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Clôture de la session parlementaire
dans l'hémicycle le mercredi 28 juin 2000

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Ministre des Relations avec le Parlement,

Mes chers collègues,

L'année parlementaire s'achève et nous approchons du terme de notre session. La tradition veut que ce moment soit l'heure du bilan ; mais c'est, avant tout, mon sentiment sur ces neuf mois de travail que j'aimerais vous faire partager. Permettez-moi, tout d'abord, de rendre un hommage particulier à mon prédécesseur, Laurent Fabius qui, durant cette onzième législature, a exercé sa charge et incarné sa fonction avec un talent et un savoir-faire que tous lui reconnaissent.

Cette session a été particulièrement intense : nous avons siégé plus de 1 000 heures, au cours de quelque 250 séances. Je crois ne pas trahir le sentiment du plus grand nombre en affirmant que notre Assemblée a travaillé dans les meilleures conditions, en respectant notamment la règle des trois jours de séance hebdomadaires. Il reste des progrès à accomplir mais je suis certain que nous avançons dans la bonne direction. Vous y contribuez grandement, Monsieur le Ministre, et je vous en remercie vivement. Je souhaite également exprimer ma gratitude à l'égard de chacune et chacun d'entre vous, mes chers collègues, pour votre inépuisable énergie et votre indéfectible enthousiasme, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit. Mes remerciements vont aussi à la presse, qui effectue un remarquable travail pour rendre compte de nos débats, ainsi qu'au personnel de l'Assemblée, dont je salue la compétence et le dévouement.

Cette session est incontestablement marquée par l'amélioration des conditions de nos échanges et de nos débats - fondement essentiel d'une véritable représentation démocratique. A cela je vois deux raisons. Tout d'abord l'implication du Premier ministre, Lionel Jospin, qui a largement contribué au retour de la vie publique vers le Palais-Bourbon. Jamais peut-être en cette période de cohabitation, la fidélité à l'article 20 de notre Constitution ne s'est autant vérifiée : « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Jamais un Premier ministre n'a été aussi respectueux du pouvoir du Parlement : à aucun moment, ce Gouvernement n'a fait usage de l'article 49-3 de la Constitution. Quant au Parlement, il n'a pas déposé de motion de censure cette année.

Les déclarations du gouvernement constituent un temps fort de la vie parlementaire de notre pays. Elles répondent à sa volonté d'exposer son projet, de rendre compte de son action et à notre souci de placer l'évaluation et le contrôle au coeur de notre activité. Cette année, à quatre reprises, notre Assemblée a eu l'occasion de dialoguer, d'échanger et d'interroger le gouvernement sur les priorités qu'il s'est assignées. Au cours de la session qui s'achève, beaucoup de réformes engagées par l'équipe gouvernementale ont trouvé leur traduction dans la loi. La rénovation de la vie publique et la transformation de la société ont constitué une dimension essentielle de notre travail. J'en veux pour preuve les quarante-quatre projets et propositions de loi adoptés définitivement, à l'heure où je vous parle. Je n'en citerai que quelques uns : la réduction négociée du temps de travail, qui a redonné espoir et confiance dans l'avenir, notamment aux jeunes ; le pacte civil de solidarité, conquis dans la douleur - mais n'est-ce pas là ce qui fait les plus belles victoires ? - pour adapter enfin notre droit à la réalité de la société ; la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes ; cette législature aura enfin introduit la possibilité de faire appel des arrêts des cours d'assises et renforcé les garanties lors des gardes à vue et des détentions provisoires.

Notre activité a également beaucoup porté sur la modernisation de la vie publique. Je pense à l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs qui traduit la révision constitutionnelle votée par le Congrès. Je pense à la limitation du cumul des mandats et à l'incompatibilité des mandats électoraux. Je pense évidemment - comment l'oublier ? - au projet de loi constitutionnel relatif à la durée du mandat du Président de la République, voté à l'Assemblée nationale il y a quelques jours. Enfin, le vote du texte sur l'expression « Guerre d'Algérie », qui fait aujourd'hui résonner dans cet hémicycle le vibrant message de paix et d'espoir que nous adressait ici même, il y a peu, le Président Bouteflika.

Mes chers collègues, vous le savez, je m'emploie avec conviction à faire vivre le débat démocratique dans cette enceinte. J'ai parlé des projets et des succès de la majorité plurielle ; mais je souhaite aussi souligner que l'opposition a pu librement s'exprimer et participer ainsi à la construction de l'édifice législatif. C'est, majorité et opposition confondues, près de douze mille amendements qui ont été déposés et, pour plus de 30 %, adoptés. Quatorze textes d'initiative parlementaire vont devenir des lois de la République. D'ici au 30 juin, d'autres textes sont encore susceptibles d'être votés, parmi lesquels le projet de loi relatif à la chasse, dont je souhaite vivement l'adoption.

Au coeur de la vie publique, l'Assemblée nationale ne trouvera pleinement sa place que si elle remplit l'ensemble de ses missions. Le Parlement ne doit pas se contenter de légiférer, il doit contrôler la mise en oeuvre effective des lois qu'il a votées. Commissions d'enquête et missions d'information sont des instruments qui lui permettent de remplir ce rôle essentiel. Je me réjouis que cette année les commissions d'enquête créées par notre Assemblée aient produit des rapports de qualité : sur la Corse, sur la sécurité alimentaire, sur la délinquance financière et le blanchiment des capitaux en Europe ou encore sur la sécurité maritime. La dernière en date de ces commissions rendra dans les tout prochains jours un rapport attendu sur les prisons.

Pour autant, il serait vain de plaider pour davantage d'initiative et de contrôle sans appeler à plus d'ouverture. Elus du peuple, représentants de la Nation, nous avons des droits et des devoirs. Ils s'imposent à nous et nous devons les respecter. Parmi les plus essentiels, celui de rendre à notre action la clarté nécessaire pour donner aux attentes des Français une véritable réalité. Nous leur devons en particulier plus de transparence sur la manière dont leur argent est dépensé. A cet égard, je souhaite que la réforme de l'ordonnance de 1959, qui règle les modalités de présentation et d'examen du budget, soit entreprise dans les meilleurs délais. Au-delà des clivages partisans, cette réforme a besoin de rassembler toutes les volontés pour aboutir.

Par ailleurs, il faut éviter le foisonnement des textes législatifs, qui nuit à l'efficacité de notre travail, et veiller à une meilleure compréhension des enjeux de nos débats par l'opinion. Notre Assemblée a également le devoir d'informer et de faire participer les citoyens aux travaux de leur représentation. A cette fin, elle s'est dotée d'outils efficaces qui contribuent à enraciner la démocratie dans leur vie quotidienne : notre site Internet, un des plus fréquentés parmi les sites institutionnels, qui s'est enrichi il y a quelques mois d'un forum de discussion, mais aussi la Chaîne parlementaire, qui assure la diffusion des débats dans l'hémicycle et des séances de commission.

L'approche d'un certain nombre d'échéances électorales fera sans doute dire à certains que la prochaine session sera celle de l'immobilisme. Il n'en sera rien mes chers collègues car je sais que le Gouvernement poursuivra jusqu'au terme de cette législature les réformes qu'il a engagées depuis 1997.