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N° 2883

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE (1) sur les services publics et les territoires.

PAR MM. Pierre COHEN ET Henri NAYROU,

Députés.

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(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

Aménagement du territoire.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est composée de : M. Philippe Duron, président ; MM. Félix Leyzour, Jean-Michel Marchand, Patrick Ollier, vice-présidents ; MM. Yves Coussain, Nicolas Forissier, secrétaires ; MM. Pierre Cohen, Jean-Claude Daniel, Jean Espilondo, Gérard Hamel, René Mangin, Henri Nayrou, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Serge Poignant, François Sauvadet.

INTRODUCTION 7

I - LE SERVICE PUBLIC EST, EN FRANCE, UNE NOTION ANCIENNE QUI ÉVOLUE 9

A. L'INTERVENTION ANCIENNE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE DANS LE DOMAINE ÉCONOMIQUE 9

B. UNE REMISE EN CAUSE RÉCENTE 10

C. LA SPÉCIFICITÉ DU CAS FRANÇAIS ? 10

II - L'ÉTAT DES LIEUX : DES RÉALISATIONS DÉJÀ IMPORTANTES 11

A. LES DIFFÉRENTS POINTS DE PROXIMITÉ 12

1. les "points publics" 12

2. Les espaces ruraux pour l'emploi et la formation 12

3. Les plates-formes de services publics 13

4. Les maisons des services publics 14

a) Des formes variées 14

b) Un bilan contrasté 15

B. LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION 17

1. Les prémices 17

2. Le programme d'action gouvernemental 18

C. LA POLITIQUE D'IMPLANTATION TERRITORIALE D'EMPLOIS PUBLICS 19

D. LES APPORTS LÉGISLATIFS 19

1. La modernisation des services publics 20

2. Le développement des maisons des services publics 21

3. Un accès au droit facilité 22

III - LE SERVICE PUBLIC : UNE DÉFINITION QUI LAISSE À DÉSIRER 23

A. QU'EST-CE QUE LE SERVICE PUBLIC ? 23

1. Un concept flou 23

2. Services publics ou services au public ? 24

3. Les 36 équipements de l'inventaire communal de l'INSEE 25

B. QUELS SONT LES BESOINS DES USAGERS ? 25

1. Les besoins quantitatifs 25

2. Les besoins qualitatifs 26

3. Des impératifs contraires 26

4. Mettre l'usager au centre de la réflexion 27

C. QUELLES SONT LES ÉVOLUTIONS DE LA POPULATION ? 27

IV - DES PROGRÈS NÉCESSAIRES 29

A. QUELS TYPES DE RESTRUCTURATIONS FAUT-IL ENVISAGER ? DES ÉQUILIBRES DIFFICILES À TROUVER 29

1. Une constatation : des fermetures récentes apparemment peu nombreuses 29

2. Qu'est-ce qu'une "bonne" réorganisation ? 30

3. Le coût 31

4. Des horaires à aménager 32

5. Comment rendre plus accessibles les services publics en tous points du territoire : les technologies de l'information et de la communication 33

a) Prendre en compte les besoins des usagers 34

b) Redéfinir les missions et le fonctionnement de l'administration 35

c) Compléter les délocalisations 36

6. Développer la concertation et refuser les normes 37

a) Les commissions départementales d'organisation des services publics 37

b) Les commissions départementales de présence postale 37

c) La réforme de la carte judiciaire 39

d) D'autres expériences de concertation décentralisée 40

B. LA NÉCESSAIRE TRANSVERSALITÉ 41

1. Les projets territoriaux de l'Etat, une innovation clé pour renforcer l'interministérialité 41

2. La nécessaire réforme de l'ordonnance de 1959 42

3. La transversalité grâce aux maisons des services publics 43

4. La transversalité de l'information 45

C. QUEL EST LE NIVEAU PERTINENT ? DÉCONCENTRATION ET DÉCENTRALISATION 45

1. La nécessaire déconcentration 45

a) Les récentes étapes du développement de la déconcentration 45

b) Des insuffisances réelles 46

c) La réaffirmation du rôle du préfet 47

2. L'échelon des nouveaux territoires et le renforcement de la démocratie 48

a) Les chartes et les contrats de pays et d'agglomérations 49

b) Le volet territorial des contrats de plan Etat-région 50

POINT DE VUE DE M. PIERRE COHEN 51

POINT DE VUE DE M. HENRI NAYROU 59

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION 75

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 83

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION 85

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 87

AUDITIONS 89

ANNEXES 127

L'inventaire communal de l'INSEE de 1999 129

La densité de population en 1999 (carte) 133

Mesdames, Messieurs,

Pour son deuxième rapport, la Délégation à l'aménagement du territoire a choisi de travailler sur le thème "services publics et territoires". Le déclin des services publics que l'on constate trop souvent ne doit pas être une fatalité : la nécessaire modernisation des administrations ne doit pas porter atteinte à la vitalité de certaines zones et à l'égal accès de tous les citoyens à ces services. Cette accessibilité doit être d'ailleurs recherchée tant en milieu rural qu'en milieu urbain ou péri-urbain.

Il est de surcroît naturel que la Délégation s'intéresse à l'implantation des services publics sur les territoires, puisque ceux-ci émergent partout grâce à la loi d'orientation du 25 juin 1999, avec un succès croissant, qu'il s'agisse des pays ou des agglomérations. Leur constitution doit tenir compte des besoins de la population en services publics, elle doit en être le vecteur. La territorialisation doit aller de pair avec une réflexion et une action sur les services publics.

Les rapporteurs ont choisi de présenter en premier lieu un socle commun qui, d'une part, montre les actions menées jusqu'à présent pour rendre les services publics plus accessibles, mais aussi les obstacles contribuant à leur stagnation, voire à leur déclin, et qui, d'autre part, recense les progrès restant à réaliser afin de parvenir à une meilleure prise en compte des besoins des citoyens dans ce domaine.

Ils ont souhaité faire part ensuite de leurs propres points de vue, souvent proches, mais en tenant compte de leurs expériences respectives, l'une urbaine, l'autre rurale, avant de présenter quelques propositions qui leur paraissent de nature à favoriser l'organisation et l'implantation harmonieuse et efficace des services publics sur les territoires.

I - LE SERVICE PUBLIC EST, EN FRANCE, UNE NOTION ANCIENNE QUI ÉVOLUE

A. L'INTERVENTION ANCIENNE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE DANS LE DOMAINE ÉCONOMIQUE

L'intervention de l'Etat en France dans le domaine économique remonte à une époque ancienne. Le colbertisme apparaît dans la seconde partie du XVIIème siècle : pour stimuler la vie économique et développer les exportations, Colbert a créé des manufactures, subventionné des compagnies de commerce, passé des contrats de travaux publics pour les ports et les canaux, construit des arsenaux militaires. Le secteur public se présente donc largement comme l'héritage de l'Ancien Régime. Toutefois, le rôle de l'Etat est réduit au minimum pour ce qui concerne la réglementation et la gestion d'entreprise.

C'est l'Etat encore, qui, poursuivant cette tradition au XIXème siècle, développe les réseaux routiers et ferrés, le télégraphe ; des équipements collectifs se mettent peu à peu en place.

L'intervention de l'Etat s'accroît au tournant du siècle. Il se substitue à l'initiative privée non seulement pour créer des infrastructures, mais aussi pour gérer des services d'intérêt collectif en matière éducative, sociale ou économique. On pourrait en donner pour exemple les réseaux de gaz, d'électricité, l'enseignement.

Il a donc fallu tenir compte des progrès nouveaux de l'action de la puissance publique. La doctrine élaborée au début du siècle a mis l'accent sur l'idée de service rendu par l'Etat. Le service public s'est créé à partir d'une notion jurisprudentielle, un arrêt du Conseil d'Etat de 1925. Il s'est constitué progressivement et sans logique, sans réflexion collective. Ainsi la notion de service public est variable.

La conception de l'Etat prestataire de services se fait jour. La jurisprudence du Conseil d'Etat dégage les trois grands principes du service public, continuité, égalité, adaptabilité.

Au cours du premier tiers du XXème siècle, certaines activités des communes sont légalisées (abattoirs en 1905, voies ferrées d'intérêt local en 1913). La gestion des services de proximité est de plus en plus le fait des collectivités locales, qu'il s'agisse des eaux, des ordures, des transports urbains ou du chauffage collectif. Les services publics se développent rapidement à partir de la crise des années1930.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l'Etat a dû mettre en place en priorité les infrastructures nécessaires à la croissance. En 1946, le service public trouve sa consécration dans le préambule de la Constitution avec le développement des nationalisations : "tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité".

Il faut toutefois souligner que toutes les entreprises publiques n'ont pas à remplir de mission de service public. C'est le cas en particulier de certaines entreprises nationalisées en 1982.

B. UNE REMISE EN CAUSE RÉCENTE

Parallèlement à cette confusion relative, une nouvelle évolution s'impose aux services publics. Les années 1980 ont été caractérisées par leur remise en cause, tant en France que dans l'Union européenne, en raison de l'inadaptation de certains d'entre eux, de l'internationalisation des économies, de la rapidité des mutations technologiques, de la demande croissante des usagers devenus plus exigeants, de services de plus en plus différenciés et, plus généralement, de l'influence croissante des idées néo-libérales dans un contexte de mondialisation. Ce changement radical de contexte suppose de repenser la place des services publics.

Le Traité d'Amsterdam a toutefois pris acte de la fonction essentielle de ces services. Son article 7 D dispose qu'"eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives... veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettront d'accomplir leurs missions".

C. LA SPÉCIFICITÉ DU CAS FRANÇAIS ?

Cette évolution pose le problème de l'existence d'un service public à la française, qui serait spécifique à notre pays. L'idée du service public lié à l'intérêt général, à l'indépendance nationale et à l'utilité sociale est dominant depuis la Libération. A la différence d'autres pays européens, la France fait du service public un outil pédagogique de reconquête économique et sociale. Au plan juridique, le service public s'appuie sur trois principes, la continuité, l'égalité et l'adaptabilité en fonction de l'évolution des besoins. D'un point de vue économique, les services publics permettent de remédier aux carences du marché. Plus généralement, le service public fait partie d'un mode d'organisation de la société qui met l'accent sur l'importance du lien social. Il permet l'expression de l'intérêt général de la collectivité. Il doit en permanence faire face à une double logique de cohésion sociale et de lutte contre l'exclusion et d'offre de ressources avec une répartition équilibrée dans l'espace et dans le temps.

Singularité, exception française ? Le service public est l'expression de la République. Le problème se pose de savoir dans quelle mesure les services publics confrontés à ces nouveaux défis doivent évoluer et ne pas rester figés, pour s'adapter à ces mutations, tout en gardant leurs missions. A l'ère de l'intégration européenne, de la mondialisation et de l'ultra-libéralisation, l'idéologie du service public est mise à mal et l'Etat se doit de redéfinir son rôle dans notre société.

C'est ainsi que des progrès certains, bien qu'insuffisants, ont déjà été réalisés, comme en témoigne un rapide état des lieux.

II - L'ÉTAT DES LIEUX : DES RÉALISATIONS DÉJÀ IMPORTANTES

La loi du 5 janvier 1988 relative à l'amélioration de la décentralisation a créé, dans les 22 départements comportant une zone de montagne, une commission chargée de veiller à la densité et à la qualité des services publics. Puis le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 28 novembre 1991 a décidé l'élaboration de schémas départementaux d'organisation et l'amélioration des services publics (SDOASP) dans 25 départements à dominante rurale.

En 1992, un moratoire suspendant les fermetures et les réductions des services publics en milieu rural a été décidé. Mais cette politique n'était pas une réponse satisfaisante.

Parallèlement, de nombreux systèmes ont déjà été mis en place pour développer les services publics de proximité, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain.

A. LES DIFFÉRENTS POINTS DE PROXIMITÉ

1. les "points publics"

Les "points publics" existent depuis 1992 et ont été officialisés lors du comité interministériel de développement et d'aménagement rural (CIDAR) du 30 juin 1994, puis par une circulaire du Premier ministre d'août 1994. Ils doivent permettre la présence et l'accessibilité des services publics sur le territoire, grâce à la mise en commun de moyens et une coopération entre les divers services. Le point public doit promouvoir en un même lieu et au sein d'une structure polyvalente de nombreuses actions courantes (accueil, renseignement, orientation, documentation, constitution de dossiers, délivrance de prestations).

Ces structures ont donc pour objectif d'affirmer la présence physique de l'Etat, tout en gardant une grande souplesse. L'accès de ces points a été étendu aux entreprises publiques - voire même à des acteurs privés - grâce à la conclusion de conventions locales. Des subventions ont été versées par l'intermédiaire du préfet.

Une évaluation de cette politique a été réalisée en 1997. Quelque 64 points publics ont été créés entre 1994 et 1997, chacun desservant en moyenne 12.000 personnes. Les dépenses d'investissement s'élèvent en moyenne à 230 millions de francs, la contribution du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) atteignant en moyenne également 127 millions de francs. Quant aux dépenses de fonctionnement, leur montant moyen est de 216 millions de francs. La direction générale de l'administration et de la fonction publique a aidé la plupart des points publics en leur accordant, pour la première année de leur fonctionnement, 135 millions de francs en moyenne.

L'opérateur pilote est variable selon les cas : il peut s'agir d'une commune, d'une association, d'un service déconcentré de l'Etat, d'un établissement ou d'une entreprise publics, d'une assemblée consulaire.

La création en 1994 également, de points publics mobiles, traduit encore la volonté d'aller vers l'usager.

2. Les espaces ruraux pour l'emploi et la formation

Le même comité interministériel de développement et d'aménagement rural a mis l'accent sur la nécessité de favoriser le développement d'espaces ruraux pour l'emploi et la formation (EREF). Ceux-ci apportent une offre globalisée de services dans ces deux domaines et celui de l'insertion. Ils reposent sur la notion de partenariat entre les différents services déconcentrés de l'Etat, l'agence nationale pour l'emploi (ANPE), les structures locales d'accueil, les établissements publics ou les acteurs privés du secteur social, tels que la mutualité sociale agricole (MSA), la caisse d'allocations familiales (CAF), les différents acteurs de la vie économique, telles que les entreprises locales et les entreprises nationales publiques.

Plus récente est la création des guichets initiative-emploi regroupant l'ANPE, les ASSEDIC, l'URSSAF et la direction départementale du travail et de l'emploi.

En milieu rural, la réponse fournie est donc fondée sur les notions de regroupement des services, afin de remédier au déficit de présence des services publics. Or, en milieu urbain défavorisé, le traitement ne peut pas être identique : le problème à traiter doit être plutôt celui de l'inadéquation et de l'illisibilité du service public.

3. Les plates-formes de services publics

C'est pourquoi, parallèlement, ont été mises en place, par circulaire en 1994, les "plates-formes de services publics". En 1996, dans le cadre du Pacte de relance pour la ville, est organisé un appel national à projet organisé par la délégation interministérielle à la ville, afin de promouvoir ces structures. Le constat avait, en effet, établi qu'une présence des services publics dans les quartiers en difficulté était très inégalement assurée et que l'uniformisation des prestations rendues ne permettrait pas d'adapter les réponses aux besoins effectifs des usagers. Or, cette inégalité devant le service public était analysée comme un des facteurs générateurs de l'exclusion sociale.

La création de plates-formes avait donc pour but, dans un quartier inscrit dans un contrat de ville, de créer un lien unique regroupant différents services lorsque ceux-ci ne sont pas implantés dans le quartier ou, dans le cas contraire, de favoriser la mise en réseau de services existants.

Les structures mises en place ont été majoritairement une émanation de collectivités locales : elles sont, en effet, axées sur des services sociaux au sens large ; les services de l'Etat sont assez peu présents dans ce domaine.

Un concept fédérateur des diverses structures préalablement créées a semblé s'imposer et leur expérimentation a été décidée en comité interministériel. Il a paru souhaitable d'encourager, sur la base d'une circulaire du ministère de la fonction publique d'août 1996, la mise en place de services publics polyvalents de proximité sous l'appellation de "maisons des services publics", afin de permettre aux usagers d'avoir accès en un lieu unique à des services publics de nature différente, d'assurer, par une mise en commun de moyens et la coopération entre les services, une plus grande polyvalence dans la prise en charge des difficultés et d'offrir aux usagers une vaste palette de prestations et une meilleure lisibilité des services publics.

4. Les maisons des services publics

Plusieurs structures ont été créées, à titre expérimental, jusqu'à ce que le législateur leur fournisse un cadre juridique pour faciliter leur constitution et leur fonctionnement.

a) Des formes variées

La délégation interministérielle à la réforme de l'Etat a envoyé un questionnaire à tous les préfets de départements afin de recenser les maisons des services publics et d'en connaître les principales caractéristiques. L'étude, réalisée à la fin de 1999, concerne 261 maisons, réparties dans 94 départements.

Elles sont pour la plupart récentes, puisque les deux tiers ont été créées entre 1996 et 1999 ; toutefois, cinq structures datent d'avant 1990. Leur but est variable, puisque 83 % d'entre elles s'adressent à un large public, alors que 17 % ont une vocation thématique (par exemple, l'emploi, l'insertion, le développement local). Il est à noter que leur répartition est à peu près équitable, puisque 47,6 % d'entre elles sont implantées en zone rurale et 49,3 % en zone urbaine, les autres (3,1 %) estimant qu'elles agissent à la fois en milieu rural et urbain.

Il est frappant de constater que la création de ces structures a, jusqu'à cette date, semblé relever plus d'une logique d'offre que d'une logique de réponse à une demande : en effet, 79 % des structures ont été mises en place sans étude préalable et, dans le cas contraire, les promoteurs ont plus souvent recensé les disponibilités des partenaires potentiels que des besoins de la population locale.

Les structures sont nées dans la plupart des cas d'une initiative commune à plusieurs organismes. Les porteurs de ces initiatives sont en majorité les collectivités locales (dans 57 % des cas), viennent ensuite les associations (11 %), les préfectures et sous-préfectures (8 %). Dans quelques autres cas, il s'agit des chambres consulaires, de La Poste, d'EDF-GDF ou de l'ANPE ou de la mission locale.

Avant le vote de la loi du 12 avril 2000, seules quelque 29 % des structures déclaraient avoir une personnalité juridique, et pour nombre d'entre elles, le statut juridique était celui de l'association, le mode de constitution majeur étant la convention.

Quant à leur organisation, on relève que, parmi les structures rurales, une majorité s'insèrent dans le cadre du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics (prévu par la loi de 1992), deux s'insèrent dans le cadre d'un contrat de pays et que, en zone urbaine, 60 % des structures s'inscrivent dans un contrat de ville.

Les équipes sont très diversifiées, et composées d'agents publics dans 61,4 % des cas, ainsi que d'agents du secteur privé, ou d'emplois-jeunes.

En ce qui concerne les prestations, la plupart des maisons des services publics proposent essentiellement une aide aux démarches administratives et à la délivrance de titres administratifs, des prestations dans le secteur de l'emploi et de l'action sociale, des conseils ou une aide juridique.

L'appellation "maisons des services publics" revêt donc en fait jusqu'à présent sous un terme unique une très grande diversité et de multiples formes.

b) Un bilan contrasté

Elles ont été le plus souvent créées dans un souci de rationalisation et d'aménagement du territoire, de compensation thématique à l'échelle du territoire. Elles sont l'_uvre du terrain. Elles constituent des réponses pour pallier des fermetures définitives ou des insuffisances de services publics mais cette démarche novatrice peut être considérée dans certains cas comme un indicateur de modernisation du service public.

Les différentes expériences menées sont très variables tant au niveau des projets que de la qualification du personnel, de l'échelle, des partenariats... Leur succès tient le plus souvent à l'élaboration en amont d'un véritable projet sur la base de l'analyse des besoins locaux, par la mise en place d'une coordination interne, d'un comité de pilotage, d'une volonté politique et de la capacité des préfets à se positionner en terme de relais. L'Etat est peu présent, excepté pour les caisses d'allocations familiales (CAF), car les besoins, qui sont essentiellement d'ordre social, relèvent peu de son champ de compétence.

La plupart des structures, s'appuyant sur l'évolution de la fréquentation, estiment leur bilan positif. Elles permettent effectivement de rapprocher les services publics de la population locale en s'adaptant à ses besoins et en constituant un interlocuteur unique. Il faut toutefois souligner que, parmi celles qui ont participé à l'enquête, 11 seulement établissent des statistiques mensuelles ou annuelles d'évolution de leur fréquentation et que, dans la majorité des cas, aucun suivi de la satisfaction des usagers n'est prévu.

Les problèmes qu'elles rencontrent tiennent principalement au financement. Elles bénéficient, en quasi-totalité, de crédits de provenance multiples :

- Etat (83 %),

- collectivités locales (78 %),

- subventions européennes (29 %),

- participation de différents autres partenaires.

L'aide de l'Etat intervient principalement lors de leur mise en place, sous forme d'aides à la création ; elle est moindre dans le budget de fonctionnement.

Les maisons de services publics estiment que les apports sont tardifs, irréguliers, peu sûrs et peu pérennes ; elles regrettent de ne pas pouvoir disposer de vision à long terme, ce qui peut peser sur leur développement. Certaines d'entre elles se plaignent d'un financement unique, ce qui entraîne dépendance et aléas accrus.

La gestion des agents pose aussi problème, qu'il s'agisse d'effectifs insuffisants ou peu stables, ce qui peut expliquer la lenteur ou la pauvreté de certaines réponses apportées aux usagers. Quand les agents sont gérés par le service auquel ils appartiennent, l'absence d'un responsable ayant autorité sur tous les agents nuit au dynamisme de la structure.

L'assise juridique floue peut également rendre difficile les relations entre les différents partenaires qu'elles rassemblent.

Certaines maisons de services publics n'ont pas su dépasser les nécessités de regroupement d'ordre matériel et financier pour élaborer un véritable projet commun suivi par un comité de pilotage qui permettrait d'éviter les effets pervers jusqu'alors identifiés : isolement du fait d'une très grande spécialisation autour des prestations sociales et de l'absence de coordination, survalorisation de la relation professionnelle.

Certaines, enfin, mettent l'accent sur le relatif échec de leurs relations avec leurs usagers, ce qui peut paraître alarmant : elles regrettent la faiblesse de la fréquentation, soulignent que le site est excentré par rapport à la population visée, ou que la population est peu importante numériquement.

Il en ressort donc que les maisons de services publics sont une réponse adaptée, mais que faute d'étude approfondie préalable et de règles plus claires de financement et de gestion des personnels, la démarche peut être compromise.

B. LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

Elles ont connu un développement fulgurant et peuvent être un des instruments de l'aménagement du territoire. Les nouveaux réseaux d'information offrent des perspectives prometteuses pour la modernisation de l'Etat et pour améliorer ses relations avec les citoyens. Elles permettent d'imaginer de nouvelles modalités de mise à disposition des informations utiles au public et offrent la possibilité de s'affranchir de contraintes d'éloignement géographique.

Ces technologies ont déjà permis de rapprocher, dans une certaine mesure, l'administration des usagers, de les informer, de leur offrir de nouveaux moyens d'accès et de développer l'interactivité.

1. Les prémices

Il convient de souligner qu'avant même l'arrivée d'Internet une telle démarche avait été entreprise. Sans en dresser une liste exhaustive, rappelons que, dès 1959, les centres interministériels de renseignements administratifs (CIRA) orientent les usagers vers les services compétents et leur fournissent les renseignements nécessaires à l'accomplissement des formalités : En 1996, environ 1,4 million d'appels ont été reçus par les 9 CIRA.

Le succès du minitel n'est plus à démontrer : 16 millions de personnes en sont dotées ; l'administration a développé près de 150 services télématiques.

2. Le programme d'action gouvernemental

Mais pour répondre à cette préoccupation déjà ancienne, les nouvelles technologies représentent un saut sans équivalent. En janvier 1998, le comité interministériel pour la société de l'information a adopté un "programme d'action gouvernemental pour préparer l'entrée de la France dans la société de l'information" (PAGSI). L'accès a été mis sur la nécessité de mettre en ligne les données publiques et de rendre l'administration accessible par voie électronique.

De très nombreux progrès ont été réalisés en ce sens, et des mesures concrètes ont été mises en _uvre. Le développement des sites publics met la France au même niveau que les pays de développement comparables, mis à part le cas des Etats-Unis. A ce jour, 1500 sites publics sont recensés, dont 1000 pour les collectivités locales.

Le portail "Admifrance" propose un moteur d'interrogation et une base d'information sur l'ensemble des démarches que le public effectue avec les administrations et reçoit 350 000 visites par mois. Quant à Legifrance, il diffuse gratuitement des grands textes du droit français.

Les téléprocédures ont été développées : la commission pour la simplification des formalités (COSIFORM) a élaboré un schéma directeur interministériel des téléprocédures, chaque ministère devant préparer un plan triennal de développement des téléprocédures. C'est ainsi que commencent à être dématérialisées les déclarations et les règlements des cotisations sociales, les déclarations fiscales (1,5 million de consultations du calcul de l'impôt sur le revenu ont été constatées), l'obtention des cartes grises (un million en 1999).

Les lieux d'accueil du public des principales administrations de proximité (sous-préfectures, maisons de services publics, agences locales pour l'emploi, etc...) se dotent de points d'accès Internet afin de faciliter l'accès des usagers aux serveurs d'informations proposés par l'administration.

La Poste a mis à la disposition du public, en 1998, dans mille de ses bureaux, situés aussi bien en zone rurale que dans les villes, notamment dans les quartiers sensibles, des terminaux d'accès à Internet. Plus généralement , divers lieux publics (maisons de services publics, points publics, ANPE etc...) sont équipés de points d'accès aux services en ligne de l'Etat.

C. LA POLITIQUE D'IMPLANTATION TERRITORIALE D'EMPLOIS PUBLICS

Les premières opérations de transfert d'emplois publics ou "délocalisations" datent du début des années 1960 ; le mouvement s'est poursuivi depuis, mais s'est considérablement accéléré depuis 1992. En effet, 25 350 emplois ont été transférés entre 1960 et 1991 et 17 260 emplois entre 1992 et 1999, dont 8000 pour La Poste.

Le comité interministériel d'aménagement du territoire de décembre 1997 a revu la méthode en mettant l'accent sur le renforcement de la concertation, tant lors de la préparation que lors de l'exécution, sur la recherche de la constitution de pôles de compétence et sur le suivi des actions conduites

Le comité interministériel d'aménagement durable du territoire (CIADT) du 18 mai 2000 a poursuivi cette politique en prévoyant le transfert de 4 818 emplois.

Les études d'évaluation ont montré que l'impact au plan local et régional des délocalisations était particulièrement positif lorsque l'organisme concerné était un établissement à caractère scientifique ou technique : il permet, en effet, de renforcer le rôle de la capitale régionale, de provoquer l'émergence d'un pôle de compétence, ou de stimuler l'économie locale. De façon plus générale, l'effet des délocalisations est positif en terme de qualité des prestations produites.

Toutefois, des freins subsistent, notamment l'insuffisante prise en compte de la perte d'emploi du conjoint. En outre, cette politique, qui a conduit à renforcer les villes principales de la région, ne permet pas toujours d'irriguer convenablement les territoires. On assiste en fait à une recentralisation ou à un développement au niveau des grandes métropoles.

D. LES APPORTS LÉGISLATIFS

Le moratoire des services publics ne pouvait être ni satisfaisant ni durable car il fige les situations. Toutefois, sa suppression devait s'accompagner de certaines règles. C'est pourquoi plusieurs lois très récentes ont pour objectif de dynamiser les services publics.

La LOADDT du 25 juin 1999, précisant la loi du 4 février 1995, fixe des règles pour favoriser la répartition harmonieuse des services publics, instaure les schémas de services collectifs et fournit un cadre juridique pour les maisons de services publics.

Ce cadre est complété par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Quant à la loi du 18 septembre 1998, elle a consacré les maisons de justice et du droit.

1. La modernisation des services publics

La loi du 25 juin 1999 prévoit que des conventions, contrats ou cahiers des charges fixeront les obligations d'aménagement du territoire, des organismes, établissements publics ou entreprises nationales. Les contrats de plan ou de services publics doivent définir des objectifs en terme d'aménagement du territoire et de service rendu aux usagers (méthode de concertation, accessibilité au service, garantie des services, qualité du service en tout point du territoire, partenariat, évolution d'organisation).

EDF et GDF disposent de contrats de service public en plus de leurs contrats de plan ; La Poste a un contrat d'objectifs et de progrès qui équivaut à un contrat de plan, et l'ANPE a signé un contrat d'objectifs. Quant à la SNCF et France Télécom, elles ont un cahier des charges approuvé par décret.

Les organismes qui ne font pas déjà l'objet de conventions ou de cahiers des charges devront se doter d'un plan d'organisation au niveau départemental, au moins triennal, global et intercommunal, couvrant l'ensemble du département, approuvé par le préfet, après avis de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics. En cas de non respect des dispositions de ces documents, la décision prise sera suspendue et une étude d'impact réalisée. Il en sera de même en cas de suppression simultanée de plusieurs services sur une même commune, d'un même service sur deux communes limitrophes, ou de plusieurs services au sein d'un groupement de communes. La loi a donc renforcé le pouvoir du préfet sur les services publics.

La LOADDT, en deuxième lieu, encourage la constitution de maisons des services publics, en leur fournissant pour la première fois un cadre juridique souple. Celles-ci avaient été expérimentées depuis plusieurs années en vue d'améliorer les réponses aux attentes des usagers concernant l'accessibilité et la proximité des services publics sur le territoire en milieu urbain et rural mais sans règles définies a priori, ce qui était source d'incertitudes et même d'échecs. La loi prévoit que divers partenaires peuvent mettre en commun leurs moyens dans un local commun : l'Etat et ses établissements publics, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d'une mission de service public.

Enfin, la LOADDT innove sur un troisième point, en promouvant les schémas de services collectifs. L'objectif est d'assurer une accessibilité effective de tous les services. La perspective traditionnelle est inversée : à la logique habituelle de planification prioritairement centrée sur une offre standardisée d'équipements, la notion de schémas de services collectifs substitue une démarche plus attentive aux besoins.

2. Le développement des maisons des services publics

La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations précise les modalités de constitution des maisons des services publics. Elle énumère les collectivités et organismes chargés d'une mission de service public susceptibles de participer à la mise en place de ces maisons (services publics relevant de l'Etat ou de ses établissements publics, collectivités locales ou leurs établissements publics, organismes de sécurité sociale, autres organismes chargés d'une mission de service public) et exige la présence d'au moins une personne morale de droit public.

La maison des services publics fonctionnera grâce à des agents mis à sa disposition par les collectivités et organismes fondateurs et régis par les dispositions prévues par leur statut ou les dispositions législatives ou réglementaires les concernant, le responsable de la structure devant être soumis au statut général de la fonction publique.

La création de la maison des services publics résulte soit d'une convention, soit de la mise en place d'un groupement d'intérêt public, au choix des participants. La convention, qui doit être soumise à l'avis de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics, et approuvée par le préfet, doit comporter la délimitation du cadre géographique de ses activités, la liste des missions à remplir, les prestations délivrées, les modalités de désignation de son responsable, les conditions selon lesquelles pourra prendre des décisions, et les conditions de mise à disposition de la maison des services publics de personnels relevant des personnes morales parties à la convention.

La loi prévoit également que les maisons de services publics peuvent prendre la forme d'un groupement d'intérêt public. Créés par la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982, les groupements d'intérêt public (GIP) ont vocation à servir de cadre à un partenariat entre personnes publiques et privées, dans les domaines les plus divers.

Ces importantes précisions juridiques devraient permettre de donner un nouvel élan aux maisons de services publics et de sensibiliser davantage les préfets et les élus à leur travail.

3. Un accès au droit facilité

Les premières maisons de justice et du droit sont nées dès 1990. Cette expérience a été consacrée par la loi du 18 décembre 1998.

Ces maisons sont créées pour remédier à l'éloignement des palais de justice de certaines communes ou certains quartiers, souvent vécu par les habitants comme une carence de la justice. L'objectif est que celle-ci soit plus proche et plus accessible.

Elle assure une présence judiciaire grâce à la mobilisation de différents acteurs (magistrats, policiers, élus, associations, éducateurs, enseignants, travailleurs sociaux). Elle répond à la petite délinquance quotidienne par des mesures adaptées, elle traite des petits litiges d'ordre civil en mettant en _uvre des solutions à l'amiable, elle est aussi un lieu d'accueil où chacun peut obtenir les informations juridiques dont il a besoin, elle offre enfin une assistance pour accomplir certaines démarches administratives ou juridiques.

Par ailleurs, l'aide à l'accès au droit, créée par la loi du 10 juillet 1990, n'ayant pas connu tous les développements espérés (seuls 27 départements ont constitué un conseil départemental de l'aide juridique), la loi a modifié les modalités de création et a redéfini les missions du conseil désormais appelé conseil départemental de l'accès au droit. Il est toujours chargé de recenser les besoins, de définir une politique locale mais aussi, dorénavant, de dresser et diffuser l'inventaire des actions menées. Par ailleurs, la loi prévoit qu'il est informé de tout projet d'action préalablement à sa mise en _uvre et, consulté sur toute demande de concours financier de l'Etat préalablement à son attribution. Il évalue la qualité et l'efficacité des dispositifs auxquels il apporte son concours. Il a toujours le statut de groupement d'intérêt public.

La généralisation des conseils départementaux sur l'accès au droit sur l'ensemble du territoire devrait être achevée à la fin 2001.

Tels sont les tout derniers apports législatifs visant à développer les services publics, mais il est évident que de nombreuses initiatives autres que législatives ont été prises et ont permis des progrès significatifs.

Ces avancées sont donc indéniables. Mais la modernisation des services publics ne pourra être effective sans une réflexion sur ce qui est et ce que doit être le service public. Or le service public est un concept flou. Ces progrès, pour réels qu'ils soient, rencontrent un obstacle, l'insuffisante définition du service public.

III - LE SERVICE PUBLIC : UNE DÉFINITION QUI LAISSE À DÉSIRER

A. QU'EST-CE QUE LE SERVICE PUBLIC ?

1. Un concept flou

Le concept, en France, bénéficie d'une forte valeur ajoutée. Mais on ne dispose pas actuellement de vision d'ensemble des services publics, leur réalité est méconnue. Il s'agit d'une notion mal définie qui recouvre plusieurs aspects différents : l'expression "service public" peut faire référence à une activité, comme les transports et elle peut aussi s'appliquer à des missions résultant d'impératifs sociaux ; elle renvoie également au statut de la fonction publique ; elle peut être synonyme d'un mode de gestion, celui des entreprises publiques. Enfin, elle peut évoquer une situation de monopole.

De même, la notion d'accessibilité est mal cernée. Elle n'a pas de valeur juridique, même si elle figure dans l'article 30 de la LOADDT. Le droit français connaît la notion d'"égal accès", mais pas celle d'accessibilité. Il en résulte que chaque service public se donne sa propre définition de l'accessibilité.

Ce flou ne facilite pas l'appréhension des problèmes. Il n'est en effet pas évident de comparer l'accessibilité dans le Massif central et en région parisienne : dans le premier cas, le critère sera plutôt la distance, et dans l'autre le temps. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que l'accessibilité du service public dépend également de l'environnement social de l'usager.

Cette absence de définition du service public et de l'accessibilité est regrettable car il serait souhaitable de disposer de notions homogènes au niveau du territoire national. La déconcentration doit en effet, pour être efficace, être accompagnée de définition des critères nationaux et d'une méthodologie. Les administrations centrales peuvent actuellement fixer des règles, ou des enveloppes globales, mais sans qu'une définition soit pour autant élaborée.

Si le concept est flou, la réalité des services publics l'est également : c'est ainsi qu'une enquête réalisée auprès des préfets par la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain, afin de disposer d'un diagnostic sur les services publics, a permis de collectionner des données quantitatives, mais peu d'informations sur l'aspect qualitatif : on sait encore mal selon quelles modalités ils fonctionnent, quand ils fonctionnent, selon quels horaires, avec combien d'agents, ce qui est insuffisant.

En outre, le service public est peu "lisible" pour nombre de nos concitoyens, dont la plupart ne savent pas faire la différence entre une caisse d'allocations familiales et un centre communal d'action sociale, par exemple.

Ce vide politique est dommageable.

2. Services publics ou services au public ?

Faut-il d'ailleurs employer l'expression services publics, ou services aux publics ?

Au sens étroit du terme, les services publics recouvrent les fonctions classiques et anciennes de la puissance publique, telles que, par exemple, la police, l'enseignement, l'armée, la justice.

Mais les modalités d'intervention de l'Etat se sont diversifiées et les différents types d'opérateurs se sont multipliés.

Les caractéristiques techniques de certaines activités marchandes, notamment les réseaux, conduisent à leur donner la qualification de service public (la poste, l'électricité par exemple). Ces services sont assurés par des établissements publics, des entreprises publiques ou des opérateurs publics.

Il existe également des services publics locaux, créés par les collectivités locales en cas de défaillance ou d'insuffisance manifeste de l'initiative privée. Ils sont gérés soit par une régie administrative, soit au contraire, par des personnes privées. En particulier, la pratique de la délégation du service public de l'eau s'est développée ; les trois grands groupes privés dominant le marché (Compagnie générale des eaux, Société lyonnaise des eaux, Bouygues) couvrent aujourd'hui une grande partie des services urbains, du génie urbain au bâtiment et aux travaux publics.

Les services publics englobent également les services sociaux (ANPE, caisses d'assurances sociales, etc.) ou les services culturels, qu'ils soient gérés par des organismes de droit public ou de droit privé. Il est apparu en effet des services publics à gestion privée et des organismes privés investis d'une mission de service public.

Tout devient-il donc service public ? Aucun domaine ne lui paraît étranger, de ce fait on distingue mal la ligne de partage en ce qui relève du service public et ce qui n'en relève pas. La situation devient donc de plus en plus confuse, ce qui a amené certains juristes à évoquer le délitement du service public, et la définition des services publics est de plus en plus hasardeuse.

3. Les 36 équipements de l'inventaire communal de l'INSEE

"Le gaz mais pas le pain, le courrier mais pas le logement, la télévision, mais pas la presse, l'école mais pas les vacances, le chemin de fer, mais pas l'automobile, la santé mais pas la santé" (E. Pisier). Comment se fait la distinction ? Faut-il considérer que les services au public comprennent les 36 équipements déterminés par l'inventaire communal de l'INSEE ? (cf. annexe). Parmi ceux-ci figurent la police et la trésorerie, missions régaliennes assurées par l'Etat, les établissements scolaires ou les établissements de santé, gérés par les collectivités locales, les bureaux de poste, gérés par un exploitant public et à l'opposé, les cinémas, supermarchés, et autres commerces privés.

Compte tenu de cette diversité, l'expression "services au public" paraît plus adaptée que celle de "services publics", la notion de service public, tout au moins au sens régalien du terme, étant trop étroite en ce qui concerne la nécessaire implantation sur les territoires. Un important travail de définition reste toutefois à accomplir : que souhaite-t-on mettre sous les mots "services au public" ?

Cette question impose d'en poser une autre, tout aussi essentielle, celle de la définition des besoins des usagers.

B. QUELS SONT LES BESOINS DES USAGERS ?

Il ne semble pas qu'une réflexion approfondie ait porté sur les services minima ou le service minimum qui doit être fourni aux usagers quelle que soit leur localisation sur le territoire.

1. Les besoins quantitatifs

Chaque administration tente de se fixer des critères de répartition de ses services en fonction par exemple du nombre d'habitants, en élaborant des ratios, mais il n'existe aucune réflexion d'ensemble. On peut se demander en outre comment sont élaborés ces critères, et s'ils résultent d'une étude fine des besoins. Ils ne résultent pas toujours d'un panel précisément constitué.

De toute façon, il ne peut y avoir de vision unique sur tout le territoire. Par exemple, pour la police, les besoins ne doivent pas être fixés, a priori, en fonction de règles générales, mais en fonction des problèmes rencontrés dans chaque quartier, près de tel centre commercial, ou de tel lycée.

2. Les besoins qualitatifs

Qualitativement, les différentes administrations s'efforcent d'intégrer la réalité qui est la leur, en fonction des moyens dont elles disposent. Il n'existe pas toujours d'interactivité entre la demande de l'usager et la réalité du terrain, comme en témoigne le bilan sur les maisons de services publics. On relève peu d'enquêtes sur les besoins spécifiques des usagers selon l'espace géographique ou selon le type de service public. Le suivi de la satisfaction des citoyens est rarement effectué.

Toutefois, plus la déconcentration est forte, plus la décision tient compte des besoins des usagers : pour La Poste, le directeur départemental prend les décisions en fonction de l'activité du bureau de poste concerné ; pour l'éducation nationale, la décision est le fait du rectorat.

3. Des impératifs contraires

La réponse aux attentes des usagers est d'autant plus difficile qu'il existe des impératifs contraires à leur satisfaction. Le souci de rentabilité est le premier d'entre eux. Si l'Etat poursuit cet objectif, cela peut, éventuellement, entraîner un meilleur service - encore que cela puisse également conduire à une logique de marché dans ses aspects négatifs - mais les citoyens concernés craignent souvent que, de cette démarche, résulte moins de service. Or l'Etat doit se demander si, parallèlement à un accroissement de rentabilité, il peut garantir l'accessibilité et la qualité du service rendu. Il doit veiller à une adéquation harmonieuse entre les moyens et les besoins, sinon la réorganisation sera dominée par la contrainte résultant de l'insuffisance des moyens.

On constate trop souvent, depuis dix ou quinze ans, une recentralisation des services sur le terrain, une concentration insidieuse. les restructurations en cours ne s'appuient pas sur la logique des nouveaux territoires que sont les pays et les agglomérations : c'est manifestement le cas des administrations confrontées à une logique de budget limité et à des mouvements de population divers et qui appliquent une politique définie à Paris, et non pas en fonction des besoins locaux. Le désengagement de l'Etat est très mal perçu par la population et les élus.

4. Mettre l'usager au centre de la réflexion

Ce flou est d'autant plus regrettable que nos concitoyens sont de plus en plus consommateurs de services. Ils sont également de plus en plus exigeants, y compris les ruraux, dont une partie ont habité en ville et ont gardé les mêmes habitudes. Ils connaissent mieux leurs droits que les ruraux autrefois.

Or, il faut mettre au centre de la réflexion et de la refonte l'usager et non pas le service public lui-même, que ce soit à travers des comités consultatifs de quartier ou toute autre structure participative. Il serait même souhaitable que les usagers eux-mêmes contribuent à établir les systèmes d'évaluation. Des efforts commencent à être réalisés en ce sens : c'est ainsi que viennent d'être créés des médiateurs de la République qui ont pour vocation de traiter dans les quartiers les rapports entre les usagers et le service public.

Cette absence de définition précise est d'autant plus dommageable que le service public est porteur de valeurs enrichissantes pour la société. Il permet de renforcer le sentiment d'appartenance à une société qui pratique un traitement égalitaire et solidaire de ses citoyens, repoussant l'intérêt individuel aux frontières de l'intérêt général. Le service public résulte du pacte républicain et il en garantit le respect sur l'ensemble du territoire ; il permet de lutter contre l'exclusion, de renforcer la cohésion sociale, d'être au service des usagers et notamment des plus fragiles : il a une fonction d'intégration pour l'ensemble de la population. Plus précisément, le service public a deux missions : une sociale et économique (l'accès aux services publics garantit la répartition des aides et des prestations) et l'autre politique (il représente le bien collectif qui est le même pour tous les citoyens).

On ne pourra pas faire l'économie de cette réflexion sur les besoins à satisfaire pour faire progresser la question de l'implantation des services au public sur les territoires.

C. QUELLES SONT LES ÉVOLUTIONS DE LA POPULATION ?

Le dernier recensement en 1999 montre que les variations de la population ne sont pas homogènes.

Entre 1936 et 1999, la population des villes a doublé, passant de 22 à 44 millions d'habitants, alors que la population française métropolitaine n'augmentait que de 40 %. Mais ce changement n'est pas linéaire.

Jusqu'au milieu des années 1970, la population se concentre dans les villes qui cumulent solde naturel (naissances moins décès) et solde migratoire (arrivées moins départs) positifs. Il en résulte un accroissement des déséquilibres entre les territoires et du poids des pôles urbains. Cet afflux de la population est lié aux derniers mouvements de l'exode rural.

On constate au cours des années 1970 une inversion des mouvements migratoires et un desserrement de la population autour des villes, les habitants quittant les pôles urbains pour s'installer dans les couronnes péri-urbaines. La population vivant dans ces territoires augmente ainsi fortement. Le dernier recensement confirme le rééquilibrage entre les pôles urbains et leur périphérie.

Dans les six régions les plus urbaines (Ile-de-France, Provence Alpes-Côtes d'Azur, Alsace, Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Rhône-Alpes), ce desserrement urbain est marqué et la capitale régionale est moins dynamique que le reste de la région : il en résulte un fort redéploiement de la population, c'est-à-dire une forte réduction des inégalités de densité.

Le desserrement de la population s'étend même au delà des ères urbaines : la péri-urbanisation gagne la périphérie lointaine des pôles urbains, elle se produit autour des petites villes, appelées pôles ruraux, ainsi que dans les zones rurales. Ce desserrement profite même à l'espace rural isolé. L'augmentation des effectifs ruraux est forte à proximité des aires urbaines en croissance.

Les autres régions suivent un modèle différent. Dans neuf d'entre elles, au contraire (Lorraine, Franche-Comté, Bourgogne, Aquitaine, Picardie, Centre, Languedoc-Roussillon, Basse-Normandie, Corse), la zone d'emploi de la capitale régionale prend un poids croissant, ce qui freine le redéploiement de la population. Dans ces régions, sauf la Corse, le poids démographique des zones rurales isolées diminue encore.

Dans trois autres (Champagne-Ardenne, Pays-de-la-Loire, Bretagne et Poitou-Charentes) la population se concentre à nouveau depuis 1990 dans les villes-centres, sans étalement urbain. Les zones rurales isolées continuent de se dépeupler.

Enfin, un dernier groupe est formé de trois régions (Limousin, Auvergne, Midi-Pyrénées) où l'évolution est atypique puisque la population continue de s'y concentrer.

En ce qui concerne plus précisément les zones rurales, on remarque le même retournement au cours des années 1970. Le solde migratoire devient positif, l'excédent des arrivées sur les départs se généralise. Les communes des zones rurales sous faible influence urbaines ont eu le plus tôt, dès la période 1975-1982, et le plus nettement, en une dynamique démographique positive. Entre 1990 et 1999, la population de cet espace augmente de 0,53 % par an. Mais la grande nouveauté de la période 1990-1999 est que le solde migratoire de l'espace rural isolé devient positif (+ 0,29 % par an), même s'il reste cependant insuffisant pour compenser un bilan naturel globalement défavorable (- 0,34 % par an).

La croissance des espaces ruraux montre une forte inégalité, la moitié de la croissance de la population de l'espace à dominante rurale se réalisant dans les zones proches des aires urbaines dynamiques.

La carte insérée en annexe montre les différences de densité de population sur le territoire en 1999.

IV - DES PROGRÈS NÉCESSAIRES

Trois problèmes se posent essentiellement, celui du type de restructuration nécessaire, celui du niveau pertinent à retenir et celui de la nécessaire transversalité.

A. QUELS TYPES DE RESTRUCTURATIONS FAUT-IL ENVISAGER ? DES ÉQUILIBRES DIFFICILES À TROUVER

1. Une constatation : des fermetures récentes apparemment peu nombreuses

Le moratoire achevé, la LOADDT, dans son article 30, a fixé les règles applicables aux organismes, établissements publics ou entreprises nationales qui sont parties prenantes à l'aménagement du territoire.

La DATAR vient de réaliser une enquête auprès des préfets portant sur les fermetures des services publics réalisées dans chaque département en 2000. Les réponses actuellement disponibles (environ la moitié), montrent qu'il existe un nombre infime de fermetures (il s'agit d'écoles à classe unique, d'agences postales, de petites brigades de gendarmerie etc...), mais qu'on constate au contraire un nombre élevé de changements d'organisation, sans que l'accès en soit apparemment modifié pour le public.

On ne peut que s'en féliciter, à moins qu'il ne s'agisse, dans certains cas, d'une démarche plus pernicieuse, car cette réorganisation peut être, en fait, un prélude à une raréfaction du service, puis à sa fermeture.

2. Qu'est-ce qu'une "bonne" réorganisation ?

Encore faut-il s'interroger sur ce qu'est une "bonne" réorganisation, dès lors que l'on convient que toutes les administrations, que tous les services, ne peuvent être disponibles sur chaque territoire.

Qu'est-ce qu'une bonne réorganisation ? Selon quels critères pourrait-on en juger ? Doit-on estimer qu'une bonne réorganisation est synonyme d'absence totale de fermetures ? Est-elle satisfaisante si les citoyens ne se déplacent pas davantage, ou l'est-elle s'ils se déplacent éventuellement plus, mais pour un service supérieur ? Les citoyens doivent-ils pouvoir accéder à tous les services publics, à toutes les administrations, ou simplement aux plus essentiels d'entre eux, et dans quel périmètre, dans quel territoire ? Dans ce dernier cas, quels sont les services essentiels ?

Les réorganisations peuvent, en effet, revêtir des formes variables et avoir des conséquences très différentes.

Un équilibre, souvent difficile, doit être trouvé entre le maintien de services publics en sous-activité et le retrait de ces services.

Certaines restructurations paraissent être à bannir a priori : ce sont celles qui conduisent à diminuer le nombre d'agents, le nombre d'implantations, entraînant quasi-obligatoirement une diminution réelle du service à l'usager.

Le problème, à cet égard, est délicat, notamment en milieu rural : les élus des collectivités locales de petite taille craignent souvent un désengagement progressif, puis définitif de l'Etat. Pour répondre à cette inquiétude, une démarche de concertation sur les besoins réels s'impose.

La réponse peut résider dans un découpage différent de celui qui existe, un regroupement selon d'autres critères, l'instauration d'une maison des services publics, ou tout au moins la coproduction entre plusieurs services, à condition de déterminer quel est le niveau pertinent où on doit les implanter et à condition qu'une réelle transversalité puisse s'instaurer. Faute d'une réflexion approfondie, un nouveau découpage risque d'être pernicieux et, dans certains cas, le prélude à une raréfaction du service, puis à sa fermeture.

Mais certaines réorganisations n'ont pas de conséquences relatives sur la qualité, à condition d'y consacrer des moyens suffisants, et à condition que certains usagers parcourent une distance plus grande, notamment en milieu rural. La qualité peut même en être renforcée, encore faut-il savoir si l'on tolère une distance plus grande, et quelle distance supplémentaire reste envisageable. Ce problème doit être appréhendé en prenant compte de la fréquence d'utilisation des divers services publics : on peut en effet accepter d'effectuer un trajet plus long, lorsque le besoin du service public est rare (par exemple, on ne dépose un permis de construire qu'une ou deux fois dans une vie). Mais il faut également tenir compte de la proximité en cas d'urgence, même en cas de rareté du besoin (certaines ne recourent également à une maternité qu'une ou deux fois dans leur vie, mais la sécurité impose que la distance ne soit pas trop importante).

Il est logique en effet que nos concitoyens veuillent disposer de services facilement accessibles et suffisamment proches ; il est nécessaire de renforcer la présence de ces services dans les parties du territoire qui connaissent des difficultés particulières, de nature économique ou sociale. Mais pour rendre des services efficaces, il convient de disposer d'une masse critique suffisante et d'agents formés. Si l'on implante des services dans le chef-lieu de canton, on ne pourra pas toujours assurer le même niveau de service que si on les prévoit au chef-lieu d'arrondissement. La réflexion doit porter sur les moyens de concilier au mieux ces deux exigences, accessibilité et qualité.

Dans tous les cas, il est primordial que ce travail de réorganisation ne soit pas effectué à partir de Paris : il ne peut être mené que localement, ce qui impose de développer la déconcentration et la coordination transversale afin de prendre en compte la réalité du territoire. Le niveau de transversalité -pays, agglomération ou département-doit se décider sur le terrain, en fonction des besoins propres à chaque territoire.

3. Le coût

Le problème du coût reste essentiel. Il est évident que les réformes touchant aux services publics perçues comme un moyen d'augmenter la rentabilité ont été rejetées par la population et les élus qui ont craint que plus de rentabilité n'équivaille à moins de services, tant il est vrai que les deux valeurs semblent antinomiques. Le problème de fond est que l'Etat doit garder ses valeurs, le service rendu, l'accessibilité.

Le problème du coût du maintien des services publics sur l'ensemble du territoire ne doit pourtant pas être éludé. Par exemple, pour La Poste, il est, d'après un calcul de l'Inspection générale des finances, de 3,8 milliards de francs (3,5 milliards de francs pour les zones rurales et 500 millions de francs pour les zones urbaines sensibles), dont l'Etat compense 1,9 milliard de francs en réduisant les bases de la taxe professionnelle.

Plus généralement, il est de la responsabilité des élus de ne pas occulter ce problème financier qui reste considérable. Il n'est en effet pas possible que toutes les administrations soient présentes en tant que telles dans tous les territoires.

Le préfet a, dans ce domaine, un rôle essentiel et compliqué. Il lui incombe en effet la charge de concilier deux logiques, celle des administrations qui disposent de moyens limités et souhaitent réaménager leurs services selon une architecture décidée à Paris et celle du terrain, qui est souvent très différente de la précédente.

Les nouvelles techniques de l'information et de la communication peuvent contribuer à maîtriser les coûts en rapprochant des administrations soit directement, soit par l'intermédiaire des maisons des services publics et en économisant, dans une certaine mesure, certains effectifs et certains locaux.

4. Des horaires à aménager

La restructuration peut être synonyme de changement de lieu d'implantation, d'évolution du nombre des agents et des tâches qui leur sont confiées, elle implique souvent une modification des horaires.

Un important travail de réflexion s'impose également sur ce thème. Faut-il ouvrir certains services publics dans une commune rurale un jour de la semaine, puis dans une commune voisine, le lendemain, ou faut-il prévoir une implantation unique, dans un lieu judicieusement choisi, avec un agent bien formé et disposant des nouvelles techniques de l'information et de la communication, en coproduction, le cas échéant, avec d'autres administrations ?

Sur ce point aussi, les conceptions divergent selon les cas. Il n'est pas possible d'envisager une solution unique.

De plus, les heures d'ouverture à retenir ne sont pas forcément les mêmes en milieu rural et en milieu urbain et surtout péri-urbain.

En milieu péri-urbain, le problème posé est davantage celui de la répartition des heures de fonctionnement entre les heures ouvrables classiques et la nuit : s'il n'est pas nécessaire que le commissariat reste ouvert au-delà de 18 ou 20 heures, il est en revanche indispensable qu'une présence sur le terrain soit assurée au cours de la nuit. Cette constatation entraîne plusieurs types de difficultés.

La première est qu'il n'est pas simple de trouver le personnel idoine au moment adéquat, et que faire fonctionner certains services publics 24 heures sur 24 ou presque, pose des problèmes de disponibilité à régler et de conditions de travail. On peut mobiliser du personnel pour répondre à un problème précis à des heures très tardives, c'est plus difficile à gérer sur la continuité d'une carrière. Pour répondre aux besoins de présence nocturne, la mise en place d'agents de médiation et de correspondants de nuit apportent des prémices de solutions.

La deuxième difficulté, liée à la première, est que, les problèmes changeant, les solutions doivent également évoluer. Pour prendre à nouveau un exemple en milieu urbain, il peut être nécessaire, dans une même ville, de disposer d'éducateurs de 20 à 23 heures, et quelques mois, ou quelques années après, plutôt de minuit à deux heures. Cette évolution indispensable ne concerne pas seulement les horaires d'ailleurs, mais aussi les types d'interventions à réaliser.

L'application des 35 heures entraîne une plus grande fluidité des heures ouvrables, comme en témoigne l'exemple des structures de gardes d'enfants : on constate un allongement des durées d'ouverture des crèches et des halte-garderies, dont certaines assurent un service 18 heures sur 24, de manière à permettre aux femmes qui travaillent le soir, par exemple, de faire garder leurs enfants.

5. Comment rendre plus accessibles les services publics en tous points du territoire : les technologies de l'information et de la communication

Ces nouvelles techniques auront, et ont déjà des conséquences majeures sur l'organisation et la qualité du service public et sur les disparités du développement des territoires. La poursuite de leur développement doit permettre assurément une meilleure accessibilité géographique et sociale, mais elle nécessite une réflexion approfondie sur les besoins des usagers auxquels elles doivent répondre et sur les missions de l'administration et les conditions dans lesquelles elles sont développées et utilisées.

Ces techniques doivent permettre de mieux pénétrer les territoires en développant une dimension interministérielle, puisqu'on peut trouver en un lieu unique des renseignements concernant de nombreux domaines.

a) Prendre en compte les besoins des usagers

Les techniques de l'information et de la communication doivent aider à répondre aux besoins des usagers. C'est un impératif qu'il faut avoir à l'esprit ; elles ne doivent être qu'un outil et non une fin en soi ; il est indispensable de s'interroger sur ce que sont ces besoins, et de se demander si la mesure prévue correspond effectivement aux attentes. Cette réflexion est d'autant plus nécessaire qu'il faut prendre conscience qu'elles créent, de surcroît, de nouvelles exigences.

Les usagers souhaitent en particulier des services publics plus accessibles, personnalisés, plus interactifs, des services de qualité.

La réalité des besoins des utilisateurs et non la logique propre à l'administration doit être prise en compte le plus en amont possible dans la mise en place du projet. La consultation des besoins des usagers par divers moyens (enquêtes, panels, etc) devrait être intégrée dans la démarche d'élaboration des nouveaux services.

Pour traduire ces attentes, une démarche de projet s'avère indispensable.

Mais les technologies de l'information et de la communication doivent en outre éviter deux écueils. Elles ne doivent en aucune façon se substituer aux modes d'accès traditionnels à l'administration. Il est évident que ceux-ci perdureront, ainsi que les contacts humains, qui sont irremplaçables. Elles ne doivent pas non plus conduire à un service public minimal destiné à remédier aux carences de l'administration réelle.

Alors qu'elles sont un moyen de lutter contre l'isolement, de désenclaver, de développer la proximité, elles risquent au contraire de renforcer la marginalisation et l'exclusion. De nombreux Français n'ont pas accès à Internet, et ne veulent pas, ou ne peuvent pas s'équiper en ordinateurs. Paradoxalement, le développement d'Internet peut conduire à un facteur supplémentaire de marginalisation. Ces risques d'inégalité sont liés à l'âge (certaines personnes âgées étant plus réticentes à utiliser les nouvelles technologies), au niveau social (l'utilisation d'Internet constitue un coût non négligeable) et à la localisation géographique (les différentes parties du territoire ne sont pas équipées de la même façon en câbles, fibres optiques, ou téléphonie mobile, ce qui induit des inégalités sensibles de tarification, au détriment des régions rurales).

L'utilisation de ces technologies comme outil de l'aménagement du territoire peut être importante, mais ne réglera pas tous les problèmes.

b) Redéfinir les missions et le fonctionnement de l'administration

La mise en place de ces technologies exige des réflexions étroitement liées sur les missions et l'organisation des services concernés : les projets "plaqués" sur des organisations figées ne sont pas réellement viables

Elles sont, en effet, l'occasion de repenser les relations entre l'administration et les citoyens et de réfléchir sur la transformation du fonctionnement des services publics, sur le décloisonnement entre services.

Cette utilisation des nouvelles technologies, pour être réussie, passe par une nouvelle culture administrative, reposant sur l'autonomie des agents dans la prise de décision, par la formation des fonctionnaires et par le renforcement des équipes.

Le gouvernement a décidé, lors du dernier comité interministériel pour l'aménagement durable du territoire, la création dans chaque région d'un pôle de compétence dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, qui aura pour mission d'assurer la maîtrise d'ouvrage stratégique des projets locaux de l'Etat dans toutes leurs dimensions et d'assurer la représentation de l'expertise de l'Etat dans les projets communs avec les collectivités locales.

Un des autres objectifs est le développement des procédures en ligne ; dans les cinq ans, les usagers devraient pouvoir remplir en ligne tous les documents nécessaires et effectuer toutes les procédures administratives dont ils ont besoin, ce qui sera un réel progrès. Il en existe actuellement une dizaine, dont la plus connue est la déclaration d'impôts. Autre exemple : la plupart des vendeurs d'automobiles neuves établissent les cartes grises de leur bureau, sans se déplacer à la préfecture.

La nécessité d'une coopération plus étroite entre l'Etat et les collectivités locales a conduit à la mise en place des systèmes d'informations territoriaux sur un même territoire. Il s'agit d'extranets permettant les échanges électroniques, le travail électronique et la gestion des procédures entre services déconcentrés de l'Etat à l'origine, puis progressivement, entre ceux-ci et les autres acteurs publics engagés dans des démarches partenariales avec l'Etat, c'est-à-dire les collectivités locales et les établissements publics.

Le troisième comité interministériel pour la société de l'information, qui s'est tenu le 10 juillet 2000, a arrêté que plus de 7000 lieux publics permettant un accès à Internet seront ouverts d'ici à 2003 (agences locales pour l'emploi, missions locales, bibliothèques publiques, etc...). Parmi ceux-ci, 2500 nouveaux espaces publics numériques offriront une première formation générale gratuite, ouverte à tous.

Les nouvelles techniques de l'information et de la communication seront également un outil essentiel du développement des maisons des services publics où les usagers pourront venir consulter les sites publics. Un progrès notable peut être de surcroît réalisé si un agent, dont les compétences sont polyvalentes, peut aider l'usager qui ne sait pas utiliser cette technique. La vision nouvelle du service public résultant de ces techniques doit englober les publics en plus grande difficulté qui, même à terme, ne pourront y accéder.

Polyvalence, transversalité, nouvelles techniques, ces trois impératifs sont indissolublement liés.

Il a également décidé que, pour garantir un développement équilibré du territoire, l'essor des réseaux régionaux à haut débit sera encouragé et les conditions d'investissement des collectivités locales assouplies. Le gouvernement a considéré que les collectivités locales devaient avoir la liberté, en cas de carence des acteurs du marché, d'installer des infrastructures modernes et les mettre à la disposition des opérateurs de télécommunication, en respectant les règles du droit à la concurrence, encore faudrait-il peut-être que l'Etat revoie les méthodes d'attribution qui ont servi pour la boucle locale radio afin qu'il n'y ait pas d'équipement à deux ou trois vitesses selon les zones.

c) Compléter les délocalisations

Les nouvelles techniques sont un excellent moyen de renforcer
- voire même de compléter - la politique déjà entreprise de délocalisation des emplois publics. On a pu reprocher à cette dernière d'implanter des emplois dans les grandes métropoles régionales mais de trop peu se préoccuper des villes moyennes ou même de taille inférieure.

Les nouvelles technologies permettront de remédier à cette lacune et de territorialiser certains services publics : il n'est pas en effet nécessaire que tous les services de décision ou d'instruction d'études soient concentrés dans la capitale ou dans les grandes métropoles. De la même façon, grâce à cette évolution technologique, les emplois industriels ne doivent plus obligatoirement être regroupés dans un même lieu, alors que, pendant des décennies, l'industrie a provoqué d'importantes concentrations.

Il est impératif de parvenir à certaines formes de "relocalisation", c'est-à-dire d'implantation de services au public au c_ur des territoires en déconcentrant les zones urbaines.

6. Développer la concertation et refuser les normes

Les implantations, pour être réussies, ne doivent pas être décidées à partir de Paris. La solution relève du partenariat local. Diverses pistes ont été explorées en ce sens, qui sont décrites ci-après à titre d'exemple, sans que cette description soit exhaustive.

a) Les commissions départementales d'organisation des services publics

Instaurées par la loi du 4 février 1995 afin d'améliorer l'organisation et la présence sur le territoire des services publics qui relèvent de la compétence respective de l'Etat ou du département, elles comprennent, outre le préfet, des représentants des servies de l'Etat dans le département (dont le trésorier payeur général, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale et un représentant du ministère de la justice) des représentants des établissements, organismes publics et entreprises nationales chargées d'un service public, des représentants du département et des services publics qui dépendent de lui, des représentants d'associations d'usagers, d'organisations syndicales, d'organismes consulaires ou professionnels ou d'organismes assurant des missions de service public. Organes de réflexion et de proposition, elles doivent être consultées sur le schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics.

Elles n'ont pas eu l'efficacité escomptée. Elles ont, en général, peu et mal fonctionné et n'ont pas réussi à adopter une vision transversale à propos des problèmes qui ont pu leur être soumis. Toutefois, la réflexion sur la concertation doit être poursuivie, et les outils la favorisant développés.

b) Les commissions départementales de présence postale

La Poste, dont il ne faut pas oublier que la première contribution à l'aménagement du territoire est la péréquation tarifaire avec le prix unique du timbre et la distribution du courrier moyennant ce prix en quelque point que ce soit du territoire, vient de mettre en place des commissions départementales de présence postale (CDPP). Celles-ci ont fait l'objet des circulaires du 3 septembre 1998 et du 18 novembre 1998 prises en application du contrat d'objectifs et de progrès portant contrat de plan entre La Poste et l'Etat qui a pour but d'instaurer une concertation locale rénovée entre La Poste et ses partenaires locaux.

Les conseils postaux locaux, créés au niveau intra-départemental, n'étaient pas suffisamment efficaces car ils réunissaient des interlocuteurs aux problématiques trop différentes.

Si, avec 17000 points de contact, La Poste est partout présente sur le territoire, ce qui en fait l'un des services publics les mieux implantés, le maillage du réseau postal a peu évolué depuis le début du siècle et s'est peu adapté aux évolutions démographiques et économiques ; La Poste doit donc rechercher des partenariats avec les collectivités locales qui le souhaitent et les autres services publics, afin d'apprécier les besoins exacts des populations et de maintenir et d'enrichir l'offre de proximité. C'est pourquoi a été mise en _uvre une concertation locale rénovée avec l'ensemble des partenaires concernés.

Les commissions départementales de présence postale sont composées du représentant de l'Etat, de trois représentants des communes du département, de deux représentants du conseil général, de deux représentants du conseil régional et de trois représentants de La Poste, ces membres élisant un président en leur sein. Leur objectif est de garantir l'information préalable des élus sur tout projet concernant l'évolution des points de contacts de La Poste et d'optimiser les solutions permettant la présence postale sur tout le territoire. Elles doivent donner un avis sur les projets d'intérêt local notamment de services publics incluant La Poste et, plus généralement, pour tout partenariat avec d'autres acteurs publics ou privés.

Un bilan de la première année de fonctionnement de ces commissions a été dressé : 73 réunions, tenues en 1999 dans 50 départements, ont permis l'adaptation d'horaires de 175 bureaux dans 11 départements, 24 jumelages dans 4 départements, la création de 4 agences postales communales dans 4 départements et 9 fermetures dans 4 départements. Sur un plan plus qualitatif, le dialogue local permet d'éviter l'émergence de conflits. Peu de blocages ont été relevés.

Des difficultés subsistent néanmoins. En premier lieu, la circulaire confie un pouvoir de décision à La Poste au terme de six mois (elle ne peut fermer aucun point de contact dans les six mois suivant l'annonce du projet), ce qui est logique puisque La Poste est une entreprise publique responsable de son résultat dans un monde concurrentiel. Mais cette disposition, même si elle se justifie, peut laisser un doute sur la réalité de la concertation, tout au moins dans certains cas. D'ailleurs, certains élus ont refusé par avance de cautionner les travaux et décisions des commissions pouvant aboutir notamment à des fermetures de bureaux de poste. On constate également parfois l'absence volontaire des maires qui siègent à la commission afin de protester contre les restructurations envisagées.

De surcroît, certaines commissions départementales ont très peu siégé : la moitié d'entre elles seulement se sont réunies au moins deux fois depuis leur création. Le bilan réalisé montre que pour en améliorer l'efficacité, il faudrait sensibiliser davantage les préfets, ou tout au moins certains d'entre eux à l'importance de ces commissions, ainsi que les présidents des commissions avec lesquels les directeurs départementaux de La Poste doivent entretenir un dialogue direct ; il faudrait également diffuser et échanger les expériences réussies ou innovantes et informer les commissions suffisamment à l'avance sur les projets de réorganisation.

Ce développement de la concertation, qui a pu être une solution appropriée dans certains cas, devrait bientôt trouver son régime de "croisière".

c) La réforme de la carte judiciaire

A l'origine, la réforme de la carte judiciaire des tribunaux de commerce avait pour but principal de remédier à l'insécurité juridique due au fait que le soin de trancher les litiges commerciaux était dévolu à des commerçants, cadres, chefs d'entreprises élus par leurs pairs dans des ressorts étroits où la connaissance personnelle que les juges avaient des parties était un inconvénient. L'impartialité risquait, de ce fait, d'être remise en cause. C'est pourquoi le gouvernement, en octobre 1998, a décidé de rationaliser la carte des tribunaux de commerce. De plus, la carte en vigueur était presque identique à celle du début du 19è siècle alors que la répartition de la population a considérablement changé, ainsi que les modes de vie. Il fallait donc prendre en compte ces états de faits, en ayant le souci de concilier la logique judiciaire et l'aménagement du territoire.

Cette réforme a été réalisée sans que soit posé de critère absolu, de seuil qui aurait conduit, de manière automatique, à supprimer une juridiction. Il n'a pas été décidé, a priori, de garder une seule juridiction commerciale par département, ce qui aurait eu pour résultat de nier la diversité des territoires et d'appliquer une solution stéréotypée à des départements de taille différente, et aurait concentré les activités aux chefs-lieux, en nuisant à un maillage fin de l'espace. Il n'a même pas été exclu des solutions interdépartementales qui s'avéreraient pertinentes, par exemple dans le cas des pays. Il a même parfois été admis que l'existence de plusieurs tribunaux de commerce dans un département était envisageable eu égard aux circonstances particulières (ex : en Haute Marne, dans l'Aveyron). Le but n'a donc pas été de parvenir à un nombre pré-établi de tribunaux.

La méthode employée a reposé sur la concertation. Dans chaque cas, des réunions se sont tenues en trois phases principales. Le préfet de département a réuni les élus politiques concernés. Au siège de la cour d'appel ou au tribunal de grande instance, les chefs de cour ont convié les chefs de juridiction, les présidents de tribunaux de commerce, les présidents de chambre de commerce et d'industrie, les représentants des professions judiciaires et juridiques et les organisations syndicales.

Parallèlement, à la chancellerie, cette réforme a été confiée à une équipe pluridisciplinaire, composée de géographes cartographes, de démographes, de spécialistes de l'aménagement du territoire, sous l'autorité d'un délégué.

La suppression d'un tribunal de commerce n'a pas conduit à une desertification car, même en l'absence d'autres juridictions, il peut subsister un greffe annexe pour l'établissement de formalités courantes et des audiences périodiques. De plus, le nombre de juges consulaires a été augmenté dans tous les cas de fusion pour faciliter l'accueil au tribunal de rattachement de ceux appartenant à une juridiction supprimée.

d) D'autres expériences de concertation décentralisée

Sous la dénomination de conseil, commission, comité, bassin ou conférence, d'autres instances de concertation décentralisées ont été mises en place sur des territoires à échelle variable, mais dont le niveau apparaît plus adapté à l'organisation des services et à la spécificité de chacun.

Elles prennent pour cadre de référence les découpages administratifs traditionnels comme la région, le département, mais elles peuvent également avoir une implantation beaucoup plus locale et concerner un territoire considéré comme plus pertinent et qui correspond souvent à la notion de bassin de vie ou bassin d'activité.

Ces instances regroupent la plupart du temps des élus, des représentants des milieux social, culturel, économique, des responsables d'établissements ; la présence de délégués syndicaux y est plus aléatoire. Elles favorisent la réflexion à l'échelle d'une zone d'animation, lieu de vie cohérent et pertinent pour faciliter l'appréhension des attentes des citoyens et l'approche de la problématique de façon globale. Elles concernent plus particulièrement le comité départemental technique d'aménagement du territoire, le bassin d'éducation et de formation, le comité académique d'éducation nationale, la conférence régionale de la santé, le comité régional d'organisation sanitaire et sociale.

B. LA NÉCESSAIRE TRANSVERSALITÉ

Quel que soit le niveau retenu, l'action de l'Etat ne pourra être efficace et les services publics harmonieusement répartis que si la transversalité est pleinement réalisée. Or le cloisonnement demeure entre les services publics. On le constate en milieu urbain, où les deuxièmes contrats de ville ont difficilement permis de prendre des mesures cohérentes en fonction d'un objectif défini. On le constate également en milieu rural ou l'on doit s'adresser trop souvent à plusieurs ministères à la fois pour régler un problème.

La question est donc de déterminer non seulement un territoire mais de réaliser cette transversalité.

1. Les projets territoriaux de l'Etat, une innovation clé pour renforcer l'interministérialité

Le projet territorial constitue la clé de voûte du dispositif : dans ce document, le préfet et l'ensemble des chefs de services déconcentrés définissent la stratégie de l'Etat pour une période pluriannuelle d'au moins trois ans en tenant compte à la fois des orientations nationales et des problèmes locaux. Ces projets seront adressés aux élus. Tous les départements seront dotés d'un tel projet avant la fin de l'année. Ces projets ne seront pas entérinés par les administrations centrales. Le préfet en sera responsable.

La situation semble inégale selon les départements ; dans certains cas, on a pu remarquer un décalage entre, d'une part, un état des lieux et un diagnostic précis, et, d'autre part, une définition des priorités trop générales, ainsi que l'absence de traduction de ces priorités dans un schéma de répartition des compétences entre services. Mais ces projets ne sont pas achevés et ils ont le mérite de résulter de la concertation. Ils permettront une clarification des enjeux, des objectifs et des missions de l'Etat en tenant compte des réalités du terrain.

L'autre volet de la réforme est constitué par la mise au point des systèmes d'information territoriaux, qui sont le premier élément d'un nouveau mode de fonctionnement en réseau des services de l'Etat. Cet outil est essentiel pour promouvoir une réelle interministérialité des politiques.

L'interministérialité est effectivement un moyen fondamental pour offrir des services publics plus adaptés. Le fonctionnement vertical a largement montré ses limites ; en effet, les politiques publiques ont une dimension de plus en plus interministérielle, elles nécessitent une expertise de plus en plus interdisciplinaire et sont souvent partagées avec les collectivités territoriales.

Le préfet doit être de plus en plus le coordonnateur de l'ensemble des services de l'Etat dans son département, même s'il est vrai qu'aujourd'hui certains services, l'éducation nationale, les services financiers, la justice ont tendance à échapper à son autorité et que les cloisonnements restent importants. Il doit être l'interlocuteur fondamental.

2. La nécessaire réforme de l'ordonnance de 1959

L'interministérialité progressera également grâce à la réforme de l'ordonnance de 1959.

Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, a présenté une proposition de loi organique qui tend à réformer l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances et comporte des mesures en ce sens.

Afin d'améliorer la gestion publique, il était devenu impératif de responsabiliser l'administration, en passant d'une logique de moyens à une logique de résultats. La proposition comporte donc l'instauration de véritables programmes ministériels et une classification plus opérationnelle des catégories de dépenses, par opposition à la règle de spécialisation des crédits par chapitre, afin de rendre plus lisible l'utilisation des crédits publics, ainsi que l'autorisation de transferts de crédits au sein d'un même programme modifiant la détermination du ministre responsable de l'autorisation de la dépense. Ces dispositions devraient encourager le développement d'actions interministérielles, la présentation des budgets ministériels par programme s'inscrivant dans une logique d'objectifs et de résultats.

La proposition de loi vise en outre à introduire une fongilibité des dépenses au sein des programmes ministériels.

Le Parlement sera amené à se prononcer sur cette importante réforme au cours des mois prochains. D'ores et déjà, une structure de pilotage interministérielle dirigée par la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat et la direction du budget est mise en place afin d'examiner les évolutions de gestion induites par cette réforme. Elle articulera ses travaux autour de huit thèmes, dont la définition des programmes, les mesures des résultats et des démarches performance, ainsi que la déconcentration, la délégation et la gestion des crédits.

Par ailleurs, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 12 octobre a mis l'accent sur la nécessité de lever les obstacles qui pèsent sur le développement des délégations interservices, notamment en termes de mutualisation de leur financement entre l'ensemble des services concernés ; il a décidé que des propositions en ce sens devraient être soumises aux différents ministères avant le 31 décembre 2000.

Le développement de l'interministérialité suppose également que les agents soient mieux formés.

En outre, les préfets installeront des commissions interministérielles de coordination, composées à parité de représentants de l'administration et des agents, afin d'examiner les questions relevant de l'interministérialité (mise en _uvre des projets territoriaux et des systèmes d'information territoriaux, mise en place de délégations interservices, gestion des ressources humaines).

D'ici à l'été 2001, chaque préfecture ouvrira un site internet interministériel, qui présentera dans sa globalité l'action de l'Etat et assurera une fonction de portail local vers les sites des services de l'Etat.

3. La transversalité grâce aux maisons des services publics

Afin de fournir une réponse satisfaisante aux attentes des usagers, en milieu urbain, comme en milieu rural, la LOADDT donne une nouvelle impulsion aux maisons de services publics, en précisant leur régime. La loi du 12 avril 2000 apporte des précisions supplémentaires. L'objectif est de stabiliser leur situation, car jusque-là, elles ne bénéficiaient pas d'un mode de financement pérenne et le statut de leurs personnels n'était pas suffisamment clair.

Une maison des services publics est constituée par la mise en commun des moyens de l'Etat et de ses établissements publics, de collectivités locales, des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés d'une mission de service collectif en un lieu unique.

Dans les faits, c'est souvent le préfet qui prend l'initiative de la constitution de la maison des services publics, à la demande, le cas échéant, des collectivités locales et qui réunit les différents organismes intéressés.

La convention définit le cadre géographique des activités exercées en commun par les parties, les missions à assurer dans ce cadre, les conditions dans lesquelles les personnels relevant des personnes morales participantes exercent leurs fonctions, ainsi que les modalités financières et matérielles d'exécution de la convention. Au moins une personne morale de droit public doit être partie à la convention.

Les maisons des services publics peuvent également être créées sous la forme d'un groupement d'intérêt public, les fonctionnaires qui y travaillent étant mis à disposition ou détachés. Le GIP peut acheter le matériel nécessaire.

La loi a l'avantage de préciser les règles de fonctionnement de la maison des services publics, de leur donner un responsable et de stabiliser leur financement.

Un très grand nombre de projets se sont multipliés au cours des derniers mois. Un réseau d'acteurs des plates-formes, espaces et maisons de services publics vient de se constituer en association afin de valoriser le rapprochement des services publics des usagers et d'être une instance de réflexion pour toutes les initiatives engagées par les collectivités locales et les services de l'Etat. Il se propose également de mutualiser les savoir-faire, d'élaborer une charte de qualité, de rechercher les financements nécessaires et d'évaluer les structures en place.

Il conviendra également de réfléchir à la formation des personnels, car ils devront tenir compte de la nécessaire transversalité de leurs tâches. De nouveaux métiers seront peut être à créer. Certaines maisons ont déjà constitué des équipes d'agents formés à la transversalité et au travail avec d'autres acteurs. Cet effort est à prolonger à l'avenir, l'accent devant être mis sur la qualité du service. L'usager ne souhaite pas en effet forcément une réponse immédiate à son problème, mais plutôt une réponse de qualité. Or la qualité ne doit pas seulement se traduire en proximité, mais aussi en efficacité. Il va falloir surmonter la frilosité professionnelle des responsables des différents services publics qui ont leur culture professionnelle propre, leur "culture maison" et qui acceptent mal la redistribution des tâches et le partage du pouvoir. Chaque service doit accepter de bâtir un projet collectif dans lequel il ne se sentira pas amputé de ses responsabilités ; cela suppose de dépasser les clivages et de savoir gérer les conflits. Le travail d'équipe se révèle fondamental.

Les nouvelles techniques de l'information et de la communication devraient apporter une aide en ce sens.

La transversalité peut être renforcée de différents autres moyens. C'est ainsi que, dans les conventions qu'elle signe, La Poste dessaisit de la responsabilité financière les agents n'appartenant pas à La Poste qui assurent des activités financières pour son compte.

La Poste étend le partenariat même parfois à des commerçants privés, qu'il s'agisse des commerçants locaux ou du commerce électronique dont elle assure le relais.

Un décret devrait prochainement préciser les modalités de création et de fonctionnement des maisons des services publics.

4. La transversalité de l'information

La diffusion des expériences peut s'avérer précieuse, même si, en la matière, les réalisations en matière de services publics ou de services au public ne sont pas totalement reproductibles, puisque chaque situation est sensiblement différente. Cette mise en commun évite de réinviter des solutions que d'autres ont peut-être trouvé, ce qui permet un gain de temps et une efficacité supérieure.

C'est ainsi que la délégation interministérielle à la ville a ouvert un site Internet baptisé I -Villes, sur lequel une base de données d'expériences classées par thème commence à se constituer.

Par ailleurs, l'Institut des villes, dont la vocation est d'assurer des échanges sur de grands sujets va se mette en place ; des réseaux sont en train de se former.

C. QUEL EST LE NIVEAU PERTINENT ? DÉCONCENTRATION ET DÉCENTRALISATION

1. La nécessaire déconcentration

Le département a toujours un rôle à jouer : Il ne peut y avoir d'implantation satisfaisante des services publics sur le territoire national sans une réelle déconcentration et sans réaffirmation du rôle du préfet.

a) Les récentes étapes du développement de la déconcentration

La déconcentration n'est pas une nouveauté. Les décrets du 10 mai 1982 ont fixé le cadre juridique de la déconcentration : en effet, il est apparu évident que, pour réussir la décentralisation, l'Etat devait affirmer son engagement local en mettant en place des responsabilités déconcentrées effectives, de façon à permettre un dialogue efficace entre élus locaux et représentants locaux de l'Etat.

La charte de la déconcentration de 1992 a clarifié les rôles respectifs des administrations centrales et des services déconcentrés. Elle a inversé la règle de répartition des compétences entre les unes et les autres. Les administrations centrales ne disposent plus que d'une compétence d'attribution, correspondant aux missions qui présentent un caractère national, alors que les services déconcentrés ont une compétence de droit commun. Elle réaffirme que le préfet demeure le seul représentant de l'Etat dans le département et qu'il est l'interlocuteur du département et des communes. Alors que la répartition des attributions entre les différents échelons territoriaux procédait, jusque là, d'une démarche empirique ou d'une juxtaposition de logiques interministérielles, la charte dispose que, pour l'action déconcentrée de l'Etat, le département est l'échelon de droit commun.

Elle confie en outre au préfet le soin d'établir le schéma départemental des implantations des services de l'Etat. Plus largement, elle met l'accent sur la nécessité de dépasser les clivages traditionnels existant dans l'action des services de l'Etat et de développer les pratiques interministérielles pour renforcer l'unité, la cohérence et l'efficacité de l'appareil de l'Etat au service de ses usagers. Elle prévoit en effet la création de pôles de compétence pour les missions le justifiant.

Plus récemment, le décret du 15 janvier 1997 a posé que, à compter du 1er janvier 1998, le principe de la décision publique est la déconcentration.

b) Des insuffisances réelles

D'importants progrès restent néanmoins à réaliser dans cette voie, les cloisonnements demeurent, ainsi qu'une relative concentration. Le rythme des changements demeure insuffisant et inégal selon les administrations et les conditions d'un traitement interministériel des problèmes ne sont pas toujours remplies.

Les schémas de réorganisation des services de l'Etat prévus par la loi du 4 février 1995 n'ont pas vu le jour. La décision prise en 1995 de diminuer de 10 % d'ici la fin de 1996 les effectifs de l'administration centrale au bénéfice des services déconcentrés n'a pas non plus été suivie d'effets.

Les priorités des politiques publiques sont trop souvent traduites en termes de procédures plutôt que de résultats à atteindre, alors que l'esprit de la loi du 6 février 1992 et la charte de la déconcentration incitaient à procéder différemment. Les priorités se superposent, alors que l'établissement de stratégies sont indispensables au niveau territorial.

Trop souvent, chaque ministère conduit sa propre réforme et, faute de coordination, les incohérences se multiplient et les territoires se vident de leurs services publics.

La demande des usagers exige, pour toute question, une réponse publique rapide, cohérente et déterminée. L'Etat, au niveau territorial, doit être à la fois l'initiateur et le coordonnateur. Il faut qu'au niveau déconcentré soit élaboré un cadre permettant de définir les objectifs communs auxquels pourront concourir les compétences.

L'approfondissement de la déconcentration doit également se poursuivre au niveau régional, dans la mesure où de nombreux services publics se sont développés à cet échelon, dans le domaine de la santé, des transports, de l'enseignement supérieur ; de plus la région est le niveau privilégié de la contractualisation avec l'Etat.

c) La réaffirmation du rôle du préfet

La poursuite des réformes tendant à une meilleure déconcentration doit s'appuyer sur les préfets même si, dans les faits, leur rôle n'est pas encore assez important. Comme l'ont encore souligné récemment le comité interministériel pour la réforme de l'Etat de juillet 1999 et le ministre de l'Intérieur, les préfectures doivent occuper une place centrale dans l'organisation territoriale de l'Etat. Par sa présence sur tout le territoire avec le maillage des préfectures (et des sous-préfectures), l'administration préfectorale constitue un réel service de proximité, apte à répondre à l'attente des usagers. Elle est le correspondant des acteurs locaux, des élus, des usagers des services publics. Elle a pour vocation d'affirmer la présence de l'Etat sur tout le territoire.

Les sous-préfectures, qui sont en quelque sorte les premières maisons des services publics, sont parfaitement aptes à jouer le même rôle ; lieux de rencontre, elles sont un bon niveau pour une meilleure présence de l'Etat. L'engagement du ministre de l'Intérieur de les conserver est très positif.

Déjà, le décret du 20 octobre 1999 affirme que le préfet arrête l'organisation des services déconcentrés de l'Etat dans le département. Il fixe, après consultation du collège des chefs des services déconcentrés de l'Etat dans le département, les moyens affectés à des actions communes à plusieurs de ces services. Plusieurs cas de figure sont prévus.

Lorsque plusieurs services déconcentrés dans le département contribuent à la mise en _uvre d'une même politique, le préfet peut désigner un chef de projet chargé d'animer et de coordonner l'action de ces services pour une durée limitée. Pour la conduite durable d'actions communes à plusieurs services déconcentrés de l'Etat dans le département, le préfet peut constituer un pôle de compétence dont il désigne le responsable parmi les fonctionnaires des services intéressés. Eventuellement, des organismes assurant une mission de service public peuvent y être associés. Pour ce type d'actions, le préfet peut créer une délégation inter-services.

Enfin, lorsque plusieurs services ou parties de services concourent à la mise en _uvre d'une même politique de l'Etat, leur fusion peut être décidée.

La LOADDT met également l'accent sur le rôle du préfet à qui les organismes publics non dotés d'un contrat de plan ou de service public doivent soumettre un plan au moins triennal, global et intercommunal de leur dispositif. Le préfet peut suspendre la décision d'un organisme non conforme à son contrat de plan ou au plan d'organisation départemental.

La commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par M. Pierre Mauroy, a également souligné que le rôle du préfet devrait être réaffirmé en tant qu'interlocuteur unique à même d'impulser la politique cohérente de l'ensemble des services de l'Etat.

Les préfectures sont au c_ur du processus de réformes engagé actuellement. Le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000 a donné une impulsion nouvelle à la déconcentration et a réaffirmé le rôle de l'administration territoriale dans la mise en _uvre des politiques publiques. Le projet territorial de l'Etat, qui combine la diversité des objectifs publics assignés à l'administration et la nécessaire unité d'action de l'Etat, met les préfets en bonne position face à une nouvelle étape de la décentralisation. Il est une suite logique à un approfondissement de celle-ci.

La déconcentration est d'autant plus fondamentale qu'elle doit être indissolublement liée à l'interministérialité et qu'elle en est un instrument.

2. L'échelon des nouveaux territoires et le renforcement de la démocratie

L'importance réaffirmée du département et des régions dans le cadre de la contractualisation pour développer des politiques interministérielles ne doit pas faire oublier que la LOADDT, qui a mis l'accent sur la modernisation des services publics, comporte également des dispositions propres à renforcer les nouveaux territoires que sont les pays ou les agglomérations.

a) Les chartes et les contrats de pays et d'agglomérations

Le pays doit être partie prenante à l'organisation des services publics, pour disposer de services publics adaptés et de qualité. La définition du pays dépendant de celle d'un projet, la présence de services publics dans le pays a tout son sens. Les différents services publics nécessaires doivent faire partie de l'ensemble du projet.

D'ailleurs, le contrat de pays doit prévoir la présence des services publics, ainsi que le précise le décret du 19 septembre 2000 relatif aux pays. Il en est de même pour les agglomérations. La présence des services publics pourrait être un sujet majeur de ces contrats. Les pays ou les agglomérations peuvent permettre de réfléchir sur une échelle plus pertinente que celle du canton pour certains problèmes, tels ceux liés à l'emploi, par exemple. Les nouveaux territoires sont des espaces pertinents de desserte et de proximité d'un certain nombre de services au public. La promotion des pays et agglomérations passe par un redéploiement des services.

Cette préoccupation doit évidemment déjà se faire jour dans la charte de pays, ou d'agglomération, qui exprime le projet commun de développement durable du territoire et qui doit comprendre notamment un rapport établissant un diagnostic de l'état actuel du territoire, ainsi qu'un document définissant ses orientations fondamentales, les mesures et modalités d'organisation nécessaires pour assurer leur cohérence et leur mise en _uvre : une réflexion et un programme relatifs aux services publics trouvent tout naturellement leur place dans ce cadre.

La charte doit être maintenue en l'état ou, au contraire, révisée, dans le délai de dix ans suivant la reconnaissance du pays par les communes ou groupements de communes l'ayant adoptée : cette nouvelle étape se prête particulièrement à un nouvel examen de l'implantation des services publics.

Actuellement, les implantations de services publics tiennent assez peu compte de ces nouveaux territoires et de ces projets. Or, le conseil de développement, composé d'élus et de milieux socio-professionnels et associatifs, librement organisé et composé à l'échelle locale, et étroitement associé à l'élaboration du projet de pays ou d'agglomération, ainsi qu'à la mie en _uvre des projets, devrait être le lien privilégié où se discute la mise en place des services publics. Mais il est vrai que les conseils de développement n'ont pas toujours répondu aux espoirs. Les citoyens souhaitant y participer sont peu nombreux, il reste une révolution culturelle à entreprendre pour encourager cette participation.

Il serait, de même, logique que les commissions départementales de coopération intercommunales (CDCI) soient informées des projets de services publics. Les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics, généralisées à l'ensemble de la France par la loi du 4 février 1995, et réaffirmées par la LOADDT n'ont pas donné satisfaction. Elles ont davantage servi comme moyen pour amener la paix sociale et se donner bonne conscience que pour répondre réellement à la demande. Elles ne permettent pas d'établir une politique véritablement transversale. Les personnes les composant pourraient se retrouver à la CDCI et étudier les projets relatifs aux services publics.

Il faudrait donc que tous les territoires, pays et agglomérations prévoient dans leurs contrats des mesures pour une meilleure répartition des services publics, et ce, dans une optique offensive et non défensive : cette réflexion ne doit pas se faire jour uniquement lorsqu'il existe un déficit manifeste en matière de services publics. Une réflexion approfondie lors de l'élaboration du contrat devrait être le meilleur moyen d'inciter l'Etat à participer à cet effort.

Les contrats de villes peuvent être un outil adéquat : la nouvelle génération met l'accent sur la nécessaire transversalité des politiques. De plus, il a été demandé que, dans ces contrats, soient élaborés des projets de services de quartiers comportant clairement des engagements sur la présence des services publics. L'Etat a passé en ce sens des conventions nationales avec plusieurs grands services publics, notamment avec La Poste, accords qui peuvent être déclinés au niveau local.

Les services publics pourront donc participer à la cohésion du territoire, qu'il s'agisse de cohésion sociale ou de cohésion territoriale. Les pays et les agglomérations, espaces de démocratie, ont un rôle important à jouer dans ce domaine. Inversement, la présence de services publics fera vivre ces nouveaux territoires.

b) Le volet territorial des contrats de plan Etat-région

Les volets territoriaux des contrats de plan Etat-région devraient utilement comporter des crédits pour financer les investissements nécessaires des maisons des services publics, notamment, et permettre la rationalisation de l'implantation de ces services.

Or, l'Etat devra faire preuve de volontarisme, d'autant qu'il se dégage trop souvent d'un certain nombre d'actions, en arguant du fait que l'avenir des territoires appartient à leurs élus et à la leurs citoyens. Le moment est venu, pour les territoires, les élus et les citoyens, d'exprimer un certain nombre d'exigences.

POINT DE VUE DE M. PIERRE COHEN

LE SERVICE PUBLIC, UN ENJEU DE SOCIÉTÉ

I- CONSTAT

A. LE SERVICE PUBLIC, UNE NOTION MAL DÉFINIE

Depuis le XVIIème siècle, avec la monarchie d'abord, la République ensuite, l'intervention de la puissance publique s'est organisée autour du service public et de son irrigation sur l'ensemble du territoire. C'est une notion ancienne, mais qui a évolué dans le temps pour s'adapter chaque fois au contexte économique, historique, à la socialisation des besoins.

A la différence d'autres pays européens, la France a fait du service public un outil stratégique de reconquête économique et sociale. On pourrait donc penser que le service public, qui avait fait l'objet d'un affichage officiel dans la constitution de la IVème République, s'appuie sur un socle législatif et réglementaire fondateurs. Or force est de constater que seul un arrêté du Conseil d'Etat de 1925 y fait officiellement référence.

Ainsi, en l'absence de doctrine précise, il règne des confusions et des imprécisions dans la notion de service public, que ce soit sur le plan conceptuel et opérationnel, ou de ses missions.

Dans ce contexte, le service public est régulièrement soumis à des atteintes, voire des attaques. De fait, la notion de service public est une notion complexe qui relève d'une construction idéologique en quête d'intérêt général, de cohésion sociale et de répartition équilibrée des ressources.

On parle souvent de service public à la française; cette spécificité prend toute son importance au regard des limites que lui imposent l'Europe et la mondialisation qui s'appuient sur des logiques d'inspiration libérale remettant en cause les services publics, au nom de la lutte contre le monopole, par la privatisation et la déréglementation.

Pourtant, alors qu'une menace et des critiques semblent peser sur le devenir du service public, les usagers eux-mêmes réclament encore plus de services publics, se mobilisent lorsque cette menace se précise. De plus en plus, les revendications quantitatives se doublent de revendications qualitatives. Ainsi, l'appréhension des services publics par la problématique du territoire permet de mieux cerner ces contradictions.

La question qui se pose à présent est de savoir si le concept de service public est fondateur d'une société et comment l'inscrire dans la République.

B. LA NÉCESSITÉ D'UN CADRE JURIDIQUE DE RÉFÉRENCE

D'aucuns reconnaissent que le service public est garant de la cohésion sociale et d'un mode d'organisation qui privilégie le lien social et l'intérêt général. A ce titre, il doit constituer un des fondements de tout projet de société. Pourtant, malgré sa forte valeur ajoutée politique, son cadre juridique demeure incertain et insuffisant.

Qu'il soit de type régalien, économique, social, le service public évolue dans un contexte juridique et politique aux contours flous quant à ses objectifs, sa finalité, ses activités ; l'absence de cadre de référence, de cohérence globale, le fragilisent d'autant plus à la fois sur le plan externe et interne.

Face à la mondialisation, au développement de l'économie de marché et sans cadre conceptuel plus affirmé, le service public se délite dans des logiques sectorielles créant cloisonnements et dysfonctionnements. Il ne doit sa force qu'aux convictions des acteurs du service public.

On constate souvent des confusions entre les missions, les activités, y compris auprès des acteurs du service public et les principes mêmes de continuité, égalité, accessibilité font l'objet d'interprétations variables selon les ministères.

Il en découle des situations et un paysage très diversifiés. L'intervention de la puissance publique peut se traduire sous différentes formes : elle fait appel à des opérateurs, en particulier dans les activités marchandes, elle peut confier la gestion de ses services à des organismes privés ou publics, des organismes privés peuvent aussi être en charge de missions de service public. Les structures vont du monopole public à la concession privée.

La palette est donc large et diffuse, sans cohérence globale, ce qui participe in fine au phénomène de cloisonnement. Il en découle une organisation hétérogène sur l'ensemble du territoire national.

La déconcentration , la décentralisation et l'application de la LOADDT trouvent leurs limites dans ce contexte. Les citoyens usagers eux-mêmes rencontrent des difficultés à bien identifier les missions de tel ou tel service public et font preuve parfois d'une attitude d'incompréhension vis à vis de leur administration.

Compte tenu de l'imprécision du concept de service public, au point même que l'on parle de « mythe », est ressentie la nécessité d'une réflexion préalable à la détermination de critères, de missions et de champ d'application du service public.

L'objectif à présent est de définir précisément le contenu du concept afin qu'il puisse s'ancrer de manière durable dans les institutions, sans pour autant être figé. Le service public doit en effet pouvoir faire preuve d'adaptation pour répondre aux attentes des usagers et des citoyens, mais il doit aussi s'imposer comme une référence opposable aux velléités libérales.

Pour asseoir les services publics, il est nécessaire, dans un premier temps, de définir leur champ d'application, les conditions qui leur confèrent un caractère public ou privé, ceux qui relèvent d'une prise en charge publique, et selon quels critères, à partir de quel moment tel pan d'une activité peut basculer dans l'un ou l'autre secteur.

C. UN SERVICE PUBLIC PROCHE DU CITOYEN

Au regard du contexte complexe dans lequel évolue le service public, comment peuvent être pris en compte les besoins des citoyens ? Existe-t-il une définition de ce que doit être le service au public et dans quelles conditions doit-il être mis en _uvre ? Là encore les réponses sont d'ordre sectoriel et ne relèvent en aucun cas d'une logique globale. Mais peut-il y avoir une approche identique à la fois sur tout le territoire et pour tous les secteurs ? D'autre part, les besoins doivent-ils être définis à Paris ?

La déconcentration a favorisé le rapprochement des services publics avec les citoyens. C'est le cas de La Poste, de l'école, ...La LOADDT vise également cet objectif. Cependant le déficit d'écoute des besoins est encore dénoncé par bon nombre d'usagers. Le décalage entre, d'une part l'offre de service, d'autre part la demande, a toutefois permis l'émergence d'expériences de type "maison des services publics" qui ont su répondre à des situations où la cohésion sociale pouvait à terme être remise en cause. Créées dans un souci de compensation à l'échelle du territoire, elles sont l'_uvre du terrain sur la base d'un partenariat étroit entre les différents acteurs.

Bon nombre de ministères ont mis en place des commissions décentralisées pour remédier à ce dysfonctionnement. Cependant, force est de constater que par manque d'objectifs précis et de méthode, la plupart fonctionnent par obligation, au coup par coup et que le partenariat, qui devrait trouver dans ces instances un lieu d'expression adapté, n'arrive pas à s'organiser.

Il est à noter cependant qu'une attention particulière semble se faire jour en vue d'une meilleure interactivité entre les besoins des usagers et le terrain. La réalité quotidienne vécue tant par les habitants des zones en voie de désertification que par ceux de certains quartiers urbains se traduit par des constats d'insuffisance ou d'absences flagrants de services publics, de désengagement de l'Etat.

Au nom d'une gestion comptable, de ratios imposés, ce sont des pans entiers de la fonction publique qui s'éloignent des citoyens : écoles, maternités, directions départementales de l'équipement... A chaque restructuration ou fermeture, le malaise s'installe. Les fortes mobilisations de parents d'élèves, par exemple, rappellent inexorablement le rapport étroit du service public au territoire. Or, les restructurations s'appuient rarement sur la logique des territoires émergents comme les pays ou les agglomérations, échelle pertinente pour identifier les besoins.

La politique contractuelle comme le contrat de ville par exemple, ouvre la voie de l'écoute des besoins, avec comme objectif l'appropriation de la politique de la ville par les habitants. L'expression du citoyen doit en effet s'inscrire dans une méthodologie qui les associe à la vie publique par des structures de proximité. La création de conseils de quartiers peut contribuer à favoriser cette nécessaire concertation qui implique l'écoute et permet de prendre en compte les besoins.

La réforme de l'Etat en cours de réflexion et la décentralisation devraient _uvrer pour que le service public soit systématiquement placé au c_ur des nouveaux dispositifs institutionnels, dans le sens d'une meilleure prise en compte des besoins et dans le cadre d'un partenariat officialisé. La méthodologie devrait alors privilégier la recherche du triptyque composé par les administrations (avec les décideurs et le personnel), les élus et les citoyens.

II - PROPOSITIONS

A. LE SERVICE PUBLIC, UNE AMBITION NATIONALE À VOCATION EUROPÉENNE

Sachant que la seule référence officielle concernant le service public se circonscrit à un arrêt du Conseil d'Etat de 1925 et que par ailleurs on assiste à un lissage du concept de service public et à un manque de lisibilité tant de la part des usagers, que des administrations elles-mêmes, il apparaît nécessaire de mener une réflexion sur la définition même de concept de service public et de la notion de services publics afin d'aboutir à un texte de loi fondateur et à des recommandations européennes. Dans ce contexte, l'objectif est de :

- Organiser les assises du service public (de même type que les assises de la recherche en 1982) avec la participation d'usagers, d'élus, de personnels, de chercheurs, de représentants des ministères pour mener une réflexion collective sur le service public :

. à partir des critères fondateurs du service public, continuité, égalité, adaptabilité, mesurer leur opportunité actuelle par rapport aux attentes des usagers et en définir d'autres si nécessaire pour une meilleure adéquation aux besoins

. déterminer un périmètre d'application du service public, identifier les domaines à vocation de services publics à partir des critères préalablement retenus.

- Procéder à des études par secteur pour mesurer l'ancrage et l'offre de services publics dans la République et leur évolution dans le temps en terme de missions : irrigation sur le territoire, réponses aux besoins, instances de concertation...

- Créer un observatoire permanent du service public qui aura en charge d'effectuer un suivi, un inventaire et un bilan des différentes expérimentations menées sur l'ensemble du territoire, plus particulièrement dans les maisons de service public, et de faire connaître l'avancement des réflexions engagées au cours des assises. Il pourrait faire fonction de lieu ressources, de lieu d'échanges.

- Inciter les ministères à créer une cellule visant à promouvoir, suivre et mettre en cohérence les propositions formulées au cours des étapes ci dessus préconisées.

B. UNE VÉRITABLE MISSION DE SERVICE PUBLIC ET AU PUBLIC

- Intégrer dans le cadre de la nouvelle étape de la décentralisation et de la réforme de l'Etat la valorisation :

. d'un échelon de coordination : le préfet. Il s'agit d'asseoir le rôle du préfet dans sa mission d'animation des administrations, à savoir l'élaboration de projets transversaux, la recherche d'une mise en commun de moyens entre administrations, la détermination d'un maillage en cohérence avec un territoire pertinent nécessaire à l'élaboration d'un projet politique territorial. On passerait ainsi d'une logique de présence systématique à une logique de besoins sur un territoire donné

. des échelons de contractualisation : la région, les nouveaux territoires émergents (pays, agglomérations,...). Il s'agit de conforter les politiques contractuelles comme celles de la politique de la ville qui s'appuie sur une démarche territoriale susceptible de favoriser l'élaboration de projets transversaux avec une cohérence sur un territoire donné ou les contrats de plan Etat-région qui doivent intégrer cette problématique.

- Faire des commissions départementales de modernisation des services publics une instance de dialogue et d'échanges où chaque administration, y compris celles qui se sont dotées d'un contrat de progrès, participe activement et régulièrement, avec l'objectif de confronter les difficultés rencontrées et les expérimentations nouvelles, d'aborder la question du service public dans un partenariat opérationnel et susceptible de se concrétiser sur le terrain. Dans leur contexte actuel, ces commissions ne peuvent avoir de véritable impact sur le fonctionnement des services publics dans leur rapport au territoire. Dans un partenariat ouvert associant représentants des services de l'Etat, des citoyens, des usagers, des collectivités territoriales, ces commissions pourront s'engager dans une politique d'innovation.

- Définir des outils d'évaluation des services publics à partir des critères officialisés, constituer des tableaux de bord permettant d'évaluer l'impact des services publics sur le territoire, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Cette mission pourrait relever de l'observatoire du service public.

C. LES ENJEUX D'UNE MODERNISATION

- Prévoir des passerelles entre les différentes administrations pour faciliter les mutations des agents, les diversifications professionnelles, les recyclages, ce qui permettra in fine de décloisonner les corps de la Fonction publique et de favoriser l'émergence de projets interministériels

- Améliorer la cohérence et la lisibilité des services publics en constituant des schémas territoriaux locaux de services collectifs régionaux, départementaux, de pays et d'agglomération. La majorité des Français sont dans l'incapacité de définir les fonctions des administrations les plus courantes (confusion entre une assistante , une caisse de coordination aux assurances sociales...), cette distanciation pourrait être limitée par un accueil plus ciblé sur le conseil, l'orientation et l'accompagnement des usagers dans leur démarche.

- Faire de nouvelles technologies de l'information et de la communication un outil de réponse aux besoins des usagers. Elles constituent un moyen efficace de simplification des opérations. Par l'usage même d'une borne interactive ou à partir d'un poste au domicile de l'usager, celui-ci peut entrer directement en contact avec une administration. Elles offrent également des prestations plus adaptées et spécifiques, grâce à la mise en place de réseaux dans le cadre d'une nouvelle organisation des services publics.

- Conforter les nouveaux métiers de médiation et de conciliation qui facilitent la relation entre l'usager et l'administration et leur assurer la formation nécessaire pour répondre aux attentes des usagers. L'objectif ici est de mettre en place une démarche d'appropriation des services publics par les usagers, de les mettre en situation d'acteurs, donc de citoyens.

D. TERRITOIRES URBAINS ET SERVICES PUBLICS

L'évolution démographique ne s'étant pas traduite par un redéploiement des services publics, on note un déséquilibre entre l'offre et la demande dans les quartiers qui enregistrent une forte densification. A cet handicap vient parfois se rajouter celui de l'isolement, l'accessibilité au centre urbain où à d'autres secteurs mieux pourvus n'étant pas favorisée par la desserte des transports publics. Les territoires urbains sont l'objet donc de profondes mutations d'ordre démographique et territorial. Cette évolution constante leur confère un caractère « vivant » qui nécessite des adaptations de façon permanente pour répondre aux besoins de service public.

Dans ce contexte, la réponse au déficit en termes quantitatifs seulement peut s'avérer insuffisante voire inadaptée.Les enjeux ici sont de taille car la présence des services publics rappelle celle de l'Etat et appelle au respect du pacte républicain. Les services publics ont en effet une fonction d'intégration et égalitaire, de cohésion sociale. La question du service public doit donc être appréhendée à l'échelle du territoire pertinent.

Il convient donc de :

- conforter les services publics dans le contrat de ville : à travers cette politique contractuelle il s'agit d'apporter une réponse différente de celle qui prévaut le plus souvent en matière de service public et qui se traduit par une présence systématique de services publics comme, par exemple, l'école, la police, les travailleurs sociaux, etc. Le dispositif du contrat de ville, qui implique la participation des habitants, permet par cette démarche d'appréhender les problèmes spécifiques des quartiers et d'adapter l'offre des services publics. Il relèvera du sous-préfet à la ville, interlocuteur privilégié de tous les partenaires concernés par la politique de la ville, d'assurer une mission de coordination des représentants des services publics pour une meilleure cohérence de l'action de l'Etat sur le territoire urbain. Une cellule de suivi des services publics pourra être créée à cet effet auprès du sous-préfet à la ville avec des représentants de chaque ministère concerné.

- mobiliser les conseils de communauté d'agglomération, les conseils de développement dans les pays et les agglomérations pour procéder au recensement des besoins en matière de services publics avec l'ensemble des partenaires socio-économiques et les associations, puis les intégrer en terme d'objectif de développement dans les documents officiels de type charte ou schéma territorial.

- susciter la création de conseils de quartiers : lieu d'expression et de concertation, le conseil de quartier doit jouer entre autre le rôle d'interface entre les citoyens, les usagers, et les services publics. Il peut émettre des avis à soumettre à la cellule de suivi animée par le sous-préfet à la ville. Structure de proximité, le conseil de quartier permet d'associer les habitants à la vie publique et s'impose comme un échelon indispensable pour l'appropriation de la politique de la ville.

POINT DE VUE DE M. HENRI NAYROU

SERVICES PUBLICS EN ZONES RURALES :

LA RURALITÉ A UN AVENIR ET CET AVENIR PASSE PAR LES SERVICES PUBLICS

Après le socle commun de ce rapport sur les services publics à la française et après le point de vue de notre collègue Pierre Cohen sur les problématiques à la fois urbaines et générales en la matière, il nous revient le privilège de clore cet exercice par des propositions ciblées délibérément sur les zones rurales.

Sans qu'il soit question d'alimenter ici l'opposition forcément stérile ente villes et campagnes, force est d'admettre que services publics et ruralité vivent une passion conflictuelle, qui fait, la plupart du temps, voler en éclats les analyses conventionnelles sur les ratios en vigueur dans une Europe lorgnant à trop d'égards en direction d'un libéralisme périlleux.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité avancer quelques principes et autres jugements de valeur, avant de procéder à la revue de solutions susceptibles de contribuer à apaiser un climat passablement dégradé dans les campagnes par les tentations des grandes administrations d'Etat, qui rêvent de supprimer en douceur des pans entiers de service public en milieu rural. Car c'est bien avec le cynisme et le mépris de ceux qui croient tout savoir de l'intérêt général et de l'aménagement du territoire réunis que de grands stratèges s'appuient sur une nécessaire évolution des services publics pour les réorganiser en les centralisant, afin de mieux les faire disparaître au bout du compte.

I - DES PRINCIPES

S'agissant des services publics en milieu rural, il convient d'énoncer certains principes, qui, à nos yeux, conditionnent la logique des propositions formulées dans ce rapport.

- Il existe trois formes de ruralité : le rural profond, le rural accessible et le "rur-bain". Chacun requiert un traitement spécifique en la matière.

- La désertification rurale n'est ni une évidence, ni une fatalité. A ce titre, la gestion des services publics en zones rurales relève à la fois d'actes de solidarité territoriale et sociale, de respect des choix de vie des citoyens, d'aménagement du territoire et d'espoir pour ces territoires. Il est clair qu'en rompant la chaîne du service public, l'Etat rompt aussi celle de l'espérance.

- Le milieu rural a de nouveau un avenir, à en croire le dernier recensement qui témoigne d'une tendance au retour vers les campagnes. Cette donnée est essentielle pour crédibiliser ce qui suit.

- L'accès aux services publics doit être égal pour tous. La décision pour un citoyen de choisir son lieu de résidence loin des concentrations ne saurait donc constituer un handicap pour accéder aux services publics de base.

- Le concept de service public ne peut être associé à une notion de rentabilité, a fortiori dans les zones rurales.

- Le Premier ministre a déclaré le 17 juin 1999 que la baisse des effectifs de fonctionnaires n'était pas un dogme pour son gouvernement.

- Le service public en milieu rural est un service relevant des missions régaliennes de l'Etat, assurées par des fonctionnaires, à destination d'un public plus ou moins fluctuant selon la situation géographique et l'action des élus. De cette évidence, naissent des quiproquos entre, d'un côté, le concept de service public et de l'autre, le service au public, le service rendu, sa fréquence dans le temps, le nombre et la qualification des emplois, enfin l'aménagement du territoire.

- Ainsi, c'est bien à partir des mots-clés SERVICE - EMPLOI - TERRITORIALITE qu'une incompréhension permanente vient polluer les rapports entre l'Etat et les usagers du monde rural.

II - DES JUGEMENTS DE VALEUR

Après avoir énoncé certains principes adaptés au monde rural et avant de proposer des moyens pour répondre aux problèmes, il nous est apparu opportun de porter quelques jugements de valeurs sur les raisons qui transforment les services publics des zones rurales en conflits permanents.

- il existe un hiatus : les constats sur les problèmes et leurs solutions sont transversaux mais les décisions prises pour les résoudre sont verticales.

- le cloisonnement des administrations freine toute évolution positive, autant sur le terrain qu'au niveau du pouvoir central.

- les solutions devraient impérativement remonter des besoins des usagers sur les territoires et non redescendre des cercles dirigeants.

- l'équilibre doit être réalisé entre les attentes des citoyens et les moyens des pouvoirs publics : s'il est clair que l'Etat doit être rappelé sans cesse à ses devoirs pour un service universel non négociable, il est tout aussi contre-indiqué de maintenir un service au public, s'il n'y a plus de public, en d'autres termes, de défendre l'indéfendable.

- le partenariat est une notion qui s'impose d'elle-même, entre, d'un côté, l'Etat qui doit assumer sa responsabilité pour un égal accès aux services publics, tout en jaugeant le niveau de service à l'aune de critères convenables, de l'autre des collectivités qui jugeraient utile de s'engager pour en optimiser les effets. La solution passera donc par la recherche d'une co-production satisfaisante pour tous.

- les textes relatifs à la réforme et modernisation de l'Etat constituent une avancée pour les services publics, mais comme ils prennent prioritairement en compte l'organisation administrative, ils devront intégrer un certain nombre d'éléments de ce rapport parlementaire, puisque ce dernier est réputé s'appuyer sur les attentes des usagers.

- le maillage territorial des services publics est une action de développement social et démographique.

- la solidarité doit être renforcée et l'Etat doit admettre qu'il doit payer plus pour les territoires qui ont moins de moyens.

- En conclusion, le volet territorial du contrat de plan Etat-région doit bel et bien financer de telles actions de maintien de la vie dans les zones rurales sous certaines conditions de développement assumées par les territoires et attribuer aux communautés de communes et aux pays, nouveaux territoires de pertinence, le droit de tirage sur cette ligne de crédits.

III- DES PROPOSITIONS DE MOYENS

Compte-tenu de ce qui a été développé précédemment, nous proposons cinq types de leviers pour mieux réguler les services publics dans les zones rurales

A) L'ORGANISATION DES SERVICES PUBLICS AU NIVEAU D'UN TERRITOIRE

Il est généralement admis que, les services publics relevant de l'autorité de l'Etat, leur déploiement sur le territoire doit être organisé depuis Paris. Or, il s'agit là d'une vision très simplificatrice et, donc, réductrice. On a pu d'ailleurs en mesurer les effets désastreux avec les échecs des réformes de la police et de la gendarmerie et des services fiscaux.

Dès lors, il convient de séparer l'analyse en trois niveaux :

- Les attentes en matière de services publics, qui doivent remonter du terrain, non seulement des élus mais aussi des citoyens, dans l'esprit d'une démocratie participative.

- Le contenu des services publics, dont les besoins doivent être arbitrés depuis les territoires, départements, pays ou communautés de communes.

- Les décisions qui sont prises à Paris après consultation des deux niveaux précités.

Cependant, le problème majeur est que la vision sur les services publics est transversale, alors que les décisions les concernant sont prises verticalement. Identifier les causes des échecs répétés en matière de services publics dans les zones rurales et vouloir y rémédier, équivaut à appréhender le problème le plus en amont possible, de manière transversale.

Il en résulte quatre types de propositions :

- le développement des prérogatives du conseil national des services publics départementaux et communaux : il s'agit de le conforter dans ses prérogatives en le faisant piloter par le ministère de la fonction publique, à la façon des nouveaux schémas des services collectifs de la loi du 25 juin 1999. Ses missions seraient de préciser en le codifiant le concept de service public (dont le flou a été relevé en page 23 de ce rapport), identifier les raisons des échecs passés en matière de services publics en milieu rural et définir les niveaux d'arbitrage entre une analyse de territoire et une politique d'administration centrale.

- la mise en place d'un schéma de services publics par territoire, département, pays ou communauté de communes : c'est ce référent commun qui ferait apparaître les anomalies sur le terrain, qui permettrait de faire remonter les besoins et qui contribuerait à organiser les services publics en réseaux, comme nous le verrons plus loin avec les maisons de services publics.

- le renforcement des pouvoirs des préfets afin d'améliorer les services publics : la loi du 25 juin 1999 ainsi que le comité interministériel pour la réforme de l'Etat et la commission pour la décentralisation de M. Pierre Mauroy l'ont certes prévu (cf. p. 47 et 48 de ce rapport) mais il importe de l'inscrire dans les faits par voie réglementaire, en prenant soin d'en extraire peut-être le système judiciaire. La proposition est de donner aux préfets les attributs de chef de projet, leur permettant d'aller au-delà de la simple mise en garde prévue dans la circulaire du 7 juillet 2000, abrogeant celles des 10 et 29 octobre 1993 sur la politique des services publics post-moratoires. Les préfets pourraient déléguer leurs pouvoirs accrus aux sous-préfets, ce qui serait du meilleur effet si l'on prenait en compte notre proposition de caler les services publics sur les nouveaux territoires de pertinence (communautés de communes ou pays).

- le renforcement des pouvoirs des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics : dans la même logique que pour les préfets, il s'agira de donner de véritables moyens de régulation et de décision à ces organismes qui excellent surtout à l'heure actuelle à faire des constats et des suggestions. L'exemple le plus significatif est la commission départementale de présence postale, dont le principal avantage est de prendre acte avant d'autres des décisions des directions départementales de La Poste. Là aussi, le renforcement doit passer par la voie réglementaire.

B) LES CONTRATS D'ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS ET DE PARTENARIAT AVEC LES COLLECTIVITÉS ET LE VOLET TERRITORIAL DES CONTRATS DE PLAN ETAT- RÉGIONS

Il est admis qu'un gouvernement ne saurait accéder, en matière de services publics, à tous les désirs des territoires. Et s'il est vrai que l'Etat doit assumer son rôle de solidarité, les diverses collectivités concernées sont dans l'obligation d'apporter la preuve de leur dynamisme, tant il est clair que les efforts les plus productifs sont ceux qui sont partagés.

La proposition est donc d'élaborer des contrats d'accès aux services publics, aux termes desquels seraient fixées les obligations de chacun par un cahier des charges précis. Il ne saurait être toutefois question de chercher à transférer par ce biais des missions de base qui incombent à l'Etat, ni d'organiser un glissement de compétences rampant.

Il s'agit plutôt de faire remonter des territoires leur propre analyse sur leurs besoins en services publics, de les globaliser, de les confronter à l'analyse du chef de projet départemental et de prévoir, par convention, les conditions d'amélioration de ces services. De la même façon, l'Etat peut proposer aux territoires sa propre vision de la situation et une éventuelle contractualisation soumise à débat, selon le principe du gagnant-gagnant : "je veux ceci. Le voulez-vous aussi ? Si oui, sur quelles bases pouvons-nous nous entendre ?"

Outre sa capacité à agir sur l'organisation générale et sur la hiérarchisation des priorités, l'intérêt d'un tel contrat serait de définir un partenariat sérieux pour la mise en place des maisons de services publics, comme nous le verrons plus loin.

Mais l'avantage le plus important de ce partenariat est de créer les conditions pour disposer d'un droit de tirage sur le volet territorial des contrats de plan Etat-région. L'enjeu est de taille. Certains cabinets ministériels estiment que ce volet est tout indiqué pour financer toute initiative visant à améliorer les services publics en milieu rural. En revanche, il est des responsables de conseils régionaux qui voient d'un très mauvais _il pareille éventualité, arguant du fait que l'Etat trouverait ainsi le moyen de faire participer des collectivités territoriales à des charges qui devraient lui incomber en totalité.

Notre lecture de la situation est de considérer que la revitalisation d'un territoire est un projet de développement, dans le sens où l'entend la loi du 25 juin 1999 instituant les pays notamment. Dans la continuité, elle est aussi d'admettre que cette revitalisation passe par la présence de services publics performants et structurants. Elle est enfin de décréter que leur retour ou leur augmentation sur le terrain relève bien d'un acte d'aménagement du territoire, donc du volet territorial des contrats de plan Etat-région.

Une fois cette lecture admise, il faudrait déterminer le niveau d'intervention de ce volet territorial :

- soit en crédits d'investissement, pour la mise en place des maisons de services publics et les nouvelles technologies de la communication et de l'information

- soit en crédits de fonctionnement, pour l'accompagnement financier en faveur de personnels intervenant en zones très défavorisées (les facteurs des campagnes reculées notamment)

- soit les deux types d'intervention.

C) LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

C'est par les nouvelles technologies de la communication et de l'information que passera l'évolution des services publics en milieu rural. En effet, c'est grâce à celles-ci que les dits services pourront désormais aller vers les citoyens au lieu d'obliger, comme par le passé, les usagers à se regrouper en des lieux où étaient concentrés ces mêmes services.

Les nouvelles techniques de la communication et de l'information sont devenues ainsi l'arme absolue et, par voie de conséquence, la priorité absolue en matière d'aménagement du territoire et d'organisation de la vie.

Pour ce qui nous concerne ici, elles vont permettre :

- aux maisons des services publics de se développer en étoile avec le maximum d'efficacité pour apporter les informations instantanées que réclament les usagers.

- aux administrations de se décloisonner par la force des choses en se décentralisant sur le territoire de manière partenariale.

- aux personnels d'acquérir un bagage informatique rendu nécessaire par la vulgarisation de cet outil.

- aux emplois publics de devenir mobiles dès lors que leurs opérateurs ne sont pas face aux usagers.

Mais ces apports n'arriveront pas seuls. D'importants efforts d'investissements devront être déployés pour organiser les réseaux départementaux reliant les administrations aux maisons de services publics qui en émergent, pour équiper les mairies et maisons de pays, pour mettre en place ce nouveau langage universel.

Là encore, c'est le volet territorial des contrats de plan Etat-région qui devra être le moyen de financement le plus efficace sur la base d'un partenariat dont on a parlé plus haut.

D) LES MAISONS DE SERVICES PUBLICS

Elles sont à la fois l'outil en vogue dès que l'on traite des services publics en milieu rural et l'objet de controverse dès que l'on aborde les détails de fonctionnement.

1. Postulat

Les nouvelles générations de maisons de services publics issues des lois du 25 juin 1999, dite Voynet et du 12 avril 2000, dite Zuccarrelli, ne doivent pas avoir vocation à réunir en un même lieu des services publics qui existent déjà dans leurs locaux respectifs mais devraient

- soit coordonner des services manifestement proches à l'égard des citoyens et notoirement séparés ( exemple, les maisons de services publics des services fiscaux, objet d'une mission parlementaire de M. Jean Launay, député du Lot )

- soit susciter le retour des services publics ayant déserté le territoire

- soit centraliser la présence des services publics au plus petit niveau de la cellule territoriale, c'est-à-dire le village.

Dans tous les cas de figure, il sera recommandé de caler les maisons de services publics sur les nouveaux territoires de pertinence, communautés d'agglomérations et de communes, et pays. Il est également recommandé de concevoir d'emblée les maisons de services publics en termes de réseaux à tous les échelons que nous examinons ci-après.

Enfin, nous nous permettons de rappeler l'intérêt d'un schéma départemental des services publics, préparé et suivi par le préfet, et qui serait appelé à servir de référent commun, pour faire correspondre les moyens aux besoins et pour harmoniser les services publics à l'intérieur d'un territoire.

2. Méthode

Il est proposé ici de prévoir cinq niveaux pour les maisons de services publics

a) Les chefs-lieux de département

Chaque service public relevant du type réglementaire ou législatif possédant ses propres locaux et ses propres personnels, il n'y a pas lieu de parler de maisons de services publics, sauf à évoquer la préfecture où peuvent être centralisées les données en matière de services publics dans le département et où le préfet peut, éventuellement, prendre l'initiative de solliciter les administrations centrales pour renforcer tel service qu'il juge défaillant ou insuffisant. Cet avis s'entend bien-sûr dans la mesure où le préfet serait conforté dans un rôle accru de coordonateur des divers services de l'Etat (cf. quatrième point des propositions de moyens ci-après).

b) Les chefs-lieux d'arrondissement

D'évidence, la maison des services publics de référence peut et doit être la sous-préfecture avec un sous-préfet tenant le rôle, dévolu par le préfet, de chef de projet des services publics dans son arrondissement, comme on le disait d'un sous-préfet développeur au début des années 1990. Là encore, il ne s'agirait pas de réunir dans la ville les services actuellement installés dans leurs propres locaux mais d'organiser des permanences d'administrations uniquement présentes au chef-lieu du département.

Il serait ainsi recommandé au sous-préfet de veiller à l'affichage et à la qualité des informations diffusées dans un espace réservé à ces actions transversales, de faire bien apparaître l'organisation en réseaux des services rendus au public, en harmonie avec les antennes des conseils régionaux et généraux et avec la mairie ou la communauté de communes, voire le pays.

Ces efforts en terme d'affichage, d'information et de coordination devraient se concrétiser, dans l'enceinte de la sous-préfecture, par des aménagements appropriés qui seraient financés par le volet territorial des contrats de plan Etat-région, mobilisés à la demande de l'Etat.

Au-delà des services à rendre aux citoyens de manière effective, de telles dispositions viseraient également à affirmer la présence de l'Etat en des lieux, comme les sous-préfectures, qui ont perdu quelque aura depuis la décentralisation.

c) Les chefs-lieux de canton ou villes importantes n'étant pas sous-préfectures

C'est à ce niveau, selon notre conception du phénomène, que les maisons de services publics pourraient commencer à prendre leurs meilleures formes dans l'esprit des lois Voynet et Zuccarelli, notamment dans des villes et bourgs préalablement touchés par les récentes réorganisations administratives.

D'un côté, on trouve les services public de base qui sont présents sur le site et qui ont, bien entendu, vocation à rester chacun chez soi : la mairie, éventuellement le siège de la communauté de communes, l'école, La Poste, la gendarmerie, la perception, la subdivision de l'équipement (ou des services du conseil général), la caserne des sapeurs-pompiers etc. De l'autre, des services publics ont disparu au nom des ratios liés à la désertification des zones rurales.

L'initiative d'une maison des services publics doit, à notre sens, venir des collectivités territoriales. D'abord, parce que nous sommes partis du principe qu'analyses, besoins et choix en matière de services à rendre au public, devaient remonter du terrain et non du sommet de la pyramide administrative. Ensuite, parce que les élus devraient prendre à leur compte les attentes des citoyens qu'ils représentent (à la fois les autochtones qui ont mal vécu la désertion des services et les nouveaux habitants qui souhaitent bénéficier des mêmes avantages de proximité qu'ils ont connus à la ville). Enfin, parce que l'installation d'une maison de services publics est, en lui-même, un acte de développement social et humain, basé sur le volontarisme en matière de revitalisation.

Le principe peut être simple. Le maire ou le président de la communauté de communes juge que son territoire doit être à nouveau pourvu de services publics de nature à satisfaire les habitants et décide de mettre en _uvre une maison de services publics.

Il crée, dans les locaux communaux ou intercommunaux, un espace voué à l'accueil du public, doté de bureaux et d'ordinateurs branchés sur le réseau Internet.

Il appelle les fonds du volet territorial des contrats de plan Etat-région pour financer cet investissement.

Il sollicite, auprès du préfet, une convention ou contrat, afin d'inviter les diverses administrations ou services à tenir en ces lieux des permanences régulières selon un rythme adapté aux besoins de la population et aux moyens des intervenants. Ensuite, le préfet se charge d'organiser les tournées avec les chefs des services départementaux concernés.

Ce contrat déterminera, au gré des contingences sociales et départementales, les charges qui reviennent à la collectivité territoriale et à l'Etat. Il nous paraîtrait logique que les communes ou communautés de communes mettent des locaux à disposition et que des agents de l'Etat (ou des conseils régionaux et généraux, ou des entreprises publiques ou autres) interviennent comme s'il s'agissait d'un travail en leur siège.

Cette convention suppose, bien sûr, que les administrations disposent de moyens adaptés en nombre, en qualification, en disponibilité et en polyvalence. Cette évidence renvoie à la responsabilité de l'Etat en ces divers domaines et aux pouvoirs accrus des préfets.

Ce système présenterait de nombreux avantages :

- Les services publics vont vers le citoyen et non le contraire.

- Le citoyen ne subit ainsi aucun handicap, du fait de son choix d'habitation, pour accèder aux services publics

- La collectivité territoriale témoigne de sa volonté d'organiser la vie sociale au mieux des intérêts de la communauté dont elle a la charge. Elle doit également s'imposer d'en harmoniser les effets sur l'ensemble de son territoire.

- L'Etat répond aux attentes des zones rurales en adaptant les services publics à des nouvelles formes d'intervention, les administrations ne se voient plus reprocher leur désertion et le service est rendu au public.

- Le partenariat est effectif et clair. Il renvoie chacune des parties à ses propres responsabilités.

- Enfin, il donne un sens concret aux maisons de services publics.

d) Les deuxièmes communes de canton

Là où l'on ne trouve plus que la mairie, l'école et une agence postale, la commune peut, de la même façon, solliciter une maison de services publics agissant en réseau avec celle du chef-lieu de canton. Cette harmonisation doit s'effectuer au niveau de la communauté de communes ou du pays.

e) Les villages

Ici, le plus souvent, les lieux communs sont également la mairie, l'école et le bureau de poste, ou le facteur en tournée. Or, c'est ici, au niveau des relations entre élus, les citoyens et La Poste que se situe l'un des points les plus difficiles du problème des services publics en milieu rural.

A l'heure actuelle, les élus locaux estiment qu'ils sont les otages de La Poste. Face aux besoins d'une population souvent âgée, ils se sentent contraints de signer des conventions de trois ou quatre ans qui les obligent à héberger le service et à endosser la responsabilité du personnel contre une soulte de 30.000 à 45.000 francs par an.

Là aussi, la réponse la plus appropriée est une maison des services publics, même si les problèmes sont plus aïgus qu'ailleurs : qui paye le service, qui gère le personnel, quelle est la durée de la convention  ?

Certaines évidences apparaissent :

- le maintien, en effet, d'un service public de base comme La Poste (courrier, lien social, aménagement du territoire) est en lui-même un projet de vie, voire de survie, sur des zones relevant des pays ou des communautés de communes.

- La Poste a pour mission d'assurer le service public du courrier.

- l'Etat a chargé La Poste d'assurer ce service, assorti d'un rôle de lien social, difficile à quantifier mais tellement indispensable

- les fermetures sèches sont rares à La Poste mais il existe des démarches vers la cessation d'activités pouvant être qualifiées de rampantes.

- le trafic postal ne justifie pas toujours une ouverture permanente.

- mairie et bureau de poste étant la plupart du temps accessibles de manière intermittente, on peut estimer que les deux réunis assureraient des plages d'ouverture plus larges de nature à satisfaire les usagers.

- il y aurait un problème de polyvalence, donc de qualification et de responsabilité entre les personnels de La Poste et de la fonction publique territoriale.

- l'Etat, même s'il estime s'acquitter déjà de sa dette d'obligation de mission de service public envers La Poste, doit revenir dans le jeu du partenariat par le biais des volets territoriaux des contrats de plan Etat-région.

- à l'inverse, l'Etat est fondé à exiger, en contrepartie, des collectivités concernées, le respect d'une sorte de contrat de revitalisation, de sorte que les efforts de la communauté nationale s'inscrivent dans une perspective constructive et partagée.

La solution serait le point d'équilibre entre tous ces problèmes :

- une convention au niveau du département, d'un pays ou d'une communauté de communes établirait un partenariat fixant des objectifs communs et des moyens qui serait basé sur la durée des contrats de plan Etat-région.

- une maison des services publics serait implantée dans chaque village , dans un local mis à disposition par la collectivité territoriale proche de la mairie et dont l'aménagement pourrait être financé par le volet territorial du contrat de plan

- la mise en réseaux de ces maisons de services publics serait réalisée au niveau d'une communauté de communes.

- pour le personnel, soit chaque administration conserverait le sien, soit un agent polyvalent soumis à double tutelle serait prévu, selon un règlement qui reste à trouver.

- il serait mis obligatoirement à disposition des usagers des services modernes comme le minitel, Internet, des photocopieuses, interfaces simplifiées avec les divers tenants d'un schéma des services publics.

- comme pour les maisons de services publics en chefs-lieux de canton, cette disposition présenterait les avantages suivants : partenariat inscrit dans les faits, respect des missions de chacun, service public multi-forme assuré aux citoyens jusque dans les lieux les plus reculés, et possibilité d'accueillir d'autres services par convention dès lors que la MSP serait référencée.

Pour mémoire, il convient de souligner la tentation de La Poste et même de certains élus locaux, de privilégier la piste des multi-services publics pour répondre aux problèmes posés par les services aux citoyens. Il est certain qu'une fois la revitalisation rurale affirmée, des lieux de rencontre à mi-chemin entre les activités commerciaes et le lien social pourraient se réactiver. Même si nous sommes assez loin des services publics, il est évident que le propos n'est pas hors-sujet dans la mesure où il s'agit toujours d'organiser la vie sociale dans les villages de nos campagnes et montagnes.

IV. LA TERRITORIALISATION DES EMPLOIS PUBLICS

L'évolution des nouvelles technologies et des mutations des citoyens ne peut que susciter des interrogations sur les diverses formes de la vie de demain. C'est sur la base de cette évidence-là que le débat sur les services publics en milieu rural ne porte pas uniquement sur le service à apporter au public, mais aussi sur le nombre d'emplois et l'aménagement du territoire.

Dans la logique d'un meilleur équilibre territorial, il est proposé ici que l'Etat répartisse plus équitablement les emplois publics dont il a la maîtrise.

Mais que l'on se comprenne bien. L'objet ne serait pas de procéder à des délocalisations lourdes comme celles lancées par le gouvernement de Mme Edith Cresson en1991-92 mais d'opérer, de manière plus souple, par des relocalisations de certains services d'administrations ou d'entreprises publiques dont la principale particularité serait que leurs fonctionnaires ne se trouvent en aucune façon face à des usagers.

Pour parvenir à des points d'équilibre satisfaisants pour tous, il serait également souhaitable de prévoir, outre la déconnexion par rapport à la clientèle, la mise en place des nouvelles technologies de l'information et de la documentation ; il conviendrait également que des dispositions soient prises en faveur des familles des personnels appelés à être relocalisés et que les collectivités bénéficiaires soient en mesure de pourvoir aux besoins généralement recensés en pareil cas.

Quoi qu'il en soit, il faudra bien un jour définir les grandes priorités en matière d'aménagement du territoire. D'ailleurs, un signal fort de l'Etat a déjà été envoyé lors du CIADT du 18 mai dernier (cf. p. 19 de ce rapport).

Les excès de la ville, l'offre supérieure en matière de qualité de vie de la campagne, les progrès des nouvelles technologies de la communication et de l'information rendent désormais compatibles ces grandes mutations technico-sociologiques qui, en dépit des apparences, sont bien au c_ur de ce rapport sur les services publics en milieu rural.

CONCLUSION

Ce plaidoyer pour un meilleur rendement des services publics en pays rural touche à sa fin. Il ne saurait être totalement impartial puisqu'il part de quelques principes subjectifs forts tels l'avenir à nouveau assuré des zones rurales, la solidarité affirmée de l'Etat, la volonté politique du gouvernement, l'émergence d'une nouvelle forme de concertation et d'action basée sur les schémas collectifs et le partenariat, les modulations du temps de travail, l'accélération des déplacements, les nouvelles technologies de la communication, le mal de vivre dans les grandes métropoles rapporté à la qualité de vie des petites villes, villages et hameaux.

A l'heure actuelle, les zones rurales en sont au point de non-retour. Ruines et chantiers à la fois, elles ne tiennent souvent encore aujourd'hui que par le maillage public, même si, pour autant, tout ne leur est pas dû. Il faut en effet qu'elles trouvent le chemin d'une revitalisation qui, elle, ne devrait rien à la solidarité nationale.

Les enjeux sont là. Le monde rural, même faible en densité, ne doit plus avoir mal à son service public pour mieux bâtir son avenir. Un avenir qui passera par une véritable révolution en matière d'urbanisme et de logement, puis par une nouvelle typologie de développement économique, qui n'est plus désormais un objectif inaccessible.

Alors, et après la volonté politique, la volonté des femmes et des hommes fera le reste !

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Au cours de sa séance du mardi 23 janvier 2001, la Délégation a examiné le rapport de MM. Pierre Cohen et Henri Nayrou, sur les services publics et les territoires.

M. Pierre Cohen, rapporteur, a souligné que, pour ce deuxième thème étudié par la Délégation, les profils différents des deux rapporteurs, l'un étant un élu rural et l'autre un élu urbain, n'avaient pas entraîné de difficultés dans la conception du rapport et n'avaient pas empêché l'élaboration de conclusions proches sur de nombreux points. Pour tenir compte à la fois de ces accords et des sensibilités différentes, il a été décidé que le rapport comporterait un socle commun présentant la synthèse des informations relatives aux services publics sur notre territoire obtenues au cours des auditions, ainsi que le point de vue de chacun des rapporteurs.

Le rapporteur a ensuite formulé trois remarques. Il a, en premier lieu, précisé qu'il avait constaté, au cours des différentes auditions réalisées, que la notion de service public était floue, définie seulement par un arrêt du Conseil d'Etat de 1925. Il a ensuite rappelé que le service public avait en France un caractère original, que les Français y étaient très attachés, mais que, en raison de la mondialisation et du développement des idées libérales, les critères de rentabilité devenaient prédominants, et le remettaient en cause. Il a, en troisième lieu, relevé l'existence de deux phénomènes importants, la poursuite de la réforme de l'Etat et du renforcement de la déconcentration et, parallèlement, le développement de la décentralisation. Il en résulte la nécessité de réfléchir au rôle des différents acteurs concernés et aux missions des services publics. Il s'agit d'un travail difficile, ainsi qu'en témoigne l'échec de la réforme du ministère de l'économie et des finances qui visait à mieux répondre aux besoins, mais n'a pu voir le jour en raison de solutions maladroites .

Le rapporteur a souligné ensuite qu'il était indispensable que soient identifiés les besoins sur le terrain et qu'il lui paraissait souhaitable de tenir des assises du service public afin de remettre à plat cette notion, prenant pour exemple les assises de 1982 sur la recherche, qui avaient permis aux différents acteurs de se mobiliser. Elles seraient l'occasion d'un débat sur la notion d'accessibilité des services à rendre au public, sur les moyens à mettre en _uvre pour conforter le service public et surtout, sur une définition de cette notion, qui pourrait ensuite être reprise dans un texte. Elles permettraient en outre à la France d'avoir, au plan européen, une attitude offensive sur cette question, d'autant plus indispensable que l'Europe, actuellement, remet en cause le service public dans le domaine de l'éducation ou de la santé.

M. Henri Nayrou, rapporteur, a également indiqué qu'il était d'autant plus nécessaire de redéfinir les missions du service public, notamment dans les zones rurales où il était en position défensive, que l'espace rural a de nouveau un avenir. Il a souligné que l'accès aux services publics devait être le même pour tous et que les besoins devaient être identifiés sur le terrain.

Il a estimé qu'il fallait décloisonner les administrations afin que les décisions concernant les services publics soient transversales, qu'un partenariat entre l'Etat et les collectivités locales était indispensable et que le volet territorial des contrats de plan Etat-région était le levier permettant de revitaliser les services publics et donc les territoires, même si certaines régions craignent que cela n'induise un désengagement de l'Etat. Ce volet territorial pourrait financer les investissements nécessaires aux maisons des services publics, et certaines dépenses de fonctionnement à définir ultérieurement.

Le rapporteur a souligné qu'il convenait d'adopter une démarche globale en élaborant un constat, en développant la concertation, puis en encourageant la contractualisation, avant de passer à l'action. Il a souhaité que le conseil national des services publics réfléchisse à une définition de ceux-ci, que soit élaboré un schéma des services publics par territoire pertinent en y faisant participer les conseils de développement et qu'un pouvoir accru soit conféré aux préfets, aux sous-préfets, ainsi qu'aux commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics. Il a souhaité que soient préparés des contrats d'accès aux services publics, comportant des cahiers des charges fixant les obligations de l'Etat, des collectivités locales, des usagers et des personnels.

Abordant les outils nécessaires à la dynamisation des services publics, le rapporteur a souligné que les nouvelles technologies de l'information et de la communication étaient l'arme absolue pour permettre le développement des maisons des services publics et le décloisonnement des administrations. Il a estimé que les maisons de services publics n'avaient pas vocation à réunir dans un même lieu des services publics qui existaient déjà dans leurs locaux respectifs, mais plutôt à coordonner des services proches et à favoriser le retour des services publics qui avaient déjà déserté le territoire. Il a souligné qu'il serait opportun de les installer en tenant compte de l'émergence des nouveaux territoires. Il a proposé de prévoir cinq niveaux pour les maisons de services publics (le chef-lieu de département, le chef-lieu d'arrondissement, le chef-lieu de canton, les deuxièmes communes de canton, le village). Il a suggéré, au niveau des chefs-lieu de canton, un partenariat clair : les locaux seraient à la charge des collectivités et les personnels à celle de l'Etat. Dans le cas du village, les services de pourraient être centralisés au niveau de la mairie.

Il a enfin souligné la nécessité de procéder à la relocalisation d'emplois publics, grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ces transferts seraient différents des vagues de délocalisations lancées par le gouvernement de Mme Edith Cresson en 1991 et 1992 et seraient favorisés par l'emploi des nouvelles techniques de l'information et de la communication ; il s'agirait d'opérer de manière plus souple pour obtenir un meilleur équilibre territorial.

M. Philippe Duron, président, a fait remarquer qu'au cours des dernières années on avait cherché des formules pour garder sur les territoires un certain nombre de services au public, mais que l'on n'avait pas encore trouvé de solution qui satisfasse les usagers et les administrations. Il s'est demandé si on pouvait parler au niveau du village de maisons de services publics ou s'il ne fallait pas envisager ces maisons uniquement comme têtes de réseau dans le monde rural, soit dans le cadre du canton, soit dans le cadre du pays et si, au niveau le plus fin, notamment on constate une déprise démographique, il ne fallait pas prévoir d'autres solutions, comme la mutualisation des services publics par la mairie ou la constitution de "drugstores villageois" selon la formule de M. François Doubin, où les services pourraient être assurés par une petite entreprise commerciale ou par un particulier. En ce qui concerne les relocalisations, il a suggéré d'employer le terme de territorialisation de la fonction publique. Il s'est enfin déclaré en faveur de l'établissement de schémas de services publics en cohérence avec les nouveaux territoires.

M. Henri Nayrou, rapporteur, a estimé que les maisons de services publics faisaient parfois peur, dans la mesure où les personnels concernés s'imaginaient qu'elles allaient regrouper en un seul lieu des services existant déjà. Il a souligné que la polyvalence était difficile à réaliser. Il a ajouté que les zones rurales accessibles voyaient leur population augmenter, que les nouveaux habitants souhaitaient des services car ils avaient des habitudes prises à la ville et qu'il fallait centraliser les services publics en un seul point du village.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a apprécié que le rapport soit bicéphale afin de tenir compte des problèmes du service public à la fois en milieu rural et en milieu urbain. Tout en soulignant son attachement à la décentralisation, elle a souhaité que soit réaffirmé le rôle déterminant de l'Etat dans la territorialisation de la fonction publique, et que la parole de celui-ci reste engagée, même en cas de changement de gouvernement. S'agissant des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics, elle a demandé qu'elles aient un pouvoir réel ; actuellement le préfet ne peut que suspendre temporairement une décision, la concertation est trop limitée, et les administrations ont, en fait, toute latitude pour prendre les décisions. Enfin, en ce qui concerne les maisons des services publics, elle s'est déclarée d'accord avec les rapporteurs, tout en s'interrogeant sur la nécessité d'en doter les villages.

M. Jean-Claude Daniel fait remarquer qu'il existait trois types de services publics : les services publics liés au fonctionnement de l'Etat, les entreprises ayant une mission de service public et les services au public relevant de l'économie marchande. S'agissant des premiers, il a estimé que les différents contrats de ville, d'agglomération et de pays devaient comporter des clauses claires pour assurer l'interministérialité des décisions ; il a souligné qu'en plus des services publics de l'Etat, il fallait réfléchir à ce que devraient être les services publics territorialisés et à la façon dont pouvaient être mis en cohérence les services publics de l'Etat et ceux qui seront territorialisés.

M. Philippe Duron, président, a suggéré que cela soit la mission des sous-préfets, cette mission pouvant être indépendante de leur localisation géographique. Certains sous-préfets ont, en effet, actuellement des missions qui couvrent l'ensemble d'un département.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont s'est déclarée favorable à la réaffirmation du rôle des sous-préfets, si on leur donnait ce type de mission.

M. Jean-Claude Daniel a ajouté ensuite qu'il était nécessaire de remettre en cause les différents bastions existants, comme, par exemple, les agences régionales de l'hospitalisation, les directions régionales des différents ministères et les secrétariats des affaires régionales.

Abordant les entreprises ayant une mission de service public, il a suggéré de préciser la notion de service universel, qui est apparu dans certains domaines comme le domaine postal, mais pas dans d'autres, comme celui de la santé. Il a estimé que la territorialisation des agences de développement économique devait être réalisée. S'agissant du développement des maisons des services publics, il a fait remarquer qu'on pouvait y trouver à la fois les services publics stricto sensu, mais aussi des services relevant de l'économie mixte, en soulignant qu'il fallait dans chaque cas être vigilant sur les termes du contrat signé par les différents partenaires de la MSP. A propos des technologies de l'information et de la communication, il a déploré que toutes les zones du territoire ne puissent encore bénéficier de la téléphonie mobile et que toutes n'aient pas accès aux réseaux à hauts débits. Il a souhaité une réflexion sur les activités des services publics liés aux secours, qu'il s'agisse de la police, de la gendarmerie, des pompiers, mais aussi des activités privées comme les ambulances. S'agissant des services au public qu'il faudrait mieux les connaître à l'échelle du territoire, il a estimé qu'ils devaient être pris en compte dans le volet territorial des contrats de plan Etat-région .

Il a enfin fait remarquer qu'il fallait réfléchir à la façon dont on répondait sur les territoires à ces divers besoins. Il a ajouté que les services publics avaient une valeur marchande à l'extérieur de nos frontières et qu'ils représentaient donc de ce fait un enjeu important auquel il fallait réfléchir.

M. Pierre Cohen, rapporteur, a estimé que l'on abordait les problèmes qui devraient être effectivement traités par les assises du service public qu'il proposait, soulignant que l'on disposait d'autant de visions du service public que de décideurs. Le service au public est l'impératif auquel on doit réfléchir, et ce n'est pas de Paris que l'on peut définir les besoins. Il a fait remarquer que les territoires émergents que sont les pays et les agglomérations étaient le niveau pertinent pour le développement des services publics, et qu'il convenait donc de renforcer le pouvoir des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics, le rôle de coordonnateur du préfet, et de faire des conseils de développement le lieu d'expression des besoins de la population.

Il a souligné que la coordination au niveau régional de certains services publics (tels que la santé, l'enseignement supérieur), était légitime, et que la région était d'autant plus importante qu'elle était le niveau privilégié de contractualisation, grâce aux contrats de plan Etat-région.

A propos des nouvelles techniques de l'information, il a insisté sur la nécessité de couvrir intégralement le territoire et d'en faire bénéficier les publics en grande difficulté afin qu'elles ne soient pas un facteur d'exclusion supplémentaire. Il a ajouté que ces techniques pourraient continuer à l'établissement de réseaux de compétence, dans la mesure où les agents polyvalents en contact avec le public pourraient contacter d'autres agents afin d'obtenir une réponse rapide.

M. Henri Nayrou, rapporteur, a également estimé que les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics devraient avoir un pouvoir plus important que celui qui leur est conféré actuellement par la loi et que, le schéma des services publics élaboré sur les territoires pertinents, permettrait de prendre en compte les besoins des usagers et a réaffirmé que le préfet devait avoir un rôle de coordonnateur. Il a rappelé qu'il souhaitait que les maisons des services publics soient présentes à cinq niveaux différents.

M. Jean-Claude Daniel a expliqué qu'il ne fallait pas, à l'échelle régionale, reconstituer les comportements centralisateurs existant au niveau national.

M. Pierre Cohen, rapporteur, a proposé qu'au niveau régional le préfet ait un rôle de coordonnateur, comme au niveau du département. Il a ajouté qu'il fallait tenir compte des usagers : ainsi dans le cadre des contrats de ville, on pourrait constituer autour du sous-préfet une cellule constituée des représentants de chaque ministère et les comités de quartier auraient la tâche de recenser les besoins.

Les rapporteurs ont ensuite présenté leurs propositions de recommandations.

La Délégation a adopté ces recommandations.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a autorisé à l'unanimité, en application de l'article 7 de son règlement intérieur, la publication du rapport sur les services publics et les territoires.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

1. Identifier les besoins sur le terrain afin qu'ils ne soient plus définis a priori par les administrations centrales

2. Organiser des "assises du service public" pour mener une réflexion collective sur le service public

3. Confier au conseil national des services publics départementaux et communaux le soin d'effectuer un bilan des expérimentations menées sur l'ensemble du territoire et encourager la création d'une cellule dans chaque ministère chargée de l'organisation des services publics

4. Instaurer un schéma de services publics par territoire qui recensera les besoins locaux et contribuera à examiner les services publics en réseaux.

5. Renforcer le partenariat entre l'Etat et les collectivités locales et élaborer des contrats d'accès aux services publics entre l'Etat et les territoires

6. Remettre en cause le cloisonnement des administrations, notamment au niveau départemental, pour favoriser l'émergence de projets interministériels et prévoir des passerelles entre les différents corps de la Fonction publique

7. Renforcer l'échelon de coordination entre les administrations qu'est le préfet

8. Redéfinir les missions des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics afin de leur donner un pouvoir accru sur le fonctionnement des services publics dans les territoires

9. Renforcer les techniques de l'information et de la communication comme outil de réponse aux besoins des usagers

10. Tenir compte, pour l'organisation des services publics, de l'émergence des nouveaux territoires que sont les pays et les agglomérations et donner aux conseils de développement la mission d'identifier et d'exprimer des besoins, afin de leur apporter une réponse adaptée

11. Réserver une part des crédits du volet territorial des contrats de plan Etat-région au financement des services publics implantés sur les nouveaux territoires

12. Réaffirmer l'importance des maisons de services publics comme instrument moderne d'organisation des services publics.

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR

LA DÉLÉGATION

- 25 octobre 2000

Mme Claude Brévan, Déléguée interministérielle à la ville et au développement social urbain

- 31 octobre 2000

M. Jean-Pierre Sueur, ancien Ministre, Président de l'Association des maires des grandes villes de France

- 15 novembre 2000

M. Michel Sapin, Ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR

LES RAPPORTEURS

- 27 septembre 2000

Mme Anne-Marie Leroy, Conseillère du Premier Ministre

M. Stéphane Bouillon, Conseiller technique du Premier Ministre

M. Jean-Luc Obin, Chargé de mission à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR)

- 10 octobre 2000

M. Roushdy Kbaier, Conseiller technique de la Ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement

- 18 octobre 2000

M. Eric Delzant, Conseiller technique du Ministre de l'Intérieur

- 20 octobre 2000

M. Nicolas Revel, Conseiller technique du Ministre de l'Agriculture

- 25 octobre 2000

M. Jean-Maurice Beaufrère, Conseiller technique du Garde des Sceaux

M. Flavien Errera, Délégué à la réforme de la carte judiciaire, Ministère de la Justice

- 31 octobre 2000

M. Martin Vial, Directeur de La Poste

- 28 novembre 2000

M. Gilbert Santel, Délégué interministériel à la réforme de l'Etat

- 5 décembre 2000

M. Jean-Jacques Vaudé, Président de l'Association des maisons des services publics

M. Jean-Dominique Poncet, Association des maisons des services publics

- 13 décembre 2000

M. Pierre Hérisson, Sénateur-maire, Vice-président de l'Association des maires de France.

AUDITIONS

Audition de Mme Claude Brévan,

déléguée interministérielle à la ville et au développement social urbain

Réunion du mercredi 25 octobre 2000

Présidence de M. Félix Leyzour, vice- président

M. le Président : Nous recevons aujourd'hui Mme Claude Brévan, déléguée interministérielle à la ville et au développement social urbain. En vous souhaitant la bienvenue, je vous remercie, madame, de venir nous parler, en liaison bien sûr avec la mise en _uvre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), des services publics qui posent problème, non seulement en milieu rural mais également en milieu urbain.

Nos collègues présents ce soir sont venus pour vous écouter et entamer avec vous un dialogue sur un sujet qui leur tient à c_ur.

Mme Claude Brévan : Ainsi que vous l'avez dit, la question des services publics pose certainement problème en milieu rural, mais tout n'est pas réglé en milieu urbain, loin s'en faut !

La politique de la ville admet une acception de l'aire urbaine qui est bien particulière puisque, par vocation, son appellation est un peu plus restrictive qu'il n'y paraît. En effet, ce n'est pas de toute la ville qu'elle traite traditionnellement, mais bien des sites en difficulté, qui connaissent des handicaps de toute nature, et qui se caractérisent par une dérive, une sorte de décrochage des dynamiques globales d'agglomération. Même s'il faut, effectivement, constamment se référer au cadre général dans lequel se situent ces quartiers, notre action reste cependant très focalisée sur les problématiques des sites en grande difficulté.

Le fait de se préoccuper des services publics dans le cadre d'une politique qui vise à les réinsérer dans une dynamique urbaine plus vertueuse, plus positive, n'est pas nouveau.

En effet, il y a plus d'une dizaine années, le ministre, M. Michel Delebarre, avait demandé à M. Paul Picard de lui remettre un rapport sur la place des services publics, qui avait déjà souligné leur inadaptation aux besoins de ces quartiers.

Pour autant, la problématique relative au service public a mis du temps à émerger comme un des enjeux majeurs de la politique de la ville. Longtemps, on s'est beaucoup plus préoccupé de régler les problèmes d'habitat, les problèmes de politique sectorielle, d'envisager les difficultés politique par politique, que d'étudier globalement la place des services publics.

Je crois que ce sujet apparaît, aujourd'hui, comme un des axes majeurs de la politique de la ville et d'ailleurs deux comités interministériels des villes et du développement social urbain (CIV), l'un en 1998, l'autre plus récemment, ont réaffirmé la nécessité de se saisir de cet aspect du problème à bras-le-corps et de mettre l'accent sur son importance.

Pourquoi un tel enjeu ? Pour des raisons essentielles. D'abord, parce que la présence et la qualité du service public dans ces quartiers en grande difficulté constituent un moyen de garantir l'égalité des citoyens et le respect du pacte républicain sur l'ensemble du territoire, y compris en milieu rural, par un égal accès au service public.

Ensuite, parce qu'elles constituent un moyen de renforcer la cohésion sociale, souvent menacée, non seulement entre ces quartiers mais aussi avec le reste de l'agglomération, dans la mesure où les services publics ont en quelque sorte une fonction intégratrice et égalitaire.

En résumé, elles ont en fait deux grandes fonctions : d'abord, une fonction sociale et économique, puisqu'elles garantissent par l'accès aux services publics la répartition des aides et des prestations publiques, ensuite, une fonction symbolique puisqu'elles représentent un bien collectif qui est le même pour les habitants de ces quartiers défavorisés que pour l'ensemble de la population.

Si nous mettons l'accent sur ce caractère symbolique, c'est parce que le traitement rigoureusement identique de l'ensemble des habitants, qu'ils habitent ces quartiers ou ailleurs, ressort très fortement de la demande des populations.

Il s'agit avant tout de promouvoir l'accès au droit qui est l'un des enjeux forts de la présence de ce service public. A cette fin, on peut s'interroger d'abord en termes quantitatifs pour savoir s'il existe autant de services publics dans ces quartiers en difficulté que sur le reste du territoire : on parle très facilement de "discrimination positive" mais encore convient-il de savoir s'il y a égalité. La réponse est nettement négative et le rapport de M. Jean-Pierre Sueur montrait assez clairement qu'il existait un déficit très net de services publics parmi ces populations qui en sont pourtant plus consommatrices que les autres.

Il faut toujours manipuler les chiffres avec précaution et savoir à quoi ils se réfèrent, mais ce rapport précisait, par exemple, que 40 % des zones urbaines sensibles, qui correspondent très largement aux territoires de la politique de la ville, sont dépourvues de bureaux de poste. Cela ne signifie pas que la situation soit partout catastrophique, car il peut s'en trouver à proximité immédiate, mais il est néanmoins permis de s'interroger, sachant que beaucoup de territoires sont très vastes et que les bureaux de poste n'y desservent manifestement pas le même nombre d'habitants que dans d'autres communes plus petites.

Toute une série de chiffres extraits de ce rapport indiquait ainsi très clairement qu'il fallait procéder à une remise à niveau de cette offre de services publics sur le plan territorial.

Pour y parvenir, il convient de régler des problèmes quantitatifs, mais aussi qualitatifs, car on peut avoir une présence physique pour un niveau de service parfois insatisfaisant, voire inadapté à la réalité de la vie locale.

À ce propos, nous avons demandé aux préfets, en 1999, de nous faire parvenir un diagnostic sur les services publics. Nous avons obtenu environ 70 réponses extrêmement hétérogènes quant à leur niveau de détail et d'approfondissement. Il en ressort surtout que les préfets nous ont répondu sur la présence des services, c'est-à-dire sur l'aspect quantitatif et non pas sur l'aspect qualitatif : nous ignorons comment ces services fonctionnent, quand ils fonctionnent, selon quels horaires, avec combien de personnes, s'ils sont ou non regroupés, de sorte que nous ne disposons que d'une mesure de l'existence des services publics. Ce n'est évidemment pas pleinement satisfaisant, et il faudra pousser beaucoup plus loin cette étude.

Pour ce qui est de la présence territoriale des services publics, il faut souligner que nous avons la volonté d'implanter dans ces quartiers des services publics destinés non seulement aux habitants des quartiers en question, mais aussi à d'autres personnes comme dans n'importe quelle partie de la ville.

En outre, notre approche de la présence territoriale intègre la notion de proximité, qui vise le rapprochement de l'usager du service public, sans que ce critère soit uniquement géographique. Il peut s'agir de l'accessibilité aussi bien par les transports que par tout autre moyen qui ne concerne pas uniquement l'accessibilité physique : un service très proche sur le plan physique peut s'avérer tout à fait inaccessible...

Des relais sont également envisageables sous forme de médiation ou de délégation de service public : nous savons tous que, dans la politique de la ville, de très nombreuses associations fonctionnent de facto avec des formules de délégation de service public.

L'adaptation de l'offre de services, qui est indispensable, porte sur plusieurs aspects.

Je citerai d'abord le problème de l'accueil. C'est peut-être le point qui a été le plus approfondi, puisque l'on voit que l'on a affaire à des populations qui sont plus consommatrices que d'autres, en quelque sorte plus dépendantes que d'autres des services publics et qui, cependant, ont généralement plus de difficulté à se repérer dans leur maquis. Elles comprennent mal, par exemple, que les ASSEDIC et l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ne fonctionnent pas ensemble, ce qui n'est d'ailleurs pas évident, que la caisse d'action sociale et la caisse d'allocations familiales (CAF) ne sont pas une même entité, que le centre social relève parfois, mais pas toujours, de la caisse d'allocations familiales et ainsi de suite. En conséquence, il existe un réel besoin de plaques tournantes pour conseiller, orienter, et accompagner les usagers dans leurs démarches.

J'évoquerai, ensuite, les heures d'ouverture sur lesquelles j'ai déjà dit quelques mots, tant il est évident qu'elles sont inadaptées au fonctionnement de cette société qui est souvent très captive. Il convient, par conséquent, de s'interroger véritablement sur cette inadéquation, étant entendu qu'il faut réfléchir également à l'adaptation du traitement.

Les réponses qui nous parviennent des services publics sont souvent très normées et le sont d'autant plus que des gains de productivité sont réclamés. Or, quand nous avons affaire à des populations en situation de grande exclusion, ces réponses sont insuffisantes et nous avons besoin, pour traiter ce problème au fond, d'un soutien particulier, quitte à donner parfois des marges de liberté par rapport à l'application de la norme, notamment en ce qui concerne les rémunérations des agents de service public.

Je mentionnerai enfin le décloisonnement et le partenariat car l'usager ne peut pas forcément comprendre qu'il a affaire à une multiplicité d'intervenants qui ne se parlent pas. S'il parvient parfois à jouer assez habilement de ces nombreux interlocuteurs, ne nous faisons cependant pas d'illusions : dans la plupart des cas, c'est une très large incompréhension qui domine. Nous avons donc besoin de vrais échanges et de systèmes de mise en réseau pour que les services puissent travailler ensemble et se compléter, chacun accomplissant, bien évidemment, sa tâche, mais en s'intégrant dans un projet collectif avec des réunions d'échanges.

Pour travailler sur tous ces aspects et surtout sur celui qui concerne la proximité et l'adaptation, nous attachons beaucoup d'importance à la formation des agents : nous consentons un effort important au niveau interministériel pour travailler à la formation partagée inter-partenariale de l'ensemble des agents intervenant sur un site, ce qui concerne non seulement les agents de l'Etat mais aussi les agents de La Poste et des collectivités territoriales. A cet effet, nous élaborons des programmes avec le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et toute une série d'autres organismes de formation.

En outre, pour permettre le décloisonnement et le partage des cultures, nous avons recours à la création de plates-formes de services publics, de maisons de services publics qui commencent à bien fonctionner.

On dénombre aujourd'hui environ 250 maisons de services publics dont l'activité, bien que très variable selon les sites, est satisfaisante, ainsi qu'une centaine de plates-formes de services publics, qui représentent de véritables têtes de pont du service public dans ces quartiers. Ces plates-formes fonctionnent en réseau et de manière tout à fait efficace.

Notre travail s'articule autour d'un second axe qui se fonde sur l'idée qu'il ne peut y avoir d'amélioration du service public au niveau local si la réflexion est centrée sur le service public lui-même. En effet, c'est d'abord le consommateur, l'usager du service public qui doit effectivement pouvoir s'exprimer : il faut admettre que nous avons quand même eu des exemples de réorganisations de services publics beaucoup plus centrées sur les agents que sur la qualité du service rendu. Je force peut-être un peu le trait, mais il n'en reste pas moins que, pour nous, il est essentiel que l'usager soit au centre de la refonte, de la réorganisation du service public au niveau local, que ce soit à travers les comités consultatifs de quartier ou toutes les structures participatives qui peuvent exister.

Il faut qu'il existe des systèmes d'évaluation par les usagers eux-mêmes.

Que dégage-t-il de tout cela ? Il émane des revendications des associations d'usagers qui ont été recueillies et des évaluations auxquelles il a été procédé, une très forte volonté des populations locales d'être traitées comme celles de l'ensemble de la ville. Les besoins de services publics qu'elles mettent en avant ne sont pas extraordinaires, puisqu'il s'agit du maintien de La Poste, de la distribution du courrier, de la présence de la police, de la propreté du quartier, de l'entretien de la voirie, donc de services de base qui sont réclamés exactement de la même façon dans le reste de la ville.

Ces populations ont très souvent le sentiment qu'elles sont moins bien traitées que celles des autres agglomérations, ce qui parfois n'est d'ailleurs pas dénué de fondement.

En outre, elles émettent le souhait de disposer de services plus adaptés qui relèvent davantage des prestations individuelles dans le domaine de l'action sociale.

Pour renforcer la présence et la qualité des services publics, le comité interministériel des villes a arrêté, le 14 décembre 1999, toute une série de dispositions, dont certaines sont déjà mises en application, et nous avons créé des délégués du médiateur de la République qui ont pour vocation de traiter dans les quartiers ces questions de rapport entre les usagers et le service public.

Ils sont actuellement une petite centaine et rencontrent beaucoup de succès. Ce sont généralement des personnes qui ont un profil assez différent de celui des délégués du médiateur traditionnels : nous avons moins recours à des retraités et plus à des personnes diplômées ayant une connaissance du droit. L'expérience est satisfaisante car la formule répond, je crois, à une vraie préoccupation.

Par ailleurs, pour tenter d'animer la fonction publique, les services de l'Etat mettent en place, d'une part, ce que l'on appelle "des délégués de l'Etat", fonctionnaires plus proches des quartiers et des services publics, et d'autre part, toute une série d'actions destinées à former ensemble les agents appelés à travailler sur le terrain à différents niveaux, qu'il s'agisse des niveaux d'exécution, d'encadrement ou d'encadrement supérieur.

Un certain nombre de mesures ont également été prises afin de tenir compte des difficultés particulières, souvent plus importantes qu'ailleurs, auxquelles sont confrontés les agents publics travaillant dans ces quartiers. La formation est, bien sûr, un moyen de les préparer à les affronter, mais il faut aussi prévoir des compléments financiers, des aides au logement et diverses indemnisations.

Plus structurellement, il a été demandé que, dans les contrats de ville, soient élaborés des projets de services de quartier comportant clairement des engagements sur la présence des services publics.

Nous avons passé des conventions nationales avec plusieurs grands services publics, notamment avec La Poste qui installe des bureaux de poste dans les quartiers, qui embauche des personnels de quartier et garantit un certain nombre de services. Nous avons procédé de même dans la région Ile-de-France avec la RATP et le Syndicat des transports parisiens.

Chaque fois qu'il est possible de structurer au niveau global des accords-cadres pouvant être déclinés au niveau local, nous le faisons, de manière à ce que l'encadrement supérieur des entreprises de service public manifeste très fortement son intérêt et son soutien aux agents sur le terrain, afin pour qu'ils ne se sentent pas seuls face à leurs difficultés et incapables de faire connaître une expérience enrichissante pour l'ensemble du service public.

En effet, nous sommes convaincus que ce qui fonctionne au niveau des quartiers en difficulté peut a fortiori être très aisément reproduit dans les quartiers moins difficiles et que c'est une occasion tout à fait exceptionnelle de moderniser le service public que de travailler ainsi.

M. le Président :Vos propos me laissent penser que les secteurs ruraux souffrent plutôt de la disparition des services publics existants, alors que les quartiers difficiles souffrent d'un manque de création de services publics.

Les problèmes y sont évidemment d'une autre nature, puisqu'ils tiennent au fait que l'on ne crée pas, parallèlement au développement et au peuplement des quartiers, de nouveaux services permettant de faire naître une vie de quartier et un sentiment d'appartenance à une entité vivante.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : Pour faire écho aux propos de notre Président, je dirai que j'ai le sentiment qu'en appréhendant séparément le problème des services publics en zone urbaine et celui des services publics en zone rurale, on fait fausse route.

Il faut poser la problématique du service public de façon globale car, ainsi que le disait notre collègue Félix Leyzour, le besoin que nous ressentons dans les parties rurales de nos circonscriptions est transposable dans les parties urbaines sous d'autres formes. Sans négliger le problème quantitatif qui est réel et important au point que les restructurations en cours nous inquiètent tous, il ne faut pas oublier le problème qualitatif qui se pose de façon identique puisque l'on trouve également des publics en difficulté en milieu rural. On observe maintenant des déplacements de population liés au fait qu'il est un peu moins difficile d'être en difficulté en milieu rural qu'en milieu urbain.

J'ai le sentiment que nous gagnerions à poser le problème de façon globale en considérant le service public, comme vous le disiez, madame, comme un vecteur d'égalité et un facteur très fort de lien social.

J'ajoute, que, nous, les élus, perdons un peu de crédibilité en parlant d'aménagement du territoire et d'équité quand, parallèlement, se poursuivent des restructurations un peu brutales du service public.

Les services publics sont, à mon sens, l'une des pierres angulaires de l'aménagement du territoire et, en tout cas, de notre crédibilité d'élus. J'estime donc que c'est un sujet très important qu'il convient d'aborder dans sa globalité.

M. Pierre Cohen, rapporteur : Je ne peux que souscrire à ces remarques. Il est évident que l'on ne peut pas traiter de la même manière les deux dysfonctionnements de l'accès au service public, à savoir l'évolution assez préoccupante que l'on constate en milieu rural et les manques dont souffrent les quartiers urbains. Pourtant, même si les solutions ne sont pas identiques, je suis, moi aussi, convaincu qu'il faut mener une réflexion globale.

Le service public, en effet, est généralement très cloisonné. Or, mon expérience de la politique de la ville m'a appris que le discours qui consiste à dire qu'il convient de s'appuyer sur l'existant et la redynamisation de l'existant, se heurte à quelques limites.

Je citerai notamment, du fait du cloisonnement qui existe entre les ministères qui ont fait de la politique de la ville une priorité, la faible capacité de réaction et de mise en place des décisions.

Cela illustre bien la nécessité, dont nous sommes, je crois, tous convaincus, d'inciter les services publics à une démarche transversale. Au niveau de la réflexion globale, il faut éviter de retomber dans des pièges existants : la modernisation des services publics est restée cloisonnée selon des critères territoriaux ou locaux. En effet, souvent - j'en veux pour exemple l'éducation nationale qui s'engage très fortement pour lutter contre l'exclusion et tente de pallier les difficultés que rencontrent un grand nombre de jeunes, en particulier dans les quartiers -, on parvient mal à traduire cette très forte mobilisation par une action globale, d'où une perte en ligne par rapport au travail accompli.

En conséquence, tout ce qui vient d'être dit me paraît aller dans le bon sens. La nouvelle génération des contrats de ville a d'ailleurs nettement mis l'accent sur cette notion de transversalité et sur ce besoin de mettre en avant des coordonnateurs, puisqu'il est même question, au sein de chaque ministère, de détacher des personnes dans les agglomérations, afin de les affecter à une cellule pour qu'elles jouent le rôle de levier dans la mise en _uvre de la politique sectorielle dont elles auraient la charge.

J'ai, moi aussi, le sentiment que, si on parle de proximité, il reste à en préciser la définition. Globalement, le terme renvoie à la nécessité d'une présence physique pour permettre aux usagers d'assouvir leur besoin de parler, de s'exprimer, de savoir, mais il ne faut pas se bercer d'illusions : 80 %, voire 90 % des Français sont incapables de distinguer les fonctions de nombre de nos administrations. Quiconque n'aura pas eu à prendre contact avec un centre communal d'action sociale, ne saura pas faire la différence entre cette structure et une caisse d'allocations familiales et, par voie de conséquence, entre une assistante sociale et les personnels communaux compétents en matière d'aides facultatives. C'est là une observation qui peut se vérifier en n'importe quel point du territoire.

Une réflexion globale s'impose pour améliorer la lisibilité du service public : c'est là un pari et un enjeu extrêmement importants auxquels il faudra faire face. Ce problème de la proximité renvoie en effet à celui de la formation, de la connaissance, mais aussi à celui des nouvelles technologies qui permettront à chacun d'avoir accès à l'information sans avoir besoin d'être confronté directement aux services qui l'intéressent.

M. Jean-Michel Marchand : Je voudrais, madame, revenir sur un point que vous avez évoqué, à savoir les maisons, les plates-formes ou les points de services publics qui sont en train de se mettre en place.

Y compris dans le milieu plutôt rural qui est le mien, les circonscriptions comportent souvent, notamment dans les chefs-lieux de canton, des quartiers en situation difficile : évidemment, ce ne sont pas obligatoirement ceux qui font la une des médias, mais leurs habitants y vivent des désarrois tout aussi importants...

J'estime que la réflexion qui tourne autour des maisons de services publics et les propositions qu'elle fait naître peuvent s'appliquer à la fois en milieu urbain et en milieu rural puisqu'elles relèvent des deux concepts que vous avez évoqués : le décloisonnement et le partenariat, la difficulté étant tout de même qu'il ne faudrait pas en arriver à une centralisation - certes déconcentrée, mais demeurant néanmoins une centralisation - ni, pour l'ensemble des communes, à une perte de leur potentiel de services publics.

Si je dis cela - je pense à La Poste qui est le grand sujet de préoccupation de toutes les communes de France - c'est parce que j'estime qu'il nous faut une présence évidente et certaine et que je m'interroge tout particulièrement sur cette notion de qualité.

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'il n'est sans doute pas besoin d'avoir une plage horaire aussi grande qu'elle l'était il y a quelques années, mais qu'il est essentiel de disposer d'agents à des moments précis. Pour une zone d'activités économiques et industrielles en milieu rural, avoir un service ouvert entre midi et quatorze heures n'a pas grand sens. En revanche, qu'il soit fermé à seize heures est catastrophique ! Ce sont là des difficultés importantes qu'il convient de surmonter.

Il est donc nécessaire d'avoir des maisons de services publics et des points de services publics pour quadriller le territoire, car il n'est pas sérieux de parler d'aménagement du territoire en procédant parallèlement au déménagement des services publics.

Ma seconde réflexion portera sur l'éducation nationale. J'ai le sentiment, à tort ou à raison, qu'il n'y a pas en ce domaine une réelle réflexion sur l'aménagement du territoire. J'en veux pour preuve les collèges, car je ne parle évidemment pas des écoles primaires et maternelles qui sont plutôt bien réparties et pour lesquelles des mesures sont prises en cas de grandes difficultés liées aux effectifs. Lorsque l'on n'a pas installé un collège par canton, on observe des blocages impossibles à surmonter et je ne m'étendrai pas sur le cas des lycées dont - permettez-moi de le dire - l'implantation n'obéit pas toujours à des facteurs d'aménagement du territoire.

Des conflits d'influence président à l'installation des formations : lorsqu'un établissement préparant au brevet de technicien supérieur (BTS) s'installe dans la région, ce n'est pas obligatoirement là où le besoin s'en fait le plus sentir. Par conséquent, la question que je pose est celle de savoir s'il existe, au sein du ministère de l'éducation nationale, une réflexion et des axes prioritaires définis pour l'aménagement du territoire.

M. Gérard Hamel : Je voudrais, quant à moi, faire état de deux types de difficultés rencontrées à l'occasion des déplacements de services publics dans les quartiers.

Les premières sont liées aux locaux. Il faut absolument, me semble-t-il, que le service public de proximité dispose d'un lieu unique d'accueil, ce qui n'est pas évident si j'en juge par les complications que j'ai rencontrées pour faire travailler ensemble, et dans les mêmes locaux, divers services publics. Comment concevoir, par exemple, de faire cohabiter une mairie annexe de quartier avec un service postal, sachant que, si les locaux sont séparés, y compris s'ils se trouvent dans le même quartier, La Poste refusera d'ouvrir, au motif que, pour des raisons de sécurité, elle doit disposer au minimum de deux ou trois personnes en permanence, ce qui lui est difficile ?

Ce n'est qu'au bout de nombreuses années que nous sommes parvenus à mener à bien cette cohabitation de plusieurs services qui peuvent aujourd'hui fonctionner, puisqu'un employé municipal de permanence dans la mairie annexe peut parfaitement travailler avec les agents de La Poste qui effectuent les opérations postales tout à côté.

Il n'en demeure pas moins qu'avant de pouvoir réunir des services de proximité sur une seule et même plate-forme, la question de la cohabitation a été pendant longtemps, pour nous, une réelle difficulté.

Or, cette expérience des services de proximité des quartiers est facilement transposable à l'extérieur des villes, dans le milieu rural, où se pose également ce problème du regroupement dans des locaux uniques.

La seconde difficulté concerne la permanence des services : comment demander aux différents services de proximité, qu'ils soient nationaux ou communaux, d'être toujours sur le terrain ? Pour régler cette question, il nous a fallu organiser l'accueil.

Vous avez évoqué ce problème dans votre exposé ; je considère qu'il convient, d'abord et surtout, de prendre en charge, quelle qu'en soit la nature, le problème de l'habitant du quartier. Ce dernier admet en effet facilement de prendre rendez-vous et de revenir rencontrer la personne qui l'intéresse : l'expérience prouve que cela ne pose pas de difficulté car il n'exige pas une réponse immédiate au problème qu'il vient soumettre.

On peut donc parvenir à réunir différentes personnes en même temps dans un secteur pour répondre aux besoins d'une population, en créant un service d'accueil qui centralise les demandes et qui, moyennant une gestion des permanences au sein de ces locaux de proximité, peut permettre d'organiser des rencontres directes avec les résidants. Une telle formule peut fonctionner pour un coût acceptable.

Il est impératif de résoudre le problème du regroupement des locaux et de l'accueil, ainsi que celui des permanences, car on ne peut pas exiger que des services, qu'ils relèvent de l'Etat ou des collectivités locales, se tiennent sans discontinuer à la disposition des différents quartiers.

Ma ville, qui est relativement petite, puisqu'elle ne comporte que 35 000 habitants, compte néanmoins sept quartiers différents, donc sept mairies annexes. Comme il était impensable de doter chacune d'elles de tous les services nécessaires, d'autant que tous les quartiers sont au moins classés en zone urbaine sensible (ZUS), la ville a fait l'effort de mettre à disposition des locaux. Ce n'est qu'en regroupant ces locaux et en planifiant les permanences des différents services que le problème s'est trouvé réglé et les conditions économiques de fonctionnement réunies mais tout cela a pris beaucoup de temps.

J'ajoute que l'on peut faire cohabiter La Poste, la police municipale qui peut travailler dans le quartier dans le cadre de l'îlotage, ou telle permanence d'un service, qu'il relève de l'Etat ou de la commune : c'est un objectif parfaitement réalisable, mais qui soulève de grosses difficultés quand on s'y attelle.

M. René Mangin : Vous avez souhaité, madame, voir l'usager au centre des services publics, et mon intervention va venir prolonger celle de mes collègues.

Les Français, comme l'ensemble des populations occidentales, consomment de plus en plus, y compris en matière de services publics. Ils ont, notamment dans les quartiers les plus sensibles, des problèmes tantôt d'adaptation, tantôt d'emploi du temps, ce qui les conduit à solliciter lesdits services à n'importe quelle heure du jour, voire de la nuit. Cette évolution pose, comme vient de le dire à l'instant M. Gérard Hamel, un problème de disponibilité.

Dans ces conditions, quelles que soient les réponses des différentes collectivités, notamment des mairies, il n'est pas toujours simple de trouver le personnel idoine au bon moment.

Autrement dit, il faudrait pouvoir disposer, en un point public, de personnels " multiservices " non seulement capables de répondre sur des problèmes d'ASSEDIC, d'emploi, de caisse centrale d'activités sociales ou de n'importe quelle autre nature, mais également disponibles presque 24 heures sur 24. Or, nous sommes face à des personnels du service public qui peuvent difficilement en faire plus qu'ils ne font, compte tenu du fait qu'ils ont aussi une vie familiale et un temps personnel à gérer.

Dans ces conditions, les municipalités ont bien souvent la volonté d'offrir un large service public, mais elles se heurtent à des problèmes d'emploi, d'emploi du temps, bref de gestion collective des différents personnels. Aussi, j'aimerais savoir si les études réalisées comportent des exemples de collectivités mettant en place des dispositifs très opérants sur une grande partie des 24 heures disponibles.

M. le Président : En vous écoutant, une remarque m'est venue à l'esprit : est-ce que, lorsque l'on parle de " services publics de proximité ", la proximité ne recouvre-t-elle pas deux notions : la proximité dans sa dimension physique - proximité géographique des bâtiments, des locaux et des institutions - mais aussi dans sa dimension humaine ? On peut, en effet, être très près des gens sans en être proche. Ces deux notions doivent être prises en compte.

Mme Claude Brévan : Monsieur Pierre Cohen a évoqué la difficulté qu'éprouve l'éducation nationale à inscrire son action dans la globalité. La vraie difficulté tient au fait que chaque service public a sa culture professionnelle qui est très prégnante et qu'il doit accepter de bâtir un projet collectif dans lequel il risque de se sentir amputé de ses responsabilités. Pour y parvenir, il reste un énorme travail d'apprivoisement à accomplir, mais on peut en dire autant des travailleurs sociaux. Ces derniers ont, en effet, exactement les mêmes réticences à travailler avec d'autres, dans la mesure où ils ont l'impression qu'ils vont être dépossédés de leur mission. On se heurte ainsi à la très forte frilosité professionnelle des responsables des différents services publics qui ont leur " culture maison ", leur culture professionnelle et qui refusent le partage.

Pour ce qui nous concerne, nous comptons beaucoup sur la formation et le dialogue communs pour parvenir à construire de nouveaux rapports. Pour autant, nous sommes convaincus que chacun doit faire son travail et non pas celui du service public voisin : le pire serait d'obtenir un melting pot où chacun toucherait un peu à tout ! Il est clair que nous ne ferons pas des enseignants des éducateurs sociaux et vice-versa.

J'ai eu l'occasion, à la demande du ministre, de travailler sur les métiers. Or j'ai été extrêmement frappée, dans les groupes que j'ai pu réunir, de leur crainte de perdre leurs compétences et leurs spécificités : il existe de très forts réflexes de valorisation personnelle.

M. le Président : Peut-on imaginer d'organiser des rencontres entre tous les acteurs d'un quartier, d'abord pour qu'ils se connaissent, ensuite pour qu'ils apprécient ensemble la nature des problèmes ?

Mme Claude Brévan : C'est exactement la démarche que nous prônons mais elle pose des problèmes de disponibilité et il va nous falloir travailler avec l'éducation nationale pour que les enseignants soient partiellement déchargés de cours pour assumer cette tâche. Il serait en effet très délicat de leur demander de l'accomplir en plus de leur activité scolaire : on ne peut pas toujours compter sur le militantisme.

M. Pierre Cohen, rapporteur : J'ai l'impression qu'il faut, non seulement parvenir à travailler avec l'ensemble des services publics sur le plan local, mais aussi faire en sorte que les logiques changent au niveau national, faute de quoi nous courrons toujours à l'échec ! Nous n'obtiendrons pas de résultats à la base si les logiques restent cloisonnées sur toute l'échelle à partir du ministère.

Mme Claude Brévan : De ce point de vue, je peux vous rapporter un événement récent, même s'il peut paraître curieux de le considérer comme tel : pour la première fois, une réunion a été organisée entre les inspecteurs d'académie et les sous-préfets, sous l'égide des deux ministres, MM. Jack Lang et Claude Bartolone. On peut dire que c'était un événement, au point que nous nourrissions même quelques inquiétudes sur son déroulement. Cela s'est très bien passé, puisque les participants ont même décidé de continuer à travailler ensemble sur plusieurs sujets.

Cet épisode, qui peut paraître tout à fait dérisoire, illustre cependant bien le chemin qu'il reste à parcourir !

M. Henri Nayrou, rapporteur : Je serai bref parce que volontairement hors sujet. Ma collègue Marie-Françoise Pérol-Dumont a dit que, si l'on traitait séparément les services publics urbains et les services publics ruraux, on ferait fausse route, mais je pense que c'est plutôt elle qui fait fausse route.

En effet, les services publics sont universels, mais chacun a sa spécificité, la première des différences étant que la ville dispose d'un département ministériel. Le fait que des difficultés persistent pour y décloisonner toutes les administrations laisse à penser quelle peut être la situation en milieu rural, où il n'y a guère que le préfet qui puisse agir à travers des commissions départementales d'organisation et de modernisation... Souhaitez donc, madame, bonne chance aux préfets qui s'attaquent à cette forteresse !

La seconde différence, c'est qu'en ville, les besoins varient en fonction du flux démographique, alors qu'à la campagne, le problème principal qui se pose est celui de la présence des services publics et de l'aménagement du territoire.

Cette situation nous conduit à nous interroger et, dans le cadre de cette délégation, nous nous sommes d'ailleurs posé la question avec M. Pierre Cohen, de savoir s'il convenait d'émettre un seul rapport. Dans un premier temps nous avons penché pour cette solution, dans un deuxième temps nous sommes convenus d'élaborer deux rapports séparés, peut-être, dans un troisième temps, la Délégation, sensible aux arguments de Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont et insensible aux miens, décidera-t-elle de revenir à la première proposition...

Mme Claude Brévan :Je voudrais revenir sur un point qui a été abordé de manière implicite : celui de la qualité des réponses apportées à l'usager. Il est vrai qu'il s'avère extrêmement difficile, ainsi que l'a souligné tout à l'heure le Président, de traduire systématiquement la qualité en simples termes de proximité. On se rend compte que ce que l'usager attend avant tout, c'est l'efficacité, autrement dit, la qualité de la réponse. Il est certain qu'il attend de l'humanité, de la chaleur , mais une des dérives du service public trop local serait de tellement entrer dans la problématique des gens que l'on finirait par s'y perdre sans apporter une réponse réellement précise. En d'autres termes, le service deviendrait tellement hors normes qu'il n'aurait plus de sens.

C'est un risque auquel il faut prêter attention : il convient probablement d'assouplir le système, de lui donner plus d'humanité, ce qui correspond à une démarche valable partout, d'améliorer l'écoute, de donner du temps pour comprendre les problèmes, sans toutefois perdre de vue que la finalité recherchée demeure l'efficacité, et non pas forcément la réponse " sur mesure ". Ce n'est pas là le plus facile à faire comprendre.

Je ne suis pas à même de répondre complètement à la question concernant l'éducation nationale. Je crois que ce ministère conduit des politiques d'aménagement qui sont des politiques concertées au niveau local. La plupart de nos sites étant situés en zones d'éducation prioritaire, nous portons une attention particulière au problème de la fermeture des classes. Nous menons avec le ministère de l'éducation nationale un travail sur la réhabilitation des écoles dans les communes en difficulté financière, sur l'ouverture des écoles aux parents, sur l'équipement des collèges, toutes questions qui sont très territorialisées. C'est le seul point sur lequel je peux vous répondre.

Pour ce qui est des difficultés liées aux locaux, il serait probablement intéressant de faire mieux connaître - et je m'adresse notamment à vous, Monsieur Gérard Hamel - les différentes solutions retenues à travers les maisons et les plates-formes de services publics dans la mesure où, chacun ayant inventé une formule, des progrès finissent par être réalisés.

M. Gérard Hamel : C'est difficile, mais cela finit par fonctionner !

Mme Claude Brévan : Pour autant, nul n'est obligé de refaire tout le parcours et c'est pourquoi je propose que l'on diffuse toutes les solutions inventées au niveau local avec une grande intelligence.

Il est certain que le système de la permanence commence à s'appliquer un peu partout et que les usagers, à partir du moment où ils sont assurés d'obtenir une réponse dans un délai fixé, ne l'exigent pas sur le champ : ils préfèrent obtenir une réponse précise, à une date précise, qu'une réponse vague ou une espèce de " service au rabais " qui est à proscrire absolument.

Pour ce qui a trait au besoin de service continu des consommateurs, aussi bien de nuit que de jour, il a évidemment des limites. Néanmoins, il est évident que certains services exigent de reposer complètement la question des horaires. Qu'est-ce, par exemple, qu'une antenne de police qui ferme à dix-huit heures dans les quartiers sensibles ?

M. Henri Nayrou, rapporteur : C'est pourtant souvent le cas !

Mme Claude Brévan : Oui, mais c'est précisément à partir de cette heure-là que les problèmes commencent. Or, l'intérêt d'une antenne de police est de donner un sentiment de sécurité et l'impression qu'il existe une présence policière au moment où des méfaits peuvent se produire.

On peut faire les mêmes remarques concernant les travailleurs sociaux dont la tâche s'accommode assez mal des horaires de bureau et à qui l'on reproche - probablement, en partie, à juste titre - de ne pas être assez présents sur le terrain aux heures où ils pourraient y être utiles : c'est spécialement vrai des éducateurs de rue, comme de tous ceux qui s'occupent de la prévention spécialisée et qui doivent être dans la rue au même moment que les jeunes.

Ce n'est évidemment pas le cas partout, mais il est certain que le problème des horaires se pose pour certains services très particuliers. Les services d'action sociale se sont longtemps consacrés à l'instruction des dossiers pour distribuer des aides, ce qui est une tâche de bureau. Ce faisant, ils ont un peu perdu le contact direct avec la population. Cela pose des problèmes de fonctionnement depuis la montée de la crise urbaine liée à l'exclusion et cela explique que le relais soit pris par des structures associatives qui sont finalement plus souples, plus disponibles et donc plus aptes à travailler selon des horaires un peu anormaux. C'est un problème délicat.

Les réponses apportées concernant les agents de médiation et de correspondants de nuit comportent des prémices de solutions pour répondre à ces besoins de présence nocturne. A la lecture de bilans dressés par des correspondants de nuit, j'ai été très frappée, alors que je pensais que les appels s'expliquaient par un grand sentiment d'insécurité ou par des désordres dans les immeubles, de découvrir que la moitié d'entre eux étaient liés à des situations de détresse et à l'isolement. Ces données renvoient à une nouvelle conception du service public et sont assez préoccupantes, car on en vient à recourir au service public pour des situations qui, autrefois, étaient complètement prises en charge par la société elle-même. C'est probablement, là, une évolution importante.

Il y a quand même un exemple d'adaptation des horaires qui est en train d'émerger très fortement et qui le fera de manière encore plus significative, l'application des 35 heures entraînant une beaucoup plus grande fluidité des heures ouvrables : celui des structures de garde d'enfants. Nous avons eu des informations très étonnantes quant à l'allongement des durées d'ouverture de crèches et de haltes-garderies qui assurent un service, sinon 24 heures sur 24, du moins 18 heures sur 24, de manière à permettre aux femmes qui travaillent comme caissières dans des supermarchés ou qui font des ménages dans les bureaux, par exemple, de faire garder leurs enfants le soir.

En la matière, nous allons également faire circuler une documentation sur toute une série d'expériences, car certaines adaptations sont possibles en termes de services au public.

Avant de terminer, je souhaiterais dire qu'il est clair que de nombreux services publics ont du mal à assumer le contact direct avec l'usager qui est parfois difficile, perdu, voire agressif. Cet obstacle les conduit à avoir recours à des relais, à des agents de médiation ou encore aux emplois-jeunes qui ont beaucoup servi d'interface entre les usagers et le service public. Cette formule peut se révéler, soit utile si on en tire des enseignements, soit très dangereuse et négative si elle sert d'écran entre le service public et la population. Ce serait, en effet, marginaliser encore plus les populations que de leur dire qu'on ne peut même pas travailler avec elles sans filtre pour amortir les chocs !

En conséquence, pour notre part, nous souhaitons que tous ces emplois soient bien consacrés à assurer la médiation entre les habitants eux-mêmes et à rétablir le lien social. Mais nous voulons aussi que ce soit le service public qui tire les enseignements de l'expérience acquise par tous ces jeunes en matière de relations avec l'usager afin de les intégrer à la formation des agents publics eux-mêmes. De la sorte, ces derniers deviendront aptes à assumer ce contact dans des relations normales, ce qui n'exclura pas d'avoir parfois recours à un soutien psychologique comme cela a été le cas dans un certain nombre de services : la RATP a mis en place un dispositif de médiation, mais La Poste renonce progressivement à ces " agents-relais " pour former progressivement ses propres agents à la gestion des conflits et de l'agressivité.

M. Pierre Cohen, rapporteur : Sur ce point, nous avons eu des discussions avec certaines personnes opposées à la création de postes de médiation. C'est une réaction que nous comprenions mal, tant il est vrai que les services communaux ont besoin de créer un lien avec la population afin de remettre en cause leur caractère extrêmement figé, de remédier à la difficulté qui est la leur d'être sur le terrain, et d'appliquer des horaires adaptés aux besoins. Le seul problème est de conférer à cette médiation une dimension d'appartenance et d'éviter qu'elle n'apparaisse comme un pouvoir abstrait ou, puisque vous avez vous-même parlé d`écran, comme une contre-réponse aux attentes. C'est là un point qui mérite réflexion.

J'ignore quelle est exactement la nature de la demande du milieu rural, mais, en ville, il est indéniable que la plus grosse difficulté tient à l'évolution des problèmes auxquels il faut remédier. La demande faite à nos éducateurs, lors de leur embauche, de travailler de vingt heures à vingt-trois heures est aujourd'hui dépassée puisqu'on aurait maintenant plutôt besoin de leurs services entre minuit et deux heures. Toute la difficulté est donc de demander une disponibilité 24 heures sur 24 en fonction de l'évolution de la situation ou de la diversité des publics. Cela peut se faire dans le cadre des associations, ou lorsqu'on mobilise du personnel pour répondre à un problème précis, mais c'est plus délicat sur la continuité d'une carrière.

A ce niveau, une disparité des difficultés se fait jour, sauf à dégager d'énormes moyens pour disposer d'agents soit formés, qualifiés, disponibles, ce qui suppose qu'ils soient bien payés, ou suffisamment nombreux pour répondre à toutes les demandes. C'est une situation très complexe.

M. Gérard Hamel : Oui, mais j'ajouterai que, si nous avons besoin d'avoir du personnel sans interruption sur le terrain, nous n'avons pas besoin des mêmes personnes au même moment.

Je vais donner quelques exemples parce que, finalement, même si on a a priori des projets, ce ne sont que les expériences menées et les correctifs apportés peu à peu qui permettent de trouver un juste équilibre.

Personnellement, je suis, par exemple, de ceux qui pensent que les commissariats ou les postes de police de quartier ne sont pas nécessaires la nuit : la nuit, il faut que les policiers soient en patrouille sur le terrain et non pas dans leur bureau.

Puisque nous évoquions précédemment le cas des travailleurs sociaux de proximité, il faut dire que leur intervention est très différente selon qu'il s'agit d'aller à la rencontre d'une catégorie de jeunes, à un certain moment de la journée, ou à la rencontre d'une autre catégorie de jeunes, de nature bien différente, dans le courant de la nuit. Ce ne sont plus les mêmes contacts, ce ne sont plus les mêmes rapports ni les mêmes personnes qui sont en jeu.

Dans la journée, il est permis d'imaginer que les jeunes parlent aux jeunes et que l'on peut agir dans le cadre des emplois-jeunes, mais je ne suis pas convaincu que cette formule soit satisfaisante pour la nuit.

Nous sommes actuellement en train de mener des expériences avec des personnes qui se caractérisent par le fait qu'elles passent un peu pour être les "sages" du quartier. Parce qu'elles appartiennent à une communauté et qu'à ce titre elles exercent sur elle et ses enfants une certaine autorité, elles se font plus écouter que le jeune qui, lui, peut être amené, sans arrière-pensée, à jouer un jeu malsain pour tenter de remplir son rôle.

Je veux dire par là que, pour connaître tous les problèmes qui se posent au niveau d'un quartier et tenter de voir quelle solution y apporter, il faut disséquer la journée : cela ne me gêne pas que la permanence et l'accueil d'un service public d'un quartier ferment aux environs de dix-huit heures. Au-delà, il ne recevra pratiquement plus personne, parce que les usagers, à compter d'une certaine heure, ont d'autres soucis.

En revanche, il faut, dès que la permanence du service public ferme, que le service public de contact et de terrain, qui passe par le policier, le travailleur social et autres, entre en action, de manière à prendre en charge les éventuels problèmes dont la nature peut d'ailleurs varier en fonction du quartier.

Dans certains quartiers, ils peuvent être liés au travail clandestin, tandis que dans d'autres on sait pertinemment qu'ils seront occasionnés par le trafic de drogue ou les rodéos automobiles.

Les interventions doivent donc être très adaptées au terrain et remises régulièrement en cause car la délinquance évolue.

Actuellement, dans ma ville, je suis confronté à beaucoup plus de problèmes liés à la délinquance routière qu'au vol à l'arrachée ou à d'autres délits. Depuis un an, les jeunes empruntent les ronds-points en sens interdit, ne respectent pas les feux rouges, notamment la nuit et évidemment lorsque la police est absente, font crisser les pneus, circulent sur les boulevards à 120 kilomètres/heure. Il s'agit d'une délinquance routière provocatrice, puisqu'elle s'exerce également à la sortie des écoles. C'est une forme de délinquance nouvelle, extrêmement dangereuse et qui fait peur.

Des adaptations sont donc à prévoir sans arrêt pour se doter d'une souplesse d'action en fonction du moment, de l'époque et du quartier.

Mme Claude Brévan : Tout à fait, mais je crois que les informations que nous pouvons diffuser en matière d'expériences ne servent qu'à suggérer des idées car les expériences d'autrui ne sont jamais totalement reproductibles.

M. Gérard Hamel : Je pense que les maires des villes qui ont à gérer les difficultés de quartiers sensibles ne communiquent pas assez et, pour que les bonnes intentions soient suivies d'effets, j'émettrai une demande.

Il serait, à mon sens, utile - je suis demandeur à travers l'Association des maires de France, mais on peut l'être auprès des services de l'Etat - d'organiser des échanges d'expériences, ne serait-ce que par des procédés aussi simples que des notes. En effet, il y a toujours des idées à prendre et il est préférable, face à des phénomènes que l'on découvre, de s'inspirer de l'expérience des autres, que de réinventer tous les jours des solutions dont la recherche et l'adaptation demandent du temps.

Ne serait-il pas possible, au niveau de la politique de la ville ou à tout autre niveau, de demander de manière volontariste de collecter les expériences des villes les plus difficiles de France, que l'on connaît puisque les quartiers sont classés par catégories de difficultés, de façon à travailler dans une relation de soutien et d'échange avec elles ?

Mme Claude Brévan : Pour vous répondre, je dirai que, très modestement, nous avons ouvert un site Internet baptisé I-Villes sur lequel une base de données d'expériences classées par thème commence à se constituer. Si vous le désirez, nous pourrons vous indiquer comment il fonctionne. Il va de soi qu'il doit être alimenté, que constituer un stock prend du temps et qu'il nous faut donc connaître différentes expériences mais il s'agit de relations d'expériences très fluides avec des points de contact auxquels on peut toujours se reporter.

Par ailleurs, l'Institut des villes, donc la vocation est d'assurer des échanges sur de grands sujets, va se mettre en place et des réseaux sont en train de se former. J'ajoute qu'au printemps dernier, un colloque s'est tenu, à Montreuil, sur la territorialisation des services municipaux et qu'il sera suivi d'autres rencontres, organisées sur la base d'expériences locales, dont l'une se déroulera à Dunkerque.

S'il est un domaine qui donne lieu à surabondance de colloques, c'est bien celui de la politique de la ville et même si on peut déplorer qu'ils s'articulent parfois autour de thèmes trop généraux, cette interrogation sur la façon de procéder demeure extrêmement intéressante.

M. le Président : Au nom de la Délégation, je tiens, madame, à vous remercier de votre participation.

Audition de M. Jean-Pierre Sueur,

ancien ministre,

président de l'Association des maires de grandes villes de France

Réunion du mardi 31 octobre 2000

Présidence de M. Philippe Duron, Président

M. le Président : Nous accueillons aujourd'hui M. Jean-Pierre Sueur, ancien ministre, président de l'Association des maires de grandes villes de France, à qui je souhaite la bienvenue.

La Délégation a choisi comme deuxième thème d'étude les services publics et les territoires. La modernisation des services publics est l'un des points essentiels de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire (LOADDT) du 25 juin 1999. Elle prévoit que des conventions, contrats ou cahiers des charges doivent fixer les obligations d'aménagement du territoire des organismes, des établissements publics ou des entreprises nationales. Ceux qui n'en disposent pas doivent se doter d'un plan d'organisation au niveau départemental, approuvé par le préfet ; le non-respect de ces documents déclenche la suspension des décisions prises et la réalisation d'une étude d'impact.

La loi encourage, en outre, le développement des maisons de services publics en leur fournissant, pour la première fois, un cadre juridique souple afin de faciliter leur constitution et leur fonctionnement. De nouvelles dispositions les concernant figurent également dans la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Enfin, la LOADDT institue neuf schémas de services collectifs dont l'un des objectifs est de garantir et d'optimiser le fonctionnement des services publics. La réflexion de l'implantation des services publics est d'ailleurs indissociable de celle des territoires émergents que sont les pays et les agglomérations.

On évoque souvent la question de la répartition des services publics en milieu rural qui n'est pas satisfaisante, mais ce problème n'en est pas moins réel en milieu urbain, les zones sensibles n'étant pas toujours irriguées autant qu'il le faudrait.

Vous êtes l'auteur, monsieur le Ministre, d'un rapport sur la ville qui abordait ces questions. Nous aimerions connaître votre réflexion à cet égard. Pouvez-vous nous faire part non seulement des progrès réalisés, mais également des difficultés que vous rencontrez et que vous avez eu à connaître, nous préciser notamment ce que peut être la notion d'accessibilité des services publics en milieu urbain et périurbain et nous indiquer la façon dont on peut cerner les attentes des usagers ?

Ce sont les quelques questions que je souhaitais poser afin de lancer le débat. Je vous propose de nous présenter un exposé liminaire, puis l'audition pourra se poursuivre sous forme de questions et réponses avec les membres de la Délégation.

M. Jean-Pierre Sueur : Je vous remercie d'avoir bien voulu solliciter l'Association des maires des grandes villes de France pour contribuer à votre réflexion. Notre association regroupe soixante et onze membres, qui sont toutes des villes de plus de 100 000 habitants, ainsi que la très grande majorité des structures d'agglomération où sont situées ces villes, c'est-à-dire les communautés urbaines, les communautés d'agglomérations, les communautés de communes et les syndicats d'agglomérations nouvelles.

Notre réflexion se situe dans la ligne du rapport que j'avais produit il y a quelque temps maintenant et que vous avez bien voulu citer, monsieur le Président. J'avais pu constater, il y a deux ans, que s'agissant du monde urbain et périurbain, les chiffres étaient très éloquents et traduisaient un déficit de services publics dans les quartiers urbains défavorisés. Ces chiffres restent largement d'actualité.

On compte moins de policiers et gendarmes ou d'antennes et de personnel de l'ANPE par habitant, dans les quartiers en difficulté que, d'une part, dans l'ensemble des aires urbaines et, d'autre part, sur l'ensemble du territoire national.

S'agissant de La Poste, il y a beaucoup moins de postiers par habitant dans les grands ensembles que dans l'ensemble du territoire.

Enfin, si je prends le ministère de la Justice, on voit que la carte judiciaire, malheureusement, n'a pas encore été suffisamment revue, puisque vous trouvez un tribunal de grande instance à Ecouen mais aucun à Sarcelles : notre carte judiciaire est davantage tributaire de l'organisation de notre pays au cours des siècles passés que de la réalité de la France urbaine et de la révolution urbaine du XXe siècle.

Je tiens à souligner d'emblée ces quelques points, car on a parfois le sentiment que l'aménagement du territoire concerne essentiellement les zones rurales qu'il faut pourvoir en services publics. Il le faut, bien entendu, mais on a parfois une image fausse, car on feint de considérer la ville comme un ensemble homogène, ce qui est totalement inexact. Elle est très diversifiée et comprend un nombre de secteurs importants où, malheureusement, le rééquilibrage souhaité n'a pas eu lieu.

Je voulais, à cet égard, faire une critique de ce que j'appelle la stratégie du zonage. Notre pays est caractérisé par une grande collection de zonages de toute nature qui se cumulent, s'entrelacent, se superposent et finissent par constituer un ensemble assez incompréhensible. La politique de la ville utilise également les zonages. On retrouve les zones d'éducation prioritaires (ZEP), les zones urbaines sensibles (ZUS), les zones de redynamisation urbaine, les zones franches urbaines, les contours des contrats de ville, etc, sans oublier les fameuses zones d'aménagement concerné (ZAC), les zones à urbaniser en priorité (ZUP) et autres encore.

Pendant vingt ans, on a incité les maires à solliciter telle ou telle zone dans leur commune afin d'obtenir des moyens supplémentaires et des services publics. Le paradoxe de la situation est que le zonage massif, d'une part, n'a pas abouti à rééquilibrer les services publics à l'intérieur des villes et du pays et, d'autre part, a contribué à la stigmatisation d'un certain nombre de quartiers. A force de les montrer du doigt, on finit par leur donner une image qui ne les quitte plus et qui leur est extrêmement préjudiciable.

En fait, il est aujourd'hui nécessaire de changer de politique de la ville et de se lancer résolument dans une politique de renouvellement urbain qui consistera à ne pas hésiter à reconstruire des quartiers entiers, non pas sur place mais sur des aires beaucoup plus larges réparties sur l'ensemble de l'aire urbaine. Cela conduira à considérer le service public, comme le logement social de qualité, dans l'ensemble de l'aire urbaine.

Je n'ai pas abordé les zones d'éducation prioritaires (ZEP), mais dans mon rapport, j'avais cité des chiffres qui montrent que, contrairement aux idées reçues, tel ou tel arrondissement parisien où sont localisés des lycées prestigieux reçoit beaucoup plus de moyens que les ZEP de tels quartiers de Paris ou de la banlieue. Nous sommes au c_ur de la politique du service public.

J'ai soutenu, y compris dans cette Assemblée, avec beaucoup de force, M. Alain Savary, lorsqu'il a créé les zones d'éducation prioritaires. Mme Ségolène Royal en a fait un bilan extrêmement flatteur. Je suis, pour ma part, plus mesuré. En effet, même si d'incontestables progrès pédagogiques ont eu lieu dans les ZEP et même si beaucoup d'actions intéressantes et remarquables y ont été menées, il convient de regarder en face un vrai problème. Aujourd'hui, le service public de l'Education nationale subit des phénomènes de fuites massifs qui contribuent souvent au développement de l'enseignement privé. Un certain nombre d'habitants de notre pays, voire d'enseignants, essaient, par tous les moyens, de scolariser leur enfant à l'extérieur d'une ZEP. Par conséquent, la ZEP produit des phénomènes de fuite, même si quantité d'établissements de ces zones sont des établissements de la réussite.

Il y a deux ans, l'inspecteur d'académie de mon département m'a informé qu'il avait mis une école du quartier de la Source, dans la ZEP. Peut-être pensait-il que j'aurais dû l'applaudir ou le remercier chaleureusement. Or, mon adjoint chargé de l'enseignement et moi-même avons ensuite reçu des parents d'élèves qui souhaitaient mettre leurs enfants dans un autre établissement : le résultat du classement de cet établissement en ZEP a été une diminution de l'effectif et la suppression d'un poste. Il faut donc réfléchir à ces phénomènes. Bien entendu, je soutiens de tout c_ur les actions menées dans les ZEP, mais je constate que l'Education nationale est confrontée à des situations dont elle n'est pas responsable.

Par exemple, si les enseignants de la Seine-Saint-Denis se retrouvent face à des publics en grande difficulté, c'est parce que, pendant quelques décennies, dans la région Ile-de-France, on a organisé une discrimination territoriale et que des stratégies foncières, immobilières, politiques et électorales ont convergé en ce sens.

Pour sortir de cette situation, il faut procéder à un renouvellement urbain, c'est-à-dire démolir des quartiers et construire autrement des logements sociaux de qualité, en les répartissant sur l'ensemble des aires urbaines. C'est un travail tellement considérable qu'il ne faut plus tarder à le mettre en _uvre.

Nous devons rester attentifs aujourd'hui à ne pas tomber dans un état de régression par rapport à l'idéal républicain qui a bien fonctionné dans son rôle intégrateur, en vertu duquel tous les enfants des familles de ce pays se retrouvaient sur les bancs de la même école. Ce n'est malheureusement plus le cas dans certains quartiers où l'on retrouve ces phénomènes que je tiens à porter à l'attention de votre Délégation. Je n'ai pas d'autre réponse à apporter que celle d'une politique très nerveuse de renouvellement urbain.

Notre association travaille de façon très active sur diverses thématiques liées au service public, dont celle des transports. Nous estimons que les régions doivent avoir une compétence accrue en matière de transport ferroviaire et nous sommes très impliqués dans la construction de transports urbains de qualité. Pratiquement toutes les villes se préoccupent aujourd'hui de tramways, de transports sur voie réservée (TVR), de VAL, de tram-train, etc.

Cela est très important, tant pour les préoccupations écologiques et urbaines, que pour les questions de qualité de la vie. Il faut affirmer le droit au transport, et ne plus faire de l'urbanisme statique mais de l'urbanisme cinétique, en considérant que la ville est le lieu de la mobilité.

A cet égard, l'Association est attentive au maintien du versement transport. J'avais évoqué la possibilité de le remplacer par un autre type de versement, mais je ne vois pas très bien lequel. Par conséquent, en l'absence d'une solution fiable - et je ne suis pas sûr que cela soit une taxe additionnelle sur le prix de l'essence -, il convient de conserver le versement transport.

J'ai eu, ce matin, une discussion avec M. Louis Gallois, président de la SNCF, à propos du rapport entre cette entreprise et le transport urbain, et, notamment, de la multimodalité. A cet égard, nous sommes préoccupés, car nous constatons que les normes fixées en France réduisent la possibilité de faire circuler les véhicules de transport urbain sur les voies de chemins de fer, c'est-à-dire de faire rouler des tramways sur des voies de banlieue comme cela se fait en Allemagne.

En fait, la SNCF nous indique qu'on ne peut faire rouler que des trains sur ses voies. Cela nous parait extrêmement dommageable : à Karlsruhe par exemple, le tram urbain est également le train de banlieue sans rupture de charge. On peut faire rouler des véhicules légers sur les voies ferroviaires. Nous sommes préoccupés par cet état de choses.

Par ailleurs, nous nous intéressons également à la question des fibres, du câble et de l'ensemble des réseaux à haut débit. Elle est cruciale pour l'espace rural et les départements de ce pays, car il serait tout à fait absurde d'aller vers le numérique à deux vitesses. Nous souhaitons que des modifications soient apportées à cet égard à la LOADDT.

Même si des avancées importantes ont été réalisées, nous voudrions maintenant que le service public municipal ou local puisse créer les réseaux, quitte à ne pas les exploiter. Aujourd'hui cette question préoccupe un grand nombre de maires car ils ont conscience que le haut débit doit être installé partout, qu'il est nécessaire pour la ville, le conseil général, l'hôpital, l'université, les entreprises.

Il faudrait une règle du jeu claire car, en la matière, la règle inscrite dans la LOADDT n'est pas satisfaisante du fait qu'il faut faire la preuve d'une carence en matière d'opérateurs pour avoir la possibilité de créer des réseaux. Comment définir la carence ? Il est possible qu'il n'y en ait aucune, mais que les solutions proposées soient de très mauvaise qualité, sans parler de l'absence de concurrence.

Enfin, nous sommes très attachés à la sécurité, point que j'ai abordé tout à l'heure et pour lequel j'ai cité quelques statistiques. Tout d'abord, le problème du nombre de postes de policiers reste posé. Il est clair qu'au vu des chiffres, il est difficile de ne pas être pessimiste. Lorsque le maire d'une commune de la banlieue parisienne indique à la télévision, devant une moyenne surface commerciale brûlée par des délinquants, que quatre ou cinq policiers seulement étaient en service cette nuit-là pour une aire urbaine très importante, il ne dit que la vérité. On ressent parfois très douloureusement le manque d'effectifs.

Dans le même temps, sachant que le nombre de policiers et de gendarmes français par habitant est le plus élevé d'Europe, il est clair que nous sommes confrontés au problème de l'utilisation adéquate des moyens existants. A cet égard, nous soutenons ce qui a été fait par M. Jean-Pierre Chevènement, à savoir reconvertir une partie des CRS et des gendarmes mobiles, afin de les affecter à des tâches de police urbaine.

S'agissant de la question de la police, je ne suis pas sûr que la méthode choisie, il y a deux ans, pour réduire les inégalités soit la bonne, dès lors que l'on en fait un débat ville-campagne, ou entre petites villes et grandes villes. Il est évident qu'aucun maire d'une ville de dix mille habitants n'acceptera que l'on supprime le commissariat de police de la commune. Par conséquent, nous devons examiner le problème de manière plus pointue, plus précise.

Je ne crois pas qu'il faille fermer des commissariats, mais on peut tout à fait repenser l'organisation des carrières, l'affectation des effectifs, le fonctionnement des postes de police, redéployer les CRS et les gardes mobiles.

Par ailleurs, nous sommes très attachés à la police de proximité, c'est-à-dire à une révolution copernicienne dans la manière d'assumer les tâches de police. Il ne faut plus les assumer par rapport à des habitudes, des rites, à un fonctionnement que l'on connaît depuis longtemps, mais analyser les problèmes dans chaque quartier, dans chaque espace, de la manière suivante : combien de policiers à telle heure, dans tel centre commercial, à la sortie de tel collège ou lycée, dans telle cage d'escalier, dans telle partie du campus universitaire ? La police doit être organisée par rapport aux besoins et non selon des a priori.

Cette police de proximité, qui nécessite beaucoup de moyens, doit être mise en _uvre sans dégarnir les effectifs de nuit notamment. Il est clair que l'on ne pourra pas reconquérir le terrain sans moyens et sans une réorganisation importante de la police par rapport aux missions qui sont les siennes.

M. Pierre Cohen, rapporteur : Votre rapport avait bien mis l'accent sur les déficits concernant les effectifs des services publics. Néanmoins, la constatation selon laquelle l'effectif de l'ensemble des services publics, notamment de policiers et de gendarmes, dans les quartiers en difficulté, était inférieur par rapport au reste du territoire, me semble devoir être précisée.

En effet, une fois qu'a été mis en avant le problème des effectifs, il a fallu revoir très rapidement celui de la qualité et du service rendu. En effet, un facteur rend un service en quelques minutes dans une cage d'escalier par rapport à un nombre donné d'habitants, alors qu'un facteur en milieu rural doit effectuer des kilomètres pour rendre ce même service.

Le critère du nombre est largement insuffisant. Toutefois, si on s'intéresse à la notion de service rendu, on s'aperçoit du manque de critères objectifs pour la définir, et de réponses réelles aux besoins par service public ; on constate, lorsque l'on évoque l'évolution et la modernisation du service public, que des critères inavoués prennent le pas. Cela a été le cas lors du débat sur la modernisation des finances où, manifestement, on a parlé beaucoup plus de rentabilité, au détriment du service public.

Il faudrait en fait que le service public se détermine par quatre ou cinq critères tels que la notion de territoire, d'égale accessibilité, de continuité... mais dont le croisement est complexe.

Cette politique d'amélioration des services publics est extrêmement difficile à mettre en _uvre en raison des moyens extraordinaires qu'elle suppose.

Si on examine, service public par service public, les besoins qui existent dans les quartiers, ce n'est pas un plan Marshall de 35 milliards qu'il faudrait, mais quasiment le double. On constate un hiatus entre, d'une part, ce qui est logique, c'est-à-dire la définition des besoins, et, d'autre part, l'organisation à mettre en place, car il ne s'agit pas simplement de puiser dans les caisses et de demander des moyens supplémentaires. Nous devons avoir une attitude responsable à cet égard ; mais on constate néanmoins que des moyens supplémentaires seront indispensables.

M. Jean-Pierre Sueur : Je partage votre point de vue. On ne peut se contenter d'une vision strictement comptable. Cela vaut aussi pour les écoles dans le milieu rural. Il faut regarder les réalités.

Par ailleurs, la question de l'accessibilité est très importante. Suite à une convention passée entre l'Association des maires des grandes villes et La Poste, des bureaux de poste de très bonne qualité ont été implantés dans un certain nombre de quartiers. C'est une excellente démarche, mais il est vrai que tout dépend de la nature du service rendu. La Poste nous dit qu'il est assez logique qu'il faille moins de personnels pour desservir un immeuble que des hameaux de montagne. On peut penser que la distribution du courrier dans un cas est très longue, dans l'autre très courte.

Mais dans le même temps, il ne faut pas oublier qu'il existe un certain nombre de quartiers de notre pays où le service public de La Poste n'existe plus. Certains habitants doivent aller chercher leur courrier au bureau de poste car il n'y a plus de boite à lettres dans la cage d'escalier ou on ne trouve plus de facteurs pour y distribuer le courrier.

Il faut aussi considérer que des bureaux de poste, dans certains endroits, doivent disposer de traducteurs, d'interprètes, d'un personnel suffisant pour éviter les attentes très importantes du vendredi ou du samedi, ou des jours où les gens touchent le RMI ou leurs paies. Néanmoins, je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il ne faut pas avoir une vision trop abrupte de ces questions et garder le souci de l'accessibilité. A cet égard, peut-être faut-il également envisager de nouveaux moyens qui permettront une meilleure accessibilité au service public.

Il me semble que la décision prise par M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, de supprimer les fiches d'état civil est très judicieuse. Hier, lors d'une discussion dans ma mairie sur l'application des trente-cinq heures, nous avons fini par arriver à un accord. J'avais prévu des postes pour le service des affaires administratives. J'ai donc demandé aux personnels concernés si ces postes étaient encore nécessaires, dès lors que les fiches d'état civil étaient supprimées. Cette modernisation du service public peut être un progrès considérable, mais je crains que la modernisation par Internet n'atteigne pas forcément en priorité les quartiers défavorisés.

M. Henri Nayrou, rapporteur : L'Etat devant gérer ses ressources et le public devant avoir accès à tous les services, ne croyez-vous qu'une des pistes à explorer devrait être désormais le volet territorial des contrats de plan Etat-région, tant pour les contrats d'agglomération que pour les contrats de pays ? Dans la boite à outils, nous cherchons des nouvelles modalités de financements qui respecteraient les règles en vigueur.

L'Etat devra faire preuve de volontarisme, d'autant plus qu'il se désengage trop souvent d'un certain nombre d'actions, en arguant du fait que l'avenir des territoires appartient à leurs élus et à leurs citoyens. C'est le moment, pour les territoires, les élus et les citoyens, d'exprimer un certain nombre de revendications et d'exigences.

M. Jean-Pierre Sueur : Je suis d'accord avec vos propos. J'aborderai deux points. S'agissant ce qui relève de l'Etat et des collectivités locales dans l'aménagement du territoire et la prise en charge du service public, il me semble qu'une deuxième étape de la décentralisation, qui consisterait en une plus grande séparation des pouvoirs, est nécessaire. Cela a été débattu lors des travaux de la commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy.

Je trouve que nous sommes malades, actuellement, de la dilution des pouvoirs. J'ai trouvé très importante la logique des contrats de plan mis en _uvre par M. Michel Rocard, qui a permis de mettre en place dans ce pays une planification fiable, alors que le grand plan du général De Gaulle, qui comportait un certain nombre d'obligations, se traduisait peu dans les faits.

Le contrat de plan, qui comprend une série d'actions avec un cofinancement, un calendrier, des chiffres et des signatures, s'applique globalement et, s'il ne s'applique pas, l'autre partenaire ne manquera de le rappeler. Le contrat de plan, en ce sens, est opérant, mais je suis favorable aux contrats qui concernent les grandes masses, les grands projets et par exemple, les politiques de renouvellement urbain. Il me semble qu'on a eu la manie de faire des contrats, des conventions et des systèmes qui portent sur trop de choses.

Je prends l'exemple de la sécurité. Pour ma part, j'ai signé un contrat local de sécurité. Pour l'université, nous apportons bien entendu nos financements. Pour les contrats de la politique de la ville, qui restent trop souvent un casse-tête considérable, je pense que l'architecture globale d'un projet doit donner lieu à un contrat entre l'Etat, les agglomérations et la région ; mais pour ce qui est la mise en _uvre concrète, est-il normal que dix ou quinze parties prenantes doivent se réunir pour verser des subventions de deux mille francs à des associations qui _uvrent dans un quartier ?

M. Pierre Cohen, rapporteur : Il n'en sera plus ainsi pour le troisième contrat de ville.

M. Jean-Pierre Sueur : Je l'espère. Je suis partisan de plus de netteté. Pour répondre à la question sur le contrat d'agglomération, j'ai eu l'occasion de m'exprimer au nom de mes collègues maires de grandes villes, lors des colloques organisés par l'Association avec la DATAR. Nous sommes favorables à un contrat d'agglomération entre l'Etat et les agglomérations. Mais nous craignons beaucoup aujourd'hui que le contrat d'agglomération ne soit qu'une sorte de codicille au contrat de plan, une sorte de procédure purement formelle où on viendrait remettre en ordre ce qui est déjà inscrit dans le contrat de plan. Si tel était le cas, cela aurait peu d'intérêt.

Nous estimons que le contrat d'agglomération doit être une réelle occasion de mettre en _uvre les dispositions figurant dans le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains et d'indiquer, pour chaque agglomération, les objectifs en termes de logement social, de transport, de renouveau de zones commerciales dégradées, car ces éléments sont liés. Nous devons envisager dans nos agglomérations cinquante projets pour construire des pavillons, des petits collectifs, des projets de logements bien intégrés dans les centres anciens, les faubourgs et la périphérie. Par ce contrat, il faut avoir tant de logements à construire en tant d'années et y consacrer des moyens suffisants.

Je suis préoccupé quand j'observe les chiffres du logement social, car on construit actuellement moins de logements sociaux qu'au c_ur de la crise, ce qui témoigne d'un réel dysfonctionnement. La France est un pays riche. Pourquoi ne réussit-on pas, dans ce pays, à affecter une partie importante de cette richesse pour construire les logements sociaux de qualité qui sont nécessaires ?

En effet, la réponse à la crise des grands ensembles, c'est la construction de logements de qualité. Je suis frappé par un calcul économique simple. Prenons l'exemple d'une barre d'immeubles des années 1960. Si l'on considère le prix du terrain, le prix de la construction de la barre, de la première réhabilitation, de la deuxième restauration, du troisième ravaudage, du quatrième plan d'urgence, du cinquième programme prioritaire, puis la décision de démolition et le relogement des habitants, et si on fait un calcul économique sur quarante ans, on constate que cela aurait coûté moins cher de construire dès le départ des logements de standing.

Cette rétro-histoire n'a de sens que pour l'avenir. Aujourd'hui, la France pourrait construire chaque année des dizaines de milliers de logements sociaux de qualité qui s'intégreraient bien dans les villes et les villages. C'est le principal enjeu, et je suis inquiet de voir qu'on ne réussit pas à mettre en _uvre. C'est une question d'aménagement du territoire tout à fait centrale. Résorber les mille quartiers qui vont mal relève autant de l'aménagement du territoire que la désertification rurale. Je n'oppose pas l'un à l'autre, mais j'affirme qu'il faut s'intéresser aux deux. Peut-être ces deux réalités sont-elles d'ailleurs liées car, à l'époque où l'industrie appelait des grandes concentrations, on a construit des grands ensembles qui ont généré cette concentration urbaine. Toutefois, l'Internet et les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui par essence peuvent se délocaliser, sont des atouts pour un autre aménagement du territoire.

Auparavant, les usines étaient localisées sur les lieux de production, comme pour le charbon ou le fer, ou telle ou telle infrastructure. Maintenant les entreprises de télématique peuvent s'implanter véritablement partout. Par conséquent, les contraintes industrielles ne sont n'est plus un frein à un aménagement harmonieux du territoire.

M. Henri Nayrou, rapporteur : Il ne faudra pas laisser aux seuls syndicats et aux personnels le soin de dire que les services publics sont de l'aménagement du territoire. L'Etat doit le comprendre. Le volet territorial des contrats de plan Etat-région arrive à point pour donner un sens à cette évidence.

Je suis d'accord sur le fait que l'aménagement du territoire, c'est également un projet de vie sur un territoire, et non pas seulement un projet économique, comme on semblerait le faire croire. Lorsque l'on parle d'aménagement du territoire, on pense immédiatement à la prime à l'aménagement du territoire et aux subventions versées afin de faire venir d'importantes usines automobiles à Valenciennes ou ailleurs, comme le prévoyait le plan sous le général De Gaulle. L'aménagement du territoire comporte une dimension humaine. Il ne suffira pas de dire qu'il faut remettre l'homme au c_ur du dispositif, mais le prouver par des faits, des actions et des financements.

M. le Président : Vous avez évoqué tous les points importants, à savoir la modernisation des services publics et leur accessibilité, la nécessaire équité de traitement des citoyens par rapport à ceux-ci, le renouvellement urbain.

En conclusion, je souhaiterais vous faire part de deux propositions, afin de savoir si elles pourraient vous convenir et si vous estimez, qu'à l'aune de votre expérience, elles ont une pertinence. La première proposition serait de substituer, à cette logique de l'empilement et de l'enchevêtrement du zonage que vous décriviez, la notion de développement intégré sur des territoires pertinents qui pourrait faire l'objet d'une contractualisation.

Quant à la deuxième proposition, elle concerne la territorialisation des services publics. On constate que chaque fois qu'il a fallu moderniser, rationaliser, économiser, on a concentré. Maintenant nous disposons de nouvelles techniques de l'information et de la communication qui permettent de travailler en réseau et qui sont d'ailleurs utilisées par certaines administrations disposant de peu de moyens. Par exemple, la direction de la concurrence et des prix a su les mettre en _uvre au niveau national, en ayant recours aux expertises dispersées sur le territoire.

Pensez-vous qu'on pourrait territorialiser un certain nombre d'administrations qui sont actuellement concentrées, soit dans la capitale, soit dans certaines métropoles régionales, au profit de grandes ou moyennes villes, qui vont souffrir dans une économie où les nouvelles technologies ont tendance à s'installer là où se trouvent les concentrations humaines, où peuvent se faire l'échange des savoirs et les échanges de capitaux ?

M. Jean-Pierre Sueur : Je répondrai, tout d'abord, au deuxième point avec lequel je suis tout à fait d'accord. J'ai parfois la nostalgie d'un premier ministre
- Mme Edith Cresson - qui avait, de manière très courageuse, décidé de délocaliser un certain nombre de grands organismes vers des villes de région. Je suis élève d'une école normale supérieure qui était située à Saint-Cloud et qui a été délocalisée à Lyon. L'association des anciens élèves, de façon quasi unanime, s'était alors élevée contre cette injure. Pour ma part, je faisais partie des 2 ou 3 % qui considéraient qu'il était tout à fait légitime d'installer une école normale supérieure à Lyon, capitale régionale importante. Cela s'applique également à l'ENA, délocalisée à Strasbourg, grande ville européenne.

De telles délocalisations sont-elles aussi absurdes qu'on veut bien le dire ? Je me souviens d'une émission de télévision où le personnel du CEMAGREF s'était élevé à l'idée de déménager à Clermont-Ferrand, comme si c'était un exode. Lorsque l'on sait que le CEMAGREF est le centre du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts, il semble plus pertinent de le localiser en Auvergne que dans le 7e arrondissement de Paris. Notre pays reste très frileux sur ce sujet et atypique par rapport à une bonne partie de l'Europe.

Je suis pour le retour à une politique volontariste d'implantation d'équipements, laquelle est grandement facilitée par le TGV. Certes, il y aurait à dire à ce sujet. Ce matin, j'ai évoqué le POLT, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, avec M. Louis Gallois qui estimait que cette infrastructure allait coûter cher et s'interrogeait sur sa rentabilité. La construction de l'autoroute Paris-Clermont-Ferrand a été bénéfique pour désenclaver cette région, de même ce train le sera pour l'aménagement du territoire, même s'il coûte cher. Les habitants et les entreprises de Cahors et de Brive seront reliés à Roissy ce qui, aujourd'hui, constitue un atout économique très important.

Par ailleurs, je suis entièrement d'accord avec l'idée que les nouvelles technologies doivent permettre des fonctionnements en réseau du service public et sont une chance pour une nouvelle localisation des services, y compris des services à domicile. Grâce à la signature électronique, nous aurons accès à un grand nombre de documents à domicile.

S'agissant de la première partie de votre question concernant le remplacement des zonages, notre Association y est absolument favorable. Il ne s'agit pas de remettre en cause, de manière générale, les zonages, car ils permettent une certaine équité et ils permettent de donner plus là où on constate les plus grandes difficultés. Il est pertinent, au niveau européen comme au niveau national, d'affecter plus de moyens dans les endroits qui rencontrent le plus de difficultés.

Néanmoins, il faut en finir avec les excès du zonage, et notamment à l'intérieur des aires urbaines. Je préfère de très loin que, pour une agglomération urbaine, on passe contrat entre l'Etat et l'agglomération. Le contrat prendrait en compte le fait que l'agglomération a décidé de modifier profondément un certain nombre de grands ensembles, de transformer des quartiers monofonctionnels en quartiers plurifonctionnels, d'encourager la construction.

J'estime qu'en France, on ne propose pas suffisamment de concours d'urbanisme. Dans une agglomération, il faudrait pouvoir lancer dix concours afin de remodeler et repenser la ville du futur, et de ne pas rester prisonnier du passé. Tout cela est exaltant. L'agglomération devrait pouvoir signer un contrat global sur ses projets, mais on constate que pour mettre en _uvre ce contrat et disposer des outils qui permettront de construire des logements sociaux dans toutes les communes, dans tous les quartiers, il existe des réticences très fortes.

Pour ce faire, il faut une politique ambitieuse pariant sur la qualité du logement. C'est possible, mais pas dans des politiques étroites de zonages. J'ai la certitude que le zonage stigmatise : à force de répéter que l'on est dans telle ou telle zone, on enfonce les intéressés dans un statut alors qu'il faut justement les sortir de cet enfermement dans un périmètre.

Pour sortir de ce périmètre, il faut proposer un rééssaimage urbain de telle manière que l'on recrée des quartiers, que l'on refasse la ville sur elle-même. Réinventer une nouvelle urbanité, c'est simplement continuer le mouvement. La seconde moitié du XXe siècle a été marquée par la grande industrie, les grands ensembles et les grandes surfaces. C'est un moment de l'histoire. La période 2000-2050 sera un autre moment de l'histoire. A nous de le préparer !

M. Pierre Cohen, rapporteur : Il est vrai qu'il faut dépasser ce qui existe. Toutefois pour ceux qui n'ont pas cette ambition, demeure la référence du zonage. Avant d'arriver à cette nouvelle dynamique du renouvellement urbain, qui doit être l'essence même des grands projets de type politique de la ville, il reste toutefois une phase intermédiaire. Un projet de ville donnant lieu à un grand concours d'architecture peut donner la réponse pour les cinq, dix ou quinze prochaines années. La démarche intermédiaire me parait judicieuse.

M. Jean-Pierre Sueur : Il faut aller vers l'idéal et comprendre le réel. Grâce à la forte motivation des enseignants et des parents d'élèves, certaines écoles et certains collèges des ZEP sont devenus des établissements de la réussite. J'en tire la conclusion que désespérer toutes ces personnes serait une erreur monumentale.

Mais, par ailleurs, les phénomènes de fuite sont un fait indéniable. Il suffit de consulter les statistiques des académies. Ce phénomène doit être examiné pour en connaître les motifs. Du fait que certains établissements sont stigmatisés, même l'on y obtient de bons résultats, on observe ces stratégies de fuite.

Les parents d'élèves, même s'ils sont favorables au changement de la société, veulent aussi la réussite de leur enfant, qui reste leur principale préoccupation. C'est un comportement légitime.

Il est évident que nous progresserons en tenant les deux bouts de la chaîne, comme je le fais actuellement. Nous travaillons à la préparation d'un grand projet de ville dans un quartier, qui prendra sept ou huit ans. Nous avons organisé un concours d'architecture et des réunions publiques avec les architectes et la population.

Dans le même temps, nous nous remobilisons encore plus pour rénover aujourd'hui ce qui doit l'être, pour l'hygiène, la sécurité, la lutte contre la délinquance. Il faut tenir les deux bouts de la chaîne. Dans l'immédiat, il est indispensable de continuer à allouer des moyens aux ZEP. Néanmoins pour lutter efficacement contre ces fuites qui sont un fait très important, la seule solution est de mener à bien la politique de renouvellement urbain grâce à laquelle on n'aura plus des quartiers où se concentrent toutes les difficultés. Dès lors, on parviendra à un rééquilibrage.

L'école a été pendant longtemps le creuset de la mixité sociale. Or aujourd'hui, le problème est qu'elle ne parvient plus à l'être dans certains quartiers où il n'existe plus aucune mixité sociale. C'est seulement lorsqu'on la rétablira par le renouvellement urbain que l'on pourra avancer. Autrement dit, l'idéal de refaire aujourd'hui la ville de la nouvelle urbanité et de la mixité urbaine, c'est la suite du combat républicain pour l'école, creuset de la République.

M. le Président : Nous vous remercions de cette intervention très convaincante.

Audition de M. Michel Sapin,

ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Réunion du mercredi 15 novembre 2000

Présidence de M. Philippe Duron, président

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat à qui je souhaite la bienvenue parmi nous.

La Délégation a choisi comme deuxième thème d'étude les services publics et les territoires. La modernisation des services publics a été l'un des points importants de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire du 25 juin 1999. La loi prévoit un certain nombre de précautions : des conventions, des contrats ou des cahiers des charges doivent fixer les obligations d'aménagement du territoire des organismes et établissements publics ou des entreprises nationales. Ceux qui n'en disposent pas doivent se doter d'un plan d'organisation au niveau départemental, approuvé par le préfet, le non-respect de ces documents déclenchant la suspension de la décision prise et la réalisation d'une étude d'impact.

La loi encourage par ailleurs le développement des maisons des services publics en leur fournissant pour la première fois un cadre juridique souple afin de faciliter leur constitution et leur fonctionnement. Enfin, elle institue neuf schémas de services collectifs dont l'un des objectifs est de garantir et d'optimiser le fonctionnement des services publics. Nous avons ici désigné neuf rapporteurs pour l'étude de ces schémas et la Délégation devra fournir un avis sur l'ensemble des schémas après que les régions aient donné le leur ; nous avons convenu avec le gouvernement que nous allions commencer à travailler dès maintenant pour pouvoir être en situation de faire rapidement la synthèse des avis.

Votre ministère a également un rôle important à jouer concernant l'implantation des services publics dans les territoires ; la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration comporte de nouvelles précisions sur le fonctionnement des maisons des services publics. Le comité interministériel de la réforme de l'Etat du 12 octobre dernier a arrêté de nombreuses décisions dont un certain nombre contribueront à la modernisation des services publics : le développement de l'administration électronique, l'amélioration de la qualité de l'accueil et du service rendu aux usagers, la poursuite de la déconcentration, la mise au point de politiques interministérielles, la réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur un programme aussi vaste, qui est celui de votre ministère ?

M. Michel Sapin : Monsieur le président, messieurs les députés, je vous remercie tout d'abord de l'intérêt que vous portez à l'action de mon ministère qui, effectivement, bien qu'il soit très transversal - et peut-être parce qu'il est très transversal - s'intéresse à la question des services publics sur le territoire, à leur présence, leur évolution, leur modernisation et à leur adaptation aux besoins d'aujourd'hui et de demain.

J'organiserai mon propos autour de trois thèmes très concrets : les lieux, les gens, les techniques.

Tout d'abord, les lieux. Vous y avez fait allusion, monsieur le président, puisque vous avez cité les deux textes qui, aujourd'hui, organisent la manière dont l'Etat doit débattre de la présence des services publics, de leur évolution en termes de localisation, et instituent des formes peut-être nouvelles de présence de ces services publics, les maisons des services publics. Celles-ci portent parfois des noms très différents en fonction des situations locales. Je n'y reviendrai que pour insister sur la nécessité de respecter les procédures instituées par la loi sur l'aménagement du territoire, ce qui n'est pas toujours évident. En tant qu'élu local, je sais que l'on met l'accent au niveau national sur l'existence des procédures, notamment pour les concertations, mais l'administration les utilise parfois un peu formellement, tandis que les élus locaux s'en affranchissent parfois un peu rapidement : les responsabilités sont partagées. Un effort conjoint des uns et des autres doit être réalisé pour faire fonctionner correctement ces lieux de débats, la concertation ayant des conséquences juridiques, en termes de moratoire, par exemple, sur la fermeture de tel ou tel service public en milieu rural ou en milieu urbain.

L'aspect le plus novateur, c'est la question des maisons des services publics, question qui ne se pose pas uniquement à l'Etat. En effet, dans les termes "services publics", nos concitoyens incluent des réalités très hétérogènes : des services publics de l'Etat, des services publics gérés par des établissements autonomes, tels que La Poste et, pour une partie encore, France Télécom, des services publics gérés par des collectivités locales, tels que les services sociaux, mais aussi tout ce qui concerne l'action sociale, comme la sécurité sociale, et l'emploi, comme les ASSEDIC, qui sont des associations ou des organismes de droit privé.

L'objectif de ces maisons de services publics est de pouvoir rassembler en un lieu un certain nombre de ces services malgré leur hétérogénéité. Et créer et faire fonctionner ces lieux est difficile en raison même de leur hétérogénéité. Nous avons à la fois un cadre juridique, avec la loi sur l'aménagement du territoire et la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, et un dispositif financier, avec en particulier le fonds pour la réforme de l'Etat qui peut apporter des aides non seulement pour les dépenses d'investissements, mais également pour les frais de fonctionnement, tout au moins lors de la mise en place de ces maisons ; tout cela demande une imagination locale considérable. Il ne peut pas exister un modèle unique de la maison des services publics ; on ne peut pas dire de Paris quel est le bon modèle. Elles ne pourront pas avoir le même contenu et les mêmes modalités de fonctionnement en ville et à la campagne ; les caractéristiques varieront en fonction des situations de terrain ; ce sera un regroupement autour d'un service public existant ou bien la création d'une structure nouvelle qui accueillera des services éventuellement non existants jusque là. Cela peut être une maison tournée vers les questions de l'emploi - ANPE, ASSEDIC, organismes de formation - ou assurant plus spécifiquement des services administratifs relevant de la puissance publique tels que les papiers d'identité ou les cartes grises, ces documents ayant pour caractéristique d'être délivrés par l'Etat mais par l'intermédiaire des collectivités territoriales.

Ma deuxième préoccupation concerne les gens. Le propre d'un service public, ce n'est pas seulement de posséder un toit et des murs, mais également des fonctionnaires, des personnes vers qui l'on vient chercher le contact, le renseignement, mais aussi la présence humaine. Et quelle que soit l'évolution des techniques, rien ne remplace la qualité d'un contact humain.

Nous rencontrons, de ce point de vue, un certain nombre de difficultés aujourd'hui, et je voudrais vous rendre attentifs aux évolutions de demain. Les difficultés d'aujourd'hui, ce sont, bien entendu, les évolutions d'effectifs globaux, et je pense que vous serez tout particulièrement sensibles à l'idée selon laquelle il est contradictoire de demander toujours moins de fonctionnaires au niveau national et d'en réclamer toujours plus pour son propre territoire, en termes d'instituteurs, de professeurs, de policiers, etc. La question du nombre de fonctionnaires, globalement, n'est pas indifférente à la question de la présence des services publics, notamment dans les zones les plus difficiles.

Par ailleurs, quel que soit le nombre de ces fonctionnaires, les postes existants ne sont pas toujours pourvus. Dans un certain nombre de régions françaises, on rencontre des difficultés pour disposer de fonctionnaires sur les postes existants, ce que l'on appelle un déficit de candidats ou un déficit de recrutement. Ce phénomène est bien connu : le nombre de candidats à la fonction publique dans le sud de la France est plus élevé que dans le nord, alors que, démographiquement, le nord a davantage besoin de fonctionnaires. N'y aurait-il pas dès à présent des réformes à entreprendre pour territorialiser les fonctionnaires le plus possible, en conservant certaines limites nécessaires pour certains corps ? Prenons l'exemple des personnels enseignants : doivent-ils tous être recrutés sur des concours nationaux, avec des affectations automatiques et contraires à leur volonté ? Ne pourrait-on pas avoir, comme c'est le cas pour les instituteurs, des recrutements plus territorialisés afin de pallier ces difficultés qui, au bout du compte, sont préjudiciables aux zones les plus fragiles ?

Enfin, il convient que chacun soit bien conscient que, compte tenu du nombre des départs à la retraite, et indépendamment de celui des emplois globaux dans la fonction publique, il faudra recruter, dans les quinze ans à venir, deux fois plus de jeunes que nous n'en avons recruté ces quinze dernières années, ce qui pose des problèmes considérables.

C'est un enjeu que nous avons abordé au comité interministériel pour la réforme de l'Etat ; ce qui nous paraît décisif, pour les prochaines années, c'est la gestion prévisionnelle de nos effectifs, une connaissance précise des effectifs existants, des évolutions démographiques par corps, par métier, par qualification, et à partir de là, une vision détaillée, année après année, des besoins, non pas seulement d'un point de vue quantitatif mais aussi d'un point de vue qualitatif.

Il s'agit de décisions qu'il convient de prendre dès maintenant : il faut quatre à cinq ans pour former un professeur, sept ans pour un professeur des universités. Il est peut-être déjà un peu tard ! La grande qualité du plan présenté par le ministre de l'éducation nationale, M. Jack Lang, c'est d'avoir inscrit ses perspectives non pas seulement en termes de stocks, mais en termes de flux : quelle décision faut-il prendre dès maintenant en termes de concours, de formations et d'incitations pour que les jeunes se dirigent dans ces différents métiers pour ensuite mieux aménager l'espace ?

Le troisième thème que j'aborderai concerne les nouvelles techniques d'information et de communication. Les disparités du développement des territoires peuvent être amoindries, notamment par ces nouvelles techniques.

Elles peuvent nous permettre d'améliorer considérablement le service rendu aux usagers ; un progrès notable peut être réalisé grâce aux points d'accès aux informations et aux procédures en ligne qui vont se développer dans les prochaines années, s'ils sont mieux répartis sur le territoire, y compris dans des lieux existants aujourd'hui, avec un agent, quel que soit son statut, pouvant être l'intermédiaire entre l'usager ne sachant pas utiliser cette technique et la technique elle-même. Il s'agit là d'un des aspects les plus importants du dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat, c'est l'un aussi des projets que partagent tous les pays européens ; le langage est le même sur un ordinateur.

Qu'apportent ces techniques d'information et de communication, notamment aux zones fragiles de notre territoire ? Une capacité à pénétrer les territoires, donc à être plus proche de chacun des usagers, ainsi qu'une dimension interministérielle car on peut trouver dans un même lieu des renseignements concernant de nombreux domaines. J'incite ceux d'entre vous qui n'auraient pas encore visité le site "servicepublic.fr", que le gouvernement a ouvert le 23 octobre dernier, à le faire car l'on y trouve des renseignements avec une facilité extraordinaire : l'usager qui sait utiliser un clavier et une souris peut y trouver toutes sortes d'informations concernant la naissance, la mort, le mariage, le fisc... et avoir accès très aisément à l'ensemble des sites publics des communes, des départements et des régions.

Ces techniques apportent à nos territoires fragiles des services de proximité. En leur absence, nous serions obligés de prévoir des locaux et des effectifs importants que, budgétairement, personne ne serait en capacité de supporter. Le jour où les procédures en ligne, qui sont en train de se mettre progressivement en place, seront efficaces, l'amélioration pour les usagers sera réelle. La procédure en ligne consiste à pouvoir, à partir de chez soi ou d'un de ces points publics d'accès, remplir sa déclaration d'impôts, ses déclarations de demandes d'aide sociale ou d'allocations familiales, demander des papiers d'identité et les recevoir. Aujourd'hui, par exemple, la plupart des vendeurs d'automobiles neuves remplissent leurs cartes grises, non pas en se déplaçant à la préfecture, mais depuis leur bureau. Il conviendra de faire de même lors d'une vente de voiture de particulier à particulier.

Aujourd'hui, il existe déjà une dizaine de procédures en ligne, la plus connue étant la déclaration d'impôts. L'objectif est la généralisation de ces procédures. Nous devons, dans les cinq ans à venir, pouvoir remplir en ligne tous les documents et effectuer toutes les procédures administratives. La principale limite au développement de ces procédures, aujourd'hui, est la question de leur sécurisation et de la signature électronique ; la loi sur cette dernière a été adoptée, les décrets de mise en _uvre sont en cours d'adoption et seront publiés d'ici à la fin de l'année. Il reste à étudier les mécanismes de sécurité qui, s'ils sont de trop haut niveau, risquent d'être dissuasifs ; si je suis persuadé que personne ne cherchera à payer les impôts de son voisin, il vaut mieux éviter que ce dernier touche à votre place les allocations familiales.

Je terminerai mon propos liminaire en vous disant qu'il convient de ne jamais oublier, quel que soit le développement des nouvelles techniques d'information et de communication, que tous n'y auront pas accès. D'abord parce que certains n'en ont pas la formation ou la capacité - encore faut-il se méfier de l'idée selon laquelle les personnes âgées ont plus de difficultés que les plus jeunes -, et ensuite parce qu'il existe une forme d'analphabétisme électronique. Il est donc indispensable de maintenir une présence physique, même si celle-ci peut permettre également un accès à ces nouvelles techniques.

M. le Président : Monsieur le ministre, je vous remercie pour cet exposé extrêmement clair. Vous avez très bien évoqué les trois points fondamentaux de la question. Il nous semble qu'il n'y a pas d'aménagement du territoire sans services rendus aux habitants. Comme le montrent les premiers résultats du recensement, c'est lorsqu'il existe un certain nombre de services que la population se maintient, voire augmente, même en milieu rural. Et les services publics font partie de ces services rendus à la population, qui sont essentiels et qui permettent de structurer la vie sociale et de maintenir la cohésion sociale dans notre pays.

Vous avez évoqué les lieux, et effectivement il n'y aura pas, nous en sommes convaincus, de maisons des services publics établies sur un modèle unique. Je pense que nos deux rapporteurs vous interrogeront sur les maisons des quartiers en difficulté qui souffrent d'un déficit de services publics, et sur les moyens de conserver un accès aux services publics dans les zones en déprise agricole, en déprise démographique.

Vous avez évoqué le problème des fonctionnaires. Vous l'avez fait dans des termes tout à fait pertinents, notamment lorsque vous avez parlé de la pyramide des âges de la fonction publique et de la nécessité de recruter. Nous savons que cela est difficile, nous l'avons mesuré dans les années 1980 lorsque nous nous sommes trouvés confrontés à la pénurie d'enseignants, avec une grande difficulté à recruter des professeurs dans certaines matières. Aujourd'hui, le problème sera d'autant plus difficile à résoudre que la conjoncture de l'emploi est meilleure et que l'attrait de la fonction publique en est réduit d'autant. Enfin, reste le problème suivant : les fonctionnaires sont effectivement attirés vers le sud.

Nous avons, à ce propos, au cours d'autres auditions, pu remarquer qu'il existait une certaine incompréhension des élus à l'égard de la rationalisation des services publics qui s'est toujours faite, dans les dernières décennies, par la concentration de ceux-ci. Il nous semble aujourd'hui que la présence des techniques d'information et de communication peut nous amener à envisager peut-être les problèmes d'une autre manière ; notamment par une territorialisation différente des services publics : il n'est pas nécessaire que tous les services de décision ou d'instruction d'études soient concentrés, soit dans la capitale, soit dans une métropole régionale ; peut-être pourraient-ils être mieux répartis sur le territoire. Nous avons auditionné M. Adrien Zeller, président de la région Alsace, pour un précédent rapport, qui nous a dit que la région envisageait de territorialiser dans plusieurs villes secondaires des services qui étaient, jusqu'à présent, concentrés à Strasbourg. L'Etat est-il capable d'adopter une telle attitude afin de mieux équilibrer la présence des fonctionnaires sur le territoire ?

En ce qui concerne les techniques d'information et de la communication, il s'agit effectivement d'une solution d'avenir. Nous avons cependant une inquiétude relative aux réseaux à haut débit : nous craignons, lorsque nous voyons par exemple l'appel d'offre qui a eu lieu sur la boucle locale radio, qu'il y ait un équipement à deux, voire à trois vitesses, que dans les villes les plus importantes, les villes les plus denses, les opérateurs soient nombreux, contrairement aux territoires plus fragiles, à ceux qui auraient réellement besoin de posséder un accès aux nouvelles techniques. Il nous semble donc que l'Etat doit, de ce point de vue, revoir les méthodes d'attribution qui ont servi pour la boucle locale radio et peut-être inciter - ou contraindre - les opérateurs souhaitant prendre les meilleures parts du gâteau, à desservir également des régions plus défavorisées ou en tout cas moins denses et donc moins profitables.

M. Pierre Cohen, rapporteur : Monsieur le ministre, vous avez rappelé, avec raison, les ambiguïtés qui existent dans l'esprit des usagers sur la notion de services publics. Mais on constate aussi des différences de points de vue sur la notion de service public à l'intérieur même de l'Etat. La définition du service public se décline sur des critères relativement différents en fonction des services.

Les maisons des services publics ne sont-elles des réponses que pour des territoires qui sont en déficit ? La réponse est positive, mais il convient également de rechercher une coordination plus forte entre les différents services publics. L'objectif est-il d'avoir une notion de services publics plus cohérente, afin de pouvoir passer d'un service à une autre ?

Et ce contenu va obligatoirement nous amener à penser en termes de territoire : quels sont les territoires pertinents pour réaliser cette cohérence, quels sont les interlocuteurs ? Je suis frappé de constater le cloisonnement qui existe entre les services publics ; on le voit très bien dans les politiques de la ville : les deuxièmes contrats de ville ont démontré cette difficulté à prendre des mesures cohérentes en fonction d'un objectif défini. Le problème est donc de déterminer non seulement un territoire, mais également un coordinateur.

S'agissant de la modernisation des services publics, le préfet est un interlocuteur important pour les collectivités locales, mais il est de moins en moins le référent pour certains services comme l'éducation nationale. On se pose donc la question de savoir si la modernisation du service public, qui est attaqué par un certain nombre de personnes, est un bon moyen pour le défendre et pour mener une action offensive en sa faveur.

Deuxièmement, je suis convaincu de la nécessité de la gestion prévisionnelle des emplois - recruter des personnes compétentes demande une longue formation - sans laquelle nous serons confrontés à une impossibilité de pourvoir des postes qualifiés. Par ailleurs, il convient de valoriser les emplois de la fonction publique si nous voulons que les jeunes, en période de croissance, s'intéressent au service public.

Enfin, s'agissant des nouvelles techniques de l'information et de la communication, je suis parfaitement convaincu qu'elles apporteront un certain nombre de réponses. Mais là aussi, il convient d'éviter qu'elles ne soient des objectifs ; elles ne doivent être qu'un outil et être intégrées dans les valeurs du service public.

M. Henri Nayrou, rapporteur : Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette introduction ; cependant, j'ajouterai à votre exposé un quatrième volet : les administrations et la façon dont on pourrait les relier entre elles.

J'interviens dans un secteur particulier, celui des zones rurales, où l'on ne peut pas se contenter de parler des services publics, des services au public, sans prendre en compte la notion d'aménagement du territoire, ces services représentant les premiers moyens de revitalisation de ces zones. Le problème est de délimiter le niveau de pertinence dont parlait M. Pierre Cohen tant pour les services que pour les publics et les lieux. Je serai volontiers iconoclaste ou provocateur, car je pars du principe que l'avenir d'une société ne peut pas être hyper-concentrée d'un côté et hyper-désertifiée de l'autre.

Les maisons des services publics ne doivent pas être l'occasion de rassembler ce qui existe déjà, mais, au contraire, de faire revenir dans certaines zones des services qui, pour des raisons de simplification, ont disparu. Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le ministre, lorsque vous dites qu'il ne peut y avoir un modèle unique.

Je souhaiterais connaître votre avis sur le problème du statut mixte des agents qui fait débat en ce moment à La Poste. On touche là au problème qui vous incombe, à savoir la polyvalence.

Par ailleurs, les services publics relèvent de chaque ministère et de chaque ministre. Adhérez-vous au principe selon lequel un envoyé spécial ou un chef de projet serait nommé dans les départements, que ce soit le préfet ou le sous-préfet - à titre personnel je souhaiterais qu'un rôle particulier soit dévolu au sous-préfet, comme dans les années 1990 avec les sous-préfets développeurs -, et disposant d'un vrai pouvoir et non pas, chargé comme cela est le cas à l'heure actuelle, de présider des commissions départementales peu efficaces ?

M. Serge Poignant : Monsieur le ministre, vous avez évoqué la contradiction qui existe quand nous réclamons plus de fonctionnaires dans les collectivités locales et moins au niveau national ; mais le problème doit être posé de façon plus globale : disposons-nous de fonctionnaires qui réalisent strictement leur travail ou qui ont une capacité intellectuelle à évoluer ? La question se pose plus en termes de redéploiement et de l'utilisation des fonctionnaires qu'en termes de quantité.

M. Henri Nayrou vient d'évoquer les commissions inefficaces. Il existe en effet un grand nombre de commissions qui mobilisent beaucoup de participants sans grand résultat. Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit, notamment sur la territorialisation.

Cependant, si l'on décentralise, mais si le responsable de la maison de services publics doit toujours rendre des comptes à une autre personne qui est chargée de prendre les décisions, nous n'aurons rien simplifié ! Or, il convient de le faire et cela doit être décidé au plus haut niveau de l'Etat. Je vais vous citer un exemple : la circulaire relative à l'aide directe aux entreprises que nos préfectures ont reçu va occuper un grand nombre de fonctionnaires, et ce pendant des heures, simplement pour l'interpréter, car elle comporte 35 pages ! Si l'on ne fait aucun effort de simplification, la territorialisation et la réflexion sur le nombre de fonctionnaires ne serviront à rien.

Enfin, il est indispensable que les fonctionnaires de nos administrations soient plus mobiles ; et je parle non pas de mobilité géographique, mais intellectuelle. Et lorsqu'on va rassembler les services, il faudra désigner un chef de file qui devra être accepté par les autres. Je me permets d'insister sur ce point, car c'est une véritable révolution intellectuelle qui doit être entreprise, sans pour autant critiquer les fonctionnaires ; il convient de faire en sorte qu'ils se sentent mieux dans leur travail et que leur rémunération soit plus adaptée.

M. Nicolas Forissier : Un vrai libéral défend l'Etat et donc les fonctionnaires ; les fonctionnaires doivent se trouver en nombre suffisant là où l'Etat doit être présent. Le vrai débat est là. Mais sur le fond, nous sommes d'accord, et l'objectif du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est d'essayer de trouver les moyens pour donner plus de formations, de possibilité d'évolution, de souplesse, et de bonheur aux fonctionnaires.

Je voudrais revenir, pour ma part, sur deux aspects qui ont déjà été évoqués. Premièrement, la réforme de l'Etat. Il existe une chance historique, liée à l'arrivée d'Internet et des nouvelles techniques d'information et de communication, qui est une révolution considérable, et qu'il faut saisir, pour redéployer réellement la présence du service public sur le territoire.

Nous avons, dans ma ville, récupéré, grâce à un service en ligne, les services de la mutualité sociale agricole et le "point sécurité sociale" ; nous pouvons ainsi allier à la fois cette présence physique indispensable, des agents sur place, et la gestion des dossiers grâce aux nouvelles techniques. Voilà la vraie chance à saisir.

Ma question est donc la suivante : dans le cadre de la réforme de l'Etat qui est à l'étude, allons-nous vraiment nous donner les moyens nécessaires et mettre en _uvre ce reploiement sur le territoire ? Je rejoins tout à fait le président lorsqu'il parle de la nécessité d'une présence physique, car rien ne remplacera jamais le rapport direct entre deux personnes.

Deuxièmement, le problème des réseaux à haut débit devra relever du service public afin de faire en sorte que toutes les régions, et à commencer par les plus fragiles, puissent être desservies en lignes à haut débit. Ma seconde question est donc la suivante : les engagements, les moyens et les modifications de procédures sont-ils inscrits à l'ordre du jour et font-ils partie de la volonté pratique du gouvernement ?

M. le Président : J'ajouterai, avant que le ministre ne réponde, que s'agissant des réseaux à haut débit, nous devons prendre garde. La Scandinavie, la Suède, la Finlande ont réalisé un effort considérable depuis quelques années en matière de nouvelles technologies et de haut débit. Ils ont géré à la fois les problèmes des zones pleines où des collectivités territoriales ont favorisé l'accès à Internet de tous leurs fonctionnaires, par des dispositions matérielles et fiscales, et ceux des zones à très faible densité que sont les régions polaires.

Il nous semble qu'il appartient effectivement à l'Etat de compenser le manque de moyens des zones moins denses, afin qu'un dualisme nouveau ne caractérise pas le réseau à haut débit. Mais nous avons tous perçu que les nouvelles techniques d'information et de communication étaient une partie intégrante de l'avenir de notre pays.

M. Michel Sapin : Je répondrai tout d'abord à la question du nombre des fonctionnaires : sachez que la moitié des fonctionnaires de l'Etat font partie de l'éducation nationale. Dans son rapport, le sénateur Gérard Braun ne comprenait pas que l'on prévoie des créations d'emplois dans l'éducation nationale, alors que le nombre des élèves diminue. Si le problème ne se résumait qu'à une simple relation entre le nombre des élèves et le nombre des professeurs, effectivement, le nombre de ces derniers aurait déjà dû commencer à diminuer. Mais il ne vous échappe pas qu'une évolution de la moyenne ne recouvre pas la réalité d'un territoire et ce n'est pas parce que le nombre des élèves est passé de 25 à 15 dans une commune, que l'on va pour autant fermer l'école. Il se peut qu'au même moment, le nombre d'élèves soit passé de 25 à 40 dans une commune périphérique, où il va bien falloir ouvrir le poste nécessaire pour scolariser ces enfants supplémentaires.

La simple relation statistique ne reflète pas la réalité de la vie sur le territoire français, contrairement à la Hollande, par exemple. Notre territoire est marqué par des différences considérables de densité, ce qui a des conséquences, y compris en termes de coût de fonctionnement de nos services publics, dès lors que l'on veut qu'ils soient présents partout. L'éducation nationale est donc obligée de créer des postes si elle veut rendre le même service dans toutes les communes, y compris dans les communes les plus fragiles. Ce qui n'ôte rien au problème du recrutement qui risquerait de toucher, plus tard, les zones les plus fragiles.

Je reviendrai ensuite sur les nouvelles techniques d'information et de communication. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un outil, mais d'un outil tout de même exceptionnel.

Tout d'abord les autoroutes sont un des grands enjeux pour parvenir à un développement égal du territoire ; si nous laissions à la seule appréciation du marché la mise en _uvre de ces capacités importantes et surtout de ces coûts faibles de transport, nous créerions une disparité plus grande encore que celle à laquelle nous avons réussi à remédier en termes de circulation des automobiles. J'insiste sur l'aspect du coût, car pour bien connaître cette question - j'ai lancé dans ma région un programme d'équipements dans ce domaine pour que chaque collectivité puisse en bénéficier - je sais qu'il s'agit de la question la plus pertinente. Bien entendu, la rapidité est également importante, mais pour une entreprise qui fonderait son développement sur l'utilisation de ces techniques, le coût est décisif. Et une entreprise, comme un service public, ne souhaite pas payer trois fois plus cher pour faire fonctionner une ligne à tel endroit par rapport à tel autre.

Dès lors que le marché ne peut pas répondre à cette demande, la responsabilité de la puissance publique est engagée, qu'il s'agisse de celle de l'Etat, qui élabore actuellement les schémas de services collectifs , pour y faire face, ou de celle des collectivités territoriales. La Bretagne a mis en place une politique dans ce domaine, par exemple, mais dans le cadre actuel, cela devrait évoluer avec la loi relative à la société de l'information, avec des restrictions très fortes quant à l'implication des collectivités territoriales. Une possibilité devrait être offerte plus largement dans l'avenir pour permettre aux puissances publiques, notamment locales, d'intervenir dans ce domaine pour pallier les carences.

Ces techniques d'information et de communication sont composées de deux volets en termes de réforme de l'Etat, de réforme du fonctionnement des puissances publiques et de gestion de l'intérêt général.

Première élément : les usagers. La procédure en ligne est une facilité nouvelle, même si l'on ne les utilise pas soi-même. S'il existe, près de chez vous, un endroit où quelqu'un peut vous aider à vous servir de ces techniques pour trouver facilement tous types de renseignements, c'est un gain de temps et d'énergie considérable.

Deuxièmement, il s'agit également d'une révolution dans le fonctionnement interne de l'administration. Comment fonctionne aujourd'hui, juridiquement, une administration ? Quand une personne écrit à une administration, elle écrit au ministre ; quand un fonctionnaire répond à un usager, c'est le ministre qui répond. Ce qui veut dire que la ligne hiérarchique est l'élément fondamental. Cela a des avantages, mais également des inconvénients, notamment en termes de lourdeur des procédures, et je dirais même en termes de prise de responsabilité de la part du fonctionnaire.

Lorsque vous travaillez en ligne, vous êtes directement responsable des demandes que vous recevez et des informations que vous délivrez, ce qui change considérablement. Cela ne veut pas dire que la ligne hiérarchique est effacée, mais elle est d'une toute autre nature. L'agent doit repérer la question à laquelle il ne sait pas forcément répondre, de manière que, remontant la hiérarchie, une interrogation générale sur l'ensemble du territoire permette de donner partout la même réponse. Il s'agit donc d'une organisation totalement différente, qui peut avoir des conséquences, y compris en termes de redéploiement des effectifs, et donc de meilleure présence des effectifs sur l'ensemble du territoire, à condition que la polyvalence soit réalisée.

Il ne sera pas possible que chaque administration soit présente sur chaque territoire. En revanche, des espaces peuvent être reconquis ou tout simplement occupés - car ils ne l'ont jamais été - par une présence, dès lors qu'existe la polyvalence. C'est-à-dire que l'on ne se pose pas la question de savoir si c'est un postier qui répond à une question relative à la sécurité sociale ou aux impôts, ou si c'est un agent de la direction des impôts qui répond à une question concernant la comptabilité publique : un agent possède une certaine polyvalence dans l'utilisation de la nouvelle technique d'information et de communication, et va chercher soit le renseignement juste, soit la personne adéquate à qui il va envoyer le e-mail et qui lui répondra immédiatement. La distance est immédiatement effacée dès lors que l'on accepte la polyvalence.

Or, le réflexe du ministère, de la sécurité sociale et parfois de l'organisation syndicale, est de dire que la question n'est pas de son domaine de compétence, et qu'il n'y répondra donc pas. Nous devrons aller au-delà. L'agent sera compétent pour répondre à un certain nombre de questions et bénéficiera d'une capacité d'accès à un canal qui lui permettra d'aller chercher la compétence pour le compte d'une autre administration ou d'un autre service public. Cette façon de procéder donne des possibilités en termes d'augmentation de la qualité du service rendu à l'ensemble des usagers, et peut-être aussi en termes de diminution des coûts de fonctionnement des divers services publics, ainsi qu'en termes de capacité de redéploiement sur le territoire, absolument considérables.

On constate donc que ces techniques d'information et de communication sont composées de nombreux éléments : le service rendu à l'extérieur, mais également l'amélioration importante de l'organisation de l'administration. Ces mutations sont en cours.

Et l'on en arrive à une autre vision de la territorialisation. Quels sont les territoires adéquats ? Il faut éviter, me semble-t-il, une vision purement homogène sur l'ensemble du territoire : on ne s'organise pas de la même manière dans les zones de montagne que dans des quartiers en difficulté, dans certains pays bien constitués, avec un centre très attractif, et dans d'autres endroits plus éclatés. Il faut savoir s'adapter à tout cela.

Enfin, je pense qu'il est absolument nécessaire que, dans ce domaine, soit désigné un interlocuteur sinon unique, du moins privilégié, disposant d'une capacité de commandement, pour les élus locaux qui sont très proches de ces préoccupations. Aujourd'hui, le préfet est le coordinateur de l'ensemble des services de l'Etat dans son département ; il est vrai que l'éducation nationale, les services financiers, la justice ou tel autre service ont tendance à échapper à son autorité. Il doit être l'interlocuteur fondamental, et non pas simplement le président de telle ou telle commission, et avoir une capacité de décision dans ce domaine.

M. le Président : Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces réponses qui ouvrent des pistes pour l'avenir. Comme vous l'avez souligné, le débat n'est pas clos et j'espère que nos collègues MM. Pierre Cohen et Henri Nayrou feront des suggestions concrètes, pratiques, qui permettront de le faire avancer.

A N N E X E S

L'inventaire communal de l'INSEE de 1999

Pour chacune des communes d'un département, l'INSEE présente plusieurs indicateurs prenant en compte l'éloignement de leurs habitants aux divers équipements.

Il a sélectionné 36 équipements, dont voici la liste :

- Pompiers

- Gendarmerie nationale ou commissariat de police

- Trésorerie

- Notaire

- Vétérinaire

- Garage

- Distribution de carburant

- Maçon

- Plâtrier, peintre

- Electricien

- Menuisier, charpentier ou plombier

- Supermarché ou hypermarché

- Alimentation générale ou supérette

- Boulangerie, pâtisserie

- Boucherie, charcuterie

- Bureau de poste

- Banque ou Caisse d'Epargne

- Magasin de vêtements

- Magasin de chaussures

- Librairie, papeterie

- Magasin d'électroménager

- Magasin de meubles

- Droguerie, quincaillerie

- Salon de coiffure

- Bureau de tabac

- Ecole primaire publique ou privée

- Collège public ou privé

- Etablissement de santé

- Ambulance

- Dentiste

- Infirmier ou infirmière

- Laboratoire d'analyses médicales

- Masseur-kinésithérapeute

- Médecin généraliste

- Pharmacie

- Salle de cinéma.

Deux indicateurs d'éloignement sont calculés :

- le premier prend en compte les distances d'accès aux 36 équipements, c'est l'éloignement des équipements ;

- le second tient compte du fait que des services de substitution (commerces, multiservices, permanences) se sont mis en place, c'est l'éloignement des équipements et des services de substitution, encore appelé éloignement des produits et services. Sept équipements peuvent être remplacés par des services de substitution. Les produits d'épicerie , le pain, et la viande peuvent être trouvés dans des commerces multiservices, sur des marchés, ou chez un marchand ambulant. Les opérations les plus simples habituellement réalisées dans un bureau de poste peuvent l'être dans une agence postale. Des opérations bancaires peuvent être effectuées dans un commerce multi-services ou dans un service itinérant. Du tabac peut être vendu en dehors d'un bureau de tabac. Enfin on considère que le produit "école primaire" est disponible si la commune appartient à un regroupement pédagogique et s'il y a au moins une classe sur la commune.

Pour calculer ces indicateurs, on fait la moyenne des distances d'accès aux équipements (ou aux services de substitution), la distance d'accès de chaque équipement étant pondérée par sa rareté au niveau national. L'éloignement d'une commune est donc d'autant plus élevé qu'elle manque d'équipements dont la présence est relativement fréquente sur l'ensemble de la France. Lorsqu'un équipement (ou un service de substitution) est présent dans une commune, la distance d'accès est considérée comme nulle.

L'inventaire présente également le niveau d'équipement.

Le niveau d'équipement d'une commune est le nombre d'équipements dont elle dispose sur son territoire, parmi la série de 36 équipements, ainsi que le niveau des équipements essentiels.

Cet indicateur classe les communes en trois catégories.

A - Communes disposant simultanément :

- d'une part, soit d'un supermarché ou d'un hypermarché, soit à défaut, à la fois d'une boulangerie, d'une boucherie ou d'une charcuterie, d'un magasin d'alimentation générale ou d'une supérette, et d'un magasin de droguerie, quincaillerie, outillage ou d'une grande surface non alimentaire,

- et d'autre part d'un café ou d'un restaurant, d'un point de vente de quotidiens, d'un bureau de tabac et d'un bureau de poste ou d'une agence postale.

B - Communes non classées en A et disposant au moins des trois produits, pain, viande et alimentation générale, dans les magasins de la commune : il s'agit simplement de la présence des produits, mais pas nécessairement de celle d'une boulangerie, d'une boucherie ou d'un magasin d'alimentation générale en termes d'équipements.

C - Autres communes non classées en A ou B.

2883 - Rapport d'information de M. Pierre Cohen AU NOM DE LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE (1) sur les services publics et les territoires