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N° 2237

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 mars 2000

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1)

sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. François LAMY,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; M. Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Marcel Cabiddu, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Robert Gaïa, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 7

I. -  LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT SUR LES OPÉRATIONS
EXTÉRIEURES EST INSUFFISANT
15

A. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES TENDENT À DEVENIR UN MODE D'ENGAGEMENT MILITAIRE DE PLUS EN PLUS SIGNIFICATIF ET COURANT 15

1. Le cadre juridique des opérations extérieures est dual 16

a) La qualification d'opération extérieure et ses effets 16

b) Le contexte juridique international des opérations extérieures 17

2. La France est actuellement impliquée dans une trentaine d'opérations extérieures 18

a) Des interventions parfois importantes et durables 19

b) Des opérations d'assistance et d'observation nombreuses 21

3. La projection des forces hors de métropole fait partie des critères qui déterminent le nouveau format des armées 24

B. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES CONSTITUENT ENCORE UN DOMAINE D'OÙ LE PARLEMENT EST LARGEMENT ABSENT 26

1. L'engagement des forces françaises à l'étranger s'effectue le plus souvent hors de tout contrôle parlementaire 26

2. Les accords et traités en vertu desquels ces opérations sont menées ne sont eux-mêmes pas toujours connus du Parlement 28

a) Un dispositif marqué par l'histoire 28

b) Un ensemble hétéroclite 29

c) Des accords sur lesquels le Parlement n'a pas toujours été informé 30

3. Le statut des forces françaises en opérations à l'étranger n'apparaît pas toujours limpide 31

4. Les règles budgétaires limitent les moyens de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures 33

5. Les mécanismes de responsabilité du Gouvernement ne favorisent pas un contrôle « fin » des opérations extérieures 35

C. L'ASSOCIATION DU PARLEMENT À LA DÉCISION, AU DÉROULEMENT ET AU RENOUVELLEMENT DES INTERVENTIONS FRANÇAISES HORS DU TERRITOIRE EST LÉGITIME 37

1. La prééminence de l'exécutif pour les questions de défense ne saurait faire des opérations extérieures un domaine à sa totale discrétion 37

2. Le Parlement est fondé à se prononcer sans pour autant nuire à la cohérence du processus décisionnel des opérations extérieures 39

II. -  L'INSTAURATION D'UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES COMPARABLE À CELUI DES AUTRES DÉMOCRATIES PASSE PAR UNE MODERNISATION DU DROIT ET DE LA PRATIQUE 43

A. LES AUTRES DÉMOCRATIES CONFÈRENT UN PLUS GRAND RÔLE À L'EXPRESSION DE LA REPRÉSENTATION NATIONALE SUR LES ENGAGEMENTS MILITAIRES EXTÉRIEURS 43

1. Le contrôle parlementaire est fort en Allemagne 44

2. L'Italie a privilégié un système porteur d'enseignements 47

3. Le droit de regard du Congrès est significatif aux Etats-Unis 48

4. Les mécanismes coutumiers respectueux du parlementarisme en Grande-Bretagne y valorisent le contrôle de la Chambre des Communes 51

5. L'Espagne, se trouvant dans une situation plus proche de celle de la France, autorise néanmoins un contrôle parlementaire plus développé 54

B. L'AMÉLIORATION DE LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE DOIT PROLONGER LES ÉVOLUTIONS AMORCÉES DANS LA PRATIQUE 55

1. L'amélioration des procédures actuelles est possible 56

2. L'examen du collectif budgétaire donne désormais l'occasion d'identifier plus exactement les opérations extérieures ainsi que les dépenses y afférant 57

3. Une individualisation du financement des opérations extérieures en loi de finances initiale est-elle envisageable ? 59

C. DES MODIFICATIONS D'ORDRE CONSTITUTIONNEL OU LÉGISLATIF APPARAISSENT INDISPENSABLES POUR ASSOCIER LE PARLEMENT FRANÇAIS DE MANIÈRE EFFECTIVE AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 60

1. La meilleure association du Parlement à la conclusion des accords de défense et de coopération militaire soulève des problèmes de droit 60

a) L'hypothèse d'une révision de l'article 53 de la Constitution : une fausse solution 62

b) Les accords de défense et de coopération militaire de la France doivent être transmis au Parlement 63

2. La rédaction de l'article 35 de la Constitution doit être adaptée au nouveau contexte de l'usage des forces armées 65

a) Une disposition anachronique 66

b) Une modification garantissant plus de transparence et de démocratie 67

D. L'ADAPTATION DES MÉTHODES D'INFORMATION DU PARLEMENT PERMETTRAIT DÉJÀ D'EN AMÉLIORER LE CONTRÔLE SUR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 69

1. L'audition du Ministre de la Défense et du Chef d'Etat-major des Armées sur l'objet, les moyens, la durée et le coût de chaque opération extérieure nouvellement décidée serait utile 70

2. L'institution, au sein de chaque assemblée, d'un groupe de suivi permanent permettrait d'établir des contacts plus étroits entre les parlementaires et les forces déployées 71

3. L'expression d'un avis des Commissions de la Défense sur le déclenchement des opérations extérieures serait un gage de plus grande transparence 72

III. - PROPOSITIONS 75

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION 83

CONTRIBUTION PARLEMENTAIRE DE M. RENÉ GALY-DEJEAN, DÉPUTÉ DE PARIS, AU NOM DU GROUPE RPR 95

CONTRIBUTION PARLEMENTAIRE DES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES 101

CONTRIBUTION PARLEMENTAIRE DE M. ALOYSE WARHOUVER, DÉPUTÉ DE LA MOSELLE 105

ANNEXES 107

I. - LISTE DES MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L'AMÉLIORATION DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 107

II. - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL SUR L'AMÉLIORATION DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 109

III. - INSTRUCTION RELATIVE AU SUIVI DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES ENTRAÎNÉES PAR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 111

IV. - EXTRAITS DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES 117

V. - LISTE DES ACCORDS DE DÉFENSE OU DE COOPÉRATION MILITAIRE EN VIGUEUR 119

VI. - LES POUVOIRS DES PARLEMENTS ÉTRANGERS EN MATIÈRE DE RATIFICATION DES TRAITÉS ET D'OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 125

VII. - DÉCRET N° 53-192 DU 14 MARS 1953 RELATIF À LA RATIFICATION ET À LA PUBLICATION DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX SOUSCRITS PAR LA FRANCE 131

VIII. - DÉCRET N° 82-138 DU 8 FÉVRIER 1982 FIXANT LES ATTRIBUTIONS
DES CHEFS D'ÉTAT-MAJOR
133

IX. - EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES DU MARDI 2 DÉCEMBRE 1997 137

X. - EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES DU MARDI 25 MARS 1998 147

Mesdames, Messieurs,

L'évolution des relations internationales impose à présent à la France des responsabilités accrues en matière d'interventions extérieures.

La défense contre une agression étrangère directe et massive n'est plus à l'ordre du jour même si un certain potentiel doit toujours être maintenu, à titre de garantie, pour remplir le cas échéant cette fonction.

Mais nous sommes en revanche appelés à engager de plus en plus fréquemment nos forces sur des théâtres extérieurs pour préserver la stabilité et la sécurité en Europe et au-delà.

La France prend ainsi part, aujourd'hui, à une trentaine d'opérations extérieures que l'on peut, en première approche, classer en trois catégories :

- des opérations découlant des engagements bilatéraux de défense ;

- des opérations de maintien de la paix directement mises en _uvre par les Nations Unies ;

- des opérations, généralement de coercition, qui peuvent être exécutées par l'OTAN mais aussi par des coalitions ad hoc sur mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Dans ce contexte nouveau, les données juridiques de l'usage des forces armées deviennent plus complexes et la répartition des rôles entre les différentes autorités constitutionnellement compétentes (Président de la République, Premier Ministre, Gouvernement et Parlement), soulève des interrogations plus fondamentales.

Lorsque l'enjeu essentiel de la défense était de faire face à une agression que l'on craignait soudaine et massive, la prééminence absolue du Chef de l'Etat dans le domaine de l'engagement des forces était difficilement contestable. Non seulement parce que la Constitution prévoit qu'il est le Chef des Armées (article 15) et le garant du respect des traités, notamment d'alliance militaire (article 5) mais aussi, et peut-être surtout, parce qu'elle dispose qu'il est le garant de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire (article 5 également) et qu'elle lui donne, en conséquence, des pouvoirs extrêmement étendus en cas de « menace grave et immédiate » pour l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux (article 16). C'est dans cette logique que l'ordre d'engagement des forces stratégiques relève du seul Président de la République.

En revanche, lorsque les intérêts vitaux du pays ne sont pas menacés mais que nos responsabilités internationales, notamment de membre permanent du Conseil de sécurité, nous font obligation de participer fréquemment à des interventions extérieures très diverses, la question des relations entre les pouvoirs publics se pose de manière toute différente.

C'est ce qui a amené le Président de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées, Paul Quilès, à soumettre à la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale une communication sur « le rôle du Parlement en matière d'interventions extérieures » le 2 décembre 1997. Sur sa proposition, la Commission a alors constitué un groupe de travail sur les interventions extérieures impliquant nos forces. Ce groupe a mené une réflexion sur les modalités d'un renforcement du rôle du Parlement en matière d'engagement et d'emploi des forces françaises en dehors de nos frontières, dont le présent rapport est le prolongement.

Constatons d'abord que la lettre de la Constitution combinée avec une pratique restrictive limite singulièrement le rôle du Parlement en matière d'opérations extérieures. En effet, l'essentiel des pouvoirs en ce domaine est confié par la Constitution à l'exécutif, principalement au Président de la République et au Premier Ministre, ce dernier étant responsable de la défense nationale (article 21) et chargé de diriger l'action du Gouvernement, dont il est précisé qu'il dispose de la force armée (article 20).

Les dispositions relatives au rôle du Parlement, quant à elles, paraissent a priori de portée plus réduite. Votre rapporteur mentionnera à ce sujet l'article 35 de la Constitution qui prévoit que la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Cette disposition reflète un état dépassé du droit international et de la pratique : la cessation de l'état de paix ne résulte plus aujourd'hui de la déclaration de guerre mais il s'agit d'un fait, qui peut tout au plus être « constaté » par le Conseil de sécurité des Nations Unies. L'article 34 pour sa part fait entrer dans le domaine de la loi « les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens » et « les principes fondamentaux de l'organisation générale de la défense nationale ». Il a en particulier nécessité l'intervention du Parlement pour définir les conditions d'engagement des appelés dans les opérations extérieures.

Cependant, on peut souligner qu'en rédigeant l'article 35 de la Constitution, le constituant de 1958 avait à l'esprit que le Parlement devait être saisi lorsque les forces françaises étaient engagées dans un conflit armé.

Ajoutons que la lettre de la Constitution ne permet pas de garantir que les traités et accords constituant la base des interventions extérieures soient systématiquement soumis au Parlement pour autorisation de ratification ou d'approbation. En effet, les traités ou accords de défense ne sont pas mentionnés à l'article 53 parmi ceux qui ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu de la loi. De plus, aucune disposition constitutionnelle n'oblige le Gouvernement à recueillir l'avis du Parlement à leur sujet.

Néanmoins, et c'est essentiel dans le sujet qui nous occupe, les mécanismes généraux du contrôle parlementaire de l'action gouvernementale et du vote des crédits peuvent trouver à s'appliquer dans le domaine des interventions extérieures.

Au-delà de ces questions de droit positif, la pratique paraît avoir encore restreint un rôle que le texte de la Constitution n'avait pas défini en termes particulièrement généreux.

Lors des travaux parlementaires, la participation de la France à telle ou telle force internationale peut être évoquée soit au cours de débats sur des déclarations du Gouvernement, soit au cours de l'examen des crédits initiaux des ministères des Affaires étrangères, et de la Coopération ou de la Défense. Cependant, à aucun moment n'est véritablement discutée la justification de la création, du maintien ou du retrait du contingent français. Le débat sur l'intervention française dans le Golfe, qui a eu lieu le 16 janvier 1991 en application de l'article 49 alinéa 1 de la Constitution, quelles qu'en aient été les limites, constitue à cet égard une heureuse exception. Il n'en a pas été de même à l'occasion de la participation française à l'opération « Force alliée » contre la République fédérale de Yougoslavie en 1999, loin s'en faut.

Certes, à de rares moments, des questions d'actualité peuvent amener le Gouvernement à expliquer les raisons de son abstention ou de son intervention, généralement au titre de l'action humanitaire. Mais il ne s'agit que d'un contrôle effectué de manière ponctuelle et sous le coup de l'émotion. En outre, il est vrai que, dans le cadre des lois de finances rectificatives, le Gouvernement demande au Parlement les crédits nécessaires au paiement des « surcoûts » des interventions extérieures. Mais les débats qui s'engagent alors n'ont lieu qu'a posteriori et dans le cadre d'un examen global des équilibres budgétaires, ce qui rend difficile une discussion détaillée des modalités et des justifications de telle ou telle opération.

Quant aux accords de défense, non seulement ils n'ont pas toujours, en pratique, été soumis au Parlement, mais certains d'entre eux restent encore secrets.

Cette situation contraste avec celle que connaissent les autres grandes démocraties. Aux Etats-Unis, les mécanismes du « War powers act » reviennent à interdire la prolongation de tout « engagement des forces armées dans des hostilités » au-delà de 92  jours sans l'accord du Congrès. Même si leur statut constitutionnel est discuté par l'exécutif, ils ont néanmoins créé un contexte favorable à un contrôle parlementaire exigeant à propos des opérations extérieures.

Au Royaume-Uni, l'engagement des forces est une responsabilité exclusive de l'exécutif mais la coutume oblige normalement le Gouvernement à informer régulièrement le Parlement. En cas de crise grave, le Gouvernement suscite un débat et demande un vote d'approbation de sa décision d'engagement des forces. En Allemagne, où le problème de la légitimité des interventions extérieures est plus aigu qu'ailleurs pour des raisons historiques évidentes, aucun engagement comportant des risques « non négligeables » pour les membres des forces armées ne peut avoir lieu sans autorisation préalable du Bundestag.

Le rôle respectif des pouvoirs publics paraît ainsi plutôt déséquilibré dans notre pays. Or, l'absence du Parlement risque à terme de nuire à l'efficacité des interventions extérieures elles-mêmes.

Lieu du débat public et contradictoire, le Parlement est aussi source de légitimité et creuset de consensus sur les questions d'intérêt national. L'écarter des décisions relatives aux opérations extérieures, c'est sans doute fragiliser, devant l'opinion, notre politique d'engagement hors de nos frontières au service de la sécurité en Europe et dans le monde, comme l'illustrent les résultats d'une récente enquête d'opinion réalisée par la SOFRES à la demande du Bureau et sur l'initiative du Président de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées.

La raison d'être des opérations extérieures que nous conduisons est bien de « mettre la force au service du droit » pour préserver les chances d'un monde plus stable, plus sûr et plus juste.

Mais cette exigence sera d'autant mieux satisfaite que nous en tirerons toutes les conséquences non seulement au plan international mais aussi dans notre ordre constitutionnel interne.

Or mettre le recours à la force au service du droit, n'est-ce pas, d'abord, veiller au plan interne à ce que le Parlement exerce la plénitude des fonctions qui garantissent le caractère démocratique et républicain de nos institutions ?

Dressant le constat d'un contrôle parlementaire insuffisant sur les opérations extérieures, le présent rapport d'information se veut une contribution à la réflexion qu'il est devenu nécessaire d'approfondir en ce domaine. Il s'agit de trouver de nouveaux mécanismes adaptés à notre histoire et à l'organisation des institutions françaises.

I. -  LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT SUR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EST INSUFFISANT

Les procédures par lesquelles le Parlement est amené à exercer son contrôle sur l'opportunité, l'ampleur et les coûts des opérations extérieures ne sont pas satisfaisantes, dans la mesure où elles cantonnent les assemblées à un rôle d'enregistrement et de pourvoyeur de crédits qu'elles ne sont pas à même d'évaluer indépendamment. Certes, l'action militaire extérieure doit obéir à une certaine efficacité. Au demeurant, il ne s'agit pas de remettre en cause les responsabilités de l'exécutif dans un domaine intimement lié à la politique étrangère de la France.

Toutefois, constater l'insuffisance de ce contrôle parlementaire ne revient en aucune façon à contester les principes qui régissent le fonctionnement de nos institutions. Il s'agit simplement de mettre en évidence les carences d'un processus décisionnel exclusif pour le moins exceptionnel, si l'on en juge par les exemples des autres grandes démocraties qui envoient des troupes hors de leur territoire. Au total, c'est l'efficacité même des interventions qui peut en pâtir.

A. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES TENDENT À DEVENIR UN MODE D'ENGAGEMENT MILITAIRE DE PLUS EN PLUS SIGNIFICATIF ET COURANT

A l'initiative du Président de la République, le 22 février 1996, les armées se professionnalisent et adaptent leur format à l'évolution du contexte géostratégique mondial. A l'origine de cette transformation d'ampleur se trouve, entre autres, le constat d'une sollicitation de plus en plus manifeste de la France pour l'envoi de ses forces sur des théâtres extérieurs. C'est la conséquence du choix politique des différents exécutifs qui se sont succédés ces dernières années de voir la France, compte tenu de son histoire et de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, peser fortement dans les relations internationales.

Originellement, ces interventions hors du territoire national étaient souvent limitées aux seuls engagements bilatéraux de notre pays. La multiplication des opérations de maintien et de rétablissement de la paix, sous la responsabilité du Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU ou sous commandement multinational, a provoqué un accroissement des besoins en troupes suffisamment formées pour s'adapter à des environnements plus ou moins permissifs.

De fait, l'emploi des armées dans des opérations extérieures a pris une importance significative, tant sur le plan financier (4,848 milliards de francs de surcoût pour le seul titre III du budget du ministère de la Défense en 1999), que sur le plan politique. Se pose donc le problème du contrôle du Parlement sur des actions militaires qui, loin d'être marginales et temporaires, engagent notre pays à plus d'un titre.

1. Le cadre juridique des opérations extérieures est dual

L'intervention des forces armées hors du territoire national répond le plus souvent aux obligations internationales de la France, soit qu'elles aient été contractées dans le cadre d'un accord de défense ou de coopération militaire à titre bilatéral, soit qu'elles résultent de décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Mais au préalable, il est nécessaire de préciser, sur le plan interne, la signification ainsi que les conséquences liées à la qualification d'opération extérieure.

a) La qualification d'opération extérieure et ses effets

Les opérations extérieures s'apparentent à des engagements qui nécessitent la projection d'hommes en dehors du territoire national, sur un théâtre de crises, et qui ont pour objectif de contribuer à sa gestion. On le voit donc, la dénomination d'opération extérieure se distingue du stationnement ou du prépositionnement normal des forces dans un pays étranger, un territoire ou un département d'outre-mer.

Le statut juridique interne de ces opérations n'est pas expressément défini, si ce n'est par une circulaire du Ministre de la Défense en date du 25 mai 19841. Le concept de « crise » n'est d'ailleurs pas reconnu juridiquement.

Le critère de la qualification d'« opération extérieure » retenu par le ministère de la Défense est la décision prise par le pouvoir politique d'envoyer les troupes hors de la métropole pour des opérations à caractère exceptionnel, non planifiées et dont la durée peut n'être pas prévisible au moment où elles sont déclenchées.

C'est l'Etat-major des Armées qui propose au Ministre de la Défense de qualifier comme telle une opération extérieure. Cette qualification a des effets importants puisqu'elle met en _uvre la procédure de couverture des dépenses supplémentaires par l'inscription des crédits nécessaires en loi de finances rectificative. Elle provoque également l'évaluation de ces dépenses supplémentaires (correspondant aux surcoûts) selon les directives du Ministre de la Défense.

Votre rapporteur insiste sur le caractère exclusivement interne au ministère de la Défense de cette qualification. En aucun cas, les opérations extérieures ne sont établies par un acte juridique publié et opposable, tel un décret par exemple. Ceci n'est pas sans conséquence, notamment en ce qui concerne l'information du Parlement.

b) Le contexte juridique international des opérations extérieures

La grande majorité des opérations extérieures dans lesquelles la France est impliquée concerne le maintien ou le rétablissement de la paix. Ces opérations prennent trois formes différentes : la participation aux engagements menés par le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU ; l'implication dans des opérations sous commandement international (en vertu d'une délégation du Conseil de sécurité dans la plupart des cas) ; la conduite d'opérations sous commandement national.

Le cadre juridique international des opérations extérieures procède essentiellement de la Charte des Nations Unies de 1945. A cet égard, il convient de distinguer :

- l'envoi de forces en application du chapitre VI de la Charte, soit en réponse à la demande d'observateurs ou de forces d'interposition faite au Conseil de sécurité par des « parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix » (article 33), soit sur recommandation du Conseil de sécurité qui a considéré qu'il s'agissait de « méthodes d'ajustement appropriées » (article 35)2 ;

- l'envoi de forces en application du chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité, après avoir constaté « l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression » (article 39), décidant « d'entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix » (article 42) ;

- l'envoi de forces en application de l'article 52 de la Charte, le Conseil de sécurité pouvant recourir, s'il y a lieu, aux « accords ou organismes régionaux pour l'application de mesures coercitives prises sous son autorité ». Cette disposition paraît permettre à l'ONU de faire appel à l'Alliance atlantique ou à d'autres organisations de sécurité internationale pour assurer certaines opérations de maintien ou de rétablissement de la paix. Membre de l'Alliance, la France peut être amenée à apporter son concours militaire dans ce cadre ;

- enfin, l'envoi de forces permettant à la France d'assurer ses obligations bilatérales, contractées notamment à l'occasion de la signature d'accords de défense, en application de l'article 51 de la Charte, qui consacre le droit de légitime défense individuelle et collective contre une agression armée.

Le droit international prévoit donc plusieurs éventualité d'engagement militaire hors du territoire national, sans que le Parlement ait nécessairement à se prononcer.

2. La France est actuellement impliquée dans une trentaine d'opérations extérieures

Il existe plusieurs types d'opérations militaires internationales : les missions d'observation ; les missions de police civile qui relèvent de la notion de maintien de la paix ; les missions de rétablissement ou d'imposition de la paix, qui supposent l'usage de forces armées dans un contexte conflictuel ou hostile ; les missions bilatérales d'appui à un partenaire et les missions unilatérales de protection ou d'évacuation.

Fortement décrié pour son action en Bosnie-Herzégovine, en Somalie et au Rwanda, le Département des opérations de la paix de l'ONU ne supervise plus guère que des missions d'observation ou de police civile. Les opérations les plus lourdes ou les plus conflictuelles sont en revanche confiées à des coalitions régionales, qui déterminent à la fois le cadre et les modalités de leur conduite. Par conséquent, une présentation, même synthétique, des opérations extérieures auxquelles les armées françaises participent doit recourir à une autre distinction que celle entre opérations internationales et opérations bilatérales.

Dans son avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 19993, document auquel il renvoie pour une analyse plus détaillée des engagements des armées hors du territoire national, votre rapporteur avait privilégié une classification des opérations extérieures par théâtre. L'objet du présent rapport d'information concernant plus particulièrement l'examen des modalités de contrôle du Parlement sur ces interventions extérieures, il mettra plus particulièrement l'accent sur les enjeux qu'elles recouvrent, certaines justifiant sans conteste un droit de regard plus étroit de la représentation nationale alors que d'autres restent relativement moins importantes.

a) Des interventions parfois importantes et durables

Tant l'objet que le volume des forces déployées ou les surcoûts occasionnés par ces opérations constituent des motifs suffisants pour un contrôle plus étroit du Parlement.

_ Deux opérations de maintien de la paix décidées par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies relèvent de cette catégorie : il s'agit des participations françaises à la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), créée par la résolution 425 en mars 1978 et déployée dans la « zone de sécurité » occupée par Israël, et à la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine (MINURCA), créée par la résolution 1159 du 27 mars 1998, afin de contribuer à la sécurité à Bangui et de superviser le stockage ainsi que le contrôle des armes récupérées tout en accomplissant une aide à la formation de la police.

Opérations

Objet

Effectifs(1)

Surcoûts(2)

Total

Français

FINUL
(Liban)

Rétablissement de la paix au Sud-Liban

4 496

256

38,3

MINURCA
(RCA)

Sécurité civile et formation de la police

1 252

9

8,53

(1) au 31octobre 1999

(2) estimés pour l'année 1999, en millions de francs

(Source : ministère de la Défense)

_ Quatre opérations de rétablissement ou d'imposition de la paix sous commandement international s'inscrivent également dans ce cadre : Southern Watch (dont la participation française est dénommée Alysse), basée depuis 1992 en Arabie Saoudite et ayant pour objectif d'interdire à l'Irak l'utilisation de ses moyens aériens au Sud du 32ème parallèle ; la SFOR qui a été mise en _uvre par l'OTAN en Bosnie-Herzégovine en application du volet militaire des accords de Dayton-Paris dans le cadre de la résolution 1031 (15 décembre 1995) du Conseil de sécurité des Nations Unies et au sein de laquelle la France assure le commandement de la division multinationale sud-est ; la KFOR déployée depuis le 12 juin 1999 au Kosovo en vertu de la résolution 1244 (10 juin 1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies dans le but d'établir un environnement sécurisé et de contribuer au rétablissement des services publics et des institutions locales de la province ; Santal qui a mobilisé jusqu'à 600 hommes (et s'est terminée le 15 janvier 2000) sous commandement unifié australien afin de rétablir la paix au Timor oriental en vertu de la résolution 1264 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Opérations

Objet

Effectifs(1)

Surcoûts(2)

Total

Français

Southern Watch
(Irak)

Surveillance aérienne de l'Irak

23 000

175

62,8

Joint Forge
(SFOR)

Maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine

31 370

3 466

1 081,7

Opération Trident
(KFOR)

Rétablissement de la paix au Kosovo

45 000

6 401

1 904

Santal
(Timor oriental)

Rétablissement de la paix au Timor oriental

11 000

600

-(3)

(1) au 31octobre 1999

(2) estimés pour l'année 1999, en millions de francs

(3) Les surcoûts engendrés par cette opération n'étaient pas encore évalués fin 1999

(Source : ministère de la Défense)

Pour mémoire, il convient de rappeler que le conflit du Kosovo a donné lieu à pas moins de six opérations extérieures en 1999, dont seule Joint Guardian subsiste à ce jour dans sa version terrestre. A aucun moment, le Parlement n'a participé à la prise de décision concernant ces interventions dont l'importance géopolitique et les conséquences financières étaient pourtant considérables. Le tableau ci-dessous en synthétise les grandes lignes.

Opérations

Objet

Effectifs(1)

Surcoûts(2)

Total

Français

MVK

Mission de vérification de l'OSCE au Kosovo

1 339

45

2,7

NAKVM

Surveillance aérienne au Kosovo

150

15

0,9

Allied Harbour
(AFOR)

Aide humanitaire en Albanie et en Macédoine

8 100

890

94

Joint Guarantor

Mission d'extraction de la MVK au Kosovo

4 800

1 448

251

Opération Trident
(Allied Force)

Frappes aériennes au Kosovo

32 281

6 752

1 034

(1) au 31octobre 1999

(2) estimés pour l'année 1999, en millions de francs

(Source : ministère de la Défense)

_ Enfin, parmi les opérations extérieures dans lesquelles notre pays est impliqué, quatre présentent une dimension plus particulière. L'opération Corymbe, effectuée au large des côtes du Golfe de Guinée est une mission de présence souveraine qui mobilise un bâtiment de la Marine nationale depuis 1991 afin de prévenir tout besoin d'évacuation de ressortissants dans la région. Les trois autres opérations sont mises en _uvre en vertu d'accords de défense conclus par la France avec le Tchad (Epervier), le Cameroun (Aramis) et Djibouti (Khor-Angar) et sur lesquels le Parlement n'a pas eu à se prononcer. Elles mobilisent des moyens humains, techniques et financiers pour le moins importants (ces derniers ayant cependant la particularité d'être prépositionnés sur le théâtre, c'est-à-dire qu'ils sont déployés de façon permanente), mais en rapport avec les intérêts de notre pays dans ces régions.

Opérations

Objet

Effectif français(1)

Surcoûts(2)

Corymbe
(Golfe de Guinée)

Présence au large des côtes africaines et surveillance des champs pétrolifères

93

3,2

Aramis
(Cameroun)

Soutien de la France au Cameroun dans le cadre de l'accord de défense

66

17

Khor-Angar
(Djibouti)

Protection des installations françaises, du port et de l'aéroport

493

41,38

Epervier
(Tchad)

Présence de la France au Tchad dans le cadre de l'accord de défense

971

344

(1) au 31octobre 1999

(2) estimés pour l'année 1999, en millions de francs

(Source : ministère de la Défense)

Comme on peut le voir, toutes ces opérations représentent un engagement significatif puisqu'elles ont mobilisé quelque 21 080 militaires français et occasionné à la France des surcoûts budgétaires d'environ 4,88 milliards de francs en 1999.

b) Des opérations d'assistance et d'observation nombreuses

Les missions d'observation ainsi que celles de police civile, de protection des ambassades et d'évacuation de ressortissants procèdent d'enjeux différents de ceux des interventions ayant trait au rétablissement ou à l'imposition de la paix. Pour des raisons pratiques et des nécessités de réactivité évidentes, le Parlement n'a pas nécessairement à se prononcer a priori sur le bien-fondé des opérations de protection et d'évacuation. Il doit en revanche contrôler a posteriori leur exécution. Quant aux missions d'observation et de police civile, elles ne revêtent pas la même signification politique que les interventions de nature proprement militaire, qui sont susceptibles d'entraîner le recours à la force.

_ S'agissant de la contribution française aux actions du département des opérations de maintien de la paix de l'ONU qui s'inscrivent dans ce cadre, on se bornera à évoquer que la France participe à quatre opérations de surveillance d'un accord ou d'un cessez-le-feu (l'ONUST aux frontières israéliennes, la MINURSO au Sahara occidental, la MONUG en Géorgie et la MONUIK au Koweït) et à deux opérations de formation de la police (MINUBH-GIP en Bosnie-Herzégovine et MIPONUH en Haïti).

Opérations

Objet

Effectifs de la force(1)

Surcoûts(2)

Total

Français

ONUST
(Israël, Egypte, Syrie, Jordanie)

Surveillance de la trève

141

13
(observateurs)

8,2

MINURSO
(Sahara occidental)

Supervision du cessez-
le-feu

263

22
(observateurs)

10,09

MONUG
(Géorgie)

Supervision du cessez-
le-feu

100

5
(observateurs)

2

MONUIK
(Koweït)

Surveillance de la zone démilitarisée

1 058

9
(observateurs)

3,7

MINUBH-(GIP)
(Bosnie-Herzégovine)

Formation de la police

1 802

125
(gendarmes)

23,6

MIPONUH
(Haïti)

Aide à la professionna-lisation de la police

146

24
(gendarmes)

6,5

(1) au 31octobre 1999

(2) estimés pour l'année 1999, en millions de francs

(Source : ministère de la Défense)

Dans le cadre de nouvelles missions d'observation, la MONUSIL en Sierra Léone bénéficie également d'une présence française limitée à trois observateurs. La création d'une mission d'interposition au Congo (la MONUC) ne devrait pas mobiliser d'observateurs français.

_ Sous commandement international, la France apporte également son appui à plusieurs opérations extérieures de moyenne envergure : il s'agit de deux opérations d'observation - l'une en Bosnie-Herzégovine sous l'égide de l'OSCE (l'ECMM) et l'autre à la frontière israélo-égyptienne (la FMO) -, ainsi que d'une mission d'assistance policière en Albanie sous l'égide de l'UEO (l'EMCP). De tels engagements s'inscrivent dans la durée puisque le plus ancien d'entre eux, l'opération Force Multinationale et Observateurs (FMO), remonte à 1982.

Opérations

Objet

Effectifs de la force(1)

Surcoûts(2)

Total

Français

FMO
(Sinaï)

Contrôle et application des accords de camp David

1 896

16

5,1

ECMM
(Bosnie-Herzégovine)

Mission d'observation en Bosnie-Herzégovine

300

30

10,8

ECMP
(Albanie)

Assistance en matière de police en Albanie

157

19

6,8

(1) au 31 octobre 1999

(2) estimés pour l'année 1999, en millions de francs

(Source : ministère de la Défense)

_ La France a mené quelques opérations extérieures circonscrites avec ses seules forces, essentiellement dans le cadre de la protection d'ambassades (Pécari, ambassade d'Algérie, Murène) et de la surveillance d'un cessez-le-feu sous mandat international accepté par les parties (opérations Condor et Hélianthe).

Opérations

Objet

Effectif
de la force(1)

Surcoûts(2)

Condor
(Iles Hanish)

Médiation du différend entre le Yémen et l'Érythrée à propos des îles Hanish

100(3)

5,1

Hélianthe
(Liban)

Surveillance du respect des accords de cessez-le-feu entre le Liban, Israël, la Libye

4

3,05

Pécari
(Liban)

Vérification du déminage des abords de l'Ambassade

39

0,5

Ambassade d'Algérie

Garde et protection de l'Ambassade

129

27

Murène
(RCA)

Garde et protection de l'Ambassade

5

1,1

(1) au 31octobre 1999

(2) estimés pour l'année 1999, en millions de francs

(3) effectifs prépositionnés sans rapport avec le surcoût constaté

(Source : ministère de la Défense)

Il apparaît bien que l'ensemble de ces opérations n'a pas les mêmes incidences que les interventions qui engagent les armées dans un processus d'imposition ou de rétablissement de la paix. De fait, l'information parlementaire et la consultation des assemblées lors du vote des crédits du collectif budgétaire de fin d'année paraissent satisfaisantes, à la différence des opérations extérieures plus importantes.

3. La projection des forces hors de métropole fait partie des critères qui déterminent le nouveau format des armées

La réforme des armées lancée en février 1996 prend acte de la disparition, pour l'avenir prévisible, des menaces militaires pesant directement sur nos frontières terrestres ou à leur proximité immédiate. En effet, la première ligne de notre défense se situe désormais le plus souvent, que ce soit en Europe ou hors du Vieux Continent, sur des théâtres éloignés du territoire national. Tel était notamment le cas de la crise du Kosovo dont tout le monde s'accordait à reconnaître que son extension pouvait avoir des répercussions imprévisibles pour l'ensemble des pays du continent européen, et donc pour la France.

Pour s'adapter à cette évolution du contexte stratégique dont le Livre blanc sur la défense avait esquissé les contours en évoquant en bonne place parmi les « hypothèses d'emploi des forces », la mise en _uvre des accords de défense bilatéraux (scénario n°4) et les opérations en faveur de la paix et du droit international (scénario n°5), l'accent a particulièrement été mis sur la constitution de forces capables d'être rapidement disponibles et projetées à distance.

Cet impératif a conduit à prévoir une articulation souple de forces qui sera capable de donner naissance à des ensembles interarmées adaptés à la nature, par définition à chaque fois différente, des opérations extérieures.

Concrètement, l'Armée de Terre est amenée à structurer ses capacités de projection autour d'une force blindée lourde, d'une force d'intervention blindée plus légère, d'une force mécanisée et d'une force d'infanterie d'assaut de manière à pouvoir déployer 30 000 hommes avec des relèves partielles sous commandement multinational pendant un an et, simultanément, 5 000 soldats sous commandement national ; la Marine privilégie également les équipements à forte autonomie (groupe aéronaval, sous-marins à propulsion nucléaire) afin d'assurer son déploiement sur tout théâtre éventuel ; l'Armée de l'Air se caractérise déjà par sa grande capacité de projection, même si ses moyens de transport et de ravitaillement en vol demeurent insuffisants.

La restructuration de notre dispositif de défense prend donc appui sur l'évolution de ses missions. En effet, les opérations extérieures sont devenues un domaine d'emploi des armées assez fréquent et banalisé. Dans le même temps l'éventualité d'une défense des frontières nationales en réponse à une agression, qui constitue la raison d'être originelle de nos forces, semble plus lointaine, même si elle ne saurait être sous-estimée en raison de son caractère vital. Se pose, en conséquence, avec une acuité certaine la question de l'adaptation du rôle du Parlement face à cette évolution des missions des armées.

L'engagement pris les 10 et 11 décembre 1999, lors du dernier sommet d'Helsinki, de contribuer à la mise en place d'une force européenne de gestion militaire des crises rend plus actuel ce besoin d'un meilleur contrôle parlementaire des opérations extérieures.

B. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES CONSTITUENT ENCORE UN DOMAINE D'OÙ LE PARLEMENT EST LARGEMENT ABSENT

Le Parlement n'est amené à connaître des interventions extérieures de nos armées qu'à l'occasion de l'examen des budgets des ministères des Affaires étrangères (par le biais de la contribution de la France à l'ONU) et de la Défense ainsi que des collectifs de fin d'année quand le Gouvernement demande des crédits (le plus souvent prélevés sur le titre V du budget du ministère de la Défense), pour faire face aux surcoûts engendrés par les opérations engagées hors du territoire national.

Dans un contexte de professionnalisation des armées et de développement des capacités de projection de nos forces conformément aux grandes orientations de la programmation militaire, l'absence d'une véritable association du Parlement aux engagements militaires extérieurs n'apparaît pas justifiable.

1. L'engagement des forces françaises à l'étranger s'effectue le plus souvent hors de tout contrôle parlementaire

Si la participation française à la guerre du Golfe en 1991 a fait l'objet d'un engagement de responsabilité du Gouvernement, cette démarche est une exception isolée. En effet, les opérations en ex-Yougoslavie (FORPRONU, IFOR, puis SFOR), en Albanie (Alba au printemps 1997) et au Kosovo (« Force alliée » et KFOR depuis 1999) ont été déclenchées, se sont déroulées et ont été renouvelées sans que le Parlement soit associé à de telles décisions.

La Constitution du 4 octobre 1958 ne soumet le déploiement des forces hors du territoire national à aucune procédure d'autorisation parlementaire dès lors que les armées ne sont pas engagées dans des opérations de guerre. De fait, elle restreint le champ du contrôle parlementaire sur l'engagement de nos forces dans des opérations extérieures, puisque ce dernier intervient dans la totalité des cas hors de toute déclaration de guerre.

En conséquence, la consultation du Parlement sur ces interventions militaires hors du territoire national dépend formellement, pour l'instant, d'une initiative du Premier ministre, qui peut, aux termes de l'article 49 alinéa 1 de la Constitution, décider d'engager la responsabilité du Gouvernement sur une déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. Il a également la faculté de demander au Sénat l'approbation de cette déclaration (article 49 alinéa 4 de la Constitution). C'est cette procédure qui a été suivie le 16 janvier 1991 par M. Michel Rocard à l'occasion de la participation française à la coalition multinationale chargée par les Nations Unies de rétablir la souveraineté koweïtienne suite à l'invasion irakienne d'août 1990.

Le Premier ministre peut également prononcer une déclaration, non suivie d'un vote, devant l'Assemblée nationale (article 132 du Règlement de l'Assemblée nationale). Ainsi, le 26 mars 1999, soit deux jours après le déclenchement des bombardements alliés contre la République fédérale de Yougoslavie (auxquels participait la France), M. Lionel Jospin usait de cette faculté pour la première fois au sujet de la situation au Kosovo. Aucun vote de l'Assemblée nationale n'est intervenu alors même que l'engagement des forces françaises sur le théâtre s'inscrivait dans un contexte de combat caractérisé.

Plus généralement, on ne peut nier que le Parlement est informé de la nature et de l'importance des troupes engagées hors du territoire. Cependant, cette information s'effectue le plus souvent a posteriori (notamment à l'occasion du vote des crédits nécessaires dans les collectifs budgétaires) et de manière parcellaire (audition du Ministre de la Défense par les membres de la Commission compétente ou réponses concises à des questions orales ou écrites).

De surcroît, alors que les vertus du débat international sur les différentes opérations entreprises dans diverses régions du monde sont reconnues par la grande majorité des Etats sur le plan interne, il n'est pas normal que la France mène un certain nombre d'actions extérieures engageant ses armées sans que jamais le Parlement ait son mot à dire.

2. Les accords et traités en vertu desquels ces opérations sont menées ne sont eux-mêmes pas toujours connus du Parlement

L'article 53 de la Constitution de 1958 ne requiert pas obligatoirement l'autorisation par le Parlement de la ratification ou de l'approbation des traités et accords internationaux de défense ou de coopération militaire. Dans les faits, le Gouvernement en soumet à la représentation nationale, notamment lorsqu'ils revêtent une importance majeure pour notre défense comme, par exemple, les protocoles prévoyant l'élargissement de l'OTAN. Cependant, le Parlement n'est pas toujours informé sur le contenu de ceux dont il n'est pas saisi, situation d'autant plus fâcheuse que ces accords ou traités sont susceptibles d'entraîner l'engagement des armées sur un théâtre extérieur sans que les assemblées aient été en mesure d'en apprécier les répercussions.

a) Un dispositif marqué par l'histoire

La France est liée à huit pays par des accords de défense et à plus d'une trentaine d'autres par des accords de coopération militaire. Un grand nombre ont été conclus lors de l'accession à l'indépendance de ces Etats et alors qu'ils devaient participer à la Communauté (Centrafrique 1960, Gabon 1960, Burkina 1961, Côte d'Ivoire 1961, Togo 1963).

Les dispositions de certains d'entre eux marquent bien le contexte de « décolonisation » dans lequel ils ont été négociés. Ainsi l'accord de défense conclu en 1960 entre la France et le Gabon prévoit dans son article premier (toujours en vigueur) que « la République française et la République gabonaise préparent et assurent en commun leur défense et celle de la Communauté dont elles font partie. Elles se prêtent à cet effet aide et assistance et se concertent d'une manière permanente sur les problèmes de défense ».

L'article 3 va même jusqu'à disposer que « les forces armées gabonaises participent avec les forces armées françaises, sous un commandement unique, à la défense extérieure de la Communauté ».

On doit cependant s'interroger sur le caractère actuel et contraignant de telles dispositions, tout particulièrement en Afrique. Ainsi, il est à noter qu'en décembre 1999, la France n'a pas jugé nécessaire d'appliquer les clauses de la convention relative au maintien de l'ordre signée avec la Côte d'Ivoire. On rappellera d'ailleurs à ce propos que le droit international connaît cette éventualité puisque les parties à un traité gardent la liberté d'apprécier le « casus federis », c'est-à-dire les circonstances de son application.

D'autres accords ont été signés plus récemment avec notamment l'Afrique du Sud (1998), l'Arabie Saoudite (1982), le Bénin (1975), le Cameroun (1974), le Cambodge (1994), les Comores (1978), le Congo (1974), les Emirats Arabes Unis (1995), l'Estonie (1994), la Guinée Equatoriale (1985), le Mali (1987), le Maroc (1994), le Qatar (1994), le Sénégal (1974), Singapour (1998), le Tchad (1976) et le Zaïre (1974)4. Ceux qui l'ont été au cours des années quatre-vingt-dix répondaient au souhait exprimé par plusieurs pays clients des industries françaises d'armement, la France leur apportant ainsi la garantie de sa coopération.

Les man_uvres « Golfe 2000 » ayant impliqué le groupe aéronaval du porte-avions Foch ainsi que quelque 5 000 éléments des armées françaises aux côtés des troupes émiraties en février de cette année, les exercices prévus dans la foulée avec les forces koweïtiennes (Pearl of the West), les forces armées du Qatar et du Sultanat d'Oman (Sea Turtle), illustrent le suivi des relations que notre pays entretient avec des Etats ne relevant pas de sa traditionnelle sphère d'influence.

b) Un ensemble hétéroclite

Conclus à des dates différentes, ces accords font l'objet d'appellations variées, traduisant une certaine imprécision dans la terminologie.

Certains accords sont intitulés « accords de défense », tels que ceux signés avec le Centrafrique (1960), le Gabon (1960), le Togo (1963) et le Cameroun (1974). D'autres reçoivent l'appellation d'« accord de coopération militaire technique » (Bénin, 1975) ou d'« assistance militaire technique » (Burkina Faso, 1961). D'autres enfin sont dénommés « protocole provisoire fixant les principes de la coopération militaire » (Djibouti, 1977) ou « arrangement administratif entre ministères de la Défense » (Bulgarie, 1992).

Cette diversité d'appellations laisse apparaître une certaine hiérarchie entre ces textes, l'accord de défense semblant plus solennel et plus général, tandis que l'accord de coopération ou d'assistance technique s'apparente à une mise en _uvre de dispositions pratiques.

Certains accords de défense sont accompagnés d'accords d'assistance militaire technique (Côte d'Ivoire, 1961) ; d'autres non. De même, certains accords d'assistance ou de coopération ne se réfèrent pas à des accords de défense généraux.

Enfin, si certains accords de défense ont été conclus seuls, d'autres s'intègrent dans un cadre général de relations qui comporte également d'autres matières. Ainsi, l'accord de coopération militaire entre la France et le Cameroun (1975) a-t-il été signé en même temps qu'un accord de coopération en matière de justice, une convention consulaire et un accord de coopération technique en matière de personnel.

La mission d'information parlementaire sur le Rwanda a montré par ailleurs qu'une certaine confusion pouvait exister aussi au sein de l'exécutif sur la différence de nature entre accord de défense et accord de coopération militaire.

c) Des accords sur lesquels le Parlement n'a pas toujours été informé

La totalité des engagements internationaux liant la France à d'autres pays en matière de sécurité et de défense n'a pas toujours été soumise au Parlement avant ratification par le Président de la République ou approbation par le Gouvernement, ce qui témoigne d'une interprétation peu assurée de l'article 53 de la Constitution.

Certains accords ont été soumis à l'examen du Parlement et ont été ratifiés ou approuvés en vertu d'une loi : Bénin (1977), Burkina Faso (1961), Cameroun (1975), Centrafrique (1960), Comores (1981), Congo (1975), Côte d'Ivoire (1961), Djibouti (1979), Guinée Equatoriale (1987), Gabon (1960), Niger (1969), Sénégal (1975), Tchad (1977), entre autres.

En revanche, seules des réponses aux questionnaires budgétaires permettent de connaître l'existence d'autres accords de défense ou de sécurité qualifiés de secrets. C'est le cas notamment de l'accord de défense avec le Togo (1963), de l'accord spécial de défense avec le Cameroun (1974), de la convention relative au maintien de l'ordre avec la Côte d'Ivoire (1962), des accords passés avec le Gabon (1961) ou le Tchad (1963). Cette catégorie d'accords (qui implique une participation française au maintien de l'ordre) nécessite quelques éclaircissements.

Par ailleurs, certains accords, outre qu'ils ne sont pas soumis au Parlement, ne sont pas publiés, non pas en raison du caractère sensible de leur contenu (ce qui pourrait se comprendre), mais parce qu'ils sont jugés d'importance secondaire (ce qui est beaucoup moins acceptable). Le décret n°53-192 du 14 mars 1953, relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits par la France, prévoit en effet la publication au Journal Officiel de la République françaises des seuls traités « de nature à affecter, par leur application, les droits ou les obligations des particuliers » (article 3 alinéa 2), ce qui exclut les accords de coopération militaire relativement peu importants mais non secrets.

La plupart des accords en question ont été conclus avec des Etats africains. Les dispositifs de protection de Chefs d'Etat semblent y avoir tenu ou y tenir une place importante. Certains, pour autant qu'on en sache, comportent des clauses concernant le maintien de l'ordre. Le résultat est que la France s'est trouvée engagée militairement auprès de certains Chefs d'Etat ou régimes sans l'accord et hors du contrôle du Parlement.

En fait, la presse paraît bien souvent mieux informée que le Parlement. Ainsi, le 16 septembre 1998, un journal indiquait que la France avait passé deux nouveaux accords d'assistance militaire avec des pays d'Afrique : le premier, signé avec la Côte d'Ivoire, impliquant « la fourniture de véhicules et d'équipements de maintien de l'ordre à la Gendarmerie ainsi que la création de quatre unités de CRS et d'une école de police » ; le second, signé avec Madagascar, concernant « aussi la Gendarmerie ». Et ce journal de s'inquiéter : « Reste à espérer que seuls les délinquants et les voleurs de bétail auront à pâtir de cette coopération française. Et pas les opposants ». Ce doute ironique exprimé sur l'intérêt et la légitimité des accords concernés susciterait moins d'interrogations si la représentation nationale avait été consultée à leur sujet.

Relèvent du même registre les accords passés avec les pays du Golfe ou d'Asie du Sud-Est dans le cadre de contrats commerciaux, accords inconnus du Parlement mais dont les dates de signature, voire certaines dispositions, apparaissent parfois dans la presse. C'est ainsi que l'on a pu lire dans un quotidien que l'accord de coopération et de sécurité entre la France et le Qatar, signé le 24 octobre 1998, affirme « l'engagement de la France aux côtés du Qatar pour sa sécurité », qu'il « institutionnalise le dialogue, à haut niveau, entre les Etats-majors » et que « les commandos français entraînent les forces spéciales qatariotes ».

3. Le statut des forces françaises en opérations à l'étranger n'apparaît pas toujours limpide

Les militaires français opérant à l'étranger ne relèvent pas tous du même cadre d'intervention. A ce titre, leur statut n'est ni clair, ni homogène.

· A cet égard, il convient de souligner que les coopérants, dont les missions et le statut sont définis par les accords de coopération militaire, sont budgétairement rattachés au ministère des Affaires étrangères. Si leur vocation est avant tout d'apporter une aide à la formation des personnels chargés de la sécurité publique et à leur sensibilisation au respect des principes élémentaires du droit, leur vocation est parfois purement militaire, comme en attestent les travaux de la mission d'information sur le Rwanda, commune à la Commission de la Défense nationale et des forces armées et à la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Pour cette raison, le statut des coopérants n'apparaît pas toujours clair, ce qui est regrettable.

· Les forces prépositionnées dans certains Etats en vertu d'accords de défense n'ont vocation à intervenir qu'en cas de mise en cause de l'intégrité ou de la stabilité des pays où elles stationnent, sur demande des autorités locales. Ces forces se situent principalement à Djibouti (3 013 hommes), au Sénégal (1 163 hommes), au Tchad (971 hommes ), au Gabon (583 hommes) et en Côte d'Ivoire (572 hommes). En raison de leur positionnement et de leur réactivité quasi immédiate, ces détachements sont souvent appelés à intervenir sur un théâtre proche, en dehors du cadre de leur présence tel qu'il est défini par les traités et accords de défense. Ce recours aux forces prépositionnées pour mener un certain nombre d'opérations extérieures se traduit par des surcoûts apparemment faibles, voire nuls. La perception que le Parlement peut en avoir se trouve faussée. La situation du dispositif Epervier au Tchad, maintenu dans le statut d'opération extérieure au niveau budgétaire depuis son lancement en 1986, mais qui est en fait un dispositif prépositionné, ajoute une confusion supplémentaire.

· Les éléments envoyés depuis le territoire national sur un théâtre de crise à l'occasion d'une intervention qualifiée d'opération extérieure constituent la majorité des forces impliquées dans des engagements hors du territoire national.

Les statuts des forces engagées en opérations extérieures varient au gré du cadre juridique de ces opérations : casques bleus lorsqu'elles agissent sous responsabilité du Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU, elles peuvent également relever d'un commandement multinational si l'opération s'effectue dans le cadre d'une alliance, ou d'un commandement strictement national si l'opération résulte d'une obligation bilatérale contractée par la France.

A cette multiplicité des statuts, s'ajoute une diversification des missions attribuées aux forces, lesquelles recouvrent souvent des réalités aussi bien civiles que militaires (notamment dans le cadre des « actions civilo-militaires »5 : dans ce dernier cas, les opérations psychologiques - PSYOPS - menées par le commandement des opérations spéciales - COS - nécessiteraient une clarification quant à leur objet et à leur fonctionnement).

Tous ces éléments brouillent la lisibilité des opérations extérieures, de sorte que le Parlement n'en saisit pas toujours comme il le faudrait les implications (qu'elles soient budgétaires, juridiques ou politiques).

4. Les règles budgétaires limitent les moyens de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures

La procédure budgétaire offre au Parlement ses pouvoirs de contrôle les plus étendus sur le déploiement des forces à l'étranger. Les engagements de troupes sur un théâtre extérieur donnent lieu à des modifications dans la répartition des crédits entre les différents chapitres et titres du budget du ministère de la Défense. De telles modifications, lorsqu'elles excèdent les limites de la simple gestion, doivent être approuvées par le Parlement sous la forme d'une loi de finances rectificative dont l'examen insiste désormais tout particulièrement sur les surcoûts engendrés par les opérations extérieures, conformément aux propositions présentées en 1998 par le groupe de travail animé par votre rapporteur.

Pourtant, même amélioré, le contrôle budgétaire des opérations extérieures par le Parlement reste sommaire.

En effet, l'angle d'examen du collectif budgétaire de fin d'année demeure l'équilibre financier global : les dépenses entraînées par les opérations extérieures n'y sont donc pas identifiées.

De même, il est impossible de reconstituer les dépenses prévisibles ou effectuées à partir de la nomenclature budgétaire présentée au Parlement, ni par opération, ni même globalement : aucun chapitre ni article n'individualise les opérations extérieures en loi de finances initiale.

Rappelons enfin que l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose que les crédits sont votés par titre et ministère ; les amendements aux crédits ne portent pas sur des masses inférieures aux chapitres ; la nomenclature budgétaire est du domaine du règlement.

Les limites du contrôle budgétaire des assemblées sur les opérations extérieures sont révélatrices de leur « participation » au processus décisionnel concernant les engagements de nos forces hors du territoire national.

Dans la mesure où le Parlement tient originellement son rôle politique de son pouvoir de consentir l'impôt et d'autoriser la dépense, il est clair qu'en ce domaine, l'insuffisance de son contrôle porte atteinte à ses droits essentiels.

5. Les mécanismes de responsabilité du Gouvernement ne favorisent pas un contrôle « fin » des opérations extérieures

Dans tout régime parlementaire, la responsabilité du Gouvernement peut être mise en cause par l'assemblée élue au suffrage universel direct, dès lors que la majorité de ses membres ne soutient pas la politique suivie sur une question essentielle, y compris lorsqu'elle concerne la défense nationale. Le système constitutionnel français reconnaît également ce principe.

L'article 49 alinéa 2 de la Constitution définit les conditions nécessaires pour le dépôt d'une motion de censure (signature d'un dixième au moins du total des députés) et son adoption (à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale). Les effets de l'approbation d'une motion de censure (démission automatique du Gouvernement) sont les mêmes que ceux d'un rejet du programme gouvernemental ou d'une déclaration de politique générale (article 50 de la Constitution).

En théorie, rien n'empêche que le nombre requis de parlementaires se saisisse de cette procédure pour provoquer un débat et un vote sur une opération extérieure mise en _uvre par le Gouvernement, surtout depuis que la révision constitutionnelle du 4 août 1995 a assoupli les modalités de dépôt d'une telle motion6. Cependant, on voit mal comment, dans des circonstances graves, l'opposition et à plus forte raison une partie de la majorité affaibliraient politiquement le Gouvernement, alors même que la solidarité nationale avec nos soldats joue à plein. Autrement dit, le mécanisme de l'article 49 de la Constitution n'est applicable qu'à l'initiative du Gouvernement, c'est à dire sous la forme d'une déclaration de politique générale suivi d'un vote, comme le 16 janvier 1991.

Or, dans cette hypothèse la plus respectueuse des missions de la représentation nationale, le contrôle parlementaire n'est pas suffisamment affiné pour être pleinement satisfaisant. En effet, les députés ne peuvent qu'approuver ou rejeter la déclaration de politique générale. En aucun cas, ils n'ont le pouvoir de conditionner un vote favorable à un encadrement des conditions dans lesquelles le Gouvernement prévoit l'intervention.

A cet égard, force est de reconnaître que la pratique britannique est plus responsabilisante. L'exemple du conflit du Kosovo en constitue la plus récente illustration puisque l'engagement des troupes hors du territoire national a été accepté, sans qu'aucun vote ne soit nécessaire, au cours d'un débat le 23 mars 1999 (soit la veille du déclenchement des opérations). Marqué par une séance de questions-réponses entre les parlementaires et le Gouvernement, ce débat a, de fait, fixé un mandat à la définition duquel les parlementaires ont pris une part active. C'est ainsi que le Premier ministre, M. Tony Blair, en réponse à une question posée, a affirmé : « J'ai clairement indiqué que nous n'accepterons le déploiement de troupes au sol que dans l'hypothèse d'une application des accords de paix. Nous n'envisageons en aucune manière de recourir à des troupes terrestres pour nous battre de vive force au Kosovo ». Sur la base de ces précisions, le chef de l'opposition, M. William Hague, déclara que « la position de l'opposition consiste à soutenir le Gouvernement dans la mise en _uvre des mesures décrites ». Mandat était ainsi donné au Gouvernement pour agir dans un cadre bien précis.

Les mêmes événements ont conduit à une procédure tout autre en France. Déclaration suivie d'un débat sans vote, la première allocution du Premier ministre sur les événements, le 26 mars 1999, a donné lieu à l'expression de points de vues différents sur le cadre dans lequel devait (ou ne devait pas) s'inscrire l'action de nos forces. A cette occasion, le Premier ministre a convenu lui-même « qu'on ne peut pas se satisfaire pleinement de l'état des échanges et des relations entre le Gouvernement et la représentation nationale »7 à propos des opérations extérieures. Pour autant, le Parlement n'a ni participé à la définition du cadre d'intervention, ni exprimé formellement sa position à cet égard.

Illustration significative des limites du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures, cet exemple souligne que l'on ne peut améliorer le rôle des assemblées dans ce domaine en faisant l'économie d'adaptations juridiques et institutionnelles.

C. L'ASSOCIATION DU PARLEMENT À LA DÉCISION, AU DÉROULEMENT ET AU RENOUVELLEMENT DES INTERVENTIONS FRANÇAISES HORS DU TERRITOIRE EST LÉGITIME

Sans contester la prééminence accordée au pouvoir exécutif par la Constitution de 1958 dans la mise en _uvre de la politique étrangère et de défense de la France, il est clair que le Parlement ne participe pas à sa juste place au processus décisionnel et au suivi des interventions des armées sur un théâtre extérieur.

Les exigences d'efficacité et de rapidité avancées pour contourner l'expression du Parlement ne sont pas toujours fondées. En effet, la procédure parlementaire offre suffisamment de souplesse pour ne pas entraver les décisions qui doivent être rapidement prises dans l'intérêt supérieur de la nation. De même la représentation nationale, élue au suffrage universel, incarne la légitimité démocratique au même titre que le Chef de l'Etat et le Gouvernement.

1. La prééminence de l'exécutif pour les questions de défense ne saurait faire des opérations extérieures un domaine à sa totale discrétion

La responsabilité politique de la défense de la Nation est le plus souvent confiée au pouvoir exécutif. Si la monarchie et les empires fondaient l'autorité du pouvoir exécutif sur cette attribution, la IIème et la IVème Républiques n'en conféraient pas moins, l'une au Président de la République et l'autre au Gouvernement, le soin d'organiser et, éventuellement, de mettre en _uvre les armées françaises. La seule exception est peut-être la période de la Convention qui, du fait des péripéties révolutionnaires, a vu la force armée dépendre d'autorités émanant directement de l'Assemblée.

Bien que rédigée en réaction aux défaillances constatées sous les Républiques précédentes, la Constitution de 1958 n'innove dans ce domaine que sur un point, mais il est fondamental : l'autorité du Président de la République pour tout ce qui a trait à l'organisation, aux nominations, aux orientations stratégiques et à l'engagement des armées.

En effet, l'article 5 de la Constitution dispose qu'eu égard à sa fonction d'arbitre, « il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». De même, l'article 15 de la Constitution ajoute que « le Président de la République est le Chef des Armées ». Est également précisé qu'« il préside les Conseils et Comités supérieurs de la Défense nationale », auxquels assistent le Premier ministre, certains ministres ainsi que des officiers supérieurs et hauts fonctionnaires. C'est au sein de ces instances que sont prises les décisions les plus importantes. Le Président de la République y exerce un rôle majeur.

Parallèlement, l'article 16 de la Constitution confère au Président de la République une marge de man_uvre sans égale en période de circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire « lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », formule qui rappelle singulièrement une situation d'agression armée contre notre pays.

Cet article a donné lieu à de nombreux commentaires. Son objet a clairement trait à la défense (au premier sens du terme) du pays. Il vise à permettre au Président de la République de faire face avec efficacité, soit à des actions de déstabilisation (ce qui a donné lieu à son unique application, par le Général de Gaulle, d'avril à septembre 1961, à la suite du putsch dit « des généraux » en Algérie), soit à une tentative d'invasion (situation envisagée par référence à celle de l'invasion des troupes allemandes en 1940, au cours de laquelle le Président de la République de l'époque, Albert Lebrun, s'était révélé totalement impuissant à prendre les décisions nécessaires).

Fort de ces dispositions constitutionnelles et de la marque donnée par le Général de Gaulle à l'autorité de l'institution présidentielle pour les questions de défense (caractérisée en particulier par l'appropriation du pouvoir de décider seul de l'emploi des armes nucléaires, en vertu du décret du 14 janvier 1964 8), le Président de la République assume un rôle majeur en matière de défense, qui subsiste en période de cohabitation.

Mais la prééminence de l'exécutif sur les questions de défense nationale ne se résume pas à l'autorité exercée par le Président de la République. D'ailleurs, aux termes de l'article 21 de la Constitution, c'est le Premier ministre qui, en sa qualité de chef du Gouvernement, « est responsable de la Défense nationale ». De même, c'est le Gouvernement, dans sa collégialité, qui « dispose de la force armée » (article 20 de la Constitution). Autrement dit, le Premier ministre est chargé d'assurer le bon fonctionnement de nos forces ainsi que la coordination intergouvernementale pour la mise en _uvre des décisions du Président de la République. Le Gouvernement, en accord avec le Président de la République, règle quant à lui toutes les questions relatives à l'emploi de nos armées (et donc à leur déploiement sur un théâtre extérieur).

L'exécutif français dans son ensemble, exerce donc l'entière responsabilité du fonctionnement et de l'utilisation des armées. Certes, « la loi détermine les principes fondamentaux de l'organisation générale de la Défense nationale » (article 34 de la Constitution). De même, le Parlement autorise toute déclaration de guerre (article 35 de la Constitution) et vote les crédits du ministère de la Défense. Pour autant, il ne contrôle pas véritablement le bien-fondé de leur usage. Faute de procédures d'information adéquates, la représentation nationale, réduite à se rallier aux nécessités invoquées par l'exécutif, ne peut pas le plus souvent apprécier en connaissance de cause les justifications des opérations extérieures de nos armées. Son rôle de contrôle de l'exécutif s'en trouve ainsi atteint.

Ce monopole de fait de l'exécutif sur la décision et le choix du mode de financement des interventions militaires hors du territoire national tend à en faire un « domaine réservé » dont la justification n'est pas démontrée. Il s'agit là de l'héritage d'une pratique traduisant une certaine interprétation du texte constitutionnel. Or, dans la logique même de l'architecture de nos institutions, qui organise notamment la coopération de deux organes élus au suffrage universel direct (le Président de la République et l'Assemblée nationale) avec une autorité exécutive (le Gouvernement qui est responsable devant la seule Assemblée nationale), la fonction de contrôle des opérations extérieures doit échoir à l'Assemblée nationale et, plus largement, au Parlement constitué des deux chambres exerçant le pouvoir législatif. Contrairement aux arguments parfois avancés, prendre la mesure de cette fonction particulière ne conduit pas à une confusion des rôles ni à une remise en cause du fonctionnement de nos institutions.

2. Le Parlement est fondé à se prononcer sans pour autant nuire à la cohérence du processus décisionnel des opérations extérieures

Aborder avec lucidité le débat sur la revalorisation du pouvoir de contrôle du Parlement sans s'exposer aux passions qu'il suscite n'est pas aisé. Est-ce à dire qu'il faut s'accommoder d'une situation institutionnelle qui n'est plus adaptée à un contexte d'interventions militaires fort différent de ce qu'il était au début de la Vème République ? Votre rapporteur ne le pense pas.

A n'en pas douter, les objections à une modification de l'état actuel des choses ne manqueront pas de s'élever, parmi lesquelles :

- une telle réforme pourrait porter atteinte à l'équilibre des institutions tel qu'il a été établi et voulu par le constituant ;

- conférer au Parlement un droit de regard sur les opérations extérieures conduirait à priver l'exécutif de la marge de man_uvre dont il a besoin pour mener à bien ces dernières ;

- vouloir élargir le contrôle du Parlement sur les opérations extérieures relève davantage d'un effet de mode se traduisant, entre autres, par la multiplication des révisions constitutionnelles que d'une nécessité institutionnelle avérée.

D'ores et déjà, on peut essayer d'y répondre par une argumentation des plus objectives.

Il est un constat indéniable : celui de la transformation des modes d'intervention de nos armées. Or, le constituant de 1958 a voulu marquer son attachement à ce que la représentation nationale soit consultée dès lors que nos forces sont engagées dans un conflit en approuvant un article traitant plus particulièrement de cette question (l'article 35 de la Constitution). Certes, on peut faire valoir que cet article se limite aux déclarations de guerre et qu'ainsi le constituant a borné les pouvoirs du Parlement en la matière. Mais on peut également argumenter le contraire, dans la mesure où l'on ne peut envisager sérieusement que le constituant ait, en connaissance de cause, inscrit dans le texte constitutionnel une disposition n'ayant aucune signification pratique puisque l'initiative de la guerre n'est plus annoncée au préalable par une déclaration spécifique et qu'elle est, en outre, proscrite par le droit international positif, excepté le cas de légitime défense.

Ainsi, on peut considérer à bon droit que le constituant a souhaité que le Parlement ait son mot à dire dès lors que les troupes françaises étaient engagées dans un conflit armé. S'en tenir à une vision dépassée de la guerre pour justifier une interprétation littérale du texte constitutionnel reviendrait à vouloir cantonner le plus possible le contrôle du Parlement en ce qui concerne la Défense nationale.

De surcroît, s'il n'est pas totalement infondé de soutenir que les procédures parlementaires sont parfois lentes, il serait hâtif d'en conclure qu'une consultation des assemblées heurterait la célérité qui justifie bien souvent l'engagement des opérations extérieures. L'organisation des débats par les règlements de l'Assemblée nationale et du Sénat se caractérise justement par une limitation du temps de parole. De plus, l'expérience montre qu'en dehors des opérations d'évacuation de ressortissants, les opérations extérieures nécessitent un temps relativement élevé de préparation. On peut d'ailleurs penser que le sens des responsabilités, qu'on ne peut dénier à la représentation nationale, saurait prévaloir en des circonstances « graves » par définition. Enfin, en quoi la confrontation des idées est-elle contraire à l'efficacité de la chaîne de décision ?

Dans la mesure où la représentation nationale exprime la souveraineté du peuple au même titre que le Président de la République et le Gouvernement, elle est fondée à connaître des interventions de nos armées, même hors de France. Il ne s'agit pas de contester les pouvoirs dévolus à l'exécutif, mais de rétablir le Parlement dans sa fonction. A la fois pouvoir et contre-pouvoir, les assemblées légitimeraient ainsi l'action engagée. Indiquons que les soldats qui servent la République sont attachés à ce que les parlementaires leur manifestent le soutien de la population avec laquelle ils sont en contact étroit. Consulter le Parlement n'est donc pas remettre en question la décision envisagée par l'exécutif, mais l'enrichir d'une vision plus large.

D'ailleurs une proportion importante de nos concitoyens adhère sans équivoque à ce constat et souhaite que le Parlement exerce un contrôle accru sur le déclenchement et le déroulement des opérations extérieures. C'est du moins ce qui ressort de l'enquête d'opinion réalisée par la SOFRES entre le 27 et le 30 décembre 1999, à la demande de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale, auprès d'un échantillon national de 1 000 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus. L'institut de sondage, dont la Commission a rendu publiques les conclusions9, relève que « pour les opérations militaires extérieures, la nécessité d'une intervention parlementaire apparaît comme quasi impérative : seuls 4 % des Français estiment qu'il ne serait pas nécessaire de consulter le Parlement pour engager une opération de la sorte ». Et la SOFRES d'ajouter que « la très grande majorité des Français estiment que le Parlement doit être informé, doit émettre un avis et même majoritairement doit autoriser l'engagement10 ». Cette aspiration de la population à un contrôle parlementaire plus poussé sur la décision d'engager des opérations extérieures est d'autant plus forte qu'aucun clivage politique partisan ne vient en relativiser la portée.

Voilà donc autant de raisons qui militent en faveur d'une association plus étroite du Parlement aux opérations extérieures. Elles procèdent toutes d'un même constat : notre démocratie y gagnerait en transparence.

II. -  L'INSTAURATION D'UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES COMPARABLE À CELUI DES AUTRES DÉMOCRATIES PASSE PAR UNE MODERNISATION DU DROIT ET DE LA PRATIQUE

L'effacement du Parlement dans la décision, l'évaluation et même les choix de financement des opérations extérieures, ne peut être admise plus longtemps, notamment au regard de l'importance que ces interventions prennent. Il est plus que temps que les assemblées exercent leurs prérogatives d'initiative ou de contrôle dans une matière où la Constitution de 1958 et surtout la pratique institutionnelle de la Vème République lui ont laissé jusqu'alors peu de place.

Constitué en 1997, un groupe de travail, dont votre rapporteur a été le coordinateur, a été chargé par la Commission de la Défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, de réfléchir sur les moyens d'améliorer le contrôle parlementaire des opérations extérieures. Un certain nombre de propositions ont été formulées dans son rapport d'étape, présenté le 25 mars 199811. Certaines ont été accueillies favorablement par le Gouvernement et mises en pratique à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999. D'autres méritent d'être approfondies, ce que le présent rapport d'information a vocation à faire en explorant plusieurs pistes de réformes, parfois inspirées de pratiques étrangères mais toujours adaptées au système institutionnel français.

A. LES AUTRES DÉMOCRATIES CONFÈRENT UN PLUS GRAND RÔLE À L'EXPRESSION DE LA REPRÉSENTATION NATIONALE SUR LES ENGAGEMENTS MILITAIRES EXTÉRIEURS

S'agissant des opérations extérieures, une première synthèse permet de dégager les éléments suivants :

- la décision d'engager les armées sur un théâtre extérieur est toujours le fait de l'exécutif ;

- dès qu'une opération apparaît un tant soit peu importante, soit par les forces qu'elle mobilise, soit par ses répercussions politiques, elle fait l'objet d'une association du Parlement (information, débat, vote...) ;

- pour l'essentiel des cas, l'opération ne peut être prolongée au-delà de quelques mois sans l'accord du Parlement. Cet accord est donné, après débat, par le vote d'une résolution ou d'une loi.

Pour préciser, pays par pays, il apparaît d'abord que le Parlement britannique n'est pas inactif en matière d'interventions extérieures. Le caractère coutumier du parlementarisme britannique rend difficile l'identification de mécanismes juridiques dont pourrait s'inspirer aujourd'hui le Parlement français12. Il offre pourtant, au même titre que les cas allemand, italien et américain, des exemples de procédures innovantes et très intéressantes.

Le cas le plus strict est sans doute le cas allemand : pour qu'une intervention extérieure militaire soit légalement décidée, il faut un vote du Bundestag. Néanmoins, cette situation doit beaucoup aux conditions d'élaboration de la loi fondamentale de 1949.

Les dispositifs américain et italien sont également très instructifs. Ils combinent, de façon plus souple qu'en Allemagne, la liberté d'action de l'exécutif, qui peut prendre la décision initiale en toute sérénité juridique, et le contrôle effectif du Parlement, qui en tout état de cause est saisi dans un délai déterminé de la totalité du dossier. Le cas de l'Italie, régime parlementaire, est sans doute, de ce fait, le plus intéressant à étudier.

1. Le contrôle parlementaire est fort en Allemagne

· D'après la Loi Fondamentale, les forces armées sont intégrées au pouvoir exécutif et placées sous le contrôle du pouvoir législatif. Elles dépendent du Ministre de la Défense et du Chancelier, eux-mêmes responsables devant le Parlement.

La compétence du pouvoir politique, c'est-à-dire du Gouvernement et du Parlement, est renforcée par l'article 87a de la Loi Fondamentale, selon lequel les effectifs et les traits essentiels de l'organisation des forces armées pour la défense doivent apparaître dans le budget.

Les forces armées et la politique de défense font l'objet d'un contrôle du Bundestag qui revêt plusieurs particularités s'agissant notamment du rôle de la Commission de la Défense et de celui du Commissaire à la Défense. Selon l'article 45a de la Loi Fondamentale, le Bundestag nomme une Commission de la Défense qui exerce ses fonctions, y compris dans l'intervalle de deux législatures. Le même article précise que « la Commission a également les droits d'une Commission d'enquête. Elle est tenue d'enquêter sur une affaire si un quart de ses membres le demandent ». Le Commissaire à la défense (Wehrbeauftragter des Deutschen Bundestages) est élu pour une durée de cinq ans renouvelable par le Bundestag « en vue de la sauvegarde des droits fondamentaux et pour aider le Bundestag dans l'exercice du contrôle parlementaire » (article 45b). Il est notamment chargé de veiller au respect du principe de « Innere Führung » (« maîtrise de la conduite militaire »), dont les règles constituent un système de direction et de contrôle applicable en permanence et qui peut être éventuellement complété par des consignes ou des dispositions propres à chaque opération menée sous une égide multilatérale (OTAN, ONU, UEO).

La Loi Fondamentale détermine aussi les missions de la Bundeswehr. En temps de paix, la Bundeswehr contribue au maintien de la paix et de la sécurité par son rôle dissuasif.

La Bundeswehr a une mission essentiellement défensive. L'article 87a de la Loi Fondamentale souligne au paragraphe premier que « la Fédération met sur pied des forces armées pour sa défense ». Le paragraphe 2 élargit cette mission en précisant qu'« hormis le cas de défense, les forces armées ne doivent être engagées que dans la mesure où la Loi Fondamentale l'autorise expressément ». L'article 26 interdit des actes « en vue de préparer une guerre d'agression ».

Il résulte des dispositions institutionnelles, combinées à celles des traités, que les interventions militaires des unités de la Bundeswehr sont fixées dans des plans de défense établis avec le commandement de l'OTAN, dans la mesure où il ne s'agit pas de tâches qui relèvent exclusivement de la responsabilité allemande.

· Peu après l'unification, les opérations militaires sont restées en pratique limitées, l'Allemagne apportant le plus souvent son soutien financier.

Au Cambodge, l'Allemagne n'a participé qu'à des opérations de soutien sanitaire aux populations, et, en Somalie, elle a participé à l'ONUSOM, dont l'objectif était humanitaire.

Des unités de la Bundeswehr se sont jointes aux opérations de désarmement conduites par l'ONU dans le Golfe persique (déminage consécutif à la guerre du Golfe) ou en Irak (soutien de la Commission spéciale des Nations Unies pour le désarmement de l'Irak).

Même en ex-Yougoslavie, la présence de l'Allemagne est restée discrète (pont aérien de Sarajevo et soutien financier des organisations d'aide humanitaire, surveillance de l'embargo).

Le débat sur les interventions extérieures (c'est-à-dire « hors zone » de l'OTAN) des forces armées allemandes a pourtant vraiment commencé dès la guerre du Golfe à l'occasion de laquelle l'OTAN et les Etats-Unis ont souhaité une implication plus active de l'Allemagne alors que celle-ci avait limité son intervention à une participation financière et à l'envoi d'avions en Turquie. La République fédérale allemande se voyait alors reprocher une diplomatie dite « du portefeuille » ou « du carnet de chèques ».

Dans sa décision du 12 juillet 1994, la Cour Constitutionnelle fédérale de Karlsruhe a fixé les conditions dans lesquelles des opérations extérieures hors zone OTAN peuvent être engagées.

Considérant que le consentement du Parlement allemand à l'adhésion des organisations internationales de sécurité telles que l'ONU, l'OTAN ou l'UEO, s'étend aux obligations inhérentes à la qualité de membre et à l'intégration de forces armées allemandes dans des formations de ces systèmes ou à la participation à des missions ordonnées par eux si la Charte de l'ONU ou le Traité de l'organisation le prévoient, la Cour Constitutionnelle a qualifié la Bundeswehr d'« armée du Parlement » et subordonné expressément à l'approbation de ce dernier la participation militaire de troupes allemandes à des missions de paix, dans le cadre d'organisations internationales.

L'approbation préalable par le Bundestag d'une intervention armée s'est ainsi trouvée érigée en principe constitutionnel. Concrètement, elle consiste à autoriser ou rejeter à la majorité simple une mission en cours ou imminente décidée par le Gouvernement.

C'est sur cette base que le Bundestag a été amené à autoriser l'envoi de 600 membres d'unités sanitaires en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, et surtout l'envoi, fin septembre 1996, de 3 000 soldats allemands en Bosnie, ainsi que, en juin 1999, celui de quelque 7 000 soldats au Kosovo13.

2. L'Italie a privilégié un système porteur d'enseignements

· Il n'existe pas en Italie de texte réglementant de façon générale les missions à l'extérieur de contingents militaires nationaux. Aussi ces interventions font l'objet de dispositifs propres à chacune d'entre elles. A titre d'exemple, on peut citer le décret-loi du 27 septembre 1982 (n° 686), converti en loi du 8 novembre 1982 (n° 820), sur la participation à la force multinationale de paix au Liban ou encore, de façon plus récente, le décret-loi du 24 avril 1997 (n° 108), converti en loi du 20 juin 1997 (n° 174), sur la participation de l'Italie aux initiatives internationales en Albanie.

· A l'exception de la déclaration de l'état de guerre qui fait l'objet d'une autorisation législative spécifique en application de l'article 78 de la Constitution du 27 décembre 194714, les interventions extérieures des forces armées ne donnent pas lieu à des autorisations législatives prévues par la Constitution ou les règlements des Chambres. Néanmoins, on observera que le Gouvernement a toujours sollicité du Parlement son accord préalable. C'est ainsi que les assemblées ont donné leur accord aux interventions de contingents italiens en Bosnie-Herzégovine (15 décembre 1995), en Albanie (8-9 avril 1997) et au Kosovo (26 mars et 13 avril 1999).

· Le financement de ces interventions extérieures, qui est réglementé par la loi du 28 décembre 1995 portant mesures de rationalisation des finances publiques, illustre la portée du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures :

- l'article premier de cette loi (paragraphe 63) prévoit qu'à l'occasion d'interventions militaires extérieures - même à caractère humanitaire -, dont la réalisation résulte de l'application d'accords internationaux et a été autorisée par le Parlement, il est possible d'avoir recours au Fonds de réserve pour les dépenses imprévues. Ce fonds, rattaché au budget du ministère du Trésor peut être utilisé sur proposition du Ministre du Trésor après délibération du Conseil des Ministres, un décret-loi du Président de la République permettant de mettre à disposition ces sommes dans les chapitres des budgets des ministères compétents.

On relèvera que l'article 77 de la Constitution italienne prévoit l'abrogation ab initio des décrets-lois en question « s'ils ne sont pas convertis en loi dans les 60 jours qui suivent leur publication ». Par cette voie, le Parlement italien se trouve ainsi disposer d'un pouvoir de contrôle sur les conditions d'envoi des forces armées à l'extérieur lors de l'examen du projet de loi de conversion des décrets-lois ;

- ce même article premier de la loi du 28 décembre 1995 (paragraphe 64) prévoit que chaque intervention militaire extérieure fait l'objet d'un compte rendu de l'ensemble des dépenses effectuées, joint au budget du ministère des Affaires étrangères.

· S'agissant du contrôle du déroulement de la mission effectuée par les forces armées italiennes, on notera que la conversion en loi du décret-loi sur le financement de ces interventions peut constituer une occasion de suivre le déroulement de celles-ci. Ce fut notamment le cas lors de la discussion au Sénat de la République du projet de loi devant permettre la participation de l'Italie aux initiatives internationales en faveur de l'Albanie et, plus récemment, du Kosovo : au cours de celles-ci, les interventions des parlementaires ont de facto porté tant sur le financement de la mission que sur les conditions plus générales de son déroulement. On relèvera par ailleurs la possibilité, pour les Commissions parlementaires compétentes, de procéder à des auditions de membres du Gouvernement pour connaître du déroulement de l'intervention des forces armées italiennes.

Enfin, il convient de prendre acte que, pour être prolongées, les opérations militaires extérieures impliquant les armées italiennes qui recouvrent une durée limitée, doivent faire l'objet d'une nouvelle autorisation du Parlement ou, tout au moins, de l'adoption d'une nouvelle loi pour la conversion du décret-loi prévoyant la poursuite de son financement.

De fait, l'initiative du pouvoir exécutif n'est jamais empêchée, mais le Parlement est toujours consulté et associé, même a posteriori, à la décision d'envoyer des troupes hors du territoire. En cela, le système italien n'est pas dénué d'intérêt.

3. Le droit de regard du Congrès est significatif aux Etats-Unis

· Aux termes de l'article premier de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique, «le Congrès a le pouvoir de déclarer la guerre... » et « ...de lever et d'entretenir des armées, sous la réserve de ne pas voter des crédits à cet effet pour une durée supérieure à deux ans ».

Pour sa part, « le Président est le commandant en chef des forces de terre et de mer des Etats-Unis, ainsi que des différentes milices des différents Etats lorsqu'elles seront requises pour le service des Etats-Unis... » (article 2).

A la lecture de la Constitution de 1787, la prééminence du pouvoir législatif paraît évidente. Cependant, particulièrement depuis la deuxième guerre mondiale, le Président a largement accru son pouvoir au détriment du Congrès.

· S'agissant des accords de défense, d'assistance et de coopération militaire, il convient de distinguer le régime juridique des traités de celui des executive agreement.

L'article 2, section 2, de la Constitution, précise que le Président des Etats-Unis « a le pouvoir de conclure des traités, à condition de requérir l'avis du Sénat et d'obtenir l'accord de ce dernier à la majorité des deux-tiers des membres présents... ». Pour le Président, obtenir une telle majorité au Sénat constitue souvent une épreuve délicate. C'est pourquoi, l'executive agreement a souvent la préférence du chef de l'exécutif.

Le pouvoir exécutif utilise l'« accord en forme simplifiée » depuis 1792. Un tel accord nécessite uniquement la signature du Chef de l'Etat ou de ses représentants. Il a force de loi et figure au même niveau que le traité dans la hiérarchie des normes. Mais, au cours des années soixante, de nombreux accords secrets n'ont pas été portés à la connaissance du Congrès. C'est pourquoi, depuis l'adoption du Case Act de 1972, le Président est tenu d'informer le Congrès au cours des 60 jours suivant la signature de tout accord.

· Le Congrès exerce également un contrôle budgétaire important du financement des opérations militaires extérieures. La procédure budgétaire classique se déroule au cours d'une année entière (du 1er octobre au 30 septembre). Elle est définie par l'article premier, section 9, de la Constitution, la loi américaine et par le Congressional Budget and Impoundment control Act de 1974.

Les dépenses qui figurent au budget représentent les sommes réellement dépensées en cours d'année. En général, en octobre, le Bureau de la gestion et du budget (OMB), organisme qui dépend de l'exécutif, et le Bureau budgétaire du Congrès (CBO) soumettent un ultime rapport conjoint au Congrès. Le Congrès est alors en mesure de voter le budget et le Président prend le décret final d'annulation des crédits (Final sequester order).

· Enfin, en ce qui concerne l'envoi des forces militaires à l'étranger, la Constitution dispose que le pouvoir de déclarer la guerre appartient au Congrès. Ainsi, le Congrès a officiellement autorisé l'entrée en guerre des Etats-Unis en avril 1917 et en décembre 1941.

Cependant, l'influence des Etats-Unis sur la scène internationale a considérablement évolué et depuis la guerre froide, les interventions militaires américaines à l'étranger sont, de fait, de la responsabilité du Président.

Après le rejet de la guerre du Vietnam par l'opinion publique américaine, le Congrès a souhaité retrouver une partie du pouvoir abandonné au Président, et en dépit du veto du Président Nixon, le Congrès a voté en 1973 le War powers Act.

Ce texte précise qu'en cas d'intervention militaire à l'étranger, le Président doit :

- prendre toute mesure pour consulter le Congrès avant d'engager des troupes américaines dans des hostilités ;

- en l'absence d'une déclaration de guerre, rendre compte aux deux Chambres, sous 48 heures, de l'objectif recherché par ce déploiement, de son ampleur et de sa durée estimée ;

- mettre un terme à ce déploiement sous 60 jours (éventuellement 90 jours) à moins que le Congrès n'ait explicitement autorisé l'emploi de la force ou que les troupes soient de fait soumises à une attaque.

En 1990, lors de la crise puis de la guerre du golfe arabo-persique, le Président Bush a respecté la loi de 1973 en informant le Congrès, puis en obtenant le vote d'une « concurrent resolution » des deux Chambres l'autorisant à utiliser la force contre l'Irak.

Actuellement toutefois, la validité du War powers act reste contestée, ce qu'a illustré l'intervention américaine au Kosovo. En l'espèce, le Président Clinton a circonscrit l'application de cette législation à la seule hypothèse de l'envoi de troupes au sol, ce que le Congrès a essayé de contester sans néanmoins y parvenir. Il n'en reste pas moins que la Chambre des Représentants et le Sénat disposent de pouvoirs considérables en matière d'interventions extérieures, ne serait-ce qu'en raison de leurs attributions budgétaires importantes et de la fonction d'avis et d'accord (advice and consent) qui est reconnue au Sénat pour toute question liée à la politique extérieure.

Il apparaît donc que le Président des Etats-Unis détient le pouvoir d'engager les armées américaines à l'étranger sous l'étroit contrôle du Congrès.

4. Les mécanismes coutumiers respectueux du parlementarisme en Grande-Bretagne y valorisent le contrôle de la Chambre des Communes

· Il n'y a pas en Grande-Bretagne d'obligation pour le Gouvernement de demander l'autorisation du Parlement pour engager la ratification des accords internationaux et des traités. La conclusion des traités, quels que soient leur nature et leur objet, constitue un privilège exclusif de l'exécutif britannique. Cependant, selon une pratique connue sous le nom de « Ponsoby rule » et instaurée sur la base d'un engagement écrit du Gouvernement en date du 1er janvier 1924, tout traité ou accord doit être transmis au moins 21 jours avant sa ratification au Parlement, lequel peut décider d'en débattre en séance publique et de voter sur l'autorisation de ratification.

Cette procédure a permis que les traités les plus importants en matière de défense soient débattus par les Chambres. Il faut toutefois noter que les coopérations militaires entre la Grande-Bretagne et les pays tiers se font, le plus souvent, sous la forme d'échanges de notes ou d'accords en forme simplifiée (Memorandum of understanding) qui ne sont pas soumis à ratification. Le Parlement n'est donc pas officiellement saisi de ces textes. En cela, la situation britannique diffère peu du cas français.

· Il n'existe pas de textes prévoyant l'obligation pour l'exécutif de requérir l'autorisation du Parlement pour l'envoi de forces militaires à l'étranger. Le principe est que la décision de déployer des troupes sur un théâtre extérieur relève, quel que soit l'effectif ou la durée de l'opération, de la seule responsabilité de l'exécutif.

L'usage s'est cependant instauré d'une information officielle du Parlement par le biais d'une déclaration du Gouvernement présentant les objectifs et les modalités de l'intervention extérieure. Cette information n'est pas obligatoirement préalable à la décision d'intervenir : les forces peuvent fort bien avoir commencé à se déployer sur le terrain au moment de l'intervention du Gouvernement devant le Parlement. La déclaration est faite par le Ministre des Affaires étrangères, le Secrétaire d'Etat à la Défense, ou, comme dans le cas de la guerre du Golfe, par le Premier ministre. Elle est le plus souvent suivie d'un débat qui permet aux groupes politiques de s'exprimer et de préciser le mandat dans lequel le Parlement autorise le Gouvernement à engager les armées du pays (participation à la FORPRONU en 1992, déploiement au Koweït en 1994, engagement aux côtés des Alliés dans l'opération « Force alliée » en 1999).

Cette déclaration du Gouvernement peut donner lieu à un vote de la Chambre des Communes. C'est ainsi que la déclaration de Mme Thatcher sur la participation de forces britanniques à la coalition contre l'Irak a été approuvée le 7 septembre 1990.

Dans l'hypothèse où le Gouvernement serait réticent à venir s'expliquer devant la Chambre, il est possible à un parlementaire, avec l'accord du Speaker, de provoquer un débat d'urgence en posant une question orale à laquelle le Gouvernement est obligé de répondre (Private notice question).

· Le Gouvernement dispose de réserves pour dépenses imprévues (contingency reserves) qui figurent dans le budget annuel voté par le Parlement et qui lui permettent, notamment, de financer les surcoûts liés aux opérations extérieures. Si ces coûts dépassent le montant des réserves, le Gouvernement doit demander des crédits supplémentaires qui sont individualisés dans un des trois projets de loi de finances rectificatifs (supplementary estimates) habituellement examinés tous les ans. Si la durée de l'opération extérieure déborde sur l'exercice budgétaire suivant, le projet de budget individualisera les crédits destinés à couvrir les coûts de l'opération. Il faut toutefois noter que la Chambre des Communes se prononce par un seul vote sur l'ensemble du projet de budget de la défense.

Un contrôle a posteriori plus étroit est exercé sur les dépenses publiques par la Commission permanente des comptes publics (Public Accounts Committee) qui bénéficie du concours du Bureau national de contrôle des comptes (National Audit Office ou NAO) qui est un organe indépendant d'évaluation rattaché au Parlement. Le NAO élabore des rapports qui sont remis au Parlement et qui sont utilisés par la Commission des comptes publics pour faire des recommandations au Gouvernement.

· Le contrôle du Parlement sur le déroulement des opérations extérieures s'effectue selon des procédures traditionnelles qui relèvent du contrôle classique de l'action gouvernementale : questions écrites, questions orales, déclarations du Gouvernement suivies de débats, débats généraux sur les questions de défense. Il n'a pas, cependant, le pouvoir formel de décider l'arrêt d'une opération extérieure.

5. L'Espagne, se trouvant dans une situation plus proche de celle de la France, autorise néanmoins un contrôle parlementaire plus développé

· Selon le premier paragraphe de l'article 94 de la Constitution espagnole :

« L'Etat ne peut manifester son consentement à s'engager par des traités ou par des accords sans l'autorisation préalable des Cortès Générales dans les cas suivants :

- a) Traités à caractère politique ;

- b) Traités ou accords à caractère militaire. ... »

En application de la règle fondamentale de droit selon laquelle où la loi ne fait pas de distinction, nul n'est autorisé à en faire (ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus), il est évident que tout accord, traité ou convention internationale dans le domaine militaire (et à plus forte raison, tout accord prévoyant ou comportant l'envoi de troupes à l'étranger) nécessite l'assentiment explicite des deux Chambres.

S'ajoute à cela le contrôle parlementaire de la procédure commune, des questions et des interpellations en séance plénière, sans compter évidemment les déclarations et débats qui se tiennent à l'initiative du Gouvernement lui-même, ainsi que les questions en Commission et les auditions (comparecencias) du Ministre des Affaires extérieures devant la Commission de ce même nom ou, plus rarement, du Ministre de la Défense devant la Commission homonyme.

· L'envoi de troupes à l'étranger, s'il se fait dans le cadre d'un accord ou d'un traité international déjà signé par le Gouvernement et autorisé par les Chambres, ne nécessite pas d'autorisation spécifique de celles-ci. Certes, le Parlement est tenu informé avec régularité par le Gouvernement, mais dans le cadre strict du contrôle politique de l'exécutif par le législatif dans un régime parlementaire.

La question pourrait, en revanche, se poser dans l'hypothèse d'une intervention extérieure non prévue dans un traité ou un accord international dûment autorisé par les Chambres et non justifiée pour des raisons urgentes de prévention d'une agression extérieure grave et imminente.

Une fois l'opération lancée, le Parlement exerce, non seulement en droit, mais aussi en fait, un contrôle fréquent, voire régulier, sur les conditions de son déroulement, au sein, d'une part, de la Commission des Affaires extérieures (et, dans une moindre mesure, de celle de la Défense), et, d'autre part, de la séance plénière. Il ne semble pas, en revanche, que le Parlement puisse décider de l'arrêt d'une opération en cours.

· Les dépenses entraînées par des missions de ce genre sont spécifiquement incluses dans la section 14 des dépenses consacrées au ministère de la Défense, c'est-à-dire une rubrique spécifique identifiant les « dépenses d'entretien des forces armées participant à des missions de l'ONU », ou sous une autre rubrique de la même section s'il s'agit d'autres missions. De fait, le cadre budgétaire espagnol permet une meilleure identification des crédits nécessaires aux opérations extérieures dès le vote de la loi de finances initiale.

Au cas où les crédits initialement prévus s'avéreraient insuffisants, la procédure à suivre, pour couvrir les dépenses effectives, est la même que pour n'importe quel autre type de dépense, à savoir un projet de loi de « suppléments de crédits » s'il s'agit de crédits déjà prévus au budget, mais insuffisants, ou de « crédits extraordinaires » s'il s'agit de dépenses non prévues au budget.

B. L'AMÉLIORATION DE LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE DOIT PROLONGER LES ÉVOLUTIONS AMORCÉES DANS LA PRATIQUE

Des progrès ont été constatés, dans la pratique, à l'occasion de l'examen du collectif budgétaire de 1999.

En effet, votre rapporteur, chargé d'émettre un avis au nom de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur le projet de loi en question, a été en mesure de dresser un état des lieux des engagements extérieurs des armées françaises pour l'année écoulée. De surcroît, le Ministre de la Défense a assisté à la séance publique consacrée à la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999 après avoir été entendu par la Commission de la Défense nationale et des forces armées et a pu ainsi répondre à votre rapporteur.

Néanmoins, la procédure et la nomenclature budgétaires restent perfectibles.

1. L'amélioration des procédures actuelles est possible

Les budgets annuels du ministère de la Défense couvrent en principe les dépenses dues à la présence et à l'activité des forces qui sont prépositionnées en permanence15 en dehors du territoire métropolitain (Départements et Territoires d'outre-mer ou pays étrangers auxquels la France est liée par des accords de défense).

Ces budgets, en revanche, ne prévoient pas normalement de crédits spécifiques pour couvrir les dépenses supplémentaires entraînées par l'engagement occasionnel de nos forces dans les opérations extérieures de plus ou moins longue durée.

L'imprévisibilité des opérations extérieures induit donc une gestion budgétaire au cas par cas et après coup. Le ministère de la Défense est ainsi conduit à évaluer un surcoût de l'ensemble des opérations extérieures par rapport aux coûts des activités initialement budgétisées. Ce surcoût doit être couvert par des crédits inscrits en loi de finances rectificative.

Les surcoûts sont évalués par chaque Etat-major ou chaque service par référence à l'activité normale des forces et en application de différents textes dont l'instruction ministérielle du 25 mai 1984 déjà mentionnée et le décret n° 97-901 du 1er octobre 1997 sur les rémunérations du personnel dans les opérations extérieures.

La notion de surcoût est difficile à établir pour certaines catégories de dépenses. Cela est particulièrement le cas pour les dépenses de fonctionnement des unités et a fortiori pour les dépenses liées à l'équipement. Les discussions entre le ministère de la Défense et celui du Budget sont d'ailleurs moins difficiles pour les rémunérations et charges sociales dont l'existence ne peut être contestée car elle est facilement vérifiable. A cet égard, il faut relever que depuis que les opérations extérieures ont pris une grande importance, les chapitres consacrés aux rémunérations et charges sociales sont correctement abondés dans les collectifs de fin d'année.

S'agissant des dépenses d'équipement, un débat existe à la fois sur le fond et sur la nature de ces dépenses. En effet, le budget du ministère de la Défense permet la mise en condition opérationnelle des armées dès le temps de paix mais ne prévoit pas leur fonctionnement opérationnel, et encore moins le coût des matériels détruits dont l'estimation peut être faite soit au coût de leur remplacement par un matériel identique ou similaire, si cela reste possible, soit à leur valeur d'inventaire.

En définitive, trois difficultés apparaissent (plus particulièrement) dans la gestion de ces surcoûts :

_ Le ministère de la Défense doit financer les opérations extérieures sur des crédits dévolus au fonctionnement courant. La couverture a posteriori des dépenses réalisées pour les opérations extérieures (par décret d'avance ou loi de finances rectificative), suscite de fortes tensions sur certains chapitres et conduit à assurer la trésorerie par fonds d'avance.

_ Les procédures comptables applicables aux dépenses à l'étranger sont souvent inadaptées pour les opérations extérieures inopinées.

_ La couverture des surcoûts est souvent partielle et de surcroît gagée par des annulations de crédits au titre V.

De ce fait, une meilleure lisibilité du financement des opérations extérieures s'impose, le Parlement devant être à même de se prononcer sur leur financement en toute conscience de l'incidence que ce dernier peut avoir sur les autres dépenses concernant la Défense nationale.

2. L'examen du collectif budgétaire donne désormais l'occasion d'identifier plus exactement les opérations extérieures ainsi que les dépenses y afférant

Dans ses recommandations formulées à la Commission de la Défense nationale et des Forces armées, le groupe de travail sur l'amélioration du contrôle parlementaire des opérations extérieures avait préconisé entre autres :

- une audition, chaque automne, du Ministre de la Défense (éventuellement accompagné du Chef d'Etat-major des Armées) consacrée exclusivement aux opérations extérieures en cours ;

- la création d'un « jaune » budgétaire récapitulant les crédits consacrés aux opérations extérieures et les moyens mis en _uvre auxquels ils correspondent ;

- la présence du Ministre de la Défense au banc du Gouvernement lors du débat sur le collectif budgétaire.

Par de telles dispositions, il s'agissait de remédier à la dilution de l'objet spécifique que constitue le financement des opérations extérieures dans la procédure d'examen de la loi de finances rectificative.

Votre rapporteur se réjouit de constater que le groupe de travail a partiellement été entendu sur ces différents points, puisqu'à l'occasion du débat sur la loi de finances rectificative pour 1999, le Ministre de la Défense a effectué une présentation complète des différentes interventions de nos armées hors du territoire national devant la Commission de la Défense nationale et des Forces armées. Par ailleurs, après que le Président de la Commission eut renouvelé le souhait du groupe de travail de voir le Ministre de la Défense participer au débat, celui-ci était présent à la séance publique du 8 décembre 1999.

Parallèlement, une amélioration du contrôle parlementaire des opérations extérieures a été recherchée dans le cadre de l'avis de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur le collectif budgétaire qui s'est efforcé de présenter de manière détaillée et exhaustive les différents engagements de nos forces hors du territoire national. Complétant utilement l'analyse de l'avis de cette même Commission sur le budget du Ministère des Affaires étrangères et de la coopération, ce rapport vise à combler une lacune importante dans l'information de la représentation nationale lorsque cette dernière est amenée à se prononcer sur des crédits engagés par décrets d'avance pour financer les opérations extérieures.

Ces innovations gagneraient cependant à être complétées par un document budgétaire détaillant les dépenses, opérations par opérations, les montants relatifs à chaque intervention étant présentés par chapitre et par article alors que les moyens physiques (en hommes et matériels) auxquels ils correspondent seraient indiqués de façon précise. Ce nouveau « jaune » budgétaire devrait comporter un récapitulatif du déroulement de chaque opération sur l'année écoulée en mentionnant notamment les surcoûts en rémunérations et charges sociales ainsi que ceux concernant les munitions et consommations en matériels. Pour créer un tel document, une intervention du législateur serait nécessaire.

Si l'examen de la loi de finances rectificative a progressé dans le sens de plus de contrôle parlementaire sur les opérations extérieures, il peut donc être encore amélioré.

3. Une individualisation du financement des opérations extérieures en loi de finances initiale est-elle envisageable ?

Le financement des opérations extérieures par redéploiement des crédits disponibles du ministère de la Défense est dû pour une large part à leur imprévisibilité.

Or, notre pays participe à certaines interventions hors du territoire national depuis plusieurs années. Aussi, est-il vraiment impossible de prévoir la reconduction de ces dernières d'une année sur l'autre ?

On peut en douter. Par conséquent, pourquoi ne pas imaginer que les dépenses les plus facilement identifiables16 des opérations extérieures à la fois durables et importantes fassent l'objet d'une inscription prévisionnelle en loi de finances initiale ? Autrement dit, il ne semble pas incohérent de proposer la création d'un chapitre spécifique aux opérations extérieures au sein du titre III du budget du ministère de la Défense, les opérations significatives (telles les participations à la SFOR, à la KFOR, à la FINUL par exemple) faisant l'objet d'une ligne budgétaire particulière et les opérations plus secondaires étant budgétées à travers une provision globale (donc une ligne budgétaire unique). De la sorte, le contrôle du Parlement serait plus efficace et la transparence budgétaire de ces interventions s'en trouverait approfondie.

Le même raisonnement ne peut s'appliquer au titre V du budget du ministère de la Défense, les dépenses d'équipement, d'infrastructures et de munitions des forces engagées en opérations extérieures se révélant être plus difficilement dissociables des dépenses courantes pour les raisons que l'on a évoquées plus haut.

La modification de la nomenclature budgétaire du ministère de la Défense, telle que votre rapporteur la propose, ne nécessite pas une réécriture du droit budgétaire. Tout au plus implique-t-elle un arrangement entre la Direction générale du Budget du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et le ministère de la Défense.

De surcroît, la gestion financière des opérations extérieures dans lesquelles la France est engagée garderait suffisamment de souplesse pour donner lieu à des ajustements en loi de finances rectificative. En effet, même s'il est nécessaire d'en circonscrire autant que possible le champ d'application, il convient de conserver la pratique actuelle des décrets d'avance et des redéploiements de crédits afin de permettre au ministère de la Défense de faire face à tout engagement extérieur non prévisible. En ce cas, l'examen de la loi de finances rectificative permet au Parlement d'exercer un contrôle a posteriori qui n'a rien de contestable.

Il ne s'agit donc pas de tout détailler en loi de finances initiale. La nature même des opérations extérieures ne s'y prête guère. Néanmoins, il apparaît de moins en moins justifiable de cantonner les assemblées à un contrôle budgétaire exercé exclusivement après coup. Dans la mesure où la participation française à certains engagements hors du territoire national est prévisible et peut être évaluée à l'avance, le Parlement doit pouvoir en apprécier les implications financières pour l'Etat dès le vote du budget.

C. DES MODIFICATIONS D'ORDRE CONSTITUTIONNEL OU LÉGISLATIF APPARAISSENT INDISPENSABLES POUR ASSOCIER LE PARLEMENT FRANÇAIS DE MANIÈRE EFFECTIVE AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Moderniser les usages ne suffit pas à rétablir le Parlement dans la plénitude de sa vocation de contrôle des opérations extérieures de nos armées. Des obstacles d'ordre juridique s'y opposent.

Une adaptation de notre droit, dans ses volets parlementaire, budgétaire, et même constitutionnel semble nécessaire.

1. La meilleure association du Parlement à la conclusion des accords de défense et de coopération militaire soulève des problèmes de droit

Certains accords de défense sont soumis au régime juridique du secret. Les traités ou accords de coopération militaire comportent, quant à eux, des dispositions parfois sensibles, ce qui pousse le pouvoir exécutif à ne pas en divulguer le contenu. Par conséquent, les parlementaires, pour en connaître, doivent y être habilités. Autrement dit, des modifications juridiques semblent inévitables pour associer plus étroitement le Parlement ou quelques-uns de ses membres à la conclusion des accords de défense et de coopération militaire.

Deux voies de réformes sont envisageables. L'une porte sur le champ des traités devant être ratifiés par le Parlement et concerne la rédaction de l'article 53 de la Constitution de 1958. L'autre s'appuie sur une communication du contenu desdits accords (clauses secrètes incluses) soit à l'ensemble des membres des Commissions en charge des Affaires étrangères et de la Défense nationale au sein de chaque assemblée, soit à un groupe restreint de parlementaires assurant le suivi des opérations extérieures, soit à certains députés en leur qualité de personnalité qualifiée. La seconde hypothèse présente, aux yeux de votre rapporteur, les avantages de la simplicité et de l'efficacité.

a) L'hypothèse d'une révision de l'article 53 de la Constitution : une fausse solution

· L'article 53 de la Constitution dispose : « Les traités de paix, de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent session, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi ».

Ainsi, aux termes de cet article, doivent être soumis au Parlement, non pas tous les traités d'alliance, mais seulement les traités de paix. De ce fait, les accords de défense et de coopération militaire échappent à la compétence du Parlement.

La définition des traités qui engagent les finances de l'Etat est quant à elle très stricte : pour qu'il y ait soumission obligatoire au Parlement, il faut que la dépense soit certaine, ce qui n'est pas le cas de celle entraînée par un accord de défense. De plus, le Conseil constitutionnel considère que la validation, même a posteriori (dans le cadre d'une loi de finances rectificative), d'une dépense découlant d'un accord, vaut approbation de celui-ci (décision n° 75-60 DC du 30 décembre 1975).

Le résultat de ces dispositions combinées est qu'un accord prévoyant que « la France portera assistance à l'Etat X en cas d'agression » n'a pas à être publié. Si le risque se réalise, l'exécutif pourra engager les dépenses nécessaires par décret d'avance sans que l'objet effectif de celles-ci apparaisse. Le vote de ces dépenses en loi de finances rectificative vaudra approbation parlementaire de l'accord... même si le contenu de celui-ci n'est pas connu par les parlementaires !

· L'idée d'une révision de l'article 53 de la Constitution n'est pas pour autant une solution dans la mesure où, outre la complexité de la procédure à suivre, l'approbation ou la ratification de tout accord de défense ou de coopération militaire par le Parlement conduiraient à l'engorgement d'un ordre du jour déjà très chargé. Au demeurant, l'objet et le contenu de certains de ces accords ne justifient pas nécessairement un vote de la représentation nationale. Une simple mise à la disposition de cette dernière serait déjà de nature à améliorer son information de manière très sensible.

Il semble donc préférable que le Parlement soit informé sur l'existence et le contenu de ces engagements internationaux par d'autres procédures.

b) Les accords de défense et de coopération militaire de la France doivent être transmis au Parlement

· Le Parlement n'est pas systématiquement informé au sujet des accords de coopération militaire conclus par la France. Or de tels documents ne contiennent, le plus souvent, aucune disposition qui justifie la mise à l'écart de la représentation nationale. Certains ne sont pas communiqués aux assemblées seulement en raison de leur importance toute relative et des dispositions du décret du 14 mars 1953 relatif à la publication des traités et accords internationaux dont il a déjà été fait mention précédemment.

On ne peut se satisfaire de cette situation. Votre rapporteur souhaite que tous les accords de coopération militaire qui ne présentent aucun caractère secret soient transmis pour information aux assemblées par l'intermédiaire des commissions concernées. De la sorte, celles-ci seraient à même d'apprécier la nature des engagements de nos forces dans des régions parfois troublées. Point ne serait besoin de mener des missions d'information sur certains événements a posteriori.

· En ce qui concerne les accords pour lesquels le Gouvernement pourrait invoquer de manière justifiée le secret de la défense nationale, essentiellement les accords de défense qui n'ont pas été soumis aux assemblées, l'information du Parlement doit revêtir une forme plus élaborée. Sur ce point, le groupe de travail sur l'amélioration du contrôle parlementaire des opérations extérieures a envisagé plusieurs dispositifs.

Eu égard aux conditions particulières de diffusion de ces accords, le minimum indispensable paraît être une présentation synthétique, éventuellement par écrit, de leur contenu aux membres des Commissions compétentes pour les sujets ayant trait à la défense et aux relations extérieures de notre pays. Ainsi celles-ci seraient informées au moins de l'existence d'un accord et de ses grandes lignes par le Gouvernement plutôt que par la presse.

A contrario, instaurer par voie législative l'obligation pour le Gouvernement de publier tous les accords d'alliance et de défense qu'il conclut comporte certains risques.

Cette mesure, infléchissant le caractère restrictif de l'article 3 du décret n° 53-192 cité plus haut, n'a pas recueilli l'adhésion de la plupart des interlocuteurs de votre rapporteur.

En effet, il semble que la France n'accorde pas toujours les mêmes garanties ni les mêmes avantages à ses partenaires, alors qu'ils seraient dans des situations identiques. La crainte a donc été formulée que la publication des accords soit d'abord la révélation aux uns des avantages consentis aux autres, et donc une source de surenchère et de gêne pour l'action diplomatique de notre pays.

Par conséquent, c'est vers une information plus restreinte dans sa diffusion qu'il faut se tourner.

Cette dernière pourrait concerner les Présidents des trois Commissions compétentes au sein des deux assemblées, ainsi que les rapporteurs pour avis sur le budget du ministère des Affaires étrangères ainsi que sur le projet de loi de finances rectificative à la disposition desquels seraient mis les accords en question.

Néanmoins, votre rapporteur préfère la solution qui consiste à créer des délégations parlementaires restreintes qui seraient composées, à l'Assemblée nationale, à parité de parlementaires des Commissions des Affaires étrangères et de la Défense, et au Sénat, des seuls membres de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées. Spécialisées dans le suivi des opérations extérieures, nous avons déjà vu qu'elles pourraient servir de lien utile entre la représentation nationale et les forces déployées sur des théâtres extérieurs. On sortirait ainsi du domaine du secret pour entrer dans celui de la discrétion, même s'il est évident que les parlementaires en question, habilités es qualités au secret défense selon une formule utilisée par notre collègue Arthur Paecht dans son rapport sur la proposition de loi tendant à la création d'une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement17, devraient respecter une obligation de confidentialité sous peine des sanctions pénales en vigueur ou, dans les cas couverts par l'immunité parlementaire, d'un blâme ou d'une exclusion prononcés par un comité d'éthique qu'il conviendrait de créer.

Votre rapporteur n'ignore pas les réserves qu'un tel dispositif peut faire naître. La crainte de « fuites » ne doit pas pour autant occulter le constat que la diffusion d'informations sensibles est rarement le fait des parlementaires qui en disposent. Pour exemple, les révélations parues dans la presse sur le rôle des services de renseignement français au Kosovo peu après la publication du rapport de la mission d'information sur le conflit créée par la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale, alors que le rapporteur avait observé une certaine réserve sur le sujet, montrent que les indiscrétions proviennent le plus souvent des propres services du ministère de la Défense.

Ces délégations parlementaires pour les opérations extérieures seraient saisies pour information de tous les accords de défense conclus par la France. Par ailleurs, elles seraient amenées à émettre un avis sur la conformité des éventuels engagements militaires de notre pays en application de ces accords.

Il est possible d'envisager dans un souci de rationalisation que ces délégations pourraient se confondre avec celles chargées du suivi des questions de renseignement.

Dans l'attente de l'adoption de la loi nécessaire à leur création, une solution intérimaire consisterait à constituer, au sein de chaque assemblée, un groupe de suivi associant des parlementaires des Commissions compétentes.

Outre son caractère immédiat, la pérennisation de ces groupes de travail ne nécessitant pas de bouleversement juridique d'ampleur, ce dispositif présenterait l'avantage d'établir dès à présent, et à titre transitoire, une veille parlementaire sur les engagements de défense de la France, les membres des groupes de travail étant habilités à s'exprimer dès lors que l'application desdits accords aurait des incidences militaires directes. Ce système permettrait ainsi au Parlement d'exprimer sa volonté d'obtenir la communication des accords de défense en cause tout en rodant le fonctionnement des futures délégations parlementaires qu'il préfigurerait et en faveur desquelles votre rapporteur s'est prononcé.

2. La rédaction de l'article 35 de la Constitution doit être adaptée au nouveau contexte de l'usage des forces armées

Sur la décision même d'engagement des forces en opérations extérieures, l'obstacle principal à une association plus importante du Parlement est d'ordre constitutionnel. En effet, si l'article 35 de la Constitution dispose que « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement », il ne prévoit pas pour autant la consultation préalable des assemblées à tout déploiement de forces en opérations extérieures. De surcroît, du fait de l'interprétation restrictive de la notion de déclaration de guerre, le contrôle parlementaire est inopérant alors même que les troupes sont engagées dans une situation de combat caractérisée sur un territoire extérieur, comme l'a montré la participation française à l'intervention de l'OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie du 23 mars au 10 juin 1999.

Une révision constitutionnelle apparaît donc souhaitable afin de rétablir la portée de l'article 35 en adaptant sa rédaction au nouveau contexte d'intervention des forces.

a) Une disposition anachronique

La subordination de l'ouverture des hostilités à un « avertissement préalable et non équivoque » (en d'autres termes à une déclaration de guerre), est une règle de droit international depuis la deuxième conférence de La Haye de 1907. Mais, au regard de l'évolution de la guerre elle-même depuis plus d'un demi siècle, on peut se demander si cette exigence n'évoque pas plus un souvenir historique qu'une norme susceptible d'être un jour appliquée. En d'autres termes, l'article 35 de la Constitution n'est-il pas caduc ?18

En fait, force est de reconnaître que plusieurs considérations inclinent à le penser.

_ La première d'entre elles est l'obsolescence de la notion de « déclaration de guerre », concept qui semble avoir été théorisé par la conférence de La Haye précitée. Il s'agissait alors, dans l'ambition de prévenir et d'encadrer juridiquement la guerre, de formaliser en droit international l'entrée en guerre d'un Etat. La déclaration de guerre avait ainsi vocation à être une chance ultime de négociation, et donc de prévention de la guerre. En tout état de cause, ce concept n'a pas répondu aux espoirs qu'il avait suscités, et il n'y a jamais été recouru lors des conflits du XXème siècle.

_ La seconde de ces considérations est le caractère informel de l'intervention du Parlement dans le passage de la nation à l'état de guerre. En théorie classique du droit, la déclaration de guerre est, tout comme le droit de négocier et de ratifier les traités, une prérogative traditionnellement reconnue au pouvoir exécutif. L'autorisation ou la ratification parlementaire de cette prérogative semble exigée par l'article 35 de l'actuelle Constitution comme c'était le cas sous la Constitution de 1946, les lois constitutionnelles de 1875 ou la Constitution de 1848. Pourtant le Parlement ne s'est prononcé formellement sur l'entrée en guerre de la nation ni en 1914, ni en 1939, ni depuis.

En août 1914, c'est par la lecture d'un message du Président de la République acclamé par le Parlement sans débat ni vote, mais suivi d'un certain nombre de lois tirant les conséquences de l'état de guerre, que le pays s'est plongé dans la Grande guerre. En 1939, l'état de guerre a été constaté comme résultant de l'agression de l'Allemagne contre la Pologne, par une simple « note adressée aux puissances étrangères par le gouvernement de la République française »19.

De fait, la rédaction très sibylline de l'article 35, la pratique généralisée des délégations de pouvoirs les plus larges dans leur objet lors des périodes ayant précédé les deux conflits mondiaux, ainsi que la pratique observée quant à l'exercice des droits constitutionnels du Parlement dans l'entrée en guerre du pays en 1914 comme en 1939, montrent que le rôle des assemblées est devenu très effacé en la matière.

_ La dernière des considérations qui soulignent le caractère anachronique de l'article 35 de la Constitution tient à l'évolution même de la guerre.

En effet, la Charte des Nations Unies de 1945 prohibe la guerre dans sa dimension offensive. Toute déclaration de guerre devient de ce fait contraire au principe posé par le droit international, dans la mesure où déclarer la guerre revient à en prendre l'initiative et non à se placer dans une posture défensive.

De plus, ne faut-il pas considérer que des opérations de rétablissement de la paix menées dans un pays souverain contre la volonté de celui-ci constituent de nouvelles formes d'engagement militaire de vive force, susceptibles d'être rattachées à la notion de « guerre » ?

Pour en revenir à l'article 35, comme le souligne le professeur Pierre Dabezies, « il est permis de conclure qu'il s'agit essentiellement d'une survivance des Constitutions anciennes et de l'affirmation d'un principe abstrait. »20 Nombreux sont donc ceux qui considèrent qu'une modification de l'article 35 s'impose. Votre rapporteur souscrit à cette opinion.

b) Une modification garantissant plus de transparence et de démocratie

L'idée d'une révision constitutionnelle concernant l'article 35 n'est pas nouvelle. En effet, en 1991 déjà, M. Jean Lecanuet, en sa qualité de Président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, avait présenté une proposition de loi constitutionnelle21 complétant l'article en question par un alinéa ainsi rédigé : « Le Parlement est tenu informé de toute intervention à l'extérieur des frontières des forces militaires françaises ainsi que sur l'évolution et la conclusion de cet engagement ».

Relevant dans l'exposé des motifs que « l'idée de faire participer le corps législatif à la déclaration de guerre est une règle traditionnelle de la démocratie, en France comme ailleurs », et constatant par ailleurs que « l'article 35 n'a jamais eu l'occasion d'être appliqué », l'auteur de cette proposition souhaitait voir le Parlement informé dès que possible de toute intervention militaire hors du territoire, et ce, de manière systématique. Bien qu'allant dans le sens d'une plus grande transparence, cette réforme ne concernait que l'information du Parlement et était donc à ce titre insuffisante.

Dans ses propositions pour une révision de la Constitution formulées le 15 février 199322, le comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par le doyen Georges Vedel, a suggéré pour sa part d'adjoindre à l'article 35 un alinéa disposant : « Toute intervention des forces armées de la France à l'extérieur du territoire de la République fait l'objet d'une déclaration du Gouvernement devant le Parlement, au plus tard, huit jours après son déclenchement. Cette déclaration est suivie d'un débat. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet ».

Plus précise que la proposition de M. Lecanuet, cette rédaction conduisait, en premier lieu, à une information accrue (le Gouvernement étant désormais tenu, à brefs délais, d'éclairer la représentation nationale sur la décision d'engager des troupes dans des opérations extérieures), et également à l'amorce d'un renforcement du contrôle des parlementaires (ces derniers pouvant exprimer leurs arguments au cours du débat qui devait suivre). Néanmoins, il n'était toujours pas question d'une consultation du Parlement sur un engagement extérieur, élément de contrôle pourtant essentiel.

Reconnaissant l'intérêt des deux démarches précitées, votre rapporteur souhaite toutefois approfondir la portée d'une éventuelle réforme de l'article 35 de la Constitution en y faisant apparaître l'obligation pour le pouvoir exécutif de recueillir préalablement l'avis du Parlement à tout engagement des forces françaises en opérations extérieures, étant exclues de ce cadre les interventions concernant l'évacuation de ressortissants.

Concrètement, le Gouvernement serait tenu de déposer sur le bureau des assemblées une « déclaration d'intention » pour le déclenchement rapide d'une opération extérieure relevant du champ de l'article 35 nouveau de la Constitution. Le Président de chaque assemblée convoquerait la Conférence des Présidents, cette dernière disposant de la faculté de choisir l'instance de consultation, étant entendu que les interventions les plus importantes sur le plan politique (tels l'engagement français dans l'opération Turquoise en 1994 ou la participation de nos aviateurs à la campagne de frappes aériennes contre la République fédérale de Yougoslavie en 1999 par exemple) feraient certainement l'objet d'un débat en séance publique, alors que les opérations de moindre ampleur relèveraient d'une consultation des Commissions de la Défense et des Affaires étrangères ou des délégations parlementaires pour les opérations extérieures (sur décision des Présidents des Commissions concernées).

Grâce à ce mécanisme de consultation, la « lettre » de l'article 35 de la Constitution renouerait ainsi avec son « esprit » originel. De la sorte, le Parlement serait mieux informé tout en exerçant un contrôle effectif et efficace, conforme à l'exigence de transparence qui doit présider au choix de l'envoi de nos troupes sur un théâtre extérieur.

Quant au déclenchement d'une opération extérieure qui ne résulterait pas d'une décision du Conseil de sécurité des Nations Unies ou de l'application d'un accord de défense, il devrait faire l'objet d'une autorisation parlementaire dans les mêmes conditions.

D. L'ADAPTATION DES MÉTHODES D'INFORMATION DU PARLEMENT PERMETTRAIT DÉJÀ D'EN AMÉLIORER LE CONTRÔLE SUR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Si des modifications d'ordre juridique sont nécessaires pour renforcer le contrôle du Parlement, des mesures transitoires concernant l'amélioration de l'information des assemblées sur les opérations extérieures doivent être envisagées. Le Gouvernement lui-même y a prêté attention.

Dans un point de presse effectué le 4 février 1999, le Ministre de la Défense, M. Alain Richard, indiquait que « le Gouvernement a prévu d'améliorer le dialogue avec le Parlement » en prenant les mesures suivantes :

- établissement d'un rapport annuel au Parlement sur les opérations extérieures de l'année écoulée, présentant les moyens engagés dans ces opérations et une analyse des situations dans leur zone de déroulement ;

- présentation aux Commissions de la Défense des deux assemblées, par le Ministre de la Défense, de toute nouvelle opération extérieure (objectifs et modalités), dans le mois suivant son déclenchement ;

- organisation de déplacements semestriels de parlementaires mandatés par leur Commission sur les théâtres d'opérations extérieures.

Pour l'heure, ces propositions n'ont trouvé à s'appliquer que partiellement, le Ministre de la Défense ayant, il est vrai, fait preuve de disponibilité devant la représentation nationale à l'occasion de la crise du Kosovo. Votre rapporteur ne doute pas que ces engagements se concrétiseront prochainement et qu'ils contribueront à un dialogue approfondi entre l'exécutif et le Parlement. Toutefois, il regrette que cette volonté gouvernementale ne se soit pas traduite par l'invitation d'une délégation de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées à l'exercice important que constituaient les man_uvres « Golfe 2000 », qui se sont déroulées au mois de février de cette année.

1. L'audition du Ministre de la Défense et du Chef d'Etat-major des Armées sur l'objet, les moyens, la durée et le coût de chaque opération extérieure nouvellement décidée serait utile

Procéder à des auditions est un droit discrétionnaire des Commissions garanti par l'article 5 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, « réserve faite » toutefois « des sujets de caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat » ainsi que « du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ».

Aussi, on peut légitimement concevoir que le Parlement, par le biais des Commissions compétentes pour les affaires de défense des deux assemblées, entende, afin d'émettre un avis, les principaux responsables de la mise en _uvre de nos forces hors du territoire national (Ministre de la Défense et Chef d'Etat-major des Armées essentiellement) lorsque des opérations extérieures sont engagées ou lorsque se produit un événement affectant leur déroulement de manière notable. Un rapport adressé à chaque Président des Commissions de la Défense serait suffisant pour les opérations les moins importantes.

Pour être efficace, cette information doit être présentée rapidement, c'est-à-dire dans un délai de 15 jours, au plus, suivant le déclenchement de chaque intervention militaire.

Le conflit du Kosovo constitue, à cet égard, une expérience riche en enseignements. En effet, dès le début des frappes aériennes contre la République fédérale de Yougoslavie, le Ministre de la Défense a apporté à la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale quelques éléments de précision sur la nature, les objectifs poursuivis par l'Alliance et les justifications de la participation française aux opérations. Il serait heureux que cette célérité, qui doit être soulignée, soit systématisée à l'avenir. On peut également regretter que le Parlement n'ait été que partiellement informé à cette occasion, comme a pu le constater la mission d'information de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur le sujet lors de ses travaux.

Par conséquent, si l'audition du Ministre de la Défense et du Chef d'Etat-major des Armées quelques jours après l'engagement d'une opération extérieure est susceptible d'améliorer de manière notable l'information du Parlement, il faut veiller à ce que le contenu de cette information soit lui-même significatif.

Notons que la transmission par le Gouvernement au Parlement d'un rapport annuel détaillé et récapitulant les différentes opérations extérieures, les crédits qui y sont consacrés ainsi que les moyens physiques employés, serait de nature à faciliter le contrôle des assemblées. Le Ministre de la Défense en avait accepté le principe. Gageons que cette mesure sera enfin mise en _uvre cette année.

2. L'institution, au sein de chaque assemblée, d'un groupe de suivi permanent permettrait d'établir des contacts plus étroits entre les parlementaires et les forces déployées

La création, au sein des Commissions de la Défense des deux assemblées, d'une instance spécialisée chargée de visiter régulièrement les unités en opérations extérieures est un moyen d'information nécessaire. En effet, l'expérience montre que les déplacements de parlementaires dans les forces permettent de prendre la mesure des difficultés qu'elles peuvent rencontrer et également de vérifier l'adéquation entre les conditions de réalisation et le contenu de leurs missions, notamment lorsque celles-ci résultent d'un mandat de l'ONU ou d'un ordre d'opération émanant d'une organisation de défense comme l'OTAN (voire, à l'avenir, l'Union européenne dans le cadre de la politique commune de défense et de sécurité).

La manifestation de l'intérêt et du soutien de la représentation nationale aux unités engagées dans des opérations extérieures est toujours appréciée par les personnels de nos armées. Les multiples déplacements effectués par des membres de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées, soit au titre de la réflexion du Groupe de travail pour l'amélioration du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures, soit au titre de la mission d'information sur le conflit du Kosovo, ont été l'occasion de le vérifier.

De fait, l'importance pour nos armées de cette attention du Parlement n'est pas à démontrer. C'est pourquoi, un signe fort doit leur être manifesté par la création d'une structure spécifique assurant le lien entre les soldats en opérations extérieures et la représentation nationale.

Les délégations parlementaires pour les opérations extérieures dont votre rapporteur a déjà préconisé la création apparaissent être le cadre naturel de cette relation. Néanmoins, eu égard aux délais indispensables pour l'adoption de la loi qui est nécessaire et pour la mise en _uvre de ces délégations, un groupe de travail pourrait en assumer la charge à titre transitoire.

Pour garantir un bon fonctionnement de ce dispositif et maintenir une certaine continuité dans l'information des parlementaires, il apparaît souhaitable qu'à l'identification d'une structure permanente au sein des Commissions compétentes des deux assemblées, corresponde désormais la désignation d'un interlocuteur permanent au sein des Cabinets civils et militaires du Ministre de la Défense et auprès de l'Etat-major des Armées.

3. L'expression d'un avis des Commissions de la Défense sur le déclenchement des opérations extérieures serait un gage de plus grande transparence

A partir du moment où l'on considère que la consultation préalable du Parlement sur l'autorisation d'engager des opérations extérieures est un élément fondamental de son contrôle, il est souhaitable de prévoir un cadre approprié d'expression de cet avis dans l'attente d'une réforme plus globale concernant l'article 35 de la Constitution.

Pour cela, il est nécessaire d'aménager les procédures actuelles qui cantonnent le contrôle exercé par les Commissions de la Défense au seul collectif budgétaire. Dans ce cadre, on peut envisager qu'un avis soit émis a posteriori sous forme d'observation, l'hypothèse d'une résolution étant juridiquement exclue.

La Commission de la Défense nationale et des Forces armées a, sur proposition de votre rapporteur, innové en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1999. Elle a ainsi adopté une observation dans laquelle elle prenait acte des forces prépositionnées pour la conduite d'opérations extérieures dans l'environnement de pays de stationnement ; constatait que ces opérations constituent des missions différentes de celles aux fins desquelles les crédits ouverts par la loi de finances initiale sont votés, et, enfin, demandait au Gouvernement de l'informer sur les décisions de création de ces opérations, leurs objectifs et leur durée ainsi que les effectifs requis et les moyens mis en _uvre, comme cela est généralement le cas pour les opérations conduites par les forces stationnées en métropole.

Cet exemple illustre que l'accent peut être mis sur certaines insuffisances de l'information du Parlement dans un but de transparence accrue. Par extension, il permet d'envisager que les Commissions compétentes en matière d'opérations extérieures formulent des observations à chaque fois qu'une nouvelle intervention importante serait engagée hors du territoire national. Toutefois, on ne peut se satisfaire d'une telle démarche à long terme.

III. - PROPOSITIONS

En guise de conclusion, il convient de préciser, en les formalisant, les propositions esquissées dans le corps du présent rapport. Celles-ci sont issues de la réflexion engagée par le groupe de travail sur l'amélioration du contrôle parlementaire au sein de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées.

- APPROFONDIR LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE DU PARLEMENT

· Créer un « jaune » budgétaire spécifique aux opérations extérieures

En complément des auditions effectuées par les Commissions de la Défense à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative et pour servir de support à l'information des parlementaires, la création d'un document budgétaire récapitulant les crédits consacrés aux opérations extérieures et les moyens mis en _uvre auxquels ils correspondent semble nécessaire.

Une telle mesure pourrait être prévue par une disposition inscrite en loi de finances. Toutefois, l'intérêt pratique de cette démarche repose en grande partie sur le degré de détail de ce « jaune » budgétaire. C'est pourquoi la loi devra disposer qu'il précise les dépenses de chaque opération extérieure, identifiant les montants par chapitre et par article ; qu'il énumère les moyens physiques en hommes et en matériels correspondant aux dépenses pour chaque opération ; qu'il comporte un récapitulatif du déroulement de l'opération sur l'année écoulée ; qu'il est obligatoirement distribué au plus tard à la mi-octobre.

· Individualiser les crédits pour les opérations extérieures les plus importantes en loi de finances initiale

Le financement des opérations extérieures doit bénéficier d'une meilleure capacité de prévision des besoins induits par les engagements militaires de la France. Faute d'une telle démarche, le ministère de la Défense en est réduit aux expédients que sont le provisionnement minimal de crédits dans un article en loi de finances initiale (environ 160 millions de francs en rémunérations et charges sociales dans la loi de finances initiales pour 2000) et l'annulation, en cours d'année, de crédits sur le budget d'investissement afin de gager les ouvertures de crédits pour financer les surcoûts en dépenses ordinaires.

Certes, tout ne peut pas être prévu en loi de finances initiale. Cependant, il semble opportun d'inscrire au titre III du budget du ministère de la Défense un chapitre spécialement consacré aux dépenses en personnel occasionnées par les opérations extérieures. Les grandes opérations feraient l'objet d'une ligne budgétaire spécifique. Les autres seraient globalisées.

Cette identification des surcoûts en rémunérations et charges sociales permettrait non seulement un meilleur contrôle budgétaire du Parlement, mais également une gestion plus efficace des crédits de la Défense (le titre V n'étant plus obéré par l'hypothèque du financement des opérations extérieures). De surcroît, les nouvelles opérations engagées en cours d'exécution budgétaire pourraient toujours faire l'objet de redéploiements de crédits sur lesquels le Parlement aurait à se prononcer à l'occasion de l'examen du collectif budgétaire, ou éventuellement, en cas d'urgence, d'un décret d'avance ultérieurement ratifié en loi de finances rectificative, comme le prévoit l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.

En revanche, il ne semble pas possible d'établir un chapitre spécifique aux opérations extérieures dans le titre V du budget du ministère de la Défense, la nature des dépenses en équipement occasionnées étant, par définition, difficile à prévoir.

- ÉTABLIR UNE INFORMATION COMPLÈTE DES PARLEMENTAIRES SUR LES TRAITÉS ET ACCORDS DE DÉFENSE ET DE COOPÉRATION MILITAIRE

· Rendre obligatoire la communication au Parlement des accords de coopération militaire non secrets

La grande majorité des accords de coopération militaire dont le Parlement n'a pas connaissance ne sont pas publics car ils ne correspondent pas au critère d'opposabilité aux particuliers, défini par le décret du 14 mars 1953 relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits par la France. Certes, les publications propres au ministère des Affaires étrangères pallient cette restriction, mais seulement en partie.

S'il n'y a pas lieu de préconiser une publication systématique au Journal Officiel des accords non secrets, il semble en revanche souhaitable d'organiser leur transmission par le Gouvernement au Président de chaque assemblée, ainsi qu'aux Présidents des Commissions compétentes, qui les tiendraient à disposition de tout député ou sénateur désireux de les consulter. De la sorte, l'information des parlementaires serait un peu moins parcellaire et le pouvoir législatif un peu plus à même de discerner les obligations internationales de la République en matière de sécurité et de défense.

· Créer une instance parlementaire habilitée à connaître de tous les accords de défense et de coopération militaire à contenu confidentiel

La communication au Parlement des accords de défense et de coopération militaire secrets se heurte à la question de la confidentialité de leur contenu. Il n'est pourtant pas acceptable que les représentants de la nation ignorent les engagements bilatéraux pris par la République en matière de sécurité et de défense, surtout lorsqu'ils sont susceptibles de donner lieu à l'intervention de nos armées.

Par conséquent, il convient d'adopter une loi créant au sein de chaque assemblée une délégation parlementaire pour les opérations extérieures. Composées au Sénat par 10 membres de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, et à l'Assemblée nationale par 5 membres de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées ainsi que 5 membres de la Commission des Affaires étrangères, tous habilités es qualités au secret de la défense nationale, ces délégations auraient notamment pour fonctions :

- de prendre connaissance des accords de défense et de coopération militaire, en vigueur et à venir, à caractère secret ;

- de vérifier que le déclenchement éventuel d'une opération extérieure au titre des accords en question s'inscrit bien dans le cadre des clauses auxquelles il est fait référence ;

- d'émettre un avis public sur l'intérêt réel des accords futurs de cette nature dès lors qu'ils ne pourraient être approuvés en séance publique à l'instar des accords de défense non secrets.

Dans un souci de rationalisation, ces délégations pourraient être confondues avec celles créées pour contrôler les services de renseignement.

A titre transitoire, deux groupes de travail pourraient être créés, l'un, au sein de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, et l'autre, de façon conjointe entre la Commission de la Défense nationale et des Forces armées ainsi que la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Reprenant la plupart des compétences de chaque délégation, ces groupes en préfigureraient l'action tout en manifestant la volonté des assemblées de parvenir à une délégation parlementaire.

· Systématiser l'audition des Ministres de la Défense, des Affaires étrangères et de la Coopération par les Commissions compétentes pour une présentation des nouveaux accords

Le principe d'une audition des Ministres de la Défense, des Affaires étrangères et de la Coopération paraît être de nature à améliorer sensiblement l'information des parlementaires. Il présente également l'avantage de permettre au Gouvernement d'exposer les raisons qui motivent la conclusion des accords en cause et d'évoquer les implications militaires qui peuvent en découler.

Si en l'état actuel des choses, il doit être procédé à cette audition par les Commissions compétentes, il faudra par la suite distinguer entre les accords à caractère secret (présentés devant chaque délégation parlementaire créée à cet effet) et les autres accords (présentés en Commission).

- CONSULTER LE PARLEMENT SUR L'ENGAGEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

· Réviser l'article 35 de la Constitution

Compte tenu du fait que l'article 35 de la Constitution, dans sa rédaction actuelle, n'a jamais été mis en _uvre, il ne semble pas devoir être complété mais plutôt totalement réécrit comme suit :

« L'emploi hors du territoire national des forces françaises est soumis à une consultation préalable du Parlement dans les conditions prévues par une loi organique ».

« La participation de ces mêmes forces à des opérations de maintien, de rétablissement ou d'imposition de la paix qui n'auraient pas été expressément décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou qui ne résulteraient pas de l'application d'un accord de défense, fait l'objet d'une autorisation préalable du Parlement ».

« Une séance peut être réservée par priorité pour l'application des deux alinéas précédents, selon les modalités fixées par le règlement de chaque assemblée. Hors session, le Parlement est alors réuni spécialement à cette fin ».

La loi organique mentionnée par l'article 35 nouveau de la Constitution ainsi rédigé, aurait pour finalités :

- de définir précisément la notion d'emploi des forces françaises, qu'elles soient stationnées sur le territoire de la République où dans des pays avec lesquels la France a conclu des accords de défense ;

- de fixer les exceptions au principe, essentiellement les opérations d'évacuation de ressortissants d'une durée inférieure à 10 jours ;

- de définir les modalités de saisine des assemblées, le Gouvernement transmettant aux Présidents de chacune d'entre elles une « déclaration d'intention » précisant les grandes lignes de l'opération extérieure envisagée, et la Conférence des Présidents étant convoquée immédiatement afin de décider du mode de la consultation parlementaire ;

- de déterminer les modalités par lesquelles la Conférence des Présidents de chaque assemblée désignerait le cadre de consultation le plus approprié en fonction des circonstances (vote en séance publique pour les interventions les plus importantes, renvoi aux Commissions compétentes ou aux délégations parlementaires pour les opérations extérieures, s'agissant des interventions plus secondaires).

En complément et par voie de conséquence, les règlements des assemblées devraient sans doute être adaptés afin d'intégrer cette nouvelle procédure.

Si les Commissions et les délégations parlementaires ne peuvent qu'exprimer un avis, il convient de préciser quelles incidences juridiques aurait l'absence d'autorisation des assemblées en séance publique. En tout état de cause, l'exigence d'un vote n'est pas sans rappeler le mécanisme d'engagement de la responsabilité du Gouvernement, tel qu'il est prévu à l'article 49 de la Constitution. Cependant, étant entendu que la représentation nationale ne s'exprimerait pas sur une déclaration de politique générale, on peut s'appuyer sur le silence de l'article 50 de la Constitution à propos des effets d'un vote sur cette « déclaration d'intention » du Gouvernement, pour écarter la mise en jeu de la responsabilité de celui-ci à l'issue de son éventuel rejet. Les assemblées exprimeraient donc un avis dont la portée serait davantage politique (en légitimant l'intervention envisagée) que juridique.

En conséquence, la procédure ainsi proposée associerait le Parlement à la décision d'engager les opérations extérieures les plus importantes sans exposer le Gouvernement à la mise en jeu de sa responsabilité (qui serait de nature à le conduire à un immobilisme incompatible avec le rôle et les responsabilités internationales de notre pays).

Synthèse du mécanisme juridique institué par la proposition de
révision de l'article 35 de la Constitution

Avis préalable du Parlement : Toutes les opérations extérieures

(sauf évacuations de ressortissants).

La Conférence des Présidents décide le renvoi :

- en séance publique

ou

- en Commission.

Autorisation préalable du Parlement : Les opérations extérieures ne résultant pas :

- d'une décision explicite du Conseil de
sécurité des Nations Unies ;

- de l'application d'un accord de défense.

· A plus court terme, favoriser l'expression d'un avis des Commissions de la Défense sur les opérations engagées

Les Commissions de la Défense de chaque assemblée ne doivent plus être cantonnées à un rôle d'enregistrement des décisions d'engagements extérieurs de nos armées.

Il leur est possible, en l'état actuel de la pratique parlementaire, de voter des observations. Par ce biais, elles expriment un point de vue dont le pouvoir exécutif ne peut se désintéresser. A cet égard, le précédent constitué par l'observation de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1999, ouvre des perspectives intéressantes. Pourquoi ne pas imaginer qu'une observation soit adoptée par les Commissions de la Défense des assemblées à propos de chaque opération extérieure revêtant une importance particulière ?

- ASSURER UN SUIVI PARLEMENTAIRE PLUS EFFICACE DES INTERVENTIONS HORS DU TERRITOIRE NATIONAL

· Multiplier les déplacements de parlementaires sur les théâtres d'opérations extérieures

Le soutien des parlementaires aux forces engagées sur un théâtre extérieur s'avère utile pour conforter la perception par nos troupes de la légitimité de leur action. Représentants de la nation, les membres du Parlement contribuent, par leurs visites, à entretenir un lien étroit entre des armées de plus en plus professionnelles et la population au service de laquelle elles demeurent. Par conséquent, il semble utile de développer à l'avenir les déplacements auprès des forces.

Les délégations parlementaires (ou les groupes de travail les préfigurant), dont il a été question plus haut, peuvent constituer le cadre privilégié de ces déplacements, même si l'on doit se garder d'en faire l'apanage de leurs membres (l'ensemble des parlementaires ayant vocation à apporter leur soutien aux troupes en mission à l'étranger). Le Ministre de la Défense avait proposé des visites auprès des forces engagées sur un théâtre extérieur tous les six mois. Si cette démarche va sans conteste dans le bon sens, il semble difficile de fixer a priori une certaine régularité à des déplacements qui ont pour objet principal de suivre les opérations extérieures dans leur déroulement et leur mise en _uvre concrète. Autrement dit, il est nécessaire que les parlementaires (et à plus forte raison ceux qui s'intéressent plus particulièrement aux opérations extérieures) puissent aller à la rencontre des forces engagées lorsqu'ils le jugent opportun. De la sorte seulement, le suivi parlementaire (élément essentiel du contrôle) sera plus efficace.

· Auditionner le Ministre de la Défense et le Chef d'Etat-major des Armées sur toute nouvelle opération extérieure.

L'audition du Ministre de la Défense et du Chef d'Etat major des Armées reste l'un des moyens d'information les plus courants des parlementaires sur les questions de défense. Il convient de le mettre à profit en ce qui concerne les opérations extérieures nouvellement décidées.

Deux problèmes se posent :

- Il convient tout d'abord de distinguer les opérations extérieures les plus importantes des autres. C'est pourquoi on se contentera de proposer que les auditions ne s'effectuent devant les Commissions de la Défense que pour toute intervention hors du territoire national excédant dix jours. Pour les opérations de moins de dix jours (correspondant pour la plupart aux évacuations de ressortissants et relevant d'un impératif de célérité compréhensible), un rapport synthétique pourrait être remis par le Ministre de la Défense aux Présidents des Commissions de la Défense des deux assemblées ;

- Il est également nécessaire d'apporter quelques précisions sur la séquence de ces auditions. Relevant du suivi des opérations extérieures, ce mécanisme s'inscrit nécessairement après le déclenchement des interventions en cause. Au demeurant, il complète les mesures de consultation et d'autorisation a priori énoncées plus haut. Pour autant, il ne doit pas intervenir trop longtemps après le début des opérations, c'est-à-dire dans les 15 jours suivant son déclenchement, et non un mois comme l'avait évoqué le Ministre de la Défense dans un point de presse, le 4 février 1999.

Sous réserve de l'application de ces principes, l'information des parlementaires sur les opérations extérieures serait sensiblement améliorée, ce qui leur permettrait d'assurer pleinement leur rôle de suivi.

· Transmettre au Parlement un rapport annuel retraçant chaque opération extérieure, son objet, son coût et les moyens utilisés

La présentation par le Ministre de la Défense d'un rapport annuel sur les opérations extérieures de l'année écoulée, analysant les moyens mis en _uvre et les situations dans leurs zones de déroulement avait déjà été suggérée par votre rapporteur et reprise par le Ministre en 1999. Cette proposition n'a pas, pour le moment, reçu de traduction concrète.

Elle est pourtant toujours valide puisqu'elle vise à compléter l'information dont dispose le Parlement, notamment dans la perspective de l'examen du collectif budgétaire de fin d'année. Une disposition législative est nécessaire. A défaut de faire l'objet d'un projet ou d'une proposition de loi spécifique, on peut imaginer que les prochains projets de loi de finances (initiale, rectificative ou de règlement) pallient cette lacune.

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION

La Commission a procédé à l'examen du rapport de
M. François Lamy au cours de sa séance du mardi 7 mars 2000.

Après avoir souligné que l'amélioration du contrôle parlementaire des opérations militaires extérieures faisait partie, depuis le début de la législature, des préoccupations essentielles de la Commission, le Président Paul Quilès a rappelé, qu'à la suite d'une première communication qu'il lui avait soumise en décembre 1997, elle avait décidé de constituer, sur ce sujet, un groupe de travail où étaient représentés les différents groupes politiques et dont M. François Lamy avait assuré la coordination des travaux.

Il a également rappelé que M. François Lamy avait présenté à la Commission, en mars 1998, un compte rendu des activités de ce groupe de travail où il formulait différentes propositions, dont certaines ont été accueillies favorablement par le Gouvernement et mises en pratique, concernant en particulier l'amélioration du dialogue avec le ministre de la Défense sur les opérations extérieures dans le cadre du débat sur la loi de finances rectificative de fin d'année.

Il a enfin souligné que M. François Lamy, nommé le 7 avril 1999 rapporteur d'information sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, avait accumulé sur ce sujet une longue expérience, comme rapporteur pour avis des projets de loi de finances rectificative de fin d'année, mais aussi à la suite des missions qu'il avait réalisées auprès des forces, par exemple auprès du détachement français au sein de la SFOR, et comme rapporteur de la mission d'information sur le conflit du Kosovo.

Se référant à la décision de participer aux bombardements contre la République fédérale de Yougoslavie, prise sans consultation de la représentation nationale, il y a presque un an jour pour jour,
M. François Lamy, rapporteur,
a relevé que le contrôle du Parlement français sur les opérations extérieures demeurait aujourd'hui insuffisant.

Il a reconnu que quelques propositions élaborées en 1998 au sein du groupe de travail de la Commission sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures avaient reçu un bon accueil de la part du Gouvernement. Il a cité, à titre d'exemple, l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1999 qui a donné lieu à une description détaillée des opérations extérieures par le Ministre de la Défense, présent au banc du Gouvernement pendant une partie du débat en séance publique.

Après avoir estimé que ces progrès limités de la pratique n'entraînaient pas de changement fondamental dans les relations entre le Parlement et l'exécutif, M. François Lamy a indiqué que son rapport explorait différentes voies de réformes plus ambitieuses dans le domaine budgétaire, dans celui du fonctionnement des assemblées parlementaires et qu'il envisageait même des adaptations constitutionnelles, dans le cadre d'une réflexion plus générale sur l'équilibre des institutions.

Il a souligné l'importance de l'emploi des forces en dehors du territoire national en rappelant, à la suite de son avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999, que les armées françaises prenaient part actuellement à une trentaine d'opérations extérieures découlant d'engagements bilatéraux de défense, d'opérations de maintien de la paix directement mises en _uvre par les Nations Unies, ou encore d'opérations de coercition exécutées par l'OTAN ou par des coalitions ad hoc sur mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il a ensuite souhaité illustrer les difficultés actuelles du contrôle parlementaire des opérations extérieures. En premier lieu, il a remarqué que l'engagement des forces françaises hors du territoire national s'effectue le plus souvent sans consultation des assemblées, le Gouvernement n'ayant sollicité un vote d'approbation de l'Assemblée nationale qu'à l'occasion de la Guerre du Golfe, le 16 janvier 1991, ce qui constituait une exception. En second lieu, il a indiqué que le Parlement n'a pas toujours connaissance des accords et traités en vertu desquels ces opérations sont menées, alors que la presse bénéficie parfois d'informations plus précises. En troisième lieu, il a souligné que le statut des opérations extérieures n'apparaît pas toujours limpide, les militaires relevant du ministère des Affaires étrangères au titre de la coopération et ceux des forces prépositionnées pouvant parfois y participer, ce qui brouille la compréhension d'interventions au financement desquelles la représentation nationale est pourtant amenée à donner son consentement. Il a ajouté, à ce propos, que les règles budgétaires limitent les moyens de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures, les surcoûts qu'elles occasionnent étant principalement financés par des annulations de crédits sur le Titre V du budget initial du ministère de la Défense dans le cadre de mouvements avalisés au moment de l'adoption du collectif budgétaire de fin d'année. Enfin, il a estimé que les mécanismes découlant de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale ne favorisent pas un contrôle affiné des opérations extérieures, le Parlement ne pouvant pas, par ce biais, participer à la définition du cadre d'intervention des forces, comme cela peut être le cas en Grande-Bretagne par exemple.

M. François Lamy s'est appuyé sur ce constat pour mettre en relief la nécessité de définir de nouveaux mécanismes permettant au Parlement de mieux exercer sa mission fondamentale de contrôle dans le domaine de l'emploi des forces en dehors du territoire national. Conscient des objections qu'un tel débat peut susciter, il a souligné le caractère objectif des constatations sur lesquelles il fondait ses propositions.

Il a tout d'abord observé qu'en élaborant l'article 35 de la Constitution, le constituant de 1958 avait voulu marquer son attachement au principe de la consultation du Parlement préalablement à l'engagement des forces françaises dans un conflit armé. Sans méconnaître l'interprétation selon laquelle le constituant aurait entendu borner les pouvoirs du Parlement en matière d'autorisation des opérations militaires en les limitant aux seules déclarations de guerre, il a fait valoir qu'une lecture moins restrictive était plus convaincante, dans la mesure où l'on ne peut envisager sérieusement que le constituant ait délibérément inscrit dans le texte constitutionnel une disposition n'ayant aucune signification pratique. En effet, l'initiative de la guerre n'est, aujourd'hui, plus annoncée au préalable et se trouve en tout état de cause proscrite par le droit international positif, exception faite du cas de légitime défense.

Il a ensuite précisé que le souci de rétablir le Parlement dans sa fonction de contrôle ne devait pas être interprété comme une contestation des pouvoirs propres de l'exécutif. Néanmoins, la représentation nationale exprimant la souveraineté du peuple, comme le Président de la République et le Gouvernement, elle est fondée à être consultée sur les interventions des armées.

De même, il a estimé que, s'il n'est pas totalement infondé de soutenir que les procédures parlementaires sont parfois lentes, il serait hâtif d'en conclure qu'une consultation des assemblées serait nécessairement préjudiciable à la célérité bien souvent nécessaire en cas de déclenchement d'opérations extérieures.

Il a enfin ajouté que l'enquête d'opinion réalisée par la SOFRES entre le 27 et le 30 décembre 1999, à la demande de la Commission, auprès d'un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus, faisait apparaître l'existence d'une majorité significative en faveur de l'information, l'expression et même l'autorisation préalables du Parlement pour tout engagement d'opérations militaires extérieures. Cette aspiration des citoyens à un contrôle parlementaire plus poussé sur la décision d'engager les armées dans le cadre d'opérations extérieures apparaît, selon l'étude de la SOFRES, d'autant plus forte qu'aucun clivage politique partisan n'en relativise la portée.

Considérant que la représentation nationale ne pouvait rester indifférente à cette attente, le rapporteur a détaillé plusieurs propositions visant à approfondir le contrôle budgétaire du Parlement ; à établir une information complète des parlementaires sur les traités et accords de défense et de coopération militaire ; à instaurer un mécanisme de consultation du Parlement sur l'engagement des opérations extérieures ; et à assurer un suivi parlementaire plus efficace des interventions militaires hors du territoire national.

Se référant aux expériences des parlements britannique, allemand, italien et américain, toutes riches en enseignements, il a énuméré un certain nombre de mécanismes susceptibles d'améliorer, de manière significative, l'association du Parlement aux décisions concernant les opérations extérieures, sans pour autant remettre en cause la prééminence de l'exécutif en ce qui concerne la politique étrangère et de défense du pays.

Il a ainsi proposé d'inscrire à l'article 35 de la Constitution l'obligation pour le Gouvernement de consulter le Parlement avant le déclenchement de toute opération extérieure, à l'exception des opérations d'évacuation de ressortissants. Il a précisé que, lorsque l'opération extérieure envisagée par le Gouvernement ne s'inscrivait ni dans le cadre d'un mandat explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies, ni dans le cadre de l'application d'un accord de défense, l'autorisation préalable du Parlement devait être requise.

De même, il s'est prononcé en faveur d'une individualisation partielle, en loi de finances initiale, des crédits destinés au financement des opérations extérieures durables, tout en proposant de limiter cette inscription budgétaire spécifique aux seules rémunérations et charges sociales en raison des difficultés de chiffrage des surcoûts relevant d'autres postes de dépenses.

Il a enfin souhaité que soit transmis au Parlement, en préalable à l'examen du collectif budgétaire de fin d'année, un document récapitulatif des crédits et des moyens engagés pour chaque opération extérieure de l'année. Il a souligné que cette dernière mesure relevait d'une disposition législative, éventuellement d'initiative parlementaire, dont il a recommandé la rapide adoption.

Le rapporteur a formulé, en complément, des suggestions relatives au contrôle des engagements de défense.

Il a envisagé à cet effet la création de deux délégations parlementaires pour les opérations extérieures comportant dix membres au sein de chaque assemblée. Ces délégations se verraient communiquer les accords de défense et de coopération militaire, même secrets ; émettraient un avis sur leur approbation ; se prononceraient sur l'engagement des forces en application de leurs dispositions et assureraient un suivi des opérations en cours par des déplacements auprès des troupes sur les différents théâtres. Soucieux d'éviter une multiplication des structures parlementaires spécialisées, en marge des Commissions en charge des questions de défense, M. François Lamy a estimé que ces compétences pourraient être conférées aux deux délégations parlementaires chargées du suivi des questions de renseignement, dont la création est prévue par une proposition de loi adoptée par la Commission de la Défense nationale et des Forces armées.

Il a par ailleurs souligné l'intérêt d'une audition systématique du Ministre de la Défense et, éventuellement, du Chef d'état-major des Armées par les Commissions de la Défense des deux assemblées, dès lors qu'une nouvelle opération extérieure serait engagée. Il a précisé toutefois que pour être véritablement utile, cette procédure devrait être limitée aux opérations extérieures les plus importantes et intervenir dans un délai relativement bref après leur déclenchement.

En conclusion, il a estimé que ces propositions, qu'elles s'inspirent de mécanismes en vigueur dans les grandes démocraties modernes ou bien qu'elles s'inscrivent de manière plus spécifique dans le cadre institutionnel français, constituaient autant de réponses aux carences actuelles du contrôle parlementaire.

Intervenant au nom du groupe RPR, M. René Galy-Dejean a estimé que, sous couvert de revalorisation du rôle du Parlement, les propositions du rapporteur d'information participaient d'une démarche globale, suivie avec persévérance, en particulier par le Président de la Commission, qui tendait à contester dans ses éléments fondamentaux, relatifs à la défense et aux affaires étrangères, le dispositif institutionnel de la Vème République et le rôle du Chef de l'Etat. Il a indiqué que le groupe RPR apporterait une contribution au document publié par la Commission, dont la teneur serait fondamentalement différente de celle des conclusions, qu'il a jugées excessivement politiques, du rapporteur d'information.

Le Président Paul Quilès a rappelé qu'il soulignait depuis deux ans la nécessité d'une réforme de l'article 35 de la Constitution. Il a considéré qu'il importait aujourd'hui d'adapter à la situation nouvelle des relations internationales un dispositif constitutionnel qui ne fonctionnait pas bien, soulignant qu'il s'agissait là d'une question relevant de façon éminente du débat politique que l'Assemblée nationale se devait de mener.

Après avoir indiqué que les conclusions de son rapport d'information étaient issues des réflexions conduites depuis 1997 au sein de la Commission, notamment dans le cadre de son groupe de travail sur les opérations extérieures, M. François Lamy a souligné que les propositions qu'il présentait tenaient compte de la nécessité de ne pas affaiblir les prérogatives de l'exécutif, ni de fragiliser les processus de décision associant les différentes autorités qui le constituent. Il a également fait valoir qu'elles avaient été élaborées dans le souci de garantir l'efficacité des opérations extérieures. Il a par ailleurs fait observer qu'il serait intéressant de s'interroger sur les raisons qui avaient amené le constituant à confier au Parlement la compétence d'autoriser la déclaration de guerre.

M. René Galy-Dejean a alors rappelé qu'il considérait que la Constitution était adaptée dans le domaine de l'emploi des forces armées et observé que la question de sa modification sur ce point constituait un réel sujet de divergences.

M. Arthur Paecht a tout d'abord exprimé son accord de principe avec les mesures de revalorisation du rôle du Parlement tendant à lui permettre de reconquérir l'ensemble de ses pouvoirs dans tous les domaines touchant à la sécurité de la Nation. Après avoir souligné la nécessité de trouver une solution au problème du financement des opérations extérieures, il a jugé que la procédure budgétaire devait offrir davantage de souplesse, en permettant notamment l'inscription de provisions au titre III ainsi qu'au titre V, notamment pour l'entretien programmé des matériels ou l'acquisition des munitions, même s'il convenait de s'assurer de l'orthodoxie de la démarche. Il a ensuite considéré qu'il n'était pas satisfaisant que le Parlement ne soit ni informé, ni consulté sur les opérations extérieures. Tout en admettant qu'il n'était peut-être pas souhaitable d'établir une procédure de vote solennel préalable à tout engagement des forces, il a regretté que le débat au Parlement qui avait eu lieu en 1991, au moment de la guerre du Golfe, n'ait pas servi de précédent. Il s'est en tout état de cause prononcé pour une amélioration du suivi parlementaire des opérations en cours.

Il a alors relevé que la proposition de création de délégations parlementaires chargées du contrôle des engagements de défense, qui rencontrait son accord, posait néanmoins la question de l'habilitation des députés et des sénateurs au secret de la défense nationale. A une remarque de M. René Galy-Dejean sur l'impossibilité d'opérer une distinction entre les parlementaires, M. Arthur Paecht a rappelé qu'une habilitation ès qualités avait déjà été prévue pour permettre à des représentants du Sénat et de l'Assemblée nationale de siéger à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) ou dans d'autres organismes, comme le Comité des prix de revient des fabrications d'armement. Enfin, il a souligné qu'il n'était pas possible de se satisfaire de la rédaction actuelle de l'article 35 de la Constitution, inapplicable et inappliqué, eu égard, en particulier, à la situation internationale actuelle.

Après que M. Arthur Paecht eut évoqué les débats au sein des parlements d'autres pays européens sur les interventions extérieures des forces armées et la meilleure association de ces parlements aux actions de l'exécutif en matière de défense et de renseignement, M. René Galy-Dejean a observé que les parlementaires habilités à siéger dans l'instance britannique de contrôle des activités de l'exécutif en matière de renseignement étaient en fait nommés par le Premier ministre. Le Président Paul Quilès a alors remarqué que le Premier ministre britannique était membre de la Chambre des communes et chef de la majorité parlementaire, M. Arthur Paecht soulignant que les nominations au sein de cet organisme résultaient d'un accord avec l'opposition, ce qui renforçait la crédibilité et l'efficacité du contrôle parlementaire.

Le Président Paul Quilès se référant à la tradition de recherche du consensus au sein de la Commission de la Défense, a fait valoir la nécessité de vérifier la réalité de ce consensus par le débat public et contradictoire dont le Parlement constituait le seul cadre institutionnel légitime.

M. Robert Gaïa a considéré que le rapporteur avait su trouver un point d'équilibre raisonnable entre les exigences d'une situation où les forces étaient de plus en plus appelées à être projetées dans un cadre multinational, l'organisation générale des pouvoirs publics voulue par la Constitution et la demande constatée dans l'opinion d'un accroissement du rôle du Parlement en matière d'engagement militaire extérieur. Considérant que l'article 35 de la Constitution était obsolète et que son application était même interdite par la Charte des Nations Unies, il a approuvé la proposition du rapporteur tendant à instituer un mécanisme permettant à la fois de renforcer le contrôle du pouvoir législatif sur l'emploi des forces et de reconnaître la légitimité inhérente aux mandats d'intervention du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il a par ailleurs estimé que le suivi des opérations extérieures répondait à une demande réelle des militaires concernés qui, face aux tâches complexes qu'ils ont à assumer, éprouvent le besoin d'une plus grande implication de la représentation nationale, et, à travers elle, de la Nation.

Il s'est enfin demandé si la notion de surcoût des opérations extérieures était toujours pertinente pour une armée désormais organisée très largement en fonction d'un concept de projection.

Partageant les réflexions de M. Arthur Paecht, M. Jean Briane a regretté que le Parlement n'exerce pas davantage ses pouvoirs, qu'il s'agisse du suivi des textes législatifs qu'il adopte, du budget ou du contrôle de l'emploi des forces. Constatant que les débats relatifs à la défense du pays aboutissaient généralement à un consensus, il a souhaité que ce consensus puisse être préservé dans le nouveau contexte d'emploi des forces.

Le Président Paul Quilès a fait observer que les consensus obtenus par le débat se révélaient toujours, à terme, plus solides que ceux résultant du silence.

Soulignant que la valorisation du rôle du Parlement représentait en elle-même un progrès de la démocratie, M. Jean-Claude Sandrier a exprimé son accord sur les conclusions du rapport qu'il a jugé excellent.

Estimant que le fonctionnement des institutions se révélait imparfait et qu'il n'était satisfaisant en matière de défense que de temps en temps, lorsque la Constitution n'était pas appliquée strictement, il s'est interrogé sur la réalité du « domaine réservé » du Chef d'Etat. Il a, par ailleurs, souligné que l'article 35 de la Constitution était suffisamment clair, mais que c'était le refus de qualifier de « guerre » l'usage des armes dans un conflit qui en faisait oublier le sens. Il s'est enfin déclaré favorable à l'autorisation par le Parlement de toutes les opérations extérieures, qu'elles soient ou non menées dans le cadre d'un mandat de l'ONU.

M. François Lamy, rapporteur, a fait remarquer que la France étant membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, une divergence entre le Parlement et l'exécutif à propos d'une question traitée dans cette enceinte, voire un refus d'autoriser un emploi des forces dans le cadre d'un mandat de l'ONU, auraient pour conséquence de fragiliser la position de notre pays sur le plan international. Le rapporteur a par ailleurs souligné que ses propositions se situaient dans le cadre d'une évolution, et non d'un changement, de la Constitution.

Le Président Paul Quilès a rappelé que l'article 2 de la Charte des Nations Unies prévoit que les pays membres sont tenus de remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont assumées à l'égard de cette organisation.

M. Jean-Claude Sandrier a répondu qu'en cas de désaccord avec une décision prise par l'ONU, la France, membre permanent du Conseil de sécurité, pouvait toujours, aux termes de la rédaction actuelle de la Charte, user de son droit de veto, quelles que soient les réserves qui pouvaient être faites sur cette prérogative reconnue à quelques Etats.

Insistant sur le fait que la guerre ne se déclarait plus,
M. Arthur Paecht
a estimé que l'article 35 de la Constitution était bien en cause. Il a, par ailleurs, observé qu'en cas de désaccord avec un projet de résolution, l'abstention était d'un usage plus courant que l'utilisation du droit de veto au sein du Conseil de sécurité.

Exprimant son accord avec les propositions de M. François Lamy, M. Bernard Cazeneuve a fait valoir que leur principal mérite n'était pas de préconiser une revalorisation du rôle du Parlement, qui ne pouvait pas être considérée comme une fin en elle-même, mais de proposer des mesures politiquement légitimes et institutionnellement nécessaires.

Sur le plan politique, il a considéré que la Constitution de 1958 supposait à l'origine une conformité de vues entre l'exécutif et le législatif, qui n'est désormais plus la règle, ce qui impose de redéfinir les équilibres institutionnels en tenant compte de la légitimité que la majorité de l'Assemblée nationale tire de l'élection législative, notamment lorsqu'elle est postérieure à l'élection présidentielle.

Sur le plan institutionnel, il a rappelé que le caractère secret de certains accords de coopération militaire et de défense signés avec des pays étrangers, en particulier africains, empêchait les parlementaires, et notamment les rapporteurs budgétaires, d'exercer leur mission, par exemple lorsqu'ils examinent les crédits consacrés à la coopération. Il a évoqué à ce propos l'incapacité où s'est trouvé le Parlement de jouer son rôle dans le contrôle de l'action gouvernementale au Rwanda, étant donné son absence d'informations sur la nature des engagements militaires qui liaient la France à ce pays entre 1990 et 1994.

Exprimant son désaccord avec la thèse d'une hiérarchie entre les légitimités du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement, M. Robert Poujade a estimé que, si les rapports de force entre les différents pouvoirs pouvaient changer, la légitimité de chacun d'eux ne saurait varier selon les circonstances. Quant à la notion de « domaine réservé », il a souligné qu'elle n'avait jamais été pertinente et qu'elle était dépourvue de fondement constitutionnel, même s'il existait en revanche des « domaines partagés ». S'agissant de l'habilitation d'un nombre restreint de parlementaires au secret de la défense nationale, il s'y est déclaré opposé, jugeant cette proposition outrageante pour le Parlement, tout parlementaire devant être considéré capable de respecter ce secret et aucune distinction comportant des prérogatives particulières ne pouvant être établie entre les mandats des membres des assemblées.

M. François Lamy, observant que, dans le dispositif qu'il proposait, les parlementaires membres des délégations appelées à connaître notamment des accords de défense à caractère secret seraient habilités ès qualités, a souligné que cette règle d'habilitation représenterait une garantie supplémentaire aux yeux de l'exécutif, de nature à instaurer la relation de confiance nécessaire à la communication d'informations classifiées.

M. Robert Poujade a considéré que, s'il devait y avoir une habilitation ès qualités des parlementaires, elle devrait s'étendre à tous, sans être restreinte à quelques uns.

Convenant que tout parlementaire devait être considéré comme capable de respecter le secret de la défense nationale M. Arthur Paecht a souligné le caractère impraticable et contraire à la séparation des pouvoirs d'une disposition instituant une procédure d'habilitation des parlementaires par l'exécutif. Il a en outre observé que la différence des fonctions exercées par les parlementaires pouvait avoir comme conséquence de permettre à certains d'entre eux d'accéder à des informations non communiquées à la plupart de leurs collègues, tout en leur interdisant de les leur transmettre. Il a cité à ce propos l'exemple des rapporteurs spéciaux, qui disposent d'un droit de contrôle sur pièce et sur place ainsi que celui des parlementaires membres d'organismes tels que la CNCIS.

M. Robert Poujade a réaffirmé que le principe de la souveraineté populaire interdisait de créer des catégories différentes de députés, même si, dans la pratique, certains parlementaires ont, en raison de leurs fonctions, un accès privilégié à tel ou tel type d'informations.

Le Président Paul Quilès a fait remarquer qu'il en était de même au sein du Gouvernement, où la spécialisation des fonctions entraîne une différenciation dans l'accès aux informations.

M. Bernard Cazeneuve a considéré qu'il n'existait pas de catégories distinctes de parlementaires, mais que, en raison des fonctions qui leur étaient confiées, certains responsables pouvaient disposer de pouvoirs particuliers, tout en restant dépositaires d'une souveraineté nationale considérée comme indivisible.

Le Président Paul Quilès a remarqué à ce propos que les parlementaires qui siégeaient ès qualités dans certaines instances extraparlementaires étaient effectivement perçus par les autres membres de ces instances comme représentants du Parlement tout entier.

Après avoir approuvé les propositions du rapporteur d'information concernant en particulier la présence plus fréquente des parlementaires auprès des unités déployées à l'étranger, M. Bernard Grasset a émis des réserves sur une éventuelle multiplication des habilitations ès qualités des parlementaires.

Le Président Paul Quilès a rappelé que les rapporteurs des missions d'information sur les événements au Rwanda ou sur le conflit du Kosovo avaient eu connaissance de documents qu'ils s'étaient engagés à ne pas communiquer à l'ensemble de la Commission. L'accès à de tels documents résulte d'une relation de confiance avec l'exécutif qu'il est nécessaire d'institutionnaliser et aussi, parfois, d'un équilibre des pouvoirs qui doit être organisé.

Il a fait par ailleurs observer que le Parlement manifestait parfois des réticences à exercer l'ensemble des pouvoirs qui lui étaient conférés et qu'il pouvait, dans certains cas, donner le sentiment de ne pas être efficace dans sa mission de contrôle. Il a émis la crainte que des accords aux clauses potentiellement dangereuses soient encore en vigueur et souligné que, devant les risques d'aventures que de tels accords recelaient, le Parlement ne pouvait se contenter d'un rôle de spectateur.

M. Robert Gaïa a convenu que les rapports de confiance entre les parlementaires et l'exécutif facilitaient la communication d'informations sensibles. Il a cependant regretté que ces relations de confiance reposent trop souvent sur des engagements personnels sans fondement institutionnel.

M. Robert Poujade a indiqué qu'il n'était pas opposé à ce que certaines normes, fixant les devoirs des parlementaires, soient inscrites dans les textes, une législation n'établissant que des droits pouvant, dans certains cas, être préjudiciable au bon fonctionnement des institutions.

M. Bernard Cazeneuve a observé que les nécessités de la pratique ne pouvaient appeler une évolution de la Constitution que si celle-ci n'était pas « sacralisée ». Il a jugé essentiel que la possibilité de sa modification sur des points importants soit acceptée et s'est inquiété du caractère fermé que pouvait revêtir le texte constitutionnel actuel sur de nombreux points. Evoquant le précédent des débuts de la IIIème République, il a fait observer que des actes politiques pouvaient, au-delà de la lettre d'un texte constitutionnel, modifier considérablement l'équilibre des institutions.

CONTRIBUTION PARLEMENTAIRE
DE M. RENÉ GALY-DEJEAN, DÉPUTÉ DE PARIS,
AU NOM DU GROUPE RPR

Positions du groupe RPR sur les conclusions du rapport de M. François Lamy sur le contrôle parlementaire
des opérations extérieures

La création systématique et, à certains égards, surabondante, des missions d'information au sein de la Commission de la Défense, pourrait avoir pour légitime objet d'apporter une contribution au fonctionnement de nos institutions dans le domaine de la défense.

Cette contribution fondée sur les moyens de contrôle déjà très larges dont dispose le Parlement pourrait revêtir le caractère de critiques et propositions, comme c'est d'ailleurs souvent le cas, ceci dans les limites que fixe notre Constitution et le règlement de notre Assemblée, textes qui organisent les rapports entre l'exécutif et le législatif.

Or, il apparaît de manière désormais répétée que les missions d'information, en dehors du sérieux qui caractérise la présentation, l'analyse, voire la critique, dans les domaines considérés, visent en fait d'autres objectifs de caractère strictement politique mettant en cause l'écriture et le fonctionnement de nos institutions.

Sous couvert d'un accroissement des pouvoirs du Parlement, il s'agit en fait de remettre en cause notre Constitution et les pouvoirs respectifs qu'elle attribue au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement.

Tel est bien le caractère des propositions qui sont faites à l'issue du rapport sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures.

Cette démarche vient s'ajouter aux initiatives de caractère identique qui avaient marqué les rapports des missions d'information consacrées au Rwanda et au fonctionnement des services de renseignements.

Les commissaires RPR de la Commission de la Défense ne peuvent souscrire à de telles déviations. Ils considèrent qu'ils ont, dans le cadre des institutions actuelles, tous les moyens d'assurer un contrôle étroit de la démarche gouvernementale et ne sont pas prêts à considérer que la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale est le lieu le plus approprié pour une remise en cause des institutions de la Vème République, tout particulièrement dans le domaine de la défense, domaine dans lequel ces institutions ont précisément fait la preuve de leur efficacité en de nombreuses circonstances.

C'est dans ces conditions que les commissaires du groupe RPR ne peuvent que mettre en exergue les dangers que recèlent les propositions du Rapporteur en analysant chacune d'entre elles.

I. - SUR LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE DU PARLEMENT

Permettre au Parlement d'assurer a posteriori le contrôle des moyens financiers mis en _uvre pour faire face aux opérations extérieures ne peut a priori susciter aucune objection. Le renforcement préconisé de ce contrôle sous la forme d'un « jaune » budgétaire est également une proposition envisageable.

En revanche, on ne voit pas bien en vertu de quel principe le contrôle des moyens physiques engagés, en hommes et en matériels pourrait être justifié pour les opérations extérieures s'il n'était pas également instauré pour les autres dépenses imprévues de l'Etat.

Au demeurant, le Parlement est aujourd'hui tout à fait armé pour améliorer, sans disposition nouvelle particulière, la mise en _uvre des opérations extérieures.

En effet, celles-ci relèvent de deux catégories :

1. - Celles qui s'inscrivent dans la suite d'opérations déjà engagées. Elles peuvent par nature donner lieu à provisionnement en loi de finances initiale tant au Titre III qu'au Titre V.

2. - En revanche, les opérations imprévues ne peuvent être financées en loi de finances initiale.

Il est tout à fait vrai que la pratique, fréquemment observée, qui consiste à prélever sur le Titre V en fin d'année les ressources nécessaires à l'exécution en fonctionnement des opérations extérieures, est détestable.

Le Parlement a tous les moyens de s'opposer à de telles pratiques en refusant de voter de telles propositions du Gouvernement.

On voit donc bien qu'en termes de contrôle budgétaire, les propositions du rapport renvoient tout simplement au problème plus général qui est celui du contrôle par le Parlement de l'exécution réelle de la loi de finances initiale, sans qu'il soit besoin de nouvelles dispositions organiques ou constitutionnelles.

II. - SUR LES ACCORDS DE DÉFENSE ET DE COOPÉRATION

Les accords de coopération militaire, qu'ils soient secrets ou non, sont signés par deux Etats dans des conditions où la volonté des parties constitue l'essentiel de l'accord. Assurer une diffusion, même limitée, de ces textes serait de nature à modifier, dans la plupart des cas, l'esprit même de l'accord proposé à l'autre partie.

Le contrôle parlementaire sur les accords de coopération militaire est de nature très différente suivant les Etats. L'instituer en France remettrait à coup sûr en cause l'équilibre de la plupart des accords déjà signés si les dispositions souhaitées par le Rapporteur prenaient un caractère général et permanent. Le fonctionnement actuel du Parlement permet la communication, sous certaines conditions, des accords de défense et de coopération militaire secrets.

En revanche, la proposition de création « d'une instance parlementaire habilitée à connaître tous les accords de défense et de coopération militaire à contenu confidentiel » paraît tout à fait inacceptable. C'est là une atteinte grave aux responsabilités du Président de la République et du Gouvernement sans qu'il y ait à cela de réelles justifications.

Il en va de même pour l'émission d'un avis d'opportunité sur la signature d'accords futurs. Cette ingérence dans la conduite de la politique étrangère de la France vise ni plus ni moins qu'à transférer une partie des responsabilités éminentes de l'exécutif au sein des assemblées législatives.

En dehors du fait que de telles pratiques ne pourraient voir le jour que sous l'empire de nouveaux textes constitutionnels, on a tout lieu de redouter qu'une telle ingérence serait gravement inhibante pour l'exécutif. Il est certain qu'elle affaiblirait notre pays dans les négociations internationales.

Par contre, l'audition des Ministres responsables après la signature des accords est de pratique courante et relève de l'information légitime du Parlement, responsabilité qui peut être exigée de l'exécutif et poussée aussi loin que nécessaire.

III. - LA CONSULTATION DU PARLEMENT SUR L'ENGAGEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

L'article 26 de la Constitution assure la protection de la responsabilité pénale des parlementaires et empêche, à juste titre, leur incrimination à l'occasion de leurs prises de position publiques. Cependant la divulgation des accords internationaux au sein du Parlement pose un problème de responsabilité en cas d'atteinte à la confidentialité de ces accords. On peut certes faire confiance aux parlementaires mais en l'état actuel des choses, le problème de leur habilitation n'est pas vraiment réglé. Par ailleurs et, en dehors de la difficulté ci-avant, une telle divulgation peut déboucher sur des problèmes graves de sécurité nationale.

Enfin, de telles situations sont de nature à porter atteinte à la marge de man_uvre que détient normalement et naturellement l'exécutif dans la conduite des relations internationales.

L'emploi des troupes françaises hors du territoire national n'est pas, en soi, constitutif d'un acte de guerre, c'est dans la majorité des cas une décision qui assure le prolongement de la conduite des relations internationales, conduite qui relève de l'exécutif.

Quant à la décision d'engager des troupes françaises hors du territoire national, elle relève aujourd'hui, dans la plus grande légitimité constitutionnelle, de la responsabilité du Chef de l'Etat, Chef des Armées, qui préside les comités et conseils supérieurs de défense au sein desquels de telles décisions sont prises.

Au demeurant, le Président de la République ne pourrait se dérober à cette responsabilité puisqu'il est garant, au titre de l'article 5 de la Constitution, non seulement de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire mais aussi du respect des traités.

Enfin, si la décision d'engager des troupes doit être par nature rapide, il n'en reste pas moins que la Constitution permet l'information du Parlement, pratiquement en temps réel, selon la procédure du message prévu à l'article 18 de la Constitution.

Plus encore, si l'engagement des forces à l'étranger nécessite des mesures en matière de défense relevant plus spécifiquement de l'article 20 de la Constitution, c'est-à-dire de l'autorité du Gouvernement, ces mesures peuvent être contestées par le Parlement par le biais de l'article 49 de la Constitution qui organise le vote de censure.

S'agissant de la révision proposée de l'article 35 de la Constitution, même les Parlements de la IIIème et IVème Républiques n'ont jamais déclaré les deux guerres mondiales ni les guerres coloniales.

Dès lors, et au moment où la vitesse de décision est de plus en plus importante, enserrer l'engagement des forces dans un carcan constitutionnel revient de fait à prendre le risque d'afficher une certaine volonté de ne jamais intervenir.

En empêchant l'exécutif de remplir, comme il le fait aujourd'hui, les obligations internationales qui lui incombent, soit au titre des traités, soit au titre de la morale internationale, le Parlement perturberait gravement l'équilibre constitutionnel des pouvoirs. A cet égard, on pourrait se demander si dans telle ou telle situation il n'engagerait pas sa responsabilité pénale internationale.

Au surplus et en se plaçant d'un point de vue strictement militaire, il est avéré que la consultation préalable du Parlement serait de nature à porter atteinte à la nécessaire réactivité de nos forces. Il engendrerait à coup sûr des retards préjudiciables au bon déroulement des opérations.

Au total, on voit bien que dans de nombreuses situations, les propositions du Rapporteur seraient de nature à entamer la perception, par nos partenaires étrangers, de notre détermination à honorer nos engagements internationaux.

IV. - SUR LE SUIVI PARLEMENTAIRE DES INTERVENTIONS

Le suivi par le Parlement des opérations extérieures relève à coup sûr du rôle légitime de notre assemblée et des besoins d'information que celui-ci suppose.

Cependant le bon sens démontre que cette nécessité d'une information aussi poussée que possible ne peut être satisfaite au détriment d'un certain nombre d'impératifs qui sont les suivants :

- la conduite des opérations sur le terrain par ceux qui en ont la responsabilité ;

- la confidentialité des actions préparées ;

- la sécurité des personnes ;

- le nécessaire respect de la chaîne hiérarchique opérationnelle.

Ceci emporte notamment un certain nombre de principes dont il n'est pas certain qu'ils ne seraient pas contrariés par des propositions du Rapporteur.

En particulier, les pouvoirs d'audition que les parlementaires peuvent légitimement assumer, ne peuvent concerner que les seuls responsables politiques et opérationnels. C'est pour avoir dérogé à ce principe que notre mission sur le Rwanda qui avait auditionné des exécutants a créé un réel problème de responsabilité et de troubles au sein de nos armées.

L'argument utilisé du soutien aux parlementaires aux forces engagées sur un théâtre extérieur pour conforter la perception par nos troupes de la légitimité de leur action est, à cet égard, peu recevable. Il met en cause la légitimité de la décision présidentielle soutenue par le Gouvernement ce qui est peu admissible. Plutôt que de légitimité il eût été mieux de parler de soutien et de valorisation de l'action de nos troupes.

A cet égard, la présence des parlementaires sur les théâtres extérieurs présente, à coup sûr, des vertus. Il y a donc lieu de souhaiter une telle présence mais celle-ci ne peut, en aucun cas, se fonder sur la nécessité d'un surcroît de légitimité, démarche qui ruinerait en quelque sorte la décision d'engagement elle-même.

En conclusion, les commissaires du groupe RPR considèrent que les propositions de caractère politique qui sont faites par le Rapporteur doivent être écartées pour la plupart d'entre elles car elles remettent en cause :

- l'équilibre constitutionnel actuel de la France ;

- la capacité de négociation et de décision du Chef de l'Etat ;

- la confidentialité et l'efficacité de nos interventions militaires ;

- la sécurité des personnels engagés.

CONTRIBUTION PARLEMENTAIRE DES MEMBRES
DU GROUPE SOCIALISTE DE LA COMMISSION
DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

Depuis 1997, la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de notre assemblée s'est attachée à l'étude rigoureuse, précise et aussi complète que possible des processus de décision et des mécanismes juridiques et budgétaires qui régissent les interventions des armées sur des théâtres extérieurs. Elle entend ainsi donner toute sa force à une prérogative de contrôle parlementaire constitutionnellement établie dans les textes, mais peu exercée en pratique.

Le rapport d'information présenté par M. François Lamy constitue une nouvelle étape dans cette réflexion. Il s'inscrit dans le prolongement des conclusions de la mission d'information commune des Commissions de la Défense et des Affaires étrangères sur le conflit du Rwanda. Il se situe également dans la continuité des avis présentés par M. François Lamy au nom de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur les projets de lois de finances rectificative.

Le Rapporteur explore plus particulièrement quatre voies d'amélioration du contrôle parlementaire des opérations extérieures, en tenant largement compte d'observations formulées par ses interlocuteurs, des responsables opérationnels dans leur grande majorité. Il compare également le cadre institutionnel actuel, qui cantonne le Parlement dans un rôle secondaire (pour ne pas dire négligeable) avec celui d'autres grandes démocraties qui privilégient un système plus équilibré et plus transparent (en un mot plus en phase avec les exigences démocratiques).

Les commissaires du groupe socialiste souscrivent à la totalité des recommandations du Rapporteur, dont ils estiment qu'il développe une démonstration objective et cohérente.

· On est effectivement en droit de souhaiter que le Parlement assure un contrôle des moyens financiers mis en _uvre pour faire face aux opérations extérieures qui ne soit pas uniquement a posteriori. En cela, le Rapporteur a raison de préconiser, en plus d'une annexe explicative supplémentaire sous la forme d'un nouveau « jaune » budgétaire spécifique, une individualisation des crédits nécessaires aux opérations extérieures les plus significatives en loi de finances initiale dans la mesure où cette individualisation peut être effectuée de manière techniquement rigoureuse (ce qui explique qu'il s'en tienne principalement aux rémunérations et charges sociales).

· Il est également justifié de chercher à établir une information complète des parlementaires sur les traités et accords de défense et de coopération militaire, quand bien même certains d'entre eux sont secrets. En l'état actuel du fonctionnement de nos institutions, l'information des parlementaires sur le fond de ces accords est une exception. Faut-il se satisfaire de cette situation alors qu'ils peuvent entraîner le pays dans un conflit et que, sans doute en raison de leur importance politique, il arrive que certains organes de presse soient davantage informés que la représentation nationale ?

Les commissaires du groupe socialiste le pensent d'autant moins que l'association de la représentation nationale serait de nature à dissiper les soupçons de nos concitoyens sur la pertinence et les risques éventuels des engagements internationaux souscrits par l'exécutif. On rappellera par ailleurs que la compétence du Président de la République et du Gouvernement pour la négociation et la conclusion des traités ou accords n'est nullement remise en cause par le dispositif proposé par le rapporteur, à moins de considérer l'information du Parlement comme une ingérence, conception qui dénaturerait, de manière polémique, les termes du débat.

· On ne peut non plus nier la nécessité d'une consultation du Parlement sur l'engagement des opérations extérieures, de manière à permettre à la représentation nationale d'être informée et de s'exprimer sur une décision qui, outre son impact financier, met en jeu non seulement les intérêts fondamentaux du pays, mais aussi - et surtout - la vie de ses soldats. Pourquoi le Parlement, généralement compétent pour la définition des sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens, serait-il réduit au silence lorsqu'il s'agit d'exposer les militaires français au risque suprême. Le rapporteur préconise que les interventions des forces armées soient subordonnées à une consultation du Parlement. Seules les interventions qui ne correspondraient pas à un mandat explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies ou à l'application d'un accord de défense feraient l'objet d'une autorisation du Parlement, puisque ces cas portent obligation internationale pour la France (dont le non-respect engagerait sa responsabilité juridique).

Les commissaires du groupe socialiste considèrent que, comme le souligne le rapporteur, l'article 35 de la Constitution présente le paradoxe de reconnaître au Parlement le pouvoir d'autoriser l'engagement de nos forces dans un conflit, tout en maintenant ce pouvoir à l'état de virtualité, la déclaration de guerre étant désormais prohibée par le droit international.

Un retour à l'esprit originel de la Constitution s'impose donc, au besoin par le biais d'une révision constitutionnelle. Il n'y a rien, dans cette proposition, qui puisse donner lieu à contestation de la légitimité ou du rôle tant du Chef de l'Etat que du Gouvernement en matière de négociation des accords internationaux, comme de conduite des opérations militaires. Tout au plus faut-il y voir la reconnaissance du caractère inapproprié des mécanismes traditionnels du message (article 18 de la Constitution) et de la censure (article 49 de la Constitution) pour assurer l'information préalable, la consultation et, le cas échéant, l'autorisation du Parlement en cas de déclenchement des opérations extérieures.

· Enfin, l'amélioration du suivi parlementaire des interventions des forces hors du territoire national constitue d'une proposition de bon sens qui répond à de nombreuses aspirations formulées par les armées elles-mêmes.

Les déplacements de parlementaires auprès des forces contribuent à valoriser leur engagement et à leur manifester le soutien de la nation tout entière. En cela, les justifications de leur action s'en trouvent confortées. Le lien Armée-Nation en est également renforcé.

Les auditions par la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de responsables politiques et opérationnels, mais aussi d'acteurs directement engagés dans l'exécution d'opérations extérieures, sont tout autant nécessaires. La mission d'information parlementaire sur le conflit du Rwanda a montré l'intérêt d'une investigation élargie pour la compréhension des problèmes de terrain. Elle constitue un précédent utile, qui a représenté un véritable progrès, reconnu par tous, y compris par les militaires, du contrôle parlementaire.

Il paraît établi désormais, grâce au travail de cette mission, qu'un meilleur fonctionnement des mécanismes de gestion de la crise rwandaise, passant notamment par une association effective du Parlement, aurait évité de graves erreurs d'appréciation et, par conséquent, les mises en cause injustifiées dont les militaires en mission de coopération au Rwanda ont fait l'objet.

*

Les commissaires du groupe socialiste estiment que le Rapporteur a présenté un travail approfondi, démonstratif et cohérent. Ses conclusions recueillent leur soutien car elles répondent à leur souci de rééquilibrer le fonctionnement des institutions de la Vème République dans le domaine de la Défense nationale, qui ne constitue pas l'apanage de l'exécutif, quelles que soient les responsabilités particulières que lui reconnaît la Constitution en ce domaine.

M. François Lamy a présenté un travail de qualité, dans le droit fil de l'attachement que tout démocrate est tenu de porter à la représentation nationale, instrument de la souveraineté nationale aux termes de l'article 3 de la Constitution.

CONTRIBUTION PARLEMENTAIRE
DE M. ALOYSE WARHOUVER, DÉPUTÉ DE LA MOSELLE

Observations concernant le rapport de M. François Lamy sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures

I. - SUR LE CONSTAT

Il conviendrait de chiffrer les moyens mis en _uvre pour les opérations extérieures dès le moment où les unités quittent leur casernement ou leur base pour les forces aériennes ou navales.

II. - SUR LE CONTRÔLE

Il est impérativement nécessaire que toute opération extérieure soit soumise à l'approbation du Parlement.

Les citoyens français ne comprennent pas « l'absence » des députés et sénateurs dans les engagements des forces armées et nous interpellent durement. Ils prennent pour un « mépris » les décisions du seul pouvoir exécutif.

A fortiori il faut que les contribuables connaissent les enveloppes consacrées à chaque opération.

Une telle démarche ne saurait porter un tort aux intérêts de la France.

ANNEXES

I. - LISTE DES MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL
SUR L'AMÉLIORATION DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

M. François LAMY, Coordonnateur

Titulaires :

- M. Bernard CAZENEUVE Député de la Manche

- M. François HUWART Député de l'Eure-et-Loir

- M. Pierre LELLOUCHE Député de Paris

- M. Jean-Claude SANDRIER Député du Cher

- M. Michel VOISIN Député de l'Ain

Suppléants :

- M. Roger FRANZONI Député de la Haute-Corse

- M. François LIBERTI Député de l'Hérault

- M. Christian MARTIN Député du Maine-et-Loire

- M. Gilbert MEYER Député du Haut-Rhin

- M. Jean-Claude VIOLLET Député de la Charente

II. - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL SUR L'AMÉLIORATION DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Lors de ses travaux, le groupe de travail de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées chargé de réfléchir sur l'amélioration du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures a auditionné les personnes suivantes en leur qualité précisée ci-après :

- M. Jean-Maurice RIPERT, Conseiller diplomatique du Premier ministre ;

- M. Marc PERRIN DE BRICHAMBAULT, Directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères ;

- M. le Général d'armée aérienne Jean-Philippe DOUIN, Chef d'Etat-major des Armées ;

- M. le Général de brigade Michel RIGOT, Chef de la Mission militaire de coopération ;

- M. le Général FRICAUD-CHAGNEAU, Chargé d'une mission de réflexion sur les opérations extérieures ;

- M. le Général d'armée Bernard JANVIER, Directeur de l'IHEDN et ancien Commandant des Forces de l'ONU en ex-Yougoslavie ;

- M. le Général de brigade aérienne Jacques SALEUN, Chef du Commandement des opérations spéciales.

Il convient également de rappeler que des délégations du groupe de travail menées par son coordinateur se sont rendues en Bosnie-Herzégovine et au Gabon.

A l'occasion de leur déplacement en Bosnie-Herzégovine du 30 avril au 2 mai 1998, les membres du groupe de travail ont rendu visite à la Division multinationale sud-est (DMNSE) et se sont notamment entretenus avec son commandant, M. le Général Pierre LANG. Ils ont également visité le BATALAT et ont rencontré l'Ambassadeur de France à Sarajevo, M. Yves GAUDEUL et le COMFRANCE, Commandant adjoint de la SFOR, M. le Général Bruno ELIE.

Lors de leur déplacement au Gabon, du 28 au 30 mai 1998, les membres du groupe de travail ont rencontré des éléments des forces françaises prépositionnées sur place, notamment à Port Gentil. Ils ont également été reçus par M. Omar BONGO, Président de la République gabonaise, ainsi que par le Ministre de la Défense, le Général d'armée Idriss N'GARI et le Chef d'Etat major des armées gabonaises. Un entretien a eu lieu avec le Premier Conseiller de l'Ambassade de France à Libreville, M. LOUVET.

III. - INSTRUCTION RELATIVE AU SUIVI DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES ENTRAÎNÉES PAR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Le Ministre de la Défense Paris, le 25 mai 1984

INSTRUCTION RELATIVE AU SUIVI DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES ENTRAÎNÉES PAR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

préambule

objet de l'instruction

1. - Les budgets annuels du ministère de la Défense couvrent, en principe, les dépenses correspondant à l'activité des éléments de nos forces qui sont « prépositionnés » en permanence en dehors du territoire métropolitain :

- soit dans certains pays étrangers auxquels nous lient des accords de défense ;

- soit dans les départements et territoires d'outre-mer ;

- soit même sur certains théâtres d'opérations éventuels.

En revanche, ces budgets ne prévoient normalement pas de crédits spécifiques pour couvrir les suppléments de dépenses induits par l'activité ou le soutien des éléments de forces engagés occasionnellement, sur ordre du Gouvernement, dans des opérations extérieures de plus ou moins longue durée.

2. - Etant donné l'importance des moyens (hommes, matériels, transports et prestations diverses, approvisionnements, travaux d'infrastructure) qui peuvent être consacrés à ces actions extérieures, leur coût doit être analysé et suivi avec la plus grande rigueur possible, en distinguant :

- les coûts qui correspondraient à l'activité et au soutien des éléments de force s'ils étaient dans leur stationnement d'origine ;

- les dépenses supplémentaires entraînées par leur engagement à l'extérieur ;

- les économies :

· induites au lieu de stationnement normal du fait même de l'engagement à l'extérieur ;

· réalisées délibérément, sur décision de chaque état-major ou direction, par une diminution des dépenses ou consommations normalement prévues pour les forces (par exemple suppression d'exercices ou réduction du potentiel d'activité) en vue de contenir le mieux possible l'évolution des dépenses budgétaires.

Cette tâche est assurée, sous leur responsabilité, par les états-majors et directions de services chargés de la mise en _uvre des moyens.

3. - La présente instruction a pour objet de fixer une méthodologie pour le recueil et la prévision des coûts normaux et des dépenses supplémentaires, applicable pour l'ensemble des Armées, en précisant :

- la notion d'opérations extérieures ;

- les autorités responsables du suivi et de la transmission des informations d'une part, de leur exploitation d'autre part ;

- la nature des informations à produire et la forme matérielle sous laquelle elles seront présentées ;

- les principes généraux.

I. - la notion d'opération extérieure

L'attention des états-majors et services est appelée sur l'intérêt de délimiter avec soin les dispositifs relevant du « stationnement » ou du « prépositionnement » normal outre-mer d'une part, et ceux qui relèvent des opérations extérieures d'autre part.

1.1. Dans le premier cas, des éléments de forces ou détachements des armes et des services sont affectés en permanence(23) dans un pays étranger, un territoire ou un département d'outre-mer, ou à un théâtre d'opérations maritimes.

- leur activité est normalement prise en compte au budget de la défense avec deux conséquences :

- ouverture d'un droit en effectifs par un tableau d'effectifs et de dotations particulier (24;

- allocation d'un potentiel d'activité opérationnelle terrestre, aérienne (heures de vol) ou maritime (heures ou jours de mer) prévu sous plafond des potentiels annuels de l'armée considérée.

Les éléments ou détachements normalement stationnés ou prépositionnés sont en dehors du champ d'application de la présente instruction.

Cependant des exceptions à ce principe pourront être admises chaque fois que lesdits éléments ou détachements auront été mis à contribution pour renforcer et soutenir une « action extérieure » et dans la mesure seulement où il en résultera un dépassement notable de leur potentiel d'activité normal.

Il pourra en être de même lorsqu'un renfort occasionnel et temporaire sera mis en place auprès desdits éléments ou détachements pour faire face, par exemple, à une menace particulière.

1.2. Les opérations extérieures ont au contraire un caractère exceptionnel, non planifié ; leur durée peut même n'être pas prévisible au moment où elles sont déclenchées ; les dépenses supplémentaires qu'elles entraînent ne sont donc normalement pas prises en compte lors de l'élaboration des budgets initiaux du ministère de la Défense.

L'état-major des armées propose au Cabinet du ministre de qualifier comme telle une opération extérieure. Lorsqu'une opération reçoit cette qualification, chaque état-major ou direction met en _uvre un ensemble d'économies afin de couvrir une partie des dépenses supplémentaires résultant des opérations extérieures.

II. - autorités responsables du recueil de la transmission et de l'exploitation des informations en matière de coûts

Les autorités responsables du recueil des informations en matière de coûts sont, chacune pour ce qui la concerne :

- les états-majors de l'armée de Terre, de la Marine et de l'armée de l'Air pour les éléments de force et détachement militaires d'une part, l'intervention des services qui sont subordonnés à ces états-majors d'autre part ;

- la direction générale de la Gendarmerie nationale pour les formations et détachements de ses personnels ;

- la direction centrale du service de santé des armées ;

- la direction centrale du service des essences des armées.

Les états-majors et directions de services adressent les informations « recueil et prévision des coûts des actions extérieures » à la direction des services financiers.

La direction des services financiers exploite ces états et informe le Cabinet du ministre.

III. - nature des informations à produire et forme matérielle de leur présentation - périodicité d'envoi des états

a) un modèle d'état périodique « recueil et prévision des coûts des actions extérieures » est présenté en annexe A. Sa contexture générale reprend celle qui a été adoptée jusqu'ici.

Chaque état-major adapte l'état en fonction de sa propre nomenclature budgétaire (par exemple pour l'EMAT les coûts et surcoûts « carburants » sont évalués au chapitre 34-12 art. 20).

Un certain nombre d'informations sur le contenu physique du dispositif d'action extérieure et sur l'activité des moyens mis en _uvre doivent être fournies en annexe à l'état périodique. Une liste non limitative est proposée en annexe B.

b) Les états sont arrêtés aux dates suivantes (25:

- 1er janvier

- 1er avril

- 1er juillet

- 1er septembre

- 1er octobre

- 1er novembre

- 1er décembre

et adressés à la direction des services financiers le 20 du même mois au plus tard.

La constatation et la prévision des coûts, des dépenses supplémentaires et des économies portent donc sur un trimestre en principe, avec les exceptions suivantes :

- les états du 1er septembre et du 1er novembre enregistrent les coûts et dépenses supplémentaires constatés depuis le premier jour du trimestre et indiquent les prévisions jusqu'à la fin de l'année ;

- l'état du 1er décembre enregistre les coûts et dépenses supplémentaires constatés depuis le 1er octobre et indique, en même temps que les prévisions du mois de décembre, les estimations pour l'année suivante.

c) La production des états commence dès que l'état-major des Armées a qualifié comme telle une nouvelle opérations extérieure.

d) Les états sont transmis en « diffusion restreinte ». Les informations qu'il apparaîtrait nécessaire de protéger sont transmises par courrier séparé avec un degré de classification approprié.

IV. - principes généraux d'évaluation des dépenses supplémentaires

Recommandation générale

Il n'est pas nécessaire que les chiffres transmis à la Direction des Services Financiers soient d'une exactitude comptable parfaite.

C'est d'ailleurs impossible lorsqu'il s'agit de dépenses constatées le mois précédant la production des états en raison des délais de saisie ou lorsqu'il s'agit des prévisions pour la période à venir.

Dans un souci d'allégement des tâches administratives et d'efficacité il suffit que les évaluations, lorsqu'elles ne reposent pas sur des chiffres exacts produits par les comptabilités, soient fondées sur une méthode logique et réaliste, par exemple la « forfaitisation » à partir d'éléments de coût standard ou l'extrapolation raisonnée de chiffres passés.

Les règles adoptées par chaque état-major ou direction de service doivent être permanentes, autant que possible, et clairement explicitées lors de la transmission des états périodiques.

Il conviendra de « recaler » périodiquement les standards utilisés sur la réalité des coûts afin qu'ils reposent sur des justifications toujours pertinentes.

Recommandations particulières

- Rémunérations et charges sociales (chapitre 31-12)

L'emploi des coûts standard diffusés par la DSF est conseillé lorsque la simple extrapolation des coûts constatés dans le passé n'est pas praticable. Les majorations de rémunérations spécifiques à un théâtre d'opérations ou tenant compte d'une situation particulière (majoration d'embarquement pour les personnels de l'armée de Terre transportés par des bâtiments de la Marine par exemple) seront prises en compte, au besoin par l'application d'un coefficient standard.

- Alimentation (chapitre 34-11)

L'application de coefficients majeurs standard est ici également conseillée dans les mêmes conditions que pour les rémunérations.

- Fonctionnement des bases aériennes - Entretien et activité des forces terrestres ou maritimes (chapitre 34-12)

On enregistre sous cette rubrique :

· les dépenses supplémentaires de fonctionnement des bases aériennes supportant (en métropole) les éléments « AIR » ;

· les ressources allouées aux corps de l'armée de Terre au titre des budgets de fonctionnement « vie courante » et « activité » sous la réserve des carburants pour lesquels une évaluation spéciale continue à être demandée ;

· les dépassements éventuels enregistrés par les budgets de vie courante des unités de la Marine.

- Dépenses centralisées de soutien transports-déplacements (chapitre 34-13)

C'est sous cette rubrique que sont signalées les dépenses supplémentaires afférentes aux transports de matériels ou de personnel (affrètements d'avions pour transport de détachements de personnels) ou les redevances d'aéroports et d'assistance au sol pour les trajets France-théâtre d'opérations et retour.

- Combustibles et carburants (chapitre 34-14 pour l'armée de l'Air et la Marine, 34-12 art. 20 pour l'armée de Terre)

Plusieurs paramètres doivent être utilisés pour une évaluation réaliste des coûts et des dépenses supplémentaires :

· les consommations qui résulteraient de l'activité normalement programmée en métropole ;

· les consommations résultant d'un dépassement du potentiel ;

· les écarts de tarifs des combustibles et carburants (tarif de cession du SEA ou de facturation des compagnies privées plus ou moins onéreux qu'en métropole) ;

· dépenses supplémentaires entraînées par la constitution des stocks si elles ne sont pas répercutées sur les tarifs de cession. En aucun cas la valeur des stocks eux-mêmes ne doit être comptabilisée dans les dépenses supplémentaires (26).

- Entretien des matériels, de la flotte et des munitions (chapitres 34-31, 34-35 et 53-51 (Marine), 53-71 et 53-72 (autres sections))

Sous cette rubrique sont signalés des coûts et dépenses supplémentaires concernant les opérations de maintenance et l'utilisation de rechanges.

Il est encore recommandé d'adopter, chaque fois qu'on ne dispose pas de chiffres comptables, une méthode de forfaitisation raisonnée : application des normes « métropole » majorées par des coefficients adaptés aux théâtres d'opérations.

Ces coefficients ne sont pas nécessairement identiques pour toutes les catégories de matériel, ni même pour des matériels semblables, d'une armée à l'autre. Ils seront précisés et justifiés, lors de leur premier emploi dans l'annexe à l'état périodique.

Les dépenses supplémentaires à signaler sont celles qui sont constatées ou prévues pour l'année en cours, ou estimées pour l'année suivante : en aucun cas, on n'anticipera sur celles des années ultérieures.

- Remarque commune aux deux rubriques précédentes

L'expérience montre que les dépenses supplémentaires signalées au titre des carburants et de l'entretien des matériels sont (avec les rémunérations) de loin les plus importantes.

La plus grande rigueur est donc demandée aux états-majors dans l'appréciation de l'activité « normale » (activité dans la zone normale de stationnement) et de l'activité « supplémentaire » induite par l'opération extérieure.

La méthode adoptée par chaque état-major, compte tenu des contraintes d'emploi de ses matériels, sera explicitée avec précision.

- Pertes de matériels, pour diverses causes tenant à des circonstances exceptionnelles (divers chapitres de fabrications)

Les stocks ou matériels qui seraient détruits en action de combat ou devraient être abandonnés sur place au moment du départ de nos forces, en fin d'intervention extérieure, peuvent être évalués dans les dépenses supplémentaires sur justification particulière, mais déduction faite des consommations, usures et pertes normales (attrition) qui auraient en tout état de cause affecté ces matériels.

Il en est de même des cessions gratuites de matériels, armement et munitions, décidées par le ministre, au profit d'une armée étrangère. Elles doivent être saisies sur état distinct annexé aux états périodiques.

- Munitions (divers chapitres Titre V)

Les consommations de munitions en actions de combat sont signalées en « dépenses supplémentaires », après défalcation des quantités qui auraient normalement été tirées pour exercice.

Il en est de même des munitions que les conditions d'emploi ont rendues irrécupérables, même si elles ne sont pas tirées (amorçage de certains missiles).

*

* *

L'annexe C indique la liste des directives, instructions et notes, relatives au recueil des coûts des actions extérieures, rendues caduques par la présente instruction.

Celle-ci entre en vigueur au 1er juillet 1984.

IV. - EXTRAITS DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES

Chapitre VI

« Règlement pacifique des différends »

Article 33

Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix.

Le Conseil de sécurité, s'il le juge nécessaire, invite les parties à régler leur différend par de tels moyens.

Article 36

Le Conseil de sécurité peut, à tout moment de l'évolution d'un différend de la nature mentionnée à l'article 33 ou d'une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d'ajustement appropriées (...).

Chapitre VII

« Action en cas de menace contre la paix,

de rupture de la paix et d'acte d'agression »

Article 39

Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

Article 42

Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l'article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.

Article 43

Tous les Membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l'assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales (...).

Article 51

Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Chapitre VIII

« Accords régionaux »

Article 52

Aucune disposition de la présente Charte ne s'oppose à l'existence d'accords ou d'organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies.

Article 53

Le Conseil de sécurité utilise, s'il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l'application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité (...).

V. - LISTE DES ACCORDS DE DÉFENSE OU DE COOPÉRATION MILITAIRE EN VIGUEUR

PAYS

DATE

NATURE DE L'ACCORD

LOI AUTORISANT LA RATIFICATION

PUBLICATION AU JOURNAL OFFICIEL

Afrique du Sud

28.05.98

Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

-

-

Arabie Saoudite

09.10.82

Accord de coopération et d'assistance militaires entre le Gouvernement du Royaume d'Arabie Saoudite et le Gouvernement de la République française.

-

-

Bénin

27.02.75

Accord de coopération militaire technique. Echange de lettres sur les facilités d'escales et de transit.

03.06.77

10.01.78

 

31.03.66

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

- (1)

Bulgarie

30.07.92

Arrangement administratif entre ministères de la Défense.

-

-

Burkina

24.03.61

Accord d'assistance militaire technique.

26.07.61

05.02.62

 

14.07.65

Convention relative au soutien logistique des forces armées.

-

01.06.67

Burundi

07.10.69

Accord particulier relatif au concours en personnel militaire pour l'organisation, l'instruction et l'emploi de l'escadrille burundaise.

-

21.04.70

 

31.05.74
05.06.74

Extension de l'accord précité à l'ensemble des forces armées burundaises.

-

01.07.75

Cambodge

06.07.93

Accord relatif à la coopération technique dans le domaine de la Défense.

-

-

 

25.02.94

Accord relatif à la coopération militaire technique.

-

-

Cameroun

21.02.74

Accord spécial de défense (secret).

-

-

 

21.02.74

Accord de coopération militaire.

20.05.75

17.12.75

 

21.02.74

Convention fixant les règles et modalités du soutien logistique aux forces armées.

-

-

 

18.07.66

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

- (1)

Centrafrique

15.08.60

Accord de défense.

22.11.60

24.11.60

 

10.09.65

Convention fixant les règles et conditions du concours au soutien logistique des forces terrestres, aériennes et de la Gendarmerie (avenant de mars 1973).

-

-

 

21.05.66

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

- (1)

 

08.10.66

Accord concernant l'assistance militaire technique.

-

- (1)

Comores

10.11.78

Accord de coopération en matière de défense (arrangement technique en cours d'élaboration).

15.04.81

12.02.83

 

04.08.79

Convention relative au concours militaire technique.

15.04.81

12.02.83

Congo

01.01.74

Accord de coopération technique en matière de formation des cadres et d'équipement de l'armée populaire nationale.

20.05.73

10.02.82

Côte d'Ivoire

24.04.61

Accord de défense.

26.07.61

05.02.62

 

24.04.61

Accord d'assistance militaire technique.

26.07.61

05.02.62

 

09.02.62

Convention relative au maintien de l'ordre (secrète).

-

-

 

08.04.65

Convention fixant les règles et conditions du concours français au soutien des forces terrestres, aériennes et de Gendarmerie.

-

- (1)

 

03.09.65

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

-

 

26.01.78
et
19.03.80

Accords particuliers pour la coopération en matière d'armement (1978) et la formation des pilotes (1980).

-

-

Djibouti

27.06.77

Protocole provisoire fixant les principes de la coopération militaire.

-

10.11.85

 

28.04.78

Echange de lettres fixant les conditions fiscales applicables aux AMT.

-

-

 

03.09.79

Convention relative à la création et au fonctionnement d'un bureau postal militaire.
- Modifiée par un échange de lettres du 12.02.85.

-

-

08.12.79

19.02.86

 

14.02.80

Convention au sujet des compétences de la prévôté en matière de délits ou fautes commises par les AMT.

-

16.01.87

Emirats

18.01.95

Accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat des Emirats Arabes Unis.

-

-

Estonie

11.05.94

Arrangement administratif entre ministères de la Défense.

-

-

Gabon

17.08.60

Accord de défense (3 annexes, dont annexe 2 : Assistance militaire technique).

22.11.60

24.11.60

 

18.03.61

Convention spéciale relative au maintien de l'ordre (secrète).

-

-

 

25.08.65

Convention fixant les règles du soutien logistique des forces terrestres, aériennes et de la Gendarmerie.

-

-

 

17.11.65

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

-

 

01.02.80

Accord particulier relatif à l'instruction des personnels de l'armée de l'Air sur Mirage (+ avenant du 29.08.80).

-

-

Guinée Equato.

09.03.85

Accord de coopération militaire technique.

18.11.87

16.04.88

Guinée

07.04.85

Accord de coopération militaire technique.

18.11.87(2)

-

Hongrie

21.06.91

Arrangement administratif entre ministères de la Défense.

-

-

Jordanie

02.12.95

Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie relatif à la coopération militaire et aux relations bilatérales dans le domaine de la défense.

-

-

Liban

28.02.85

Echange de lettres.

-

-

Madagascar

04.05.66

Convention de soutien logistique.

-

30.07.75

 

04.06.73

Convention concernant les affaires militaires et l'assistance technique.

-

30.07.75

 

26.10.73
et
05.11.73

Rectificatifs aux conventions du 04.06.73.

-

-

 

29.12.78

Convention concernant l'hôpital militaire d'Antananarivo.

-

04.10.81

 

12.06.98

Accord relatif à la coopération militaire.

-

- (3)

Malawi

29.03.80

Accord particulier entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Malawi relatif au détachement d'un conseiller technique auprès du Gouvernement de la République du Malawi.

-

-

Mali

06.05.85

Accord de coopération militaire technique.

18.11.87(2)

-

 

08.07.86
et
27.07.86

Echange de lettres fixant les conditions fiscales applicables aux assistants militaires techniques (AMT).

-

05.12.90

Maroc

11.10.94

Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc relatif à la coopération militaire technique.

-

-

Maurice

14.09.79

Echange de lettres relatif à la contribution mensuelle de l'Ile Maurice aux dépenses de personnels AMT.

-

30.04.80

 

25.09.79

Accord particulier de coopération militaire.

23.12.80(2)

-

Mauritanie

16.09.65

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

- (1)

 

27.04.86

Accord de coopération militaire technique.

18.11.87(2)

-

 

21.09.86
et 19.02.87

Échange de lettres fixant les conditions fiscales applicables aux AMT.

-

-

Niger

19.02.77

Accord de coopération militaire technique.

05.07.79

26.04.80

Pologne

15.06.92

Arrangement administratif entre ministères de la Défense (accord intergouvernemental en négociation).

-

-

Qatar

02.08.94

Accord entre le Gouvernement de l'Etat du Qatar et le Gouvernement de la République française relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

-

-

 

25.10.98

Accord technique entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar concernant les modalités d'application de la coopération en matière de défense.

-

-

République Tchèque

13.11.97

Arrangement administratif entre ministères de la Défense.

-

-

rdc (ex-Zaïre)

22.05.74

Accord général de coopération militaire technique.

29.11.78

04.09.80

   

Accord particulier de coopération en matière d'aéronautique militaire.

-

-

   

Arrangement de coopération militaire technique dans les domaines de l'aéronautique :

-

-.

   

· avenant n° 1 en date du 07.07.75

   
   

· avenant n° 2 en date du 02.03.76

   
   

· avenant n° 3 en date du 07.05.77

   
   

Arrangement relatif à l'instruction du personnel zaïrois dans les écoles de l'armée de l'Air française.

-

-

 

09.07.76

Arrangement de coopération militaire technique dans le domaine de la force terrestre.

-

-

   

- Avenant n° 1 en date du 07.02.78.

   

Roumanie

24.10.98

Accord intergouvernemental.

-

-

Rwanda

18.07.75

Accord particulier d'assistance militaire.

-

- (4)

Sénégal

29.03.74

Accord de coopération en matière de défense.

19.12.75

30.11.76

 

29.03.74

Convention fixant les règles et conditions du concours au soutien logistique des forces terrestres, aériennes, maritimes, de la Gendarmerie, des unités militaires du service civique et des formations paramilitaires (garde républicaine, sapeurs pompiers).

-

30.11.76

 

29.03.74

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

30.11.76

Seychelles

05.01.79

Accord particulier de coopération en matière navale.

-

-

Singapour

21.10.98

Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour relatif à la coopération de défense et au statut de leurs forces.

-

-

Slovaquie

06.94

Arrangement administratif entre ministères de la Défense.

-

-

Tchad

06.03.76

Accord de coopération militaire technique complété par l'accord du 16.06.76.

09.11.77

30.04.78

 

06.03.76

Convention fixant les règles et conditions du concours au soutien logistique des forces armées.

-

30.04.78

 

16.06.76

Annexe relative au fonctionnement de l'hôpital militaire de N'Djamena.

21.04.78

30.04.78

 

06.03.61

Convention spéciale relative au maintien de l'ordre (secrète).

-

-

Togo

10.07.63

Accord de défense (secret).

-

-

 

29.04.65

Convention fixant les règles et conditions du concours au soutien logistique des forces terrestres, aériennes et de la Gendarmerie.

-

- (1)

 

28.10.65

Protocole relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires.

-

-

 

23.03.76

Accord de coopération militaire technique(5).

06.07.78(2)

-

Tunisie

02.05.73

Convention de coopération technique militaire entre le Gouvernement de la République tunisienne et le Gouvernement de la République française.

-

-

 

21.09.77

Échange de lettres.

-

-

Ukraine

15.02.96

Accord intergouvernemental de coopération dans le domaine de la défense.

-

-

Zimbabwe

10.12.92

Arrangement technique entre le ministère de la Défense de la République française et le ministère de la Défense de la République du Zimbabwe relatif à la coopération dans le domaine des équipements de défense.

-

-

(1) Cet accord a été publié au RGTF (Recueil général des traités de la France), recueil réalisé sous l'égide du ministère des Affaires étrangères et publié à la Documentation française. Il figure au volume II de la 2ème série du RGTF, consacrée aux accords bilatéraux non publiés.

(2) Cette loi a autorisé l'approbation de l'accord et non sa ratification, jugée non nécessaire. Le texte de l'accord était annexé au projet de loi demandant l'autorisation et l'approbation.

(3) L'accord de 1998 relatif à la coopération militaire avec Madagascar a été communiqué, à sa demande, au rapporteur pour avis de la Commission de la Défense sur le budget des Affaires étrangères.

(4) L'accord particulier d'assistance militaire et ses avenants ont été publiés par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le Rwanda (rapport n° 1271, 11ème législature, tome II, p. 80 à 94). Son application est actuellement suspendue.

(5) L'accord de coopération militaire technique avec le Togo est en cours de réexamen afin de l'adapter au nouveau contexte.

(Source : Ministère des Affaires étrangères)

VI. - LES POUVOIRS DES PARLEMENTS ÉTRANGERS EN MATIÈRE DE RATIFICATION DES TRAITÉS ET D'OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

ITALIE

1. Ratification des traités

L'article 80 de la Constitution dispose que « les Chambres autorisent par des lois la ratification des traités internationaux de nature politique, ou (...) qui entraînent des charges pour les finances... ».

Ce libellé, plus large que celui de l'article 53 de la Constitution de la Vème République (il inclut visiblement les traités d'alliance) semble néanmoins écarter les éventuels accords de coopération militaire technique.

2. Opérations extérieures

_ Déclenchement

Juridiquement, aucune autorisation législative n'est obligatoire (Constitution, art. 78).

Dans les faits, le Parlement est associé de très près au déclenchement et au déroulement des opérations extérieures. Ainsi, les trois opérations récentes auxquelles l'Italie a participé (en Bosnie-Herzégovine, en Albanie et au Kosovo) ont toutes été précédées de résolutions favorables des Chambres.

Après quoi, les opérations ont été constituées par des décrets-lois pris par le Gouvernement.

Or, en Italie, les décrets-lois, sous peine d'annulation, doivent être convertis en lois dans les soixante jours de leur publication (Constitution, art. 77).

Ce mécanisme donne ainsi au Parlement un droit de confirmation à soixante jours.

_ Financement

Il se fait par décret de répartition de crédits tirés d'une réserve provisionnelle (loi du 28 décembre 1995, art. 63). Un compte rendu financier, par opération, est joint au budget des Affaires étrangères lors de l'examen de celui-ci.

_ Contrôle

La discussion de la loi de conversion du décret-loi est inévitablement aussi l'occasion d'un débat sur le déroulement de l'opération. Des auditions par les Commissions restent toujours possibles.

_ Arrêt

Le Parlement a la possibilité de ne pas reconduire une opération si elle avait été votée comme temporaire en refusant de convertir le nouveau décret-loi.

ESPAGNE

1. Ratification des traités

L'article 94 prévoit l'autorisation des Cortès pour la ratification :

- des traités à caractère politique ;

- des traités à caractère militaire.

Ce dispositif assez complet aboutit à soumettre au Parlement les accords de défense.

2. Opérations extérieures

_ Déclenchement

S'il se fait dans le cadre d'un traité international déjà signé par le Gouvernement et autorisé par les Chambres, l'envoi de troupes à l'étranger ne nécessite pas d'autorisation spécifique de celles-ci.

Il en a été ainsi pour la participation à la guerre du Golfe et à l'IFOR (envoi dans le cadre de l'ONU et de l'OTAN). Les Cortès ont cependant été informés et ont discuté de ces affaires.

_ Contrôle

Une fois l'opération lancée, le Parlement effectue un contrôle fréquent, voire régulier, sur son déroulement à travers les auditions en Commission et en séance.

_ Financement

Les dépenses sont individualisées sous la section 14 des dépenses du ministère de la Défense, en général sous la rubrique : « dépenses d'entretien des forces armées participant à des missions de l'ONU ».

Si les crédits sont insuffisants, il est voté un projet de loi de « supplément de crédits » ou de « crédits extraordinaires ».

GRANDE-BRETAGNE

1. Ratification des traités

En Grande-Bretagne, héritage monarchique, il n'y a en droit aucune obligation pour le Gouvernement de demander quelque autorisation que ce soit au Parlement pour ratifier les traités.

Cependant, depuis 1924, aux termes d'un engagement écrit du Gouvernement en date du 1er janvier 1924, tout traité ou accord doit être transmis au moins 21 jours avant sa ratification au Parlement, lequel peut décider d'en débattre en séance publique et de voter sur l'autorisation de ratification.

Cette règle, dénommée Ponsoby rule, a permis que les traités les plus importants en matière de défense (Traité de l'Atlantique Nord par exemple) soient débattus au Parlement.

Cependant, les coopérations militaires entre la Grande-Bretagne et les pays tiers se font, le plus souvent, sous la forme d'échanges de notes ou d'accords en forme simplifiée (« Memorandum of understanding »), qui ne sont pas soumis à ratification. Le Parlement n'a donc pas à connaître de ces textes.

2. Opérations extérieures

_ Déclenchement

Aucune autorisation législative n'est obligatoire pour l'envoi de forces à l'étranger. L'usage s'est cependant instauré d'une information officielle du Parlement par le biais d'une déclaration du Gouvernement présentant les objectifs et les modalités de l'intervention extérieure, le plus souvent suivi d'un débat et parfois d'un vote (en 1990 pour la guerre du Golfe). Les dernières déclarations ont eu lieu en 1992 (FORPRONU), 1994 (Koweït), 1996 (Zaïre), 1999 (Kosovo). Les déclarations ont parfois lieu alors que l'intervention est déjà déclenchée.

_ Contrôle

Il s'effectue selon les procédures classiques du contrôle parlementaire (questions écrites, questions orales, déclarations du Gouvernement suivies de débats, débats généraux sur les questions de défense).

La Commission de la Défense de la Chambre des Communes (« Defence Select Committee ») (1) s'efforce d'exercer un contrôle continu sur la conduite des opérations extérieures par le biais de missions sur le terrain et de rapports d'information.

_ Financement

Il s'effectue par décret de répartition de crédits tirés d'une « réserve pour dépenses imprévues » prévue en loi de finances, puis par loi de finances rectificative (trois par an). En cas de continuation l'année suivante, des crédits sont prévus en loi de finances initiale. Par tradition cependant, le débat sur les dépenses de l'Etat est limité à quelques jours pour l'ensemble du budget.

Un contrôle a posteriori peut être effectué par le National Audit Office (Cour des comptes). Le NAO remet en effet ses rapports au Parlement. Un rapport de décembre 1996 porte sur « la gestion financière de l'opération militaire en ex-Yougoslavie ».

_ Arrêt

Le Parlement n'a pas formellement le pouvoir de mettre fin à une opération extérieure.

ALLEMAGNE

1. Ratification des traités

La Loi fondamentale, adoptée en 1949 sous le contrôle des Alliés, est restrictive. La possibilité de conclure des accords bilatéraux d'assistance militaire mutuelle apparaît modeste (articles 24 à 26 de la Loi fondamentale).

2. Opérations extérieures

La Loi fondamentale a été interprétée du temps de la guerre froide comme limitant considérablement le droit pour l'Allemagne d'agir militairement à l'extérieur. L'Allemagne s'étant progressivement mise à participer à des opérations de l'ONU, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, saisie par des groupes hostiles à cette participation a formulé le 12 juillet 1994 une interprétation de la Constitution plus favorable à ce nouveau type d'actions.

_ Déclenchement

Les opérations (hors zone OTAN) doivent être menées exclusivement dans le cadre d'organisations internationales ayant pour objet la sécurité collective et auxquelles l'Allemagne est partie. Hors de ce cadre, aucune opération extérieure n'est en principe possible.

Les opérations sont décidées par le Gouvernement. L'approbation du Parlement est obligatoire, en principe avant le déclenchement de l'opération.

_ Contrôle

La pratique est récente. Notons cependant que le Bundestag dispose de leviers importants pour établir celle-ci puisque, aux termes de l'article 44 de la Loi fondamentale : « la Commission de la Défense du Bundestag a également les droits d'une Commission d'enquête. Elle est tenue d'enquêter sur une affaire si un quart de ses membres le demande ».

ÉTATS-UNIS

1. Ratification des traités

Les Etats-Unis concluent des accords sous deux régimes juridiques différents :

- les traités, qui réclament l'accord du Sénat à la majorité des deux-tiers ;

- les « executive agreements » ou accords en forme simplifiée, qui ont la même force juridique que les traités mais ne nécessitent la signature que du seul Chef de l'Etat. Il n'y a pas de définition matérielle de l'un ou de l'autre. Devant la multiplication des « executive agreements », le « Case Act » de 1972 a prévu que dans les soixante jours suivant la signature de tout accord, le Président était tenu d'en informer le Congrès.

Le Congrès profite régulièrement de cette disposition pour, lorsqu'il ne veut pas de l'accord, imposer au Président la procédure du traité, plus difficile à mettre en _uvre.

2. Opérations extérieures

Hors déclaration de guerre, l'envoi de forces à l'étranger est du ressort du Président, « Commandant en chef » des armées aux termes de la Constitution.

Depuis le « War powers Act » de 1973, voté par le Congrès malgré le veto du Président, ce pouvoir est cependant encadré. Le Président doit :

- avant l'envoi des troupes, informer le Congrès ;

- au plus tard 48 heures après le déclenchement de l'opération, rendre compte aux deux Chambres de l'objectif recherché par ce déploiement, de son ampleur et de sa durée estimée ;

- mettre fin à l'opération sous 60 jours (90 jours dans certains cas). Pour qu'elle continue plus longtemps (sauf si les troupes américaines sont soumises à une attaque), un vote du Congrès est nécessaire.

En 1990, lors de la crise puis de la guerre du Golfe, le Président Bush a respecté la loi de 1973 en informant le Congrès, puis en obtenant le vote d'une « concurrent resolution » des deux Chambres l'autorisant à utiliser la force contre l'Irak.

Le Congrès a pris l'habitude de fixer une durée déterminée à la prolongation. A travers ce pouvoir exclusif de renouvellement, initial puis continu, le Congrès s'assure d'un contrôle sur l'évolution des opérations (cf. la SFOR).

Le financement des opérations militaires extérieures s'inscrit dans la procédure budgétaire classique du Congrès, très contraignante pour l'exécutif.

VII. - DÉCRET N° 53-192 DU 14 MARS 1953 RELATIF À LA RATIFICATION ET À LA PUBLICATION DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX SOUSCRITS PAR LA FRANCE

(J.O. 15 mars 1953)

Article premier

Le ministre des affaires étrangères est seul chargé de pourvoir à la ratification et à la publication des conventions, accords, protocoles et règlements internationaux dont la France est signataire ou par lesquels la France se trouve engagée. Il en est de même en ce qui concerne le renouvellement ou la dénonciation de ces accords.

Toutefois, en ce qui concerne les conventions internationales du travail, le ministre des affaires étrangères pourvoit à la ratification et à la publication de ces conventions conjointement avec le ministre du travail.

Article 2

Les ministres, pour leur département, et pour les services administratifs dotés de la responsabilité civile qui leur sont rattachés lorsqu'ils ont participé directement ou par l'intermédiaire de leurs représentants à l'élaboration ou à la dénonciation de conventions, accords, protocoles et règlements engageant la France envers un Etat ou une organisation internationale, ou pris au sein d'une organisation internationale à laquelle appartient la France, sont tenus de transmettre au ministre des affaires étrangères le texte de ces conventions, accords, protocoles et règlements, quels que soient l'importance et le caractère de ceux-ci et immédiatement après la signature ou l'adoption.

Article 3

Après transmission au ministre des affaires étrangères et, s'il y a lieu, ratification, les conventions, accords, protocoles ou règlements, prévus aux articles précédents et de nature à affecter, par leur application, les droits ou les obligations des particuliers, doivent être publiés au Journal officiel de la République française.

Toutefois ces conventions, accords, protocoles ou règlements, peuvent être intégralement insérés dans un Bulletin officiel spécial, imprimé par les soins du Journal officiel et offert au public. Dans ce cas, la mention dans le Journal officiel de l'insertion ainsi opérée, avec indication précise de la date et du numéro du Bulletin spécial de référence, tient lieu de publication et entraîne les mêmes effets.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux règlements émanant d'une organisation internationale lorsque ces règlements sont intégralement publiés dans le Bulletin officiel de cette organisation, offert au public, et lorsque cette publication suffit, en vertu des dispositions expresses d'une convention engageant la France, à rendre ces règlements opposables aux particuliers.

Article 4

(Ajouté, D. n. 86-707, 11 avril 1986, art. 1er)

Les réserves ou déclarations interprétatives dont sont éventuellement assortis les instruments français de ratification ou d'approbation des conventions, accords, protocoles ou règlements internationaux publiés en application des deux premiers alinéas de l'article 3 doivent être publiées dans les mêmes formes que ceux-ci, lorsqu'elles sont de nature à affecter par leur application les droits ou les obligations des particuliers.

Article 5

(Ajouté, D. n. 86-707, 11 avril 1986, art. 1er)

L'acte portant dénonciation par la France d'une convention, d'un accord, d'un protocole ou d'un règlement international publié conformément aux deux premiers alinéas de l'article 3 doit être publié dans les mêmes formes.

L'acte portant retrait d'une réserve ou d'une déclaration interprétative publiée en application des dispositions de l'article 4 doit être publié dans les mêmes conditions.

VIII. - DÉCRET N° 82-138 DU 8 FÉVRIER 1982 FIXANT LES ATTRIBUTIONS DES CHEFS D'ÉTAT-MAJOR

(extraits)

Article premier

Le chef d'état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions relatives à l'emploi des forces et à leur organisation générale. Il est consulté sur l'orientation à donner aux travaux de planification et de programmation. Il peut être chargé par le ministre de toute étude intéressant les armées.

Les chefs d'état-major de l'armée de Terre, de la Marine et de l'armée de l'Air assistent le ministre dans ses attributions relatives à la préparation de chacune des armées.

Le chef d'état-major des armées a autorité sur les chefs d'état-major de l'armée de Terre, de la Marine et de l'armée de l'Air lorsque des fonctions opérationnelles leur sont confiées ainsi que pour la coordination des travaux relatifs soit à ses propres attributions, soit aux aspects interarmées de la préparation des forces.

Le chef d'état-major des armées assure la coordination de la satisfaction des besoins des forces en ce qui concerne le soutien incombant aux services interarmées.

Les quatre chefs d'état-major des armées réunis sous la présidence du ministre constituent le comité des chefs d'état-major.

Article 2

Dans les circonstances prévues aux articles 2 et 6 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, le chef d'état-major des armées peut, par décret en conseil des ministres, être nommé chef d'état-major général des armées.

TITRE PREMIER

LE CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES
ET LE CHEF D'ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL DES ARMÉES

Article 3

Le chef d'état-major des armées élabore les plans d'emploi des forces, en application des directives concernant les missions des armées fixées par le Gouvernement et notifiées par le ministre. Il soumet ces plans au ministre, il est responsable de leur exécution.

Il propose au ministre l'articulation générale des forces et, par délégation, répartit entre les forces les moyens opérationnels.

Il a autorité sur les commandements des forces.

Article 4

Le chef d'état-major des armées contrôle l'aptitude des forces à remplir les missions qui leur sont assignées. Il a sur elles un pouvoir permanent d'inspection. Il fait rapport au ministre sur l'opportunité et l'efficacité des mesures prises pour la préparation des forces.

Il dirige ou prescrit les exercices ou man_uvres d'ensemble.

Il soumet au ministre l'estimation des besoins qui en découlent et leurs priorités respectives.

Article 5

Le chef d'état-major des armées rassemble les propositions du délégué général pour l'armement, des chefs d'état-major de chaque armée et des directeurs des services interarmées dans les domaines de la planification et de la programmation.

Après consultation du délégué général pour l'armement sur les possibilités techniques et industrielles, il fait rapport au ministre sur l'ensemble des travaux. Il lui propose les mesures nécessaires pour assurer leur cohérence au regard de l'emploi et leur comptabilité avec les ressources financières prévisibles, telles qu'elles sont appréciées par le secrétaire général pour l'administration, et lui présente un projet de décision.

Le chef d'état-major des armées est tenu informé par le délégué général pour l'armement, par les chefs d'état-major de chaque armée et les directeurs des services interarmées du déroulement des programmes en cours.

Le chef d'état-major propose après consultation des chefs d'état-major d'armées concernés les caractéristiques militaires des armements ou matériels nucléaires et spatiaux et est consulté sur les solutions techniques étudiées par le délégué général pour l'armement.

Article 6

Le chef d'état-major des armées participe à la préparation du budget.

Il élabore les éléments du budget concernant ses services et ses attributions ainsi que les organismes qui lui sont rattachés.

Il est responsable des crédits correspondants et s'assure des résultats obtenus.

Il est informé par le secrétaire général pour l'administration des travaux conduits au sein du ministère de la défense pour la préparation du budget ainsi qu'en cours d'exécution de celui-ci, lorsque la disponibilité ou l'emploi des forces sont affectés de façon substantielle.

Il exprime au ministre son avis sur les priorités à satisfaire au regard des missions assignées aux forces.

Article 7

Le chef d'état-major des armées assiste de droit à toutes les réunions des conseils supérieurs.

Article 8

Le chef d'état-major des armées assure la direction générale de la recherche et de l'exploitation du renseignement militaire. Il participe à l'élaboration et à l'exploitation du renseignement de défense.

Article 9

Sous l'autorité du ministre de la défense et selon ses directives :

- il est chargé des relations avec les armées étrangères, il dirige les missions militaires à l'étranger et en assure la gestion ;

- il organise, dans le cadre de la politique de coopération, la participation des armées à la coopération militaire avec les pays liés à la France par des accords de coopération, il en prépare les programmes et en dresse les bilans ;

- il prépare les instructions du ministre aux représentants militaires auprès des organismes internationaux et veille à leur application ;

- il négocie et signe, conformément aux directives du ministre, les accords techniques sur l'emploi des forces ;

- il suit les négociations internationales qui peuvent avoir une incidence sur l'emploi ou la nature de nos forces, en liaison avec le secrétaire général de la défense nationale.

Article 10

Le chef d'état-major des armées dirige l'enseignement militaire supérieur interarmées.

Article 11

Le chef d'état-major des armées, sur avis du chef d'état-major de l'armée intéressée, propose au ministre les nominations aux commandements des forces ainsi que les affectations aux postes interarmées, au poste de chef de mission de liaison avec les organismes interalliés et aux postes d'attaché des forces armées et d'attachés militaires, navales et de l'air à l'étranger. Il est consulté sur les nominations et affectations d'officiers généraux.

Article 12

Le chef d'état-major des armées est consulté sur les études et la préparation des textes de caractères interarmées relatifs aux statuts, aux rémunérations et aux mesures de caractère social applicables aux militaires, ainsi que sur des décisions de principe relatives à la gestion du personnel militaire et à la vie dans les armées.

Il fait connaître au ministre son avis sur l'ensemble de ces questions, particulièrement lorsque les dispositions envisagées sont liées au plan du moral ou de la disponibilité, aux capacités opérationnelles des forces.

Article 13

Le chef d'état-major des armées propose chaque année au ministre les projets d'enquête qu'il estime souhaitable de confier au contrôle général des armées.

Article 14

Sous l'autorité du Président de la République et du Gouvernement, le chef d'état-major des armées, ou le chef d'état-major général des armées s'il est nommé, assure le commandement de l'ensemble des opérations militaires, sous réserve des dispositions particulières relatives à la force nucléaire stratégique et à l'armement nucléaire tactique.

Il est conseiller militaire du Gouvernement. Il propose les mesures militaires en fonction de la situation générale, et des capacités des forces. Il instruit, dans le domaine de ses attributions, les questions à soumettre aux conseils et comités de défense. Il traduit les directives du Gouvernement en ordres d'application pour les grands commandements opérationnels, territoriaux ou spécialisés, qui lui rendent compte de leur exécution.

Il est consulté sur les orientations stratégiques résultant de la politique de défense du Gouvernement.

Les chefs d'état-major de l'armée de Terre, de la Marine et de l'armée de l'Air sont les adjoints du chef d'état-major général pour la conduite des opérations militaires. Ils peuvent, sur décision du chef d'état-major général, assurer les fonctions de commandant opérationnel.

Article 15

Pour l'exercice des attributions définies au présent décret, le chef d'état-major des armées dispose de l'état-major des armées dont l'organisation est fixée par arrêté du ministre de la défense.

IX. - EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES DU MARDI 2 DÉCEMBRE 1997

Communication du Président Paul Quilès sur le rôle du Parlement
en matière d'interventions extérieures des forces armées

Le Président Paul Quilès a d'abord présenté les orientations décidées par le bureau de la Commission. En accord avec les autres membres du bureau, il a proposé que soient mis en place des groupes de travail internes à la Commission animés par un coordinateur, groupes qui, après s'être fixé leurs méthodes et leur calendrier de travail, élaboreraient des propositions remises au Président de l'Assemblée nationale et au Gouvernement. Deux sujets pourraient d'ores et déjà faire l'objet d'une réflexion dans ce cadre : le rôle du Parlement en matière d'interventions extérieures des forces armées et l'association de l'institution parlementaire à la politique du renseignement. Il a également proposé l'élaboration d'un rapport d'information sur les rapports entre les armées et la société.

Le Président Paul Quilès a ensuite évoqué la proposition de M. Pierre Lellouche qui souhaite que la Commission approfondisse les questions relatives à l'élargissement de l'OTAN. De même, il a fait état de deux propositions de M. Charles Cova, l'une portant sur la mise en _uvre de la professionnalisation au sein des armées, l'autre ayant trait à l'association du Parlement, en amont, à la préparation du budget de la Défense.

Le Président Paul Quilès a ensuite présenté une communication relative au rôle du Parlement en matière d'interventions extérieures des forces armées. Il a indiqué qu'en ce domaine, la France connaissait une situation paradoxale et peu satisfaisante au regard des prérogatives du Parlement et de la démocratie : le Parlement a rarement à évoquer ces initiatives qui sont pourtant l'expression de la politique étrangère de la France, engagent hommes et équipements, ont un coût pour les finances publiques et des conséquences fortes sur la diplomatie de notre pays. Au-delà des interventions « à chaud » de l'Assemblée lors d'interpellations du Gouvernement sur telle ou telle opération, ce n'est le plus souvent que par le biais budgétaire que le Parlement débat de ces sujets. Le Président Paul Quilès a rappelé que M. Laurent Fabius, Président de l'Assemblée nationale, dans le discours prononcé lors de son élection le 12 juin 1997, avait indiqué qu'il paraissait « opportun que, comme dans toutes les grandes démocraties, l'Assemblée ait à connaître des opérations militaires et des accords de défense ». Afin que ces paroles ne restent pas un simple v_u, il est nécessaire de réfléchir sur la manière dont la Constitution de 1958 et surtout la pratique institutionnelle de la Vème République ont traité cette question.

Le Président Paul Quilès a souligné que le dispositif actuel des accords de défense et de coopération militaire était marqué par l'histoire et formait un ensemble hétéroclite. En témoigne la terminologie employée : accords de défense, accords de coopération militaire technique, accords d'assistance militaire technique, protocoles provisoires fixant les principes de la coopération militaire. Il existe sans nul doute une hiérarchie dans cette diversité d'appellation et dans le contenu de ces accords qui, d'ailleurs, peuvent être mixtes. Ainsi, certains accords de défense sont accompagnés d'accords d'assistance militaire technique ; ils peuvent également s'intégrer dans un cadre général de relations qui comportent d'autres matières (accords de coopération en matière de justice, conventions consulaires, accords de coopération technique en matière de personnel).

De ce dispositif inadapté, le Parlement n'a pas toujours eu à connaître, en dépit de l'article 53 de la Constitution qui prévoit que les engagements internationaux liant la France à d'autres pays doivent être soumis au Parlement avant ratification par le Président de la République. Il est vrai qu'effectivement, une dizaine d'accords ont été ratifiés ou approuvés en vertu d'une loi après autorisation du Parlement. En revanche, seules des réponses aux questionnaires budgétaires permettent de connaître l'existence d'accords conclus, qualifiés de secrets : tel est le cas de l'accord de défense avec le Togo (1963), de l'accord spécial de défense avec le Cameroun (1974), etc.

Le Président Paul Quilès a dressé ensuite le bilan des interventions militaires extérieures de la France en 1997, indiquant que la France avait mené vingt et une interventions, soit huit dans un cadre bilatéral, huit sous mandat de l'ONU et cinq sous commandement international hors du cadre des Nations Unies.

Il a cité en exemple, au titre des interventions menées dans un cadre bilatéral, sur le fondement ou non d'un accord de défense ou d'assistance militaire, les opérations en République Centrafricaine, au Congo, en Guinée ou encore dans le cadre du conflit frontalier entre le Cameroun et le Nigeria. Au total, ces opérations auront concerné en 1997 782 militaires, pour un surcoût évalué à 175,58 millions de francs, sans avoir fait à aucun moment l'objet de débats au Parlement, que ce soit sur leur mise en _uvre ou sur leur déroulement.

Concernant les interventions dans le cadre de résolutions des Nations Unies, la France participe aujourd'hui à la moitié des opérations de maintien de la paix de l'ONU (huit sur dix-sept), certaines établies de longue date, comme l'ONUST (1948) ou la FINUL (1978), d'autres étant plus récentes, comme la mission d'appui des Nations Unies en Haïti (1995). Ce sont au total 476 militaires français qui sont impliqués dans les opérations de maintien de la paix pour un surcoût de 140,3 millions de francs.

Enfin se développent des interventions militaires extérieures à l'ONU, même si elles trouvent, pour la plupart, leur fondement juridique dans des résolutions de l'organisation internationale et dans le chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif aux organisations régionales. 4 512 soldats français -soit environ 10 % des effectifs engagés dans ce type d'intervention- participent à cinq de ces opérations :

- l'opération Southern Watch en Arabie Saoudite depuis 1992 ayant pour mission de s'assurer que l'Irak respecte ses frontières ;

- l'opération Joint Guard (SFOR), la plus importante, se déroulant, sous mandat OTAN, depuis 1996 sur le sol de l'ex-Yougoslavie ;

- la mission d'observation de la Communauté Européenne (ECMM), sous l'égide de l'OSCE, remplissant, depuis juillet 1991, un rôle de médiation et d'observation en ex-Yougoslavie ;

- l'opération Alba, initiative franco-italienne, aujourd'hui terminée ;

- l'opération FMO (Force multinationale et observateurs) remplissant depuis 1982 une mission de contrôle de l'application du Traité de Camp David au Sinaï.

Le surcoût de ces opérations est évalué à 1,58 milliard de francs, ce qui porte le coût total de ces 21 interventions en 1997 à 1,9 milliard de francs pour 5 770 soldats engagés. A cet égard, le Président Paul Quilès s'est interrogé sur la divergence des chiffres fournis par le ministère de la Défense qui évalue en 1997 le surcoût des opérations extérieures à 3,4 milliards de francs. Il ne semble pas illégitime de poser la question de la nature de l'objet du vote parlementaire.

M. Arthur Paecht a indiqué que cette différence de chiffre pourrait s'expliquer par la notion de surcoût elle-même, l'un indiquant le coût global, tenant compte de l'attrition normale des matériels, par exemple, l'autre le coût supplémentaire induit par l'opération.

Le Président Paul Quilès a estimé que la réponse à cette question était sans doute plus complexe.

Il a ensuite souligné le contraste entre la diversité des interventions extérieures de la France, quel qu'en soit le cadre, et l'absence du Parlement dans la décision de mise en _uvre de ces forces ou le contrôle et le suivi de l'action engagée. A aucun moment n'est véritablement discutée la justification de la création, du maintien -ou du retrait-, du renouvellement de la force à laquelle la France apporte sa participation. Ceci apparaît d'autant moins normal que désormais la professionnalisation des armées et la loi de programmation militaire 1997-2002 mettent l'accent sur les capacités de projection de nos forces, seules ou dans le cadre d'une opération alliée.

Ce serait donc la moindre des choses que le Parlement réfléchisse sur sa capacité et sa légitimité à donner un avis, sans toutefois que cette intervention gêne l'exercice du pouvoir exécutif ou diminue l'efficacité des interventions extérieures de la France.

Un préalable est l'urgente remise à plat du dispositif juridique sur lequel les interventions extérieures sont fondées ou justifiées. La nécessité de revoir les accords de défense ou de coopération militaire est admise depuis longtemps, même si elle est souvent formulée avec une grande précaution. Les Ministres des Affaires étrangères, de la Coopération ou de la Défense ont reconnu celle-ci à plusieurs reprises. Cette remise à plat doit être engagée sans tarder. Elle doit être complétée par la connaissance des accords de sécurité conclus ces deux dernières années avec certains pays du Golfe en accompagnement des contrats d'armement.

A aucun moment le Parlement, et notamment la Commission de la Défense, n'a été associé, ni même informé, de la conclusion de ces accords. Leur contenu n'a pas été rendu public. Si cela doit continuer, il faut que soit précisé comment le Parlement peut en connaître. Si certains accords doivent rester totalement secrets, il faut que le Parlement l'admette lui-même.

L'Assemblée nationale, à travers sa Commission de la Défense, doit être associée à cette entreprise à trois stades.

D'abord, elle doit être associée à la définition d'une problématique générale sur la fonction et le contenu de ces accords ; cela nécessite sans doute que soit engagée une réflexion sur la politique de la France en Afrique mais aussi sur sa participation aux opérations conduites par les Nations Unies.

Ensuite, les accords à venir devront être soumis au Parlement, en vertu de l'article 53 de la Constitution. La Commission de la Défense devra demander à se saisir pour avis des projets de loi portant approbation, ceux-ci étant renvoyés à la Commission des affaires étrangères.

Enfin, un suivi de la mise en _uvre de ces accords devra être effectué, confié soit au Rapporteur pour avis des Affaires étrangères et de la Coopération, soit à un autre Rapporteur spécialement désigné à cet effet.

Disposant ainsi d'un cadre juridique rénové, les relations entre la France et ses partenaires devraient gagner en clarté.

Dans le passé, plusieurs propositions de loi ont été déposées mais jamais discutées par les Commissions compétentes, à l'Assemblée nationale ou au Sénat, pour permettre au Parlement de « dire son mot » dans les opérations extérieures. Il faudra examiner ce qui, dans leurs dispositions, pourrait être repris.

Le Président Paul Quilès a alors présenté les éléments qui pourraient permettre au Parlement d'être un acteur à part entière à l'égard des opérations extérieures.

Dans ce domaine comme dans les autres, le Parlement dispose des moyens d'information, de contrôle ou de sanction que lui confère la Constitution : déclaration de politique générale accompagnée ou non d'un vote, débat sur un sujet particulier, vote des crédits de la Défense, des Affaires étrangères, de la Coopération, commission d'enquête ou de contrôle, questions au Gouvernement, questions écrites, etc. Encore faut-il qu'il ait la volonté politique de les utiliser. Il faudra faire en sorte que ces questions viennent sur le devant de la scène.

La capacité du Parlement d'intervenir dans la décision engageant les forces françaises à l'extérieur peut s'exprimer selon un large éventail qui va d'une information accrue en passant par un contrôle renforcé et pouvant aller jusqu'à l'autorisation préalable. Le groupe de travail devra travailler sur ces questions.

L'information du Parlement et de la Commission de la Défense peut être améliorée. L'avis de M. Bernard Cazeneuve sur les Affaires étrangères et la Coopération, par les indications qu'il comporte et les pistes qu'il ouvre, constitue un élément novateur. Il pourrait être prolongé par une réflexion concernant les accords de sécurité conclus ou en négociation avec les pays du Golfe, le rôle et l'utilité des différentes missions des Nations Unies auxquelles la France participe, ou la justification de la reconduction de celles-ci année après année.

Le contrôle du Parlement sur l'engagement des forces françaises engagées à l'extérieur doit être renforcé. A travers la Commission de la Défense, il devrait à tout le moins disposer d'indications sur l'objet de la mission, l'importance des effectifs engagés, la durée prévisible de l'opération, l'évaluation du coût de l'intervention.

Une information régulière de la Commission, à travers une communication d'un Rapporteur, permettrait de suivre le déroulement des opérations et, à son issue, d'en tirer les enseignements. S'il n'est pas possible de tout dire, encore faut-il dire ce qui peut l'être et pourquoi tout ne l'est pas.

La question de l'autorisation préalable du Parlement à un engagement militaire est un point d'importance, à évoquer avec précaution.

Une autorisation préalable du Parlement à un engagement extérieur s'impose mais elle doit essentiellement s'appliquer aux interventions d'une ampleur particulière traduisant une décision politique majeure. Dans l'état actuel des textes, elle impliquerait une réforme de la Constitution.

Un débat a suivi l'exposé du Président Paul Quilès.

M. Pierre Lellouche a exprimé ses remerciements au Président de la Commission de la Défense pour avoir engagé ce travail : cela procède d'un véritable esprit républicain et démocratique. La démarche du Président répond à son inquiétude concernant l'écart entre le fonctionnement des institutions et le type de défense que l'on peut observer depuis le changement de la donne stratégique. Le fonctionnement institutionnel ancien était concevable dans le système statique de la guerre froide. L'engagement par la France de ses soldats était très rare ; tel n'est plus le cas aujourd'hui puisque vingt et une interventions auront eu lieu en 1997.

Cette évolution soulève d'abord des problèmes financiers. Ces interventions se multiplient sans que leur financement soit prévu par le budget de la Défense. Aussi, en fin d'année, on ampute le titre V pour en couvrir les coûts. Par ailleurs, les remboursements par l'ONU interviennent tardivement et ne sont que partiels.

Ensuite, un contrôle parlementaire sur les armées est d'autant plus nécessaire que celles-ci sont professionnalisées.

Enfin, il faut s'assurer du maintien d'un consensus en matière de défense. C'est impossible si l'on opère en secret et sans contrôle. Là aussi, cela amène à développer le contrôle parlementaire.

M. Pierre Lellouche a alors affirmé qu'il serait heureux de participer au groupe de travail. Selon lui, celui-ci devrait d'abord se préoccuper d'une information systématique sur les opérations menées par la France : sous la précédente législature, une seule communication a eu lieu à ce sujet. Ensuite, des visites régulières de députés de la Commission de la Défense au contact des forces françaises engagées à l'étranger sont nécessaires. Enfin, le groupe de travail devra se préoccuper de l'association de la Commission aux aspects budgétaires de ces opérations au fur et à mesure de leur instauration et non pas seulement à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative.

Il a ensuite exprimé son accord avec les propos du Président Paul Quilès sur les accords de défense. Il a cependant fait remarquer que cela pouvait remettre en question l'équilibre des institutions. Certains pourraient voir dans ces propositions une volonté politique de modifier le jeu institutionnel. La question est de ne pas donner l'impression qu'on « parlementarise » les institutions sans le dire. Ce point est d'autant plus sensible qu'on est en période de cohabitation.

Pour conclure, il a estimé qu'il s'agissait d'un exercice utile tant à nos institutions qu'aux armées qui risquent d'être coupées de la société, et il a rendu hommage à l'initiative du Président de la Commission.

Rappelant que les interventions extérieures étaient amenées à se développer en raison de l'évolution de la situation mondiale, le Président Paul Quilès a relevé que le consensus sur les questions de défense s'était longtemps nourri de l'absence de débats alors que les échanges révélaient souvent d'importants clivages et que l'opinion publique ne semblait pas toujours en phase avec la décision d'intervenir. Le silence et le secret, inévitables dans certains cas, ne permettent cependant pas de développer un véritable consensus.

Après avoir salué l'ambition des objectifs énoncés, M. René Galy-Dejean a regretté l'absence de définition précise des opérations extérieures à caractère exceptionnel en raison notamment des conséquences de cette notion sur l'imputation budgétaire de leurs coûts. Il s'est montré réservé sur l'association du Parlement à la décision initiale et à la mise en _uvre des opérations extérieures, estimant que le risque d'échec était trop grand, et a prôné, en revanche, une démarche moins ambitieuse qui consisterait à s'assurer que le Gouvernement explique au Parlement, dans des délais brefs, les décisions qu'il a dû prendre.

Le Président Paul Quilès a insisté sur les interrogations légitimes du Parlement et a observé que la notion de déclaration de guerre n'était pas adaptée aux interventions extérieures qui s'apparentent parfois, certes à un degré moindre, à des opérations de guerre. La nature de telles opérations doit faire l'objet d'un débat afin qu'il n'y ait pas de décalage entre le pouvoir politique et l'opinion publique.

M. François Lamy s'est félicité de l'initiative du Président Paul Quilès qui permet d'ouvrir un débat de principes et a estimé qu'il était de la responsabilité des commissaires de la Défense d'explorer les voies et les moyens d'une démocratie moderne et de proposer, le cas échéant, les modifications constitutionnelles nécessaires. Il a considéré que cette réflexion venait à point nommé, compte tenu du processus de professionnalisation des forces armées qui suppose un contrôle politique renforcé, d'une part sur les missions confiées à nos forces armées, d'ailleurs souhaité par les militaires, et, d'autre part, sur les modes de financement des opérations extérieures.

Mme Martine Lignières-Cassou, considérant l'importance accrue des opérations extérieures, a insisté sur la nécessité d'avoir un regard sur les objectifs et les missions de ces opérations, d'autant plus qu'un nombre important d'entre elles se situe en dehors du cadre de l'ONU et que les plus coûteuses interviennent sous l'égide de l'OTAN.

M. Bernard Grasset s'est interrogé sur le caractère largement désuet des dispositions constitutionnelles concernant la déclaration de guerre et l'état de siège. Il a estimé qu'un tel débat sur le rôle du Parlement n'aurait pas été envisageable sous la présidence du Général de Gaulle qui avait, du fait de sa personnalité, une conception particulière de son rôle de Chef des armées mais que cette réflexion trouvait naturellement sa place dans nos institutions. Il a souligné la difficulté qu'il pourrait y avoir à renégocier nos accords de défense ou de coopération. S'agissant de l'association du Parlement aux décisions concernant les opérations extérieures, il a considéré qu'elle pourrait intervenir sous la forme d'une consultation préalable des Présidents de l'Assemblée nationale, de la Commission de la Défense et de la Commission des affaires étrangères. Enfin, il a souhaité que la Commission de la Défense soit plus présente sur les théâtres d'opérations, ce qui répondrait à une attente des militaires et permettrait d'établir un lien entre les représentants de la Nation et l'armée.

M. Arthur Paecht, après avoir considéré que l'initiative visant à renforcer le pouvoir d'investigation de la Commission allait dans un bon sens, s'est interrogé sur la validité des processus de consultation préalable du Parlement avant toute décision d'engager les forces françaises dans des opérations extérieures, soulignant qu'une telle procédure supposait une réelle confidentialité des informations fournies au cours des travaux de la Commission.

M. Pierre Lellouche a indiqué qu'il lui paraissait indispensable que le Parlement analyse de manière précise le coût de l'élargissement de l'OTAN afin d'éviter que le Congrès américain, qui procède à de nombreuses études, n'impose sa propre analyse. S'il est possible de s'interroger sur la forme que prendra cette analyse de l'Assemblée nationale, en tout état de cause, cette question revêt un caractère urgent.

Après avoir félicité le Président Paul Quilès pour une initiative qu'il a qualifié d'excellente, M. André Vauchez, s'est réjoui d'une démarche qui permettrait de clarifier la situation et de répondre ainsi à une demande des militaires. Relevant le caractère hétéroclite et ancien des accords de défense, il s'est interrogé sur le rôle de la Commission des Affaires étrangères dans leur renégociation.

X. - EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES DU MARDI 25 MARS 1998

Rapport d'étape de M. François Lamy, coordinateur du groupe de travail sur les interventions extérieures des forces armées,
sur le rôle du Parlement en matière d'interventions extérieures

Après avoir rappelé que le groupe de travail sur les interventions extérieures avait été créé sur sa proposition en décembre 1997 à la suite d'une communication qu'il avait alors soumise à la Commission, le Président Paul Quilès a annoncé que M. François Lamy était à présent en mesure de présenter, sous la forme d'un rapport d'étape, des propositions portant sur trois domaines : le déclenchement de l'intervention extérieure, le suivi de sa mise en _uvre et enfin, la négociation des accords de défense qui en constituent un des cadres juridiques possibles.

Après avoir constaté que le Parlement français vote les crédits consacrés aux opérations extérieures lors de l'examen des lois de finances, M. François Lamy a fait remarquer qu'il n'était cependant associé ni à leur déclenchement ni à leur déroulement, qu'elles soient mises en _uvre sur la base d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU ou dans le cadre d'un accord de défense. Relatant l'étonnement des interlocuteurs militaires du groupe de travail lorsqu'il leur a été dit que le Parlement n'avait pas eu à connaître d'accords de défense en application desquels ils étaient envoyés à l'étranger, M. François Lamy a conclu à la nécessité de clarifier cette situation au moment où augmentait le nombre de ce type de missions.

Présentant alors la méthode de travail suivie, il a indiqué que le groupe s'était d'abord fixé pour but d'élaborer un certain nombre de mesures relevant, soit de la pratique parlementaire, soit de la loi.

Sur ce point, reconnaissant que la Constitution n'avait pas été particulièrement conçue pour favoriser l'association du Parlement aux opérations extérieures, il a fait remarquer que son texte lui ménageait néanmoins diverses possibilités d'action qu'il lui appartenait d'exploiter.

Pour les opérations engagées en application d'une résolution du Conseil de sécurité, il a proposé, comme premier pas, que le Gouvernement transmette à la Commission de la Défense le texte des résolutions créant ou renouvelant les opérations ainsi que les rapports du Secrétaire général de l'ONU les concernant. Il a indiqué que cette avancée, de portée modeste, supposait un simple accord entre le Premier Ministre et le Président de l'Assemblée nationale.

Il a ensuite proposé qu'à l'occasion de la création ou du renouvellement de chaque opération extérieure, la Commission de la Défense procède à une audition du Ministre, éventuellement accompagné du Chef d'Etat-major des Armées, sur les objectifs de celle-ci, ses moyens, sa durée prévue et son coût envisagé. Il a estimé que cette procédure pourrait être systématiquement appliquée aux opérations d'une durée supérieure à dix jours, qu'elles soient décidées en application d'une décision du Conseil de sécurité de l'ONU ou menées en application d'accords bilatéraux, l'audition pouvant être renouvelée en cas de modification profonde de l'un des paramètres d'intervention.

M. François Lamy a ensuite proposé que la Commission de la Défense demande plus systématiquement à certains de ses membres de se rendre auprès des unités lorsqu'une opération extérieure a été décidée. Il a émis l'idée qu'un petit groupe de parlementaires puisse être spécialement constitué au sein de la Commission pour assurer un meilleur suivi des interventions extérieures. Il a précisé que l'usage qui serait ainsi créé ne semblait rencontrer aucune hostilité de la part du ministère de la Défense.

Abordant alors la question du contrôle des coûts des opérations extérieures, M. François Lamy a fait remarquer que le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année pourrait être mieux utilisé par la Commission de la Défense et par l'Assemblée. Il a proposé que la Commission procède, chaque automne, à l'audition du Ministre de la Défense et du Chef d'Etat-major des Armées sur les opérations extérieures en cours et que le compte rendu en soit annexé à l'avis qu'elle est appelée à émettre sur la loi de finances rectificative. Il a indiqué que, pour cette audition, l'accord de principe du Ministre de la Défense était acquis. Il a également suggéré de demander la présence du Ministre de la Défense au banc du Gouvernement, lors du débat sur le collectif budgétaire de fin d'année.

Il a enfin proposé de créer, en complément de ces auditions et pour leur servir de support, une annexe détaillée au projet de loi de finances initiale qui récapitulerait les crédits consacrés à chaque opération extérieure et les moyens militaires correspondants. Il a précisé que cette mesure pouvait être prise par voie législative.

Réaffirmant qu'avant toute modification constitutionnelle éventuelle, il s'agissait d'abord de créer des usages et de faire évoluer les mentalités, M. François Lamy a alors proposé que, pour améliorer l'information du Parlement, une meilleure formalisation de la décision de déclenchement d'une opération extérieure soit demandée à l'exécutif.

Il a suggéré qu'une disposition législative prévoie que les interventions extérieures fassent l'objet, dans les jours suivant leur déclenchement ou leur renouvellement, d'un décret indiquant la date du début de l'opération, sa durée, les moyens mis en _uvre et visant les normes de droit international qui en constituent le fondement juridique. Il a fait remarquer qu'une telle disposition n'empiéterait aucunement sur les pouvoirs de l'Exécutif, mais qu'en obligeant celui-ci à publier les éléments de l'opération extérieure, elle représenterait un premier pas vers une pratique plus favorable à l'information du Parlement telle qu'elle existe chez les principaux pays partenaires de la France.

Abordant alors la question des accords de défense et de coopération militaire, M. François Lamy a insisté sur la faiblesse des prérogatives du Parlement en ce domaine. Rappelant que, dans sa lettre, l'article 53 de la Constitution ne requiert pas qu'ils soient soumis au Parlement, il a ajouté qu'ils n'étaient souvent pas publiés et que les assemblées n'en possédaient même pas la liste complète, bien qu'ils ne semblent pas faire non plus l'objet d'une classification secret-défense. Il a observé qu'en revanche des extraits, sans doute obtenus auprès de l'autre partie signataire, en étaient parfois publiés dans la presse et que certains d'entre eux avaient été présentés, par tel ou tel interlocuteur du groupe de travail, comme contraignants.

Jugeant cette situation anormale, il a estimé que les accords de défense et de coopération militaire non publiés devaient faire l'objet, au moins, d'une présentation synthétique, éventuellement par écrit, de leur contenu aux membres de la Commission, de façon à ce que celle-ci soit informée de leur existence et de leurs grandes lignes. Ajoutant qu'un pas supplémentaire pourrait consister en une mise à la disposition du Président de la Commission de l'accord lui-même, il a estimé que ces deux mesures pouvaient être prises sans formalité particulière.

En revanche, évoquant une étape ultérieure qui pourrait consister dans la communication officielle des accords aux Présidents des assemblées et de leurs commissions de la Défense, voire aux assemblées elles-mêmes, M. François Lamy a fait remarquer que, dans la mesure où l'on sortirait alors du domaine du secret pour entrer dans celui de la discrétion, un texte législatif serait sans doute nécessaire.

En conclusion de son intervention, M. François Lamy a proposé qu'un rapport d'information soit établi sur les pouvoirs des Parlements des principaux pays partenaires de la France en matière d'opérations extérieures et souhaité que le groupe de travail entreprenne une réflexion sur les conditions dans lesquelles nos forces exercent leur mission à l'étranger, en ce qui concerne en particulier leurs règles d'engagement, leur mandat et leur situation juridique, notamment lorsqu'elles sont engagées dans un cadre bilatéral.

Après avoir souligné l'intérêt du sujet traité par le groupe de travail, M. René Galy-Dejean a regretté que l'Assemblée nationale ne soit saisie de la question des opérations extérieures qu'à l'occasion de l'examen des projets de lois de finances rectificatives. Il a insisté sur la nécessité que soit assurée une meilleure information du Parlement, fut-elle partielle, sur le contenu d'accords de défense engageant la France. Il s'est toutefois interrogé sur la possible dérive institutionnelle à laquelle pouvaient conduire les conclusions du groupe de travail, estimant que les propositions présentées par M. François Lamy entretenaient un soupçon d'illégitimité à l'égard des interventions décidées par le Président de la République, Chef des Armées, alors même que son autorité procédait tout autant que celle de l'Assemblée nationale, du suffrage universel direct.

Le Président Paul Quilès a précisé qu'à l'évidence, les propositions du groupe de travail relatives à la pratique parlementaire et au cadre législatif des opérations extérieures ne mettaient pas en cause les équilibres institutionnels établis par la Constitution.

M. Jean Briane, après avoir rappelé son attachement au partage actuel des responsabilités entre l'Exécutif et le Parlement, a considéré qu'un renforcement du contrôle parlementaire a posteriori était souhaitable. Évoquant les évolutions géostratégiques de la décennie écoulée, il a fait part de ses interrogations sur l'existence, dans l'organisation de l'Assemblée nationale, de deux commissions distinctes compétentes, respectivement, pour les Affaires étrangères et la Défense.

M. François Lamy a indiqué que l'effort d'information du Parlement souhaité par le groupe de travail ne pouvait en aucun cas être assimilé à une dérive institutionnelle mais qu'il visait seulement à introduire une plus grande transparence dans les actions militaires extérieures de la France.

Le Président Paul Quilès a insisté sur la nécessité, pour les parlementaires, de disposer d'informations directes et fiables sur les interventions extérieures et souligné que les propositions présentées par M. François Lamy ne conduisaient pas à un nouveau mode de partage des pouvoirs mais au plein exercice par le Parlement de ses compétences constitutionnelles de contrôle des actions de l'Exécutif. Rappelant la procédure suivie lors de la guerre du Golfe, il a considéré que la légitimité d'une intervention extérieure se trouvait renforcée dès lors que le Parlement avait pu approuver une déclaration du Gouvernement relative à son déclenchement.

1 Instruction relative au suivi des dépenses supplémentaires entraînées par les opérations extérieures du Ministre de la Défense, 25 mai 1984.

2 Cette sollicitation du chapitre VI ne prévoit pas nominalement, dans la longue énumération des moyens qu'il comporte, l'envoi de troupes. Il faut donc rattacher ce dernier aux « autres moyens pacifiques », et l'on a pour cela parlé de « chapitre VI bis » fictif.

3 Avis n° 1991 présenté par M. François Lamy, au nom de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999.

4 Voir l'annexe correspondante pour consulter la liste exhaustive.

5 Une directive en date du 11 juillet 1997 définit ainsi les actions civilo-militaires :« Ce sont des actions entreprises par les forces engagées sur un théâtre permettant de prendre en compte l'interaction entre ces forces et leur environnement civil et de faciliter ainsi la réalisation des objectifs civils et militaires poursuivis ». Elles se déclinent en trois catégories de missions : missions de présence auprès de la population locale ; missions de sortie de crise au profit de l'environnement civil ; missions de nature humanitaire.

6 Désormais, les parlementaires peuvent être signataires de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et d'une seule motion de censure au cours d'une même session extraordinaire.

7 Journal Officiel des débats, compte rendu intégral, 27 mars 1999.

8 Ce décret a été complété par le décret du 12 juin 1996.

9 Les Français, la Défense nationale et le rôle du Parlement, note de synthèse, janvier 2000 ; SOFRES - Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale.

10 Ibidem, p. 23.

11 Le compte rendu de cette présentation figure en annexe du présent rapport d'information.

12 Pour se convaincre de la difficulté à formaliser et à transposer de tels mécanismes, on peut se référer, par analogie, à un régime plus familier, celui de la IIIème République. Ni aux termes de la Constitution de 1875, ni du fait de la pratique, le Parlement français n'avait alors formellement à connaître des expéditions militaires à l'étranger. Le Gouvernement Ferry, en 1885, n'en a pas moins été renversé sans formalité à l'occasion du refus de modestes crédits supplémentaires pour le corps expéditionnaire au Tonkin (affaire de Lang Son).

13 Le Bundestag s'était prononcé sur la participation allemande aux bombardements de l'OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie dès la fin de 1998.

14 « Les Chambres autorisent la déclaration de guerre et confèrent au Gouvernement les pouvoirs nécessaires ».

15 La permanence étant celle du dispositif et non pas nécessairement celle des forces elles-mêmes qui peuvent être envoyées à tour de rôle (dans le cadre des compagnies tournantes par exemple).

16 C'est-à-dire les rémunérations et charges sociales.

17 Rapport n° 1951 fait par M. Arthur Paecht, au nom de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur la proposition de loi n° 1497 tendant à la création d'une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement, Assemblée nationale, XIème législature.

18 Cette interrogation avait été soulevée par M. Jean Lecanuet, alors président de la Commission des Affaires étrangère, de la Défense et des Forces armées du Sénat, peu avant le déclenchement de la guerre du Golfe, dans un point de vue publié le 10 décembre 1990 par le Figaro et intitulé « la guerre, archaïsme constitutionnel ? ».

19 Mais le gouvernement de l'époque avait reçu du Parlement les pleins pouvoirs.

20 Le droit constitutionnel de la cohabitation, bilan juridique d'une expérience politique, Economica page 777.

21 Proposition de loi constitutionnelle enregistrée à la Présidence du Sénat le 16 septembre 1991 au cours de la troisième session extraordinaire de 1990-1991.

22 Proposition pour une révision de la Constitution, rapport au Président de la République, Collection des rapports officiels, Documentation française, page 94.

() La permanence étant d'ailleurs celle du dispositif et non celle des éléments de force eux-mêmes qui peuvent être envoyés outre-mer à tour de rôle (« compagnies tournantes » par exemple).

() Pour les compagnies tournantes ce droit est ouvert dans le cadre du corps de rattachement.

() Lorsque la situation l'exige la direction des services financiers peut demander aux états-majors et directions de services d'observer temporairement une périodicité mensuelle.

() Les volumes des carburants ainsi mis en place sont pris en compte dans les dépenses au fur et à mesure de leur consommation.