RAPPORT
sur
De la connaissance des gènes à leur utilisation

Première partie  (suite) : L'utilisation des organismes génétiquement modifiés
dans l'agriculture et dans l'alimentation
PAR M. JEAN-YVES LE DÉAUT,
Député

SOMMAIRE

Chapitre II : Les interrogations majeures suscitées par les plantes transgéniques

A - Santé humaine et plantes transgéniques

B - Les éventuelles conséquences des plantes transgéniques sur l’environnement

C - Quelle réglementation pour ces plantes ?

Chapitre III : La nécessité de la recherche

A - Rester dans la compétition mondiale

B - La situation de la France dans le domaine de la génomique

CHAPITRE II

Les interrogations majeures suscitées par les plantes transgéniques

Au terme des multiples auditions conduites sur ce thème, il est patent que deux interrogations majeures sont suscitées par ces plantes. Il est tout à fait nécessaire de prendre en compte ces inquiétudes, bien légitimes. Le panel des Citoyens a bien appréhendé ces craintes et ces interrogations. C’est sans doute cette prise en compte qui conditionnera l’acceptation des plantes transgéniques par nos compatriotes.

La première de ces questions concerne la santé humaine et la seconde les conséquences éventuelles sur l’environnement. L’examen de ces deux questions amènera à se demander quelle réglementation appliquer à ces plantes.

A - Santé humaine et plantes transgéniques

Avant d’évoquer les questions qui se posent dans ce domaine, présence de gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques, éventuelles toxicité et allergénicité de ces plantes, il convient de noter leurs possibilités très importantes en terme de maintien ou même d’amélioration de la santé humaine. Enfin on examinera la question de la biovigilance dans ce domaine.

a - Des plantes aux très grandes possibilités dans les constructions génétiques de deuxième génération

Les possibilités des plantes transgéniques pour le maintien ou l’amélioration de la santé humaine sont de deux ordres. Elles concernent soit l’obtention d’aliments de meilleure qualité, soit la possibilité de production de médicaments.

- L’obtention d’aliments de meilleure qualité : du soja fou au soja miracle ?

Les travaux sur l’amélioration des caractéristiques alimentaires des plantes sont encore assez récents mais sont certainement porteurs de leur avenir à long terme.

Il s’agit en effet d’aller bien au delà de conférer une résistance à des parasites ou même par exemple d’améliorer la conservation, cette dernière possibilité étant cependant évidemment loin d’être négligeable pour accroître les délais de consommation des aliments. Il convient cependant de noter qu’une plante transformée comme le maïs Bt de Novartis, tolérant à la pyrale, présente déjà des avantages pour les consommateurs dans la mesure où les perforations des insectes facilitent l’installation de fusarioses produisant des substances toxiques pour les humains.

Au delà, l’objectif est de modifier la composition même des plantes afin de leur donner soit une composition nutritionnelle nouvelle, soit des caractères leur permettant de mieux s’adapter aux transformations agro-alimentaires.

Si ces développements commencent à être courants concernant les produits pour l’alimentation animale, ils sont en grande partie encore au stade de la recherche pour l’alimentation humaine.

On peut néanmoins citer un certain nombre d’exemples de ces plantes.

Ainsi sont actuellement développées par les firmes Monsanto et AgrEvo des pommes de terre transgéniques dont la teneur en amidon est plus élevée que la normale et celle en eau plus réduite. L’intérêt présenté par cette modification réside dans le fait que pendant la friture, l’huile se substitue à l’eau pendant la cuisson. Une moindre teneur en eau des légumes entraînera une moindre absorption d’huile ce qui permet finalement d’obtenir des pommes de terre frites moins grasses.

De même, j’ai pu me rendre compte lors de ma mission aux Etats-Unis, des travaux effectuées par la firme Du Pont sur le soja.

Il s’agit dans ce cas d’augmenter la teneur en acides gras monoinsaturés en la multipliant par quatre environ pour obtenir une proportion de cet acide supérieure à ce qu’elle est dans l’huile d’olive pourtant réputée pour ses qualités pour la santé humaine et de réduire la teneur en acide a -linolénique. Cela permettra d’éliminer l’indispensable hydrogénation chimique de l’huile normale, responsable de la production d’acides gras trans, utilisée pour obtenir un produit moins fluide et moins oxydable. L’ensemble de ces caractéristiques apparaît très bénéfique pour les personnes exposées au risque de troubles cardio-vasculaires.

Concernant aussi le soja, cette firme travaille à éliminer complètement par génie génétique les facteurs antinutritionnels présents dans cette plante qui perturbent la digestion humaine. Le soja fou serait-il devenu le soja miracle ?

Du Pont travaille aussi sur le colza afin de produire par transgénèse une plante qui permettra de produire une huile enrichie en acide oléique et à faible teneur en acide a -linolénique pour consommation en tant qu’huile de table et utilisation par l’industrie agro-alimentaire. Cela signifie que les firmes cherchent à fabriquer des huiles à meilleures qualités nutritionnelles.

Les responsables de Du Pont m’ont défini de façon lapidaire mais significative les objectifs de ces transformations : parvenir par transgénèse à éliminer tout ce qui dans les plantes est défavorable à la santé humaine et faire augmenter la proportion de tous les éléments favorables.

Dans cette voie on fera remarquer que la transgénèse sera peut-être un moyen de diminuer l’allergénicité d’un aliment, ce qu’a réalisé, au moins en partie, une équipe japonaise sur un allergène majeur du riz.

- La production de médicaments par les plantes : de l’hémoglobine dans le tabac ?

Dans les années récentes l’opinion publique a été, à juste titre, frappée par les drames occasionnés par la transmission du virus du sida et des hépatites B et C par des lots de protéines purifiées élaborées à partir de sang, de placentas ou de divers tissus humains qui se sont avérés être contaminés. On se souvient également des problèmes posés, il y a plus longtemps, par l’insuline fabriquée à partir d’organes de porcs avant qu’elle ne soit élaborée par des bactéries recombinées par génie génétique.

Les plantes transgéniques permettent en effet de synthétiser des protéines complexes comme l’hémoglobine, celle-ci par exemple dans des plants de tabac génétiquement modifiés. Des anticorps monoclonaux pour la lutte anticancéreuse peuvent également être produits dans des tabacs transgéniques. De l’albumine est également susceptible d’être exprimée par des tabacs ou des pommes de terre transgéniques.

En matière de sécurité pour la santé humaine, les plantes offrent des garanties maximales puisqu’elles sont dépourvues d’agents pathogènes dangereux pour les êtres humains. Elles permettent ainsi d’éviter tout risque de contamination par des virus capables d’entraîner des infections chez l’homme.

Une autre possibilité pourrait s’avérer extrêmement intéressante, notamment pour les pays en voie de développement : faire produire des substances vaccinales dans des légumes ou des fruits pouvant être consommés crus. Cette possibilité existe déjà pour la banane, le problème restant à résoudre étant celui du contrôle des doses absorbées. Il est certain que ces projets n’en sont encore qu’à leurs premiers balbutiements et qu’ils devront être validés avant d’être généralisés. Mais la faisabilité technique de l’incorporation du vaccin dans ce fruit a été prouvée.

On se rend compte avec ces quelques exemples que les plantes transgéniques auront certainement un impact positif très fort sur la santé humaine, tout en ne se cachant point que des questions se posent actuellement.

b - Le problème posé par la présence de gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques

La présence d’un gène marqueur de résistance à l’ampicilline dans la première plante autorisée à la culture en France, le maïs Bt de Novartis, a nourri les interrogations sur une éventuelle transmission de la résistance à cet antibiotique aux bactéries du tube digestif des animaux et de l’homme.

Ce problème existe du fait des techniques de modification génétique des plantes.

En effet, celles-ci comportent plusieurs étapes.

La première est la fabrication par des techniques de biologie moléculaire du ou des gènes à transférer qui nécessite l’utilisation d’un agent sélectif pour multiplier dans des bactéries les plasmides comportant ces gènes. C’est toujours une résistance à un antibiotique qui est utilisée dans ce cas. Le gène conférant celle-ci est un gène de type procaryote sous le contrôle de son propre promoteur qui est incapable de s’exprimer dans le noyau d’une cellule d’eucaryote animal ou végétal.

La seconde est l’intégration dans un génome de plante du ou des gènes ainsi préparés. Celle-ci étant un phénomène rare, une étape de sélection des plantes transformées avec élimination des végétaux non transformés est indispensable. Le faible taux de transformation oblige à contrôler un grand nombre de plantes, cette vérification ne pouvant se faire ni par contrôle du phénotype attendu ni par analyse. Il faudrait alors tester des milliers de végétaux avant de détecter une plante transformée. Il est donc nécessaire d’associer au gène d’intérêt un autre gène permettant d’opérer une sélection précoce. Pour cela on utilise la résistance à une molécule, en général un antibiotique ou un herbicide. Le gène conférant cette résistance devant s’exprimer dans la plante est, dans ce cas, nécessairement sous le contrôle d’un promoteur de type eucaryote.

La résistance à un antibiotique peut donc être utilisée à deux stades bien distincts du processus d’obtention d’une plante transgénique.

Dans le cas d’un transfert direct, le matériel génétique introduit dans la plante comporte le plasmide entier, c’est-à-dire non seulement le ou les gènes destinés à être exprimés mais également le gène bactérien de résistance à un antibiotique. Tel est le cas du gène bla de résistance à l’ampicilline du maïs Bt 176 de Novartis.

Dans le cas d’une transformation au moyen d’Agrobacterium, seules les séquences d’A.D.N. situées entre deux régions particulières, bordures droite et gauche, sont transférées au noyau de la cellule végétale. Lors de la préparation de l’A.D.N. à transférer, on s’arrange donc pour que tous les gènes bactériens soient en dehors de ces bordures. Ces gènes bactériens ne sont donc pas transférés.

Dans le cas du transfert direct, on sait désormais découper le plasmide afin de limiter le matériel génétique à transférer au(x) seul(s) gène(s) d’intérêt. C’est pourquoi les experts s’accordent à considérer qu’il est désormais possible de se passer des gènes de résistance aux antibiotiques. Cela concerne donc les gènes marqués sous contrôle bactérien et uniquement la première étape du processus d’obtention des plantes transgéniques.

Par contre, il reste nécessaire de disposer de marqueurs de sélection des plantes transformées. Comme on l’a déjà vu, ce peut être une résistance soit à un antibiotique, par exemple l'ampicilline, soit à un herbicide.

Le gène blatem-1 , présent dans le maïs Bt de Novartis, code pour l'enzyme béta-lactamase qui inactive l'ampicilline. Les bactéries portant ce gène sont résistantes à l'ampicilline. Dans le processus de transformation du maïs, ce gène est indispensable tout au long des étapes d'isolement du gène Bt et de la préparation de l'A.D.N. transformant, juste avant l'introduction dans le génome de la cellule embryonnaire de maïs. Il permet le repérage et la multiplication à l'identique de la construction génétique au niveau des bactéries.

Il convient de noter que ce gène bla est universellement employé depuis environ une vingtaine d’années par les chercheurs en biologie. A ma connaissance, l’utilisation de ce gène n’a pas entraîné dans ces laboratoires de problèmes particuliers.

D’autres gènes bactériens sont utilisés pour la modification génétique des plantes. On peut citer par exemple le gène " aph3’-2 " conférant la résistance à la kanamycine et à la néomycine, le gène " aph3’-3 " spécifiant la résistance à l’amikacine, le gène " aad3’’-9 " entraînant, quant à lui, la résistance à la streptomycine et à la spectinomycine.

Un débat se focalisant sur le gène bla et sur les conséquences pour l’homme de ces sortes de constructions s’est alors institué.

Je vais exposer, en les résumant, les thèses en présence avant de donner mon appréciation sur ce débat.

M. Patrice Courvalin, chef de l’unité des agents antibactériens de l’Institut Pasteur et responsable du Centre national de références sur les mécanismes de résistance aux antibiotiques, a exposé son point de vue à la fois lors des auditions privées et publiques préparatoires à ce rapport mais aussi dans un numéro récent du mensuel " La Recherche ".

Je rappellerai seulement, en les résumant, les deux circonstances évoquées par M. Patrice Courvalin au cours desquelles, selon lui, le passage du gène de résistance aux antibiotiques pourrait s’effectuer vers des bactéries.

Il évoque d’abord le transfert de ce gène vers les bactéries du tube digestif des animaux ou de l’être humain.

Dans ce cas, il estime que " la stabilité thermique de l’A.D.N. est telle que dans un certain nombre de cas, les gènes de résistance ne seront pas dénaturés par la préparation que subissent les aliments avant ingestion. " Il indique que " les bactéries étant en contact très intime les unes avec les autres, le tube digestif représente un écosystème extrêmement favorable aux échanges génétiques entre bactéries appartenant à des genres très différents. Dans ces conditions, le gène de résistance pourrait être récupéré par transformation par une bactérie naturellement compétente, transmis verticalement à sa descendance lors des divisions cellulaires mais également horizontalement à d’autres micro-organismes. "

Le second cas de transfert, d’après M. Patrice Courvalin, " est le passage aux bactéries du sol d’A.D.N. de plantes transgéniques en décomposition, et notamment de leurs racines. Cette éventualité est favorisée par le fait que l’A.D.N., contrairement aux idées reçues [...], est une molécule extrêmement stable dans les sols et que certaines espèces bactériennes telluriques peuvent spontanément et efficacement incorporer de l’A.D.N. "

A l’opposé, on évoquera l’opinion de M. Patrick Berche, professeur à l’hôpital Necker (service de bactériologie, virologie, parasitologie, hygiène) qui a fait le point sur ce problème lors de la session plénière de la Conférence de citoyens.

Celui-ci estime que le problème de l’émergence de bactéries pathogènes résistantes à de nombreux antibiotiques est préoccupant à la fin du XXème siècle, les bactéries multirésistantes étant pratiquement exclusivement observées en milieu hospitalier et dans les élevages d’animaux.

Il a estimé que les publications scientifiques les plus sérieuses et les avis de nombreux experts indépendants de l’O.C.D.E., de l’O.M.S. ou de l’Union européenne ont fait apparaître les faits suivants :

- les gènes de résistance aux antibiotiques utilisés dans les plantes transgéniques de première génération sont déjà très largement répandus dans la nature. A titre d’exemple, le gène bla est porté par une souche de colibacilles sur deux. La majorité des êtres humains porte des colibacilles dans leur tube digestif à un taux de 10 à 100 millions par gramme, ce qui fait une excrétion quotidienne de 5 à 50 milliards de colibacilles porteurs de gène bla dans la nature par un individu sur deux ;

- aucun transfert horizontal de gènes depuis les végétaux vers les bactéries n’a été jusqu’ici documenté dans la nature d’après l’ensemble de la bibliographie des travaux publiés : (1) impossibilité de mettre en évidence des gènes de résistance transférés aux bactéries du sol à partir de cultures de plantes transgéniques ; (2) impossibilité de mettre en évidence un transfert dans le sol en ajoutant des bactéries hypertransformables dans le sol et de l’A.D.N. de gènes de résistance ;

- le transfert horizontal de gène de résistance depuis les végétaux vers les bactéries est théoriquement possible avec une probabilité très faible et il existe quelques suggestions indirectes que de tels transferts puissent survenir. Dans les conditions optimales de laboratoire, la fréquence de transfert peut être estimée à environ 1 bactérie receveuse sur 1015 à 1018, c’est-à-dire une probabilité quasi nulle, à quoi il faut ajouter que les gènes de résistance associés à des plantes transgéniques ne représentent dans le cas du maïs que 1 gène sur 40 000, soit 1/40 000ème d’A.D.N. ;

- même si le transfert d’un gène de résistance d’une plante à une bactérie du sol survenait, la très faible pression de sélection du sol ou chez l’homme en bonne santé fait que cette bactérie n’a aucune chance d’être sélectionnée et de propager ainsi son gène de façon horizontale à d’autres bactéries.

Il a donc conclu que les marqueurs de résistance aux antibiotiques ne présente aucun risque majeur pour la santé.

De même M. Jean-Pierre Zalta, professeur de biologie et de génétique moléculaires et président de la Commission de génie génétique (C.G.G.), estime que la présence de ce gène marqueur de résistance à l’ampicilline ne pose pas de problème majeur.

Néanmoins M. Antoine Danchin, chef du département de biochimie et de génétique moléculaire de l'Institut Pasteur, considère que " la particularité originale des organismes vivants, ce qui fait qu'ils ont envahi la terre comme systèmes matériels, c'est qu'ils sont capables, face à un événement imprévisible, de produire de l'imprévu ".

Cela devrait nous conduire à suivre l'avis de M. Patrice Courvalin en refusant toute nouvelle construction incluant des gènes de résistance à des antibiotiques.

Mais M. Antoine Danchin poursuit son raisonnement en indiquant que " dans un grand nombre de cas, les manipulations génétiques, qui se font in vivo, dans la nature, spontanément, notamment lorsqu'on utilise un engrais ou un insecticide, ce que l'on fait chaque jour ou, plus grave, lorsqu'on utilise des antibiotiques en médecine vétérinaire, sont des manipulations génétiques en vraie grandeur qui, à mon avis, sont bien plus dangereuses que celles dont nous discutons, notamment à propos des végétaux... ". Dans ce débat, les dés sont pipés. Dans le domaine médical, il n'y a curieusement pas de crainte et, dans le domaine agronomique, il y a de grandes craintes. Le vrai problème est donc un rapport risque-bénéfices, dont il faudrait discuter calmement sans avoir besoin de vedettes qui parlent en public. "

Il ressort de cette controverse qu’aucune certitude ne peut être affirmée de façon certaine et irréfutable. Mais je pense que le risque, si risque il y a, est extrêmement faible.

Rappelons que le risque est le produit d'une dangerosité par une probabilité comme l'a rappelé M. André Rico, président de la Commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et substances assimilées.

Pour se passer de l’utilisation de la résistance aux antibiotiques, plusieurs voies semblent possibles :

- utiliser la résistance à un herbicide mais avec les inconvénients qui lui sont liés dans certains cas,

- utiliser de nouveaux marqueurs de sélection, mais aucun n’est actuellement au point,

- éliminer le marqueur de résistance après sélection. Deux voies semblent possibles. La première impliquerait une intégration indépendante des gènes d’intérêt et de sélection, ce qui permettrait une séparation dans la descendance après transformation. Mais c’est un système un peu lourd, peu efficace et non utilisable pour les plantes à multiplication végétative. La seconde consisterait en l’excision par un système moléculaire. Mais ces procédés ne sont pas disponibles et ne le seront pas à court terme.

Il y a eu un certain accord de la grande majorité de mes interlocuteurs pour estimer que ces constructions génétiques faisant appel à des gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques étaient dépassées dans la mesure où elles étaient représentatives d’une technique assez " primitive " de transgènése, car datant d’au minimum une dizaine ou une quinzaine d’années.

Il faudrait également encourager les recherches sur les différentes voies d’amélioration des techniques de transformation pour aboutir à terme à la suppression de toute résistance à un antibiotique.

Cette question prend place dans une situation marquée par la mauvaise gestion des antibiotiques en médecine humaine depuis trente ans. Lors des auditions publiques ouvertes à la presse, M. Patrice Courvalin a rappelé, à titre tout à fait justifié, qu’il n’était en effet pas nécessaire d’aggraver la situation actuelle dans ce domaine. Il a estimé en outre qu’il n’était pas utile d’utiliser des antibiotiques comme supplément dans l’alimentation animale.

Compte tenu des résistances aux antibiotiques déjà acquises, de fait de depuis trente ans, je n’ai pas le sentiment que l’on coure des risques supplémentaires de ce point de vue.

Ces différentes controverses inquiètent le public, ne sachant qui croire du scientifique qui alarme ou de celui qui rassure. La seule manière pragmatique de trancher ces débats est de mettre en place un système de décision collectif, transparent, pluridisciplinaire, de décider au cas par cas, de rendre public les avis, y compris ceux qui demeurent minoritaires.

Cependant, compte tenu de l’inquiétude de l’opinion publique sur cette question et des positions d’un certain nombre de personnes, je recommande :

1) - d’autoriser, au cas par cas, l’utilisation de gènes de résistance à un antibiotique sous contrôle d’un promoteur eucaryote. Cette autorisation devrait être réexaminée régulièrement compte tenu de l’avancement des recherches sur les techniques alternatives et du bilan de la biovigilance mise en place.

2) - qu’on interdise à l'avenir la culture de plante comportant dans son génome tout gène de résistance à un antibiotique sous promoteur bactérien. La justification de cette différence d'approche pour ces deux cas était la " facilité " de mobiliser éventuellement ce gène de résistance par une bactérie.

c - L’éventuelle toxicité des plantes transgéniques

Ainsi que le remarque M. Pierre Feillet, une substance toxique se caractérise par les troubles provoqués sur l’organisme quand elle y pénètre à doses élevées ou à faibles doses plusieurs fois répétées. Concernant les plantes génétiquement modifiées, on écarte bien sûr a priori l’insertion volontaire de gènes connus comme codant pour des substances toxiques.

C’est sans doute la toxicité à long terme qui doit être la plus redoutée car provoquant des intoxications insidieuses sans généralement de signaux d’alarme. Des effets cumulatifs à long terme, à travers plusieurs générations, peuvent être, en théorie, redoutés dans la mesure où des lésions apparaissent au niveau de l’A.D.N.

Au cours des auditions privées et publiques, cette éventuelle toxicité ne m’a pas été démontrée de façon réellement convaincante. J’incline à penser que ceux qui, depuis quinze ans maintenant, travaillent sur ces plantes accordent une attention soutenue à ce problème. Néanmoins il conviendrait sans doute que des programmes spécifiques de recherche soient organisés pour mettre en évidence d’éventuels risques nouveaux liés aux effets secondaires et pléïotropiques de l’introduction de nouveaux gènes sur la base d’études toxicologiques adaptées et de profils analytiques.

Il faut, de plus, envisager le cas où l’insertion de nouvelles séquences d’A.D.N. au sein d’un génome peut " réveiller " des gènes dormants, c’est-à-dire qui ne s’expriment pas normalement. Il serait aussi souhaitable que la recherche porte son attention sur ce type d’effet.

Comme l’estime M. Pierre Feillet, la création accidentelle de plantes toxiques, bien que peu probable, ne doit cependant pas être exclue. Mais le danger de l’apparition de substances toxiques faisant suite à l’insertion de transgènes est difficile à cerner dans la mesure où ces substances peuvent appartenir à des familles moléculaires extrêmement variées : protéines, alcaloïdes... et que l’analyste ignore la nature de la molécule qu’il devrait alors, en cas de besoin, rechercher.

Lors des auditions publiques, M. André Rico a indiqué qu’en matière de toxicité le glufosinate venait d’être examiné et autorisé dans des conditions bien précises avec des quantités données pour traiter le maïs transgénique. Compte tenu de la réputation de très grand sérieux de la Commission présidée par M. André Rico, on ne peut qu’estimer qu’il n’y a pas de risque toxicologique à ce niveau. Celui-ci a également indiqué que le problème des adduits avait certainement été surestimé.

L’utilisation de virus dans la construction de plantes transgéniques devrait être étudiée avec beaucoup de soin et de manière très approfondie. Pour un certain nombre de mes interlocuteurs, il pourrait en ce cas se poser des problèmes de transcapsidation. Pour d’autres, ce risque ou n’existe pas ou ne pourrait pas avoir de conséquences fâcheuses dans la mesure où ce phénomène se passe naturellement sans entraîner de dommages particuliers.

d - L’éventuelle allergénicité des plantes transgéniques

Selon le modèle théorique proposé par les Américains, les protéines présentant un caractère allergène ont un certain nombre de caractères communs. Ce sont en effet des protéines glycosylées dont la masse moléculaire est comprise entre 10 et 70 kDa. Elles sont présentes en grandes quantités dans les aliments et ont une stabilité élevée à la chaleur, aux pH et aux protéases. Elles ont des séquences actives stables en milieu gastrique et intestinal et présentent des analogies de séquences d’acides aminés. Il faut noter à cet égard que Mme Anne Moneret-Vautrin a estimé, lors des auditions publiques, qu’il y avait une réflexion supplémentaire à mener sur chaque point du modèle américain.

Il faut bien insister sur le fait que le risque de développement d’allergies n’est pas, très loin de là, un risque propre aux plantes génétiquement modifiées. On peut même dire que dès qu’une protéine est exprimée et ingérée, un risque allergique peut être couru.

L’exemple très souvent invoqué, et maintenant bien connu, en matière de potentiel allergénique des plantes transgéniques est celui de la fameuse intégration de l’albumine 2S, protéine riche en méthionine et en cystéine, de la noix du Brésil dans un soja. Ayant choisi d’intégrer une protéine on a tout à fait normalement rendu le soja en question allergène du fait de la présence de cette protéine.

La conclusion de cette affaire est qu’il n’y avait aucune raison que l’allergénicité, connue, de cette protéine disparaisse une fois intégrée dans un soja. allergénique, Cela montre également que dès que les responsables se sont rendus compte du résultat, l’affaire n’a pas été poursuivie, ce qui plaide plutôt en faveur du sens de la responsabilité des industriels.

En fait comme l’a souligné, à maintes reprises, M. Gérard Pascal, aucun test quelconque d’allergénicité n’est effectué sur les aliments que l’on consomme dans nos sociétés. On sait aussi qu’il y a des exemples célèbres d’aliments, pas le moins du monde transgéniques, qui occasionnent des réactions allergiques qui peuvent être très graves chez certaines personnes prédisposées. Ce sont ainsi les cas bien connus du kiwi et de l’arachide.

Comme l’a noté M. Bernard Kouchner, le problème de l’allergénicité est une question extrêmement complexe dans la mesure où l’alimentation, geste très banal, est très diversifiée. Elle présente de ce fait des risques, dont le risque " allergie " malgré des manifestations spectaculaires, n’en constitue qu’un des aspects. Il a rappelé également que la recherche de ses causes est très difficile à mettre en évidence.

On peut estimer que les risques allergiques des plantes transgéniques ont été, au total, tout à fait surévalués.

Comme l’a estimé M. Pierre Louisot, il faudra certainement surveiller ces produits après leur mise sur le marché. On peut imaginer la mise en place d’une " allergo-vigilance ", comme l’a proposé Mme Anne Moneret-Vautrin. Un tel système suppose cependant une traçabilité maximale des aliments issus des plantes transgéniques mais je suis persuadé que les consommateurs pourraient alors se départir de leur réserve à l’égard de ces technologies s’ils sont effectivement convaincus que des mécanismes de surveillance efficace sont mis en place.

C’est la question de la biovigilance en matière de santé qui est donc posée.

e - La biovigilance en matière de santé

Cette biovigilance en matière de santé est certainement indispensable pour rassurer les consommateurs et être à même de retirer des circuits commerciaux un aliment issu d’une plante transgénique en cas de difficulté.

Il faut noter que la seule biovigilance actuellement formellement prévue par un texte en matière de plantes transgéniques concerne uniquement l’environnement.

Il convient de mettre en place un système équivalent en matière d’aliments.

Lors des auditions publiques, M. Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la santé a rappelé que, " [...] notre dispositif réglementaire ne prévoyait pas jusqu’à présent, de consultation systématique du ministère de la santé sur les autorisations délivrées, qu’il s’agisse d’autorisations de dissémination à des fins de recherche-développement ou de mise sur le marché. Toutefois, l’avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France [...] placé sous l’autorité du ministère de la santé, est recueilli si la Commission du génie biomoléculaire signale l’existence d’un risque éventuel pour la santé publique lié à la consommation des produits. Cette consultation est maintenant devenue systématique. "

M. Bernard Kouchner a indiqué ensuite qu’avec la loi relative à la sécurité sanitaire l’expertise organisée par les services du ministère chargé de la santé en liaison avec le Conseil supérieur d’hygiène publique de France sera transférée à l’Agence de sécurité sanitaire des aliments.

Il faut sans doute maintenant attendre de ce point de vue l’installation effective de cette Agence. Il serait peut-être souhaitable qu’une réflexion s’engage afin de déterminer les modes d’action de cette biovigilance en matière d’aliments. Ainsi il conviendra par exemple de déterminer à quel stade il serait nécessaire de faire porter les éventuelles mesures de sauvegarde : celui des aliments, des semences ou même de la méthode de transgénèse utilisée dans les cas qui feraient difficulté.

B - Les conséquences éventuelles des plantes transgéniques sur l’environnement

Les conséquences de l’introduction de plantes transgéniques pour l’environnement sont âprement discutées, au moins sur un plan théorique dans notre pays. A écouter les uns et les autres, on en retire le sentiment que celles-ci sont, à l’instar de la langue d’Esope, à la fois la meilleure et la pire des choses.

Il convient de raison garder et d’essayer de faire la part des avantages et des inconvénients.

Ces plantes apportent certainement des avantages. Ceux-ci sont contrebalancés par l’éventualité de certains risques, notamment ceux liés aux flux de gènes et à l’apparition de résistances chez les prédateurs qu’il conviendra de s’efforcer d’évaluer à leur juste niveau.

a - Les progrès représentés par ces plantes

Les progrès apportés par la culture des plantes transgéniques auto-résistantes à des prédateurs sont tout à fait réels.

Le plus grand des avantages de ces plantes est actuellement la possibilité de réduire l’épandage des divers produits destinés à lutter contre les populations d’insectes.

L’avantage paraît être double.

Tout d’abord, et c’est une préoccupation qui est parfois curieusement oubliée, il permet aux agriculteurs, les premiers concernés, de pouvoir être sensiblement moins exposés aux produits qu’ils épandent. Ceux-ci sont, sans doute, peu ou prou toxiques à long terme, même à faibles doses. Il faut aussi tenir compte du fait qu’un agriculteur manipulera ce type de produits pendant très longtemps, augmentant ainsi les risques pour sa santé.

L’autre avantage réside dans la sauvegarde de l’environnement en général et concernera aussi bien les concentrations de ces produits dans les végétaux qui sont ingérés in fine par les animaux et les êtres humains que dans les nappes phréatiques, problème dont on connaît l’actualité.

Il faut reconnaître que de ces deux points de vue des progrès considérables ont été accomplis grâce, notamment, aux contrôles très sévères effectués avant la commercialisation des produits phytosanitaires. Il n’en reste pas moins que ces produits sont potentiellement assez dangereux et que l’ensemble de la collectivité est à la merci d’un accident ou d’une erreur de manipulation.

Un certain nombre d’inconvénients doivent cependant être envisagés.

b - Les flux de gènes

Au départ, comme le signale M. Pierre Thuriaux dans un article de l’ouvrage " Les plantes transgénique en agriculture, dix ans d’expériences de la Commission du génie biomoléculaire ", dans une population donnée, chaque gène est représenté par un nombre plus ou moins grand de formes alléliques différentes qui ont une certaine probabilité de s’établir dans la population considérée ou dans l’ensemble de l’espèce. Il rappelle aussi qu’il faut considérer à la fois les flux intervariétaux, a priori fréquents et les flux interspécifiques, normalement plus rares car concernant des espèces considérées comme distinctes avec un faible degré d’interfertilité.

Il convient de rappeler cependant, comme me l’ont fait remarquer un certain nombre de mes interlocuteurs, que les flux de gènes sont à la base de la variabilité végétale qui est plutôt considérée comme profitable, et ceci depuis des millénaires.

Je n’entrerai pas dans le détail des flux de gènes, qui est un mécanisme assez complexe et dépendant d’un nombre important de paramètres.

On rappellera juste que l’intensité et la rapidité des flux de gènes au sein d’une population ou d’une espèce donnée fait intervenir de nombreux paramètres. Un facteur essentiel dans la diffusion d’un caractère donné est sa compétitivité en fonction du milieu environnant, traduisant à la fois l’avantage reproductif qu’il confère à la plante et son " coût " sélectif dans un environnement donné. Comme le note M. Pierre Thuriaux dans l’ouvrage cité, les flux de gènes dépendent aussi beaucoup de la physiologie reproductive de la plante considérée, trois aspects étant déterminants de ce point de vue : la probabilité d’interpollinisation, la vigueur des graines et des plantes hybrides et la capacité d’introgression génétique.

A la suite de ces quelques remarques, on peut esquisser une typologie du comportement d’un certain nombre de plantes très couramment cultivées en France et en Europe en matière de flux de gènes.

Comme le note M. Antoine Messean dans le numéro de janvier/février 1996 de la revue OCL, le problème ne se pose pas pour le maïs car il n’y a pas en Europe de possibilités de croisement avec une plante sauvage. C’est une position unanimement acceptée.

Concernant par contre le colza, le croisement est possible avec de nombreuses espèces apparentées comme la moutarde, la ravenelle ou la roquette bâtarde. Il signale que de nombreux travaux ont montré que ces hybridations interspécifiques pouvaient donner lieu à une production non négligeable de semences.

Pour M. Antoine Messean, " en ce qui concerne la betterave, on a montré que les plantes annuelles venaient en partie du transfert du gène d’annualité des betteraves sauvages vers la betterave cultivée dans les régions de production de semences du sud-ouest. Ces hybrides ont développé des infestations de betteraves mauvaises herbes dans des parcelles de reproduction de racines [...]. "

M. Antoine Messean conclut donc : " pour le colza ou la betterave, la question n’est donc plus de savoir si un transgène tel que la résistance à un herbicide va migrer vers d’autres plantes adventices de la culture : la réponse est affirmative. "

Ce sont les conséquences qu’il convient d’évaluer.

Pour des plantes telles que le tabac, la pomme de terre, le blé (aucune variété transgénique n’étant encore au point pour ce dernier) et le soja, M. Pierre Thuriaux estime d’une part que la possibilité de flux de gènes vers une variété spontanée est infime et d’autre part que la formation de multirésistance aux herbicides par croisement sera probablement très lente dans le contexte européen.

Il fait cependant après ces considérations une remarque qui me semble importante. Il estime en effet qu’" il faut [...] rester attentif à l’internationalisation croissante du commerce semencier [...] " en évoquant notamment à propos du maïs " [...] la pratique des croisements pratiqués à contre saison en Amérique latine, puisqu’on sait que des échanges sont possibles entre le maïs et un parent sauvage, le téosinte ", un problème similaire se posant selon lui dans le cas du riz en Asie.

Enfin il faut considérer un autre problème important qui m’a été signalé par certains de mes interlocuteurs, qui est celui de la possible diffusion d’un transgène entre, par exemple, un maïs transgénique et un maïs non transgénique dans des champs contigus. Ce type de problème pourrait sans doute être résolu par l’adoption de méthodes culturales adéquates, à l’instar de la réglementation des distances imposée autour des champs de production de semences.

Cela renvoie notamment à deux problèmes, l’un que nous avons déjà envisagé, celui du devenir de l’agriculture biologique et l’autre que nous aborderons plus loin, celui des seuils en produits transgéniques de produits non issus de ce type de culture.

Il convient de souligner que les plantes transgéniques résistantes à des herbicides actuellement sur le marché ou en préparation le sont à l’un des deux herbicides totaux actuellement en production. Or ceux-ci sont généralement considérés comme " favorables " à l’environnement dans la mesure où ils s’auto-dégradent rapidement ne restent donc pas dans les sols. On peut craindre que l’on aboutisse ainsi à la " perte " de l’un des deux ou même des deux produits. Ce danger me paraît tout à fait important en terme de durabilité de l’agriculture.

Enfin il faut s’interroger sur les conséquences de la culture de ces plantes transgéniques sur la biodiversité.

Je pense que les conséquences ne seront pas a priori négatives comme on peut sembler parfois le croire. Dans ce domaine également, les biotechnologies peuvent favoriser, comme le rappelait M. Daniel Chevallier dans son rapport paru en 1990, la biodiversité tout en demeurant cependant prudent. Il ne me semble pas que les biotechnologies doivent être plus menaçantes pour la biodiversité que les techniques de sélection classiques.

Ces interrogations ont été parfaitement appréhendées par le panel de citoyens, quand il déclare que : " il y a des risques connus de prolifération anarchique aussi bien en ce qui concerne le pollen que les graines " ou encore : " par l'empilage de propriétés de résistance obtenues par l'intermédiaire des gènes introduits, on risque de rendre les plantes indestructibles et insensibles à tous les désherbants actuellement connus ".

c - L’apparition de résistances chez les prédateurs

Cette question s’est posée avec le maïs Bt de Novartis auto-résistant à la pyrale.

Selon un article de Mme Josette Chaufaux et de MM. Vincent Sanchis et Didier Lereclus paru dans l’ouvrage cité à l’occasion des dix ans de la C.G.B., il apparaît que " le développement d’une résistance à une toxine de Bt de la part de ravageurs importants rendrait les traitements classiques réalisés avec un biopesticide, contenant cette même toxine, inefficaces. Le principal effet écologique de l’acquisition de cette résistance pourrait donc être une augmentation de la densité de la population de ces ravageurs. Il en résulterait une utilisation accrue des autres moyens de lutte, chimique en particulier, avec pour conséquence les effets environnementaux indésirables que l’on connaît. "

Ces effets indésirables concernent particulièrement l’utilisation du biopesticide à base de Bt par les agriculteurs biologiques qui sont particulièrement soucieux de pouvoir continuer à disposer d’un produit efficace pour lutter contre les ravageurs. Certes les fabricants de ce maïs, Novartis, m’ont assuré qu’ils avaient étudié cette face du problème et qu’ils n’avaient pas constaté de résistance de la part des pyrales après un grand nombre de générations. Certaines études de l’I.N.R.A. ont abouti au même constat après vingt-cinq générations de pyrales.

Cependant, certains de mes interlocuteurs m’ont fait remarquer que c’étaient là des études de laboratoires et que dans la nature les phénomènes peuvent être totalement imprévisibles à la fois en dimension et en rapidité.

Cette argumentation me semble être tout à fait digne d’être prise en considération mais il ne faut cependant pas oublier que les prédateurs contre lesquels on lutte par des moyens chimiques finissent aussi par devenir résistants, selon la loi de l’adaptation. Là encore, il n’est pas exclu qu’un certain nombre de précautions doivent sans doute être prises en matière de techniques culturales de manière à préserver des souches de prédateurs non résistantes.

Une autre voie pour essayer de retarder au maximum l’apparition de résistances chez les ravageurs serait d’utiliser des constructions génétiques comprenant des gènes bi- ou multidirectionnels codant pour deux ou plusieurs toxines différenciées. C'est d'ailleurs ce qui se passe quand on pulvérise des aérosols de bacillus thuringiensis puisque la bactérie peut fabriquer plusieurs toxines différentes. Cela compliquerait certainement très sérieusement la mise en place de mécanismes d’adaptation des prédateurs.

Les problèmes d’apparition de résistances devraient faire l’objet de très sérieuses études afin de pouvoir y parer efficacement dans l’avenir.

Ce sont les techniques de biovigilance qui doivent surveiller ces phénomènes afin de pouvoir y obvier.

d - La biovigilance

Lorsque le gouvernement a annoncé le 27 novembre 1997 que serait autorisée la culture du maïs transgénique de Novartis, il a fait part de son intention de mettre en place de façon simultanée un dispositif de biovigilance. Le gouvernement montrait ainsi de façon positive sa volonté de se tenir à l’écoute des citoyens qui peuvent manifester des appréhensions à l’égard de la culture des plantes transgéniques.

Il a donc été annoncé que sera établi un suivi constant des plantes transgéniques en procédant à un recueil de paramètres, leur analyse permettant de préciser la nature des conséquences d’une telle décision.

Cela permettra ainsi de conduire une véritable expérience en vraie grandeur qui permettra de confirmer ou d’infirmer ce qui reste encore largement dans le contexte européen et français des théories. Il a aussi été décidé que les résultats de cette biovigilance seront de nature à remettre en cause les autorisations accordées qui ne le sont, concernant le maïs de Novartis, que pour une durée de trois ans.

Les termes de ce dispositif de biovigilance ont été précisés par l’arrêté du 5 février 1998.

Les paramètres suivants seront suivis :

- l’évolution de l’efficacité des variétés considérées contre les populations cibles de ravageurs de maïs ;

- l’apparition éventuelle de tout effet non intentionnel sur les populations de ravageurs ou d’auxiliaires hébergés par le maïs, telle que l’évolution de l’apparition de pyrales résistantes à la toxine Bt ;

- les effets éventuels sur l’entomofaune ;

- les effets éventuels sur les populations bactériennes du sol ;

- les effets éventuels sur l’évolution des populations bactériennes de la flore digestive des animaux consommant les maïs issus de ces variétés, en particulier en ce qui concerne le caractère de résistance à l’ampicilline.

Un comité provisoire de la biovigilance a été nommé. Il s’est déjà réuni et a commencé à travailler. Il serait opportun de bien définir son rôle afin qu'il ne recommence pas le travail réalisé par la Commission autorisant la mise en culture, et que le Gouvernement précise comment et par qui ces différents effets seront suivis. Je ferai d'ailleurs un bilan du dispositif de biovigilance dans la deuxième partie du rapport.

C - Quelle réglementation pour ces plantes ?

Après avoir présenté le dispositif européen en la matière on examinera la réglementation de ces plantes mise en place par la France depuis 1992 qui doit être appréciée de façon positive même si, au fil du temps, un certain nombre d’insuffisances ont pu être mises en évidence, des propositions pouvant être avancées pour améliorer l’articulation entre expertise et décision politique.

a - Présentation du dispositif européen : "le labyrinthe du transgénique"

Celui-ci se présente, selon un schéma extrait du bilan d’activités de 1996 de la Commission du génie biomoléculaire, de la façon suivante :

On notera l’extrême complexité de ce schéma.

La procédure implique :

- l’évaluation par les autorités nationales du pays où est présentée la demande,

- l’évaluation par les autorités des quatorze autres pays,

- la consultation de trois comités scientifiques européens.

 Ce quasi-labyrinthe est très sévèrement critiqué par les entreprises qui souhaitent mettre sur le marché des variétés transgéniques. Ainsi la durée moyenne pour obtenir une autorisation est d’environ 27 mois dans l’Union européenne, contre 10 mois en moyenne aux Etats-Unis et au Canada, et de 7 mois en Argentine.

 Outre la longueur, les entreprises formulent à cette organisation un autre grief majeur : l’impossibilité de prévoir sous quel délai interviendra une décision, que celle-ci soit négative ou positive.

 Il semble indispensable que cette organisation soit revue dans le sens de la simplification, étant entendu que cela n’implique pas du tout un relâchement des contrôles. De même, un délai maximal devrait aussi être prévu afin d’apporter une certaine sécurité aux entreprises demanderesses. Ce délai trop long n'apporte aucune garantie supplémentaire en terme de santé ou d'environnement. Je proposerai donc des modifications de ce dispositif.

 b - Le dispositif français

 La réglementation relative à la dissémination d’organismes génétiquement modifiés est basée sur la directive européenne 90/220 du 23 avril 1990. Sa transcription en droit français a été réalisée par la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l’utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement.

 Cette loi prévoit que la dissémination confinée de ces organismes génétiquement modifiés, c’est-à-dire leur utilisation en laboratoires notamment, est du ressort de la Commission du génie génétique tandis que leur dissémination volontaire dans l’environnement est de la responsabilité de la Commission d’étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire, dite, en raccourci, Commission du génie biomoléculaire (C.G.B.).

 Concernant plus spécifiquement les plantes transgéniques, le décret n° 93-117 du 18 octobre 1993 fixe les conditions applicables à la dissémination volontaire dans l’environnement et à la mise sur le marché de plantes génétiquement modifiées. L’arrêté du 21 septembre 1994 détermine les éléments nécessaires au dossier de demande de dissémination volontaire dans l’environnement et de mise sur le marché de plants, semences ou plantes génétiquement modifiés.

 Les autorisations pour la recherche et le développement ainsi que pour la mise sur le marché sont délivrées par le ministre de l’agriculture après accord du ministre de l’environnement. Il faut noter que l’information du public est réalisée au niveau des mairies des communes où sont effectuées les disséminations.

 Les plantes génétiquement modifiées font l'objet, comme toutes les plantes, d'une analyse de leur comportement agronomique et, après avis du Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (C.T.P.S.), sont inscrites au catalogue officiel des variétés. Cette inscription correspond en fait à la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché des plantes. L'avis du C.T.P.S. est fondé sur des essais agronomiques réalisés en général sur deux ans. L'avis du Conseil supérieur d'hygiène publique est également requis et porte sur les aspects " alimentaires " du dossier.

 Un système de biovigilance qu'il est nécessaire de conforter par voie législative permet le suivi des autorisations accordées.

 Ainsi que l’a noté Mme Marie-Angèle Hermitte, la C.G.B. a élargi sa compétence en créant des groupes de travail ad hoc, organisant sa réflexion sur des problèmes généraux telles que les résistances aux herbicides.

 Le travail de la C.G.B. a été particulièrement sérieux et rigoureux. Son bilan est donc tout à fait positif. Elle a fait preuve d’une grande ouverture d’esprit dans la mesure où elle a réellement dialogué avec les demandeurs d’autorisation. Elle a assuré un contrôle très sérieux des dossiers qui lui étaient soumis.

 Mais des insuffisances se sont fait jour au fil du temps.

 c - Quelques insuffisances

 Le panel de citoyens a clairement remis en cause la façon dont fonctionne cette commission, en particulier le fait que la société civile ne soit que peu associée à ses travaux.

 Afin d'améliorer ce fonctionnement et de répondre à cette demande légitime des citoyens, deux solutions sont envisageables :

 - élargir la composition de la Commission du génie biomoléculaire et prévoir deux collèges, comme le propose le panel des citoyens : un collège de scientifiques qui devrait confronter ses avis avec un collège général composé d'agriculteurs, de consommateurs et de membres d'associations de protection de l'environnement ;

- donner à la Commission du génie biomoléculaire un rôle d'expertise scientifique et donner à une autre instance le rôle du collège général.

 La première solution évite de créer une structure supplémentaire et permet une meilleure lisibilité des procédures. Elle permet une confrontation d'avis au sein d'une même structure, ce qui évite des affrontements souvent peu constructifs entre instances et d'avoir ainsi un avis unique, ce qui favorise la prise de décision.

 La deuxième solution permet de clarifier ce qui relève d'avis scientifiques de ce qui relève d'un avis " sociétal ". Au niveau international, cela nous permet également de garder une instance qui puisse faire valoir ses avis sur des éléments scientifiques, les seuls actuellement reconnus à ce niveau.

 Je penche plutôt pour cette deuxième solution de créer une Commission citoyenne donnant l'avis global de la société. Cette commission aurait plus pour vocation de détecter les problèmes que pose le développement des biotechnologies et de peser les risques et avantages pour la santé humaine, la sécurité alimentaire, l'environnement, de proposer les mesures permettant d'informer le consommateur et bien cerner les enjeux de la maîtrise des biotechnologies dans un contexte de compétition internationale.

 En contrepartie, dans le cadre de la simplification des procédures, il serait bon de prévoir un temps limite d'examen des dossiers par l'Union européenne et les instances nationales.

 Dans cette hypothèse la composition de la C.G.B. devrait être revue. En effet, siègent dans cette commission un représentant des consommateurs et des associations de défense de l'environnement. Outre la difficulté présentée par leur désignation quand on sait par exemple qu'il existe en France dix-neuf organisations de consommateurs reconnues comme représentatives, il convient de se demander si une commission à but scientifique doit comprendre des représentants de ces secteurs.

 Après avoir recueilli de nombreux avis en la matière, je pense finalement que non ; c'est également l'avis du panel de citoyens. Cela ne disqualifie naturellement pas ces organisations. Je pense qu'il serait plus adéquat que la C.G.B. ne rassemble que des scientifiques. De même, il ne me semble pas utile qu'un homme politique, en l'occurrence un membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, fasse partie de cette commission. Je propose donc que toutes ces personnes fassent partie de la Commission citoyenne.

 Il serait sans doute aussi utile que les scientifiques membres de la C.G.B. puissent avoir des avis différents sur un certain nombre de problèmes. A cet égard, il faut noter qu'à ma connaissance, aucun membre de cette commission n'a utilisé les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1992, qui dispose que " les membres de la commission peuvent joindre une contribution personnelle au rapport annuel ". L'utilisation de cette disposition pourrait permettre l'expression de jugements critiques et constructifs sur le fonctionnement de la C.G.B. et aussi sur la procédure d'autorisation des plantes transgéniques.

 Mais, au-delà de ces insuffisances, il paraît nécessaire de remettre en route très rapidement la C.G.B.

 En effet le problème de la paralysie de la C.G.B. se pose depuis le mois de février 1997, suite à la démission de M. Axel Kahn. Quatorze mois après, il devient très urgent de procéder à la fois à la nomination des nouveaux membres de cette commission ainsi que de son président : il conviendrait que cela soit chose faite au plus vite. Il convient donc de pérenniser la C.G.B. telle qu’elle est actuellement, bien qu’insuffisante, afin de ne pas paralyser l’instruction des dossiers. Il m’a été d’ailleurs indiqué, de ce point de vue, que des entreprises françaises avaient déjà déposé des demandes dans d’autres pays européens compte tenu de cette situation.

 d - Améliorer l’articulation entre expertise et décision politique : comment prendre des décisions politiques dures sur des certitudes scientifiques molles ?

 L’amélioration de l’articulation entre expertise et décision politique est certainement indispensable dans la mesure où, par exemple, concernant ce dossier des plantes génétiquement modifiées, on sent très bien la difficulté de compréhension de nos concitoyens vis-à-vis de décisions scientifiquement fondées mais incomprises.

 Il est patent que les avis de la C.G.B. ont été, au fil du temps, de moins en moins consultatifs, sans que l’on puisse d’ailleurs le lui reprocher, et de plus en plus décisionnels. Il est ainsi arrivé que l’échelon politique s’en remette de fait à l’avis de cette commission, qui, à juste titre, ne pouvait pas évaluer les incidences proprement politiques de ses propres avis.

 Ce hiatus entre expertise et décision politique s’exprime de façon très importante dans le cas des organismes génétiquement modifiés. En effet leur irruption dans l’actualité a, semble-t-il, considérablement renforcé le sentiment que la science semble devenir de plus en plus lointaine et mystérieuse alors même qu’elle intervient de plus en plus dans la vie de tous les jours. On a aussi l’impression que face à cette situation, le citoyen souhaite de plus en plus savoir comment on décide, quels sont les paramètres sur lesquels se fondent les décisions.

 Il y a là, je pense, le souhait que l’évolution des sciences n’ait pas pour résultat une diminution des choix possibles et l’installation de mécanismes de prise de décision opaque. La demande d’étiquetage des aliments issus d’un processus faisant intervenir des plantes transgéniques est l’illustration de cette position.

 C’est pour ces raisons qu’il faut très distinctement faire la différence entre l’expertise et la décision.

 Les experts se doivent tout d’abord de faire l’état des connaissances. Ensuite ils doivent répondre aux questions qui leur sont soumises par les politiques. Leur rôle n’est pas dès lors de rentrer dans un débat de nature politique consistant à déterminer ce qui est bon ou non pour une société donnée. Il faut en effet se garder de la situation où l’expert peut être soumis à la tentation de porter un jugement d’ordre moral ou politique en défendant une décision.

 Ce serait alors, in fine, au politique, dépositaire du pouvoir et de l’intérêt collectif, de faire, malgré les incertitudes et les ignorances scientifiques, le choix qu’il proposera à ses concitoyens. Il pourrait aussi s’efforcer de faire comprendre que toute décision est intrinsèquement pleine d’incertitude mais que le risque est inhérent à la vie.

 

CHAPITRE III

 La nécessité de la recherche

On assiste dans ce domaine à une véritable offensive dans toutes les directions des Etats-Unis. Cette action est menée par les grandes entreprises mais aussi par une multitude de petites entreprises et par les universités, aussi modestes que celles-ci puissent apparaître.

 L’orientation est très claire : il faut absolument que l’Union européenne et la France puissent rester dans la compétition mondiale qui vient à peine de s’amorcer mais qui se dessine très nettement. Cette exigence est très forte dans le domaine de la génomique où nous évoquerons la position et les atouts de notre pays. Le panel des citoyens l’a bien compris en déclarant que " le gouvernement doit augmenter les moyens de la recherche publique en France afin que notre pays ne prenne pas de retard vis-à-vis des autres pays et que les autorités publiques puissent assumer efficacement leur mission de décision et de contrôle ".

A - Rester dans la compétition mondiale

 Le domaine où se jouera cette compétition mondiale est très clairement identifié : c’est celui de la connaissance et du fonctionnement du génome qui nécessitera le développement d’outils nouveaux dont font partie les puces à A.D.N. La compétition mondiale se joue aussi dans le domaine des brevets dont les procédures de délivrance ne sont pas indifférentes à la compétitivité de ce secteur qui se caractérise de plus en plus par les performances des petites structures.

 a - La connaissance et le fonctionnement du génome

 Les dirigeants de Monsanto rencontrés au cours de ma mission aux Etats-Unis ont attiré mon attention sur le fait que l’on pouvait faire un parallèle entre le développement des connaissances dans le domaine de l’informatique et celui de la connaissance des gènes.

 Tout le monde se souvient sans doute en effet qu’en 1965, Gordon Moore prédisait que la puissance des puces de silicium doublerait tous les dix-huit ou vingt-quatre mois. Ce phénomène, maintenant connu sous le nom de " Loi de Moore ", s’est confirmé et a été illustrée par la courbe très fortement ascendante de la croissance et de la valeur économique de l’industrie électronique.

 Les dirigeants de cette entreprise ont, modestement, baptisée " loi de Monsanto ", le fait que la capacité actuelle d’identification et d’utilisation des informations génétiques doublerait tous les douze-vingt-quatre mois.

 Les deux graphiques illustrant ces deux phénomènes mis en parallèle sont en effet assez démonstratifs :

 

Actuellement l’approche de la recherche dans ce domaine devient très intégrative. Elle vise en effet à replacer les gènes dans un contexte fonctionnel et organisationnel au niveau des grandes fonctions de l’organisme, qu’il s’agisse de micro-organismes ou d’organismes supérieurs comme les animaux ou les végétaux.

 Quatre grands domaines semblent devoir plus particulièrement être explorés:

 - La génomique fonctionnelle

 Elle doit intégrer les connaissances élémentaires des génomes pour mieux en connaître le fonctionnement, la structure et la dynamique. Elle doit aussi préparer les applications technologiques à hautes performances qui s’annoncent et dont il sera plus particulièrement question dans le prochain paragraphe, c’est-à-dire les criblages à haute densité sur puces à A.D.N.

 Trois axes ont été identifiés comme fondamentaux dans ce domaine :

 - la maîtrise des gènes : il faut apprendre à les connaître, à les assembler pour pouvoir créer des variétés végétales plus performantes,

 - la préservation des gènes : il faut préserver la biodiversité, réservoir des modifications génétiques du futur,

 - la maîtrise microbiologique : il faut se rendre maître des agents pathogènes, notamment dans les processus de transformation et de conservation des produits, secteurs où les agents microbiologiques jouent un rôle majeur.

 - La biochimie structurale des macromolécules biologiques

 L’objectif est ici d’associer des structures tridimensionnelles à des fonctions spécifiques. Les technologies nouvelles comme l’imagerie à résonance magnétique (I.R.M.), la spectrographie de masse, la diffraction de rayons X ou de rayonnement synchrotron sont maintenant accessibles aux biologistes. Ces techniques permettent d’approcher les dynamiques des assemblages de ces macromolécules.

 - L’étude des grandes fonctions des organismes

 Elle concerne principalement la biologie du développement, la neurobiologie et la physiologie.

 Dans ces domaines la souris va tenir une place éminente parmi les modèles expérimentaux. Compte tenu des avancées très importantes dans la modification contrôlée du génome de ce mammifère, on peut prévoir le développement d’une génétique dont l’ampleur et l’intérêt sont sans doute comparables à ceux qu’a connu la génétique de la drosophile dans les années 1930.

 - La physiologie et la physiopathologie des micro-organismes

 Ce domaine devrait être largement irrigué par le décryptage des génomes des micro-organismes dont les principales retombées devraient se faire dans le domaine du développement de nouveaux agents thérapeutiques.

 b - Une technologie d’avenir : les puces à A.D.N.

 Un des indices de l’importance de cette technologie réside sans doute dans le fait qu’il ne m’a jamais été possible, lors de mes missions préparatoires à ce rapport, de me faire présenter matériellement ces fameuses puces par les entreprises qui mènent une recherche très active dans ce domaine.

 Comme le notent MM. Michel Bellis et Pierre Casellas dans le numéro de novembre 1997 de la revue " Médecine/ Sciences ", " la puce à A.D.N. est une méthode révolutionnaire pour identifier et doser les constituants d’un mélange complexe d’A.D.N. ou d’A.R.N. grâce à l’hybridation en parallèle sur une centaine de milliers de microsurfaces greffées avec des sondes. Le développement industriel des puces à A.D.N. repose sur la combinaison des techniques de la micro-électronique, de la chimie, de la biologie moléculaire et de l’informatique. Leurs applications concernent tous les domaines de la génétique médicale, du séquençage du génome, à la recherche de mutations responsables de maladies génétiques et au développement de nouveaux médicaments.

 La figure suivante extraite de la même revue ainsi que le texte explicatif, montre le schéma d’une puce à A.D. N. :

" Les oligonucléotides ou polynucléotides simple brin greffés sur la puce constituent les sondes dont le rôle est de détecter les cibles complémentaires, marquées par fluorescence, présentes dans le mélange complexe à analyser. Les sondes sont, soit déposées par une tête d’impression commandée par un robot, soit synthétisées in situ, uniquement pour les oligonucléotides. L’élément matériel principal de la puce à A.D.N. est l’unité d’hybridation (UH) qui a une adresse connue sur la puce et qui correspond, par exemple, à un gène indexé dans un catalogue. Après hybridation et lavage, le signal moyen de chaque unité d’hybridation est enregistré grâce à un microscope confocal. Enfin le traitement numérique du signal permet d’établir la concentration exacte des cibles. "

 Comme le notent ces auteurs, " [...] la puce à A.D.N. en tant qu’objet technologique est le résultat dans sa forme la plus simple, du mariage des techniques de miniaturisation propres à l’informatique et de la chimie des nucléotides. "

 Les applications actuelles de ces puces sont les suivantes :

 - séquençage par hybridation : c’est l’une des applications les plus en pointe et un moteur de développement de ces puces,

 - profil d’expression d’A.R.N.m,

 - criblage de mutations.

 Le marché des puces à A.D.N. est largement dominé par les firmes américaines Affymetrix, développant la technique de la photolithographie, et Synteni, utilisant le micropipetage.

 Mais un grand nombre de sociétés s’y intéressent et essaient de développer des solutions alternatives concernant certains segments de la technologie, notamment la détection et le traitement du signal. On ne peut que se féliciter de constater que deux filiales du Commissariat à l’énergie atomique, CIS bio et le Laboratoire d’électronique et d’instrumentation (L.E.T.I.), soient très présentes en association dans ce domaine avec une technologie originale, l’adressage électrochimique.

 Il y a un accord unanime pour considérer que les quelques réalisations déjà effectuées par ces puces illustrent leurs immenses potentialités auxquelles il est prédit un avenir qui serait semblable à celui de la P.C.R.

 Il me semble qu’il est tout à fait souhaitable que l’exemple de CIS bio et du L.E.T.I. soit suivi par d’autres entreprises françaises afin de pouvoir détenir sinon l’ensemble, tout au moins une partie, du savoir faire en la matière. L’emploi de ces techniques seront certainement dans l’avenir routinier, à l’exemple actuel des techniques de P.C.R. Il ne faut pas oublier que le brevetage systématique de ces techniques permet d’envisager des retours sur investissements.

 Les recherches pour accélérer la connaissance des différents génomes conduisent à mettre à contribution l’industrie de l’informatique dont certaines entreprises se rapprochent des acteurs de la filière agrochimique. Il en est ainsi par exemple de l’accord conclu entre Monsanto et I.B.M., cette dernière apportant une nouvelle génération d’algorithme d’analyse des génomes. Il se crée ainsi une nouvelle branche commune à l’informatique et à la biologie, la bio-informatique.

 c - Le problème de la brevetabilité

Pendant des années, on a pu penser que les génomes échappaient à la protection par brevets, les arguments reposant en général sur la non brevetabilité du vivant. Il est de fait que cette argumentation s’est progressivement affaiblie. C’est ainsi qu’à partir de 1980 et la décision " Chakrabarty " de la Cour suprême des Etats-Unis on a breveté des espèces végétales, puis des micro-organismes et même des espèces animales, en l’occurrence des souris oncogènes.

 Le problème de la brevetabilité des résultats de la recherche en biotechnologie s’est posée de façon de plus en plus aiguë au fur et à mesure que la lourdeur des investissements s’accroissait et que la concurrence s’exacerbait entre tous les protagonistes de cette recherche. Ce mouvement peut s’expliquer par le fait que le brevet accorde un droit exclusif à exploiter une invention pendant un laps de temps déterminé, ce qui permet au détenteur de ce droit de pouvoir espérer rentabiliser ses investissements.

 L’importance des brevets concernant les plantes transgéniques peut se mesurer avec ce diagramme extrait d’une publication de l’I.N.I.S.T. de Nancy :

 

On voit qu’à partir de 1987, les brevets concernant les plantes transgéniques " décollent " littéralement pour devenir le premier secteur de publication de brevets.

Ce problème de la brevetabilité dans le domaine des biotechnologies est actuellement un problème de tout premier plan pour les industries semencières et agro-chimiques comme me l’ont confirmé tous mes interlocuteurs responsables d’entreprises de ce secteur.

 On ne se livrera pas dans ce paragraphe à une analyse détaillée des systèmes de protection des inventions biotechnologiques. On évoquera seulement deux points : la position européenne et le problème de la comparaison des situations européenne et américaine en la matière.

 - La position européenne

 Le Parlement européen vient enfin, après dix ans de discussions, d’adopter un texte sur la protection juridique des inventions biotechnologiques. Le texte fait la distinction entre " découverte " et " invention ". Ainsi un gène en tant que tel n’est pas brevetable car ce n’est pas une découverte. Mais le même gène est brevetable s’il est isolé et cloné, par exemple dans un micro-organisme pour fabriquer une protéine recombinante, car il s’agit alors d’une invention. Comme pour tous les brevets, il faut aussi que la faisabilité de l’invention soit démontrée et que les modalités de sa mise en œuvre soient décrites.

 L’ensemble des dispositions adoptées par le Parlement européen rapproche de façon assez sensible les positions européennes de celles en vigueur aux Etats-Unis. Mais un certain nombre de différences subsistent et représentant un avantage pour nos concurrents américains comme me l’ont exposé notamment les responsables de la coopérative Limagrain.

 - La comparaison des situations européenne et américaine.

 Avant d’évoquer les situations comparées des deux ensembles, on notera la prédominance des Etats-Unis dans le domaine des plantes transgéniques comme le montre le tableau élaboré d’après la publication de l’I.N.I.S.T. déjà citée : 

 

Etats-Unis

Europe

Japon

Reste du Monde

total

Brevets publiés par zone

49 %

31 %

14 %

6 %

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 En matière de brevets deux problèmes font difficulté : une opposition sur le caractère brevetable des variétés végétales et des séquences de gènes; l’existence de dispositions juridiques et de procédures plus efficaces pour les industriels américains dans les domaines soumis au brevet.

 Ÿ Une opposition sur le caractère brevetable des variétés végétales et des séquences de gènes

 En Europe, les variétés végétales ne sont pas brevetables mais sont soumises au régime de protection du certificat d’obtention végétale (C.O.V.). Ce mécanisme garantit l’exemption de recherche c’est-à-dire l’accès au patrimoine génétique comme source d’enrichissement de la sélection variétale.

 Aux Etats-Unis, le choix est notamment offert entre une protection de type C.O.V., le Plant variety protection certificate, et une protection par brevet d’invention, l’Utility patent. Ce dernier est utilisé de façon croissante par les industriels américains pour s’opposer au privilège de l’agriculteur et à l’exemption de recherche. Cela leur permet ainsi d’interdire l’utilisation du produit breveté à des fins de recherche. Cette interdiction porte sur l’ensemble du génome d’une variété brevetée ou contenant un gène d’intérêt breveté. Cela empêche aussi finalement de ce fait d’améliorer des invention brevetées, source indéniable de progrès.

 Il faut noter à cet égard que les Etats-Unis étant le seul pays à présenter cette exception, il semble indispensable d’obtenir sur ce point une harmonisation internationale dans le cadre des futures négociations de l’Organisation mondiale du commerce.

 Un autre problème réside dans le fait qu’aux Etats-Unis, le critère d’utility, que l’on peut traduire par " applicabilité industrielle " ne semble pas suffisant pour faire obstacle à la brevetabilité de séquences d’A.D.N. même si leur rôle est uniquement de servir de sonde de recherche. Par contre l’Europe s’en tient au fait qu’un gène n’est brevetable que si l’on en décrit la fonction.

 Cette formulation semble bien en effet exclure du champ de la brevetabilité les séquences dont l’utilité se limite à être des outils de recherche sans finalité clairement exposée, cette position étant motivée par le souci de ne pas décourager la recherche en instituant une sorte de " sous-brevet " qui contraindrait le véritable inventeur.

 Il convient de noter que ces deux limitations à la brevetabilité du matériel végétal et des inventions biotechnologiques ont été récemment réaffirmées par la profession semencière française.

 Ÿ L’existence de dispositions juridiques et de procédures plus efficaces pour les industriels américains dans les domaines soumis au brevet

 - Le droit au brevet

 Il y a là une différence fondamentale puisque le droit américain accorde un brevet au premier inventeur (first-to-invent) alors que l’Europe et le reste du monde confèrent le droit au premier déposant (first-to-file).

 - Le délai de grâce

 Celui-ci m’a été très souvent signalé par mes interlocuteurs comme constituant un avantage important pour les demandeurs souhaitant une protection par brevet aux Etats-Unis, et donc, au premier chef, pour les industriels américains.

 Ce système permet le dépôt d’une demande de brevet bien qu’une publication ait été réalisée antérieurement à cette demande. Même si ce délai est limité à un an, il constitue un avantage certain par rapport à la situation européenne où une telle publication antérieure est destructrice du brevet en général.

 Cette situation apparaît d’autant plus avantageuse que les chercheurs sont de plus en plus incités à publier très rapidement leurs découvertes et leurs travaux compte tenu du climat d’intense concurrence qui s’est installé dans ce secteur de la science.

 - La publication des demandes de brevets

 Les demandes de brevets sont en règle générale publiées en Europe dix-huit mois après leur dépôt. Aux Etats-Unis celles-ci ne sont publiées qu’après la délivrance du brevet. Jusqu’à la délivrance la demande reste donc secrète, ce qui constitue pour les industriels européens un handicap majeur en matière de veille technologique et concurrentielle.

 - La durée de la procédure

 En Europe, la procédure de délivrance est en moyenne plus longue qu’aux Etats-Unis : de quatre à cinq ans contre deux à trois ans.

 Il s’avère au total que la délivrance d’un brevet est, aux Etats-Unis, très facilitée par rapport à la situation prévalent en Europe, ce qui désavantage l’industrie européenne dans sa globalité. Cette situation amène ainsi un certain nombre d’entreprises européennes, dont des françaises, à présenter des demandes de brevets aux Etats-Unis. C’est ainsi qu’en 1996 sur les 4 844 brevets accordés, le Patent and trademark office (P.T.O.) a accepté 149 demandes d’origine française.

 Il me semble donc nécessaire que l’Europe, sans renoncer à ses principes éthiques et à un certain nombre de dispositions comme le C.O.V., puisse affronter ses concurrents d’Outre-Atlantique à armes égales.

 Il sera indispensable de poser ce problème à l’échelon de l’Organisation mondiale du commerce. Dans cette enceinte, la plus grande vigilance devra être observée pour que les solutions visant à obvier à ces déséquilibres ne se fassent pas au détriment des intérêts européens et encore moins de ses principes éthiques.

 Au delà des différences de procédures et de législation entre les Etats-Unis et l’Europe, il semble, comme vient de le signaler le Conseil économique et social, qu’il y ait un problème en France d’utilisation de cette arme essentielle, stratégique, qu’est le brevet dans la compétition internationale. Il semble indispensable que cette situation change : elle exige peut-être une réforme de notre système d’attribution de ces brevets ainsi certainement qu’un abaissement du coût d’établissement ainsi qu’une obligation de publier les séquences.

 d - Le problème des structures de recherche

 J’ai déjà évoqué ce problème en soulignant qu’aux Etats-Unis la recherche de pointe en biotechnologie est de plus en plus le fait de petites entreprises créées à l’initiative de chercheurs indépendants ou enseignants d’une Université. Ce type de structure présente l’avantage de permettre une grande liberté de recherche et d’inventivité, éléments indispensables pour permettre des percées conceptuelles.

 Il est patent que ce type d’entreprise a toujours eu du mal à s’implanter en France. Outre les raisons avancées par M. Alain Coleno et rappelées supra, les causes de cette situation sont assez bien connues : moindre goût du risque en France qu’aux Etats-Unis, existence des grands organismes de recherche, moindre influence des universités de ce fait en France par rapport aux Etats-Unis et enfin difficultés propres au statut d’un certain nombre de candidats potentiels à la création de ces entreprises.

La moindre appétence pour le risque ne peut certainement pas être supprimée du jour au lendemain, mais un certain nombre de mesures peuvent être prises afin de remédier à certains des blocages existants.

C’est le sens des mesures que le Premier ministre vient d’annoncer en déclarant aux récentes Assises de l’innovation qu’" une politique de l’innovation doit s’accompagner d’une modification profonde des relations entre l’Etat et les acteurs du processus de production et de création ", M. Christian Pierret, secrétaire d’Etat à l’industrie déclarant, quant à lui, qu’il n’y a " pas d’esprit d’entreprise sans goût du risque et sans rémunération ". M. Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie a annoncé, lors de son audition, qu’une loi serait présentée à la fin de l’année 1998 au Parlement afin de " faciliter pour les chercheurs la création d’entreprise, la participation aux conseils d’administration des entreprises et d’une façon générale la modification du statut des chercheurs, car, actuellement nous sommes dans une situation absurde ".

 Concernant la rémunération des capitaux, le gouvernement a déjà engagé trois initiatives : nouveau régime des reports d’imposition des plus-values réinvesties dans les P.M.E. innovantes, bons de souscription des parts de créateur d’entreprise et statut fiscal favorable des contrats dits " DSK ".

 D’autres mesures destinées à encourager la prise de risques ont été envisagées :

 - possibilité pour les chercheurs de partager leur temps entre laboratoires privés et publics;

 - mise en place d’un fonds d’amorçage d’un montant annuel de 100 millions de francs intervenant sur la phase initiale des projets innovants avant le recours au capital-développement;

 - reconduction sur cinq ans des crédits d’impôt recherche; nouveau statut des actions à statut privilégié, dites stock options;

 - extension du système de bons de souscription des parts de créateurs d’entreprise aux entreprises de moins de quinze ans, contre moins de sept ans aujourd’hui.

 Certes ces mesures ne bénéficieront naturellement pas qu’aux entreprises de biotechnologie. Elles seront cependant peut-être susceptibles, à terme, de modifier dans un sens positif le paysage de ce secteur et encourager fortement la création de ces entreprises innovantes qui font cruellement défaut à notre pays.

 Il convient maintenant d’examiner la situation de la France dans ce secteur hautement stratégique de la génomique.

 B - La situation de la France dans le domaine de la génomique

 Le caractère stratégique de ce secteur a déjà été souligné. Les intervenants français dans ce domaine sont l’I.N.R.A., l’industrie et enfin le Centre national de séquençage qui vient de se mettre en place.

 - L’Institut national de la recherche agronomique

 L’I.N.R.A. s’est déjà engagé depuis un certain temps dans ce domaine. Son activité s’inscrit donc dans une certaine continuité. Elle comprend l’analyse des génomes d’espèces-modèles, comme Arabidopsis thaliana, ou d’espèces d’intérêt économique comme les levures, bacillus subtilis, bovins, porcs, maïs, blé, tournesol.

 Il convient de noter à ce propos qu’il semble de première importance pour la France de faire un effort particulier sur la connaissance du génome du blé, compte tenu de l’importance de cette plante à la fois dans nos productions actuelles et aussi dans notre histoire agricole et alimentaire.

 Si l’activité principale dans le maïs peut être reconnu comme l’apanage des Etats-Unis, la France doit revendiquer celui du blé et donc consentir dans ce domaine un effort conséquent.

 - L’industrie

 Nous avons déjà évoqué le rôle du groupe Rhône-Poulenc. Dans ce domaine Rhône-Poulenc Agro et Biogemma ont regroupé leurs forces au sein d’une société mixte possédée à parité appelée Rhobio. L’objectif est, comme on l’a déjà mentionné, d’associer les compétences complémentaires développées par les partenaires : Rhône-Poulenc Agro dans le domaine de l’identification et de l’insertion des gènes, ses partenaires en matière de semenciers et de création variétale.

 Dans un premier temps, Rhobio devrait travailler sur la résistance des plantes à certaines maladies, sur le développement de technologies de génie génétique et sur l’enrichissement des bibliothèques de gènes d’un certain nombre de végétaux.

 Il est indubitable que l’industrie devra faire d’importants efforts dans ce domaine, qui devront être à l’aune des intérêts en jeu.

 - Le Centre national de séquençage

 Le Centre national de séquençage, constitué sous forme de groupement d’intérêt public (G.I.P.), a commencé à se mettre en place à la fin de l’année dernière à Evry.

 Il s’agit d’un site qui a vocation à devenir le grand pôle français en matière de génétique. Son objet est le décryptage et la cartographie de génomes. Il participera notamment au programme de séquençage d’Arabidopsis thaliana.

 Courant 1998, devrait s’installer sur le même site, un autre G.I.P., le Centre national de génotypage, dont les activité sont complémentaires puisque son objet est d’étudier les différentes variantes existant sur un même gène, le polymorphisme.

 Mais ce centre a vocation à réunir des petites entreprises de recherches comme Genset, chef de file européen de l’analyse du génome humain et l’un des premiers producteurs mondiaux d’A.D.N. de synthèse.

 Rhône-Poulenc Rorer est l’une des autres entreprises à être présente sur ce site. Cette firme a ainsi installé là son laboratoire de génotypage, de clonage et de bio-informatique. Une plate-forme sur la biologie moléculaire des plantes avec, notamment Rhobio, devrait également travailler là.

 L’université d’Evry devrait également créer, à terme, plusieurs postes d’enseignants-chercheurs en biologie ainsi qu’un Institut universitaire professionnel en génie biologique et en bio-informatique.

 Il est nécessaire de saluer cette création qui est susceptible de d’engager le type de synergies capables d’engager un processus vertueux de créativité qui a si bien réussi à nombre de campus américains.

 On peut peut-être regretter cependant que cette création récente ait été faite en région parisienne, déjà si bien pourvue en établissements de recherche. Ma préférence aurait été de situer un tel regroupement dans une ville de province. Mon souhait, maintenant, est que des liens soient créés entre ce pôle de recherches en biotechnologies et quelques universités et des centres de recherche en France afin de faire diffuser les compétences. Le génoscope d’Evry devrait essaimer dans trois ou quatre satellites en France, en transférant rapidement le savoir-faire acquis.


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