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Rapport sur l'aval du cycle nucléaire
Par M. Christian Bataille et Robert Galley
Députés
Tome II : Les coûts de production de l’électricité

Chapitre II (suite de la partie III)

III. Les differentes filieres de production de l’electricite : reexamen des coûts et perspectives

D. Les piles à combustible 111

E. Le charbon propre, une technologie d’avenir pour les pays producteurs 117

1. Des réserves quasiment inépuisables, situées dans les grands pays en développement 117

2. Le déclin de la production et l’évolution des importations charbonnières françaises 119

3. Les contraintes de réduction des émissions polluantes 120

4. Les technologies modernes du charbon propre 120

5. Les coûts Digec 1997 131

F. L’hydraulique 135

D. Les piles à combustible

L'une des vedettes du derniers Congrès Mondial de l’Energie de Houston, en septembre 1998, a été la pile à combustible de General Electric, Plug Power 7000. Cette pile est alimentée en méthane, propane ou gaz naturel. Un dispositif permet la dissociation de ces gaz en hydrogène et la cogénération d'électricité et de chaleur à partir du gaz. Plug Power utilise du Gore-Tex comme membrane échangeuse d’ions. Les dimensions de la pile sont de l’ordre de celle d’un lave linge. Sa puissance de 7 kW est suffisante pour un petit appartement. Cette pile fournirait à la fois de la chaleur et de l’électricité. Son rendement serait de 80 %. Son coût se situerait entre 3000 et 5000 dollars.

Cet exemple d’une pile à combustible de cogénération illustre, avec ceux des piles destinées à l’automobile, les progrès considérables effectués sur cette technologie développée à l’origine pour la conquête spatiale.

· Le principe de la pile à combustible

Les piles à combustible fonctionnent soit à froid (80°C - pile à membrane échangeuse de protons) soit à chaud (200°C - pile à acide phosphorique). Leur principe est toutefois toujours le même. Dans l'électrolyse de l'eau, c'est le courant électrique qui produit la réaction. Dans une pile à combustible, c'est la réaction chimique, à savoir la dissociation sous forme d'ions et d'électrons, qui produit le courant ; il s'agit de la réaction inverse de l'électrolyse.

Le principe de la pile à combustible a été découvert en 1839 par William Grove qui observa, après l'arrêt d'une électrolyse, un courant spontané en sens inverse. A l'anode, l'hydrogène, c'est-à-dire le combustible, est oxydé et se décompose en 2 protons et 2 électrons :

H2 —> 2H+ + 2e- (O)

Les électrons partent dans le circuit extérieur à l'ensemble électrodes-électrolyte et peuvent animer par exemple un moteur avant de se retrouver à la cathode où ils réduisent le comburant, c'est-à-dire l'oxygène, en présence des protons qui ont diffusé depuis l'anode :

1/2 O2 + 2H+ +2e- -> H2O (R)

Le catalyseur a un rôle central : il doit accélérer à la fois l'oxydation de l'hydrogène et la réduction de l'oxygène. Le comburant, l'oxygène, est la plupart du temps l'oxygène de l'air. Le carburant peut être l'hydrogène ou un autre produit qu'il s'agira de « reformer » en présence de vapeur d'eau pour récupérer l'hydrogène.

· Les différentes technologies des piles à combustible

Les piles à combustible sont toutes fondées sur les réactions d’oxydation de l’hydrogène et de réduction de l’oxygène vues précédemment. Différentes solutions techniques sont toutefois mises en oeuvre pour l’électrolyte, c’est-à-dire la solution conductrice, et pour le combustible.

La tableau suivant présente les caractéristiques des principales catégories de piles à combustible1.

Tableau : Caractéristiques techniques des principaux types de piles à combustible

type

électrolyte

température

combustible

rendement électrique

PEM

(Proton Exchange Membrane)

polymère

@ 100 °C

H2

40 %

PAFC

(Phosphoric Acid Fuel Cell)

acide phosphorique

@ 200 °C

H2

40 %

MCFC

(Molten Carbonate Fuel Cell)

Li/K

carbonates

@ 650 °C

H2

@ 50 %

SOFC

(Solid Oxyde Fuel Cell)

Zirconium

800 – 1000 °C

CH4

50-55 %

a) la technologie PEM (membrane échangeuse de protons)

La technologie de la membrane échangeuse de protons est sans doute celle qui devrait se prêter aux avancées les plus rapides. Plusieurs films plastiques ou tissus synthétiques peuvent convenir. L’électrolyte est de forme polymère. La température de fonctionnement de 100 °C est compatible avec l’utilisation de ce type de pile comme moyen embarqué de production de l’électricité.

Le rendement total – électrique et thermique – de la pile à combustible de type PEM atteint 80 %. Les puissances unitaires des premières unités commercialisées sont de l’ordre de 250 kW.

Selon toute probabilité, les perspectives d’utilisation des piles de type PEM dans l’automobile devraient faire baisser rapidement les prix.

Le leader mondial de cette technologie est la société canadienne Ballard Power Systems qui a déjà industrialisé la production de systèmes de 250 kW. Alstom a noué un partenariat avec cette entreprise et est d’ores et déjà très actif en Europe.

b) la technologie PAFC (acide phosphorique)

Les piles à combustible recourant à l’acide phosphorique comme électrolyte présentent une température de fonctionnement qui correspond aux contraintes de la cogénération. En raison de sa relative simplicité de fonctionnement et parce qu’elle a des débouchés dans ce domaine de la cogénération, les piles à combustible de type PAFC sont parmi les toutes premières à bénéficier d’un développement dans le domaine industriel.

Les pile de la technologie PAFC sont d’ores et déjà commercialisées, pour un coût d’investissement de 19 700 F/kW, qui est élevé par rapport aux coûts de moyens de production d’électricité et de chaleur comparables.

Les leaders mondiaux dans cette technologie sont les entreprises japonaises Toshiba, Mitsubishi Electric et Fuji Electric, qui ont bénéficié de subventions importantes pour la mise au point de cette technologie. L’entreprise américaine ONSI propose également cette technologie où elle a accumulé une expérience importante. Alstom, quant à elle, n’est pas présente sur ce segment technologique.

c) La technologie MCFC (carbonates fondus)

Les piles de technologie MCFC utilisent les sels fondus à 650 °C de carbonate de potassium et de lithium comme électrolyte. Il s’agit d’une voie destinée à atteindre des puissances élevées, de l’ordre de 2 MW.

Les problèmes de corrosion sont difficiles à résoudre dans de tels milieux et à de telles températures. En réalité, aucune durée de fonctionnement supérieure à 5000 heures n’a pu être obtenue.

Les principales entreprises impliquées dans cette voie de recherche sont MC Power et ERC aux Etats-Unis, IHI, Mitsubishi Electric et Toshiba au Japon et Ansaldo en Italie.

d) la technologie SOFC (oxydes solides)

La principale caractéristique des piles de technologie SOFC est leur température de fonctionnement élevée – de 800 à 1000 °C -. Ceci autorise de hauts rendements. Un autre avantage est qu’elles peuvent utiliser directement le gaz naturel, sans qu’il soit nécessaire de le reformer. En outre, ces piles peuvent être couplées avec des turbines à gaz. Le rendement combiné dépasse alors 70 %.

Cette technologie est à l’heure actuelle démontrée avec des systèmes de 10 kW mis au point par Siemens – Westinghouse. Les méthodes de fabrication étant génériquement chères, l’objectif de puissance assurant la rentabilité est de 1 MW.

· L’intérêt thermodynamique et bientôt économique des piles à combustibles

La pile à combustible présente de nombreux avantages. Son rendement théorique peut approcher 100 %. S'il est difficile d'éviter en pratique un dégagement de chaleur, il est possible de récupérer cette dernière et alors d'atteindre alors 90 % de rendements cumulés électrique et calorifique.

De fait le théorème de Carnot ne s'applique pas à la pile à combustible où l'on récupère directement l'électricité2.

Les coûts d’investissement au kW sont, on l’a vu encore élevés. Néanmoins les prévisions sont optimistes quant à l’amélioration de la compétitivité de cette technologie – voir tableau suivant -.

Tableau : Prévisions de coût d’investissement par kW, selon Alstom3

francs / kW

1999

2001

2003

2005

2007

2009

coût /kW (chaleur et électricité combinés)

43 289

24 137

16 725

11 741

9 051

7 674

coût /kW (systèmes de secours)

 

7 740

6 953

6 231

5 477

4 722

S’agissant de la technologie PEM, le premier poste dont il faut réduire le coût est celui de la membrane, dont le coût dépasse celui du catalyseur en platine. La meilleure membrane est en Naflon, un perfluoré de Du Pont, dont le prix atteint 3000 F/m2 et la durée de vie est de 30 000 heures. Le CNRS développe à l'heure actuelle un polyimide qui permettra peut-être d'atteindre 100F/m2 pour 2 000 heures de fonctionnement.

Le deuxième poste à améliorer est celui de plaques bipolaires (anode sur une face, cathode sur l'autre face). Il faut qu'elles soient étanches pour que le gaz de la cathode ne réagisse avec celui de l'anode de la pile voisine, conductrices à la fois de l'électricité et de la chaleur, neutres et résistantes à la corrosion. Pour l'instant le prix d'une plaque bipolaire atteint 3 000 F pour une dimension de 20x20 cm sur 0,3 cm d'épaisseur. Il serait nécessaire d'atteindre 10 F pour les mêmes dimensions.

· Reformage et pile à combustible, deux techniques liées

La technique du reformage permet la fabrication d’hydrogène à partir d’hydrocarbures. Son développement conditionne celui de la pile à combustible. Car comment fabriquer l’hydrogène indispensable à cette dernière ?

Dans la technique du reformage, les hydrocarbures CxHy sont oxydés en présence d'eau pour donner H2, CO2 et CO. L'élimination du CO doit être réalisée, en raison de son caractère hautement toxique à la fois pour l'homme et pour la pile à combustible. La première solution est de le transformer en CO2. On peut aussi le réduire en méthane en présence d'hydrogène.

La société canadienne Ballard Power System a mis au point un procédé de conversion instantanée du méthanol ou du GPL en hydrogène. L'hydrogène est ensuite utilisé comme carburant du moteur à explosion classique ou dans une pile à combustible. La réaction de conversion du méthanol ou du GPL en hydrogène génère 10% de la quantité de CO2 d'un moteur à explosion classique.

Arthur D. Little a mis au point un convertisseur de gazole en hydrogène, testé par Chrysler avec un moteur à explosion classique. Au total, les émissions seraient réduites de 80 % par rapport au moteur thermique à explosion classique.

On voit que le reformage est indispensable pour une utilisation concrète des piles à combustibles. Mais le reformage ouvre aussi la voie à une pérennité des moteurs à explosion classique.

· La pile à combustible, une solution pour les voitures électriques

Le domaine des transports est avec l’habitat celui dans lequel les émissions de CO2 sont les plus importantes. Nombreux sont les experts qui estiment que c’est là que se gagnera ou se perdra la bataille de la limitation des rejets de CO2.

La voiture électrique est une des solutions pour l’automobile du futur. Du fait du piétinement des progrès dans la réduction de poids des accumulateurs et batteries, la pile à combustible, relativement légère, est une des voies d'avenir pour fournir de l'électricité embarquée.

Les piles à combustibles pourraient donc donner un nouveau départ au concept de voiture électrique sans production de gaz carbonique. Mais celles-ci peuvent trouver d’autres applications.

· La pile à combustible, une solution de cogénération collective ou individuelle

Une pile à combustible de puissance a récemment installée à Berlin. Elle est destinée à alimenter la centrale de chauffe en chaleur et en électricité (le surplus étant destiné à l'extérieur) à l'échelle d'un quartier. Il s’agit donc d’une installation de cogénération.

Le Canada, avec la firme Ballard, jouirait d'une certaine avance dans ce domaine. Alstom Energietechnik disposerait d'une licence pour l'Allemagne. Les puissances de la pile installée à Berlin sont faibles : 250 kWe et 230 kW thermiques.

EDF, de son côté construira à Chelles en 1999 un pile alimentée au Gaz naturel. La puissance électrique de la pile sera de 200 kW. Elle desservira 200 logements, la chaleur étant distribuée par le réseau de la ville.

Dans le domaine de la cogénération individuelle, l’on peut citer la pile Plug Power 7000 présentée au Congrès Mondial de l’Energie par DTE Energy.

Une autre pile à combustible de même type a récemment été mise au point par Avista, filiale de Washington Water. Ce prototype a la dimension d'un climatiseur, pèserait 50 kg et aurait une capacité de 720 W.

· La France bien placée avec Alstom

La première usine de piles à combustible d'Europe sera construite à Dresde4. Alstom et Ballard Generation Systems (BGS) mettent ainsi en œuvre leur société commune dont Alstom est l'actionnaire majoritaire. Le montant de l'investissement est de 25 millions d'Ecus (167 MF).

La technologie est la suivante : membranes échangeuses de protons, modules de 250 kW de puissance unitaire, ensembles de 1 à 10 MWe. Alstom a déjà vendu 4 modules de 250 kW en Allemagne, Suisse, Pays-Bas et Belgique : les applications visées sont la cogénération mais aussi les installations de secours pour l'industrie et le tertiaire. Les commandes seront honorées entre 1999 et 2000

· Vers l’émergence d’une filière hydrogène ?

Utilisé dans les piles à combustible pour produire de l’électricité, l’hydrogène peut aussi être utilisé dans les moteurs à explosion classiques. On ne peut aussi exclure la mise au point d’autres types de moteur que les moteurs actuels afin de tirer parti du niveau exceptionnel de la chaleur de réaction de l’hydrogène avec l’oxygène utilisée dans les moteurs de fusée.

Il est possible aussi que des techniques de production de masse et de distribution de l’hydrogène soient mises au point rapidement. Ces développements sont d’autant plus vraisemblables que le stockage de l’hydrogène dans des nano-tubes de carbone est en plein développement. Une technologie de ce type autoriserait un stockage sûr et performant en terme de contenu énergétique rapporté à l’unité de masse.

E. Le charbon propre, une technologie d’avenir pour les pays producteurs

Les centrales thermiques fonctionnant au charbon assurent environ 40 % de la production d’électricité dans le monde. Compte tenu de l’ampleur des réserves et de leur bonne répartition à l’échelle du globe, notamment dans le monde en développement, le charbon devrait, contrairement à ce que la situation d’un pays comme la France peut laisser croire, participer à la croissance de la consommation d’électricité.

Les technologies dites du charbon propre, permettant de réduire les émissions de poussières et de polluants gazeux comme les oxydes de soufre et d’azote, en permettant de couvrir les besoins en électricité tout en réduisant la pollution sont appelées à un grand avenir.

1. Des réserves quasiment inépuisables, situées dans les pays en développement à forts besoins énergétiques

Les gisements de houille et de lignite constituent près de 70 % des réserves de combustibles fossiles. Leur répartition dans le monde est relativement homogène.

Trois pays possèdent 60% des réserves mondiales connues de charbon. Il s’agit des Etats-Unis, avec des réserves de 240 milliards de tonnes, de la Russie avec des réserves de 220 milliards de tonnes et de la Chine, avec des réserves de 120 milliards de tonnes.

Les réserves de l’Inde sont estimées à 70 milliards de tonnes, et celles de l’Indonésie à environ 30 milliards de tonnes. Les réserves australiennes sont évaluées à 90 milliards de tonnes. Celles d’Afrique du Sud sont également supérieures à 50 milliards de tonnes. Les mines européennes, souterraines, vieillissantes et en voie d’épuisement, sont surclassées par les mines à ciel ouvert des pays neufs.

Figure : Réserves mondiales d’anthracite et de bitume en milliards de tonnes – Estimations de 19965

Les gisements de lignite sont quant à eux plus concentrés et se trouvent principalement en Allemagne, en Europe de l’Est, en Grèce et en Turquie.

Figure : Réserves mondiales de lignite en milliards de tonnes – Estimations de 19966

· Un marché mondial souple et sûr

Le prix du charbon sur le marché mondial suit d’assez près la croissance économique. La bonne répartition des gisements de charbon sur la planète rend peu plausible la formation d’un oligopole. Structurellement, le prix international du charbon est à la baisse, atteignant la zone des 35 à 40 dollars la tonne.

Figure : Prix du charbon importé pour les centrales électriques

La défaillance d’un pays exportateur est facilement compensée par un autre producteur. Les coûts de la logistique du charbon sont en baisse. Ces considérations font dire aux experts que le marché du charbon est fluide, souple et sûr.

Au total, le charbon présente l’avantage d’être le moins cher des grands combustibles fossiles. Ainsi, en novembre 1998, le prix CAF Europe du charbon s’élevait à 50 dollars par tonne équivalent pétrole, contre 95 pour le pétrole et 105 pour le gaz7. Il est à noter d’ailleurs que l’incidence sur le prix du charbon des coûts de la logistique est élevée. Cette dernière représente près de 60 % contre 20 % pour le pétrole.

Ces raisons expliquent le fait que le charbon soit la première source d’énergie mondiale pour la production d’électricité, avec une part de 40 % environ. Il est généralement admis que cette part devrait se maintenir à l’avenir.

2. Le déclin de la production et l’évolution des importations charbonnières françaises

La production charbonnière française a atteint une apogée de 58 millions de tonnes en 19608. A cette date, le rendement par poste ouvrier au fond s’élève à 1,8 tonne par jour. Des progrès de productivité considérables ont été obtenus, avec un maximum de rendement de 6,7 tonnes par jour obtenu en 1996. En raison de la concurrence des autres formes d’énergie et, pour le charbon lui-même, des mines à ciel ouvert de pays tels que l’Afrique du Sud, la production française décline progressivement pour représenter 6,8 millions de tonnes en 1997, avec un arrêt de l’extraction programmé en 2005.

En réalité, la disparition de la production de charbon ne signifie pas que l’utilisation du charbon doive cesser en France.

Les technologies du charbon propre sont en effet bien maîtrisées par les entreprises françaises, qui pourraient trouver un intérêt à développer sur le territoire national des démonstrateurs d’équipements destinés au vaste marché mondial des centrales thermiques au charbon.

3. Les contraintes de réduction des émissions polluantes

Les chaudières anciennes fonctionnant sans dispositif de dépollution particulier émettent des rejets de SO2 de l’ordre de 2000 à 3000 mg/Nm3 pour un charbon ayant une teneur en soufre de 1 à 1,5 % et des rejets de NOx de l’ordre de 1000 mg/Nm3.

Les émissions polluantes des grandes installations de combustion nouvellement créées ont été sévèrement limitées dès 1990, devraient être renforcées dans un proche avenir.

Tableau : Limites d’émissions polluantes des centrales thermiques au charbon

valeurs limites

SO2 mg / Nm3

NOx mg / Nm3

référence : centrale au charbon sans dispositif de traitement des fumées

2000-3000

1000

directive européenne 88/609 – cas des centrales au charbon

400

650

projet de nouvelle directive – version d’août 1998

200

200

Le renforcement des contraintes de dépollution pourrait entraîner un bouleversement de la hiérarchie technique et économique des différents procédés technologiques.

4. Les technologies modernes du charbon propre

Les technologies des centrales à charbon peuvent être réparties en deux catégories, d’une part celles des centrales dont la ou les turbines sont actionnées par la vapeur (centrales à charbon pulvérisé ou à lit fluidisé circulant) et celles dont les turbines fonctionnent sous l’action de gaz chauds ou combustibles (centrales à lit fluidisé sous pression et centrales à cycle combiné au charbon gazéifié (IGCC))9.

· Les chaudières à charbon pulvérisé

Les centrales à charbon pulvérisée représentent la voie la plus connue et la plus développée des nouvelles technologies du charbon propre. Les puissances des centrales de ce type s’étagent entre 100 et 1300 MWe.

Les centrales fonctionnant au charbon pulvérisé sont actuellement nombreuses dans le monde. Leurs rendements varient de 30 à 38 %. Les objectifs de développement technologique sont d’une part l’amélioration du cycle vapeur et d’autre part l’accroissement des performances de dépollution.

De fait, les centrales à charbon pulvérisé de nouvelle génération peuvent être classées en deux catégories.

Les centrales dont le cycle vapeur est sous-critique (180 bars, 540 °C, avec resurchauffe à 540 °C) sont les plus répandues et obtiennent un rendement de 41 % environ. Les centrales à cycle vapeur supercritique (260 bars, 580 °C avec resurchauffe de 580 °) ont un rendement supérieur ou égal à 45 %.

Le dioxyde de soufre formé par la combustion du charbon peut être traité en premier lieu par l’injection dans le foyer de chaux ou de calcaire absorbant le soufre par formation de sulfate de calcium, lui-même recueilli dans les dépoussiéreurs. Cette technique simple et peu coûteuse permet d’atteindre un taux de désulfuration de 60 %.

Figure : Schéma de principe d’une chaudière à charbon pulvérisé

Pour diminuer les émissions de SO2, les fumées peuvent aussi être traitées par voie semi-sèche, ce qui consiste à pulvériser une suspension de lait de chaux dans celles-ci. Le sulfite formé est capté par les dépoussiéreurs. Deux inconvénients marquent cette technique : d’une part un rendement ne dépassant pas 80 % et d’autre part la difficulté à valoriser le sulfite de calcium.

La voie la plus efficace au final est celle du lavage des fumées par une suspension de calcaire et de chaux qui absorbe le soufre.

La dénitrification représentera une nouvelle contrainte de dépollution à compter du1er janvier 2000. L’utilisation de brûleurs bas NOx permet de réduire de 50 % les teneurs d’oxydes d’azote dans les fumées. Le « reburning » permet également une diminution des émissions. Il s’agit d’une combustion étagée, avec une réduction du flux de charbon dans la zone principale du foyer, compensée par une injection de gaz dans une zone supérieure. Le « reburning », une solution plus coûteuse que celle des brûleurs bas NOx, présente un rendement de 70 %. Au final, la technique la plus efficace est celle de la dénitrification par injection d’ammoniac ou d’urée dans les fumées, avec éventuellement l’appoint d’un catalyseur, qui autorise des rendements atteignant 60 à 90 %.

Le marché des équipements de dépollution des centrales à charbon pulvérisé est vaste à lui seul. Il s’agit d’une part de mettre à niveau les centrales existantes et d’autre part d’équiper les nouvelles centrales dont de nombreux experts estiment qu’elles seront en majorité des centrales à charbon pulvérisé, au moins dans les cinq à dix prochaines années.

· Les chaudières à lit fluidisé atmosphérique

La technique du lit fluidisé atmosphérique recouvre la technologie du lit fluidisé dense d’une part et celle du lit fluidisé circulant d’autre part. Le lit fluidisé circulant (LFC) est le plus adapté à la production d’électricité.

Le procédé du lit fluidisé circulant se caractérise par la combustion sur une grille d’un mélange de combustible pulvérisé et de matériaux inertes qu’un fort courant d’air ascendant maintient en suspension. Les particules entraînées vers le haut sont récupérées dans un cyclone et réinjectées dans le foyer.

Figure : Schéma de principe d’une chaudière à lit fluidisé atmosphérique

Le brassage au sein du foyer de la chaudière est intensif. Le nombre de circulations est élevé – environ 15. En conséquence, les rendements sont élevés.

Tableau : Démonstrateurs de chaudière à lit fluidisé atmosphérique10

Pays

Site

puissance

remarque

Canada

Point Aconi

165 MWe

démarrage en 1995

France

Centrale de Provence

250 MWe

démarrage en 1995

Pologne

Turow

2 x 230 MWe

démarrage en 1998

Corée

Tonghae

2 x 200 MWe

démarrage en 1998-1999

La centrale à lit fluidisé de Gardanne est actuellement la plus puissante au monde.

La technologie du lit fluidisé circulant présente l’intérêt particulier de pouvoir utiliser une large gamme de combustibles. La technique du LFC a prouvé sa capacité à consommer des combustibles difficiles, comme les « schlamms » de Lorraine, ou le charbon fortement soufré de Gardanne. Elle peut s’appliquer également à la combustion des brais pétroliers, des boues de traitement des eaux usées, de la biomasse et même des déchets combustibles.

Grâce à l’injection directe de calcaire dans le foyer, la désulfuration est réalisée à 90 %, pour un ratio calcium-soufre de 1,5 à 2 et peut même atteindre 95 %.

La formation d’oxydes d’azote est peu importante, du fait que la température du foyer est limitée à 850 °C. Les émissions de NOx peuvent être encore diminuées par l’injection complémentaire d’ammoniac.

L’expérience acquise par la SNET et le groupe Charbonnages de France sur la technologie LFC est considérable.

Une première centrale de 125 MWe a été mise en service à Carling en 1990.

La seconde centrale, celle de Gardanne d’une puissance de 250 MWe, est la plus puissante du monde. Elle démontre une souplesse remarquable, sa puissance pouvant varier entre 65 et 250 MWe. La désulfuration atteint 99,7 %. La teneur des fumées en oxydes d’azote atteint 240 mg/Nm3, les imbrûlés représentent 0,40 % et le rendement de la chaudière atteint 95,7 %.

Les voies de progrès sont les suivantes : d’une part l’augmentation de puissance, avec un passage au palier 600 MWe : d’une part l’amélioration des rendements avec une évolution vers un cycle vapeur supercritique ; d’autre part la diminution des coûts avec une diminution des surfaces en matériaux réfractaires ; enfin à plus long terme, l’intégration d’un cycle combiné gaz.

· Les chaudières à lit fluidisé sous pression

Les chaudières à lit fluidisé sous pression sont en premier lieu les chaudières à lit fluidisé dense, qui se singularisent, par rapport à la technique précédente, par un circuit sous pression pour la combustion et la récupération du combustible avant recyclage.

Les applications du lit fluidisé dense sont relativement nombreuses, selon le tableau ci-après.

Tableau : Démonstrateurs de chaudière à lit fluidisé dense11

Pays

Site

puissance

remarque

Suède

Vartan

125 MWe + 225 MWth

démarrage en 1990

Espagne

Escatron

80 MWe

démarrage en 1990

Etats-Unis

Tidd

80 MWe

arrêt en 1995

Japon

Wakamatsu

80 MWe

 

Le rendement du lit fluidisé dense atteint 40 à 42 %, contre 36 à 41 % pour le lit fluidisé atmosphérique fonctionnant en condition de vapeur sous-critique.

L’autre catégorie de chaudière à lit fluidisé sous pression est plus novatrice. Ce type de chaudière, qui n’en est qu’au stade de projets, avec une unité de démonstration de 1,5 MWe, recourt d’une part à une turbine à gaz entraînée par les gaz de charbon à 850 – 900 °C et d’autre par à une turbine à vapeur afin d’améliorer le rendement.

Figure : Schéma de principe d’une chaudière à lit fluidisé sous pression

De fait l’objectif de rendement est de 45 à 48 %.

Toutefois, une des difficultés à résoudre pour l’utilisation d’une turbine à gaz est la tenue à la pression et à la corrosion du filtre céramique qui doit filtrer les fumées issues de la chaudière, avant leur passage dans la turbine à gaz.

Sur le plan des rejets, le lit fluidisé dense se caractérise par une désulfuration de 90 %, pour un ratio calcium / soufre de 2, avec un rendement attendu de 95 % espéré pour le lit fluidisé sous pression. Les émissions d’oxydes d’azote sont comprises dans un intervalle de 150 à 575 mg/Nm3, les émissions de poussières étant inférieures à 50 mg / Nm3.

· La gazéification intégrée du charbon à cycle combiné

Le principe de cette technologie consiste à gazéifier préalablement le charbon en la chauffant à haute température dans une atmosphère réductrice. Dans de telles conditions, la réaction de combustion ne se déclenche pas. Au contraire, le charbon se décompose en un mélange de gaz combustibles, notamment H2 et oxyde de carbone CO. Ce mélange est dépoussiéré, débarrassé des impuretés (HCl, HF, H2S), et utilisé comme combustible dans une turbine à gaz12.

La chaleur récupérée dans les gaz d’échappement de la turbine à gaz, est utilisée, comme dans tous les cycles combinés, pour produire de la vapeur qui elle-même entraîne une turbine complémentaire, selon le schéma indiqué figure suivante.

Figure : Schéma de principe de la gazéification intégrée du charbon à cycle combiné

Une installation de ce type est complexe en raison de nombreuses étapes préalables de la gazéification du charbon et du traitement des gaz. Sur le principe, elle devrait permettre d’atteindre des rendements élevés tant pour la production que pour la dépollution.

Tableau : Démonstrateurs de gazéification intégrée du charbon à cycle combiné (IGCC)13

Pays

Site

puissance

remarque

Espagne

Puertollano

335 MWe

développement par Endesa, avec participation d’EDF

Pays-Bas

Demkolec

250 MWe

 

Les rendements actuels sont de 43 à 45 % mais 47 % est espéré. La désulfuration s’effectue à hauteur de 98 %. Les émissions de NOx sont de 150 mG/Nm3. Les émissions de poussières atteignent 10 mg/Nm3.

· Récapitulation des performances des différentes technologies

Tableau : Comparaison des technologies opérationnelles du charbon propre

 

charbon pulvérisé

lit fluidisé circulant atmosphérique

lit fluidisé dense

stade de développement

commercial jusqu’à 1300 MWe

commercial jusqu’à 250 MWe

installation de démonstration de 80 MWe

rendement (%)

36-42 (sous-critique)

42-45 (supercritique)

36-41 (sous-critique)

45 (supercritique)

40-41 (sous-critique)

charbon utilisable

tous types de charbon

tout charbon, même de mauvaise qualité

nécessité d’un charbon suffisamment réactif

coût d’investissement pour une unité de 300 MWe

F / kWe

8530 – 9180

(sous-critique)

8850 – 9840

(super-critique)

7870 – 8530

9840 – 10490

taux de désulfuration (%)

90 – 95

90 (Ca/S de 2)

95 (Ca/S de 3)

90 (Ca/S de 2)

émissions de NOx

100 - 200

200 – 400

150 – 575

émissions de poussières

£ 50

£ 50

£ 50

sous-produits

- cendres stables

- eaux issus de la désulfuration

- gypse issu de la désulfuration

- boues de traitement d’eau

- cendres stables

- cendres mal connues

Les tableaux ci-après récapitulent les spécificités des différentes technologies en développement.

Tableau : Comparaison des technologies en développement du charbon propre

 

lit fluidisé sous pression circulant

lit fluidisé sous pression de 2ème génération

gazéification intégrée du charbon à cycle combiné

stade de développement

installation de démonstration de 70 MWe

installation de démonstration de 1,5 MWe

installation de démonstration jusqu’à 335 MWe

rendement (%)

40 – 42 (sous-critique)

45 – 48 (super-critique)

43 – 45

(47 espéré)

charbon utilisable

nécessite charbon suffisamment réactif

nécessite charbon suffisamment réactif

-

coût d’investissement pour une unité de 300 MWe

F / kWe

9840 – 10 490

-

12 460 – 13 450

taux de désulfuration (%)

90 (Ca/S de 2)

95

98

émissions de NOx

150 – 575

150 –575

< 150

émissions de poussières

£ 50

£ 50

£ 10

sous-produits

cendres mal connues

cendres mal connues

- cendres vitrifiées

- soufre élémentaire

- eau éventuellement évaporée (sels)

- boues de traitement des eaux

Tableau : procédés de traitement des fumées des centrales à charbon

 

rendement

(%)

investissement

(F / kWe)

consommation énergétique

( %)

coût standard

F / tonne

remarque

lavage humide des fumées au lait calcaire

90 – 98

800

1,5 - 2

3 000

- le gypse formé (CaSO4) est de haute pureté et peut être valorisé comme matériau

- poussières captées avec rendement de 50-60

- boues déchet suite au traitement de l’effluent

- HCl et HF captés avec rendement de 99 %

lavage des fumées à l’eau de mer  

500

1 – 1,5

2 500

- rejet en merde eaux
désulfuration primaire

50 – 60

(< 30 pour un charbon à 1 % de soufre)

170

 

800

- cendres hors normes, stockées définitivement
dénitrification primaire

50

150

0,5

1 500

différents procédés :

- réduction de l’excès d’air

- étagement de l’air

- brûleurs bas Nox

- « reburning »

- recirculation de fumées

réduction sélective non catalytique (réduction de Nox en N2)  

200

0,2

5 500

- injection d’ammoniaque et d’urée en haut du foyer

- cendres polluées par l’ammoniaque inutilisables

réduction catalytique sélective

70 - 80

400

0,6

8 000

- cendres polluées par l’ammoniaque inutilisables

· La France, bien placée dans la compétition internationale

La concurrence sur les chaudières à charbon est forte, compte tenu des perspectives de la demande mondiale. Le tableau suivant indique quelles sont les principales entreprises en compétition.

Tableau : Principaux constructeurs de centrales à charbon14

 

charbon pulvérisé

lit fluidisé circulant atmosphérique

lit fluidisé sous pression

gazéification intégrée du charbon en cycle combiné

France

Alstom

Alstom

   

Allemagne

Babcock – Steinmuller

Lentjes-Lurgi

 

Prenflo (Krupp Koppers)

Royaume Uni

     

Bristish Gas et Lurgi

Royaume Uni – Pays Bas

     

Shell

Suède-Suisse

ABB

ABB

ABB

 

Etats-Unis

Babcock Wilcox

Foster Wheeler

ABB-CE

Foster Wheeler

Texaco

Japon

Mitsubishi Heavy Industries

 

Mitsubishi Heavy Industries

 

Le marché des chaudières LFC est prometteur. Dix tranches de plus de 100 MWe ont été mises récemment en exploitation dans le monde. Les commandes récentes représentent 12 tranches, tandis qu’avant la fin 1999 une quinzaine de tranches supplémentaires devraient avoir été réparties entre les constructeurs.

On estime par ailleurs que le nombre de projets susceptibles d’être concrétisés à court terme s’élève à 32 tranches, alors qu’à moyen terme, 25 tranches supplémentaires pourraient être finalisées. Ainsi, l’Inde définit à l’heure actuelle 5 à 6 chaudières au charbon ou au lignite pour l’alimentation en électricité de plusieurs grandes villes et régions touristiques. La Chine élabore quant à elle un programme d’une dizaine de projets.

La position concurrentielle d’Alstom nécessite toutefois d’être renforcée par le construction d’une nouvelle centrale à lit fluidisé circulant, d’une puissance accrue par rapport à celle de Gardanne de 250 MWe, actuellement en fonctionnement.

EDF a lancé fin 1997 l’étude d’une chaudière 600 MW LFC en cycle supercritique avancé à haute pression (270 bar ; température de vapeur : 600 °C en surchauffe et resurchauffe), avec prise en compte des futures normes d’émission (100 ppm de SO2 et NOx). Il s’agit de préparer le renouvellement du parc de production à l’horizon 2005-2010.

La réalisation en France d’un tel démonstrateur de 600 MW LFC permettrait à l’industrie française de disposer d’une expérience et d’une référence utiles pour la conquête des marchés étrangers.

5. Les coûts Digec 1997

L’étude « coûts de référence » de la production électrique de la Digec, publié en 1997, propose des estimations de coûts pour deux types de technologie, une chaudière de 600 MWe utilisant le charbon pulvérisé avec traitement aval des fumées d’une part, et, d’autre part, une chaudière à lit fluidisé circulant d’une puissance de 400 MWe, dérivée de l’installation de 250 MWe de Gardanne. Les deux installations sont destinées à une mise en service industriel en 2000.

Tableau : Caractéristiques générales des installations étudiées dans l’étude « coûts de référence » de la production électrique Digec 1997

 

filière charbon pulvérisé à traitement des fumées

filière LFC

caractéristiques techniques

- 570 MWe

- régime supercritique modéré (240 bars, 540 °C, 560 °C)

- rendement : 42 % PCI

- 400 MWe (chaudière 2 ou 3 corps) – extrapolation chaudière actuelle de 250 MWe

- régime sous-critique (170 bars, 567 °C, 566 °C)

- rendement : 40 % sur PCI

émissions

SO2 : £ 200 mg/Nm3

Nox : £ 200 mg/Nm3

poussières : £ 50 mg/Nm3

CO2 : 236 g/kWhe

total annuel CO2 : 1,06 million de tonnes

- pour mémoire

durée de vie économique

30 ans 30 ans

disponibilité

90 % en base 90 % en base

durée de construction

36 mois 36 mois

coûts d’investissement

F / kWh

(taux d’actualisation : 5 %)

7848 7729

Des hypothèses différenciées d’évolution des prix du combustible sont posées, en prenant deux valeurs extrêmes pour le dollar (5 F et 6,5 F) et deux valeurs extrêmes pour le combustible (40 et 50 dollars par tonne).

En outre, les coûts de manutention et de transport entre le port d’importation et la centrale électrique sont pris égaux à 35 F/tonne lorsque celle-ci est en bord de mer et à 95 F/tonne lorsqu’elle est située à l’intérieur des terres.

Tableau : Hypothèses sur le prix du combustible

 

scénario « bas »

scénario « haut »

prix du charbon

40 dollars / tCIF 50 dollars / CIF

cours du dollar

1 dollar = 5 francs 1 dollar = 6,5 francs

prix du charbon importé F/tonne

200 – 260 250 - 325

caractéristiques techniques du charbon de référence

- teneur en soufre inférieure à 1,5 %

- PCS : 6400 th/t15

- taux de cendre : 7-14 %

Le coût du kWh produit avec une centrale au charbon est, selon la Digec, compris entre 19,5 et 23,9 centimes. Ce coût présente une sensibilité non négligeable vis-à-vis du prix CIF du charbon, une variation de 10 % de ce prix entraînant une variation de 5 % du prix de revient du kWh.

Tableau : Coûts du kWh produit avec une centrale au charbon – taux d’actualisation de 5 %

 

charbon pulvérisé 600 MWe

LFC 400 MWe

parité dollar /franc

1 $ = 5 F

1 $ = 6,5 F

1 $ = 5 F

1 $ = 6,5 F

prix de la tonne de charbon : dollars / tCIF

40

50

40

50

coût d’investissement

6,3

6,3

6,2

6,2

coût d’exploitation

4,5

4,5

4,1

4,1

combustible

8,8

13,0

9,2

13,6

total

19,5

23,7

19,5

23,9

· Les coûts de R & D à inclure

Les coûts de la recherche et du développement pour les centrales thermiques classiques fonctionnant au charbon sont explicitement exclus des coûts de production ci-dessus. Or la technologie du lit fluidisé circulant n’est pas encore stabilisée d’une part et d’autre part nécessite des approfondissements pour améliorer la compétitivité de cet outil de production.

Selon la Digec, EDF poursuit des actions de R & D sur les moyens thermiques classiques, pour un montant d’environ 500 millions de francs par an. La prise en compte de ces dépenses, au demeurant nécessaire, revient à augmenter le coût du kWh d’environ 0,1 centime.

· Les coûts des déchets solides à prendre en compte

L’étude Digec suppose que les coûts de démantèlement sont compensés par la valorisation des matériaux récupérés en fin de cycle. Il semble que cette hypothèse doive être précisée, sinon abandonnée.

Les cendres issues de la combustion du charbon diffèrent selon l'origine du combustible et selon le mode de combustion. Il est possible de les classer en 3 grandes familles16.

a) Cendres Silico-Alumineuses

Elles proviennent de la combustion de la houille dans des chaudières à charbon pulvérisé. Ces cendres sont en grande partie valorisables pour la fabrication de béton, pour la fabrication de graves-cendres routières ou en remblais. Certaines de ces utilisations sont normalisées. Ces cendres peuvent être stockées temporairement et reprises, sous réserve de les sécher.

La SNET a valorisé, en 1998, 758.000 tonnes de cendres de ce type, soit la quasi totalité de la production. Il est à noter que lorsque ces cendres interviennent en substitution de ciment, elles génèrent indirectement une économie d'énergie due à la non fabrication du ciment substitué.

b) Cendres Silico-Calciques

Elles proviennent de la combustion de houille dans des chaudières à Lit Fluidisé Circulant. Ces cendres n'existent en quantité industrielle que depuis le début des années 90. Les pistes concernant leur valorisation ne sont pas toutes, à ce jour, explorées. Ces cendres sont valorisées en cimenteries, en remblais routiers, en injection pour remblayage de cavité. En 1998, la SNET a valorisé 33 200 tonnes de ces cendres sur une production de 222 100 tonnes.

c) Cendres Sulfo-Calciques:

Ces cendres sont issues de la combustion de charbon de Provence en chaudière à charbon pulvérisé, ou en LFC. Leur valorisation est difficile et recoupe partiellement celle des cendres silico-calciques. En 1998, la valorisation a été de 31 800 tonnes sur une production de 192 000 tonnes.

Compte tenu de la fermeture programmée de la mine de Provence, ce type de cendres devrait progressivement disparaître.

L'utilisation de charbon nécessite donc de disposer de capacité de stockage, soit temporaire pour une valorisation ultérieure, soit définitive pour les cendres non valorisables. Il s'agit de décharges internes de produit inerte dont le coût ramené à la tonne de cendre stockée est de l'ordre de 40 F.

· Les coûts de démantèlement sont à prendre en compte

Le total prévu par la SNET, pour le démantèlement de ses centrales, est de 334 millions de francs 1998. Le tableau suivant précise les ordres de grandeur.

Tableau : Exemples des coûts de démantèlement d’une centrale au charbon17

centrale

coût de démantèlement prévu en francs 1998

(millions de francs)

remarque

Penchot

16

 

Lucy

25

 

Provence 5

94

charbon pulvérisé 600 MWe

Hornaing

33

 

Centrale électrique du Huchet 3

33

 

Centrale électrique du Huchet 4

24

 

Centrales électriques du Huchet 5 et 6

68

charbon pulvérisé 330 MW (Huchet 5)

charbon pulvérisé 600 MW (Huchet 6)

Auxiliaires Centrales électriques du Huchet

15

 

DTPS

26

 

Il semble qu’en première approximation, les provisions pour coûts de démantèlement soient peu éloignées de celles effectuées pour le nucléaire, soit près de 12 % du coût d’investissement.

Il conviendrait donc de réexaminer les coûts d’investissement. En réalité, il semblerait plus logique que la valorisation des cendres vienne en déduction du prix du combustible et que les coûts de démantèlement soient pleinement ajoutés au coût d’investissement.

Au final, il apparaît qu’après prise en compte des dépenses de R & D et des coûts de démantèlement, ainsi que de la valorisation des cendres, le coût du kWh charbon devrait probablement être augmenté de 0,5 centime.

F. L’hydraulique

L’histoire de l’équipement hydroélectrique de la France est celui d’une épopée, qui s’est déroulée en deux phases.

Les premiers pas de l’hydroélectricité s’effectuent dans un cadre privé, défini par la loi du 9 juillet 1892 et par la loi du 16 octobre 1919. Un régime de concessions d’Etat est instauré pour les installations d’une puissance minimale supérieure à 500 kW. Un modèle original de gestion mixte est mis en place et se révèle performant. Entre les deux guerres, cinquante barrages sont édifiés.

La loi de nationalisation de 1946 met à disposition d’EDF la presque totalité de l’appareil de production hydroélectrique, la CNR société d’économie mixte fondée en 1921 restant toutefois à l’écart. Des chantiers lancés avant la guerre sont alors terminés, comme ceux de l’Aigle et de Génissiat. Par ailleurs de nouveaux aménagements sont réalisés sur la Durance, à Fessenheim par exemple.

Le développement de l’hydroélectricité peut s’envisager soit par des équipements lourds soit par l’intermédiaire des producteurs autonomes dans le cadre d’installations de puissance restreinte.

En 1998, on estime que 60 % du potentiel théorique national sont exploités. Aucun grand équipement n’est envisagé18. Le développement de l’hydroélectricité ne peut donc s’envisager que l’intermédiaire d’initiatives locales ou privées.

La loi du 2 août 1949 facilita l’émergence d’un véritable secteur de producteurs autonomes en permettant l’aménagement et l’exploitation de nouvelles installations ne dépassant pas une puissance de 8 000 kVA ainsi que les centrales destinées à l’autoconsommation par des entreprises et des collectivités. Par le décret du 20 mai 1955, les producteurs autonomes reçoivent une garantie d’achat de leur production ou de leurs excédents par EDF.

Le contrat d’entreprise Etat / EDF 1997-2000 prévoit que « les pouvoirs publics maintiendront l’obligation d’achat par EDF aux nouveaux producteurs indépendants pour les seules productions électriques issues de la cogénération ou d’énergies renouvelables ».

La CNR exploite 18 barrages sur le Rhône et a produit 14 TWh en 1997, ce qui représente 20 % de l'électricité hydraulique française19. Les barrages sont aujourd'hui amortis. Le coût complet du courant produit est très bas : 8 centimes par kWh.

Cliquer ici pour accéder à la fin de la partie III du chapitre II:
G Les énergies nouvelles renouvelables, bientôt compétitives dans certaines niches
H Vers une production d'électricité mieux répartie ?

Cliquer ici pour retourner au sommaire général

1 R. Mahler, Alstom, audition du 21 janvier 1999.

2 Selon ce théorème, le rendement énergétique d'un moteur thermique est fonction du rapport des températures de la source chaude (par exemple la chambre de combustion d'un moteur à explosion à 4 temps) et de la source froide (par exemple le radiateur du même moteur à explosion

3 R. Mahler, Alstom, audition du 21 janvier 1999.

4 AFP 18/12/98

5 Source : BP, cité dans Le contexte énergétique, CEA-DSE/SEE, janvier 1999.

6 Source : BP, cité dans Le contexte énergétique, CEA-DSE/SEE, janvier 1999.

7 C. Jullien, SNET, séminaire EFE, 27 novembre 1998.

8 total de l’extraction de houille et de lignite.

9 Source : SNET, audition du 21 janvier 1999.

10 Source : SNET, audition du 21 janvier 1999.

11 Source : SNET, audition du 21 janvier 1999.

12 C. Jullien, Quel rôle pour le charbon dans le panorama énergétique actuel, séminaire EF, 27/11/1998.

13 Source : SNET, audition du 21 janvier 1999.

14 Source : SNET, audition du 21 janvier 1999.

15 th/t : thermie / tonne.

16 Source : Snet, audition du 21 janvier 1999.

17 Source : Snet, audition du 21 janvier 1999.

18 Légendes d’un siècle : cent ans de politique hydroélectrique française, D. Varaschin, Annales des Mines, août 1998.

19 AFP, 9/12/1998.



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