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N° 3642

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 février 2002

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES(1)

sur

le cinéma

et présenté

par M. Marcel ROGEMONT,

Député.

___

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Cinéma.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Léo Andy, M. Didier Arnal, M. André Aschieri, M. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, M. Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Dominique Caillaud, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Jean Dufour, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Yves Durand, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M. Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Patrick Jeanne, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M. Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Marius Masse, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri, M. Yves Nicolin, M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Vincent Peillon, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Préel, M. Alfred Recours, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Patrick Sève, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

REMERCIEMENTS 7

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX 11

I.- LE CINÉMA EN FRANCE : UN REGAIN DE DYNAMISME DANS UN ENVIRONNEMENT MOUVANT 11

A. LE CINÉMA FRANÇAIS, ENTRE EUPHORIE ET MUTATIONS 11

1. Les résultats exceptionnels de 2001... 11

2. ... s'expliquent par une évolution des pratiques et des mentalités 15

3. ... mais ne doivent pas cacher l'importance des mutations structurelles 16

4 ... et la permanence de points faibles 20

a) L'amont des films : l'écriture et les scénarios 20

b) L'aval des films : la promotion et la distribution 22

c) Les industries techniques 23

B. LE SYSTÈME DE SOUTIEN : UN MODÈLE QUE L'EUROPE NOUS ENVIE ! 24

1. Des mécanismes complexes et juxtaposés... 24

a) Le compte de soutien 26

b) Les obligations des diffuseurs 32

c) Les mécanismes fiscaux et de garantie financière 39

d) Des aides régionales encore modestes 41

e) Le soutien à l'exportation 42

2. ...globalement performants pour l'accompagnement du marché... 44

3. ...mais fragiles et critiqués 45

a) L'omniprésence des télévisions : une menace à moyen terme 45

b) Un système opaque... pour le plus grand confort des initiés ? 49

II.- LE CINÉMA EN EUROPE : LE TEMPS DE LA PRISE DE CONSCIENCE 51

A. LES CINÉMAS EUROPÉENS DANS L'ESPOIR D'UNE RELANCE 51

1. Une reprise généralisée pour les cinémas nationaux 51

2. Des systèmes d'aides diversifiés 57

a) En Allemagne 58

b) En Italie 61

c) En Espagne 64

d) Au Royaume-Uni 65

B. UNE ACTION COMMUNAUTAIRE ENCORE EN CONSTRUCTION 69

1. L'exception culturelle : une prise de conscience récente 69

2. La position encore ambiguë de la Commission sur les systèmes nationaux de soutien au cinéma 70

3. Des mécanismes de soutien communautaires diversifiés mais encore insuffisants 73

a) MEDIA PLUS 73

b) Europa Cinemas 75

c) Eurimages 76

DEUXIÈME PARTIE : LES PROPOSITIONS 77

I.- ASSURER AU CINÉMA FRANÇAIS LES CONDITIONS D'UN DÉVELOPPEMENT DURABLE 79

A. PRÉSERVER LES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE ET DE L'INDEPENDANCE POUR UNE PLUS GRANDE DIVERSITÉ DE LA CRÉATION 79

_ Revoir les règles applicables en matière de contrôle des concentrations 80

_ Préserver une production indépendante par un aménagement des obligations des diffuseurs 81

_ Clarifier la politique de soutien des chaînes publiques 82

_ Assurer une exposition équitable pour tous les films 84

B. OUVRIR LE FINANCEMENT DU CINÉMA 85

_ Mettre à contribution les nouveaux diffuseurs 86

_ Restructurer les dépenses du compte de soutien 87

_ Réformer le régime des SOFICAS 88

_ Donner une nouvelle dimension aux aides régionales 89

_ Mieux assurer l'amortissement des risques financiers 91

C. FORMER LES CITOYENS À L'IMAGE 92

_ Réaffirmer le rôle de la télévision publique en matière de diffusion de la culture cinématographique 92

_ Renforcer la place du cinéma à l'école 93

II.- RÉACTIVER LA COOPÉRATION BILATÉRALE 95

_ Adapter les critères d'aide nationaux pour faciliter les coproductions 95

_ Développer la coopération en matière de distribution 96

_ Organiser l'ouverture réciproque des systèmes nationaux d'aide automatique 96

III.- CONSTRUIRE UN VÉRITABLE ESPACE CINÉMATOGRAPHIQUE EUROPÉEN 99

A. ENCADRER LES CONCENTRATIONS POUR PRÉSERVER LA DIVERSITÉ DES ACTEURS 100

_ Adapter les règles européennes en matière de concentration aux spécificités du secteur de la communication 100

_ Insérer une définition de la production indépendante dans la directive « Télévision sans frontières » 101

B. INTENSIFIER LE SOUTIEN À LA DISTRIBUTION 101

_ Accroître les moyens et les actions de MEDIA PLUS en faveur des distributeurs 102

_ Créer un fonds européen de garantie pour les distributeurs 103

_ Favoriser une meilleure connaissance des performances des films européens 103

C. RENFORCER LES ACTIONS COMMUNES EN FAVEUR DE LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPEN 104

_ Mettre en réseau les Académies nationales du cinéma 104

_ Harmoniser les calendriers de sortie des films en Europe 105

_ Fédérer les initiatives nationales en faveur de la promotion et de l'exportation des films au sein de l'Union et dans le reste du monde 105

D. MIEUX FORMALISER LES OBLIGATIONS DES DIFFUSEURS DANS LA DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES » 106

_ Définir une obligation de diffusion des oeuvres cinématographiques européennes 106

CONCLUSION 109

ANNEXES 111

ACTES DU COLLOQUE DU 20 FEVRIER 2002 SUR L'AVENIR DU CINÉMA EN FRANCE ET EN EUROPE 121

Le présent rapport résulte des travaux d'une mission d'information créée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et composée de M. Marcel Rogemont, président et rapporteur et de MM. M. Pierre-Christophe Baguet, Patrick Bloche, Michel Françaix, Michel Herbillon, Didier Mathus, Bernard Outin, Jean Pontier, André Schneider.

Les membres de la mission adressent leurs plus sincères remerciements à toutes les personnes qu'ils ont rencontrées, en France et en Europe, pour les informations qu'elles ont bien voulu leur communiquer.

INTRODUCTION

En décembre 2000, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de son président, M. Jean Le Garrec, a décidé de constituer une mission d'information sur le cinéma, afin de prolonger le travail de fond sur des questions culturelles que la commission avait entamé, en 1999, avec une mission d'information sur les musées.

L'objectif assigné à cette mission était d'étudier la situation et les perpectives de l'industrie cinématographique française, élément clé de la vie artistique de notre pays et de la diversité culturelle en Europe et dans le monde, au moment où elle est confrontée à une transformation rapide de son environnement juridique, technologique, économique et financier.

Le point de départ de sa réflexion a donc été formulé en forme de constat d'urgence : depuis cinquante ans, le dispositif légal et financier mis en place par la puissance publique a permis de soutenir le cinéma français et de préserver son dynamisme, sa créativité et sa diversité. Aujourd'hui cependant, l'industrie cinématographique française doit faire face à une mutation profonde de son environnement qui vient remettre en cause les fondements même du dispositif de soutien public.

Accélération des mouvements de concentration des acteurs du secteur, renforcement des enjeux de concurrence, progression du processus de mondialisation culturelle, développement de la technologie numérique : autant d'évolutions recelant des menaces potentielles pour la prospérité future du cinéma français et, plus spécifiquement, pouvait-on penser, pour le système de soutien public qui a permis à notre industrie cinématographique d'exister et de perdurer.

Conscients que l'industrie cinématographique est au coeur des débats sur l'exception culturelle et persuadés que l'avenir de la diversité culturelle passe par la revalorisation du cinéma européen, les membres de la mission ont également souhaité accorder une attention toute particulière aux possibilités de renforcement de la coopération cinématographique au sein de l'Union européenne et de développement de la diffusion et de la promotion du cinéma français et européen dans le monde.

Au-delà du bilan des évolutions actuellement à l'oeuvre tant au niveau national qu'international dans le secteur cinématographique, la mission se devait, bien entendu, de formuler des propositions pour faire évoluer le système public de soutien et le cadre juridique s'appliquant au secteur.

La mission d'information a commencé ses travaux en janvier 2001. Depuis cette date, elle a auditionné quarante-cinq personnes et effectué cinq déplacements à Berlin, Rome, Bruxelles, Madrid et Londres (la liste des personnes rencontrées et les programmes des déplacements sont présentés en annexe).

Elle avait décidé d'organiser sa réflexion à partir de trois questions :

- Quelles spécificités du système cinématographique français et européen convient-il de préserver, tant d'un point de vue juridique que financier ?

- Quelles évolutions faut-il envisager pour s'adapter au nouveau contexte et préserver la diversité culturelle ?

- Au sein du nouveau dispositif, quelle doit être la place de l'action européenne, tant à travers l'Union que par une coopération accrue entre Etats membres ?

Après plus d'une année de travail, ces axes de réflexion ont dans l'ensemble été tenus mais la position initiale des membres de mission, relativement pessimistes quant au système de soutien et à ses capacités d'affronter les changements évoqués, a quant à elle évolué. Il est vrai qu'entre temps, les exceptionnels résultats du cinéma français en 2001 sont venus illustrer les évolutions positives à l'oeuvre dans notre industrie cinématographique et donner des raisons de croire en une certaine vitalité industrielle et créative du secteur.

La mission aura donc permis de constater que le système français d'aide publique au cinéma constitue un pilier de l'existence et des succès du cinéma français et peut même être aujourd'hui regardé comme une clé de la préservation de la diversité culturelle en Europe et dans le monde.

Certes, l'environnement économique du cinéma et les pratiques culturelles qui s'y rapportent connaissent aujourd'hui de profonds bouleversements qui ne pourront pas laisser inchangé le régime de soutien public mais toutes ces évolutions ne disqualifient pas la volonté de préserver, par un cadre légal et un système d'aide appropriés, l'industrie cinématographique qui, comme vecteur de culture, doit continuer à bénéficier d'un traitement d'exception.

PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX

I.- LE CINÉMA EN FRANCE : UN REGAIN DE DYNAMISME DANS UN ENVIRONNEMENT MOUVANT

Si l'on voulait faire un clin d'oeil au premier succès du cinéma français de ce début d'année 2002, on pourrait dire que le cinéma français illustre avec constance, depuis maintenant près de trente ans, l'image du petit village gaulois qui résiste encore et toujours à l'envahisseur...

Malgré les aléas des bonnes et des mauvaises années et l'alternance de clameurs de gloire souvent immodestes et d'alarmes récurrentes d'une profession et d'une presse sur-réactives, la situation du cinéma français fait figure, au sein du paysage européen, de havre de paix et d'îlot préservé de prospérité et de libre création. Il suffit d'aller rencontrer des professionnels en Italie, en Allemagne ou en Espagne pour s'en apercevoir.

Même pendant les années où la performance des films français a été jugée médiocre, comme par exemple en 1998, la différence est frappante tant en termes de nombre d'entrées que de films produits ou de part de marché lorsque l'on se compare avec des pays européens comme l'Allemagne ou le Royaume Uni, qui se situent pourtant à un niveau comparable en ce qui concerne les recettes réalisées en salle1.

Depuis cinquante ans, le dispositif légal et financier mis en place par la puissance publique a justement permis de soutenir le cinéma français et de préserver son dynamisme, sa créativité et sa diversité, y compris dans les périodes où la production nationale ne rencontrait pas le succès attendu.

Et pourtant, au moment même où elle atteint des sommets jamais égalés depuis des lustres, l'industrie cinématographique française est confrontée à une transformation rapide de son environnement technologique, économique et financier qui soulève bien des interrogations sur la pérennité voire la légitimité du dispositif de soutien public.

A. LE CINÉMA FRANÇAIS, ENTRE EUPHORIE ET MUTATIONS

1. Les résultats exceptionnels de 2001...

Selon les premières estimations du Centre national de la cinématographie (CNC), les entrées dans les salles de cinéma sont estimées à 185 millions pour l'année 2001, soit 11,4 % d'augmentation par rapport à l'année dernière.

La fréquentation cinématographique a atteint 23 millions d'entrées au mois de décembre 2001, soit 38,9 % de plus qu'en décembre 2000, ce mois réalisant le plus haut niveau d'entrées depuis plus de vingt ans.

- Fréquentation totale 2001 -

(millions d'entrées)

2001

2000

2001/2000 en %

Premier trimestre

56,88

46,77

+ 21,6

Deuxième trimestre

38,01

41,85

- 9,2

Troisième trimestre

38,44

33,04

+ 18,8

Octobre

14,92

13,41

+ 11,3

Novembre

13,10

13,86

- 5,5

Décembre

23,07

16,61

+ 38,9

Année complète

184,42

165,54

+ 11,4

Source : CNC

La part de marché des films français est estimée à 41 % en 2001, contre 28,5 % en 2000. Les films français ont réalisé en 2001 plus de 76 millions d'entrées, soit 29 millions de plus que l'année précédente, atteignant ainsi les niveaux observés il y a seize ans.

- Entrées réalisées par les films français -

Nombre d'entrées

1996

1997

1999

1998

2000

2001

+ de 2 millions

6

4

3

3

3

10

+ de 1 million

14

12

6

9

8

10

+ de 500 000

25

21

15

25

16

11

Source : CNC

Le succès ne se concentre pas sur quelques titres puisque dix films français ont réalisé plus de deux millions d'entrées et vingt plus d'un million. Parmi les cinq premiers films de l'année au « box-office », quatre sont français : Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, 8 millions d'entrées, La vérité si je mens 2, 7,867 millions, Le placard, 5,31 millions et Le pacte des loups, 5,16 millions. Seul Harry Potter est venu, en fin d'année, se mêler à ce palmarès pour prendre la troisième place avec 6,97 millions d'entrées.

La part de marché des films américains en 2001 est estimée à 50 % contre 62,2 % en 2000. Les entrées des films américains ont donc diminué de 10,2 % passant de 103 à 92,5 millions.

La production française a atteint le chiffre record de 204 films (films agréés par le CNC), marquant une hausse de 10 % par rapport à l'année 2000. Ce niveau de production n'avait pas été atteint depuis 1981.

Le nombre de films à gros budget progresse puisque neuf titres dépassent un devis de 15,24 millions d'euros (100 millions de francs). Ils étaient sept dans cette catégorie en 2000, ce qui confirme l'industrialisation du secteur et sa capacité à dégager des financements importants. Aucun film ne dépasse cependant les 30,5 millions d'euros (200 millions de francs), comme cela avait été le cas en 2000 pour le film d'Alain Chabat Astérix et Obélix : mission Cléopâtre.

A l'autre bout de la chaîne, les films à « petit budget » (moins de 1,5 millions d'euros soit 10 millions de francs) sont aussi nettement plus nombreux qu'en 2000 (plus de 60 contre 35 l'an passé). Quant à la progression de premières oeuvres, après le ralentissement de l'année 2000 (53 films), elle a repris en 2001 avec 56 films agréés.

A l'exportation enfin, les films français connaissent une véritable explosion en 2001 puisque, selon les chiffres publiés par UNIFRANCE, les films d'expression française bénéficient d'une augmentation de 120 % de leurs résultats dans les salles étrangères par rapport à 2000. Sur les six pays « test » pour lesquels on dispose de chiffres hebdomadaires (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Québec, Espagne, Suisse et Allemagne), ces films ont cumulé 31 millions de tickets ; les résultats sont triplés en Allemagne, multipliés par 2,5 aux Etats-Unis et en Espagne et doublés au Québec. De plus, selon Mediasie.org, le total des spectateurs de films français dans les salles asiatiques en 2001 serait supérieur à 8 millions, avec notamment 2,6 millions au Japon et 3 millions en Corée.

Contrairement à l'année 1999, où le film Astérix concentrait la moitié des entrées des films de langue française, l'année 2001 voit l'explosion internationale de nombreux titres, qui amortissent ainsi leur carrière bien au-delà des frontières de l'Hexagone.

Evidemment, c'est Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet qui mène la danse (7,2 millions de spectateurs sans l'Italie), mais le film symbole de la réussite du cinéma français est suivi par les forts succès de titres tels que Les rivières pourpres de Mathieu Kassovitz, Le placard de Francis Veber, Le pacte des loups de Christophe Gans, Le goût des autres d'Agnès Jaoui, Yamakasi d'Ariel Zeitoun, Belphégor de Jean-Paul Salomé, La pianiste de Michael Haneke, L'Anglaise et le Duc d'Eric Rohmer, Merci pour le chocolat de Claude Chabrol, Sous le sable de François Ozon, etc.

Deux phénomènes nouveaux sont à souligner : en premier lieu, la variété des films et des auteurs montre clairement que l'élargissement des genres couverts par le cinéma français ne s'est pas fait aux dépens des grands films d'auteurs réputés. Le cinéma français a donc élargi son public. En second lieu, on rencontre une meilleure adéquation entre les succès en France et à l'étranger, signe que les grosses productions françaises offrent un contenu plus international que par le passé.

Les efforts consentis en amont par les créateurs et les producteurs français, et en aval par des distributeurs étrangers courageux ont largement porté leurs fruits. La hausse obtenue en une seule année indique bien la forte marge de développement que le cinéma français peut encore trouver hors de ses frontières.

*

Le cinéma français est donc actuellement dans un état tout à la fois réjouissant et exceptionnel par rapport aux autres cinémas européens, qui demeurent marginaux sur leur propre marché (cf. II. A de cette partie). Les chiffres actuels sont à peu près similaires à ce qui existait avant le développement du marché de la télévision privée, à la fin des années 70.

Toutes les prédictions les plus pessimistes se sont révélées fausses, de même que toutes les évolutions considérées comme irréversibles ont été contredites par l'actualité récente. Le cinéma d'auteur était condamné : il réalise aujourd'hui de véritables succès ; le cinéma français était considéré comme inexportable : les chiffres ont doublé ces dernières années ; seuls les films tournés en anglais pouvaient avoir une chance de succès : ce sont aujourd'hui des films en français qui marchent le mieux.

Le cinéma français était aussi censé ne pas « savoir » produire des films de genre comme les policiers ou les films fantastiques : pourtant, Les Rivières pourpres et Le Pacte des loups ont été de véritables succès... Quant au Fabuleux destin d'Amélie Poulain, il va réaliser plus de 60 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis alors qu'il s'agit d'un film d'auteur, tourné en français, sur un sujet très français...

Ce succès et plusieurs autres avec lui en 2001 démontrent que malgré tout ce que l'on a pu dire, il existe en France un réel savoir-faire et de véritables talents qui n'ont rien à envier à aucun autre système et surtout pas au système américain, qui fonctionne sur un modèle industriel associant production massive (600 films par an) et diffusion mondiale.

L'évolution des comportements des différents acteurs de la chaîne cinématographique peut expliquer ce changement.

2. ... s'expliquent par une évolution des pratiques et des mentalités

L'amélioration des performances de notre cinéma national s'explique par une revalorisation de l'offre cinématographique tout à la fois en volume (plus on produit de films, plus il y a de chance de réaliser des succès) et en contenu.

En ce qui concerne le contenu des films, d'aucuns sont prêts à considérer que le succès résulte d'une vraie révolution culturelle du cinéma français « qui a su, avec créativité et sensibilité, retrouver le chemin du coeur du public » (Alain Terzian). C'est en effet la première fois depuis les années quarante que quatre films français dépassent, la même année, les 5 millions d'entrées.

L'état d'esprit du public a changé : il n'y a plus d'a priori négatif par rapport aux films français, comme le montre un sondage réalisé en novembre 20012. 97 % du public va aujourd'hui voir des films français et 74 % des spectateurs estiment que la qualité de ces films s'est améliorée ces derniers temps ; c'est principalement l'amélioration des scénarios et de la façon de raconter les histoires qui est citée pour expliquer cette amélioration. Le public apprécie le développement de sujets plus accessibles. Le cinéma français n'est plus perçu comme systématiquement intimiste mais jugé par 55 % des spectateurs comme capable de rivaliser avec le cinéma américain, grâce à ses spécificités. Même si il apprécie l'orientation plus populaire du cinéma français, le public est donc attaché à ses particularités.

L'opposition un peu systématique entre le cinéma français, cinéma d'auteur élitiste et le cinéma américain, populaire et commercial n'a apparemment plus vraiment lieu d'être. Il est indéniable que de nombreux producteurs ont adopté des recettes américaines qui ont fait leurs preuves en matière de conquête du public : investissements renforcés en amont (scénario) et en aval (promotion) du tournage, élargissement de la gamme des films produits (fantastique, action, films pour enfants), accroissement des budgets de production (jusqu'à 30 millions d'euros). Les distributeurs sont également aujourd'hui plus impliqués dans le financement d'un film : ils ont de ce fait une influence plus grande sur les contenus.

Quant à la hausse de la fréquentation (185 millions d'entrées en 2001 contre 165,9 millions en 1999 et 153,5 millions en 1998), elle est tout à la fois liée à l'attractivité et à la diversité de l'offre de films et à l'amélioration tant qualitative que quantitative des conditions de projection : en cela, le développement des multiplexes depuis 1993 a certainement contribué à l'accroissement du nombre de spectateurs.

Ainsi, dans le Nord de la France, la construction de multiplexes a multiplié la fréquentation par cinq. Implantés dans des zones où il n'y avait pas d'offres, les multiplexes ont généré une nouvelle clientèle. Cet effet se situe entre + 0 % et + 25 % lorsque le multiplexe s'est implanté en centre ville alors qu'il atteint + 50 % à + 80 % dans une création en périphérie (chiffres UGC).

3. ... mais ne doivent pas cacher l'importance des mutations structurelles

L'industrie cinématographique française est aujourd'hui confrontée à une transformation rapide de son environnement technologique, économique et financier qui vient ternir la joie des bons résultats de l'année 2001 et suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes.

Plus peut être que tout autre, le secteur de la communication, et en son sein celui du cinéma, sont soumis, bon gré mal gré, à l'attraction de la mondialisation. Sous l'effet de la généralisation des technologies numériques, la circulation des oeuvres s'intensifie, les marchés s'ouvrent, rendant encore plus stratégiques pour les acteurs de ces marchés le maintien voire l'accroissement de leurs positions industrielles. Pour pouvoir tenir leur rang dans un jeu économique et commercial libéralisé et donc de plus en plus rude, ils augmentent leur taille critique.

Le principal indicateur de ce durcissement réside dans l'accélération des mouvements de concentration capitalistique des acteurs du secteur, qu'ils soient producteurs, distributeurs, exploitants ou diffuseurs.

La seule année 2000 a été marquée par l'opération Vivendi-Seagram qui a donné naissance au groupe Vivendi-Universal, la fusion des réseaux de salles Pathé et Gaumont, les mouvements d'acquisition de sociétés de production par des diffuseurs (TF1/Téléma) et le renforcement des structures de distribution et de négoce des droits développé par l'ensemble des diffuseurs français. Ces mouvements se sont poursuivis en 2001, notamment avec l'intensification du déploiement américain de Vivendi-Universal qui sème le trouble et l'inquiétude chez les professionnels du cinéma et fait peser des interrogations de plus en plus fortes sur le devenir du groupe Canal Plus.

D'aucuns voient dans ces rapprochements une possibilité de renforcement des entreprises françaises du secteur et estiment que l'enjeu est de préserver l'identité nationale des entreprises de contenu et des détenteurs de droits par la constitution de groupes de taille internationale. Inversement, on peut craindre pour la survie de tout un tissu d'entreprises indépendantes qui, bien que fragiles économiquement parce que peu rentables et sous-capitalisées, sont essentielles à la vitalité du cinéma français.

Le danger n'est pas qu'imaginaire, comme voudraient le faire croire les tenants du « big is beautiful » : comme dans le reste du secteur de la communication, la concentration, qu'elle soit horizontale ou verticale, est une menace pour le cinéma français, car sa richesse réside dans la diversité de ses créateurs et la pluralité des moyens d'assurer la diffusion des oeuvres. Or, qu'il s'agisse de la production (avec le rassemblement des producteurs dans le sillage des diffuseurs privés), de la distribution (avec la concentration des droits de 60 % des films français entre les mains d'un groupe désormais franco-américain) de l'exploitation (avec le rapprochement des salles Pathé et Gaumont), ou encore de tous les secteurs à la fois avec la croissante continue de Vivendi-Universal qui intègre désormais tous les métiers du secteur, les espaces d'autonomie et d'indépendance sont peu à peu sacrifiés sur l'autel de la profitabilité et de la nécessaire mondialisation.

Ce mécanisme de concentration ne peut qu'entraîner une survalorisation des enjeux de concurrence (notamment pour la maîtrise des catalogues de films, véritable nerf de la guerre audiovisuelle), en regard des ambitions culturelles, survalorisation parfois encouragée par les exigences de la Commission européenne en la matière, au détriment de la création et de la diversité culturelle.

Cette course au « toujours plus » s'est également traduite par une massification des modes d'exploitation, illustrée par le développement des multiplexes et la création de produits d'appel comme les cartes illimitées.

Jusqu'à un passé récent, l'activité de l'exploitation cinématographique s'inscrivait dans un contexte local, soumis à la montée en puissance de la télévision. Dans ce cadre, l'apparition des multiplexes a constitué une évolution importante, pour ne pas dire un bouleversement. A titre d'exemple, on rappellera que, dans les années 1980, les investissements des salles de cinéma se situaient à 61 millions d'euros (400 millions de francs) alors qu'ils dépassent aujourd'hui 230 millions d'euros (1,5 milliards de francs). Les enjeux sont désormais devenus mondiaux et l'avènement de la technologie numérique modifie les conditions de l'exploitation.

La diffusion des films se situe dans un environnement de plus en plus concurrentiel, particulièrement entre les salles et la télévision (augmentation du nombre de chaînes et de l'offre de films, qualité technique des équipements domestiques). La multiplication des supports bouscule la chronologie de diffusion des films et des activités nouvelles (jeux vidéo et internet) détournent également les jeunes des salles de cinéma.

Les multiplexes sont donc incontestablement, en tout premier lieu, une réponse à la concurrence accrue qui est faite aux salles de cinéma. Il fallait améliorer la technicité, le confort, la diversité de l'offre ainsi que l'accès des spectateurs.

Le nombre de multiplexes en service et en cours de construction se situe aujourd'hui dans un ordre de grandeur jugé raisonnable par les exploitants (82 en exploitation et 64 projets approuvés) et pour l'essentiel, ces salles semblent aujourd'hui intégrées dans le paysage cinématographique.

Le régime de contrôle administratif des constructions mis en place en 1996, qui prévoit désormais une autorisation par les commissions départementales d'équipement cinématographique dès lors que la capacité d'accueil dépasse 800 places3, a très certainement contribué à éviter un développement déséquilibré et excessif de ces nouvelles structures. Il permettra peut être demain d'éviter l'écueil d'un suréquipement que l'exploitation ne pourrait supporter, comme par exemple aux Etat-Unis, en Allemagne et en Espagne, où certains complexes sont déjà obligés de fermer.

Les multiplexes créent cependant bien souvent des tensions avec les autres salles, non seulement par les effets de « capture » du public qu'ils entraînent mais également en ce qui concerne la programmation des films art et essai, qui permettent tout à la fois aux petites salles de vivre et de répondre aux attentes de leur public et aux multiplexes de satisfaire à l'obligation de diversité de programmation que leur fixent les pouvoirs publics. On doit d'ailleurs noter ici que cette dernière demande entre partiellement en contradiction avec la volonté de garantir la survie des salles art et essai en leur permettant d'accéder aux films...

L'apparition des cartes d'accès illimité relève de la même logique que le développement des multiplexes : appliquer au cinéma des techniques validées par la grande distribution où les plus gros acteurs baissent les prix pour attirer les clients. Ici encore, les pouvoirs publics ont joué leur rôle de régulation du marché et de préservation des conditions de la concurrence en encadrant l'usage de ces cartes et en organisant les modalités de rémunération des ayants droit et de répartition des recettes.

Le principal danger généré par les cartes illimitées ne concerne pas, à terme, les exploitants indépendants (désormais préservé par le dispositif législatif mis en place dans la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel) mais bien plus les secteurs de la production et de la distribution. En effet le système des cartes illimitées, en fidélisant les spectateurs dans un lieu de projection, donne des moyens de pression nouveaux aux exploitants.

Les cartes ont également eu des conséquences culturelles en entraînant une modification des comportements des spectateurs. Ceux-ci ne vont plus voir un film particulier, mais achètent un droit à consommer de la pellicule. Les conséquences sont cependant parfois inattendues : une étude bilan réalisée par le CNC en décembre 2001 tend ainsi à montrer que si les cartes profitent majoritairement aux films nouvellement à l'affiche, elles sont proportionnellement plus bénéfiques aux films européens non nationaux et aux cinématographies peu diffusées. A ce titre, plus de 90 % des possesseurs de cartes estiment avoir élargi leur éventail de films vus depuis qu'il ont une carte d'abonnement.

Cependant, il est incontestable que les cartes entraînent une accélération de la vitesse de rotation des films ; pour continuer à attirer un public plus assidu qu'auparavant et quasiment « cinéphage », il faut renouveler l'offre plus souvent. Comme, en parallèle, de plus en plus de films sortent chaque semaine, seuls ceux qui ont les moyens de financer une campagne de promotion importante parviennent à être remarqués du public et donc des programmateurs... et à tenir l'affiche plus de deux semaines.

Enfin, l'arrivée de la technologie numérique va profondément transformer les conditions de production, de distribution, d'exploitation et de « consommation » des films.

En ce qui concerne la production, les techniques numériques permettent déjà une plus grande souplesse de tournage (caméra DV) et de montage mais vont, en se généralisant, poser d'importants problèmes de recyclage aux industries techniques, tout particulièrement en ce qui concerne le tirage et les copies des bobines. Le numérique pourrait également, de façon assez paradoxale, constituer un frein en matière de production car, si son utilisation va permettre de réduire les coûts de production, celle-ci va également tirer à la baisse le budget des films, ce qui ne fera pas l'affaire des acteurs, dont les cachets sont calculés en proportion du budget global... Les talents pourraient donc se faire plus rares, ou plus réticents.

En ce qui concerne les distributeurs, toute la partie technique de leur métier (vérification et dépôt des copies) va quasiment disparaître ; en revanche ils vont avoir la possibilité, pour peu qu'ils puissent en acquérir les droits, de développer d'autres modes de commercialisation des oeuvres sur les réseaux en ligne (téléchargement des films et diffusion en « streaming »  sur les réseaux à haut débit). Ce nouveau mode de diffusion est encore pour le moment lourd à utiliser en raison d'une insuffisance de débit, mais le fait que la copie de fichiers musicaux via Internet soit devenue, en très peu de temps, une pratique courante, laisse penser que cette méthode de « consommation » des biens culturels s'étendra tôt ou tard aux films de cinéma.

Enfin, les conséquences pour les exploitants sont déjà connues : actuellement, le coût du passage à un équipement de projection numérique est évalué à environ 0,15 million d'euros (1 million de francs) par salle.

Les récents progrès constatés dans les technologies numériques incitent à penser que le mouvement de numérisation de la chaîne du cinéma est irréversible. II est cependant encore difficile d'estimer à quel horizon il se mettra en place. II n'est pas impossible que la technique soit prête avant que les conditions nécessaires de sa mise en oeuvre soient réalisées, car l'investissement sera essentiellement assumé par l'exploitation et les économies réalisées par la distribution et la production.

Les questions ouvertes en matière de gestion des droits moraux et patrimoniaux sont par ailleurs loin d'être réglées, les positions étant relativement différentes selon que l'on se rattache à la logique du copyright ou à celle du droit d'auteur. Les progrès technologiques réalisés en matière de marquage des oeuvres devraient offrir des solutions mais le débat sur le principe même de la gratuité pour l'accès via Internet reste entier...

4 ... et la permanence de points faibles

a) L'amont des films : l'écriture et les scénarios

Le secteur de l'écriture et du développement des scénarios souffre en France de trois problèmes spécifiques :

- un problème de formation : personne n'apprend à rédiger un scénario ; il existe très certainement dans notre pays une vraie richesse créative en matière littéraire, mais les auteurs ne sont ni encouragés ni aidés à s'orienter vers le mode d'écriture spécifique qui est celui du cinéma.

On peut cependant souligner que la FEMIS4 dispose, dans son cursus de formation, d'une section scénario (cinq diplômés par an) et propose, au titre de la formation continue, un atelier d'écriture d'une vingtaine de places... pour plus de 150 demandes en 2000. Dans le cadre de son action en région, des ateliers d'écriture de documentaires ont également été ouverts en Centre-Val de Loire et en Aquitaine ;

- un problème financier : le métier de scénariste ne fait pas envie, notamment parce qu'il n'est pas bien rémunéré ; aux Etats-Unis, des sommes colossales sont dépensées en écriture et en développement de scénarios qui ne seront peut être jamais portés à l'écran. En France, il n'existe pas véritablement d'initiative économique sur ce secteur ;

- un problème « culturel » : les jeunes scénaristes veulent absolument devenir réalisateurs, alors qu'il ne s'agit pas du tout du même métier ; la fonction créatrice du scénariste est dévalorisée, alors même qu'elle est très (trop ?) protégée par le système français du droit d'auteur qui fait de l'oeuvre un objet intouchable par le producteur ou le réalisateur.

Pourtant, il existe un lien incontestable entre l'écriture et le succès d'un film : le temps est passé où la simple présence d'un acteur au générique assurait la réussite. C'est ce qui ressort du sondage précité sur les relations du public au cinéma français (34 % des spectateurs ayant jugé que la qualité des films français s'est améliorée l'expliquent par une amélioration des scénarios), et c'est également le principal critère de sélection retenue par les diffuseurs pour choisir les films dans lesquels ils vont investir. Ainsi, pour TF1, qui doit financer vingt films sur les cinq cents qu'on lui propose chaque année, le premier critère de choix est bien le scénario. Si celui ci est bon, peu importe qu'il n'y ait pas de vedettes au générique. En revanche, si le scénario est moyen, le film devra être « tiré » par des vedettes ou un réalisateur de poids, sinon l'échec est quasiment assuré.

Ce n'est un secret pour personne que tout le système américain repose sur une sélection drastique des scénarios et des phases très longues de mise au point et de réécriture, ce qui implique que l'on puisse investir des sommes importantes, éventuellement à perte, dans ces étapes de production. Et en effet, les producteurs de Hollywood consacrent régulièrement 10 % de leurs budgets de production à l'écriture et au développement.

Conscient de ces difficultés, la ministre de la culture à commandé en 1999 au producteur Charles Gassot (Ceux qui m'aiment prendront le train, de Patrice Chéreau, Le Goût des autres, d'Agnès Jaoui) un rapport sur « l'écriture et le développement des scénarios des films de long métrage ». Ce rapport, qui est le fruit d'un groupe de travail réunissant scénaristes, réalisateurs, producteurs et exploitants, a été remis en septembre 2000.

Les constats dressés situent bien la place plus que modeste tenue par la rédaction du scénario et son développement dans la production cinématographique. Les dépenses d'écriture ne représentent que 2,2 % des investissements totaux d'un film en France, alors que l'industrie cinématographique est une industrie de prototypes. Il s'agit là d'un montant faible, comparé aux frais de sortie des films, qui s'élèvent à 6 % du budget, mais aussi aux budgets de recherche et de développement des autres entreprises, qui sont de l'ordre de 10 % du budget général.

Ce sous-financement chronique s'explique assez largement par le fait que le producteur est seul à intervenir à ce stade du projet. Il existe bien des possibilités d'obtenir des financements pour l'écriture et le développement, mais la plupart de ces financements sont accordés de manière sélective, avec des enveloppes annuelles dont le montant ne répond pas aux besoins : 9 millions de francs par exemple pour l'aide sélective au développement du compte de soutien. En dehors de ces financements, peu de possibilités s'offrent aux producteurs.

« Le moment du développement est celui où le producteur engage des frais pour rémunérer des auteurs, sans certitude sur le résultat final. Il prend ainsi le risque d'effectuer des dépenses qui ne pourront être couvertes et qu'il devra assumer seul si le film ne se fait pas. Compte tenu des dépenses engagées et de la faiblesse de ses moyens propres, décider de ne pas faire le film devient alors la décision la plus difficile à prendre pour le producteur. Il sera, dans la plupart des cas, conduit à mettre le projet en production, même si celui-ci n'est pas complètement abouti.» ( Rapport Gassot, p. 6).

Le rapport confirme par ailleurs les difficultés du métier de scénariste et le peu de considération dont il bénéficie dans la préparation d'un film : « les auteurs travaillent souvent seuls, sans avoir la possibilité de dialoguer avec le réalisateur ou le producteur. Ils éprouvent de nombreuses difficultés à faire lire leur travail, à le faire connaître, à avoir une écoute, à rencontrer les interlocuteurs qui pourraient s'y intéresser. (...) Par ailleurs, il a été maintes fois souligné à quel point le métier de scénariste était dévalorisé : le scénariste accompagne rarement le tournage ou le montage du film, il est absent des dossiers de presse et son curriculum vitae n'est pas mentionné, il ne participe pas à la promotion du film. Son apport et son travail ne sont pas rendus visibles. » (rapport Gassot p. 8).

Après avoir souligné, non sans humour, qu'« une industrie qui atteint 30 % de part de marché (et même 44 % cette année !) avec seulement 2 % de dépenses de recherche fait preuve de beaucoup de talents ! », le rapport conclut donc que « l'argent est trop rare au moment de l'écriture et du développement, et (qu')il faut donner les moyens aux producteurs d'investir davantage en amont de la production. Plus d'argent signifie plus de temps pour découvrir le travail des auteurs, pour que les talents se développent, pour mener les projets à maturité. » (idem).

Les propositions de réforme avancées pour mieux soutenir l'écriture et le développement, donner une meilleure visibilité au travail des auteurs et promouvoir le travail des scénaristes ont largement été prises en compte par la réforme de la politique de soutien au développement du CNC annoncée par Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication en avril 2001 (cf. B. 1.a), ci-après).

b) L'aval des films : la promotion et la distribution

La distribution est, de façon unanime, jugée comme le maillon faible des activités cinématographiques par rapport à la production et à l'exploitation. Déjà précaire à l'échelon national, la distribution française est a fortiori inexistante au niveau européen.

Pourtant, un rapport, rendu sur ce sujet en mai 2000 par M. Daniel Goudineau, alors directeur du cinéma au CNC, présente des conclusions nuancées et considère que, globalement, les films français sont plutôt bien distribués. Cette observation détaillée du secteur de la distribution a cependant permis de mettre en évidence des mécanismes et des tendances pleins d'enseignements.

Premier constat : il existe de fortes différences dans la distribution des films français et des films américains. La distribution des films américains se fait selon une logique de paquet ; de nombreux films, relativement médiocres, sortent en salle non pas dans le but de réunir des spectateurs mais simplement pour bénéficier d'un effet d'appel pour la distribution vidéo et télévisée. Ces films bénéficient d'une forte promotion et d'un nombre moyen d'écrans supérieur à ceux dont bénéficierait un film français comparable. Cette différence d'exposition se retrouve dans le haut du tableau, parmi les films faisant les plus grosses entrées : là aussi, les films américains bénéficient d'un nombre d'écrans bien plus important que les films français.

Deuxième constat : la faiblesse et l'inadaptation des investissements de promotion des films français. On savait déjà que le budget promotionnel d'un film français est très inférieur à celui mis en oeuvre par les studios américains ; mais on s'est également rendu compte que les dépenses sont mal orientées puisqu'elles se concentrent à 80 % sur l'affichage en région parisienne, alors que l'affiche est le média de promotion des films auxquels les spectateurs sont le moins sensibles...

Avec la multiplication des bandes annonces et des interventions de promotion à la télévision, les films américains, plus aisément repérables et identifiables à un genre connu, attirent les spectateurs qui recherchent des films « sans danger ». Les films français, qui sont tous plus ou moins des prototypes, attirent plus difficilement le grand public.

Troisième constat : la distribution de films français n'est pas une activité rentable. Les trois quarts des films ne parviennent pas à couvrir les frais d'édition. Il est donc très difficile de trouver des investisseurs prêts à se lancer dans ce secteur. Les distributeurs indépendants rencontrent de telles difficultés qu'ils sont aujourd'hui obligés d'étendre leur activité à la production de films. Une petite dizaine de sociétés contrôle aujourd'hui 60 % du marché.

A la suite de ce rapport, différentes mesures ont été annoncées par le Gouvernement en avril 2001, qui reprennent en parties les propositions présentées (cf. B. 1.a), ci-après.

c) Les industries techniques

Au sein du budget d'un film, le budget technique représente environ 15 % du coût total de la production. Les industries techniques jouent tout à la fois :

- un rôle de soutien à la production cinématographique nationale, car l'existence en France de moyens techniques de qualité est une garantie pour la pérennité de la production de films sur notre territoire et la diversité culturelle,

- un rôle de structuration économique, car les productions s'implantent souvent dans un secteur géographique où elles savent pouvoir trouver des moyens techniques performants.

Ce secteur essentiel pour le cinéma est aujourd'hui fragilisé car, si le nombre d'heures produites augmente, le marché des industries techniques doit néanmoins affronter :

- une dégradation des financements consacrés à la partie technique des films, les diffuseurs, premiers financeurs du cinéma, préférant mettre l'accent sur la partie artistique et tout particulièrement le casting ;

- une délocalisation croissante des tournages (pour environ 30 % des productions de stock), encouragée par la mise en place d'aides financières attractives dans différents pays européens et des coûts de main d'oeuvre relativement faibles dans les pays de l'est de l'Europe ;

- un plus grand protectionnisme des différents pays européens, qui renforcent les règles en matière de territorialité des dépenses de production. En France, 100 % des aides accordées doivent être dépensées sur le territoire français, mais ce taux monte à 150 % en Allemagne (aides des Länder), et 333 % au Luxembourg.

Le marché est actuellement en pleine évolution technologique, car le développement du recours au numérique entraîne des mutations importantes tant dans la captation et le traitement de l'image que dans les modalités de diffusion des oeuvres, notamment en salles. La France n'est pas en retard, mais le poids des investissements est considérable pour les entreprises et les aides proposées sont insuffisantes et souvent contraignantes.

Sur le plan financier, les entreprises du secteur sont confrontées à une dégradation des marges, une fragilité des structures financières et à des difficultés pour trouver des financements à long terme, notamment en raison de la concentration bancaire qui a fait disparaître tout interlocuteur spécialisé.

Les industries techniques sont donc aujourd'hui dans une position financière extrêmement délicate et incapables de se développer pour répondre à la demande, alors qu'elles sont unanimement reconnues dans le monde pour leur excellence. Du fait, notamment, de l'absence d'aide adaptées à cet aspect technique et fondées sur une logique industrielle (comme cela existe par exemple dans les Länder en Allemagne), les industries techniques n'ont pas les moyens de créer un véritable studio comparable à Babelsberg ou à Cinecitta.

B. LE SYSTÈME DE SOUTIEN : UN MODÈLE QUE L'EUROPE NOUS ENVIE !

1. Des mécanismes complexes et juxtaposés...

La grande qualité de la politique française du cinéma réside dans sa constance et sa plasticité. Le compte de soutien existe, dans son principe, depuis cinquante ans, sans avoir fait l'objet de remise en cause radicale en fonction des alternances politiques. Le système a par ailleurs toujours trouvé à s'adapter pour prendre en compte les évolutions techniques et économiques et poursuivre sa mission de soutien au marché et à la création.

Soutien aux
industries techniques

graphique

EXPLOITATION

PRODUCTION

graphique

graphique

De façon très schématique, on peut dire que ce système est aujourd'hui fondé sur deux piliers distincts :

- le principe de la contribution de tous les modes de diffusion des films au développement du secteur,

- 1es obligations de productions des chaînes de télévision, créées pour contrebalancer la fragilisation du cinéma en salle résultant du développement de chaînes de télévision commerciales, et notamment de Canal Plus.

Ce système est complété par des dispositifs de financement supplétifs, peu importants en volume mais souvent stratégiques pour le bouclage des productions et accompagné, pour ce qui concerne le développement à l'international, par l'action d'associations.

Le système de soutien fonctionne donc selon une logique de filières : en apportant un soutien aux différents « métiers » du cinéma, il tend à préserver le pluralisme et des conditions de libre expression de l'ensemble des créateurs. Cette spécialisation a ses avantages (une capacité d'adaptation importante et la définition d'aides « sur mesure ») mais également ses inconvénients, au premier rang desquels figure une complexité incontestable qui n'a fait que s'aggraver, au fil des ans, avec la stratification des mesures et des critères d'aide.

Le schéma présenté page précédente tente, de la façon la plus lisible possible, de retracer l'ensemble des mécanismes de soutien qui coexistent aujourd'hui... pour le plus grand bonheur et parfois la plus grande perplexité des professionnels du cinéma !

a) Le compte de soutien

Tout le génie du compte de soutien au cinéma, géré par le Centre national de la cinématographie (CNC), est d'être fondé sur une logique d'épargne forcée de l'ensemble de la profession : les recettes réalisées par les films à travers leurs différents modes de diffusion sont restituées aux acteurs du marché - de façon automatique et sélective - afin de nourrir son activité. Il ne s'agit donc en aucun cas d'un régime de subvention publique au cinéma, comme cela existe dans de nombreux pays, mais bien d'une mutualisation partielle des profits organisée sur l'ensemble d'un marché.

· Les recettes du compte de soutien-section cinéma (prévisions 2002)

Le compte de soutien du cinéma et de l'audiovisuel - 448 millions d'euros en 2002 - est alimenté par trois principales sources de recettes :

- La taxe sur le prix des places de cinéma (TSA) abonde le compte de soutien à une hauteur de 103,04 millions d'euros (675,89 millions de francs), correspondant à une prévision de 182 millions d'entrées. La taxe sur le prix des places de cinéma représente en moyenne 11 % du prix du billet et est versée en totalité à la section cinéma du compte de soutien.

- La taxe sur les diffuseurs télévisuels abonde le compte de soutien à hauteur de 330,08 millions d'euros (2,165 milliards de francs) correspondant à 5,5 % du chiffre d'affaires des diffuseurs télévisés. Cette taxe est ventilée à concurrence de 36 % pour la section cinéma et de 64 % pour la section audiovisuel.

- La taxe sur les éditeurs vidéo abonde le compte de soutien à hauteur de 12,65 millions d'euros (83 millions de francs) correspondant à 2 % du chiffre d'affaires des éditeurs et importateurs d'oeuvres sur support vidéo et DVD. Cette taxe est ventilée à concurrence de 85 % pour la section cinéma et de 15 % pour la section audiovisuel.

D'autres sources de financement abondent le compte de soutien pour la section cinéma comme la taxe afférente à la diffusion de films pornographiques, les remboursements d'aides ou avances accordées par le CNC, à l'exception des remboursements d'avances sur recettes, qui, depuis le 1er janvier 1996, viennent abonder directement, en cours de gestion, la dotation destinée aux avances sur recettes, soit environ 1,07 million d'euros (7 millions de francs).

- Ressources allouées à la section cinéma en 2001 et 2002 (prévisions) -

En millions d'euros

 

2001

2002

TSA

96,65

103,0

Prélèvement films pornographiques

0,03

0,07

Taxes services TV

118,05

118,82

Taxes vidéos

10,3

10,75

Autres recettes

1,9

2,0

TOTAL

226,93

234,64

Source : CNC

· Les dépenses de la section cinéma : les aides accordées

Les aides peuvent faire l'objet d'une double distinction, selon leur nature (automatique ou sélective) et selon le secteur visé (production, distribution et exploitation).

_ Les aides à la production :

- Les films de long métrage français ou réalisés en coproduction internationale sont, dès lors qu'ils remplissent les conditions fixées par la réglementation, générateurs d'un soutien financier automatique du fait de leur exploitation commerciale en salles, de leur diffusion télévisuelle et de leur exploitation sous forme de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public.

Pour déclencher le soutien automatique, le film doit être titulaire d'un agrément de production, délivré par le directeur général du CNC. Les sommes, calculées proportionnellement aux recettes réalisées, sont inscrites sur les comptes ouverts au CNC au nom des entreprises de production bénéficiaires et peuvent être mobilisées par les producteurs dans la production cinématographique.

Pour ce qui concerne la prise en compte des recettes réalisées en salle, le producteur récupère toujours plus que ce que son film a « rapporté » au compte de soutien par le biais de la taxe sur les billets : ainsi, en 2001, le taux de « retour » de l'aide automatique était fixé à 140 % du montant de taxe généré.

Le soutien automatique a vocation à être réinvesti dans la production de nouveaux films de long métrage, quelle que soit la langue de tournage du film. Il peut également être réinvesti dans la préparation de la réalisation des films de long métrage, la production de films de court métrage, la promotion des films à l'étranger. Toutefois, le soutien financier ne peut être réinvesti que si les créanciers privilégiés des films antérieurs ont été réglés.

- Créée en 1960, l'avance sur recettes est la principale aide sélective à la production de films de long métrage : elle a pour objectif de favoriser le renouvellement de la création en encourageant la réalisation des premiers films et de soutenir un cinéma indépendant, audacieux au regard des normes du marché et qui ne peut, sans aide publique, trouver son équilibre financier.

L'attribution des avances sur recettes est décidée par le directeur général du CNC après avis d'une commission composée de personnalités reconnues de la profession. Les avances peuvent être accordées avant ou après la réalisation. En 2000, 44 films ont bénéficié d'une avance avant réalisation d'un montant moyen de 370 000 euros (2,4 millions de francs). La sélectivité de la commission est très élevée puisqu'en moyenne 10 % seulement des projets sont retenus par cette instance. 25 films ont par ailleurs reçu des avances après réalisation, d'un montant moyen de 60 000 euros (395 000 francs).

Le niveau de remboursements annuels se situe à environ 10 % de la dotation totale affectée à l'aide (2,33 millions d'euros en 2000 pour une dotation totale de 22,11 millions d'euros).

- Depuis 1993, les sociétés de production de longs métrages titulaires de l'autorisation d'exercice délivrée par le CNC peuvent obtenir une aide pour le développement de leurs projets de films de long métrage de fiction, d'animation ou documentaires. Les différentes phases du travail d'écriture sont concernées par cette aide : option et achat de droits d'adaptation cinématographique d'oeuvre littéraire ou de scénario original, écriture et réécriture, recherches et documentation. Les allocations d'aide sont remboursables dès la mise en production des oeuvres : le remboursement s'effectue sur le financement du film et non sur ses recettes.

- Les films de court métrage, c'est-à-dire les films qui, pour un format de 35 mm, ont une longueur inférieure à 1 600 mètres, ou les oeuvres cinématographiques d'une durée de projection inférieure à une heure, peuvent également bénéficier d'aides sélectives avant et après réalisation.

- Les aides à la production comprennent enfin une aide à la musique, une aide aux coproductions franco-canadiennes et une aide à la production cinématographique des pays en développement.

- Nouvelles mesures en faveur de l'écriture et du développement -

mise en application du rapport Gassot

En avril 2001, la ministre de la culture a annoncé :

_ la création au CNC d'un bureau d'information et d'orientation des auteurs,

_ la mise en place d'un « trophée du premier scénario » d'un montant unitaire de 40 000 francs (budget total : 1 million de francs),

_ la transformation du quatrième collège de l'avance sur recettes en Commission de soutien au scénario, dotée d'un budget de 5 millions de francs par an et chargée de soutenir des scénaristes expérimentés dans leur travail d'écriture et de réécriture :

L'aide à l'écriture est destinée à des projets en cours d'écriture présentés sous la forme d'un synopsis. Elle peut être sollicitée par un auteur ou un auteur/réalisateur qui a écrit ou réalisé au moins un long métrage porté à l'écran.

L'aide à la réécriture est destinée à des projets présentés sous la forme d'un scénario pour lequel un travail complémentaire d'écriture est nécessaire. Elle peut être sollicitée soit par un auteur ou un auteur/réalisateur (sous réserve qu'il puisse justifier d'une expérience artistique dans le domaine cinématographique ou audiovisuel ou qu'il ait été lauréat des Trophées du premier scénario) soit par une société de production de films de long métrage.

_ la mise en place d'un dispositif de relais financier au développement de projets.

L'ensemble des crédits destinés à ces nouveaux dispositifs de soutien s'élèvera, en 2002, à 3,05 millions d'euros (20 millions de francs).

_ les aides à la distribution :

- Les films de long métrage français ou de coproduction franco-étrangère peuvent, après délivrance de l'agrément de production, devenir générateurs de soutien financier automatique au profit de l'entreprise qui les distribue. Les sommes inscrites au compte du distributeur sont proportionnelles à la recette du film en salles et destinées à être réinvesties dans la production et/ou la distribution d'une nouvelle oeuvre agréée.

- L'aide sélective à la distribution est accordée aux entreprises de distribution dûment agrées par le CNC. Elle revêt deux aspects :

. une aide à l'entreprise proprement dite (ou aide au programme), pour la réalisation de son programme de sorties de films ou pour soutenir ses dépenses de structure. Les sociétés qui peuvent bénéficier de cette procédure sont celles ayant une activité suffisamment régulière et significative et dont la qualité éditoriale est reconnue.

- une aide film par film, qui ne peut être accordée que pour les films présentés par des sociétés n'ayant pas bénéficié d'une aide au programme. Elle peut revêtir deux formes : des avances remboursables sur les frais de promotion/édition des distributeurs et/ou la prise en charge des tirages de copies.

- Nouvelles mesures en faveur de la distribution -

mise en application du rapport Goudineau

En avril 2001, la ministre de la culture a annoncé :

_ Un élargissement du soutien automatique à la distribution (agrément pour la sortie en salle de téléfilms),

_ une bonification du soutien financier aux entreprises.

De plus, le décret du 9 juillet 2001 qui fixe les obligations des services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne prévoit que les éditeurs de ces services pourront réaliser une partie de leurs obligations d'investissement par un soutien à la distribution, à concurrence de 0,2 % de leur chiffre d'affaires (cf. paragraphe suivant).

. Une aide peut désormais être spécifiquement accordée pour la distribution de premiers films bénéficiant de l'avance sur recettes : il s'agit d'une avance remboursable d'un maximum de 30 500 euros (200 000 francs), dont le montant exact est fixé par la commission d'aide sélective à la distribution au regard du budget de sortie ; elle est accordée aux distributeurs de ces films dans la limite de 50 % des dépenses de promotion et d'édition pour les films dont le budget de sortie ne dépasse pas 230 000 euros (1,5 millions de francs).

_ les aides à l'exploitation :

- Les recettes perçues aux guichets des salles de cinéma génèrent une allocation de soutien financier automatique au bénéfice des exploitants. Cette allocation est proportionnelle au montant de la taxe encaissée sur le prix du billet. Le soutien est destiné à financer les travaux d'équipement et de modernisation ainsi que les créations de salles.

- Le soutien sélectif à la création et à la modernisation des salles vise à favoriser le maintien d'un parc de salles de cinéma dans les régions insuffisamment desservies tant du point de vue de l'accès au film que de celui de l'équipement. Cette politique a pour objectif d'assurer une meilleure desserte cinématographique du territoire et à améliorer l'aménagement des salles.

- Le CNC accorde également des aides aux salles à programmation difficile, des subventions aux salles art et essai et des primes d'encouragement à l'animation et à la diffusion cinématographiques.

_ Les aides à l'édition vidéo :

Cette aide, attribuée aux entreprises d'édition vidéo assujetties à la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes (vidéo-cassettes et DVD), est un soutien financier à l'édition de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public.

Elle est accordée sous deux formes :

- Le soutien automatique est destiné aux éditeurs vidéo qui commercialisent des films français qui ont été agréés et sont sortis en salle depuis moins de six ans,

Le soutien sélectif, décidé sur avis d'une commission, encourage l'édition de programmes à caractère culturel.

- Aides accordées sur la section cinéma du compte de soutien -

En millions d'euros

Aides

2001

2002

Aides automatiques

130,05

142,18

Dont :

Production-distribution

79,19

88,19

Exploitation

47,36

50,49

Vidéo

3,51

3,51

Aides sélectives

87,44

81,78

Dont :

Avance sur recettes

22,11

nc

Autres aides

65,33

nc

TOTAL (hors frais de gestion)

217,49

223,96

Source : CNC

b) Les obligations des diffuseurs

Les relations entre les éditeurs de services de télévision et les organisations professionnelles représentatives de l'industrie cinématographique sont formalisées par trois accords actuellement en vigueur :

- l'accord conclu le 8 janvier 1999 entre le Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC), la Société des auteurs réalisateurs producteurs (ARP) et les chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne en clair (TF1, France 2, France 3, ARTE et M6) a pour objectif d'encadrer le régime des délais de diffusion des oeuvres cinématographiques sur les chaînes en clair, suite à l'entrée en vigueur de la révision de la directive européenne « Télévision sans frontières » (chronologie des médias) ;

- l'accord conclu le 15 mars 1999 entre le BLIC, l'ARP et les sociétés TPS Cinéma (éditeur de chaînes cinéma diffusées sur le câble et le satellite) et Multivision (service de paiement à la séance) précise les règles applicables par ces chaînes en matière de chronologie des médias, les conditions et les durées de détention des droits, et notamment des droits exclusifs, et encadre le niveau de l'investissement des diffuseurs dans la production cinématographique européenne et d'expression originale française.

Il prévoit notamment que TPS cinéma consacre au moins 26 % de son chiffre d'affaires à l'acquisition d'oeuvres cinématographiques européennes, une part de cet engagement devant être consacrée à l'acquisition d'oeuvres d'expression originale française. L'accord prévoit également que TPS Cinéma soutient l'exploitation cinématographique et la promotion des films en salles en y consacrant un montant correspondant à 1 % de son chiffre d'affaires dès lors que le chiffre d'un million d'abonnés est atteint, ce qui est le cas aujourd'hui.

- l'accord conclu le 20 mai 2000 entre le BLIC, l'ARP, le BLOC (bureau de liaison des organisations du cinéma) et la chaîne Canal Plus. Cet accord, valable jusqu'en 2004, fixe les règles applicables en matière de chronologie des médias, la durée maximale d'exclusivité des droits de diffusion acquis par la chaîne et détermine la contribution du diffuseur à l'achat d'oeuvres cinématographiques européennes.

Les principes essentiels de ces accords ont été ou seront très prochainement pris en compte par la réglementation qui a été entièrement renouvelée à la suite de l'adoption de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 portant modification de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

· Les obligations des chaînes hertziennes diffusées en clair

Les obligations de production des chaînes hertziennes terrestres ont pour base légale l'article 27 (3°) de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Cet article renvoie à des décrets en Conseil d'Etat le soin de fixer les principes généraux définissant les obligations concernant la contribution au développement de la production cinématographique, les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques ainsi que l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs. Ce dispositif a été complété par la loi du 1er août 2000.

Le régime applicable aux services diffusés en clair était jusqu'alors prévu par le décret n° 90-67 du 17 janvier 1990 modifié. Ce texte a été remplacé le 1er janvier 2002 par le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001, complété par le décret n° 2001-1329 du 28 décembre 2001, qui reprennent et complètent le dispositif antérieur.

Les services diffusés en clair doivent désormais consacrer au développement de la production cinématographique au moins 3,2 % de leur chiffre d'affaires net de l'exercice précédent (contre 3  % auparavant). Depuis 1995, 2,5 % au moins doivent être consacrés à la production d'oeuvres d'expression originale française, 0,5 % pouvant l'être à la production d'oeuvres européennes.

En outre, les chaînes ne peuvent prendre de « parts producteur » que par l'intermédiaire d'une filiale spécialement créée à cet effet. Celle-ci ne peut cependant pas prendre personnellement ou partager solidairement l'initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation des oeuvres cinématographiques ni en garantir la bonne fin.

Au titre de chaque oeuvre, la contribution des diffuseurs est encadrée par deux dispositions : elle ne doit pas excéder la moitié du coût total de cette oeuvre d'une part et elle ne doit pas être constituée pour plus de la moitié par des sommes investies en « parts producteur » par les filiales.

Parmi les dépenses éligibles pourront désormais être prises en compte, outre les préachats de droits de diffusion et les parts de coproducteurs, les contributions des éditeurs à un fonds en faveur de la distribution cinématographique, sous réserve qu'un tel fonds soit institué par accord entre eux et les professionnels du cinéma. Il appartiendra au Conseil supérieur de l'audiovisuel de valider ce type d'investissement sur la base de l'accord professionnel.

Enfin, depuis l'adoption du décret n° 99-189 du 11 mars 1999 modifiant le décret du 17 janvier 1990, les chaînes sont soumises à l'obligation de consacrer au moins 75 % de leurs obligations d'investissement à des contrats avec des entreprises de production indépendantes. Les conventions passées avec le CSA ou les cahiers des charges fixent les conditions d'application de cette obligation.

Les critères d'indépendance retenus sont les suivants :

- La société de production n'est pas détenue, directement ou indirectement, par le service de télévision pour plus de 15 % de son capital social.

- Elle n'est pas contrôlée, au sens de l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, par un actionnaire ou groupe d'actionnaires contrôlant par ailleurs le service de télévision.

- Elle n'a pas de lien constituant une communauté d'intérêt durable avec le service de télévision.

Le dispositif résultant du décret du 9 juillet 2001, complété par le décret n° 2001-1329 du 28 décembre 2001, tout en reprenant les principes de la réglementation antérieure, renforce les obligations des diffuseurs et propose une définition beaucoup plus précise de la production indépendante.

La part minimum obligatoirement consacrée à la production indépendante reste fixée à 75 % de l'obligation globale. Les critères permettant de définir l'entreprise de production indépendante sont également repris de la réglementation antérieure ; en revanche, la nouvelle réglementation innove en ce qu'elle retient la durée de l'exclusivité des droits, le nombre de diffusions acquis et la détention des mandats et droits secondaires nécessaires à l'exploitation de l'oeuvre cinématographique comme critères discriminants.

Pour être prise en compte au titre de la production indépendante, une oeuvre cinématographique doit non seulement être produite par une entreprise de production indépendante mais son producteur doit également en conserver ou en retrouver rapidement la maîtrise. En effet, les droits de diffusion ne peuvent être cédés que pour deux diffusions et ne peuvent pas excéder dix-huit mois pour chaque diffusion. En outre, le diffuseur n'est autorisé à prendre pour lui-même ou pour ses filiales qu'un seul type de droit secondaire ou mandat de commercialisation parmi les cinq modes d'exploitation identifiés par la réglementation : salles, télévision, vidéo, Internet, ventes à l'étranger.

· Le cas particulier de Canal Plus

La chaîne Canal Plus a été fondée sur un contrat avec le cinéma français, ce partenariat étant d'ailleurs antérieur à la réglementation. En contrepartie du droit de diffuser, de façon cryptée, les films en première exclusivité, un an après leur sortie en salle, la chaîne s'était engagée à soutenir de façon spécifique la production cinématographique française.

Ses obligations ont été fixées par le décret n° 95-668 du 9 mai 1995 ; les dispositions de ce décret sont reprises et précisées par le décret n° 2001-1332 du 28 décembre 2001 portant application de la loi du 1er août 2000, qui prend également en compte les accords conclus entre la chaîne et la profession.

A compter du 1er janvier 2002, il est donc prévu que Canal Plus consacre chaque année au moins 20 % des ressources totales de l'exercice à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques. Les acquisitions de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française représentent, respectivement, au moins 12 % et 9 % des ressources totales de l'exercice. En outre, ces acquisitions ne peuvent être inférieures à des montants par abonné en France déterminés par la convention.

En effet, Canal Plus s'est engagée, par accord avec les organisations professionnelles du cinéma repris dans l'avenant à la convention avec le CSA signé le 22 décembre 2000, à ce que le montant de ses obligations d'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres européennes et d'expression originale française ne soit pas inférieur au montant le plus élevé entre les pourcentages précités et un minimum garanti par mois et par abonné fixé à au moins 3,13 euros (20,50 francs) au titre des oeuvres européennes et à au moins 2,36 euros (15,50 francs) au titre des oeuvres d'expression originale française.

La chaîne s'est également engagée à consacrer 45 % de sa contribution envers la production nationale au préachat de films ayant un devis inférieur à 5,34 millions d'euros (35 millions de francs). De plus, Canal Plus est soumise à l'obligation de consacrer au moins 75 % de ses dépenses à des contrats passés avec des entreprises de production indépendantes. Pour l'application de ce dispositif, une société est considérée comme indépendante de Canal Plus si elle remplit les conditions détaillées précédemment pour les chaînes en clair ou si elle n'agit pas en tant que producteur délégué.

En vertu de l'accord conclu avec les professionnels, la chaîne s'est par ailleurs engagée à soutenir les secteurs de l'exploitation et de la distribution cinématographique en garantissant au premier une enveloppe annuelle de 12,20 millions d'euros (80 millions de francs) (enveloppe dégressive en fonction des montants que les autres diffuseurs apporteront éventuellement à ce même secteur) et au second un somme forfaitaire de 6,10 millions d'euros (40 millions de francs) par an.

· Les obligations des chaînes thématiques du câble et du satellite

Le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 pris pour l'application de la loi du 30 septembre 1986 prévoyait que tout service de télévision distribué par câble qui diffuse des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles devait consacrer soit 10 % au moins du temps qu'il consacre à la diffusion de ces oeuvres, soit 10 % au moins de son budget de programmation, à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants. Quant aux chaînes thématiques cinéma, elles étaient soumises par voie conventionnelle à des obligations d'achat de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française fixées en fonction du nombre de leurs abonnés.

Ces dispositions ont été modifiées par le décret n° 2002-140 du 4 février 2002 afin, ainsi que l'a souhaité le législateur par la loi du 1er août 2000, que les chaînes du câble et du satellite qui diffusent des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles soient soumises à des obligations de contribution au développement de la production cinématographique du même ordre que celles applicables aux autres chaînes de même format.

Les chaînes généralistes sont donc désormais soumises, à l'instar des chaînes hertziennes diffusées en clair, à une obligation d'investissement de 3,2 % de leur chiffre d'affaires. Les dispositions relatives à la production indépendante seront également applicables.

En ce qui concerne les chaînes cinéma, le décret leur applique les dispositions prévues par le décret n° 2001-1333 du 28 décembre 2001 pour les chaînes cinéma diffusées par voie hertzienne terrestre en mode numérique. Les chaînes premium (qui diffusent des films en première exclusivité) devront consacrer 26 % au moins des ressources totales de l'exercice en cours à l'achat de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques européennes ; la proportion de cette obligation qui doit être réalisée par l'achat de droits de diffusion de films d'expression originale française est fixée à 22 % des ressources totales.

Pour les autres chaînes de cinéma, les taux relatifs aux achats de droits de films européens et d'expression originale française sont respectivement fixées à 21 % et 17 % des ressources totales de la chaîne. Comme pour les chaînes cinéma diffusées par voie hertzienne analogique, ces montants ne peuvent pas être inférieurs à des montants par abonné déterminés par la convention de la chaîne. 75 % des dépenses prévues par l'obligation doivent être réalisées au profit d'oeuvres indépendantes.

Enfin, les chaînes « de patrimoine » sont autorisées à remplir un tiers de leurs obligations par des dépenses consacrées à la sauvegarde, la restauration ou la mise en valeur des oeuvres du patrimoine cinématographique d'expression originale française qu'elles diffusent.

· L'encadrement de la diffusion des films à la télévision

Il n'existe pas de « quotas » de diffusion des films à la télévision, comme l'on a parfois tendance à le croire, mais simplement un encadrement de leurs conditions de diffusion (nombre et horaires), conçu à l'origine pour limiter la concurrence faite aux salles.

En ce qui concerne la « chronologie » des médias, la loi se contente désormais, en application de la directive « Télévision sans frontières », de renvoyer aux accords conclus entre les chaînes et les professionnels et évoqués au début de ce paragraphe.

De façon très schématique, les délais appliqués en France à compter de la sortie en salle sont les suivants :

- édition vidéo : 6 mois

- paiement à la séance : 9 mois

- première fenêtre de diffusion cryptée : 12 mois (Canal Plus, Cinéstar)

- deuxième fenêtre de diffusion cryptée : 24 mois

- diffusion en clair : 24 à 36 mois.

Les conditions des diffusion des oeuvres cinématographiques par les services de télévision sont désormais, quant à elles, définies dans un seul décret : le décret n° 2001-1330 du 28 décembre 2001. Ce texte étend à l'ensemble des services de télévision les dispositions du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 qui ne s'appliquaient qu'aux services diffusés en clair par voie hertzienne et prévoit des dispositions spécifiques pour les différents types de chaînes cinéma et les services de paiement à la séance.

Les chaînes « généralistes » sont donc autorisées à diffuser annuellement 192 oeuvres cinématographiques de longue durée dont 144 entre 20 h 30 et 22 h 30 (au lieu de 104 dans le dispositif précédent). Les chaînes peuvent, au-delà de ce nombre maximal annuel, diffuser 52 oeuvres cinématographiques d'art et d'essai de longue durée.

Dans le nombre total annuel d'oeuvres cinématographiques de longue durée, les chaînes doivent réserver 60 % à la diffusion d'oeuvres européennes et 40 % à la diffusion d'oeuvres d'expression originale française. Ces proportions doivent également être respectées aux heures de grande écoute (entre 20 h 30 et 22 h 30) ainsi que pour les oeuvres d'art et d'essai diffusées hors quantum.

Les chaînes ne peuvent diffuser d'oeuvres cinématographiques de longue durée, d'une part le mercredi soir et le vendredi soir (à l'exception des films d'art et d'essai après 22 h 30), d'autre part le samedi toute la journée et le dimanche avant 20 h 30.

Les obligations des chaînes dites « cinéma » sont donc désormais également fixées par le décret n° 2001-1330 du 28 décembre 2001. Pour l'essentiel, il reprend les dispositions figurant dans les conventions passées entre les chaînes et le CSA.

Les éditeurs de service de cinéma ne peuvent ainsi diffuser sur l'ensemble de la programmation plus de 500 oeuvres cinématographiques de longue durée différentes par année civile. Chaque oeuvre ne peut être diffusée plus de sept fois pendant une période de trois semaines, ou plus de sept fois pendant une période de quatre semaines sur chaque programme rediffusé par les services de cinéma à programmation multiple. Une huitième diffusion est autorisée si elle est accompagnée de sous-titrage destinés aux sourds et aux malentendants.

- Diffusion des films à la télévision (1990-2000) -

 

TF1

F2

F3

La Cinq/ Arte

La Cinquième

M6

Total chaînes hertziennes gratuites

Canal Plus

Total Chaînes hertziennes gratuites + Canal Plus

1990

170

186

193

192

 

192

933

429

1362

1991

170

193

192

186

 

192

933

441

1374

1992

170

188

192

100

 

191

841

450

1291

1993

170

187

190

179

 

192

918

453

1371

1994

170

185

192

244

 

192

983

451

1434

1995

170

190

206

240

53

189

1 048

453

1501

1996

170

180

210

262

53

189

1 064

449

1513

1997

190

197

194

261

44

190

1 076

434

1510

1998

190

201

207

269

51

190

1 108

446

1554

1999

192

197

215

270

52

185

1 111

452

1563

2000

192

154

201

259

51

175

1 032

460

1492

Source : CNC

Les plages de diffusion interdites sont fixées au vendredi, de 18 heures à 21 heures, au samedi, de 18 heures à 23 heures et au dimanche de 13 heures à 18 heures. Les éditeurs de services de cinéma de première diffusion ne peuvent en outre diffuser ou rediffuser aucune oeuvre cinématographique de longue durée le mercredi de 13 heures à 21 heures.

Les quotas de 60 % d'oeuvres européennes et de 40 % d'oeuvres d'expression originale françaises leurs sont bien entendu applicables.

c) Les mécanismes fiscaux et de garantie financière

· Les SOFICA

Sociétés anonymes soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, les SOFICA ont été créées par la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Elles ne peuvent bénéficier du régime fiscal des sociétés de capital à risque défini à l'article 1er de cette même loi.

Elles constituent des sociétés d'investissement destinées à la collecte de fonds consacrés exclusivement au financement d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques agréées par le CNC. Leur création ou augmentation de capital est agréée par la direction générale des impôts, visée par la Commission des opérations de bourse et communiquée au CNC pour avis. Un commissaire du gouvernement siège au conseil d'administration. La collecte annuelle agréée se situe généralement autour de 45,73 millions d'euros (300 millions de francs). Depuis 1985, 600 milliards d'euros (3,96 milliards de francs) ont été agréés. En 2000, sept SOFICA ont été agréées pour 42,85 millions d'euros (281 millions de francs).

Leur durée statutaire est de dix ans à compter de l'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés. Un même actionnaire ne peut détenir directement ou indirectement plus de 25 % du capital de la SOFICA pendant les cinq premières années d'activités de la SOFICA. En contrepartie, les sociétés actionnaires passibles de l'impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d'un amortissement exceptionnel de 50 % et les particuliers d'une déduction de leur revenu net global imposable dans la limite maximale de 25 % de ce revenu et de 18 290 euros (120 000 francs) par foyer fiscal. Si le particulier cède ses parts avant cinq ans, il perd l'avantage fiscal.

Depuis 1993, certaines SOFICA garantissent dès la souscription une valeur de rachat à l'issue de la fin de la huitième année. D'autres jouent le risque de la valeur et ne se dissolvent qu'à l'expiration du délai légal de conservation des titres de cinq ans. Le risque final de la garantie de rachat est assumé par une banque ou par le groupe d'adossement de la SOFICA. Dans la pratique ce sont souvent des grands groupes de diffusion télévisée qui servent à garantir le risque, ce qui détourne assez largement le système de sa vocation originale. Pour bénéficier de la garantie (en 2000, elle se situe à 85 % du nominal de l'action), les fonds sont bloqués pendant huit ans ; la sortie entre la cinquième et la huitième année se fait donc au risque de la valeur. Les taux de rendement des SOFICA garanties se situent généralement autour de 7 %, avantage fiscal inclus.

90 % des fonds collectés doivent être investis dans les 12 mois suivant l'octroi de l'agrément par la direction générale des impôts. Les 10 % restant peuvent être placés en liquidités rémunérées.

Les investissements prennent la forme de souscription au capital de sociétés ayant pour activité exclusive la réalisation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles agréées ou de versements en numéraire réalisés par contrats d'association à la production, contrôlés par le CNC. Ils ne peuvent excéder 50 % du coût total définitif d'une même oeuvre. Ils sont signés et les versements sont réalisés avant le début des prises de vues.

Les SOFICA ne sont ni des coproducteurs, ni des distributeurs, ni des diffuseurs : en contrepartie de leurs investissements, elles bénéficient de droits à recettes d'exploitations futures. Sur le plan juridique, aucune obligation n'est faite aux SOFICA garanties de réinvestir les retours sur investissements. Ces sommes peuvent être placées sur des comptes productifs d'intérêts.

Des obligations visent à favoriser les producteurs indépendants (pourcentage d'investissement de 35 %) et à limiter le nombre de mandats de commercialisation, notamment pour les SOFICA adossées à des groupes audiovisuels.

Dans la pratique, les SOFICA investissent majoritairement dans des productions indépendantes et plutôt sur des petits budgets. En 2000, 60  % des investissements étaient apportés à des films de moins de 5,35 millions d'euros (35 millions de francs). D'autre part, les SOFICA prennent souvent des risques en terme de contenu et savent prendre leurs distances par rapport aux impératifs commerciaux des diffuseurs. On peut donc dire que, même si les masses financières en jeu ne sont pas considérables, les SOFICA sont un outil efficace et utile pour le financement des productions indépendantes.

- Activité des SOFICA sur la période 1996-2000 -

 

Investissement total

(en M€)

Intervention moyenne

(en M€)

Intervention 1er film

(en %)

Avances sur recettes

(en %)

Part dans le budget du film (en %)

1996

19,60

0,5

32

49

11

1997

27,67

0,58

29

40

10

1998

27,73

0,47

31

44

10

1999

26,08

0,40

46

36

10

2000

39,04

non disponible

non disponible

non disponible

non disponible

Source : CNC

· Les garanties d'emprunt de l'IFCIC

L'IFCIC est chargé de faciliter l'accès au financement pour les entreprises du secteur culturel (et notamment de la production cinématographique indépendante), principalement à travers des garanties d'emprunt. La garantie représente en moyenne 50 % du montant du crédit et peut monter jusqu'à 70 % pour la phase de développement du projet. En cas de défaillance de l'entreprise emprunteuse, la perte de la banque est donc divisée par deux. En pratique, le taux de sinistre est assez bas : de l'ordre de 3 à 4 % du montant total des garanties accordées en matière de cinéma.

La rémunération demandée par l'Institut est de 1 % du montant de la garantie, ce qui est huit fois moins élevé que le coût d'une garantie par une compagnie privée.

L'IFCIC a garanti 1,6 milliards de francs (240 millions d'euros) en 2000.

L'IFCIC est un organisme mixte qui travaille avec des fonds publics (les crédits destinés aux garanties d'emprunt sont mis à disposition par le CNC et le ministère de la culture) mais possède un statut juridique relevant du droit privé (son actionnariat est majoritairement privé). Son existence a permis de conserver un réseau bancaire spécialisé dans la production cinématographique qui ne trouve plus d'équivalent en Europe.

Le conseil d'administration de l'IFCIC est majoritairement constitué de représentants des banques privées participant à son capital. Cet actionnariat est problématique car il a été constitué en 1994 avec de très nombreuses banques qui ne sont plus aujourd'hui intéressées par le cinéma. Il n'est donc pas toujours facile de leur faire comprendre la logique des interventions publiques dans le secteur.

En théorie, le CNC réapprovisionne le fonds de garantie de l'IFCIC à hauteur d'environ 40 millions de francs (6,1 millions d'euros) par an. En réalité, le taux de sinistre étant moins élevé que ce qui est prévu, le CNC ne verse jamais la totalité des crédits prévus.

d) Des aides régionales encore modestes

Les politiques territoriales de soutien à la production cinématographique (et audiovisuelle) sont aujourd'hui encore relativement modestes et se heurtent souvent à une longue tradition d'intervention centralisée. Pourtant, depuis une dizaine d'années, les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à s'impliquer dans les secteurs de la cinématographie et de l'audiovisuel, sous des formes (accueil de tournages, soutien à la production, à l'exploitation, à la diffusion, à la sensibilisation et à la formation du jeune public) et pour des montants d'intervention extrêmement divers. Leur champ de compétence s'élargit progressivement.

Dix-neuf régions, douze départements, quatre villes et une communauté urbaine ont mis en oeuvre en 2001 des aides au cinéma et à l'audiovisuel en se fondant sur des règlements et des modalités d'intervention publics et pérennes et une ligne budgétaire spécifique. Toutes les collectivités locales n'ont cependant pas de structure d'intervention déléguée. Dans les cas où celles-ci existent, la forme associative est prédominante.

En 2000, l'apport des collectivités territoriales à la production cinématographique s'est élevée à 70 millions de francs, soit une hausse de 30 % par rapport à 1999. 147 courts métrages ont été soutenus, soit près du tiers de la production nationale, ce qui permet aux collectivités de contribuer, de façon significative, à la vitalité de ce secteur et au repérage des auteurs de demain. Elles interviennent également de façon significative dans le soutien à la production documentaire qui constitue souvent le terreau initial de développement des sociétés régionales de production.

Au-delà du seul soutien à la production, l'action des collectivités territoriales en matière de cinéma doit être considérée dans son ensemble. Elle permet bien souvent de contribuer à l'émergence de nouveaux talents en alliant au soutien à la production des actions prolongées de formation professionnelle, de recensement des lieux de tournage possibles et des ressources logistiques disponibles, de développement des capacités d'accueil, de soutien au travail des producteurs régionaux, etc...

De par la nature même de la décentralisation, l'action cinématographique des collectivités locales est extrêmement diverse et constitue souvent encore un espace d'expérimentation. Celui-ci doit être encouragé et soutenu, mais nécessiterait sûrement aujourd'hui des cadres généraux d'actions et une plus grande mise en cohérence. Seule une coopération intensifiée avec le CNC pourrait lui permettre de progresser dans ce sens.

e) Le soutien à l'exportation

En ce qui concerne la circulation des films, celle-ci s'inscrit également dans un cercle vertueux : plus le succès des films français est important, plus les producteurs sont prêts à investir et plus les budgets des films sont importants, plus l'exportation des oeuvres est facilitée. La question de la langue n'est un problème que dans les pays anglo-saxons, dans lesquels il existe à ce sujet un véritable conservatisme et un manque d'imagination pour faire changer les choses. Dans le reste du monde, la langue n'est pas discriminante pour conquérir un large public, à partir du moment où il s'agit d'un film de qualité.

A côté des aides accordées par le Compte de soutien, les actions menées par Unifrance et l'ADEF (association des exportateurs français) jouent un rôle important et complémentaire pour la promotion et la commercialisation des films français à l'étranger.

· Le compte de soutien

Deux types d'aides sont accordées par le CNC sur les ressources du compte de soutien : une aide à l'édition de support pour la prospection de vente à l'étranger (sous-titrage, plaquette en anglais, CD Rom, création de site Internet...) et une offre de copies gratuites de films français à destination des distributeurs des pays d'Europe centrale et orientale, du Moyen Orient, d'Afrique et d'Amérique Latine.

· Unifrance est une association chargée de promouvoir le cinéma français dans le monde et d'accompagner les films à l'étranger jusqu'à leur mise en marché.

L'association assure un suivi des marchés étrangers et de leurs évolutions : plus de 30 pays sont ainsi sur ses tableaux de bord. Ce suivi (analyse des marchés, statistiques, suivi de la diffusion des films, connaissance des entreprises et de leurs dirigeants,...) fait l'objet d'études économiques, diffusées auprès des membres de l'association et de l'ensemble des partenaires du cinéma français à l'étranger.

Unifrance participe à tous les grands festivals et marchés (Cannes, Berlin, Toronto, Montréal, Venise, ...) : lors de ces grands rendez-vous, elle cherche à faciliter la présence des équipes artistiques et met à la disposition des professionnels français des espaces de promotion et de commercialisation.

Elle organise par ailleurs des manifestations dédiées au cinéma français (Festival de Yokohama au Japon, Rendez-vous européen du cinéma français à Paris, Rendez-vous with French Cinema today à New York, Festival du Film français d'Acapulco) où se conjuguent, en un même espace et en un temps limité, les trois objectifs fondamentaux de l'action de la promotion : action auprès des acheteurs, action auprès des médias et action auprès du public.

Enfin, Unifrance suit les sorties commerciales des films à l'étranger : avec le CNC, elle met en oeuvre des actions diversifiées au service d'un élargissement de la diffusion des films français sur les principaux marchés d'Europe, d'Amérique et d'Asie. Elle accompagne ainsi les producteurs français dans la préparation du matériel de prospection des marchés étrangers et encourage les distributeurs étrangers à élargir les combinaisons de sortie (tirage de copies, sous titrage et doublage, spots publicitaires à la télévision...).

· L'ADEF est une association à but non lucratif, créée en mars 1999 par les professionnels pour rassembler les sociétés françaises d'exportation de films de long métrage, reconnue par le CNC et le ministère des affaires étrangères. Avec cette année dix-neuf sociétés membres, l'association représente 99 % de l'exportation française de films.

Alors qu'Unifrance a été créée pour assurer la promotion du cinéma français dans le monde, l'ADEF est principalement axée sur la commercialisation des films à l'étranger. Elle travaille en osmose avec le ministère des affaires étrangères et Unifrance pour assurer la commercialisation des films dans tous les territoires, aussi bien européens qu'extra européens.

Son objectif est de commercialiser et de placer les films français et européens dans le plus grand nombre de territoires, de développer de nouveaux marchés, consolider et de trouver de nouveaux espaces dans les marchés existants.

L'ADEF a mené à bien, selon le cahier des charges établi en accord avec le CNC :

- la rédaction d'un nouveau formulaire-type de mandat de distribution des films, avec l'aide d'un cabinet juridique,

- la mise en place avec UNIFRANCE d'une banque de données marketing internationales sur le site www.unifrance.org.

- la mise en place de liens avec la COFACE, qui reconnaît dorénavant l'activité des exportateurs et leur propose une assurance-crédit pour les contrats de distribution ainsi qu'une assurance-prospection des marchés internationaux.

2. ...globalement performants pour l'accompagnement du marché...

Le coût de fabrication d'un film est aujourd'hui à peu près le même partout et peut difficilement être réduit, car il s'agit d'un processus bien plus artisanal qu'industriel. La seule variable d'ajustement des recettes réside dans ce que l'on appelle le prix des « talents », c'est-à-dire les cachets des acteurs, des scénaristes et des réalisateurs. Cet élément vaut d'ailleurs aussi pour le cinéma américain, dans lequel les salaires des stars varient en fonction des chiffres d'affaires réalisés par les films. Plus ceux-ci ont du succès, notamment à l'étranger et plus les stars, les « talents » sont chers.

Les recettes sont en revanche relativement proportionnelles au bassin de population auquel on s'adresse. En règle générale, on considère qu'il est très difficile de construire un marché du cinéma en équilibre spontané en dessous d'un marché potentiel de 100 millions de personnes. Aucun pays européen ne peut donc aujourd'hui y parvenir seul.

Il existe a priori deux solutions pour remédier à ce problème : soit abandonner toute idée de marché et opter pour un cinéma totalement subventionné, soit tenter de fonctionner comme un marché en corrigeant ou soutenant les mécanismes à la marge.

La France a fait ce deuxième choix : son économie cinématographique fonctionne comme un marché dont les effets vertueux sont amplifiés (aides automatiques du compte de soutien, obligations de production des chaînes de télévision) et les effets pervers corrigés (avance sur recettes, aide sélective du compte de soutien). Plus le fonctionnement du secteur cinématographique est proche de celui d'un marché, plus les films sont proches de leur public.

Le pluralisme et la diversité sont indispensable au secteur du cinéma. Ce n'est pas une question de logique économique, mais simplement la logique de la vie. Le mouvement naturel des marchés étant de tendre vers la concentration, les pouvoirs publics ne peuvent pas rester extérieurs au système et refuser d'intervenir. Si le secteur du cinéma a été mieux préservé en France que dans les autres pays européens, ce n'est parce que les Français sont plus cinéphiles que les Italiens ou les Allemands, mais bien parce que les pouvoirs publics n'ont pas laissé faire.

Le compte de soutien a bien fonctionné jusqu'à présent parce que tout le monde y contribue et en tire avantage mais également parce que des correctifs réglementaires interviennent pour garantir la diversité et la survie de tous les acteurs du secteur, y compris de ceux qui ne trouveraient pas à se financer naturellement sur le marché. Les obligations spécifiques en matière de diversité et de quotas d'oeuvres indépendantes prévues pour les diffuseurs (et tout particulièrement pour Canal Plus) relèvent de cette logique.

3. ...mais fragiles et critiqués

a) L'omniprésence des télévisions : une menace à moyen terme

Selon le CNC, les investissements dans la production cinématographique se sont élevés à 810 millions d'euros (5,3 milliards de francs) en 2000, dont 670 millions d'euros (4,364 milliards de francs) pour les investissements français.

- Financement de la production cinématographique française en 2000 -

Apports des producteurs français

31,9 %

Chaînes de télévision (en clair et cryptées)

40,2 %

dont  - pré-achats

31,2 %

- coproductions

9 %

A valoir distributeurs France

5,5 %

Apports étrangers

6,5 %

Compte de soutien

10,2 %

dont : - soutien automatique

6,6 %

- soutien sélectif

3,6 %

SOFICA

5,7 %

Source : CNC

Sur ce montant, la part prise par les télévisions est considérable et en croissance régulière.

Ainsi, pour les chaînes en clair, si l'on additionne les sommes consacrées au cinéma au titre de l'obligation d'investissement (soit, en 2000, 3 % de leur chiffre d'affaires en pré-achat ou en part coproduction) et leur contribution à la première section du compte de soutien, on arrive à un total d'environ 150 millions d'euros (1 milliard de francs), soit 19 % du financement du cinéma français.

Le tableau ci-après détaille ce financement chaîne par chaîne ; les chiffres concernent les films agréés par le CNC.

- Contribution des chaînes hertziennes en clair au financement du cinéma en 2000 -

en millions d'euros

 

nombre de films

Pré-achats

Coproductions

Total des apports

Versement au Compte de soutien Cinéma2

TOTAL

TF 1

20

28,74

7,03

35,76

25,12

60,89

France 2

33

14,51

9,42

23,92

15,32

39,24

France 3

16

7,47

5,64

13,11

15,52

28,63

ARTE

22

2,97

4,10

7,07

3,08

10,15

M6

9

3,84

1,78

5,63

8,14

13,77

TOTAL

95 1

57,52

27,96

85,48

67,18

152,66

Source : CNC

1 Cinq films ont été financés simultanément par deux chaînes en clair

2 Part de la taxe sur les services de télévision (frais DGI de 1,5% déduits) consacrée à la section cinéma du compte de soutien. La clef de répartition du produit de la taxe entre les deux sections cinéma et audiovisuel est, depuis le 1er janvier 1999, de 36 % pour le cinéma et 64 % pour l'audiovisuel.

Canal Plus consacre quant à elle, comme on l'a vu, 20 % de son chiffre d'affaires au pré-achat de films (acquisition de droits de diffusion), auxquels s'ajoutent une « prime pour le succès en salle » (0,5 % du chiffre d'affaires), 12,20 millions d'euros (80 millions de francs) par an pour l'aide à la modernisation des salles de cinéma et, depuis l'année 2000, un soutien de 6,10 millions d'euros (40 millions de francs) par an à la production indépendante. Canal Plus contribue également au compte de soutien.

En revanche, son activité de producteur, à travers StudioCanal France, vient en complément et ne correspond pas à une obligation. StudioCanal France pratique également l'aide à l'écriture et au développement des films : 6,56 millions d'euros (43 millions de francs) ont été mobilisés à ce titre en 2000.

Au total, le groupe Canal Plus a consacré plus de 215 millions d'euros (1,4 milliard de francs) au cinéma en 2000, soit 27 % de l'ensemble des investissements réalisés, selon la répartition suivante :

- Pré-achat d'oeuvres : 145,50 M€ (954,4 MF) (115 oeuvres)

- Studio Canal France : 42,35 M€ (277,8 MF) (24 films)

- Compte de soutien : 28,92 M€ (189,7 MF)

TOTAL 216,77 M€ (1 421,9 MF)

L'ensemble des chaînes hertziennes a donc assuré 45 % (plus de 370 millions d'euros - 2,4 milliards de francs - sur 810 millions d'euros
- 5,3 milliards de francs -) du financement du cinéma français en 2000.

Faute de données chiffrées suffisamment précises, ce chiffrage ne tient pas compte des mandats vidéo et de distribution que les filiales des diffuseurs peuvent obtenir et qui entrent dans le plan de financement d'un film.

De plus, il faut aujourd'hui prendre en compte les investissements réalisés dans le cinéma par les chaînes thématiques, et tout particulièrement les chaînes cinéma des bouquets câble et satellite. Ainsi, la participation de TPS Cinéma au financement de la production s'est élevée à 17,4 millions d'euros (114 millions de francs) en 2000, pour 19 films ; elle a donc doublé depuis la création du bouquet en 1997.

Depuis une trentaine d'années, le financement du cinéma a donc en grande partie été placé entre les mains des télévisions. Si les premières années se sont bien déroulées, notamment parce que les chaînes avaient créé des filiales cinéma chargées de l'achat des droits, ce qui permettait d'identifier clairement les activités, cet équilibre a été rompu par une tendance à la concentration verticale des activités qui conduit de plus en plus les chaînes à produire pour elles-mêmes.

Les diffuseurs audiovisuels ont adjoint à leur activité de client du cinéma celles de producteur et de distributeur. Ils sont désormais plus exigeants et souhaitent obtenir un retour sur les investissements réalisés dans l'achat de films. Auparavant, les obligations de production étaient vécues par les chaînes de télévision (et tout particulièrement par Canal Plus) comme une contrainte sans marge de manoeuvre possible ; de leur côté, les producteurs estimaient que les chaînes étaient mal placées pour juger d'un film, les critères de succès en salles étant assez différents de ceux valables à la télévision. Désormais, avec la multiplication des supports de diffusion et donc la hausse de la concurrence, les chaînes se reconnaissent le droit de choisir les films qu'elles financent.

Cette évolution ne pousse pas à la maîtrise des coûts, car les diffuseurs sont prêts à payer des sommes importantes pour attirer des vedettes, qu'il s'agisse du réalisateur ou des acteurs. Les conséquences ne sont pas anodines : les budgets, souvent tirés à la hausse, sont bouclés au détriment des dépenses techniques et les producteurs indépendants ne peuvent plus assumer la rémunération des talents. Ainsi, selon une distributrice indépendante, « La création de TPS en tant que « premier passage crypté » n'a pas amené d'alternative véritable à la vente de films d'auteurs. (...) La création de TPS a surtout contribué à augmenter les coûts d'achat des très gros projets. »5

De plus, les diffuseurs sont tentés de se faire plus sélectifs dans leur choix des films et de privilégier des oeuvres formatées correspondant aux besoins de l'antenne et de l'audience. La situation devient donc particulièrement complexe pour les producteurs indépendants, car ils se retrouvent dans une situation paradoxale où ils ne peuvent pas produire sans l'argent de la télévision, mais doivent en même temps chercher à en faire l'usage le moins télévisuel possible. La préservation de leur « état » d'indépendant est à ce prix.

La question du poids des télévisions dans le financement du cinéma français a bien évidemment été réactivée par les interrogations sur l'avenir de Canal Plus, pilier central de l'édifice, au sein du groupe Vivendi Universal.

L'accentuation du tropisme américain du groupe Vivendi depuis sa fusion avec Seagram n'est pas sans inquiéter, et ce ne sont ni les déclarations contre l'exception culturelle de son président ni les demandes réitérées des dirigeants du groupe Canal Plus de voir les obligations de la chaîne en matière de cinéma révisées à la baisse en 2004 qui vont pouvoir apaiser les craintes tant des professionnels que des politiques.

Bien entendu, les responsables de la chaîne se veulent rassurants. La production de films européens est aujourd'hui affichée comme un des métiers clé du groupe et correspond à « un objectif stratégique financé ». Le groupe Canal Plus est en effet propriétaire d'un certain nombre de chaînes de télévision à péage dans différents pays européens, qui ont toutes besoin de films pour alimenter leur grille. Considérant que les téléspectateurs attendent autre chose qu'une programmation massive de films américains, il semble logique que le groupe maintienne une activité de production de films européens, d'ou le développement de Studio Canal non seulement en France, mais également en Espagne, en Italie ou en Pologne.

Mais qu'en est-il réellement ? Qu'il le veuille ou non, le groupe Canal Plus est aujourd'hui embarqué sur un navire bien plus gros que lui, où le gouvernail est partiellement tenu par des Américains et le cap clairement mis sur des objectifs de rentabilité toujours croissante. Jusqu'à quand le deuxième groupe de communication mondial trouvera-t-il un intérêt à conserver une activité qui, du fait de contraintes légales et conventionnelles, ne « rapporte » pas ce qu'il devrait... c'est à dire toujours plus ?

b) Un système opaque... pour le plus grand confort des initiés ?

Pour certains professionnels, le fonds de soutien, dans son principe et son application originelle, était très pertinent. Mais ce système d'architecture à l'origine « romane » a évolué vers un « gothique » un peu trop flamboyant. D'année en année, il est devenu plus complexe, son caractère redistributif s'est accentué et il a perdu de son efficacité pour devenir de plus en plus un instrument à finalité sociale, pour ne pas dire corporatiste ou clientéliste.

La critique est connue et récurrente : du fait de son financement extrêmement sécurisé, le cinéma français s'est éloigné des goûts du public. L'absence totale de prise de risque économique conduit le producteur à se faire plaisir avant de s'interroger sur les chances de succès de son film, tant en France qu'à l'étranger. Tout le risque financier a été reporté sur les diffuseurs alors que la part de création n'est plus aujourd'hui regardée comme un élément déterminant de cette prise de risque.

Néanmoins, il convient de rappeler que le système de soutien au cinéma français demeure largement fondé sur le principe de la prime au succès. Pour que les aides automatiques du CNC fonctionnent (elles représentent, rappelons-le, près de deux tiers des aides accordées au cinéma en 2000), il faut que le film fasse des entrées. Quant aux obligations des chaînes, celles-ci financent en priorité ce qu'elles pensent pouvoir programmer en « prime time ». Il est donc inexact de dire que le système exonère les producteurs de toute prise de risque et que ces derniers sont totalement déconnectés du marché.

Par ailleurs, le procès de la complexité est assez largement un faux procès : la complexité n'est pas un obstacle à l'action. C'est au contraire la compréhension de la complexité d'un problème qui seule permet d'action... même si la réponse apportée ne peut, par nature, être d'une absolue simplicité.

Pour autant, le compte de soutien recèle en effet plusieurs effets pervers.

D'un point de vue strictement économique et structurel, on peut ainsi considérer que le dispositif de soutien au cinéma français n'est pas une totale réussite. En effet, s'il a permis d'assurer un flux continu de productions et de préserver un véritable terreau d'entreprises et de savoir-faire, il n'a pas entraîné la construction d'une véritable industrie audiovisuelle et cinématographique. Globalement, une production n'assure pas la couverture des frais de structure de la société de production : celle-ci se trouve donc prise dans un système de cavalerie financière qui fait que seule une nouvelle production peut permettre de continuer à exister. De même, les distributeurs indépendants sont de moins en moins nombreux et doivent soit se rapprocher des grands groupes soit s'engager dans des activités de production s'ils souhaitent survivre.

D'aucuns considèrent par ailleurs qu'il existe désormais en France un cinéma à deux vitesses. Quelques grandes productions, fortement soutenues par les diffuseurs, sont facilement financées sans négociation sur les cachets les plus importants ; elles voisinent avec de plus en plus de films dont les budgets ne dépassent pas les 2 millions d'euros et doivent économiser sur tout, et notamment sur les salaires des techniciens et les investissements techniques.

Or, loin d'équilibrer ce phénomène de fracture, les mécanismes du compte de soutien risquent bien de l'amplifier. Le fort succès des films français en 2001 a ainsi eu pour conséquence de gonfler le montant des « droits de tirage » pour les producteurs de films à succès (aide automatique), au détriment des crédits consacrés à l'aide sélective et donc destinés à des producteurs moins chanceux.

La baisse du taux de retour du soutien automatique vers les producteurs de 140 % à 120 % de la TSA générée par les recettes réalisées en salles qui a été décidée pour 2002 ne suffira pas à empêcher le gel de l'ensemble des aides sélectives, les crédits disponibles étant en baisse en raison d'une contraction des recettes en provenance des diffuseurs, due à l'effondrement du marché publicitaire en 2001 et d'un moindre rapport de la TSA sur les entrées de films étrangers.

Le compte de soutien ne peut donc pas aujourd'hui tout régler et n'est pas exempt, malgré sa sophistication, d'effet pervers. Au-delà de son adaptation et, si possible, de sa simplification, il faut donc envisager de dégager d'autres sources de financement.

II.- LE CINÉMA EN EUROPE : LE TEMPS DE LA PRISE DE CONSCIENCE

Durant son année de travail, la mission d'information s'est rendue dans les quatre grands pays de cinéma en Europe (Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni) où ses membres ont rencontré des professionnels et les responsables des institutions intervenant dans le domaine du cinéma. Elle s'est également rendue à Bruxelles pour faire le point sur la position de la Commission européenne. Les programmes de ces déplacements sont présentés en annexe.

La présentation qui suit est donc logiquement centrée sur les systèmes publics de soutien mis en place dans ces quatre pays. Bien évidemment, d'autres pays européens disposent d'une cinématographie, plus modeste mais néanmoins réelle (comme par exemple dans les pays scandinaves), et mettent en oeuvre des dispositifs de subvention qui permettent la production de plusieurs films par an.

La mission a néanmoins choisi de s'en tenir aux Etats membres dans lesquels subsiste, même s'il est parfois en mauvais état, un « quasi-marché » du cinéma.

A. LES CINÉMAS EUROPÉENS DANS L'ESPOIR D'UNE RELANCE

1. Une reprise généralisée pour les cinémas nationaux

Le phénomène actuel de restauration du cinéma national est européen : partout, les parts de marché sont en hausse, même si elles partent parfois d'un niveau très bas. La tendance est cependant encore assez fragile et il ne faudrait pas que l'élan qui a été donné par la hausse de la fréquentation soit brisé par les blocages du marché ou de la production.

On ne peut cependant que constater une forte différence de niveau entre la situation française (nombre de films produits, nombre d'entrées, part de marché) et celle des autres pays européens.

La production cinématographique dans les autres pays européens demeure globalement moins dynamique, y compris pour une année 2001, pourtant partout reconnue comme excellente. Les parts de marché du cinéma national étant peu importantes, il suffit d'un succès pour gonfler les chiffres. Seuls les pays scandinaves parviennent à dépasser les 20 % de parts de marché avec une très petite production. Il ne faut par ailleurs pas oublier que de très nombreux films britanniques sont en fait américains, ce qui rend très difficile une estimation correcte de la part de marché des films nationaux.

- Résultats comparés des années 2000 et 2001 -

 

Allemagne

Espagne

France

Italie

Royaume Uni

 

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

Nombre de films produits*

75

83

98

117

171

200

103

103

98

100

Nombre d'entrées (en millions)

152,5

177,9

135,4

133

165,9

185

97,8

107

142,5

155,9

Part de marché des films nationaux

12,5

18,4

10,0

18,2

28,2

41

17,5

19,4

21**

15**

(source : MEDIA Salles 2001)

* coproductions incluses

** Y compris productions américaines tournée en Grande Bretagne.

· En Allemagne :

La fréquentation et le chiffre d'affaires générés par l'industrie cinématographique allemande et française sont comparables. Cependant, si l'on rapporte cette similitude à la population des deux pays et à l'origine des films distribués, la différence de situation apparaît nettement : le taux de fréquentation est deux fois plus élevé en France qu'en Allemagne, la France distribue deux fois plus de films nationaux et possède tous cinémas confondus près de 20 % de fauteuils de plus que l'Allemagne mais deux fois moins de multiplexes.

La part de marché des films allemands est extrêmement variable selon les années (16,7 % en 1997, 9,5 % en 1998, 14 % en 1999, 11,6 % en 2000), mais il faut savoir que, pour un film allemand, trois millions d'entrées est un excellent résultat. Pendant très longtemps, les spectateurs allemands n'avaient pas le choix : seuls des films américains leur étaient proposés. Aujourd'hui, la production allemande se relève et les films européens connaissent une meilleure distribution mais rien n'est fait pour contrer les grosses productions américaines.

La place du cinéma américain reste donc prédominante, avec une part de marché avoisinant les 80 % (81,2 % en l'an 2000). Le cinéma européen non allemand occupe une part de marché qui oscille entre 6 et 10 % selon les années, le cinéma français occupant classiquement la quatrième place au box office, après le cinéma britannique qui comprend chaque année plusieurs coproductions américaines majoritaires.

La production cinématographique allemande atteint 80 à 100 films par an. Le budget moyen d'un film est de 1,5 millions d'euros, soit quatre fois moins qu'en France. Il s'agit, la plupart du temps, de films ayant une faible capacité d'exportation.

Le ministère fédéral de la culture tente depuis quelques années de donner une nouvelle impulsion au cinéma allemand, alors même que toute action lui est difficile puisque la culture relève constitutionnellement des compétences des Länder. En 1999, une conférence intitulée le « pacte pour le film » a réuni l'ensemble des professionnels du cinéma, des représentants du secteur audiovisuel et des personnalités politiques engagées dans le cinéma afin de manifester l'intérêt du gouvernement fédéral pour le cinéma allemand et de poser les bases d'une coopération future plus efficace entre les différents partenaires, et notamment entre les Länder et le gouvernement fédéral.

En novembre 2001, le ministre de la culture, M. Nida-Rümelin a présenté un document de quarante pages en avant-projet de la discussion sur le renouvellement de la loi de soutien à l'industrie cinématographique. Il a, à plusieurs reprises, déclaré que l'Allemagne devait se réapproprier le cinéma comme un bien culturel et s'inspirer du modèle français dans lequel le cinéma jouit d'un statut particulier. Lentement cette thèse semble gagner des adeptes, bénéficiant aussi de la très bonne année du cinéma français en France et dans le monde.

Après une année 2000 plutôt moyenne, les résultats de l'année 2001 sont, comme ailleurs, relativement positifs. Le nombre de productions atteint 83 films (75 en 2000) et leur part de marché s'est établie à 18,4 %, contre 12,5 % en 2000. La fréquentation devrait atteindre 177,9 millions d'entrées, contre 152,5 millions en 2000. La croissance de la fréquentation est donc de 16,7 %, soit plus qu'en France (+ 11,4 %), au Royaume-Uni (9,5 %), ou aux Etats-Unis (+ 8 %).

· En Italie

Après avoir traversé une longue crise qui aura duré plus de vingt ans, le cinéma italien profite aujourd'hui du climat de renaissance culturelle qui règne en Italie depuis quelques années. Si cette renaissance n'est pas directement liée à l'arrivée au pouvoir de la coalition de l'Olivier, celle-ci a néanmoins attaché beaucoup d'importance à la définition d'une politique du cinéma (notamment par la création d'une direction du cinéma au ministère des affaires culturelles) et il est indéniable que le renforcement des politiques d'aide a permis de soutenir plus systématiquement la production dans ce secteur.

La création d'obligations de production et de diffusion pour les chaînes de télévision nationales par la loi du 30 avril 1998 a également contribué à la mise en place de cet environnement favorable. Les diffuseurs nationaux doivent désormais investir au moins 10 % de leurs recettes publicitaires annuelles dans l'achat ou la production de programmes européens ; à l'intérieur de ce quota, 40 % seront réservés à l'achat ou à la production de films de cinéma. Pour les diffuseurs publics, ce quota a été calculé en fonction de la redevance perçue et, pour 1999, ne pouvait pas être inférieur à 20 % de celle-ci.

La pérennité de cette politique d'intervention dépend désormais des orientations retenues par le nouveau gouvernement de M. Berlusconi, issu des élections de mai 2001.

La sortie de la crise, qui se traduit par une remontée des parts de marché du cinéma italien et du nombre des entrées, s'explique structurellement tout à la fois par la réapparition de films de bonne qualité, basés sur des scénarios jouant plus sur les émotions, mais également par une meilleure promotion des films italiens. Rappelons néanmoins que, dans les années cinquante, les entrées se chiffraient à 800 millions par an (contre moins de 100 millions aujourd'hui) et le nombre des écrans s'élevait à 12 000 (contre environ 4 000 aujourd'hui) !

De l'avis des interlocuteurs italiens de la mission d'information, le cinéma italien souffre d'une concentration excessive des acteurs : ce sont les mêmes sociétés qui produisent, distribuent et sont propriétaires des salles. En conséquence, de nombreux films ne parviennent pas à être exposés, les rares distributeurs indépendants n'étant pas suffisamment puissants pour imposer leur volonté aux exploitants. La précédente majorité a bien essayer de faire passer une loi anti-trust mais celle-ci n'a jamais pu être adoptée.

Après une mauvaise année 2000, les résultats de l'année 2001 sont, comme en France, plutôt positifs. Si le nombre de productions italiennes est identique à celui de 2000 (103 films), leur part de marché s'est établie à 19,4 %, contre 17,5 % en 2000 et la fréquentation devrait atteindre 107 millions d'entrées. La part de marché des films américains s'établit à 59,7 %, en nette baisse par rapport à 2000 (69,5 %), ce résultat devant cependant être relativisé par le bon résultat des films anglais, qui se placent en troisième position avec 10,4 % de part de marché (contre 3,3 % en 2000). Les films français, au quatrième rang du « box office », conservent une part de marché de 6 %.

En 2001, les investissements de capitaux italiens dans la production ont atteint 182 millions d'euros, contre 173 millions d'euros en 2000 (+ 5,25 %) ; le coût moyen d'un film est de 2,4 millions d'euros.

· En Espagne

L'industrie cinématographique espagnole est entrée au début des années 1990 dans une nouvelle phase de croissance. En effet, à la mort de Franco, le public espagnol s'est précipité dans les salles pour voir les films qui n'entraient pas jusque là sur le territoire. Puis la « Movida » au début des années 1980 a été le berceau d'une nouvelle créativité, permettant l'apparition d'un art cinématographique fortement inspiré par la culture et la société espagnoles.

Sur le plan de l'économie cinématographique, le renouveau s'est traduit par une augmentation des entrées en salles et du nombre de films produits. Entre 1992 et l'an 2001, le nombre total de spectateurs est passé de 87 millions à 133 millions, et dans le même temps la part de marché du cinéma espagnol sur son propre territoire est passée de 10 % à 18 % (résultat toutefois instable selon les années). La place du cinéma américain reste prédominante, avec une part de marché oscillant entre 65 % et 80 % sur la période (81,8 % en 2000 mais 63,8 % seulement en 2001). Le cinéma français revient sur le devant de la scène espagnole avec une part de marché qui est passée de 0,8 % à 3,3 % entre 1998 et l'an 2001, se plaçant ainsi en quatrième position (Le Royaume-Uni, comme dans les autres pays européens, se situe en troisième position grâce aux coproductions américaines). Le secteur de la production cinématographique est également en pleine expansion puisque 117 films ont été produits en 2001 contre 97 en 1999 et... 48 en 1989.

La croissance de la fréquentation des cinémas espagnols a été accompagnée d'une véritable réforme du parc de salles. Le marché de l'exploitation était atomisé entre une multitude d'exploitants locaux « historiques ». Les grands groupes ont eu du mal à s'implanter mais le nombre de cinémas est passé de 1 500 à 1 000 entre 1998 et le début de l'année 2001, alors que le nombre d'écrans passait de 2 900 à 3 500. L'apparition de multiplexes est l'élément clef de ce nouveau mode de consommation cinématographique. Leur développement a été très rapide et s'est fait sans aucune règle.

L'apparition de la télévision dans le financement de la production cinématographique est un phénomène récent (fin des années 1980). Aujourd'hui la part de la télévision dans le financement des films de cinéma est de 45 % : elle en est donc le premier financeur. Comme en France, l'implantation du groupe Canal Plus en Espagne a été l'un des éléments fondamentaux de ce changement.

La loi sur le cinéma adoptée en juillet 2001 a fixé aux chaînes de télévision une obligation d'investissement de 5 % de leur chiffre d'affaires dans les films de cinéma ou de fiction audiovisuelle (obligation appliquée en pratique depuis 1999). Tous les diffuseurs ont donc décidé de créer leurs propres sociétés de production, ce qui n'est pas très favorable à la production indépendante. Cette nouvelle obligation devraient apporter environ 120 millions d'euros supplémentaires à la production cinématographique et audiovisuelle, ce qui n'est pas négligeable vu le montant total du marché de la production cinématographique en Espagne, qui s'élève à 200 millions d'euros. Cependant, il faut bien noter que la ressource sera partagée entre les productions audiovisuelles et cinématographiques.

De l'avis même des professionnels, le cinéma espagnol se porte bien du point de vue de la création mais demeure très fragile en ce qui concerne sa dimension industrielle. La nouvelle loi de soutien au cinéma votée en juillet 2001 s'inscrit dans ce contexte et tente de créer les conditions d'un équilibre entre producteurs indépendants et sociétés puissantes.

· Au Royaume-Uni

La situation du marché cinématographique au Royaume-Uni n'a pas grand chose de commun avec celle observée dans les autres pays européens visités par la mission d'information en raison de la très forte proximité avec le cinéma américain. Il existe en pratique deux industries parallèles, une industrie de service aux studios américains qui viennent tourner et post-produire leurs films au Royaume-Uni pour des raisons essentiellement financière, et une industrie de production de films nationaux, qui n'est pas spécifiquement encouragée ou soutenue par les pouvoirs publics. Ces deux industries coexistent sans difficulté, chacun s'accordant à reconnaître que, sans les investissements américains, toutes les infrastructures, tous les savoir-faire et tous les talents en matière de cinéma auraient disparu depuis de nombreuses années du Royaume-Uni.

L'industrie de la production est donc objectivement en bonne santé ; les productions américaines rapportent 400 millions de livres sterling par an (près de 600 millions d'euros) et une centaine de films britanniques sont produits chaque année. Notons néanmoins que, pour obtenir la qualification de film britannique, il suffit que 70 % du budget du film soit dépensé au Royaume-Uni : il peut donc tout à fait s'agir de films « made en England » mais « produced by Hollywood »...

Le problème réside plus dans la distribution des films anglais : en effet, sur les cent films produits, seuls soixante sont distribués en salle. Sur les quarante restant, dix sont en moyenne achetés par des distributeurs mais ne sortent pas en salle, dix passent directement en vidéo ou à la télévision et vingt... restent dans les boîtes de bobines !

Le cinéma américain est donc fortement dominant, avec une part de marché avoisinant les 80 % (81,2 % en l'an 2000). Il faut attendre le cent-quatrième rang du « box office » pour voir apparaître le premier film britannique ! Quant au cinéma européen non britannique, il occupe une place minime (entre 1 et 2 %), le cinéma français réalisant une part de marché d'environ 0,3 % !

La plupart des personnes rencontrées a déploré le manque de structuration industrielle du secteur du cinéma. Il n'existe aucune société intégrée, fortement capitalisée comme cela est le cas en France. Depuis dix ans, l'industrie cinématographique britannique s'est concentrée sur la production et s'est limitée au marché national. En conséquence, elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour maîtriser la distribution des films et ne sait pas générer de nouveaux talents et les utiliser pour donner une dimension internationale aux productions nationales.

Contrairement aux autres pays européens, les télévisions jouent un rôle peu important dans le financement du cinéma (leur part dans le financement d'un film est compris entre 7 et 12 %). Elles n'ont bien entendu aucune obligation en matière de production et seul un quota de diffusion de 25 % de productions indépendantes est imposé, depuis 1990, aux chaînes hertziennes. Seule Channel Four (équivalente, pour sa programmation, à une Canal Plus en clair), assure depuis vingt ans, en vertu de son cahier des charges, un véritable soutien à la production britannique.

De façon générale et un peu schématique, on peut dire que la notion d'industrie culturelle, avec ses spécificités et son nécessaire accompagnement public, n'existe pas au Royaume-Uni. Le cinéma est une industrie comme une autre, qui peut être tout à fait profitable si on lui donne les moyens d'attirer des investisseurs, qu'ils soient nationaux ou étrangers. L'idée que le cinéma puisse être un outil de défense de l'identité culturelle n'est pas présente. Pour le gouvernement britannique, le combat porte beaucoup plus sur le maintien d'un service public de la télévision et donc de la redevance que sur la défense du cinéma britannique contre l'omniprésence américaine. Le seul modèle jugé valable en matière de cinéma est le modèle hollywoodien : il n'est donc pas étonnant que les spectateurs britanniques ne sachent pas si le film qu'ils vont voir est anglais ou américain !

2. Des systèmes d'aides diversifiés

Des systèmes d'aide à l'industrie cinématographique existent dans la plupart des pays d'Europe. Les pays visités par la mission d'information ont tous réformé leur législation d'aide au cinéma durant les dernières années.

Seule l'Allemagne possède un système comparable au système français, où le financement des aides est assuré par les cotisations de l'industrie cinématographique. Ce soutien « fédéral » est cependant moins important que celui accordé par les Länder. En Italie et Espagne par contre, le financement des aides est assuré par le budget de l'Etat. Quant au Royaume-Uni, les aides sont assises sur les recettes de la Loterie Nationale. De façon générale, en termes de volume financier, les aides accordées sont globalement bien inférieures au niveau atteint en France par le compte de soutien.

Les systèmes d'aide mis en place dépendent également de l'organisation politique et de la tradition culturelle des différents pays. Ainsi, en Allemagne, la mise en place d'un système d'aide fédéral est très difficile à réaliser puisque, selon l'article 5 de la Constitution, la culture est une compétence qui revient aux Länder. Certains font beaucoup pour le cinéma, et notamment pour les salles et les équipements en centre ville, d'autres ne s'y intéressent pas. Il est donc difficile d'avoir dans ce pays une politique globale et cohérente de soutien.

Les différentes lois relatives à l'aide à la production cinématographique se distinguent nettement selon le degré de précision des réglementations mises en place. De plus, elles s'organisent autour de catégories d'aides qui diffèrent d'un pays à l'autre.

a) En Allemagne

Créée il y a 32 ans, la Film Förderungsanstalt (FFA), comme le CNC français, fonctionne sur le principe de la mutualisation : ce sont les cotisations de l'industrie cinématographique qui soutiennent... l'industrie cinématographique. Il n'y a quasiment pas d'intervention des finances publiques. Les aides sont uniquement destinées au cinéma et ont vocation à soutenir une production alternative aux films américains.

La Filmförderungsgesetz (la loi fédérale sur les aides publiques au cinéma - dite FFG) prévoit trois sortes d'aides : l'aide aux films de référence, l'aide aux films-projets (apparaissant plus loin sous le terme d'aide aux longs métrages) et enfin l'aide aux courts métrages. Ces aides ne sont pas réservées aux films allemands mais peuvent être accordées à tout producteur ayant un bureau en Allemagne. Le critère de nationalité est donc bien moins exigeant qu'en France.

· L'aide aux « films de référence »

Il s'agit de l'aide qui prend le plus en compte les critères économiques ; elle est accordée automatiquement. Cette aide est octroyée pour la production d'un long métrage dans la mesure où l'un des précédents films du producteur (le film de référence) a réalisé un minimum de 100 000 entrées l'année suivant sa première projection dans un cinéma allemand. Le fait qu'un film ait obtenu un prix permet de faire baisser le nombre d'entrées requises ou d'allonger la période prise en compte.

· L'aide aux longs métrages

L'aide aux longs métrages est principalement accordée sur des critères de qualité mais le potentiel de succès du film est également pris en considération. Le film ne peut cependant pas être totalement financé par l'aide publique : selon l'importance de la production, la dotation en capital et les productions antérieures, la participation du producteur doit représenter au moins 15 % du coût global.

Cette participation personnelle ne peut pas être financée par des fonds publics, mais elle peut comprendre soit des prestations effectives, soit l'apport de droits d'exploitation ou d'autres droits.

Dans la pratique, pour qu'un producteur puisse obtenir l'aide de la FFA (aide notamment financée par les contributions des diffuseurs), il doit obligatoirement conclure un contrat de diffusion ou de coproduction avec une chaîne de télévision. Il y a là un mécanisme pervers qui place les producteurs de films sous le contrôle des diffuseurs et limite considérablement les possibilités de production indépendante. La FFA souhaite revenir sur cette disposition.

· L'aide aux courts métrages

L'aide aux courts métrages est attribuée en récompense de la qualité du contenu d'un court métrage précédent, dont la « valeur particulière » a été reconnue par un prix décerné par l'Institut d'évaluation des films de Wiesbaden ou par un organisme analogue. Le montant de l'aide doit être utilisé dans un délai de deux ans pour la production de nouveaux courts métrages, de nouveaux films pour enfants ou adolescents ne remplissant pas intégralement un programme ou de nouveaux longs métrages.

· Montant de l'aide et remboursement

L'enveloppe de l'aide aux films de référence est limitée à environ 2 millions d'euros ; les moyens mis à disposition sont répartis entre les films pouvant prétendre à l'aide en fonction du nombre d'entrées réalisées. Le montant de l'aide pour un long métrage peut s'élever à 255 645 euros, voire un million d'euros lorsque l'évaluation globale du projet cinématographique et des coûts prévisionnels le justifient. Le montant de l'aide aux courts métrages est déterminé en fonction des moyens budgétaires disponibles, l'enveloppe étant ensuite répartie équitablement entre les films ayant droit à une telle aide.

Pour les trois programmes d'aide, l'octroi des aides financières dépend de leur bonne utilisation. De plus, le bénéficiaire de l'aide est tenu au remboursement si jamais il a fait de fausses déclarations ou s'il n'a pas respecté les critères et les conditions imposés. Enfin, le bénéficiaire d'une aide aux films de référence est obligé de rembourser le montant de l'aide lorsque celle-ci dépasse la moitié des coûts de production du nouveau film.

L'aide accordée dans le cadre de l'aide aux longs métrages se fait sous forme de prêt. Ce prêt doit être remboursé dès lors que les recettes, conséquentes à l'exploitation du film, représentent plus de 20 % du budget de production. L'obligation de remboursement est prescrite après un délai de cinq ans qui court à partir de la première projection du film.

· L'aide à l'écriture de scénarios

Outre l'aide à la production cinématographique, il existe une aide financière pour l'écriture de scénarios de longs métrages. Pour obtenir l'aide, le film doit contribuer à l'amélioration de la qualité et de la rentabilité des films allemands. L'aide accordée sous forme de subvention peut atteindre 51 129 euros, à quoi peut s'ajouter une aide supplémentaire allant jusqu'à 15 338 euros pour développer le scénario.

· Autres aides

La FFG prévoit une aide à la location et la distribution de films de long métrage qui peut atteindre 300 000 euros. Les autres mesures d'aide concernent l'amélioration des cinémas, des vidéothèques ainsi que la création de nouveaux cinémas et vidéothèques, la formation continue, la recherche, la rationalisation et l'innovation.

· Les aides des Länder

La majeure partie des aides au cinéma est, en Allemagne, distribuée par les Länder, constitutionnellement responsables de la politique culturelle.

Ces aides régionales sont toutes fondées sur des régimes et des critères différents, chaque Land privilégiant un aspect spécifique de la politique cinématographique. De plus, la subvention est souvent plafonnée en proportion du budget du film et soumise à des obligations d'investissement dans le Land. En effet, de façon générale, il s'agit plus de soutenir le développement de l'économie locale que la création cinématographique.

Ainsi, dans le Land de Berlin, le soutien à la production des films affiche une vocation économique. L'objectif est d'attirer le tournage ou la post-production du film dans le Land afin d'obtenir des recettes immédiates et de conforter la renommée des structures locales de production et des industries techniques. Le Land de Berlin soutient prioritairement les producteurs indépendants. Son objectif n'est pas de contribuer à l'émergence de grosses structures intégrées, de type « studios » ; le maintien d'un tissu de PME lui semble préférable. C'est un choix politique qui entraîne une moindre efficacité économique des aides, forcément plus éparpillées.

La diversité des fonds multiplie les chances d'obtenir un financement mais oblige parfois un producteur à répartir les activités de tournage et de post-production dans différentes régions. L'émiettement des aides entre les Länder est regardé en Allemagne comme une réalité déplorable. Il existe un « tourisme cinématographique » des productions qui délocalisent telle ou telle activité pour obtenir une subvention supplémentaire. Entre les Länder, il existe une véritable concurrence et la surenchère des aides ne contribue pas à l'efficacité de l'ensemble des sommes dépensées.

Les aides distribuées par la FFA sont coordonnées avec celles accordées par les Länder ; la transparence financière est totale puisque la FFA est chargée de centraliser toutes les informations sur les aides accordées au cinéma en Allemagne.

- Aides publiques au cinéma distribuées en Allemagne en 2000 -

Source des aides

montant en millions d'euros

FFA

72,95

Budget fédéral de la culture et des médias

13,58

Bavière

31,21

Nord-Westphalie

27,43

Berlin-Brandebourg

21,45

Hambourg

10,49

Bade-Wurtenberg

7,20

Centre Allemagne

14,21

TOTAL

dont Länder

187,86

60 %

Source : FFA

· Les fonds d'investissement

A côté des aides distribuées par la FFA et les Länder, il existe en Allemagne un système d'abri fiscal qui permet de bénéficier d'avantage fiscaux lorsque l'on acquiert des parts de fonds privés d'investissement dans le cinéma et l'audiovisuel. Toutefois, le champ d'investissement de ces fonds n'étant pas encadré, la quasi-totalité des capitaux récoltés (plus de 2 milliards d'euros prévus pour 2001) va financer le cinéma hollywoodien... C'est ce que les américains appellent les « stupid german funds » !

b) En Italie

L'aide publique à l'industrie cinématographique en Italie est principalement régie par la loi du 4 novembre 1965 sur la nouvelle organisation des aides cinématographiques, amendée et complétée par la loi du 1er mars 1994 sur les mesures d'urgence en faveur du cinéma.

Elle est directement financée par l'Etat, qui lui affecte une partie (18 %) du Fonds Unique pour les Spectacles (FUS), soumis à l'autorité du département des spectacles du ministère de la culture. Le FUS est géré par la section « crédit cinématographique et théâtral » de la Banque nationale du travail (BNL) qui, en application des directives du département des spectacles, délivre les prêts, les aides et autres subventions accordés en application de la loi.

· L'aide automatique

Les aides automatiques à un producteur sont générées à partir des recettes de ses films précédents. La prime sur les recettes reçue pour un long métrage (prélèvement de 13 % sur les recettes brutes réalisées en salle) doit être réinvestie dans de nouvelles productions après que les prêts à taux préférentiel accordés pour le film en question ont été remboursés (voir ci-après).

Par ailleurs, les longs métrages italiens qui obtiennent un avis favorable de la commission du crédit cinématographique (critère de nationalité) sont automatiquement admis au bénéfice du « Fonds d'intervention » et peuvent bénéficier d'un prêt à taux préférentiel. Ce prêt bancaire est attribué à tous les films qualifiés de « production nationale » et peut atteindre 70 % du devis établi pour le film. Ces avances doivent être intégralement remboursées.

· L'aide sélective aux longs métrages

Les longs métrages italiens qui remplissent certaines conditions techniques, culturelles, artistiques sont reconnus « film d'intérêt culturel national » par la commission consultative du cinéma et bénéficient, à ce titre, d'une aide, toujours délivrée sous forme de prêts à taux préférentiel mais cette fois garantis par l'Etat (« Fonds de garantie »).

Par ailleurs, les première et deuxième oeuvres d'un metteur en scène servant un dessein culturel et artistique avéré peuvent obtenir une dotation financière provenant d'un « Fonds spécial » prévu par la loi. Cette aide est réservée aux films à petit budget (moins de 1,3 millions d'euros).

Les prêts à taux préférentiel versés à partir du Fonds d'investissement et du Fonds spécial peuvent s'élever jusqu'à 90 % du devis du film. Ces avances doivent être remboursées grâce aux recettes du film en question. Si les recettes ne sont pas suffisantes, le remboursement des avances accordées peut être couvert par le Fonds de garantie jusqu'à hauteur de 70 % (dans le premier cas) voire de 90 % (dans le second cas).

· L'aide aux courts métrages

Les courts métrages présentant « un intérêt culturel national » sont également subventionnés. Les films doivent durer entre huit et vingt minutes, être tournés en adoptant un mode de narration et comprendre des dialogues.

Ces avances peuvent s'élever à 90 % du devis établi pour le film, jusqu'à un plafond de 51 645 euros versées à partir du Fonds spécial. Tout comme pour les longs métrages, le fonds de garantie couvre le remboursement des avances jusqu'à hauteur de 90 % dans le cas où les recettes réalisées par le film ne suffiraient pas. Les avances ne sont accordées qu'à dix films par semestre.

· Autres aides

Les longs métrages qui témoignent d'une haute qualité culturelle et artistique peuvent obtenir des « prix de qualité ». Pour cela, le producteur doit solliciter l'attribution d'une attestation, qui n'est décernée qu'à dix films par semestre. Des prix de qualité peuvent également récompenser les longs métrages présentant un haut niveau technique, culturel et artistique.

Outre la production de films, la distribution et la projection de films peuvent également bénéficier d'une aide. Ainsi, les prêts mentionnés ci-dessus sont aussi accessibles aux distributeurs et aux exploitants. Une quote-part du FUS est également attribuée à la promotion des activités cinématographiques en Italie et à l'étranger.

- Aides au cinéma italien distribuées en 1999 -

En millions d'euros

Type d'aides

Année 1999

Répartition en %

Financements assignés à la Banque nationale du travail (BNL)

« Fonds d'intervention »

32,6

34,6

« Fonds de garantie »

2,7

2,9

Aides financées directement par le Département des spectacles

Aide automatique sur les recettes

10,33

11,0

« Prix de qualité »

5,91

5,2

Aide du « Fonds spécial »

25,23

26,8

Cinecittà Holding*

15,9

16,8

Activité à l'étranger

2,6

2,7

TOTAL

94,27

100

* « Cinecittà Holding » est une société par actions à capital public qui bénéficie de financements de l'Etat pour ses activités d'intérêt général, du type cinémathèque, promotion, actions éducatives, etc...

c) En Espagne

Une nouvelle loi sur l'aide cinématographique et audiovisuelle a été adoptée en juillet 2001 ; cette loi vise à harmoniser et parachever la politique de promotion et d'aide à la production de programmes audiovisuel et intègre en son sein les dispositions de la directive « Télévision sans frontières ». Ce texte ne comprend cependant pas de modifications fondamentales concernant le système d'aide à la production, régi par le décret 1039/1997 du 27 juin 1997.

L'aide à la production peut soit être accordée de manière sélective sous forme d'aide financière, soit de manière automatique sous forme de primes. Le système d'aide espagnol n'est pas fondé sur des critères de nationalité ; seule la dimension européenne du film est prise en compte.

Il n'existe aucune obligation de remboursement tant que l'argent est utilisé à bon escient mais le système d'aide espagnol est original puisqu'un certain nombre d'entrées doit être atteint pour que l'aide soit effectivement accordée. Autrement dit, un film de deux millions d'euros pourra obtenir une subvention maximale de 600 000 euros mais à la stricte condition qu'il enregistre une recette minimale de 300 000 euros, sous peine de devoir rembourser la subvention avancée. Cette épée de Damoclès pour les producteurs vise à soutenir les films susceptibles d'être largement commercialisés aux dépens des films expérimentaux ou d'art et essai.

· L'aide sélective aux longs métrages

L'Institut cinématographique et de l'art audiovisuel (ICAA) octroie une aide sélective aux longs métrages des nouveaux réalisateurs et aux projets expérimentaux. Les premiers ou seconds films sont ainsi aidés, tout comme les films ayant une haute qualité culturelle et artistique. Outre sa valeur culturelle, l'aptitude d'un film à être subventionné est jugée selon son budget, son plan de financement et la solvabilité de son producteur.

Le montant de l'aide aux projets ne peut être supérieur à l'investissement du producteur et est plafonné à 300 000 euros par film. Le montant des moyens financiers à disposition et les conditions nécessaires pour solliciter ces moyens sont communiqués lors de la mise en concours précédant chaque attribution.

· L'aide automatique

La quasi-totalité des crédits d'aide est versée de façon automatique sous la forme de primes à l'amortissement. Si la prime est versée de manière complémentaire à l'aide aux longs métrages, elle s'élève à 15 % des recettes brutes réalisées lors des deux premières années d'exploitation dans les salles de cinéma espagnoles ; le montant maximum de cette prime est de 600 000 euros.

Si le film en question ne bénéficie pas de l'aide aux longs métrages, le producteur peut choisir entre une prime représentant 25 % des recettes brutes réalisées lors des deux premières années d'exploitation dans les salles de cinéma espagnoles ou une prime s'élevant à 33 % de ses investissements. Dans ce dernier cas, il doit cependant rembourser l'aide si les recettes sont inférieures à 300 000 euros.

Les sommes accumulées grâce aux aides générales et complémentaires ne peuvent ni représenter plus de 75 % des investissements du producteur, ni s'élever à plus de 50 % du coût global du film et ne doivent en aucun cas dépasser 600 000 euros.

· L'aide aux courts métrages

Pour les courts métrages, l'aide sélective dépend des caractéristiques et du dessein du film, de la qualité et de la valeur artistique de son scénario, de son budget, notamment de son coût global et du plan de financement. L'aide financière est possible jusqu'à concurrence d'un montant plafond fixé pour chaque année.

Pour les courts métrages qui ont déjà été tournés, les producteurs peuvent également recevoir une aide à la production allant jusqu'à 75 % de leurs investissements de production. Dans les deux cas, le montant de l'aide est limité en fonction du coût global de la production et par un plafond de 60 100 euros.

· L'aide à l'écriture de scénarios et autres aides

L'ICAA octroie d'autres aides financières telles que l'aide à l'élaboration des scénarios, à la location des films, à la promotion des films dans les festivals, à l'organisation des festivals et l'aide à la conservation des films.

Au total, l'ensemble des aides au cinéma espagnol accordées par l'ICAA s'est élevé à 31,62 millions d'euros en 1999. Parmi ces aides, 29,26 millions d'euros étaient destinés à la production de longs métrages. L'aide automatique à l'amortissement a représenté 26,07 millions d'euros, soit 89 % des aides.

d) Au Royaume-Uni

L'aide cinématographique est gérée par un organisme unique, le Film Council (Conseil cinématographique), créé le 1er avril 2000 et assurant désormais les responsabilités auparavant exercées par différents conseils et organisations. Il est le redistributeur du soutien du ministère de la culture, des médias et du sport en matière de cinéma et dispose de ressources provenant pour moitié de la loterie nationale et pour moitié du budget de l'Etat. Il a pour mission de promouvoir tout à la fois les activités culturelles et les activités commerciales.

Le budget du Film Council s'élève à environ 60 millions de livres sterling, soit 90 millions d'euros en 2001, ce qui correspond à 3,8 % du chiffre d'affaires du cinéma au Royaume-Uni (exploitation, ventes et locations de vidéos confondues).

La logique retenue par le système britannique n'est pas celle d'un compte de soutien mais celle d'une redistribution des ressources. La création du Film Council s'est accompagnée d'une réorganisation du système d'aide et de son mode d'alimentation (à enveloppe relativement constante) mais celui-ci se trouve encore aujourd'hui dans une situation transitoire, puisqu'il doit gérer et financer de aides existant avant sa création (subvention aux activités éducatives du British Film Institute, promotion des investissements étrangers et soutien aux trois franchises de production cinématographique - cf. ci-dessous -).

Seuls les projets qui remplissent entièrement ou en partie les conditions nécessaires pour pouvoir être catégorisés comme film anglais (selon la loi cinématographique modifiée de 1985), ou y être assimilés ont le droit de bénéficier d'une aide : concrètement, cela signifie que 70 % des dépenses réalisées sur un film doivent être effectuées au Royaume-Uni.

· L'aide aux films « grand public »

Le « Premiere Fund » subventionne la production de longs métrages présentant tout à la fois un contenu créatif avéré et un potentiel de téléspectateurs conséquent. Seuls les meilleurs projets cinématographiques sont choisis. Le projet de film doit être présenté avec un plan complet de financement, une stratégie de diffusion économiquement viable et une garantie de bonne fin. En pratique, ce fonds permet de soutenir la production de films grand public. Le Film Council s'est donné pour objectif de financer chaque année douze longs métrages populaires à l'image de Quatre mariages et un enterrement.

A cette nouvelle aide, s'ajoute pour le moment le financement des trois franchises de production cinématographique : en 1997, le « Arts Council of England » avait en effet attribué à trois entreprises privées, pour une période de six ans, des sommes provenant des gains de la loterie pour la production de plusieurs films.

· L'aide aux nouveaux talents et aux films d'innovation technologique

Le « New Cinema Fund » permet de soutenir des films à dominante « culturelle » (ce que nous appelons en France « art et essai »). L'aide dépend, comme pour le « Premiere Fund », de la valeur créative du film, de sa capacité à atteindre certains objectifs, de son potentiel en matière de diffusion dans les salles de cinéma et d'exploitation à la télévision. Mais le projet doit, en sus, assurer la promotion des nouveaux talents et viser tous les modes de distribution (y compris ceux ne faisant partie ni du cinéma, ni de la télévision). L'entreprise de production doit être détentrice de tous les droits de production et d'exploitation du film. Comme pour les films « grand public », le projet doit présenter un plan de financement complet.

· L'aide à l'écriture de scénarios

Le « Development Fund » doit traiter les problèmes de qualité de la production cinématographique anglaise, soutenir la promotion de talents nationaux et aider à rendre plus attrayant les longs métrages de cinéma provenant du Royaume-Uni. Les aides au financement peuvent couvrir tous les coûts de développement, jusqu'au stade de la pré-production. En règle générale, une participation propre ou un cofinancement de la part d'un tiers est demandée, bien qu'il soit en principe possible que le projet soit entièrement financé.

· Une aide semi-automatique

Le « Premiere Fund », le « New Cinema Fund » et le « Development Fund » prévoient que 50 % du remboursement de l'aide accordée sous forme de prêt sera tenue à disposition pour le financement du prochain projet de développement sollicité par le producteur concerné (development buy-out), pour peu que ce projet soit conforme aux critères d'aide retenus par les différents fonds.

· Montant de l'aide et remboursement

Les aides sont accordées sous forme de prêts, sur la base de contrats qui peuvent être négociables et adaptés aux besoins particuliers du projet. Pour le « Premiere Fund » le montant maximal par film est fixé à 1 million de livres sterling (1,5 million d'euros) et pour les deux autres fonds, ce montant devra atteindre au plus 10 000 livres sterling (15 000 euros). Seules les entreprises peuvent demander l'octroi d'aides provenant du « Premiere Fund ».

Pour les trois programmes, le remboursement des prêts se fait en fonction des règles en vigueur sur le marché privé. Pour ce qui concerne l'aide au développement des films, le remboursement du prêt échoit le premier jour du tournage. Une participation aux bénéfices doit être établie entre les parties : le Film Council a donc droit à une participation aux recettes nettes et aux recettes liées aux droits achetés.

· Autres aides

Les autres aides concernent la formation, l'aide à la vente des films et à l'exportation. Enfin, une aide particulière est également prévue pour les premiers films.

Tous les programmes d'aide sont gérés par le Film Council. Les décisions sont prises par les directeurs des fonds respectifs : il n'y a donc pas de formation collégiale.

- Aides distribuées par le Film Council en 2001 -

Types d'aides

Montant en millions d'euros

Part en %

Nouveaux fonds :

« Premiere Fund » (films grand public)

16,77

18,5

« New Cinema Fund » (nouveaux talents et innovation technologique)

8,38

9,2

« Development Fund »

8,38

9,2

Formation

1,68

1,8

Action éducative pour les technologies numériques

1,68

1,8

Soutien à l'exportation

0,34

0,5

Mesures existantes :

Subvention au BFI*

26,83

29,5

Aides aux investissements étrangers

1,68

1,8

« franchises cinématographiques »

25,15

27,7

TOTAL

90,89

100

*BFI : « British Film Institute », institution publique chargée de missions d'archivage, de restauration et de promotion des films britanniques

· Les incitations à l'investissement dans le cinéma

A côté du système d'aides décrit ci-dessus, tout un ensemble d'avantages fiscaux a été mis en place afin de soutenir le développement de l'industrie du film au Royaume-Uni. La logique est donc ici purement industrielle.

Une mesure de déduction de 100 % des dépenses de production en trois tiers sur trois ans ou en intégralité sur la première année (jusqu'à concurrence de 23 millions d'euros) est destinée à encourager le développement de projets et la production. Seuls les films dont le budget de production est dépensé à 70 % ou plus au Royaume-Uni peuvent donner accès à cette aide. Cette aide fiscale est accordée sur les dépenses liées à « l'acquisition d'un film » : elle peut donc bénéficier aux distributeurs et aux diffuseurs.

Trois systèmes d'incitation fiscale permettent en outre aux investisseurs de recevoir des réductions d'impôt (investissement dans une société liée au secteur du cinéma, souscription de parts d'une société de capital risque ou de fonds d'investissement investissant dans le cinéma).

Enfin, un système favorable a été mis en place pour la taxation des revenus des artistes (et des sportifs, d'ailleurs) étrangers.

Le montant total de ces aides fiscales est évalué à 50 millions de livres sterling (soit 75 millions d'euros) par le ministère de la culture et des médias.

B. UNE ACTION COMMUNAUTAIRE ENCORE EN CONSTRUCTION

1. L'exception culturelle : une prise de conscience récente

Le traitement différencié des biens culturels au sein des négociations internationales et leur protection contre une application stricte des règles de libre échange en raison de leur spécificité a fait son apparition sous le terme d'« exception culturelle » en 1993 lors des négociations de l'Uruguay Round (GATT). Il s'agissait, par ce biais, de défendre l'idée que l'on ne peut réduire des biens culturels (films, livres, disques) au simple statut de marchandise car ils sont, en dehors de toute considération commerciale ou économique, des éléments constitutifs de l'identité et de la culture d'un pays.

Cette notion est ambiguë car, dans la réalité, l'exception culturelle n'a pas d'existence juridique au sein du GATT. Il n'a jamais été décidé que les biens culturels seraient exclus des règles communes ; plus simplement, l'Europe n'a jamais fait d'offre de libéralisation sur ces produits et s'est assurée que ce secteur ferait l'objet d'une exception à l'application de la clause de la nation la plus favorisée (ce qui permet de continuer à accorder des aides publiques). Il s'agit donc avant tout d'une position politique.

Par la suite, cette notion d'« exception culturelle », jugée trop défensive et synonyme de repli sur soi, a été remplacée par la « diversité culturelle », plus positive. Mais la mutation sémantique ne change pas le fond de l'affaire : c'est bien parce qu'il y a « exception » à l'application de la clause de la nation la plus favorisée pour les biens culturels qu'il peut y avoir maintien d'une certaine « diversité » dans un secteur où les lois du marché tendent plus à la concentration des acteurs et des produits qu'au pluralisme et à une large concurrence.

La défense par la France et un certain nombre d'autre pays d'un traitement différencié pour les biens culturels et notamment les films - tout autant au sein de l'Union européenne que dans les négociations commerciales mondiales - n'a rien d'un combat dépassé et rétrograde. La protection d'un cinéma européen est aujourd'hui la seule garantie d'une véritable concurrence sur le marché mondial du cinéma. Si les protections disparaissent, tout l'espace sera occupé par les « produits » américains.

Cette position intègre parfaitement les données du marché et les conséquences des évolutions technologiques. Elle donne simplement la priorité à la préservation de la diversité culturelle et donc, in fine, de la concurrence. Dans la situation particulière qui est celle du marché cinématographique, c'est bien si l'on laisse faire que la concurrence et la compétition disparaîtront au profit d'un seul acteur. Il convient donc d'édicter un certain nombre de règles et de soutiens aux initiatives nationales pour préserver cette diversité, garante du pluralisme et de la concurrence. Le rôle de l'exception culturelle défendue par l'Union au sein des négociations du GATT va donc bien au delà des intérêts des seuls Etats membres.

L'Europe est aujourd'hui mieux armée pour affronter les négociations internationales dans le cadre de l'OMC qu'elle ne l'était au moment de l'Uruguay Round car, entre-temps, la diversité culturelle est devenue une préoccupation partagée dans de nombreuses enceintes internationales.

La négociation en cours depuis le 1er janvier 2001 ne présente pas de difficultés particulières. En matière culturelle, l'Europe souhaite aller au-delà d'une position défensive pour mener des actions plus offensives, notamment sous l'angle de la concurrence (difficulté de pénétration du marché américain).

Les Etats-Unis ont renoncé à remettre en cause les systèmes d'aide nationaux parce qu'ils ont compris que cela ne les gênait pas pour exporter et rentabiliser leurs productions. En effet, le soutien au cinéma national dynamise la consommation totale de films (en salle et en vidéo) et n'entame pas la part de marché des films américains. En revanche, ils vont désormais se battre pour la libéralisation totale des échanges en ligne, y compris des échanges de contenus et donc de films.

2. La position encore ambiguë de la Commission sur les systèmes nationaux de soutien au cinéma

Ces dernières années, la Commission européenne s'est attachée à vérifier la compatibilité des systèmes nationaux d'aide à la production cinématographique en Irlande, au Danemark, en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suède avec les dispositions relatives à la concurrence du Traité instituant la Communauté européenne.

Dans sa décision N3/98 du 9 juin 1998 relative au système d'aide français, la Commission a défini quatre critères spécifiques de compatibilité pour autoriser l'aide à la production cinématographique en regard des dispositions de « dérogation culturelle » prévues à l'article 87 du Traité instituant la Communauté européenne et de l'article 61 de l'Accord sur l'Espace économique européen (Traité de Maastrich) :

- l'aide est destinée à un produit culturel. Chaque Etat membre doit veiller à ce que le contenu de la production faisant l'objet de l'aide soit culturel, selon des critères nationaux vérifiables (conformément au principe de subsidiarité) ;

- le producteur doit avoir la liberté de dépenser au moins 20 % du budget du film dans d'autres Etats membres, sans que l'aide prévue par le régime soit aucunement réduite de ce fait. En d'autres termes, la Commission a admis que soit fixée une condition de territorialisation, en termes de dépenses, jusqu'à 80 % du budget de production d'une oeuvre cinématographique ou télévisuelle aidée ;

- l'intensité de l'aide doit en principe être limitée à 50 % du budget de production, afin de stimuler les incitations commerciales normales propres à une économie de marché et d'éviter toute surenchère entre Etats membres. Les films difficiles et à petit budget sont exemptés de cette limite. La Commission considère que, conformément au principe de subsidiarité, il appartient à chaque Etat membre d'établir une définition des films difficiles et à petit budget, en fonction des paramètres nationaux ;

- les suppléments d'aide destinés à des activités spécifiques de production de films (par exemple la post-production) ne sont pas autorisés, afin de garantir que l'aide ait un effet d'incitation neutre et, par conséquent, que l'effet d'attraction de ces activités spécifiques dans l'Etat membre qui accorde l'aide soit évité.

Dans une résolution du 12 février 2001, le Conseil de l'Union européenne a souligné avec insistance que « les Etats membres sont fondés à mener des politiques nationales de soutien bénéficiant à la création de produits cinématographiques et audiovisuels » et que « les aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel peuvent contribuer à l'émergence d'un marché audiovisuel européen ».

Chargée par le Conseil de réfléchir aux moyens d'améliorer la garantie juridique des dispositifs de préservation et de promotion de la diversité culturelle dans le secteur de la production cinématographique et dans le domaine de l'audiovisuel, la Commission a présenté le 26 septembre 2001 une communication « concernant certains aspects juridiques liés aux oeuvres cinématographiques et autres oeuvres audiovisuelles » qui précise les principes à respecter dans le cadre de l'application des règles relatives aux aides d'Etat au secteur cinématographique et identifie les mesures à prendre afin de créer un environnement favorable à la production et à la distribution des oeuvres audiovisuelles.

Cette communication, dont la portée juridique peut être discutée, reconnaît qu'« il est difficile pour les producteurs d'obtenir un soutien commercial initial suffisant pour réunir des moyens financiers permettant de réaliser des projets. Dans ces conditions, l'encouragement de la production audiovisuelle par les Etats membres joue un rôle clé pour assurer que leur propre culture et leur capacité créatrice puissent trouver à s'exprimer, reflétant ainsi la diversité et la richesse de la culture européenne ».

Elle confirme les quatre critères d'autorisation des systèmes d'aide précédemment énoncés et précise que « les obligations légales d'investir dans la production audiovisuelle, imposées par les Etats membres aux organismes de radiodiffusion télévisuelle, ne constituent pas une aide d'Etat, lorsque ces investissements apportent une compensation raisonnable aux organismes en question. »

Pour autant, l'avenir des systèmes d'aide nationaux est encore largement incertain. En effet, la communication du 26 septembre 2001 précise que « les critères de compatibilité spécifiques pour l'aide à la production cinématographique et télévisuelle, indiqués plus haut, resteront valables jusqu'en juin 2004 » et que « la Commission n'a pas l'intention de modifier ces critères, à moins qu'ils ne s'avèrent inaptes à prévenir des distorsions de concurrence indues au sein de la Communauté européenne ». En réalité donc, tout est possible... et la sécurité juridique accordée aux système d'aides d'Etat reste suspendue, au delà de 2004, au bon vouloir de la Commission et à l'évolution de sa jurisprudence.

Certes, la Commission a pour mission fondamentale d'assurer la mise en place du marché intérieur et donc de défendre le droit de la concurrence. Pour autant, la stricte application des dispositions du Traité en matière de concurrence serait mortelle pour le cinéma européen. Il convient donc sûrement de préciser le cadre juridique des aides nationales, mais surtout de leur donner une base juridique pérenne afin de les défendre face notamment aux différents recours d'entreprises privées qui contestent le principe ou l'étendue de ces aides.

D'autre part, il est regrettable que la Direction générale de la concurrence (ex DG IV) semble aujourd'hui consacrer tous ses efforts à limiter les systèmes d'aide publique au cinéma - malgré les prises de position extrêmement explicites du Conseil et les manifestations de bonne volonté de la Commissaire pour l'éducation et la culture, Mme Viviane Reding -, alors qu'elle aurait fort à faire pour préserver la réalité de la concurrence entre l'Europe et les Etats-Unis, toute relative en ce qui concerne les secteurs du cinéma et de l'audiovisuel...

Au-delà, on peut estimer que la position de la Commission est d'une certaine façon incohérente car, au sein du marché intérieur, elle défend le principe d'un encadrement des aides nationales au cinéma au nom de la libre concurrence alors qu'au niveau de l'OMC, elle a obtenu (fermement poussée, il est vrai, par certains Etats membres dont la France) que, pour ce qui concerne les biens culturels, ces mêmes systèmes d'aides soient préservés parce qu'ils concourent à garantir la diversité et donc la concurrence.

3. Des mécanismes de soutien communautaires diversifiés mais encore insuffisants

a) MEDIA PLUS

Entré en vigueur en janvier 2001, le Programme MEDIA PLUS (2001-2005) vise à renforcer la compétitivité de l'industrie audiovisuelle européenne par une série d'actions incitatives portant sur :

- la formation des professionnels,

- le développement des projets de production,

- la distribution et la commercialisation des oeuvres cinématographiques et des programmes audiovisuels,

- la promotion des oeuvres cinématographiques et des programmes audiovisuels.

Le Programme MEDIA PLUS a pris la relève du Programme MEDIA II, qui s'est déroulé de 1996 à 2000. Il est fondé sur deux décisions du Conseil :

- la Décision 2000/821/CE du Conseil du 20 décembre 2000 portant sur la mise en oeuvre d'un programme d'encouragement au développement, à la distribution et à la promotion des oeuvres audiovisuelles européennes (MEDIA Plus - Développement, Distribution et Promotion) (2001-2005) ;

- la Décision n° 163/2001/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 janvier 2001 portant sur la mise en oeuvre d'un programme de formation pour les professionnels de l'industrie européenne des programmes audiovisuels (MEDIA-Formation) (2001-2005)

Le programme est doté de 400 millions d'euros, répartis entre cinq types d'actions :

· MEDIA Formation (50 millions d'euros)

Ce volet du Programme MEDIA est fondé sur la décision du Conseil du 22 décembre 1995.

Il vise à encourager la mise en place de filières de formation continue pan-européennes permettant aux professionnels de l'industrie audiovisuelle d'accroître leur compétence sur le marché international. Elles reposent sur une coopération étroite et un échange de savoir-faire entre divers partenaires travaillant dans le domaine de la formation : écoles de cinéma et de télévision, universités, centres de formation spécialisés, sociétés de production et de distribution,...

Dans le cadre du quatrième appel à propositions pour l'année 2000, la Commission a retenu 42 initiatives de formation qui proposeront des modules au cours de l'année académique 2000-2001.

Ce programme de formation se compose de :

- 17 initiatives dans le domaine de la gestion de projets et d'entreprises audiovisuels,

- 15 initiatives portant sur l'utilisation des nouvelles technologies,

- 10 concernant les techniques d'écriture.

· MEDIA Développement (70 millions d'euros)

Le Programme MEDIA PLUS accorde des soutiens financiers aux sociétés de production indépendantes européennes pour le développement de nouveaux projets de production dans les genres suivants : fiction, documentaire de création, animation et multimédia. Le développement comprend trois étapes : l'écriture du scénario, le montage financier du projet et la préparation du plan de promotion.

Ces soutiens peuvent être octroyés à des catalogues de projets (via le mécanisme dit de "slate funding") ou à un seul projet à la fois.

· MEDIA Distribution (201 millions d'euros)

Le soutien à la distribution est le volet le plus important du programme MEDIA PLUS.

Les objectifs sont les suivants : soutien à la circulation transnationale des oeuvres, renforcement de la compétitivité des sociétés, mise en réseau et stratégies communes, valorisation des catalogues, cofinancement des nouvelles oeuvres et soutien à la diversité culturelle et linguistique.

En ce qui concerne le soutien au cinéma (60 % de l'aide distribuée), divers mécanismes sont prévus, comme un soutien sélectif à la distribution en salles, un soutien « automatique » aux distributeurs nationaux en fonction des entrées réalisées sur les films européens non nationaux, un soutien aux mandataires de vente internationaux et un soutien aux salles programmant des films européens (réseau Europa Cinemas).

Les autres secteurs de distribution (télévision, vidéo, DVD, Pay-per-view, Vidéo à la demande, Internet) seront également aidés.

· MEDIA Promotion (29,75 millions d'euros)

L'objectif du soutien financier est d'encourager toute action de promotion susceptible de faciliter l'accès et la participation des producteurs et distributeurs européens indépendants aux principales manifestations européennes et internationales.

Le Programme MEDIA a publié le 14 juillet 2000 un premier appel à propositions (1/2000) en vue d'octroyer des aides à la promotion et à l'accès au marché des producteurs et distributeurs indépendants. Elles sont destinées aux structures de services qui organisent la promotion, l'assistance et la mise en relation des entreprises, notamment dans le cadre des marchés, foires, festivals et autres rencontres organisés dans le secteur audiovisuel au niveau européen et international.

Dernièrement, 18 manifestations prévues d'ici à la fin septembre ont obtenu un soutien pour un montant global de 1,57 million d'euros.

· MEDIA projets pilotes (17,5 millions d'euros)

Ce dernier volet du programme fonctionnera sur appel à proposition pour la mise en place d'action destinées à valoriser et à promouvoir les contenus européens. Pourront notamment être concernés les projets portant sur le patrimoine cinématographique, les archives audiovisuelles, les catalogues d'oeuvres numériques et les services avancés de diffusion numérique (chaînes thématiques, services en ligne).

b) Europa Cinemas

Depuis sa création en 1992, grâce au financement du Programme MEDIA de l'Union Européenne et du CNC, l'Association Europa Cinemas a engagé une action dans le secteur de l'exploitation et ainsi créé le premier réseau de salles de cinéma à programmation majoritairement européenne.

Europa Cinemas apporte un soutien financier aux salles qui s'engagent par contrat :

- à programmer au moins 50 % de séances avec des films européens, la moitié de ces séances devant être consacrée à des films européens non nationaux ;

- à mettre en place des actions d'animation et de promotion de films européens en direction du jeune public et des scolaires ;

- à développer, grâce au réseau, des actions communes à l'échelle régionale et européenne.

L'objectif d'Europa Cinemas est d'accroître la programmation en salles des films européens en favorisant la promotion et la circulation des productions nationales hors de leurs frontières et en développant un réseau destiné à renforcer le marché de ces films à l'exportation.

Aujourd'hui, Europa Cinemas aide 900 écrans, appartenant principalement à des salles art et essai. Au total, 4,3 millions d'euros sont distribués dans 18 pays (les Etats membres de l'Union plus les pays associés). L'aide par salle est comprise entre 20 000 et 60 000 euros en fonction du nombre d'écrans.

L'aide accordée par Europa Cinemas est une sorte de label pour les salles qui en bénéficient : elles deviennent un lieu d'exposition privilégié des films européens non nationaux, notamment parce qu'elles conservent ces films plus longtemps à l'affiche. L'octroi de l'aide est également un moyen de peser sur les choix de programmation des exploitants : si, à l'occasion d'un contrôle, on constate que la salle ne répond plus aux objectifs quantitatifs de programmation, l'aide lui sera retirée.

c) Eurimages

Eurimages est un fonds du Conseil de l'Europe pour l'aide à la coproduction, à la distribution et à l'exploitation d'oeuvres cinématographiques européennes. Créé en 1989 sur la base d'un accord partiel, il réunit à l'heure actuelle 27 Etats membres et développe trois programmes d'aide :

· Une aide à la coproduction : elle s'adresse aux longs métrages de fiction, d'animation et documentaires d'une durée minimum de 70 minutes. Les projets de films présentés doivent être coproduits par au moins deux coproducteurs ressortissants d'Etats membres différents du Fonds.

L'aide d'Eurimages est accordée dans le cadre de deux guichets. Le premier guichet octroie une aide essentiellement sur la base du potentiel de circulation des projets présentés. Le deuxième guichet octroie une aide surtout fondée sur la valeur artistique des projets.

Depuis sa création, Eurimages a soutenu 803 coproductions européennes pour un montant total de 219 millions d'euros.

· Une aide à la distribution : ce programme concerne les Etats membres qui ne peuvent bénéficier de l'aide à la distribution accordée par le Programme MEDIA de l'Union Européenne.

· une aide aux salles, qui s'applique également aux Etats membres qui ne bénéficient pas des aides aux salles du Programme MEDIA de l'Union Européenne.

Eurimages a contribué de manière significative au développement de la coproduction en Europe et a su s'ouvrir aux pays d'Europe centrale et orientale. Néanmoins, après plusieurs années de fonctionnement, le Fonds devrait faire l'objet d'une évaluation s'accompagnant d'une consultation des professionnels.

DEUXIÈME PARTIE : LES PROPOSITIONS

Pourquoi changer ?.. Pour que rien ne change, que l'exception française en matière de cinéma devienne la règle européenne et que la prospérité des cinémas d'Europe soit un des moteurs de la diversité culturelle, en Europe et dans le monde.

Une telle évolution appelle une répartition des responsabilités entre les Etats - tant pour leur réglementation intérieure que dans leurs relations bilatérales - et l'Union européenne.

La très grande majorité des personnes rencontrées par la mission d'information, en France et en Europe, s'accorde à considérer que, le cinéma étant une activité à la fois économique et culturelle, l'intervention de l'Etat - ou en tout cas de la sphère publique - en tant que régulateur s'avère indispensable. Le principe du strict laisser faire ne peut pas s'imposer, tout simplement parce que la tendance naturelle des marchés à la concentration ferait disparaître ce qui fait l'intérêt et la vie même de ce marché : sa diversité.

C'est donc bien à juste titre que l'on peut ici parler d'exception, mais d'une exception qui n'est en rien défensive ou repliée sur elle-même, mais bien plus garante d'ouverture, de diversité... et donc de liberté.

I.- ASSURER AU CINÉMA FRANÇAIS LES CONDITIONS D'UN DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le paysage cinématographique mondial se caractérise par une accélération des phénomènes de concentration des systèmes de diffusion, ce qui leur confère un poids nouveau sur les contenus. Face à un marché mondialisé, concentré et libéralisé, le pluralisme doit être garanti car c'est lui qui fait la force du cinéma français, à tous les niveaux du secteur cinématographique. Pour résister à ce mouvement de concentration et de libéralisation sauvages, deux voies peuvent être envisagées :

- un contre-pouvoir économique, avec le renforcement des règles de concurrence garanties par une autorité indépendante,

- un contre-pouvoir politique, c'est-à-dire la redéfinition d'une politique publique du cinéma qui passe par une utilisation correcte des diffuseurs publics, un système d'aide adapté et la défense des acquis culturels.

Il s'agit donc, d'une certaine façon, de résister à deux tentations : celle de la table rase et celle de la politique de l'autruche ! Les professionnels du cinéma et les pouvoirs publics doivent parvenir à moduler le système de régulation et de soutien actuel, qui a fait ses preuves, pour permettre au cinéma français d'affronter les mutations de son environnement économique et culturel qui ne pourront pas toutes être ignorées ou évitées.

Il semble en effet illusoire de vouloir freiner la politique de développement international des grands groupes. On peut essayer de l'encadrer, de la limiter, de la contrôler, mais guère plus. Gardons-nous donc de nous accrocher au système actuel au prétexte qu'il ne saurait être modifié. Tout au contraire, c'est bien parce que l'on est persuadé que l'aide au cinéma est positive et vertueuse, non seulement sur un plan économique, mais également et surtout d'un point de vue artistique, culturel et donc politique, qu'il convient de la consolider et de la restructurer pour affronter les défis qui s'annoncent.

A. PRÉSERVER LES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE ET DE L'INDÉPENDANCE POUR UNE PLUS GRANDE DIVERSITÉ DE LA CRÉATION

Le cinéma français a tout à la fois besoin d'entreprises fortement structurées, disposant de la taille et de la surface financière nécessaires pour affronter le marché mondial et de petites entreprises indépendantes, alimentant la diversité et la liberté de création. En effet, si l'effet taille semble important en matière de distribution voire d'exploitation - n'oublions pas que les grands circuits français sont des nains à l'échelle mondiale -, afin notamment, de pouvoir assumer les investissements nécessaires pour garantir une bonne promotion des films, la qualité de la diffusion et le confort du téléspectateur, il en va tout autrement pour ce qui concerne la production, qui demeure un métier d'artisan et pour lequel il n'existe pas de taille magique.

Or le « pluralisme artisanal » qui faisait la richesse du cinéma français risque aujourd'hui de disparaître au profit des grands groupes de diffusion qui rassemblent sous leurs ailes la totalité des « métiers » du cinéma et interviennent de plus en plus sur les contenus.

Afin de garantir les conditions de la concurrence, et donc de préserver la diversité à tous les niveaux de la chaîne cinématographique, il faut donc adapter la réglementation au nouveau paysage du secteur de la communication et préserver l'indépendance des créateurs.

_ Revoir les règles applicables en matière de contrôle des concentrations

« Face aux risques de dérive de la situation actuelle, il n'y a pas lieu d'incriminer la réglementation car ce ne sont pas les règles qui sont défaillantes, mais bien la volonté de les appliquer... », ainsi s'exprimait un des interlocuteurs de la mission d'information. Sans être aussi sévère, il est néanmoins indéniable que le système de soutien au cinéma français comprend une part de pilotage politique qui n'est pas moins importante que la réglementation : c'est bien le politique « qui décide de la puissance du moteur et de la direction de la fusée... ».

Le besoin se fait désormais sentir, de façon de plus en plus pressante, d'une régulation de la concurrence qui emploie de façon beaucoup plus sévère qu'aujourd'hui à la fois les outils de droit commun (contrôle des concentrations, saisine du Conseil de la concurrence) et ceux adaptés aux spécificités du secteur, qui certes ne font pas bloc comme le dispositif anti-concentration de la loi sur l'audiovisuel, plus systématique, mais qui peuvent néanmoins être efficaces s'ils sont bien utilisés. C'est notamment le cas de la loi du 29 juillet 1982 sur la régulation de l'activité des circuits d'exploitation, mais également des dispositions réglementaires qui protègent la production indépendante vis-à-vis des diffuseurs (cf. paragraphe suivant).

« L'hégémonie assèche le marché : la moitié d'un marché vivant est préférable au contrôle d'un marché mort » (D. Toscan du Plantier, L'Humanité, 11 janvier 2002). Comme partout, la liberté naît de la règle : un marché où ne règne que la loi du plus fort est un marché qui asphyxie ses propres forces vives... Il convient donc de réfléchir à une application et une utilisation du droit général de la concurrence qui soient appropriées à l'économie du secteur. Des règles et des pratiques claires devront notamment être établies en matière de contrôle des concentrations et de sanction des abus de position dominante afin que la concurrence joue comme élément de dynamisation du marché et non pas comme un vecteur de son assèchement.

La question des catalogues de films et de la détention par quelques sociétés liées à des chaînes de télévision d'un grand nombre de films porteurs, c'est-à-dire la concentration du « capital » cinématographique entre quelques mains mérite notamment un examen rapide et approfondi. Il n'est notamment pas acceptable que 60 % des droits des oeuvres disponibles en France soient aujourd'hui détenus et gérés par le groupe Canal Plus... qui peut demain passer sous contrôle américain.

Le CNC a récemment mis en place un groupe de réflexion intitulé « qu'attendre du droit de la concurrence ? ». Souhaitons que ses travaux soient fructueux... et rapides.

_ Préserver une production indépendante par un aménagement des obligations des diffuseurs

La question de la préservation d'une production indépendante est au coeur de la définition des obligations de production des diffuseurs.

Le niveau actuel des obligations de production est satisfaisant. Il ne semble pas nécessaire de relever le taux de 3,2 % car le cinéma français n'a pas aujourd'hui de véritable problème d'argent. Au contraire, une hausse du niveau de l'obligation risquerait, dans l'esprit des producteurs, de faire prévaloir la logique du préfinancement sur celle de l'amortissement, ce qui n'est pas souhaitable.

Pour autant, une baisse de l'obligation d'investissement n'est pas non plus souhaitable, car elle constitue une garantie de diversité en même temps qu'une source de financement a priori plutôt « désintéressée » de la part du service public.

En revanche, le système des obligations de production dans le secteur du cinéma pourrait utilement être revu afin :

- d'une part d'autoriser la migration d'une partie des investissements vers l'amont des films (aides à l'écriture et au développement), comme l'a fait la loi du 1er août 2000 pour la distribution (article 27). Aujourd'hui, il existe un plafond de nombre de spectateurs en salles (2 millions) que les films français, hors comédie, ne parviennent pas à dépasser, alors que ce nombre d'entrées correspond à l'étiage d'un film américain moyen. Il faut donc tout mettre en oeuvre pour lever cette barrière, et, pour cela, élargir le champ d'application du soutien financier.

Cet élargissement doit néanmoins se faire en garantissant le respect de l'indépendance des auteurs et des producteurs, afin d'éviter que l'obligation d'investissement puisse être détournée pour financer des ateliers d'écriture « maison » de films pré-formatés pour la télévision.

- d'autre part de limiter fortement les possibilités de cumul des fonctions de producteur et de diffuseur. Les objectifs sont connus : il s'agit avant tout d'éviter une excessive concentration de la production dans l'orbite des opérateurs de télévision, de creuser l'écart entre les initiatives de production et leur diffusion et, en mettant la production dans une logique d'amortissement plus que de préfinancement, de favoriser une attitude entrepreneuriale et, ainsi, une amélioration du taux de réussite.

L'article 71 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit depuis sa modification par la loi du 1er août 2000 qu'en ce qui concerne les oeuvres audiovisuelles, les diffuseurs ne peuvent plus prendre de part coproducteur dans la production d'une oeuvre s'ils souhaitent que celle-ci soit prise en compte au titre de leur contribution à la production indépendante. Lors de la discussion de la loi, cette disposition n'avait pas été étendue aux obligations en matière de cinéma au prétexte que les professionnels n'étaient pas prêts. Il s'agit pourtant d'une disposition qui clarifierait les relations entre producteurs et diffuseurs. Une modification de la loi de 1986 sur ce point est donc tout à fait souhaitable.

Quant au niveau même de l'obligation de contribution à la production indépendante, celui-ci n'a pas été modifié. Les chaînes hertziennes et Canal Plus sont toujours autorisées à investir 25 % de leurs obligations dans des productions maison. Sans vouloir totalement retirer aux chaînes la possibilité de jouer un rôle de producteur délégué, un abaissement à 20 ou 15 % de la part autorisée de production directe serait souhaitable. Cela conduirait notamment à une baisse des coûts et à une meilleure garantie de la diversité.

Quant à la question de la détention des mandats de production, l'un des critères retenus par les nouveaux décrets pour qualifier une oeuvre d'indépendante est le fait que la chaîne ne détienne pas plus d'un mandat de commercialisation de l'oeuvre coproduite ou pré-achetée6. Les diffuseurs ont exercé une forte pression pour que ce plafond soit relevé et continuent à contester les dispositions réglementaires arrêtées. Il conviendra de ne pas céder à leur demande, afin, encore une fois, de maintenir la distinction entre les fonctions de producteurs et de diffuseurs.

_ Clarifier la politique de soutien des chaînes publiques

France Télévision n'a pas aujourd'hui à proprement parler de ligne éditoriale en matière de soutien au cinéma. Comme les autres chaînes hertziennes en clair, France 2 et France 3 doivent consacrer 3,2 % de leurs chiffres d'affaires annuels à l'investissement dans la production cinématographique. Les responsables des filiales cinéma de France Télévision, qui sont gérées de façon autonome, avouent prendre leurs décisions d'achat au cas par cas, en cherchant néanmoins à satisfaire un double objectif : répondre aux besoins de l'antenne et contribuer au développement et au renouvellement du cinéma français.

L'audience n'est pas la seule préoccupation des responsables des achats de films pour France Télévision. Néanmoins, il faut bien reconnaître que les seuls films français inédits auxquels une chaîne a accès sont aujourd'hui ceux qu'elle contribue à financer. Le service public met néanmoins en avant la spécificité de sa politique d'achat en soulignant que sur les trente films financés par France 2 Cinéma, seule une petite dizaine est destinée à être diffusée en « prime time ». Tous les autres sont présentés en deuxième partie de soirée, à un moment où ils trouveront un public certes plus motivé mais forcément plus restreint.

Les filiales cinéma de France Télévision affirment qu'elles portent une attention particulière aux premiers et aux deuxièmes films ainsi qu'aux projets qui permettent de reconquérir des secteurs où le cinéma américain est hégémonique (comme par exemple le long métrage d'animation, avec Kirikou la sorcière, le film pour enfant avec Le petit Poucet, ou le documentaire naturel et animalier, avec Microcosmos) ou qui peuvent avoir un rayonnement international (par exemple à travers des festivals).

Pourtant, de nombreux interlocuteurs de la mission d'information ont mis en cause la politique cinéma de France Télévision, en considérant que seul le manque de moyens l'empêchait aujourd'hui d'avoir une ligne de conduite en tout point identique à TF1 (investissements massifs sur un nombre de films de plus en plus réduit).

De son côté, ARTE France mène une politique de soutien au cinéma que beaucoup considèrent comme exemplaire, en poursuivant une logique strictement culturelle de soutien aux créateurs et de découverte de nouveaux talents.

Afin de conforter les chaînes publiques dans leur volonté de mener une politique d'achat « différente » et permettre à France 2 et à France 3 de renouveler leur politique cinématographique et de sortir par le haut d'un double discours tout à la fois convenu et contraignant, il serait souhaitable :

- d'établir une connexion entre l'octroi de l'avance sur recettes du CNC et le financement par une ou plusieurs chaînes publiques. Il ne s'agit pas de mettre en place un cinéma d'Etat, totalement déconnecté de la réalité du marché mais de préserver les conditions d'existence d'un cinéma artisanal qui intéressera de moins en moins les chaînes privées. Les cahiers des charges de France 2 et France 3 pourraient donc être modifiés afin de préciser qu'une part significative des investissements cinéma de ces chaînes doit revenir à des films bénéficiant de l'avance sur recettes ;

- d'introduire dans les cahiers des charges des chaînes publiques une « clause de diversité » comme elle existe actuellement pour Canal Plus. Une proportion significative des investissements devrait ainsi être réalisée au profit de films à « petit budget ».

_ Assurer une exposition équitable pour tous les films

Doit-on envisager d'imposer aux exploitants de salles comme aux diffuseurs télévisuels, des obligations en regard de l'indépendance des oeuvres qu'ils diffusent ?

Aujourd'hui, les producteurs et les distributeurs ne contrôlent plus les conditions d'exploitation de leurs films : ce sont les exploitants qui décident, unilatéralement, des films qu'ils retiennent et des conditions de présentation (nombre et taille des salles, durée de l'exposition).

Bien entendu, la tentation est souvent forte, au sein de groupes intégrés, de privilégier des films qui sont produits ou distribués par des filiales du groupe : des films produits par Pathé et ou distribués par Gaumont dans les salles Euro-Palaces (Pathé-Gaumont), des films StudioCanal dans les salles UGC, etc...

Pour Daniel Goudineau, ancien directeur du cinéma au CNC et auteur d'un rapport à la ministre de la culture sur la distribution des films en salles, l'indépendance des distributeurs, évoquées par beaucoup comme la panacée, est un faux problème. Vu l'absence d'équilibre économique du marché de la distribution, toutes les sociétés de distribution, si elles veulent survivre, tendent à l'intégration. L'indépendance n'est donc pas une notion discriminante dans ce secteur.

En revanche, il serait souhaitable d'obliger les plus gros opérateurs (exploitants comme diffuseurs) à diversifier leurs sources d'approvisionnement en films pour lutter contre l'effet de vente en paquets. Une telle mesure est difficile à mettre en oeuvre car les catalogues sont de plus en plus fusionnés, mais cela permettrait certainement de soutenir le marché de la distribution.

D'autre part, les contrats de distribution des films devraient comporter, comme cela existe dans d'autres pays européens, un engagement sur une durée minimale d'exposition des oeuvres.

Le contexte ne pousse pas à laisser longtemps les films à l'affiche : le nombre des sorties par semaine est de plus en plus important et pour conserver le public qu'ils sont parvenus à séduire par des prix d'appels très attractifs, les multiplexes et les gros exploitants doivent constamment renouveler leur offre de films. Il convient néanmoins de garder en mémoire que ce sont les films qui font, sur le long terme, la fréquentation des cinémas. Un film d'auteur comme In the mood for love est le parfait exemple de ce qu'on appelle « l'effet film ». C'est pourquoi, si l'on veut que l'industrie du cinéma continue à prospérer en France comme en Europe, il faut favoriser l'émergence de nouveaux auteurs et, pour cela, leur donner la possibilité de montrer leurs films en salles.

Il serait intéressant et utile de faire des études monographiques sur la « vie » des films dans le temps, afin de connaître les conditions de survie des films en salle au-delà des quinze premiers jours. Un tel travail permettrait de mettre en évidence ce que tout le monde sait, c'est-à-dire que l'exploitation et le maintien des films en salles ne sont pas systématiquement liés au nombre d'entrées réalisées, mais bien plus au fournisseur du film.

Clarifier la situation permettrait de préciser les engagements de programmation des plus gros exploitants. En allant plus loin, on pourrait imaginer d'autoriser les distributeurs à saisir le médiateur du cinéma lorsqu'ils estiment que leur film est retiré de l'écran dans des conditions qui ne respectent pas le marché.

B. OUVRIR LE FINANCEMENT DU CINÉMA

On sait aujourd'hui que la grande force du cinéma français et sa capacité de résistance, unique en Europe, sont liées aux spécificités de son mode de financement et notamment au fait qu'il permet aux producteurs de dépasser les années difficiles ou les échecs pour réinvestir dans de nouveaux projets. Le maintien d'une part de marché importante pour le cinéma français est possible si le cinéma français bénéficie du maintien d'un système privilégié de financement, susceptible de contrebalancer les mécanismes de marché, mais également de talents et d'un souci constant de rencontre du public.

Pourtant, la part prépondérante prise par les télévisions dans ce système de financement est aujourd'hui ressentie par de nombreux acteurs du secteur comme une menace et une zone potentielle de fragilité. Il ne s'agit pas de remettre en question le rôle joué par les télévisions - et notamment par Canal Plus - mais de dire que le cinéma gagnerait sans doute à diversifier ses sources de financement, ne serait-ce que pour éviter une rupture si la principale de ces sources venait à ralentir son débit. Des évolutions sont donc nécessaires, même si elles sont difficiles à déterminer à un moment où le secteur est en pleine mutation.

Les objectifs du système de soutien doivent par ailleurs être mieux hiérarchisés, aussi bien entre les secteurs qu'entre les opérateurs. L'exhaustivité du dispositif actuel peut, à terme, présenter un danger. De plus, la politique de soutien au cinéma français ne doit pas uniquement s'orienter vers un système d'aides publiques ; il convient également de prendre en considération les mécanismes financiers actuellement disponibles ainsi que les avantages fiscaux.

La solution passe donc par une diversification des sources de financement et des modalités de soutien, en valorisant les dispositifs fiscaux et économiques pour tout ce qui relève du marché et en conservant une logique de soutien plus ciblé pour les projets culturels « hors marché ».

_ Mettre à contribution les nouveaux diffuseurs

· Pour l'alimentation du compte de soutien

Toutes les fenêtres d'exploitation d'un film sont actuellement soumises à un régime de prélèvement au profit du compte de soutien : salle, vidéo, télévision. Il convient donc de s'interroger sur la façon dont pourra (ou ne pourra pas) être prise en compte l'apparition d'un nouveau mode de distribution des films sous forme de fichiers informatiques téléchargés ou « consommés » en direct.

La question est aujourd'hui largement ouverte mais il semble néanmoins difficile d'écarter a priori toute possibilité de contribution de ce nouveau mode d'accès au film, qui pourrait se développer de façon considérable dans les années à venir et donc avoir des conséquences non négligeables sur l'équilibre général du système de soutien.

· Pour les obligations de production

Les contributions de l'ensemble des opérateurs au développement du cinéma doivent être équitables et respecter les similitudes de format. Le calendrier de diffusion des films à la télévision étant désormais clairement encadré par les accords entre les diffuseurs et les professionnels, il ne semble pas illégitime d'imposer des obligations comparables aux opérateurs qui se situent dans la même fenêtre de diffusion. Quant à la référence au chiffre d'affaires (ou au nombre d'abonnés) pour le calcul du montant de la contribution, outre qu'elle a fait la preuve de son efficacité depuis maintenant de nombreuses années, elle a l'avantage de la simplicité et de l'équité économique.

Certains diffuseurs considèrent cependant que, en raison de la multiplication des vecteurs de diffusion du cinéma à la télévision (développement des chaînes thématiques, prochaine apparition de la télévision numérique de terre), les taux de contribution actuellement appliqués devraient être revus à la baisse afin de rétablir une certaine égalité de traitement entre les diffuseurs et d'éviter que la production se trouve noyée sous un afflux trop important de capitaux qui ferait de l'industrie cinématographique une activité sur-financée.

La sagesse consiste, semble-t-il, en la matière, à demeurer prudent : il est indéniable que le développement de la télévision numérique de terre va très certainement modifier les équilibres entre opérateurs et les modes de « consommation » de la télévision. Mais tout le monde ignore pour le moment la nature et l'ampleur de ces modifications, ainsi que les conséquences qu'elles pourront avoir sur la diffusion télévisée des films et les recettes nouvelles qu'elles pourront générer. Il semble donc vain de condamner d'ores et déjà des mécanismes de contribution au nom d'évolutions futures dont nous ne connaissons pas véritablement la nature.

La prospérité des actuelles télévisions payantes, qu'elles soient diffusées par voie hertzienne ou encore par câble et satellite doit beaucoup, on le sait, au cinéma. Il n'est donc pas illégitime que le cinéma tire en retour bénéfice de ces succès. Si demain les conditions de l'équilibre actuel sont fortement modifiées, les contributions des uns et des autres pourront certainement être adaptées mais, pour le moment, nous sommes encore dans le domaine de la prospective. Il est donc inutile d'anticiper le débat.

_ Restructurer les dépenses du compte de soutien

· Moduler le mécanisme de l'aide automatique

L'expérience de l'année 2001 a permis de mettre en lumière l'effet pervers que peut receler le mécanisme de l'aide automatique lorsque, d'une certaine façon, la machine s'emballe.

Les excellents résultats réalisés par les films français ont en effet entraîné un gonflement des droits automatiquement ouverts sur les comptes des producteurs, distributeurs et exploitants, mais ont de fait, dans le même temps, réduit le montant des crédits disponibles pour les aides sélectives. Ce phénomène a été accentué par le fait que les autres sources d'alimentation du fonds (bien évidemment la taxe sur les entrées des films étrangers mais également la taxe sur les chiffres d'affaires des services de télévision, en moindre augmentation du fait de la contraction du marché publicitaire) ont été moins « rentables » que les années passées.

Il ne saurait être question de revenir sur la logique globale de ce mécanisme, qui permet, quoiqu'on en dise, de ne pas déconnecter le secteur de la réalité du marché. Mais la préservation de la marge d'intervention sélective du CNC est cependant indispensable, notamment en raison des risques d'apparition d'un marché à deux vitesses précédemment évoqués.

Il semble donc souhaitable, une fois encore, d'adapter le système à l'évolution de son environnement et d'envisager, comme le fait actuellement le CNC avec les producteurs, la mise en place d'une dégressivité du « taux de retour » du soutien automatique voire son plafonnement au-delà d'un montant de recettes particulièrement élevé.

· Revoir les mécanismes de l'avance sur recettes

Le principe de l'avance sur recettes, qui permet de réaliser des films qui, sans elle, n'existeraient pas, n'a pas à être remis en cause.

Pour autant, le dispositif doit aujourd'hui gagner en transparence, ne serait-ce que pour pouvoir réfuter les accusations de clientélisme, d'élitisme et de subvention à fonds perdus dont il fait souvent l'objet.

On ne peut donc que se féliciter que le CNC ait engagé une réflexion tendant à doter l'avance sur recette d'indicateurs permettant de disposer de données quantitatives (nombre de films aidés, sommes versées, résultats des films en salle, taux de remboursement) et qualitatives (sélection dans des festivals, prix reçus) objectives, ainsi que de données plus prospectives sur l'efficacité de l'avance sur recettes (suivi de carrière des réalisateurs ayant bénéficié de l'avance sur recettes par exemple).

D'autre part, il est regrettable que l'avance sur films terminés soit aussi peu utilisée et soit plafonnée à un montant relativement modeste (500 000 francs maximum), car elle permet à la commission de l'avance sur recettes (troisième collège) de juger sur pièce de la qualité de l'oeuvre. Revaloriser cette aide serait un moyen pour encourager les producteurs à prendre plus de risques.

Enfin, l'avance sur recettes doit être ouverte à l'ensemble du cinéma français et ne pas se limiter, dans ses sélections, à un « profil » de films bien spécifique. La diversification des sujets et des genres de films produits n'est pas étrangère au dynamisme actuel du cinéma français : il ne serait donc pas aberrant que cette diversité se retrouve dans les projets retenus par les différents collèges de l'avance sur recettes.

_ Réformer le régime des SOFICA

Plusieurs axes de réformes sont actuellement à l'étude au CNC, qui réfléchit avec les professionnels du cinéma et de la finance à une révision et une ouverture du régime des SOFICA.

Différentes orientations pourraient être utilement retenues :

· Relever le plafonnement de la collecte : le système des SOFICA est étroitement contrôlé par le ministère des finances qui, en pratique, fixe chaque année un plafond de collecte qui ne saurait être dépassé (ce qui explique les listes d'attente dans les établissements banquiers pour l'entrée dans une SOFICA). Ce malthusianisme est cependant regrettable car un élargissement de la collecte permettrait, d'une part d'élargir les zones d'intervention des ces produits financiers et d'autre part de réduire les coûts de collecte et donc d'intéresser de nouveaux réseaux de placement et de stimuler la concurrence. Un relèvement du plafond à 100 millions d'euros devrait être d'un coût supportable pour les finances publiques.

· Limiter les possibilités de garantie du risque de sortie et d'adossement aux grands groupes de diffuseurs : le fait que les SOFICA soient devenues un produit financier quasiment dépourvu de risque et que la garantie de sortie soit assurée par un adossement à des groupes audiovisuels est un détournement de la philosophie initiale et une perversion du système. Cela transforme en effet un produit prioritairement destiné au soutien de la production indépendante en financement d'appoint à la disposition des diffuseurs. Il convient de revenir sur cet état de fait en plafonnant les taux de garantie susceptibles d'être accordés et en veillant, lors des autorisations annuelles, à favoriser les SOFICA « indépendantes ».

· Etendre le champ d'intervention au développement des films et à la distribution : la production n'est pas aujourd'hui le secteur cinématographique qui a le plus besoin de financements complémentaires : il serait donc souhaitable d'autoriser les SOFICA à financer également d'une part des dépenses de développement, pour lesquelles le producteur se sent souvent bien seul, et d'autre part la distribution des films, sans pour autant déséquilibrer les rapports actuels entre producteurs et distributeurs. L'intervention sur les dépenses réalisées en amont de la production pourrait être accompagnée d'un mécanisme d'incitation à la prise de risque (en valorisant par exemple le taux de garantie sur ce type de produits).

· Etudier la possibilité de créer des SOFICA destinées aux industries techniques et des SOFICA régionales : deux nouveaux types de produits financiers, construits sur le principe des SOFICA, pourraient introduire plus de souplesse dans le financement de la production cinématographique.

La création de SOFICA spécifiques pour les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel permettraient de développer l'investissement privé et institutionnel dans un secteur qui dispose d'un fort potentiel de développement mais est aujourd'hui contraint par une sous-capitalisation chronique.

Quant à la création de SOFICA territoriales, diffusées par des établissements financiers régionaux, elles pourraient financer de façon ciblée des productions en régions ; la sortie de ces sociétés pourrait être garantie grâce à un adossement à un fonds de garantie alimenté par toutes les collectivités locales bénéficiaires des investissements.

_ Donner une nouvelle dimension aux aides régionales

L'approche actuelle du soutien au cinéma en région vise surtout à attirer les tournages et à en réduire les coûts. C'est une bonne chose pour le cinéma mais cela n'a pas vraiment d'effet structurant. Il s'agit donc d'aider ces systèmes à passer du service d'un intérêt économique régional au service du cinéma en général. Pour ce faire, il semble nécessaire de professionnaliser les structures, de consolider l'assise juridique des aides et de clarifier la position de l'Etat à leur égard.

· Professionnaliser les structures : pour nombre de professionnels (responsables de fonds d'aide, producteurs, réalisateurs, conseillers cinéma des DRAC) la nécessité première est de structurer les politiques territoriales et de professionnaliser les équipes qui gèrent les aides. Ces équipes sont en effet les garantes d'une transparence et d'un ancrage des aides dans les collectivités et sont les interlocuteurs privilégiés des professionnels. Leur capacité à comprendre les problèmes et les besoins et à apporter une réponse adaptée et efficace est donc déterminante. Les structures doivent donc pouvoir bénéficier du soutien logistique et technique des DRAC, qui doivent, en contrepartie, encourager les collectivités intéressées à recruter des personnels compétents et spécialisés.

· Consolider l'assise juridique des aides : En 1982, les lois de décentralisation ont reconnu une compétence aux collectivités territoriales en matière de soutien à la culture mais le cinéma et l'audiovisuel n'en faisaient pas partie. Quant aux actions de soutien de type économique, elles ont été limitées à des domaines restreints. Les fonds d'aide régionaux se sont donc développés dans le risque constant que les aides puissent être entachées d'illégalité.

L'article 16 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer modifie les dispositions de l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales pour autoriser les collectivités locales à mener « des actions de politique économique, notamment en faveur de l'emploi, dans le cadre de conventions conclues par eux avec l'Etat et fixant les modalités des aides qu'ils peuvent consentir ». Ce texte devrait pouvoir résoudre les difficultés juridiques mais nécessitera la publication d'une circulaire d'application, actuellement en préparation au CNC.

Par ailleurs, la loi sur la démocratie de proximité, récemment adoptée par le Parlement, prévoit dans son article 102 que les régions pourront accorder des aides directes aux entreprises sans passer de convention avec l'Etat, dans tous les secteurs économiques. Les soutiens des régions au cinéma seraient ainsi légalisés sans avoir à passer de convention avec l'Etat.

Il semble essentiel que la circulaire en préparation réaffirme clairement que les aides en faveur du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia se caractérisent par une double motivation, économique et culturelle, afin qu'elles ne puissent plus être victimes d'un contrôle de légalité tatillon qui censurerait une décision culturellement irréprochable au motif d'un manque de clarté ou d'efficacité économique7.

· Clarifier les rapports avec l'Etat : le cinéma est encore aujourd'hui un secteur très concentré et très parisien. L'interlocuteur naturel des producteurs et des auteurs demeure aujourd'hui le CNC. Celui-ci doit donc clarifier sa position au sujet de la décentralisation et harmoniser ses interventions en région.

Depuis 1997, le CNC accompagne l'action des collectivités en faveur de la création et de la production cinématographique et audiovisuelle à travers des conventions conclues avec les conseils régionaux. De 1997 à 2001, un montant de 27,65 millions de francs (4,22 millions d'euros) a été engagé par le CNC avec 13 régions différentes, dont 8 millions de francs (1,22 million d'euros) pour 11 régions en 2001. Pour donner une nouvelle impulsion à l'action décentralisée en matière de cinéma, il serait souhaitable que le ministère de la culture abandonne sa politique de conventions de trois ans, au terme desquels son retrait laisse le plus souvent à la seule charge des collectivités locales le développement de politiques décidées en commun et opte pour la mise en place de collaborations pérennes.

En théorie, les subventions accordées dans le cadre de ces conventions sont proportionnées aux dotations dégagées par les régions mais, dans la pratique, tout est une question de négociation. Il serait donc souhaitable que les fonds de soutien locaux soient abondés durablement par une déconcentration des crédits du compte de soutien proportionnelle aux efforts réalisés localement. A titre d'indication, un abondement à 100 % des fonds territoriaux représenterait près de 9 % des ressources de la section cinéma du compte de soutien.

Enfin, pour rendre lisible et crédible cette nouvelle étape de la décentralisation culturelle, le CNC doit contribuer à apporter aux professionnels du cinéma l'ensemble des garanties de transparence et de professionnalisme qu'ils sont en droit d'attendre, en particulier dans la gestion des comités de lecture chargés de décider des subventions et coproductions. En ce sens, il serait important qu'il devienne un partenaire de plein exercice des différentes structures qui se sont développées dans les régions et qu'il conditionne son intervention par le respect d'un certain nombre de critère d'action et de décision.

_ Mieux assurer l'amortissement des risques financiers

Dans ce domaine, la France est clairement en retard car, si le système bancaire mondial a fait preuve d'imagination en la matière, le marché français se caractérise plutôt par une concentration excessive des acteurs financiers spécialisés dans le cinéma.

Le mécanisme de garantie assuré par l'IFCIC est aujourd'hui considéré comme efficace et peu coûteux. On peut donc se demander s'il n'est pas sous-employé. Ce système pourrait par exemple être étendu à des productions de niveau européen, dès lors qu'il serait alimenté par des crédits communautaires.

L'Institut pourrait également s'engager dans le secteur de la distribution internationale des films, aujourd'hui très peu financé par l'emprunt. A l'heure actuelle, les produits des ventes à l'étranger ne sont pas comptabilisés dans le plan de financement d'un film et ne sont pris en compte qu'en fin de parcours. Il y a donc ici des modes de financement complémentaires à imaginer.

Au-delà de la seule distribution, il serait utile d'inventer un outil financier susceptible de garantir le « gap financing », c'est-à-dire l'ensemble des recettes virtuelles que peut réaliser un film (supplément des entrées en salles, recettes à l'exportation, recettes vidéo, etc...). Pour un film indépendant, il s'agit parfois de quelques millions de francs seulement, mais cela suffit souvent à empêcher le bouclage financier d'un projet. Assurer une garantie sur cette partie des recettes pourrait donc être utile.

Si le réapprovisionnement de l'IFCIC par l'Etat était plus important, ou tout simplement conforme aux engagements pris, l'Institut pourrait garantir ce besoin en financement à une hauteur raisonnable (50 ou 60 %). Cela permettrait aux petits producteurs de conserver une part du négatif et donc de préserver leurs actifs alors qu'aujourd'hui, ils sont obligés de céder la totalité des droits pour obtenir les financements bancaires nécessaires.

Il serait par ailleurs souhaitable de permettre aux industries techniques d'accéder à de nouvelles ressources financières et tout particulièrement à des capitaux longs, notamment à travers le développement d'actions conjointes entre l'IFCIC et les régions.

C. FORMER LES CITOYENS À L'IMAGE

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une génération de jeunes spectateurs dont la culture de l'image a été plus influencée par le petit écran que par la pratique cinématographique, issue du déclin du cinéma en salles (années 85-95). Il serait illusoire de penser que le cinéma français pourra durablement regagner des spectateurs - et notamment des jeunes spectateurs - sans s'assurer préalablement que ceux-ci sont ouverts à la différence et à la diversité sur lesquelles s'appuie le travail des cinéastes et qui s'inscrivent dans notre culture.

L'éveil des jeunes générations qui sont, on le sait, aujourd'hui massivement attirées par le cinéma américain, à ce goût de la différence et du libre propos apparaît comme indissociable de tous les efforts qui pourront être consentis par ailleurs pour que le cinéma français reste vivant.

_ Réaffirmer le rôle de la télévision publique en matière de diffusion de la culture cinématographique

Les cahiers des charges des chaînes du groupe France Télévision sont fort laconiques sur les missions des différentes chaînes en matière de cinéma. Ainsi, l'article 25 du cahier des missions et des charges de France 2 (décret n° 94-813 du 16 septembre 1994) se contente de préciser que : « En complémentarité avec France 3, la société diffuse des émissions régulières consacrées (...) au cinéma (...). ». La formule retenue pour France 3 est totalement identique. On peut noter que le décret est beaucoup plus prolixe en ce qui concerne par exemple la présence de la musique ou des retransmissions de spectacles vivants.

En pratique, les grilles sont dramatiquement dépourvues d'émissions sur le cinéma qui soient autre chose que de la diffusion de bandes annonces et des forums d'auto-promotion. Pourquoi ?

Parce que les chaînes ont besoin du cinéma pour nourrir leur grille, et aussi parce qu'il est très difficile d'avoir une approche qui ne soit pas de parti pris face à des oeuvres que l'on a contribué à financer : c'est un des effets pervers de la confusion des rôles de producteur et de diffuseur. Il est vrai que la pression du lobby du cinéma est également très forte sur les diffuseurs pour que ceux-ci se limitent, en matière de cinéma, à des émissions de stricte promotion : l'impact de la télévision est tel que la diffusion d'une critique négative pourrait avoir des effets déplorables sur un film.

Une émission comme Le masque et la plume, diffusée sur France Inter, qui est un espace de libre critique, semble donc inimaginable aujourd'hui à la télévision. Le masque et la plume, peut-être, mais sûrement pas des émissions intelligentes et imaginatives qui permettraient de développer une réflexion critique, une mise en perspective historique, une analyse artistique et technique des images et des sons. Cela permettrait aux téléspectateurs de tous âges, et en particulier aux jeunes, de mieux apprécier ce qui leur est proposé sur les écrans et dans les salles et donc de ne plus consommer de la pellicule au kilomètre, simplement pour rentabiliser leur carte d'abonnement illimité.

A quand donc, une émission de cinéma grand public et intelligente (ce n'est pas incompatible) programmée sur France 2 ou sur France 3 à des heures décentes ? Si la bonne volonté n'y suffit pas, les cahiers des charges devront être modifiés pour y faire figurer ces objectifs en toutes lettres.

_ Renforcer la place du cinéma à l'école

L'éducation à l'image devrait être directement assurée à l'école et inscrite aux programmes de l'éducation nationale. C'est une préoccupation importante de La Cinquième, qui se traduit notamment par la programmation hebdomadaire de l'émission Arrêt sur image, mais aucune action de fond ne sera possible sans la collaboration de l'institution scolaire et tout particulièrement des instituteurs et des professeurs.

Dans une époque où la place et la force de l'image sont constamment renforcées, il est essentiel, dès le plus jeune âge, de donner à voir et à analyser. Apprendre le cinéma n'est pas un savoir annexe ou un amusement, mais une des seules façons d'offrir aux enfants une alternative au règne de la consommation culturelle passive qui prédomine à la télévision et, bien souvent, dans les multiplexes. C'est également une façon de faire travailler la partie du cerveau qui fonctionne sur le mode de la sensibilité et de la création et de donner à chacun des outils pour se repérer et valoriser la singularité de sa sensibilité.

Aujourd'hui, des opérations ponctuelles existent, comme Collèges au cinéma et Lycéens au cinéma, mais il s'agit plus de donner le goût d'une pratique que de forger une culture et un esprit critique. Ces expériences cherchent à allier séance dans les salles, atelier de pratique et rencontre avec les artistes mais manquent malheureusement encore de moyens et ne sont pas généralisées.

Collège au cinéma, lancé en 1989, concerne à présent quatre-vingts départements et plus de 450 000 collégiens. Il a généré en 1999-2000 1,3 millions d'entrées en salle. Lycéens au cinéma, développé en partenariat avec les conseils régionaux depuis 1995, concerne 53 000 lycéens dans treize régions. Ecole au cinéma, opération plus récente lancée en 1994, s'étend désormais à soixante départements et touche près de 200 000 enfants.

Dans le cadre du plan quinquennal de développement de l'enseignement artistique à l'école présenté conjointement par les ministres de l'éducation nationale et de la culture en décembre 2000, la volonté de mettre en place une éducation cinématographique pour tous les élèves a été réaffirmée. Des crédits ont été dégagés sur les budgets 2001 et 2002 pour étendre la portée des dispositifs existant actuellement. Il est cependant regrettable que ce plan n'envisage pas d'intégrer l'éducation à l'image dans les programmes généraux d'enseignement du primaire et des collèges.

II.- RÉACTIVER LA COOPÉRATION BILATÉRALE

De nombreux accords de coproduction existent entre différents pays européens depuis 1946. Souvent accusés dans le passé de générer des films artificiellement européens, ces accords sont aujourd'hui en perte de vitesse et entrent souvent en contradiction avec les dispositifs d'aide européens (MEDIA PLUS, Eurimages) et les réglementations nationales.

Pourtant, les coproductions sont une bonne solution pour assurer le développement du cinéma européen et assurer la construction d'une Europe cinématographique. Il ne s'agit pas de faire de l'« europudding », mais de pouvoir réunir plus d'argent sur un film et de faire connaître le cinéma d'Europe d'un pays à un autre. Véritable école de coopération européenne à travers la mise en commun de ressources artistiques, financières et techniques, la coproduction permet aussi à des sociétés de pays différents de travailler ensemble, de se connaître et de partager leurs expériences.

Parallèlement à la modernisation des accords de coproduction, de nouveaux axes de réflexion pour l'encouragement d'une politique bilatérale forte doivent être envisagés pour en faire un instrument global de soutien au développement d'un espace cinématographique européen.

Le constat de l'échec des accords de coproduction passés entre la France et l'Allemagne depuis 1974 a ainsi amené les deux pays à créer en 2001 une Académie Franco-Allemande du cinéma, destinée à réactiver l'application des accords franco-allemands, notamment dans les domaines de la promotion et de la distribution, à organiser des événements de promotion croisée du cinéma du pays partenaire et à développer des actions communes de formation. Un « mini-traité » de production doté d'une enveloppe budgétaire globale de plus de 3 millions d'euros a été mis en place.

C'est cet exemple qu'il convient aujourd'hui de suivre et de généraliser pour moderniser et réactiver notre coopération cinématographique avec les principaux pays d'Europe... et d'ailleurs.

_ Adapter les critères d'aide nationaux pour faciliter les coproductions

Les coproductions sont aujourd'hui un bon moyen de financer la production d'oeuvres européennes dont le potentiel de circulation est important. Le choix de ce mode de financement n'est cependant pas toujours facile car on observe une forte résistance des industries techniques nationales à l'internationalisation, résistance relayée par les réglementations qui réservent, la plupart du temps, les aides publiques aux oeuvres « nationales ».

Cette résistance est bien présente dans le système d'aide français : les critères et le système de points appliqués par le CNC pour l'accès aux aides du compte de soutien sont très discriminants pour les coproductions. Le compte de soutien a en effet été construit sur une logique protectionniste : les coproducteurs français en position minoritaire ont donc beaucoup de mal à obtenir une aide.

Il n'est pas envisageable que la France, qui est jugée en Europe comme le pays le plus mobilisé en matière de cinéma, continue à ne pas jouer le jeu : les critères de sélection des films (et notamment celui de la langue de tournage) doivent donc être revus pour soutenir délibérément les producteurs s'engageant dans une coproduction européenne.

De façon plus générale, il conviendrait de tendre à l'harmonisation des réglementations nationales en matière de coproduction, en s'appuyant par exemple sur la convention européenne du 2 octobre 1992 sur la coproduction cinématographique (Conseil de l'Europe) et de revoir les différents traités dits de coproduction pour les rendre compatibles avec les réglementations nationales et européennes existantes et en faire de véritables outils de développement concerté.

_ Développer la coopération en matière de distribution

La portée des accords de coproduction devrait par ailleurs être étendue, comme cela est désormais le cas pour l'accord franco-allemand, aux secteurs de la distribution et de la promotion afin de contribuer de façon ciblée à l'amélioration de la circulation des oeuvres entre deux pays d'Europe.

Les accords devraient ainsi prévoir des mécanismes de soutien aux distributeurs assurant la diffusion de films des pays coopérants, afin de les accompagner dans leur prise de risque. L'aide pourrait être conditionnée par des délais de sortie suffisamment rapprochés.

_ Organiser l'ouverture réciproque des systèmes nationaux d'aide automatique

Au-delà des accords de coproduction, il serait intéressant d'étudier la possibilité de créer une interconnexion de tous les systèmes d'aide automatique existant dans chaque pays pour que, lorsque qu'un film européen réalise des entrées dans un autre pays de l'Union, il puisse générer de l'aide automatique pour la production d'un film dans ce même pays. Un tel mécanisme serait une incitation forte au développement des coproductions et à l'interpénétration des talents et des savoir-faire.

Ce système, qui pourrait s'apparenter à une sorte de zone de coopération renforcée, serait bien évidemment fondé sur le principe d'une libre adhésion ; tout film national d'un pays adhérent aurait ainsi accès au système de soutien automatique des autres pays adhérents.

Cependant, pour éviter que le système ne coûte trop cher aux pays qui diffusent le plus de films européens non nationaux (autrement dit à la France et à l'Espagne), il devrait s'accompagner d'un mécanisme de compensation qui pourrait logiquement être assuré par le programme MEDIA de l'Union européenne.

III.- CONSTRUIRE UN VÉRITABLE ESPACE CINÉMATOGRAPHIQUE EUROPÉEN

Pour que l'Europe existe, il faut que les cultures d'Europe se connaissent et se reconnaissent. La création d'un véritable espace cinématographique européen est un élément puissant et actif de cette reconnaissance, vecteur de consolidation de la diversité culturelle. Cependant, pour que ce marché existe, il faut que les films circulent entre les Etats membres et pour que les films circulent, il faut générer une véritable culture cinématographique européenne.

Or, il n'existe aujourd'hui aucun élément fédérateur au sein de la culture cinématographique européenne... à part le cinéma américain ! Il convient donc de prendre des initiatives pour provoquer des rencontres, des échanges, des collaborations et créer une aspiration commune.

Les entretiens effectués par la mission d'information lors de ses déplacements en Europe laissent penser que ce souhait de coopération et d'action en commun n'est pas une douce utopie mais correspond à une réalité partagée aux quatre coins de l'Europe.

Le marché d'un Etat membre (même en France) est définitivement trop étroit pour offrir à la production cinématographique nationale et européenne une espace confortable de développement. Le marché européen, riche de ses 380 millions d'habitants, a en revanche une taille tout à fait satisfaisante. Chacun semble aujourd'hui d'accord pour considérer que, dans le cinéma comme ailleurs, l'union (dans la diversité) fait la force... D'ailleurs, n'est-ce pas le fondement même de l'idée européenne ?

Le développement d'un cinéma européen semble difficile en raison des différences de langues, de culture, mais aussi des façons de raconter des histoires. Le concept de « film européen » a du mal à exister en tant que tel. Mais la richesse de l'Europe réside justement dans sa diversité et chaque cinéma national pourra se développer dans les autres pays d'Europe si un effort est fait pour s'ouvrir à la culture cinématographique des autres.

Il ne s'agit donc pas ici de chercher à bâtir des films artificiellement multinationaux mais simplement d'encourager la construction d'un espace cinématographique européen. Le choix du terme n'est pas anodin : en effet, il s'agit plus de défendre et de promouvoir les cinémas d'Europe qu'un hypothétique cinéma européen, qui n'existe pas en tant que tel. Le développement d'une industrie européenne du cinéma passe indiscutablement par la création d'un espace commun de développement qui, tout en tenant compte des spécificités culturelles de chaque pays, permettrait une amélioration de la circulation des films.

Pour cela, il convient tout à la fois d'encourager les coopérations en matière de production - les films demeurent nationaux mais les financements croisés permettent d'ouvrir le regard et d'encourager la circulation des oeuvres - et de favoriser une meilleure distribution et une plus grande promotion des films européens dans les différents Etats membres.

Les pouvoirs publics de chaque Etat membre et les autorités communautaires doivent aujourd'hui persuader les professionnels du cinéma en Europe que seule une politique de l'offre volontariste, tant en termes de salles (quantitatif) que de films (qualitatif) peut sauver chaque marché national. La diversité et l'ouverture sont pour chacun d'entre nous la seule solution...

Enfin, réaffirmons que l'objectif n'est pas de s'engager dans une logique de guerre économique contre le cinéma américain mais bien de faire quitter au cinéma européen sa mentalité d'assiégé et de l'aider à s'assumer en tant que marché autonome, spécifique et riche de sa pluralité.

A. ENCADRER LES CONCENTRATIONS POUR PRÉSERVER LA DIVERSITÉ DES ACTEURS

En matière de droit de la concurrence, l'intervention au niveau européen semble préférable à une juxtaposition de réglementations nationales différentes. Encore faut-il parvenir à faire prendre conscience aux autorités européennes de la nécessaire adaptation des règles générales aux spécificités du secteur. En l'absence d'une telle adaptation, une tension pourrait en effet apparaître entre l'objectif d'accroissement de la compétitivité européenne et celui de promotion de la diversité culturelle au sein de l'Europe.

_ Adapter les règles européennes en matière de concentration aux spécificités du secteur de la communication

La prospérité des studios hollywoodiens a été bâtie sur une loi anti-trust qui interdisait le cumul des activités de production et de diffusion. Ce n'est que depuis une dizaine d'années, sous la pression des médias audiovisuels de plus en plus puissants, que cette réglementation a été battue en brèche.

Le fait qu'il existe en Europe des sociétés de production susceptibles de résister aux Etats-Unis est une bonne chose, mais l'Union européenne se doit néanmoins de contrôler et réguler leur développement par le biais d'une réglementation spécifique afin d'éviter les abus de position dominante et la disparition de tout un tissu d'entreprises indépendantes qui assurent la richesse et la diversité des oeuvres produites.

En ce qui concerne plus spécifiquement le cinéma, cette réglementation devrait permettre de garantir le pluralisme des structures de production ainsi que l'accès des indépendants aux canaux de distribution et d'exploitation et aux catalogues de films.

_ Insérer une définition de la production indépendante dans la directive « Télévision sans frontières »

En Europe comme en France, la distinction entre producteurs et diffuseurs est au coeur des débats sur les concentrations et le pluralisme dans le secteur de la communication. Cette distinction est de plus en plus en plus délicate à effectuer, toutes les fonctions étant souvent confondues dans des groupes à intégration verticale.

Pourtant, la volonté de stimuler la diversité de la production, notamment en favorisant la création de nouvelles entreprises indépendantes venant concurrencer les producteurs établis, figure parmi les objectifs initiaux de la directive « Télévision sans frontières », qui recommande aux Etats membres de réserver au moins 10 % de leur temps de programmation ou de leur budget de programme à des « oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants » (article 5 de la directive).

Malheureusement, la directive renvoie la définition de l'indépendance aux Etats membres, chargés d'arrêter les « critères appropriés ». Or, si de nombreux Etats membres ont recours à la notion de producteur indépendant pour déterminer les bénéficiaires des régimes d'aides nationales, la signification de « l'indépendance » et les critères utilisés pour décider si un producteur est indépendant sont souvent différents d'un pays à un autre.

Afin de mieux assurer la protection des petites structures face aux grands groupes de communication intégrés, de plus en plus liés aux diffuseurs, il serait donc souhaitable d'insérer dans la directive une définition européenne de l'entreprise de production indépendante.

Au-delà de la directive « Télévision sans frontières », cette définition de la production indépendante pourrait être utilisée pour l'application des règles communautaires de concurrence, notamment lors de l'examen des projets de fusions, afin de veiller à ce que le secteur, composé principalement de petites et moyennes entreprises, conserve sa diversité.

B. INTENSIFIER LE SOUTIEN À LA DISTRIBUTION

L'Europe doit trouver le moyen de rendre visible son offre cinématographique, tant en son sein qu'à l'extérieur de ses frontières. Les systèmes de distribution actuellement en vigueur en Europe sont trop cloisonnés et trop fermés, pensés pour des marchés nationaux. Pourtant, tout le monde a intérêt à ce que les films européens soient vus et aient du succès dans des pays européens autres que leur pays d'origine : seul un marché plus vaste permettra en effet un réel amortissement des productions ainsi qu'un renforcement de la culture cinématographique européenne.

Il faut donc travailler à la mise en place de systèmes de distribution européens qui permettraient d'en faire plus pour chaque film, grâce aux économies d'échelle. Il ne s'agit pas de chercher à unifier la création, mais simplement de donner aux oeuvres nationales la capacité d'avoir une « carrière » européenne.

Soyons clairs : on n'arrivera jamais à faire circuler des navets européens ! En cela, l'Europe ne pourra jamais se mesurer aux Etats-Unis. Les films qui traversent le mieux les frontières sont ceux qui comportent une forte typicité régionale tout en véhiculant un message de portée universelle... Mais de tels films sont exceptionnels !

Les Etats-Unis ne diffusent pas en Europe un nombre considérable de films mais ils ont l'avantage de produire des films dans la langue dominante et d'avoir à leur disposition le meilleur circuit de distribution du monde. L'Europe, quant à elle, est une juxtaposition de petits marchés, qui ont chacun leurs spécificités, leurs saisons et leurs habitudes de public. Il est donc assez difficile de dégager une stratégie européenne unique.

Les actions envisageables pour améliorer la situation ne pourront être que longues et coûteuses. Pourtant, l'ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission d'information s'accordent à regarder la distribution et la promotion des films comme le meilleur vecteur d'action à l'échelle européenne.

_ Accroître les moyens et les actions de MEDIA PLUS en faveur des distributeurs

Le soutien à la distribution est le volet le plus important de MEDIA PLUS, puisque 201 millions d'euros y sont consacrés sur cinq ans (dont 60 % pour la distribution des films de cinéma).

Certes, les orientations de l'aide sont intéressantes (et notamment la mise en place d'un mécanisme de soutien automatique aux distributeurs nationaux en fonction des entrées réalisées sur les films européens non nationaux) mais la priorité affichée ne doit cependant pas cacher la portée réelle de l'aide : 126 millions d'euros pour soutenir pendant cinq ans la distribution des films dans quinze Etats-membres ainsi que le réseau Europa Cinemas... ce n'est pas beaucoup !

La circulation des oeuvres en Europe ne pourra être améliorée qu'avec un effort financier conséquent pour faire connaître dans les pays de l'Union européenne les « vedettes » des autres Etats membres. Cette méconnaissance du cinéma des pays voisins est en effet à la base de la mauvaise circulation des films européens en Europe. Un tel effort peut être efficace mais ses auteurs doivent être prêts à investir à perte.

Pour soutenir la promotion d'un film non national par mois dans chaque Etat membre, le programme MEDIA devrait ainsi dégager chaque année 5 millions d'euros par grand pays (Allemagne, Espagne, France, Royaume-Uni, Italie) et, au total, près de 40 millions d'euros par an - soit 200 millions d'euros sur toute la durée de MEDIA PLUS -, ce qui représente bien plus que la totalité des crédits prévus pour la distribution cinématographique !

Au-delà de la question de l'importance des moyens disponibles, les aides du plan MEDIA devraient intégrer des mécanismes d'aide favorisant la définition des plans de distribution très en amont du processus de production.

Cette politique de soutien à la distribution est cependant indissociable d'une bonne programmation des films en salles. En effet, il ne suffit pas qu'un film soit distribué, encore faut-il qu'il ait un accès réel aux écrans. Aussi faut-il également poursuivre et amplifier les programmes de soutien aux salles.

_ Créer un fonds européen de garantie pour les distributeurs

Les différents distributeurs rencontrés par la mission d'information ont tous évoqué les difficultés financières rencontrées au quotidien pour l'acquisition des copies de films européens non nationaux, souvent insuffisamment nombreuses pour une diffusion concomitante dans différents Etats-membres, et l'avance des frais de promotion.

Ils serait donc utile que l'Union européenne crée un fonds de garantie pour la distribution cinématographique destiné à faciliter la distribution des films européens en Europe et à soutenir le développement des sociétés européennes de distribution. Ce fonds de garantie permettrait de couvrir des opérations à court terme (relais de trésorerie) ainsi que des prêts à moyen et long terme pour faciliter le financement de ces sociétés de distribution. La gestion pourrait être confiée au Fonds européen d'investissement.

Un projet voisin, visant à créer un fonds de garantie pour la production cinématographique et audiovisuelle en Europe est en cours d'examen depuis... 1995 ! On ne peut donc que former des voeux pour que la présente proposition, dont le caractère d'urgence est incontestable, bénéficie d'une prise en considération et d'un traitement un peu plus rapides.

_ Favoriser une meilleure connaissance des performances des films européens

Pour l'espace cinématographique européen puisse fonctionner dans des conditions de marché, il convient que les professionnels chargés de la diffusion des films (distributeurs, exploitants, diffuseurs télévisuels) soient en mesure de connaître le plus justement possible les performances des films et les conditions de leur succès. Il en est de même si l'on souhaite que le renforcement des aides aux distributeurs évoqué plus haut soit pleinement efficace.

Il conviendrait donc de mettre en place, dans le cadre du programme MEDIA (qui publie déjà un certain nombre de statistiques sur la fréquentation) :

- d'une part un système de billetterie unifié dans l'ensemble des Etats membres de l'Union, comparable à celui qui existe en France, afin de disposer d'un outil incontestable pour connaître exactement le nombre d'entrées et les recettes réalisées en salles par un film ;

- et d'autre part un box office international des films européens, afin de mieux connaître leur carrière dans le monde. Pour une profession qui est très « suiviste », l'existence d'une telle information serait un gros progrès.

C. RENFORCER LES ACTIONS COMMUNES EN FAVEUR DE LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPEN

Faire de la coproduction sans suivi promotionnel n'a aucun intérêt : le cinéma européen n'existera véritablement que si les spectateurs le connaissent et sont capables de l'identifier comme ils identifient aujourd'hui le cinéma américain. Pour cela, réactiver la coopération en matière de promotion des films nationaux dans les autres pays européens est donc tout à fait nécessaire.

_ Mettre en réseau les Académies nationales du cinéma

Il existe bien une Académie européenne du cinéma, qui siège à Berlin, mais elle n'est pas véritablement connue. Chaque pays européen préfère s'en tenir à sa propre Académie et à son système de prix (les Césars en France, les Goya en Espagne...).

Pourtant, la diffusion de l'amour du cinéma est aussi, on le sait bien, une histoire de vedettes, de paillettes et de « glamour »... Aujourd'hui, les stars italiennes ne font plus rêver les jeunes Français... sauf si elles s'appellent Monica Bellucci et jouent dans... Astérix !

Pour donner un nouveau dynamisme et un plus grand prestige aux cinémas d'Europe, il pourrait donc être intéressant de mettre en réseau les différentes Académies et de leur confier l'organisation d'une grande soirée annuelle du cinéma européen. Il existe bien un prix Eurovision de la chanson, repris par l'ensemble des diffuseurs européens : pourquoi ne pas décider, par exemple dans le cadre de l'UER (Union européenne de radiodiffusion), d'assurer une diffusion en Eurovision de la soirée de remise des prix de l'Union des Académies européennes du cinéma ?

Ces Académies en réseau pourraient également être chargées d'organiser, sur le modèle de la Fête de la musique, qui a désormais pris une dimension internationale, une Fête du cinéma, qui permettrait, une nuit durant, dans toute l'Europe, de célébrer le septième art, sa mémoire, son avenir, ses auteurs et ses acteurs.

_ Harmoniser les calendriers de sortie des films en Europe

Contrairement à la sortie des films américains en Europe, qui fait l'objet de campagnes savamment orchestrées bien en amont de la date de sortie, la distribution des films européens en Europe se fait au cas par cas, au gré des choix des distributeurs... et de la disponibilité des négatifs. Ainsi, un film comme Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, qui a rencontré un immense succès en France, n'a été distribué dans les autres pays européens que six mois plus tard... à un moment où l'engouement médiatique était déjà partiellement retombé.

Il semble donc nécessaire d'encourager les distributeurs des différents pays européens à travailler ensemble pour lancer les films à peu près en même temps. Un soutien financier pourrait être prévu à cet effet dans le programme MEDIA, en complément des aides actuellement accordées.

_ Fédérer les initiatives nationales en faveur de la promotion et de l'exportation des films au sein de l'Union et dans le reste du monde

Il n'y a pas aujourd'hui en Europe d'information réelle sur la qualité et l'intérêt des films nationaux de chaque Etat membre. Plusieurs pays européens disposent aujourd'hui de structures destinées à valoriser les films nationaux à l'étranger (comme Unifrance mais également Italia Cinema en Italie) mais les actions menées par ces organismes demeurent trop ponctuelles.

Il serait donc souhaitable de rapprocher et de fédérer les initiatives prises dans chaque Etat membre afin de valoriser les oeuvres rencontrant le plus de succès dans leur pays d'origine et de mieux faire connaître les acteurs et les réalisateurs européens. Le programme MEDIA pourrait ainsi, au titre de ses aides à la promotion, encourager les différentes structures nationales existantes à mettre en commun leurs savoir-faire et leur réseau de diffusion.

Cette promotion pourrait se matérialiser par l'organisation de projections professionnelles (screenings), la participation à des manifestations et à des marchés en Europe et en dehors d'Europe et l'organisation de festivals des cinémas européens en Europe mais également hors des frontières de l'Union (comme les festivals d'Acapulco et de Yokohama organisés par Unifrance pour les films français).

Il s'agirait ici de réconcilier les actions culturelles, promotionnelles et commerciales pour mieux valoriser la richesse et la diversité de la création européenne, dans une logique plus communautaire qu'identitaire.

D. MIEUX FORMALISER LES OBLIGATIONS DES DIFFUSEURS DANS LA DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES »

_ Définir une obligation de diffusion des oeuvres cinématographiques européennes

A l'heure actuelle, la directive « Télévision sans frontières » n'impose aucune contrainte en matière de production et de diffusion d'oeuvres cinématographiques. Les seules indications existantes, qui doivent être suivies « chaque fois que cela est réalisable », concernent d'une part un quota de diffusion d'oeuvres européennes (une proportion majoritaire du temps d'antenne) et d'autre part un quota de diffusion d'oeuvres « indépendantes » (10 % au moins du temps d'antenne ou du budget de programmation). Ces règles concernent l'ensemble des oeuvres européennes, parmi lesquelles figurent les films (article 6 de la directive).

Les dispositions instituées dans différents pays pour soutenir la production et la diffusion des films relèvent donc du seul choix des Etats membres. Comme cela a été précisé dans la première partie, la France, l'Espagne et l'Italie imposent aujourd'hui aux diffuseurs des obligations d'investissement de portée variable. Quant à la diffusion, il n'existe nulle part d'obligation quantitative pour la programmation des oeuvres cinématographiques : les seules contraintes concernent, comme en France, les heures de diffusion ou le plafond annuel d'oeuvres programmables.

Pourtant, de nombreux interlocuteurs européens de la mission s'accordent à reconnaître aux diffuseurs un rôle majeur dans le développement de la culture cinématographique européenne et considèrent que le renforcement de la diffusion des films européens non nationaux à la télévision est susceptible de créer un marché et d'encourager les coproductions.

Dans cette logique, il serait souhaitable d'encourager les chaînes de télévision à programmer plus de films européens non nationaux. Les quotas ont eu un effet vertueux en matière de production audiovisuelle nationale : il conviendrait désormais d'avoir une démarche aussi volontariste en matière de films européens.

L'article 6 de la directive TSF pourrait donc être modifié afin de viser spécifiquement d'une part les oeuvres cinématographiques et d'autre part les oeuvres européennes non nationales.

Reste la question du niveau d'obligation : l'expérience de la précédente renégociation laisse malheureusement peu d'espoir de retirer la mention « chaque fois que cela est réalisable ». Pourtant, la définition d'une véritable obligation de diffusion des films européens pour l'ensemble des diffuseurs pourrait avoir un effet vertueux sur le marché cinématographique de l'Union, tant pour l'encouragement à la production que pour la circulation des oeuvres.

CONCLUSION

La mission parlementaire avait débuté ses travaux sous le signe d'un cinéma français assiégé :

- assiégé par les mouvements de restructuration internationale et d'intégration des industries culturelles,

- assiégé par des modifications du paysage français (multiplexes, cartes illimitées, part de marché du cinéma français en baisse),

- assiégé par les négociations internationales tant au sein de l'Union européenne qu'à l'OMC.

Elle se termine aujourd'hui plus sereinement : la part de marché du film français n'a jamais été aussi élevée, l'exception culturelle est attaquée mais toujours reconnue et la réflexion européenne sur le cinéma semble aller dans le bon sens. A la suite des nombreuses rencontres effectuées en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Belgique et au Royaume-Uni, les membres de la mission d'information ont désormais le sentiment que le système français, malgré sa technicité, est une inspiration possible pour organiser le marché du cinéma, tant au niveau national qu'européen.

La sérénité vient aussi de la reconnaissance d'une organisation du cinéma plus que quinquagénaire qui, au cours du temps, a su surmonter les difficultés avec bonheur, au point d'illustrer assez justement une pensée bouddhiste : « si nous allons dans la bonne direction, ce qu'il reste de mieux à faire est de continuer... » :

- continuer à défendre la légitimité d'un système public de régulation du marché du cinéma,

- continuer à adapter sans cesse ce système aux mutations qui viennent, vague après vague, changer le paysage cinématographique,

- continuer à se battre au sein de l'Union européenne et de l'OMC pour que vive la diversité culturelle.

Les propositions, les suggestions, les recommandations de la mission d'information s'inscrivent dans cette ambition. Elles doivent se lire comme autant de contributions à un débat, à un travail jamais terminés que chacun, à sa place, doit assumer.

C'est pourquoi il semblait légitime de conclure ce rapport par une journée d'échanges, qui permettra à chacun de poursuivre ses réflexions, sa route et son action au profit du cinéma.

A N N E X E S

PERSONNES AUDITIONNEES

· M. Jean-Marc Ageorges, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF)

· M. Alain Auclaire, président de la FEMIS

· Mme Nathalie Bloch-Lainé, directrice des acquisitions de Canal +

· M. Paulo Branco, président de Gemini Films

· M. Olivier Carmet, directeur général de la société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)

· M. Jean Cazès, président du Club des producteurs européens

· M. Brahim Chioua, directeur général de Studiocanal France

· M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président de la Chambre syndicale des producteurs de films

· M. Jean-Pierre Decrette, président d'UNICINE, directeur général de Pathé Palaces

· M. Jacques Deray, vice-président cinéma de la société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)

· Mme Frédérique Dumas, vice-présidente de la Chambre syndicale des producteurs de films

· M. Gregory Faes, directeur de Rhône-Alpes Cinéma

· M. Marc-André Feffer, président du directoire de Canal +

· M. Jean-Raymond Garcia, directeur de l'Atelier de production Centre Val de Loire

· M. Daniel Goudineau, ancien directeur général adjoint du CNC

· M. Laurent Hébert, administrateur de l'Association française des cinémas d'art et d'essai

· M. Pierre Héros, directeur général de France 2 cinéma

· M. Laurent Heynemann, président de la société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)

· M. Jean-Pierre Hoss, directeur général du CNC

· M. François Hurard, directeur du cinéma au CNC

· M. Gilles Jacob, président du Festival de Cannes

· M. Daniel Kapelian, chargé de mission nouveau médias à la société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)

· Mme Nelly Kaplan, administrateur de la société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)

· M. Marin Karmitz, président de MK2

· M. Christian Lamarche, directeur du Centre régional de ressources audiovisuelles du Nord Pas-de-Calais 

· M. Francis Lamy, Médiateur du cinéma

· M. Jean-Claude Lamy, directeur général de France 3 cinéma

· M. Patrice Laumé, délégué général de la FICAM (fédération des industries du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia)

· M. Jean Marbeuf, réalisateur

· M. Philippe Mari, vice-président multimédia de la société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)

· Mme Marie Masmonteil, présidente du Syndicat des producteurs indépendants

· M. Thierry Peyrard, directeur adjoint du CNC, chargé des financements

· M. Kim Pham, directeur financier et juridique du CNC

· M. Pascal Rogard, délégué général Auteurs, Réalisateurs, Producteurs (ARP)

· M. Jérôme Seydoux, président de Pathé

· M. Nicolas Seydoux, président de Gaumont

· M. Serge Siritzky, directeur de la rédaction d'Ecran Total

· M. Laurent Storch, directeur général de TF1 films production

· M. Jacques-Eric Strauss, président de l'association des exportateurs de films (ADEF)

· M. Alain Terzian, président de l'Union des producteurs de films

· M. Daniel Toscan du Plantier, président d'Unifrance

· M. Guy Verrecchia, président d'UGC

· M. Edouard de Vesinne, directeur de la production de M6

· M. Dominique Wallon, président de l'IFCIC (Institut de financement du cinéma et des industries culturelles)

Programme du déplacement à Berlin
(25 - 27 avril 2001)

Mercredi 25 avril 2001

- Entretien avec Mme Fatima Djoumer, responsable des relations publiques et de l'événementiel de la société Europa Cinemas

- Entretien avec Mme Niehus, directrice adjointe de la Filförderunganstalt (FFA)

- Entretien avec Mme Georgia Tornow, secrétaire générale de l'association de producteurs « Film 20 »

- Entretien avec M. Haig Balian, directeur de Tobis-StudioCanal

Jeudi 26 avril 2001

- Visite des Studios de Babelsberg

Entretien avec M. Thierry Potok, président-directeur général des studios

- Entretien avec Mme Helga Bähr, directrice des Lichtblick Filmproduktion

- Entretien avec le Professeur Dieter Wiedemann, directeur de la Konrad Wolf Hochsule fur Film und Fernsehen (école de cinéma de Babelsberg)

Vendredi 27 avril 2001

- Entretien avec Mme Ingrid Walther, responsable du Bureau médias, information et communication au ministère de l'économie et de la technologie du Land de Berlin

Programme du déplacement à Rome
(13 - 15 juin 2001)

Mercredi 13 juin 2001

- Entretien avec Mmes Giovanna Grignaffini et Franca Chiaromonte, députées Democrazia di sinistra, anciennes membres de la commission de la culture

Jeudi 14 juin 2001

- Visite des studios de Cinecittà

- Entretien avec M. Felice Laudadio, président de Cinecittà holding et M. Maurizio Sperandini, directeur de la production de Cinecittà Studios

- Déjeuner avec M. Gianni Massaro, président de l'Union des producteurs de films, président d'Eurimage

- Entretien avec Mme Luciana Castellina, président d'Italia Cinema

- Entretien avec Mme Rosanna Rummo, directrice générale du Cinéma au ministère des biens et des activités culturels

Vendredi 15 juin 2001

- Entretien avec M. Emmanuel Gout, Président de Tele +

- Déjeuner en présence de M. Enzo Porcelli, producteur cinéma, membre de l'Association des auteurs et producteurs indépendants, de M. Leo Pescarolo, producteur de cinéma et de M. Roberto Levi, producteur, président de l'Association des producteurs de télévision

Programme du déplacement à Bruxelles
(4 - 5 juillet 2001)

Mercredi 4 juillet 2001

- Entretien avec Mme Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la culture et des médias

- Déjeuner avec Mme Myriam Lenoble, directrice générale adjointe de l'audiovisuel et M. Antoine Drzymala, conseiller au cabinet du ministre de l'audiovisuel de la Communauté Française de Belgique, au sujet de la politique de la présidence belge de l'Union européenne en matière de cinéma

- entretien avec M. Pierre Defraigne, chef de cabinet de M. Pascal Lamy, commissaire européen chargé du commerce

- Entretien avec l'équipe du programme MEDIA

- Entretien avec M. Marc Van Hoof, chef de cabinet de M. Mario Monti, commissaire européen chargé de la concurrence

Jeudi 5 juillet 2001

- Entretien avec M. Yvon Thiec, délégué général Eurocinéma 

- Entretien avec M. Chirstopher Marcich, représentant à Bruxelles de la Motion Pictures American Association (association des producteurs hollywodiens)

Programme du déplacement à Madrid
(12 - 14 septembre 2001)

Mercredi 12 septembre 2001

- Entretien avec M. Stéphane Sorlat, directeur de Mate Productions

- Entretien avec M. Enrique Gonzalez Macho, président d'Alta Films (distribution et exploitation)

Jeudi 13 septembre 2001

- Entretien avec M. José Maria Otero, directeur général de l'Institut du Cinéma et des Arts Audiovisuels

- Séance de travail avec la Commission de la culture des Cortes, présidée par M. Eugenio Nasarre Goicoetchea

- Entretien avec M. Eduardo Campoy, président de la Fédération des Associations de producteurs

Vendredi 14 septembre 2001

- Entretien avec M. Ghislain Barrois, directeur des achats de Telecinco

- Entretien avec MM. Jacques Roldan, directeur des achats de Canal + Espagne et Pablo Alfaro Aguila-Real, directeur adjoint de SOGECINE (filiale cinéma)

Programme du déplacement à Londres
(23 - 25 janvier 2002)

Mercredi 23 janvier 2002

- Visite des studios Pinewood organisée par M. Graham Hartsone, directeur du département de post-production, et rencontre avec M. Robin Busby, directeur adjoint des Studios

Jeudi 24 janvier 2002

- Rencontre avec M. John Woodwards, directeur général du Film Council

- Rencontre avec M. Bertrand Moullier, chef du département du film à la Producers Alliance for Cinéma and Television

- Rencontre avec Keith Gibbins, chef du département du film au ministère de la culture, des médias et du sport

- Rencontre avec MM. Chris Bryant, Allan Keen and John Thurso, députés membres de la commission de la culture, des médias et du sport à la Chambre des communes

Vendredi 25 janvier 2002

- Rencontre avec M. David Meeker, ancien directeur du British Film Institute

Actes du colloque sur l'avenir du cinéma  en France et en Europe

__________________

3642 - Rapport d'information de M. Marcel Rogemont sur le cinéma

1 En 1998, le nombre de films produits était de 183 en France contre 70 en Allemagne et 90 au Royaume-Uni, le nombre d'entrées de 170 millions en France contre 148 en Allemagne et 135 au Royaume-Uni et la part de marché des films nationaux respectivement de 27 % en France contre 8,1 % en Allemagne et 12 % au Royaume-Uni (source : MEDIA Salles 2001)

2 Sondage réalisé par l'Observatoire de la satisfaction pour l'hebdomadaire Ecran Total, du 5 au 11 novembre 2001.

3 La loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant DDOEF avait abaissé les seuils d'autorisation, initialement fixé à 1500 places, à 1000 places pour une création et 1500 places pour une extension ; la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques est à nouveau intervenue pour abaisser à 800 places le seuil d`autorisation administrative.

4 FEMIS : Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son

5 Interview de Fabienne Vonier, Présidente de Pyramide, Ecran Total, n° 402, 23 janvier 2002

6 Il existe à l'heure actuelle cinq types de mandats de commercialisation : salles France, vidéo France, télévision France, international et commercialisation en ligne.

7 Cf. la décision du tribunal administratif de Poitiers du 21 mars 2001 annulant la subvention d'un million de francs accordée par le Conseil général de la Charente pour le tournage du film  Les destinées sentimentales d'Olivier Assayas au motif que, dans le film, « la Charente n'est pas assez identifiable. ».