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Discours de M. Raymond FORNI, Président de l'Assemblée nationale,
A l'occasion du dîner offert en l'honneur de M. Hamid Karzaï,
Président de l'administration intérimaire afghane,
Jeudi 28 février 2002 - Présidence de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

C'est un grand honneur de vous recevoir aujourd'hui à l'Assemblée nationale, monsieur le Président, vous-même ainsi que la délégation qui vous accompagne. Permettez-moi de saluer l'importance de votre délégation, autant par le nombre que par la qualité de ses membres, qui représentent le gouvernement chargé de reconstruire les institutions de l'Afghanistan et de redonner espoir à son peuple.

C'est un grand honneur mais aussi une grande joie car votre présence témoigne du retour de votre pays à la paix civile. Ses habitants vont pouvoir oeuvrer à sa reconstruction et à son développement après plus de vingt ans d'affrontements sanglants et cinq années d'obscurantisme.

Votre beau pays, à la géographie tourmentée, mais dont tous les visiteurs m'ont rapporté la splendeur, fut longtemps un carrefour de civilisations et inévitablement, un carrefour d'ambitions. Ce fut donc une zone de tensions et de conflits fréquents.
D'Alexandre le Grand à Gengis Khan, l'Afghanistan, n'a jamais cessé de susciter les convoitises. Il a fallu attendre le XIXème siècle pour que cette mosaïque de peuples qui compose l'Afghanistan d'aujourd'hui parvienne à se fédérer, jetant ainsi les bases d'un pays libre et indépendant.

Cette mosaïque fait évidemment la richesse culturelle et humaine de votre peuple, mais rend aussi complexe l'édification d'un Etat-nation moderne. Mais c'est cette diversité qui vous a encore permis de résister à la colonisation anglaise, puis à l'envahisseur soviétique, tous deux finalement contraints à l'abandon.

Surmontant ces particularismes, vous êtes parvenus, avec quelques courageux responsables, à vous unir pour mettre un terme au règne de ces féodaux d'un autre âge qu'étaient les Taliban, permettant à votre pays d'écrire une nouvelle page de son histoire.

Qu'il me soit permis, Mesdames et Messieurs, de rendre hommage à l'un des plus farouches défenseurs d'un Afghanistan libre et souverain, Ahmad Shah Massoud, fondateur de l'Alliance du nord, qui a su si bien expliquer et faire partager sa passion de l'Afghanistan à nos compatriotes. En le recevant ici même, il y a un peu moins d'un an, le 4 avril 2001, j'avais été impressionné par sa détermination et par sa vision de la société afghane.

Depuis les attentats du 11 septembre et la disparition tragique du Commandant Massoud, jamais je n'ai ressenti avec autant de force la vérité de cette phrase de Martin Luther King : « Au bout du compte, ce ne sont pas les paroles de vos ennemis qui vous restent en tête, c'est le silence de vos amis ».

Non, nous n'avons pas su, quand il en était encore temps, écouter le Commandant Massoud lorsqu'il réclamait l'aide de la communauté internationale et qu'il dénonçait le danger que faisait peser sur la paix et la sécurité internationales le régime barbare et totalitaire des Taliban.

Mon espoir, et je sais qu'il est aussi le vôtre, est, aujourd'hui, que le sacrifice de cet homme ne soit pas inutile.

Monsieur le Président, je tiens à rendre hommage au travail remarquable que vous avez accompli à la tête de l'administration intérimaire d'Afghanistan depuis la conférence de Bonn, au mois de décembre dernier.

L'action que vous menez témoigne de votre engagement pour votre peuple, de votre capacité à trouver des terrains d'entente et, avant toute autre chose, de votre sens des responsabilités.


L'Afghanistan a en effet plus que jamais besoin de l'engagement, de l'expérience, de la sagesse et de la conviction de femmes et d'hommes qui, comme vous et dans un effort commun, veulent redonner espoir à un peuple aussi éprouvé que le vôtre et qui, ensemble, ont la volonté de reconstruire un pays qui n'a plus connu la paix depuis si longtemps.

L'action de votre administration constitue une étape importante sur la route que vous avez tracée à Bonn et qui, un jour, - je l'espère ardemment- vous permettra de dire à vos enfants que leur avenir sera plus prometteur que celui de leurs aînés, qui n'ont connu, pour la plupart, que la peur, l'oppression et la misère.

Vous êtes en train de poser les fondations pour construire un pays nouveau réconcilié avec lui-même. Cette tâche, ce défi, nous vous encourageons à l'assumer avec confiance, détermination et persévérance.

Monsieur le Président, vous me disiez lors de notre entretien, que les Afghans ont droit au bien-être et à une vie prospère. Qu'ils ont besoin d'infrastructures pour redonner un élan nouveau à une économie au service du bien commun et de l'intérêt général. Qu'ils souhaitent la mise en place rapide d'une armée et d'une police impartiales. Que votre jeunesse a droit à une éducation de qualité. Que les Afghanes aspirent à être des citoyennes à part entière...

En résumé, vous me rappeliez cette évidence que, comme tous les peuples du monde, les Afghans aspirent à être maîtres de leur destin dans un pays enfin pacifié et apaisé.

Soyez assuré que la France ne demande qu'à contribuer à la renaissance de l'Afghanistan.


En vous recevant, l'Assemblée nationale, souhaite montrer son entière disponibilité pour vous aider à créer les conditions de stabilité et de paix dans votre pays. Elle le fait de manière totalement désintéressée, n'ayant à l'esprit que le bien de tous les Afghans. Notre Assemblée se réjouit de votre visite et de l'aide apportée par le Gouvernement français. Elle est fière d'avoir pu, très modestement, contribuer au financement de la reconstruction de deux lycées franco-afghans de Kaboul, Esteklal pour les garçons et Malalaï pour les filles.

Elle a choisi de s'associer au « Printemps afghan » qui, à partir du 21 mars, date de Norouz, le nouvel an persan, montrera toute la richesse et la diversité de la culture de votre pays. Les photographies de Roland et Sabrina Michaud, que je suis heureux de saluer, seront exposées sur les grilles du Palais Bourbon puis vendues aux enchères. Les fonds ainsi collectés seront versés à Médecins sans frontières pour la construction d'une antenne médicale pour les femmes en Afghanistan.

Mais l'Assemblée nationale souhaite aussi approfondir sa coopération avec l'Afghanistan. Au fur et à mesure que de nouveaux pas seront faits dans le cadre du processus de réforme démocratique, notre Assemblée s'engage à mettre en place une coopération parlementaire bilatérale permanente avec le futur Parlement afghan.

L'instauration d'un Etat de droit nécessite la mise en place de structures représentatives, démocratiques, ouvertes à toutes les Afghanes et tous les Afghans. Le dialogue entre toutes les composantes de la société afghane y jouera un rôle moteur. Soyez assurés que nous y accordons une importance majeure et que nous souhaitons vivement sa pleine réussite.

Vous le voyez, Monsieur le Président, les parlementaires et au-delà l'ensemble des Français, attachent une importance capitale à l'avenir de l'Afghanistan. C'est le témoignage le plus fort de la fraternité entre le peuple français et le peuple afghan et des liens étroits qui nous unissent.

Je forme le voeu que votre premier voyage en France et votre visite ici à l'Assemblée nationale soit l'expression de l'amitié et de la fraternité renouvelées entre la France et l'Afghanistan.

C'est dans cet esprit, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, que je vous invite à saluer l'amitié entre la France et l'Afghanistan.