- - Rapport sur l'aval du cycle nucléaire Chapitre III : LORSQUE lon prend en compte les couts externes des differentes filieres, le nucleaire apparait comme lun des moyens de production incontournables pour lavenir 265 I. Leffet de serre et lestimation de son coût 267 A. Certitudes et interrogations sur le changement climatique 268 1. Les interrogations sur le réchauffement planétaire 268 2. Les certitudes sur la modification de la composition de latmosphère 270 3. La prise de conscience internationale : lenteurs et acquis 282 B. Lestimation du coût du CO2 par le coût de séquestration 286 1. Les procédés de captation du CO2 produit par les centrales thermiques 286 2. Les différents procédés envisagés pour le stockage du CO2 288 3. Laugmentation des rendements des centrales thermiques classiques 289 4. La diminution des émissions plutôt que la séquestration du CO2 290 C. Lestimation par les dommages 291 D. Lestimation dune « valeur du carbone » par le calcul des coûts de réduction 294 1. Le modèle POLES 2 de lIEPE-CNRS de Grenoble 294 2. Un coût denviron 170 dollars par tonne de carbone pour respecter les objectifs de Kyoto, en labsence de tout échange de permis démission 299 3. Une baisse significative du coût de la tonne de carbone à 70 dollars avec des permis négociables dans les pays de lannexe B 300 4. Une baisse significative du coût de la tonne de carbone à 24 dollars avec des permis négociables dans le monde entier 301 5. Le nucléaire favorable à la réduction des émissions et à la diminution des coûts 303 6. Les résultats dautres travaux 305 E. Récapitulation des estimations du coût du CO2 308 CHAPITRE III : LORSQUE LON PREND EN COMPTE LES COUTS EXTERNES DES DIFFERENTES FILIERES, LE NUCLEAIRE APPARAIT COMME LUN DES MOYENS DE PRODUCTION INCONTOURNABLES POUR LAVENIR Lévaluation des coûts des filières par les méthodes traditionnelles a montré que certains effets externes étaient pris en compte pour le nucléaire. Cette approche doit être étendue à toutes les technologies de production de lélectricité. Les effets sur la santé et sur lenvironnement de tous les polluants émis par les centrales électriques peuvent faire lobjet destimations. Létude ExternE de la Commission européenne est à cet égard dune grande utilité de par la méthode claire quelle propose. Il convient aussi de sintéresser à lévaluation des coûts externes du CO2 pour trois raisons au moins. Laugmentation rapide de la concentration en CO2 de latmosphère risque en effet dinduire des changements climatiques dont personne nest capable de prédire la portée. Ainsi que le protocole de Kyoto la souligné, il nest plus possible de ne pas lutter contre les rejets de CO2 dans latmosphère. Les émissions de CO2 liées à la production électrique viennent en deuxième rang après le transport et la consommation délectricité du monde en développement est appelée à croître rapidement. Les émissions de CO2 par centrale sont très différentes dune filière à lautre. En incluant lensemble du cycle du combustible, elles sont en effet 40 fois plus fortes pour le gaz que pour le nucléaire et 2 fois plus élevées pour le charbon que pour le gaz. Lévaluation du coût à imputer au kWh du fait des émissions de CO2 peut se faire par trois méthodes dintérêts respectifs très inégaux. La première méthode revient à calculer le coût de séquestration du CO2. Les techniques correspondantes consisteraient à capturer le CO2 dans les gaz rejetés par les turbines ou les chaudières et à linjecter pour stockage dans le sol, par exemple dans les gisements dhydrocarbures épuisés. Avec des incertitudes très grandes, compte tenu de limmaturité des techniques, le coût de séquestration du CO2 pourrait être de lordre de 300 dollars par tonne de carbone. La seconde méthode est celle de lévaluation des dommages causés par le CO2. On suppose dans ce cas quil y a réchauffement climatique et que laugmentation du CO2 dans latmosphère en est la cause. Cette approche exige une analyse fine et exhaustive des conséquences dune augmentation de la température. Ses résultats dépendent étroitement de la valeur statistique de la vie humaine dans les pays en développement notamment. Les dernières estimations font état dun coût de 190 dollars par tonne de carbone. La troisième méthode dévaluation du coût du CO2 est celle qui consiste à calculer la valorisation de la tonne de carbone rejetée de manière quune réduction des émissions se produise dans les proportions souhaitées aux termes des engagements politiques pris. Les évaluations correspondantes mettent en jeu des modèles énergétiques et éventuellement des modèles macroéconomiques. Les valeurs trouvées dans la troisième approche en utilisant le modèle POLES 2 dépendent logiquement des conditions politiques de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto et en particulier de la mise en place dun marché de permis démission négociables. Ce sont ces questions qui sont abordées dans la suite, à commencer par la plus critique pour lavenir, celle de leffet de serre. I. Leffet de serre et lestimation de son coût Le grand enjeu planétaire actuel en matière de la protection de lenvironnement, cest la lutte contre leffet de serre. Cette question est extrêmement simple, en dépit des incertitudes scientifiques. Premier constat : lévolution de la concentration de CO2 dans latmosphère, nous savons la déterminer avec précision et elle est impressionnante. Cette concentration était de 200 ppm au moment du dernier maximum glaciaire. Elle était de 280 ppmv en 1750, à laube de la première révolution industrielle. Elle est passée à 315 ppmv en 1958 et 358 ppmv en 1998. Si les émissions de CO2 se maintiennent à leur niveau de 1994, la concentration de CO2 s'élèvera de façon pratiquement constante pendant 200 ans, atteignant 500 ppmv à la fin du XXIè siècle. Deuxième constat : ainsi que le disait récemment Jean-Claude Duplessis, lun de nos plus grands climatologues, « depuis le début du XXe siècle, le réchauffement atteint environ 1°C. Il est indéniable. Dailleurs, les 20 dernières années rassemblent à elles seules les 6 ou 7 années les plus chaudes du siècle. Dans l'état actuel des recherches, nous sommes incapables de dire dans quelle proportion exacte intervient lactivité humaine avec ses émissions de gaz à effet de serre et de poussière et dans quelle proportion pèsent les phénomènes naturels ». Laugmentation rapide de la concentration en CO2 de latmosphère risque dinduire des changements climatiques dont personne nest capable de prédire la portée. Il est donc indispensable dagir. Mais comment agir alors que les pays industrialisés peinent à mettre en oeuvre leur engagement de Kyoto se traduisant par une diminution de 5,2 % de leurs rejets de gaz à effet de serre en 2010 par rapport à 1990 ? Comment ne pas sinquiéter du fait que cet effort si difficile ne concerne que les pays responsables certes de 57 % des émissions de CO2 actuelles mais qui ne seront responsables que de seulement 25 % de l'augmentation des émissions des 20 prochaines années, les pays d'Asie et d'Amérique latine devant être les plus importants émetteurs de CO2 à lavenir ? A. Certitudes et interrogations sur le changement climatique 1. Les interrogations sur le réchauffement planétaire Au cours du XXe siècle, la température moyenne globale de l'air en surface a augmenté d'une valeur comprise entre 0,3 et 0,6 °C selon certains auteurs et de 1°C selon dautres. Parallèlement, on observe que le niveau moyen des océans a monté, quant à lui, de 10 à 25 cm1. Dans certaines régions, des modifications dans la variabilité et les extrêmes climatiques sont également intervenues. Il est probable que lHomme a une part appréciable dans ces modifications climatiques. Mais tout changement dû aux activités humaines est en effet probablement superposé à des variations d'origine naturelle. Si cette évolution devrait se prolonger, selon l'IPCC2, à la fin du XXIè siècle, la température moyenne de surface aura augmenté de 2 °C et le niveau moyen des océans de 50 cm, ce qui provoquera des catastrophes aux conséquences incalculables dans certains pays. Le réchauffement planétaire, un phénomène démontré mais délicat à analyser Il y a 20 000 ans lors du dernier maximum glaciaire, la Terre était recouverte de deux fois plus de glace quaujourdhui mais la température nétait inférieure que de 4 à 5 °C. Léquateur était recouvert de glaces et les pôles étaient sous une chaleur tropicale lors de deux ères géologiques (2,4-2,2 milliards dannées ; 820-550 millions dannées)3. La Terre en réalité subit une alternance de périodes froides et de périodes chaudes tous les 100 000 ans environ. Il est probable que nous connaissions actuellement une période chaude. Le premier enjeu scientifique est donc dinscrire les observations des dernières années dans une évolution de longue période. Les mesures actuelles sont faites par environ un millier de stations au sol et complétées par des mesures satellitaires des températures océaniques. De grands progrès restent toutefois à faire dans la mesure du phénomène. Il reste à développer un réseau de surveillance de l'océan lui-même, en surface et en profondeur, jugé aujourd'hui très insuffisant par les experts, pour évaluer les interférences entre océans et climat. Cest lobjet du récent programme lancé par lUnesco. Ce programme est baptisé CLIVAR (Climate Variability et Predictability). Il durera 15 ans et a comme objectif d'étendre le champ et d'améliorer la prévision climatique. Grâce à un vaste réseau de satellites et de capteurs au sol, des observations systématiques à long terme sur l'atmosphère, la terre, les océans et les régions couvertes par les glaces pourront être faites et analysées4. Parmi les points qui sont à approfondir sur la variabilité du climat, on peut citer : - le rôle des océans dans la thermodynamique de la planète - le rôle de réservoir de chaleur que jouent les océans au voisinage des tropiques et linfluence des courants tels que le Gulf Stream dans lAtlantique et le Kuro-Shio dans le Pacifique - linfluence des nuages et des aérosols sur le climat de la Terre5 - linfluence des particules cosmiques émises par les étoiles lointaines sur le climat en général et sur la formation des nuages - léventuelle modification de linclinaison de laxe de rotation de la Terre par rapport à lécliptique et ses conséquences sur le climat - la capture de CO2 par les océans et les échanges de CO2 entre les océans et latmosphère. Le lien probable entre les gaz à effet de serre et le changement climatique A l'échelle géologique, les variations de concentration de gaz à effet de serre (GES) sont parallèles à celle de la température. A l'échelle du siècle, la relation est plus délicate à mettre en évidence. Compte tenu des caractéristiques physiques des gaz à effet de serre, différents modèles ont étudié les conséquences dune augmentation de leur concentration sur la température moyenne du globe. Les modèles du bilan radiatif global prévoient une augmentation de 1°C pour un doublement de la concentration du CO2 dans l'air. Selon le modèle du Haldey Centre, d'ici à 2050 le climat se réchaufferait de 0,2 °C par décennie. Selon le modèle du Max-Planck-Institut für Meteorologie (Allemagne) et du Hadley Center (Royaume-Uni), qui intègre les effets des GES et ceux des poussières anthropiques, la probabilité que le réchauffement observé soit dû uniquement à des causes naturelles serait inférieure à 5%. Le GIEC6 a également réalisé des simulations de lévolution de la température au cours des prochaines années. En adoptant la valeur la plus probable pour la sensibilité du climat et en prenant en compte des effets des aérosols, laugmentation de la température moyenne à la surface du globe serait de 2°C entre 1990 et 2100 et, comme indiqué plus haut, le niveau de la mer sélèverait de 50 cm. Dans tous les cas, la rapidité du réchauffement serait probablement plus élevée qu'elle ne l'a été à toute autre période depuis 10 000 ans. A l'échelle de 10 ans et suivant les régions, la variabilité pourrait être grande. Par ailleurs le cycle naturel du carbone pourrait être modifié par une évolution rapide du climat. En conclusion de ses travaux, le GIEC a récemment affirmé : « le bilan des observations suggère quil existe une influence des activités humaines sur le climat. Le climat devrait continuer de changer à lavenir »7,8. Le danger potentiel du changement climatique Le réchauffement du climat est une donnée qui est aujourdhui admise, en dépit des marges derreur qui existent encore pour le caractériser. Cette élévation de la température moyenne du globe a sans doute plusieurs causes, naturelles ou anthropiques. Ces causes restent certes à préciser. Il reste également, tâche immense, à pondérer les influences des différents facteurs. Mais il est un facteur incontestable. Cest la modification de la composition de latmosphère. Celle-ci connaît un accroissement de la concentration du CO2, un gaz renforçant leffet de serre qui peut jouer un rôle dans la modification du climat. 2. Les certitudes sur la modification de la composition de latmosphère Les gaz à effets de serre absorbent une partie de la dissipation de la chaleur de la terre. Ils exercent un effet similaire à celui des vitres d'une serre, qui si elles laissent passer la lumière visible du soleil, retiennent de l'intérieur le rayonnement thermique. Sans les gaz à effet de serre, la température moyenne à la surface de la terre serait de -18 °C au lieu de +15 °C. La vapeur d'eau et le CO2 sont les premiers responsables de cette différence de température. Cest en 1896 quArrhenius établit la notion d'effet de serre artificiel dû à une concentration anormale de CO2 créée par l'homme. Les activités humaines ont modifié la composition de l'atmosphère depuis le début de la révolution industrielle, et en particulier ont conduit à une augmentation de la concentration du CO2. Les preuves de lorigine anthropique de cette augmentation sont nombreuses : dune part, une diminution de la concentration en oxygène de l'air, de 0,03 ppmv par an) et dautre part les analyses de la composition isotopique du gaz carbonique (carbone 14). Lévolution de la concentration du CO2 dans latmosphère A lépoque du dernier maximum glaciaire, cette concentration moyenne était de 200 ppmv9,10. Elle est aujourdhui de 358 ppmv. Le tableau suivant montre lévolution de la concentration du CO2 dans latmosphère. Tableau : évolution de la concentration de latmosphère en CO2
Ainsi, pendant les deux cents dernières années la concentration en CO2 dans l'air a augmenté de 80 ppmv. Cet accroissement sest produit à une vitesse cent fois plus rapide que celle de lévolution enregistrée au cours des 20 000 dernières années, période au cours de laquelle l'augmentation naturelle avait aussi atteint 80 ppmv. A lheure actuelle, la concentration du CO2 augmente de 1,5 ppmv par an. Un renforcement mutuel possible de leffet de serre et de la disparition de la couche dozone Leffet de serre se traduit par une augmentation de la température de la troposphère et une diminution de la température de la stratosphère. En réalité, il faut aussi distinguer la basse stratosphère et la haute stratosphère. Dans la partie basse de la stratosphère, la diminution de température permet une augmentation de la concentration d'ozone car les réactions de destruction de l'ozone dépendent de la température. On sait par ailleurs que dans la partie haute de la stratosphère, la concentration de l'ozone diminue en particulier du fait des CFC. De nouveaux travaux11 démontrent que la baisse de la température dans la proche stratosphère introduit des changements dans la circulation atmosphérique qui conduisent à une baisse de la concentration d'ozone dans les hautes latitudes. Leffet de serre pourrait donc renforcer la destruction de la couche d'ozone Laugmentation de la concentration du CO2 dans latmosphère : rythme et origine Les émissions annuelles de CO2 résultent de l'utilisation de combustibles fossiles, dans les transports, le résidentiel et la production délectricité. Ces émissions s'élevaient à 6,3 milliards de tonnes de carbone, soit 23 milliards de tonnes de CO212 en 1996. La déforestation, autre activité humaine, conduit à diminuer la masse végétale, ce qui équivaut annuellement à lémission de 3 à 4 milliards de tonnes de CO2 A titre de référence, l'atmosphère contient actuellement 750 milliards de tonnes de carbone sous forme de CO2. Il est à noter par ailleurs quune quantité très importante de CO2 se trouve dissoute dans les océans. Les émissions de CO2 proviennent principalement des pays industrialisés. Ainsi, à titre dexemple, les Etats-Unis ont, en 1996, émis 5,3 milliards de tonnes soit 23 % du total. La figure suivante donne les répartitions géographiques des émissions de CO2. Figure : Répartition des émissions de CO2 en 1996 Deux types de classement sont généralement faits en matière démissions de CO2 : dune part un classement par quantités totales de CO2 rejetées et dautre part selon les quantités par habitant. Les Etats-Unis sont le principal émetteur mondial de CO2. La Chine occupe la deuxième place, suivie de la Russie. Tableau : Principaux pays émetteurs de CO2 en 199513
Sagissant des émissions rapportées au nombre dhabitants, on retrouve en tête de classement non seulement les pays développés mais aussi les pays utilisant les combustibles fossiles en grande quantité sans avoir une réglementation de protection de lenvironnement comparable à celle des pays industrialisés. Figure : Rejets de CO2 en 1995 dans lUnion européenne en tonne/GWh14 Tableau : Principaux pays émetteurs de CO2 par habitant en 199515
Les émissions de CO2 des pays en développement sont certes en augmentation sensible sous laction de plusieurs facteurs concordants : utilisation des combustibles fossiles accessibles, intensité énergétique insuffisante, décollage économique. Il nen reste pas moins que ce sont les pays développés qui portent la responsabilité la plus forte en matière démissions de CO2, ainsi que lillustre la tableau suivant. Tableau : Répartition des émissions de CO2 entre pays développés et pays en développement16
Les dernières statistiques sur les rejets de CO2 publiées par l'OCDE et l'AEN sont alarmantes à cet égard. En effet les émissions ont progressé de 7 % entre 1990 et 1996, suivant le tableau ci-après. Tableau : Evolution des émissions de CO2 de 1996 par rapport à celles de 1990
La progression des rejets de CO2 par les pays dEurope de lEst est soutenue. La Russie doit être mise à part. La crise persistante dans ce pays a en effet ralenti son activité économique et diminué les émissions de CO2. La progression des émissions de lInde et de la Chine est en revanche massive. Les Etats-Unis de 1990 à 1996, une préfiguration des évolutions spontanées possibles en Europe Le cas des Etats-Unis mérite dêtre analysé en détail, compte tenu de limportance de leurs émissions de CO2 dans le total mondial et en raison de leur valeur de contre-exemple. La consommation d'énergie a augmenté aux Etats-Unis en moyenne de 1,7 % par an depuis 1990. La consommation d'électricité sest également élevée de 2,0 % par an depuis la même date, soit un rythme conforme à la tendance de longue période dans les pays industrialisés. La majeure partie des émissions de gaz à effet de serre (82 %) correspond au CO2. Elle est donc imputable aux combustibles fossiles. Dans la période récente, ce sont les transports et la production d'électricité qui sont aux Etats-Unis principalement responsables des augmentations des rejets de CO2. Au cours de la période considérée, plusieurs centrales nucléaires ont été arrêtées. Par ailleurs, le prix du gaz a augmenté sur la période. En conséquence la part du charbon s'est accrue dans la production délectricité, avec, comme résultat, laugmentation des émissions de 9 % sur la période 1990-1996. La combinaison dune croissance lente mais réelle de la consommation délectricité et dune baisse de la part du nucléaire dans la production de celle-ci, a produit mécaniquement une augmentation importante des émissions de CO2. A contrario, le nucléaire dans l'Union européenne permet d'éviter lémission de 700 millions de tonnes de gaz carbonique par an. Ce total correspond à l'ensemble des émissions de CO2 du parc automobile de l'Union européenne17. Autrement dit, « pour obtenir la même économie de CO2, il faudrait supprimer toutes les voitures particulières de l'Union européenne ». La croissance mondiale de la consommation dénergie La consommation mondiale d'énergie devrait croître à lavenir à un rythme moyen de 2 à 3 %. Dans de nombreux pays, en Europe de lEst, en Chine, en Amérique du Nord, la consommation spécifique d'énergie en pourcentage du PIB est le double ou le triple de celle de l'Europe ou du Japon. Pour restreindre les émissions de CO2, une première solution existe, celle de diminuer lintensité énergétique grâce à une augmentation des rendements énergétiques et aux économies dénergie. Mais laugmentation de la consommation délectricité accompagne toujours le développement économique. Sans compter la part des émissions dues aux transports, il est certain que la production délectricité, par son augmentation, va contribuer à la croissance des rejets de CO2, dans des proportions qui dépendent évidemment de la composition du parc électrique futur des pays considérés. La croissance de la consommation délectricité La croissance de la consommation délectricité accompagne toujours le développement économique. Le graphique suivant illustre ce phénomène. Il représente lévolution entre 1973 et 1995 de la production délectricité dans différents ensembles de pays et en Chine. Figure : Croissance de la production annuelle délectricité entre 1973 et 199518 Les différentiels de croissance de la consommation délectricité selon les pays sont très importants. Ainsi, dans lOCDE, la consommation délectricité a été multipliée par 1,9 entre 1973 et 1995. En Chine, elle a été multipliée par 6,1. Le reste du monde qui regroupe les autres pays en développement a vu, quant à lui, sa consommation délectricité multipliée par 4. Il est clair que laugmentation de la consommation délectricité va continuer à se produire dans lensemble du monde, mais à une allure beaucoup plus rapide dans le monde en développement. On souligne souvent le rôle important du transport dans laugmentation des émissions de CO2. Le choix des filières de production de lélectricité ne lest pas moins. La question des parts respectives du nucléaire, du charbon et du gaz dans la production délectricité à lavenir est donc dune très grande importance, compte tenu de leurs performances très inégales en matière démissions de CO2. Figure : Evolution de la part des différentes filières de production délectricité dans la production mondiale19 Limportance critique du choix de la filière de production délectricité pour les émissions de CO2 Des calculs précis ont été effectués par l'Institut Paul-Sherrer et le Laboratoire des systèmes énergétiques de l'EPF de Zürich sur les contributions des différentes filières à l'effet de serre20. Les unités utilisées sont l'équivalent CO2 et le gramme d'équivalent CO2 par kWh. Une telle comparaison scientifique des émissions de gaz à effet de serre des divers systèmes de production d'électricité prend en considération tous les processus de l'aval à l'amont. Ainsi pour le nucléaire, sont examinées toutes les étapes : extraction du minerai, enrichissement en uranium fissile 235, construction, exploitation et démantèlement des centrales nucléaires, transport et retraitement des combustibles usés, stockage des déchets radioactifs. Tableau : Emissions de CO2 par kWh produit, selon le type de centrale
Le passage du charbon au cycle combiné à gaz permet de réduire de moitié les émissions de CO2. En revanche, le cycle combiné à gaz émet 40 fois plus de CO2 que le nucléaire. Les autres gaz à effet de serre Le gaz carbonique nest pas le seul des gaz à modifier le bilan radiatif de la planète. Le tableau suivant présente les caractéristiques des autres gaz à effet de serre (GES). Tableau : Principales caractéristiques des gaz à effet de serre21
Dune manière générale, la plupart des gaz à effet de serre résident pendant plus d'une décennie dans l'atmosphère. Leurs concentrations sont donc homogénéisées par les mouvements atmosphériques. Ils affectent donc le bilan radiatif à l'échelle globale. Linertie de la croissance de la concentration du CO2 dans latmosphère Dans létat actuel des connaissances du cycle du carbone, un freinage modéré des émissions conduirait à une augmentation inéluctable de la concentration du CO2. Ainsi, à supposer que lon mette un siècle et demi pour revenir au niveau démissions de 1990, la stabilisation de la concentration de CO2 dans latmosphère se produirait à hauteur de 650 ppmv. En réalité, la teneur en CO2 ne pourrait se stabiliser autour de 450 ppmv que si les émissions de CO2 revenaient au niveau de 1990 dici 40 ans et si elles diminuaient nettement par la suite. Un accord semble se faire entre les experts en matière de concentrations admissibles de CO2 dans latmosphère, à savoir une concentration en CO2 stabilisée au niveau de 550 ppmv en 2350, soit environ le double de la concentration de lère préindustrielle. Toutes les discussions internationales prennent comme limite le doublement de la concentration de CO2 par rapport à la période préindustrielle. Les émissions actuelles sont denviron 6 milliards de tonnes de carbone par an. En raison de la croissance de la consommation dénergie résultant elle-même de la croissance économique, ces émissions de carbone vont continuer à croître. A court terme, les décisions de plafonnement auront des effets insignifiants. Laugmentation de la température dun ou deux degrés est, selon certains experts, inéluctable23. En cas daugmentation forte de la concentration du CO2, il pourrait alors se produire un phénomène dauto-amplification du réchauffement planétaire. Le graphique ci-après montre lampleur du problème. Les ordonnées correspondent aux émissions de CO2 en milliards de tonnes de carbone. En abscisse, figurent les années. Chacune des courbes correspond, pour une concentration finale en CO2, au maximum des rejets de carbone quil faut respecter, année après année, pour stabiliser la concentration de latmosphère à une valeur particulière de CO2 à lhorizon 2350. Figure 1 : Les conditions, selon le GIEC, dune stabilisation de la concentration du CO2dans latmosphère On voit bien à la lumière de ce graphique que tout le problème est dabord darriver à contenir les émissions, en vue darriver à une stabilisation. Le plus difficile sera ensuite de les faire diminuer. Le scénario 550 ppmv est éclairant à cet égard. Pour parvenir à cette concentration à long terme, il faudrait ralentir la croissance des émissions et commencer à les réduire en 2025 pour progressivement les faire tendre vers un niveau de 2 milliards de tonnes de carbone. Or la mise en oeuvre du protocole de Kyoto est délicate. Pourtant, lobjectif est modeste : il sagit de parvenir en 2008-2012 à une réduction globale de 5,2 % des émissions de CO2 des 38 pays de lannexe 1 par rapport aux niveaux de 1990. Ces contraintes, pour aussi difficiles quelles soient à formaliser et à mettre en oeuvre, ne sont que le tout début du chemin à parcourir. Il faudra en effet à la fin du XXIè siècle, non seulement avoir réussi à stabiliser les émissions mondiales mais aussi avoir commencé à les réduire. Cette décroissance sera indispensable pour ne pas dépasser à un horizon de trois siècles la concentration limite de 550 ppmv. Létude des mesures à prendre pour parvenir à un tel objectif, situé à un horizon de temps aussi éloigné, est impossible dans létat actuel des instruments dont on dispose. Létat des technologies disponibles à cette date est impossible à établir. Aucun modèle économique ne se hasarde aussi à explorer de telles périodes. Mais il est indispensable de commencer la réflexion pour laprès Kyoto. A cet égard, lhorizon 2030 doit être examiné. Pour ce faire, différents outils sont disponibles, par exemple le modèle POLES de lIEPE-CNRS, présenté dans la suite pour lévaluation du coût du CO2. 3. La prise de conscience internationale : lenteurs et acquis Le précédent de la protection de la couche dozone Le protocole de Montréal, relatif à la protection de la couche dozone est le premier protocole à l'échelle mondiale concernant lenvironnement. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1989. Il est actuellement ratifié par 160 pays. Ce protocole prévoit une réduction de moitié en 10 ans de la consommation des substances dangereuses, avec une période de grâce de 10 ans pour les pays en voie de développement. Depuis janvier 1996, les pays développés n'ont plus le droit de produire de CFC. Quelle est la situation de la couche dozone actuellement ? La couche d'ozone se situe dans la stratosphère, entre 12 et 27 km d'altitude. Sa concentration est maximale entre 19 et 23 km d'altitude. Actuellement, grâce au protocole de Montréal, la concentration cumulée des substances nocives diminue lentement après un maximum atteint en 1994, celle du brome augmentant toutefois dans la troposphère (entre le sol et 18 km). Aux latitudes moyennes dans les deux hémisphères, l'appauvrissement de la couche dozone s'est atténué par rapport à la précédente évaluation de 1994. Mais aux latitudes polaires de l'hémisphère nord, la concentration d'ozone a diminué de 25 % par rapport aux années 60 durant six des neuf dernières années hivernales. Dans l'Antarctique, le trou d'ozone a continué de se former durant le printemps austral. Dans le domaine des phénomènes atmosphériques, une tendance est donc longue à inverser, du fait de laccumulation de gaz nocifs résultant de vitesses démission et de transport supérieures aux vitesses de disparition. Avec une interdiction plus rapide des CFC, sans doute aurait-on gagné plus de temps encore : « si on avait décidé par précaution d'arrêter les émissions de CFC dès 1985 à Montréal, on n'aurait peut-être jamais atteint de seuil aussi grave. En agissant dix ans plus tôt, on n'aurait pas perdu cinquante ans »24. La chronologie de la prise de conscience de leffet de serre Près de quarante ans se sont écoulés entre les premiers programmes de recherche sur leffet de serre et lélaboration dun protocole daccord. · 1958 : installation à Hawaï d'une base de mesure de la concentration du CO2 dans latmosphère · 1963 : démonstration du fait que l'activité humaine perturbe le cycle naturel du CO2 atmosphérique · 1986 : création du groupe consultatif pour les gaz à effet de serre (AGGG) par le PNUE, l'OMM et le Conseil international des Unions scientifiques (CIUS) · 1988 : création par l'Assemblée générale de l'ONU du Groupe intergouvernemental d'évaluation du climat (GIEC/IPCC25), panel de plus de 3000 scientifiques de 60 pays · 1989 : Noordwijk - 1ère conférence ministérielle sur les changements climatiques · 1990 : avril, Washington : conférence sur le réchauffement de la planète · 1990 : 1er rapport du GIEC ; conclusion principale : il faudrait réduire de plus de 60 % les émissions de CO2 et de CH4 pour parvenir à réduire la concentration de CO2 dans l'atmosphère · 1990 : deuxième conférence ministérielle sur le climat à Genève · 1992 : juin, sommet de la Terre, Rio ; adoption d'une convention mondiale sur les changements climatiques qui prévoit de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre, puis de les ramener en l'an 2000 à leur niveau de 1990 · 1995 : avril, Berlin : un mandat est adopté avec l'objectif d'une réduction des émissions de CO2 des seuls pays industrialisés au delà de l'an 2000 · 1996 : juillet, Genève : conférence internationale sur les changements climatiques ; la déclaration de Genève précise que les pays industrialisés doivent prendre des engagements juridiquement contraignants dans un protocole de la convention climat pour limiter les émissions des CO2 et autres gaz à effet de serre (GES) · 1997 : 11 décembre, Kyoto : adoption d'un protocole à la Convention sur le climat, imposant des réductions « juridiquement contraignantes » de 5,2 % en moyenne des émissions de GES aux pays industrialisés en 2008-2012 · 1998 : Buenos Aires, 14 novembre : adoption d'un plan d'action (de discussion en fait) pour concrétiser les dispositions du protocole de Kyoto Tableau 1 : Pays de lannexe I du protocole de Kyoto et engagement contracté (niveaux démission autorisés à lhorizon 2008-2012 en pourcentage par rapport à ceux de 1990)26,27
B. Lestimation du coût du CO2 par le coût de séquestration La captation et le stockage du CO2 produit par les centrales thermiques utilisant des combustibles fossiles est une des solutions envisagées pour répondre au défi que représente laccroissement de la concentration du gaz carbonique dans latmosphère. Ce type de procédé est souvent décrit sous le terme de séquestration du CO2. En tout état de cause, deux étapes successives sont à considérer, chacune nécessitant des technologies différenciées et non encore stabilisées et générant des coûts difficiles encore à apprécier. 1. Les procédés de captation du CO2 produit par les centrales thermiques Différents procédés de captation du CO2 sont disponibles. Ceux-ci sont fortement influencés par la concentration ou la pression partielle du gaz qui doit être capturé. Le tableau ci-après illustre quelques résultats de différentes alternatives pour la capture du CO2 dans le cas d'une unité à charbon pulvérisé équipée d'une désulfuration des gaz. Il montre les liens entre les coûts du CO2 évité et ceux pour le capturer. Ces valeurs sont valables uniquement pour l'exemple qui est pris en considération. Tableau : Estimation du coût de captation du CO2 émis par une centrale thermique fonctionnant au charbon pulvérisé, selon les différentes technologies disponibles28
Lénergie à dépenser pour capter le CO2 fait baisser le rendement d'une centrale à charbon pulvérisé de l'ordre de 10 %. La conséquence sur le prix de lélectricité produite est donc majeure. Les conclusions des études des différents procédés de captation montrent que les technologies actuellement disponibles ne sont pas encore au point29. Les procédés à membrane Les membranes sont déjà utilisées commercialement, par exemple pour la séparation de l'hydrogène mais un développement complémentaire serait nécessaire avant qu'elles soient utilisables à une échelle significative pour la capture du CO2. Les perspectives pour une réduction des coûts importants actuels ne sont pas évidentes. Quoi qu'il en soit, de nombreux systèmes semblent prometteurs. Un atout important des membranes est qu'elles consomment un peu moins d'énergie que les autres méthodes de captation. La cryogénie L'utilisation de procédés à basse température (cryogénie) est seulement à prendre en considération lorsqu'il y a des hautes concentrations de CO2 dans les fumées, en raison de son coût. La cryogénie pourrait recevoir une application avec la nouvelle technologie de la gazéification intégrée du charbon à cycle combiné. Les procédés cryogéniques ont l'avantage de produire du CO2 sous forme liquide prêt à être transporté sur le lieu de stockage. Labsorption du CO2 et ses limites L'absorption du CO2 peut être réalisée par voie chimique ou par voie physique. Pour des faibles concentrations de CO2 dans les fumées, un solvant chimique tel que le monoéthanolamine peut convenir. Pour des concentrations plus fortes de CO2, un procédé physique est préférable. En raison aussi des capacités limitées et d'une sélectivité faible, les procédés par absorption ne peuvent donc pas être retenus pour les centrales thermiques. Dans chaque cas, des procédés additionnels sont nécessaires s'il y a présence de SO2 dans les fumées pour éviter une perte excessive de solvant. Ladsorption du CO2 Ladsorption du CO2 consiste en sa fixation sur un support, une étape de re-largage étant ensuite prévue. Il semble que cette technique ne soit pas adaptée aux volumes de CO2 générés par une centrale électrique. La capture par adsorption sur tamis moléculaire (membrane) est en effet plus efficace quand la concentration dans les fumées du gaz à capter se situe entre 400 ppm et 15 000 ppm. Or ces valeurs sont nettement plus faibles que celles rencontrées dans les fumées des centrales thermiques. 2. Les différents procédés envisagés pour le stockage du CO2 Préalablement à létape du stockage, la question du transport doit être résolue. Une centrale thermique fonctionnant au charbon produit 12 500 tonnes de CO2 en 24 heures. A titre indicatif, pour évacuer un tel tonnage, il faut quotidiennement 625 camions de 20 tonnes ou 6 trains de 2 200 tonnes. Le transport en conduite du CO2 supercritique est donc probablement la seule voie envisageable. Différents procédés de stockage du CO2 sont envisagés. Parmi ceux-ci, le seul à avoir été appliqué est celui du stockage dans un gisement sous-marin. a) le stockage dans les gisements sous-marins La première version de ce procédé consiste à utiliser les gisements pétroliers ou gaziers sous-marins une fois quils sont épuisés. La Norvège a testé cette possibilité en vraie grandeur sur le champ gazier de Sleipner. Il sagissait dépurer, avant utilisation, un gaz naturel chargé en CO2. Le gaz carbonique était récupéré par le procédé dabsorption chimique, puis réinjecté dans le gisement dUtsira, à 800 mètres sous le niveau de la mer. La deuxième version de ce procédé correspond à linjection du CO2 dans des gisements en activité. Dans ce cas, le débit du gisement peut en être augmenté grâce à laugmentation de pression ou au déplacement du gaz ou du pétrole par le gaz carbonique. b) le stockage en profondeur dans les océans Un autre procédé de stockage dans les océans consiste à tirer parti du fait que le gaz carbonique liquide est plus dense que leau, à condition que sa pression soit supérieure à 300 bar. Une telle pression est atteinte à 3000 m sous le niveau de la mer. Le principe de ce mode de stockage est en conséquence dinjecter par une conduite de grandeur longueur le CO2 liquide dans les eaux profondes des océans. Le CO2 est alors censé rester sous la forme de nappes plaquées sur les fonds sous-marins. Bien entendu, la démonstration reste à faire que le CO2 supposé reposer en grande quantité sur les fonds sous-marins nest pas susceptible dune part de modifier les éco-systèmes marins et les échanges océan-atmosphère et dautre part dêtre dispersés par les courants sous-marins. c) le stockage dans des cavités terrestres Le stockage terrestre dans des cavités est également une solution, que celles-ci correspondent ou non à des gisements dhydrocarbures. Les mêmes effets daugmentation des rendements sont attendus dans le cas des gisements en activité. d) lutilisation du CO2 comme matière première Une autre voie pourrait être celle de lutilisation du CO2 comme matière première de la chimie organique. Ceci supposerait la mise en place de toute une chaîne de récupération et de distribution pour lindustrie. Une autre voie consisterait en lutilisation du CO2 pour forcer la croissance de végétaux terrestres ou sous-marins. Il ne semble pas toutefois que les quantités utilisables dans ce type de procédé soient à la hauteur des volumes de CO2 générés par les centrales thermiques utilisant des combustibles fossiles. A titre indicatif, une surface de 2 000 km2 de forêt serait nécessaire pour absorber le CO2 produit durant la vie d'une unité de 500 MW au charbon. En tout état de cause, selon certains experts, les coûts de transport et de stockage seraient moins élevés que ceux correspondant à la capture du CO2. 3. Laugmentation des rendements des centrales thermiques classiques La production combinée d'électricité et de chaleur - la cogénération constitue la première façon daugmenter le rendement global dune installation fonctionnant au gaz ou au charbon. La deuxième piste consiste en laugmentation du rendement de la production d'électricité. Des marges d'amélioration existent encore sur le cycle de Rankine (turbines à vapeur) et sur le cycle de Brayton (turbines à gaz) et même sur la combinaison des deux cycles (cycle combiné gaz-vapeur). Les progrès sont réguliers tant pour les turbines à gaz que pour les centrales électriques à base de charbon. Pour les centrales à charbon, l'introduction des cycles supercritiques sur les chaudières à charbon pulvérisé (C.P.) ou sur la filière à Lit Fluidisé Circulant (LFC) permet d'augmenter de plus de 4 points le rendement net. De 40 %, il peut monter à près de 45 %. Le rendement actuel de la filière IGCC charbon par gazéification et cycle combiné est de l'ordre de 43 %. Il pourrait atteindre 47 % en 2010 et 50 % en 2020 selon 1'AIE. Un gain de rendement du cycle de 5 points pour une tranche de 600 MW permet de diminuer les émissions de CO2 de l'ordre de 11 %. En portant l'efficacité de la production d'électricité de 30 % actuellement en moyenne mondiale à 45 % entre 2020 et 2050, la réduction des émissions de CO2 serait de l'ordre de 35 %. Certaines centrales chinoises ou des pays en transition ont en effet actuellement des rendements de l'ordre de 20 %. Enfin, la reforestation et la sylviculture couplées à des investissements en centrales à charbon de nouvelle génération est à envisager dans le cadre d'opérations « d'application conjointe élargie » dans le cadre du protocole de Kyoto. 4. La diminution des émissions plutôt que la séquestration du CO2 La séquestration du CO2, quelle que soit la filière retenue, reste à mettre au point industriellement. Compte tenu du coût des différentes filières possibles, sa mise en oeuvre ne paraît pas économiquement admissible. Le seul moyen crédible et efficace pour réduire les émissions de CO2 dans la production d'électricité à partir du charbon consiste à améliorer le rendement énergétique des installations. Le coût de séquestration du CO2 pourrait en effet atteindre 350 dollars par tonne, ce qui représente un coût prohibitif. C. Lestimation par les dommages Lestimation du coût du CO2 par la méthode de lévaluation des dommages est extrêmement délicate. Les différentes estimations disponibles présentent toutes des limites. Les premières estimations du coût des dommages entraînés par le CO2 Les premiers travaux réalisés en 1992 pour le cas des Etats-Unis sont relativement concordants, ainsi que le montre le tableau suivant. Tableau : Evaluation des dommages encourus par les Etats-Unis, à la suite dun doublement de la concentration de latmosphère en CO2
Ainsi, le coût du réchauffement planétaire pour les Etats-Unis était estimé en 1992 à environ 1 % du PIB 1988. Dans la même veine, des études ont été réalisées pour dautres régions du monde. On en trouvera les résultats essentiels dans le tableau ci-après. Tableau : dommages causés par un doublement du CO2 dans diverses régions du monde, selon Fankhauser (1992)
Les travaux réalisés dans le cadre de létude ExternE de la Commission européenne Dans le cadre de létude ExternE réalisée par la Commission européenne sur les externalités dans la production délectricité30, un groupe de chercheurs a examiné en détail la question du chiffrage du coût du CO2 par la méthode des dommages et proposé des résultats sur la base dune méthodologie précise. Tableau : Estimation du coût en francs des dommages du CO2 selon ExternE
Tableau : Estimation du coût en dollars des dommages des gaz à effet de serre selon ExternE
Daprès ExternE, le coût du CO2 est donc de 300 F par tonne de CO2 ou de 190 dollars / tonne de carbone, en retenant le taux dactualisation à très long terme de 1 %, qui semble le plus indiqué. Les coûts donnés précédemment ont été rapportés par la DG XII31, au kWh produit par chacune des filières et comparés aux études précédentes du début des années 1990. Tableau : coût des dommages du CO2 rapporté au kWh
Ainsi, les évaluations par les dommages varient dans des proportions importantes. La figure suivante rend compte de ces disparités. Figure : Valeurs extrêmes des estimations par les dommages du coût du CO2 Linfluence du taux dactualisation est évidemment majeure. Mais ce nest pas la seule. Pour le charbon, les chiffres varient dun facteur égal à 1,8 pour un taux dactualisation de 1% et dun facteur de 7,8 pour un taux de 3 %. Pour le gaz, les facteurs de variation sont respectivement de 2,0 et 7,6. D. Lestimation dune « valeur du carbone » par le calcul des coûts de réduction La troisième méthode dévaluation du coût du CO2 est celle qui consiste à calculer la valorisation de la tonne de carbone rejetée pour quune réduction des émissions se produise dans les proportions souhaitées. Deux types de modèles sont disponibles pour traiter ce type de problèmes. Les modèles énergétiques peuvent apporter un début de réponse en mettant en lumière les impacts sur la demande et les effets de substitution entre sources dénergie. Cest ce que permet le modèle POLES 2 développé à lInstitut dEconomie et de Politique de lEnergie (IEPE-CNRS) de Grenoble. Les modèles énergétiques permettent destimer les coûts sectoriels des politiques de réduction en se fondant sur une analyse fine de la technologie. Ils ne prennent toutefois pas en compte les impacts macroéconomiques des politiques suivies. Leur usage devrait donc être prolongé par celui des modèles énergie-économie ou des modèles déquilibre général appliqués qui prennent en compte les interactions énergie-économie. Les applications du modèle POLES sont toutefois variées. Il peut servir à évaluer le montant de la taxe sur le CO2 quil faudrait instaurer pour permettre datteindre les objectifs de Kyoto. Il permet également dapprécier les avantages et les inconvénients des permis démission négociables et destimer leurs prix dans différentes configurations. Enfin, ce modèle permet aussi dexaminer les conséquences dévolutions technologiques différenciées des filières32. Après avoir présenté le modèle POLES 2, on aborde ces différents points dans la perspective de mieux cerner les coûts de réduction du CO2. 1. Le modèle POLES 2 de lIEPE-CNRS de Grenoble Le modèle POLES 2 développé à lIEPE-CNRS de Grenoble est un modèle sectoriel simulant le système énergétique mondial à lhorizon 2030. Les évolutions démographiques et économiques pour chacun des grands pays ou régions du monde sont considérées comme exogènes. Toutefois, les évolutions des variables caractérisant la consommation, la transformation, la production et les prix de lénergie sont endogènes au modèle. Structure du modèle Le modèle POLES 2 est construit selon une structure hiérarchisée de modules qui sont interconnectés au niveau national, régional et mondial. Le plan national intègre les modules de consommation, dénergies nouvelles, de conversion en électricité et de production dénergies fossiles pour chaque région. Les plans régionaux ou mondiaux intègrent les flux déchanges énergétiques et les modules de prix internationaux, pour les trois grandes énergies faisant lobjet dun large commerce international (pétrole, gaz et charbon)33. Dans sa désagrégation géographique actuelle, le modèle distingue 26 régions qui permettent de reconstituer divers schémas, en particulier celui en 11 zones utilisé par la plupart des études énergétiques mondiales : Europe de lOuest, Europe centrale, CEI, Amérique du Nord, Amérique latine, Afrique du Nord et Moyen Orient, Afrique sub-saharienne, Asie du Sud, Asie du Sud-Est, Asie continentale, Pacifique OCDE. Par ailleurs, au sein de chaque région, les pays du G7 et les pays en développement rapides que sont la Chine, lInde, la Corée du Sud, le Brésil et le Mexique sont identifiés et traités par des modèles détaillés. Le schéma suivant présente la structure générale du modèle. Figure : Les différents blocs du modèle POLES 2 Le modèle POLES 2 est un modèle de simulation récursive. La dynamique est donnée, à partir du point initial puis dannée en année, par les ajustements progressifs des variables doffre et de demande, dune part et de prix dautre part. Lhorizon prospectif est volontairement limité à une quarantaine dannées, dans le souci de conserver dans le modèle des technologies « explicites » et non « génériques ». Lhypothèse est donc faite que les technologies qui pourront avoir un impact quantitatif significatif en 2030 doivent au moins être identifiées aujourdhui. Les grandes originalités du modèle POLES 2 POLES 2 modélise la demande dénergie par secteur consommateur, le secteur de la production délectricité et le développement de nouvelles technologies de lénergie. Il offre aussi une description détaillée du processus de découverte et de mise en production des énergies fossiles qui tient compte des contraintes de ressources qui pèsent sur le développement à long terme du pétrole et du gaz, mais aussi de limpact du progrès technique dans lélargissement progressif de cette base de ressources. La deuxième originalité de ce modèle est quil confronte loffre et la demande dénergie et donc quil conduit à une estimation des prix. Cest ainsi quune tension progressive sur les approvisionnements en pétrole est mise en évidence par le modèle à lhorizon 2010-2020, alors que lévolution actuelle du marché du pétrole, avec un prix du baril à moins de 10 dollars et des stocks importants, porte à croire quune telle situation est très improbable. Une autre grande originalité du modèle POLES 2 est de représenter les approvisionnements en énergie primaire. Une estimation des réserves disponibles est incluse dans le modèle, ainsi que lévolution probable du progrès technique dans le domaine de lénergie. Grâce à ces mécanismes, la cohérence entre les flux et les stocks dénergie fossile est donc vérifiée. Concrètement, la résolution du modèle se fait année après année. Elle conduit à une description du prix de lénergie. Inversement, il est possible de tester limpact de lintégration dune valeur du carbone dans les prix, ce qui rend possible létude des conditions auxquelles une réduction des émissions de CO2 pourrait se produire. La description du secteur énergétique est très détaillée. La production délectricité est elle-même décrite selon douze types de centrales, selon le tableau suivant. Tableau : Les 12 types de centrales électriques intégrées à POLES 2
Le modèle POLES 2 prend en compte deux technologies nucléaires. La première correspond aux centrales à eau légère bouillante ou pressurisée actuellement en fonctionnement. La deuxième correspond aux futurs réacteurs évolutionnaires qui seront opérationnels au plus tard en 2010-2020 et qui pourraient, sous certains conditions de « percée technologique », présenter des coûts de production de lélectricité diminués de 30 % par rapport aux coûts actuels. Il pourrait donc sagir dun réacteur EPR optimisé. La filière RNR modernisée ne peut déboucher sur des performances de ce type, à lhorizon 2010-2020. Sagissant des nouvelles technologies, le modèle POLES inclut en particulier la cogénération et les piles à combustibles. Un ensemble de 10 technologies centrées sur les énergies renouvelables sont également intégrées au modèle. Il reste que la modélisation de systèmes décentralisés de production délectricité savère délicate. Tableau 2 : Les 12 technologies nouvelles ou renouvelables intégrées à POLES 2
Les études conduites par lIEPE-CNRS avec le modèle POLES 2 sont nombreuses et variées. En particulier, différentes hypothèses relatives au progrès technologique dans les différentes filières de production de lélectricité peuvent être testées quant à leur impact sur les parts de marché de ces dernières. Mais, les conséquences dune taxe sur lénergie ou sur les émissions de CO2 peuvent également être examinées. Il sagit alors dune approche consistant à déterminer le coût marginal de la tonne de CO2 permettant datteindre un objectif spécifique. La production par le modèle des courbes de coûts marginaux de réduction rend également possible lanalyse des conséquences de lintroduction de permis démission de CO2 négociables. La simulation des politiques de réduction des émissions de CO2 A partir de la projection de référence qui exclut la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, linternalisation dune « valeur du carbone » dans les différents modules permet dévaluer pour chaque région et pour des objectifs de réduction donnés, les émissions par tête ou par unité de PIB en 2010 par rapport à 1990, les courbes des coûts marginaux de réduction en 2010, les échanges de permis en volume et valeur pour différentes configurations de marchés déchange de permis. Le dispositif est basé sur lutilisation des résultats du modèle concernant le volume des émissions par région pour un large spectre de « valeurs du carbone ». Le modèle permet danalyser les marchés où il y aurait une égalisation des coûts marginaux de réduction des émissions et donc une minimisation du coût total par échange de permis démission. 2. Un coût denviron 170 dollars par tonne de carbone pour respecter les objectifs de Kyoto, en labsence de tout échange de permis démission Linstauration dune taxe sur le CO2 est lun des moyens utilisable pour réduire les émissions de ce gaz à effet de serre. Dans le domaine de la production délectricité, la taxe a pour effet dinciter à augmenter les rendements ou dencourager le remplacement des combustibles fossiles par le nucléaire ou par les énergies nouvelles renouvelables qui némettent ni lun ni les autres de CO2. Le premier résultat intéressant des simulations effectuées avec POLES 2 est que le coût marginal quil est nécessaire daffecter à la tonne de carbone pour respecter les objectifs de Kyoto, varie considérablement selon le pays considéré. Ainsi pour atteindre leurs objectifs, les Etats-Unis doivent instaurer une taxe de 149 dollars par tonne de carbone, et le Japon une taxe de 194 dollars par tonne de carbone. LUnion européenne, quant à elle, doit fixer la taxe à 149 dollars par tonne. Tableau : Montant des taxes sur le carbone en labsence de permis négociables
Le coût de lintroduction dune taxe sur le carbone est loin dêtre négligeable. Il atteint 0,104 % du PIB mondial de 2010. Les Etats-Unis sont particulièrement pénalisés, avec une baisse de 0,365 % de leur PIB en 2010. 3. Une baisse significative du coût de la tonne de carbone à 70 dollars avec des permis négociables dans les pays de lannexe B Lintérêt majeur des permis démission négociables est de permettre deffectuer les efforts de réduction des émissions de CO2 là où cest le plus facile et le moins coûteux. Les pays ne voulant pas réduire leurs émissions se procurent des droits à polluer auprès de ceux qui en disposent au sein du groupe des pays de lannexe B. Les pays de lex-URSS dont les émissions réelles ont baissé depuis 1990, année de référence, en raison du ralentissement de leur économie, constituent la source principale de permis démission négociables. Le tableau ci-après explicite la façon dont, pour chaque pays, lobjectif de réduction est atteint par la combinaison dune taxe sur le CO2 et dachats ou de ventes de permis démission négociables. Tableau : les échanges de droits démission entre les pays de lAnnexe B au prix déquilibre de 70 dollars par tonne de carbone
Ainsi, lUnion européenne acquiert des permis démission pour un montant de 115 millions de tonnes de carbone auprès de la Russie par exemple. Pour atteindre son objectif, il lui appartient toutefois de mettre aussi en oeuvre une taxe sur le carbone dont le montant est égal à 70 dollars par tonne de carbone. Les Etats-Unis font de même. Ils mettent en place une taxe sur le carbone de 70 dollars par tonne de carbone et se procurent des permis démission pour un montant de 221 millions de tonnes de carbone. Linstauration des échanges au sein des pays de lannexe B a pour effet de diminuer le coût total de la réduction des émissions, dun montant de 0,079 % du PIB. 4. Une baisse significative du coût de la tonne de carbone à 24 dollars avec des permis négociables dans le monde entier Le modèle POLES 2 permet également détudier le cas de la mise en place de permis démission négociables dans lensemble du monde. Le même mécanisme que précédemment est en place, à savoir la combinaison dun taxe interne sur le carbone et les échanges de permis démission négociables. Le premier constat est que le prix déquilibre de la tonne de carbone est alors de 24 dollars. Le deuxième constat est que pour lUnion européenne, le coût global de la réduction est alors de 0,053 % du PIB en 2010, contre 0,130 % avec un marché restreint aux pays de lannexe B et 0,206 % du PIB en labsence de tout marché. Les échanges entre les pays de lannexe B et le reste du monde atteignent 437 millions de tonnes de carbone. Le coût mondial de la réduction représente 0,014 % du PIB de 2010. Tableau : Les échanges de droits démission dans le monde entier au prix déquilibre de 24 dollars par tonne de carbone
Il apparaît donc clairement que linstauration dun marché de permis démission négociables permet de réduire le coût global de la réduction pour lUnion européenne. Le marché des permis ne dispense pas defforts internes, réalisés sous la contrainte dune taxe sur le carbone. Il permet den réduire le coût. Tableau : Synthèse des gains selon les différents scénarios
5. Le nucléaire favorable à la réduction des émissions et à la diminution des coûts Les objectifs de Kyoto, pour difficiles quil soient à atteindre, ne peuvent représenter quune étape. La stabilisation à 550 ppmv de la concentration du CO2 dans latmosphère, un objectif reconnu comme capital par les climatologues, exigera des efforts beaucoup plus conséquents. Comment stabiliser en 2030 les émissions de carbone à un niveau compatible avec objectif, cest-à-dire à moins de 10 milliards de tonnes ? Telle est la question que lIEPE a examinée avec le modèle POLES 238. A la lumière des résultats obtenus, il apparaît que le développement du nucléaire présente un double intérêt. Dune part, il contribue bien évidemment à la diminution des émissions de CO2. Dautre part, même si des permis négociables doivent toujours être introduits, laccélération des programmes nucléaires permet den baisser notablement le coût. La condition en est que les réacteurs nucléaires bénéficient de progrès technologiques significatifs. Le développement des énergies nouvelles renouvelables produit des effets similaires, mais plus réduits en termes de coûts. Il est à noter dailleurs une limitation méthodologique à la comparaison des impacts du nucléaire et des renouvelables. Ces dernières correspondent à une production décentralisée, au contraire du nucléaire qui produit lélectricité en masse suivant un modèle centralisé. Les différents scénarios dévolution technologique Le scénario nucléaire prévoit une diminution additionnelle de 30 % des coûts des réacteurs à eau légère classique. En outre, un nouveau type de réacteur à sûreté passive renforcée et à coûts abaissés gagne 25 % de part de marché en 2030. Le scénario charbon propre inclut un abaissement important des coûts des chaudières supercritiques, la percée de la technologie IGCC39 et la mise au point dun cycle combiné à charbon. Le scénario gaz intègre des abaissements de coûts sur le cycle combiné encore plus élevés que dans le scénario de référence et une amélioration des rendements techniques et financiers de la cogénération. Le scénario piles à combustibles est une extension du scénario gaz, avec une compétitivité accrue des piles à membranes échangeuses de protons, un développement accéléré des piles de technologie SOFC et la commercialisation de piles à combustible embarquées. Le scénario énergies renouvelables prévoit le développement de la gazéification de la biomasse, du photovoltaïque dans le résidentiel, du solaire sur la base des sels fondus, du petit hydroélectrique et une compétitivité fortement accrue de léolien. Le tableau suivant présente les résultats de ces scénarios, tant en ce qui concerne la composition du parc de production électrique que pour les émissions de CO2. Tableau : Impact à lhorizon 2030 des évolutions technologiques correspondant aux différents scénarios
Deux types denseignement peuvent être tirés de ces résultats. En premier lieu, cest le nucléaire qui enregistre le plus fort gain de parts de marché à la suite de lamélioration de sa compétitivité (117 %). Ceci veut dire tout à la fois que le nucléaire se trouve bridé actuellement dans ses perspectives de développement par un avantage compétitif insuffisant et que sa capacité contributive pour la production délectricité le remet en bonne position dès lors que le frein économique disparaît. Par ailleurs, la plasticité du système de production de lélectricité est relativement faible. Le deuxième type denseignement que lévolution technologique ne peut suffire, à lhorizon 2030, à résoudre la question de leffet de serre. Si le terme posé était plus lointain, des sources dénergie totalement innovantes pourraient apparaître. Ce ne peut être le cas à lhorizon 2030. Le carbone à 174 dollars / tonne pour atteindre lobjectif de stabilisation des émissions de carbone en 2030 Le modèle POLES 2 permet également dexaminer les conditions et les coûts dune stabilisation des émissions de CO2 en 2030, dans la perspective souhaitable dune diminution de celles-ci au-delà de cette date. Avec le scénario dune technologie stagnante, le coût de la stabilisation sétablit à 0,3 % du PNB mondial, avec un coût de la tonne de carbone de 174 dollars. La réduction de coût que permet le progrès technique est décrite dans le tableau suivant. Tableau : Coût de la tonne de carbone en fonction du scénario technologique
Selon le modèle POLES 2, le progrès technique permet fort logiquement de diminuer le coût de la stabilisation des émissions. Les scénarios relatifs aux combustibles fossiles correspondent à des prix déquilibre des permis négociables de 180 dollars par tonne environ. Le scénario relatif au développement des énergies renouvelables se traduit par un prix des permis de lordre de 140 dollars. Cest le nucléaire doté dune compétitivité accrue qui permet la plus forte réduction de coût, avec une baisse à 120 dollars du coût de la tonne de carbone accompagnée dune annulation du coût en termes de PIB mondial. 6. Les résultats dautres travaux Dautres modèles que le modèle POLES ont été utilisés pour déterminer le prix déquilibre des permis démission négociables, en particulier des modèles déquilibre général calculables. Lintérêt de ces modèles est de prendre en compte les interactions entre le secteur de lénergie et léconomie générale. Le modèle GREEN de lOCDE a été utilisé dans ce but, le modèle EPPA du MIT également, et enfin le modèle GEMINI E3 dont il a été question au chapitre I pour lévaluation de la contribution du nucléaire à la compétitivité de léconomie française. Les principaux résultats de GEMINI-E3 sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto Lintérêt essentiel de GEMINI-E3 est de mettre en évidence les mécanismes dajustement de léconomie mondiale à la mise en oeuvre effective du protocole de Kyoto40. Le tableau suivant indique les hypothèses adoptées pour cet exercice. Tableau : Hypothèses retenues dans GEMINI-E3
Pour atteindre les objectifs de Kyoto en 2010 et ensuite, rester au même niveau démissions, les taxes sur la carbone à introduire, dans lhypothèse où il ny a pas déchange, varient selon les pays et ceci dans des proportions importantes. Tableau : Taxes sur le carbone en dollars 1990
Dans lexercice cité, le produit des taxes sur le carbone est supposé être redistribué aux ménages, selon des réductions des impôts directs. Le mécanisme essentiel mis en oeuvre par la taxe sur la carbone est celui de substitutions au sein de la production et au sein de la consommation. Etant donné les différences considérables de coût des réductions des émissions, létablissement dun marché de permis démission négociables savère, avec GEMINI-E3 comme avec les autres modèles, être un moyen de faire baisser le coût total du protocole de Kyoto. Un prix déquilibre des permis sétablit à 215 dollars par tonne de carbone en 2010. Le coût total mondial en 2010 passe de 113 milliards de dollars en labsence de marché à 98 milliards de dollars avec un marché de permis négociables. On trouvera ci-dessous un tableau de synthèse de leurs résultats. Tableau : Synthèses des « valeurs du carbone » déterminées par les modèles déquilibre général calculable
Une certaine convergence des résultats des modèles semble se dessiner vers une valeur de la tonne de carbone compatible avec le respect des objectifs de Kyoto, variant de 200 dollars en cas dintroduction dune taxe sans échange de permis à 100 dollars en cas dun marché mondial des permis démission négociables. Linstauration dun marché des permis, même si ses modalités sont très complexes à mettre au point, est lhypothèse la plus vraisemblable. Les Etats-Unis qui pourraient bloquer la négociation en labsence de marché y trouvent un intérêt majeur. Au surplus, les gains pour la communauté internationale dans son ensemble qui sont apportés par les mécanismes déchanges sont très importants. E. Récapitulation des estimations du coût du CO2 Le tableau suivant récapitule les différentes estimations des coûts du CO2, suivant les différentes méthodes examinées précédemment. Ces trois méthodes sont dune part lévaluation des coûts de séquestration, dautre part lestimation des dommages dus à un réchauffement planétaire, et enfin le calcul du montant de la taxe sur le CO2 ou du prix des permis à polluer nécessaires pour réduire les émissions de gaz carbonique. Tableau : Récapitulation des évaluations du coût du CO2
Il semblerait, sans pour autant quil y ait à ce sujet lombre dune justification théorique, quune valeur moyenne se dégage de ces évaluations aux bases très différentes. La valeur de 100 dollars par tonne de carbone semble être la plus vraisemblable. En tout état de cause, même si lapproche par les dommages a encore dimportantes zones dombre et si celles des modèles, à plus dun titre, a une valeur contingente, la convergence de leurs résultats est plutôt à mettre au crédit de la méthode des externalités. Cliquer ici pour accéder à la partie II du chapitre III: Cliquer ici pour retourner au sommaire général 1 Professeur A. Berger, Université catholique de Louvain, Enerpresse, n°7203, 19/11/98. 2 IPCC : International Panel on Climate Change GIEC en français 3 F. Node-Langlois, le Figaro, 31/12/98. 5 Le CNES et la NASA sont associés pour la mise au point dun satellite permettant détablir un bilan radiatif de la Terre, avec une imagerie infrarouge et un laser embarqué pour mesurer la distribution verticale des nuages et des aérosols. Le coût de cette mission, intitulée Picasso-Cena, est estimé à 971 millions de francs. AFP 23/12/1998. 6 GIEC :Groupe intergouvernemental dévaluation du climat ; en anglais IPCC : International Panel on Climate Change 7 « The balance of evidence suggests a discernable human influence on global climate ». « The climate is expected to continue to change in the future ». 8 Pr. Berger, Enerpresse, n° 7203, 19/11/1998. 9 ppmv : partie par million en volume. 10 Lanalyse des bulles dair emprisonnées dans la glace permet détablir ces concentrations. 12 une tonne de C correspond à 3,7 tonnes de CO2 ; une tonne de CO2 correspond à 0,27 tonne de C. 14 Source : Commission européenne, DGXVII, 1995. 15 H. Kempf ; Le Monde, 2/11/1998. 16 OCDE, cité dans The E7 Observer, n°15, 1998. 17 J. Syrota, La Tribune, 20/4/1998. 18 The E7 Observer, n° 15, numéro spécial 1998 . 19 The E7 Observer, n°15, numéro spécial 1998. 21 La vapeur d'eau joue un rôle fondamental de rétroaction dans le changement climatique mais sa concentration est très peu affectée de manière directe par les activités humaines. 22 ppbv : partie par billion en volume (billion = milliard) 23 C. Philibert, PNUE, Libération, 14/11/1998. 24 C. Philibert, PNUE, Libération, 14/11/98. 25 IPCC : International Panel on Climate Change. 26 A. Bernard et M. Vielle, Modalités dapplication de laccord de Kyoto et coût économique dans la perspective du sommet de Buenos Aires, Revue de lEnergie, n°, 500, octobre 1998. 27 Certains pays industrialisés sont exclus de lobligation de réduction des émissions et sont inscrits sur la liste B de lannexe I ; la Turquie fait par exemple partie de la liste B souvent désignée par abus de langage annexe B. 28 Source : SNET, audition du 21 janvier 1999. 29 Source : AIE-OCDE, novembre 1998. 30 ExternE, Externalities of Energy, Commission européenne, DGXII, Science, Recherche, Développement, EUR 16520 EN, 1995 31 P. Valette, DGXII, Commission européenne, audition du 19/11/98. 32 P. Criqui, IEPE-CNRS, audition du 3/12/98. 33 IEPE, Le modèle POLES : structure densemble, représentation des énergies fossiles et analyse des impacts des contraintes démission de CO2, IEPE, novembre 1998. 34 Les pays de lex-URSS appartenant à lannexe B tirent des recettes nettes de leurs ventes de permis négociables. 35 Les pays de lex-URSS appartenant à lannexe B tirent des recettes nettes de leurs ventes de permis négociables. 38 Technolgical Scenarios, Climate Change and Emission Trading, 3rd EC/IEA Workshop on Energy Technology and Climate Change, Simulations using the Poles World Model, prepared by IEPE and ECOSIM ; Sevilla, October 1998. 39 Technologie IGCC (Integrated Gasification Combined Cycles) : turbine fonctionnant avec du charbon gazéifié. 40 A. Bernard et M. Veille, Modalités dapplication de laccord de Kyoto et coût économique dans la perspective du sommet de Buenos Aires, Revue de lEnergie, n° 500, octobre 1998.
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