N° 2447

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mai 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1)

sur

la situation économique en Nouvelle-Calédonie

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Yves Tavernier et Gilles Carrez,

Députés.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Outre-mer.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de  M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila.

INTRODUCTION 8

CHAPITRE PREMIER : L'ÉVOLUTION DE LA SITUATION CALÉDONIENNE DEPUIS 1998 10

I.- DE L'ACCORD DE NOUMÉA À LA LOI ORGANIQUE DU 9 MARS 1999 10

A.- LA NÉCESSITÉ DE TROUVER UNE ISSUE CONSENSUELLE AUX ACCORDS DE MATIGNON 10

1.- Les accords de Matignon-Oudinot prévoyaient une consultation référendaire d'autodétermination en 1998 10

2.- Le choix d'une solution consensuelle 11

3.- Un cheminement difficile 11

B.- L'ACCORD DE NOUMÉA 13

1.- Le préambule 14

2.- Le document d'orientation 14

C.- LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE 15

D.- LA LOI ORGANIQUE ET SES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE 16

II.- LA POURSUITE DES EFFORTS DE DÉVELOPPEMENT INITIÉS PAR LES ACCORDS DE MATIGNON 20

A.- LE DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES PUBLIQUES 20

1.- Les contrats de développement, principaux instruments de l'État 20

2.- Quelques exemples de réalisations publiques 21

B.- L'ACCENT MIS SUR LA FORMATION DES HOMMES 23

1.- Une population jeune, inégalement formée. 23

2.- Les résultats encourageants du programme « 400 cadres » 25

3.- Des efforts en matière de formation professionnelle 26

C.- DE TROP RARES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS RÉUSSIS 30

III.- DES SECTEURS ÉCONOMIQUES À L'ÉVOLUTION CONTRASTÉE 29

A.- LES IRRÉGULARITÉS DU MARCHÉ DU NICKEL 29

1.- L'extraction minière 29

a) Des sociétés d'exploitation et des centres miniers nombreux et dispersés 29

b) Une production et des exportations fluctuantes 30

2.- Le secteur métallurgique 32

a) La toute puissante SLN 32

b) Une ressource irrégulière 33

B.- LA STAGNATION DU TOURISME 34

1.- Le tourisme occupe encore une place modeste dans l'économie calédonienne 34

a) Le recul récent de la fréquentation touristique 34

b) Le nombre d'emplois du secteur augmente, mais reste limité 36

c) Une faible contribution à la richesse de l'archipel 37

2.- Les raisons de cette situation 37

a) Les perturbations de la desserte aérienne 37

b) Le renchérissement relatif du coût de la destination 39

C.- UNE AGRICULTURE TOUJOURS MODESTE 39

1.- Une production qui ne suffit pas à la consommation locale 39

a) Les différents élevages enregistrent des résultats bons mais contrastés 39

b) La production de fruits et légumes n'est pas suffisamment diversifiée 41

c) Les autres cultures sont peu développées 41

2.- Un secteur très aidé 41

a) La régulation des marchés agricoles 41

b) Les autres types d'aides 42

D.- PÊCHE ET AQUACULTURE EN DÉVELOPPEMENT 42

1.- La pêche : succès et facteurs limitants 43

a) De bons résultats 43

b) Des facteurs limitants 43

2.- L'aquaculture : deuxième activité exportatrice de Nouvelle-Calédonie 45

CHAPITRE II : LA PERSISTANCE D'OBSTACLES AU DÉVELOPPEMENT 46

I.- LES DIFFICULTÉS POLITIQUES DE LA MISE EN _UVRE DE L'ACCORD DE NOUMÉA 46

A.- LE CHOIX DE LA COLLÉGIALITÉ 46

1.- Une solution qui semble s'imposer 46

2.- Des difficultés immédiates 47

B.- LA JUDICIARISATION DE LA VIE POLITIQUE 48

1.- Le FLNKS obtient l'annulation des arrêtés du gouvernement contestés 49

2.- La multiplication des recours contre des délibérations du congrès 49

C.- MALENTENDUS ET INQUIÉTUDES 50

1.- Collégialité et consensus 50

2.- Le mécontentement du sénat coutumier 51

3.- Les débuts controversés du conseil économique et social 53

II.- UN CLIMAT SOCIAL INCERTAIN 53

A.- LA GRANDE DISPERSION SYNDICALE 53

1.- Le paysage syndical calédonien 54

2.- Des syndicats à la recherche de leur positionnement 54

B.- L'IMPORTANCE DES MOUVEMENTS SOCIAUX 55

C.- DES CONSÉQUENCES NÉGATIVES POUR LE DÉVELOPPEMENT 57

III.- LES RETARDS DU RÉÉQUILIBRAGE 58

A.- LES RÉUSSITES DE LA PROVINCE SUD 58

1.- Le bilan flatteur des actions de la Province Sud en faveur du développement économique 58

2.- Des objectifs à la mesure de ses moyens pour les prochaines années 59

B.- PLUS DE MOYENS DE DÉVELOPPEMENT POUR LES PROVINCES NORD ET DES ÎLES, MAIS DES RÉSULTATS INSUFFISANTS 61

1.- Des moyens considérables 61

2.- Un retard qui subsiste 62

C.- L'IMPOSSIBLE PARTAGE ENTRE PROVINCES DES PARTICIPATIONS DANS LES SOCIÉTÉS ERAMET ET SLN 63

CHAPITRE III : DES PERSPECTIVES ENCOURAGEANTES 65

I.- DE GRANDS PROJETS PORTEURS D'ESPOIR 65

A.- L'INTENSIFICATION DE L'EXPLOITATION DU NICKEL GRÂCE À DEUX NOUVELLES USINES 65

1.- Goro-nickel : le projet le plus avancé 65

2.- L'usine du Nord : un vieux rêve qui a des chances de devenir réalité ? 67

a) L'échange des massifs miniers et les premières études 67

b) Un optimisme prématuré ? 69

B.- LES POSSIBILITÉS OFFERTES PAR LA FILIÈRE ALIMENTAIRE 70

1.- Un nouveau projet de création d'une filière avicole 70

2.- Des opportunités à saisir dans le domaine de la pêche 71

3.- Vers la poursuite du développement de l'aquaculture 71

C.- L'ESPOIR D'UN NOUVEAU DÉPART POUR LE TOURISME 72

1.- La poursuite des efforts de promotion 73

2.- Des réalisations en cours qui témoignent de la confiance des professionnels dans l'avenir 74

3.- Vers la résolution du problème de la desserte aérienne 75

II.- VERS UN DÉVELOPPEMENT LOCAL 76

A.- LES GRANDS PROJETS COMME SOURCE DE DÉVELOPPEMENT D'AUTRES ACTIVITÉS AU NIVEAU LOCAL 76

B.- DES BESOINS INSTATISFAITS 88

C.- UN DÉBUT DE PRISE EN COMPTE DE CES BESOINS 89

III.- UNE MEILLEURE INSERTION DANS L'ESPACE PACIFIQUE 80

A.- L'ACCORD DE NOUMÉA : UN FACTEUR POLITIQUE TRÈS POSITIF 80

1.- Le soutien des pays voisins et de l'organisation régionale à la mise en place des nouvelles institutions 80

2.- Des avancées concrètes 80

B.- DES ÉCHANGES RÉGIONAUX INTENSES 81

C.- UNE INSERTION QUI PASSE PAR DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LES ÎLES DE WALLIS ET FUTUNA 83

1.- La situation désormais délicate des Wallisiens et Futuniens qui vivent en Nouvelle-Calédonie 83

2.- La conclusion repoussée de l'accord tant attendu 84

CHAPITRE IV : LES DÉFIS À RELEVER 85

I.- SE DONNER DES RESSOURCES PROPRES 85

A.- LA PRÉPONDÉRANCE DES TRANSFERTS PUBLICS 86

B.- DES RESSOURCES PROPRES ARCHAÏQUES ET LIMITÉES 87

1.- Des impôts nombreux, mais archaïques 87

a) Un système fiscal en retard sur l'évolution métropolitaine 87

b) Une fiscalité locale infra-territoriale fondée sur les seuls centimes additionnels 89

2.- Une faible pression fiscale 89

C.- LA NÉCESSITÉ D'UNE MODERNISATION DE LA FISCALITÉ 90

1.- Une indispensable refonte de la fiscalité minière 90

a) Une fiscalité minière complexe mais de faible rendement 90

b) Un régime fiscal à adapter aux projets métallurgiques 91

2.- Instaurer une taxe sur la valeur ajoutée ? 92

3.- L'avenir du dispositif de défiscalisation 93

a) Le système de défiscalisation des investissements 93

b) Ses enjeux 94

II.- AMÉLIORER LA PRATIQUE INSTITUTIONNELLE 95

A.- CLARIFIER LE RÔLE DE CHACUN ET LES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNELLES 95

1.- Lever l'incertitude relative au collège électoral restreint 96

2.- Combattre les malentendus institutionnels 98

B.- ALLÉGER LES MODES D'ACTION DE L'ÉTAT 99

1.- Les collectivités locales calédoniennes dans l'attente des prochains contrats de développement 99

2.- Des règles de finances publiques à assouplir 101

a) Des inquiétudes relatives au versement de la dotation globale
de fonctionnement
101

b) Des contraintes financières et comptables à alléger 102

III.- NORMALISER LES RELATIONS SOCIALES 103

A.- ACTUALISER LE DROIT DU TRAVAIL 103

B.- NÉGOCIER UN « PACTE SOCIAL » 105

CONCLUSION 123

EXAMEN EN COMMISSION 125

ANNEXE I : TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 133

1.- Entretiens préalables 115

2.- Programme du déplacement en Nouvelle-Calédonie 133

3.- Entretiens effectués à la suite du déplacement de la délégation 118

ANNEXE II : DOCUMENTS 119

1.- Accord sur la Nouvelle-Calédonie (dit de Nouméa) du 5 mai 1998 : préambule 137

2.- Accord sur la Nouvelle-Calédonie (dit de Nouméa) du 5 mai 1998 : document d'orientation - Point 4 : Développement économique et social 137

3.- Loi n° 99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie - Titre VIII : Le rééquilibrage et le développement économique, social et culturel 143

CARTE 145

INTRODUCTION

Au début de 1998, votre commission des Finances chargeait une délégation composée de cinq de ses membres, représentatifs de la composition de votre Assemblée, d'une mission d'information sur la situation économique et financière de la Nouvelle-Calédonie, près de dix ans après la conclusion des accords de Matignon, et à la veille de la négociation qui allait conduire à la signature de l'accord de Nouméa, le 5 mai 1998.

Deux ans plus tard, c'est à deux de ses membres que votre commission confie la tâche de se rendre en Nouvelle-Calédonie afin de voir dans quelle mesure la situation a évolué. Si la délégation est de taille plus modeste, elle n'en respecte pas moins le pluralisme de votre Assemblée, puisqu'elle est composée d'un vice-président socialiste de votre commission des Finances et d'un député de l'opposition. Le premier a participé à la mission précédente, l'autre n'est jamais allé dans l'archipel : un regard déjà familiarisé aux réalités calédoniennes est ainsi associé à un _il neuf.

L'objectif de la mission d'information est d'analyser, sur place, dans quelles conditions est mis en place le nouveau statut créé par la loi organique du 19 mars 1999 à la suite de l'accord de Nouméa. Il ne s'agit pas encore d'en faire un premier bilan, dans la mesure où les transferts de compétences ne sont entrés en vigueur que le 1er janvier 2000, mais d'observer le climat qui préside aux commencements de son application, tant il est vrai que les premiers mois sont souvent décisifs.

Le point de vue des membres de la délégation est d'abord économique et financier, comme l'implique leur appartenance à votre commission des Finances ; mais ils n'en ont pas pour autant négligé les aspects institutionnels et politiques, qui jouent un rôle considérable dans le développement de l'archipel.

Cette mission se justifie au moins à deux titres :

· Il est du rôle du Parlement, et en particulier de votre commission des Finances, de contrôler l'usage qui est fait des plus de cinq milliards de francs que l'État, tous ministères confondus, consacre annuellement à la Nouvelle-Calédonie.

Vos Rapporteurs ont pu voir, sur le terrain, dans quelle mesure ces crédits contribuaient au développement de la Nouvelle-Calédonie.

· Étant donné que l'application du nouveau statut n'a été possible que parce que le Parlement l'a adopté, celui-ci a une responsabilité dans sa mise en _uvre : il ne peut se désintéresser de la manière dont ses décisions s'appliquent.

Pour la plupart des métropolitains, la conclusion de l'accord de Nouméa se résume à la photographie montrant une poignée de mains entre Roch Wamytan, président du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), Jacques Lafleur, président du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) et le Premier ministre, le jour de la signature de l'accord : vos Rapporteurs ont voulu en savoir plus et découvrir la réalité, au-delà de l'image.

Ils ont effectué un déplacement en Nouvelle-Calédonie du 14 au 21 février 2000 : ils se sont rendus dans les trois provinces et ont rencontré de nombreux acteurs de la vie économique et politique de l'archipel. Partout, ils ont été chaleureusement accueillis et tiennent à en remercier leurs différents interlocuteurs, et en particulier le délégué du Gouvernement qui leur a offert l'hospitalité, a organisé leurs rencontres et fait preuve d'une grande disponibilité. Le programme de leur mission se trouve en annexe du présent rapport.

Ce dernier se veut le témoignage de la richesse des informations et des impressions que vos Rapporteurs ont rapportées de leur déplacement, et le résultat de leurs réflexions.

Le rapport s'ouvre sur une présentation de la situation institutionnelle et économique calédonienne, l'accent étant mis sur son évolution depuis 1998. Les principaux obstacles actuels au développement harmonieux de la Nouvelle-Calédonie sont ensuite dégagés, avant que l'accent soit mis sur les perspectives encourageantes qui s'ouvrent pour l'archipel. Vos Rapporteurs prolongent leur analyse par un chapitre consacré aux défis qui leur semblent devoir être désormais relevés par la Nouvelle-Calédonie : il ne s'agit pas de propositions à proprement parler
- des députés français ne pouvant adresser de propositions qu'à leur Gouvernement ou à leurs pairs -, mais plutôt d'orientations qui leur semblent incontournables. Ils ne portent bien sûr de jugement ni sur les Calédoniens ni sur leurs élus, ils se contentent de les encourager à avancer ensemble sur le chemin du développement.

CHAPITRE PREMIER

L'ÉVOLUTION DE LA SITUATION
CALÉDONIENNE DEPUIS 1998

I.- DE L'ACCORD DE NOUMÉA
À LA LOI ORGANIQUE DU 9 MARS 1999

A.- LA NÉCESSITÉ DE TROUVER UNE ISSUE CONSENSUELLE AUX ACCORDS DE MATIGNON

1.- Les accords de Matignon-Oudinot prévoyaient une consultation référendaire d'autodétermination en 1998

Alors que les années 1980 avaient été marquées par des violences atteignant un niveau extrême de part et d'autre, et par une succession de statuts à l'existence éphémère(1), les accords de Matignon puis de la rue Oudinot ont permis de rétablir durablement la paix civile.

C'est à la suite du drame d'Ouvéa que l'État, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), dirigé par le député Jacques Lafleur, et le Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), conduit par Jean-Marie Tjibaou, qu'ont été signés, le 26 juin 1988, les accords de Matignon, ratifiés par la voie d'un référendum national le 7 novembre 1988.

Le 20 août 1988 est intervenu l'accord Oudinot qui fixait le principe d'une consultation sur l'autodétermination à échéance de dix ans et a conçu un nouvel équilibre institutionnel. Le nouveau statut organise en outre des mesures d'accompagnement économiques, sociales et culturelles en prévoyant la conclusion de contrats de développement entre l'État et les trois provinces qu'il crée pour favoriser le rééquilibrage du territoire.

La paix civile a ainsi été restaurée, et l'organisation institutionnelle stabilisée. La mise en _uvre des accords de Matignon-Oudinot a de plus permis d'améliorer considérablement les conditions de vie de la population grâce à un développement important des infrastructures, en particulier dans le domaine de l'enseignement, même si l'objectif de rééquilibrage n'est pas encore atteint.

La période de dix années s'est écoulée très rapidement dans un contexte de paix et de progrès et les partenaires ont progressivement constaté la nécessité qu'il y avait à préserver ces acquis en évitant une consultation sur l'autodétermination susceptible de raviver les antagonismes.

2.- Le choix d'une solution consensuelle

Le scrutin d'autodétermination, qui devait être réservé à un corps électoral restreint excluant les personnes arrivées sur le territoire après 1988, risquait de figer les opinions, au moment même où prendrait fin le système institutionnel issu des accords de Matignon, ce qui pouvait entraîner une régression.

Aussi, dès le printemps 1991, la recherche d'une solution consensuelle permettant d'éviter le « référendum couperet » prévu à l'article 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 a été proposée par M. Jacques Lafleur, président du RPCR.

La volonté de trouver, par la négociation, une solution de compromis, dans laquelle personne ne renierait ses idéaux, restait forte chez les signataires des accords de Matignon. L'idée d'une solution consensuelle est alors approuvée par les trois partenaires. Chacun admet que, pour continuer à construire ensemble la Nouvelle-Calédonie de demain, mieux vaut une consultation qui rassemble qu'une consultation qui divise.

Ce choix du dialogue, au service de la paix civile, se plaçait en fait dans la logique de l'accord de Matignon. Le Premier ministre Lionel Jospin s'en félicitait dans son allocution prononcée le 24 février 1998 pour l'ouverture des discussions sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie :

« La violence naît de l'injustice et de l'incompréhension, et celle-ci est souvent d'abord la conséquence de l'absence de dialogue. Les accords de Matignon ont en quelque sorte libéré la parole, au sein de chaque communauté, entre les communautés, entre les responsables politiques.(...)

« L'esprit des accords de Matignon est davantage que les textes qui les ont traduits dans des dispositions juridiques et d'organisation. Cet état d'esprit, nous devons être attentifs à le préserver pour les étapes à venir. Il nous faut à notre tour maintenir dans nos discussions un esprit de dialogue confiant. Pour la plupart, ceux qui sont autour de cette table ne sont pas ceux qui ont participé à la discussion de 1988 et les difficultés qui nous attendent peuvent être de nature différente ; les nouveaux accords de Matignon que nous devons inventer à notre tour doivent s'inspirer de l'esprit de ceux qui ont été signés par nos prédécesseurs. »

Si le Premier ministre fait allusion aux difficultés que les partenaires vont devoir affronter, c'est que plusieurs obstacles ont déjà dû être franchis pour que le début des négociations du nouvel accord puisse s'engager. Le plus important portait sur une question essentielle pour le développement équilibré de la Nouvelle-Calédonie, ce qui est révélateur des préoccupations des partisans de l'évolution vers plus d'autonomie : il s'agissait du « préalable minier ».

3.- Un cheminement difficile

Ce « préalable minier » a été posé par le FLNKS en avril 1996 alors que le débat entre FLNKS et RPCR à propos de l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie ne s'était véritablement engagé qu'à la fin de l'année 1995.

Une réunion tripartite s'est tenue le 15 février 1996 pour accélérer le processus de discussion. Deux mois plus tard, le FLNKS provoque la suspension sine die des négociations en imposant un « préalable minier » : trois de ses composantes subordonnent en effet la reprise des négociations politiques au règlement du dossier minier en vue de garantir l'accès à des gisements de nickel suffisamment importants pour permettre la construction d'une usine métallurgique en province Nord, gage de rééquilibrage économique.

En novembre 1996, le congrès se prononce à l'unanimité en faveur de la création de cette usine par la société minière du Sud Pacifique (SMSP) en partenariat avec la société canadienne Falconbridge. Mais cela ne suffit pas à lever le « préalable minier » dans la mesure où la viabilité du projet est conditionnée à la réalisation d'un échange de massifs miniers entre la SMSP et la société Eramet, filiale de la Société Le Nickel (SLN). Le FLNKS exige donc qu'un accord soit conclu sur ce point avant toute reprise des négociations politiques.

Dans cette perspective, M. Lionel Jospin confie à M. Philippe Essig une mission d'expertise destinée à évaluer la faisabilité économique et industrielle du projet de construction d'une usine métallurgique en province Nord. Le rapport établi à cet effet, remis au Premier ministre le 1er novembre 1997, préconise une solution d'échange de massifs miniers. Ainsi, au terme de près de deux ans de négociations, sont signés le 1er février 1998 les accords de Bercy entre le groupe Eramet et la SMSP, ce qui permet la reprise des discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

C'est alors qu'est organisée à Paris la rencontre du 24 février, en présence du Premier ministre et du secrétaire d'État à l'Outre-mer, pour dresser un bilan des accords de Matignon et fixer un calendrier et une méthode de travail. Les divergences demeurent autour de la définition de nouveaux liens entre la Nouvelle-Calédonie et la France dans le cadre d'un État associé, proposition faite par le FLNKS et catégoriquement rejetée par le RPCR.

La poursuite des négociations permet de rapprocher les points de vue : un accord est trouvé le 21 avril et signé solennellement le 5 mai 1998, lors de la visite du Premier ministre à Nouméa. Le 6 novembre suivant est organisée une consultation à laquelle prennent part les personnes justifiant de dix années de résidence sur le territoire. Sur les 106.706 électeurs inscrits sur les listes électorales, le taux de participation atteint 74 % ; le « oui » recueille près de 72 % des suffrages exprimés et est majoritaire dans chacune des trente-trois communes de la Nouvelle-Calédonie.

Le 5 mai 1998, rendant hommage aux dirigeants des deux partis signataires, Jacques Lafleur pour le RPCR et Roch Wamytan pour le FLNKS, le Premier ministre rappelle les difficultés qu'ils ont dû franchir pour arriver à cet accord :

« Chacun sait, les négociations ont été difficiles. Il a parfois semblé qu'elles étaient dans l'impasse, mais toujours une issue est apparue, pour que soient reprises les discussions et franchis les obstacles successifs.

« Les responsables politiques de Nouvelle-Calédonie ont ainsi fait preuve, tout au long de ces mois, d'un grand sens des responsabilités et d'une profonde maturité politique, qui ont permis de surmonter les moments de doute ou de découragement. »

Le Président de la République s'est lui aussi réjoui de l'accord intervenu entre le RPCR et le FLNKS, accord qui « marque une étape importante et consensuelle dans la préparation de l'avenir des Calédoniens ».

B.- L'ACCORD DE NOUMÉA

L'accord de Nouméa propose une solution consensuelle prenant pleinement en compte la spécificité de la Nouvelle-Calédonie qui justifie les innovations institutionnelles et juridiques qui la caractérisent. Il se compose d'un préambule(2) et d'un document d'orientation.

1.- Le préambule

Le préambule retrace les circonstances historiques de l'appropriation de la Nouvelle-Calédonie par la France. Il reconnaît « les ombres de la période coloniale » et, à ce titre, apparaît comme un acte de repentance. Mais il rappelle également les apports de cette période en affirmant la nécessité de « poser les bases d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie » permettant « la refondation d'un contrat social entre toutes les communautés ». Se tournant vers le passé, il regarde également vers l'avenir : « le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L'avenir doit être le temps de l'identité, dans un destin commun. »

Il prévoit que la solution négociée « définit pour vingt ans l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation » au terme de cette période, la question de l'accès à l'indépendance devant alors être soumise à l'approbation des populations intéressées.

Le préambule se veut un texte de réconciliation. Le Premier ministre insiste sur ce point dans son discours prononcé devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, le 6 juillet 1998, pour le vote du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie. Il cite le sénateur kanak, Simon Loueckhote : « En aucun cas il ne s'agit de régler des comptes, en évoquant un passé, dont nous n'avons pas été les acteurs, mais dont nous sommes les héritiers », avant de présenter l'objectif du préambule :

« Ce préambule a l'ambition de fonder un avenir commun sur une reconnaissance du passé partagé. C'est pourquoi les Néo-Calédoniens de toutes origines ont pu se reconnaître dans cette affirmation de leur égale dignité, dans la diversité de leurs héritages. »

2.- Le document d'orientation

Le document d'orientation constitue le second volet de l'accord : il définit les principes de l'organisation politique et sociale de la Nouvelle-Calédonie pour la période transitoire des quinze ou vingt prochaines années. Il traite tour à tour de l'identité kanak, des institutions, de la répartition et des transferts de compétences, du développement économique, social et culturel, des modalités de sortie de la période transitoire et des modalités de mise en _uvre de l'accord.

Sur le plan institutionnel, il innove en élargissant considérablement le champ de compétences de la Nouvelle-Calédonie et en prévoyant au profit de celle-ci le retour de la compétence de droit commun, qui avait été attribuée aux trois provinces en 1988, le transfert du pouvoir exécutif, auparavant assuré par le délégué du Gouvernement, à un gouvernement collégial et la création d'un sénat coutumier, qui remplace le conseil consultatif coutumier.

L'accord fait une large place à l'identité kanak (signes identitaires, statut civil coutumier, patrimoine culturel, terres coutumières...).

Le quatrième point de l'accord porte spécifiquement sur le développement économique et social : étant donné son importance pour le sujet qui nous intéresse, il figure intégralement dans l'annexe II du présent rapport. Si cet aspect n'est pas celui sur lequel les signataires ont le plus attiré l'attention, il n'en est pas moins essentiel, ce dont atteste l'épisode du « préalable minier ». En plus de la question du développement économique et du problème du contrôle des outils de développement, il aborde les thèmes de la formation des hommes et de la politique sociale, conditions d'un développement harmonieux.

Au plan juridique, l'accord innove à maints égards : adoption par le congrès de « lois du pays » susceptibles dans certains cas d'être déférées au Conseil constitutionnel avant leur promulgation, reconnaissance d'une citoyenneté calédonienne, irréversibilité des transferts de compétences. Ces innovations juridiques, dérogeant à certains principes à valeur constitutionnelle, ont rendu nécessaire, pour que leur mise en _uvre soit possible, une révision de la Constitution.

C.- LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

La réforme constitutionnelle, adoptée à une très large majorité par le Congrès réuni à Versailles le 6 juillet 1998, a rétabli dans la Constitution un titre XIII intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie » comprenant les articles 76 et 77.

L'article 76 a eu pour objet de permettre l'organisation de la consultation tendant à l'approbation des dispositions de l'accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 par un corps électoral restreint défini par référence à l'article 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988.

L'article 77 autorise le législateur organique à adopter des dispositions statutaires dérogeant à des principes à valeur constitutionnelle « pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies » par l'accord « et selon les modalités nécessaires à sa mise en _uvre ». Sont ainsi constitutionnellement consacrés :

- le caractère irréversible des transferts de compétences, qui implique un dessaisissement du législateur national au fur et à mesure des transferts dont l'échéancier pourra d'ailleurs être modifié par le congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

- la possibilité pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie de prendre des actes de nature législative susceptibles d'être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel avant leur promulgation, comme les lois votées par le Parlement ;

- la reconnaissance d'une citoyenneté propre de la Nouvelle-Calédonie fondant les restrictions apportées au corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province et, selon des modalités différentes, pour la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté au terme de la période transitoire de quinze à vingt ans ;

- la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie d'adopter des mesures spécifiques pour limiter l'accès à l'emploi local ;

- la faculté, pour les personnes en ayant perdu le bénéfice, d'accéder à nouveau au statut civil coutumier, par dérogation à l'article 75 de la Constitution.

L'ensemble de ces orientations résultant de l'accord de Nouméa sont en effet en contradiction avec les principes constitutionnels du caractère indivisible de la République ou de non-discrimination entre les citoyens français.

D.- LA LOI ORGANIQUE ET SES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Le 19 mars 1999 sont adoptées la loi organique n° 99-909 relative à la Nouvelle-Calédonie, la loi organique et la loi ordinaire n° 99-910. La loi organique comporte dix titres qui, à l'exception de deux d'entre eux, traitent de l'organisation des institutions du « pays » et des transferts de compétences entre État, Nouvelle-Calédonie et provinces. Ces derniers font l'objet de l'encadré ci-après.

LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES OPÉRÉS
PAR LA LOI ORGANIQUE N° 99-209 DU 19 MARS 1999
RELATIVE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Les articles 21 et 22 de la loi organique du 19 mars 1999 répartissent les compétences d'attribution réservées à l'État d'une part, à la Nouvelle-Calédonie, d'autre part, sachant que l'article 20 de la loi organique réserve une compétence de principe aux provinces.

L'essentiel des transferts concerne des compétences de l'État vers la Nouvelle-Calédonie mais quelques compétences sont également transférées de l'État vers les provinces ou de celles-ci vers la Nouvelle-Calédonie.

La date de ces transferts s'échelonne en trois étapes :

- transferts immédiats au 1er janvier 2000 ;

- transferts dans une deuxième étape, au cours des mandats du congrès débutant en 2004 et 2009 (article 26 de la loi organique) ;

- transferts facultatifs, sur demande du congrès, au cours du mandat de 2009 (article 27).

1.- Les transferts immédiats de compétences
(au 1er janvier 2000) de l'État à la Nouvelle-Calédonie

- le droit du travail, syndical, de la formation professionnelle et l'inspection du travail ;

- le commerce extérieur ;

- la réglementation des importations ;

- la réglementation des investissements directs étrangers ;

- les communications extérieures en matière de navigation, de desserte aérienne et maritime, de postes et télécommunications, à l'exception de la desserte aérienne avec tout territoire français et les liaisons gouvernementales ;

- la gestion de la zone économique exclusive ;

- la réglementation relative aux hydrocarbures et à certains minerais (nickel, chrome, cobalt) ;

- les programmes, la formation des maîtres et le contrôle pédagogique en matière d'enseignement primaire public ;

- le droit de la coopération et de la mutualité.

2.- Les transferts entre collectivités au 1er janvier 2000

a) des provinces à la Nouvelle-Calédonie :

- le contrôle sanitaire aux frontières ;

- la réglementation des investissements directs étrangers inférieurs au seuil de compétence antérieurement attribuée à l'État ;

- les établissements hospitaliers (Koumac et Poindimié)

b) de l'État aux provinces : le domaine public maritime.

3.- Les transferts de l'État vers la Nouvelle-Calédonie prévus dans une deuxième étape (2004 et 2009), définis par l'article 26 de la loi organique

- la police et la sécurité des circulations aériennes et maritimes intérieures ;

- l'enseignement du second degré public et privé, à l'exception des collèges ;

- la santé scolaire ;

- l'enseignement primaire privé ;

- le droit civil, droit commercial et règles de l'état civil ;

- la sécurité civile.

4.- Les transferts facultatifs de l'État vers la Nouvelle-Calédonie, postérieurs à 2009, définis par l'article 27 de la loi organique

- les règles d'administration des collectivités locales ; 

- le contrôle de légalité sur les actes des collectivités locales ;

- le régime comptable et financier des collectivités locales ;

- l'enseignement supérieur ;

- la communication audiovisuelle.

5.- La Nouvelle-Calédonie est par ailleurs associée à l'exercice de compétences de l'État

- relations extérieures ; 

- réglementation de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- maintien de l'ordre ;

- jeux de hasard ;

- communication audiovisuelle :

- recherche.

L'article 23 de la loi organique prévoit également le transfert à la Nouvelle-Calédonie des établissements publics suivants :

- l'office des postes et télécommunications (OPT) ;

- l'institut de formation des personnels administratifs (IFPA) ;

- l'agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) ;

- l'agence de développement de la culture kanak (ADCK) ;

- le centre de documentation pédagogique.

Ces transferts doivent intervenir, sur demande du congrès, par décrets en Conseil d'État qui en précisent la date et les modalités. Ils font l'objet, le cas échéant, d'une compensation financière dans les conditions prévues à l'article 55.

Le titre premier est consacré au statut civil coutumier et à la propriété coutumière. Seul le titre VIII « Le rééquilibrage et le développement économique, social et culturel »(3) traite directement de la question du développement. Devant la complexité de l'organisation institutionnelle, ce thème, qui correspondait à l'un des six points du document d'orientation, n'est plus présent dans la loi organique qu'à travers six articles (les articles 210 à 215) sur deux cent trente quatre.

L'article 210 de la loi organique crée les contrats pluriannuels de développement, d'une durée de cinq ans, conclus entre l'État d'une part, la Nouvelle-Calédonie et les provinces d'autre part, et organise la répartition des crédits du Fonds d'équipement et de promotion pour la Nouvelle-Calédonie. L'article 211 met en place le schéma d'aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie, avec lequel les contrats pluriannuels doivent être compatibles.

Les provinces, qui détiennent l'essentiel des compétences en matière économique, peuvent accorder des aides aux entreprises dans les conditions prévues par l'article 212. Les deux articles suivants créent deux comités consultatifs : le premier est consacré à l'environnement, le second au crédit. Enfin, l'article 215 dispose qu'un accord particulier aura pour objet le développement culturel de la Nouvelle-Calédonie.

Ces dispositions peuvent apparaître de faible portée au regard des objectifs ambitieux de rééquilibrage réaffirmés dans le cadre de l'accord de Nouméa. Mais elles sont complétées par les transferts immédiats de compétences de l'État à la Nouvelle-Calédonie, dont certains touchent directement au développement économique : droit du travail, commerce extérieur, réglementation des importations et des investissements directs étrangers, gestion de la zone économique exclusive, réglementation relative aux hydrocarbures et à certains minerais (nickel, chrome, cobalt). Entrés en vigueur le 1er janvier 2000, ils vont produire leurs premiers effets.

Enfin, l'ensemble des modifications institutionnelles doit se traduire en termes de développement dans la mesure où il vise une responsabilisation plus directe des acteurs calédoniens.

II.- LA POURSUITE DES EFFORTS DE DÉVELOPPEMENT INITIÉS PAR LES ACCORDS DE MATIGNON

A.- LE DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES PUBLIQUES

Le décalage entre le nombre, la qualité et la diversité des infrastructures publiques dans le Sud de la Grande Terre, autour de Nouméa pour l'essentiel, d'une part, et dans le reste du Territoire, d'autre part, était flagrant au moment de la signature des accords de Matignon. Dix ans plus tard, il a été en grande partie comblé, grâce à l'action très volontaire et efficace des pouvoirs publics, et surtout de l'État.

Le secrétaire d'État à l'Outre-mer, M. Jean-Jack Queyranne, avait tout lieu de s'en féliciter dans son allocution à l'occasion de l'ouverture des discussions qui allaient conduire à l'accord de Nouméa, le 24 février 1998 :

« Le rééquilibrage en matière d'investissements publics était organisé par les mécanismes financiers volontaristes de la loi référendaire et les contrats de développement. La Nouvelle-Calédonie a échappé aux rigueurs budgétaires que connaissait le budget de l'État. Lycées, hôpitaux, routes, aérodromes, ports, etc., je ne ferai pas la liste de tout ce qui a été construit, en particulier dans le Nord et les Îles, vous le connaissez. De très nombreux chantiers ont été ouverts et menés à bien.

« Pour celui qui aujourd'hui circule sur le Territoire, ces édifices publics et ces logements neufs sont la marque la plus évidente du changement.

« Pour qui habite l'Intérieur ou les Îles, c'est l'hôpital ou le lycée à une heure de route au lieu de quatre à cinq heures, c'est le téléphone ou l'électricité dans la tribu, même si l'objectif d'un raccordement de toute la population n'est pas encore atteint. Cette évolution là me semble incontestable. »

1.- Les contrats de développement, principaux instruments de l'État

Les contrats de développement permettent à l'État de s'engager à cofinancer, en partenariat avec la Nouvelle-Calédonie ou les provinces, des investissements souvent lourds, sur plusieurs années.

Les contrats de développement 1990-1992 ont été presque parfaitement remplis : leur bilan financier au 31 décembre 1999 fait apparaître un taux d'engagement de la participation de l'État de 97,53 % et un taux de mandatement de 95,75 %.

Pour la période 1993-1999, un contrat entre l'État et l'agglomération de Nouméa s'est ajouté aux contrats de développement. La participation de l'État à l'ensemble de ces contrats est engagée à 72 % et mandatée à 60 % au 31 décembre 1999.

Ces taux d'exécution sont satisfaisants, dans la mesure où plusieurs facteurs ont contribué à ralentir la mise en _uvre de ces contrats : des retards dans la délégation de certains crédits, des difficultés liées à la longueur de la procédure administrative de traitement des dossiers, délais nécessaires à la préparation de certaines opérations (notamment les opérations relatives à l'habitat) et capacité des provinces à préparer des opérations et à les mettre en _uvre, tant d'un point de vue technique que financier.

La portée de ces retards est néanmoins à nuancer. Les retards dans la délégation de crédits concernent la délégation interministérielle à la ville qui intervient seulement dans le contrat d'agglomération et n'a donc pas d'impact sur le rééquilibrage entre provinces, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, notamment pour de l'action sociale, qui ne passe pas par des investissements, et le ministère de la Culture et de la Communication, notamment pour une enveloppe en faveur du contrat d'agglomération et pour le solde de l'opération musée de la mer. Pour regrettables qu'ils soient, ces blocages dans la délégation des crédits n'ont pas gravement nui à l'investissement public en Nouvelle-Calédonie.

Les délais de préparation de certaines actions ne constituent d'ailleurs pas forcément une mauvaise chose s'ils permettent de réaliser des opérations mieux adaptées aux besoins ou de meilleure qualité. Le projet de réaliser, à Ouvéa, des logements sociaux inspirés de l'habitat traditionnel - comprenant une case servant de lieu de rencontre et de chambre, et deux pièces séparées abritant cuisine et salle d'eau d'une part, salle à manger d'autre part - semble à cet égard particulièrement intéressant dans la mesure où de tels logements seront mieux perçus, et plus volontiers habités, par la population de l'île.

Quant aux difficultés financières et techniques rencontrées par les provinces, elles pourraient être combattues par une modernisation de la fiscalité locale, d'une part et par la formation de cadres, d'autre part.

Globalement, les contrats de plan s'avèrent des instruments précieux pour l'État : ils lui donnent une voie pour apporter une partie du financement tout en responsabilisant les collectivités locales qui financent le complément et lui permettent d'orienter les choix des investissements.

Sur le terrain, les résultats sont très satisfaisants.

2.- Quelques exemples de réalisations publiques

Pas plus que le Ministre dans son allocution, vos Rapporteurs ne dresseront ici une liste complète des réalisations récentes en matière d'investissements publics. Ils ne citeront que quelques opérations réussies, qu'elles soient particulièrement significatives ou qu'ils aient eu l'occasion d'en voir les résultats.

Une grande partie de la participation du secrétariat d'État à l'Outre-mer au financement des contrats de développement passe par le Fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer (FIDES). Au 31 décembre 1998, les crédits consommés s'élevaient au total à 642,4 millions de francs français, dont 162,6 millions de francs français pour la seule année 1998, sur un total cumulé d'autorisations de programme de 962 millions de francs, soit une part de consommation de 66,7 %, très satisfaisante un an avant la fin théorique de la période 1993-1999.

26,5 millions de francs français ont concerné des opérations terminées durant l'année 1998, dont en particulier les travaux du stade de Païta, la promotion du tourisme dans les îles, le financement de l'Institut calédonien de participation (ICAP), la promotion de l'habitat social ou la rénovation du système d'alimentation en eau potable d'Ouvéa. En ce qui concerne les opérations en cours (136,1 millions de francs français de crédits dépensés en 1998), les plus importantes ont été les suivantes ;

- la route Koné-Tiwaka en province Nord ;

- le Fonds d'électrification rurale (FER) ;

- des aides à l'accession à la propriété en province Nord ;

- l'habitat social à l'intérieur de la province Sud, et notamment à l'Île des Pins, et dans la province des Îles ;

- le financement du contrat de ville de Nouméa (pour la zone artisanale et commerciale de Kamere) ;

- la construction de l'aéroport d'Ouvéa, indéniable réussite architecturale ;

- le financement du Fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes.

Les actions financées par ce fonds d'investissement sont donc aussi diverses qu'utiles, et leur résultat est immédiatement perceptible pour les populations.

Au cours de leur visite en province des Îles notamment, vos Rapporteurs ont eu l'occasion de voir certaines des réalisations entreprises grâce aux contrats de plan. Le chantier du centre technique d'enfouissement de Lifou, contractualisé en 1994, permettra de combattre la prolifération des décharges non contrôlées et centralisera le dépôt des ordures ménagères, qui seront désormais l'objet d'un ramassage. Ils ont aussi pu constater l'excellent état d'entretien et le bon niveau d'équipement du collège de Wé, pourtant construit au début des années 1970 : le bourg centre administratif de Lifou est également doté depuis peu d'un lycée qui évite aux jeunes de l'île de devoir la quitter pour poursuivre leur scolarité à Nouméa.

A Ouvéa, vos Rapporteurs ont été informés du projet de savonnerie, qui permettra la valorisation sur place du coprah grâce au cofinancement de l'État dans le cadre du prolongement des contrats de plan de la période 1993-1999, et de celui de la salle omnisports, dont le projet est soutenu financièrement par le ministère de la Jeunesse et des Sports.

Ils ont enfin visité le centre médical d'Ouloup, construit et équipé dans le cadre du contrat de plan 1990-1992. Ils ont été impressionnés par la qualité des équipements et de l'aménagement des locaux, mais inquiets devant le manque de motivation dont témoignait le médecin qui les a reçus. Ce dernier leur a en effet expliqué que, arrivé depuis deux mois seulement, il s'apprêtait à quitter Ouvéa tant les conditions de vie y étaient difficiles. Il a justifié cette décision par le volume très important d'heures travaillées, la localisation et la qualité de son logement de fonction - situé près du dispensaire, mais aussi de la piste de l'aérodrome, et dépourvu de meubles... -, le poids de l'isolement, l'absence de commerces et de distractions sur l'île. Il a souligné combien les changements de médecin étaient fréquents de ce fait. Vos Rapporteurs déplorent cette situation, propre il est vrai aux seuls médecins, le personnel infirmier, d'origine mélanésienne, étant beaucoup plus stable, et estiment qu'il conviendrait d'aider les médecins à s'installer sur l'île dans de bonnes conditions, notamment en leur offrant un logement agréable et équipé, afin que les habitants d'Ouvéa n'aient pas affaire à un médecin différent à chacune de leur visite au centre médical.

Les deux îles visitées apparaissent très bien équipées. Les projets de grande ampleur financés sur les contrats de plan sont complétés par des projets, moins importants en termes financiers mais essentiels pour la qualité de vie des populations locales, qui bénéficient d'aides du Fonds d'équipement et de promotion pour la Nouvelle-Calédonie (FEPNC), créé par la loi organique du 9 novembre 1988. 59 petits projets sont suivis actuellement par l'État, qui apporte un concours moyen de 142.000 francs français. Ils peuvent consister aussi bien à créer une salle de réunion, un camping, une salle d'eau, qu'à rénover un temple ou à acquérir un bateau de pêche.

L'État participe ainsi aux grands comme aux petits investissements, et contribue à améliorer très nettement la qualité de vie dans les îles et à l'intérieur de la Grande Terre. Il a amplement tenu ses engagements, et va continuer à la faire dans le cadre des prochains contrats de développement pour la période 2000-2004  (voir infra).

B.- L'ACCENT MIS SUR LA FORMATION DES HOMMES

La formation constitue, en Nouvelle-Calédonie, une question particulièrement importante, pour une série de raisons : c'est un pays qui s'efforce d'améliorer son niveau de développement ; sa population, très variée, vit dans des conditions très contrastées et a des chances inégales de réussite scolaire ; la population calédonienne est remarquablement jeune.

1.- Une population jeune, inégalement formée.

Si le dynamisme démographique s'essouffle progressivement (l'âge moyen de la population a augmenté d'un an entre 1989 et 1996), on compte encore, en 1996, 39,5 % d'individus de moins de 20 ans (contre 43,9 % en 1989), près de la moitié de moins de 25 ans et seulement 7,5 % de 60 ans ou plus. Cette jeunesse est particulièrement marquée dans la province des Îles Loyauté et dans la province Nord, où l'âge moyen est de 25 ans quand il atteint 29 ans dans la province Sud.

Cette différence entre provinces reflète le contraste entre la pyramide des âges des nombreuses communautés présentes sur le territoire. Ce sont les populations mélanésienne (44 % de la population du territoire) et originaire de Wallis-et-Futuna (9 % de la population) qui présentent le plus fort dynamisme démographique. La première compte 47 % de moins de 20 ans, la seconde 43,2 %, mais la croissance de la première est inférieure (+ 2,4 %, contre + 3,2 %) et en cours de ralentissement.

Or, ces populations les plus jeunes sont aussi celles qui sont les moins bien formées. Leurs situations respectives sont pourtant différentes : si l'éloignement du centre urbain de Nouméa peut être évoqué pour les Mélanésiens qui constituent plus des trois quarts de la population du Nord et la presque totalité de celle des Îles, elle ne vaut pas pour les populations immigrées, parmi lesquelles les Wallisiens, qui vivent presque exclusivement dans le Grand Nouméa. De plus, les équipements scolaires sont présents sur l'ensemble du territoire : la province du Nord est équipée de 56 établissements scolaires publics et 60 privés ; la province des Îles de 55 publics et 33 privés et la province Sud de 106 établissements publics et 38 privés. Si les enfants doivent parfois parcourir une grande distance entre leur tribu et leur école, c'est plus à cause de la dispersion de l'habitat traditionnel que d'un manque d'établissements scolaires, tandis que la multiplication des internats vise à résoudre ce problème.

Les difficultés sont surtout d'ordre social et culturel. Les populations immigrées ont des revenus modestes et des conditions précaires de logement, comme en attestent les « squats » installés illégalement sur des terrains communaux autour de Nouméa, habitations de fortune dépourvues d'alimentation en eau et électricité que l'on découvre au milieu d'une abondante végétation. Les efforts des communes concernées en matière de logements sociaux n'ont pas suffi à résoudre une situation peu propice à pousser les jeunes à étudier et les moins jeunes à suivre une formation continue.

De plus, le français n'est pas la langue maternelle d'une partie importante des habitants du territoire, et notamment des Mélanésiens vivant en tribu, ce qui implique que les enseignants assurent une formation linguistique, à l'école primaire, mais aussi au collège, alors qu'ils n'y sont guère préparés. Enfin, les tribus n'offrant pas d'emplois pour les personnes diplômées, les jeunes manquent de motivation pour suivre des études ou, leur diplôme acquis, choisissent de rester en ville, privant les tribus de leurs compétences et de leur exemple.

Ainsi, les différences entre niveau d'études de la population selon la communauté d'appartenance mettent à jour de forts contrastes, résumés dans le tableau ci-après. On constate que le tiers des Européens est allé au lycée contre moins de 18 % des Mélanésiens et des Ni-Vanuatus et que le niveau universitaire est atteint par le quart des Européens, 14,5 % des membres de la communauté vietnamienne, mais moins de 2 % des Mélanésiens, qui obtiennent le résultat le plus faible de toutes les communautés.

NIVEAU D'ÉTUDES DE LA POPULATION DE 14 ANS ET PLUS
SELON LA COMMUNAUTÉ D'APPARTENANCE
(1)

(en %)

 


Pas de


Premier

Second degré

Université
ou

 

scolarisation

degré

1er cycle

2ème cycle

grande école

Européenne

1,5

17,6

25,4

32,5

23,0

Indonésienne

14,8

27,5

25,5

27,1

5,0

Mélanésienne

7,1

38,4

35,0

17,8

1,6

Ni-Vanuatu

13,7

37,4

27,9

17,7

3,3

Tahitienne

7,1

34,5

32,4

22,7

3,3

Vietnamienne

13,5

23,1

19,6

29,4

14,5

Wallisienne-Futunienne

11,3

33,2

32,5

20,9

2,1

(1) Recensement de 1996.

Source : Institut territorial de la statistique et des études économiques.

C'est pour répondre à ces difficultés que les partenaires de l'accord de Matignon ont décidé de mettre en place un programme destiné à former les hommes susceptibles de constituer les futurs cadres de la Nouvelle-Calédonie.

2.- Les résultats encourageants du programme « 400 cadres »

Ce programme a été élaboré à partir du constat que les Mélanésiens occupant des postes de responsabilités professionnelles n'étaient qu'une dizaine en 1988 et qu'un rééquilibrage au profit de cette communauté était nécessaire. Le principe est de faire bénéficier chaque stagiaire d'un parcours individualisé prenant en compte son niveau de connaissances et devant le conduire, au terme de sa formation, à intégrer un emploi déterminé.

L'objectif fixé était de former, en dix ans, 400 cadres principalement mélanésiens (70 % sont Mélanésiens, 13 % d'origine européenne et 6 % Wallisiens ou Futuniens) afin qu'ils puissent occuper des emplois de responsabilité dans la vie économique, sociale et culturelle comme dans la vie administrative de la Nouvelle-Calédonie et contribuer à son rayonnement dans la zone Pacifique.

Cet objectif a été atteint : 400 cadres sont formés ou en cours de formation en métropole. Deux tiers des 300 stagiaires ayant achevé leur parcours sont titulaires du diplôme visé, une centaine poursuit encore sa formation. D'un point de vue qualitatif, on constate que :

· 55 % des stagiaires n'ayant pas leur bac avant l'intégration dans le programme ont atteint un diplôme ou un niveau de bac+2 ;

· 67 % des stagiaires ayant le bac avant l'intégration dans le programme ont atteint un diplôme ou un niveau de bac+2 ;

· 46 % des stagiaires ayant le bac avant l'intégration dans le programme ont atteint un diplôme ou un niveau de bac+5.

Ce sont ainsi 73 % des stagiaires qui sont désormais titulaires du diplôme qu'ils visaient. Leur intégration professionnelle n'a pas posé de problème puisque 89 % d'entre eux ont trouvé un emploi dans un délai inférieur à 3 mois et que 80 % des employeurs estiment que leur formation convient tout à fait. Le nombre de diplômés d'études supérieures est passé de 99 Kanak à 442.

Entre début 1989 et décembre 1997, le programme a coûté 146,9 millions de francs français, financés par l'État pour 76 %, le Territoire à hauteur de 23 % et les entreprises pour 1 %. 72 % des crédits ont été utilisés pour des prestations aux stagiaires (bourses pour 54 % de cette enveloppe, frais de formation pour 13 %, logement pour 13 %, frais de transport pour 13 %). En moyenne, un stagiaire a coûté 400.000 francs pour une formation de deux ans.

Cette première expérience ayant donc eu des résultats très satisfaisants, l'accord de Nouméa pose, dans le chapitre 4 du document d'orientation(4), le principe de la poursuite de l'aide de l'État. La tendance est au rajeunissement des stagiaires (27 ans en moyenne, contre 29 ans auparavant) et à leur féminisation (les femmes constituent actuellement 30 % des effectifs).

Trois objectifs nouveaux sont retenus :

· la formation de cadres moyens et supérieurs pour accompagner les transferts de compétences ;

· la mise en place d'actions de formation visant à préparer l'exercice de certaines compétences régaliennes ;

· la formation dans le domaine des langues vernaculaires en vue, en particulier, de la mise en place de leur enseignement dans le primaire.

Ces objectifs se sont traduits par l'annonce, à l'occasion du « comité des signataires » du 2 mai 2000, de deux programmes spécifiques : celui qui poursuit le programme « 400 cadres » est intitulé « Cadres Avenir », tandis qu'un second programme « Enseignants Avenir », destiné aux enseignants, va aussi voir le jour.

3.- Des efforts en matière de formation professionnelle

Compétence du Territoire, dont la Nouvelle-Calédonie a naturellement hérité après le 1er janvier 2000, la formation professionnelle est organisée selon un schéma similaire à celui institué en métropole par les lois du 16 juillet 1971 et repose sur une pluralité d'acteurs.

· Les institutions de la Nouvelle-Calédonie sont :

- la délégation à la formation professionnelle ;

- le membre du gouvernement chargé du travail, de la formation professionnelle et de la fonction publique ;

- la commission du travail et de la formation professionnelle au congrès.

· S'y ajoute une institution paritaire consultative, le comité territorial de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.

· Environ quatre-vingts organismes dispensent la formation professionnelle, dont une soixantaine d'organismes privés. Parmi les organismes publics, les centres de formation des chambres de commerce et d'industrie, d'agriculture et des métiers, l'Établissement territorial de formation professionnelle des adultes (ETFPA) et l'Institut de formation des personnels administratifs (IFPA) sont les plus importants.

Le budget consacré à la formation professionnelle en Nouvelle-Calédonie a triplé entre 1988 et 1990 et continue à croître depuis. En 2000, la Nouvelle-Calédonie a prévu d'y consacrer 822 millions de francs Pacifique (45,2 millions de francs français)(5), soit 30 millions de francs Pacifique (1,65 million de francs français) de plus qu'en 1999. Le budget français pour 2000 y contribue à hauteur de 177,4 millions de francs Pacifique (9,76 millions de francs français) par l'intermédiaire des budgets du ministère chargé du travail et du secrétariat d'État à l'Outre-mer, auxquels il faut ajouter les 400 millions de francs Pacifique (22 millions de francs français) finançant la poursuite du programme « 400 cadres ».

En 1998, les actions menées ont bénéficié à 2.365 stagiaires, selon cinq volets jugés prioritaires :

· l'apprentissage : 700 stagiaires en 1998 ;

· les formations en faveur de l'emploi (contrats aidés et actions de l'ETFPA) : 1.012 stagiaires à l'ETFPA en 1998 ;

· les formations sectorielles, notamment dans les secteurs des mines, de l'agriculture et du tourisme : 384 stagiaires ;

· les actions de promotion sociale, par le biais de cours du soir : 192 stagiaires ;

· les actions de formation individualisée, permettant, grâce à des bourses territoriales de formation professionnelle continue (BTF), de répondre à des besoins de formation dans des domaines de haute technicité : 77 stagiaires.

L'effort de formation est donc considérable et orienté vers les besoins de la Nouvelle-Calédonie, notamment à travers l'apprentissage et les formations sectorielles. Nous reviendrons sur les problèmes de développement économique au niveau local, en particulier dans les tribus, qui constitue un enjeu spécifique pour la formation professionnelle.

Le succès de la formation professionnelle est une condition essentielle à l'implantation durable d'activités économiques : les actions entreprises ont favorisé la réussite de certains investissements productifs, mais n'ont pas suffi à stimuler fortement un secteur privé encore balbutiant dans bien des secteurs.

C.- DE TROP RARES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS RÉUSSIS

S'il est indubitable que l'État a assuré une amélioration très nette de l'équipement du territoire, et si le secteur public et semi-public représente 20 % de la population active, le développement des investissements productifs conserve un retard qui ne peut plus être validement imputé à la qualité des infrastructures ou au manque de personnel qualifié.

Pourtant, les succès demeurent trop rares, ce qui freine l'installation d'un cercle vertueux de croissance. En 1998, la croissance du secteur privé s'est ainsi établie à 3,5 %, contre 6 % pour le secteur public, et la croissance s'est ralentie (+ 0,8 % au premier semestre 1999), traduisant un certain attentisme de l'ensemble des investisseurs locaux.

Il convient toutefois de signaler quelques réussites :

· l'implantation d'un entrepreneur polynésien de pêche hauturière dans la province des Îles, qui est d'autant plus remarquable que cette province n'abrite aucune autre activité de cette importance et qu'elle sert d'exemple à la venue d'un entrepreneur du même type en province du Nord.

· l'hôtel Méridien de l'Île des Pins est aussi particulièrement intéressant : son taux de remplissage était de 50 % dès sa première année de fonctionnement, et il atteindrait 70 % pour les premiers mois de 2000, malgré le recul actuel de la fréquentation touristique de l'archipel ; et surtout, ce succès a été rendu possible par l'association des habitants de l'Île et des autorités coutumières (voir infra).

· les fermes aquacoles productrices de crevettes qui doivent étendre leurs activités et qui entraînent déjà la multiplication d'autres projets dans ce secteur.

Les investissements productifs privés réalisés en Nouvelle-Calédonie peuvent donc connaître le succès, mais ils demeurent rares.

III.- DES SECTEURS ÉCONOMIQUES
À L'ÉVOLUTION CONTRASTÉE

L'économie calédonienne repose essentiellement sur l'exploitation et la métallurgie du nickel : ce qui est vrai depuis plus d'un siècle, l'est encore plus depuis le « boom du nickel » des années 1960.

Pourtant, il existe des tentatives de diversification, dont les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espoirs qu'elles ont suscités, qu'il s'agisse de l'agriculture ou du tourisme.

A.- LES IRRÉGULARITÉS DU MARCHÉ DU NICKEL

Au cours des dernières années, le nickel a représenté en moyenne plus de 90 % des exportations du territoire. Avec près de 12 % de la production mondiale et 20 % des réserves identifiées, il constitue un potentiel majeur pour le développement de la Nouvelle-Calédonie. En contrepartie, l'économie locale est extrêmement dépendante de son exploitation qui est, elle-même, fortement tributaire des fluctuations du marché mondial. Par rapport à ses principaux concurrents (Canada, Russie, Indonésie...), la Nouvelle-Calédonie est handicapée par ses coûts de production (énergie, main d'_uvre...) plus élevés, mais dispose, en revanche, d'un minerai de bonne teneur en nickel.

La place du nickel en Nouvelle-Calédonie dépasse amplement le seul domaine économique, même s'il est vrai que son exploitation a constitué le ressort essentiel du développement industriel de la Nouvelle-Calédonie et, qu'à ce jour, il demeure encore un élément essentiel de l'activité économique de l'île. En effet, en plus de son impact sur la répartition de la population et l'aménagement du territoire, ce minerai stratégique a eu, et a toujours, une influence sur les rapports entre les communautés, ce dont attestent aujourd'hui les interminables négociations sur la répartition entre provinces des actions de la SLN et d'Eramet.

Ce secteur d'activités regroupe deux phases distinctes : l'extraction minière d'une part, la métallurgie d'autre part.

1.- L'extraction minière

a) Des sociétés d'exploitation et des centres miniers nombreux et dispersés

L'extraction est réalisée principalement par deux grandes sociétés minières : la Société Le Nickel (SLN) et la Société minière du Sud Pacifique (SMSP). Elles exploitent les centres miniers suivants :

· pour la SLN : Thio, Kouaoua, Népoui, Koumac et Tiébaghi, ce dernier centre n'étant entré en exploitation qu'en juillet 1998 et connaissant une montée en puissance régulière ;

· pour le groupe SMSP : Ouaco, Poum, Poya, Boa, Kaine et Kouaoua.

Il existe aussi d'autres entreprises minières de taille plus réduite :

· le groupe Ballande compte plusieurs sociétés d'exploitation qui exploitent les centres de Nakéty, Monéo et Kaala-Gomen ; il a élaboré un plan de restructuration accompagné d'un plan social qui a provoqué des troubles sociaux au printemps 1999. L'activité a repris depuis décembre 1999, sans que la situation ait été assainie définitivement ;

· la Société minière Georges Montagnat exploite le centre de Tontouta ;

· l'entreprise Jean-Claude Berton Mines travaille sur le centre de Canala mais a connu une très longue grève au début de 1999, depuis laquelle l'activité n'a pas réellement repris ;

· la Société minière Koindé-Bouloupari a cessé son activité à Tontouta depuis le mois de mai 1999.

Ces différentes sociétés exploitent des gisements répartis pour l'essentiel en province Nord, sur la côte Ouest et au sud de la côte Est ; seuls les sites de Thio et Tontouta sont situés en province Sud.

Les petites sociétés, moins fortes que les grandes pour résister aux tensions sociales et aux fluctuations du marché, rencontrent fréquemment des difficultés qui les poussent à interrompre, au moins temporairement, leur activité.

b) Une production et des exportations fluctuantes

Le minerai extrait en Nouvelle-Calédonie est exporté vers le Japon ou l'Australie selon sa qualité, garniérites ou latérites.

La production globale de nickel n'a cessé d'augmenter de 1995 à 1997, elle a même récemment dépassé les valeurs atteintes en 1971 (7.720 kilotonnes), à l'apogée du « boom du nickel ». Depuis 1997, on observe une régression de cette production, en baisse d'environ 11 % en volume et en métal contenu par rapport à 1998.

Comme le montre le tableau ci-dessous, l'évolution des exportations est le reflet de celle des productions, avec des résultats sensiblement du même ordre de grandeur, autour de - 14 à - 15 %.

PRODUCTION ET EXPORTATIONS DE MINERAI DE NICKEL

 
 

1995

1996

1997

1998

1999 (1)

 

Production

           

Minerai humide (en kilotonnes)

7.028

7.266

8.145

7.525

6.650

 

Métal contenu (en tonnes)

120.712

124.780

136.467

125.280

111.000

 

Variations annuelles (en %)

24,0

3,4

9,4

- 8,2

- 11,4

 

Exportations

           

Minerai humide (en kilotonnes)

4.589

4.774

5.391

4.237

3.650

 

Métal contenu (en tonnes)

67.953

70.016

79.578

59.938

50.500

 

Variations annuelles (en %)

37,5

3,0

13,7

- 24,7

- 15,7

 

Exportations en valeur

(en millions de francs Pacifique)

Variations annuelles (en %)

11.532

59,0

12.032

4,3

14.486

20,4

8.823

- 39,1

(nd)

(nd)

 
 

(1) Les données pour 1999 sont fondées sur les chiffres déclarés jusqu'en novembre et sur une estimation pour le mois de décembre, les informations n'étant pas toutes validées et disponibles à ce jour.

Source : service des mines et de l'énergie de Nouvelle-Calédonie.

2.- Le secteur métallurgique

a) La toute puissante SLN

Si l'exploitation des mines de nickel n'est pas le monopole d'un seul groupe - même si la SLN possède 35 % du domaine minier total et 50 % du domaine valide pour le nickel -, le secteur métallurgique se résume, en Nouvelle-Calédonie, à une société, la Société Le Nickel, et à une usine, celle de Doniambo.

La SLN est une société anonyme dont 90 % du capital sont détenus par le groupe Eramet et 10 % par le groupe Nishin Steel. Conformément à une décision prise par le conseil d'administration du groupe Eramet, la Nouvelle-Calédonie devrait intégrer sous peu l'actionnariat de la société à hauteur de 30 % (voir infra).

Tandis que l'activité minière de la SLN est passée de 2.820.000 tonnes humides produites en 1995 à 3.400.000 tonnes humides en 1999, l'activité métallurgique connaît une croissance liée depuis 1995 à une programme d'investissement visant à porter la capacité de production à 60.000 tonnes de métal pour 1999, objectif qui a été réduit à 57.500 tonnes pour cause de période défavorable.

Le poids de la SLN dans l'activité économique de l'archipel est le résultat du niveau élevé de sa production et de sa qualité d'unique usine de traitement du minerai, mais aussi de sa place de premier employeur privé
- et de très loin - de Nouvelle-Calédonie.

Cette première place apparaît clairement dans le tableau ci-après.

L'EMPLOI DANS LE SECTEUR DU NICKEL

 

1995

1996

1997

1998

1999

1999/1998
(en %)

SLN

599

640

651

670

640

- 4,5

Autres mineurs

576

686

809

802

682

- 15

Sous-total

1.175

1.326

1.460

1.472

1.322

- 10,2

Sous-traitants de roulage

170

215

237

227

166

- 27

Autres sous-traitants

304

358

409

345

227

- 34,2

Total (emplois sur mines)

1.649

1.899

2.106

2.044

1.715

- 16,1

Usine de Doniambo

1.475

1.486

1.479

1.444

1.371

- 5,1

Total général

3.124

3.385

3.585

3.488

3.086

- 11,5

Source : service des mines et de l'énergie de Nouvelle-Calédonie.

La prépondérance de la SLN parmi les employeurs du secteur du nickel a même tendance à s'accentuer depuis 1997, dans la mesure où l'emploi y a moins fortement diminué que dans l'ensemble du secteur. En effet, après une période de croissance de l'emploi entre 1995 et 1997, on assiste depuis à un recul qui s'est accentué en 1999 pour atteindre le chiffre de 11,5 % en ce qui concerne les emplois directs et indirects. Cette diminution a été de l'ordre de 15 à 16 % pour les emplois indirects et directs dans les entreprises minières hors SLN, alors qu'elle s'est limitée à 4,5 % à la SLN, cette réduction programmée faisant partie d'une vaste opération de diminution des coûts de production, planifiée sur trois ans.

En matière de volume de production, la place de la SLN doit aussi être assise au niveau international par un objectif d'augmentation de sa capacité de production à 62.000 tonnes au cours des prochaines années, et à 70.000 tonnes à moyen terme. Elle pourrait néanmoins être affaiblie par l'établissement de nouvelles usines sidérurgiques sur l'île, qui est actuellement l'objet de projets sérieux.

b) Une ressource irrégulière

La production et les exportations de mattes, qui sont ensuite transformées à la raffinerie de Sandouville, en Normandie, enregistrent une légère diminution par rapport à 1998, année pour laquelle celles-ci avaient connu une nette augmentation, de 8,5 à 13,5 %. En ce qui concerne les ferronickels, les résultats sont sensiblement du même ordre de grandeur qu'en 1998, malgré la restauration des droits de douane de 3,9 % que le Japon, principal client de la Nouvelle-Calédonie, a effectuée dès avril 1998.

 

PRODUCTION ET EXPORTATION DE PRODUITS MÉTALLURGIQUES TIRÉS DU NICKEL

 

1995

1996

1997

1998

1999

 

Production (en tonnes de nickel contenu)

         

Mattes

10.143

11.239

10.580

12.011

11.353

Ferronickels

42.200

42.174

44.312

44.491

45.289

Total

52.343

53.413

54.892

56.502

56.642

Variations annuelles (en %)

4,4

2,0

2,8

2,9

0,2

Exportations (en tonnes de nickel contenu)

         

Mattes

10.501

11.399

11.070

12.011

11.353

Ferronickels

41.393

42.622

44.055

44.962

45.128

Total

51.894

54.021

55.125

56.973

56.481

Variations annuelles (en %)

4,8

4,1

2,0

3,4

- 0,9

Exportation totale de produits métallurgiques en valeur (en millions de francs Pacifique)


36.271


35.059


38.599


27.614


(nd)

Variations annuelles (en %)

16,3

- 3,3

10,1

- 28,5

(nd)

 

Source : service des mines et de l'énergie de Nouvelle-Calédonie.

Les fortes fluctuations que subissent productions et exportations sont directement liées à celles que connaît le cours du métal, fixé au London Stock Exchange (LSE).

Les cours, qui étaient à des niveaux très faibles au début de 1999 (1,7 $ par livre), ont très favorablement évolué au cours de l'année 1999 pour atteindre des valeurs de l'ordre de 3,8 $ par livre. De même, le taux de change du dollar a évolué positivement, ce qui a entraîné un effet multiplicateur sur les produits résultant des ventes.

Les difficultés rencontrées pendant l'année dans le démarrage des projets hydrométallurgiques australiens ont réduit les quantités supplémentaires prévues sur le marché du nickel. S'y est ajoutée la reprise du marché asiatique, qui a aussi contribué à la remontée des cours du nickel. L'année 1999 a ainsi été remarquablement favorable, ce qui explique certainement, au moins en partie, l'optimisme des promoteurs de nouveaux projets, nous y reviendrons.

L'évolution des cours pendant les premiers mois de l'année 2000 témoigne de cette irrégularité : à la mi-février, le blocage d'un navire alimentant en minerai l'usine de Doniambo avait accentué la tension que connaissait déjà le marché depuis plusieurs mois ; un mois plus tard, le prix augmentait encore à cause du report sine die de l'exploitation de la mine de la baie de Voisey, dans le Labrador et des difficultés du géant russe Norilsk ; pourtant, quelques jours plus tard, les cours baissaient sans explication claire. Si la tendance reste à des niveaux de prix remarquablement élevés, la production d'acier inoxydable, premier débouché pour le nickel, étant orientée à la hausse, les cours n'en sont pas moins toujours fluctuants.

Face aux fluctuations non maîtrisables du marché mondial du nickel, la nécessité d'une diversification économique s'est imposée dès la fin des années 1970 : le développement du tourisme est apparu comme la meilleure solution.

B.- LA STAGNATION DU TOURISME

Le Pacifique Sud est en effet une destination de rêve pour les touristes du monde entier, grâce à l'excellente réputation d'Hawaï, des îles Fidji, et, plus récemment, de la Polynésie française. La Nouvelle-Calédonie peut, elle aussi, se prévaloir d'atouts naturels et culturels. Pourtant, en dépit de réels efforts de développement, le tourisme demeure une activité secondaire, qui n'est pas parvenue à retrouver le niveau qu'elle avait atteint avant les troubles politiques et sociaux des années 1985-1988.

C'est une activité très majoritairement internationale puisque, en 1998, seuls 27,7 % des touristes venaient de métropole, tandis que plus de 34 % étaient japonais, près de 15 % australiens et 7 % néo-zélandais.

1.- Le tourisme occupe encore une place modeste dans l'économie calédonienne

a) Le recul récent de la fréquentation touristique

Selon le rapport annuel de l'Institut d'émission d'outre-mer, ce sont 103.835 touristes qui ont été accueillis en Nouvelle-Calédonie au cours de l'année 1998, ce qui représente une baisse de 1,2 % par rapport à 1997. La barre des 100.000 touristes a néanmoins été franchie pour la deuxième année consécutive.

Comme le tableau suivant le montre, ce recul fait en effet suite à plusieurs années d'évolution positive :

ACTIVITÉ TOURISTIQUE

 

1994

1995

1996

1997

1998

Variations
1998/1997

(en %)

Tourisme de séjour

           

Nombre de touristes (avion)

85.103

86.256

91.121

105.137

103.835

- 1,2

Durée moyenne de séjour sur le Territoire (jours)

16

18

17

16

16

-

Tourisme de croisière

           

Nombre de touristes

38.760

33.464

44.107

31.700

21.351

- 32,7

Nombre d'escales de navires de croisière

65

46

65

40

23

- 42,5

Source : Institut territorial de la statistique et des études économiques (ITSEE), police aux frontières et port autonome.

Le nombre total de touristes en 1999 n'est pas encore disponible. Les fiches de la police aux frontières que doivent remplir les touristes étrangers permettent néanmoins de connaître leur nombre. La Nouvelle-Calédonie a été visité par 59.106 touristes étrangers en 1999, contre 64.600 en 1998, soit une baisse de 8,5 %. Cette baisse, qui touche l'ensemble des principaux marchés, est en particulier imputable à la clientèle japonaise, qui a diminué de 12,4 % en un an.

Il n'est pas exclu qu'une augmentation du nombre de touristes métropolitains compense la baisse de la clientèle touristique étrangère, mais cela est peu probable dans le mesure où la fréquentation hôtelière de Nouméa enregistre aussi une diminution de 0,9 % entre 1998 et 1999.

Enfin, il semble que la fréquentation touristique, soit, début 2000, en retrait de 20 % à 30 % par rapport à la même période de 1999 : de grands hôtels apparaissent quasiment déserts.

b) Le nombre d'emplois du secteur augmente, mais reste limité

En 1998, le secteur touristique a employé 2.869 personnes, soit 6 % de la population active de Nouvelle-Calédonie. Ce chiffre est en hausse de 3 % par rapport à 1997. Le tableau suivant donne la répartition des emplois directs et indirects de 1996 à 1998.

RÉPARTITION DES EMPLOIS DIRECTS ET INDIRECTS DANS LE TOURISME
(Situation à fin décembre)

(en nombre)

 

1996

1997

1998

Variations
1998/1997

(en %)

Transport touristique maritime

33

60

62

3,3

Transport aérien local

206

219

214

- 2,3

Transport aérien international

304

309

305

- 1,3

Transport touristique terrestre

24

22

24

9,1

Hôtels de Nouméa

697

741

713

- 3,8

Hôtels et gîtes hors Nouméa

411

430

495

15,1

Locations de voitures

54

57

71

24,6

Restauration

482

545

567

4,0

Agences de voyages et de tourisme

176

189

203

7,4

Locations d'engins de plage

21

18

16

- 11,1

Plongée sous-marine

11

14

17

21,4

Société d'assistance aéroportuaire

171

182

182

0

Total

2.590

2.786

2.869

3,0

Sources : Caisse de compensation des prestations familiales, accidents du travail et de prévoyance (CAFAT) (salariés déclarés) / Groupement d'intérêt économique « Nouvelle-Calédonie Tourisme ».

NB : Ces chiffres ne comprennent pas les emplois induits, les artisans patentés, les non-salariés, ni les personnes qui, s'occupant du tourisme, travaillent dans le secteur public. De même, ne sont pas incluses certaines activités à portée indéniablement touristique (installations sportives telles que le golf, les duty-free et les casinos).

Les principales activités créatrices d'emplois ont été en 1998 : l'hôtellerie hors Nouméa (+ 65 emplois), la restauration (+ 22 emplois), les agences de location de voitures (+ 14 emplois) et les agences de voyage (+ 14 emplois). L'hôtellerie est le premier employeur du secteur avec 1.208 salariés. La restauration occupe le second rang avec 567 employés, suivie du transport aérien (local et international) qui emploie 519 salariés. Le nombre de salariés demeure donc très modeste, et sa progression, dont il faut néanmoins se féliciter, ne touche guère qu'environ quatre-vingts personnes.

c) Une faible contribution à la richesse de l'archipel

Les résultats publiés pour 1996 indiquent que les touristes avaient dépensé 21,6 milliards de francs Pacifique (1,2 milliard de francs français), dont 12,1 milliards de francs Pacifique (665,5 millions de francs français) au bénéfice des entreprises locales, la différence revenant essentiellement aux transporteurs internationaux non-résidents. La recette touristique n'était que de 9,96 milliards de francs Pacifique (548 millions de francs français) en 1993. La valeur ajoutée serait, en 1996, de 9,2 milliards de francs Pacifique (506 millions de francs français), soit 3,7 % de la production intérieure brute et 2,7 % du produit intérieur brut.

Pour l'année 1998, le GIE « Nouvelle-Calédonie Tourisme », qui est chargé depuis 1990 de la promotion touristique internationale(6), estime que le chiffre d'affaires des entreprises liées au tourisme avoisine les 28 milliards de francs Pacifique (1,54 milliard de francs français), dont la moitié représente les recettes des entreprises locales.

Il faut souligner que cette richesse revient pour l'essentiel à la Province Sud, et en son sein à la ville de Nouméa : en effet, sur les 2.061 chambres disponibles en 1998, 1.687 sont situées en province Sud, dont 1.361 à Nouméa, 277 sont en province Nord et 93 en province des Îles.

2.- Les raisons de cette situation

Les points forts de la Nouvelle-Calédonie en matière touristique sont un patrimoine naturel exceptionnel et vierge de toute industrialisation poussée, qui doit permettre un développement harmonieux et contrôlé de l'économie touristique, et un patrimoine culturel, vivant et varié, magnifiquement mis en valeur, depuis mai 1998, dans le nouveau centre culturel Tjibaou.

Mais cette richesse ne peut être exploitée dans de bonnes conditions pour une série de raisons souvent soulignées par les différents acteurs du secteurs : instabilité politique et sociale, absence de cohérence dans la définition de la politique touristique, chaque province définissant son propre schéma, développement inégal des infrastructures selon les provinces, insuffisante valorisation du patrimoine calédonien, faible notoriété sur ce marché, maigre réseau de vente, forte concurrence régionale...

À toutes ces difficultés, que l'on peut considérer comme structurelles, mais qu'une politique volontariste est de nature à aplanir, se sont ajoutés récemment deux phénomènes impossibles à maîtriser qui ont perturbé l'activité touristique. Il s'agit des problèmes de desserte aérienne, d'une part, du renchérissement du coût de la destination d'autre part.

a) Les perturbations de la desserte aérienne

Conséquence de l'insularité de la Nouvelle-Calédonie et de son relatif isolement dans l'océan Pacifique, la qualité de la desserte aérienne est la clef essentielle du développement touristique. Assurée à ce jour par sept compagnies et vingt-trois vols hebdomadaires en provenance de Paris et de sept villes du Pacifique (Tokyo, Sydney, Brisbane, Auckland, Nandi, Port Vila et Papeete), la desserte internationale a subi trois chocs importants en quelques mois :

· Deux compagnies se sont désengagées du ciel calédonien : le retrait de la compagnie Corsair, en mars 1998, a touché la clientèle métropolitaine, avant que l'arrêt, en septembre 1999, des vols de la compagnie Continental Micronesia, qui assurait la liaison avec l'île de Guam et le Japon, n'affecte le public japonais.

· La compagnie Air Outre-mer (AOM) a supprimé sa troisième rotation hebdomadaire et Air France a réorganisé la grille de ses vols, ce qui a eu un impact notable sur le taux de fréquentation. En effet, ces changements privent la clientèle japonaise de la possibilité de passer un week-end en Nouvelle-Calédonie, ce qu'elle faisait volontiers auparavant.

· En dernier lieu, les grèves fréquentes et les blocages à répétition de l'aéroport international de la Tontouta ont entraîné la perte d'une partie des voyageurs et mis les tours-opérateurs dans une position délicate vis-à-vis de leurs clients qui exigeaient d'être remboursés. A cet égard, la Nouvelle-Calédonie est sur le point d'être déclarée « zone à risques », c'est-à-dire susceptible de poser des problèmes, par les tours-opérateurs japonais.

Nous verrons quelles sont les solutions envisagées pour résoudre, à moyen terme, ces difficultés de desserte.

Il faut y ajouter le problème du coût des liaisons aériennes intérieures à la Nouvelle-Calédonie qui, en plus du changement obligatoire d'aéroport, lequel ne peut être réalisé qu'en taxi, pénalise considérablement le développement du tourisme dans les Îles, le coût au kilomètre étant parmi les plus élevés du monde.

b) Le renchérissement relatif du coût de la destination

La Nouvelle-Calédonie passe pour une destination touristique onéreuse, à cause du coût du transport mais aussi des tarifs hôteliers et de restauration, liés au niveau des charges sociales. Cette situation est aujourd'hui encore aggravée.

En effet, la forte dépréciation, en 1998, des dollars australiens et néo-zélandais par rapport au franc Pacifique a temporairement renchéri le coût d'un séjour en Nouvelle-Calédonie et a réduit son attractivité, d'autant que la crise asiatique a rendu plusieurs destinations voisines financièrement plus intéressantes. Elle a aussi joué un rôle certain dans la baisse de fréquentation des touristes japonais.

C.- UNE AGRICULTURE TOUJOURS MODESTE

L'agriculture occupe une place centrale dans la société calédonienne avec des cultures vivrières en tribus et de grands élevages extensifs sur la côte Ouest. Elle n'occupe pourtant que 10 % de la superficie totale de la Nouvelle-Calédonie et ne représente qu'environ 2 % du produit intérieur brut, malgré un augmentation de 8,8 % en moyenne entre 1989 et 1998.

Seulement 4,7 % de la population salariée travaillent dans le secteur agricole en 1998, tandis que la proportion d'agriculteurs par rapport à la population totale a été divisée par deux depuis 1989.

1.- Une production qui ne suffit pas à la consommation locale

La production agricole finale marchande de la Nouvelle-Calédonie s'est élevée en 1998 à 6,45 milliards de francs Pacifique (355 millions de francs français), soit une augmentation de 9,2 % par rapport à 1997, principalement due à la croissance de la production des filières fruits et légumes (+ 11,5 %, à 1,8 milliard de francs Pacifique, soit 99 millions de francs français), avicole (+ 8,3 %, à 1,1 milliard de francs Pacifique, soit 60,5 millions de francs français), et dans une moindre mesure bovine (+ 2,9 %, à 1,7 milliard de francs Pacifique, soit 93,5 millions de francs français). Ces filières contribuent à elles seules pour plus de 70 % à la formation de la production finale agricole.

Le taux de couverture du secteur agricole s'améliore d'année en année : passant de 38,49 % en 1989 à 50,6 % en 1998, il a progressé de 28 % en dix ans. Si en 1998, la production agricole calédonienne est, pour la première fois depuis de nombreuses années, supérieure en valeur aux importations, elle reste encore largement inférieure aux besoins.

a) Les différents élevages enregistrent des résultats bons mais contrastés

L'ensemble du secteur de l'élevage enregistre des résultats en progression. Néanmoins, si les élevages bovin et porcin assurent quasiment tout l'approvisionnement de la Nouvelle-Calédonie, l'élevage de volailles est loin de produire suffisamment pour répondre à la consommation locale.

Activité traditionnelle de la côte Ouest de la Grande Terre, où se trouve la majorité du cheptel, l'élevage bovin produit 4.046 tonnes de viande en 1998, soit 0,2 % de plus qu'en 1997. Les ventes s'élèvent à 1,8 milliard de francs Pacifique (99 millions de francs français) et couvrent 92 % des besoins de la Nouvelle-Calédonie. En revanche, pour ce qui est de la filière lait, la production locale est de 1.124 milliers de litres en 1998 alors que les importations pour la même année atteignent 54.311 milliers d'équivalents litres de lait.

L'élevage porcin, deuxième filière de production de viande, est principalement localisé en milieu tribal tandis qu'une production marchande est assurée par un petit nombre de producteurs. En 1998, près de 1.500 tonnes ont été produites, en hausse de 8 % par rapport à 1997, et la qualité s'est améliorée. Alors qu'il était de 81 % en 1989, le taux de couverture de viande porcine est de 97 % en 1998.

En revanche, le marché de la volaille repose essentiellement sur les importations (6.391 tonnes en 1998) car le coût de production ne permettrait pas de fournir du poulet de chair à un prix qui soit rémunérateur pour le producteur et attractif pour le consommateur.

Enfin, les abattages de cerfs ont progressé de 31 % entre 1997 et 1998, à 109,6 tonnes, ce qui stimule les exportations vers la métropole.

b) La production de fruits et légumes n'est pas suffisamment diversifiée

Concentrée à plus de 90 % dans la Province Sud, la production de légumes déclarée en 1998 est inférieure de 4,8 % à celle de 1997, mais les volumes commercialisés au marché de gros ont crû de 4,5 %. Près de 38 % de la production ont été exportés en 1998, en particuliers le squash, petite cucurbitacée exportée sur les marchés japonais et néo-zélandais. La production de céréale est pour sa part très limitée par rapport aux besoins : 1.900 tonnes, pour plus de 36.000 tonnes importées.

La production de fruits s'élève à 4.222 tonnes en 1998, enregistrant en un an une hausse de près de 40 % en tonnage et de près de 24 % en valeur. Cette amélioration sensible résulte essentiellement des bonnes récoltes de bananes et d'agrumes, favorisées par une année sans cyclone ni dépression forte, contrairement à l'année précédente. Mais les importations ont atteint plus de 2.700 tonnes en 1998 : elles sont composées de fruits dits « tempérés », non produits localement (pommes, poires, raisins).

c) Les autres cultures sont peu développées

La filière café représente l'échec le plus marqué de l'agriculture calédonienne. La campagne 1998/1997 a enregistré une production très modeste de moins de 25 tonnes, contre 34 tonnes en 1997.

Enfin, la production de coprah, réalisée exclusivement sur l'île d'Ouvéa, s'est établie à 171 tonnes au terme de l'année 1998, en chute de plus de 60 % par rapport à l'année précédente.

2.- Un secteur très aidé

Quoique l'agriculture occupe une place modeste dans l'économie calédonienne, elle bénéficie d'aides provenant de l'État, du Territoire et des provinces, et ce, dans un double objectif :

- assurer la couverture de la majeure partie des besoins intérieurs et même, dans la mesure du possible, tirer profit des perspectives à l'exportation qu'offrent certaines filières (l'arboriculture fruitière et l'élevage de cerfs par exemple) ;

- participer au rééquilibrage de la répartition des richesses et assurer des moyens d'existence aux populations dans leurs régions d'origine.

Ces aides prennent la forme d'actions de régulation des marchés agricoles et d'autres mesures variées.

a) La régulation des marchés agricoles

L'établissement de régulation des prix agricoles (ERPA), établissement public territorial créé en 1989, assure la régulation des prix des productions agricoles, forestières et aquacoles de Nouvelle-Calédonie. Ses missions sont de trois types :

- intervenir sur les prix, aussi bien pour le marché local que pour l'exportation : soutien des prix à la production (prix d'achat garanti au producteur), réduction des coûts de revient et aides à la transformation ;

- ajuster la production locale aux besoins des marchés : assistance à la gestion du marché du gros, suivi et contrôle des flux, régulation des importations, aides au transport et au stockage ;

- rechercher de nouveaux débouchés au niveau local mais aussi à l'exportation : études de marché, appui technique et financier à l'exportation et à la promotion des produits.

L'essentiel des ressources de l'ERPA provient d'une subvention du Territoire. Ses interventions atteignent 774,3 millions de francs Pacifique (42,6 millions de francs français) en 1998, principalement au bénéfice de la section « production animale » (46 %) et, dans une moindre mesure, de la section « pêche/aquaculture » (24,5 %) et de la section « production végétale » (20 %). Près de 60 % des aides versées sont consacrées au soutien des prix, 19 % consistent en aides à la commercialisation, 12 % visent la réduction des coûts de production, essentiellement à travers une aide au transport, le reste étant réparti également entre aide technique et actions de promotion, de publicité et d'études.

De plus, l'ERPA joue un rôle important de conseil auprès des autorités sur les mesures relatives au contrôle de la concurrence des produits importés (délivrance de licences d'importation) et sur l'application éventuelle de la taxe conjoncturelle agricole, appliquée sur certaines marchandises importées pour réduire le différentiel de prix avec les produits locaux.

b) Les autres types d'aides

En plus des aides transitant par l'ERPA, l'agriculture calédonienne reçoit d'autres soutiens. Si certains sont aisément chiffrables, d'autres, comme les mesures de contingentement ou de taxation sur les produits importés par exemple, sont difficilement évaluables.

Les aides évaluables, subventions de l'ERAP incluses, ont atteint 2.212 millions de francs Pacifique (122 millions de francs français) en 1990 avant de connaître une baisse tendancielle jusqu'en 1995, où elles se limitent à 878 millions de francs Pacifique (48,3 millions de francs français). Depuis, elles sont proches de 1.450 millions de francs Pacifique (80 millions de francs français), dont environ la moitié provient d'une autre origine que l'ERAP. Il s'agit de subventions versées directement par les provinces, d'un montant très variable selon les années, mais entre 450 et 500 millions de francs Pacifique (entre 24,75 et 27,5 millions de francs français) en 1997 et 1998 ; du dispositif de bonification du prix du gazole, géré depuis 1998 par la chambre d'agriculture (et plus par l'ERAP), qui concerne 60 millions de francs Pacifique (3,3 millions de francs français) en 1997, des aides de la caisse d'assurance mutuelle agricole (CAMA)...

D.- PÊCHE ET AQUACULTURE EN DÉVELOPPEMENT

Si l'insularité de la Nouvelle-Calédonie constitue en bien des domaines un obstacle à son développement, elle représente aussi un énorme potentiel de richesses qui peuvent être exploitées grâce à la pêche et à l'aquaculture.

1.- La pêche : succès et facteurs limitants

L'archipel calédonien permet trois formes de pêche selon les zones géographiques :

- la pêche lagonaire, opérée à l'intérieur du lagon, barrière récifale incluse, est pratiquée avec des navires de petite taille et comprend la prise de poissons et crustacés, pour le marché local, ainsi que de mollusques (trocas en particulier) et holoturies(7), destinés à l'exportation ;

- la pêche côtière exploite les ressources de la pente externe du récif (poissons profonds) et les poissons pélagiques des eaux territoriales, qui sont commercialisés sur le marché local ;

- la pêche industrielle, dite « hauturière », pratiquée dans la zone économique exclusive, se charge des ressources en thonidés et marlins, qui sont exportés frais, pour la plupart, sur le marché japonais du poisson cru (sashimi).

a) De bons résultats

La principale production des pêches maritimes est le fait de la pêche thonière locale qui a représenté 1.000 tonnes en 1997 et 1.750 en 1998, soit une hausse annuelle de 75 %, qui semble se poursuivre en 1999 où la production estimée devrait se situer entre 1.800 et 2.000 tonnes.

Le marché de l'exportation représente en valeur près de 50 % des ventes totales, essentiellement tourné vers le thon de haute qualité, destiné pour l'essentiel au marché japonais. Au 31 décembre 1999, il y a 13 thoniers palangriers armés à la pêche dont 12 appartenant à la société Navimon, filiale de la société de développement des Îles (SODIL). Cette société vient d'armer deux nouveaux navires, ce qui porte l'effectif total de la flottille à 15 unités.

La pêche artisanale, lagonaire ou côtière, comptait en 1998 280 navires et employait 700 marins : parmi eux, beaucoup sont des travailleurs temporaires, mais ils tirent néanmoins de la pêche une bonne part de leurs revenus.

En 1998, la pêche lagonaire a permis d'exporter près de 40 tonnes de bêches de mer, d'une valeur de 87 millions de francs Pacifique (4,8 millions de francs français), et un peu plus de 150 tonnes de coquilles de trocas d'un montant de 80 millions de francs Pacifique (4,4 millions de francs français). La société Sodexno, active aux Îles Belep, a exporté en 1998 environ 32 tonnes de noix de coquille Saint-Jacques, pour une valeur de 42 millions de francs Pacifique (2,3 millions de francs français), mais la perte de son principal bateau en mai 1999 a mis un terme à cette exploitation. Cet accident montre la fragilité de productions dont la pérennité n'est jamais assurée.

b) Des facteurs limitants

Une étude conduite par l'Agence de développement de la Nouvelle-Calédonie (ADECAL) met en lumière les principaux facteurs qui limitent le développement de la pêche dans la zone. On peut en distinguer quatre :

· Le manque d'infrastructures

La zone de Nouville, à Nouméa, est la seule à être équipée pour l'accueil des bateaux de pêche hauturière : sa capacité est insuffisante et elle est extrêmement onéreuse par rapport à ce qui se pratique dans les pays voisins.

De plus, elle est éloignée des zones de pêche qui sont surtout situées au Nord de la zone économique exclusive.

· Les aspects réglementaires

Le corpus de textes actuellement en vigueur, héritage de la tradition métropolitaine, est adapté à un contexte de conditions de mer plus rudes et de surexploitation de la ressource : il s'avère souvent un frein au développement de la filière.

Ces normes induisent un surcoût d'investissement initial par rapport aux pays voisins, qui peut être compensé dans une large mesure par la « loi Pons », du moins aussi longtemps qu'elle s'applique, à la condition que le porteur du projet puisse offrir des garanties suffisantes, ce qui n'est pas toujours évident.

Enfin, le rattachement de la pêche à la convention collective de l'agriculture crée des contraintes supplémentaires inadaptées.

· Le manque de candidats

La tradition de la pêche au large n'existe pas réellement en Nouvelle-Calédonie, malgré la pratique d'une pêche artisanale assez importante à Oundjo, Ouvéa ou Belep. L'école des métiers de la mer a formé de nombreux stagiaires, mais les vocations armatoriales restent peu fréquentes.

D'autre part, il n'est pas facile d'intéresser un pêcheur français et les éventuels pêcheurs australiens ou néo-zélandais ne peuvent opérer dans la zone économique exclusive qu'à condition de battre pavillon français, donc notamment de renoncer à la propriété de leur navire, qui doit être pour 51 % au moins à capitaux français. Cette condition ne peut être levée que par des accords internationaux. Il en existe deux : l'un avec les États-Unis, inactif depuis des années mais jamais dénoncé ; l'autre avec le Japon, dont les conditions viennent d'être renégociées. Ces accords, qui ont permis de financer certains équipements (école des métiers de la mer, radios...) ont dans l'ensemble des retombées très limitées sur le territoire.

· D'importants surcoûts d'exploitation

Dans la mesure où l'exiguïté du marché local rend nécessaire de pêcher pour l'exportation, la concurrence internationale impose d'être compétitif.

Conscientes de cette priorité, les provinces Nord et Sud ont ouvert un accès hors taxe au carburant. De plus, la pêche professionnelle bénéficie d'abattements de charges sociales.

Mais parallèlement, les tarifs de fret aérien, sauf vers la Nouvelle-Zélande, sont très élevés tandis que Navimon est directement exposée aux variations du cours du yen, le prix du thon étant par ailleurs relativement stable.

2.- L'aquaculture : deuxième activité exportatrice de Nouvelle-Calédonie

Si l'aquaculture est incluse dans la production agricole, celle-ci ne représente plus 2 % mais 2,8 % du PIB calédonien, et elle est en progression de 19,3 % entre 1989 et 1997. L'aquaculture constitue ainsi, depuis 1995, la seconde activité exportatrice de la Nouvelle-Calédonie, loin cependant derrière le nickel.

L'aquaculture dispose d'atouts non négligeables grâce à l'existence de plusieurs milliers d'hectares de terrains potentiellement aménageables, essentiellement en province Nord, à une bonne perception de cette activité par la population et à sa bonne insertion dans le tissu social de l'intérieur. Elle a su surmonter, avec l'aide des pouvoirs publics et de la station de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) de Saint-Vincent, les difficultés dues aux mortalités rencontrées sur les élevages depuis 1993 - le « syndrome 1993 » -.

L'aquaculture de crevettes, qui occupe actuellement cinq écloseries et 11 fermes d'embouche, a vu sa production passer de 490 tonnes pour 185 hectares en 1990 à 1.570 tonnes pour 445 hectares en 1998. Le niveau de production de 1999 devrait avoisiner les 2.000 tonnes.

Un effort de diversification semble s'amorcer : outre des expérimentations en matière de bénitiers en province Nord, des élevages d'écrevisses dans les communes de La Foa et Boulouparis et une ferme ostréicole dans la commune de Dumbéa ont commencé à produire en 1999, en province Sud.

CHAPITRE II

LA PERSISTANCE D'OBSTACLES AU DÉVELOPPEMENT

Si, grâce aux efforts financiers de l'État, le paysage calédonien a changé depuis une dizaine d'années et la vie de ses habitants a été facilitée, le développement économique est, sur bien des points, encore balbutiant, malgré les nombreux atouts dont la Nouvelle-Calédonie dispose. Pourquoi le secteur privé peine-t-il à se développer ? Pourquoi les investisseurs sont-ils encore prudents ?

Il semble à vos Rapporteurs que plusieurs handicaps freinent actuellement le véritable décollage économique de l'archipel : il s'agit d'abord des incertitudes relatives à la situation politique, alors que le fonctionnement institutionnel tarde à se normaliser depuis la loi organique et les élections qui l'ont suivie ; il faut ensuite prendre en compte le caractère très mouvant du climat social, lié à la mauvaise qualité du dialogue social ; interviennent enfin les retards pris dans le processus de rééquilibrage, qui ne favorisent pas un développement harmonieux de l'archipel.

I.- LES DIFFICULTÉS POLITIQUES
DE LA MISE EN _UVRE DE L'ACCORD DE NOUMÉA

Un facteur évident de la prudence des investisseurs privés est le risque d'instabilité politique. S'il n'est pas toujours avoué - les élus de la province Nord ont affirmé à vos Rapporteurs que nul investisseur ne l'évoquait devant eux -, il n'en est pas moins présent. Les investisseurs ont besoin de certitudes, de stabilité et d'interlocuteurs permanents et fiables.

A.- LE CHOIX DE LA COLLÉGIALITÉ

Le problème aujourd'hui le plus criant concerne le fonctionnement du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

1.- Une solution qui semble s'imposer

Le document d'orientation des accords de Nouméa affirme déjà le caractère collégial du futur pouvoir exécutif. Il prévoit en effet que : « L'Exécutif de la Nouvelle-Calédonie deviendra un Gouvernement collégial, élu par le congrès, responsable devant lui ». Le gouvernement collégial comportera ainsi des membres issus des différents partis représentés au congrès et son fonctionnement devra reposer sur un dialogue permanent entre eux. L'opposition entre majorité et minorité est censée en être affaiblie, même si la décision finale sera prise à la majorité.

Ces dispositions figurent à l'article 128 de la loi organique du 19 mars 1999 : « Le gouvernement est chargé collégialement et solidairement des affaires de sa compétence. Ses décisions sont prises à la majorité de ses membres. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. »

Elle n'a guère donné lieu à discussion parmi les parlementaires : aucun amendement la concernant n'a été déposé. M. René Dosière, rapporteur de la commission des Lois de votre Assemblée(8), commente simplement l'article en ces termes : « Cet article a pour objet d'organiser le fonctionnement collégial du gouvernement, dont le principe s'impose dès lors que seront représentés des groupes de sensibilités opposées ». Le fonctionnement collégial apparaît alors comme une évidence étant donnée la situation politique de l'archipel : aucun mouvement ne doit être marginalisé, chacun doit participer au gouvernement afin de défendre l'intérêt général et d'élaborer un avenir commun.

La philosophie de ce choix est clairement exprimée dans l'introduction de ce rapport :

« Le gouvernement sera collégial et comptera entre cinq et onze membres, élus à la représentation proportionnelle par le congrès parmi des listes présentées par les groupes politiques. Au sein du gouvernement, la figure du président émerge. Il est le seul à disposer de pouvoirs propres qu'il ne peut déléguer aux autres membres. Le caractère collégial de cet organe exécutif est néanmoins fortement accentué. Son fonctionnement quotidien appellera de la part des forces politiques qui y seront représentées un grand sens des responsabilités. Il appartiendra surtout au parti majoritaire - très probablement le RPCR - de ne pas abuser de sa position dominante. C'est l'intention fermement proclamée par les dirigeants de ce parti, qui ont soutenu l'idée de ce gouvernement d'assemblée dont le fonctionnement s'inscrit dans une logique de cogestion. Soyons conscients que cette institution connaîtra des crises parfois difficiles à surmonter. Mais les différentes forces politiques néo-calédoniennes sont condamnées à vivre ensemble et le gouvernement sera l'expression la plus fidèle de cette communauté de destin. C'est à travers son fonctionnement que l'on pourra juger des engagements de chacun dans la construction de la Nouvelle-Calédonie. »

Ces remarques du rapporteur de la commission des Lois s'avèrent fort justes : si la crainte de périodes de tension n'est évoquée que dans ce passage, tant est grand alors l'espoir de voir ces nouvelles institutions fonctionner harmonieusement, elle est déjà présente avant même l'adoption de la loi organique. Or il apparaît aujourd'hui, un an après l'entrée en vigueur des nouvelles règles institutionnelles, que cette inquiétude était fondée et que le nouveau cadre institutionnel ne permet pas, à l'heure actuelle, une gestion totalement apaisée des affaires calédoniennes.

2.- Des difficultés immédiates

La mise en place des nouvelles institutions s'étale de mai à août 1999 pour l'essentiel mais n'est achevée qu'en janvier 2000 par l'installation du Conseil économique et social.

Le gouvernement est constitué le 28 mai et s'attire immédiatement l'hostilité du FLNKS. En effet, le RPCR n'ayant pas obtenu la majorité des voix au congrès, il choisit de s'allier à la Fédération des comités de coordination des indépendantistes (FCCI), constituée de dissidents du FLNKS, et le président de la fédération, M. Léopold Jorédié, est nommé vice-président. Cette décision est aussitôt dénoncée par le président du FLNKS qui y voit « le premier accroc dans la mise en _uvre de l'accord de Nouméa » car il estime que, au nom du partage politique et du rééquilibrage entre les deux partis signataires de l'accord, la vice-présidence du gouvernement devrait revenir légitimement au FLNKS.

La recherche d'une majorité stable de la part du RPCR apparaît ainsi comme un moyen de contourner le FLNKS au sein du gouvernement.

Ce sentiment a été renforcé par les nominations du secrétaire général et du secrétaire général adjoint du Gouvernement, décidées sans délibération formelle.

Quelques jours plus tard, les membres FLNKS du Gouvernement appellent l'attention du délégué du Gouvernement, haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie, sur ces dysfonctionnements. Ils dénoncent plusieurs points :

« (...) C'est ainsi que ladite majorité s'est entièrement accaparée l'administration du Pays, à la tête de laquelle elle a placé (pas de vote intervenu en réunion du gouvernement, malgré l'article 132 de la loi organique) deux de ses hommes entièrement dévoués à ses seuls ordres.

« Il s'ensuit qu'aucun travail préparatoire aux textes n'est effectué en commun et que nous sommes mis devant le fait accompli quotidien et lors de la présentation des dossiers en réunion du gouvernement, ainsi que vous avez pu vous-même le constater(9).

« Nous ne pouvons donc correctement : ni assurer notre mission d'animation et de contrôle (article 130), ni contrôler l'exécution des décisions prises (article 128) - puisque c'est le secrétaire général, cumulativement, du gouvernement et du Pays, dans le cadre d'informations montantes et d'instructions descendantes, qui en est chargé, ni participer à la collégialité des décisions. »

Si, d'après une jurisprudence constante du Conseil d'État, l'absence de vote formel n'entache pas la décision prise, dans la mesure où l'assentiment de la totalité ou de la majorité des membres présents a pu être constaté par le président, le fonctionnement du gouvernement apparaît dans cette description comme peu collégial, l'information nécessaire n'étant visiblement pas assurée aux membres FLNKS du gouvernement.

En réponse à cette lettre, le haut-commissaire rappelle les principes et souligne que « la collégialité a pour ambition de permettre au gouvernement de prendre des décisions éclairées (par le débat qu'elle impose en fait) et de rechercher un consensus ». Les membres FLNKS du gouvernement ont engagé un recours les 26 et 27 août 1999 contre les arrêtés de nomination du secrétaire général et du secrétaire général adjoint en date du 28 mai 1999 et contre les arrêtés de délégation de signature du même jour.

Si, pour le FLNKS, « la loi de la majorité » ne doit intervenir « que de manière ultime », le Rassemblement estime que « la collégialité signifie l'obligation pour la majorité d'informer et d'associer la minorité à la prise de décision, de rechercher un consensus. En cas d'échec, le vote doit sanctionner les divergences lorsque celles-ci apparaissent »(10).

B.- LA JUDICIARISATION DE LA VIE POLITIQUE

A la suite du recours engagé contre ces nominations, d'autres plaintes ont été déposées : elles apparaissent comme le seul moyen dont dispose le FLNKS pour faire entendre sa voix et protester contre le mode de fonctionnement des institutions. Elles ne visent en effet pas seulement des arrêtés du gouvernement, mais aussi des délibérations du congrès.

1.- Le FLNKS obtient l'annulation des arrêtés du gouvernement contestés

Par un jugement en date du 23 décembre 1999, le tribunal administratif de Nouméa annule la nomination du secrétaire général et par voie de conséquence, la délégation de signature dont il bénéficie.

Il considère en effet que l'ordre du jour de la réunion au cours de laquelle le secrétaire général du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a été désigné n'avait pas été arrêté au moins 48 heures avant la réunion, conformément aux dispositions de l'article 123 de la loi organique, et que, par ailleurs, l'urgence invoquée n'était pas établie. Par suite, le nomination du secrétaire général a porté atteinte aux prérogatives du haut-commissaire de la République et des membres du gouvernement.

Par un second jugement du même jour, le tribunal administratif annule la nomination du secrétaire général adjoint en considérant que la vacance de l'emploi de secrétaire général adjoint du gouvernement, emploi permanent de la Nouvelle-Calédonie ne figurant pas sur la liste des emplois dont les titulaires sont nommés par le gouvernement en vertu de l'article 132 de la loi organique, n'a pas fait l'objet d'une publicité.

Le tribunal a également annulé la délégation de signature du secrétaire général adjoint au motif que ce dernier ne figure pas dans la liste limitative d'agents, fixée par l'article 134 de la loi organique, auxquels le président du gouvernement peut déléguer sa signature.

Parallèlement à ces succès remportés devant la justice administrative, les quatre membres FLNKS du gouvernement ont porté plainte contre le président du gouvernement, M. Jean Lèques, devant la juridiction judiciaire pour faux et usage de faux. C'est le procès-verbal de la première réunion du gouvernement, relatif à la nomination du secrétaire général et de son adjoint, qui est visé. Cette mise en accusation directe et personnelle a beaucoup touché le président Lèques, qui, comme maire de Nouméa, n'avait jamais eu à subir une telle suspicion.

2.- La multiplication des recours contre des délibérations du congrès

Le 10 septembre 1999, deux membres FLNKS du gouvernement ont déposé une requête, en leur nom propre et au nom de leurs deux collègues, contre deux délibérations du congrès du 11 juin 1999 portant création du cabinet du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et du secrétaire général du gouvernement. Par deux jugements en date du 23 décembre 1999, le tribunal administratif a annulé ces délibérations au motif que le droit à l'information des membres du congrès avait été méconnu.

Enfin, par un recours introduit le 25 octobre 1999, M. Didier Leroux, président de l'Alliance, parti loyaliste opposé au RPCR, sollicite, dans le délai de droit commun, l'annulation de l'élection de la commission permanente du congrès en se fondant sur l'illégalité du règlement intérieur du congrès fixant un seuil (au moins six membres) pour la constitution du groupe d'élus. Le moyen était sérieux dans la mesure où il s'appuyait sur un jugement du tribunal administratif de Strasbourg qui a annulé le règlement intérieur de la commune de Metz fixant ce seuil à quatre élus. Par une décision du 20 avril 2000, le tribunal administratif a annulé onze articles du règlement intérieur jugés contraires aux principes posés par la loi organique, et en particulier contraires au droit à l'information des élus et au principe de publicité et de libre accès aux séances. Il a notamment estimé que l'initiative d'une proposition de loi ne pouvait être subordonnée à un minimum de six députés : un seul membre peut suffire.

Les opposants à la majorité au congrès, et au gouvernement, affirment ne pas avoir d'autre moyen pour se faire entendre que le recours à la justice. Alors que le FLNKS se présente comme indépendantiste, il est contraint d'avoir recours à l'arbitrage de l'État pour modifier le mode de fonctionnement quotidien des institutions.

Ce qu'il convient bien d'appeler une « judiciarisation » de la vie politique calédonienne témoigne incontestablement d'un malaise que vos Rapporteurs ont nettement ressenti lors de leur rencontre avec le gouvernement. Si ce phénomène est rassurant dans la mesure où il montre que la voie légale du recours juridictionnel est préférée au recours à la violence, que tous excluent aujourd'hui absolument, il n'en est pas moins le résultat d'une suite de malentendus et d'inquiétudes.

C.- MALENTENDUS ET INQUIÉTUDES

Les difficultés auxquelles se heurte le fonctionnement des nouvelles institutions reposent en grande partie sur des interprétations différentes des dispositions de la loi organique, mais aussi sur certains comportements peu coopératifs qui ne peuvent qu'attiser les tensions.

1.- Collégialité et consensus

La culture kanak est fondée sur la coutume et sur le consensus. Ce dernier suppose la poursuite des discussions, des « palabres », jusqu'à la conclusion d'un accord qui, faute de satisfaire tout le monde, du moins ne mécontente personne.

Ce principe est difficilement conciliable avec le fonctionnement de la démocratie moderne, qui repose sur la décision majoritaire. Cette dernière s'impose à la minorité, qui doit l'accepter aussi longtemps qu'elle ne devient pas à son tour majoritaire et donc en état de la changer. Le mécontent se résigne, en attendant des jours plus favorables. C'est dans cette logique majoritaire que le RPCR, n'ayant pas obtenu la majorité au congrès, a conclu une alliance avec la FCCI, grâce aux voix de laquelle il atteint la majorité. Mais ce choix fait suite à la conclusion des accords de Nouméa qui se plaçaient pour leur part plutôt du côté de la recherche du consensus. Ce changement de logique apparaît inacceptable au FLNKS car il le place dans la position du minoritaire alors qu'il a rallié nettement plus de suffrages que la FCCI.

Ce refus est encore accentué par le comportement peu conciliant de ses partenaires pour la conclusion des accords de Nouméa, désormais adversaires politiques. Alors que le FLNKS, fidèle à sa logique, défend la thèse de la recherche systématique du consensus, le RPCR réplique que la collégialité implique seulement l'obligation pour la majorité d'informer la minorité, et ce, malgré les rappels du secrétaire d'État à l'Outre-mer, le 15 juin 1999, à Nouméa, sur le fait que « le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie doit être une instance collégiale ».

Depuis près d'un an, les déclarations publiques des uns et des autres se succèdent sur ce sujet majeur, le FLNKS ayant menacé à plusieurs reprises de quitter le gouvernement et boycotté la déclaration de politique générale de celui-ci, le 17 septembre dernier.

Au-delà de la question de la collégialité, se posent le problème du manque d'expérience des membres FLNKS du gouvernement qui ont du mal à se constituer en force de propositions et à imposer leurs décisions, et celui de la marge de man_uvre laissée au gouvernement par les instances politiques.

Il semble ainsi que l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie ne fonctionne en fait ni selon le principe du consensus, que souhaiterait le FLNKS mais qui n'est pas prévu par la loi organique, ni sur un mode collégial, pourtant accepté dès les accords de Nouméa, mais plutôt sur un mode majoritaire. D'autre part, certains estiment que le président du gouvernement n'a pas les moyens d'agir et ne peut prendre aucune décision importante sans avoir l'aval du chef de son parti.

2.- Le mécontentement du sénat coutumier

La création d'un sénat coutumier a constitué l'une des principales innovations des accords de Nouméa. Elle est évoquée dès le premier point du document d'orientation, consacré à l'identité kanak : « Le Conseil coutumier de la Nouvelle-Calédonie deviendra un « sénat coutumier », composé de seize membres (deux par aire coutumière), obligatoirement consulté sur les sujets intéressant l'identité kanak. »

Cette place de choix n'apparaît plus dans la loi organique, le sénat coutumier occupant l'avant-dernier chapitre du titre relatif aux institutions. Ce changement de place est révélateur : ce qui est revêtu d'une importance institutionnelle éminente aux yeux de la communauté kanak relève plutôt de l'ordre du symbole pour les Calédoniens d'origine européenne et pour la métropole.

Le Sénat coutumier remplace le conseil consultatif coutumier du Territoire, créé en 1988, et fait office de seconde chambre pour ce qui concerne le domaine très circonscrit de la coutume. Il doit être consulté sur les questions relatives à la coutume et intervenir dans le processus d'élaboration des lois de pays touchant cette matière.

Vos Rapporteurs ont rendu visite aux membres du sénat coutumier, dont une dizaine étaient présents, installé temporairement, en principe, dans le fare de l'ancien conseil consultatif, à Nouville, un quartier de Nouméa.

Les sénateurs présents, au nombre desquels ne figurait pas leur président, M. André Thean-Hiouen, sont apparus très inquiets et sans illusion sur l'avenir et la capacité d'action de la nouvelle institution.

Au c_ur de leur mécontentement, il y a un problème financier : alors que le sénat est installé depuis le 27 août 1999, il n'a reçu un début de dotation financière que le 5 novembre et le budget que lui a accordé le congrès - son fonctionnement constitue une dépense obligatoire inscrite au budget de la Nouvelle-Calédonie, selon l'article 147 de la loi organique - est jugé très insuffisant. Le sénat coutumier a présenté une proposition de budget pour son fonctionnement et celui des huit conseils coutumiers (un par aire coutumière) s'élevant à environ 200 millions de francs Pacifique (11 millions de francs français) ; il ne lui a été accordé qu'un peu plus de 100 millions de francs Pacifique (5,5 millions de francs français), et aucun budget d'investissement.

Le sénat estime qu'il n'a pas les moyens de fonctionner : il ne peut payer à ses membres les déplacements, souvent coûteux, entre leur lieu de résidence et Nouméa, alors que beaucoup ne travaillent pas et n'ont même pas les moyens d'avancer les sommes nécessaires ; son personnel ne compte que quatre postes, alors qu'il évalue ses besoins à quarante personnes, dans la mesure où il est chargé de la gestion de l'ensemble des affaires coutumières. Les problèmes qui se posent au niveau du sénat existent à l'identique dans chaque conseil coutumier.

Devant ces difficultés financières, ses membres en viennent à regretter le statut antérieur sous le régime duquel le conseil consultatif coutumier pouvait compter sur la régularité de paiement, et la générosité, de l'État, sur l'indemnité réservée à son président - la loi organique n'en prévoit pas de spécifique -, sur une couverture sociale... Ni le congrès ni le gouvernement de Nouvelle-Calédonie ne semblent, à leurs yeux, comprendre leurs difficultés financières.

A ces problèmes de moyens, sur lesquels se cristallise la mauvaise humeur des membres du sénat coutumier au point qu'ils ne sont pas encore attaqués au travail qui les attend, s'ajoute un malentendu de fond sur leur rôle et leurs compétences. Ce rôle est purement consultatif et donc, si le président du gouvernement ou le président du congrès est tenu de les consulter sur certaines questions, ils ne sont nullement obligés de se ranger à leur avis. Là encore, c'est le vote majoritaire qui l'emportera, quel que soit l'avis exprimé par le sénat coutumier.

Or cette logique ne satisfait pas les membres du sénat. D'une part, ils n'acceptent pas volontiers que la loi organique ne leur accorde pas le droit, qu'ils revendiquaient, de saisir le Conseil constitutionnel sur la validité d'une loi du pays, alors que l'article 104 de la loi organique accorde ce droit au haut-commissaire, au gouvernement, au président du congrès, au président d'une assemblée de province ou à dix-huit membres du congrès. D'autre part, ils regrettent de ne pas partager avec le congrès et le gouvernement le droit d'initiative des lois du pays. Ainsi, ils souhaiteraient, et l'ont dit clairement à vos Rapporteurs, que le statut évolue vers un bicamérisme dans lequel le sénat coutumier occuperait la place de la chambre haute, et où la constitution d'une commission mixte paritaire permettrait de résoudre les conflits entre congrès et sénat.

Ils espèrent ainsi obtenir un véritable pouvoir législatif tout en conservant leur légitimité coutumière. Or, selon la logique de la loi organique, le sénat coutumier aurait plutôt, à terme, vocation à être élu dans des conditions fixées par une loi du pays, ce qui est en contradiction avec la logique héréditaire et unanimiste qui structure la coutume.

Vos Rapporteurs ont ainsi pris la mesure des contradictions qui traversent le sénat coutumier et qui risquent d'être difficiles à dépasser dans l'avenir. S'ils ne sont pas en mesure de savoir si les besoins financiers du sénat sont aussi élevés que ses membres l'affirment, et si, de toute façon, cette question est de la seule compétence du congrès, le malentendu relatif au rôle, au fonctionnement et à l'avenir du sénat coutumier ne peut que retenir leur attention dans la mesure où il est né de la loi organique. Les efforts de pédagogie déployés par le haut-commissaire sont réels, mais ils ne suffiront probablement pas à faire prendre conscience aux membres du sénat du caractère à la fois limité et essentiel de leur rôle, dont l'objectif premier n'est rien moins que de faire entrer la coutume dans la vie publique néo-calédonienne.

3.- Les débuts controversés du conseil économique et social

Créé par l'article 153 de la loi organique, le conseil économique et social (CES) de la Nouvelle-Calédonie, qui succède à l'ancien comité économique et social, est la dernière institution à voir le jour, le 2 février 2000, plus de six mois après le sénat coutumier.

Cette assemblée consultative comprend trente-neuf membres dont deux sénateurs coutumiers, neuf personnalités désignées par le gouvernement local après avis des présidents des assemblées de province et vingt-huit personnes issues d'organismes choisis par les trois provinces, à raison de quatre pour la province des Îles, huit pour la province Nord et seize pour la province Sud.

Dès la désignation de ses membres, la représentativité du conseil économique et social a été mise en cause par les quatre importants syndicats de l'Île, qui représentent environ 70 % des salariés syndiqués de l'archipel.

En effet, la province Sud, dirigée par le RPCR et qui abrite 70 % de la population, n'a retenu aucun de ces syndicats pour siéger au conseil économique et social. Deux autres syndicats, l'Union syndicale des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie et la Fédération des fonctionnaires, retenus par la Province Nord, ont pour leur part décidé de ne pas désigner de représentants au sein du CES, pour exprimer leur désapprobation.

Les syndicats représentatifs se sentent humiliés par le fait qu'on leur préfère telle ou telle association de sportifs.

II.- UN CLIMAT SOCIAL INCERTAIN

Les dysfonctionnements perceptibles dans certaines décisions politiques sont encore plus nettement visibles au niveau du dialogue social, dont les acteurs apparaissent souvent peu responsables. C'est un autre facteur de risque de poids pour les investisseurs potentiels.

A.- LA GRANDE DISPERSION SYNDICALE

Dans un archipel vaste mais peu peuplé, où tout le monde se connaît, où pouvoir politique et pouvoir économique sont très liés et où la presse est peu nombreuse, les syndicats jouent un rôle essentiel de contre-pouvoir. Ce sont eux qui expriment le mécontentement social.

Pourtant, leur division et leurs méthodes radicales nuisent à leur crédibilité et à l'efficacité de leur action.

1.- Le paysage syndical calédonien

Alors que la population active ne comptait, au recensement de 1996, que 80.600 personnes, neuf organisations principales forment le paysage syndical calédonien, dont sept sont des organisations de salariés :

· l'Union syndicale des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie (USOENC) est la première force syndicale du territoire, avec 2.000 membres environ ; affiliée à la CFDT, elle regroupe onze syndicats implantés en particulier à la SLN et dans la fonction publique ;

· le Syndicat des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie
/métallurgie-mines (SOENC/mines) est un syndicat autonome de 1.000 membres environ, affilié à l'USOENC et à la Fédération internationale des ouvriers de la métallurgie ; il est majoritaire dans le secteur minier et à la SLN ;

· l'Union syndicale des travailleur kanak et des exploités (USTKE), qui entretient des relations étroites avec la CGT, est, avec ses 1.000 à 1.500 membres, la deuxième force syndicale du territoire ;

· l'Union territoriale Force ouvrière (UTFO) est affiliée à la centrale métropolitaine et compte 1.800 adhérents ;

· la Fédération des fonctionnaires, avec ses 1.800 membres, est le premier syndicat au sein de la fonction publique et territoriale ;

· l'Union des secteurs généraux commerce et industrie de Nouvelle-Calédonie (USGCINC) comprend trois syndicats et 800 membres ;

· le Syndicat libre unité action (SLUA) compte 500 de ses 750 membres au sein du secteur public et para-public.

Ce paysage ne serait pas complet sans les deux plus importants syndicats du patronat : le Syndicat des industries de la mine (SIM), qui regroupe onze sociétés, et la Fédération patronale de Nouvelle-Calédonie (FPNC) qui regroupe 248 entreprises représentant les deux tiers des effectifs salariés privés de l'archipel.

2.- Des syndicats à la recherche de leur positionnement

Après la résolution du préalable minier et la signature des accords de Nouméa, les syndicats cherchent leur place dans le jeu des nouvelles institutions. Ils sont inquiets devant le transfert d'un certain nombre de compétences de l'État au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, particulièrement celles relevant du droit du travail et du droit syndical.

A la recherche d'un reconnaissance officielle de leur existence par le gouvernement, qu'ils suspectent déjà de ne pas vouloir faire respecter les conditions du jeu syndical dans l'avenir, les syndicats se mobilisent dans l'attente d'opportunités de conflits sociaux susceptibles d'être utilement exploités. Dans cette perspective, les syndicats les plus représentatifs se heurtent au problème de la représentativité syndicale alors que les petits syndicats prolifèrent et font de la surenchère pour exister eux aussi. Les conditions sont particulièrement favorables à une détérioration de la situation sociale.

Le conflit dans l'entreprise CELLOCAL ayant conduit à des atteintes aux droits syndicaux et à la rupture unilatérale du dialogue social par le patronat, quatre syndicats ont rispoté par la création d'une intersyndicale, la première dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. Elle montre très vite sa capacité de mobilisation en organisant une grève générale le 8 juillet 1999, qui rassemble entre 5.000 et 12.000 manifestants selon les sources et dépose une plate-forme revendicative auprès de la Fédération patronale, de l'État et du gouvernement calédonien.

L'intersyndicale demande la mise en place de nouveaux critères objectifs de détermination de la représentativité syndicale, la création d'un observatoire, le droit à la réintégration des salariés abusivement licenciés, le salaire minimum net mensuel à 100.000 francs Pacifique (5.500 francs français). Des rencontres ont eu lieu avec le représentant de l'État et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur la question de la représentativité, qui n'est pas encore réglée.

Le poids des syndicats dans la vie économique et sociale calédonienne n'en apparaît pas moins sans cesse à travers les conflits sociaux qui ponctuent régulièrement l'activité de l'île.

B.- L'IMPORTANCE DES MOUVEMENTS SOCIAUX

Au cours de l'année 1998, quarante-trois conflits ont été recensés, soit une nette augmentation par rapport à 1997 où vingt-deux conflits seulement s'étaient produits. Le nombre de journées perdues a progressé considérablement, passant de 7.820 journées en 1997 à 12.100 en 1998, soit une augmentation de près de 55 % qui nous ramène au niveau des années 1995-1996.

En revanche, la durée moyenne des conflits a diminué pour s'établir à cinq journées en 1998, contre 12,3 en 1997 et le nombre total de jours de grève a reculé de 55 jours (216 jours en 1998, contre 271 jours en 1997). Les conflits les plus nombreux ont concerné le port autonome de Nouméa (neuf grèves y ont été déclenchées, dans cinq entreprises) et ils ont porté sur des revendications salariales (dix-sept mouvements), la défense de l'emploi (onze cas) et des difficultés relationnelles (onze).

L'année 1999 a connu plusieurs conflits longs et difficiles. Les trois entreprises CELLOCAL, SOTRAPA et SOFAPLAST ont été touchées par un conflit qui a duré trois mois. Outre sa durée, ce conflit s'est caractérisé par un blocage complet du dialogue social au niveau des entreprises et par l'échec de toutes les tentatives de conciliation et de médiation : en cela, il illustre les rapports de force qui opposent salariés et employeurs en Nouvelle-Calédonie.

Les autres conflits sociaux touchant Radio France outre-mer et l'hôtel Poe Beach de Bourail ont lourdement pesé sur le climat social dans la mesure où les fins de conflit ont été laissées à l'appréciation des autorités judiciaires, ce qui concourt au durcissement des positions des partenaires sociaux.

Les premiers mois de l'an 2000 n'ont pas échappé au conflit social, loin s'en faut. Vos Rapporteurs ont même été témoins de deux d'entre eux lors de leur séjour, pourtant bref, en Nouvelle-Calédonie.

Le premier a touché les liaisons aériennes : une grève des contrôleurs aériens a perturbé, pendant 48 heures, les dessertes locales assurées par Air Calédonie. Si ce mouvement, lancé par le Syndicat national des contrôleurs du transport aérien n'a pas eu de graves conséquences, il se place dans une longue série de conflits touchant le secteur du transport aérien en Nouvelle-Calédonie. Ces mouvements de grèves sont si récurrents, et à terme si dommageables pour les compagnies aériennes, que le tribunal correctionnel de Nouméa a condamné le président de l'USTKE et cinq de ses militants à verser aux compagnies Air France et Air Calédonie plus de 20 millions de francs Pacifique (1,1 million de francs français) couvrant les frais occasionnés par plusieurs actions de ce syndicat entre octobre 1999 et janvier 2000.

Pendant leur séjour, vos Rapporteurs ont aussi suivi avec attention un mouvement de grève plus atypique et dont les conséquences auraient pu être considérables pour le secteur métallurgique. Le conflit a commencé fin janvier sur des revendications, rapidement satisfaites par la direction, portant sur des questions individuelles. Aggravé par des rivalités personnelles entre dirigeants, il s'est poursuivi par l'exigence d'une renégociation du plan pluriannuel récemment signé relatif aux conditions de travail, à la protection de l'environnement et à la réduction des coûts de production. Les adhérents du SOENC/mines ont d'abord bloqué le chargement d'un minéralier à Kouaoua, sur la côte Est, forçant la direction de la Société Le Nickel à réduire sa production de métal, son approvisionnement étant ralenti. Trois semaines plus tard, c'est le déchargement d'un autre minéralier à l'usine de Doniambo qui était empêché. Faute d'approvisionnement en minerai, la direction risquait de se trouver contrainte d'éteindre l'un de ses trois fours, alors que son retour à un fonctionnement à plein régime n'aurait alors pas été possible avant un an.

La signature d'un accord a permis de lever cette menace après un mois de blocage, mais le conflit n'était pas définitivement résolu, le SOENC/mines n'en étant pas signataire. Il faut attendre la mi-mars pour qu'une solution durable soit trouvée, grâce à l'intervention de membres du gouvernement local : au prix de sept semaines de conflit, l'accord porte sur la création d'une commission minière au sein de l'entreprise, sur la durée de vie des centres miniers, sur le retrait d'un train de mesures envisagées par la direction et sur un plan d'embauche spécifique aux mines. En plus des pertes pour l'entreprise, estimées à 50 millions de francs Pacifique (2,75 millions de francs français) de chiffre d'affaires perdus chaque jour - pertes qui sont néanmoins incomparablement moins élevées que si un four avait dû être mis à bain nu -. le personnel des centres miniers de Kouaoua et de Népoui, bloqué depuis le début du mois de mars, a connu plusieurs jours de chômage technique.

Des conflits aussi longs et d'une telle dureté sont très éprouvants pour les entreprises, pour leurs dirigeants comme pour leurs salariés, et sont de nature à durcir durablement le dialogue social.

C.- DES CONSÉQUENCES NÉGATIVES POUR LE DÉVELOPPEMENT

La mauvaise qualité, sinon l'inexistence dans les faits, du dialogue social et le caractère radical des actions syndicales menées entraînent des pertes immédiates pour les entreprises qui les subissent, sources d'une baisse corrélative des ressources fiscales, mais nuisent aussi durablement au développement de l'ensemble des activités de l'île.

Pour les investisseurs potentiels, si la stabilité politique peut apparaître incertaine, la situation sociale est encore plus inquiétante.

La multiplication des grèves dans le secteur du transport aérien est particulièrement pénalisante pour l'ensemble de l'économie calédonienne. Nous avons vu combien elle était grave pour l'activité touristique : d'une part, les grèves empêchent l'arrivée de nouveaux touristes, mais en plus elles entachent durablement la réputation d'une destination aux yeux des visiteurs potentiels, mais surtout des voyagistes. Les agents de voyage japonais sont ainsi devenus très méfiants envers la Nouvelle-Calédonie depuis que des vacanciers nippons sont restés bloqués plusieurs jours sur l'île, aucun avion ne pouvant quitter l'aéroport de Tontouta vers Tokyo.

La pêche a elle aussi souffert des conflits sociaux dans le secteur aérien en 1998 : une grève des personnels de la compagnie Air France, seule compagnie aérienne à desservir le Japon, a empêché l'exportation de plusieurs centaines de tonnes de thon frais.

Toutes les industries qui exportent par avion ou ont besoin de produits de consommation intermédiaire arrivant par voie aérienne sont dépendants du fonctionnement sans accrocs des services aéroportuaires et des compagnies aériennes.

Le blocage d'un port par des grévistes peut donc générer un coût très important pour l'usine métallurgique concerné. Si les projets actuels prévoient l'établissement d'une usine de transformation à faible distance de la zone d'exploitation minière et la production d'énergie sur place, l'arrivée de certains produits par bateaux et le transport par la même voie du métal extrait sont incontournables et mettent les usines à la merci d'un mouvement d'humeur de certains syndicalistes. Lorsque le site calédonien est en concurrence avec d'autres zones d'exploitation plus calmes socialement, de telles incertitudes peuvent peser contre la Nouvelle-Calédonie.

Il ne s'agit évidemment pas de mettre en cause, de quelque manière que ce soit, les droits syndicaux et la liberté d'action des salariés, mais seulement d'insister sur la nécessité d'améliorer le dialogue social, nous y reviendrons, et d'en appeler à la responsabilité de ses acteurs. Jusqu'ici, le pire a toujours été évité. Mais de tels accords conclus in extremis ne peuvent pas devenir un instrument habituel des rapports entre salariés et patronat sans que le site de production Nouvelle-Calédonie n'en soit très fragilisé et perde de son attractivité pour l'implantation d'autres activités productives.

III.- LES RETARDS DU RÉÉQUILIBRAGE

Depuis les accords de Matignon, la priorité de l'action de l'État en Nouvelle-Calédonie est le rééquilibrage entre les provinces, auxquelles est confié l'essentiel de la compétence d'aide au développement économique. En effet, sans lui, le développement économique ne touche pour l'essentiel que la Province Sud, et même en fait le seul Grand Nouméa, alors que l'intérieur de la Province Sud n'en bénéficie guère. Un tel développement, concentré sur une zone étroite, ne peut être ni durable ni harmonieux dans la mesure où il creuse les inégalités, attisant les tensions sociales, et conduit à l'explosion démographique d'une région qui accueille déjà 120.000 habitants sur les 200.000 que compte la Nouvelle-Calédonie.

De plus, comme l'implantation d'activités économiques est à l'origine d'un effet d'entraînement sur le dynamisme de la zone, il est nécessaire que l'État donne le « coup de pouce » qui permettra d'enclencher un cercle vertueux. C'est ce qui justifie la mise en place, par la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, de clefs de répartition des dotations publiques qui ne respectent pas strictement le poids démographique des trois provinces, mais sont particulièrement favorables aux deux provinces en retard de développement, le Nord et les Îles Loyauté.

Malgré cette politique très volontariste, qui devait à la fois stimuler le développement économique de l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie et permettre une répartition plus harmonieuse des activités, les inégalités demeurent criantes, comme l'atteste la situation comparée des trois provinces.

A.- LES RÉUSSITES DE LA PROVINCE SUD

Forte de ses 133.367 habitants en 1996, la province Sud regroupe l'essentiel des activités et de la richesse de l'archipel.

1.- Le bilan flatteur des actions de la Province Sud en faveur du développement économique

A l'issue de la période des accords de Matignon, l'administration de la Province Sud a rédigé un rapport détaillé de près de 150 pages qui fait le bilan de ses actions. Celui-ci met en avant des réussites incontestables.

Dans le domaine agricole, élevage compris, près de 6 milliards de francs Pacifique (330 millions de francs français) d'investissements ont été aidés, 1.800 micro-projets ont été soutenus et 400 emplois primés. Cela a permis de substituer des productions locales - qui proviennent à 80 % de la Province Sud - à une partie des importations. En dehors de secteur rural, la Province a soutenu 400 projets représentant 14 milliards de francs Pacifique (770 millions de francs français) d'investissements et primé 1.000 emplois. 250 micro-entreprises auraient été créées grâce à son aide.

Par l'intermédiaire de sa société de développement Promosud, la Province a apporté plus de 3,3 milliards de francs Pacifique (181,5 millions de francs français) aux entreprises (2,6 milliards de francs Pacifique de participation en capital, soit 143 millions de francs français, et 800 millions de francs Pacifique, soit 44 millions de francs français, en compte-courant d'associés). Ces interventions ont permis la création de deux hôtels Méridien, celui de Nouméa et celui de l'Île des Pins, et la création ou le développement d'une quarantaine d'entreprises dans les secteurs les plus divers. La Province estime que ces actions ont conduit à créer directement près de 2.000 emplois pendant la période des accords de Matignon.

Une partie de ces actions a été soutenue financièrement par l'État au travers des contrats de développement : entre 1993 et 1999, 24,5 milliards de francs Pacifique (1,35 milliard de francs français) d'opérations ont été contractualisés, représentant une moyenne annuelle de 3,5 milliards de francs Pacifique (192,5 millions de francs français), 8 milliards de francs Pacifique (440 millions de francs français) ayant été versés les deux dernières années. Le contrat quinquennal 1993-1997 est pratiquement totalement exécuté - l'État doit encore verser environ 10,5 % de ses engagements - et les avenants de 1998 et 1999 sont engagés à plus de 54 %, pour ce qui est de la part provinciale.

2.- Des objectifs à la mesure de ses moyens pour les prochaines années

Dans le cadre de la préparation du schéma de développement et d'aménagement de la Nouvelle-Calédonie, prévu à l'article 211 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la Province Sud a présenté ses objectifs de développement économique. Ils reposent sur deux volets.

Le premier consiste à créer un contexte favorable à l'investissement et à la création d'emploi :

· en mettant à la disposition des acteurs économiques des infrastructures publiques modernes ;

· en assurant une formation générale et professionnelle adaptée ;

· en mettant en _uvre des incitations à l'investissement privé ;

· en réduisant ou supprimant les freins au développement, notamment dans les rapports sociaux.

Le deuxième volet vise à concentrer les efforts des acteurs économiques sur des pôles d'excellence par une politique de filières choisies en fonction des atouts calédoniens et de leur impact sur l'emploi. Ont été choisies trois filières : le tourisme, le développement agricole et l'exploitation des ressources naturelles.

Afin d'atteindre ces objectifs, la Province dispose de moyens réglementaires et financiers.

Elle a élaboré un cadre réglementaire d'intervention destiné à soutenir l'investissement et la création d'emplois : c'est le « code provincial des investissements », complété par des dispositifs particuliers relatifs aux micro-entreprises et au secteur rural. Elle a créé une société de développement, Promosud, permettant de suppléer les initiatives privées. Depuis les accords de Nouméa, elle a été à l'origine de la création de l'agence de développement pour l'initiative économique (ADIE), spécialisée dans l'aide à la création des micro-entreprises ; elle a par ailleurs créé un fonds de garantie, complémentaire au fonds existant, afin de soutenir les projets les plus risqués.

Si la Province consacre une part non négligeable de son budget à promouvoir, directement ou indirectement, le développement économique, elle a proposé à l'État d'intensifier ses efforts dans le cadre du nouveau contrat de plan, en portant la moyenne annuelle des dotations qui y seraient consacrées à près de 5 milliards de francs Pacifique, soit 275 millions de francs (3 milliards de francs Pacifique pour la Province, soit 165 millions de francs français, 2 pour l'État, soit 110 millions de francs français).

Pour ce qui est des « actions économiques » proprement dites, la Province propose la contractualisation de 4,16 milliards de francs Pacifique (229 millions de francs français) provenant dans la même proportion de l'État et de la Province, et répartis comme l'indique le tableau ci-dessous.

ACTIONS ÉCONOMIQUES PROPOSÉES À LA CONTRACTUALISATION
PAR LA PROVINCE SUD POUR LA PÉRIODE 2000-2004

Libellés d'opérations

Coût d'opération
(en francs Pacifique)

Pêche
dont :

288.000.000

Aides aux industries de transformation et à la pêche industrielle

68.000.000

Fermes acquacoles

70.000.000

Recherche et développement de la pisciculture

150.000.000

Tourisme
dont :

1.251.700.000

Aménagements paysagers

99.925.000

Promotion internationale du tourisme

874.925.000

Promotion locale du tourisme

206.925.000

Soutien au développement hôtelier

69.925.000

Développement rural : Hydraulique agricole

158.200.000

Appui au développement rural

dont :

1.868.700.000

Reboisement/Sylviculture

250.000.000

Structure interprovinciale

536.000.000

Alimentation en eau potable

636.900.000

Assainissement des eaux usées des communes de Bourail, La Foa et Thio

445.800.000

Industrie : pôles de développement

dont :

541.590.000

Aides à l'implantation d'industries, de transformation et de production

215.030.000

Aides à l'exportation

67.530.000

Aides aux petites entreprises

259.030.000

Promotion sur les marchés extérieurs

58.400.000

Coût total

4.166.590.000

Source : Administration de la Province Sud.

S'il ne fait guère de doute que l'État n'acceptera pas de contractualiser l'ensemble des opérations proposées, une grande partie pourra, néanmoins, certainement être réalisée.

B.- PLUS DE MOYENS DE DÉVELOPPEMENT POUR LES PROVINCES NORD ET DES ÎLES, MAIS DES RÉSULTATS INSUFFISANTS

La province Nord comptait 41.366 habitants et les Îles Loyauté 20.877 habitants en 1996. Leur population est très majoritairement mélanésienne (presque exclusivement pour les Îles) et les deux provinces sont actuellement dirigées par des indépendantistes. Leur retard de développement au regard de la province Sud justifie que les fonds publics qui leur sont consacrés soient très nettement supérieurs, compte tenu de la faiblesse de leur population.

1.- Des moyens considérables

L'effort financier public en faveur des deux provinces ne fait aucun doute. Nous avons donné supra des exemples des réalisations les plus importantes.

Les dotations accordées dans le cadre des contrats de plan État-provinces, sur la période 1993-1999, rapportées à la population de chaque province, donnent des résultats éclairants : la province du Nord s'est vu accordé plus de 16.000 francs français par habitant, la province des Îles plus de 15.000 francs tandis que la province du Sud n'a bénéficié que d'un peu plus de 3.000 francs par habitant. Même si le Sud, et surtout la ville de Nouméa, profite d'une partie des opérations conduites par la Nouvelle-Calédonie (anciennement le Territoire) proportionnellement plus importante que les autres provinces, dans la mesure où elles doivent répondre à un intérêt territorial, la moyenne de dotation par habitant demeure très supérieure dans les deux autres provinces.

Les autres dotations sont également partagées inégalement, au profit du Nord et des Îles. Par exemple, le versement de la dotation de fonctionnement, prévue à l'article 33 de la loi organique du 9 novembre 1988 - et remplacée par une dotation globale de fonctionnement versée directement par l'État depuis la loi organique du 19 mars 1999 -, fait l'objet du partage suivant : 50 % pour la province du Sud, 32 % pour le Nord, 18 % pour les Îles. De même, la dotation d'équipement, versées par la Nouvelle-Calédonie à raison d'un minimum de 4 % de ses recettes fiscales, contribue au rééquilibrage entre les provinces, selon la clé de répartition suivante : province Sud : 40 %, province Nord : 40 %, province des Îles : 20 %.

Le tableau ci-dessous résume l'ampleur de la « discrimination positive » en faveur des provinces Sud et des Îles :

PART DES DIFFÉRENTES DOTATIONS REVENANT À CHAQUE PROVINCE,
AU REGARD DE SA POPULATION

(en %)

 
 

Population en 1996

Contrats (1993-1999)

Dotation de fonctionnement

Dotation d'équipement

Province Sud

68,18

29,86

50

40

Province Nord

21,15

47,67

32

40

Province des Îles

10,67

22,47

18

20

Source : d'après le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, direction des affaires économiques, financières et des collectivités locales.

Les deux provinces en retard de développement ont donc reçu des moyens pour fonctionner et pour investir très supérieurs à ceux accordés à la province Sud. Certes, la province Sud bénéficie de nettement plus de recettes fiscales locales, mais ces dernières n'occupent qu'une place modeste au regard des dotations : en 1998, elles représentaient 5,22 % des recettes réelles de fonctionnement de la province Sud, pour seulement 0,5 % en province Nord et 0,13 % en province des Îles.

2.- Un retard qui subsiste

Si aucune étude globale ou systématique ne permet de mesurer le décalage entre la situation de la province Sud et celle des deux autres provinces, une série d'indicateurs est disponible, qui ne laisse aucun doute sur le retard, d'ailleurs immédiatement visible à tout visiteur de l'archipel, qui subsiste au détriment du Nord et des Îles, voire, mais seuls certains indicateurs retiennent cette distinction, entre le Grand Nouméa et le reste du territoire calédonien.

· Si l'espérance de vie à la naissance a augmenté de deux ans et demi entre 1991 et 1997 (68,8 ans pour les hommes et 76,5 ans pour les femmes) pour atteindre une moyenne de 72,5 ans pour l'ensemble du territoire, l'espérance de vie à la naissance dans la province Sud (73,7 ans) est sensiblement supérieure à celle des autres provinces (66,3 ans dans la province des Îles et 69,8 ans dans la province Nord). Un certain rattrapage est néanmoins perceptible, dans la mesure où, depuis 1981, on vit en moyenne 8,6 ans de plus en Province Nord, 4,2 ans en province des Îles et 4 ans en province Sud : les différences se réduisent lentement, grâce à l'amélioration de l'infrastructure médicale.

· Le nombre de personnes bénéficiant de l'aide médicale gratuite (AMG) est un indicateur intéressant du niveau de vie des populations puisqu'elle prend en charge le risque maladie pour les salariés ou non salariés disposant de faibles ressources. En 1998, les bénéficiaires étaient 3.850 en province Sud (2,89 % de la population provinciale), 1.953 en province Nord (4,72 %) et 794 en province des Îles (3,8 %). L'écart est en fait encore accru par le fait que l'accès aux soins hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques demeure plus aisé en province Sud, ce qui entraîne une demande de soins relativement plus importante.

· L'attractivité de la province Sud apparaît grande pour la population née hors du territoire : la province est multicommunautaire et à majorité européenne alors que les Îles sont habitées presque exclusivement par des Mélanésiens (97,1 %) et que la population du Nord en compte 77,9 %, contre 16,9 % d'Européens, et très peu de personnes issues d'autres communautés.

· Plus des trois quarts des salariés exercent leur activité professionnelle à Nouméa où près de 70 % des employeurs sont implantés ; même le nombre de salariés du secteur public y progresse plus vite (+ 7,4 %) que celui de l'Intérieur ou des îles, qui reste stable.

Tous ces indicateurs soulignent la persistance du retard de développement entre le Sud et le reste de l'archipel. L'amélioration des infrastructures publiques est de nature à le combler en partie, mais on est encore loin d'un réel rattrapage.

C.- L'IMPOSSIBLE PARTAGE ENTRE PROVINCES DES PARTICIPATIONS DANS LES SOCIÉTÉS ERAMET ET SLN

Si le partage des ressources publiques se fait à l'avantage de la province Nord et de la province des Îles pour compenser leur retard de développement par rapport à la province Sud, un autre instrument devrait faciliter ce rééquilibrage : il s'agit de la prise de participation des trois provinces dans le capital de la SLN et de Eramet. Il doit les associer à la mise en valeur du patrimoine minier de l'île et leur apporter des ressources supplémentaires, non fiscales, qui financeront le développement économique.

Pour cela, l'État a transféré 5 % du capital d'Eramet et 30 % du capital de la SLN, qu'il détenait, à l'Entreprise de recherche et d'activités pétrolières (ERAP) afin qu'elle les cède à une société d'économie mixte des provinces, la Société calédonienne de participation industrielle (SCPI). Ce transfert représente 1,04 milliard de francs français, inscrits dans la loi de finances rectificative pour 1999.

En février 1999, un accord est conclu entre Eramet, l'État français et les partenaires calédoniens, qui prévoit que la province Nord sera majoritaire dans la SCPI. Mais la valeur juridique de cet accord est contestée par le RPCR.

Les positions sont claires mais absolument incompatibles. Le FLNKS veut que le protocole de février 1999 soit appliqué : la province Nord recevrait 51 % des actions, le reste étant à partager entre province Sud et province des Îles. Le RPCR exige que la province Sud soit majoritaire.

La logique qui a présidé à la conclusion des accords de février 1999 est celle du rééquilibrage : c'est elle qui justifie que la province Nord soit majoritaire et que la province des Îles, d'ailleurs dépourvue de nickel, participe au partage. La province Nord recevrait ainsi une part importante des dividendes et jouerait un rôle déterminant dans la prise de décision au sein de la SCPI.

Jusqu'ici, tous les compromis proposés ont échoué. L'État a envisagé de dissocier la détention du pouvoir de décision de la participation aux dividendes afin d'accroître la place de la province Sud dans la prise de décision tout en accordant des dividendes à la province des Îles, en vain. Chacun reste actuellement figé sur ses positions.

La première réunion du « comité de suivi » de l'accord de Nouméa, qui devait se réunir fin mars ou début avril, a été repoussée au mois de mai mais elle n'a pas permis la reprise des négociations et l'élaboration d'une solution acceptable par tous (ce problème n'était d'ailleurs pas officiellement à l'ordre du jour).

Actuellement, ce blocage prive les provinces de ressources supplémentaires dont elles auraient besoin pour accélérer le développement économique. Comme le fait justement remarquer M. Raphaël Pidjot(11), qui représentait le FLNKS lors des négociations de février 1999, « en 1999, la Calédonie a perdu 500 millions de francs [Pacifique] de dividendes. Et elle en perdra près de 600 millions cette année si on ne fait rien. » L'absence d'accord empêche ainsi les trois provinces de tirer profit du bénéfice immédiat de l'opération de transfert, alors même que l'État a respecté ses engagements sans perdre de temps.

Elle est révélatrice des lenteurs du fonctionnement démocratique de l'archipel, tout en constituant un facteur supplémentaire, bien inutile, de crispation.

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CHAPITRE III

DES PERSPECTIVES ENCOURAGEANTES

Malgré les lenteurs et les difficultés du rattrapage interprovincial, en dépit des problèmes politiques et sociaux, les Calédoniens, à quelque communauté qu'ils appartiennent, ont donné à vos Rapporteurs l'impression d'avoir foi dans l'avenir. De nombreuses possibilités s'ouvrent à eux : grands projets, développement local, intégration régionale. Ils espèrent réussir à les saisir, avec le soutien des pouvoirs publics.

I.- DE GRANDS PROJETS PORTEURS D'ESPOIR

La mise en valeur de l'archipel calédonien, depuis l'implantation des premiers colons, est d'abord passée par l'arrivée de capitaux venus d'Europe, pour financer de grands projets, dans le domaine de l'exploitation agricole - avec plus ou moins de succès - et dans celui de l'extraction minière. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles les Calédoniens placent beaucoup d'espoir dans la perspective d'implantation de grandes unités de production, dans les secteurs les plus variés.

A.- L'INTENSIFICATION DE L'EXPLOITATION DU NICKEL GRÂCE À DEUX NOUVELLES USINES

Alors que l'unique usine métallurgique néo-calédonienne, celle de Doniambo, envisage d'accroître encore sa production, plusieurs projets d'implantation d'autres usines, qui seraient situées, contrairement à Doniambo, tout près des lieux d'extraction du minerai, sont très sérieusement à l'étude.

Il s'agit pour l'essentiel de deux projets : l'un localisé tout au sud de la Grande Terre, à Goro, mené par le groupe canadien Inco ; l'autre situé en province Nord, près du massif du Koniambo, conduit par la SMSP associée au géant canadien Falconbridge. Vos Rapporteurs se sont rendus sur les deux sites et ont rencontré les chefs de projet de l'un et de l'autre.

1.- Goro-nickel : le projet le plus avancé

Ce projet associe donc, à hauteur de 85 %, le groupe canadien Inco, premier producteur mondial de nickel, et, pour 15 %, l'État français au travers du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Une usine pilote, dont les travaux d'ingénierie ont commencé fin 1997, doit permettre de confirmer la rentabilité du traitement des latérites
- un minerai qui ne contient que 50 à 70 % du nickel contenu dans les garniérites traitées à Doniambo - de manière industrielle par un nouveau procédé développé par Inco. Vos Rapporteurs ont visité cette usine pilote inaugurée en octobre 1999 mais qui ne fonctionne à plein régime que depuis février 2000, c'est-à-dire quelques jours seulement avant leur venue.

Ils ont pu constater le bon fonctionnement cette usine miniature, dix fois plus petite que l'usine définitive, mais déjà imposante, installée près de la zone d'exploitation minière, loin de toute autre activité humaine, et par l'excellente organisation du travail et de la vie autour d'elle. Les chefs de projet ont l'expérience des usines en « terrain vierge », selon leur expression, c'est-à-dire installées dans des zones dépourvues d'infrastructures industrielles et de tout service, pour avoir connu des usines dans le tiers-monde.

Tout semble avoir été mûrement réfléchi et fait de la manière la plus rationnelle et sûre possible. Par exemple, l'usine-pilote étant située à deux heures de Nouméa par une route qui devient piste, les salariés travaillent en équipes qui se succèdent pour une durée de trois jours sur le site : l'usine fonctionne ainsi 24 heures sur 24 et les salariés vivent trois jours dans des chambres près de la mer, à quelques minutes de l'usine, et les trois jours suivants avec leur famille à Nouméa. Ils font le trajet entre lieu d'habitation et lieu de travail en convoi, pour éviter les dangers éventuels de la piste. Cette organisation paraît bien fonctionner et rendre très satisfaisantes les conditions de travail.

L'emploi généré par le projet est estimé par ses responsables à 1.300 emplois directs et 300 emplois induits pour la phase de construction et à 1.000 emplois directs et 1.700 emplois indirects pour la phase d'exploitation. La part des Calédoniens qui pourrait trouver ainsi un emploi serait de 40 à 50 % pour la construction, voire aller jusqu'à 90 % pour l'exploitation, mais les responsables du projet ont reconnu qu'ils refusaient de se fixer des quotas et préféraient assurer eux-mêmes la formation de leurs futurs salariés.

L'usine définitive devrait avoir une capacité de production annuelle de 54.000 tonnes de nickel et 5.400 tonnes de cobalt, métal produit en faible quantité dans le monde et au prix élevé, grâce auquel la rentabilité de l'exploitation de l'usine serait assurée, après une première période pendant laquelle la production serait respectivement de 27.000 et 2.700 tonnes.

L'investissement total, pour l'ensemble du projet, est estimé à 1,4 milliard de dollars américains (plus de 9 milliards de francs français) et la décision finale, qui dépendra des résultats de l'étude de faisabilité, terminée en principe au cours du second semestre 2000, devrait être prise à la fin de cette année.

Les responsables du projet sont apparus très optimistes à vos Rapporteurs, satisfaits des premiers résultats et confiants pour l'avenir. Il semble en effet que la situation évolue d'une manière favorable. Pour Inco, ce projet entre en compétition avec l'exploitation des gisements de Voisey Baie, dans le Labrador, dont la production pourrait atteindre 100.000 tonnes par an, mais plusieurs arguments plaident pour accorder la priorité au projet de Goro : le projet canadien, contesté par le gouvernement, les Amérindiens et les écologistes, a pris un retard considérable, coûterait plus cher, pour un coût de production plus élevé, et risquerait de rompre l'équilibre actuel entre offre et demande de nickel. Le site de Goro présente quant à lui deux risques : un risque technologique, puisque le procédé est nouveau, et un risque politique. Le premier pourrait être levé par les résultats de l'usine pilote, le second dépend des Calédoniens.

Ils doivent saisir la chance de cette implantation, qui permettra de créer des emplois et des richesses, et dont la réussite pourrait stimuler l'arrivée d'autres industriels.

2.- L'usine du Nord : un vieux rêve qui a des chances de devenir réalité ?

Si le projet de Goro représente un enjeu économique de premier plan, le projet d'usine du Nord est encore plus crucial dans la mesure où il se double d'un aspect politique essentiel. Situé dans la province Nord, près de Koné, il doit fortement contribuer au rééquilibrage entre nord et sud de la Grande Terre.

L'idée d'une usine métallurgique dans le nord de l'île est apparue dans les années 1960 et a été présentée en 1978 comme une nécessité dans le « rapport Dijoud ».

Aujourd'hui, grâce à la levée du « préalable minier », le projet semble avoir franchi une bonne partie des obstacles auquel il est confronté.

a) L'échange des massifs miniers et les premières études

Le protocole signé à Bercy le 4 février 1998, modifié par l'avenant du 4 juin 1998, organise, grâce à la médiation de l'État, la procédure d'échange des massifs miniers de Poum et de Koniambo entre Eramet-SLN et la Société minière du Sud Pacifique (SMSP) dépendant de la province Nord, en vue de l'implantation d'une usine semblable à l'usine de Doniambo tant en ce qui concerne le procédé (usine pyrométallurgique) que la capacité (54.000 tonnes par an).

Ce protocole fixe notamment un calendrier d'études et de réalisation, avec des étapes annuelles, à partir de la date de signature des actes notariés, obligeant la SMSP à un compte-rendu de l'avancement du projet. Le suivi de ce protocole est réalisé par une entité juridique indépendante créée pour la circonstance, la SAS (société par actions simplifiée) Poum-Koniambo. Deux autres SAS ont été créées, la SAS Poum et la SAS Koniambo, portant respectivement les titres des gisements de Poum et de Koniambo, avant leur attribution définitive à la SLN et la SMSP, en cas de succès du projet, ou la rétrocession aux sociétés détentrices initiales en cas d'échec. Succès et échec sont des notions déterminées par des conditions fixées dans le protocole.

Les actes notariés ont été signés à la mi-décembre 1998, ainsi qu'un encadrement de l'exploitation résiduelle par la SMSP d'une parcelle de Poum. Le premier point a donc été fait le 14 janvier 2000. Le représentant de la SAS Poum-Koniambo a ainsi constaté, de même que vos Rapporteurs quelques semaines plus tard, l'ampleur du travail accompli et le respect du calendrier initial en trois phases : étude préliminaire, étude de pré-faisabilité et étude de faisabilité. Le programme d'études préliminaires a commencé dès juin 1998 avec, en Nouvelle-Calédonie, le début des campagnes d'exploration par sondage et, à Toronto, la réalisation d'une étude de cadrage.

Falconbridge a dépensé pour le projet Koniambo 650 millions de francs Pacifique (35,7 millions de francs français) en 1998 et 2,1 milliards de francs Pacifique (115,5 millions de francs français) en 1999 ; ses investissement devraient atteindre 3 milliards de francs Pacifique (165 millions de francs français) en 2000. Les deux tiers des dépenses sont faites en Nouvelle-Calédonie où 150 personnes ont été embauchées, principalement dans la région de Voh, Koné et Pouembout.

b) Un optimisme prématuré ?

Les premiers résultats sont donc incontestablement positifs : la moitié de la campagne de sondage prévue a été réalisée et a mis en évidence un minerai de bonne qualité dont la quantité devrait assurer vingt-cinq ans de ressource à l'usine. Le projet étant en avance sur le calendrier officiel, la décision de construction de l'usine métallurgique devrait être prise fin 2002, soit trois ans avant l'échéance fixée par l'accord de Bercy, et tous les acteurs du projet sont optimistes.

Vos Rapporteurs ont pu remarquer sur place la présence d'ingénieurs canadiens et le soin avec lequel son réalisés sondages et carottages pour éviter toute contestation sur les résultats de l'étude. Ils n'en demeurent pas moins quelque peu perplexes sur l'avenir du projet.

Dans son rapport spécial sur le budget 2000(12) consacré aux pays et territoire d'outre-mer, M. Philippe Auberger émet une série de réserves sur les conditions dans lesquelles l'échange de massifs a été réalisé. Il conteste l'utilisation d'un compte d'affectation spéciale, la localisation dans un paradis fiscal de la SAS Poum-Koniambo, la procédure d'évaluation de la différence de valeur entre les deux massifs, les garanties du remboursement de l'indemnisation versée à Eramet-SLN en cas d'échec du projet et la solidité financière de la SMSP. Vos Rapporteurs ne se prononcent pas ici sur ces questions qui seront prochainement abordées dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle et qui sont, à ce titre, actuellement étudiées par la Cour des comptes. Ils ont en revanche quelques remarques à faire, qui reposent sur leurs impressions face aux informations qu'ils ont obtenues sur place.

Le projet apparaît d'abord colossal dans la mesure où il ne faut pas seulement construire une usine, mais aussi un barrage afin de fournir l'eau nécessaire, une centrale pour produire l'électricité et un port dont le site est encore l'objet d'interrogations. A Goro, le site du futur port ne pose aucun problème et il n'est pas nécessaire de faire un barrage. Dans le nord, deux tiers des investissements totaux seraient consacrés aux infrastructures : la collectivité publique sera certainement appelée à participer à ces investissements. Beaucoup de points sont donc encore incertains.

De plus, l'investissement relatif aux études en cours, moins de 6 milliards de francs Pacifique entre 1998 et 2000, soit environ 330 millions de francs français (et 5 à 600 millions de francs français prévus au total) demeure modeste en comparaison du coût total du projet, qui serait de 7 milliards de francs français : Falconbridge est donc loin d'avoir franchi la ligne de non-retour pour ce qui est des sommes investies.

Enfin, le bouclage financier du projet est entaché d'incertitudes. En principe, la SMSP n'apportera rien d'autre que le gisement de minerai, dont la valeur sera certes appréciée si les résultats des tests sont bons, mais qui semble bien insuffisante par rapport aux fonds propres indispensables à la pérennité d'un tel projet. La SMSP ne sera-t-elle pas tentée de faire appel, le moment venu, au soutien financier de la province Nord, et cette dernière à l'aide de l'État ?

L'optimisme des différents acteurs du projet, bien compréhensible lorsque l'on mesure l'importance de la réalisation de cette nouvelle usine pour le rééquilibrage de l'archipel, n'est ainsi pas entièrement partagé par vos Rapporteurs qui voudraient surtout éviter que le projet ne conduise in fine qu'à une énorme déception et à un gâchis financier. Il est clair que la fameuse « usine du Nord » n'a jamais été aussi près de voir le jour, mais chacun doit rester conscient du fait que l'heureuse issue n'est pas encore certaine.

Les signes d'espoir semblent pourtant se multiplier dans la mesure où la groupe calédonien Ballande a annoncé fin mars 2000 un autre projet d'usine métallurgique qui l'associerait au groupe américain Phelps Dodge. Installée dans le sud de l'île, cette usine produirait 35.000 tonnes de nickel et 4.000 tonnes de cobalt par an. Aucun permis de recherche n'a pour l'heure été délivré et cinq autres candidats se sont déclarés pour exploiter ce gisement, mais comme les élus locaux sont favorables à ce projet et que l'attribution des permis d'exploitation est de la compétence des provinces - et plus de l'État - depuis le 1er janvier 2000, le président du groupe Ballande se dit optimiste. Dans le meilleur des cas, l'usine verrait le jour à l'horizon 2007.

La Nouvelle-Calédonie comptera-t-elle réellement trois nouvelles usines avant la fin de la décennie : l'usine de Goro en 2003, celle de Koniambo en 2005 et une troisième en 2007 ? Rien n'est moins sûr, d'autant que les marchés peuvent fortement évoluer entre temps et qu'une surproduction de nickel aurait des conséquences négatives pour l'île ; c'est néanmoins le rêve de bien des Calédoniens. L'exploitation des autres ressources minières du territoire (or, cuivre, plomb, zinc, argent notamment) est aussi actuellement à l'étude ; il en est de même pour le pétrole et le gaz récemment découverts. En attendant que ces possibilités se concrétisent éventuellement, des projets de taille moindre, mais non négligeables, sont en voie de réalisation dans d'autres secteurs, poursuivant la volonté de diversification si souvent proclamée.

B.- LES POSSIBILITÉS OFFERTES PAR LA FILIÈRE ALIMENTAIRE

La filière alimentaire offre un grand nombre de possibilités, que ce soit dans des secteurs exportateurs ou afin de satisfaire la clientèle locale. Plusieurs projets sont actuellement en cours de discussion, et au centre de tous les espoirs. Plus ou moins précis et avancés, ils présentent des chances inégales de succès mais certains d'entre eux au moins semblent susceptibles d'aboutir à court ou moyen terme.

1.- Un nouveau projet de création d'une filière avicole

La faiblesse de l'élevage de volailles en Nouvelle-Calédonie a déjà été évoquées dans le présent rapport ainsi que le volume très élevé d'importations qu'elle induit, la consommation de poulet par habitant du territoire se situant au sixième rang mondial. La Nouvelle-Calédonie ne compte en effet que trois élevages, situés en province Sud, qui ne produisent que des _ufs. Le besoin d'installer sur place une production de poulets de chair ne fait aucun doute.

Pourtant, un projet australien toujours d'actualité en 1998(13) a échoué. Ce projet, qui était déjà le quatrième de ce genre sur le territoire, devait être dirigé par le groupe australien Goodman Fielder et voir le jour sur la côte ouest de la province Nord. Son objectif, très ambitieux, était de substituer dès la première année des poulets locaux à la totalité des produits importés, soit environ 5.500 tonnes, grâce à une production de meilleure qualité mais à des prix comparables à ceux des importations.

Tout semblait plaider en faveur de son succès, le groupe ayant déjà l'expérience d'une implantation à Fidji, mais il a finalement été abandonné car Goodman Fielder, qui était le premier importateur de poulets en Nouvelle-Calédonie, a craint que la production locale ne puisse faire face à la concurrence des produits australiens.

Pourtant, un nouveau projet est actuellement en cours de discussion avec les autorités provinciales : il concerne des investisseurs néo-zélandais de la société Tegel, appartenant au groupe Heinz, intéressé par une implantation entre les communes de Poya et de Voh, c'est-à-dire sur la côte ouest, en province Nord. Il est envisagé de créer huit fermes de production accompagnées d'unités d'abattage et de conditionnement. L'alimentation des animaux (provende) serait réalisée sur place notamment à partir du maïs produit dans le nord de la Grande Terre.

Les autorités de la province Nord semblent confiantes dans l'avenir de ce projet qui devrait entraîner des investissements d'un montant de 4 à 5 milliards de francs Pacifique (220 à 275 millions de francs français) et permettre de créer plusieurs centaines d'emplois directs et indirects. Vos Rapporteurs espèrent que cet espoir, qui fait suite à de nombreux autres dans le même secteur, sera cette fois réalisé.

2.- Des opportunités à saisir dans le domaine de la pêche

La province Nord, la plus proche des zones les plus poissonneuses, place actuellement de grands espoirs dans le développement de la pêche. Il s'agit pour elle de se doter d'infrastructures afin de pouvoir accueillir des bateaux consacrés à la pêche hauturière.

Cela passe par la construction d'un quai polyvalent à Népoui, susceptible d'être équipé, à terme, d'un entrepôt frigorifique, quai pour lequel l'avis d'appel d'offre a été lancé, et par l'aménagement des installations de Pandop, à Koumac.

Vos Rapporteurs se sont rendus au port de Koumac, sur le site du projet : ils en ont rencontré les acteurs locaux qui sont partagés entre une grande confiance dans l'avenir du projet et des inquiétudes au regard de l'importance des investissements à réaliser. Un armateur polynésien propose la mise en place d'une flottille de 10 palangriers de 16 mètres : 6 bateaux devraient être financés d'ici septembre 2000, 4 autres d'ici mars 2001. Mille tonnes de thons par an pourraient être pêchés et l'écoulement serait assuré en frais pour le marché du sashimi au Japon, et en congelé ou en frais pour le marché européen. Cette opération créerait environ 70 emplois. La province Nord est sollicitée au niveau de l'investissement de démarrage à hauteur de 160 millions de francs Pacifique (8,8 millions de francs français). Un protocole d'accord a déjà été signé, et le projet devrait voir le jour dans les prochains mois.

3.- Vers la poursuite du développement de l'aquaculture

Les principaux sites potentiels ont été inventoriés mais de nouveaux opérateurs doivent être trouvés. Or les possibilités d'initiatives locales semblent épuisées tandis que les initiatives métropolitaines sont inexistantes et que les possibilités en provenance de Polynésie sont incertaines. Les projets actuels sont donc essentiellement étrangers, et en particulier australiens.

Les perspectives d'extension concernent deux fermes : Webwihoone, pour 15 hectares supplémentaires, et la ferme Blue Lagoon, pour 40 hectares de plus.

Vos Rapporteurs ont visité cette dernière, située sur la commune de Koné. Seule ferme entièrement privée de la province Nord, financée par des capitaux polynésiens avec une aide importante de la province Nord, elle achète des crevettes de trois semaines à l'écloserie en partie financée par la SOFINOR, et les fait grossir en bassin pendant 7 à 9 mois. Les 21 bassins, installés sur le domaine public maritime, dont la zone est louée à bas prix, couvrent 80 hectares et assurent une production de 380 à 400 tonnes de crevettes par an. La ferme, qui emploie 22 salariés à temps plein et une trentaine d'occasionnels, projette de s'étendre sur 40 hectares supplémentaires dans le courant de l'année 2000, ce qui lui permettrait d'augmenter sa production de moitié.

Quatre projets de création de fermes sont actuellement instruits par l'ADECAL :

- OTEC Pacific à Poum : ce promoteur australien propose de créer une ferme de 40 hectares. Il ne demande pour l'heure aucune aide à la province et l'enquête publique pour l'attribution d'une concession sur le domaine public maritime a pris fin le 15 janvier 2000 ;

- Cheetham à Kaala Golem : Néo-zélandais et Chinois souhaitent bénéficier d'aides provinciales pour établir une ferme de 80 hectares, mais n'ont pas encore formulé de demande officielle ;

- Krogh à Bouraké : une ferme de 100 hectares et une unité de conditionnement pourraient être créées sur des capitaux australiens et canadiens ;

- Tru Blu à Nessadiou : ce projet australien doit être précisé et confirmé.

On voit que tous les projets n'en sont pas au même stade et que des incertitudes demeurent. Un cinquième candidat, Gold Coast Marine, s'est finalement orienté vers les Îles Salomon, ce qui montre qu'il s'agit souvent de projets internationalement mobiles.

C.- L'ESPOIR D'UN NOUVEAU DÉPART POUR LE TOURISME

Le développement du tourisme n'a pas encore atteint le niveau que les qualités de la Nouvelle-Calédonie permettent d'espérer. De plus, il ne joue pas de rôle de moteur dans le rééquilibrage entre provinces.

C'est pour stimuler la fréquentation touristique à l'intérieur de la Grande Terre et dans les îles, zones qui souffrent de l'insuffisance et du coût des transports, que le congrès du Territoire a adopté en 1998 une délibération qui permet aux résidents néo-calédoniens prenant leur vacances sur le territoire de déduire de leur revenu imposable, dans la limite de 500.000 francs Pacifique (27.500 francs français) par an, les dépenses hôtelières et de transports routiers, maritimes ou aériens. Cette mesure a été assouplie (deux nuitées consécutives au lieu de sept jours) et reconduite en 1999. Son faible succès, et l'inévitable effet d'aubaine qu'elle a entraîné ont conduit à son abandon pour 2000. Elle n'en témoigne pas moins d'un souci louable de dynamisation de l'hôtellerie de l'Intérieur et des Îles : d'autres voies sont certainement envisageables pour poursuivre cet objectif.

Cela passe par l'intensification de la promotion touristique au niveau international et par l'amélioration des infrastructures, qui est en cours.

1.- La poursuite des efforts de promotion

Le groupement « Nouvelle-Calédonie Tourisme » conduit de nombreuses actions de promotion des divers attraits de la Nouvelle-Calédonie. Son objectif est de se démarquer dans un espace très concurrentiel, où Hawaï, les Îles Fidji et la Polynésie française bénéficient d'une solide notoriété, tout en affirmant la qualité et la diversité des infrastructures touristiques locales.

Les actions publicitaires et promotionnelles du groupement bénéficient d'un budget d'environ 500 millions de francs Pacifique (27,5 millions de francs français) par an, ce qui semble une somme élevée, mais présentée comme inférieure aux besoins par les acteurs touristiques. En effet, il est généralement admis que les sommes qui devraient être investies en matière de promotion touristique devraient correspondre à un réinvestissement de 5 % des recettes touristiques : elles auraient donc dû atteindre 700 millions de francs Pacifique (38,5 millions de francs français) en 1998.

Ces actions tiennent compte de l'hétérogénéité de la clientèle touristique de la Nouvelle-Calédonie, et des spécificités qui en découlent. La politique promotionnelle est donc différenciée selon les marchés et très ciblée.

Le Japon, dont les ressortissants constituent le groupe de touristes le plus nombreux, est la première cible de ces activités : utilisant les différents médias, les reportages relatifs au Caillou ont touché, en 1998, 169 millions de lecteurs dans la presse écrite, 550 millions de téléspectateurs et 200.000 auditeurs de radios. Plus de 65 millions de lecteurs japonais sont susceptibles d'avoir vu sa publicité en pleine page en couleurs, le territoire a participé à sept salons et festival et de nombreux séminaires à destination des agents de voyage y ont été organisés.

Des actions nombreuses à destination de la métropole et du reste de l'Europe sont aussi conduites par le GIE : articles (dont les auteurs sont invités par le groupement), publicités, participation à des salons et à des séminaires d'agents de voyages, actions de relations publiques avec forte retombée médiatique, offre de cadeaux dans des jeux télévisés...

Pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ces actions sont complétées par des campagnes de publicité au cinéma, en Australie, au premier semestre 1998, et par l'offre de voyage aux gagnants de concours.

Cette promotion est de nature à donner envie de visiter la Nouvelle-Calédonie, mais pour « passer à l'acte » les touristes doivent avoir la certitude d'être accueillis dans de bonnes conditions et de pouvoir voyager d'une manière sûre, commode et à un prix raisonnable...

2.- Des réalisations en cours qui témoignent de la confiance des professionnels dans l'avenir

Si, comme nous l'avons vu, la fréquentation touristique enregistre une légère baisse pour une série de raisons à la fois structurelles et conjoncturelles, les professionnels sont confiants dans l'avenir, ce dont atteste la longue liste des travaux d'extension ou de créations d'unités supplémentaires en cours de réalisation.

Deux nouveaux hôtels de luxe ont ouvert à la fin de l'année 1998 : le 1er novembre 1998 a été inauguré un hôtel situé dans la baie d'Oro sur l'île des Pins, qui a coûté 1,4 milliard de francs Pacifique (77 millions de francs français) ; un mois plus tard, est venu le tour de l'hôtel « le Nouvata Park Royal II » situé en bordure de l'Anse-Vata à Nouméa. L'un comme l'autre emploient une cinquantaine de salariés et affichent un taux de remplissage satisfaisant.

De gros travaux de rénovation concernent deux autres structures : l'hôtel « Escapade », sur l'îlot Maître, a été rebaptisé « Parkroyal Escapade Island » depuis son agrandissement achevé en avril 1998 ; le « Surf Novotel » devrait voir son personnel doubler à la suite d'un programme de réhabilitation.

Enfin, de nouveaux hôtels sont en cours de construction. Il s'agit d'une tour de 200 chambres incorporée dans le complexe du « Parc Royal » à Nouméa et du « Paradis d'Ouvéa », qui sera le seul hôtel sur l'île d'Ouvéa. Réalisé en partie grâce à des fonds de la SOFINOR, mais sous direction japonaise, cet hôtel, dont la délégation de votre commission a visité le chantier, en voie d'achèvement, est destiné à la clientèle japonaise, qui apprécie beaucoup l'île depuis qu'un roman à succès l'a qualifiée d'île la plus proche du paradis. Si l'entrepreneur local parvient à surmonter rapidement les difficultés, inévitables, posées par l'assemblage de pièces détachées en provenance du Japon, l'hôtel devrait ouvrir au printemps 2000.

Parallèlement, a débuté au premier semestre 1999 la réalisation d'un complexe hôtelier comprenant la construction d'un hôtel à la Baie des Citrons, associé à une tour comprenant 128 « appartels » et une vaste galerie commerciale. A la suite de son rachat en décembre 1998, l'hôtel « Mocambo » doit pour sa part être réhabilité sous peu. Il convient également d'ajouter divers projets ou rénovation de gîtes.

Un dynamisme certain est donc perceptible : encore faut-il espérer que la morosité actuelle n'entraînera pas des retards, voire la suspension de certaines de ces réalisations. De plus, la parfaite réussite architecturale du centre Jean-Marie Tjibaou est de nature à attirer un tourisme culturel plus important.

La délégation de votre commission des Finances a été impressionnée par la beauté du site et l'admirable intégration des bâtiments à leur environnement : dans la mesure où des expositions suffisamment riches et variées seront régulièrement organisées, la fréquentation, très élevée pour les premiers semestres de fonctionnement, devrait se maintenir et s'internationaliser, au grand avantage du secteur touristique dans son ensemble.

3.- Vers la résolution du problème de la desserte aérienne

Les problèmes liés à la fréquence et à la régularité de la desserte aérienne internationale ont été en grande partie responsables de la chute de la fréquentation touristique en 1999. Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie cherche actuellement une solution à ces difficultés par l'intermédiaire de la société Air Calédonie International (Aircalin) dont elle est actionnaire majoritaire, détenant 83 % de son capital.

Le projet d'ouverture de lignes supplémentaires entre la Nouvelle-Calédonie et le Japon a été engagé en septembre 1998 : il comprenait l'acquisition d'un appareil long courrier. Une demande de défiscalisation a été présentée afin de compenser les sujétions économiques lourdes qui handicapent toute compagnie aérienne installée en Nouvelle-Calédonie : coûts de l'assistance et du carburant à Tontouta, de la maintenance, de certaines catégories de personnels spécialisés. Devant le refus de la défiscalisation décidé par la direction générale des impôts fin août 1999, un nouveau projet a été élaboré.

Il se place dans un contexte qui a connu une évolution favorable au second semestre 1999. La France a obtenu le supplément de droits aériens nécessaire pour opérer deux vols hebdomadaires entre Nouméa et Osaka, les créneaux horaires demandés par Aircalin, les samedi et lundi matin ayant été accordés. De plus, Air France a fait part de sa nouvelle stratégie de desserte de la Nouvelle-Calédonie, fondée sur un appareil de 250 sièges, un Airbus 340, basé à Nouméa à compter de novembre 2000, permettant d'effectuer cinq vols hebdomadaires Nouméa-Tokyo. Elle a parallèlement proposé à Aircalin un accord de coopération commerciale qui rendra plus facile son entrée sur le marché japonais.

Dans ces conditions, Aircalin doit trouver une solution provisoire afin d'exploiter sans attendre les droits de trafic sur Osaka. Il ne devrait s'agir que d'une solution transitoire avant une nouvelle demande d'agrément « loi Pons » pour l'acquisition d'appareils défiscalisés (l'actuel Boeing 737 doit pour sa part être renouvelé) : c'est la raison pour laquelle il a été choisi de louer à la compagnie Swissair un Airbus 340-325 de 201 sièges.

Cette solution semble satisfaisante dans la mesure où elle permet l'augmentation du nombre de vols vers le Japon grâce à une desserte fréquente de Tokyo par Air France et l'ouverture de deux liaisons hebdomadaires avec Osaka par Aircalin, à des créneaux commodes pour les touristes japonais. L'avion est arrivé en Nouvelle-Calédonie fin mars et a effectué son vol inaugural le 30 mars 2000.

Néanmoins, vos Rapporteurs voudraient être sûrs que la réduction de la taille de l'avion assurant la liaison Nouméa-Tokyo par Air France ne constitue pas un premier pas vers le désengagement de la compagnie nationale sur cette desserte. Il leur semble en effet contraire au principe de continuité territoriale qu'aucun vol direct ne relie plus la capitale française à Nouméa : il est du devoir de la compagnie nationale, chargée de missions de service public, d'assurer cette liaison. La presse calédonienne annonçait pourtant, le 15 avril 2000, qu'Air France « confirmait qu'elle envisageait de quitter Nouméa », et de transférer la ligne Nouméa-Tokyo à Aircalin.

II.- VERS UN DÉVELOPPEMENT LOCAL

L'espoir suscité par les grands projets dont nous venons de parler ne se limite pas à la perspective d'un accroissement de la création de richesses, mais aussi à celle d'un dynamisme source de créations d'emplois.

Il ne s'agit plus, comme jadis, d'attirer des industries qui importeraient leur main d'_uvre, leurs matières premières et leur source d'énergie, mais de favoriser l'implantation de productions qui feront appel aux richesses locales tant humaines que naturelles, permettront le développement d'autres activités et assureront l'amélioration de la situation des populations.

En effet, les habitants de la brousse et des Îles ont des besoins dont la réponse n'appartient pas à la puissance publique mais à l'initiative privée locale, qu'il faut seulement encourager et accompagner. Pour compléter de grands projets ou en dépit de leur absence, c'est l'initiative individuelle qui peut permettre le développement local.

A.- LES GRANDS PROJETS COMME SOURCE DE DÉVELOPPEMENT D'AUTRES ACTIVITÉS AU NIVEAU LOCAL

Tous les grands projets actuellement à l'étude mettent l'accent sur les richesses qu'ils vont créer, mais aussi les emplois auxquels ils vont donner le jour en partie au moins au profit des habitants de la région. Leur implantation passe aussi souvent par l'obtention de l'autorisation des autorités coutumières.

Les deux futures usines métallurgiques, si elles sont effectivement construites, fonctionneront grâce à un personnel en grande partie, voire majoritairement, d'origine mélanésienne. Même si aucun quota de personnel mélanésien n'est prévu, l'embauche de Kanak sera favorisée très en amont par un effort de formation des hommes, différent selon le niveau scolaire de base de chacun. La création d'activités nouvelles est susceptible de pousser les jeunes diplômés issus des régions voisines des usines à ne pas rester en ville, comme ils sont souvent tentés de le faire, mais à rejoindre leur village d'origine pour assurer l'encadrement des usines.

L'implantation de ces usines ne devrait donc pas entraîner l'arrivée massive de travailleurs extérieurs à l'archipel, mais plutôt drainer des personnes à la recherche d'un emploi salarié, qu'elles soient déjà formées ou non.

De plus, l'usine métallurgique sera source d'activités induites, en particulièr pour produire l'énergie nécessaire et assurer l'exportation de sa production. Ce sont donc des emplois très variés qui seront créés.

Ils le seront d'autant plus que, au moins pour l'usine du Nord, la zone de Goro n'étant pas très hospitalière, l'arrivée des salariés se traduira par des besoins nouveaux : logements, commerces, services, écoles, productions alimentaires..., qui stimuleront l'ensemble des activités locales.

Le souci nouveau relatif à la protection de l'environnement est aussi lié à une meilleure prise en compte des préoccupations des populations locales. Alors que l'exploitation des gisements, telle qu'elle est menée aujourd'hui, détruit les paysages en étêtant les montagnes, les nouveaux entrepreneurs miniers prennent en compte le respect de l'environnement. A Goro, il est prévu de remettre en place la terre, après extraction du minerai, et d'y replanter la faune de la région.

La création d'hôtels, de mieux en mieux intégrés dans les sites, assure aussi des emplois aux jeunes Kanak, qui sont formés spécialement par l'Établissement territorial de formation professionnelle des adultes ou directement dans les hôtels. Vos Rapporteurs ont eu l'occasion de constater le succès de cette stratégie lors de leur passage à Lifou : le service hôtelier est de qualité et l'embauche de jeunes est allée de pair avec l'acceptation de l'hôtel par les autorités coutumières.

La participation au développement local a emprunté une voie particulièrement intéressante à l'Île des Pins, à l'occasion de la construction d'un hôtel. Celle-ci a en effet été l'occasion d'une véritable association entre des professionnels de l'hôtellerie et les coutumiers locaux. A la suite de longues négociations, une société a été créée, détenue pour les deux tiers par la tribu à laquelle appartient le site et pour le dernier tiers par la Société des hôtels de Nouméa (SHN), déjà propriétaire de l'hôtel Méridien de Nouméa. La SHN est chargée de l'exploitation et a assuré la formation du personnel : de jeunes Mélanésiens habitant l'Île ont été embauchés, formés six mois en école hôtelière avant d'effectuer un stage de trois mois à Nouméa. Ils travaillent aujourd'hui à l'hôtel de l'Île des Pins, et donnent satisfaction. Le personnel de l'hôtel représente déjà 10 % de la population active de l'Île, tandis que les agriculteurs locaux assurent une partie de son approvisionnement.

Un tel partenariat apparaît très positif et démontre clairement que les autorités coutumières ne sont pas fondamentalement opposées à la mise en valeur de leurs terres par des voies capitalistes, si elles sont consultées et associées à la réalisation des projets.

B.- DES BESOINS INSATISFAITS

Si l'essentiel des infrastructures publiques est désormais en place, les conditions de vie dans les tribus restent néanmoins beaucoup plus difficiles qu'elles ne le sont en ville : l'eau courante, l'électricité, le téléphone, désormais présents dans la quasi-totalité des tribus, sont à l'origine d'un grand nombre d'autres besoins qui ne sont pas satisfaits.

Les tribus manquent d'artisans, qu'ils soient électriciens, plombiers, maçons ou cantonniers. Personne n'est capable d'entretenir les équipements sur place, ce qui rend indispensable le recours à des personnels extérieurs et plus difficile la maintenance.

Mme Marie-Claude Tjibaou a souligné l'étendue de ces besoins et le grand volume des emplois qui pourraient être créés pour les satisfaire, tout en permettant à la population de continuer à vivre en tribu. Elle estime que toute création d'entreprise est plus longue et difficile en brousse et qu'il faut d'autant plus pousser et soutenir les créateurs d'activité qu'ils se laissent facilement décourager par les difficultés, faute d'expérience. Il lui semble que les femmes ont en particulier un rôle essentiel à jouer et des compétences à valoriser dans le domaine de la couture ou de la transformation artisanale de produits agricoles. Il lui semble en effet que ni la vie en tribu, ni le respect de la coutume ne sont incompatibles avec le développement d'activités économiques viables. Il est reproché aux Mélanésiens de faire passer leurs traditions avant leur travail salarié et d'être de mauvais gestionnaires, poussés à des dépenses excessives par la vie communautaire et le partage des biens. Mme Marie-Claude Tjibaou, qui elle-même s'occupe d'un gîte rural dans le nord de la Grande Terre, estime que les Kanak sont capables de faire la différence entre règles de gestion et traditions coutumières et que les salariés peuvent participer aux fêtes coutumières pendant leurs congés légaux, sans avoir à quitter leur emploi de manière inopinée.

Ces remarques sont de bon sens, mais il n'en demeure pas moins que les Mélanésiens qui vivent en tribu et ont un travail salarié sont parfois marginalisés, et que les entrepreneurs qui réussissent sont appelés à faire profiter les membres de leur tribu de leur succès financier. Il ne s'agit certainement pas d'émettre un jugement de valeur sur des pratiques qui protègent chacun contre tous les aléas de la vie, mais de constater que beaucoup de Kanak qui exercent de telles activités préfèrent quitter leur tribu et s'installer en ville.

C.- UN DÉBUT DE PRISE EN COMPTE DE CES BESOINS

Le manque de personnel formé pour répondre aux réels besoins existant en tribu ne peut être comblé que par un travail de formation, à la fois technique et de gestion, pour les futurs créateurs d'entreprise. Mais ce travail doit aussi tenir compte de la spécificité de la vie en tribu, et en particulier du poids de la coutume.

Ainsi, la chambre des métiers de Nouvelle-Calédonie, qui a formé, en 1999, près de 480 apprentis avec un succès aux examens de 85 %, ne se contente pas de cette formation « classique » assurée dans son centre de formation de Nouméa. Consciente des besoins spécifiques à la brousse, elle mène une action de terrain prometteuse.

En 1998, sur près de 300 nouveaux contrats d'apprentissage signés, seuls 25 jeunes venaient de la province des Îles et 26 de la province Nord. Cette situation est liée à la fois au coût du transport jusqu'à Nouméa et à la dispersion de l'habitat, qui empêche l'implantation d'un autre centre de formation dans un lieu plus facile d'accès pour une majorité d'apprentis potentiels. L'éloignement géographique est donc source de difficultés même si les stages en entreprise sont souvent organisés près du domicile de l'apprenti. Aussi, la chambre des métiers a mis en place un « bus » de l'apprentissage qui a visité vingt communes de l'Intérieur et des Îles afin de familiariser les jeunes, leur famille et les artisans avec la formation des apprentis.

Cette idée consistant à aller vers les populations s'est aussi traduite par des actions menées en brousse par les antennes de la chambre des métiers de la province Nord (Koné, Koumac, Poindimié) et du Sud (Bourail). Elles sont rassemblées sous le titre de « plan de développement en milieu kanak » et ont pour objectif le développement d'activités artisanales et agricoles. Il s'agit d'assurer une formation sur place, des stages de gestion et un soutien durable au créateur d'entreprise, mais aussi de faire émerger des idées de création d'activités au sein des tribus afin qu'elles soient mieux acceptées, et soutenues, par les autorités coutumières. Le succès de cette initiative se lit dans le changement du regard que les chefs coutumiers lui portent. Loin d'être tous méfiants, ils poussent les habitants des tribus à trouver des idées et à les mettre en _uvre.

Le président de la chambre de commerce a donné à vos Rapporteurs l'exemple d'une formation intertribu réalisée à Ouvéa, île souvent réticente face aux initiatives venues de Grande Terre : une formation à l'hygiène et à la cuisine a permis l'ouverture sur l'île d'un gîte offrant hébergement et service de restauration.

De la même manière, les stages en faveur des femmes se multiplient. Ils visent à développer l'intérêt économique de leurs activités. Les productions réalisées sont vendues à l'occasion de kermesses et d'expositions, constituant pour les femmes un apport financier et la prise de conscience de leur capacité à valoriser leur savoir-faire. Cela leur permet aussi d'entretenir des relations extérieures à la tribu tout en ayant l'approbation des coutumiers qui perçoivent de manière positive des initiatives en faveur du développement économique et du maintien de la population sur place.

Dans la mesure où de nombreuses productions artisanales sont susceptibles d'intéresser les touristes, la chambre de commerce s'efforce d'encourager la production locale de sculptures et de vanneries en organisant des foires et des expositions artisanales où les objets peuvent être vendus. Elle préconise aussi que la province Nord se dote d'une camionnette qui assurerait le ramassage des objets fabriqués dans les tribus et leur transport à Nouméa, où elle mettrait une boutique à la disposition des artisans.

Hienghene, le village natal de Jean-Marie Tjibaou, fournit un exemple intéressant de développement local. Situé à 250 kilomètres de Nouméa, « le bout du monde » reconnaît Mme Tjibaou, il a néanmoins choisi de développer le tourisme. Un hôtel y est installé depuis plusieurs années, lequel est, de plus en plus, relayé par des initiatives locales : un centre culturel, un tout nouvel office du tourisme, un gîte, créé il y a dix-huit mois sur l'initiative de Mme Tjibaou, et bientôt une base de plaisance. Cinq tribus travaillent ensemble dans ce sens, et le taux de remplissage du gîte, de 70 %, montre que l'entreprise est un succès.

Si de telles initiatives peuvent sembler ponctuelles et de faible portée, elles sont à la mesure de la population de la brousse et de son niveau de formation, adaptées aux besoins et bien perçues par les autorités coutumières. Elles ont l'avantage de se dérouler dans le milieu de vie des Mélanésiens, ce qui ne favorise pas l'exode vers la ville et facilite l'accès des femmes à la formation. Le même type d'actions pourrait être conduit par la chambre d'agriculture en matière d'élevage de volailles de qualité par exemple.

III.- UNE MEILLEURE INSERTION DANS L'ESPACE PACIFIQUE

Si la Nouvelle-Calédonie est distante de plus de 22.000 kilomètres de la métropole, elle n'en est pas pour autant isolée. Beaucoup moins seule que la Polynésie au milieu de l'océan Pacifique, elle a des voisins, avec lesquels elle entretient, de plus en plus, des relations politiques et économiques.

A.- L'ACCORD DE NOUMÉA : UN FACTEUR POLITIQUE TRÈS POSITIF

1.- Le soutien des pays voisins et de l'organisation régionale à la mise en place des nouvelles institutions

Le processus de négociation qui a abouti à l'accord de Nouméa et la mise en place des nouvelles institutions ont été suivis avec attention puis soutenus par l'ensemble des pays de la région, et plus particulièrement par l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que par les instances politiques internationale - l'ONU - et régionale - le Forum du Pacifique Sud -.

Ainsi, en août 1999, deux missions sont venues sur le territoire pour s'informer du contexte politique et faire le point sur les évolutions institutionnelles issues de l'accord de Nouméa. La France s'étant engagée à informer l'Organisation des nations unies de l'évolution de la situation, la mission d'observation de l'ONU qui s'est rendue à Nouméa a conclu que la Nouvelle-Calédonie satisfaisait pleinement aux attentes de l'ONU sur la décolonisation et que, dans ces conditions, les Nations Unies avaliseraient la décision d'autodétermination qui serait prise par les Calédoniens dans vingt ans, au terme du processus de l'accord de Nouméa.

Parallèlement, la mission du Forum du Pacifique Sud, ayant constaté la réalité de la volonté de mise en _uvre de l'accord, estime que la Nouvelle-Calédonie est en mesure d'accéder à un poste d'observateur auprès du Forum.

2.- Des avancées concrètes

La Nouvelle-Calédonie a obtenu le statut d'observateur au sein du Forum du Pacifique Sud le 6 octobre 1999 : elle donne ainsi les preuves de son cheminement vers l'émancipation, intègre la famille des nations du Pacifique à un niveau politique, dispose désormais d'une assise internationale et est en mesure de participer dans ce cadre aux grandes orientations politiques régionales. Elle reçoit par là même la reconnaissance officielle des pays océaniens.

Par ailleurs, lors du 13ème sommet des pays mélanésiens du Fer de Lance, à Porta Vila, au Vanuatu, qui réunit la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Îles Salomon, le Vanuatu, les Îles Fidji, en vue d'assurer le développement de la coopération économique, politique et culturelle des États membres, le groupe a exprimé son souhait de voir la Nouvelle-Calédonie obtenir le statut de membre, si son gouvernement en effectuait la demande. Enfin, par la décision de la tenue à Nouméa du prochain sommet du groupe du Fer de Lance, en 2001, la Nouvelle-Calédonie se voit reconnaître la possibilité de signer des accords commerciaux dans le cadre de cette zone de libre échange.

Le rôle international de la Nouvelle-Calédonie a aussi été révélé par plusieurs visites importantes, destinées à concrétiser l'excellent niveau de relation que l'archipel entretient avec les pays de la zone. En août 1999, la visite du gouverneur général de la Nouvelle-Zélande, Sir Hardie Boys, confirme le réchauffement spectaculaire des relations entre la France et la Nouvelle-Zélande et la reconnaissance de la Nouvelle-Calédonie comme une puissance pacifique. La visite à Nouméa de l'ambassadeur de la Nouvelle-Zélande à Paris, au printemps 2000, en est un signe supplémentaire. En novembre, la venue sur le Territoire du ministre australien des Affaires étrangères, Alexandre Downer, va dans le même sens. Il a en effet plaidé en faveur d'une plus grande insertion de la Nouvelle-Calédonie dans la région du Pacifique, qui se concrétise par le soutien australien à la mise en _uvre des accords de Nouméa et passe par des actions de partenariat au niveau commercial, économique et culturel. Enfin, à la mi-mai 2000, c'est M. Serge Vohor, ministre des Affaires étrangères du Vanuatu qui s'est rendu en Nouvelle-Calédonie.

B.- DES ÉCHANGES RÉGIONAUX INTENSES

L'espace Pacifique occupe une place essentielle dans les activités économiques de la Nouvelle-Calédonie : Japon, Australie, Polynésie, Nouvelle-Zélande, Asie du Sud-Est en sont des partenaires commerciaux importants.

Des lignes régulières de cargos assurent la desserte de la Nouvelle-Calédonie, selon une fréquence variable en fonction des compagnies et des destinations. Pour ce qui concerne la zone Pacifique, la desserte maritime est assurée tous les quinze jours vers l'Asie du Sud-Est, le Japon et la Nouvelle-Zélande, tous les seize jours vers l'Australie et tous les dix-huit jours vers Wallis-et-Futuna. Ces fréquences témoignent d'échanges importants.

C'est ce qu'illustrent les tableaux suivants qui montrent quels sont les principaux partenaires commerciaux de la Nouvelle-Calédonie. La métropole est, de loin, le premier fournisseur en valeur ; mais, en 1998, le premier pays client est le Japon, qui devance la métropole de peu. L'Australie et la Nouvelle-Zélande sont respectivement les troisième et quatrième fournisseurs de l'archipel, devant le Japon et les Etats-Unis, tandis que Corée du Sud et Australie sont les troisième et quatrième pays vers lesquels il exporte.

L'insertion de la Nouvelle-Calédonie dans les échanges commerciaux de la zone Pacifique est donc déjà une réalité, même si la place de la lointaine métropole demeure prédominante pour les importations. Les échanges avec les autres membres de l'Union européenne enregistrent une tendance à la hausse, au détriment des pays riverains. Cette situation témoigne de la position intermédiaire de la Nouvelle-Calédonie, proche de l'Europe pour des raisons de peuplement et d'ordre politique, même si elle n'en est pas membre, et du monde Pacifique par sa position géographique et les modes de vie de ses populations, voisins, selon les communautés, de celui des Australiens d'origine européenne ou de celui des indigènes mélanésiens.

IMPORTATIONS EN VALEUR, PAR PAYS DE PROVENANCE

(en millions de francs Pacifique)

 

1994

1995

1996

1997

1998

Variations

1998/1997
(en %)

France métropolitaine

38.145

38.769

38.557

41.510

43.451

4,7

Autres pays de l'Union Européenne

13.352

12.116

13.796

14.027

15.395

9,8

États-Unis

3.986

3.654

4.289

5.183

3.945

- 23,9

Australie

10.340

11.074

12.264

13.005

11.843

- 8,9

Nouvelle-Zélande

4.948

5.109

6.147

5.128

5.079

- 1

Japon

4.192

3.751

4.270

4.192

4.610

10

Autres pays

12.944

12.421

13.764

15.516

15.208

- 2

Total

87.307

86.894

93.087

98.561

99.531

1

Variations annuelles (en %)

- 0,7

- 0,5

7,1

5,9

1

-

Source : Institut d'émission d'outre-mer, rapport annuel 1998.

EXPORTATIONS EN VALEUR, PAR PAYS OU TERRITOIRE DESTINATAIRE

(en millions de francs Pacifique)

 

1994

1995

1996

1997

1998

Variations

1998/1997
(en %)

Japon

9.800

13.629

12.848

14.716

10.355

- 29,6

France métropolitaine

10.029

14.546

13.921

15.638

9.146

- 41,5

Corée du Sud

2.743

3.154

3.564

4.230

3.558

- 15,9

Australie

3.053

3.397

3.754

3.675

3.322

- 9,6

Espagne

1.513

1.844

1.831

2.403

1.892

- 21,3

États-Unis

1.743

4.050

4.885

5.656

1.637

- 71,1

Wallis-et-Futuna

443

477

456

555

642

15,7

Allemagne

2.746

2.172

1.031

1.039

445

- 57,2

Polynésie française

170

241

91

345

380

10,1

Autres destinations

3.969

4.596

7.386

7.268

8.966

23,4

Total (1)

36.209

48.106

49.767

55.525

40.343

- 27,3

Variations annuelles (en %)

- 6,6

32,9

3,5

11,6

- 27,3

-

(1) Le total est différent de la ventilation par biens en raison de la prise en compte, pour le nickel, des seules statistiques douanières et non celles du Service des mines.

Source : Institut d'émission d'outre-mer, rapport annuel 1998.

Les échanges humains sont en revanche plus fréquents au sein de la zone Pacifique : Wallisiens, Polynésiens, Ni-Vanuatus immigrent en grand nombre en Nouvelle-Calédonie ; Japonais, Australiens, Néo-zélandais visitent volontiers l'archipel tandis que les Calédoniens aisés passent souvent quelques jours en Australie ou en Nouvelle-Zélande, ou envoient leurs enfants y étudier.

Dans la mesure où les principaux dirigeants des pays voisins voient avec satisfaction l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci a tout intérêt à resserrer les liens tant politiques, humains qu'économiques qui l'unissent à eux. C'est certainement dans cette zone de voisinage que la Nouvelle-Calédonie a le plus de chances de jouer un rôle à sa mesure.

C.- UNE INSERTION QUI PASSE PAR DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LES ÎLES DE WALLIS ET FUTUNA

Si la Nouvelle-Calédonie a un intérêt politique et économique à établir des relations de bon voisinage et d'amitié avec les États du Pacifique, elle ne doit pas pour autant négliger la qualité de ses rapports avec son plus proche voisin français, l'archipel de Wallis-et-Futuna.

1.- La situation désormais délicate des Wallisiens et Futuniens qui vivent en Nouvelle-Calédonie

En effet, alors que les deux îles ne comptent que 15.000 habitants sur leur sol, près de 20.000 personnes originaires de Wallis-et-Futuna vivent et travaillent en Nouvelle-Calédonie. Comme nous l'avons vu supra, elles représentent 9 % de la population de Nouvelle-Calédonie et connaissent un fort dynamisme démographique.

Arrivés à Nouméa à partir des années 1970, quittant leurs îles dont les potentialités économiques sont très limitées, les Wallisiens et les Futuniens constituent la main-d'_uvre nécessaire aux travaux de force les plus pénibles. Longtemps proches du RPCR, ils sont aujourd'hui partagés entre le Rassemblement et le FLNKS, dont l'une des formations, le Rassemblement démocratique océanien (RDO), leur est spécifiquement destinée. L'un des membres FLNKS du gouvernement calédonien est ainsi originaire de Wallis-et-Futuna.

Cette communauté étant de nationalité française, elle disposait, jusqu'à récemment, des mêmes droits que les Français nés ou résidents en Nouvelle-Calédonie. L'accord de Nouméa a profondément modifié cette situation.

En effet, l'article 4 de la loi organique institue une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie pour les personnes répondant aux conditions fixées à l'article 188 : il s'agit, globalement, d'une résidence continue en Nouvelle-Calédonie de dix ans au moins. Or, si environ 12.000 Wallisiens satisfont ses conditions, et sont donc citoyens de la Nouvelle-Calédonie, 8.000 autres ne peuvent bénéficier de la citoyenneté, tout comme ne le pourront pas les Wallisiens qui s'installeront dans l'avenir à Nouméa.

Cette situation pose problème dans la mesure où sont attachés à la citoyenneté calédonienne le droit de suffrage, mais aussi le droit au travail. La Nouvelle-Calédonie doit en effet, en liaison avec l'État, être en mesure d'« offrir des garanties particulières pour le droit à l'emploi de ses habitants », ce qui passe par une réglementation spécifique sur l'entrée des non-résidents, par la restriction du droit d'établissement pour les professions indépendantes à l'encontre des non-résidents ou encore par la mise en _uvre d'un accès privilégié à l'emploi dans le secteur privé ou dans la fonction publique locale(14) au bénéfice « des citoyens de la Nouvelle-Calédonie et des personnes qui justifient d'une durée suffisante de résidence ».

A l'heure actuelle, aucune disposition n'a encore été prise pour mettre en _uvre ces possibilités sur le marché du travail calédonien. Le problème n'en est pas moins réel pour les Wallisiens.

2.- La conclusion repoussée de l'accord tant attendu

C'est la raison pour laquelle, la loi organique comporte une article 225 ainsi rédigé : « Les relations de la Nouvelle-Calédonie avec le territoire des îles Wallis-et-Futuna seront précisées par un accord particulier conclu au plus tard le 31 mars 2000. Le Gouvernement de la République participera aux négociations et à la signature de cet accord. »

Depuis le mois de janvier 2000, les responsables wallisiens s'efforcent d'attirer l'attention des élus calédoniens sur l'urgence qu'il y a à régler le problème. Après la visite à Nouméa de chefs coutumiers en janvier, plusieurs visites de délégation se sont succédées en mars, alors que les Calédoniens ne témoignaient aucune impatience à conclure un accord dans le délai fixé par la loi organique.

Les Wallisiens et Futuniens ont trois objectifs : la libre circulation entre les deux archipels, l'accès à l'emploi et l'augmentation de la contribution de l'État au développement de leurs îles. Du point de vue des Calédoniens, plutôt unis sur ces questions, comme l'a dit M. Roch Wamytan aux coutumiers, « la Nouvelle-Calédonie ne peut plus être le déversoir de Wallis-et-Futuna ». La liberté de circulation ne semble pas menacée, mais la question de l'emploi est beaucoup plus délicate. L'idéal serait de parvenir à fixer la population à Wallis-et-Futuna : une aide accrue de l'État peut y contribuer, mais les faibles potentialités de développement économique de cet archipel laissent peu d'espoir.

A la fin du mois de mars, les élus et coutumiers de Wallis-et-Futuna ont proposé un accord cadre qui demandait l'engagement de l'État afin de stimuler le développement de l'archipel et de rendre les services publics des deux îles progressivement indépendants de ceux de la Nouvelle-Calédonie et prévoyait l'accès à l'emploi local des Wallisiens et Futuniens nouveaux venus en Nouvelle-Calédonie. Cet accord n'a pas été signé, mais une déclaration tripartite a été conclue le 5 avril 2000, laquelle affirme la volonté commune d'aboutir à la rédaction d'un accord particulier.

Rien n'est donc réglé sur un point très sensible pour les Wallisiens et Futuniens, mais de second plan pour les Calédoniens qui ont trop de mal à s'accorder au plan local sur des dossiers aussi sensibles que l'accès à l'emploi, pour traiter rapidement le problème wallisien. Conclure sans tarder cet accord serait conforme à l'esprit de la loi organique, mais aussi, certainement, une occasion, pour les élus calédoniens, d'apparaître unis vis-à-vis de l'extérieur, voire de se montrer ouverts aux attentes d'une population très présente sur leur territoire et qui partage, sinon leur citoyenneté, du moins leur nationalité française.

CHAPITRE IV

LES DÉFIS À RELEVER

La Nouvelle-Calédonie doit aujourd'hui saisir la possibilité qui s'offre à elle de devenir un pays largement autonome, attractif pour les investissements étrangers grâce à ses richesses naturelles et humaines et développé harmonieusement du point de vue géographique et social.

Mais pour y parvenir, elle a encore du chemin à parcourir : elle ne sera pas autonome si elle ne dispose pas de ressources propres qui lui permettent d'être moins dépendante financièrement de la métropole ; elle doit acquérir une maturité politique, ce qui passe par la résolution des problèmes institutionnels actuels, et mettre en place les conditions d'un dialogue social qui sera garant de la stabilité dont les investisseurs potentiels ont besoin.

I.- SE DONNER DES RESSOURCES PROPRES

Aujourd'hui encore, le système calédonien reste en partie marqué par un passé colonial : la population est en position d'assistée face à une métropole à laquelle il est fait appel dès que des difficultés apparaissent. Ce qui vaut en matière de fonctionnement institutionnel est encore plus vrai en matière financière. La métropole transfère vers l'ancien territoire d'outre-mer, pourtant devenu pays à compétences partagés, des sommes toujours croissantes, alors que la fiscalité dans l'archipel demeure légère et archaïque.

A.- LA PRÉPONDÉRANCE DES TRANSFERTS PUBLICS

La Nouvelle-Calédonie recevra, en 2000, 5,26 milliards de francs français (en dépenses ordinaires et crédits de paiement)(15) du budget national. Le tableau suivant présente le détail des dotations, par ministère.

TRANSFERTS PUBLICS VERS LA NOUVELLE-CALÉDONIE POUR 2000, PAR MINISTÈRE

 

Ministère concerné

Montant (1)
(en francs français)

Affaires étrangères

10.805

Agriculture et pêche

54.944

Aménagement du territoire et environnement

I. Aménagement du territoire
II. Environnement

 

Anciens combattants

37.260

Charges communes

521.886

Culture et communication

18.743

Économies, finances et industrie

118.722

Éducation nationale, recherche et technologie

I. Enseignement scolaire
II. Enseignement supérieur
III. Recherche et technologie


2.000.996
52.855
92.856

Emploi et solidarité

I. Emploi
II. Santé et solidarité
III. Ville


11.724
14.330
8.471

Équipement, transport et logement

9.613

Tourisme

 

Aviation civile

99.423

Intérieur et décentralisation

449.623

Jeunesse et sports

22.570

Justice

54.998

Outre-mer

906.680

Défense

777.054

Total

5.263.553

 

(1) En dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Source : État récapitulatif de l'effort budgétaire et financier consacré aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, joint au projet de loi de finances pour 2000.

C'est le ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et la Technologie qui est le premier contributeur avec près de 2,15 milliards de francs français, qui comprennent notamment les traitements des fonctionnaires de l'enseignement, lesquels sont fortement majorés par rapport à ceux de la métropole. Le secrétariat d'État à l'Outre-mer consacre 906,7 millions de francs à la Nouvelle-Calédonie pour le financement d'une série d'actions très variées, qui complètent en partie celles financées par les différents ministères (actions sociales, servie militaire adapté...). Les 777 millions de francs versés par le ministère de la Défense recouvrent notamment les rémunérations des gendarmes.

Les transferts publics en provenance de la métropole sont donc massifs, et ils sont d'autant plus considérables que les ressources fiscales de la Nouvelle-Calédonie sont maigres : les transferts depuis la métropole équivalent à plus de 95,5 milliards de francs Pacifique (5,26 milliards de francs français), quand l'ensemble des impôts directs et indirects et des contributions directes perçus par la Nouvelle-Calédonie (la fiscalité locale étant négligeable, voir infra) s'élève à 61 milliards de francs Pacifique (3,35 milliards de francs français) dans le budget 2000 de la Nouvelle-Calédonie. Les transferts en provenance de la métropole sont donc supérieurs d'un tiers aux ressources propres du Territoire.

B.- DES RESSOURCES PROPRES ARCHAÏQUES ET LIMITÉES

La Constitution reconnaît aux territoires d'outre-mer une spécificité dans l'organisation des pouvoirs publics et dans la fixation des règles de droit, notamment à travers l'autonomie fiscale. La fiscalité en Nouvelle-Calédonie repose donc sur des textes réglementaires votés par le congrès. Le système fiscal calédonien, en partie hérité de la métropole, se singularise par une fiscalité directe relativement récente et par une pression fiscale « douce » par rapport à la métropole.

1.- Des impôts nombreux, mais archaïques

Les impôts et taxes sont relativement nombreux en Nouvelle-Calédonie et certains portent le nom d'impôts qui existent en métropole : ils n'en sont pas pour autant une copie conforme.

PART DES PRINCIPAUX IMPÔTS DANS LES RECETTES FISCALES DE 1996

 

Rendement
(en droits constatés)

(en francs Pacifique)

Part du total des recettes fiscales brutes
(en %)

Taxe générale à l'importation

14.046.772.000

25,29

Impôt sur le revenu

6.331.195.000

11,39

Impôt sur les sociétés (à 30 % et 35 %)

6.430.287.000

11,57

Taxe générale sur les prestations de services

1.406.179.000

2,53

Droits d'enregistrement

2.047.933.000

3,68

Patente

1.381.699.000

2,48

Taxe sur les spectacles

1.123.787.000

2,02

Impôt sur le revenu des valeurs mobilières

1.078.318.000

1,94

Impôt sur le revenu des créances, dépôts et cautionnements

687.711.000

1,23

Contribution foncière

630.598.000

1,13

Taxe sur les opérations financières

561.716.000

1,01

Contribution exceptionnelle de solidarité

570.442.000

1,02

Produits sur vignettes

603.911.000

1,08

Source : direction territoriale des services fiscaux.

a) Un système fiscal en retard sur l'évolution métropolitaine

La fiscalité est en effet inspirée de celle de la métropole, mais du système appliqué il y a plusieurs dizaines d'années. Cela est évident, en particulier au niveau des droits d'enregistrement ou encore du mode de détermination du bénéfice des sociétés commerciales et des entreprises individuelles relevant d'un régime réel d'imposition (principes de déductibilité des charges, provisions, amortissements...). A cet égard, l'évolution métropolitaine n'a pas toujours été suivie : la fraude fiscale, délit en métropole depuis 1920, ne l'est toujours pas dans l'archipel ; la réforme hypothécaire de 1955 n'est pas appliquée.

Ce n'est qu'en 1982 que la Nouvelle-Calédonie a instauré l'impôt global sur le revenu, modelé sur le régime existant en métropole (progressivité, détermination de la base imposable par catégories, quotient familial...) sans toutefois le copier strictement et sans suivre les adaptations récentes (certaines déductions, introduction des réductions d'impôt...). A l'heure actuelle, cet impôt n'est plus général.

La taxe sur la valeur ajoutée, qui représente environ 40 % des recettes totales du budget général français, n'a pas été introduite sur le territoire. En décembre 1993, le congrès avait adopté un texte instituant une taxe nouvelle sur la dépense intitulée « taxe générale sur les prestations de services » : il s'agissait d'un impôt temporaire qui a été en vigueur de février 1994 à janvier 1996. Par certains côtés, il constituait une ébauche de taxe sur la valeur ajoutée telle qu'elle existe en métropole.

Malgré des contestations, cette tentative vient d'être renouvelée : le 1er mars 2000, est entrée en vigueur la « taxe générale sur les services » (TGS), fixée au taux de 4 % mais dont un nombre non négligeable de services sont exonérés (transport, enseignement, locations immobilières à usage agricole ou d'habitation, essentiel du secteur minier...). Elle doit accroître les ressources fiscales de 3 milliards de francs Pacifique (165 millions de francs français) par an.

La plus grande partie des ressources n'en continue pas moins de provenir de la taxe générale à l'importation (TGI), qui s'applique à tous les produits entrant sur le territoire calédonien, qu'ils proviennent de métropole ou de l'étranger.

b) Une fiscalité locale infra-territoriale fondée sur les seuls centimes additionnels

Les communes et les provinces bénéficient des seuls centimes additionnels : il n'existe aucun impôt local à proprement parler en Nouvelle-Calédonie, les « quatre vieilles » (taxe d'habitation, taxe sur le foncier bâti, taxe sur le foncier non bâti et taxe professionnelle) n'y ont jamais été introduites.

Les communes peuvent voter le taux des centimes additionnels, dans le respect d'un maximum de 30 centimes, sur la patente, les droits de licence et la contribution foncière et peuvent seulement voter les centimes, sans en modifier le taux, pour l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières et les droits d'enregistrement.

Les provinces bénéficient aussi de centimes depuis 1990 : elles peuvent les voter, toujours dans la limite fixée par le code territorial des impôts, sur tous les impôts, droits et taxes territoriaux, à l'exclusion de l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu et les droits et taxes à l'importation.

La province Nord n'a voté des centimes additionnels que sur la contribution téléphonique, la province des Îles en a ajouté sur la contribution des patentes et les droits de licence tandis que la province Sud en a aussi sur deux autres impôts, la contribution foncière et les droits d'enregistrement. Le vote de centimes sur telle ou telle contribution dépend évidemment de l'existence d'une assiette correspondante de taille suffisante et de la capacité contributive des administrés.

Les collectivités locales infra-territoriales sont ainsi quasiment privées de ressources fiscales, l'essentiel de leurs ressources provenant des dotations versées jusqu'ici par le Territoire qui redistribuait les impôts perçus. Leur autonomie d'action ne peut que s'en trouver limitée, tandis qu'elles ne peuvent attirer les activités économiques par une fiscalité plus attractive que celle de la collectivité voisine.

2.- Une faible pression fiscale

Les tableaux suivants donnent une bonne idée de la pression fiscale et des taux de prélèvements obligatoires en Nouvelle-Calédonie, comparés avec la Polynésie française et la métropole.

PRESSION FISCALE INTERNE SUR PRODUIT INTÉRIEUR BRUT

(en %)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

Nouvelle-Calédonie

7,70

9,40

11,80

8,10

8,10

8,00

8,90

Polynésie française

7,90

7,40

8,30

9,30

8,00

8,20

(nd)

Métropole

19,50

19,40

19,50

19,50

18,90

18,20

17,80

Source : direction territoriale des services fiscaux de Nouvelle-Calédonie, Les principales caractéristiques du système fiscal calédonien (fiscalité interne), mars 1998.

Il apparaît clairement que la pression fiscale en Nouvelle-Calédonie est comparable à celle de Polynésie française, mais très nettement inférieure à la pression fiscale métropolitaine.

Les taux de prélèvements obligatoires, incluant les cotisations sociales, donnent une idée plus précise des charges qui déterminent les revenus disponibles :

 

TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

(en %)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Nouvelle-Calédonie

23,50

25,70

29,40

25,80

25,70

26,20

26,60

(nd)

Polynésie française

20,40

20,80

22,40

23,00

22,70

23,10

(nd)

(nd)

Métropole

43,80

43,70

43,70

43,90

43,60

43,90

44,20

44,50

Source : : direction territoriale des services fiscaux de Nouvelle-Calédonie, Les principales caractéristiques du système fiscal calédonien (fiscalité interne), mars 1998.

 

On constate une certaine stabilité du taux de prélèvements obligatoires en Nouvelle-Calédonie, malgré quelques pics, notamment en 1990, dus principalement aux rentrées liées à l'impôt direct du secteur métallurgique et minier.

En comparaison avec la métropole, le taux de prélèvement obligatoire est faible, puisqu'il s'établissait en 1994 à 26,6 %, contre 44,2 % en France. Des calculs plus récents mettraient certainement en évidence un différentiel encore plus favorable à la Nouvelle-Calédonie.

Ce différentiel provient aussi bien de la pression fiscale que de celle des cotisations sociales. Il faut cependant noter qu'à la différence de la métropole, il n'existe pas de régime généralisé de sécurité sociale.

Finalement, la pression fiscale calédonienne est très modérée. Mais il faut tenir compte de sa position géographique, de ses ressources et de ses structures économiques et sociales. Vouloir atteindre le niveau de pression fiscale de certains pays n'est pas forcément souhaitable ; il n'en demeure pas moins que la Nouvelle-Calédonie conserve une importante « marge de man_uvre » pour accroître et diversifier ses recettes fiscales de façon globale.

C.- LA NÉCESSITÉ D'UNE MODERNISATION DE LA FISCALITÉ

Il est en effet apparu certain à vos Rapporteurs que la Nouvelle-Calédonie doit se doter d'un système fiscal plus moderne lui assurant des ressources régulières d'un niveau suffisant.

Parfaitement conscients du fait que la politique fiscale est de la seule compétence de la Nouvelle-Calédonie, et loin de vouloir « donner des leçons » aux élus sur ce qu'il convient de faire, vos Rapporteurs souhaitent seulement présenter ici les éléments qui leur semblent devoir être pris en compte dans le cadre d'une réflexion sur la modernisation de la fiscalité calédonienne.

1.- Une indispensable refonte de la fiscalité minière

Il existe en Nouvelle-Calédonie une fiscalité minière spécifique qui apparaît très complexe, alors qu'elle n'est que d'un rendement faible.

a) Une fiscalité minière complexe mais de faible rendement

Outre les impôts et taxes applicables à toute entreprise (patente, taxes foncières, impôt sur les revenus des valeurs mobilières, impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux), les activités minières et métallurgiques, qui sont exonérées de taxe générale à l'importation, sont soumises à un régime spécifique qui comprend notamment :

- des droits sur les demandes d'autorisations personnelles minières et de titres miniers ;

- des redevances superficiaires annuelles, liées aux surfaces exploitées ou gelées ;

- une taxe de subvention industrielle, liée au roulage sur des routes classées ;

- une possibilité de carry-back des déficits ;

- une provision pour renouvellement de gisement ;

- un crédit d'impôt formation ;

- un versement volontaire, ou non, à des fonds de réhabilitation de sites miniers ;

- une possibilité de stabilisation fiscale liée à un programme d'investissements.

Dans les années 1960, la mine et la métallurgie représentaient plus de 20 % des recettes budgétaires du territoires et ont même atteint 26,5 % en 1968. Depuis, la situation s'est fortement dégradée. Si l'on excepte la période 1988/1989, au cours de laquelle les prix du nickel se sont mis à flamber, ce qui a permis au territoire de percevoir plus de 10 milliards de francs Pacifique (550 millions de francs français) d'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, les recettes budgétaires dues à la mine deviennent insignifiantes au regard des recettes globales.

De plus, le Territoire a bénéficié, entre 1975 et 1994, d'une caisse de stabilisation des recettes fiscales. A travers elle, l'État lui garantissait un revenu fondé sur des exportations théoriques de minerai et de produits de fusion ; il calculait, sur des tonnages de base et sur les cours du nickel de l'année, les recettes fiscales qu'aurait du percevoir le Territoire. Ce système de garantie a été très utile au Territoire, la production de la SLN ayant fortement chuté dans la deuxième moitié des années 1970 : il a ainsi reçu près de 40 milliards de francs Pacifique (2,2 milliards de francs français) entre 1975 et 1994. Une année bénéficiaire lui a permis de rembourser une partie de la somme perçue, mais il lui reste une dette de 35 milliards de francs Pacifique (1,92 milliard de francs français) auprès de l'État français.

La nécessité de ce mécanisme pour lisser en partie les conséquences sur les entrées fiscales des fluctuations enregistrées sur le marché du nickel montre bien les limites et le caractère non approprié des formes d'imposition qui existent.

b) Un régime fiscal à adapter aux projets métallurgiques

Alors que des projets d'usines métallurgiques semblent en bonne voie de réalisation (voir supra), il apparaît opportun de mettre en place une nouvelle fiscalité qui soit moins sensible aux irrégularités du marché du nickel et qui permette à la Nouvelle-Calédonie de tirer rapidement des ressources fiscales des nouveaux établissements.

La récente mise en place de la taxe générale sur les services touche peu le secteur minier et métallurgique dans la mesure où une série d'exemptions a été prévue pour en limiter l'impact, notamment dans les domaines du transport de minerai, des travaux de recherche et développement métallurgiques, des travaux de tâcheronnage, des travaux de sécurité ou de protection de l'environnement, des travaux de réhabilitation.

L'instauration d'un nouveau régime fiscal ne peut être que prudente, car il ne faut ni décourager les investisseurs, ni accorder un traitement préférentiel aux uns par rapport aux autres. Ainsi, la SLN bénéficie depuis 1954 d'une mesure de stabilisation fiscale pour 50 ans : les autres métallurgistes, dont Inco, recherchent une mesure analogue pour leurs projets.

La réforme globale du dispositif fiscal sur les activités minières et métallurgiques est donc en cours d'élaboration dans les services du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

En attendant les propositions qui vont être formulées dans ce cadre, vos Rapporteurs souhaitent attirer l'attention sur une possibilité qui leur semble digne d'intérêt : afin de stabiliser les rentrées fiscales calédoniennes, la taxation ne devrait dépendre directement ni de la production, ni des bénéfices réalisés, mais plutôt d'une base stable - au moins relativement - comme les gisements exploités. Les nouveaux projets pourraient ainsi être taxés dès leur réalisation, sans attendre qu'ils soient bénéficiaires. Vos Rapporteurs estiment donc qu'une telle possibilité pourrait faire l'objet d'études précises, afin d'analyser les modalités et les taux envisageables pour une telle taxation.

2.- Instaurer une taxe sur la valeur ajoutée ?

La renaissance de la « taxe générale sur les services », adoptée par le congrès en décembre 1999, a été entourée de longues discussions et d'un recours au Conseil constitutionnel.

Le recours ne portait que sur des questions de procédure : la loi du pays créant la taxe avait été soumise à l'avis simple du comité économique et social et non à l'avis du nouveau conseil économique et social et n'avait pas été étudiée par le comité des finances prévu à l'article 48 de la loi organique, ni le conseil économique et social ni le comité des finances n'ayant encore été créés. Le Conseil constitutionnel a rejeté le recours.

Par ce recours, le FLNKS, dont les représentants ont dit à vos Rapporteurs n'avoir pas été surpris par le rejet, entendait surtout protester contre le manque de concertation sur la mise en place de cette nouvelle taxe. En effet, il défendait l'instauration d'une taxe moins élevée (de 1 %, contre 4 % pour la TGS), mais dont l'assiette aurait compris non seulement les activités de service mais aussi les activités commerciales.

Interrogés par vos Rapporteurs sur les raisons du choix qui avait été fait, les membres du gouvernement appartenant à la majorité au congrès ont évoqué le peu de temps dont ils avaient disposé pour créer une taxe dont la Nouvelle-Calédonie avait absolument besoin, dès 2000, pour équilibrer ses comptes. Comme la TGS avait déjà été expérimentée pour résoudre une période de difficultés budgétaires, il était plus facile, et moins risqué, de la réintroduire que de créer un nouvel impôt dont les conséquences économiques n'avaient pas été mesurées.

Des raisons de fond sont aussi soulevées. D'abord, les produits faisant l'objet des activités commerciales étant pour l'essentiel importés, ils sont déjà soumis à la taxe générale sur les importations. D'autre part, la valeur ajoutée produite en Nouvelle-Calédonie serait trop peu élevée pour justifier l'instauration d'une véritable taxe sur la valeur ajoutée, dont le niveau, sinon le principe, est d'ailleurs l'objet de contestations en métropole. Enfin, la fiscalité doit demeurer incitative pour attirer les investisseurs et favoriser le développement.

M. Yves Magnier, membre (RPCR) du gouvernement chargé des finances et du budget, a estimé devant vos Rapporteurs que la fiscalité serait certainement amenée à évoluer en fonction du développement économique futur et que l'idée d'une taxe sur les activités de commerce n'était pas exclue, mais qu'il serait probablement plus adapté qu'elle comporte des taux variables selon l'activité concernée.

L'idée de la mise en place, à moyen terme, d'un équivalent de la taxe sur la valeur ajoutée ne semble donc exclue ni pour les uns ni pour les autres et pourrait être l'occasion d'une véritable concertation entre les différents mouvements politiques de l'archipel. En tout état de cause, elle constituerait un grand pas en avant pour la modernisation de la fiscalité calédonienne, surtout dans la mesure où elle serait doublée d'un allégement notable de la taxe générale sur les importations, qu'elle doit en effet non doubler, mais plutôt remplacer. Un tel allégement est d'ailleurs actuellement à l'étude.

3.- L'avenir du dispositif de défiscalisation

Si la fiscalité calédonienne est votée par le congrès local, un élément de la fiscalité nationale joue un rôle très important en Nouvelle-Calédonie, comme dans les départements d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer en général, quel que soit leur statut : il s'agit de la célèbre défiscalisation des investissements créée par la « loi Pons ».

a) Le système de défiscalisation des investissements

Le régime initial, issu de la loi de finances rectificative du 11 juillet 1986, a subi des aménagements successifs à partir de 1992. Les plus récents datent de la loi de finances pour 1999, qui proroge le dispositif jusqu'au 31 décembre 2002. Ces modifications incessantes témoignent d'une certaine interrogation des autorités nationales face à un dispositif dont la raison d'être est parfois contestée, dont le bilan est controversé, mais auquel on ne sait pas quel dispositif alternatif substituer et auquel les responsables des différentes collectivités d'outre-mer sont très attachés.

Les avantages fiscaux, prévus aux articles 163 tervicies, 199 undecies et 217 undecies et duodecies du code général des impôts, en faveur des investisseurs métropolitains (c'est-à-dire domiciliés en métropole), sont de deux types selon qu'ils concernent une entreprise ou un particulier.

Pour les entreprises, il doit s'agir d'investissements dits « productifs » : dans les secteurs de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat, ainsi que pour l'audiovisuel, les activités de maintenance, les concessionnaires de services publics industriels et commerciaux dont l'activité s'exerce exclusivement outre-mer. Dans ce cas, le montant de l'investissement réalisé en Nouvelle-Calédonie pourra être déduit du résultat imposable en métropole ; puis, l'investissement est amorti dans des conditions normales (en début d'activité, d'importants déficits peuvent être constatés, et imputés sur le revenu global...).

Pour les particuliers, sont visées les acquisitions ou constructions de logements neufs et les souscriptions au capital des sociétés de développement régional (la SODEP, en Nouvelle-Calédonie). L'avantage fiscal prend la forme d'une réduction d'impôt sur le revenu calculée sur la base des investissements effectués outre-mer (25 % ou 50 %).

Seuls les investissements d'un montant faible (1 à 10 millions de francs français selon le secteur), ne sont soumis ni à agrément ni à accord préalable. Ces procédures visent à limiter les nombreux abus constatés dans les premières années de fonctionnement du dispositif.

b) Ses enjeux

En 1998, trente-quatre demandes d'accords préalables et/ou d'agrément ont été présentées pour la Nouvelle-Calédonie. La même année, dix agréments et/ou accords ont été délivrés et neuf ont été refusés. Près de 619 millions de francs français d'investissements ont ainsi été agréés, au profit de concessions de services publics industriels et commerciaux (394 millions de francs), du logement (111 millions de francs), des transports (109 millions de francs) et, de manière plus marginale - du moins cette année là -, d'un bateau de plaisance (5 millions de francs). Les investissements refusés pour l'agrément étaient inférieurs à 238 millions de francs ; les refus sont dus à des désistements ou au fait que les demandeurs ne remplissaient pas les conditions exigées. Si le nombre de dossiers agréés a diminué de moitié entre 1997 et 1998, le volume d'investissement a crû de 160 % entre les deux années, de 67 % entre 1996 et 1998(16).

Pour l'année 1999, le secrétariat d'État à l'Outre-mer indique que trente et un dossiers ont été présentés, pour un montant d'investissements de 868 millions de francs français : dix-neuf d'entre eux ont reçu un agrément de la direction générale des impôts, pour un montant de 206,9 millions de francs français ; huit autres se sont vu opposés un refus, dont le (premier) dossier Aircalin (puisqu'une nouvelle demande vient d'être présentée), qui représentait à lui seul un montant de 540 millions de francs français. Onze projets présentés concernaient le secteur du transport, dix le secteur industriel, en majorité l'agro-alimentaire.

Ce dispositif incitatif stimule donc l'investissement productif en Nouvelle-Calédonie, ou du moins profite aux investisseurs. En effet, on peut se demander si les investissements n'auraient pas été réalisés si l'exonération n'existait pas, ou ce qu'il advient des projets qui n'ont pas reçu l'agrément. Il serait nécessaire de pouvoir mesurer précisément l'impact de la « loi Pons », en particulier en termes d'investissements réalisés et d'emplois créés.

Quoi qu'il en soit, les élus calédoniens sont favorables au maintien de l'incitation, et les responsables des projets en cours présentent volontiers des demandes d'agréments. Pour ne citer que deux exemples signalés à vos Rapporteurs, c'est le cas d'Aircalin pour l'acquisition de nouveaux appareils et celui d'Inco pour le projet d'usine métallurgique à Goro. Les élus estiment que Aircalin ne pourra mener à bien son projet en cas de refus de l'agrément, les dirigeants de Goro-nickel ne semblent pas aussi catégoriques : cette défiscalisation n'est qu'un élément parmi de nombreux autres en faveur du site calédonien.

Pourtant, le dispositif, qui est neutre pour la population et le budget calédoniens, a un coût. Ce coût correspond au manque à gagner pour le Trésor qu'entraîne la défiscalisation : dans la loi de finances pour 2000, il est évalué à 1,6 milliard de francs français, pour l'ensemble de l'outre-mer. Même si la Nouvelle-Calédonie ne bénéficie que d'un dixième de cette somme - la part lui revenant varie considérablement selon les années -, ce sont 160 millions de francs environ qui bénéficient ainsi annuellement à l'investissement productif calédonien, et qui constituent un coût pour le budget, et donc pour les contribuables métropolitains. Si le budget calédonien devait supporter le coût de la défiscalisation, il devrait y consacrer la totalité des rentrées fiscales que la nouvelle TGS doit lui rapporter (environ 3 milliards de francs Pacifique, soit 165 millions de francs français).

Le dispositif actuel arrivant à son terme le 31 décembre 2002, un débat va avoir lieu en métropole sur son éventuelle reconduction : le Gouvernement réfléchit actuellement à une solution de remplacement, tandis qu'une partie importante de l'opposition souligne la nécessité du maintien d'un tel dispositif.

II.- AMÉLIORER LA PRATIQUE INSTITUTIONNELLE

La maturité politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie ne sera acquise que lorsque les différents acteurs du débat public en auront compris et accepté les règles de fonctionnement. Rien de durable ne pourra être compris sans ce consensus.

L'État, qui a rendu ces règles applicables en cosignant l'accord de Nouméa et en faisant adopter la loi organique par la Représentation nationale, peut être appelé à jouer un rôle d'arbitre, mais doit avant tout laisser les Calédoniens affronter ces difficultés ensemble. Il peut en revanche faciliter leur travail en allégeant certains de ses modes d'action.

A.- CLARIFIER LE RÔLE DE CHACUN ET LES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNELLES

Nous avons vu que l'instabilité politique actuelle reposait essentiellement sur des interprétations divergentes des règles fixées par l'accord de Nouméa. Ce qui semblait clair au législateur s'est avéré source de difficultés pratiques, difficultés accrues par la crispation des uns et des autres.

1.- Lever l'incertitude relative au collège électoral restreint

Le document d'orientation de l'accord de Nouméa précise la composition du corps électoral pour les futures consultations relatives à l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et pour les élections provinciales et du congrès. L'article 188 de la loi organique précise les conditions à remplir pour être électeur lors de ces scrutins (voir encadré suivant) et le Conseil d'État a jugé, dans l'arrêt du 30 octobre 1998, MM. Sarrau et Levacher et autres, que ces restrictions ne pouvaient être contestées au titre de l'universalité du suffrage, la Constitution ayant été modifiée pour les autoriser.

Moins que le texte même de la loi organique, c'est l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel qui a entraîné des protestations. Il a en effet estimé dans sa décision n° 99-410 DC du 19 mars 1999, que pouvaient participer à l'élection des assemblées de province et du congrès les personnes qui, à la date de l'élection, sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998. Le corps électoral est ainsi, non pas gelé, comme le demandaient les indépendantistes, mais seulement restreint.

Les nouveaux venus sur le Territoire auraient ainsi pu devenir électeurs après une durée de séjour de dix ans. Cette possibilité a rencontré l'hostilité des indépendantistes qui craignent que la participation de « Calédoniens » de fraîche date ne fausse les scrutins et ne s'avère favorable aux anti-indépendantistes.

Un projet de loi constitutionnelle a été élaboré puis adopté en termes identiques par votre Assemblée le 10 juin 1999 et par le Sénat le 12 octobre 1999 : il insère un alinéa supplémentaire dans l'article 77 de la Constitution, lui-même issu de la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998, qui supprime toute équivoque. Lorsque la révision de l'article 77 de la Constitution interviendra, les personnes qui ne remplissaient pas les conditions pour participer à l'approbation de l'accord de Nouméa, c'est-à-dire à la consultation référendaire du 8 novembre 1998, seront exclues du corps électoral restreint, quelle que soit la date de l'élection. En pratique, toutes les personnes installées en Nouvelle-Calédonie après 1988 - puisqu'il fallait déjà dix ans de résidence pour voter en 1998 -, sont maintenues à l'écart du corps électoral restreint.

Cette solution, qui a été acceptée par les partenaires de l'accord de Nouméa, a été intégrée dans un projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie et devait être soumise au Parlement réuni en congrès le 24 janvier 2000, en même temps que le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Le report sine die de l'adoption définitive de ce dernier projet a provoqué la suppression de la convocation du Congrès et l'ajournement du vote sur la Nouvelle-Calédonie.

Dans ces conditions, les représentants du FLNKS ont exprimé leurs inquiétudes à vos Rapporteurs et leur empressement à voir cette question définitivement réglée.

LE CORPS ÉLECTORAL EN NOUVELLE-CALÉDONIE

1.- Le corps électoral et le mode de scrutin selon le document d'orientation de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 (point 2.2.)

« Le corps électoral pour les consultations relatives à l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie intervenant à l'issue du délai d'application du présent accord (point 5) comprendra exclusivement : les électeurs inscrits sur les listes électorales aux dates des consultations électorales prévues au 5 et qui ont été admis à participer au scrutin prévu à l'article 2 de la loi référendaire, ou qui remplissaient les conditions prévues pour y participer, ainsi que ceux qui pourront justifier que les interruptions dans la continuité de leur domicile en Nouvelle-Calédonie étaient dues à des raisons professionnelles ou familiales, ceux qui, de statut coutumier ou nés en Nouvelle-Calédonie, y ont eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux et ceux qui se ne sont pas nés en Nouvelle-Calédonie mais dont l'un des parents y est né et qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux.

« Pourront également voter pour ces consultations les jeunes atteignant la majorité électorale, inscrits sur les listes électorales, et qui, s'ils sont nés avant 1988 auront eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ou, s'ils sont nés après 1988, ont eu un de leur parent qui remplissait ou aurait pu remplir les conditions pour voter au scrutin de la fin de 1998.

« Pourront également voter à ces consultations les personnes qui pourront justifier, en 2013, de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie.

« Comme il avait été prévu dans le texte signé des accords de Matignon, le corps électoral aux assemblées des provinces et au congrès sera restreint : il sera réservé aux électeurs qui remplissaient les conditions pour voter au scrutin de 1998, à ceux qui, inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de l'élection, ainsi qu'aux électeurs atteignant l'âge de la majorité pour la première fois après 1998 et qui, soit justifieront de dix ans de domicile en 1998, soit auront eu un parent remplissant les conditions pour être électeur au scrutin de la fin de 1998, soit, ayant eu un parent inscrit sur un tableau annexe justifieront d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.

« La notion de domicile s'entendra au sens de l'article 2 de la loi référendaire. La liste des électeurs admis à participer aux scrutins sera arrêtée avant la fin de l'année précédant le scrutin.

« Le corps électoral restreint s'appliquerait aux élections communales si les communes avaient une organisation propre à la Nouvelle-Calédonie.

« Pour favoriser l'efficacité du fonctionnement des assemblées locales, en évitant les conséquences d'une dispersion des suffrages, le seuil de 5  % s'appliquera aux inscrits et non aux exprimés. »

2.- Le corps électoral selon l'article 188 de la loi n° 99-209
du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie

« I.- Le congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des électeurs satisfaisant à l'une des conditions suivantes :

a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ;

b) Être inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au congrès et aux assemblées de provinces ;

c) Avoir atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.

II.- Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. »

Dans la mesure où l'ajournement de la convocation du congrès est sans rapport avec les problèmes calédoniens, mais entretient une incertitude supplémentaire dans un cadre institutionnel qui n'est pas encore stabilisé, vos Rapporteurs estiment qu'il serait souhaitable que la révision constitutionnelle puisse intervenir.

2.- Combattre les malentendus institutionnels

Cette première incertitude peut donc être facilement levée, ce qui n'est pas le cas des autres. En effet, ce n'est pas un vote des Parlementaires qui résoudra les malentendus institutionnels qui agitent la Nouvelle-Calédonie.

Nous avons vu que le mode d'élaboration des décisions du gouvernement était critiqué et que le sénat coutumier comprenait difficilement le caractère limité de ses compétences. Des efforts de pédagogie sont certainement nécessaires : le fonctionnement collégial du gouvernement suppose que chacun de ses membres soit informé des projets en cours, ait le temps et les capacités de les étudier, puisse donner son avis aux autres membres et en débattre librement avec eux, puis accepte que la décision finale soit prise à la majorité si le consensus ne peut être obtenu. Le

sénat coutumier doit accepter le rôle consultatif qu'il a reçu et les moyens qui lui ont été accordés : c'est en remplissant les missions qui sont de son ressort qu'il pourra gagner une légitimité parmi les institutions démocratiques et être en mesure d'obtenir plus de moyens.

Il faut donc absolument que les partenaires de l'accord de Nouméa, et notamment leurs représentants les plus éminents, s'installent autour d'une table de négociations et discutent de leurs différends. Comme ils semblaient estimer que le comité des signataires prévu par l'accord est le meilleur lieu pour cela, l'État occupant dans ce cadre une place d'arbitre, il convenait de le convoquer sans plus tarder. Il devait avoir lieu à la fin du mois de mars ; il a finalement été réuni à Nouméa début mai, en présence de M. Jean-Jack Queyranne. Il semble pourtant à vos Rapporteurs que ses résultats soient restés modestes et qu'il risque de ne pas suffire à apaiser durablement la tension qui règne actuellement.

B.- ALLÉGER LES MODES D'ACTION DE L'ÉTAT

Les modes d'action de l'État en Nouvelle-Calédonie sont tantôt calqués sur les pratiques métropolitaines, tantôt spécifiques, sans que le choix de l'un ou de l'autre réponde nécessairement à une quelconque logique. Or certains d'entre eux s'avèrent mal adaptés et gênants pour le bon fonctionnement des collectivités locales.

1.- Les collectivités locales calédoniennes dans l'attente des prochains contrats de développement

Nous avons vu que les collectivités locales calédoniennes (Nouvelle-Calédonie, provinces, communes) avaient préparé des documents présentant leurs demandes pour la négociation des contrats de développement couvrant la période 2000-2004. Elles sont présentées dans le tableau suivant.

DEMANDES DE CRÉDITS AU TITRE DES CONTRATS DE DÉVELOPPEMENT 2000/2004

(en millions de francs français)

 

Accordé pour
1993 / 1997

Demandé pour
2000 / 2004

Variations
(en  %)

Observations

Nord

671.250

649.176

- 3,3

-

Sud

420.560

582.212

38,4

-

Îles

316.385

619.025

95,6

-

Nouvelle-Calédonie

223.970

481.140

114,8

Charges nouvelles

Opérations interprovinciales

15.550

114.825

638

Institut agronomique néo-calédonien (IAC)

C. Ville / agglomération

217.180

379.383

74,7

4 communes concernées

Total

1.864.620

2.825.762

51,5

-

Source : Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie,
direction des affaires économiques, financières et des collectivités locales.

Cette demande paraît difficile à satisfaire, d'autant qu'elle ne tient compte ni de l'enveloppe qu'il faudra réserver aux contrats entre l'État et les communes, ni du surcoût de l'aquarium de Nouméa (7,7 millions de francs français), ni de la réorientation du projet de contrat que souhaite la province Nord, ni des crédits qu'il faudra réserver à la mise en place d'un suivi d'évaluation.

Devant le caractère manifestement excessif de ces demandes, une enveloppe minimale globale de 2.077 millions de francs a été sollicitée, destinée :

· à assurer aux trois provinces, à la Nouvelle-Calédonie et aux opérations interprovinciales une enveloppe équivalente à celle accordée sur la période 1993-1997, soit 1.648 millions de francs français ;

· à satisfaire la demande de l'agglomération nouméenne (300 millions de francs français) ;

· à accorder une enveloppe supplémentaire spécifique à la poursuite du programme de rénovation du centre hospitalier (34 millions de francs français) ;

· à réserver une enveloppe pour les contrats État-communes (95 millions de francs français), dont le bénéfice n'est plus, depuis la loi organique, incompatible avec les dotations du Fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes.

La négociation en cours au niveau central a pour objet de tenter d'obtenir une enveloppe globale intermédiaire entre ces deux montants.

Les premières informations indiquent que le secrétariat d'État à l'Outre-mer pourrait accorder 1.455,4 millions de francs français (1.360,4 millions de francs français pour les contrats de développement et 95 millions de francs français pour les contrats État-communes) et les ministères techniques 532,5 millions de francs français, auxquels s'ajouteraient 100 millions de francs français de dotation pour l'université. Cela ferait donc une dotation de 1.987,9 millions de francs français, augmentés de 75 millions de francs français du Fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes et de 30 millions de francs français provenant de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie destinés à des projets concernant le traitement des déchets. La somme totale atteindrait donc 2.092,9 millions de francs français.

Le problème se pose moins aujourd'hui en termes de montant de l'enveloppe - l'État n'étant certainement pas en mesure d'accorder des dotations à la hauteur des demandes, ces dernières, d'où qu'elles proviennent, étant naturellement ambitieuses -, qu'en termes de calendrier.

En effet, plusieurs mois après le début de l'année 2000, rien n'a encore été décidé de manière certaine en ce qui concerne des contrats qui sont censés entrer en vigueur au 1er janvier de cette année. Si un retard a aussi été observé pour la conclusion des contrats de plan État-régions en métropole, il a été nettement moins long, alors que les contrats ne s'étalent pas sur cinq mais sur sept ans.

Or, ce retard est très pénalisant pour les collectivités locales qui, ne sachant pas sur quelles sommes elles pourront compter, sont condamnées à l'attentisme et ne peuvent décider le moindre investissement d'importance, alors que le rythme des investissements de la province Nord et de la province des Îles a considérablement diminué depuis plusieurs années. L'exécution des contrats sera nécessairement retardée, tout comme les effets positifs qu'elle doit induire sur le développement. Ainsi, les élus de la province Nord, qui ne comprennent pas les raisons de cette situation, ont expliqué à vos Rapporteurs que 70 % de leur budget d'investissement proviennent des contrats de plan et sont donc actuellement gelés.

Alors que vos Rapporteurs ont acquis la certitude que les Gouvernements successifs avaient pleinement rempli leurs engagements financiers, notamment en matière d'équipements publics, ils regrettent que la lenteur de la procédure de négociation des contrats de plan puisse conduire les élus locaux, et les citoyens, à douter de la volonté sans faille de l'État de soutenir le développement calédonien avec les moyens financiers nécessaires.

2.- Des règles de finances publiques à assouplir

Les règles des finances publiques sont destinées à garantir la bonne utilisation des fonds publics : elles doivent empêcher le gaspillage et les abus. Il ne s'agit pas ici de demander à ce qu'elles soient écartées, mais simplement à ce qu'elles prennent mieux en compte les besoins et les capacités de la plus grande partie des collectivités calédoniennes.

a) Des inquiétudes relatives au versement de la dotation globale de fonctionnement

Jusqu'à l'intervention des lois du 19 mars 1999, dont les dispositions budgétaires ne s'appliquent que depuis le 1er janvier 2000, seules les communes calédoniennes bénéficiaient de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la dotation globale d'équipement (DGE). L'article 180 de la loi organique précise les ressources financières des provinces et crée à leur profit une nouvelle dotation versées par l'État, la DGF. A cette dotation s'ajoutent, pour l'essentiel, une dotation de fonctionnement et une dotation d'équipement versées par la Nouvelle-Calédonie et représentant une part des impôts, droits et taxes perçus par cette dernière, dont près de trois quarts des dépenses sont constitués de reversements aux communes et aux provinces.

Le montant de la nouvelle DGF correspond aux sommes reçues de l'État, hors contrats de développement, soit directement, au titre de l'aide médicale gratuite, des personnes âgées, des enfants secourus, des handicapés, de l'enseignement primaire public et du fonctionnement des collèges, soit indirectement, par l'intermédiaire du budget de la Nouvelle-Calédonie, au titre de la santé et de l'enseignement primaire public.

L'introduction de la DGF est source d'inquiétudes dans les provinces. Ces inquiétudes portent d'abord sur le caractère annuel du versement de la dotation par l'État, alors que la dotation équivalente transitait auparavant par le Territoire qui la reversait aux provinces de manière fractionnée. On craint donc que ce versement annuel soit tardif, ce qui provoquerait des difficultés de trésorerie.

Vos Rapporteurs se sont étonnés du fait que l'État ne puisse pas verser cette dotation sous forme de douzième, comme cela se pratique en métropole : la tenue de la trésorerie en serait considérablement facilitée. Si des raisons techniques empêchent d'adopter cette solution de bon sens, il leur semble indispensable que le versement soit effectué le plus tôt possible dans l'année.

D'autres inquiétudes portent sur l'évolution future de la dotation. La loi organique (article 181) prévoit que, en 2000, elle sera égale pour chaque province au montant qu'elle a reçu en 1999, revalorisé comme la dotation globale de fonctionnement nationale et qu'elle évoluera ensuite comme cette dernière. Ce rythme d'évolution, qui correspond à des critères métropolitains, ne sera pas forcément adapté aux réalités calédoniennes.

Enfin, en marge des problèmes de la DGF, les transferts de compétences entre le Territoire, désormais Nouvelle-Calédonie, et les provinces doivent s'accompagner des transferts financiers correspondants. Les provinces s'inquiètent du choix de la base de calcul du coût de ces transferts, et craignent qu'elle ne suive pas l'évolution du coût réel de l'exercice de ces compétences, tout comme les collectivités locales métropolitaines contestent parfois le niveau de la dotation de décentralisation par rapport à l'évolution de la dépense induite par les compétences transférées.

b) Des contraintes financières et comptables à alléger

Si la rigueur de certaines règles de la comptabilité publique n'est pas sans poser des problèmes à nombre d'élus locaux métropolitains, elle est encore plus douloureusement ressentie dans les provinces et les communes calédoniennes qui ne disposent pas toujours de spécialistes des finances publiques.

L'attention de vos Rapporteurs a notamment été attirée sur le caractère très contraignant des contrats de développement. L'affectation des différentes enveloppes figure très précisément dans le contrat et la collectivité locale ne dispose que de très peu d'autonomie dans leur utilisation : des sommes peuvent être bloquées par l'impossibilité de mener à bien un projet, alors qu'elles pourraient être utilisées à d'autres fins.

Les règles présidant au choix d'un entrepreneur apparaissent elles aussi inadaptées : alors que les contrats de développement devraient offrir l'occasion d'utiliser les compétences des entrepreneurs locaux, ceux-ci sont souvent écartés faute d'être en mesure de répondre aux exigences des plans de financement.

En revanche, la prochaine signature de contrats liant directement l'État aux communes apparaît comme une bonne chose dans la mesure où la disparition de l'intermédiaire provincial semble de nature à alléger les procédures.

Le commissaire délégué pour la province des Îles a donné à vos Rapporteurs un exemple très parlant du caractère injustifié, ou du moins incongru, de certaines règles : alors que le permis de construire n'existe pas en province des Îles, l'implantation de nouvelles toilettes publiques exige la visite préalable d'un métreur !

Afin d'améliorer et de faciliter les conditions de fonctionnement des collectivités locales, il estime qu'il serait souhaitable de mettre en place un système d'avances, et de faciliter les relations financières entre la collectivité débitrice et ses créanciers.

Toutes ces mesures de simplification, dictées par la pratique, mais aussi par le bon sens, ne se traduiraient certainement pas par plus de laxisme dans l'utilisation des fonds publics. En effet, au moins dans les provinces de Nord et des Îles, principales victimes de ces difficultés étant donné leur retard de développement, la population est peu nombreuse et « tout se sait ». Il ne fait guère de doute que les représentants de l'État seraient en mesure de repérer les abus potentiels et de les signaler à la justice administrative dans le cadre de leurs missions de contrôle.

III.- NORMALISER LES RELATIONS SOCIALES

L'absence de réel dialogue social en Nouvelle-Calédonie constitue l'une des principales raisons de la fréquence et la violence des mouvements sociaux, qui s'avèrent lourds de conséquences pour la vie quotidienne des Calédoniens, mais aussi pour l'économie et le développement de l'archipel. Après avoir entendu des responsables syndicaux, le président de la chambre de commerce et d'industrie, les responsables de grands projets industriels et les élus, vos Rapporteurs ont acquis la certitude que la normalisation des relations sociales devait être une priorité. Les dirigeants de la Nouvelle-Calédonie en sont conscients, et tâchent déjà d'agir dans ce sens.

A.- ACTUALISER LE DROIT DU TRAVAIL

Le code du travail tel qu'il s'applique en métropole et dans les départements d'outre-mer ne vaut pas pour la Nouvelle-Calédonie. Les normes qui y sont actuellement applicables sont soit d'origine législative et métropolitaine, soit issues de délibérations du congrès local.

Ce sont pour l'essentiel les principes directeurs du droit du travail qui relèvent, jusqu'au 1er janvier 2000, de la loi : ces dispositions ont le plus souvent pris la forme d'ordonnances. La plus importante est l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et au tribunal du travail en Nouvelle-Calédonie et dépendances. Maintes fois modifiée et complétée depuis 1985, elle constitue le socle législatif du droit du travail calédonien : les dispositions les plus importantes du code du travail y figurent, les modalités d'application relevant pour leur part de délibérations du congrès.

Le congrès local innove peu en matière de mesures d'application et s'inspire souvent directement des lois et décrets métropolitains, dont les dispositions sont seulement simplifiées pour tenir compte de la taille réduite du territoire. Par exemple, une seule inspection du travail est compétente pour tous les secteurs économiques calédoniens, à l'exception des transports, quand il existe des inspections spécialisées en métropole.

L'essentiel des règles valables à Paris l'est finalement aussi à Nouméa. Le caractère globalement satisfaisant du droit du travail en Nouvelle-Calédonie est d'ailleurs attesté par la rareté des critiques formulées à son encontre par l'Organisation internationale du travail.

Pourtant, certaines lacunes pourraient utilement être comblées et un travail d'actualisation pourrait être mené avec profit. Par exemple, il n'existe que peu, voire pas, de dispositions locales relatives au droit à la formation professionnelle, la politique de l'emploi n'y est qu'embryonnaire (on ne pratique pas les « contrats aidés »), aucune norme n'impose de système de participation ou d'intéressement des salariés aux résultats de leur entreprise et la réglementation relative à la main d'_uvre étrangère n'a pas été réactualisée. La réduction du temps de travail de 39 à 35 heures n'a pas été introduite en Nouvelle-Calédonie.

De plus, le changement statutaire, intervenu le 1er janvier 2000, rend obsolète un certain nombre de procédures. Ainsi, une partie de celles prévues par l'ordonnance du 13 novembre 1985 est incompatible avec le nouveau statut. Par exemple, elle dispose que les recours hiérarchiques relatifs à l'inspection du travail doivent être présentés au secrétaire d'État à l'Outre-mer, faisant office de ministre chargé du travail ; l'inspection du travail était devenue un service de la Nouvelle-Calédonie, cette procédure est caduque. De telles dispositions devraient donc être adaptées sans tarder. Dans la mesure où les services de l'administration locale travaillent actuellement à rédiger un code du travail calédonien, ils pourraient en profiter pour proposer des adaptations de ce type.

Aujourd'hui, le droit du travail est de la compétence exclusive de la Nouvelle-Calédonie, qui interviendra soit par loi du pays, pour ce qui était du domaine législatif, soit par délibération pour les modalités d'application. L'État n'a gardé une compétence que sur deux points : les tribunaux du travail, dans la mesure où il est compétent pour toutes les juridictions, et les éventuelles sanctions pénales assortissant les règles du travail calédoniennes. Pour le reste, la Nouvelle-Calédonie est libre de faire adopter toutes les dispositions qu'elle souhaite, les seules limites étant le respect de la Constitution et des normes internationales.

Cette possibilité nouvelle peut apparaître lourde d'incertitudes. En effet, les limites juridiques que nous venons d'évoquer laissent une marge de man_uvre importante. Ainsi, par exemple, il est très probable qu'un changement du mode de représentation du personnel, du modèle actuel au modèle anglais reposant sur les seuls syndicats, ne serait contraire à aucune règle supérieure.

Dans ce domaine, le gouvernement ne semble pourtant pas avoir, à l'heure actuelle, d'intentions de changement et il est probable que les dispositions directement inspirées du code du travail métropolitain continueront longtemps à s'appliquer. En matière de mise en _uvre du droit du travail, il y a encore beaucoup à faire pour le gouvernement, dont dépend désormais l'inspection du travail, car, si les normes existent, il faut veiller attentivement à leur respect : les obligations en matière de représentation du personnel ou d'égalité de rémunération entre hommes et femmes sont encore plus négligées qu'en métropole, comme l'Organisation internationale du travail l'a constaté. Or, il ne fait aucun doute que les relations entre patronat et salariés seraient améliorées si le droit était plus strictement appliqué.

Enfin, l'État national peut encore jouer un rôle utile en adoptant et proposant d'adopter au congrès des dispositions relatives aux entreprises établies en métropole et en Nouvelle-Calédonie et aux salariés passant de l'une à l'autre. En effet, des vides juridiques existent sur des questions comme la participation des salariés calédoniens aux organes métropolitains de représentation du personnel métropolitains ou le droit à l'assurance-chômage d'une personne qui a cotisé dans un pays mais s'installe dans l'autre.

Toutes ces mesures peuvent sembler d'une importance relative, mais elles concourraient à améliorer la situation des salariés, et à assainir les relations sociales.

B.- NÉGOCIER UN « PACTE SOCIAL »

Parallèlement à la voie législative et réglementaire, la voie contractuelle offre de précieuses possibilités en matière sociale. Si elle est nettement plus difficile à suivre, dans la mesure où elle dépend entièrement de la bonne volonté des partenaires sociaux, elle peut s'avérer plus efficace, puisque les décisions auront reçu l'approbation de tous. C'est elle que le gouvernement à choisi d'emprunter pour tenter de sortir définitivement de la situation actuelle de blocage social. Proposée par le président du gouvernement, M. Jean Lèques, soucieux de reprendre l'initiative face aux exigences du patronat et des syndicats, l'idée de la nécessité d'un pacte social est évoquée au mois de juillet 1999, mais se heurte dès le début au problème de la représentativité syndicale. Courant septembre, le président du Gouvernement reçoit l'ensemble des organisations patronales et des syndicats salariés représentatifs qui acceptent le principe de la mise en place, par la direction du travail, d'un calendrier de réunions et conviennent d'ouvrir des négociations sur une réforme des règles applicables en matière de prévention et de règlement des conflits de travail.

Malgré l'échec de la première réunion entre la fédération patronale et les syndicats, à la suite d'un incident de séance opposant le Syndicat libre unité action (SLUA), rattaché à la CFDT, à l'intersyndicale, les discussions reprennent le 18 novembre entre la fédération patronale et l'intersyndicale sur le problème de la représentativité syndicale toujours contestée par le SLUA, qui, après la menace d'un préavis de grève générale, obtient l'ouverture de négociations avec le Gouvernement.

Cette question de la représentativité constitue un préalable incontournable aux yeux des syndicats mais le gouvernement, qui a vocation à organiser un dialogue social, semble bien en peine de la régler. Le transfert de compétences s'est donc opéré le 1er janvier 2000 sans que les conditions du dialogue social soient véritablement réunies.

La volonté de conclure un pacte social n'en est devenue que plus forte. Au début du mois de mars, les négociations ont repris dans le but de définir des règles de partenariat entre patronat et syndicats. Les membres de l'intersyndicale mais aussi les autres syndicats et la patronat y ont participé, l'objectif étant alors d'adopter un « code de bonne conduite » si possible dès le 1er mai 2000.

En effet, comme l'a déclaré M. Jean Lèques : « Il faut absolument normaliser les rapports entre les patrons et les syndicats pour ne pas revivre les situations conflictuelles de ces derniers mois »(17), nécessité à laquelle vos Rapporteurs apportent leur total adhésion. Ils ne peuvent donc que regretter l'ajournement actuel, annoncé par le Gouvernement à la mi-avril, des discussions relatives au « Pacte social ».

CONCLUSION

L'analyse menée par vos Rapporteurs se veut avant tout réaliste : il est inutile, et même dangereux, de fermer les yeux sur les difficultés certaines auxquelles la Nouvelle-Calédonie est actuellement confrontée. Le reconnaître ne signifie nullement critiquer l'accord de Nouméa ou la loi organique, mais au contraire se donner les moyens de faire en sorte qu'ils soient effectivement mis en _uvre, dans leur lettre et dans leur esprit, afin que leur objectif premier, la construction d'un destin commun à l'ensemble des Calédoniens, puisse être atteint.

Vos Rapporteurs n'ont ainsi jamais eu l'intention de critiquer les autorités calédoniennes, qui exercent désormais des compétences très étendues et sont libres de le faire suivant les orientations de leur choix dans la mesure où elles respectent le cadre constitutionnel et statutaire. Ils mettent en lumière certains dysfonctionnements, mais sont parfaitement conscients du fait que seuls les Calédoniens peuvent les régler par la concertation.

Le réalisme dont ils font preuve ne les empêche pas de demeurer « raisonnablement » optimistes. La multiplication des projets internationaux actuellement à l'étude ne se traduira certainement pas par autant de réalisations, mais elle montre le dynamisme de l'économie calédonienne et entretient un espoir qui doit stimuler les initiatives locales. Il est évident que pas plus qu'ils ne peuvent tout attendre de l'État, ou des pouvoirs publics locaux, les Calédoniens ne peuvent tout attendre des investissements étrangers.

En revanche, il est de leur intérêt de favoriser l'implantation de ces derniers en réunissant les conditions de stabilité politique et sociale indispensables. En donnant l'image d'un pays mûr, financièrement autonome, inséré dans des relations de voisinage, la Nouvelle-Calédonie met toutes les chances de son côté pour un avenir harmonieux et prospère.

Si l'État n'a plus à intervenir directement dans un grand nombre de domaines, il n'en continue pas moins d'être appelé à jouer un rôle d'arbitre et de conseil. C'est dans cette perspective que vos Rapporteurs se sont efforcés de rédiger le présent rapport.

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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 31 mai 2000, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné, le présent rapport d'information sur la situation économique en Nouvelle-Calédonie.

M. Yves Tavernier, Rapporteur, a tout d'abord rappelé l'éloignement géographique et culturel de la Nouvelle-Calédonie, et indiqué que certaines particularités de la vie politique et sociale locale, parfois étonnantes, devaient dès lors se comprendre. Il a ensuite articulé son propos autour de trois points : un rapide bilan de la situation économique actuelle, une présentation des obstacles tels qu'ils lui sont apparus, et une esquisse des perspectives de développement.

Il a expliqué que, sur le terrain, l'exécution des contrats de développement était très satisfaisante. Elle a permis à l'État, qui a fait son devoir, d'améliorer considérablement les infrastructures publiques, et de réduire les différences d'équipement entre les provinces. Il s'est aussi félicité de l'action menée en faveur de la formation des hommes.

Mais ces réalisations ne sont pas encore parvenues à stimuler très fortement l'initiative privée, comme le montre un bilan économique en demi-teinte. Si le prix du nickel connaît actuellement une forte remontée, il est très erratique, ce qui affaiblit une économie qui en est très dépendante. Le tourisme, dans lequel les Calédoniens placent beaucoup d'espoirs, ne parvient guère à décoller, victime qu'il est de la crise asiatique, et de problèmes de desserte aérienne. La place de la production agricole demeure modeste, même si la pêche et l'aquaculture progressent de manière régulière et encourageante. L'archipel demeure, au total, étroitement dépendant des flux financiers provenant de la métropole, ceux-ci s'élevant, tous ministères confondus, à 5,26 milliards de francs dans la loi de finances pour 2000.

M. Yves Tavernier a ensuite évoqué trois obstacles principaux à l'accélération du développement de la Nouvelle-Calédonie. Le premier est politique et institutionnel : il tient à la mise en _uvre de l'accord de Nouméa. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui devait fonctionner selon le principe de la collégialité, d'après la loi organique, suit en fait la règle de la majorité, ce qui conduit à marginaliser la minorité, en l'occurrence le Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS), la Fédération des comités de coordination des indépendantistes (FCCI) s'associant au Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) pour constituer la majorité. Le sénat coutumier a du mal à trouver sa place, tandis que la nomination des membres du conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie a été très contestée. Les quatre principaux syndicats de salariés ne sont même pas membres du conseil économique et social. Les difficultés sociales constituent un deuxième handicap majeur : les syndicats, nombreux et désunis, malgré la constitution récente d'une intersyndicale, mènent une action qui passe volontiers par la grève. Enfin, - troisième difficulté - le rééquilibrage des activités économiques entre les provinces est loin d'être réalisé : la province Sud continue son développement, tandis que les provinces Nord et des Îles, malgré des moyens publics considérables, restent en retard, en termes notamment d'espérance de vie, d'attractivité pour les immigrants et les investisseurs, de part des actifs dans l'ensemble de la population... Le blocage que connaît actuellement la procédure de partage entre les trois provinces de participations au capital des sociétés minières SLN et Eramet témoigne de l'ensemble de ces tensions. Il semblerait qu'il soit aujourd'hui le fait du RPCR.

Malgré ces difficultés, les Calédoniens apparaissent aujourd'hui pleins d'espoirs. De grands projets sont actuellement à l'étude. Les plus importants concernent le secteur du nickel : le projet d'implantation d'une nouvelle usine en province Sud, par le groupe canadien Inco, est bien avancé ; celui relatif à l'établissement d'une usine dans la province Nord, qui est autant politique qu'industriel et financier, pose des problèmes tout autres. Un accord sur ce projet a été le préalable aux négociations qui ont conduit à l'accord de Nouméa, et les études, menées par la société Falconbridge, sont en cours. Mais les investissements à réaliser sont considérables, et incluent, outre l'usine, un barrage, une centrale électrique et un port. Le seul apport de la Société minière du Sud-Pacifique (SMSP), la société provinciale associée au projet, étant le massif minier, il n'est pas exclu qu'une nouvelle participation de l'État soit demandée.

D'autres projets ont des chances de se réaliser, dans la filière alimentaire, grâce à la possible implantation d'un gros élevage avicole, à des possibilités de développement de la pêche et à des projets d'expansion de l'aquaculture, et dans le secteur touristique, où le problème de la desserte aérienne semble sur le point d'être résolu et où les investissements connaissent un rythme soutenu.

Ces chances doivent être saisies par les Calédoniens. Pour s'en donner les moyens, ils doivent relever trois défis majeurs : il s'agit pour eux de se donner des ressources propres, grâce à une réforme nécessaire de la fiscalité qui permettrait de limiter la dépendance vis-à-vis de la métropole, alors que la fiscalité calédonienne est aujourd'hui très différente de celle de la métropole - la taxe sur la valeur ajoutée n'existe pas -, et que la pression fiscale y est deux fois moindre ; ils doivent aussi normaliser les relations sociales et, avant tout, lever les incertitudes institutionnelles et politiques. En effet, l'avenir sera incertain aussi longtemps que le consensus, sur lequel repose l'accord de Nouméa, n'aura pas été retrouvé.

Au total, le développement de la Nouvelle-Calédonie, territoire lointain dont le potentiel économique est important, connaît un profond déséquilibre selon les régions et les communautés. Cette situation demeure préoccupante.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a ensuite fait part des impressions, contrastées, qu'il a ressenties au cours de sa mission. Il a d'abord souligné les atouts incontestables que possède la Nouvelle-Calédonie : des liens forts avec l'État, dans les domaines de la justice, de la sécurité, de l'éducation, avec des transferts financiers importants, une base industrielle exceptionnelle, une population jeune, mais dont la démographie est stabilisée, des équipements publics de très bon niveau, mais aussi des institutions et une volonté manifeste de vivre ensemble, dont témoignent à la fois le grand métissage de la population, surtout à Nouméa, et l'intégration croissante dans la région.

La principale faiblesse dont souffre l'archipel réside dans ses disparités.

Celles-ci sont d'abord culturelles, et constituent un problème de fond. D'un côté, il y a le monde de la ville et la culture occidentale qui se répand par le biais des médias, de la consommation de masse et de l'environnement régional ; de l'autre, il y a la brousse du Nord, la coutume et la culture kanak ainsi que l'organisation tribale. La coexistence entre les deux cultures est conflictuelle, et conduit au problème politique du choix entre consensus et majorité.

M. Gilles Carrez a évoqué deux éléments qui lui semblent déterminants pour l'avenir de l'archipel : le temps et les jeunes. Il a rappelé que la participation des Mélanésiens à la vie de la société moderne était très récente mais que les jeunes, vers lesquels sont dirigés des efforts réels, connaissaient des difficultés d'accès à l'emploi et finalement une certaine frustration, qui les amenaient parfois à retourner en tribu après avoir obtenu leurs diplômes.

En ce qui concerne les disparités économiques, le projet d'usine métallurgique au Nord est très important, mais c'est dans le Sud que le processus cumulatif d'investissements est enclenché.

Il a conclu sur le fait que l'urgence était aujourd'hui de choisir clairement entre un mode de fonctionnement collégial ou majoritaire au sein du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

M. Jean-Pierre Delalande s'est interrogé sur la compatibilité entre le principe constitutionnel de l'unité de la République et les droits considérables accordés à la Nouvelle-Calédonie par la révision constitutionnelle et la loi organique du 19 mars 1999, notamment dans le domaine de la fiscalité et du droit du travail. Ce problème se pose également pour la Polynésie française, où la fiscalité reste à réinventer. Il a estimé contradictoire d'accorder plus d'autonomie à un territoire, alors même que sa participation à la République n'était pas remise en cause.

M. Yves Tavernier, Rapporteur, a considéré que la réalité locale de la Nouvelle-Calédonie, caractérisée par la coexistence de plusieurs communautés, avait nécessité d'adapter son statut, et que la révision constitutionnelle accompagnée de l'adoption d'une loi organique avait permis de donner une valeur législative à l'accord de Nouméa, selon un processus semblable à celui qui avait présidé aux accords de Matignon.

Même s'il convient d'être mesuré dans l'expression, force est de reconnaître que le fonctionnement institutionnel de la Nouvelle-Calédonie pose problème. Le consensus, qui caractérisait la signature de l'accord de Nouméa, n'existe plus à l'heure actuelle, compte tenu du fait que le signataire majoritaire, le RPCR, exerce une influence hégémonique au sein du gouvernement.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a souligné que la question de la compatibilité entre unité territoriale de la République et autonomie croissante de la Nouvelle-Calédonie pouvait se justifier par l'existence, d'une part, d'une pression fiscale locale très faible, et d'autre part, de plus de 5,26 milliards de francs de transferts à partir de la métropole. Les esprits évoluent et les prémices d'une modernisation de la fiscalité, passant par une fiscalisation du nickel fondée sur les stocks plus que sur les flux, et par la création éventuelle d'un système proche de la TVA, étaient posées. Ce problème d'exception fiscale constitue un thème récurrent des territoires et départements d'outre-mer, mais également de la Corse.

Le Président Henri Emmanuelli a rappelé que les articles 73 et 74 de la Constitution de 1958 prévoyaient, bien avant la révision constitutionnelle de 1998, explicitement, la possibilité d'instituer pour les territoires et départements d'outre-mer des régimes dérogatoires dans de très nombreux domaines. En outre, il a mis en garde contre les amalgames qui tendaient à assimiler la Corse à un territoire situé hors de la métropole, le régime spécifique accordé à cette île ne découlant pas de dispositions constitutionnelles.

M. Alain Rodet a interrogé les rapporteurs sur les perspectives de développement de secteurs, tels que l'agriculture, la pêche ou le tourisme. Le maintien de la structure économique actuelle fondée à titre principal sur le secteur traditionnel du nickel et les importations risquerait de perpétuer une situation néocoloniale.

M. Yves Tavernier, Rapporteur, a rappelé que la région bénéficiait d'un potentiel économique fort, notamment dans les domaines de l'aquaculture, de la pêche et du tourisme, mais qu'il convenait de relever la différence entre le développement du Sud et celui, plus hésitant, de la province Nord, dominé par le règlement de la question de l'usine métallurgique de Koné, qui constituait un problème majeur, tout comme le développement touristique des îles. L'enjeu n'est pas seulement économique, mais également politique. Un milliard de francs a déjà été accordé par l'État pour l'échange de massifs miniers ; la même somme a financé une cession d'actions des sociétés ERAMET et SLN au profit des trois provinces, mais leur répartition est actuellement totalement bloquée.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a précisé que la suspension de cet accord ne remettait pas en cause l'opération toute entière, qui avait été largement initiée par le président du RPCR, mais seulement la répartition des actions, qui doit conduire à une répartition plus équilibrée du capital entre les trois provinces.

Le Président Henri Emmanuelli a fait remarquer que le n_ud de l'opération consistait à mieux répartir les richesses entre les provinces et les communautés. Il est compréhensible que les discussions soient bloquées sur cette question, compte tenu de l'importance de l'enjeu.

M. Philippe Auberger a souhaité fait trois remarques. En premier lieu, si les fonctions de rapporteur spécial des crédits des territoires d'outre-mer interdisent de mettre en avant des considérations d'ordre purement politique, il convient d'être prudent dans l'analyse de la situation, et de relever que le FLNKS ne se présente pas uni dans les négociations. L'accord de Nouméa comporte ainsi plusieurs signataires. Ensuite, les travaux menés dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle devraient permettre de constater que :

- le choix entre les trois projets miniers, concernant Koné, Goro, et la Société Le Nickel n'a pu être effectué, alors qu'ils ne peuvent être menés parallèlement ;

- la situation financière de la SMSP est particulièrement floue. Personne n'arrive à l'appréhender de manière précise, y compris l'Agence française de développement qui en est actionnaire, ce qui a justifié une mission d'audit par un cabinet australien ; or, avoir des informations précises sur cette situation apparaît nécessaire après les pertes qui ont inévitablement découlé de la récente crise du marché du nickel ;

- l'existence effective d'un accord écrit sur la répartition des actions de la SMSP n'est pas démontrée. S'il existe, il doit figurer en annexe du rapport.

Enfin, il faut s'interroger sur le développement touristique de l'archipel et du devenir du dispositif institué par la loi dite « loi Pons ». En effet, la conception que l'on a du tourisme en Nouvelle-Calédonie apparaît erronée. Outre le problème des transports, l'île se trouvant dans une position éloignée des principaux pays à l'origine des flux touristiques potentiels, demeure celui de l'infrastructure hôtelière, qui n'est pas d'un niveau suffisant pour accueillir une clientèle soucieuse de confort, telle que les Américains.

M. Gérard Saumade s'est déclaré troublé par la description faite par M. Yves Tavernier de la situation actuelle de la Nouvelle-Calédonie, et a exprimé sa crainte que rien n'y ait changé depuis son dernier passage en 1998. La Nouvelle-Calédonie s'est semble-t-il enfoncée dans une ambiguïté redoutable dans laquelle les lois de la République ne sont toujours qu'une façade. Stigmatisant le comportement des puissants, il s'est refusé à imaginer que leur pouvoir puisse continuer à s'exercer avec la bénédiction de la représentation nationale.

La Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

A N N E X E S

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ANNEXE I

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

1.- Entretiens préalables

Mardi 1er février 2000

M. Jean-Jacques Queyranne, Secrétaire d'État à l'Outre-mer

Mardi 8 février 2000

M. Thierry Lataste, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

2.- Programme du déplacement en Nouvelle-Calédonie

Lundi 14 février 2000

6 heures 50 : Arrivée à Tontouta

8 heures : Installation à la résidence de Monsieur le Délégué du Gouvernement

11 heures : Entretien avec Monsieur le Délégué du Gouvernement

12 heures 30 : Déjeuner à la Résidence de Monsieur le Délégué du Gouvernement

14 heures 15 : Entretien avec M. Jean Lèques, Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en présence de membres du Gouvernement (Mme Déwé Gorodey, chargée de la culture, la jeunesse et des sports, MM. Léopold Jorédié, vice-président chargé de l'enseignement, Yves Magnier, chargé des finances et du budget, Maurice Ponga, chargé de l'agriculture et de l'élevage, Pierre Maresca, chargé des transports et des communications, Aukusitino Manuohalalo, chargé de la protection sociale et de la santé)

15 heures 15 : Entretien avec M. Simon Loueckhote, Sénateur de la Nouvelle-Calédonie, Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

16 heures 30 : Entretien avec les membres du Sénat coutumier

18 heures : Entretien avec Louis Kotra Uregei, Président de l'Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE)

20 heures : Dîner à l'invitation de M. le Délégué du Gouvernement à la Résidence

Mardi 15 février 2000

8 heures : Présentation de la Société le Nickel (SLN) puis visite du site de Doniambo

10 heures 30 : Entretien avec Mme Marianne Devaux, Vice-présidente RPCR de la Province Sud

12 heures : Déjeuner à l'invitation de la Province Sud avec des élus de la Province

14 heures 30 : Entretien avec M. Michel Quintard, Président de la Chambre de commerce et d'Industrie

16 heures 15 : Entretien avec M. Renaud à la Chambre des Métiers

18 heures 30 : Entretien avec M. Didier Guénand, Président de l'Union syndicale des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie (USOENC)

Mercredi 16 février 2000 (journée en Province Nord)

9 heures : Arrivée à l'Assemblée de la Province Nord

Accueil par M. Philippe Jaumouillie, Commissaire délégué de la République pour la Province Nord

9 heures 15 : Entretien avec M. Paul Néaoutyine, Président de l'Assemblée de la Province Nord

11 heures : Présentation de la ferme aquacole « Blue Lagoon Farm » par M. Christian Galinie, son directeur, et de son extension

12 heures 10 : Déjeuner à la résidence du Commissaire délégué de la République pour la Province Nord

13 heures 30 : Décollage vers Koumac

14 heures : Visite du Port de PANDOP - Exposé par la SOFINOR sur le projet de pêche à la palangre, en présence de M. Robert Frouin, maire de Koumac

15 heures : Décollage vers Koné

15 heures 30 : Visite des locaux SMSP et FALCONBRIDGE - Exposé sur le projet d'usine du Nord par M. Raphaël Pidjot, Président de la SMSP

17 heures : Décollage vers Nouméa

20 heures : Dîner à l'invitation de M. Jean Lèques

Jeudi 17 février 2000 (journée en Province des Îles)

8 heures 15 : Accueil à Lifou par M. Duchamp, Commissaire délégué de la République pour la Province des Îles

Présentation de la coutume aux Grands-Chefs au fare de la Mairie (Wé)

9 heures : Débat à l'Assemblée provinciale avec M. Robert Xowié, Président de la Province des Îles, et les conseillers

11 heures : Visite du collège de Wé

12 heures : Visite du centre d'enfouissement technique de Lifou

12 heures 15 : Déjeuner au Dréhu village

14 heures 30 : Départ pour Ouvéa

15 heures : Visite du chantier de l'hôtel « Paradis d'Ouvéa »

16  heures : Présentation des projets en cours :

- de l'huilerie et des travaux de construction de la savonnerie

- de la salle omnisports

16 heures 45 : Visite du centre médical d'Ouloup

17 heures 15 : Départ pour Lifou

18 heures : Départ pour Nouméa

Vendredi 18 février 2000

8  heures : Rencontre avec des membres du bureau politique du FLNKS (MM. Gérald Cortot, Gustave Iwa, Richard Kaloi, Wassissi Konyi, Aukusitino Manuohalalo, Raymond Pabouty et Victor Tutugoro)

9 heures 30 : Réunion de travail avec les services du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (en présence de membres du Gouvernement : MM. Yves Magnier, Maurice Ponga, Pierre Maresca, Aukusitino Manuohalalo ; de M. Patrick Jamin, secrétaire général adjoint, des chefs des services fiscaux, M. Norbert Ferrand, financiers, Mme Geneviève Falco, des mines, M. Laurent Bergeot et de M. J.-M. Arlie, directeur de l'Agence de développement de la Nouvelle-Calédonie)

11 heures : Départ pour le Sud

13 heures : Déjeuner au Gîte Atiti

14 heures 30 : Entretien avec M. Peter Garritsen, Président directeur général de Goro-Nickel (INCO) et M. Roland Gilbert, Directeur général adjoint, et visite de l'Usine Pilote

20 heures : Dîner à l'invitation du Délégué du Gouvernement

Samedi 19 février 2000

9 heures : Visite du centre culturel Tjibaou, sous la conduite de M. Emmanuel Kassarérhou

15 heures 55 : Départ pour l'Île des Pins

Dimanche 20 février 2000

11 heures 30 : Retour de l'Île des Pins

15 heures : Visite du musée de la Nouvelle-Calédonie

20 heures : Dîner à l'invitation du Délégué du Gouvernement

Lundi 21 février 2000

8 heures 30 : Entretien avec Mme Marie-Claude Tjibaou

12 heures : Départ du Haut-Commissariat pour l'aéroport de la Tontouta

13 heures 30 : Décollage du vol Air France pour Paris

3.- Entretiens effectués à la suite
du déplacement de la délégation

Mercredi 16 février 2000

18 heures : M. Yves Rambaud, Président-directeur général d'ERAMET et M. Patrick André, Directeur général de la Société le Nickel

19 heures : M. Roch Wamytan, Président du FLNKS

Mardi 21 mars 2000

M. Alain Christnacht, Conseiller du Premier ministre pour les affaires intérieures et l'outre-mer

Mercredi 22 mars 2000

M. Jean-Jacques Queyranne, Secrétaire d'État à l'Outre-mer

ANNEXE II

DOCUMENTS

1.- Accord sur la Nouvelle-Calédonie
(dit de Nouméa) du 5 mai 1998 : préambule

1.- Lorsque la France prend possession de la Grande-Terre, que James Cook avait dénommée « Nouvelle-Calédonie », le 24 septembre 1853, elle s'approprie un territoire selon les conditions du droit international alors reconnu par les nations d'Europe et d'Amérique, elle n'établit pas des relations de droit avec la population autochtone. Les traités passés, au cours de l'année 1854 et les années suivantes, avec les autorités coutumières ne constituent pas des accords équilibrés mais, de fait, des actes unilatéraux.

Or ce Territoire n'était pas vide.

La Grande Terre et les Îles étaient habitées par des hommes et des femmes qui ont été dénommés Kanak. Ils avaient développé une civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, la coutume qui organisait le champ social et politique. Leur culture et leur imaginaire s'exprimaient dans diverses formes de création.

L'identité kanak était fondée sur un lien particulier à la terre. Chaque individu, chaque clan se définissait par un rapport spécifique avec une vallée, une colline, la mer, une embouchure de rivière, et gardait la mémoire de l'accueil d'autres familles. Les noms que la tradition donnait à chaque élément du paysage, les tabous marquant certains d'entre eux, les chemins coutumiers structuraient l'espace et les échanges.

2.- La colonisation de la Nouvelle-Calédonie s'est inscrite dans un vaste mouvement historique où les pays d'Europe ont imposé leur domination au reste du monde.

Des hommes et des femmes sont venus en grand nombre, aux XIXème et XXème siècles, convaincus d'apporter le progrès, animés par leur foi religieuse, venus contre leur gré ou cherchant une seconde chance en Nouvelle-Calédonie. Ils se sont installés et y ont fait souche. Ils ont apporté avec eux leurs idéaux, leurs connaissances, leurs espoirs, leurs ambitions, leurs illusions et leurs contradictions.

Parmi eux, certains, notamment des hommes de culture, des prêtres ou des pasteurs, des médecins et des ingénieurs, des administrateurs, des militaires, des responsables politiques ont porté sur le peuple d'origine un regard différent, marqué par une plus grande compréhension ou une réelle compassion.

Les nouvelles populations sur le Territoire ont participé, dans des conditions souvent difficiles, en apportant des connaissances scientifiques et techniques, à la mise en valeur minière ou agricole et, avec l'aide de l'État, à l'aménagement de la Nouvelle-Calédonie. Leur détermination et leur inventivité ont permis une mise en valeur et jeté les bases du développement.

La relation de la Nouvelle-Calédonie avec la métropole lointaine est demeurée longtemps marquée par la dépendance coloniale, un lien univoque, un refus de reconnaître les spécificités, dont les populations nouvelles ont aussi souffert dans leurs aspirations.

3.- Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière.

Le choc de la colonisation a constitué un traumatisme durable pour la population d'origine.

Des clans ont été privés de leur nom en même temps que de leur terre. Une importante colonisation foncière a entraîné des déplacements considérables de population, dans lesquels des clans kanak ont vu leurs moyens de subsistance réduits et leurs lieux de mémoire perdus. Cette dépossession a conduit à une perte des repères identitaires.

L'organisation sociale kanak, même si elle a été reconnue dans ses principes, s'en est trouvée bouleversée. Les mouvements de population l'ont destructurée, la méconnaissance ou des stratégies de pouvoir ont conduit trop souvent à nier les autorités légitimes et à mettre en place des autorités dépourvues de légitimité selon la coutume, ce qui a accentué le traumatisme identitaire.

Simultanément, le patrimoine artistique kanak était nié ou pillé. A cette négation des éléments fondamentaux de l'identité kanak, se sont ajoutées des limitations aux libertés publiques et une absence de droits politiques, alors même que les Kanak avaient payé un lourd tribut à la défense de la France, notamment lors de la première guerre mondiale.

Les Kanak ont été repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays, ce qui ne pouvait, chez un peuple fier et non dépourvu de traditions guerrières, que provoquer des révoltes, lesquelles ont suscité des répressions violentes, aggravant les ressentiments et les incompréhensions.

La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu'elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d'une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun.

4.- La décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d'établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps.

Les communautés qui vivent sur le Territoire ont acquis par leur participation à l'édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement. Elles sont indispensables à son équilibre social et au fonctionnement de son économie et de ses institutions sociales. Si l'accession des Kanak aux responsabilités demeure insuffisante et doit être accrue par des mesures volontaristes, il n'en reste pas moins que la participation des autres communautés à la vie du Territoire lui est essentielle.

Il est aujourd'hui nécessaire de poser les bases d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d'origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun.

La taille de la Nouvelle-Calédonie et ses équilibres économiques et sociaux ne permettent pas d'ouvrir largement le marché du travail et justifient des mesures de protection de l'emploi local.

Les accords de Matignon signés en juin 1988 ont manifesté la volonté des habitants de Nouvelle-Calédonie de tourner la page de la violence et du mépris pour écrire ensemble des pages de paix, de solidarité et de prospérité.

Dix ans plus tard, il convient d'ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l'identité kanak, préalable à la refondation d'un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté.

Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L'avenir doit être le temps de l'identité, dans un destin commun.

La France est prête à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie.

5.- Les signataires des accords de Matignon ont donc décidé d'arrêter ensemble une solution négociée, de nature consensuelle, pour laquelle ils appelleront ensemble les habitants de Nouvelle-Calédonie à se prononcer.

Cette solution définit pour vingt années l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation.

Sa mise en _uvre suppose une toi constitutionnelle que le gouvernement s'engage à préparer en vue de son adoption au Parlement. La pleine reconnaissance de l'identité kanak conduit à préciser le statut coutumier et ses liens avec le statut civil des personnes de droit commun, à prévoir la place des structures coutumières dans les institutions, notamment par l'établissement d'un Sénat coutumier, à protéger et valoriser le patrimoine culturel kanak, à mettre en place de nouveaux mécanismes juridiques et financiers pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre, tout en favorisant sa mise en valeur et à adopter des symboles identitaires exprimant la place essentielle de l'identité kanak du pays dans la communauté de destin acceptée.

Les institutions de la Nouvelle-Calédonie traduiront la nouvelle étape vers la souveraineté : certaines des délibérations du Congrès du territoire auront valeur législative et un Exécutif élu les préparera et les mettra en _uvre.

Au cours de cette période, des signes seront donnés de la reconnaissance progressive d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci devant traduire la communauté de destin choisie et pouvant se transformer, après la fin de la période, en nationalité, s'il en était décidé ainsi.

Le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée.

Afin de tenir compte de l'étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favoriser l'accès à l'emploi local des personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie.

Le partage des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée. Il sera progressif. Des compétences seront transférées dès la mise en _uvre de la nouvelle organisation.

D'autres le seront selon un calendrier défini, modulable par le Congrès, selon le principe d'auto-organisation. Les compétences transférées ne pourront revenir à l'État, ce qui traduira le principe d'irréversibilité de cette organisation.

La Nouvelle-Calédonie bénéficiera pendant toute la durée de mise en _uvre de la nouvelle organisation de l'aide de l'État, en termes d'assistance technique et de formation et des financements nécessaires, pour l'exercice des compétences transférées et pour le développement économique et social.

Les engagements seront inscrits dans des programmes pluriannuels. La Nouvelle-Calédonie prendra part au capital ou au fonctionnement des principaux outils du développement dans lesquels l'État est partie prenante.

Au terme d'une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l'accès à un statut international de pleine responsabilité et l'organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposés au vote des populations intéressées.

Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

2.- Accord sur la Nouvelle-Calédonie
(dit de Nouméa) du 5 mai 1998 : document d'orientation

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POINT 4

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

4.1.- La formation des hommes

4.1.1.- Les formations devront, dans lent contenu et leur méthode, mieux prendre en compte les réalités locales, l'environnement régional et les impératifs de rééquilibrage. Des discussions s'engageront pour la reconnaissance mutuelle des diplômes et des formations avec les États du Pacifique. Le nouveau partage des compétences devra permettre aux habitants de la Nouvelle-Calédonie d'occuper davantage les emplois de formateur.

L'Université devra répondre aux besoins de formation et de recherche propres à la Nouvelle-Calédonie.

L'Institut de formation des personnels administratifs sera rattaché à la Nouvelle-Calédonie.

4.1.2.- Un programme de formation de cadres moyens et supérieurs, notamment techniques et financiers, sera soutenu pu l'État à travers les contrats de développement pour accompagner les transferts de compétences réalisés et à venir.

Un programme spécifique, qui prendra la suite du programme " 400 cadres " et concernera les enseignements secondaire, supérieur et professionnel tendra à la poursuite du rééquilibrage et à l'accession des Kanak aux responsabilités dans tous les secteurs d'activités.

4.2.- Le développement économique

4.2.1- Des contrats de développement pluriannuels seront conclus avec l'État. Ils pourront concerner la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes et tendront à accroître 1'autonomie et la diversification économiques.

4.2.2.- Les mines

Un schéma de mise en valeur des richesses minières du territoire sera élaboré. Sa mise en _uvre sera contrôlée par la Nouvelle-Calédonie grâce au transfert progressif de l'élaboration et de l'application du droit minier.

4.2.3.- La politique énergétique contribuera à l'objectif d'autonomie et de rééquilibrage : recherche de sites hydroélectriques, programmation de l'électrification rurale tenant compte des coûts différenciés liés à la géographie du territoire. Les opérateurs du secteur seront associés à la mise en _uvre de cette politique.

4.2.4.- Le financement de l'économie devra être modernisé

- L'Exécutif sera consulté sur les décisions de politique monétaire. La Nouvelle-Calédonie sera représentée dans les instances compétentes de l'Institut d'émission.

- Pour financer le développement, l'Institut calédonien de participation sera maintenu dans son rôle et ses attributions. Il sera créé un fonds de garantie pour faciliter le financement des projets de développement sur les terres coutumières.

- Des objectifs d'intérêt public en faveur du développement seront fixés pour la Banque calédonienne d'investissement. Les collectivités, dans la limite de leurs compétences, pourront soutenir le développement des entreprises en collaboration avec le secteur bancaire.

- Un dispositif spécifique sera mis en place pour faciliter la restructuration et le redressement des entreprises.

4.3.- La politique sociale

4.3.1.- L'effort en faveur du logement social sera poursuivi avec le concours de l'État. L'attribution des financements et les choix des opérateurs devront contribuer à un équilibre géographique. Une distinction sera effectuée entre les rôles de collecteur, de promoteur et de gestionnaire du parc social.

4.3.2.- Une couverture sociale généralisée sera mise en place.

4.4.- Le contrôle des outils de développement

La Nouvelle-Calédonie sera mise à même, au cours de la nouvelle période qui s'ouvre, de disposer d'une maîtrise suffisante des principaux outils de son développement. Lorsque l'État détient directement ou indirectement la maîtrise totale ou partielle de ces outils, la Nouvelle-Calédonie le remplacera selon des modalités et des calendriers à déterminer. Lorsque la Nouvelle-Calédonie le souhaitera, les établissements publics nationaux intervenant seulement en Nouvelle-Calédonie deviendront des établissements publics de la Nouvelle-Calédonie.

Sont notamment concernés : Office des postes et télécommunications, Institut de formation des personnels administratifs, Société néo-calédonienne de l'énergie ENERCAL, Institut calédonien de participation, Agence de développement rural et d'aménagement foncier, Agence de développement de la culture kanak...

Lorsque les organismes n'interviennent pas seulement en Nouvelle-Calédonie, celle-ci devra disposer des moyens de faire valoir ses orientations stratégiques, en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie par une participation dans le capital ou les instances dirigeantes.

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3.- Loi n° 99-209 du 19 mars 1999 organique
relative à la Nouvelle-Calédonie

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TITRE VIII

LE RÉÉQUILIBRAGE ET LE DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET CULTUREL

Article 210

I.- Des contrats pluriannuels de développement sont conclus entre l'État d'une part, la Nouvelle-Calédonie et les provinces d'autre part. Les contrats de développement sont conclus et renouvelés pour une durée de cinq ans.

Les actions et opérations prévues par ces contrats favorisent l'accès aux formations initiales et continues, l'insertion des jeunes, le développement économique, l'amélioration des conditions de vie des populations et le développement culturel.

II.- Le président du gouvernement et les présidents des assemblées de provinces sont consultés par le haut-commissaire sur la répartition des crédits du Fonds d'équipement et de promotion pour la Nouvelle-Calédonie, créé au sein du Fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer.

III.- L'État apporte son concours au fonds de garantie que la Nouvelle-Calédonie pourra créer pour faciliter le financement des projets de développement sur les terres coutumières.

Article 211

Le schéma d'aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie exprime les orientations fondamentales en matière d'infrastructures, de formation initiale et continue, d'environnement, d'équipements, de services d'intérêt territorial et de développement économique, social et culturel. Il veille à un développement équilibré du territoire, en particulier au rééquilibrage de la répartition des fonds publics bénéficiant aux provinces et communes. Il fixe les objectifs à atteindre et prévoit les moyens à mettre en _uvre par l'État, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes.

Il est élaboré par le haut-commissaire et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et approuvé par le congrès, après avis des assemblées de province, du conseil économique et social et du sénat coutumier et après consultation des communes.

Le schéma d'aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie fait l'objet tous les cinq ans d'une évaluation et d'un réexamen.

Les contrats de développement conclus entre l'État, la Nouvelle-Calédonie et les provinces et les contrats conclus entre l'État et les communes sont compatibles avec les orientations retenues dans le schéma d'aménagement et de développement.

Article 212

La province peut aider les entreprises à s'implanter, à développer ou à reconvertir leurs activités sur son territoire par des prêts, avances ou bonifications d'intérêts.

Ces aides sont attribuées par l'intermédiaire d'un établissement bancaire ou financier avec lequel la province passe convention.

Article 213

Il est créé un comité consultatif de l'environnement comprenant notamment des représentants de l'État, du gouvernement, des provinces et des communes. Une délibération du congrès en précise la composition, le fonctionnement et les attributions.

Article 214

Il est créé auprès du haut-commissaire un comité consultatif du crédit composé à parts égales :

1° De représentants de l'État ;

2° De représentants de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ;

3° De représentants des organismes professionnels intéressés.

Un décret en Conseil d'État en précise les attributions et les règles d'organisation et de fonctionnement.

Article 215

Dans le but de contribuer au développement culturel de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci, après avis des provinces, conclut avec l'État un accord particulier. Celui-ci traite notamment du patrimoine culturel kanak et du centre culturel Tjibaou.

Les langues kanak sont reconnues comme langues d'enseignement et de culture.

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() La loi du 28 décembre 1976 assouplit la tutelle de l'État établie dans le décret-loi du 22 juillet 1957 : elle est enrichie par six ordonnances prises sur l'habilitation d'une loi du 4 février 1982. La loi du 4 mai 1984 consacre un véritable statut d'autonomie mais déclenche des violences telles qu'elle n'est jamais appliquée. Elle est remplacée par une loi du 23 août 1985 définissant un statut transitoire, remis en cause, à la suite du changement de majorité en France, par la loi du 17 juillet 1986. Cette dernière est complétée par la loi du 22 janvier 1988 qui accentue l'autonomie accordée à la Nouvelle-Calédonie à la suite du référendum en faveur du maintien dans la République. Mais son application se heurte à une nouvelle flambée de violence qui conduit à la prise d'otages meurtrière à Ouvéa, le 24 avril 1988.

() Voir le texte du préambule en annexe II.

() Le texte du titre VIII est repris dans l'annexe II.

() Voir annexe II.

() 18,18 francs Pacifique (FCFP) valent 1 franc français.

() Ce groupement d'intérêt économique associe la Nouvelle-Calédonie, les trois provinces et différentes collectivités représentatives de l'industrie touristique. Depuis le 1er juillet 1996, le GIE a changé de nom : de « Destination Nouvelle-Calédonie », il est devenu « Nouvelle-Calédonie Tourisme ».

() Aussi appelées bêches ou concombres de mer et se consommant séchées, elles sont très prisées dans les pays asiatiques.

() René Dosière, Rapport sur le projet de loi organique (n° 1229) relatif à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi (n° 1228) relatif à la Nouvelle-Calédonie, Assemblée nationale, onzième législature, document n° 1275, 16 décembre 1998, tome I.

() L'article 122 de la loi organique dispose que le haut-commissaire assiste de plein droit aux réunions du gouvernement.

() Jacques-Maurice Cler, « La Nouvelle-Calédonie cherche sa voie », Le Figaro, 6-7 mai 2000.

() Sandrine de Bonnefoy, « Raphaël Pidjot condamne l'attitude réductrice du RPCR », Les Nouvelles Calédoniennes, 24 mars 2000.

() Philippe Auberger, Annexe n° 37, document n° 1861, Assemblée nationale, onzième législature, 14 octobre 1999.

() Voir Yves Tavernier, Situation économique et financière de la Nouvelle-Calédonie : Les paradoxes calédoniens, Assemblée nationale, onzième législature, rapport d'information n° 1026, 25 juin 1998, pp.82-83.

() Accord de Nouméa, document d'orientation, point 3.1.1 et Constitution, article 77, alinéa 1.

() d'après l'état récapitulatif de l'effort budgétaire et financier consacré aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, joint au projet de loi de finances pour 2000.

() Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Rapport sur les conditions de mise en _uvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés dans certains secteurs économiques des départements et territoires d'outre-mer en 1998, septembre 1999.

() Les Nouvelles Calédoniennes, 4 mars 2000.