ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

RAPPORT D'INFORMATION

Présenté à la suite de la mission effectuée en Colombie

du 10 au 18 mai 2001

par une délégation du

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE-COLOMBIE (1)

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(1) Cette délégation était composée de M. Alain VEYRET, Président du groupe ; M. Bernard NAYRAL, Vice-Président ; M. Jean-Pierre FOUCHER, Secrétaire parlementaire ; M. Jean BESSON.

SOMMAIRE

INTRODUCTION   ....................................................... 5

PREMIÈRE PARTIE : LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN COLOMBIE ET LES PROGRÈS DU PROCESSUS DE PAIX ................................................... 9

A.  La vie politique est marquée par la permanence des conflits armés   .................................................... 9

1.  Les partis politiques traditionnels composent avec les mouvements de guérilla d'extrême gauche .............. 9

2. A l'extrême droite, les paramilitaires combattent la guérilla ........................................................ 11

B.  La société colombienne, qui rencontre de sérieuses difficultés sociales et économiques, subit la violence des groupes armés ................................................... 12

1. La violence des groupes armés entraîne des mouvements de « déplacés » vers les villes .............. 12

2. Les difficultés sociales et économiques de la Colombie 15

C. La guerre freine le dynamisme de l'économie alors que le marché colombien présente de nombreux atouts ...... 16

1. Les freins au dynamisme de l'économie : l'insécurité, la contrebande, la contrefaçon et la corruption ............. 17

2. Les atouts du marché colombien ........................... 18

D. Les progrès du processus de paix accomplis sous la présidence de M. Pastrana .................................... 20

1. Le plan Colombie et le programme d'appui européen au processus de paix : deux approches différentes ......... 20

2. Les progrès du processus de paix : la situation au printemps 2001 .............................................. 23

DEUXIÈME PARTIE : L'ESSOUFFLEMENT DU PROCESSUS DE PAIX ET LA NÉCESSITÉ DE SOUTENIR LA COLOMBIE DANS LA RECHERCHE DE LA PAIX ....... 25

A. Les intérêts divergents des acteurs impliqués dans le processus de paix ................................................ 25

1. Les obstacles immédiats aux négociations ............... 25

2. Les divergences d'intérêts à moyen terme ............... 29

B. Les risques d'enlisement des négociations ................. 34

1. Le gouvernement et la guérilla suivent un calendrier différent ...................................................... 34

2. L'« institutionnalisation » du processus de paix, enjeu des prochaines élections présidentielles de 2002 ....... 35

C.  La communauté internationale : un rôle de catalyseur dans la poursuite des négociations de paix ? .............. 37

1. La réforme des institutions politiques : pour un partage de la prise de décision ....................................... 37

2. Accorder une restructuration de la dette .................. 38

3. Les attentes en matière de développement alternatif et de réforme agraire ........................................... 39

4. La responsabilité citoyenne ................................. 39

5. Renforcer les coopérations économique, culturelle et éducative ...................................................... 39

CONCLUSION .......................................................... 41

ANNEXES ............................................................... 43

1- La carte de la Colombie ........................................... 45

2- La Colombie en quelques dates .................................... 47

3- Le programme de la mission ....................................... 49

INTRODUCTION

A l'invitation du Président de la Chambre des représentants de Colombie, M. Villamizar, une délégation du groupe d'amitié France-Colombie composée de M. Alain Veyret, député (S) du Lot-et-Garonne, président, de M. Bernard Nayral, député (S) de l'Hérault, de M. Jean-Pierre Foucher, député (UDF) des Hauts-de-Seine, et de M. Jean Besson, député (RPR) du Rhône, s'est rendue en Colombie du 10 au 17 mai 2001.

Cette mission s'inscrivait dans le prolongement d'une série de contacts bilatéraux récents entre la France et la Colombie. En septembre 2000, une délégation de sénateurs s'est rendue en Colombie. En janvier 2001, le Président de la République de Colombie, M. Andrés Pastrana, est venu en France. En mars, une mission du MEDEF s'est intéressée au marché colombien. Puis, la délégation du groupe d'amitié a ajouté à ces contacts une dimension parlementaire et montré, au nom de l'ensemble de la représentation nationale, la pertinence et l'utilité de la diplomatie parlementaire.

La mission s'est déroulée dans les villes de Bogota, Los Pozos, Carthagène et Cali.

A Bogota, la délégation a rencontré de nombreux dirigeants de la Chambre et du Sénat, notamment le Président de la Chambre des représentants, M. Villamizar, et le Président du Sénat, M. Escobar. Une audition de la deuxième commission de la Chambre et du Sénat (relations extérieures) a permis à chacun de s'exprimer sur le processus de paix. Au plus haut niveau de l'Etat, la délégation s'est entretenue avec le Président de la République, M. Andrés Pastrana, qui était à cette occasion accompagné de M. Camilo Gomez, haut commissaire pour la paix, et du ministre de la défense, M. de Soto. Elle a également rencontré le ministre du travail, ainsi que les dirigeants du parti libéral et du parti conservateur. Elle a eu des entretiens avec l'ensemble des évêques colombiens réunis à Bogota, ainsi qu'avec des représentants d'organisations humanitaires.

A Los Pozos, dans la zone démilitarisée du Caguan, la délégation, accompagnée de M. Luis Fernando Criales, vice-commissaire pour la paix, a rencontré les dirigeants des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (F.A.R.C.). Les questions du commerce de la drogue, de l'éradication manuelle des cultures illicites et de leur substitution ont notamment été abordées.

A Carthagène, la délégation s'est entretenue avec le gouverneur du Bolivar et avec le maire. Elle s'est rendue à la marine nationale, où lui ont été présentées les techniques de lutte contre le trafic de la drogue par voie maritime. Elle a visité deux quartiers de déplacés, le Nelson Mandela et le Bill Clinton, en périphérie de la ville de Carthagène.

A Cali, la délégation a rencontré le gouverneur de la Vallée du Cauca et des chefs d'entreprise colombiens, au cours d'une réunion de travail à la Chambre de commerce et d'industrie, avant de visiter l'usine Michelin. La délégation s'est également rendue à l'Alliance française et au Lycée français, ainsi que dans une université.

La mission du groupe d'amitié était principalement consacrée à deux thèmes : le processus de paix en Colombie et le rôle de la France et de l'Union européenne, d'une part, la coopération bilatérale en matière économique et culturelle, d'autre part.

La délégation a pu dégager une vue d'ensemble des conflits en Colombie et rencontrer les représentants de toutes les parties. Elle a constaté que tous ses interlocuteurs souhaitaient une implication accrue de la France, pays « facilitateur », et de l'Union européenne dans la recherche du dialogue et de négociations de paix.

M. Alain Veyret, au nom des membres du groupe d'amitié, remercie vivement leurs hôtes colombiens de la Chambre des représentants, spécialement son Président, M. Villamizar, pour l'accueil qu'ils leur ont réservé.

La délégation tient également à remercier M. Daniel Parfait, ambassadeur de France en Colombie, ainsi que M. Juan Camilo Restrepo, ambassadeur de Colombie en France, qui ont contribué, avec leurs collaborateurs, au succès d'une mission qui, grâce à son programme très complet, est apparue riche d'enseignements.

Après un aperçu de la situation politique et économique colombienne, le rapport tâchera, dans une première partie, de cerner les progrès du processus de paix accomplis sous la présidence de M. Andrés Pastrana.

Le rapport constate, dans une seconde partie, l'essoufflement du processus de paix et la nécessité de soutenir la Colombie dans la recherche de la paix.

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* *

PREMIÈRE PARTIE : LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN COLOMBIE ET LES PROGRÈS DU PROCESSUS DE PAIX

La vie politique colombienne a traditionnellement, en toile de fond, les conflits armés. La violence qui en découle affecte en premier lieu la société colombienne et freine le dynamisme de l'économie, alors que le marché colombien présente de nombreux atouts.

A. La vie politique est marquée par la permanence des conflits armés

Depuis une quarantaine d'années, les partis politiques traditionnels en Colombie subissent la concurrence de mouvements de guérilla d'extrême gauche. Les paramilitaires d'extrême droite combattent cette guérilla depuis les années 80.

1. Les partis politiques traditionnels composent avec les mouvements de guérilla d'extrême gauche

Dans l'histoire politique colombienne, le 9 avril 1948 est une date clef, point de départ de l'apparition des groupes armés illégaux et de leur lutte face aux partis traditionnels. A cette date, l'assassinat de Jorge Eliecer Gaitán, chef de file du parti libéral, ouvre une période de guerre civile appelée "Violencia".

Cinq ans plus tard, en 1953, la Colombie connaît un coup d'Etat militaire perpétré par le général Rojas Piniella. Pour s'y opposer, les deux forces politiques traditionnelles s'allient et forment un Front national. Le parti conservateur et le parti libéral vont pratiquer l'alternance au pouvoir pendant seize ans et, de fait, continueront à diriger seuls le pays.

Le parti conservateur défend un gouvernement central fort, alors que le parti libéral prône le fédéralisme. Les mouvements de guérilla apparus dans les années soixante vont, au fil du temps, obliger ces partis politiques à composer avec eux.

Au cours des entretiens de la délégation, le président du parti libéral, le sénateur Luis Guillermo Vélez, lui explique que si, à l'origine, les guérillas luttaient contre les inégalités sociales, peu à peu, leur lutte armée a acquis une dynamique politique propre. La Colombie est un pays déstabilisé, dans lequel l'exercice de la violence est le monopole des groupes subversifs et non de l'Etat.

Il y a une dizaine d'années, la présidence de M. Elisario Betancur, conservateur, a permis l'instauration du dialogue, poursuivi par M. Virgilio Barco, libéral, avec des mouvements de guérilla qui ont aujourd'hui disparu en tant que groupes armés illégaux. Le M 19 a déposé les armes et a signé un accord de paix avec le Gouvernement le 9 mars 1990. Devenu "l'Alliance démocratique - M 19", qui regroupe plusieurs forces de gauche, il a participé à l'Assemblée Constituante. Parmi ses 70 membres, élus le 9 décembre 1990 au suffrage universel (avec 70% d'abstention), celle-ci comptait 19 députés de "l'Alliance démocratique - M 19". L'ancien mouvement du M 19 a également pris part aux élections municipales de mars 1990 et à l'élection présidentielle de mai 1990. L'E.P.L. et le P.R.T. - fraction dissidente - ont signé un accord de démobilisation en janvier 1991, rendu les armes et participé à l'Assemblée Constituante. Le mouvement indigène Quintin Lame a signé fin mai 1991 un accord de démobilisation et de remise des armes.

Les négociations avec les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (F.A.R.C.), le plus ancien mouvement d'idéologie marxiste dans le pays, et l'E.L.N. (Armée de libération nationale), d'inspiration "guévariste", ont commencé en juin 1991. Le chef des F.A.R.C., Manuel Marulanda Velez (surnommé « Tirofijo » : dans le mille) est à la tête d'une réelle puissance militaire, grâce à des financements privés en partie liés à la drogue, avec 15 000 hommes armés. Moins puissante, l'E.L.N., dont le principal responsable militaire est Nicolas Rodriguez, compte 4 000 à 5 000 hommes.

Selon le vice-commissaire pour la paix, M. Luis Fernando Criales, on observe aujourd'hui un retour du discours idéologique chez les F.A.R.C. ; lors de l'entretien avec ses dirigeants, la délégation a trouvé qu'ils tenaient des propos contradictoires, parfois très radicaux, qui occultaient une stratégie d'immobilisme.

La délégation a demandé aux représentants des F.A.R.C. pour quelles raisons ils ne s'étaient jamais engagés dans la vie politique. Carlos Antonio, un des dirigeants, explique que les autorités ont toujours refusé de négocier avec eux. Dans les années 60 et 70, malgré une majorité de communistes dans certaines régions, la « classe politique dominante » a exercé contre l'opposition révolutionnaire « une violence politique » par des assassinats fréquents, dont ont été victimes certains dirigeants du M 19. Il évoque le revirement opéré en 1983, lorsque le président Elisario Betancur recherchait une issue différente à la confrontation militaire par la création de l'Union Patriotique. Mais plus de 50 000 personnes de ce mouvement ont été tuées par des organisations de trafiquants de drogue, des propriétaires fonciers, « tout un ensemble de gens formés et entraînés avec l'appui politique de l'Etat ». Carlos Antonio conclut en dénonçant « la permanence du caractère violent du régime politique », qui a empêché leur participation à la vie politique colombienne.

Après la présidence de M. Ernesto Samper, du parti libéral (1994-1998), le président conservateur Andrés Pastrana, élu le 21 juin 1998, a relancé le dialogue avec les guérillas des F.A.R.C. et de l'E.L.N.

2. A l'extrême droite, les paramilitaires combattent la guérilla

Les paramilitaires d'extrême droite, les Autodéfenses Unies de Colombie (A.U.C.), dirigées par Carlos Castaño, représentent dans le pays une force coercitive réelle qui combat la guérilla grâce à un arsenal militaire très important. Les représentants de la Croix-Rouge que la délégation a rencontrés remarquent la très bonne organisation de ces groupes armés qui, contrairement à la guérilla, ont mis au point un système de réseau entre les différents fronts de paramilitaires répartis dans le pays, en plus du commandement central. Ces groupes connaissent le taux de croissance le plus élevé : 10 000 combattants à l'heure actuelle, alors qu'ils étaient deux ou trois mille en 1993. Une explication est envisageable : le soutien aux paramilitaires qui était à l'origine le fait des classes aisées, s'étend aujourd'hui aux classes moyennes.

Plus généralement, l'idée selon laquelle les A.U.C. ont de multiples racines a souvent été évoquée devant la délégation.

Le ministre du travail de centre-gauche, M. Angelino Garzon, détaille cet état de fait. Il existe d'abord des liens entre des agents de l'Etat et les paramilitaires : par exemple, au cours des deux dernières années, une centaine d'anciens officiers de l'armée, exclus essentiellement pour des motifs de violation des droits de l'homme, ont intégré ces groupes armés. Ensuite, certaines parties du secteur privé économique financent les paramilitaires, qui sont également liés avec des trafiquants de drogue. Enfin, il arrive que des guérilleros d'extrême gauche rejoignent les A.U.C.

Mgr Victor, vice-président de la Conférence épiscopale, donne son témoignage à la délégation. Aux abords de la ville de San José, les barrages étaient contrôlés par des paramilitaires de connivence avec les forces armées légales. Ici, l'armée n'a été d'aucune aide à une population dont les biens et denrées ont été confisqués au prétexte de ses liens supposés avec la guérilla (F.A.R.C. ou E.L.N.). Ailleurs, en revanche, aux alentours de la ville de Río Sucio, les forces armées ont apporté leur secours à l'épiscopat qui avait dénoncé les prises d'otage et les assassinats par des paramilitaires sur le fleuve. L'évêque constate que la population civile éprouve un sentiment de peur devant les groupes armés, quels qu'ils soient, légaux ou illégaux, dont la similarité des uniformes ajoute à la confusion. Il se demande si les forces armées légales ne devraient pas repenser leurs méthodes d'approche.

La délégation a souvent entendu que la production et le trafic de drogue sont aujourd'hui la cause principale des guerres colombiennes. La guérilla d'extrême gauche et les paramilitaires d'extrême droite se disputent le contrôle des régions enrichies par la culture de la coca et des voies de communication stratégiques. Les services de l'ambassade de France à Bogota estiment que les groupes armés illégaux, qui rémunèrent leurs combattants grâce au commerce de la drogue, sont présents dans les deux tiers des municipalités.

Les Colombiens sont les premiers à subir la violence qu'exercent la guérilla et les paramilitaires.

B. La société colombienne, qui rencontre de sérieuses difficultés sociales et économiques, subit la violence des groupes armés

1. La violence des groupes armés entraîne des mouvements de « déplacés » vers les villes

Le trafic de drogue représente environ 8 % du P.I.B. colombien. La Colombie est le principal producteur de cocaïne dans le monde (environ 520 tonnes par an) et produit également de l'héroïne (environ 6 tonnes par an), à destination des marchés américain et européen. Les cultures de coca sont situées essentiellement dans les régions de Putumayo-Caqueta, au sud, et de Guaviare, au centre, et la surface totale des cultures illicites dans le pays représenterait environ 110 000 hectares. Aujourd'hui, on constate une diminution de la demande internationale de coca, à laquelle se substitue le pavot (d'où provient l'héroïne) qui pourrait devenir, à court terme, la culture illégale principale en Colombie.

La violence liée au commerce de la drogue entraîne des mouvements de population, les « déplacés », en direction des villes et augmente les risques de guérilla urbaine.

Les déplacés sont la conséquence directe de la violence exercée sur la population par un groupe armé, guérillas ou paramilitaires, aggravée par la carence de l'Etat. Pour les représentants de l'UNICEF que la délégation a rencontrés, les paramilitaires sont la cause principale des déplacements de population.

La délégation s'est interrogée sur ce phénomène des déplacés ; en définitive il apparaît que toute personne qui ne se rallie pas au système d'un groupe armé sera « déplacée ». Sauf à comprendre les raisons de ces groupes armés et à apporter des solutions, être déplacé semblerait constituer pour certaines personnes un état permanent, tant que durent les conflits colombiens.

Selon le commandant Luis Lanzziano Molano, environ 10 000 personnes sont déplacées chaque année, dans tous le pays. Des politiques sociales à destination des plus démunis sont mises en _uvre et, en principe, les déplacés reçoivent des autorités colombiennes une aide alimentaire et sanitaire, un logement et de l'argent. Le commandant évoque l'insuffisance des moyens au regard de l'ampleur du phénomène. En outre, par un effet d'aubaine, des gens dans le besoin vont rejoindre les rangs des déplacés et profiter ainsi du système.

Il existe deux villes de Carthagène, celle, connue, du « patrimoine mondial de l'humanité » et celle, méconnue, des « déplacés ». Au cours des dix dernières années, selon le ministre du travail, M. Angelino Garzon, environ 100 000 personnes ont débarqué aux alentours de la ville, en provenance du sud et de la côte Pacifique, ce qui est symptomatique d'une dégradation du conflit. Le maire de Carthagène, M. Carlos Díaz Redondo, libéral, confirmera cette estimation : 40 à 50 000 personnes ont été déplacées au cours des cinq dernières années au sud du département du Bolivar, posant de graves problèmes économiques et sociaux.

La délégation a parcouru deux quartiers de déplacés dans la périphérie de Carthagène. Dans le « Nelson Mandela », 1 400 familles sont installées sur un terrain dangereux et, dans le « Bill Clinton », 2 000 familles se trouvent à proximité d'une déchetterie et d'une centrale électrique, sur un terrain dangereux, sans eau ni électricité. Installer l'électricité coûterait quelque 60 000 francs (9 147 €) mais la propriété du terrain, privée, a entraîné une spéculation immobilière, faute de réquisition de la mairie.

Beaucoup de déplacés sont des paysans qui ont dû quitter leur terre. Sans travail, ils s'improvisent vendeurs ambulants, s'agrègent au marché noir et parfois se retrouvent mêlés à la petite délinquance.

Beaucoup d'adultes sont venus au devant de la délégation pour se plaindre de leur « désoccupation » et demander que les pouvoirs publics les aident. Les jeunes femmes, de leur côté, sont souvent prises dans le piège de la prostitution. La délégation a souvent rencontré des filles de 12 ou 13 ans avec un enfant dans les bras. On compte environ cinq enfants par famille et les femmes accouchent souvent dans des conditions alarmantes, au risque de perdre la vie ; il n'existe aucune politique de contraception ni donc de prévention des maladies sexuellement transmissibles. Les députés décideront avec l'ambassadeur de lancer un projet de coopération « Alliance française », afin d'améliorer les conditions de vie de ces populations.

La délégation a interrogé le maire de Carthagène et le gouverneur du département du Bolivar sur la mobilisation réelle des pouvoirs publics en direction des déplacés. Le gouverneur du Bolivar, M. Luis Daniel Vargas, du parti libéral, reconnaît que l'aide prodiguée dans le département n'a pas été à la hauteur du phénomène. Cependant, le ministère du travail, le département et la mairie ont lancé conjointement divers programmes dans les domaines de la micro entreprise, l'économie solidaire, l'éradication de la prostitution infantile, la construction d' HLM et d'infrastructures, et la formation des jeunes. De son côté, le maire de Carthagène, M. Carlos Díaz Redondo, extrêmement pessimiste, pense que la capacité de répondre à une telle situation relève du « défi » pour chacun des dirigeants politiques. Il rappelle que l'objectif est de permettre aux populations de retourner chez elles.

L'épiscopat colombien, au travers des « communautés de paix », tente d'aider les déplacés à revenir sur leurs terres. Mais Mgr Victor dénonce même l'infiltration de ces communautés par les F.A.R.C. qui, sous prétexte de visiter leurs familles, cherchent à les soustraire à la protection des prêtres.

La délégation reconnaît qu'il n'est pas aisé d'envisager le retour des déplacés chez eux, mais elle redoute que, dans cette attente, leur situation économique et sociale ne favorise les conditions d'une violence politique et d'une forme nouvelle de guérilla urbaine, peut-être plus radicale encore. Sur 41 millions d'habitants, 30 % vivent dans les zones rurales, avec 500 000 familles qui cultivent la coca. La situation dans les villes, où se concentre donc 70 % de la population, reste explosive.

2. Les difficultés sociales et économiques de la Colombie

Simon Trinidad, l'un des dirigeants des F.A.R.C., déclare que sur 41 millions de Colombiens, 22 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté et 8 millions connaissent des situations de misère absolue. Le chômage concerne 20 % de la population active, soit 3 millions et demi de personnes. 29 % de la population active occupée, soit 4 400 000 personnes, est sous-employée. A partir de ce tableau général, il dénonce les détournements d'argent public par les classes dirigeantes, un système électoral corrompu et revendique une autre affectation des parts du budget dévolues au service de la dette - 37 % - et à la guerre - 13 % -. Aucune opposition n'étant appelée à participer à la vie politique, il n'est pas étonnant, conclut-il, que la crise sociale débouche sur la crise armée.

Le ministre du travail, M. Angelino Garzon, avance sensiblement les mêmes chiffres : 19,5 % de chômage, soit 3 millions de personnes, 31 % de sous-emploi pour les personnes qui travaillent. En tout, plus de 50 % de la population active est « désoccupée », soit 9 millions et demi de personnes. Le ministre dénonce un secteur privé colombien riche et "trop mesquin" qui ne veut pas construire une démocratie économique ; une minorité politique qui détient le pouvoir, mais ne veut pas le partager et des organismes financiers internationaux qui n'aident pas la Colombie. Le service de la dette est colossal et le sentiment d'incertitude de la situation interne conduit à une fuite des capitaux d'environ 95 milliards de pesos par mois. Il est indispensable de réactiver l'économie et l'emploi.

Le président de la direction du parti conservateur, M. Ciro Ramirez Pinzon, regrette l'écart démesuré qui existe entre les deux extrêmes, les riches et les pauvres. Il rappelle que 4,5 % des riches disposent de 80 % des terres et 4 personnes physiques détiennent 60 à 70 % des moyens de communication. L'objectif d'une paix "avec justice sociale" doit se comprendre avec une meilleure répartition des richesses.

La situation des femmes et des enfants, population plus vulnérable, est préoccupante. La violence domestique est un phénomène quasi "culturel" dans le pays, et trois millions d'enfants ne seraient pas déclarés. L'UNICEF a rapporté quelques chiffres alarmants concernant les enfants colombiens :

- 12 enfants meurent chaque jour d'une mort violente,

- 335 ont été enlevés au cours de l'année 2000,

- 3 000 à 6 000 enfants se trouvent enrôlés dans les groupes armés,

- 200 000 enfants travaillent dans les champs et plus particulièrement dans les cultures de coca,

- 25 à 30 000 enfants sont dans la rue et deux millions d'enfants sont laissés pour compte avec le risque de les retrouver, plus tard, dans un groupe armé,

- 31 000 enfants se prostituent, chiffre qui serait en augmentation,

- un million d'enfants ont été déplacés en une quinzaine d'années.

C. La guerre freine le dynamisme de l'économie alors que le marché colombien présente de nombreux atouts

Depuis 1991, la Colombie conduit une politique d'ouverture internationale. Après la récession de 1998 - 1999, son taux de croissance était de 3 % en 2000 et sera vraisemblablement du même ordre en 2001.

Le service économique et commercial de l'ambassade de France énumère quatre freins principaux au dynamisme de l'économie colombienne, liés à la guerre : l'insécurité, la contrebande, la contrefaçon et la corruption. Cependant, le marché colombien présente de nombreux atouts.

1. Les freins au dynamisme de l'économie : l'insécurité, la contrebande, la contrefaçon et la corruption

L'insécurité et la violence brident la reprise. M. Jacques Bonnet, conseiller économique et commercial à l'ambassade de France, rapporte qu'il y a 30 000 morts violentes par an, 3 000 enlèvements pour l'année 2000 et que la violence entraîne une perte pour l'économie de 2 à 4 points de croissance. Cependant, il constate que la délinquance de droit commun dans les villes est à l'instar de ce qui peut exister dans d'autres pays d'Amérique latine et parfois même en deçà, que la lutte armée est essentiellement rurale et que les enlèvements pour rançon sont pratiqués, en principe, au travers de "la pêche miraculeuse", par le moyen de barrages sur les routes ou de visite de maisons dans les campagnes. Sauf à être une cible d'enlèvement identifiée, la sécurité est bien assurée dans les villes qui concentrent l'essentiel de la richesse et de l'activité économique.

Selon M. Jacques Bonnet, les entreprises qui s'implantent doivent donc observer quelques règles : discrétion de l'activité, nombre restreint d'expatriés, non implication dans la politique locale, notamment. Ces contraintes peuvent en partie peser sur la rentabilité des investissements.

Il existe en Colombie une économie parallèle de la contrebande et de la contrefaçon, qui s'explique en partie par le nécessaire blanchiment de l'argent du trafic de drogues, à hauteur d'environ 4 milliards de dollars américains par an. Un autre constat est avancé par les services de l'expansion économique de l'ambassade de France à Bogota : le pouvoir d'achat limité d'une partie de la population conduit à proposer des produits à des prix 20 à 30 % moins cher. Tous secteurs confondus, la contrebande représenterait 3 à 7 % du PIB par an.

En ce qui concerne la corruption, les études de Transparency international effectuées en 1999 ont noté les efforts accomplis par la Colombie dans le sens de la transparence et de la lutte contre la corruption, qui est présente à tous les échelons de la société. Aujourd'hui, le pays est situé devant le Vénézuela et au même rang que l'Argentine ou le Mexique.

Sur ces terrains de la contrebande, de la contrefaçon et de la corruption, le gouvernement du Président Pastrana a engagé des actions énergiques : la pénalisation, la prévention, la sensibilisation du public, la coopération avec les entreprises, la volonté affichée de transparence. Il semble également que les juges sanctionnent de plus en plus fermement ces pratiques.

2. Les atouts du marché colombien

La délégation a vu en Colombie un pays riche, peuplé de 41 millions d'habitants, concentrés dans quatre villes principales, Bogota (8 millions), Medellin (2,8 millions), Cali (2,3 millions) et Barranquilla (1,8 million). On estime que 34 % de la population colombienne, soit 14 millions de personnes, a accès aux biens de consommation courante de façon régulière, et que quatre millions de colombiens disposent d'un pouvoir d'achat très élevé. Ces consommateurs réguliers ou favorisés ont un mode de consommation proche du modèle européen ou nord-américain.

Au cours de ses déplacements dans le pays, la délégation a pu se rendre compte des richesses naturelles du pays et l'excellence du "capital humain" a souvent été avancée. La main-d'_uvre colombienne est réputée qualifiée, travailleuse et adaptée aux nouvelles technologies. Le taux de scolarisation a progressé, tandis qu'il restait stable au Mexique et en Argentine.

La Colombie présente des richesses naturelles extraordinaires et dispose du deuxième plus riche écosystème de la planète, avec plus de 10 % des espèces animales et végétales mondiales.

Néanmoins, la production de drogue porte sérieusement atteinte à l'environnement. Pour obtenir une tonne de feuilles de coca, 100 hectares sont endommagés et le renouvellement des forêts tropicales demande 70 ans environ. De plus, les composants liquides servant à la fabrication de la coca sont déversés, après leur utilisation, dans les rivières, ce qui entraîne leur pollution jusqu'aux sous-sols.

L'espace agricole en Colombie représente 29 millions d'hectares et propose des produits complémentaires de l'offre française. Le secteur de l'agriculture et de l'élevage, aujourd'hui handicapé par l'ouverture économique, doit moderniser ses infrastructures, développer la mécanisation et repenser l'organisation de ses filières.

La Colombie est aussi le cinquième producteur et le quatrième réservoir de gaz de l'Amérique latine, le quatrième pays pour les réserves de pétrole. L'exportation de charbon occupe la troisième place après le pétrole et le café. Le pays détient aussi 1 % des réserves mondiales de nickel, 50 % de la production mondiale d'émeraudes et des réserves d'or importantes.

Les autorités colombiennes entendent développer les secteurs du gaz, du pétrole et du charbon et y favoriser les investissements étrangers.

La Colombie poursuit une politique économique d'ouverture internationale depuis 1991. Le taux des droits de douane est passé de 44 à 11 % et l'investissement direct à l'étranger a crû de 46 % par an de 1990 à 1998. La libéralisation des investissements et l'assouplissement du contrôle des changes ont conduit à la révision du statut de l'investissement le 18 octobre 2000 avec une clarification des règles et des avantages fiscaux (par exemple : création de zones franches, dispositions dérogatoires du code des impôts, ...).

M. Jean Besson demande aux F.A.R.C. quelle est leur position sur les investissements économiques étrangers et comment donner des garanties de sécurité aux entreprises qui voudraient investir en Colombie.

Pour Andrés Paris, l'un des dirigeants des F.A.R.C., les investissements de l'Union européenne sont les bienvenus en Colombie, mais il constate que ce sont surtout les Etats-Unis qui investissent, ce qui pose un problème de dépendance. Les financements devraient être adressés à la « Table des négociations » pour que les F.A.R.C. et le gouvernement décident conjointement de plans concrets de développement économique et social. Il regrette que plus de 30 % du budget national soient consacrés au paiement du service de la dette et demande un moratoire de cinq ans afin de réemployer ces sommes à la paix. Il rappelle que le pape Jean-Paul II les a soutenus dans ce sens.

A la deuxième partie de la question de M. Jean Besson, il n'a pas été répondu.

Au vu de ce tableau économique et social, l'amélioration de la situation en Colombie suppose essentiellement le succès du processus de paix du président Pastrana.

D. Les progrès du processus de paix accomplis sous la présidence de M. Pastrana

Le président Pastrana a défini, d'un côté, avec les Etats-Unis, un "Plan Colombie", tandis que l'Union européenne conduit, de son côté, un programme d'appui au processus de paix. Ces deux démarches, indépendantes, ont permis au président Pastrana de progresser dans les négociations de paix.

1. Le plan Colombie et le programme d'appui européen au processus de paix : deux approches différentes

Du côté des F.A.R.C.

Dès le début de son mandat, le 9 juillet 1998, le président Pastrana rencontrait Manuel Marulanda, le chef des F.A.R.C., lui accordait en août un statut politique, puis en novembre une zone de détente démilitarisée, soit un territoire de 42 000 km2 - la taille de la Suisse - autour de San Vicente del Caguan, peuplé de 150 000 personnes. Cette zone de détente, parfois appelée zone de "distension", permet de mener des négociations dans des conditions de sécurité. La présence de l'armée et de la police dans la zone est limitée. Mais les pourparlers sont périodiquement interrompus : les F.A.R.C. estiment insuffisant l'engagement du Gouvernement contre les paramilitaires et critiquent l'absence de volonté du Gouvernement de s'imposer vis à vis de la hiérarchie militaire.

Le président Pastrana a cependant obtenu des résultats : en mai 1999, un agenda en douze points a été défini sous l'égide de Camilo Gomez, haut commissaire pour la paix. Le gouvernement et les F.A.R.C. se sont entendus sur le mécanisme et le contenu des négociations de paix. Par exemple, la réforme agraire, les droits de l'homme, la lutte contre la drogue, ou encore la réforme des forces armées sont autant de thèmes de l'agenda sur lesquels les parties doivent trouver un accord. Dans ce but, 25 audiences publiques ont été organisées et 25 000 personnes entendues. Puis Manuel Marulanda a finalement accepté de négocier avec la communauté internationale. En février 2000, une délégation des F.A.R.C. et du Gouvernement a été reçue dans différents pays d'Europe, dont la France, où elle a été accueillie à l'Assemblée nationale par le président Laurent Fabius et le groupe d'amitié.

M. Luis Daniel Vargas, gouverneur du Bolivar, fait état devant la délégation de l'évolution du processus de paix, géré de façon interne, au départ, puis « internationalisé» par l'intervention du président Pastrana. Il pense que la collaboration de la France apporte un « climat de confiance » et de « tranquillité » à l'ensemble des parties au dialogue. Il ajoute que le pluralisme politique qui existe en France est important pour une réflexion globale.

Le président Pastrana avait, à la fin de l'année 1998, exposé à la communauté internationale sa politique de paix, axée sur le développement économique et social, le processus de paix, la lutte contre la drogue et le renforcement des institutions. Les besoins en développement du pays sont détaillés dans un « Plan Colombie » qui vise à obtenir une aide financière des pays étrangers. Le coût global estimé à 7,3 milliards de dollars serait pris en charge par la Colombie, à hauteur de 4 milliards de dollars, les Etats-Unis (1,3 milliard de dollars) et, à hauteur de 2 milliards de dollars, par l'Union européenne, la Banque Interaméricaine de Développement, le Japon et le Canada. Le plan a été élaboré sans le concours des dirigeants politiques colombiens, ni de la société civile, ni des parties au conflit armé. A l'extérieur du pays, les pays frontaliers sont inquiets pour la stabilité et l'équilibre militaire de la région. S'ils soutiennent officiellement le processus de paix, ils ne sont pas parties prenantes au Plan Colombie. L'Union européenne considère, pour sa part, que ce plan manque de cohérence et de projets concrets pour concilier développement économique et social et processus de paix. La démarche européenne du groupe de soutien au processus de paix est indépendante, avec une logique propre.

La déclaration de l'Union européenne du 24 octobre 2000 énonce les caractéristiques de son programme, global et de grande ampleur, dont les projets requièrent un consensus minimum entre les acteurs colombiens. Ils concernent essentiellement les aspects civils du processus de paix. Dans la lutte contre le drogue, la priorité est donnée à la substitution des cultures illicites et à l'arrachage manuel. Les participations financières de tous les pays de l'Union ainsi que de la Commission sont requises, pour un montant total de 330 à 340 millions d'euros, annoncé à Bruxelles lors de la conférence des donateurs le 30 avril 2001.

Du côté de l'E.L.N.

L'E.L.N. a cherché à privilégier le dialogue avec des représentants de la société civile et de l'épiscopat au sein d'une "assemblée nationale de paix". Elle a obtenu en 1998 la signature d'un accord-cadre sur la méthode de dialogue et sur les mesures humanitaires, sans que le gouvernement colombien ne se sente vraiment engagé. Par des enlèvements, l'E.L.N. a obligé le Gouvernement à reprendre le processus de négociation et les deux parties se sont rencontrées à Genève, les 24 et 25 juillet 2000, avec également 80 représentants de la société civile et des pays "facilitateurs" : France, Cuba, Espagne, Norvège, Suisse. Des diplomates de ces cinq pays étaient présents fin 2000 lorsque la guérilla a libéré unilatéralement 42 policiers et militaires. En janvier 2001, les parties sont arrivées à un accord préliminaire sur l'instauration d'une "zone de rencontre" démilitarisée, où les autorités civiles colombiennes continuent à fonctionner, et sur la mise en place d'un dispositif de vérification nationale (100 personnes) et internationale (50 observateurs internationaux) (1) du respect de la réglementation de la zone de dialogue.

Les paramilitaires, hostiles à la création de la zone, dans le département du Bolivar, ont lancé des offensives de grande ampleur à l'encontre de la guérilla. Les forces armées légales n'ont pas obtenu de résultats probants pour repousser les paramilitaires : le 19 avril 2001, l'E.L.N. a suspendu les négociations et dénoncé les collusions entre l'armée et les paramilitaires sur le terrain.

Officieusement, cependant, le dialogue avec l'E.L.N. continue. Mais la délégation n'a pu rencontrer ses représentants, les nombreux affrontements entre les paramilitaires et la guérilla rendant la situation sur le terrain trop dangereuse.

L'évêque Mgr Gustavo Martinez indique à la délégation que le dialogue avec l'E.L.N. dans les villages de la zone de rencontre a permis de grands progrès des négociations de paix avec cette guérilla. Il en a été de même du côté des F.A.R.C.

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(1) Un groupe de cinq pays « vérificateurs » a été constitué (l'Allemagne, le Canada, le Japon, le Portugal et la Suède).

2. Les progrès du processus de paix : la situation au printemps 2001

Le 9 février 2001, le président Pastrana et le chef des F.A.R.C. ont signé l'accord dit « de Los Pozos » qui relance les négociations et reconduit la zone de détente du Caguan accordée à la guérilla jusqu'au 9 octobre 2001. Les parties réaffirment à cette occasion leur volonté de rechercher une issue au conflit par le dialogue, au regard d'un agenda de douze points, et d'examiner la possibilité d'un cessez-le-feu, de procéder à l'éradication manuelle des cultures illicites et à leur substitution, sous réserve de l'accord des communautés locales. Les parties invitent la communauté internationale à faciliter le processus de paix. Un groupe élargi de dix pays amis et « facilitateurs »(2), dont la France, se réunit désormais tous les deux mois dans la zone du Caguan pour accompagner le processus de paix. Il est prévu d'organiser tous les six mois une réunion internationale avec vingt-six pays, les Etats-Unis ayant refusé d'y participer.

L'évêque Mgr Giraldo juge très positive l'ouverture récente des F.A.R.C. à la communauté internationale. Dans une lettre aux évêques, le chef de la guérilla annonçait « consulter l'Union européenne et compter sur la présence internationale ». L'évêque, dans sa réponse, prévient Manuel Marulanda : l'opinion internationale ne peut juger que négativement vos actions, votre attitude doit nécessairement évoluer.

Dario Restrepo, éditeur au journal El Tiempo, demande aux membres de la délégation si leur image des F.A.R.C. a évolué, après l'entrevue dans le Caguan, et si elle pourrait changer au retour de la délégation en Europe.

M. Alain Veyret, en accord avec MM. Jean-Pierre Foucher, Bernard Nayral et Jean Besson, pense que l'image de la guérilla ne peut être que négative et que, sans doute, elle aurait remporté plus de succès auprès des Européens, malgré le trafic de drogue, si elle avait davantage cherché l'appui du peuple plutôt que des victoires militaires.

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(2) Canada, Cuba, Espagne, France, Italie, Mexique, Norvège, Suède, Suisse, Venezuela.

Raul Reyes, porte-parole des F.A.R.C., distingue dans les négociations avec le Gouvernement des moments d'avancées et de retours en arrière. Mais il estime que les crises autour de la table des négociations sont normales dès lors que se pose la question de savoir  « Comment reconstruire la Colombie ? ». L'agenda comprend 12 points sur des questions de politique structurelle pour tendre « vers une nouvelle Colombie ». Raul Reyes rappelle que des réunions sont organisées à ce titre avec l'ensemble des forces progressistes, y compris l'E.L.N.

M. Alain Veyret demande si les F.A.R.C. croient, comme la France, à l'existence d'une issue politique plutôt que militaire au conflit ? Et quelles seraient leurs réactions si les négociations échouaient du fait de divergences irrémédiables ?

Raul Reyes pense que seuls les paramilitaires recherchent une solution par la force, en perturbant le dialogue et en intimidant la guérilla. Les F.A.R.C. continueront à rechercher « le dialogue pour le bien de tous ».

Luis Fernando Criales, vice-commissaire pour la paix, ajoute que les difficultés politiques, économiques ou sociales du processus sont liées aux lectures différentes des parties sur l'origine du conflit, mais le principal est que persiste la volonté des parties d'arriver à la paix.

Il reste néanmoins que les négociations entre l'Etat et la guérilla en temps de guerre freinent le processus de paix et n'incitent pas les parties à mettre fin au renforcement de leurs appareils militaires ni à leurs actions armées, estime M. Angelino Garzon, ministre du travail. La zone du Caguan est, de fait, un véritable centre d'entraînement et de repli pour la population. Selon le ministre, il faut revoir les conditions des négociations définies par le président Pastrana.

De fait, il est à craindre un essoufflement du processus de paix, qui rend nécessaire le soutien de la communauté internationale à la Colombie dans la recherche de la concorde nationale.

DEUXIÈME PARTIE : L'ESSOUFFLEMENT DU PROCESSUS DE PAIX ET LA NÉCESSITÉ DE SOUTENIR LA COLOMBIE DANS LA RECHERCHE DE LA PAIX

Autour de la table des négociations, les acteurs ont des intérêts divergents, les risques d'enlisement des négociations sont réels. Il est dès lors nécessaire de soutenir la Colombie dans la recherche de la paix.

A. Les intérêts divergents des acteurs impliqués dans le processus de paix

La délégation a constaté aussi bien des obstacles immédiats aux négociations que des divergences d'intérêts à moyen terme.

1. Les obstacles immédiats aux négociations

Pour les F.A.R.C., l'existence du Plan Colombie et celle des paramilitaires représentent deux obstacles majeurs au processus de paix ; pour la communauté internationale, le respect du droit international humanitaire doit être un préalable aux négociations.

Le Plan Colombie

Raul Reyes, porte-parole des F.A.R.C., critique sévèrement l'existence du Plan Colombie, qui représente une ingérence des Etats-Unis et une déclaration de guerre à la Colombie, pouvant affecter l'ensemble de l'Amérique latine et nuire aux paysans qui ne survivent que grâce à la culture de la coca. Les cultivateurs ne peuvent être considérés comme des trafiquants. Pourtant, regrette Raul Reyes, ils sont humiliés par les fumigations massives lancées des hélicoptères. Pour les F.A.R.C., le volet militaire de lutte contre le narcotrafic et les investissements américains annoncés dans le plan constituent un « acte de guerre » : les Etats-Unis fournissent plus de 60 hélicoptères de combat et envoient 500 conseillers militaires en Colombie.

M. Luis Fernando Criales, vice-commissaire pour la paix, reconnaît que, sur cette question, les positions du gouvernement colombien et de la guérilla divergent. Il résume les grandes finalités du plan : le renforcement de l'Etat, le financement des projets économiques et sociaux et la lutte contre le trafic de drogue, source de la confrontation armée en Colombie.

M. Alain Veyret rappelle aux F.A.R.C. que le plan est une action bilatérale entre la Colombie et les Etats-Unis, tandis que la France et l'Union européenne ont une approche différente du processus de paix, plus sociale et économique. Quelques jours plus tard, il ajoutera : le plan a constitué une erreur tactique majeure du Gouvernement, en apparaissant comme un plan américain avec un volet militaire, et de ce fait a constitué un handicap pour l'Union européenne dans ses démarches d'accompagnement à la résolution du conflit.

M. Angelino Garzon, ministre du travail, considère que le problème du Plan Colombie est de mélanger les luttes contre le trafic de drogue, d'une part, contre la guérilla et les paramilitaires de l'autre. Au contraire, a-t-il expliqué à la délégation, il aurait fallu, dès le début, associer entièrement la guérilla à la recherche de la paix, ce qui aurait constitué un préalable favorable à son engagement dans la lutte contre le narcotrafic. Le ministre rappelle que des échanges entre le département d'Etat américain et les dirigeants des F.A.R.C. avaient eu lieu, mais que l'assassinat en 1999 de trois missionnaires américains qui travaillaient dans le nord-ouest du pays a modifié radicalement la position des Etats-Unis.

Les paramilitaires

Les paramilitaires représentent un autre obstacle aux négociations parce qu'ils portent atteinte aux droits élémentaires de la population civile.

Au cours des entretiens, une même question a souvent été abordée : quelle attitude faut-il adopter vis à vis des paramilitaires ? Certains faisaient valoir à la délégation les raisons d'ouvrir un dialogue avec les paramilitaires, d'autres refusaient toute négociation avec ces groupes.

Raul Reyes ne comprend pas comment le dialogue peut être ouvert tant que persistent les actions violentes de ces groupes.

Les F.A.R.C. et le Gouvernement partagent le même point de vue à propos des paramilitaires, rappelle M. Luis Fernando Criales, vice-commissaire pour la paix. Les fonctionnaires ou encore « certains secteurs de la société civile » sont passibles de sanctions du fait de liens directs ou indirects avec les paramilitaires. Le « paramilitarisme » n'est pas une politique gouvernementale, au contraire, il s'agit de le combattre.

Le président de la direction du parti conservateur, M. Ciro Ramirez Pinzon, rappelle que le gouvernement s'est engagé fermement contre les paramilitaires, en demandant un cessez-le-feu et la fin des enlèvements et des assassinats, estimés à 30 000 environ par an. Si les paramilitaires utilisent les mêmes moyens que la guérilla classique, le dirigeant conservateur considère que les acteurs principaux restent l'E.L.N. et les F.A.R.C. Ce dernier mouvement compterait 18 à 20 000 hommes armés.

Pour le ministre du travail, M. Angelino Garzon, la lutte contre les A.U.C. suppose une attitude politique plus généreuse et davantage de dialogue avec les guérillas pour combattre les paramilitaires. Il estime également que l'Etat colombien pourrait s'effondrer sans soutien de la communauté internationale.

Défendant une autre position, le sénateur Luis Guillermo Vélez, président du parti libéral, voit dans les groupes de paramilitaires la représentation d'un « sous-produit de la guérilla » : à supposer que la question de la guérilla soit résolue, il faudra régler celle des paramilitaires, et négocier avec ces groupes « encore plus puissants ». L'attitude des Etats-Unis à propos des paramilitaires évoluera nécessairement.

M. Mario Alvarez, sénateur libéral, proche d'Horacio Serpa, membre de la commission des relations extérieures du Congrès de la République, partage ce point de vue. Le plus grave pour la paix serait de laisser les paramilitaires, « les plus dangereux », en marge des discussions ; il demande à la communauté internationale d'appuyer le gouvernement colombien pour ouvrir les négociations de paix à l'ensemble des acteurs du conflit.

Au cours de la rencontre avec le Président de la République, M. Andrés Pastrana, M. Alain Veyret rapporte que la délégation a entendu certains responsables politiques, et notamment des parlementaires, exprimer leur volonté de négocier avec les paramilitaires. M. Veyret exprime son désaccord : leur idéologie, leur structure et leur origine sont telles que négocier avec ces groupes représenterait un véritable danger et conduirait à une remise en cause de l'autorité de l'Etat.

Le président Pastrana indique qu'il s'est entretenu avec le Président Chirac de la lutte contre les paramilitaires. La France, pays ami, défend une stratégie à la fois politique et économique, tant avec l'armée qu'avec l'Etat. L'idée-force est de poursuivre ceux qui financent les paramilitaires.

Le respect du droit international humanitaire

Pour la communauté internationale et singulièrement pour la France, le respect du droit international humanitaire doit être un préalable et la base du règlement du conflit.

Avant le début de la mission, l'ambassadeur de Colombie en France, M. Juan Camilo Restrepo, avait souhaité que la délégation apportât un message clair aux F.A.R.C. S'il faut de la patience pour arriver à un accord de paix, il faut aussi chercher à atteindre des résultats concrets. La communauté internationale doit veiller en premier lieu à ce que, tout au long des négociations, la guérilla respecte le droit international humanitaire.

M. Alain Veyret interroge les F.A.R.C. sur le respect du droit international humanitaire et demande si des mineurs participent à des opérations militaires.

Raul Reyes, porte-parole des F.A.R.C., énonce le principe : chez eux, les jeunes recrutés sont âgés d'au moins quinze ans. Toutefois, il peut arriver que des plus jeunes, des enfants des rues, viennent « spontanément » leur demander de l'aide afin d'échapper à la prostitution et à la drogue.

Simon Trinidad évoque la situation des enfants : 6,5 millions d'enfants connaissent la pauvreté, 1,5 million la pauvreté absolue, 300 000 enfants sont à la rue et 2,5 millions d'enfants travaillent dans des conditions « à haut risque », parmi lesquels seulement 3 % iraient à l'école. Joaquim Gómez, chef militaire des F.A.R.C., pense que la France affiche une « double morale », moins préoccupée par les enfants du quartier sud de Bogota, le « Cartucho », qui subissent le tourisme sexuel, que par ceux d'entre eux qui se trouvent chez les F.A.R.C. La délégation, conclut-il, ne s'intéresse pas aux enfants pour eux-mêmes, alors que la guérilla leur procure bien souvent les moyens de leur existence.

M. Alain Veyret réagit en rappelant d'une part qu'il existe, une charte des droits de l'enfant qui garantit leur protection et leurs droits, à laquelle la France est attachée. D'autre part, en ce qui concerne le tourisme sexuel, la loi française sanctionne pénalement les personnes qui s'adonnent à ces pratiques.

Au-delà du thème des enfants, les F.A.R.C., en tant qu'organisation « révolutionnaire et politique », considèrent que la vie doit être respectée et disent à la délégation assurer santé et nourriture à leurs prisonniers.

Les F.A.R.C. ont détenu environ 500 policiers et militaires pendant deux ans sans qu'aucun accord n'ait été trouvé pour leur libération. Finalement le 2 juin 2001, un accord, qualifié d'« acte humanitaire », en vue d'un échange de prisonniers, a pu être conclu entre le Gouvernement et les F.A.R.C.

Raul Reyes précise qu'à la différence des paramilitaires, les F.A.R.C. n'attaquent pas la population civile. S'il leur arrive de détruire des maisons particulières, la raison est que celles-ci se situent dans une zone d'affrontements avec d'autres groupes armés et qu'il n'est pas facile de les préserver des combats.

Malgré les réponses encourageantes apportées par les F.A.R.C. à la délégation, M. Luis Fernando Criales, vice-commissaire pour la paix, se montre sceptique sur le respect du droit international humanitaire. Il constate que mener des négociations en période de guerre entraîne l'usure du processus de paix et réduit d'autant les espaces politiques de la négociation. Il rappelle que, dans tous les cas, la confrontation armée a ses règles et ses codes d'honneur pour limiter la souffrance de la population civile. Sur ce terrain, estime-t-il, des progrès peuvent être accomplis.

En définitive, pour MM. Jean-Pierre Foucher et Bernard Nayral, les avancées dans le respect du droit international humanitaire résideraient essentiellement dans la création des zones du Caguan et du sud Bolivar.

2. Les divergences d'intérêts à moyen terme

Les divergences d'intérêts entre les parties concernent également la lutte contre la drogue et la question de la réforme agraire.

La lutte contre la drogue

Le capitaine de navire Vidal, chef de l'état-major, a présenté à la délégation l'ensemble du dispositif de lutte contre le trafic de drogue de la marine nationale colombienne.

La surface maritime sous juridiction de la marine nationale compte 928 660 km2 au total, avec 1 300 km de côtes pour l'Océan Pacifique et 1 600 km pour la mer Caraïbe. En outre, la marine exerce son contrôle sur les fleuves navigables et les voies terrestres. L'objectif recherché est d'« empêcher les trafiquants d'utiliser les espaces maritimes, fluviaux et terrestres qui se trouvent sous juridiction de l'armée nationale afin d'affaiblir la capacité économique des agents générateurs de violence ». Pour ce faire, la marine veille notamment à renforcer les systèmes d'intelligence et les échanges d'information avec les agences nationales et internationales, à coordonner les opérations entre l'armée et les garde-côtes des Etats-Unis et à renforcer la coopération internationale.

En 2001, la marine nationale a intercepté 6 106 tonnes de cocaïne contre 26 077 en 2000, ce qui représentait, cette année-là, 65 % des saisies globales, tous acteurs confondus. Le capitaine Vidal informe la délégation que l'hélicoptère est le moyen le plus efficace d'affronter l'ennemi. Mais, alors que les trafiquants de drogue ont les moyens financiers de disposer de vedettes extrêmement performantes dont l'autonomie est de huit heures, les hélicoptères classiques dont dispose la marine ne peuvent voler que pendant trois heures d'affilée. Le combat est inégal.

Le rôle de la marine est extrêmement important puisque 90% du trafic de drogue s'opèrent par voie maritime, du pays producteur en direction des pays consommateurs, l'Europe et les Etats-Unis principalement.

Le principe de coresponsabilité des pays consommateurs a souvent été évoqué devant la délégation. Par exemple, M. Luis Fernando Criales, vice-commissaire pour la paix, considère que le problème est transnational et que les pays consommateurs, également responsables, ont à rechercher une solution alternative. Le directoire du parti conservateur demande quant à lui à la délégation que l'Union européenne appuie financièrement la lutte contre le trafic de drogue.

Pour Simon Trinidad, des F.A.R.C., ce commerce est l'affaire des pays capitalistes depuis une trentaine d'années. A cette époque, la Colombie était un « pont » entre les Etats-Unis, consommateurs, et le Pérou et la Bolivie, producteurs. Les fumigations, visant à éradiquer la drogue dans ces deux pays, ont eu pour résultat de déplacer les lieux de production vers la Colombie. Aujourd'hui la culture de la drogue est, pour les paysans, le moyen de survivre, ce dont la guérilla ne veut pas les priver ; mais parce qu'ils exercent leur activité sur les terrains contrôlés par la guérilla, ils doivent acquitter un impôt pour « financer la lutte révolutionnaire », à l'instar de n'importe quel autre producteur ou commerçant. Simon Trinidad précise que les « vrais » trafiquants de drogue se trouvent dans les grandes villes et servent d'intermédiaires aux trafiquants internationaux qui opèrent sur les marchés américain et européen.

Deux techniques sont utilisées pour éradiquer les cultures illicites : une méthode dite manuelle consiste à arracher ou à brûler les cultures. Ce procédé, assez lent, préserve l'environnement. Au contraire, plus rapide mais dommageable aux milieux naturels, l'éradication chimique consiste en une fumigation par voie aérienne de produits herbicides qui proviennent des industries pharmaceutiques transnationales. Ces dernières années, 70 000 hectares de coca ont été traités par la fumigation. En 1999, 42 000 hectares de coca et 8 000 de pavot à opium ont été concernés. Or, aucune diminution de la superficie de ces cultures n'a été constatée. Le sénateur de Santa Fe de Bogota, M. Rafael Orduz Medina, indépendant, proche du maire M. Mockus, parle d'un échec de la fumigation et estime que la communauté internationale devrait être plus énergique dans la lutte contre le trafic, en s'attaquant notamment aux chaînons du commerce de drogue.

Les F.A.R.C. affirment à la délégation qu'ils ne sont pas opposés à la lutte contre le trafic de drogue. Selon eux, la solution globale au problème serait de légaliser un tel commerce. Mais, reconnaît Raul Reyes, porte-parole des F.A.R.C., cette légalisation ne serait pas facile à mettre en _uvre, dès lors que le marché concerne des milliards de dollars.

Sur l'idée de légaliser la consommation de drogues, M. Alain Veyret exprime son désaccord. En tant que médecin, il soulève le problème du taux élevé de tetrahydrocannabinol (THC) que contient aujourd'hui le haschich et qui entraîne de sérieuses dépendances, au moins psychiques. Il rappelle qu'en France la consommation d'alcool et de produits psychotropes, vendus en pharmacie, est déjà très importante et extrêmement dommageable. Faut-il ajouter à la liste d'autres drogues légales ?

En même temps, M. Alain Veyret constate pour le regretter que ce commerce illicite ne peut que perdurer, au vu de l'ampleur des bénéfices liés au commerce de la drogue, soit 500 milliards de dollars par an. En même temps, les pays occidentaux ne luttent ni contre les blanchiments d'argent ni contre les paradis fiscaux, ce qui permet à cette manne financière liée au trafic d'être réinvestie : l'acceptation tacite du système peut être liée à l'idée de responsabilité.

Il ajoute que le débat sur les drogues est parfois lancé en France et entraîne de nombreuses divergences au sein de la classe politique.

Sur ce point, la délégation est unanime. Légaliser ce commerce reviendrait à se demander si l'on souhaiterait que la consommation de drogues devienne culturelle. MM. Jean-Pierre Foucher, Bernard Nayral et Jean Besson répondent, comme M. Alain Veyret, par la négative.

Partageant la position de la délégation, le sénateur conservateur, M. Gustavo Cataño, membre de la commission des relations extérieures, propose de lancer en Europe une campagne de sensibilisation de grande ampleur sur les dangers de la consommation de drogues. Son point de vue est keynésien : c'est en jouant sur la demande que l'on résorbera l'offre.

Pour lutter contre le trafic de drogue, les F.A.R.C. avancent une proposition « interne » de Manuel Marulanda, un plan de substitution des cultures illicites. Quelques sites pilotes sont actuellement expérimentés et la population concernée a des moyens pour vivre autrement. La délégation n'a cependant pas plus d'informations sur la teneur du plan.

Le président du parti libéral, le sénateur Luis Guillermo Vélez, estime que, pour en terminer avec les cultures illicites, il faut pouvoir proposer à 500 000 familles colombiennes une alternative de travail. Il demande à la communauté internationale de protéger les cultures ordinaires et rappelle qu'à la fin des années 80 la crise du café a engendré du chômage dans le pays et encouragé la culture de la coca. Il faut constituer une « réserve stratégique alimentaire », soutenir le cours du marché agricole sans tenir compte du prix externe des produits. Il entend ne pas remettre en cause l'O.M.C., mais regrette que, dans la pratique, l'opposition des Etats-Unis soit très forte.

M. Alain Veyret partage le point de vue du président du parti libéral sur la nécessité d'offrir aux paysans un revenu de substitution à la culture de la coca, ou les moyens de transformer les produits agricoles pour leur donner une valeur ajoutée et de protéger la production traditionnelle des matières premières.

Sur la question de l'intervention de l'Etat pour maintenir le prix du cours des matières premières, les avis des membres de la délégation divergent.

La réforme agraire : un discours économique contradictoire de la guérilla

M. Alain Veyret rappelle que la France a connu une réforme agraire, à une époque où le pays n'était pas auto-suffisant. Elle a été permise par les subventions de l'Etat et de la Communauté européenne et elle a entraîné un important exode rural : le nombre de paysans est passé de 2 millions à 500 000 aujourd'hui. M. Alain Veyret demande aux F.A.R.C. comment articuler les lois du marché international agricole et la réforme agraire qu'ils envisagent.

Simon Trinidad, des F.A.R.C., explique que la réforme agraire est un sujet crucial puisqu'une partie de la guerre concerne la redistribution des terres, les grands propriétaires fonciers, mêlés au trafic de drogue et aux paramilitaires, s'appropriant les meilleures terres agricoles. Il constate qu'un million et demi de familles de paysans ne disposent d'aucune terre, que 90 % des terres de bonne qualité appartiennent à 10 % des propriétaires, que 350 000 familles cultivent la coca faute de pouvoir faire autrement, et que huit millions de tonnes de produits agricoles sont importées tous les ans ; il estime que la redistribution démocratique des terres doit nécessairement faire l'objet d'une politique. Les F.A.R.C. disent ne pas vouloir étatiser la terre mais la donner aux paysans. Par son climat et la qualité de son sol, la Colombie a la possibilité d'être auto-suffisante ; pour autant la guérilla ne se déclare pas contre la globalisation, mais contre « la néo-libéralisation de l'économie colombienne ».

Ces obstacles de court et de moyen terme risquent de favoriser l'enlisement des négociations de paix.

B. Les risques d'enlisement des négociations

Les risques d'enlisement des négociations sont doubles. D'une part, le gouvernement et la guérilla semblent suivre un calendrier différent ; d'autre part, le processus de paix "institutionnalisé" sera l'enjeu majeur de l'élection présidentielle de 2002.

1. Le gouvernement et la guérilla suivent un calendrier différent

Avant la rencontre entre la délégation et les F.A.R.C., l'ambassadeur Daniel Parfait évoque un paradoxe. D'une part, ce mouvement semble attendre un engagement fort de la communauté internationale dans le processus de paix. D'autre part, la paix sonnerait la fin de la raison d'être de la guérilla : celle-ci peut alors être tentée de faire durer les négociations.

Manuel Marulanda, le chef des F.A.R.C., rappelle que concilier l'ensemble des points de vue est extrêmement complexe. Les intérêts de chacune des parties, les politiques, les investisseurs, les militaires, les paysans, les journalistes, la guérilla, divergent. La confrontation des idées et leur analyse demandent du temps avant de trouver une solution. Le cas colombien est complexe, car il ne s'agit pas d'une confrontation militaire entre deux parties, mais entre plusieurs. De plus, il faut comprendre comment a surgi le problème, lié à la vie politique, à un passé qui a causé de profonds dommages. Aussi n'y a-t-il pas de conclusion, mais quelques progrès.

M. Jean Besson demande aux F.A.R.C. s'ils envisagent, en vue des élections au printemps 2002, un engagement politique qui pourrait être relayé par le peuple. Selon Carlos Antonio, pour permettre aux F.A.R.C. de mener une action politique, il n'existe pas d'autre choix aujourd'hui que de construire une « nouvelle Colombie » qui ne représente ni les attentes ni les intérêts de la classe dominante.

M. Alain Veyret s'est déclaré surpris par la radicalisation des propos des F.A.R.C. dans le Caguan. L'idéologie d'extrême gauche, qui avait disparu, laissant place à l'idée de puissance militaire, semble revenir aujourd'hui. Toutefois leur discours est apparu contradictoire et autarcique : par exemple, ils expliquent vouloir démocratiser la propriété en privatisant la terre et en la distribuant et mettre ainsi fin à la concentration des terres ; ou encore, ils affirment ne pas être contre la globalisation mais contre la « néo-libéralisation » de l'économie et pensent, dans le même temps, que la Colombie pourrait être auto-suffisante ; enfin, ils expliquent qu'il faut poursuivre les trafiquants de drogue, mais justifient le prélèvement d'un impôt révolutionnaire sur les productions de coca dans les territoires sous leur contrôle.

En somme, pour le président de la délégation, cette radicalisation du discours donne raison à l'immobilisme ; ni Manuel Marulanda ni les F.A.R.C. ne semblent avoir de projet politique, mais plutôt un projet autarcique.

M. Jean Besson distingue la méthodologie du Gouvernement, qui dispose de peu de temps pour mener les négociations, tandis qu'à cette « course de vitesse du pouvoir politique », les F.A.R.C. opposent leur « course de lenteur ». Le processus actuel permet aux F.A.R.C. de disposer de temps, en revanche il serait très préoccupant qu'un prochain gouvernement remette en cause l'existence de la zone par une politique répressive.

Cette crainte a été évoquée par le ministre du travail. Interrogé sur la question de l'issue à proposer à la guérilla - souvent posée, systématiquement esquivée - M. Angelino Garzon, ministre du travail, répond : la guérilla doit dépasser sa peur et être d'accord avec son opposant, mais, à court terme, il existe un problème politique de fond : le nouveau gouvernement peut conduire à une autre façon de combattre la guérilla.

2. L'« institutionnalisation » du processus de paix, enjeu des prochaines élections présidentielles de 2002

Le gouvernement Pastrana a permis l'« institution-nalisation » du processus de paix qui sera vraisemblablement un thème majeur de campagne de l'élection présidentielle de 2002.

Pour le sénateur conservateur de la région d'Antoquia, M. Juan Manuel Ospina, les formes concrètes des négociations de paix seront l'enjeu principal de la prochaine présidentielle.

Selon le ministre du travail, M. Angelino Garzon, les candidats devraient affirmer leurs positions sur le processus et leurs engagements vis à vis de la communauté internationale.

La journaliste Bibiana Mercado Riviera, du quotidien « El Tiempo », pense également que l'opinion publique sera attentive aux propositions des candidats à la présidence sur le processus de paix en 2002. Aujourd'hui, l'opinion publique est sceptique et ne comprend pas réellement ce qui se négocie dans le processus de paix. Le président Andrés Pastrana donne l'image d'une personne qui n'a pu consolider le processus de paix. Les négociations ont démarré sans règles claires sur le fond. Par exemple, la zone du Caguan a été concédée aux F.A.R.C., contre leur acceptation de l'intervention de la communauté internationale et du groupe des « vérificateurs », avant même d'envisager son système de contrôle. Le Gouvernement a cédé devant l'attitude arrogante des F.A.R.C. exigeant « un nouveau pays ».

Les paramilitaires sont un autre facteur de confusion des négociations : ils ne sont pas directement engagés dans le processus, mais les F.A.R.C. demandent au Gouvernement que l'armée légale les combatte.

Enfin, l'agenda des négociations n'est pas limité et concerne le pays dans sa totalité. Sur les deux premiers points de l'emploi et de l'investissement, aucun accord n'a été conclu au bout de deux ans. Une audience publique a bien été organisée, où sont intervenues environ 3 000 personnes de la société civile, mais, faute de consensus, elle n'a pas abouti.

Le président du parti libéral, le sénateur Luis Guillermo Vélez demande que soit défini un agenda concret du processus. Il faut d'abord en terminer avec les cultures illicites, ensuite mettre fin aux enlèvements. Les dialogues sont abstraits depuis dix-huit ans, il existe une « sous-culture du dialogue » en Colombie qui conduit à l'échec, aux cas d'impunité, à des guérilleros délinquants qui participent aux négociations, à des discussions tactiques ; l'intervention de la communauté internationale est indispensable pour donner une « éthique » au dialogue.

Pour M. Jean Besson, le président Pastrana a ouvert une « période de consolidation » du processus de paix qui permettra au nouveau gouvernement d'aborder l'ensemble des thèmes de l'agenda. La déception que ressent l'opinion publique peut s'expliquer puisque l'espoir initial de signer un traité de paix s'est envolé. Aujourd'hui, ce n'est plus l'objectif, l'héritage laissé par le président est l'« institutionnalisation de la négociation ». A la fin de son mandat, les questions de fond ne seront pas résolues. Pour autant, l'important réside dans l'existence même des négociations et leur poursuite. Toutefois, les questions sociales mettront au moins une trentaine d'années à être réglées.

Devant l'essoufflement du processus de paix, le soutien de la communauté internationale est nécessaire.

C. La communauté internationale : un rôle de catalyseur dans la poursuite des négociations de paix ?

M. Ricardo Lozada, sénateur libéral de la commission des relations extérieures du Congrès de la République, demande fermement que la communauté internationale envisage autrement ses rapports avec la Colombie, c'est-à-dire sans discrimination avec les autres pays.

La France apporte une contribution représentant 17,5 % de l'aide communautaire à la Colombie. Elle fournit une coopération technique en matière de police et de douane, de développement alternatif et de télésurveillance satellitaire. Pour M. Alain Veyret, il faut renforcer la politique de la main tendue vers la Colombie tout en permettant aux Colombiens de conduire eux-mêmes les réformes qui s'imposent. Mais des conditions préalables à l'engagement de la France et de l'Union européenne doivent être posées, comme par exemple l'instauration d'une justice sociale et la conduite d'une réforme fiscale.

1. La réforme des institutions politiques : pour un partage de la prise de décision

Des réformes constitutionnelles s'imposeraient pour asseoir la crédibilité du processus de paix. Toutefois, l'alternance politique qui se joue traditionnellement entre libéraux et conservateurs et la durée du mandat présidentiel, qui est de quatre années et n'est pas renouvelable, sont des obstacles majeurs à la conduite des réformes politiques.

La présidence de M. César Gaviria, conservateur (1990 - 1994), avait entendu lancer les réformes pour moderniser l'Etat, et la nouvelle Constitution de Colombie, promulguée le 4 juillet 1991, qui remplace celle de 1886, donne une part plus grande à la « démocratie participative ». Elle prévoit notamment l'élection au niveau local des gouverneurs et des maires. Mais il est apparu à la délégation, d'une part, que les collectivités locales manquent de moyens pour exercer leurs responsabilités et que, d'autre part, les transferts de compétences au niveau local sont insuffisants.

Cependant, pour M. Luis Daniel Vargas, gouverneur du Bolivar, le président Pastrana agit en tenant compte des opinions des autorités locales (les maires) et régionales (les gouverneurs). Décider par exemple d'investissements sociaux dans l'éducation ou la santé, voire d'investissements d'infrastructures, exige que l'ensemble des besoins soient évalués au niveau local.

M. Carlos Díaz Redondo, maire libéral de Carthagène, constate que la Colombie est encore très centralisée, ce qui affecte la forme de la démocratie locale. Il explique qu'au regard des différences de cultures, de territoires économiques, les régions connaissent des niveaux de développement inégal.

2. Accorder une restructuration de la dette

Le président du parti libéral, M. Luis Guillermo Vélez, demande que le FMI et la Banque mondiale prennent en compte la situation de guerre en Colombie et accordent une restructuration de la dette. Aujourd'hui, les intérêts dus au service de la dette représentent 20 milliards de dollars.

Le ministre du travail, M. Angelino Garzon, demande un moratoire de la dette et souligne que la Colombie ne peut agir seule. Il rappelle l'expérience désastreuse du Pérou qui, en 1995, avait décidé unilatéralement d'ajourner sa dette. Il faut, estime-t-il, une concertation internationale avec les organismes financiers internationaux. La décision d'un moratoire permettrait de doter le pays des moyens de réaliser des investissements sociaux. Or, aujourd'hui, ni l'Etat, ni les maires, ni les gouverneurs n'ont les moyens de résoudre la question des réfugiés : ceux qui prétendent le contraire sont « des démagogues ».

3. Les attentes en matière de développement alternatif et de réforme agraire

Pour permettre un « développement alternatif » et la substitution des cultures illicites, le sénateur de la région d'Antoquia M. Juan Manuel Ospina, conservateur, préconise la réforme agraire et l'organisation de la chaîne des produits tropicaux.

M. Alain Veyret rappelle l'idée avancée par les F.A.R.C. : une négociation au niveau international autoriserait le soutien à la production de matières premières pour permettre la substitution des cultures et donner les moyens matériels de vivre.

Le président Andrés Pastrana a proposé à Manuel Marulanda que les pays « amis » partagent leurs expériences de réforme agraire.

4. La responsabilité citoyenne

M. Juan Manuel Ospina, sénateur conservateur, regrette l'absence en Colombie d'un « front citoyen pour la paix ». Il estime que le président Pastrana n'a été accompagné dans ses démarches d'aucune proposition nationale.

M. Rafael Orduz Medina, sénateur indépendant, proche du maire de Bogota, M. Mockus, souhaite que la société civile ait le pouvoir citoyen qui permette l'établissement d'un véritable contrat démocratique. Le pacte qui en découlerait poserait la question de la production de la richesse et de sa répartition : aujourd'hui on ne produit pas selon un mode capitaliste, mais, à l'instar du système féodal, quelques grands propriétaires terriens tirent profit de leurs rentes. Le changement politique ne peut venir ni de la guérilla ni des institutions, mais de la société civile, par le processus électoral. L'aide extérieure fournie par la communauté internationale doit être destinée d'abord aux Colombiens, sauf à détruire la nation.

5. Renforcer les coopérations économique, culturelle et éducative

M. Alain Veyret a souvent souligné au cours des entretiens que l'opinion publique française n'a pas connaissance de la situation économique de la Colombie et de son développement. Pour autant, la délégation a pris conscience de l'intérêt que présente le marché colombien pour les partenaires étrangers.

M. Luis Daniel Vargas, le gouverneur du Bolivar, et M. Carlos Díaz Redondo, maire libéral de Carthagène, ont demandé le développement des projets de coopération et de formation entre la Colombie et la France, dans les domaines économique et social. M. Alain Veyret a formulé l'idée d'un jumelage entre Carthagène et une autre ville similaire, telle que La Rochelle, Biarritz ou Cannes. Une telle formule permet des échanges culturels, économiques et sociaux.

Le directoire du parti libéral a exprimé le souhait, partagé par la délégation, de renforcer la coopération culturelle et éducative entre la France et la Colombie. Ses dirigeants ont regretté l'inexistence de liens entre l'Alliance française en Colombie et les universités françaises, même si, rappelle M. Jean Besson, il existe des organismes spécialisés dans l'accueil des étrangers en France. Il faut surtout rechercher les moyens de promouvoir l'éducation des étudiants colombiens en France.

L'ambassade de France envisage de conduire un programme de coopération à Carthagène, et notamment dans les quartiers de déplacés, avec le soutien ici, pour son lancement la première année, de l'Assemblée nationale.

CONCLUSION

Les événements de l'été et de l'automne 2001 ont donné raison aux craintes exprimées par la délégation quant à l'essoufflement du processus de paix.

A la fin du mois de juillet, au Vénézuela, le Gouvernement et l'E.L.N. ont tâché de relancer les négociations, officiellement gelées depuis avril. Le président a regretté le « manque de volonté de paix » de la guérilla qui réclame - de nouveau - le départ des paramilitaires de la zone du sud Bolivar et sa démilitarisation ; les discussions avec cette guérilla ont été interrompues le 7 août 2001.

A la fin du mois de septembre 2001, les F.A.R.C ont enlevé puis assassiné l'ancienne ministre de la culture, Consuelo Araújonoguera Noguera, ainsi que le dirigeant du Front social et politique, Manuel Ruiz. Auparavant, ils avaient interdit au futur candidat libéral Horacio Serpa de pénétrer dans la zone du Caguan.

Dans ce contexte, le gouvernement colombien étudie la possibilité d'interrompre les négociations avec les F.A.R.C., mais, d'ores et déjà, le président a décidé de proroger la zone de détente jusqu'au 20 janvier 2002, en imposant de nouvelles mesures de contrôle.

Au cours des entretiens, la délégation a constaté combien les élus et dirigeants politiques, les entrepreneurs, les journalistes, notamment, attendent beaucoup de l'implication de la France et de la communauté internationale dans le processus de paix.

Mais, si les pays "facilitateurs" peuvent être des catalyseurs dans les négociations, ni les Etats-Unis, ni l'Union européenne ne feront la paix en lieu et place des Colombiens.

La délégation du groupe d'amitié souhaite vivement que les liens d'amitié entre la France et la Colombie soient réactivés et que les relations parlementaires entre ces deux pays soient renforcées. La délégation aimerait également que l'opinion publique française ait une connaissance plus éclairée de la Colombie, qui est aussi un pays extrêmement riche, aux ressources naturelles variées et doté d'un capital humain de qualité, d'une culture et d'une histoire fascinantes.

A N N E X E S

1. La carte de la Colombie

2. La Colombie en quelques dates

3. Le programme de la mission

LA COLOMBIE EN QUELQUES DATES

► 17 septembre 1819 : Proclamation de la République de Colombie.

► 1830 : mort de Simon Bolivar. Morcellement de la Grande Colombie : indépendances du Vénézuela et de l'Equateur en 1830, du Panama en 1903.

► 9 avril 1948 : début de la guerre civile suite à l'assassinat de Jorge Eliecer GAITAN, chef de file du parti libéral. Période de la "Violencia" : émeutes et répressions du gouvernement conservateur d'Ospina Perez, émergence des mouvements de guérillas.

► 13 juin 1953 : coup d'Etat du général Rojas PINIELLA. Alliance des deux partis traditionnels libéral et conservateur.

► 1958 - 1974 : période du "Front national". Exercice du pouvoir des libéraux et des conservateurs, en alternance. Après 1974, les deux partis traditionnels détiennent de fait le pouvoir.

► 1982 - 1986 : Début des négociations de paix avec les guérillas à l'initiative du Président Elisario BETANCUR, conservateur.

► 1986 - 1990 : Présidence de M. Virgilio BARCO, libéral.

► 1990 - 1994 : Présidence de M. Cesar GAVIRIA, libéral.

► 4 juillet 1991 : Promulgation de la nouvelle Constitution de la Colombie qui remplace celle de 1886. L'assemblée constituante s'est réunie du 9 décembre 1990 au 4 juillet 1991.

► 27 octobre 1991 : élections législatives, victoire du parti libéral.

► 13 mars 1994 : élections législatives, victoire du parti libéral.

► Juin 1994: élection à la Présidence de la République de M. Ernesto SAMPER, libéral.

► 8 mars 1998 : élections législatives, victoire du parti libéral.

► Juin 1998 : élection de M. Andrés PASTRANA, du parti conservateur, à la Présidence de la République.

► 2002 : élections législatives (mars) et présidentielle (juin).

PROGRAMME DE LA MISSION

10 - 18 MAI 2001

JEUDI 10 MAI

15 h 00 Arrivée par le vol AF 422

18 h 30 Réunion avec Monseigneur Alberto Giraldo et l'ensemble des évêques

19 h 15 Dîner avec des entrepreneurs français offert par le Conseil du Commerce Extérieur français

VENDREDI 11 MAI

 6 h 15 Départ vers la ville de Cali par vol ACES

 8 h 00 Rencontre à l'Alliance Colombo-Française avec :

- Maria Victoria VIDAL CRUZ, Présidente de l'Alliance Colombo-Française

- Jean-Louis PRADIER, Directeur de l'Alliance Colombo-Française

- Michel KONARKOWSKI, Directeur du Lycée Français

 8 h 40 Visite des installations du Lycée Français

10 h 30 Entretien avec le Maire de Cali, M. John Maro RAMIREZ, et avec le Gouverneur du Valle del Cauca, M. Germán VILLEGAS

12 h 00 Remise des Clefs de la Ville, suivie d'un déjeuner avec des entrepreneurs du Valle del Cauca

14 h 30 Colloque à l'université de Cali : « LE PROCESSUS DE PAIX : FRANCE ET COLOMBIE »

14 h 30 Hymnes Français et Colombien

14 h 40 Discours d'ouverture du colloque par le Recteur

14 h 50 Discours de M. Benjamin HIGUITA RIVERA, Premier vice-président de la Chambre des Représentants

15 h 00 « Le rôle de la France et de l'Union européenne dans le processus de paix en Colombie » par M. Alain VEYRET

15 h 25 « Processus de paix en Colombie » par le sénateur Juan Manuel OSPINA

15 h 50 « Pourquoi investir en Colombie » par M. Julian DOMINGUEZ, Président de la Chambre de Commerce de Cali

16 h 15 Questions des auditeurs (sélection par écrit)

16 h 35 Conclusion

17 h 30 Visite aux usines MICHELIN et entretien avec M. Hugo ESPINOZA, Président de l'usine Icollantas

20 h 29 Départ vers Bogota par le vol ACES

SAMEDI 12 MAI

 6 h 30 Départ vers l'aéroport

7 h 15 Arrivée à la Base Rio Sud pour prendre le vol vers San Vicente del Caguán

14 h 30 Retour du Caguán vers Bogota

16 h 35 Départ vers Carthagène par vol ACES

17 h 30 Arrivée à Carthagène

DIMANCHE 13 MAI

Matinée Programme libre

13 h 00 Déjeuner libre

15 h 00 Visite de la ville de Carthagène, la Ciudad heroica, patrimoine mondial de l'humanité

LUNDI 14 MAI

8 h 00 Rencontre avec le Gouverneur du Bolivar, Luis Daniel VARGAS

9 h 00 Entretien avec le Maire de Carthagène, M. Carlos DIAZ REDONDO, et remise des Clefs de la Ville.

10 h 30 Visite de l'Armée nationale et entretien avec le Commandant de l'Armée

13 h 00 Déjeuner à la base militaire

14 h 30 Visite des quartiers de déplacés, le « Nelson Mandela » et le « Bill Clinton » dans la périphérie de Carthagène

18 h 53 Vol Carthagène - Bogota par un vol ACES

MARDI 15 MAI

7 h 00 Petit déjeuner et entretiens au journal El Tiempo avec :

- Silverio GOMEZ, Directeur de « Portafolio » ;

- Hernando CORRAL, rédacteur en chef politique ;

- Hemógenes ARDILA, rédacteur en chef économique ;

- Viviana MERCADO, sous-directrice de « Paix » ;

- Dario RESTREPO, rédacteur en chef de la Table centrale politique et économique.

9 h 30 Entretien avec le sénateur Luis Guillermo VELEZ, président du parti libéral

11 h 00 Entretien avec le sénateur Ciro RAMIREZ, président du parti conservateur

13 h 00 Déjeuner avec les dirigeants de la Chambre et du Sénat

15 h 15 Rencontre avec des journalistes

17 h 30 Entretien avec M. Angelino GARZON, ministre du Travail

18 h 30 Rencontre à Asocolflores avec la direction de Proexport et le vice-ministre du Commerce extérieur

20 h 00 Dîner offert par l'Ambassadeur de France

MERCREDI 16 MAI

 7 h 00 Petit-déjeuner avec les dirigeants de l'UNICEF

9 h 00 Rencontre avec le Président du Sénat, M. Mario URIBE ESCOBAR

9 h 30 Rencontre avec les deuxièmes commissions du Sénat et de la Chambre des Représentants

10 h 45 Rencontre avec le Président de la Chambre des Représentants, M. Basilio VILLAMIZAR TRUJILLO

11 h 00 Remise de décorations de l'Ordre de la Démocratie Simon Bolivar

13 h 00 Déjeuner avec le Président de la République, S.E. M. Andrés PASTRANA ARANGO ; le ministre des Affaires étrangères, M. Guillermo FERNANDEZ DE SOTO et le Haut Commissaire pour la Paix, M. Camilo GOMEZ

16 h 00 Conférence de presse

18 h 00 Cocktail avec la communauté française. Remise de l'ordre du mérite à M. MOCKUS, maire de Bogota

JEUDI 17 MAI

 7 h 30 Petit-déjeuner avec la Croix Rouge internationale

10 h 00 Visite au journal El Espectador et entretien avec ses directeurs

15 h 00 Arrivée à l'aéroport pour prendre le vol pour Paris

DIAN-60 : Rapport d'information du groupe d'amitié France-Colombie suite à la mission du 10 au 18 mai 2001.


© Assemblée nationale