L'ÉTAT ACTUEL ET LES PERSPECTIVES TECHNIQUES
DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Chapitre Ier, 1ère partie

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

CHAPITRE I : LES ÉNERGIES RENOUVELABLES : POUR QUOI, POUR QUI ET JUSQU'OÙ ? 3

DES TECHNOLOGIES CLÉS POUR L'ACCESSION À L'ÉNERGIE DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ET POUR RATIONALISER LA CONSOMMATION DANS LES TRANSPORTS ET L'HABITAT DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS 3

I.- Des énergies techniquement distinctes des énergies fossiles ou nucléaires 5

1. Des énergies aux usages multiples et variables dans le temps et l'espace 8

1.1. Des sources d'énergie pour des usages très diversifiés 8

1.2. Une intermittence plus ou moins forte de la production 9

1.3. La prise en compte de l'intermittence pour la production d'électricité 12

2. Des énergies convenant mieux à la production décentralisée qu'à la production centralisée 13

2.1. Des énergies plus ou moins adaptées à la production décentralisée 13

2.2. Les perspectives de la production répartie d'énergie 14

3. Des énergies à profil local pour des besoins locaux 14

4. Un couplage le plus souvent nécessaire avec les énergies classiques 16

II.- Des énergies fondamentales, avec d'autres, pour le monde en développement 19

1. La croissance mondiale des besoins en énergie 19

1.1. Les scénarios de l'OCDE, du DOE et de l'IIASA 20

1.2. Les scénarios du GIEC-IPCC publiés en 2001 21

2. Des besoins en énergie diversifiés selon les régions du monde 24

2.1. Les hypothèses d'évolution des coûts de l'énergie, et en particulier des énergies renouvelables 24

2.2. Des différences régionales importantes 26

3. Les énergies renouvelables, une solution partielle aux problèmes de développement économique et de la lutte contre l'effet de serre 32

3.1. Le constat du GIEC sur le réchauffement climatique 32

3.2. Les scénarios d'évolution des émissions de gaz à effet de serre 36

3.3. Une part des renouvelables dans l'approvisionnement mondial limité à 30 % en 2050 37

3.4. Des filières essentielles pour l'accession à l'énergie mais ne couvrant pas toute la gamme des besoins 39

Suite du rapport : chapitre Ier, 2ème partie

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Introduction générale

Les énergies renouvelables connaissent depuis le milieu des années 1990 une vogue qui semble se renforcer d'année en année.

L'objectif du développement durable adopté à la Conférence de Rio de 1992 est à l'origine de cet essor, qui ne doit toutefois pas faire oublier à la fois l'intérêt récent qui leur a été accordé dans les années 1980 et l'intérêt immémorial dont elles bénéficient depuis l'aube de l'humanité.

Énergies les plus anciennement utilisées par l'humanité, les énergies renouvelables, sont essentiellement tirées des éléments - la terre, l'eau, l'air et le feu - et du soleil.

On désigne aujourd'hui par énergies renouvelables un ensemble de filières diversifiées dont la mise en _uvre n'entraîne en aucune façon l'extinction de la ressource initiale.

Tirées du vent, l'énergie éolienne mais aussi l'énergie houlomotrice conduisent à la production d'électricité.

Provenant du soleil, le solaire photovoltaïque permet la production d'électricité, de même que le solaire thermodynamique, tandis que le solaire thermique permet la production de chaleur ou de froid.

Extrayant la chaleur de la terre, la géothermie conduit à l'obtention de chaleur, de froid ou d'électricité.

Mobilisant grâce aux mécanismes complexes du vivant par la photosynthèse les apports du soleil, de la terre et du gaz carbonique de l'air, la biomasse offre également une variété considérable de possibilités en termes de combustion, de fermentation et de synthèse chimique ou enzymatique.

Les énergies renouvelables sont ainsi multiples et fondamentalement diverses par leurs mécanismes physiques, chimiques ou biologiques

En tout état de cause, la démarche conduite par vos Rapporteurs a consisté dans un premier temps à répondre à quelques-unes des questions essentielles que l'on se pose au vu du rôle qu'ont joué les énergies renouvelables dans l'histoire de l'humanité et que leur nouvelle actualité oblige à éclaircir si l'on veut conduire une réflexion rationnelle.

La première question fondamentale à laquelle il faut apporter une réponse est simple : à quels types d'usage les énergies renouvelables se prêtent-elles et en conséquence jusqu'où peut-on en préconiser l'utilisation ? Des réponses différenciées doivent en tout état de cause être obtenues tant pour les pays développés que pour les pays en développement.

Une fois établies les caractéristiques intrinsèques des énergies fondamentales et leur domaine d'application dans les pays développés et dans les pays du Sud, une deuxième question apparaît immédiatement. Compte tenu de leur diversité et de la multiplicité d'applications possibles, quelles filières faut-il privilégier en France, de manière que leur contribution au bilan énergétique et au développement industriel soit optimale ?

La troisième question porte en conséquence sur la politique qu'il convient de mener en France, au vu des actions déjà conduites et des problèmes à résoudre aux plans de la recherche et du développement industriel.

En définitive, le présent rapport comprend trois chapitres.

Le premier répond à la question déjà formulée « les énergies renouvelables : pour quoi, pour qui et jusqu'où ? » en indiquant qu'il s'agit de technologies clés pour l'accession à l'énergie dans les pays en développement et pour rationaliser la consommation d'énergie dans les transports et l'habitat dans les pays développés.

Le deuxième chapitre répond à la question « quelles priorités donner aux différentes filières ? » en démontrant que les choix sont à revoir dans l'importance accordée aux différentes filières françaises, l'électricité renouvelable étant un objectif moins important au plan national qu'au plan international alors qu'au contraire, le thermique et les biocarburants représentent des réponses essentielles aux graves problèmes français de la consommation d'énergie dans l'habitat et les transports.

Le troisième chapitre traite enfin de la question « quelle politique pour l'avenir ? » en proposant que l'accent soit désormais mis sur la recherche et le renforcement de l'industrie française, avec un recentrage et une accélération indispensables autour du thermique, de l'architecture bioclimatique et des biocarburants.

Chapitre I : les énergies renouvelables : pour quoi, pour qui et jusqu'où ?

Des technologies clés pour l'accession à l'énergie dans les pays en développement et pour rationaliser la consommation dans les transports et l'habitat dans les pays développés

Les énergies renouvelables ont été les seules énergies dont l'humanité a pu disposer au cours d'une longue période allant des origines au début de la révolution industrielle.

Remplacées par les énergies fossiles puis fissiles, les énergies renouvelables connaissent depuis le début des années 1980 un regain d'intérêt notable, qui se traduit même depuis la fin des années 1990 par l'espoir formulé par certains qu'une fois revisitées par la technologie moderne, les énergies renouvelables pourraient se substituer aux énergies fossiles ou fissiles dont l'épuisement semble proche et dont les inconvénients environnementaux sont immédiats en termes d'émissions de gaz à effet de serre et de déchets radioactifs.

Dès lors, il convient de déterminer si les énergies renouvelables comportent ou non des caractéristiques spécifiques, les distinguant ou non des énergies fossiles ou fissiles.

Il convient également d'évaluer quel pourrait être leur rôle à l'avenir, pour l'approvisionnement en énergie des différentes régions du monde, compte tenu des prix relatifs actuels des différentes filières et de leur évolution probable.

A cet égard, la situation des pays en développement doit être examinée avec attention, pour déterminer quelle pourrait être la contribution des énergies renouvelables au problème fondamental de l'accession de ces pays à l'énergie.

Simultanément, la politique suivie par les différents pays européens en pointe dans l'utilisation des énergies renouvelables doit être étudiée afin de tirer les leçons des différentes expériences nationales.

La France, par ailleurs, possède une situation particulière, avec une indépendance presque totale pour la production d'électricité, grâce à son hydroélectricité et à son parc électronucléaire. En revanche, sa dépendance est pratiquement totale pour les transports et pour la consommation d'énergie fossile dans le résidentiel-tertiaire.

Compte tenu de la spécificité de cette situation, quels doivent être les objectifs stratégiques fixés aux énergies renouvelables dans notre pays ?

I.- Des énergies techniquement distinctes des énergies fossiles ou nucléaires

Tirées des quatre éléments - la terre, l'eau, l'air et le feu - et du soleil, les énergies renouvelables sont inépuisables et d'un usage immémorial.

On parle de nos jours d'énergies renouvelables pour désigner en fait des sources anciennes dont la mise en _uvre est optimisée avec des technologies modernes ou bien d'énergies dont le principe est entièrement nouveau, comme le photovoltaïque où la lumière du soleil produit directement de l'électricité.

Une typologie classique consiste à distinguer les énergies renouvelables selon leur degré de maturité technique (voir tableau ci-après).

Dans la catégorie des énergies renouvelables matures, on place généralement d'une part l'hydroélectricité réduite en réalité en France aux micro et au mini-centrales, faute de sites adéquats pour la grande hydroélectricité, et, d'autre part, l'utilisation de la chaleur extraite des procédés d'incinération d'ordures ménagères.

Les filières en développement, dont on peut attendre des progrès très rapides, sont l'éolien, le solaire thermique, le bois combustible, la géothermie basse température et le biogaz.

Les filières en devenir, dont les performances techniques et économiques ne seront optimales que dans quelques années, comprennent le solaire photovoltaïque, l'éolien offshore, l'énergie tirée des vagues, la géothermie haute température et la filière hydrogène, l'hydrogène n'étant pas à proprement parler une énergie renouvelable mais plutôt un vecteur de stockage.

Un tel classement est évidemment sujet à caution dans la mesure où la performance technique et plus encore économique est une notion relative qui dépend des hypothèses faites sur le contexte et sur le niveau de performance des énergies de référence. En particulier, les comparaisons incluent-elles les coûts évités tels que les coûts de réseau ou les coûts externes tels que ceux relatifs à l'amont et à l'aval de la production ?

Mais il est incontestable que certaines énergies renouvelables sont d'ores et déjà utilisables et utilisées à grande échelle alors que d'autres doivent encore nécessairement faire l'objet de développements.

Tableau 1 : Caractéristiques des trois catégories de filières d'énergies renouvelables

(source : DGEMP)

les filières matures

les filières en développement

les filières en devenir

· technologies maîtrisées

· expérience industrielle

· technologies dont le développement a commencé

· améliorations techniques attendues

· diminution nécessaire des coûts d'investissement et du coût du kWh produit

· technologies non entièrement maîtrisées (capteurs)

· ou technologies très onéreuses

· micro et mini hydroélectricité

· incinération des ordures ménagères

· éolien

· biogaz

· solaire thermique

· bois combustible

· géothermie basse température

· éolien off shore

· solaire photovoltaïque1

· énergie houlomotrice

· géothermie haute température

· filière hydrogène

· coût de production du kWh proche des filières classiques (nucléaire et cycle combiné au gaz) et des prix du marché :

- 20-25 cF / kWh

(36 à 40 cF / kWh : petit hydraulique avec échelles pour les poissons et autres aménagements pour la faune et la flore)

· investissement initial élevé

· coût de maintenance élevé :

- surprises fréquentes (exemple : installations de géothermie en Ile-de-France - détérioration inattendue des échangeurs en raison d'une eau corrosive)

· photovoltaïque :

- capteurs chers

- coûts de production élevés avec réseau interconnecté

- rentable dans les pays en développement et plus généralement dans certains sites isolés

· ces filières peuvent être aidées mais ne rencontrent pas de problème majeur en matière de développement

· phase d'apprentissage : expériences en cours mais pour le moment à la rentabilité économique insuffisante

· nécessité d'une incitation :

- soutien financier (coût d'investissement ou charges d'exploitation)

- incitation à la poursuite de l'amélioration des performances)

· aides à la recherche

· aides à la recherche nécessaires

· incitations indispensables pour faire émerger un marché

· limitations :

- progrès technique

- problème de gisement pour la micro-hydroélectricité

- ordures ménagères : la filière incinération est en concurrence avec le tri sélectif, les décharges et rencontre des difficultés d'implantation

· problèmes d'acceptation locale

· problèmes d'acceptation locale

En tout état de cause, il est important de mesurer, dans un pays comme la France, la contribution de chacune des filières au bilan énergétique.

On trouvera au tableau suivant la production des différentes filières en France pour l'année 2000.

Tableau 2 : Bilan des énergies renouvelables en 2000 : production par source

(source : DGEMP)

Métropole + DOM - 2000 estimation

électricité produite

(GWh)

chaleur produite

(ktep)

hydraulique

73 587

-

éolien

94

-

solaire

10

20

géothermie

21

117

déchets urbains solides

1522

661

bois et déchets bois

1437

8948

résidus de récoltes (y compris bagasse)

378

201

biogaz

346

58

biocarburants

0

335

total

77 394

10 340

total général en ktep

27 522

Ainsi, la production d'énergies renouvelables a atteint plus 27 millions de tonnes équivalent pétrole en 2000, dont 17 liées à la production d'électricité et 10 à des utilisations directes sous forme de chaleur. L'utilisation thermique directe qui représente environ 4 % de la consommation totale d'énergie primaire est donc loin d'être négligeable.

Au demeurant, sur la base de ce constat mais aussi sur la base d'une évidence technique, l'utilisation des énergies renouvelables ne peut se résumer à la production d'électricité (voir graphique ci-après).

Tableau 3 : Utilisation des énergies renouvelables en France en 2000

(source : DGEMP)

graphique

D'ores et déjà, dans notre pays, la production de chaleur représente 38 % de l'utilisation des énergies renouvelables.

L'actualité des énergies renouvelables est certes centrée dans notre pays sur la production d'électricité, avec l'émergence d'un parc éolien et l'installation de panneaux solaires, voire de la cogénération.

Mais, même si la production d'électricité sert de porte-drapeau aux promoteurs des énergies renouvelables, rien ne serait plus faux que de considérer la question du développement des énergies renouvelables sous le seul angle de la production d'électricité.

1. Des énergies aux usages multiples et variables dans le temps et l'espace

Les énergies renouvelables présentent des caractéristiques intrinsèques qui les différencient notablement des énergies classiques et leur ouvrent des usages relativement distincts de celles-ci.

1.1. Des sources d'énergie pour des usages très diversifiés

Les énergies renouvelables offrent toute une gamme de puissances, depuis les unités de production d'électricité de grande taille, comme les barrages hydroélectriques, les usines marémotrices ou les éoliennes de grande taille, jusqu'aux installations solaires individuelles, dont la puissance correspond aux besoins d'un foyer ou d'un groupe de foyers.

1.1.1. L'hydroélectricité, une énergie renouvelable de puissance mais au potentiel non extensible

L'hydroélectricité constitue une énergie dont la mise en _uvre à l'échelle industrielle en France date de l'entre-deux guerres. Il s'agit aussi de l'énergie renouvelable dont l'importance en terme de production est la plus grande en France, puisqu'en 2000, sa production a représenté 73 TWh, soit 15 % de la production d'électricité nationale.

Un barrage hydroélectrique sur une éclusée comme celui de Génissiat sur le Rhône a une puissance installée de 417 MW. Un barrage lac comme celui de Grand Maison dans l'Isère a une puissance installée de 1224 MW. Les barrages des lacs d'Auvergne ont des puissances de 300 MW environ. Quant à l'usine marémotrice de la Rance, elle comprend 24 groupes bulbes de 10 MW.

On distingue généralement la petite hydroélectricité de la grande hydroélectricité.

Les petites centrales hydrauliques sont celles qui ont une puissance inférieure à 10 MW. Il existe à l'heure actuelle environ 1700 mini-centrales hydrauliques, dont la production oscille autour de 7,5 TWh par an. En réalité, seule la petite hydraulique dispose en France d'un potentiel de croissance.

1.1.2. Les éoliennes, de 20 kW à 2,5 MW

Les éoliennes constituent les installations emblématiques du développement des énergies renouvelables. L'industrie propose toute une gamme d'éoliennes, dont l'utilisation peut convenir à un groupe d'habitations individuelles et peut aller jusqu'à une production de masse dans le cadre de fermes éoliennes offshore.

Des éoliennes d'une puissance de 25 kW comme celles fabriquées par la société française Vergnet répondent aux besoins de villages comprenant de 40 à 100 foyers dont chacun consomme 1,5 kWh par jour en moyenne.

A l'autre extrémité de la gamme, l'éolienne la plus puissante en activité à la mi-2001 était une machine Nordex de 2,5 MW, dont le rotor a un diamètre de 80 mètres. Des projets de fermes offshore sont actuellement à l'étude, dont la puissance totale devrait augmenter dans les prochaines années. Ainsi le Danemark a réalisé un parc de 20 éoliennes de 2 MW chacune au large du port de Copenhague.

Au demeurant, les aérogénérateurs qui représentent la majorité des machines installées dans le monde en 2000 ont une puissance variant entre 500 et 999 kW.

1.1.3. Les autres énergies renouvelables, de 1 W à 100 MW

L'énergie solaire est exploitable dans des installations de puissance très variables, allant de 1 kW pour les panneaux solaires d'une maison individuelle jusqu'à 100 MW pour une centrale solaire cylindro-parabolique.

D'une manière générale, le solaire photovoltaïque correspond à des puissances relativement faibles, environ 1 kWc pour 10 m² de panneaux solaires. Le solaire thermique est dans la même situation, puisqu'un chauffe-eau solaire individuel de 200 litres nécessite 2 m² de capteurs dans les DOM ou 4 m² en France métropolitaine.

Dans le domaine du solaire thermodynamique qui conduit à la production d'électricité, l'on trouve les paraboles Dish-Sterling d'une puissance de 1 à 50 kWe mais aussi les centrales cylindro-paraboliques d'une puissance allant de 1 à 80 MWe et enfin les centrales solaires à tour dont la puissance va de 10 à 100 MWe.

La géothermie offre également des gammes de puissance extraordinairement diversifiées. La géothermie permet en effet le chauffage d'une maison individuelle mais aussi l'alimentation d'un réseau de chaleur collectif.

La biomasse peut être utilisée pour le chauffage collectif dans des chaufferies au bois par exemple mais servir aussi à la production de biocarburants pour des véhicules individuels ou collectifs.

1.2. Une intermittence plus ou moins forte de la production

Les sources d'énergies renouvelables présentent souvent une caractéristique commune, à savoir la variabilité, souvent non prévisible, de leur production.

1.2.1. La production d'une éolienne sujette à de fortes variations

Une éolienne, quelle que soit sa puissance, a une plage de fonctionnement bien délimitée en fonction de la vitesse du vent.

Dans la plupart des cas, si la vitesse du vent est inférieure à 3 m/s soit 10 km/h, l'éolienne ne tourne pas ou bien n'est pas connectée au réseau, ce qui revient au même en terme de fourniture d'énergie.

Si le vent dépasse une certaine vitesse, qui est fonction de la technologie utilisée, l'éolienne est arrêtée. La vitesse limite de fonctionnement est de l'ordre de 90 km/h, au-dessus de laquelle l'éolienne est purement et simplement stoppée (voir graphique suivant).

Tableau 4 : Courbe de puissance de l'éolienne Jeumont Industrie J48 (puissance de 750 kW)

(source : Jeumont Industrie)

graphique

Une autre variable importante est la production annuelle d'énergie qui est fonction de la vitesse moyenne du vent.

La quantité d'énergie fournie peut en effet varier du simple au triple lorsque la vitesse annuelle moyenne du vent varie d'un facteur 1,7 (voir figure suivante).

Tableau 5 : Production annuelle d'énergie d'une éolienne en fonction de la vitesse annuelle moyenne du vent (cas d'une éolienne E48 Jeumont)

graphique

Le fonctionnement des éoliennes est ainsi optimal dans les régions bénéficiant de régimes de vent réguliers avec des niveaux relativement modérés, par exemple dans les régions où soufflent les alizés.

1.2.2. Les variations de production de l'énergie solaire

Les panneaux photovoltaïques, pour leur part, ont une production qui varie en fonction de plusieurs facteurs.

La production des panneaux solaires s'annule la nuit. Par ailleurs, l'on peut s'attendre que la production d'un même panneau varie selon la latitude, par exemple entre Lille et Nice (voir tableau suivant).

Tableau 6 : Variation de production de kWh photovoltaïque selon la latitude2

(source : EDF Recherche et Développement)

kWh / an

inclinaison

optimale

panneaux

verticaux

Lille

914

673

Nice

1486

1078

Antilles

1488

890

Chili

2131

1282

La couverture nuageuse est un autre facteur de variation de la production, qui ne cesse pas au cours d'une journée nuageuse mais diminue fortement. Un autre facteur non négligeable est le soin avec lequel les panneaux sont orientés vers le sud et suivant une inclinaison qui dépend de la latitude.

Le solaire thermique est soumis aux mêmes contraintes que le solaire photovoltaïque, mais dans une moindre mesure, le stockage thermique étant plus simple.

1.2.3. Le lissage de la production par le recours à une gamme de sources d'énergies renouvelables

Il est possible toutefois d'utiliser une gamme d'énergies renouvelables de façon que les unes compensent les autres. Un exemple pratique peut être donné avec un système mis en place sur une île bretonne.

L'Île de Saint Nicolas des Glénan comporte aujourd'hui une douzaine de maisons correspondant aux deux restaurants de l'île et aux logements des personnels permanents du Centre nautique des Glénan. La production d'électricité est assurée par une éolienne de 10 kW de fabrication Vergnet, par 240 modules photovoltaïques (10,7 kWc) et par un groupe électrogène de 42 kVA. Un ensemble de batteries Tudor d'une capacité de 1500 Ah absorbe les excédents de production et peut subvenir à la consommation de l'île pendant un jour et demi.

L'originalité du système réside dans la régulation de l'ensemble.

La production éolienne et le photovoltaïque assurent la quasi-totalité de la production. Les deux productions sont le plus souvent en opposition de phase l'une par rapport à l'autre du fait de la météorologie de la pointe de Bretagne. Le plein soleil correspond souvent à des vents faibles et des vents forts correspondent à un temps couvert. L'éolienne débite du courant dès lors que la vitesse du vent dépasse 5 m/s et s'arrête au-delà de 20 m/s. Le groupe électrogène travaille au moins une heure par jour à des fins de maintenance et davantage si les moyens de production ne peuvent suffire. Les batteries peuvent être sollicitées pour l'alimentation du réseau mais ne subissent jamais de décharge importante. Le système est surveillé à distance par informatique et télécommunications.

Pour autant, il existe des énergies renouvelables qui ne prêtent pas le flanc à la critique de l'intermittence. Ainsi, la géothermie est une énergie renouvelable dont la production est continue. L'utilisation de la biomasse s'effectue plutôt sous la forme de campagnes, mais ses productions peuvent être stockées, de façon à permettre une production continue sur une certaine plage de temps.

Mais s'agissant de la production d'électricité, l'intermittence oblige incontestablement à des précautions d'emploi.

1.3. La prise en compte de l'intermittence pour la production d'électricité

Dans le cas de la production d'électricité, l'intermittence de production de l'éolien ou du solaire photovoltaïque n'est pas sans poser des problèmes difficiles à résoudre.

S'il s'agit d'installations de taille réduite, éoliennes ou panneaux solaires, des dispositifs de stockage de l'électricité sont indispensables. Le stockage a un impact important sur les coûts de production.

Ainsi, le coût de production de l'électricité photovoltaïque est estimé à 3 F/kWh pour un système raccordé et à 10 F/kWh pour un système isolé, la différence de 7 F/kWh étant imputable au coût de stockage. L'alternance jour/nuit et les variations d'ensoleillement d'un jour à l'autre obligent, dans le cas de systèmes photovoltaïques isolés non raccordés au réseau, à prévoir des batteries d'une puissance suffisante pour couvrir non seulement les consommations nocturnes mais aussi pour couvrir celles correspondant à une période nuageuse. En outre, les latitudes Nord avec des nuits très courtes l'hiver compromettent l'utilité de tels systèmes pendant une partie non négligeable de l'année.

S'agissant d'installations raccordées au réseau, l'intermittence de la production n'est pas également sans poser de difficultés.

La Guadeloupe, qui est sans doute la région de France la plus en avance dans la mise en _uvre des énergies renouvelables et possède une gamme complète d'installations de toute nature (voir tableau ci-après) donne un exemple des difficultés à résoudre.

Tableau 7 : Capacités installées et production d'électricité par filière en Guadeloupe

(source : EDF)

filière

lieu

équipements

combustible

capacité fin 2000

(MW)

énergie livrée en 1998

(GWh)

productible

en 2001

(GWh)

thermique

Jarry Nord

8 moteurs de 20 MW

fuel

160

742,3

742

Jarry Sud

4 turbines de 20 MW (déclassement en 2001)

fuel

80

281,3

0

le Moule

2 chaudières de 32 MW

bagasse-charbon

64

53,5

475

dont bagasse

   

75

dont charbon

   

400

cogénération

Jarry

association EDF-SIIF

fuel

9

0

40

hydraulique

 

5 mini-centrales

-

7,5

21,3

20

géothermie

Bouillante

1ère tranche

-

4,5

23,2

30

éolien

Petit Canal

Désirade, Marie Galante

-

8,3

2,5

22

total

     

333

1124

1329

A ce titre, la Guadeloupe est un laboratoire pour la gestion de réseaux comportant une proportion importante de sources d'énergies renouvelables intermittentes.

Ainsi, EDF Guadeloupe a dû résoudre les difficultés entraînées par le partage d'un même câble par des utilisateurs finaux et par deux fermes éoliennes à Marie Galante et à la Désirade. Un compensateur statique a ainsi été développé pour réguler la tension sur cette portion de ligne, alors que la puissance appelée ne dépasse pas 500 kW et que la capacité de production raccordée est de 2,1 MW.

Un autre problème causé par l'intermittence est celui de l'instabilité introduite par des éoliennes, par exemple, sur un réseau de petite dimension non interconnecté. Un tel réseau ne dispose pas du foisonnement d'installations d'un réseau de grande taille qui permet d'amortir les variations de production.

En définitive, il apparaît que l'intermittence de production est gérable mais qu'elle introduit des coûts supplémentaires, soit en installations de stockage, de préférence dynamique, soit en lignes et dispositifs additionnels de réseaux.

2. Des énergies convenant mieux à la production décentralisée qu'à la production centralisée

La spécificité des énergies renouvelables tient à une autre caractéristique, leur adaptation à une production décentralisée.

A cet égard, on doit constater une gradation entre les différentes filières.

2.1. Des énergies plus ou moins adaptées à la production décentralisée

La filière éolienne a démarré avec des machines de petite taille pour des sites à consommation limitée ou des réseaux de faible capacité.

Les éoliennes de quelques centaines de Watt de puissance ont servi traditionnellement et servent encore au pompage.

Les éoliennes de quelques dizaines de kW sont utilisées dans les collectivités ou les réseaux de faible ampleur.

Mais le progrès technique permet aujourd'hui l'installation de machines de 1 à 2 MW, qui associées dans des fermes éoliennes éventuellement offshore, constituent de véritables centrales électriques, dont la production doit être évacuée vers le réseau, si la demande locale n'est pas suffisante.

Placées dans des lieux ventés voire sur des plates-formes au large des côtes, ces fermes éoliennes nécessitent donc un renforcement du réseau.

Le solaire photovoltaïque quant à lui a une puissance spécifique limitée. Contrairement aux éoliennes, il paraît exclu que l'évolution technique conduise à des centres de production de grande puissance. Au contraire, les panneaux solaires sont adaptés à une production décentralisée. A cet égard, on peut penser que l'évolution technique la plus intéressante est celle qui ira non pas vers une augmentation de la puissance par unité de masse mais vers la mise au point de matériaux utilisables dans le bâtiment, de faible coût et permettant une collecte des photons et des électrons sur des surfaces étendues.

2.2. Les perspectives de la production répartie d'énergie

Il est symptomatique que la société Asean Brown Boweri (ABB), une entreprise industrielle mondiale et globale qui n'entend certainement pas compromettre sa rentabilité, identifie comme un marché potentiel prioritaire les énergies décentralisées pour les deux milliards d'individus qui n'accèdent pas encore à l'électricité.

A vrai dire, les perspectives de la production décentralisée d'énergie semblent brillantes dans certains pays industrialisés comme dans les pays en développement.

Les systèmes énergétiques privatifs « off the fence » (derrière la clôture) se multiplient aux États-Unis dans les zones rurales3. Pour les usagers en bout de ligne, les groupes électrogènes apparaissent souvent comme une solution préférable au raccordement. Une fois l'autonomie assumée, dans de nombreux cas le groupe diesel est supplanté par le photovoltaïque, qui, lui-même, s'accompagne chez les habitants d'une réflexion sur les économies d'énergie et donne lieu à de nouveaux comportements de consommation de leur part. Le succès de la revue américaine HomePower témoigne d'un changement patent de mentalités dans certaines couches de la population américaine.4

3. Des énergies à profil local pour des besoins locaux

Les énergies renouvelables sont par nature liées au contexte local de leur mise en _uvre. En réalité, une politique de soutien aux énergies renouvelables doit être adaptée aux conditions géographiques de chaque pays.

Ce constat de simple logique vaut en particulier pour l'éolien. On trouvera ci-après la carte des régimes des vents dans l'Union européenne.

Tableau 8 : Régimes des vents en Europe

(source : Risø, Commission européenne)

graphique

Ainsi, les lieux les plus favorables à la mise en place d'éoliennes sont le Danemark pratiquement dans son entier, l'Écosse et les côtes de l'Irlande, les côtes hollandaises, belges et en France, les rivages de la Manche, de Bretagne et du Languedoc-Roussillon, certaines côtes de l'Espagne.

Quant à l'Allemagne, seules ses côtes de la mer du Nord sont favorables à l'implantation d'éoliennes.

Un autre exemple peut être pris avec la biomasse. La France, du fait de l'étendue de son territoire et de la qualité de ses sols, possède un potentiel considérable dans le domaine de la biomasse. Il serait donc logique que l'accent soit mis sur ce type de sources d'énergie. Dans d'autres pays, les priorités devront être différentes, adaptées aux ressources locales5.

A l'inverse, un pays comme la France est adapté, dans la quasi-totalité de son territoire, au solaire thermique aussi bien qu'au solaire photovoltaïque, ainsi que le montre la carte de l'ensoleillement ci-après.

Tableau 9 : Variation régionale de l'énergie solaire reçue en France (en kWh/m².jour)

(source : TECSOL)

graphique

4. Un couplage le plus souvent nécessaire avec les énergies classiques

En réalité, les énergies nouvelles renouvelables, dont le développement est souhaité aujourd'hui, correspondent à des utilisations d'une diversité extraordinaire.

Il peut s'agir de produire de l'électricité en masse ou pour un foyer, de produire de la chaleur pour un usage domestique ou collectif ou de produire des carburants pour les transports.

La fonction des énergies renouvelables ne saurait donc se résumer à la production d'électricité. Bien au contraire, leur utilisation est multiple et diversifiée.

Faire des énergies renouvelables une arme pour déqualifier telle ou telle autre source d'énergie, comme par exemple l'énergie nucléaire, n'a donc pas de justification au plan technique.

La production de masse d'électricité est en particulier nécessaire pour les usages industriels et pour les grandes agglomérations, dont les besoins de puissance ne peuvent qu'imparfaitement être satisfaits par des centrales éoliennes ou solaires par exemple.

Les centrales thermiques classiques ou nucléaires ne sauraient donc être remplacées par des fermes éoliennes dont la puissance et la continuité de la production sont insuffisantes.

En réalité, sur tout réseau électrique comportant des sources d'énergie renouvelables, des moyens de production de remplacement doivent prendre le relais des sources intermittentes pour compenser leur apport lorsque celles-ci ne produisent plus, sauf à voir la fréquence du courant varier et à risquer l'écroulement du réseau.

Ce cas est particulièrement important dans le cas d'une ferme éolienne, dont la production peut varier considérablement au cours d'une journée et d'un jour à l'autre (voir figure ci-après).

Tableau 10 : Production d'une ferme éolienne de 10 MW sur un mois

(source : Alstom)

Puissance moyenne (sur 10 minutes) exportée d'une ferme éolienne de 10 MW située au Royaume Uni

graphique

Compte tenu de l'absence de puissance garantie qui résulte d'une production variable dans le temps, il est nécessaire de prévoir des capacités de production mobilisables à tout instant, si l'on ne peut compter sur un effet de foisonnement du réseau capable d'encaisser de telles variations de production.

Dans le domaine du solaire thermique, les chauffe-eau solaires individuels sont le plus souvent couplés à un appoint électrique et ont ainsi la fonction de permettre des économies d'électricité. Il en est de même pour les installations photovoltaïques. De même, les biocarburants sont le plus souvent utilisés comme additifs à des hydrocarbures fossiles.

Au final, les énergies renouvelables sont complémentaires des énergies classiques. Les opposer n'a aucun sens.

Mais quelle pourrait être la contribution des énergies renouvelables à l'approvisionnement en énergie de la planète ?

L'analyse doit, en tout état de cause, être conduite en distinguant d'une part les pays en développement au sein d'une problématique globale et d'autre part les pays développés.

II.- Des énergies fondamentales, avec d'autres, pour le monde en développement

En raison des difficultés insurmontables qu'elle a pu rencontrer, la prévision dans le domaine énergétique a aujourd'hui laissé la place à la discipline des scénarios qui permettent de cerner les facteurs déterminants dans les évolutions de la consommation et de mieux approcher les ordres de grandeur des évolutions.

En réalité, envisagée au plan mondial, l'étude de l'approvisionnement en énergie renvoie à la question essentielle de l'accession à l'énergie des pays en développement et à la contrainte de la lutte contre l'effet de serre.

Comment ralentir le rythme d'augmentation des émissions de CO2 dans l'atmosphère tout en permettant une consommation croissante d'énergie dans les pays émergents et en garantissant un accès plus égal à l'énergie des populations rurales dans les pays en développement ?

Les énergies renouvelables ne sauraient apporter, à elles seules, une réponse à cette interrogation de fond sur l'avenir de la planète.

Mais elles peuvent sans aucun doute contribuer efficacement à l'accession à l'énergie de centaines de millions de personnes, sinon de milliards de personnes dans le monde rural en développement.

1. La croissance mondiale des besoins en énergie

Le dernier grand exercice collectif opéré en France sur la prospective énergétique est celui réalisé par le Commissariat général du plan en 1997-1998, exercice qui a abouti à la publication du rapport « Énergie 2010-2020 : les chemins d'une croissance sobre »6.

A cette occasion, ont été examinés les scénarios réalisés par l'IIASA (International Institute for Applied Systems Analysis) de Vienne (Autriche) pour le Conseil Mondial de l'Énergie, ainsi que ceux de l'OCDE et du Département de l'énergie (DOE) des États-Unis.

Depuis cette date, des travaux très importants ont été engagés à l'initiative du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat) - IPCC (International Panel on Climate Change) dans le cadre de la préparation des négociations sur l'application du Protocole de Kyoto.

Ces travaux sont particulièrement intéressants dans la mesure où une approche énergétique détaillée a été indispensable pour estimer l'évolution des émissions de CO2 dans les décennies à venir.

Ces travaux confirment que les énergies renouvelables devront être sollicitées pour ralentir le rythme de progression des émissions de CO2 mais qu'elles ne pourront vraisemblablement pas suffire à assurer l'approvisionnement en énergies des grandes métropoles du monde en émergence ou en développement.

Insuffisantes pour contrecarrer les émissions de CO2, les énergies renouvelables devraient au contraire jouer un rôle déterminant pour l'accession à l'énergie et à l'électricité de populations rurales qui se comptent par centaines de millions d'individus.

1.1. Les scénarios de l'OCDE, du DOE et de l'IIASA

Les scénarios sur l'évolution à 10 ans de la demande d'énergie primaire sont relativement convergents. Les deux raisons fondamentales en sont d'une part que les comportements et les modes de vie évoluent lentement, et, d'autre part, que les systèmes énergétiques se caractérisent par une inertie importante, tant pour l'offre que pour la demande.

A l'horizon 2010, les différents scénarios de l'Agence Internationale de l'Énergie, et du DOE (Department of Energy) prévoient une demande mondiale se situant entre 11 et 13 Gtep.

Pour un horizon à 2050, on dispose de scénarios de l'IIASA (International Institute for Applied System Analysis) de Vienne en Autriche, réalisés pour le Conseil mondial de l'énergie.

Les scénarios A reposant sur une forte croissance économique mondiale conduisent à une demande mondiale de 25 Gtep en 2050.

Les scénarios B supposent une croissance économique plus faible et des progrès technologiques moins rapides, et donc une diminution de l'intensité énergétique de 0,7 % par an, contre 0,9 % pour les scénarios A. Ils débouchent sur une demande mondiale d'énergie primaire en 2050 de 20 Gtep.

Quant aux scénarios C, correspondant à des progrès technologiques rapides, à une coopération renforcée pour la protection de l'environnement et à une baisse rapide de l'intensité énergétique de 1,4 % par an, ils conduisent à une demande mondiale d'énergie primaire de 14 Gtep en 2050.

Tableau 11 : Demande mondiale d'énergie primaire selon différents scénarios

(source : Énergie 2010-2020, atelier sur le contexte international)

Gtep

type de scénario

1990

1993

2010

2020

2050

AIE

contrainte de capacité

 

8

12

   

économies d'énergie

 

8

11

   

DOE

faible croissance

 

8

11

   

référence

 

8

12

   

forte croissance

 

8

13

   

IIASA

A-forte croissance

9

   

15

25

B-croissance moyenne

9

   

14

20

C-croissance écologique

9

   

11

14

Au final, selon les hypothèses de croissance, de progrès techniques et de niveau de priorité accordé au plan politique à la protection de l'environnement, les prévisions d'augmentation de la demande mondiale d'énergie primaire varient fortement, puisque dans le cas des scénarios A, la demande est multipliée par 2,8 entre 1990 et 2050, par 2,2 pour les scénarios B et par 1,6 pour les scénarios C.

La prospective sur l'évolution de la demande mondiale d'énergie s'est récemment enrichie de travaux d'un grand intérêt, ceux réalisés par le GIEC-IPCC dans le cadre de la préparation de son troisième rapport, publié au début 2001, sur le changement climatique.

1.2. Les scénarios du GIEC-IPCC publiés en 2001

Le troisième rapport du groupe de travail n° 1 du GIEC-IPCC publié début 2001, confirme et approfondit les conclusions de ses deux précédents rapports sur le réchauffement planétaire. S'il porte principalement sur l'évolution climatique, ce rapport présente aussi une analyse et une synthèse très intéressante des travaux conduits avec plusieurs modèles sur 40 scénarios d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 et 21007.

En quoi ces travaux apportent-ils des indications sur l'évolution de la production d'énergie dans le monde ? Tout simplement parce que, pour déterminer les volumes de gaz à effet de serre, il est indispensable de calculer en premier lieu les consommations d'énergie, les productions industrielles, ainsi que la répartition des modes d'utilisation des terres.

Le groupe des 40 scénarios SRES du GIEC-IPCC 2001 repose sur les acquis des 6 scénarios réalisés en 1992 par l'IPCC (scénarios souvent décrits sous le nom IS92) et sur les projections de l'IIASA de 1996. Six modèles ont été utilisés pour analyser les conséquences de ces 40 scénarios (voir tableau suivant).

Tableau 12 : Les modèles utilisés dans le 3ème rapport du GIEC-IPCC

(source : GIEC-IPCC)

acronyme

nom développé

organisme de recherche

pays

AIM

Asian Pacific Integrated Model

National Institute of Environmental Studies

Japon

ASF

Atmospheric Stabilization Framework Model

ICF Consulting

États-Unis

IMAGE

Integrated Model to Assess the Greenhouse Effect

National Institute for Public Health and Environmental Hygiene - Dutch Bureau for Economic Policy Analysis

Pays-Bas

MARIA

Multiregional Approach for Resource Industry Allocation

Science University fo Tokyo

Japon

MESSAGE

Model for Energy Supply Strategy Alternatives and their General Environmental Impact

International Institue of Applied Systems Analysis (IIASA)

Autriche

MiniCAM

Mini Climate Assessment Model

Pacific Northwest National Laboratory

États-Unis

Le principe de l'évaluation des émissions de gaz à effet de serre à l'aide de scénarios est d'isoler les principaux facteurs d'évolution et d'adopter des hypothèses pour chacun d'entre eux. Les facteurs choisis comme déterminants sont la démographie, le développement économique et social, le rythme et l'orientation du progrès technique.

Les 40 scénarios SRES sont rassemblés en 4 grandes familles intitulées A1, A2, B1 et B2.

Le paramètre dont l'importance est prédominante est la démographie.

Les scénarios A1 et B1 reprennent les projections de l'IIASA faites en 1996 et sont fondés sur l'évolution démographique la moins rapide, avec une population mondiale atteignant 8,7 milliards d'habitants en 2050 et 7 milliards en 2100.

Le scénario B2 reprend, pour sa part, les projections à long terme de l'ONU présentées en 1998, avec une population totale de 10,4 milliards d'habitants en 2100.

Le scénarioA2 prend comme hypothèse une population de 15 milliards d'habitants en 2100.

On trouvera ci-après un tableau rassemblant les principales caractéristiques des 4 groupes de scénarios.

Tableau 13 : Principales caractéristiques des scénarios d'évolution de la consommation d'énergie primaire dans le monde, selon le 3ème rapport de l'IPCC (2001)

 

A1

B1

A2

B2

croissance démographique

croissance faible puis décroissance à partir de 2050

(7 Md habitants -2100)

croissance faible puis décroissance à partir de 2050

(7 Md habitants -2100)

croissance continue et forte

(15 Md habitants -2100)

croissance continue moyenne

(10 Md habitants -2100)

croissance du PIB

très forte

(+2,9 % par an - 1999-2100)

forte

(+2,5 % par an - 1999-2100)

moyenne

(+2,3 % par an - 1999-2100)

moyenne

(+2,2 % par an - 1999-2100)

utilisation d'énergie

élevée - très élevée

(intensité énergétique basse : 4,2 MJ/US$)

faible

(intensité énergétique très basse : 1,6 MJ/US$)

élevée

(intensité énergétique forte : 7,1 MJ/US$)

moyenne

(intensité énergétique moyenne  : 5,8 MJ/US$)

changement d'utilisation des sols

faible-moyen

fort

(+ 30 % de forêts)

moyen-fort

moyen

(+5 % de forêts)

ressources en combustibles fossiles

élevées

faibles

faibles

moyennes

rythme du progrès technologique

rapide

moyen

lent

moyen

paramètres des changements énergétiques

réallocation des combustibles fossiles entre eux

efficacité et dématérialisation

réallocation régionale

dynamique habituelle

Selon les auteurs de l'étude, le progrès technologique est un paramètre aussi important que l'évolution démographique et le développement économique. A ce titre, le groupe de scénarios A1 reprend des hypothèses différenciées sur le rythme et l'objet du progrès technique et met en évidence des chemins d'évolution très différents en ce qui concerne l'utilisation de l'énergie et l'usage des terres.

S'agissant de l'énergie proprement dite, les 40 scénarios prennent en compte les incertitudes sur les ressources en combustibles fossiles et sur le progrès technique. Les 40 scénarios couvrent toutes les possibilités d'évolution, depuis une part prédominante des combustibles fossiles jusqu'à une domination des énergies non fossiles.

Les 40 scénarios SRES portent enfin sur une analyse mondiale de 1990 à 2100, avec une décomposition en 4 grandes régions, ainsi qu'indiqué dans le tableau suivant.

Tableau 14 : Zones géographiques et groupes de pays utilisés dans les scénarios du 3ème rapport de l'IPCC - 2001

 

zone

composition

Pays industrialisés

OCDE

OCDE 1990

REF

PECO et CEI

Pays en développement

ASIA

Inde, Chine, Asie du Sud et du Sud-Est

ALM

Afrique et Moyen Orient, Amérique latine

Au plan de la consommation d'énergie primaire dans le monde, les 4 groupes de scénarios conduisent à des évolutions évidemment très différenciées (voir figure suivante).

Tableau 15 : Perspectives d'évolution de la consommation mondiale d'énergie primaire

(source : 3ème rapport GIEC-IPCC)

graphique

Un premier constat est que, quel que soit le scénario considéré, et donc les hypothèses adoptées pour la croissance démographique, la croissance économique et l'intensité énergétique, la consommation mondiale d'énergie primaire devrait être multipliée d'ici à 2050, au minimum par 2,3 et au maximum par 3,9.

Au-delà, c'est-à-dire à l'horizon 2100, les marges d'incertitudes sont évidemment très grandes, ce qui se reflète dans les écarts de résultats des différents scénarios.

Ce qu'il faut retenir de ces scénarios à l'horizon 2100, c'est que pour parvenir à infléchir la consommation d'énergie entre 2050 et 2100, il faut une conjonction d'événements favorables, au nombre desquels une population mondiale en décroissance après 2050, des changements économiques structurels profonds conduisant à une forte réduction de l'intensité énergétique et à une importance croissante de technologies de production et de consommation compatibles avec un développement durable.

2. Des besoins en énergie diversifiés selon les régions du monde

2.1. Les hypothèses d'évolution des coûts de l'énergie, et en particulier des énergies renouvelables

Les scénarios étudiés par le GIEC-IPCC incorporent des évolutions technologiques sur les différentes filières de production d'énergie.

Ainsi les scénarios du groupe A1 incluent un progrès technologique rapide et une introduction sans délai de nouvelles technologies de production d'énergie. Les scénarios de la famille B1 prévoient une évolution de même nature, mais complétée par des changements structurels profonds conduisant à une économie d'information et de services.

En revanche, les scénarios des groupes A2 et B2 sont basés sur des progrès technologiques plus lents et une introduction à des rythmes très différents selon les régions du monde. L'ensemble de ces hypothèses sont traduites dans les modèles par des évolutions de coûts.

En examinant les différents scénarios d'évolution technique, on peut aboutir à des intervalles de variation des coûts de production de l'énergie, recensés dans la figure suivante.

Tableau 16 : Hypothèses d'évolution des coûts de production de l'énergie utilisées dans les scénarios du 3ème rapport du GIEC-IPCC

graphique

Les évaluations faites par l'IPCC semblent réalistes au plan des ordres de grandeur.

Ainsi les coûts de production du cycle combiné au gaz sont d'ores et déjà parmi les plus bas et devraient continuer à l'être, grâce à une diminution de 41 % de 1990 à 2050, avec une incertitude de 34 % pour l'horizon 2050. Ceci correspond à un progrès technologique continu sur les turbines au gaz, avec sans doute une amélioration des performances de cogénération.

Le coût de production du kWh nucléaire ne diminuerait pas à l'horizon 2050, et au contraire augmenterait de 3 %.

Ceci est cohérent avec l'absence d'une nouvelle filière nucléaire opérationnelle avant 2050 et avec des coûts de recherche et développement importants, durant cette phase, pour la mise au point d'une nouvelle génération de réacteurs. Par ailleurs, une prise en compte plus complète des contraintes de l'aval du cycle nucléaire et notamment la gestion des déchets nucléaires conduiraient à une légère hausse (3 %) des coûts de production8.

Tableau 17 : Perspectives d'évolution des coûts de production de l'énergie par filière

(source : GIEC-IPCC)

graphique

L'hydroélectrique verrait lui aussi ses coûts augmenter, du fait de la saturation des sites les plus productifs et en raison des performances inférieures de la mini et de la microhydroélectricité.

Sur la période 1990-2050, l'éolien enregistrerait pour sa part une baisse de 47 % de ses coûts de production. En moyenne, le ratio (coût du kWh éolien)/(coût du kWh cycle combiné au gaz) passerait de 3,2 en 1990 à 2,4 en 2050.

Pour le solaire photovoltaïque, la baisse moyenne des coûts de production entre 1990 et 2050 serait de 74 %, avec au final un coût de production supérieur à celui du cycle combiné d'un facteur de 2,4 en 2050, au lieu de 5,1 en 1990.

Une baisse sensible devrait être également observée pour les biocarburants, en particulier le bioéthanol, dont le coût baisserait de 44 % entre 1990 et 2050. Enfin, la géothermie enregistrerait une baisse de 28 %.

Les évolutions technologiques ci-dessus sont intégrées en termes de coûts dans les modèles et constituent donc les bases des choix opérés en terme de filières énergétiques choisies pour faire face aux besoins générés par la croissance de la population et du PIB.

2.2. Des différences régionales importantes

L'étude de l'IPCC permet d'évaluer la croissance des besoins en énergie pour les différentes zones géographiques et du fait des hypothèses faites sur l'évolution des coûts des différentes filières, de préciser l'importance prise par celles-ci pour chaque zone considérée.

L'évolution par zone géographique des consommations primaires d'énergie est résumée dans le graphique suivant.

Tableau 18 : Augmentations de la consommation primaire d'énergie par zone entre 1990 et 2000 selon les différents scénarios du 3ème rapport du GIEC-IPCC

graphique

2.2.1. L'essor très important des énergies renouvelables dans le cadre d'une croissance économique mondiale forte assortie d'un progrès technologique partagé rapide

Le groupe de scénarios A1 correspond à une croissance démographique lente jusqu'en 2050 suivie d'une inversion de tendance et à une croissance économique forte assortie d'une introduction rapide de technologies nouvelles et efficientes sur l'ensemble des continents.

La consommation mondiale d'énergie est alors multipliée par 3,4 entre 2000 et 2050. La croissance la plus forte de la consommation est observée en Asie, en Amérique latine et en Afrique(voir graphique suivant).

Tableau 19 : Évolution de la consommation d'énergie primaire pour les scénarios A1 du GIEC-IPCC

graphique

Compte tenu des hypothèses d'évolution technique, le rôle du charbon décline dans toutes les parties du monde, au profit du gaz. Le nucléaire passe de 4 à 9 % du total dans les pays de l'OCDE et fait une percée non seulement en Asie mais aussi en Amérique latine et en Afrique.

Les énergies renouvelables, pour leur part, opèrent une percée notable dans toutes les zones géographiques - environ 30 % du total - mais plus limitée dans les pays de la CEI - moins de 20 %- (voir tableau ci-après).

Tableau 20 : Évolution par filière et par zone géographique de la consommation d'énergie primaire - scénario A1

EJ (E+18 Joule)

OCDE

PECO-CEI

Asie

Am lat. & Afr.

monde

A1

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

charbon

36

20

15

32

48

114

7

44

105

219

pétrole

82

58

15

12

24

80

35

131

155

281

gaz

45

97

22

50

5

81

14

150

85

378

nucléaire

7

27

1

3

1

26

0

28

9

84

biomasse

9

42

1

8

22

82

15

72

47

204

autres renouvelables

6

59

1

16

3

75

3

90

13

240

total

185

303

55

121

103

458

74

515

414

1406

2.2.2. Une percée limitée des énergies renouvelables avec une expansion démographique non limitée, une croissance économique et un progrès technique ralentis

Les scénarios de la famille A2 se caractérisent par une croissance démographique forte, une croissance économique et un rythme du progrès technologique plus ralentis que dans les scénarios A1, le tout se produisant dans un monde fragmenté au développement inégal.

La consommation mondiale d'énergie primaire est alors multipliée par 2,5 entre 2000 et 2050, au lieu de 3,4 dans les scénarios précédents.

Les énergies renouvelables ne représentent alors que 16 % du total en 2050 dans les pays de l'OCDE. Dans les pays en développement, leur part est supérieure en raison de l'usage plus intensif de la biomasse qui conduit à une déforestation accélérée.

Tableau 21 : Évolution de la consommation d'énergie primaire pour les scénarios A1 du GIEC-IPCC

graphique

Dans toutes les régions du monde, la consommation de charbon augmente fortement, dans la mesure où les réserves sont également réparties dans le monde. Mais la consommation de pétrole et de gaz, qui est tributaire dans ce scénario des ressources locales, varie fortement d'une zone à l'autre (voir tableau suivant).

Tableau 22 : Évolution par filière et par zone géographique de la consommation d'énergie primaire - scénario A2

EJ (E+18 Joule)

OCDE

PECO-CEI

Asie

Am.lat & Afrique

monde

 

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

charbon

40

112

11

23

27

104

5

34

83

273

pétrole

89

62

18

13

31

71

34

59

171

205

gaz

38

58

28

52

7

29

13

107

86

245

nucléaire

7

19

1

2

1

13

1

12

9

47

biomasse

6

21

1

6

21

63

13

50

41

141

autres renouvelables

6

27

1

10

3

31

3

35

14

103

total

186

299

60

106

90

311

69

297

404

1014

2.2.3. Une percée des énergies renouvelables variable selon les régions dans le cadre d'une économie mondiale de services et d'information

Le groupe de scénarios de la famille B1 correspond d'une part à une croissance démographique maîtrisée jusqu'en 2050 suivie d'une décroissance de la population, et, d'autre part, à une modification profonde des structures économiques mondiales, dans le sens d'un fort accroissement du poids relatif des services et du rôle de l'information.

Dans un tel cadre, la consommation mondiale d'énergie primaire croît seulement d'un facteur 2 entre 2000 et 2050

Tableau 23 : Évolution de la consommation d'énergie primaire pour les scénarios B1 du GIEC-IPCC

graphique

Les consommations de charbon et de pétrole diminuent fortement, tandis que la part du gaz augmente fortement et que le nucléaire se développe aussi mais moins rapidement.

Les énergies renouvelables représentent au plan mondial 33 % de la consommation mondiale d'énergie primaire en 2050, avec des parts allant de 12,9 % dans la CEI à 40,2 % en Asie.

Tableau 24 : Évolution par filière et par zone géographique de la consommation d'énergie primaire - scénario B1

 

OCDE

PECO-CEI

Asie

Am.lat. & Afr.

monde

EJ (E+18 Joule)

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

charbon

33

5

12

2

42

24

4

6

91

37

pétrole

85

44

14

16

26

72

30

59

155

192

gaz

45

84

21

43

5

53

12

116

84

297

nucléaire

7

21

1

0

1

11

0

4

8

36

biomasse

8

20

1

3

22

54

14

44

45

121

autres renouvelables

5

24

1

6

3

54

4

72

13

156

total

183

198

50

70

99

268

64

301

396

839

2.2.4. Une percée des énergies renouvelables plus lente dans le cadre d'un développement soutenable régionalisé

Les scénarios de la famille B2 correspondent à une mise en _uvre d'un développement durable avec des solutions régionales. La croissance démographique est soutenue, quoiqu'un peu moins forte que dans les scénarios A2. Le progrès technologique et sa diffusion sont moins rapides que dans les scénarios A1 et B1.

Dans ces conditions, la consommation mondiale d'énergie primaire est multipliée par 2,1 entre 2000 et 2050.

Tableau 25 : Évolution de la consommation d'énergie primaire pour les scénarios B2 du GIEC-IPCC

graphique

La croissance de la consommation de gaz est forte dans toutes les zones tandis que celles de charbon et pétrole diminuent.

Les énergies renouvelables représentent en 2050 15,5 % de la consommation primaire dans l'OCDE, 12,3 % dans les PECO et la CEI, 30 % en Asie et 31 % en Amérique latine et en Afrique (voir tableau ci-après).

Tableau 26 : Évolution par filière et par zone géographique de la consommation d'énergie primaire - scénario B2

 

OCDE

 

PECO-CEI

Asie

 

Am.lat.

Afr

monde

 

EJ (E+18 Joule)

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

2000

2050

charbon

34

20

15

12

38

48

5

6

91

86

pétrole

86

65

18

20

32

93

32

50

168

227

gaz

41

99

26

51

6

61

11

87

84

297

nucléaire

7

17

1

2

1

21

0

8

8

48

biomasse

7

12

1

4

22

54

13

36

43

105

autres renouvelables

5

25

1

8

4

43

3

32

14

107

total

180

238

62

97

103

320

64

219

408

870

*

En définitive, de multiples enseignements peuvent être tirés des scénarios du GIEC-IPCC, dans la mesure où ceux-ci intègrent des mécanismes de marché fondés sur les prix relatifs des différentes énergies.

En premier lieu, l'accroissement du rôle des énergies renouvelables - hors déforestation - se fait d'autant mieux que la croissance économique est forte. A vrai dire, le cas des technologies de l'énergie ne diffère pas profondément de celui des autres technologies. Dès lors qu'il s'agit de diffuser au mieux des techniques et des savoir-faire évolués, la croissance économique semble le facteur le plus important à respecter.

Mais la diffusion des énergies renouvelables se fait d'autant mieux que le monde est unifié au plan économique. Tout repli des grandes zones économiques mondiales sur elles-mêmes ne permet pas de parvenir à une utilisation optimale des ressources énergétiques.

Au reste, dans un monde où le prix de l'énergie ne saurait être considéré comme nul, l'inertie des systèmes énergétiques associée à la baisse des coûts de toutes les filières, y compris les plus anciennes, fait que les énergies renouvelables ne semblent pas en mesure de conquérir plus d'un tiers du marché des énergies primaires.

Mais il reste à déterminer quel pourrait être le rôle des énergies renouvelables dans une situation où l'ensemble des pays du monde placeraient la lutte contre le changement climatique et l'effet de serre, au premier rang de leur priorité.

En réalité, il semble que le monde n'ait pas encore pris conscience du danger que représente le changement climatique.

Si les évolutions actuelles en terme de réchauffement climatique se confirmaient et si, a fortiori, une accélération se produisait du fait de phénomènes cumulatifs, la question centrale pour l'humanité toute entière serait de mettre en place une « économie de guerre », selon l'expression de M. Pierre MATARASSO9, pour faire face au changement climatique.

Dans cette hypothèse, les énergies renouvelables qui sont par nature non émettrices de gaz à effet de serre, pourraient-elles aller au-delà du tiers de la consommation d'énergie primaire qui constitue, semble-t-il, la limite supérieure à laquelle conduisent les mécanismes de marché ?

3. Les énergies renouvelables, une solution partielle aux problèmes de développement économique et de la lutte contre l'effet de serre

A la contrainte traditionnelle du caractère limité des réserves de combustibles fossiles, une autre contrainte devrait s'ajouter à l'avenir, celle de la lutte contre l'effet de serre.

Les travaux du GIEC-IPCC présentent un grand intérêt dans la mesure où ils ne se limitent pas à un constat, au demeurant très difficile, de la situation actuelle mais où une analyse en profondeur est conduite sur les conséquences des différents scénarios d'évolution énergétique.

3.1. Le constat du GIEC sur le réchauffement climatique

Les estimations récentes du 3ème rapport du GIEC-IPCC viennent confirmer, sinon amplifier, les observations déjà faites sur le réchauffement climatique. En premier lieu, le GIEC indique que la température moyenne à la surface du globe a augmenté de 0,6 °C au cours du XXème siècle (voir figure suivante).

Tableau 27 : Évolution de la température à la surface de la Terre

(source : GIEC-IPCC)

graphique

Il est par ailleurs vraisemblable que la décennie 1990 a été la décennie la plus chaude et l'année 1998 l'année la plus chaude depuis que des enregistrements scientifiques des températures sont effectués, c'est-à-dire depuis 1861. Par ailleurs l'augmentation de température au XXème siècle est vraisemblablement la plus élevée de celles intervenues pendant une période de 100 ans depuis le début du millénaire.

D'autres constats sont effectués à l'appui de ces observations. Les températures ont augmenté au cours des 40 dernières années dans la partie basse de l'atmosphère à moins de 8 km.

La couverture neigeuse, la banquise et les glaciers ont vu leurs dimensions réduites.

Le niveau moyen de la mer a augmenté et la chaleur contenue par les océans a diminué. Par ailleurs les émissions de gaz à effet de serre et d'aérosols continuent d'altérer l'atmosphère de manière telle que le climat devrait en être modifié.

Tableau 28 : L'influence des activités humaines sur l'atmosphère

(source : 3ème rapport du GIEC-IPCC)

graphique

Des nouveaux éléments de preuve ont été rassemblés démontrant que la responsabilité principale dans le réchauffement climatique des 50 dernières années incombe aux activités humaines. Les modèles climatiques ont en particulier connu des améliorations sensibles qui renforcent leur crédibilité.

C'est pourquoi il est très probable, selon le GIEC-IPCC, que la température moyenne en surface augmente de 1,4 à 5,8 °C de 1990 à 2100.

Le niveau de la mer pourrait en conséquence s'élever de 0,1 à 0,9 m entre 1990 et 2100 (voir figures suivantes).

Ce réchauffement prévisible est beaucoup plus important que ceux observés durant le XXème siècle et dépasse en ampleur les évolutions intervenues en 10.000 ans.

Tableau 29 : Estimation du réchauffement climatique au XXIème siècle selon les scénarios d'évolution planétaire du 3ème rapport du GIEC-IPCC

graphique

Tableau 30 : Estimation de l'élévation du niveau des mers au XXIème siècle selon les scénarios d'évolution planétaire du 3ème rapport du GIEC-IPCC

graphique

Telles sont les principales conclusions, toutes particulièrement préoccupantes, du 3ème rapport du GIEC-IPCC.

3.2. Les scénarios d'évolution des émissions de gaz à effet de serre

A partir des scénarios d'évolution de la consommation d'énergie, le GIEC-IPCC a estimé les évolutions des émissions de gaz à effet de serre. Celles-ci sont évidemment très contrastées, selon les hypothèses prises (voir figure ci-après).

Tableau 31 : Émissions de CO2 selon les scénarios pris en compte

(source : IPCC-2001)

graphique

A quelles conditions est-il possible de limiter les émissions et de les faire décroître ?

Le scénario A1T de la famille des scénarios A1 est à cet égard d'un intérêt particulier. En effet il correspond à une situation de croissance économique rapide, de croissance de la population jusqu'au milieu du siècle et à une introduction rapide de nouvelles technologies, avec un appel massif et volontaire à des sources d'énergie non fossiles.

Ce scénario correspond donc à une utilisation massive d'énergies renouvelables.

Leur proportion dans l'approvisionnement des zones Asie et Afrique-Moyen Orient-Amérique latine a également été évaluée par le GIEC-IPCC.

3.3. Une part des renouvelables dans l'approvisionnement mondial limité à 30 % en 2050

Les calculs du GIEC-IPCC dans le cadre du scénario A1T montrent que l'approvisionnement en énergie de l'Asie en 2050, est assuré à 28 % par le gaz, à 22 % par le charbon, les renouvelables représentant 28 %.

Tableau 32 : Estimation de la répartition de l'approvisionnement en énergie primaire de l'Asie

dans le cas du scénario A1T

(source : GIEC-IPCC)

graphique

La zone Afrique-Moyen Orient-Amérique latine, pour sa part, recourt à la même date, au gaz à hauteur de 32 %, au pétrole à hauteur de 18,6 %, les renouvelables totalisant 33 %.

Tableau 33 : Estimation de la répartition de l'approvisionnement en énergie primaire de l'Amérique latine, du Moyen Orient et de l'Afrique dans le cas du scénario A1T

(source : GIEC-IPCC)

graphique

Quant à la part des différentes filières dans l'approvisionnement mondial, elle s'établit à 30,5 % pour le gaz, 14,6 % pour le pétrole, 13,5 % pour le charbon et 30,4 % pour les énergies renouvelables.

Ainsi, les travaux du GIEC-IPCC montrent que même lorsque la contrainte de la lutte contre l'effet de serre est prioritaire et que les technologies évoluent et diffusent rapidement, la part des énergies renouvelables ne devrait pas, sur les bases connues actuellement et en fonction des hypothèses de coûts actuellement posées, dépasser le tiers de l'approvisionnement énergétique mondial à l'horizon 2050.

Bien entendu, les scénarios du GIEC-IPCC se prolongent jusqu'à la fin du XXIème siècle. Dans le cas du scénario A1T, la part des énergies renouvelables s'élève alors jusqu'à 60 % mais l'intervalle de confiance de ce résultat semble relativement large, de sorte que ce résultat est d'un intérêt moindre.

A l'inverse, il est possible d'examiner la structure de l'approvisionnement énergétique correspondant à une augmentation continue des émissions de CO2.

Le scénario A2 répond à une telle situation, et correspond à un monde hétérogène, avec une croissance démographique forte et un rythme de progrès technologique relativement lent et fragmenté. Dans ce cas, les émissions de CO2 augmentent continûment, ce qui correspond à une part de 16,6 % des énergies renouvelables au niveau mondial.

Tableau 34 : Part des renouvelables dans la consommation d'énergie primaire en 2050 et 2100

(scénarios IPCC-2001)

% de renouvelables / énergie primaire totale consommée

2050

2100

scénario A1T

Monde

30,4

59,9

Asie

27,9

58,0

Afrique, Moyen-Orient et Amérique latine

33,4

60,0

scénario A2

Monde

16,6

16,8

Asie

12,7

14,4

Afrique

23,4

23,0

Les conclusions ci-dessus n'ont évidemment pas de valeur démonstrative, puisqu'elles sont issues de scénarios de prospective étroitement liés à des hypothèses préalables.

Mais les travaux du GIEC-IPCC ont une cohérence interne, notamment liée à des hypothèses sur les prix des énergies qui sont en rapport avec l'évolution des réserves mondiales et avec les progrès technologiques effectués sur chaque filière.

Il semble donc que les énergies renouvelables soient reconnues comme pouvant apporter une contribution importante à la réduction des émissions de CO2. Toutefois, même dans les pays en développement, et a fortiori dans les pays développés, ces énergies renouvelables ne peuvent suffire à fournir l'approvisionnement en énergie que requiert la croissance démographique et la croissance économique.

En réalité, ce résultat recoupe le fait que tous les pays, qu'ils soient industrialisés ou en développement, possèdent des agglomérations urbaines qui nécessitent la production de masse d'énergie et tout particulièrement d'électricité.

Mais les énergies renouvelables sont d'une utilité capitale pour permettre l'accession à l'énergie des populations rurales du monde en développement.

3.4. Des filières essentielles pour l'accession à l'énergie mais ne couvrant pas toute la gamme des besoins

Deux milliards d'habitants ne bénéficient pas actuellement d'un accès à l'électricité, faute de sources autonomes ou d'un raccordement à un réseau de distribution. Pour une très grande part, ces populations appartiennent au monde rural.

Parce que les besoins de ces populations sont de faible ampleur et que celles-ci sont réparties sur de vastes territoires, les énergies renouvelables offrent des solutions parfaitement adaptées.

Or l'accès à l'énergie conditionne l'accès à la santé, du fait que les médicaments et les vaccins nécessitent le plus souvent d'être conservés au froid.

De même, l'accès à l'énergie conditionne l'amélioration de la situation alimentaire, dans la mesure où l'énergie permet de produire du froid qui permet le stockage et le transport des denrées.

L'accès à l'énergie conditionne bien souvent aussi l'accès à l'éducation, car il permet l'éclairage et une ventilation d'air minimale. L'accès à l'énergie permet aussi d'améliorer la condition féminine en supprimant des tâches manuelles répétitives et harassantes. L'accès à l'énergie permet enfin l'accès aux médias de divertissement.

En tout état de cause, nombreux sont les bons connaisseurs des pays en développement qui estiment que l'accession à l'énergie est sans doute le meilleur moyen pour lutter contre l'exode rural et contre la formation d'agglomérations géantes, un fléau qui obère bien souvent toute possibilité de développement.

Pour autant les énergies renouvelables ne peuvent couvrir la totalité des besoins car les configurations techniques et financières pour les zones urbanisées sont très voisines de celles des pays industrialisés.

On le constate déjà dans les opérations d'électrification des zones urbaines des pays en développement. Dans la mesure où ce sont des entreprises privatisées qui les prennent le plus souvent en charge, suite au vaste mouvement mondial de libéralisation, ces entreprises sont confrontées à la nécessité de se financer au moins en partie sur les marchés privés. Les coûts de production sont donc des paramètres clés. Lorsque les technologies classiques, comme par exemple des centrales à charbon ou à gaz se révèlent d'un coût inférieur, les énergies renouvelables peuvent se trouver rejetées.

Mais il n'en demeure pas moins qu'insuffisantes pour l'approvisionnement d'ensemble des pays en développement, comme de tout autre pays, les énergies renouvelables constituent en revanche des outils de développement d'une importance capitale, tout particulièrement pour le monde rural en développement.

_______________

N° 3415.- Rapport de MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables.

1 Cette technologie est compétitive sur certaines niches.

2 Toit solaire de 1 kWc - 10 m².

3 Raymond LEBAN, CNAM, communication du 4 juillet 2001.

4 Patrick JOURDE, CEA, communication du 4 juillet 2001.

5 Édouard FABRE, CNRS, communication du 4 juillet 2001.

6 Énergie 2010-2020 : les chemins d'une croissance sobre, Commissariat Général du Plan, La documentation française, Paris, septembre 1998.

7 Scénarios dits SRES (Special Report on Emissions Scenarios).

8 En France, le coût de 19 cF / kWh en 1995 pour le nucléaire comprend une part de 2,7 cF pour le retraitement et le stockage et de 1 cF pour le démantèlement.

9 Communication du 4 juillet 2001.


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