts ni les moyens. Nous les traquerons, nous les trouverons et, je vous le dis, ils paieront. Nous le devons aux victimes, à leurs familles et à leurs proches, à tous les membres de l’administration pénitentiaire. Nous le devons aux Français. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

    2. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Desserte aérienne de Mayotte

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Monsieur le Premier ministre, l’épidémie de choléra tue et progresse à Mayotte. L’île possède seulement cinq urgentistes pour une population réelle de 500 000 habitants : nous devrons survivre au refus de votre gouvernement de vacciner la population volontaire et de distribuer de l’eau en bouteille alors que les robinets sont à sec. C’est un scandale sanitaire et de la non-assistance à population en danger. Cette épidémie illustre le naufrage de l’État à Mayotte, mais nous, Mahoraises et Mahorais, sommes debout. Nous nous battons, nous sommes vigilants et nous voulons un avenir. Or celui-ci passe par la desserte aérienne de notre île et par la piste longue.
    Le ministre délégué chargé des transports a déclaré, en petit comité, que notre volcan sous-marin excluait la possibilité de construire la piste longue en Petite-Terre en raison d’un risque de submersion et de tsunami. Des risques naturels majeurs et imprévisibles, ainsi que les travaux, priveraient Mayotte de tout aéroport pendant dix-huit mois. Mayotte prend acte de vos arguments, mais quelle mise à l’abri prévoyez-vous pour la population de Petite-Terre, manifestement en danger ? L’État choisit Bouyouni en Grande-Terre pour construire un nouvel aéroport près du port de Longoni. Ce choix ouvre des perspectives économiques inédites et positionne Mayotte comme plateforme logistique du canal du Mozambique.
    Prévoyez-vous d’inscrire le budget du nouvel aéroport dans le futur projet de loi sur Mayotte ? À quelle date le premier coup de pioche sera-t-il donné ? L’État nous dit que l’aéroport actuel sera inutilisable dès 2035, c’est-à-dire demain. Pas le temps de louvoyer pour laisser le dossier au prochain locataire de l’Élysée, comme c’est l’habitude depuis quarante ans ! Les Mahorais n’utiliseront jamais l’aéroport des Comores en attendant que Paris se décide à construire un aéroport pour désenclaver notre département. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Jean-Charles Larsonneur applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

    M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports

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    Je partage votre constat selon lequel la desserte aérienne de Mayotte est un enjeu majeur et garantit la continuité territoriale de l’archipel.

    M. Pierre Cordier

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    Agis, alors !

    M. Patrice Vergriete, ministre délégué

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    C’est la raison pour laquelle, depuis l’engagement du Président de la République en 2019, le Gouvernement travaille d’arrache-pied pour renforcer la desserte aérienne de l’île…

    M. Pierre Cordier

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    Ça fait cinq ans !

    M. Patrice Vergriete, ministre délégué

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    …et améliorer l’infrastructure. Les premières études, que j’ai présentées la semaine dernière aux élus – vous étiez présente, madame Youssouffa – avec Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer, montrent, vous l’avez dit, que l’aéroport actuel est exposé à un risque géologique majeur, lié à la présence d’un volcan sous-marin, dont personne ne pouvait anticiper les répercussions. Cette constatation, indépendante de toute volonté politique, exclut la construction d’une piste longue au sein de l’actuel aéroport pour améliorer la desserte de l’île. La construction d’un nouvel aéroport dans un site alternatif plus sûr est l’option la plus crédible, mais nécessite des études complémentaires.
    Il ne s’agit donc ni d’un recul ni d’un renoncement, mais d’un projet nouveau, réorienté, que nous devons élaborer ensemble, en toute transparence, pour doter les Mahorais d’une infrastructure à la hauteur des enjeux. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que les conclusions des premières études soient rendues publiques la semaine dernière. Une fois l’ensemble des études achevées, à la rentrée, nous les présenterons ensemble aux Mahorais et nous tiendrons notre engagement de lancer le projet de construction d’un nouvel aéroport sur un site plus sûr.

    Situation en Nouvelle-Calédonie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Monsieur le Premier ministre, en Kanaky Nouvelle-Calédonie, la situation était prévisible et vous ne l’avez pas empêchée. Trente ans après l’entente entre deux hommes pour une paix entre deux camps, le dialogue est rompu. L’État médiateur est devenu juge et partie alors que la situation appelle, de la part du Gouvernement, de la sagesse, de la tempérance, de la lucidité. Poursuivre l’examen du projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral, c’est choisir l’embrasement. L’apaisement ne reviendra pas grâce à l’envoi d’escadrons de gendarmerie supplémentaires, ni grâce à une surenchère de paroles et de polémiques dans l’hémicycle.
    L’apaisement ne peut passer que par le retrait du projet de loi constitutionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – M. Benjamin Saint-Huile applaudit aussi) et par l’envoi, sur place, d’un groupe de contact pour organiser le retour au dialogue. C’est la seule voie pour obtenir un accord global dans l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa. Il ne peut en être autrement. Vous devez garder à l’esprit que la paix s’est construite, avant vous, grâce à un consensus, à des compromis, à des sacrifices. Ne vous inscrivez pas dans un processus de colonisation qui consiste à mettre en minorité un peuple sur sa propre terre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
    Je vous en conjure, soyez à la hauteur de ce moment historique ! Le Président de la République lui-même a ouvert une possibilité de négociation en repoussant la convocation du Congrès à Versailles. Comme nous, comme le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, trois anciens Premiers ministres vous exhortent à sortir de l’impasse. Nous vous appelons solennellement à reprendre le dossier en main, à retirer le texte et à rétablir le dialogue pour un accord global. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – Mme Francesca Pasquini et M. Benjamin Saint-Huile applaudissent aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Avant toute chose, je veux rendre hommage aux policiers et aux gendarmes qui ont fait face ces dernières heures à des violences d’une intensité rare en Nouvelle-Calédonie, à leur professionnalisme et à leur sang-froid face à des incendies, à des pillages, à des tirs qui les visaient. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)
    Selon un premier bilan, cinquante-quatre d’entre eux ont été blessés. Leur engagement pour permettre le maintien de l’ordre et protéger la vie humaine force le respect. En Nouvelle-Calédonie, on connaît le lourd tribut de la violence, on sait qu’elle ne résout rien, qu’elle ne mène à rien. Je répète ce que j’ai clairement affirmé ce matin : les violences ne sont ni justifiables ni tolérables. La violence n’a jamais forcé la main de personne, elle n’a jamais permis le dialogue. Or c’est par le dialogue, et par le dialogue seulement, que nous trouverons une solution politique globale pour la Nouvelle-Calédonie.
    Le retour au calme est notre priorité. Ainsi que l’a indiqué le ministre de l’intérieur, quatre escadrons de gendarmerie supplémentaires arriveront dans les prochaines heures sur place et le haut-commissaire de la République a décidé d’un couvre-feu pour la nuit.
    La question qui m’est posée porte sur l’examen en cours à l’Assemblée du projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral pour les élections en Nouvelle-Calédonie. Des personnes qui sont nées en Nouvelle-Calédonie ou qui y résident depuis de nombreuses années, qui y ont leur vie personnelle et leurs activités professionnelles, qui y payent des impôts sont privées du droit de vote aux élections provinciales, c’est-à-dire à un scrutin local. Le dégel du corps électoral est donc un enjeu démocratique incontournable et demandé par le Conseil d’État. Il s’agit de permettre la tenue des prochaines élections provinciales et d’assurer la représentativité des élus, sans remettre en cause les équilibres fondamentaux de l’accord de Nouméa.
    Au-delà, notre unique volonté est de trouver, avec les indépendantistes et avec les non-indépendantistes, un accord politique global et le plus large possible qui permette d’aller de l’avant et d’écrire le futur de la Nouvelle-Calédonie. J’y insiste : cet accord passera par le dialogue avec toutes les parties prenantes. C’est pourquoi notre main est toujours tendue. C’est pourquoi le Président de la République, vous l’avez rappelé, a proposé d’ouvrir de nouvelles discussions entre les responsables politiques calédoniens et le Gouvernement. C’est pourquoi le Congrès ne sera pas convoqué immédiatement à l’issue des débats à l’Assemblée nationale.

    M. Marc Le Fur

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    Il y a un vote, d’abord !

    M. Jean-Victor Castor

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    Retirez le texte !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Dans l’intervalle, j’invite les responsables politiques calédoniens à saisir cette main tendue et à venir discuter à Paris dans les prochaines semaines.

    M. Olivier Marleix

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    Quelle reculade !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    L’important, c’est l’apaisement. L’important, c’est le dialogue. L’important, c’est la construction d’une solution politique commune et globale. L’important, c’est de trouver les moyens de faire respecter le choix souverain de la Nouvelle-Calédonie de rester dans la République et de définir le bon équilibre pour l’avenir du Caillou et de la jeunesse calédonienne, tout en respectant le droit à l’autodétermination. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous êtes responsable de la situation !

    M. Fabien Roussel

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    La violence, c’est vous !

    Situation en Nouvelle-Calédonie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Deux surveillants pénitentiaires ont été assassinés dans l’exercice de leur métier et un troisième est grièvement blessé. Le groupe Socialistes exprime sa profonde solidarité envers les familles endeuillées et les agents pénitentiaire, trop souvent déconsidérés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur de nombreux autres bancs.)
    La Nouvelle-Calédonie a connu une nouvelle nuit de violences. La gravité de ce qui s’y passe nous inquiète profondément. La représentation nationale doit faire preuve de la plus grande retenue et d’un sens aigu des responsabilités. Le groupe Socialistes condamne fermement toutes les violences et exactions. Il adresse sa solidarité aux victimes comme aux fonctionnaires blessés. Nous appelons solennellement au retour au calme et à la reprise du dialogue.
    Car chaque minute qui passe nous éloigne de ce qui a fait la force depuis trente-cinq ans d’un processus partagé de décolonisation, incarné par des gouvernements successifs : celui de Michel Rocard pour les accords de Matignon, celui de Lionel Jospin pour l’accord de Nouméa et, dernièrement, celui d’Édouard Philippe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit aussi.) Leur méthode était celle du dialogue et des consensus. Là est la solution pour un retour au calme.
    Monsieur le Premier ministre, nous vous le demandons une nouvelle fois : suspendez l’examen de cette réforme constitutionnelle, car dire que le Congrès ne sera pas convoqué dans les prochaines semaines ne peut être la seule solution (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES) ; renouez les fils du dialogue ; ressaisissez Matignon de son rôle historique, de votre rôle : être un acteur impartial du compromis !
    L’accord de Nouméa arrive à son terme. La responsabilité d’obtenir un accord global est désormais entre vos mains. Faites un geste, donnez un calendrier clair, renouez avec la construction d’un destin commun ! Il y va de la paix civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. André Chassaigne applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Depuis hier, l’Assemblée étudie un projet de loi constitutionnelle qui a été adopté par le Sénat et qui fait suite au vote par les deux chambres de la loi organique reportant les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. Ces élections locales, initialement prévues pour le mois de mai, auront lieu au plus tôt le 15 décembre prochain, voire plus tard si nous devions trouver un accord.
    Le projet de loi prévoit le dégel du corps électoral pour les élections provinciales, lequel constitue une nécessité démocratique et juridique. (M. Arthur Delaporte fait un geste de dénégation.) En effet, le Conseil d’État nous a explicitement alerté sur le fait que ces élections courraient un grand risque d’annulation si nous les convoquions, sur la base d’un corps électoral restreint, aux personnes nées ou arrivées en Nouvelle-Calédonie avant 1998. Cela intervient à un moment où les provinces ont un poids particulier puisque c’est le gouvernement autonome qui gère les questions économiques, marquées par la grave crise actuelle du nickel.
    Par ailleurs, depuis trois ans, le Gouvernement ne cesse de tendre la main à l’ensemble des acteurs. Il a multiplié les réunions pour tenter de trouver un accord global, ce qui malheureusement n’a pu être le cas jusqu’à présent.
    J’espère que, plus tard dans la journée, nous aurons l’occasion de discuter de l’article 2 du projet de loi constitutionnelle, que vous n’évoquez jamais. Il prévoit que, si un accord global incluant les modalités de l’autodétermination était trouvé, les changements constitutionnels découlant de la modernisation des institutions de la Nouvelle-Calédonie s’en inspireraient. En attendant, prenez vos responsabilités et rétablissons la démocratie en Nouvelle-Calédonie pour tous les Calédoniens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Je regrette que ce soit le ministre de l’intérieur qui m’ait répondu et non le Premier ministre, aux abonnés absents sur ce dossier majeur alors que, depuis trente-cinq ans, c’est le locataire de Matignon qui est l’artisan patient du dialogue. Monsieur le Premier ministre, ressaisissez-vous ! Votre responsabilité demeure essentielle. Suspendez cette réforme, car c’est elle qui a provoqué la situation que nous connaissons depuis trois jours et qui nous inquiète !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est vous qui l’entretenez !

    M. Arthur Delaporte

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    La démocratie passe aussi par le respect du consensus et d’une méthode. Un accord ne se négocie pas sous la pression.

    Situation en Nouvelle-Calédonie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Dunoyer.

    M. Philippe Dunoyer

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    Depuis deux jours, dans le Grand Nouméa, plusieurs dizaines de commerces ou d’entreprises ont été pillés ou incendiés. Plusieurs centaines de Calédoniens ont été insultés, menacés ou agressés jusque chez eux. Plus de quatre-vingts policiers et gendarmes ayant été blessés, je veux rendre hommage au courage et à l’engagement de nos forces de l’ordre. (Mmes et MM. les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, HOR et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
    Un couvre-feu a été instauré ; la vente d’alcool et le transport d’armes ont été interdits, alors qu’en Nouvelle-Calédonie, un foyer sur quatre possède plusieurs armes à feu. Toutes les autorités, indépendantistes ou non indépendantistes, ont appelé à un retour au calme, pour l’instant sans succès.
    En ces instants dramatiques qui nous renvoient à des heures sombres qu’aucun habitant du Caillou ne pensait revivre, mes pensées vont vers les Calédoniens de toutes ethnies, qui sont plongés dans l’angoisse et dans l’incertitude. Mes pensées vont aussi vers ces chefs d’entreprise et vers ces 1 000 salariés, au moins, qui ont tout perdu. Elles vont enfin vers les forces de l’ordre et les pompiers, qui font front dans un contexte très difficile.
    Mes questions sont les suivantes. La priorité est de rétablir l’ordre. Il faut à tout prix éviter que des citoyens s’exposent pour protéger leurs familles, leurs entreprises ou leurs habitations. Quand arriveront les renforts tant attendus pour mettre fin à la guérilla urbaine ? Ensuite, comment l’État peut-il soutenir ces salariés et ces entreprises qui se retrouvent dans un dénuement extrême, sans garantie d’assurance ?
    Enfin, la seule sortie possible passe par le retour du consensus et par la conclusion d’un accord global. C’est la voie vers laquelle le Président de la République nous a invités à aller en priant, le week-end dernier, tous les élus calédoniens à venir à la table des négociations. Comment comptez-vous, monsieur le Premier ministre, organiser ce dialogue, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Estelle Folest, MM. Arthur Delaporte et Jérôme Guedj applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Je veux d’abord féliciter le député Dunoyer pour la qualité de ses interventions depuis hier et pour son calme au moment où ses proches sont peut-être menacés par ceux qui essayent de terroriser les représentants de la nation. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, HOR et Dem se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Par ailleurs, je condamne tous ceux qui s’en sont pris au député Metzdorf, lui interdisant par un communiqué de presse inacceptable de revenir sur sa propre île et menaçant sa famille. De même, j’exprime mon soutien à la présidente Backès, dont le père de 80 ans a dû, la nuit dernière, être sorti d’une maison en feu par le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Mettre ainsi la pression sur des élus ne peut être considéré comme une méthode politique. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, HOR et Dem, ainsi que M. José Beaurain, se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Dès ce matin, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, des renforts sont partis vers la Nouvelle-Calédonie, soit de territoires ultramarins voisins, soit de l’Hexagone. Cet après-midi, grâce au ministre des armées, un avion sera affrété pour conduire quatre escadrons supplémentaires en Nouvelle-Calédonie et y rétablir l’ordre. Malgré les quatre-vingts interpellations effectuées, plus de soixante-dix policiers ou gendarmes ont été blessés. Des membres de familles de gendarmes ont été évacués après avoir été la cible de tirs, sans pourtant porter l’uniforme de la République par ailleurs scandaleusement outragé.
    Quatre-vingts chefs d’entreprise ont vu leur outil de production brûlé ou détruit. Le Premier ministre m’a demandé de travailler avec les ministères des outre-mer et de l’économie et des finances à leur accompagnement. Même s’il s’agit d’une compétence locale, l’État français, comme toujours, sera au rendez-vous.
    Enfin, nous souhaitons le consensus. Après le vote du texte en débat, dès ce soir j’espère, le Président de la République et le Premier ministre écriront à toutes les parties calédoniennes pour les inviter à Paris afin de discuter, avec le chef du Gouvernement et moi-même, d’un accord global pacifique qui, j’en suis sûr, fera honneur à la France et à la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Estelle Folest applaudit également.)

    Situation en Nouvelle-Calédonie

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Depuis dimanche, la Nouvelle-Calédonie s’embrase : incendies, barrages, tirs à balles réelles contre des gendarmes ou encore formation de milices cagoulées et armées qui laissent craindre une spirale de la violence irréversible. Nous saluons l’appel du gouvernement calédonien à la raison et au retour du dialogue.
    La paix civile perdure depuis des décennies grâce aux accords de Matignon-Oudinot puis grâce à celui de Nouméa. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Cette paix est précieuse et fragile. Car c’est sur les vieilles cicatrices que s’ouvrent de nouvelles blessures. Les violences actuelles nous ramènent quarante ans en arrière. Personne ne veut revivre ce qui était pudiquement appelé « les événements » mais qui était en fait une guerre civile.
    L’esprit de la poignée de main entre Tjibaou et Lafleur doit être préservé. (Mêmes mouvements.) Depuis qu’Édouard Philippe ne gère plus le dossier, les mauvaises décisions s’accumulent : maintien coûte que coûte du troisième référendum en plein deuil coutumier kanak, ce qui en a délégitimé le résultat et a discrédité la parole de l’État ; relégation du dossier du Premier ministre au ministre des outre-mer puis de l’intérieur ; dépôt unilatéral d’un projet de loi constitutionnelle.
    Désormais, c’est à vous, monsieur le Premier ministre, qu’en incombe la responsabilité. Il existe un fait colonial indéniable en Nouvelle-Calédonie. L’existence de deux peuples a été actée dès 1988 par le vote du peuple français au référendum. Or, dans une situation coloniale, la répression mène toujours à plus de répression.
    Rien n’était imprévisible, mais le pire peut encore être évité. Demain, la Nouvelle-Calédonie ne doit pas, après un vote passé en force, se réveiller à feu et à sang. Personne ne veut de morts en Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Avec ce projet de loi, l’esprit des accords de Nouméa est piétiné. Quelle qu’en soit la forme, la voie de l’émancipation de la Nouvelle-Calédonie est irréversible. Monsieur le Premier ministre, préservez la paix civile, retirez ce projet de loi constitutionnelle, envoyez une mission de dialogue sur le territoire afin d’aboutir, comme en 1988, comme en 1998, à un accord global consensuel pour construire un destin commun aux citoyens calédoniens ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Constater les violences, comme vous l’avez fait, c’est bien ; les dénoncer, c’est mieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Vous êtes les incendiaires !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Pas un mot pour dénoncer les violences et les agressions ! Pas un mot – contrairement à tous les orateurs précédents – pour soutenir les forces de l’ordre mobilisées sur le terrain, qui interviennent avec courage. À vous écouter, à observer certains comportements et certaines prises de position, on se demande si c’est véritablement l’apaisement que vous recherchez en Nouvelle-Calédonie. (Mêmes mouvements.)

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Ce n’est pas possible…

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    J’ai eu l’occasion de le dire : je crois profondément que c’est le dialogue qui nous permettra d’apaiser la situation. Ce dialogue, nous en créons les conditions et nous le pratiquons depuis le début, par la voix du ministre de l’intérieur et des outre-mer. Notre main est toujours tendue pour le mener. C’est notre souhait pour trouver une solution politique globale : non une solution qui conviendrait seulement à certains, mais une solution pour toutes et pour tous.

    Mme Mathilde Panot

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    Retirez le projet de loi !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    C’est pourquoi le Président de la République a annoncé qu’il invitait l’ensemble des acteurs et des parties prenantes à une rencontre. C’est pourquoi le Congrès ne sera pas réuni immédiatement après l’examen du texte, qui doit aller à son terme. C’est pourquoi nous proposons aux dirigeants calédoniens de les réunir pour discuter et bâtir ensemble l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous faisons le choix du dialogue et nous le ferons toujours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Mathilde Panot

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    Vous avez allumé un incendie que vous ne saurez pas éteindre !

    Politique énergétique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Avant toute chose, au nom du groupe Démocrate, je veux témoigner de notre soutien aux familles et aux collègues des agents pénitentiaires lâchement assassinés ce matin. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.) Nous partageons leur peine.
    Monsieur le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, hier, à l’occasion du sommet Choose France, 15 milliards d’euros d’investissements étrangers en France ont été annoncés, avec à la clé des milliers d’emplois dans nos territoires. Cela conforte la place de la France comme pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs étrangers, pour la cinquième année consécutive. Nous pouvons tous nous en réjouir. Loin des discours défaitistes que l’on entend trop sur ces bancs, notre pays regorge de ressources pour expliquer ce succès. L’une d’elles, peut-être la principale, est l’accès à une énergie nucléaire fiable, pilotable, abordable et décarbonée. Le nucléaire est un enjeu majeur de notre souveraineté, nationale comme européenne.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est pour ça que vous avez voulu fermer quatorze réacteurs ?

    M. Bruno Millienne

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    J’insiste sur ce point. Alors que l’extrême droite ne cesse de changer d’avis sur le sujet – nous l’avons encore vu récemment (Protestations sur les bancs du groupe RN) –, la gauche se perd dans des circonvolutions électoralistes, ne sachant plus si elle doit se raccrocher à la raison ou à l’opposition dogmatique de ses composantes les plus extrêmes. Je veux le dire à ceux qui nous regardent : le bulletin que vous mettrez dans l’urne le 9 juin, c’est aussi un bulletin pour ou contre le nucléaire, pour ou contre notre indépendance énergétique, pour ou contre la soumission au gaz russe – c’est important de le rappeler.
    Notre majorité met tout en œuvre pour renforcer cette filière d’excellence française, en cohérence avec l’indispensable développement des énergies renouvelables, deuxième jambe de notre stratégie énergétique pour la sortie du carbone. Les textes majeurs adoptés depuis le début de cette législature en sont une preuve irréfutable.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est Pinocchio ou Tartuffe qui parle ?

    M. Bruno Millienne

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    Le démarrage du réacteur de type EPR de Flamanville est une nouvelle étape qui en appelle de nombreuses autres. C’est sur ces prochaines étapes que je veux vous interroger, monsieur le ministre délégué. Des engagements forts ont été pris ; je souhaiterais que vous indiquiez à la représentation nationale quels moyens sont engagés pour les tenir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Merci pour votre question et, surtout, pour votre engagement sans faille en faveur de cette grande cause nationale, celle de la souveraineté énergétique décarbonée.

    Mme Julie Laernoes

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    Avec l’uranium russe ! C’est ça, la souveraineté ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Cette souveraineté, le Président de la République l’a dit dès son discours de Belfort début 2022, reposera très largement sur la relance du nucléaire. Cette relance se matérialise par le déplacement du Président de la République qui ira saluer le chargement de combustible pour l’EPR de Flamanville. La mise en service de ce réacteur, que nous attendons depuis longtemps, peut-être trop longtemps – dix-sept ans au total –, sonnera la relance du nucléaire qui sera synonyme d’autant d’investissements à venir.
    Six EPR 2 ont été annoncés ; leur dessin et leur fonctionnement étant plus simples, ils seront sans doute efficaces et opérationnels plus vite. Leur construction permettra d’augmenter substantiellement la capacité de la France à produire de l’électricité décarbonée.

    M. Laurent Jacobelli

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    On n’en croit pas un mot : vous disiez l’inverse il y a dix ans !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Quand on interroge un investisseur international qui souhaite investir en Europe, on constate qu’il choisit la France parce qu’elle lui garantit de l’électricité décarbonée et bon marché. (Rumeurs sur les bancs du groupe RN.) Si nous souhaitons relancer la politique industrielle française et faire de la France le point d’entrée privilégié des investisseurs internationaux en Europe, il faut le faire par le nucléaire. Il faut investir dans les EPR, mais également dans l’ensemble de la filière : le traitement et le recyclage des déchets – nous avons annoncé le prolongement de l’usine Orano et la construction d’une nouvelle usine ; l’organisation de la filière, pour que les talents soient au rendez-vous – il faut former et recruter 150 000 jeunes dans les dix ans qui viennent. Nous nous sommes organisés, nous mettons les moyens et nous serons à ce rendez-vous stratégique pour l’énergie et pour l’industrie françaises.

    Politique industrielle

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
    « Pour les investisseurs [étrangers], conquérir la France, c’est conquérir l’Europe » : cette déclaration du ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, Roland Lescure, est si consternante que j’ai cru à une manipulation. Pourtant non, ce n’était pas un lapsus mais un aveu révélateur. Ce gouvernement est fier d’aider nos adversaires économiques à conquérir l’économie française et, ce faisant, le marché européen que vous prétendez défendre. Nous apprenons d’ailleurs aujourd’hui que M. Macron soutient, en anglais, le rachat d’une grande banque française par une concurrente européenne.

    M. Laurent Jacobelli

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    Quelle honte !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    En ces temps de guerre économique, il y a les nations qui se protègent pour mieux partir à la conquête du monde, et il y a vous, la Macronie, qui encouragez le monde à conquérir la France. En 2001, l’avoir extérieur de notre pays, à savoir la différence entre ce que les Français possèdent à l’étranger et ce que les étrangers détiennent chez nous, était de 40 milliards d’euros. Ce déficit a été multiplié par quinze et s’élève aujourd’hui à 630 milliards d’euros.

    Mme Laure Lavalette

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    Quelle honte !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    La France possède pourtant l’une des épargnes les plus abondantes du monde. Qu’avez-vous fait des 6 000 milliards d’euros pour valoriser notre économie tout en enrichissant les épargnants ? Absolument rien ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.) Conçue avec le soutien des cabinets de conseil que vous avez grassement payés avec l’argent des Français, votre communication sur l’attractivité de la France n’est qu’un énième mensonge. Que l’on compte en emplois créés ou en argent investi, la France n’a jamais été l’économie la plus attractive depuis sept ans. Pire, c’est l’Europe entière qui décroche, avec 6 % des investissements mondiaux, contre 17 % pour les États-Unis et autant pour l’Asie.
    Un investissement étranger en France n’est ni bon ni mauvais en lui-même. S’il conduit à des transferts de technologie et de savoir-faire en France, c’est un atout ; s’il revient à piller des brevets français, à voler des parts de marché ou à étouffer des filières naissantes, alors c’est de l’incompétence ou une trahison – en l’occurrence, les deux. Quand allez-vous cesser de vendre la France pour cacher votre échec ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Un grand banquier central américain avait l’habitude de dire : « Si vous avez compris quoi que ce soit à ce que j’ai dit, c’est que je me suis mal exprimé. » Vous avez dit tout et son contraire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Vous montrez une fois de plus que vous disputez des batailles d’hier et d’avant-hier, et que vous les perdez toutes, l’une après l’autre. Vous étiez contre l’Union européenne ; vous avez perdu cette bataille. Vous étiez contre l’euro ; vous avez perdu. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Vous étiez contre le marché européen de l’électricité ; vous avez également perdu.

    M. Thomas Ménagé

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    C’est vous qui avez tout perdu !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous êtes désormais contre la voiture électrique ; vous êtes en train de perdre cette bataille, et les 20 000 salariés de Dunkerque auxquels nous proposons un avenir vous en seront reconnaissants.
    Maintenant, vous perdez la bataille de l’attractivité de la France. Ce matin, monsieur Tanguy, pendant que vous rédigiez votre question, j’étais dans la banlieue de Blois, dans une entreprise qui fabrique des produits pharmaceutiques. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Parlons de la pénurie de médicaments !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    C’est un industriel italien, présent en France depuis trente ans, qui a investi dans l’entreprise plus de 160 millions d’euros et qui va créer cent emplois. Si vous étiez au pouvoir, cela n’arriverait pas car vous n’avez aucune crédibilité. Les Italiens, les Américains, les Chinois qui, aujourd’hui, choisissent la France, la quitteraient. Vous n’avez rien compris au commerce international. (Rires sur les bancs du groupe RN.)

    M. Thomas Ménagé

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    Vous, c’est le pire déficit commercial de l’histoire !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous pensez que fermer les portes suffit à régler les problèmes. Vous n’avez rien compris aux investissements internationaux. Vous ne souhaitez pas que la France réussisse. Vous êtes le parti de la défaite – et la défaite, vous l’aurez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Monsieur le ministre délégué, si seulement vous vous contentiez d’être aussi ringard que votre faille temporelle des années 1990, mais vous êtes incompétent : déficit extérieur, déficit des… déficit de… (Rires et exclamations sur les bancs du Gouvernement et du groupe RE.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Silence pour la France !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Déficit de l’avoir extérieur, déficit du marché public, voilà votre bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Violences contre les forces de l’ordre

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Monsieur le Premier ministre, une fois de plus, notre pays est choqué par la violence la plus radicale qui a coûté la vie, il y a quelques heures, à deux agents de l’administration pénitentiaire dans l’exercice de leur mission. Au nom de mes collègues du groupe Les Républicains, je veux dire à leurs familles, à leurs épouses, à leurs enfants qui ont perdu leur père, à leurs collègues, notre compassion, notre vive émotion et notre colère. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)
    Ces images d’hommes lourdement armés attaquant le fourgon ont de quoi nous indigner. Cela s’est passé à 100 kilomètres de Paris, à quelques semaines des Jeux olympiques. La France est-elle devenue ce far west où l’on tire sur nos forces de l’ordre, où l’on voit des scènes de guerre sur nos routes de campagne, où l’on abat de sang-froid des fonctionnaires ?
    Ce drame nous rappelle les 30 000 faits de violence commis, en France, chaque année, contre les forces de l’ordre. Non seulement ce chiffre a doublé depuis vingt ans mais la violence, de plus en plus barbare, peut désormais toucher des Français de tous les âges, partout, tout le temps. Évidemment, vous nous répondrez que vous n’y êtes pour rien. Nous le savons, les Français le savent : vous n’êtes jamais responsables de rien. Monsieur le Premier ministre, aucun autre parti politique depuis quarante ans n’aura gouverné la France aussi longtemps que le vôtre ; et pourtant vous fuyez toujours vos responsabilités. Il est plus qu’urgent et vital que l’autorité ne soit plus un slogan mais une réalité. Les Français exigent une rupture, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à vouloir des lois d’autorité et de fermeté, mais cela suppose une chose : que vous arrêtiez de vous payer de mots, que vous arrêtiez de faire semblant et que vous passiez aux actes. Les Français attendent justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    J’ai déjà eu l’occasion de rendre hommage à la mémoire des agents de l’administration pénitentiaire qui ont été lâchement assassinés aujourd’hui. Mes pensées vont également à leurs collègues blessés.
    Vous abordez la question de l’autorité et du respect de l’autorité dans notre pays. C’est un sujet qui, vous le savez, me mobilise, tout comme l’ensemble du Gouvernement. Dès ma déclaration de politique générale, j’ai fait des annonces et indiqué des perspectives dans ce domaine. Il y a quelques semaines, m’exprimant à Viry-Châtillon, j’ai précisé les mesures que nous entendions prendre et le calendrier de leur application.
    Qu’est-ce qui a déjà été mis en œuvre depuis ma déclaration de politique générale et ce discours à Viry-Châtillon ? L’engagement que j’avais pris à la fois sur des sanctions plus rapides et sur la possibilité d’avoir un équivalent des travaux d’intérêt général (TIG) pour les moins de 16 ans a été tenu :…

    M. Fabien Di Filippo

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    On parle de narcotrafiquants équipés d’armes de guerre !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …le garde des sceaux a pris une circulaire pénale qui permet l’application de ces mesures d’intérêt éducatif pour les moins de 16 ans.
    Je me suis engagé à ce que le non-respect de la laïcité dans le cadre d’une agression soit le plus systématiquement possible retenu comme une circonstance aggravante. Là aussi, le garde des sceaux a pris une circulaire pénale : de la même manière qu’agresser quelqu’un du fait de sa religion constitue une circonstance aggravante, le faire à cause de son absence de religion ou parce qu’il ne suit pas certains préceptes religieux devra toujours en être une aussi.
    J’ai ensuite annoncé plusieurs mesures concernant l’école de la République : dès la rentrée prochaine, elles donneront enfin la possibilité de prendre de véritables sanctions dès l’école primaire pour réagir au refus de l’autorité et aux contestations que les enseignants constatent dans les classes, dès le CE2, le CM1 ou le CM2. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Or, je le crois profondément, le respect de l’autorité se construit dès le plus jeune âge.

    M. Laurent Jacobelli

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    Quel rapport ? Quelqu’un lui fait des fiches, quand même ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Mme la députée m’interrogeait plus largement sur l’autorité dans notre pays : je crois que la respecter se construit dès le plus jeune âge, dès l’école de la République. C’est un autre sujet que celui que j’ai abordé tout à l’heure.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous voulez parler du fond ? Des trafiquants plus lourdement armés que les policiers ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Deuxièmement, concernant la justice des mineurs, puisqu’à côté de la prévention, il nous faut des sanctions beaucoup plus claires et beaucoup plus fermes, j’ai annoncé plusieurs mesures pénales : composition pénale pour les mineurs, capacité à retenir davantage le manquement à l’obligation parentale contre les deux parents, sanction supplémentaire en cas d’un tel manquement. J’ai également ouvert la discussion avec les groupes parlementaires – j’en ai déjà rencontré plusieurs et j’en recevrai d’autres très prochainement – à propos de l’atténuation de l’excuse de minorité et de la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs…

    M. Fabien Di Filippo

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    Un coup de règle sur les doigts peut-être ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …qui n’existe pas. Je suis prêt à avancer sans tabou sur tous ces sujets.
    Parce que le respect de l’autorité s’acquiert dès le plus jeune âge, c’est dès le plus jeune âge qu’on doit apprendre que l’uniforme se respecte, que les hommes et les femmes dépositaires de l’autorité se respectent, que la loi et les règles se respectent, et que dans le cas contraire, la loi est là pour vous sanctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Tu as tiré au bazooka ? Deux heures de colle !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

    Mme Anne-Laure Blin

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    La réalité, c’est que nos policiers, gendarmes et agents pénitentiaires se sentent seuls. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Vous les laissez seuls en première ligne, sans le secours d’une politique pénale ferme. Depuis sept ans, vous avez été le gouvernement qui a construit le moins de places de prisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Patrick Hetzel

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    Elle a raison, c’est ça le vrai problème !

    Sommet Choose France

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Rodwell.

    M. Charles Rodwell

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    Quelque 15 milliards d’euros investis, plus de 10 000 emplois créés. Tel est le bilan record de la 7e édition du sommet Choose France qui s’est tenue hier à Versailles – dans ma circonscription. N’en déplaise aux défaitistes du Rassemblement national, il s’agit d’un immense succès : la France est, pour la cinquième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements internationaux.
    Ce succès n’est pas un simple chiffre, mais un succès pour toute la population française : nos communes de moins de 20 000 habitants accueilleront un projet d’investissement sur deux. C’est un succès pour l’emploi : depuis 2017, les entreprises, françaises comme internationales, ont créé près de 2,8 millions d’emplois en France. C’est aussi un succès pour les finances publiques :…

    M. Laurent Jacobelli

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    Plus 3 000 milliards de dette ! Dans quel monde vivent-ils ?

    M. Charles Rodwell

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    …plus d’investissements en France, c’est plus de valeur créée, donc plus d’impôts collectés et moins de dépenses contractées.
    Ce succès est le fruit de la constance : depuis sept ans, malgré les crises, malgré les oppositions, nous n’avons jamais changé le cap de notre ligne politique.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il serait temps !

    M. Charles Rodwell

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    Nous n’avons jamais cessé de baisser les impôts, pour un total de plus de 50 milliards d’euros.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est faux !

    M. Charles Rodwell

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    Nous n’avons jamais cessé de réformer le marché du travail au service de l’emploi, ni d’investir dans nos secteurs industriels stratégiques.

    M. Emeric Salmon

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    Allô !

    M. Charles Rodwell

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    Dans un monde en guerre économique, dans lequel les blocs s’affrontent, la constance de notre ligne politique, de nos réformes paie. Ma question est simple : quelle est notre feuille de route pour maintenir l’attractivité de la France et poursuivre la réindustrialisation de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Je vous remercie pour votre question comme pour le travail accompli dans le rapport sur l’attractivité que vous nous avez remis et qui oriente les réflexions du Gouvernement quant à la feuille de route à suivre.

    M. Laurent Jacobelli

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    À mon avis, ils se connaissent…

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous l’avez dit, ce 7e sommet Choose France est un succès inégalé, résultat d’une politique constante de compétitivité et d’attractivité – n’en déplaise aux défaitistes de tous bords – qui fait que la France attire. Elle attire par sa fiscalité diminuée et simplifiée, par ses procédures simplifiées et accélérées, parce que ses régions attirent et que ses talents sont nombreux. Comme je le disais tout à l’heure, la France attire aussi parce qu’elle a de l’énergie décarbonée.

    Mme Raquel Garrido

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    Ce sont les travailleurs français qui attirent !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous étions hier à Versailles. Les annonces – cinquante-six investissements pour plus de 15 milliards d’euros – se font sous les ors à Versailles, mais les parpaings poussent dans les territoires,…

    M. Marc Le Fur

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    Avec le ZAN, ils ne poussent plus nulle part : on ne peut plus rien faire !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …dans le Loiret, dans la Somme, dans les Hauts-de-France, en Ardèche – partout en France, y compris à Marseille. Pour redonner de l’espoir aux territoires qui l’ont perdu, cela est essentiel : c’est là qu’il faut investir et que les industriels internationaux souhaitent le faire.
    Pour répondre à votre question : nous allons continuer, accélérer, amplifier le travail, et nous le ferons en Européens, de façon à accompagner le développement d’industries naissantes : parmi les usines ayant ouvert en France l’an dernier, 37 %, plus d’une sur trois, appartenaient aux industries de l’avenir, telles celles de l’énergie verte ou du recyclage, qui proposeront les emplois de demain. Plus que jamais, nous continuerons de les soutenir, comme nous soutenons la voiture électrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Revalorisation tarifaire des établissements d’hospitalisation privés

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Joëlle Mélin.

    Mme Joëlle Mélin

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    Au nom de notre groupe, je voudrais exprimer notre vive émotion et notre solidarité avec les familles des victimes du braquage immonde ayant eu lieu ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Ma question s’adresse à monsieur le ministre de la santé. Par vos fonctions passées, vous êtes le mieux placé pour mesurer le désarroi des établissements d’hospitalisation privés suite à la revalorisation tarifaire pour 2024, quatorze fois inférieure à celle du secteur public.
    Pourtant, vous connaissez bien l’importance de ces 1 030 établissements mettant les quatre cinquièmes des Français à moins de trente minutes d’un lieu d’hospitalisation, réduisant ainsi les déserts médicaux. Vous connaissez leur activité : 9 millions de personnes soignées, soit 35 % de l’activité globale pour un coût de 18 % seulement des dépenses d’assurance maladie. Vous connaissez bien leur résilience pendant et après le covid, malgré une inflation de 5,2 % en 2022 et 4,9 % en 2023, affectant directement tous les postes d’investissement et de fonctionnement.
    Vous mesurez donc bien l’iniquité de votre décision, qui fait non seulement imploser la convergence tarifaire public-privé attendue depuis quarante-deux ans, mais surtout met à genoux le système privé, lui aussi chargé de délégation de service public.
    Alors, que cherchez-vous ? À aggraver la situation de surcharge du secteur public – ne vous inquiétez pas, le 3 juin, jour de la grève, vous en aurez un aperçu ? À préparer une grande vague de financiarisation pour de grands groupes apatrides, qui eux se moquent totalement de la santé de Français ? À présenter des comptes acceptables à l’Union européenne ?
    Ma question est donc la suivante : à la veille de la publication d’un rapport, calamiteux, de certification des comptes de la sécurité sociale pour 2024, ne pensez-vous pas qu’il est temps de changer de logiciel et, plutôt que de raboter tous les budgets, de faire enfin les comptes sincèrement, en prenant en considération les réserves majeures de la Cour des comptes ? (Applaudissement sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

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    Le service de santé repose effectivement autant sur l’engagement des hôpitaux publics que des établissements privés – pas plus que les autres membres du Gouvernement, je n’ai besoin des chiffres que vous avez rappelés pour reconnaître l’importance de l’offre privée. Laissez-moi, à mon tour, vous en donner quelques-uns montrant que ce gouvernement, comme tous ceux de cette majorité, a soutenu l’activité hospitalière privée, donnant quelque 3,5 milliards d’euros aux établissements privés pour accompagner leur déploiement depuis 2019 et 300 millions l’an dernier suite aux dépassements d’activité. Ces établissements ont en outre émargé à l’enveloppe de 500 millions consacrée par le Premier ministre à aider les établissements, publics comme privés, à supporter l’inflation, les tarifs ayant d’ailleurs augmenté l’an dernier de près de 5 % dans le privé.
    Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, les calculs – assez techniques – de la campagne tarifaire de cette année reposent sur les mêmes critères dans chacun des secteurs. Il se trouve qu’appliqués à l’analyse de rentabilisation de chaque établissement, public comme privé, ces critères donnent des résultats différents. Vous le savez bien puisque j’ai exposé les chiffres de manière très précise.
    Le Gouvernement accompagne donc bien le déploiement des établissements privés, dont nous savons l’importance dans la prise en charge des Français. Vous évoquez la grève du 3 juin : pour avoir discuté ces dernières semaines avec la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et plusieurs grands établissements, j’espère trouver des voies de sortie avant le déclenchement de ce conflit : j’ai confiance en leur sens des responsabilités et je connais leur engagement dans nos territoires et leur professionnalisme s’agissant de la prise en charge des Français, qu’ils ne prendraient pas le risque de mettre en péril.

    Situation à Gaza

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Martin.

    Mme Pascale Martin

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    Des détenus déshabillés entassés à l’arrière de camions les transportant jusqu’à un camp de détention ; des enclos, où sont parqués des détenus menottés, yeux bandés, ayant l’interdiction de bouger sous peine de torture ; des malades attachés au lit, nourris à la paille, forcés de porter des couches ! Cette description que des lanceurs d’alerte israéliens font de l’établissement de détention Sde Teiman, à 30 kilomètres de Gaza, fait froid dans le dos. L’un d’eux témoigne : « Ils les ont dépouillés de tout ce qui ressembl[ait] à des êtres humains. »
    Des centres de torture de ce type, Israël reconnaît en avoir ouvert trois, issus de la reconversion d’installations militaires. Révélés par CNN, ces faits s’ajoutent aux violations toujours plus graves du droit international par l’armée israélienne. Après avoir forcé 1,4 million de Gazaouis à s’entasser dans Rafah, qui ne peut accueillir que 200 000 personnes, l’armée israélienne la pilonne et y a déployé ses chars.

    M. Meyer Habib

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    Libérez les otages !

    Mme Pascale Martin

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    Plus de 360 000 personnes ont repris la route vers le centre de la bande, mais les bombardements reprennent aussi au nord. Plus de 1 million de personnes risquent de mourir de faim. Plus aucun média ne diffuse d’images. Les camions d’aides sont attaqués, le poste-frontière détruit. L’intention génocidaire du gouvernement israélien se précise de jour en jour. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ça suffit, le Hamas !

    Mme Pascale Martin

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    Le président français se targue d’avoir lancé un avertissement ferme à Netanyahou. Mais celui-ci n’a que faire des avertissements, qui ne sont que des mots et non des actes. Le Président a aussi promis de rapatrier les enfants palestiniens blessés qui ont fui en Égypte et qui pâtissent de l’insuffisance des soins. À Gaza, un enfant palestinien est tué ou blessé toutes les dix minutes !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Selon le Hamas !

    M. Meyer Habib

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    Mensonge ! Libérez les otages !

    M. Julien Odoul

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    Quelle honte !

    Mme Pascale Martin

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    Seuls onze enfants ont été accueillis par la France, sans préserver la famille, un seul parent pouvant accompagner l’enfant. Entre notre délégation, les ONG et vos services, ça s’enlise !

    M. Thomas Ménagé

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    Vous n’avez pas un mot pour les otages !

    M. Laurent Jacobelli

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    Et les Français morts à cause du Hamas ?

    Mme Pascale Martin

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    Quand le Président va-t-il respecter sa parole ? Quand votre gouvernement va-t-il prendre les mesures pour rapatrier ces enfants et leur sauver la vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES, dont plusieurs membres se lèvent. – M. Jean-Charles Larsonneur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Je me suis déjà longuement exprimé devant vous à propos de Rafah et sur ce sujet en particulier. Ce qui est à l’origine de cette tragédie, c’est l’attaque du 7 octobre, que vous n’avez toujours pas mentionnée : pas un mot pour nos otages, pas un mot pour les quarante-trois Français tragiquement décédés lors de ces attaques. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
    Les Palestiniens n’ont pas à payer le prix des violences et de la folie meurtrière du Hamas. Je le répète devant vous : Israël doit cesser l’opération en cours à Rafah. Sur le fond, je veux également rappeler la position française, que j’ai défendue le 30 avril dernier lors de mon déplacement en Israël et que je défendrai de nouveau…

    M. Jean-François Coulomme

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    Allez, un peu de courage !

    M. Stéphane Séjourné, ministre

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    …auprès du Conseil de sécurité des Nations unies : la France est pour la libération immédiate et inconditionnelle des otages. (M. le Premier ministre applaudit. – M. Gabriel Amard fait un geste de la main, le pouce vers le bas.) Trois de nos compatriotes sont encore détenus à Gaza et je souhaite que l’ensemble des Français et de la représentation nationale se mobilisent pour leur libération.

    M. Gabriel Amard

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    Ce n’est pas le sujet !

    M. Stéphane Séjourné, ministre

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    Nous nous prononçons également pour un cessez-le-feu durable, à même de garantir la protection des civils, et pour une entrée massive de l’aide humanitaire,…

    M. Carlos Martens Bilongo

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    On l’attend, pour l’instant !

    M. Stéphane Séjourné, ministre

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    …ainsi que pour une reprise crédible du processus politique en faveur de la solution à deux États. C’est cette position équilibrée que j’ai défendue, madame la députée. Les Israéliens comme les Palestiniens le savent, la France œuvre en fonction de considérations humanitaires, en particulier en coopérant avec ses partenaires arabes, sur place.

    Mme Andrée Taurinya

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    Il s’agit d’enfants !

    M. Stéphane Séjourné, ministre

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    Nous continuerons à agir diplomatiquement dans la région, en nous prémunissant contre toute instrumentalisation politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Nathalie Oziol

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    Ce n’est pas une réponse !

    Loi contre les violences sexistes et sexuelles

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Cent quarante-sept visages, 147 voix du mouvement #MeToo, dans toutes ses nuances, publient aujourd’hui une tribune dans le journal Le Monde pour demander une loi intégrale contre les violences sexistes et sexuelles. C’est ce que réclament depuis longtemps les associations féministes, et voilà que le mouvement s’amplifie encore ; il est puissant, il nous dépasse et il nous enjoint d’agir maintenant.
    En effet, derrière les 147, il y a des millions d’inconnues. Derrière les 147, il y a les 134 victimes de féminicides en 2023 et les 7,4 millions de Français et de Françaises victimes d’inceste. Il y a une femme victime de viol toutes les six minutes ; il y a celles qui résistent face au harcèlement, à l’emprise, aux violences, à la domination et à l’impunité.
    Depuis sept ans, tout change pour que rien ne change. Alors, madame la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, je sais que vous allez énumérer les mesures prises au fil des années, les victoires arrachées par les féministes, les petits progrès qui, indéniablement, font avancer les choses. Mais depuis #MeToo, on avance au coup par coup, au gré des coups médiatiques plutôt que pour contrer les coups sous lesquels tombent nos mères, nos filles et nos sœurs. On dit que les femmes se sont mises à parler, mais les femmes ont toujours parlé ! On s’est juste décidé à bien vouloir les entendre.

    Mme Christine Arrighi

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    Très bien !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Les bulles du mouvement #MeToo se rejoignent pour faire marée face à l’absence de réponse politique forte. Nous demandons, comme en Belgique, une loi intégrale et les moyens qui vont avec. Nous demandons une meilleure protection des victimes, l’élargissement des ordonnances de protection des victimes de viol, l’accès gratuit aux soins psychotraumatiques et, surtout, des moyens financiers pour les forces de justice, pour les forces de l’ordre et pour les associations.
    Madame la ministre, il faut maintenant agir. Quand allez-vous présenter devant le Parlement une loi intégrale pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Marie-Pierre Rixain et M. Jean-Charles Larsonneur applaudissent également. – Mmes Raquel Garrido et Pascale Martin, continuant d’applaudir, se lèvent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Ils sont 147, vous l’avez dit, à avoir signé cette tribune dans Le Monde. Mais derrière elles et derrière eux – ils le disent eux-mêmes –, ce sont des centaines de milliers, voire des millions de personnes qui ont subi, qui subissent ou qui pourraient subir des agressions sexuelles, des viols et des coups. Voilà une réalité assez terrifiante, en vérité, que nous n’avons pas forcément envie de regarder en face, d’autant que dans neuf cas sur dix, une femme victime d’agression sexuelle ou de viol connaît son agresseur. Cela se passe dans notre intimité, dans nos familles, dans nos maisons, dans notre environnement professionnel, et cela signifie que dans cet hémicycle, il y a évidemment des femmes, et peut-être aussi des hommes, qui ont vécu des agressions sexuelles ou des viols. Réalité statistique plus terrifiante encore, il y a aussi parmi nous, potentiellement, des agresseurs.
    C’est cette réalité que nous devons collectivement traiter, non pour pointer du doigt tous les hommes en disant qu’ils sont tous des agresseurs – ce n’est évidemment pas ce que je dis –, mais pour souligner qu’enfin, cette question doit concerner l’ensemble de notre société. Nous avons déjà commencé à y œuvrer, par exemple en allongeant le délai de prescription ou en instituant les cours criminelles départementales ; les taux de condamnation pour viol augmentent ainsi année après année – de 30 % depuis 2017.
    Mais cela ne suffit pas, et c’est pourquoi nous devons en particulier mieux appréhender la notion de consentement, qui se joue dans l’intimité. C’est pour cela que nous devons modifier notre code pénal, afin d’appréhender de manière globale ce que signifie le consentement, et ce dès le plus jeune âge ; nous devons donc mieux le caractériser, pour faire augmenter les taux de condamnation effective. C’est ce à quoi s’est engagé le Président de la République : nous modifierons, je l’espère ensemble, notre code pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Quel est votre bilan, en sept ans ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Lors des auditions que nous avons menées dans le cadre de la mission d’information sur la définition pénale du viol, le constat a été unanime : modifier le code pénal ne suffira pas : il va falloir mettre des moyens sur la table ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Lutte contre le narcotrafic

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Vincendet.

    M. Alexandre Vincendet

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    Il y a à peine quelques semaines, la police nationale menait une opération « place nette » XXL dans le Rhône, permettant l’interpellation de nombreuses personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants ; je tiens ici à saluer et à féliciter les forces de l’ordre pour leur action. Plus largement, ces opérations indispensables ont permis plus de 1 100 interpellations et la saisie de près d’une tonne de drogue partout en France. Face à une telle submersion, il est urgent d’amplifier encore votre action pour préserver la sécurité nationale.
    La quantité de drogue produite et distribuée dans le monde n’a jamais été aussi importante. Or nous le savons, les conséquences du narcotrafic sont tentaculaires : risques pour la santé publique ; risques d’exclusion sociale durable et d’enlisement dans la violence ; risques financiers, bien sûr, du fait de la multiplication de flux occultes échappant à tout contrôle et pouvant financer des entreprises terroristes ; risques majeurs de sécurité, enfin, car la criminalité toujours plus organisée plonge les territoires concernés, urbains comme ruraux, dans un climat constant de peur et d’insécurité.
    Je sais le Gouvernement pleinement engagé sur la question, mais il nous faut aller encore plus loin : il faut que la peur change de camp et, pour cela, de nouveaux moyens juridiques semblent indispensables. C’est la conclusion à laquelle est arrivée notre collègue sénateur Étienne Blanc, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France.
    Le lâche assassinat perpétré ce matin par un commando de sauvages pour faire évader un narcotrafiquant le montre : c’est une guerre que nous avons à mener. J’ai pour ma part déposé une proposition de loi visant à geler les avoirs des trafiquants de drogue, afin de bloquer les têtes de réseau, et ce texte a retenu l’attention du ministre de l’économie.
    Nous sommes sur ces bancs, singulièrement au sein du groupe Horizons, déterminés à vous aider à adapter notre arsenal législatif. Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre de l’intérieur : quelles suites entendez-vous donner aux recommandations de ce rapport, et comment pouvons-nous poursuivre nos efforts pour définitivement gagner la guerre contre les trafiquants ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Cet après-midi a donc été rendu le rapport des sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain sur l’impact du narcotrafic en France, rapport qui compte 600 pages. Je n’en ai lu pour le moment que les principales conclusions, mais je peux vous dire que j’étudierai l’intégralité de ses propositions avec mes services, et je suis certain que le garde des sceaux fera de même, sous l’autorité, bien sûr, du Premier ministre. Ce rapport est issu des travaux d’une commission d’enquête qui a été menée très sérieusement et à laquelle les services des ministères de l’intérieur et de la justice ont largement contribué ; elle a permis de dresser un état des lieux, que vous relayez ici, de la présence très forte du narcotrafic en Europe mais aussi dans le monde, du fait de plusieurs phénomènes.
    Le principal facteur est la baisse du prix de la drogue, liée à la surproduction observée en Amérique du Sud et en Afghanistan et qui touche tous les pays du monde – il suffit d’observer les effets du fentanyl aux États-Unis. Des laboratoires utilisent l’argent ainsi généré pour produire de nouvelles drogues de synthèse, non conventionnelles.
    De telles évolutions ont lieu à un moment où de nombreux pays, autour de nous, ont baissé leur garde législative et policière en matière de drogues – voyez ce qui se passe en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne ou en Italie. Grâce à la France, qui est sans doute l’un des seuls pays à augmenter chaque année, quel que soit son gouvernement, ses moyens de police et de gendarmerie scientifiques et techniques, des problèmes que personne n’avait jamais réussi à résoudre ont été résolus, par exemple le démantèlement des messageries cryptées EncroChat et Sky ECC, avec la coopération d’Interpol et d’Europol.
    Nous devons évidemment aller beaucoup plus loin : les annonces du garde des sceaux sur la création d’un parquet national spécialisé dans la lutte antistupéfiants constituent une première grande réponse. Nous avons nous-mêmes doublé les effectifs de police et de gendarmerie pour concentrer davantage de moyens de police judiciaire dans l’interpellation des trafiquants, qui sont de plus en plus nombreux. Aux Pays-Bas ou en Belgique, des avocats, des hommes politiques et des policiers sont menacés et assassinés ; nous n’en sommes pas là mais nous n’en sommes pas loin si nous n’amorçons pas un réveil stratégique, économique et financier. La lutte contre la drogue est la grande guerre de politique intérieure que notre pays doit mener.
    Pour cela, nous tirerons toutes les conclusions du rapport issu de la mission d’information relative à l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants, présenté par les députés Éric Poulliat et Robin Reda, ainsi que du rapport sénatorial Blanc-Durain ; nous y travaillerons avec vous.

    M. Sylvain Maillard

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    Bien !

    Objectif zéro artificialisation des sols

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maquet.

    M. Emmanuel Maquet

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    Les Français sont prêts à affronter toutes les difficultés, sauf quand elles sont causées par leurs propres dirigeants. La lutte contre l’étalement urbain est nécessaire, mais l’objectif zéro artificialisation nette en 2050, le fameux ZAN – introduit par la loi du 20 juillet 2023 –, est une folie (Applaudissements sur les bancs du groupe LR) qui va renchérir le prix de la construction et interdire l’accès à la propriété à des millions de nos compatriotes. (« Sortez du périph’ ! » sur les bancs du groupe LR.)

    M. Jean-Yves Bony

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    Eh oui !

    M. Emmanuel Maquet

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    Dans ma circonscription, les acteurs locaux me font part de leurs inquiétudes et tirent la sonnette d’alarme. En effet, à chaque fois que vous aviez la possibilité de préciser la loi, vous l’avez fait au détriment du logement et du développement économique dans la France rurale. Vous avez choisi une définition sévère des surfaces artificialisées, qui pénalisera les parcelles avec jardin, les plus répandues dans nos cœurs de villages. Vous avez choisi de définir les zones d’aménagement concerté (ZAC) au moment où ont débuté les travaux plutôt qu’à celui où la décision a été prise, pénalisant les territoires qui avaient anticipé la loi.
    Vos choix ont entraîné, par exemple pour la communauté de communes Somme Sud-Ouest, dans ma circonscription, un déficit de développement de 293 hectares – combien, monsieur le ministre, à l’échelle de la France ? Vos collègues de Bercy le savent : permettre à l’industrie de se relocaliser, c’est agir pour l’environnement. (Mme Emmanuelle Anthoine et M. Fabrice Brun applaudissent.)
    Votre projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables prouve que vous êtes conscients de la crise qui menace le secteur du bâtiment et des travaux publics et l’accession à la propriété. Mais cette loi sera inopérante si vous ne revenez pas sur le ZAN, dont les conséquences seront redoutables pour le secteur ; le groupe Les Républicains ne pourra pas la soutenir si elle ne s’y attaque pas. Vous devez entendre les territoires ruraux qui crient leur désarroi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Acceptez de valoriser les ZAC ! Acceptez de faciliter la revitalisation économique ! Revoyez la manière dont vous définissez ce qui est artificialisé et ce qui ne l’est pas ! Surtout, tenez compte des spécificités de nos territoires ruraux. En un mot, faites confiance à la France rurale et donnez de la liberté aux élus responsables. (Mêmes mouvements.)

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    C’est du bon sens !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    Vous étiez à la COP15, monsieur le député Maquet, et quand vous en êtes rentré, vous avez dit qu’elle avait contribué à vous ouvrir les yeux, ou plus exactement à vous conforter, puisque je vous reconnais cet engagement de longue date en faveur de la biodiversité et des équilibres écologiques – je cite Le Courrier picard. Vous savez à quel point l’artificialisation est la première cause d’érosion de la biodiversité, et j’accueille votre question non comme une remise en cause de l’objectif mais comme l’expression d’une volonté, celle de rendre compatible le ZAN avec d’autres éléments existants.
    Il est souhaitable que nous prenions un moment pour en discuter. Vous m’expliquez que la définition des ZAC est restrictive, alors que nous avons décidé – je l’ai dit ici même – que toute ZAC commencée avant août 2021 peut être intégralement comptabilisée dans la période 2011-2021. C’est donc, contrairement à ce que vous dites, de l’oxygène que nous redonnons aux territoires, grâce à un dispositif que nous avons coconstruit, en particulier avec Les Républicains à l’Assemblée et au Sénat.
    Ensuite, vous avez l’impression que nous favorisons la relocalisation d’activités industrielles au détriment du logement. Là aussi, je suis prêt à ce que nous ouvrions ensemble les cahiers de la communauté de communes dont vous parlez, parce que ce n’est ni l’esprit ni le sens de l’arrêté ministériel que j’ai pris il y a quelques semaines.

    M. Olivier Marleix

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    Tout va très bien, madame la marquise !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Celui-ci classe en effet les grands projets que nous pouvons sortir de ces trajectoires d’artificialisation, de manière, précisément, à permettre le développement de logements en zone rurale.
    Sur ce sujet, il est encore difficile de mesurer ce que la loi du 20 juillet 2023, les décrets du mois d’octobre et l’arrêté pris il y a quelques jours ont permis de modifier, mais je vous assure que tout cela est cohérent.

    M. Vincent Descoeur

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    Ça reste corseté, quand même !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Une clause de revoyure est prévue dans la loi et ma proposition est simple : voyons-nous, étudions ensemble le cas de la communauté de communes que vous évoquez, et ce sera avec plaisir que j’essaierai de cheminer avec vous.

    M. Vincent Descoeur

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    L’avenir va donner raison à M. Maquet !

    Sécurité des Jeux olympiques et paralympiques 2024

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars

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    C’est effectif : depuis mercredi dernier, la flamme olympique est sur notre sol et son parcours suscite enthousiasme et bonheur chez nos concitoyens. Ils étaient près de 1 500 enfants, hier matin, dans le centre-ville de Millau, au cœur de mon département, pour l’accueillir, après sa majestueuse traversée du célèbre viaduc qui fête, cette année, de la plus belle des manières, ses 20 ans.
    Pour avoir été présent, avec mon collègue Jean-François Rousset, je mesure et salue la très forte mobilisation et le total engagement de nos forces de sécurité, de nos forces de secours, de l’armée et, plus généralement, des services de l’État, pour sécuriser l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques dans notre pays. Jamais la France n’a organisé un événement d’une telle ampleur. Nous le savons, c’est bien le défi de la sécurité qui soulève le plus de commentaires et d’interrogations.
    Pour le relever, nous avons voté, il y a près d’un an, la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques, pour renforcer nos moyens juridiques, en particulier grâce à la création de nouvelles infractions ou la possibilité d’expérimenter, pour les grands événements, la vidéoprotection augmentée.
    À ce titre, monsieur le ministre de l’intérieur, avez-vous reçu un premier retour d’expérience sur l’intérêt que représente cette technologie fondée sur l’intelligence artificielle ?
    Par ailleurs, des élus locaux se sont inquiétés de la sécurité dans leurs territoires, du fait de la mobilisation des forces de l’ordre autour des sites olympiques, en particulier en Île-de-France. À l’occasion de votre déplacement il y a quelques jours à Rodez, vous avez souhaité les rassurer en leur affirmant que, même au cœur des Jeux, la sécurité de nos concitoyens serait assurée partout et pour tous. Pourriez-vous nous préciser où en est la mobilisation des forces de sécurité et de secours, d’ores et déjà effective depuis l’arrivée du Belem dans le port de Marseille, et qui devra rester au même niveau d’intensité jusqu’au 18 septembre, jour de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Je me réjouis, comme vous, de constater que les Français sont heureux, partout en France, de voir démarrer les épreuves olympiques par le relais de la flamme. La cérémonie qui s’est tenue à Marseille était magnifique.
    Pas moins de 200 000 personnes se sont rassemblées dans le Vieux-Port pour voir arriver la flamme et assister à un concert qui s’est prolongé jusqu’à tard dans la soirée. Le lendemain, huit étapes ont jalonné le parcours de la flamme dans la belle ville de Marseille, notamment dans les quartiers nord. Depuis, la flamme a repris sa route et s’est arrêtée, en particulier dans votre département de l’Aveyron. Très populaire, cet événement, une vraie fête de famille, a réuni plus de 400 000 personnes. La flamme est aujourd’hui en Corse et tout se passe, là encore, fort bien.

    M. Jean-François Coulomme

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    Il faut l’envoyer à Nouméa.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Nous montrons là que nous sommes capables, en France, d’organiser de grands événements, comme nous l’avons fait pour la Coupe du monde de rugby qui s’est déroulée sans accroc.
    Les grincheux en sont pour leur compte, ceux qui veulent toujours voir la France triste et perdante. Il suffit de voir la une des journaux étrangers et la joie des familles françaises devant cette fête incroyable des Jeux olympiques pour se convaincre de notre réussite, que nous devons au génie de notre pays et, en partie aussi, à nos forces de l’ordre. Je vous suis reconnaissant de les en avoir remerciées.
    J’en profite pour vous donner des précisions sur la technologie que nous utilisons. La surveillance intelligente, qui ne recourt pas à la reconnaissance faciale, permet de repérer jusqu’à huit événements, des mouvements de foule ou des départs de feu, par exemple. Nous menons des expérimentations avec quatre entreprises exclusivement françaises, hier au cours d’un concert de Depeche Mode, demain lors de Roland-Garros. J’ai d’ailleurs installé un comité indépendant chargé de contrôler le travail de ces sociétés et de la préfecture de police. Nous pourrons utiliser cette nouvelle technologie dans le respect des droits garantis à nos concitoyens.
    La France est prête à organiser le plus grand événement mondial. Cela fait un siècle que les Jeux olympiques d’été ne s’étaient pas tenus dans notre pays. Ce sera une belle fête, en partie grâce aux forces de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Places en centres d’hébergement d’urgence

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Katiana Levavasseur.

    Mme Katiana Levavasseur

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    Permettez-moi avant tout d’exprimer, au nom de mes collègues députés de l’Eure et des membres du Rassemblement national, nos sincères condoléances et notre soutien aux familles des agents de l’administration pénitentiaire lâchement assassinés par des barbares ce matin.
    Monsieur le ministre de l’intérieur, deux minutes ne suffiront pas à exposer la gravité de la situation concernant les places en centres d’hébergement d’urgence, littéralement pris d’assaut par des immigrés en situation irrégulière.

    M. Perceval Gaillard

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    Allez !

    Mme Katiana Levavasseur

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    Selon la Cour des comptes, 40 à 60 % des places en centres d’hébergement d’urgence sont occupées par des immigrés clandestins, pour un coût avoisinant le milliard. Cette situation est intolérable.
    La France est le seul pays en Europe à avoir inscrit dans sa législation le principe d’un hébergement inconditionnel. Comme l’avait souligné le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ce droit permet d’héberger gratuitement et sans limite de durée les demandeurs d’asile, les sans-papiers et les résidents en difficulté sociale. Il n’est ainsi pas rare que des sans-papiers soient hébergés pendant des années.
    Ce système, au lieu d’être une mesure temporaire d’urgence, est devenu une porte ouverte à des abus continus, tout en privant nos concitoyens les plus vulnérables d’une aide d’urgence vitale. Les Français fragilisés par la vie sont directement affectés par cette saturation. Il est inadmissible que des femmes battues qui fuient la violence ou des jeunes majeurs isolés soient laissés sans solution d’hébergement à cause de votre politique migratoire laxiste ! D’autant plus que les demandeurs d’asile – plus de 140 000 rien que l’année dernière –, lorsqu’ils ont été déboutés de leur demande, ont tendance à se reporter sur le parc d’hébergement d’urgence de l’État.
    Il est temps de défendre les intérêts de nos concitoyens et de rétablir l’ordre et la justice dans la gestion de l’hébergement d’urgence. Quelles mesures immédiates allez-vous prendre pour mettre fin à cette absurdité et garantir que l’hébergement d’urgence profite d’abord et avant tout aux Français dans le besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Cyrielle Chatelain et M. Karim Ben Cheikh s’exclament.)

    Mme Mathilde Panot

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    Vous connaissez le nombre de personnes qui meurent dans la rue ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    En l’absence de Guillaume Kasbarian, ministre chargé du logement, je répondrai à votre question. Commençons par rappeler les chiffres. Chaque soir, 200 000 personnes, dont la moitié sont en région parisienne, passent leur nuit dans un centre d’hébergement d’urgence. Ces 200 000 places ont pu être ouvertes grâce à un effort inédit car, lors de la crise du covid, le gouvernement précédent a pris la décision de relever le nombre de places et nous avons tenu à maintenir ce niveau, tout en développant en parallèle, conformément à l’engagement du Président de la République, le plan « logement d’abord » qui consiste à proposer des sortes de pensions de famille, une autre solution que l’hébergement d’urgence, qui n’est la panacée pour personne.
    Qui retrouve-t-on dans les centres d’hébergement d’urgence ? Par définition, ceux qui n’ont pas de toit. Vous citez un rapport de la Cour des comptes dont vous tirez des conclusions hâtives, et vous semblez découvrir une formule magique qui consisterait à expulser les occupants de ces centres pour y faire entrer ceux qui n’y sont pas ! Vous oubliez simplement que l’hébergement d’urgence est précisément conçu pour ceux qui n’ont pas d’hébergement. Je citerai l’exemple des femmes victimes de violences conjugales pour lesquelles le parc a doublé en quelques années afin d’atteindre 10 000 places. Parallèlement, nous réalisons, avec les associations, un véritable travail de dentellière pour adapter les moyens aux besoins en fonction des secteurs.
    J’ai bien entendu votre appel à prêter une attention particulière aux plus fragiles, à ceux qui souffrent, mais je vous assure que nous sommes déterminés à mener une politique globale qui ne laisse personne au bord du chemin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Épidémies de choléra à Mayotte et de leptospirose à La Réunion

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Monsieur le ministre de la santé, la France est un pays développé, la troisième puissance économique d’Europe. Pourtant, deux épidémies, la leptospirose et le choléra, frappent violemment la France de l’océan Indien. Ces deux maladies des pays pauvres frappent deux territoires Français – cette France qui, à Mayotte, laisse mourir un enfant de 3 ans. Oui, chers collègues, on meurt du choléra en France ! Ou plutôt en outre-mer, l’autre France. N’est-ce pas là le résultat de l’abandon de nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit aussi.)
    Le choléra met une nouvelle fois en lumière le sous-développement du 101e département français. À quand l’égalité de traitement entre territoires de la République ? À quand l’égalité d’accès aux services publics, notamment à l’eau, ce bien commun ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain et M. Marcellin Nadeau applaudissent également.)
    L’épidémie risque de s’étendre à La Réunion, déjà confrontée à une autre maladie, la leptospirose. Depuis le début de l’année, elle fait face à une forte augmentation du nombre de cas, du jamais-vu. Déjà deux morts, qui auraient pu être évités. Parmi les malades, 70 % ont dû être hospitalisés et 25 % sont dans un état critique. Les hôpitaux s’en trouvent saturés : 90 % des places dans les services concernés sont occupées par des patients atteints de cette maladie.
    La Réunion a 15 % de lits en MCO – médecine, chirurgie, obstétrique – et 40 % de lits de rééducation en moins par rapport à la moyenne nationale. Pourquoi ? Il en résulte une pression sur les services et le personnel soignant, à La Réunion comme à Mayotte.
    Vous financez la guerre à coups de milliards au détriment de notre santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Francesca Pasquini applaudit également.) C’est indigne de la République. La santé n’est pas une marchandise. Il est urgent d’agir, des solutions existent. Que comptez-vous faire ? Êtes-vous prêt à mettre en pratique les propositions qui vous ont été soumises pour éradiquer les maladies et rattraper le retard du service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

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    Je me suis rendu à Mayotte il y a quelques jours et je salue l’engagement des services de l’État pour faire face à une poussée de choléra qui frappe de nombreuses régions dans le monde, en particulier en Afrique australe, l’Afrique des grands lacs, pas très loin de Mayotte.
    Cette épidémie est circonscrite à un quartier, celui de Kirson, dans la commune de Koungou. À ce stade, 76 personnes sont malades et 4 000 personnes ont été vaccinées dans ce quartier. Ce faisant, l’État applique les recommandations du Haut Conseil de la santé publique : une vaccination ciblée contre le choléra et progressive, en direction des personnes malades, de leur entourage et de ceux qu’elles ont côtoyés.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Nous voulons des vaccins !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Je rends hommage aux quatre-vingt-sept volontaires de la réserve sanitaire qui œuvrent aux côtés des hospitaliers et des soignants de Mayotte, pour détecter, dépister, accompagner et prendre en charge les populations, réaliser un travail de prévention en rappelant les règles d’hygiène.
    La leptospirose qui sévit à La Réunion, est, hélas, une maladie qui revient chaque année pendant l’été austral.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Alors tout va bien !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    À La Réunion, 107 cas ont été constatés cette année, contre 160 l’an dernier et 169 en 2022. Je pourrais remonter ainsi sur une quinzaine d’années.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Vous avez de faux chiffres !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Non, nous n’abandonnons pas les populations. Au contraire, l’État est présent. Je l’ai dit pour Mayotte mais je veux bien le répéter pour La Réunion : les investissements réalisés dans les services hospitaliers de La Réunion, l’aide apportée à l’hôpital de La Réunion témoignent de notre volonté de nous montrer solidaires vis-à-vis des habitants. C’est normal et c’est concret !

    Rave party illégale à Parnay

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul.

    Mme Laetitia Saint-Paul

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    La commune de Parnay, village de carte postale, au cœur de l’appellation Saumur-Champigny, a été révélée au grand public pour de tout autres raisons. Ce week-end, une rave party illégale réunissant plus de 10 000 personnes a causé de graves nuisances dans tout mon bassin de vie.

    Un député du groupe LR

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    Il faut envoyer l’armée.

    Mme Laetitia Saint-Paul

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    Malgré la remarquable mobilisation de la préfecture, des gendarmes, des secours, de la procureure, des élus locaux, notamment le maire, Éric Lefièvre, pour déployer dans l’urgence, jour et nuit, un dispositif qui permette d’éviter les suraccidents, ce type de rassemblement illégal s’est soldé, une fois de plus, une fois de trop, par la mort d’un jeune homme. Je présente toutes mes condoléances à ses proches. Elle s’est aussi soldée par 216 évacuations sanitaires et 5 181 infractions, représentant un montant total de plus de 650 000 euros d’amendes.
    De nombreuses zones d’ombre demeurent. Quels sont les moyens de prévention, notamment de renseignement ? Qui porte la responsabilité en l’absence d’organisateurs ? Quelle place accorder aux facilitateurs autoproclamés ? Quelles réparations pour les victimes, propriétaires, communes, riverains, sans parler des atteintes à l’environnement ? Que finance la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) et pour quel résultat ? Pourquoi cette mission n’est-elle pas pilotée par le ministère de l’intérieur qui lui reverse l’argent des saisies ?
    La banalisation de la consommation de drogue est, en elle-même, un fléau. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Merci d’avoir rendu hommage aux policiers, aux gendarmes et au préfet, qui ont installé un centre de secours alors que cette manifestation était interdite et illégale. Des sapeurs-pompiers, des gendarmes et des agents de préfecture ont organisé du mieux possible l’évacuation sanitaire de personnes qui étaient parfois sous l’emprise de l’alcool, de stupéfiants, ou des deux.
    Le décès d’un jeune homme a eu lieu, et je voudrais évidemment m’associer aux condoléances que vous adressez à sa famille. Les organisateurs de cette manifestation se sont montrés tout à fait irresponsables, à la fois parce qu’elle était illégale, mais aussi parce qu’elle se caractérisait par l’amateurisme et la violence.
    Je voudrais saluer le courage du maire et le travail de ses services, au sens large du terme, dans une petite commune, ainsi que le travail que vous avez mené en tant que députée auprès de votre territoire.
    Pas moins de 800 gendarmes ont été mobilisés pour réaliser des contrôles. Plus de 5 000 amendes ont été infligées, qui représentent plus de 700 000 euros. Je peux vous assurer, en lien avec la direction générale des finances publiques (DGFIP), qu’elles seront payées.

    M. Pierre Cordier

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    Ils ne sont pas solvables ! Ils ne paieront jamais !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Des dizaines de personnes ont été interpellées et, dès ce matin, un certain nombre d’entre elles sont passées devant les tribunaux en comparution immédiate. J’espère qu’elles feront l’objet des condamnations les plus fermes.
    Le matériel des organisateurs a été saisi. Nous espérons que les violences commises contre les gendarmes et l’organisation de cette manifestation illégale susciteront de la part de la justice des réponses pénales fortes, puisque c’est le procureur de la République lui-même qui a ordonné aux gendarmes de procéder à ces saisies.
    La question se pose de savoir si notre législation est suffisante, puisque les renseignements du ministère de l’intérieur avaient annoncé la tenue de cette rave party dans votre département. Nous ne disposons cependant que de moyens d’information et non d’entrave. C’est peut-être le premier sujet auquel le Parlement devrait réfléchir.
    Par ailleurs, même si elle n’est pas sous l’autorité du ministère de l’intérieur, nous devons travailler avec la Mildeca pour lutter contre la consommation de stupéfiants, et non en faveur de la relativisation, voire de l’encadrement, de cette dernière. Il n’est ni possible ni souhaitable d’encadrer la consommation de stupéfiants qui mènent à la mort. Chacun doit le dire ici !

    M. Pierre Cordier

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    Il a raison !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est notamment le cas lorsqu’elle fauche en pleine jeunesse des gens qui veulent s’amuser, mais le faire parfois avec de la drogue, ce qui est non seulement illégal, mais aussi particulièrement dangereux.

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République

    Mme la présidente

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    Je vous informe que nous allons maintenant procéder à l’élection, par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances, d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.
    Je suis saisie de la candidature de Mme Blandine Brocard. Le scrutin est secret et des bulletins imprimés sont à votre disposition. Pour que le vote soit valable, le bulletin déposé dans l’urne ne doit comporter qu’un seul nom. Les délégations de vote ne sont pas admises.
    J’ouvre le scrutin, qui est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale pour une durée de trente minutes. Il sera donc clos à dix-sept heures cinquante-six.

    4. Modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

    Suite de la discussion d’un projet de loi constitutionnelle

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (nos 2424, 2611).
    Je vous indique qu’à la demande du groupe Socialistes et apparentés, j’ai réuni le groupe de contact sur la Nouvelle-Calédonie, qui comprend les présidents de chaque groupe politique, les députés de Nouvelle-Calédonie, le président de la commission des lois et le président de la délégation aux outre-mer.
    Au terme d’un échange assez long – ce qui explique l’heure tardive de reprise de la séance –, nous sommes convenus que nous appelions à la sérénité des débats dans l’hémicycle et au respect des positions et des opinions de chacun, que, compte tenu de la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie, particulièrement à Nouméa, nous appelions au calme et à la reprise du dialogue, que l’objectif partagé par tous était d’aboutir à un accord global et que l’Assemblée nationale prendrait toute sa part dans la poursuite de cet objectif – nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie peuvent compter sur l’ensemble de la représentation nationale pour jouer pleinement son rôle sur cette question.

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi constitutionnelle, s’arrêtant à l’amendement no 101 à l’article 1er, appelé par priorité.

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 101.

    M. Bastien Lachaud

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    Tout le monde souhaite évidemment le retour à la paix civile en Nouvelle-Calédonie. Cependant, le Gouvernement doit prendre conscience de sa responsabilité. Avec ce texte, il a décidé de passer en force face aux indépendantistes qui appelaient de leurs vœux un accord global au sein duquel serait traitée la question du dégel du corps électoral.
    Ceci étant, monsieur le ministre, je vous repose à présent une question que je vous ai déjà posée hier soir et j’aimerais cette fois avoir une réponse – vous avez eu toute la nuit pour faire travailler vos services. Vous nous avez donné les chiffres du dégel à un instant T – cette année. Pouvez-vous nous donner les chiffres dans cinq ans et dans dix ans ? Hier soir, vous avez crié dans l’hémicycle que, d’ici là, certaines personnes seraient mortes. Certes, mais pouvez-vous nous dire…

    M. Bruno Millienne

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    …combien de personnes seront mortes ?

    M. Bastien Lachaud

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    …combien de personnes seront inscrites sur les listes électorales nonobstant le nombre de personnes qui décéderont – malheureusement pour elles – d’ici là ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Avis défavorable sur l’amendement de M. Lachaud qui vise à substituer au mot : « suivantes » les mots : « qui suivent ».

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    Mme Danielle Brulebois

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    Eh oui ! C’est ça, l’amendement !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou.

    Mme Sophia Chikirou

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    Ces amendements nous permettent d’évoquer un sujet qui place la Nouvelle-Calédonie dans une situation particulièrement dramatique. Peut-être l’amendement no 101 vous déplaît-il, mais il nous donne l’occasion d’approfondir une discussion qui concerne 270 000 de nos compatriotes. Ils vivent sous tension en grande partie parce que vous refusez d’entendre que le dialogue ne peut se nouer avec un seul camp ; il doit se tenir avec tout le monde.
    Le Président de la République et votre gouvernement avez décidé de maintenir un référendum contre l’avis des indépendantistes ; vous avez décidé de passer en force contre l’avis de plus de la moitié de la population de la Nouvelle-Calédonie. La situation dans laquelle nous nous trouvons depuis deux jours relève de votre responsabilité pleine et entière.
    Alors prenez vos responsabilités : pour ramener le calme et la paix civile, il vous incombe de suspendre l’examen du texte et d’envoyer une délégation de médiateurs afin de renouer un dialogue rompu.
    Ce ne sont certainement pas les déclarations du rapporteur qui ramèneront le calme. Nous allons réprimer, dites-vous après avoir provoqué : vous incendiez puis vous envoyez les gendarmes maintenir l’ordre, parfois au prix de leur propre sécurité. Nous vous demandons d’assumer vos responsabilités – et nous parlerons autant que nécessaire pour vous faire entendre le point de vue de personnes qui ne sont pas représentées par leurs députés dans cet hémicycle. (M. Bastien Lachaud applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je ne peux laisser dire que les députés ne représentent pas le territoire qui les a élus. M. Léaument parlait hier du taux de participation au référendum ; nous n’avons pas poussé le vice jusqu’à lui rappeler que plus de 58 % des électeurs de sa circonscription n’ont pas voté à l’élection législative. Nous ne remettons pas pour autant en cause la légitimité de tel ou tel élu !
    Vous ne devriez pas trier les élus en fonction de vos goûts – ou, en l’occurrence, en fonction de leur vote en faveur de Nicolas Metzdorf ou de Philippe Dunoyer ; ce serait plus respectueux de la démocratie et de la République.
    Nous envoyons des gendarmes en Nouvelle-Calédonie pour maintenir l’ordre. Madame Chikirou, vous ne connaissez pas la situation ! Les gendarmes avec leurs familles – par exemple à Poindimié sur la côte ouest – se sont fait tirer dessus à balles réelles dans leurs brigades. Nous n’avons pas envoyé des gendarmes maintenir l’ordre ; ce sont des gens qui sont entrés dans la gendarmerie et qui l’ont dévastée.

    Mme Sophia Chikirou

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    Et le GIGN, vous ne l’avez pas envoyé ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ne criez pas ; je n’entends pas vos arguments, vous reprendrez la parole.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je ne crie pas, je parle !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Au moins pourriez-vous condamner ces faits. Vous riez ? Des gendarmes et leurs familles se font tirer dessus, et vous riez ? Soit. Avis défavorable.

    (L’amendement no 101 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 102.

    M. Antoine Léaument

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    Avant de défendre cet amendement, je voudrais vous remercier, madame la présidente, pour vos propos introductifs qui contrastent avec ce que nous avons entendu hier de la part de M. Darmanin. À l’évidence, il n’a pas bien entendu vos paroles sur le calme et l’attention qui doivent présider à nos débats afin que nous évitions les piques inutiles telles que celles qu’il vient de lancer.
    Je vais maintenant lui répondre. Oui, le taux d’abstention est élevé aux élections législatives et le sera probablement aux élections européennes. Vous n’avez sans doute pas oublié que nous vous avons fait des propositions concrètes pour faire baisser l’abstention, notamment en luttant contre la mal-inscription et la non-inscription sur les listes électorales.

    M. Bruno Millienne

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    Quel est le rapport avec le texte ?

    M. Antoine Léaument

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    La situation en Nouvelle-Calédonie n’est pas de même nature puisque, lors des précédents référendums, le taux de participation a été très élevé, dépassant les 80 %. Si la participation a drastiquement diminué lors du dernier référendum, c’est parce que vous n’avez pas créé les conditions permettant un appel général en faveur d’une large mobilisation des électeurs. Ce référendum a donc perdu en légitimité.
    La cause en est que vous avez voulu aller plus vite que la musique et que vous n’avez pas respecté la culture kanak, qui requérait une période de deuil plus longue. Vous avez donc créé les conditions d’une faible participation à ce référendum – comme vous créez les conditions d’une faible participation aux élections européennes à venir.
    Voilà l’un des sujets sur lesquels vous ne nous apportez pas de réponse. Vous bottez en touche : la démocratie s’applique même quand elle ne nous plaît pas, nous dites-vous.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est vrai !

    M. Antoine Léaument

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    La démocratie, c’est le pouvoir du peuple. Or, en Nouvelle-Calédonie, il y a deux peuples. L’un d’eux n’a pas été respecté. Pour que la démocratie soit pleine et entière, il faut que l’ensemble du peuple calédonien ait voix au chapitre. Avec ce projet de loi et avec ce référendum, vous ne respectez pas la souveraineté calédonienne.

    (L’amendement no 102, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 48 et 192.
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 48.

    M. Antoine Léaument

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    Mon collègue Bastien Lachaud vous a posé une question. Hier, vous nous avez donné les chiffres du corps électoral à un instant T mais nous souhaiterions – comme les Calédoniens – connaître l’impact de votre réforme à moyen et long terme.
    Nous avons compris que vous ne pouviez prédire les décès – et c’est heureux, sinon nous nous inquiéterions des capacités du ministère de l’intérieur, qui peut déjà envoyer des alertes sur tous les téléphones portables en plein hémicycle – mais nous souhaiterions connaître l’évolution du corps électoral – hormis les décès, imprévisibles par nature – en conséquence de la réforme que vous comptez appliquer.
    Aux termes des dispositions de l’article 24 de la Constitution, le Parlement contrôle l’action du Gouvernement. Nous sommes donc dans notre rôle en vous interrogeant sur ce point. Nous attendons vos réponses.
    Puisque vous m’avez fait le plaisir, monsieur le ministre, de souligner que je cite souvent la Constitution, je vous fais remarquer que vous avez commis une erreur. Hier, vous avez prétendu citer l’article 1er de la Constitution de la Ve République alors qu’il s’agissait de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui est antérieure à la Constitution de 1793 que j’avais moi-même citée.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La Déclaration est dans le bloc de constitutionnalité !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement identique no 192.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Lors de la discussion sur le premier texte de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie, vous vous étiez vanté d’avoir le soutien du Congrès pour reporter la date des élections. Cette fois, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a voté en faveur du retrait du texte dont nous débattons mais vous n’en faites pas état. Vous ne l’avez pas évoqué !
    Pourquoi choisir de faire de la démocratie à géométrie variable ? Pourquoi tenir compte du vote du Congrès lorsqu’il va dans votre sens et qu’il est d’accord avec vous pour changer le calendrier des élections, et ne pas en tenir compte lorsqu’il vous demande de retirer le texte concernant le dégel du corps électoral ? Que répondez-vous ? Pourquoi ne tenez-vous pas compte de ce vote ?
    Nous vous avons fait plusieurs propositions depuis hier, notamment l’institution d’une mission de dialogue afin de progresser vers un accord global. Le Président de la République a annoncé qu’il ne convoquerait pas le Congrès avant plusieurs semaines. Je pose de nouveau la question : pourquoi cette précipitation dans le calendrier alors que nous ne sommes pas certains que ce texte sera soumis au Congrès pour validation ?
    En réalité, les va-et-vient, l’ambiguïté maintenue autour de ce texte nous discréditent pour mener des discussions sur la Nouvelle-Calédonie. Il faut aller beaucoup plus loin. La Nouvelle-Calédonie étant considérée comme un territoire à décoloniser, il convient désormais de faire appel à l’ONU pour mener les négociations. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    En cas de projet de loi organique pour reporter l’élection d’une assemblée, la consultation du Congrès est obligatoire. Ici, en revanche, la délibération du Congrès n’était pas prévue dans le cadre de la consultation sur le projet de loi constitutionnelle. Il y a une différence entre la procédure parlementaire et une délibération politique votée par les assemblées, comme elles en votent partout en France. Ne comparez pas ce qui n’est pas comparable.
    D’autre part, vous faites semblant de ne pas entendre que nous sommes obligés de reporter ces élections provinciales parce que nous avons négocié jusqu’au bout. Nous ne pouvons pas convoquer des élections provinciales avec le corps électoral actuel ; elles seraient annulées.
    La réalité est que vous refusez la responsabilité du pouvoir. Heureusement que nous sommes aux responsabilités car, si je vous écoutais, vous convoqueriez des élections provinciales qui seraient annulées, justifiant la convocation, en urgence, sans aucune négociation, des assemblées pour modifier le corps électoral et l’organisation, dans la précipitation, des élections avec un corps électoral dégelé, à quelques jours d’un nouveau scrutin.
    En clair, vous n’êtes pas prêts pour les responsabilités politiques ; vous êtes donc prêts pour l’opposition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Cet amendement vise précisément à corriger le texte pour transformer l’avis simple du Congrès en avis conforme. C’est parce que nous respectons la souveraineté calédonienne, dont le Congrès est l’expression, que nous pensons que cet avis est nécessaire. Il se trouve que l’avis du Congrès sur ce projet de loi constitutionnelle est négatif.
    Vous prétendiez défendre la démocratie, en parangons de vertu, mais au fond, vous n’utilisez l’argument démocratique que quand il va dans votre sens. La démocratie n’est pas ce qui motive ce projet de loi.
    J’en viens à l’argument relatif au risque juridique qui existerait si l’on tenait des élections avec le corps électoral actuel. Ce point est contesté.
    Dans un arrêt du 22 juin 2023, la Cour de cassation a jugé que « [d]ans son arrêt du 11 janvier 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a relevé que, après une histoire politique et institutionnelle tourmentée, la condition de dix ans de résidence fixée par le statut du 19 mars 1999 a constitué un élément essentiel à l’apaisement du conflit meurtrier en Nouvelle-Calédonie et retenu que l’histoire et le statut de la Nouvelle-Calédonie sont tels qu’ils pouvaient être considérés comme caractérisant des nécessités locales, au sens de l’article 56 de la Convention, de nature à permettre les restrictions apportées au droit de vote de certains résidents de cette collectivité.
    « Il doit être constaté que l’organisation des consultations sur l’autodétermination de ce territoire n’a, à ce jour, pas permis de mettre un terme à ces nécessités locales. »
    Autrement dit, il était possible de tenir les élections dans le cadre actuel. Vous avez choisi de ne pas le faire parce que votre objectif est de passer en force. Voilà pourquoi vous ne voulez pas de l’avis conforme du Congrès et voilà pourquoi nous le demandons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    L’argument que le ministre répète avec un peu trop d’autorité, selon lequel si le texte n’est pas voté, les élections seront annulées, procède d’une lecture abusive de l’avis du Conseil d’État qui relève un risque d’inconventionnalité.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et d’inconstitutionnalité !

    M. Arthur Delaporte

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    Le cadre juridique actuel sur le gel du corps électoral est constitutionnel. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous devons modifier la Constitution.
    La seule question concerne l’inconventionnalité éventuelle, c’est-à-dire la contradiction avec la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Comme l’a indiqué Danièle Obono, la Cour de cassation, haute juridiction de notre pays, juge qu’à ce stade, il n’y a pas de risque d’inconventionnalité. Les avis divergent ; il n’existe pas de certitude.
    Finalement, si vous convoquez des élections, cela signifie que toute votre stratégie a échoué.

    Mme Danièle Obono

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    Exactement !

    M. Arthur Delaporte

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    Vous prenez le risque de convoquer des élections qui pourraient être boycottées par une partie des acteurs refusant le processus en cours. Ainsi, vous prenez un risque d’illégitimité. Dès lors, conserver le corps électoral actuel n’est pas la situation qui présente le plus grand risque juridique.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    En effet, vous n’avez aucune certitude sur le risque juridique en cas d’organisation du scrutin.
    Sur la question du calendrier, je m’interroge : qui fait preuve de précipitation ? C’est vous ! Au moment même où le texte est débattu à l’Assemblée, le Président de la République déclare qu’il faut reprendre le dialogue et qu’il va inviter les parties prenantes pour ouvrir les discussions. Je réitère donc ma question. Je ne comprends toujours pas pourquoi nous devrions voter un texte qui sera éventuellement soumis au Congrès alors même qu’en cas d’accord intervenu avant décembre, tout cela sera caduc.
    Pourquoi ne pas travailler, sans épée de Damoclès au-dessus de la tête des parties prenantes, à obtenir un accord global dans de bonnes conditions et à la suite d’un dialogue apaisé, afin d’éviter ce qui est en train de se produire en Nouvelle-Calédonie, plutôt que de précipiter le vote de ce texte ? Je ne comprends pas.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Tout d’abord, rétablir la démocratie n’est pas faire peser une épée de Damoclès sur qui que ce soit, mais une juste mesure pour que les citoyens puissent voter.

    M. Arthur Delaporte

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    Mais la démocratie n’est pas abolie ! Qui parle de la rétablir ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    La démocratie, c’est important, monsieur Delaporte. Même si cela vous paraît manifestement un peu éloigné de notre discussion, c’est tout de même l’objet de l’évolution du corps électoral dont nous débattons.
    Deuxièmement, je rappelle à Mme Obono que la Cour de cassation n’est pas le juge de l’élection ; cette compétence relève du juge de droit public, à savoir le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel selon les scrutins. Mais la Cour de cassation n’a pas pris une position différente de celle du Conseil d’État, bien au contraire puisqu’elle considère qu’il faut conserver des spécificités locales. C’est ce que nous faisons en prévoyant dix ans de présence sur place – donc dix ans d’attente – pour pouvoir voter à une élection locale. Cette règle n’existe nulle part ailleurs en France et même nulle part ailleurs dans le monde démocratique. Nous conservons donc les spécificités locales.
    Troisièmement, j’invite M. Delaporte à relire l’avis du Conseil d’État, cette juridiction que cite pourtant si souvent l’opposition, notamment les points 7 et 8. Le Conseil d’État indique lui-même expressis verbis qu’il faut constater que le corps électoral actuel est une dérogation « aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage » qui « tend à s’accroître avec le temps » et en devient contraire, selon le point 8, aux principes constitutionnels et aux engagements internationaux de la France. Il estime que conserver le corps électoral actuel serait contraire aux conventions internationales et aux principes élémentaires de la Constitution française qui régit notre vieille démocratie. Dois-je vous rappeler, monsieur le député, que le droit de suffrage et l’égalité entre les citoyens devant l’élection, en un mot la démocratie, ont une valeur supérieure à celle d’un tableau annexé au titre des dispositions transitoires mentionnées au titre XIII ? Cela étant, on peut soutenir l’idée qu’il ne faut pas toucher au corps électoral…

    M. Arthur Delaporte

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    Personne ne le fait.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Mais si, c’est ce que vous soutenez en l’absence d’accord. On pourrait tout aussi bien réserver les scrutins locaux – les référendums d’autodétermination ne sont pas concernés – aux Calédoniens nés avant 1998 et empêcher ad vitam æternam tous les autres, leurs enfants et petits-enfants, de choisir leurs élus locaux. Ce n’est pas raisonnable et je réitère l’avis défavorable du Gouvernement.

    (Les amendements identiques nos 48 et 192 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 107, 106, 105, 104, 13, 103, 14 et 15, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 13 et 103 sont identiques.
    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 107.

    M. Bastien Lachaud

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    Il est proposé de repousser la date d’application du texte. Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, d’un côté nous dire que ce projet de loi vise à rétablir la démocratie et, de l’autre, maintenir en l’état actuel une spécificité locale.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si.

    M. Bastien Lachaud

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    De deux choses l’une : ou bien vous mettez fin complètement au gel, et tout le monde peut voter, ou bien vous respectez la spécificité locale que prévoit l’accord de Nouméa – lequel, je le rappelle, est toujours en vigueur et prévoit clairement que ses dispositions perdurent tant qu’il n’y aura pas d’accord entre les parties. Vous prétendez que nous ne sommes pas prêts à gouverner ; malheureusement, c’est vous qui gouvernez, mais je ne suis moi non plus pas sûr que vous y soyez prêt. Regardez la situation en Nouvelle-Calédonie : c’est tout de même votre gestion du dossier qui nous a, hélas, menés là.
    Monsieur le ministre, je sais que votre téléphone portable est sûrement plus important que la représentation nationale…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    En l’occurrence, tout à fait !

    M. Bastien Lachaud

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    Et il acquiesce ! Madame la présidente, vous l’aurez noté. (Mouvements divers.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous n’êtes pas le centre du monde ; mais peut-être n’étiez-vous pas au courant ?

    Mme Mathilde Panot

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    Vous êtes ici pour répondre à la représentation nationale !

    M. Bastien Lachaud

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    Pourquoi ne voulez-vous pas nous donner le nombre d’électeurs inscrits dans cinq ans et dans dix ans si ce projet de loi était adopté ? Ne les connaissez-vous pas, ou refusez-vous de nous les donner, et dans ce cas, pourquoi ? Expliquez-vous, au moins !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 106.

    M. Antoine Léaument

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    Il vise à décaler la date du vote de la loi organique organisant les prochaines élections. Votre logique, monsieur Darmanin, consiste à instaurer un rapport de force en plaçant une épée de Damoclès au-dessus de la tête des éventuelles parties à une négociation future. Nous prônons la logique inverse : laisser davantage de temps aux parties afin de leur permettre de se réunir et de discuter du sujet.
    Comme vous le savez, je suis attaché aux textes constitutionnels et je me dois à ce titre, d’autant que nous débattons en ce moment d’un projet de loi constitutionnelle, de rappeler l’article 24 de notre Constitution, qui est très clair : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. » Je suis bien conscient du problème auquel se heurte l’Assemblée : votre gouvernement gouverne sans son appui, faute de vote de confiance. C’est une difficulté supplémentaire et pour ma part, je ne peux donc reconnaître à votre gouvernement une légitimité totale.
    Néanmoins, les institutions étant ce qu’elles sont, vous gouvernez. Or comment pouvons-nous contrôler la véracité de vos propos si vous ne répondez pas aux questions de mon collègue Lachaud sur le corps électoral ? Vous nous demandez de voter un texte qui ne fait pas consensus entre les parties et qui n’a pas été négocié avec elles, contrairement à la logique de l’accord de Nouméa. Vous nous demandez d’adopter un texte qui engagera la Nouvelle-Calédonie dans un processus pendant les années à venir sans savoir quel sera l’effet de cette décision. Mais je me réjouis que des papiers viennent de vous être remis ; j’espère que vous nous en donnerez le contenu et qu’y figurent les réponses aux questions qui vous ont été posées, puisqu’elles n’étaient apparemment pas dans votre téléphone portable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 105.

    Mme Sophia Chikirou

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    La Nouvelle-Calédonie est un territoire très particulier au sein de la République, un territoire pas comme les autres. En premier lieu, ce n’est pas un département ; ensuite, il est internationalement reconnu comme étant encore occupé. L’ONU le classe dans les « territoires à décoloniser ». Vous dites que le peuple calédonien doit être un et indivisible et que tous les citoyens doivent pouvoir voter, quelle que soit leur histoire et quelle que soit la date à laquelle ils s’y sont installés, moyennant le délai minimum de dix ans. Mais la réalité, c’est qu’il y a deux peuples en Nouvelle-Calédonie, et non un seul peuple, un et indivisible. Cela peut ne pas plaire, mais c’est la réalité de la Nouvelle-Calédonie.
    Certains disent qu’il faut favoriser un peuple unique et faire de tous les Calédoniens des Français comme les autres. Mais ce n’est pas ce que veulent les Calédoniens ! J’en veux pour preuve les années de violences extrêmes qui émaillent le passé et qui les ont divisés. Ces « événements », on peut les appeler une guerre civile. Et puis, pendant des décennies, il y a eu la paix parce que tout le monde a accepté de participer au dialogue.
    On aurait ainsi pu éviter ce qui se passe depuis quarante-huit heures là-bas. Mais le gouvernement français est sorti de l’impartialité qui avait été convenue en prenant parti et en forçant la main des intéressés pour essayer de mettre la pression au sujet du dégel du corps électoral, d’où les nouveaux troubles qui touchent la Nouvelle-Calédonie. C’est une conséquence tellement grave de ce projet de loi que la raison, le sens de la responsabilité, le sens de l’histoire (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et LR) devraient vous pousser à retirer le texte. Le Président de la République devrait appeler à la paix et le retirer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 104.

    M. Bastien Lachaud

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    Un point me semble encore mal compris depuis le début du débat : c’est l’enjeu pour les Calédoniens que représente le dégel du corps électoral. En effet, pour les indépendantistes, pour le peuple kanak, la Nouvelle-Calédonie a été une colonie de peuplement. Hier, monsieur le ministre, vous avez évoqué les bateaux qui, accostant dans l’archipel, y apportèrent les maladies qui ont décimé le peuple premier. Des chercheurs travaillent sur le sujet : je pense notamment à Christophe Sand qui, dans un excellent livre intitulé Hécatombe océanienne, étudie ce qu’il appelle la dépopulation des îles du Pacifique. Il en conclut que le taux de dépopulation a parfois atteint 95 %. Ainsi, entre 1774, quand James Cook a abordé la Nouvelle-Calédonie, et l’arrivée des Français, 70 % à 75 % des Kanaks sont décédés.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Venez-en à l’amendement !

    M. Bastien Lachaud

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    Prenons l’exemple de la vallée de Tiwaka : aujourd’hui peuplée d’une centaine de personnes, elle devait en compter de 30 000 à 60 000 avant que les Européens n’abordent l’archipel. Autrement dit, des centaines de milliers de Kanaks sont morts depuis l’arrivée des Européens en Nouvelle-Calédonie.
    À l’évidence, la question du peuplement est donc fondamentale. On ne peut comprendre la réaction des indépendantistes à ce projet de loi en ignorant le traumatisme qu’a été la colonie de peuplement.

    M. Bruno Millienne

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    Le traumatisme, c’est vous !

    M. Bastien Lachaud

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    Colonie de peuplement et dépopulation, mises bout à bout, ont engendré chez ce peuple premier la peur de disparaître.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 13.

    M. Arthur Delaporte

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    Il vise à repousser d’un an le délai d’adoption de la loi organique organisant les prochaines élections pour le renouvellement général du Congrès et des assemblées de province en le mettant en cohérence avec la date des élections la plus tardive évoquée par le Conseil d’État, c’est-à-dire dans dix-huit mois. C’est une proposition de bon sens parce que nous pourrions encore reporter l’élection d’un an si la loi organique était adoptée au plus tard le 1er octobre 2025. Ce serait une manière de donner du temps au temps et d’aboutir aux solutions permettant la mise en place des nouvelles institutions en Nouvelle-Calédonie.
    Vous semblez croire, monsieur le ministre, que je ne suis pas favorable à l’évolution du corps électoral : bien sûr que si ! Mais comme depuis le début du débat, je répète que nous sommes pour une évolution du corps électoral concertée et acceptée par tous.
    Permettez-moi par ailleurs de vous rappeler le point 11 du premier avis que le Gouvernement a demandé au Conseil d’État en novembre, sur la première version du projet de loi constitutionnelle : « Si les circonstances propres à la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie sont toujours de nature à justifier l’existence d’un corps électoral spécifique, la compatibilité des règles en vigueur avec les engagements internationaux de la France est incertaine […]. » Cela ne veut pas dire qu’il y a un risque avéré d’inconventionnalité, mais qu’il y a un doute. Cette incertitude juridique peut conduire à décider de réviser la Constitution pour réformer le corps électoral, mais ne dites pas qu’il est absolument sûr qu’une élection organisée sous le format actuel serait annulée par le juge.
    Enfin, vous prétendez qu’il faut rétablir la démocratie : est-ce à dire qu’il n’y a plus de démocratie en Nouvelle-Calédonie et, par conséquent, que les élus de Nouvelle-Calédonie sont illégitimes ? Je ne le pense pas.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 103.

    Mme Danièle Obono

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    Dans le sillage des deux interventions précédentes, je commencerai par revenir sur l’histoire du peuplement du territoire de la Nouvelle-Calédonie, Kanaky, puisqu’hier, certaines interventions particulièrement insultantes ont laissé croire que les positions défendues par les indépendantistes relevaient de la xénophobie et du racisme. Ne pas comprendre l’histoire de cet archipel et les raisons pour lesquelles la question démographique est politique et même existentielle pour le peuple autochtone, c’est passer à côté du débat.
    Le collègue Lachaud a évoqué les conséquences des maladies, certes transmises involontairement, mais il s’y ajoute surtout l’action de l’État français qui, dès l’origine, a mené une politique de peuplement, y compris jusque dans les années 1970 quand la politique de Pierre Messmer consistait explicitement à peupler l’archipel avec « du Blanc ». C’est précisément la mémoire de cette politique qui fait craindre que le projet de loi ait pour effet de minoriser le peuple autochtone. Voilà pourquoi nous insistons sur la question des chiffres. Au reste, les représentants indépendantistes, loin d’avoir donné un quelconque quitus, ont demandé une étude d’impact sur l’évolution que produirait une modification du corps électoral s’il était étendu aux personnes résidant en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans.
    La démocratie, la citoyenneté et la liberté du suffrage ont bien valeur constitutionnelle, monsieur le ministre, mais d’autres éléments juridiques le sont aussi, en l’occurrence les dispositions de l’accord de Nouméa. La Cour de cassation a rappelé que les dispositions constitutionnelles ainsi que celles issues de la loi organique de 1999 ne sont pas limitées dans le temps et demeurent en vigueur. Cela fait aussi partie des principes constitutionnels qu’il faudrait respecter.

    5. Élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République (suite)

    Mme la présidente

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    Je vous informe que la clôture du scrutin pour l’élection du juge suppléant à la Cour de justice de la République est annoncée dans l’enceinte du Palais. Le résultat du scrutin sera proclamé à l’issue du dépouillement.

    M. Pierre Cordier

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    Quel suspense ! (Sourires.)

    6. Modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

    Mme la présidente

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    Nous en revenons à l’examen du projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie.

    Discussion des articles (suite)

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir les amendements nos 14 et 15, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Arthur Delaporte

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    Ils visent à reporter l’échéance avant laquelle doit être adoptée la loi organique nécessaire à la tenue des élections provinciales, respectivement au 1er juillet 2025 et au 1er mars 2025. Je vous propose de choisir l’une de ces deux dates, qui sont certes plus rapprochées que celle qui figure dans mon amendement no 13, mais qui laissent davantage de temps que celle du 1er octobre 2024.
    Pour en revenir à la question démocratique, un problème d’égalité devant le suffrage, comme l’écrit le Conseil d’État dans son avis du 7 décembre 2023, se pose – personne ne le nie. Cependant, si le droit de vote en vigueur en Nouvelle-Calédonie pour les élections provinciales déroge à des principes constitutionnels, il est lui-même de valeur constitutionnelle. Nous devons réviser la Constitution, mais il s’agit de principes de rang équivalent, la dérogation ayant été elle-même acceptée et constitutionalisée – en raison des nécessités locales –, comme le rappelle l’ensemble des juridictions, dont le Conseil d’État. Vous affirmez, monsieur le ministre, que cette situation n’est pas démocratique ; je crois au contraire que ce dispositif, reconnu par la Constitution, est le fruit de la souveraineté populaire, le résultat d’une volonté qui s’est exprimée dans un cadre démocratique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Après deux jours de débat, nous convenons enfin qu’un problème d’égalité des citoyens devant le suffrage se pose. On progresse !

    M. Arthur Delaporte

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    Je l’ai dit depuis le début, vous ne m’avez pas écouté !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pourtant pas ce qu’il semblait hier, quand vous donniez l’impression de ne pas savoir pourquoi ce texte était soumis au Parlement. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
    Quant à M. Lachaud, je suis désolé de lui dire qu’il n’est pas le centre du monde – lui qui regarde également son téléphone, sans doute à propos d’un autre sujet. Dans mon cas, j’essayais de m’enquérir de l’opération Épervier lancée après la mort de trois agents pénitentiaires ce matin – en tant que ministre de l’intérieur, monsieur Lachaud, je peux aussi m’intéresser à la sécurité des Français. Quoi qu’il en soit, ce que vous pensez de la façon que j’ai de travailler avec mes collaborateurs ne m’intéresse pas. (Mme Danièle Obono s’exclame.)
    En revanche, ce qui m’intéresse, pour vous répondre, monsieur Léaument, c’est que les huit amendements en discussion commune – hormis ceux de M. Delaporte, dont je salue la cohérence – n’ont rien à voir avec ce que vous avez évoqué lors de votre prise de parole. C’est dommage, parce que l’amendement no 107 de Mme Panot que vous avez d’abord défendu prévoit – je le dis à l’intention de ceux qui nous écoutent et qui n’ont pas nécessairement le texte des amendements sous les yeux – de reporter jusqu’au 1er octobre 2029 le vote de la loi organique qui définira les mesures nécessaires à l’organisation des élections. Si cet amendement était adopté, non seulement il n’y aurait pas d’élections en 2024, mais il n’y en aurait pas non plus en 2025, ni en 2026, ni en 2027, ni en 2028 ; il faudrait attendre 2029 ! Ainsi, nous ne pourrions pas organiser deux élections provinciales, ce qui porterait le mandat des actuels élus à quinze ans ! Chacun voit que ce n’est pas raisonnable.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Exactement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Votre intention de reporter les élections en 2029 montre que vous avez envie non pas de discuter du fond, mais plutôt de faire de l’obstruction parlementaire. Avis défavorable. (M. Arthur Delaporte demande la parole à Mme la présidente.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Delaporte, vous avez déjà présenté trois amendements, j’ai donné cinq fois la parole à des membres de La France insoumise... (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Soyez très bref !

    M. Arthur Delaporte

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    J’ai défendu deux amendements différents en trente secondes ! Je souhaitais simplement répondre au ministre qui prétend que c’est la première fois que j’exprime des réserves, en lui relisant ma déclaration d’hier après-midi (Protestations sur quelques bancs du groupe RE) : « Disons-le une bonne fois pour toutes : personne ne conteste que les règles actuelles doivent être révisées car elles comportent leur lot d’injustices. […] Si l’on doit effectivement réfléchir, au nom du principe d’égalité auquel nul ne s’oppose, au dégel du corps électoral, la restriction a de fait, elle aussi, une nature constitutionnelle. Nous devons donc ici concilier plusieurs principes à valeur constitutionnelle. » Voilà ce que j’ai dit hier, monsieur le ministre,…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pas ce que vous avez dit !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Si !

    M. Arthur Delaporte

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    …et que vous prétendez ne pas avoir entendu depuis le début du débat. Je vous invite donc à m’écouter un peu plus attentivement.

    (Les amendements nos 107, 106, 105 et 104, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 13 et 103 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements nos 14 et 15, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 108.

    Mme Sophia Chikirou

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    Monsieur le ministre, nous ne faisons pas d’obstruction. (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    Si, ça s’appelle comme ça !

    Mme Sophia Chikirou

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    Ce que nous faisons, c’est permettre à tous nos concitoyens qui s’intéressent à la Nouvelle-Calédonie de bien mesurer et comprendre nos arguments ;…

    M. Bruno Millienne

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    Vous répétez en boucle les mêmes arguments depuis le début !

    Mme Sophia Chikirou

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    …c’est porter ici la parole de ceux qui ne l’ont pas ; c’est dialoguer et faire avancer la discussion, car il n’y a pas de meilleure façon de faire.
    Contrairement à hier, le rapporteur ne s’exprime plus, ce qui fait baisser la tension. Le fait qu’il ne tienne plus, comme hier, des propos provocateurs et incendiaires, permet à la discussion de mieux se dérouler. C’est une bonne chose et une bonne décision pour aider à l’apaisement.

    M. Bruno Millienne

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    Super ! Vous êtes extraordinaire !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Quand on ne vous répond pas, ça marche mieux ! Vous êtes les démocrates du monologue !

    Mme Sophia Chikirou

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    D’autre part, à propos du sens de l’histoire – et dès lors qu’on évoque la Nouvelle-Calédonie, on convoque l’histoire –, si nous faisons référence à la colonisation et aux peuples présents en Nouvelle-Calédonie – notamment au peuple kanak, qui est le peuple premier –, c’est parce que ce peuple est assez extraordinaire : il est capable d’une résilience fabuleuse. Le peuple kanak l’affirme clairement : nous reconnaissons qu’il y a des victimes de l’histoire sur la terre de la Nouvelle-Calédonie, et que des gens s’y trouvent qui n’ont pas demandé à y venir, mais qui ont été victimes de déportation – dans le cas des bagnards – et de déportation politique.
    Vous évoquiez hier, monsieur le ministre, l’insurrection de la Commune de Paris en 1871 et l’insurrection de la Kabylie face à la colonisation. Cela m’a fait très plaisir de vous entendre à ce sujet, parce que je suis élue de la circonscription de Ménilmontant, où se sont justement croisés Louise Michel (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) et le leader de l’insurrection kabyle, Cheikh El Haddad. Pour moi, cette histoire est très importante… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Madame Chikirou, c’est vrai que vous ne faites pas d’obstruction, puisque votre amendement consiste à remplacer « interruptifs de » par « considérés comme interrompant ». (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Monsieur le ministre, je pense que le débat mérite mieux que des réponses de ce niveau.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    On est d’accord !

    M. Bastien Lachaud

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    Je tiens à votre disposition l’amendement de M. Metzdorf déposé au Congrès de la Nouvelle-Calédonie dimanche, qui tend à remplacer un f minuscule par un f majuscule, et à supprimer deux virgules. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Je pense que M. Metzdorf a voulu non pas faire de l’obstruction, mais défendre ses idées. Ce que M. Metzdorf a fait au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, souffrez que nous le fassions à l’Assemblée nationale ! (« Bravo ! », « Exactement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 108 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 112.

    Mme Danièle Obono

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    Nous assumons de vouloir prendre le temps du débat (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RE), quand vous vouliez en faire une formalité parlementaire, alors que chacun reconnaît que c’est un sujet sensible, qui mérite une discussion politique de qualité.
    S’agissant de l’objection du ministre – qui semble découvrir au fur et à mesure ce que nous disons depuis le début, comme l’a souligné le collègue Delaporte –, personne, y compris les parties prenantes en Nouvelle-Calédonie, ne considère que l’état actuel du troisième corps électoral – spécificité issue de l’histoire – doit demeurer ad vitam æternam.
    Lors du XIVe comité des signataires de l’accord de Nouméa, qui s’est tenu le 4 février 2016, les indépendantistes ont accepté que le corps électoral citoyen puisse être ouvert aux natifs du pays, y compris ceux n’ayant pas de parents citoyens. Il était normal que ces natifs, qui votaient aux référendums, puissent voter aux élections provinciales. Les parties prenantes ont alors renoncé à introduire des recours contentieux, convenant que le litige était « politiquement clos » – je reprends l’analyse du juriste Mathias Chauchat, qui montre que la question de l’évolution de ce corps électoral était posée de longue date et que des réponses avaient été proposées. Si vous n’aviez pas choisi de faire dérailler le processus et de passer en force, ces discussions auraient peut-être abouti. Tel est l’objet de nos interventions.
    En voulant imposer ce projet de loi constitutionnelle, vous allez à l’encontre d’un processus qui aurait pu – et dû –, depuis quelques années, permettre une évolution de ce corps électoral, quels que soient les résultats des référendums. Il est nécessaire de le rappeler devant la représentation nationale, parce que les débats qui s’y tiennent font foi. De la part du groupe La France insoumise et de ceux qui s’opposent à ce texte, il n’y a pas de refus de la démocratie ; de votre côté, en revanche, il y a une volonté de passer en force. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je souhaite poursuivre le propos de ma collègue, et achever celui que je n’ai pu terminer tout à l’heure. Sur le sujet qui nous occupe, prendre le temps de discuter et de rappeler l’histoire, c’est participer à construire la suite. Je rappelais comment Louise Michel et les communards avaient été déportés en Nouvelle-Calédonie après l’insurrection parisienne de 1871. Vous imaginez à quel point nous revendiquons cette histoire, dont nous sommes les héritiers, et qui nous lie pour toujours à la Nouvelle-Calédonie.
    D’autre part, pour ceux qui ont, comme moi, des origines de l’autre côté de la Méditerranée – notamment en Kabylie –, l’insurrection kabyle, qui a eu lieu au même moment que l’insurrection parisienne, et qui a été réprimée avec autant de barbarie et de sauvagerie – il y a eu des milliers de morts –, a conduit à la déportation de plus de 5 000 insurgés kabyles en Nouvelle-Calédonie. Insurgés kabyles et insurgés parisiens se sont ainsi retrouvés en Nouvelle-Calédonie, ont sympathisé, et sont devenus des frères, comme l’écrira Louise Michel – leur histoire durant jusqu’à la mort de cette dernière, elle qui s’était liée à Cheikh El Mokrani et à Cheikh El Haddad. Les opprimés de ce monde, ici les communards de Paris, là-bas les colonisés de Kabylie, se sont retrouvés aux côtés du peuple kanak, et ont appris à se connaître, à devenir frères ensemble. Aujourd’hui, ils font tous partie de l’histoire commune de la Nouvelle-Calédonie.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    C’est bien, ça !

    Mme Sophia Chikirou

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    Tous ont eu affaire, d’une certaine façon, au même oppresseur. Oui, l’histoire de la Nouvelle-Calédonie est douloureuse et mérite une forme de démocratie où la parole prenne toute sa place, et où le temps de la discussion et de la compréhension des blessures doive être accordé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    M. Philippe Gosselin

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    C’est bien tout le processus depuis vingt-cinq ans !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous n’avez pas un truc à raconter sur Louise Michel, monsieur Gosselin ?

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Madame Chikirou, vous avez été excellente. (M. Antoine Léaument applaudit.) Je vous remercie profondément d’avoir défini, comme on le fait depuis le début, le peuple calédonien :…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Exactement !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    …des Kabyles, des communards, des Wallisiens et des Futuniens, poussés là par les aléas de l’histoire…

    Mme Sophia Chikirou

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    J’ai aussi parlé des oppresseurs !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    …et qui se sont associés avec les Kanaks. Tout au long des deux derniers siècles, ces communautés se sont mélangées, et ont constitué ce qu’on appelle aujourd’hui, dans toute la classe politique – même s’il n’est pas reconnu par la Constitution –, le peuple calédonien. C’est ce peuple calédonien, tout mélangé, qui est allé voter et a choisi par trois fois de rester français. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Ce n’est pas si simple !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Ce peuple calédonien, dans sa large majorité, toutes ses composantes confondues, souhaite aujourd’hui retrouver les voies de la démocratie. Merci d’avoir reconnu et souligné son existence ; respectez à présent son choix démocratique. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et Dem.)

    (L’amendement no 112 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 109.

    M. Antoine Léaument

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    Si nous voulions faire de l’obstruction, nous nous y prendrions un peu différemment.

    M. Bruno Millienne

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    Vous répétez en boucle les mêmes choses !

    M. Antoine Léaument

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    Nous essayons de débattre sur le fond. Parler de la Nouvelle-Calédonie, c’est parler de la République. Vous nous avez reproché à plusieurs reprises, monsieur Darmanin, de ne pas être universalistes, au motif que nous voudrions que certains principes s’appliquent ici, mais ne s’appliquent pas là-bas. En réalité, c’est l’inverse.
    Nous défendons des principes universalistes, notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous défendons le principe que la France ne doit pas être une puissance coloniale. Nous défendons aussi l’idée que l’égalité républicaine, en France, se définit à partir de la citoyenneté.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Il faudrait savoir !

    M. Antoine Léaument

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    C’est la raison pour laquelle nous considérons que l’absence de dégel du corps électoral pose un problème. Mais, dès lors que la France a reconnu qu’il y a deux peuples, puisqu’il y a une situation coloniale, le seul moyen pour que la citoyenneté soit à même de définir l’égalité au sens où nous, républicains, l’entendons, c’est que des accords soient négociés entre les différentes parties. Prendre en compte l’identité kanak, c’est aborder en républicains les questions relatives à la Nouvelle-Calédonie.
    Je rappelle qu’il est question, dans l’accord de Nouméa, de la mise en place d’une citoyenneté calédonienne pouvant aboutir à une nationalité. La séparation entre nationalité et citoyenneté n’a pas toujours existé. Quand, en 1793, on invente la citoyenneté, elle est en même temps la nationalité : ce qui définit l’identité nationale française est la qualité de citoyen. La distinction entre citoyenneté et nationalité intervient plus tard, au début du XXe siècle, avant lequel il n’existe pas de carte d’identité.
    À travers le débat sur la Nouvelle-Calédonie, ce sont des principes fondamentaux de la République que nous souhaitons débattre. Nous ne pouvons pas décider, ici, à l’Assemblée nationale, de ce qui doit valoir pour le peuple kanak ; c’est à lui de décider. Et le dernier référendum ne saurait être tenu pour légitime, dans la mesure où plus de la moitié des Calédoniens, kanak et non kanak, n’a pas souhaité y participer. C’est la raison pour laquelle nous vous disons depuis le début qu’il faut revenir à des négociations entre les différentes parties, seul moyen de définir cette citoyenneté calédonienne dans un cadre accepté par tous.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je regrette l’obstruction que pratique le groupe La France insoumise : les propos du député Léaument n’ont rien à voir avec l’amendement, qui vise à remplacer le mot « remplissant » par l’expression « qui remplissent ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Nous déposons en effet des amendements rédactionnels pour pouvoir intervenir sur un sujet dont nous mesurons l’importance. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Obstruction !

    Mme Danièle Obono

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    S’il est besoin de vous rappeler à quoi ressemble l’obstruction, je vous renvoie aux deux batailles contre la réforme des retraites. Tout le monde se rappellera que cela n’avait rien à voir, même si le sujet était tout aussi important. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Philippe Gosselin

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    On reconnaît votre savoir-faire et on ne va pas le tenter.

    Mme Danièle Obono

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    Monsieur le rapporteur, comme le disait mon collègue Léaument et contrairement à ce qui a pu être dit ou pensé, ce débat est d’intérêt général (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES), car il pose les questions suivantes : qu’est-ce que faire nation ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Selon La France insoumise !

    Mme Danièle Obono

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    Qu’est-ce que la citoyenneté ? Vous m’avez interpellée, sur les réseaux sociaux, à propos du droit de vote des résidents étrangers. C’est un grand sujet républicain, dont nous aurons peut-être le temps de discuter lorsque nous examinerons d’autres amendements au projet de loi constitutionnelle.
    Vous considérez que la démocratie sera retrouvée quand ce projet de réforme constitutionnelle sera entériné, comme si l’accord de Nouméa – et je peux le comprendre, de votre point de vue de non-indépendantiste – avait brisé la démocratie ou avait constitué un recul en la matière.
    Or l’accord de Nouméa – certes, ce n’est peut-être pas votre lecture de l’histoire –, en tant qu’élément d’un processus de décolonisation, en tant qu’il s’inscrit dans la déclaration reconnaissant l’identité du peuple kanak, sa nature de peuple premier – terme qui n’implique pas une hiérarchisation, mais qui correspond à une caractérisation politique et historique reconnue au niveau international – et ses droits, fait partie d’un processus démocratique.
    Cette vision est non pas un recul, mais une avancée. Votre point de vue loyaliste s’entend, mais il ne peut pas être celui de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous vous interpellons et continuons à demander le retrait du texte, qui remet en cause le droit démocratique du peuple kanak. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Je voudrais vous remercier pour vos interventions, grâce auxquelles j’apprends des choses sur la Nouvelle-Calédonie, moi qui n’en suis pas un spécialiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Notamment pour la vôtre, madame Chikirou, qui remet sur la table un principe que nous connaissons bien en France : le peuple premier franc – je ne sais pas si l’on peut l’appeler ainsi – n’existe pas. Nous sommes tous issus de l’immigration, nous sommes tous des sang-mêlé et des sangs mélangés. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Eh oui ! Et c’est tant mieux !
    Mais je voudrais vous demander de clarifier vos positions, car il y a une différence entre la position de Mme Chikirou, qui a bien expliqué que le peuple kanak, s’il est un peuple premier, est au moins mélangé avec les Kabyles et les communards français envoyés en Nouvelle-Calédonie, et celle de M. Léaument, pour qui le peuple kanak est celui d’avant cette invasion.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est honteux, ça n’a rien à voir !

    Mme Danièle Obono

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    Vous avez tout confondu, collègue Millienne ! Nous allons vous réexpliquer !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    On va éviter de remettre cent balles dans la machine, pour parler trivialement. (M. Arthur Delaporte applaudit.) Des choses intéressantes se disent aujourd’hui – je ne vais pas en faire la synthèse, nous ne sommes pas au bout de nos débats ni de nos peines. Mais, quand les uns ou les autres se laissent un peu aller, et je reprends les propos de Mme Chikirou, l’approche devient binaire. Oui, il y a un peuple autochtone, personne ne le nie.

    M. Arthur Delaporte

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    Bien sûr !

    M. Philippe Gosselin

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    Oui, il y a eu des ombres et des lumières, personne ne le nie. C’est ce qui fonde même une partie de nos débats et de nos interventions depuis vingt-six à trente ans. Personne ne le conteste aujourd’hui. Nous sommes à la fin d’un processus, l’application du titre XIII de la Constitution arrivant à son terme. Cela ne veut pas dire pour autant que la méthode elle-même doit changer. Il faut encore avancer.
    Quand vous dites, madame Obono, que la France nie ce processus républicain et, d’une certaine façon, s’assoit sur la démocratie, c’est faux.

    Mme Sophia Chikirou

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    Non pas la France, mais le rapporteur !

    M. Philippe Gosselin

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    C’est au contraire ce qui nous réunit depuis vingt-cinq ans. C’est le rééquilibrage politique, c’est le rééquilibrage économique.

    M. Antoine Léaument

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    Ça n’a pas marché !

    M. Philippe Gosselin

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    C’est le rééquilibrage des élites, avec la création de plus de 400 cadres. Il s’agit d’une communauté particulière, mais la Nouvelle-Calédonie est désormais un peu à l’image de la France moyenne. Les gens ne gagnent plus leur vie de la même manière qu’avant. Les sangs se mêlent, puisque le taux de mariages mixtes est passé de 6 ou 7 % à 14 ou 15 % – c’est peut-être encore trop peu, mais c’est un exemple concret. Une grande partie des Kanaks habite à Nouméa, dans des quartiers qui ne sont pas uniquement des quartiers populaires ou en difficulté. Il faut avoir conscience de tout ce processus.
    Or, si l’on vous écoute, sans mauvais jeu de mots ni référence raciste à la couleur de peau, c’est d’un côté noir et de l’autre blanc.

    Mme Danièle Obono

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    Non !

    M. Philippe Gosselin

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    La réalité est beaucoup plus complexe que la vision très binaire et artificielle que vous proposez. Ayez la sincérité et la simplicité de le reconnaître, afin que les débats puissent avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour un rappel au règlement.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je le formule sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, du règlement : je ne veux pas qu’on me fasse dire ce que je n’ai pas dit. Les historiens et les Calédoniens risqueraient de m’en vouloir, s’ils prenaient à la lettre les propos que vous avez cru comprendre.

    M. Bruno Millienne

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    Je suis trop nul, j’ai toujours été un mauvais élève !

    Mme Sophia Chikirou

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    Je n’ai jamais été professeure et je suis certainement mauvaise pédagogue, mais je ne dis pas que le peuple calédonien est un seul peuple. Je dis que les Kanaks reconnaissent eux-mêmes, avec une capacité de résilience incroyable et selon moi admirable, qu’il y a des victimes de l’histoire et qu’elles doivent être prises en compte dans le processus et l’histoire que nous voulons bâtir. Je tenais à rectifier ces propos.

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    (L’amendement no 109 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 111.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas la première fois dans notre histoire que la République – ou ce qui n’était pas encore la République, car il s’agissait à l’époque de l’Assemblée nationale sous la monarchie constitutionnelle en formation – proclame des principes qui s’opposent à une réalité matérielle.
    Lorsque nos ancêtres ont adopté la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le 26 août 1789, les colons d’alors ont demandé qu’elle ne s’applique pas, notamment en Haïti, Saint-Domingue à l’époque. C’était pour eux une nécessité puisque cette Déclaration – et non pas la Constitution de la Ve République comme vous l’avez dit hier – proclamait dans son article 1er que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. L’esclavage était dès lors impossible.
    Notre histoire nationale, et même l’histoire de notre drapeau tricolore, a partie liée avec les luttes en Haïti. Ceux qui s’y sont battus pour l’application de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ont eu une influence directe sur ce qui s’est passé dans l’Hexagone. Le pouvoir politique a décidé d’envoyer des navires mater ceux qui se rebellaient au nom de ces principes. Les navires devaient partir sous un drapeau blanc, mais la question est arrivée à l’Assemblée nationale, et voici Mirabeau…

    M. Bruno Millienne et M. Charles Sitzenstuhl

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    Ça n’a aucun rapport !

    M. Antoine Léaument

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    …qui prend la parole pour dire qu’il faut remplacer le drapeau blanc de la monarchie, celui de la gloire par la guerre, par le drapeau qui sera « celui de la sainte confraternité des peuples, des amis de la liberté sur toute la Terre, comme la terreur des conspirateurs et des tyrans ». Nous sommes le 21 octobre 1790 ; ce jour-là, l’Assemblée nationale décide pour la première fois que l’on adoptera le drapeau tricolore – rouge, blanc, bleu, pour la petite histoire – sur les navires de la marine française.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Ce n’est pas de l’obstruction ?

    M. Antoine Léaument

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    Voilà comment le drapeau tricolore lui-même vient d’un conflit entre des principes, comment il vient d’une grève antiraciste des marins bretons…

    M. Jimmy Pahun

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    Ah, les Bretons !

    M. Antoine Léaument

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    …qui ont refusé de partir mater les Haïtiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, monsieur Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Je voudrais juste finir ce point important, madame la présidente… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)

    Mme la présidente

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    Certes, mais cela fait plus de deux minutes que vous vous exprimez.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Nous avons des débats très importants et très intéressants, et nous sommes plusieurs ici à apprécier l’histoire. Mais nous sommes dans le cadre de travaux parlementaires, et l’article 54, alinéa 6, du règlement indique : « L’orateur ne doit pas s’écarter de la question, sinon le président l’y rappelle. »

    M. Ugo Bernalicis et M. Antoine Léaument

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    C’est bon, on l’a déjà lu hier !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pour que les débats puissent avancer sereinement, il faudrait au moins que les rappels historiques concernent la Nouvelle-Calédonie.

    Mme Danièle Obono

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    La colonisation, c’est le sujet !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ce qui a été dit était intéressant, mais très éloigné de la question dont nous débattons. (M. Daniel Labaronne applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Je n’ai pas pu finir, c’est pour ça ! (Sourires.)

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aude Luquet.

    Mme Aude Luquet

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    Je voudrais en appeler à la responsabilité de nos collègues du groupe La France insoumise.

    M. Bruno Millienne

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    C’est peine perdue !

    Mme Aude Luquet

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    Nous avons envie de débattre, mais nous n’avons pas envie d’examiner des amendements qui sont complètement hors sujet. Notre responsabilité commune est d’accompagner le peuple calédonien. Or, une fois de plus, en cette fin de journée, ce n’est pas ce que vous faites. Je ne pense pas que, si l’on nous regarde de Nouméa, du Grand Nouméa, du Mont-Dore, de Koné, de Maré, des îles Loyauté, on ait le sentiment que ces amendements nous permettent d’avancer sur la question du dégel du corps électoral et sur les questions qui nous importent. (Mme Maud Petit applaudit.) Nous devons, en notre responsabilité de parlementaires, avancer sur ce texte, en évitant de tels amendements, totalement hors sujet, qui ne servent qu’à vous faire plaisir.

    Mme Sophia Chikirou

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    Ce n’est pas à vous qu’il revient de juger de nos amendements !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Je tenais à dire à notre collègue Luquet que nous aurions été ravis de discuter de ses amendements… si elle en avait déposé.

    Mme Maud Petit

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    C’est nul !

    Mme Aude Luquet

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    C’est tout petit !

    Mme Maud Petit

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    LOL !

    M. Matthias Tavel

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    C’est la vérité !

    M. Bastien Lachaud

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    Oui, c’est la vérité.
    Monsieur Gosselin, je n’ai pas l’impression que nous ayons une vision binaire des choses.

    M. Bruno Millienne

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    Si !

    M. Bastien Lachaud

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    Vous nous parlez de l’accord de Nouméa, du rééquilibrage politique, économique, etc.

    M. Philippe Gosselin

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    C’est une réalité !

    M. Bastien Lachaud

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    La réalité, c’est que cela figure dans le texte de l’accord de Nouméa. Mais quel est le résultat du rééquilibrage économique, vingt-cinq ans après ? Sept chômeurs sur dix, 71 % des pauvres, 69 % des jeunes sans emploi ni formation (M. Antoine Léaument applaudit) et 90 % des détenus de la prison de Nouméa sont kanak, alors que les Kanaks ne représentent que 40 % de la population. Si le rééquilibrage a commencé, il est loin d’être arrivé à son terme.

    M. Philippe Gosselin

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    Nous n’avons pas dit le contraire !

    Mme Aude Luquet

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    Quel rapport avec le texte ?

    M. Bastien Lachaud

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    La situation coloniale perdure, tout simplement parce que le rééquilibrage – qu’elle a rendu nécessaire – n’est pas allé à son terme. Vous estimez que nous sommes arrivés à la fin d’un processus. Certes, les trois référendums ont eu lieu, même si le troisième est contesté, mais que dit l’accord de Nouméa ? Il dispose que tous les acquis sont irréversibles.

    M. Philippe Gosselin

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    Nous n’avons pas dit le contraire !

    M. Bastien Lachaud

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    Ils sont irréversibles et garantis constitutionnellement. Or le gel du corps électoral est inscrit dans l’accord de Nouméa, donc garanti par la Constitution. C’est un principe irréversible tant que les parties n’ont pas validé un nouvel accord. C’est pourquoi le projet de loi constitutionnelle viole l’accord ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Nous sommes en train de tordre le cou à l’accord de Nouméa, alors que nous devrions créer les conditions d’un nouvel accord en envoyant une mission du dialogue. Je sais que vous y êtes favorable, monsieur Gosselin. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    (L’amendement no 111 n’est pas adopté.)

    7. Élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République (suite)

    Mme la présidente

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    Je vous indique le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République – le suspense est intenable.
    Nombre de votants : 147
    Nombre de suffrages exprimés : 125
    Majorité absolue : 63
    Mme Blandine Brocard a obtenu 125 voix. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Arthur Delaporte applaudit également.)

    Mme Maud Petit

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    Quelle surprise !

    Mme la présidente

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    Elle a donc obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés. Je la proclame juge suppléante à la Cour de justice de la République. La conférence des présidents a fixé sa prestation de serment à demain, mercredi 15 mai, à quinze heures.

    M. Julien Bayou

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    En attendant la suppression de la Cour de justice de la République…

    8. Modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

    Mme la présidente

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    Nous en revenons à l’examen du projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie.

    Discussion des articles (suite)

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 110.

    Mme Danièle Obono

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    Il s’agit encore d’un amendement rédactionnel. La question posée est celle du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, territoire toujours en situation de décolonisation. Il faut continuer à parler de décolonisation, puisque plusieurs collègues ne comprennent pas bien et confondent un certain nombre de choses. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
    Madame Luquet, peut-être n’étiez-vous pas là hier, mais nous avons présenté des amendements relatifs à un dégel partiel, qui reprenaient d’ailleurs les propositions de partis calédoniens. Ils ont été rejetés.

    Mme Aude Luquet

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    C’est la démocratie !

    M. Bruno Millienne

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    Acceptez la démocratie parlementaire !

    Mme Danièle Obono

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    Mais ils l’ont été sans que vous exprimiez le moindre avis sur le sujet. Vous conviendrez que votre participation au débat parlementaire est limitée. Pour notre part, nous réfléchissons à différentes perspectives et nous voulons débattre car, je le répète, le débat est important. Relisez ceux qui ont eu lieu dans cette assemblée sur le même sujet, il était déjà question de citoyenneté, et du peuple calédonien !
    Monsieur Gosselin, relisez également la déclaration finale de Nainville-les-Roches, acceptée par les indépendantistes mais refusée par les non-indépendantistes, dits loyalistes. Elle représente un précédent par rapport aux autres processus de décolonisation ou de lutte de libération nationale.

    M. Bruno Millienne

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    Ah !

    M. Bastien Lachaud

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    Exactement !

    Mme Danièle Obono

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    Dans cette déclaration, et dans une perspective d’émancipation, le peuple kanak, peuple autochtone – le terme est précisément défini par l’ONU –, reconnaît les oubliés de l’histoire dont parlait ma collègue Chikirou. Il reconnaît l’appartenance de toutes ces communautés et populations à un destin commun.
    C’est la force de ce processus, et l’un des points sur lequel les acteurs se sont appuyés pour aboutir à l’accord de Nouméa. Cela justifie aussi le périmètre du corps électoral référendaire et celui des élections au Congrès et aux assemblées de province. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Je vais finir ma petite histoire (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem), que j’aurais préféré conter d’une traite, précisément parce qu’elle a un rapport avec nos débats.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il fallait être précis !

    M. Antoine Léaument

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    Les événements dont je vous ai parlé ont abouti à la création du drapeau tricolore – c’est une bonne chose, nous en conviendrons tous, d’autant qu’il affirme des valeurs antiracistes.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Cela n’a aucun rapport avec le texte !

    M. Antoine Léaument

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    Chacun d’entre nous doit se souvenir qu’on ne peut pas défendre le drapeau tricolore en prônant des valeurs racistes.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Ni antisémites !

    M. Antoine Léaument

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    En Haïti, donc, avec la cérémonie du Bois-Caïman et les révoltes contre l’esclavage, la lutte a abouti à une abolition de fait de l’esclavage. En 1794, en abolissant l’esclavage pour la première fois, sans indemnisation des propriétaires, la République française n’a donc fait que reconnaître une situation de fait, issue de la lutte.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Madame la présidente, cela n’a rien à voir avec le texte !

    M. Antoine Léaument

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    Dès le début de la Révolution, les débats avaient fait rage, car l’esclavage était en contradiction avec les principes fondamentaux proclamés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – celle-là même qui est reproduite autour de la boule située dans la cour d’honneur de l’Assemblée nationale.

    Plusieurs députés de la majorité

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    Mais arrêtez !

    M. Antoine Léaument

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    J’essaie simplement de vous expliquer que la République se retrouve parfois dans une situation de fait qui la met en difficulté vis-à-vis de ses principes. Or c’est exactement la situation dans laquelle nous sommes en Nouvelle-Calédonie ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) C’est pourquoi nous devons analyser les choses avec beaucoup de finesse.

    M. Bruno Millienne

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    C’est votre cas ?

    M. Philippe Gosselin

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    C’est vrai que c’est votre marque de fabrique !

    M. Antoine Léaument

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    C’est ce que nous essayons de faire, en dépit de vos cris d’orfraie. Monsieur Millienne, après avoir dit que vous n’y connaissiez rien, vous nous donnez des leçons de démocratie ! C’est un peu saoulant, si vous me passez l’expression.

    Mme la présidente

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    Merci de bien vouloir conclure.

    M. Antoine Léaument

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    Il faut étudier les principes et aller au fond de ces principes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe Dem.)

    (L’amendement no 110 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 113.

    Mme Sophia Chikirou

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    Monsieur le ministre, revenons…

    M. Bruno Millienne

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    Aux communards ?

    Mme Sophia Chikirou

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    …au processus et à ce que ce projet de loi constitutionnelle provoque en Nouvelle-Calédonie depuis quarante-huit heures.
    J’imagine que personne ici n’affirmera qu’il faut obliger le peuple calédonien à renoncer à son droit fondamental à l’autodétermination. Je vous rappelle que la résolution onusienne du 4 décembre 1987 « déclare que, pour progresser vers une solution politique à long terme en Nouvelle-Calédonie, il faut un acte d’autodétermination libre et authentique – j’insiste sur ces deux termes – qui soit conforme aux principes et pratiques suivis par l’Organisation des nations unies en matière d’autodétermination et d’indépendance ».
    Or, en l’espèce, l’autodétermination semble entravée par le troisième référendum, qui a eu lieu à un moment où le peuple kanak était en deuil, selon sa tradition, à la suite de l’épidémie de covid-19, épidémie la plus grave du XXIe siècle, qui a coûté de nombreuses vies en Nouvelle-Calédonie.
    En raison de cette période de deuil coutumière, il ne pouvait ni faire campagne, ni prendre part à ce référendum. Pourtant, qu’a fait l’État français ? Il a décidé de violer la coutume du peuple kanak. Il n’a pas respecté ce peuple premier en lui imposant un référendum auquel il ne pouvait décemment pas participer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Autrement dit, dans la situation actuelle, le principe d’un processus d’autodétermination libre n’est pas respecté. C’est pourquoi les tensions sont d’une telle ampleur en Nouvelle-Calédonie. Depuis quarante-huit heures, vous avez rallumé la mèche avec ce projet de loi constitutionnelle ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.)
    Le Président de la République dit… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)

    Mme la présidente

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    Les amendements doivent normalement être défendus en deux minutes. Vous débordez à chaque fois.

    Mme Sophia Chikirou

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    Parce que c’est passionnant !

    Mme la présidente

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    Je vous laisse largement la parole.

    Mme Sophia Chikirou

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    Merci, madame la présidente ! (Mme Sophia Chikirou s’incline en joignant les mains.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable. Madame Chikirou, votre exposé n’a aucun lien avec le dispositif de l’amendement. En outre, nous en avons déjà débattu en commission sur le projet de loi organique et je vous avais expliqué que votre présentation est erronée.
    Le covid-19 s’est propagé dans le monde – donc sur les territoires français – à partir du début de l’année 2020. Le premier tour des élections municipales a eu lieu, mais pas le second, chacun s’en souvient. Le confinement a suivi. Contrairement à ce que vous avez affirmé, madame Chikirou, ce n’est pas l’État qui a déclenché le troisième référendum ; ce sont les indépendantistes qui l’ont demandé, au Congrès de la Nouvelle-Calédonie,…

    Mme Sophia Chikirou

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    Ça, c’est vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …où un vote des trois cinquièmes était nécessaire. Ce vote a été postérieur à la période du covid-19.

    M. Matthias Tavel

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    Ne confondez pas la date de la demande et la date du scrutin !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    D’ailleurs, au lendemain du covid-19, quand les indépendantistes ont constaté que M. Metzdorf pouvait être battu dans sa circonscription aux élections législatives, ils se sont mobilisés – sans succès. C’est normal en démocratie, mais ils sont ainsi revenus sur leur refus de participer aux élections.
    Ne dites pas que nous avons déclenché le référendum car ce n’est pas vrai, et ceux qui nous écoutent pourraient croire que nous avons profité du covid-19 pour convoquer un scrutin. Je le répète, c’est après l’épidémie de covid-19 et après les vagues de confinement que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, où les indépendantistes sont majoritaires, a demandé la tenue du référendum. Il n’est pas utile de dire des contrevérités pour avoir raison. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Nous allons compléter vos vérités, monsieur le ministre. À l’issue du XIXe et dernier comité des signataires, dispositif créé par l’accord de Nouméa pour « veiller au suivi de l’application de l’accord » selon les termes de son article 6.5, M. Édouard Philippe, alors Premier ministre, avait déclaré : « Nous avons exclu que cette troisième consultation puisse être organisée entre le milieu du mois de septembre 2021 et la fin du mois d’août 2022. Il nous est collectivement apparu qu’il était préférable de bien distinguer les échéances électorales nationales et celles propres à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. »

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Quel rapport ?

    Mme Danièle Obono

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    Tout le monde peut retrouver cette déclaration sur internet ; elle date du 19 octobre 2019. Il y avait donc un accord sur cette base. Pourtant, vous avez choisi d’organiser le référendum à la période précise où il ne devait pas avoir lieu !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce sont les indépendantistes qui l’ont demandé !

    Mme Danièle Obono

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    Ensuite, une partie à l’accord a exprimé son avis : en période de deuil kanak, il n’était pas possible d’organiser décemment un tel référendum, nécessitant des déplacements et prenant du temps.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je le répète, ce sont les indépendantistes qui ont plaidé en ce sens !

    Mme Danièle Obono

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    En 2019, le Premier ministre, donc l’État français, s’était engagé sur un calendrier, mais celui-ci a été remis en cause.

    M. Bruno Millienne

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    Remis en cause par qui ?

    Mme Danièle Obono

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    Malgré l’avis d’une partie essentielle à l’accord, vous avez maintenu une date qui a ensuite complètement délégitimé le processus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je me permets de répondre puisque j’ai été directement concerné à l’époque. Le ministre a raison, le troisième référendum a été demandé par les indépendantistes. Ensuite, pour obtenir la suspension de ce troisième référendum, ils ont argué du deuil kanak, qui devait durer un an, de novembre 2021 à novembre 2022.
    Pourtant, à l’approche des élections législatives de juin 2022, les indépendantistes ont déclaré que le deuil serait finalement plus court. D’ailleurs, beaucoup de Kanaks ont contesté cette instrumentalisation de la coutume à des fins politiques. En effet, en Nouvelle-Calédonie, coutume et culture kanak doivent être absolument séparées du champ politique.
    Malheureusement, les indépendantistes ont utilisé la coutume kanak pour mobiliser au moment des élections législatives…

    Mme Danièle Obono

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    C’est hallucinant !

    M. Bruno Millienne

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    C’est la vérité !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    …alors même qu’ils l’avaient utilisée auparavant pour demander le report du référendum ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est mon histoire politique, et personnelle. Vous pouvez dire ce que vous voulez, je la connais mieux que vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Danièle Obono

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    Vous êtes de parti pris !

    M. Matthias Tavel

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    C’est de la provocation !

    (L’amendement no 113 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 1er, je suis saisie par les groupes Renaissance, Rassemblement national et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 114.

    M. Bastien Lachaud

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    Il faut revenir sur la chronologie : les indépendantistes demandent la tenue d’un troisième référendum ; à l’issue du XIXe comité des signataires de l’accord de Nouméa, le Premier ministre Édouard Philippe annonce que le référendum aura lieu en 2022 pour que la politique nationale, en particulier l’élection présidentielle, ne s’immisce pas dans ce référendum local – très bien. C’est sur cette base que les indépendantistes ont déclenché le troisième référendum. Ensuite, le Gouvernement a décidé de l’avancer à 2021 – pourquoi pas, si tout le monde avait été d’accord.

    Mme Danièle Obono

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    Exactement !

    M. Bastien Lachaud

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    Mais le covid-19 est arrivé en Nouvelle-Calédonie en 2021 – non pas en 2020 comme dans l’Hexagone, où il a entraîné un report de deux mois des élections municipales. Les indépendantistes ont alors demandé que l’on repousse le référendum en revenant au calendrier initial annoncé par Édouard Philippe. Pourquoi le Gouvernement a-t-il refusé ? Cela aurait été beaucoup plus simple d’accéder à cette demande, il n’y aurait pas eu de contestation. Vous avez décidé de refuser. Dès lors, vous devez assumer le fait que 56 % de la population calédonienne n’est pas allée voter et que, par conséquent, le résultat du référendum est contesté.
    Par ailleurs, le covid-19 ne peut pas faire l’objet du même traitement en Nouvelle-Calédonie et dans l’Hexagone. J’ai déjà évoqué l’hécatombe océanienne : entre 70 % et 95 % de la population océanienne a été décimée par des épidémies. Dans un pays qui a connu de telles pertes, une épidémie a une résonance culturelle plus forte qu’ailleurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Évidemment !

    M. Bastien Lachaud

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    Organiser un référendum à ce moment-là était incohérent. Le scrutin qui s’est tenu en 2021 ne peut tenir lieu de troisième référendum prévu par l’accord de Nouméa. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Nous connaissons et reconnaissons tous l’histoire et l’identité calédoniennes du rapporteur. Cependant, son positionnement politique pose problème.

    Mme Sophia Chikirou

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    Mais oui, évidemment !

    Mme Danièle Obono

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    C’est l’un des éléments qui ont alimenté la défiance des indépendantistes. Vous avez présenté les raisons qui, d’après vous, ont conduit ceux-ci – qui ne sont pas tous kanak – à demander que l’on respecte le deuil. Il ne s’agit que de votre interprétation, qui repose sur votre positionnement de loyaliste, de non-indépendantiste.
    Vous avez évoqué une histoire qui est aussi la vôtre. Or, précisément, vous vous trouvez dans une situation de conflit d’intérêts : vous ne pouvez pas incarner l’impartialité qui était jusqu’ici la position tenue par l’État, et qui consistait à ne favoriser aucune partie aux dépens des autres. La nomination de Mme Backès au Gouvernement – qui a eu lieu après le maintien du référendum en 2021, autrement dit après une première remise en cause du consensus qui était jusqu’alors de mise –, l’annonce du présent projet de loi constitutionnelle et votre propre nomination comme rapporteur posent problème.
    Deux interprétations de la coutume kanak et du rapport de ce peuple au deuil sont en concurrence : la vôtre, qui s’entend, et une autre, qui explique pourquoi la période choisie n’était pas propice à l’organisation du référendum. En outre, contrairement à ce que vous dites, les Kanaks eux-mêmes font le lien entre leur coutume et l’identité politique de leur peuple. Permettez-moi de citer une personnalité kanak – et non des moindres –, Jean-Marie Tjibaou, répondant à une question sur le peuple kanak, entendu au sens politique : « C’est une notion née de la lutte contre la colonisation, née de l’adversité. C’est une réaction collective, une réalité qui s’organise. » Il s’agit donc bien d’une expression politique, que vous niez lors même que vous prétendez l’interpréter. Votre point de vue est partisan. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES).

    (L’amendement no 114 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        208
            Nombre de suffrages exprimés                205
            Majorité absolue                        103
                    Pour l’adoption                135
                    Contre                70

    (L’article 1er est adopté.)
    (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Article 2 (appelé par priorité)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    L’article 2 contient la principale bizarrerie juridique de ce texte. Notre assemblée est appelée à voter une réforme constitutionnelle qui entrera en vigueur de façon différée ou n’entrera jamais en vigueur – en l’occurrence, il y a un précédent. Mais c’est la première fois que l’on prévoit qu’un accord local puisse remettre en cause une réforme constitutionnelle déjà entrée en vigueur et inscrite dans le dur de la Constitution !

    M. Antoine Léaument

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    Voilà ! C’est n’importe quoi !

    M. Arthur Delaporte

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    Il s’agit d’une absurdité, d’une incohérence juridique absolue. Le Conseil d’État ne s’est prononcé que sur la première caducité, qui interviendrait avant l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle. La seconde caducité, qui frapperait la réforme après son entrée en vigueur, est en effet un ajout du Sénat.
    Cet article est la preuve que vous mettez la charrue avant les bœufs. Le présent texte est un objet constitutionnel dur, qui fait peur et crée des tensions, lesquelles inquiètent tous les Calédoniens – je salue les députés calédoniens présents dans cet hémicycle.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Merci !

    M. Arthur Delaporte

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    Cet objet constitutionnel qui a provoqué le désordre pourrait, qui plus est, ne pas advenir.
    C’est le principal problème du texte : en créant des peurs et en cristallisant les tensions, il nous éloigne de l’accord qu’il était censé favoriser.

    M. Antoine Léaument

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    Bien parlé !

    M. Arthur Delaporte

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    Votre stratégie s’est d’ores et déjà soldée par un échec : ce texte constitutionnel, qui comporte cette bizarrerie juridique, n’a réussi qu’à provoquer les tensions que nous connaissons. Il devait faciliter un retour au dialogue – comme l’expliquait Édouard Philippe lors de son audition –, mais c’est l’inverse qui s’est produit.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés est hostile à l’article 2, comme à l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, qui ne fait que semer le désordre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    M. Antoine Léaument

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    En examinant cet article, on se rend compte que rien ne va dans ce texte. Il met à terre non seulement l’accord de Nouméa, dont il ne respecte ni l’esprit ni la lettre, mais aussi la hiérarchie des normes.
    À chaque réforme constitutionnelle, il y a toujours quelqu’un pour rappeler la même citation – je crois que, la dernière fois, c’est le Premier ministre qui l’a prononcée lors du Congrès : « Il ne faut toucher à la Constitution que d’une main tremblante. » Or, à la lecture de l’article 1er, j’ai l’impression que la main du Gouvernement ne tremble pas du tout. D’autre part, le Sénat, habituellement réputé pour sa sagesse – on se demande ce qui lui a pris –, a décidé que la Constitution pourrait être balayée par un accord conclu entre partis politiques. Sommes-nous toujours dans une république ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Il faut redevenir sérieux : nous ne pouvons pas accepter qu’une réforme votée par le constituant soit balayée par un accord politique. (Mêmes mouvements.)

    M. Antoine Léaument

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    Exactement !

    M. Bastien Lachaud

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    En revanche, nous étions prêts à accepter que le constituant entérine un accord politique – c’est ce qui a eu lieu après l’accord de Nouméa.

    M. Antoine Léaument

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    Voilà !

    M. Bastien Lachaud

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    Vous fonctionnez à l’envers : au lieu d’agir dans le cadre de l’accord de Nouméa pour obtenir un nouvel accord, vous préférez imposer et espérer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.)
    J’ai évoqué le comité des signataires de l’accord de Nouméa. La dernière réunion de ce comité a eu lieu en 2019, à l’initiative d’Édouard Philippe. Pourquoi n’a-t-il pas été réuni depuis ? Pourquoi n’avez-vous pas choisi ce cadre pour travailler à un accord politique global entre les parties calédoniennes ? Vous auriez pu aboutir à un consensus et nous ne serions pas dans la situation que nous connaissons ce soir dans cet hémicycle, et ces derniers jours à Nouméa et dans le reste de la Nouvelle-Calédonie. Vous êtes irresponsable, monsieur le ministre… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 16, 49 et 213, tendant à supprimer l’article 2.
    Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 16.

    M. Jérôme Guedj

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    Non seulement l’article 2 comprend une bizarrerie juridique, mais il porte aussi atteinte à la hiérarchie des normes, constitutive de notre république.
    Hier, lors de la discussion générale, j’ai rappelé que j’étais un universaliste républicain, mais que j’étais conscient que nous devions emprunter un autre chemin quand il est question de la Nouvelle-Calédonie. Depuis 1988, nous avons tenu compte des accords construits localement, ce qui nous a conduits à nous montrer moins exigeants en matière d’universalisme républicain. La reconnaissance de communautés et celle du peuple kanak, les dispositifs de discrimination positive ou de préférence territoriale vont en effet à rebours de ce principe.
    Avec l’article 2, vous inversez la hiérarchie des normes, au sommet de laquelle se trouve la Constitution, puisque vous introduisez la possibilité qu’un accord politique remette en cause le travail du constituant. Cela va à l’encontre de ce que vous psalmodiez en permanence, à savoir qu’il faut garantir le respect des principes républicains.
    Nous vous invitons à accepter que la bonne méthode, ce n’est pas le pistolet sur la tempe, mais le dialogue, le consensus, la production d’une convergence des positions que l’État républicain consacre a posteriori. En Nouvelle-Calédonie, aucune négociation n’a abouti sous la contrainte. (M. Arthur Delaporte applaudit.) C’est pourtant ce que vous essayez de faire aujourd’hui, ce qui entraîne immanquablement une crispation, des tensions et des violences.
    Monsieur le ministre, vous avez dit lors des questions au Gouvernement que vous souhaitiez le retour à la paix civile. Si tel est vraiment le cas, commencez par retirer ce texte et donnez le pouvoir aux négociateurs en vue d’aboutir à un accord global, qui est à portée de main. Ensuite, vous pourrez revenir devant nous pour que nous consacrions cet accord en l’inscrivant dans la Constitution. (Mme Sandra Regol applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 49.

    Mme Danièle Obono

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    Nous nous opposons à la méthode du Gouvernement qui, dans l’article 2, pose un ultimatum aux acteurs politiques calédoniens, en particulier aux indépendantistes. Cet article prévoit en effet que l’article 1er, qui modifie le corps électoral, entrera en vigueur le 1er juillet 2024, sauf s’il est constaté qu’un accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie est conclu entre les partenaires de l’accord de Nouméa. Initialement, le Gouvernement avait laissé à ceux-ci jusqu’au 1er juillet 2024 pour aboutir à un tel accord ; le Sénat leur a donné une marge de manœuvre un peu plus grande en leur laissant jusqu’au dixième jour avant les prochaines élections provinciales. Si un accord était conclu dans le délai imparti, la présente réforme constitutionnelle n’entrerait pas en vigueur ou deviendrait caduque, et les élections seraient reportées afin de permettre l’adoption des mesures nécessaires à la mise en œuvre dudit accord.
    Malgré la souplesse introduite par le Sénat, nous ne pensons pas que l’article 2 soit nécessaire. Cela vaut pour la forme comme pour le fond. Il en va d’ailleurs de même de l’ensemble du projet de loi constitutionnelle.
    L’article 2 est surtout l’illustration de tout ce qu’il ne faut pas faire. Les précédents gouvernements et parlementaires s’en étaient jusqu’alors tenus à leur rôle de garants des conditions du dialogue entre les acteurs calédoniens. Emmanuel Macron a décidé de provoquer une rupture en prenant parti, dans ce débat, pour l’un des acteurs.
    Cela a été dit hier par l’un de nos collègues : sans tout comprendre à ce texte, il avait saisi que son objet était de mettre la pression. Or on ne peut pas faire une réforme constitutionnelle pour exercer une pression sur un acteur politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est l’expression d’un mépris non seulement pour notre norme suprême, qui doit instituer des principes de fond, mais également pour le peuple calédonien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jean-Victor Castor applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 213.

    Mme Sandra Regol

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    Puisque tout le monde est un peu fatigué et que les explications de mes collègues étaient excellentes, je serai relativement brève.

    M. Pascal Lavergne

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    Très bien !

    Mme Sandra Regol

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    Depuis plusieurs heures, même plusieurs jours, nous vous répétons qu’il est nécessaire de laisser du temps au dialogue. Ce soir, en Nouvelle-Calédonie, la situation est tendue, pour ne pas dire explosive. Tout ce que demande ce peuple, c’est que vous ayez la dignité de laisser du temps supplémentaire. C’est la seule chose que nous vous demandons, depuis des heures, de façon répétée. Or, systématiquement, nous nous heurtons à un mur : celui du refus, du déni et de l’absence de réponse.
    Au moment où nous entamons l’examen de l’article 2, peut-être est-il temps, monsieur le ministre, de faire preuve de respect pour ce qui est en train de se passer et d’œuvrer à une désescalade, afin d’instaurer une meilleure communication et de progresser enfin. Ce serait tout à l’honneur de la France.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Permettez-moi de profiter de la présence de notre collègue Jean-Victor Castor, à l’égard duquel j’ai eu hier un mouvement d’humeur, pour lui présenter mes excuses. J’ai eu l’occasion, un peu plus tôt, de le faire de manière personnelle, mais puisque mon mouvement d’humeur était public, je tenais à ce que mes excuses le soient également. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES et SOC.)
    J’ai du mal à comprendre ces amendements de suppression, compte tenu de vos propos depuis le début de l’examen du texte.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est totalement incohérent !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Que vous soyez opposés à l’article 1er, je l’entends, bien que je ne sois pas d’accord avec vous, mais l’article 2 consacre ce que vous revendiquez, à savoir un accord entre les Calédoniens avant le dégel du corps électoral.
    L’article 2 prévoit – c’est exceptionnel – que l’article 1er serait caduc, même après la promulgation de cette loi constitutionnelle, si les Calédoniens, non indépendantistes et indépendantistes, trouvaient un accord au plus tard dix jours avant les élections provinciales. Vous vouliez un accord, vous vouliez du temps ; c’est précisément ce que prévoit cet article.
    Vous parlez de la hiérarchie des normes. Or vous avez défendu des amendements prévoyant un avis conforme du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur des projets de loi organique, ce qui pose également un problème de hiérarchie des normes. Soyez cohérents avec vous-mêmes !
    Si vous souhaitez un accord et du temps supplémentaire, si vous voulez donner aux Calédoniens, jusqu’au bout, la possibilité de privilégier le dialogue, le consensus et les équilibres politiques, vous devez soutenir mordicus l’article 2. Avis défavorable sur ces amendements de suppression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    À l’instar du rapporteur, j’ai du mal à comprendre les arguments présentés, mais je vais essayer d’y répondre. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Monsieur Delaporte, à la tribune, vous avez dit que cette réforme constitutionnelle était particulièrement originale, ne connaissait pas de précédent et n’était pas cohérente avec le droit constitutionnel.

    M. Arthur Delaporte

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    Encore une fois, ce n’est pas ce que j’ai dit !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je résume, monsieur Delaporte, mon esprit est moins éclairé que le vôtre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Eh oui !

    M. Matthias Tavel

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    Enfin un peu de sincérité !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Heureux les simples en esprit !
    Monsieur Delaporte, le droit constitutionnel est par lui-même créateur de choses très originales, comme l’a montré l’accord de Nouméa. C’est tellement vrai que M. Lachaud a défendu tout à l’heure un amendement tendant à inscrire le nom de Lionel Jospin dans la Constitution ! Certes, il s’agissait de lui rendre hommage, puisque l’accord de Nouméa avait été signé sous son égide. Vous avez vous-même proposé de nombreuses originalités dans vos différents amendements. Si nous avions adopté tous les amendements déposés par les groupes de la NUPES, nous n’aurions pas modifié la Constitution, mais créé le monstre de Frankenstein ! (M. Pascal Lavergne rit. – Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
    Monsieur Delaporte, vous nous reprochez de faire preuve d’originalité, alors que vous avez vous-même défendu de nombreux amendements dénués de tout rapport avec la Constitution.

    M. Arthur Delaporte

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    Une caricature de plus !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est le débat habituel entre ceux qui peuvent agir sur la Constitution et ceux qui ne le peuvent pas, parce qu’ils sont dans l’opposition.
    Plus sérieusement, le droit constitutionnel a prévu des choses très étonnantes. C’est précisément pour cela que nous sommes réunis, puisqu’il a notamment constitutionnalisé des tableaux électoraux pour des élections locales. Avouez qu’en matière d’originalité, le constituant de 1998 a été plus loin que nous.

    M. Jérôme Guedj et M. Arthur Delaporte

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    Sans toucher à la hiérarchie des normes !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    D’autre part, de même que M. Guedj, vous dites que l’application d’une disposition constitutionnelle n’a jamais été soumise à conditions. Or c’est tout à fait faux ! Je vous renvoie à la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution, qui conditionnait le texte – pourtant voté par le Parlement réuni en Congrès – à l’entrée en vigueur d’un traité international.
    De précédentes réformes constitutionnelles prévoyaient donc déjà une conditionnalité. Nous aurons également ce débat à propos de la Corse, si nous allons au bout de la discussion constitutionnelle, ce que je souhaite, de même que pour la Nouvelle-Calédonie. En effet, les populations intéressées seront consultées postérieurement à la réforme constitutionnelle – ce que ne comprennent pas toujours les interlocuteurs avec lesquels j’ai le bonheur de discuter, qu’il s’agisse de mes amis calédoniens ou de mes amis corses.

    M. Pierre Cordier

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    Vous n’avez pas de vrais amis !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ils suggèrent d’organiser la consultation de la population avant l’adoption de la réforme constitutionnelle, mais ce n’est pas ce que prévoit la Constitution. Depuis 1958, il y est écrit que nous devons d’abord modifier la Constitution, en subordonnant la pérennité de ces dispositions constitutionnelles à leur approbation, lors d’un référendum local, par les populations dites intéressées.
    Je le répète, la conditionnalité existe. En 2005, un texte a été conditionné à l’entrée en vigueur d’un traité européen.

    M. Matthias Tavel

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    Vous avez vu le résultat ! C’est ça, votre référence ? Ça inspire confiance !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    D’autres textes l’ont été à l’approbation des populations intéressées. Tel a été le cas pour l’accord de Nouméa. Tel serait également le cas pour d’autres dispositions, relatives à tel ou tel territoire, qui nécessiteraient une modification de la Constitution.
    Quant au Conseil d’État, reconnaissez qu’il a sa petite expérience et sa petite utilité – comme le chantait Georges Brassens, « [Chacun] a quelque chose pour plaire / [Chacun] a son petit mérite ». Il est évidemment intéressant de s’y référer lorsqu’il conseille le Gouvernement à propos d’une modification de la Constitution.
    Je vous renvoie au point 10 de son avis sur le présent projet de loi constitutionnelle : « Afin de continuer de privilégier la recherche du consensus entre les parties prenantes comme mode principal de définition de l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, dont le Conseil d’État a rappelé l’importance dans son avis du 7 décembre 2023 […], le projet de loi constitutionnelle soumet l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle à l’absence de conclusion de l’accord, mentionné au point 2, entre les partenaires politiques de l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998. »
    « Le Conseil d’État rappelle qu’il n’appartient qu’au pouvoir constituant de décider de la date et des conditions d’entrée en vigueur d’une loi constitutionnelle. » En l’espèce, c’est vous qui exercez le pouvoir constituant, le Gouvernement ne faisant que proposer.
    Je poursuis : « Il estime que si le constituant subordonne l’entrée en vigueur d’une disposition constitutionnelle à la survenance d’un événement extérieur, cet événement doit avoir un caractère matériellement certain permettant d’en constater l’occurrence sans ambiguïté ni marge d’appréciation. » C’est pour cette raison, madame la présidente, que nous avons accepté l’amendement sénatorial visant à ce que le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée – non pas le Gouvernement ni les parties calédoniennes – constatent qu’un accord a été conclu. Nous répondons ainsi point pour point à la remarque formulée ab initio par le Conseil d’État.
    Celui-ci a d’ailleurs précisé, expressis verbis : « Il en allait ainsi pour la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005, qui prévoyait que son entrée en vigueur serait subordonnée à celle d’un engagement international. »
    Non seulement la solution que nous proposons a déjà existé, mais elle est conseillée par le Conseil d’État et a été modifiée pour que le juge de paix chargé de constater l’élément matériel soit une instance plus objective que ne le serait, peut-être, le Gouvernement. Contrairement à ce que j’entends, celui-ci est un partenaire et l’a toujours été. Étant signataire de l’ensemble des accords, il est évidemment impartial, mais pas neutre.
    Par ailleurs, permettez-moi de reprendre l’excellent argument du rapporteur : hier, pendant la première partie des débats, vous nous avez reproché de ne pas subordonner la réforme à un accord ; à présent, vous voulez supprimer l’article 2, qui prévoit une telle condition. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
    L’article 2 prévoit un véritable temps d’écoute, voulu par le Gouvernement et par ceux qui adopteront, je l’espère, ce projet de loi constitutionnelle. Nous prévoyons les mécanismes qui nous permettront, à tout moment, de suspendre la réforme constitutionnelle à la suite d’un accord global – que nous avons toujours souhaité et continuons à souhaiter.
    Je préférerais qu’on n’utilise pas la métaphore du pistolet sur la tempe : compte tenu de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie, elle ne me paraît pas très heureuse. Il n’y a que des femmes et des hommes de bonne volonté. Nous n’empruntons pas tous le même chemin pour parvenir au but, mais vous ne pouvez pas caricaturer ce projet de loi constitutionnelle, qui répond non seulement aux canons du droit constitutionnel, mais aussi à l’avis du Conseil d’État, puisqu’il prévoit une procédure objective permettant de constater l’existence matérielle d’un accord.
    Supprimer l’article 2, mesdames et messieurs les députés, ce serait compromettre les chances d’un accord ; c’est tout le contraire de ce que nous voulons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Je ne reviens pas sur la méthode, dont nous avons déjà beaucoup parlé depuis hier. Je vais simplement essayer de vous répondre, monsieur le ministre, à propos de la forme.
    Vous dites que le Conseil d’État a validé la possibilité de différer l’entrée en vigueur de l’article 1er ou de le rendre caduc. Le Conseil d’État a effectivement estimé que l’on pouvait procéder comme en 2005 : si une circonstance donnée intervient avant la date prévue pour l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, celle-ci n’entre pas en vigueur, même si elle a été votée. Voilà ce qu’a dit le Conseil d’État, vous êtes d’accord avec moi ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Poursuivez…

    M. Arthur Delaporte

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    Ce que n’évoque pas le Conseil d’État, parce qu’il n’a pas été saisi à ce sujet, c’est le point qui a été ajouté par le Sénat : la possibilité d’une caducité a posteriori, après l’entrée en vigueur de la réforme. C’est bien ce qui figure à l’article 2 : « L’article 1er entre en vigueur le 1er juillet 2024. Toutefois, il n’entre pas en vigueur ou, le cas échéant, devient caduc si les présidents des deux assemblées du Parlement […] constatent qu’un accord […] a été conclu au plus tard dix jours avant la date des élections […]. » Il s’agit d’une caducité qui interviendrait après l’entrée en vigueur de la réforme, c’est-à-dire après le 1er juillet 2024, une fois qu’elle aura été inscrite dans le marbre de la Constitution.
    On peut considérer qu’à partir du moment où une réforme constitutionnelle est inscrite dans la Constitution, avec une date d’entrée en vigueur, elle doit s’appliquer à cette date. En l’espèce, il y a une incohérence juridique très forte qui, pour le coup, est une véritable nouveauté. La réforme constitutionnelle de 2005 ne prévoyait rien de tel, puisqu’elle fixait simplement une condition à son entrée en vigueur, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État.
    L’ajout du Sénat vient perturber le raisonnement du Conseil d’État. Je constate que vous n’avez pas saisi ce dernier au sujet de cet ajout. Nous sommes donc confrontés à une innovation, qui est en outre contraire à la hiérarchie des normes, comme l’a expliqué mon collègue Jérôme Guedj. Pour la première fois, un accord conclu entre des parties pourrait rendre caduque une disposition de la Constitution, ce qui est pour le moins déconcertant.

    M. Philippe Gosselin

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    Nous ne sommes que des greffiers !

    M. Arthur Delaporte

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    Il est vrai que nous avons déjà constitutionnalisé des accords, mais donner une valeur constitutionnelle à un accord préexistant, ce n’est pas la même chose que de permettre à un accord de remplacer la Constitution.

    M. Pierre Cordier

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    Le Didier Maus du Parti socialiste !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Dunoyer.

    M. Philippe Dunoyer

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    Je vais tenter de convaincre MM. Guedj et Delaporte. Certes, une rédaction plus baroque et plus exceptionnelle serait difficile à imaginer, mais comme l’a rappelé le ministre, c’est le principe en Nouvelle-Calédonie : nous avons deux statuts des terres, deux statuts civils, trois corps électoraux… L’expression sui generis a été inventée pour la Nouvelle-Calédonie !
    Le texte ne dit pas qu’un accord global remplacera la Constitution. Si un accord global est trouvé, ainsi que je l’appelle de mes vœux, comme tous les Calédoniens, cet accord devra ensuite être soumis à un processus permettant sa constitutionnalisation. À cette fin, nous serons appelés à adopter un projet de loi constitutionnelle, ici même, au Sénat et en Congrès à Versailles. Malgré toute la valeur qu’il revêt à mes yeux, un accord global n’est pas constitutionnel par nature. Il le deviendra seulement au moment où il sera repris par une loi constitutionnelle. Il n’y a donc pas ici de bouleversement de la hiérarchie des normes. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)

    M. Jérôme Guedj

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    Cela suspendra l’application de cette loi constitutionnelle !

    M. Philippe Dunoyer

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    En effet. C’est pourquoi – sur ce point essentiel, je rejoins les interventions précédentes et j’exprime ce que je ressens, conscient de la situation en Nouvelle-Calédonie – c’est la chance, la seule chance qui nous est donnée d’obtenir un accord global, or tout le monde reconnaît qu’il faut le privilégier à tout prix. Donnons-lui donc toutes les chances d’aboutir.
    En règle générale, un accord peut-il rendre caduc un texte de loi adopté ? Non, mais en Nouvelle-Calédonie, c’est possible.
    Il faut voter ce dispositif, car si nous ne le votions pas, en nous contentant de l’article 1er, nous n’aurions aucune solution politique et institutionnelle pour sortir de la situation actuelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Nous avons atteint des sommets de surréalisme. Nous sommes réunis pour voter une réforme afin – je reprends les termes du rapporteur – de démocratiser la Nouvelle-Calédonie et de faire en sorte que les élections se tiennent rapidement avec – toujours selon le rapporteur – le bon corps électoral. Aux termes du texte que nous avons voté il y a deux mois, « rapidement » signifierait avant le 15 décembre 2024. Qui, ici, croit que les élections provinciales se tiendront avant cette date ? Il y a toutes les raisons d’en douter.
    Toutefois, nous abordons l’article 2 qui prévoit que, si un accord survient jusqu’à dix jours avant la tenue des élections, il faudra – je reprends l’argumentation de M. Dunoyer – l’inscrire dans la Constitution, tenir un Congrès, etc. Pour ma part, je ne sais pas quand se tiendront les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie ; dans très longtemps, en tout cas. Donc l’argument de l’urgence pour la démocratie, dont on use pour nous dire d’aller vite, ne tient plus.

    M. Philippe Dunoyer

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    Si !

    Mme Sophia Chikirou

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    Mais non !

    M. Bastien Lachaud

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    Dès lors, nous sommes ici réunis pour une seule raison : imposer un dégel du corps électoral à la partie indépendantiste qui ne le souhaitait pas dans ces termes en dehors d’un accord global. Il s’agit donc de mettre la pression sur les négociateurs pour parvenir à un accord. Sinon, je ne vois pas l’intérêt de ce texte. Finalement, nous sommes en train d’embraser la Nouvelle-Calédonie.

    Mme Sophia Chikirou

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    Exactement !

    M. Bastien Lachaud

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    En effet, il n’est pas possible de parvenir à un accord et de tenir des négociations en Nouvelle-Calédonie sous la contrainte. Nous sommes, je le rappelle, dans une situation coloniale. Ni la répression ni la contrainte ne parviendront à résoudre ce problème et à construire le nécessaire vivre-ensemble et le destin commun du peuple premier et des victimes de l’histoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    L’article 2 est inséparable de l’article 1er. Si vous amputez le projet de loi constitutionnelle de l’article 2, tout l’équilibre que vous dénoncez cependant par ailleurs s’écroule ; les conséquences négatives seront plus générales encore.
    M. Dunoyer l’a dit : il existe en Nouvelle-Calédonie une méthode, une approche sui generis depuis près de trente ans. Jusqu’à présent, le Parlement français était en quelque sorte le greffier qui constatait l’état des accords passés entre les différentes parties. Le texte dont nous débattons constitue certes une exception, mais en réalité cette proposition de loi constitutionnelle, qui porte sur une question particulière mais importante pour la démocratie, le dégel du corps électoral, ne fait que prolonger cette méthode. En effet, nous permettons aux différentes parties, presque jusqu’au dernier moment, dix jours avant les élections, de trouver un accord pour étendre le corps électoral.
    Vous savez très bien que, si la date du 15 décembre devait être reculée, le Conseil d’État a déjà, dans l’avis du 7 décembre 2023, indiqué que les élections pourraient se tenir jusqu’à l’automne 2025. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Alors, pourquoi cette précipitation ?

    M. Philippe Gosselin

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    Nous donnons un peu de temps au temps. Nous marquons une étape. Je sais bien que vous voudriez brûler les étapes. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou et M. Bastien Lachaud

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    Non, c’est vous qui brûlez les étapes !

    M. Philippe Gosselin

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    Commençons par cette étape afin de poursuivre.

    Mme Sophia Chikirou

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    Les troubles durent déjà depuis quarante-huit heures !

    M. Philippe Gosselin

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    Vous savez très bien que le processus en cours ne sera pas exactement celui qui était envisagé. Le Président de la République a déjà dit que le Congrès ne serait pas réuni immédiatement. Il est presque certain qu’une mission de bons offices sera nommée. On peut penser que le Premier ministre, assez rapidement, reprendra les choses en main. Nous devons donc aller au bout de l’étape actuelle sans rester au milieu du gué. On ne peut pas supprimer l’article 2 sans mettre à mal l’article 1er et donc l’ensemble du projet de loi constitutionnelle.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Après ces longues explications sur l’article 2, qui le méritait, le Gouvernement sera moins disert lors de l’examen des amendements.
    Monsieur Delaporte, soyons clairs. Premièrement, je constate que votre argumentation ne correspond pas à l’amendement no 16. En effet, vous ne proposez pas une nouvelle rédaction de l’article 2, mais sa suppression.

    M. Arthur Delaporte

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    L’amendement no 16 est l’amendement de suppression. Ensuite, à travers les amendements suivants, on discute !

    M. Jérôme Guedj

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    Ça s’appelle le travail parlementaire !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je constate simplement les faits : si l’Assemblée adoptait l’amendement no 16, le dégel du corps électoral aurait lieu sans accord.
    Deuxièmement, vous dites que le Conseil d’État n’a pas été saisi de la rédaction actuelle concernant la caducité prévue par l’article 2, car celui-ci a été ajouté par le Sénat. C’est faux, car le texte initial du Gouvernement, sur lequel nous avons saisi le Conseil d’État, évoquait la caducité, même si la rédaction était différente.
    Je cite l’article 2 dans la rédaction initiale : « L’article 1er entre en vigueur le 1er juillet 2024. Toutefois, il n’entre pas en vigueur ou, le cas échéant, devient caduc si le Conseil constitutionnel saisi à cette fin par le Premier ministre constate qu’un accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, négocié dans le cadre des discussions prévues par l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998, a été conclu […] ».

    M. Arthur Delaporte

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    Citez la fin : « avant le 1er juillet 2024 entre les partenaires de cet accord » !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Nous sommes d’accord. Vous avez soutenu que nous n’avions pas saisi le Conseil d’État sur la question de la caducité ; mais bien sûr que si.

    M. Arthur Delaporte

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    Non.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce qui a été modifié, c’est la saisie de deux tiers de confiance, la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, afin de prendre en considération les remarques du Conseil d’État concernant l’instance qui constate la matérialité de cet accord.

    M. Arthur Delaporte

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    Dix jours avant !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Troisièmement, vous faites usage de sophismes. Vous avez expliqué au sujet des listes électorales que, comme le Conseil d’État ne disait pas explicitement que les élections seraient annulées mais que leur tenue était très incertaine, il ne fallait pas surinterpréter l’avis du Conseil d’État, mais désormais vous interprétez les silences du Conseil d’État comme s’ils appuyaient votre argumentation.

    M. Arthur Delaporte

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    Non.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Avouez que ces arguments sont désormais réversibles.
    Quatrièmement, des articles de la Constitution peuvent devenir caducs ; en tout cas, il en a existé. C’est le cas des articles écrits par le père fondateur de la Constitution sur la communauté française. Le général de Gaulle, Michel Debré et le constituant ont accepté des articles relatifs à la communauté française englobant des territoires qui ont été décolonisés. Or vous savez que certains d’entre eux, à commencer par la Guinée, ont choisi de ne pas rester dans la communauté française ; pourtant, les dispositions en question sont demeurées dans la Constitution pendant plus de quarante ans, sans servir à rien.
    Je vous prie d’emblée de m’excuser si je me trompe d’organe car je cite de mémoire, sans l’avoir sous la main, le remarquable ouvrage, que nous avons tous beaucoup consulté, La Constitution introduite et commentée par Guy Carcassonne et l’excellent Marc Guillaume – qui sera heureux d’être cité dans cet hémicycle et qui ne pourra rien dire puisqu’il est préfet sous l’autorité du ministre de l’intérieur. (Sourires.) Ils commentent les articles sur la communauté française imaginés par le général de Gaulle et par Michel Debré et qui n’ont finalement pas servi car ils sont devenus caducs à l’aide de la comparaison suivante. Certains articles de la Constitution seraient comme l’appendice dans le corps humain : ils ne servent pas à grand-chose car on ne peut pas les usiter. Peut-être y a-t-il chez certains d’autres organes qui ne servent à rien, mais je n’en dirai pas davantage sous peine de susciter sinon des rires, du moins des vengeances. (Sourires.)
    En somme, les amendements étant inutiles, je propose qu’ils soient rejetés.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements nos 16, 49 et 213.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        161
            Nombre de suffrages exprimés                160
            Majorité absolue                        81
                    Pour l’adoption                42
                    Contre                118

    (Les amendements identiques nos 16, 49 et 213 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de neuf amendements, nos 96, 218, 120, 119, 118, 117, 17, 116 et 39, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 96 et 218 sont identiques, tout comme les amendements nos 17 et 116.
    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 96.

    M. Bastien Lachaud

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    Depuis le début du débat, je vous demande des chiffres, monsieur le ministre. Il y a une raison à cette demande. Dans ce projet de loi, toute personne inscrite sur les listes électorales en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans est considérée d’office comme y résidant. Cependant, vous le savez, en Nouvelle-Calédonie, des commissions administratives spéciales (CAS) se réunissent tous les ans pour vérifier que les personnes inscrites sur les listes électorales sont bien des résidents. Il ne suffit pas d’être inscrit sur les listes électorales pour le prouver : il est nécessaire de fournir des justificatifs précis, qui démontrent la présence effective sur le territoire calédonien.
    Cependant, les listes électorales de Nouvelle-Calédonie ne sont pas indexées au registre électoral unique, de sorte qu’il y a une possibilité de double inscription. En outre, certaines personnes restent inscrites sur des listes électorales en Nouvelle-Calédonie alors qu’elles sont venues en Hexagone, par exemple pendant un an ou deux pour étudier ; de ce fait, elles ne remplissent pas le critère de dix ans de résidence.
    Il est donc nécessaire, avant d’appliquer ce projet de loi constitutionnelle, de passer au peigne fin les listes électorales, afin de s’assurer que les personnes inscrites depuis plus de dix ans sur les listes électorales générales de Nouvelle-Calédonie y ont effectivement résidé pendant dix ans.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 218 de Mme Sabrina Sebaihi est défendu.
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 120.

    M. Antoine Léaument

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    À travers ces amendements, nous rejetons ce que vous avez appelé « mettre un pistolet sur la tempe » de telle ou telle partie aux négociations, monsieur Darmanin. Quant à nous, nous n’utilisons pas cette expression ; nous préférons parler d’épée de Damoclès.
    La manière dont le débat est amené devant l’Assemblée nationale, nous pouvons le constater, provoque de grandes tensions en Calédonie, dont le Congrès a demandé de reporter les débats sur ce texte. Les institutions légitimes de la Calédonie nous ont donc proposé de faire un geste pour renouer le dialogue.
    Je ne doute pas que, comme ministre de l’intérieur, vous en avez eu connaissance, mais je voudrais évoquer la proposition de M. Moetai Brotherson, président de la Polynésie française, qui se propose pour être médiateur sur ce sujet afin de permettre qu’un accord soit trouvé entre les différentes parties. Cette voie doit être étudiée. Or, pour le faire de manière sereine et permettre que les différents acteurs se réunissent, il faut que le texte soit retiré. J’ai bien compris que ce n’est pas votre intention à cette heure. Toutefois, les amendements que nous défendons dans cette discussion commune visent à parvenir à un accord par des voies plus diplomatiques qu’une épée de Damoclès via notre Constitution, dont il serait ainsi fait une mauvaise utilisation.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 119.

    Mme Sophia Chikirou

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    Nous comprenons bien que tout ce projet de loi constitutionnelle ne répond qu’à une seule et unique volonté : mettre la pression sur les indépendantistes. L’article 2 et les arguments que vous nous présentez démontrent que vous n’avez que cet objectif, qui vous a peut-être été soufflé par une personne que je ne nommerai pas mais qui est assise à côté de vous, monsieur le ministre.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Moi, je n’ai rien dit !

    Mme Sophia Chikirou

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    Il semblerait que, finalement, certains vous aient convaincu que la meilleure façon de procéder était de mettre la pression sur les indépendantistes.
    Je veux dire à tous les Français qui nous regardent – en particulier ceux qui vivent dans l’Hexagone – que cette pression n’aura pas permis d’accélérer le dialogue pour aboutir à un accord global qui permette la tenue des élections provinciales avant la fin de l’année. Non : le résultat du projet de loi dont nous sommes en train de débattre, c’est quarante-huit heures de troubles en Nouvelle-Calédonie. Allumer la mèche pour ensuite réprimer les troubles, c’est une anomalie, mais c’est une pratique très macroniste, finalement : vous vous dites sûrement que l’image des indépendantistes sera dégradée, et qu’ils seront plus faibles dans la négociation. Mais je tiens à rétablir les faits : ce ne sont pas les indépendantistes qui sont à l’origine des troubles qui agitent la Nouvelle-Calédonie en ce moment – la manifestation des indépendantistes qui s’est tenue hier s’est d’ailleurs très bien déroulée. Les responsables de ces troubles, ce sont bien ceux qui, derrière le rideau, s’arrangent, manigancent, et se sont organisés pour que, finalement, ce soit la décision que l’Assemblée nationale est en train de prendre qui provoque des troubles en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Puis-je considérer que les amendements nos 118, 117 et 116, qui ne visent qu’à proposer différentes dates d’entrée en vigueur, sont défendus ?

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Non, je vais défendre l’amendement no 118, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Très bien, vous avez la parole pour le soutenir.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    C’est la première fois que j’interviens dans ce débat crucial, madame la présidente. J’espère que mon intervention ne vous dérange pas par principe.

    Mme la présidente

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    Jamais, monsieur Nilor, et vous le savez bien. (Sourires.)

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Vous l’entendre dire me rassure.

    Mme la présidente

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    Allons ! Je sais que vous n’étiez pas inquiet.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Mon intervention ne se placera pas sur le plan de la légalité ni de la constitutionnalité, mais sur celui de la légitimité. Que cherchez-vous à faire exactement : à embraser la situation ou à l’apaiser ? Voilà la question qu’il faut se poser. On peut discuter, mais la réalité, c’est qu’avant même qu’on en connaisse le résultat, l’imminence du vote sur ce projet de loi constitutionnelle met déjà le feu à la Nouvelle-Calédonie et déclenche des violences.
    Une seule fois dans l’histoire – c’est assez rare pour le souligner –, le colonialisme s’est montré intelligent : avec la signature de l’accord de Nouméa, sous Lionel Jospin, la France s’était montrée à la hauteur de l’image qu’elle veut se donner sur la scène internationale. Vous n’aimez pas l’expression « avoir un fusil sur la tempe », alors je vais le dire autrement : vous êtes en train de mettre un couteau sous la gorge des parties aux négociations. C’est bien mal connaître la culture kanak – ou peut-être la connaissez-vous si bien, au contraire, que vous savez qu’aucun accord ne pourra être trouvé dans les conditions de pression inacceptable que vous leur imposez, et que c’est là votre but ? Car alors, sans accord, Paris décidera de tout, comme toujours !
    Ce qui se passe aujourd’hui doit nous amener à réfléchir. Vous avez une tendance à la « messmerisation » ; nous devons préférer la position des élus et représentants français qui ont su faire preuve de dignité et de hauteur d’esprit. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 117 de M. Bastien Lachaud est défendu.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 17.

    Mme Cécile Untermaier

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    L’article 2 s’inscrit dans la droite ligne de l’article 1er, que nous avons déjà contesté. Il est donc logique que nous nous y opposions.
    Si l’élargissement du corps électoral est un objectif tout à fait démocratique, ce n’est pas le cas de la méthode que vous employez pour y parvenir – et le fait qu’elle ait déjà été utilisée en 2005 ne doit pas nous empêcher de questionner sa légitimité. J’ai le sentiment que le Parlement est, d’une certaine manière, piétiné et instrumentalisé : son vote sur ce texte un peu artificiel – on peut d’ailleurs s’interroger sur la sincérité du scrutin – sera-t-il un outil de pression, un soutien pour le Gouvernement dans sa volonté de dialogue ? Est-ce vraiment le rôle du Parlement de voter ce genre de dispositif ? Pour que ce texte ne soit pas immédiatement source de pression pour la population, ce qui ferait perdre tout son sens à la réflexion que nous menons ensemble aujourd’hui, il nous semble plus sain de reporter d’un an son entrée en vigueur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 116.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Darmanin, mon collègue Jean-Philippe Nilor vous a interrogé sur la légitimité de votre démarche. Si les événements en cours en Nouvelle-Calédonie se poursuivent, que ferez-vous ? Imposerez-vous le texte, au motif qu’il a été adopté ici et qu’il a pour lui la force de la loi, même si une partie du peuple calédonien ne se reconnaît pas dans les décisions que l’Assemblée nationale aura prises ? Il est prévu qu’une compagnie de gendarmerie de Nouvelle-Calédonie soit envoyée dans l’Hexagone pour contribuer à assurer la sécurité pendant les Jeux olympiques, qui auront lieu bientôt. Que ferez-vous si la situation actuelle perdure ? Nous vous appelons à faire un geste pour rétablir le dialogue, ce qui nécessite avant tout de rétablir la paix civile en retrouvant la concorde.
    Les amendements que nous défendons posent la question de la mal-inscription, voire de la non-inscription des citoyens sur les listes électorales –– ce sujet touche d’ailleurs l’ensemble du territoire de la République Française, puisqu’on y compte 7,7 millions de mal-inscrits. Avec l’amendement no 96 et les suivants, nous vous demandons un toilettage complet des listes électorales de Nouvelle-Calédonie, pour que le corps électoral soit réellement conforme. En effet, rien ne dit qu’une personne inscrite sur les listes électorales calédoniennes y habite réellement depuis au moins dix ans : comme dans l’Hexagone, certains sont inscrits sur les listes électorales d’un territoire alors qu’ils y habitent depuis moins de dix ans, tandis que d’autres ne s’y sont jamais inscrits alors qu’ils y résident depuis plus de dix ans. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’avais proposé d’automatiser l’inscription sur les listes électorales du lieu de résidence, mais vous m’avez envoyé promener, pour le dire poliment !

    Mme la présidente

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    L’amendement no 39 de M. Davy Rimane est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.
    Je n’incrimine pas directement vos interventions précédentes, mais depuis tout à l’heure, on parle beaucoup de ceux qui manifestent – à juste titre, d’ailleurs, parce que cela a engendré des dégâts. Je voudrais qu’on parle aussi de ceux qui ne manifestent pas (Mme Sophia Chikirou rit), ceux qui, depuis quarante-huit heures, subissent violences et exactions, ceux dont l’entreprise ou la maison a été brûlée, et qui ont parfois été eux-mêmes blessés. Tous ceux-là nous demandent de tenir bon malgré tout, pour la démocratie en Nouvelle-Calédonie ! Et même s’il ne doit pas être facile pour eux de voir tout ce qu’ils ont construit être détruit en quarante-huit heures, ils font le dos rond, et continuent de demander à la représentation nationale de leur redonner le pouvoir de voter en Nouvelle-Calédonie. En ce moment, on reçoit beaucoup de messages de soutien de ces Calédoniens qui subissent la situation, et je voudrais qu’on pense à eux aussi, parce qu’on les oublie trop souvent. Tout ce qu’ils veulent, c’est pouvoir voter à nouveau. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Frédéric Cabrolier applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    C’est dommage que le débat n’ait même pas lieu sur ce sujet important, faute d’une réponse sur le fond du rapporteur, qui préfère mentionner les messages qu’il a reçus de la part des Calédoniens. Il se trouve que j’en ai moi-même reçu un, il n’y a même pas une demi-heure, dans lequel on me fait part de l’inquiétude de toutes les personnes qui, à cette heure, sont terrées chez elles, avec un sac, prêtes à partir – mais pour aller où ? Alors oui, à l’heure où nous parlons, des dizaines, des centaines de milliers de Calédoniens vivent dans la peur. Mais la peur de quoi ? La peur de la suite et de l’absence de perspective, la peur de l’incertitude politique que créera l’article 2, dont le cœur se résume à l’alternative suivante : peut-être, mais peut-être pas. Comment voulez-vous rassurer une population dont l’avenir, le destin, sont suspendus à un accord qui sera peut-être conclu, ou peut-être pas ?
    Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous n’avez pas lu le texte initial de l’article 2 jusqu’à la fin. Celui-ci dispose : « L’article 1er entre en vigueur le 1er juillet 2024. Toutefois, il n’entre pas en vigueur ou, le cas échéant, devient caduc si […] un accord […] a été conclu avant le 1er juillet 2024 entre les partenaires de cet accord. » Le projet de loi que vous avez soumis au Conseil d’État prévoyait donc bien, dès le départ, que le texte n’entrerait pas en vigueur, ou qu’il deviendrait caduc si un accord était trouvé avant le 1er juillet 2024.
    Je ne dis pas que l’avis du Conseil d’État vaut parole d’évangile : le constituant est souverain, et rien ne l’empêche, si c’est ce qu’il souhaite, de prévoir un article baroque. Je soulignais simplement qu’inscrire dans la Constitution une disposition qui pourrait ne pas s’appliquer une fois entrée en vigueur au motif que des tiers auront conclu un accord, serait une première. D’un point de vue juridique, cette décision serait exceptionnelle et inédite.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou.

    Mme Sophia Chikirou

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    Vous faites bien de rappeler la situation dans laquelle se trouvent la Nouvelle-Calédonie et ses habitants : depuis deux jours, ils sont inquiets et ils ont peur. Mais il faut aussi rappeler pourquoi ils sont dans cette situation : sans ce projet de loi constitutionnelle, qui en est l’unique cause, la Nouvelle-Calédonie n’aurait pas renoué avec la violence qu’elle avait abandonnée depuis plus de quarante ans. Aujourd’hui, c’est vrai, il y a des pilleurs, des incendies, des hommes armés tirent sur des gendarmes, et tout cela fait peur. Mais la peur règne des deux côtés ! Et ce que vous oubliez de dire, c’est que des milices s’auto-organisent, et que leur action vise les indépendantistes.
    Vous êtes donc en train de créer les conditions d’une guerre civile en Nouvelle-Calédonie. C’est terrible. J’en appelle au Président de la République : quand on sait ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie depuis quarante-huit heures, on ne peut pas continuer à discuter de ce projet de loi, article après article, dans l’entre-soi parlementaire, en étant totalement déconnectés de la réalité. Et je tiens à dire aux habitants de Nouvelle-Calédonie qui vivent dans la peur, s’enferment, envisagent peut-être un départ précipité, que ce n’est pas parmi les indépendantistes et les Kanaks qu’il faut chercher les responsables de cette situation, mais ici, à Paris, à l’Élysée et au Gouvernement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Quelle modération dans vos propos !

    Mme Sophia Chikirou

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    Nous demandons qu’une mission soit dépêchée de toute urgence en Nouvelle-Calédonie pour rétablir le dialogue, et que l’examen du projet de loi constitutionnelle soit suspendu. Monsieur le ministre, ce n’est pas perdre avec déshonneur que de décider de suspendre le projet de loi pour préserver la sécurité, la paix, la santé, la vie même des Calédoniens : au contraire, cela vous honorera. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Ce serait même du courage !

    Mme Sophia Chikirou

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    Et ce soir, au journal télévisé, on vous félicitera, on louera une décision sage qui aura épargné bien des malheurs aux Calédoniens.

    (Les amendements identiques nos 96 et 218 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements nos 120, 119, 118, et 117, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 17 et 116 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 39 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 50 et 214.
    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 50.

    M. Bastien Lachaud

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    Il vise à ce que l’accord ne soit valide qu’après avoir été ratifié par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Vous m’opposerez la hiérarchie des normes. Ma proposition n’est toutefois pas plus baroque que la vôtre. Nous démontrerions ainsi qu’un consensus en Nouvelle-Calédonie est nécessaire pour adopter le texte.
    Vous n’avez pas répondu à la question de la mal-inscription sur les listes électorales. Vous n’expliquez pas comment les CAS pourront vérifier précisément que toutes les personnes qui sont, selon vous, inscrites depuis dix ans sur les listes et qui devraient donc pouvoir, à ce titre, voter aux élections provinciales, ont bien apporté la preuve de leur résidence permanente durant cette période. Tant que cela ne sera pas démontré, nous reposerons la question, car elle est fondamentale. La situation en métropole, où 7,7 millions de personnes sont mal inscrites ou non inscrites sur les listes électorales, le prouve. C’est énorme. Pourtant, cela laisse le ministre de l’intérieur complètement indifférent : aucune campagne d’inscription digne de ce nom n’est menée. Quant à la campagne du Gouvernement, elle a été lancée deux jours avant la date limite d’inscription. Étant donné l’ampleur du problème, ce n’est pas sérieux.
    Or pourquoi y aurait-il moins de personnes mal inscrites en Nouvelle-Calédonie que dans l’Hexagone ? Vous voulez inscrire des électeurs sur la liste provinciale alors qu’ils n’ont pas dix ans de résidence effective. Apportez-moi la contradiction sur ce point.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 214 de Mme Sabrina Sebaihi est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou.

    Mme Sophia Chikirou

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    Par cet amendement, nous cherchons un levier à même de garantir l’autodétermination des Calédoniens et de la Nouvelle-Calédonie. Le projet de loi risque d’être adopté ce soir. Cela ne me fait pas plaisir, mais si tel est le cas, nous proposons que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie l’adopte à son tour, à la majorité des trois cinquièmes. Le texte en tirera ainsi une légitimité. Cela peut d’ailleurs participer du processus de dialogue qu’il faut relancer absolument. Envoyer l’armée ou imposer un couvre-feu à Nouméa durant des semaines ne saurait être une solution, vous en conviendrez. Il faut une sortie de crise pacifique. Il faut, à tout prix, trouver le moyen de rassurer tout le monde, retrouver la voie du dialogue. Soyons clairs : ce que vous faites ce soir n’y contribue pas. À croire que vous avez le rôle du méchant dans cette histoire, de celui qui doit maintenir la pression.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Un peu comme vous, à La France insoumise !

    Mme Sophia Chikirou

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    J’imagine, j’espère, je souhaite de tout cœur que le Président de la République joue un autre rôle. Par cet amendement, nous démontrons que nous sommes une opposition constructive (M. Charles Sitzenstuhl s’esclaffe. – Rires sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR) et soucieuse de donner au Congrès la possibilité de valider ou non le projet de loi et, ainsi, de calmer le jeu et de faire redescendre la température en Nouvelle-Calédonie.

    (Les amendements identiques nos 50 et 214 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 121.

    Mme Danièle Obono

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    Cet amendement rédactionnel me permet de revenir sur le débat précédent. M. le rapporteur me contredira sans doute, mais je comprends qu’il considère que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, peut-être parce qu’il est composé d’une majorité d’indépendantistes, ne serait pas légitime ; que l’élection de ses représentants, selon des règles issues de l’accord de Nouméa – donc dans un cadre électoral restreint –, ne résulterait pas d’une expression démocratique. Serait-ce parce qu’en Nouvelle-Calédonie, vous appartenez vous-même à l’opposition ? Cette petite musique que j’entends me semble profondément discutable. Elle illustre le double jeu du Gouvernement, le problème de sa démarche : on ne peut prétendre garantir la reprise du dialogue, du compromis, du consensus, alors que le rapporteur du texte a un parti pris et considère que ses interlocuteurs sont illégitimes à rendre un avis – alors qu’ils sont démocratiquement élus, ne vous en déplaise – même a posteriori et après avoir dû accepter le coup de pression du Gouvernement. Je trouve cela contradictoire avec la volonté, affichée à plusieurs reprises, de rétablir la démocratie en Nouvelle-Calédonie. Cela n’a aucun sens. Vous voulez à présent reconsidérer le processus de décolonisation, la situation postcoloniale et la composition des trois corps électoraux…

    Mme Caroline Parmentier

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    Que c’est long ! Cela paraît interminable.

    Mme Danièle Obono

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    …qui induisent des inégalités d’accès au suffrage, alors que vous les acceptiez quand vous étiez majoritaires au sein du Congrès. À l’époque, vous trouviez cela très démocratique. Votre point de vue est biaisé : la démocratie vous convient quand vous êtes majoritaires – ou quand vous avez la perspective de l’être –, puis cesse de vous convenir lorsque vous êtes dans l’opposition ; cela ne va pas.

    M. Antoine Léaument

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    Exactement !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je ne dirai jamais qu’un élu est illégitime. Il est toujours légitime puisqu’il a été élu par le peuple.

    M. Arthur Delaporte

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    Dites-le à Mme Backès !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Nous ne remettons pas en cause la légitimité des élus, mais le manque de représentativité du Congrès. Vous connaissez les chiffres, vous êtes allée sur place : les trois quarts de la population calédonienne – peut-être davantage après la fermeture de l’usine du Nord –, vivent dans la province Sud, contre 68 % lors de la signature de l’accord de Nouméa, et c’est aussi là qu’habitent la majorité des Kanaks, selon le recensement effectué en 2019. Or la province Sud n’est représentée que par 59 % des élus au Congrès. Autrement dit, elle est de plus en plus sous-représentée au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Nous n’évoquons que le manque de représentativité, pas l’illégitimité. Il faut faire attention aux mots que l’on emploie ; ils ont un sens. Encore une fois, je ne dirai jamais qu’un élu est illégitime.
    Enfin, je vous sais gré de votre attachement à l’avis du Congrès : c’est nous faire grand honneur. J’aurais néanmoins apprécié que vous suiviez effectivement son avis lors du vote du projet de la loi organique qui repoussait la date des élections provinciales ; malheureusement, vous n’aviez alors pas suivi la majorité des élus du Congrès, y compris des partis indépendantistes, qui avaient voté en sa faveur ; vous aviez voté contre. Vous manquez de cohérence : vous voulez tantôt suivre son avis, tantôt ne pas le suivre.

    Mme Sophia Chikirou

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    Ce n’est pas le sujet !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Personne ne remet en cause la légitimité des élus. Les critiques qui ont visé la légitimité de M. Metzdorf, au motif qu’il ne représenterait pas tous les Calédoniens, étaient en revanche choquantes. Ce n’est pas nous qui distinguons les élus en fonction de l’appréciation que l’on porte sur ce qu’ils disent.
    Lorsque l’État négocie avec les partis indépendantistes – c’est aussi vrai avec les partis dits loyalistes –, il ne négocie pas toujours avec des élus. Les partis politiques désignent aussi des interlocuteurs, qui sont respectables et légitimes, puisque l’article 4 de la Constitution mentionne le concours des partis politiques à l’expression du suffrage. Ce n’est pas une critique de ma part, mais j’ai parfois constaté des changements au sein des délégations envoyées pour négocier – décidés, par exemple, par le bureau du FLNKS – avec des membres qui ne sont pas toujours des élus.
    Nous sommes tous d’accord pour dire que l’amendement no 121, défendu par Mme Obono, qui vise à remplacer un « toutefois » par un « néanmoins », est important pour la France et la Nouvelle-Calédonie.

    Mme Danièle Obono

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    Oui, c’est un amendement rédactionnel.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Nous répondons avec beaucoup d’écoute et de patience à vos questions, mais peut-être serait-il utile de passer à d’autres sujets et nous montrer responsables en n’obstruant pas le débat parlementaire. Nous avons eu une discussion constitutionnelle nécessaire sur l’article 2, mais le lien entre vos discours et le passage de « néanmoins » à « toutefois » ne me semble pas évident. Avis défavorable.

    M. Antoine Léaument

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    Toutefois, nous sommes libres de nos décisions !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou.

    Mme Sophia Chikirou

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    « Toutefois » : en considérant toutes les raisons de ; « néanmoins » : malgré ce qui vient d’être dit. Ces deux mots signifient deux choses différentes. L’amendement rédactionnel permet de préciser les choses. Il importe que les mots de la loi soient bien choisis – ce n’est pas à vous qu’on l’apprendra.
    Je vous l’ai dit hier : il y a un problème avec ce texte, qui justifie, au-delà de l’esprit, d’en modifier la lettre, au moyen d’amendements rédactionnels. L’amendement no 121 a donc du sens. Sa défense était brève. Aussi ma collègue a-t-elle profité de son temps de parole pour poursuivre son développement et répondre au rapporteur. Le droit d’amendement sert à cela : sans les amendements, nous n’avons pas de temps de parole. Voilà pourquoi nous les déposons.

    M. Vincent Bru

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    Vous en abusez !

    Mme Sophia Chikirou

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    Voilà pourquoi nous profitons du temps de parole qu’ils nous offrent, pour développer nos arguments et répondre aux vôtres, comme vous répondez aux nôtres. Voyez comme vous avez très envie de me répondre à cet instant, monsieur le ministre : allez-y ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    À quelques minutes de la pause du dîner – si le ministre de l’intérieur est bien renseigné –,…

    Mme Sophia Chikirou

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    Alerte !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …vous me faites penser, madame Chikirou, lorsque vous défendez les amendements de votre groupe, à cette phrase des Shadoks, selon laquelle la notion de passoire est indépendante de la notion de trou. (Sourires sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Danielle Brulebois

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    Excellent !

    (L’amendement no 121 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    9. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ;
    Discussion du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra