Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires
Deuxième partie :

La reconversion des stocks de plutonium militaire
L'utilisation des aides accordees aux pays d'Europe centrale
et orientale et aux Nouveaux États Indépendants

Par M. Claude Birraux,
Député

Première partie
La reconversion à des fins civiles des stocks de plutonium militaire
(suite)

Chapitre 8 : Les solutions d'avenir : réacteurs du futur et utilisation du plutonium 101

Section I : les voies d'amélioration des réacteurs nucléaires 101
A - l'amélioration des combustibles 102
B - L'amélioration des réacteurs 102
C - Quel avenir pour le plutonium combustible ? 103
D - Les paramètres physiques et technologiques associés à ces améliorations 104
E - Les limites des réacteurs actuels 104

Section II : La Technologie des Réacteurs à Haute Température Refroidis à l'Hélium 105
A - Les objectifs du GT-MHR (gas turbine modular helium reactor) 105
B - L'historique du projet 106
C - L'avenir de ce concept 107
D - Le projet GT-MHR pour la Russie 108
E - Le rôle du GT-MHR dans le programme d'ensemble d'élimination du plutonium 108
F - Le calendrier 109

Section III - Le projet de Carlo Rubbia 114
A - Les objectifs du projet 114
B - Les incertitudes sur ce projet demeurent nombreuses 118

Conclusion 121

Chapitre 8 : Les solutions d'avenir : réacteurs du futur et utilisation du plutonium

L'avenir de l'énergie nucléaire passe, tous mes interlocuteurs en ont convenu, par le règlement du problème des déchets, condition de l'acceptabilité de l'énergie nucléaire par l'opinion et l'assurance que, par construction, la nouvelle génération de réacteurs réduira à néant les risques d'explosion.

Dans cette perspective des recherches importantes sont engagées dans la conception de réacteurs intrinsèquement sûrs et brûleurs de déchets, en particulier de plutonium.

Le plutonium n'est pas seulement un combustible nucléaire mais le moyen s'il se profilait une pénurie d'uranium, de valoriser le stock d'uranium appauvri.

Il est possible de brûler le plutonium dans tous les types de réacteurs nucléaires mais, pour atteindre un équilibre et assurer le recyclage des déchets radioactifs sous la forme de combustible plusieurs voies sont possibles.

Nous examinerons plus précisément les types de réacteur les plus intéressants pour brûler du plutonium dans les sections suivantes mais au préalable il me paraît intéressant de présenter succinctement les principes qui président aux diverses solutions envisageables.

Section I : les voies d'amélioration des réacteurs nucléaires

Ces dernières années de nombreux concepts de réacteurs nucléaires innovant ont vu le jour. Quasiment tous s'attachent à démontrer que leur mise en _uvre est de nature à améliorer la sécurité en rendant par construction impossible un accident de type Tchernobyl et permettrait de régler de manière satisfaisante le problème des déchets, en particulier du plutonium.

Il est nécessaire toutefois de garder à l'esprit que la conception et les essais d'un nouveau réacteur s'étalent généralement sur une période de 15 à 20 ans, en fonction du soutien politique accordé à ce projet et des ressources disponibles.

Le handicap d'une nouvelle filière résulte aussi dans la nécessité de disposer d'un retour d'expérience de plusieurs années pour s'assurer de la sûreté d'une nouvelle filière, préalablement au lancement industriel d'une série.

Or la filière des réacteurs à eau pressurisée présente l'avantage de disposer d'une R&D largement amortie. Cette situation rend difficile l'émergence d'une nouvelle filière sans aide publique, ce qu'à compris le Congrès des Etats-Unis avec le GTMHR, seule filière novatrice qui, à la connaissance de votre Rapporteur, dispose de financements publics importants.

Deux voies de recherche sont possibles : l'amélioration des combustibles et celle des réacteurs1

A - l'amélioration des combustibles

Améliorer le spectre thermique ce qui implique d'ajouter de 1'uranium 235 et d'optimiser les conditions de combustion du plutonium.

Les innovations technologiques qui se profilent font apparaître, parmi les diverses possibilités de multirecyclage en réacteur à eau les combustibles avancés tels que l'APA (Assemblage Plutonium Avancé).

Il s'agit d'un multirecyclage sur matrice inerte (sans support fertile uranium), avec un rapport local de modération porté au voisinage du plutonium et concentré dans un nombre réduit de crayons spéciaux.

En optimisant les conditions d'utilisation du plutonium et en évitant sa production dans un support fertile, l'APA constitue un outil de recyclage très performant. Le CEA a mis en _uvre un programme de R&D pour son développement (combustible et cycle) et sa qualification.

B - L'amélioration des réacteurs

Déplacer le spectre vers les neutrons rapides, ce qui permet au c_ur de consommer plus en noyaux lourds, même vis-à-vis d'un plutonium relativement dégradé.

Pour aller au-delà, il est également possible d'insérer des neutrons (de fusion, de spallation), afin d'enrichir le bilan neutronique de la fission. C'est le principe des systèmes hybrides2 pour lesquels le recours au plutonium ne s'impose pas, si ce n'est comme auxiliaire pour faciliter la transmutation de certains déchets.

La mise en _uvre de ces deux options est illustrée par la politique annoncée par les russes

Le critère, pour "disposer" du plutonium militaire, est celui du "spent fuel standard" : un taux de combustion limité, qui peut être atteint dans des réacteurs à eau ordinaire (REO) existants (de type VVER en Russie) ou en RNR, permet de le satisfaire.

De 2007 à 2020, la perspective adoptée par la Russie consiste à utiliser de tels réacteurs existants, en construisant des usines pour la conversion et la fabrication du combustible selon des procédés éprouvés.

Au-delà de 2020, après la construction et le premier retour d'expérience d'un éventuel prototype, des HTR avec un combustible à particules chargées en PuO2, en cycle ouvert, représentent une option attrayante (cf. infra). La combustion du plutonium y serait très efficace car, le plutonium serait employé, comme combustible, en un seul passage, et la quantité de déchets se trouverait réduite dans des proportions importantes.

C - Quel avenir pour le plutonium combustible ?

Dans l'hypothèse où le parc nucléaire serait renouvelé en Europe et dans le monde, ce qui à l'heure actuelle est loin d'être évident. Les Réacteurs à Eau Ordinaire auraient deux atouts essentiels : leur expérience et leur capacité d'adaptation.

Dans cette perspective, le plutonium peut être brûlé dans les REO, avec des combustibles avancés. C'est la perspective ouverte par exemple pour l'EPR 3

Même dans le cas des hybrides, l'adjonction de plutonium, d'une qualité éventuellement médiocre pour les REO, permet de mieux équilibrer la neutronique de « c_urs de transmutation ». Une étude est en cours pour évaluer de tels scénarios, en recherchant s'il existe une proportion de plutonium optimale, constituant un auxiliaire efficace en seconde strate et contribuant à alléger le multi-recyclage en REO. Ces études se situent dans le cadre des recherches menées pour la Loi de 91.

La mise en _uvre à un stade industriel éventuel de systèmes hybrides et du cycle du combustible associé ne se situerait vraisemblablement pas avant 2050.

Une nouvelle filière de " réacteur du futur " ne pourrait se substituer aux réacteurs actuels au cours du renouvellement du parc ou s'y adjoindre dans des proportions significatives en tant que précurseur de la prochaine « strate technologique » ou, perspective peut-être plus réaliste, se développer sur de nouveaux marchés, en complément de la production d'électricité sur un réseau centralisé que si les conditions suivantes sont remplies.

- la compétitivité,

- la sûreté,

- une" propreté "accrue se traduisant par : le caractère omnivore du c_ur vis-à-vis des noyaux lourds, permettant la mise à l'équilibre de l'inventaire et des compositions isotopiques, et la capacité de recyclage et une séparation performante.

Des atouts complémentaires pourraient être trouvés en développant l'aptitude à la décentralisation et au positionnement sur de nouveaux marchés : chaleur, chimie, production d'hydrogène, etc.

D - Les paramètres physiques et technologiques associés à ces améliorations

Les paramètres physiques et technologiques associés à ces améliorations sont :

· La capacité du c_ur (caloporteur et combustible) à disposer d'un spectre adaptable comportant une forte composante de neutrons rapides. Cette propriété est favorable à la fission et à un bilan de neutrons élevé. Elle est à la base du caractère omnivore et de l'aptitude à l'iso-génération, gage de sobriété à l'avenir.

· Les hauts rendements thermodynamiques sont associés aux hautes températures. Ils favorisent la compétitivité et réduisent à la source la production de déchets. Un cycle thermodynamique direct (cycle de Brayton en gaz) offre de surcroît une simplification d'architecture et une compacité également favorable à la compétitivité.

· Le recyclage impliqué par l'exigence accrue de propreté. Il est important d'atteindre des taux de combustion élevés. Le retraitement et la fabrication du combustible doivent être économiques et rapides afin de sauvegarder la compétitivité et de limiter l'inventaire dans le cycle hors réacteur. Les performances de séparation doivent être satisfaisantes

Les réacteurs à eau pressurisée actuels présentent des limites intrinsèques qui expliquent que beaucoup de chercheurs estiment qu'il est nécessaire aujourd'hui de développer de nouveaux concepts pour assurer en particulier la maîtrise du plutonium.

E - Les limites des réacteurs actuels

Les limites des réacteurs apparaissent dans les secteurs suivants :

En propreté « intrinsèque, en raison du spectre thermique insuffisamment rapide.

En compétitivité, en raison d'un rendement thermodynamique limité.

L'alternative est donc un Réacteur à Haut Rendement et intrinsèquement Omnivore.

La physique et la technologie indiquent la voie des réacteurs à haute température refroidis au gaz, à spectre adaptable, comme la plus mûre à l'horizon 2020 - 2050.

Les contraintes et le calendrier industriels doivent être pris en compte. Le planning d'introduction des réacteurs du futur paraît alors tendu, si l'on considère le temps nécessaire au développement d'un prototype et au retour d'expérience préalable à une industrialisation de cette filière.

Section II : La Technologie des Réacteurs à Haute Température Refroidis à l'Hélium

Votre Rapporteur a participé à Paris les 28 et 30 juin 1999 à un colloque consacré au développement de la filière des GTMHR qui a permis de faire le point sur les travaux , au départ initiés par les Américains les Russes. rejoint par les Français via Framatome en 1996 et les Japonais à travers Fuji en 1997.

A - Les objectifs du GT-MHR (gas turbine modular helium reactor)

Le GTM-HR est un réacteur modulaire à haute température (850°celsius) refroidi par de l'hélium et non par de l'eau ce qui permet d'éviter la corrosion. En outre les produits de fission (les plus dangereux des déchets radioactifs) sont piégés dans une matrice en céramique par un réacteur doté d'une grande efficacité plutonigène (90% de plutonium brûlé) qui ne produit pas lui-même du plutonium, contrairement aux centrales classiques.

Officiellement le projet GT-MHR poursuit deux objectifs :

- Eradiquer le plutonium russe issu des armes à hauteur de trois tonnes par an.

- Produire une énergie compétitive à partir d'un réacteur de petite puissance avec un combustible qui peut être de différents types (plutonium ou uranium).

Les atouts espérés de ce nouveau réacteur sont multiples: une sûreté garantie; une capacité remarquable à détruire le plutonium; Une haute efficacité, une excellente compétitivité ainsi que le respect de l'environnement.

B - L'historique du projet

Les premières études ayant conduit au concept actuel de réacteur nucléaire modulaire à haute température. ont débuté en 1993 initiées par la firme General Atomics (GA) qui, s'est appuyé sur la technologie des réacteurs refroidis à l'hélium, développée par cet industriel. Elle est à la base du développement du GT-MHR, réacteur modulaire à hélium couplé à une turbine à gaz, adapté à la dénaturation du plutonium militaire.

Cette technologie est le résultat de développements étalés sur plus de quatre décennies dont Framatome nous décrit ainsi l'histoire.

« En effet l'idée de construire de petits réacteurs tournant à haute température et refroidis au gaz n'est pas nouvelle, elle résulte de l'idée qu'il est possible d'améliorer le rendement des installations en rapprochant la température des centrales nucléaires de celle des centrales brûlant du fioul ou du charbon.

« Le premier projet de réacteur refroidi à l'hélium, dirigé par GA fut Peach Bottom 1, une unité pilote de 115 Mwt construite et exploitée par PECO (Compagnie électrique en Pennsylvanie) dans le cadre d'un programme de démonstration initié par l'US Atomic Energy Commission. Le contrat fut signé en 1959; l'exploitation dura de 1967 à 1974 avec une très bonne disponibilité. Peach Bottom 1 fut la première réalisation d'un concept de réacteur à haute température intégré au réseau.

« Le deuxième projet piloté par GA fut le réacteur de 330 Mwé de Fort St Vrain, réalisation de démonstration commerciale, commune au gouvernement et à l'industrie, exploitée par la Compagnie Public Service Company of Colorado. Le contrat de cette centrale fut signé en 1965. Contrairement à Peach Bottom 1, Fort St Vrain fonctionna de 1976 à 1989 avec une mauvaise disponibilité. Les principales causes de pertes d'exploitation sont venues des paliers refroidis à l'eau d'un type nouveau, des soufflantes d'hélium d'une part et à des complications réglementaires soulevées à la suite de l'accident de Three Mile Island d'autre part. Malgré la mauvaise disponibilité, les études de cette centrale ont permis de démontrer le bon comportement de plusieurs composants et systèmes : les pièces internes du réacteur, la machine de chargement, la purification de l'hélium et les barres de contrôle. Le combustible élaboré sous forme de particules enrobées TRISO placées dans des blocs de graphite hexagonaux a eu un comportement exceptionnel.

« GA a ensuite conçu des unités de grande puissance basées sur la technologie de Peach Bottom 1 et Fort St Vrain. Des contrats pour dix grandes centrales HTGR ont été signés entre 1971 et 1974. Par la suite tous ces contrats ont été annulés suite à l'embargo pétrolier de 1973 qui conduisit à un taux de croissance de la consommation électrique bien plus faible aux Etats Unis. De 1974 à 1984, GA assuma un rôle de leader dans un programme soutenu par le DOE (Ministère de l'énergie) dans le but de développer des matériaux, des composants, le combustible, les performances du c_ur et les technologies de la centrale.

« A partir de l'expérience américaine des années 70 dans la construction des grandes centrales refroidies à l'eau, le Congrès des Etats Unis a commandé à GA une étude de réacteurs plus petits, plus simples et plus sûrs. En réponse, GA a conçu en 1984 le réacteur modulaire de 350 Mwt à haute température refroidi à l'hélium (MHTGR). Ce concept associait les principales caractéristiques d'un HTGR (hélium comme caloporteur, modérateur en graphite, combustible fait de particules enrobées de céramique) à des choix techniques lui conférant une sûreté passive assurée uniquement par des processus naturels de transfert thermique (conduction, radiation, convection) afin de dissiper la chaleur en cas de perte de réfrigérant. Le MHTGR de 350 Mwt utilisait un cycle de conversion énergétique à vapeur comme Peach Bottom 1 et Fort St Vrain. Par la suite, afin d'en améliorer la compétitivité, la puissance du réacteur passa à 450 Mwt. Tout en étant compétitif avec les centrales fossiles et les réacteurs à eau, ce modèle ne l'était pas avec les nouvelles centrales à gaz naturel et à cycle combiné. En 1993, tirant partie des développements technologiques de la dernière décennie dans le domaine des turbines à gaz, des échangeurs à plaques, des paliers magnétiques et des matériaux de cuve à haute température, le concept évolua vers le modèle GT-MHR associant le réacteur à une turbine à hélium.

« Il faut noter qu'en pratique les installations tests ont rencontré de multiples problèmes, en particulier des entrées d'eau intempestives dans l'enceinte de circulation du gaz, bien qu'aucun de ces problèmes ne soit insoluble leur multiplication liée aux incertitudes réglementaires a interdit de dépasser le stade des études. »

C - L'avenir de ce concept

Les avantages liés au développement d'une nouvelle filière ne sont pas minces:

Le GT-MHR est un réacteur à sûreté passive possédant à la fois une grande capacité de destruction du plutonium militaire et un rendement énergétique élevé. Aucun système actif de sûreté nécessitant une alimentation électrique ni aucune intervention d'opérateur ne sont nécessaires pour en assurer la sûreté ; 90% du plutonium militaire est détruit en un seul passage dans le réacteur (contre environ 50% de destruction dans un réacteur à eau utilisant du MOX) ; le rendement énergétique est de 48% soit 50% de plus que celui d'un réacteur à eau.

En effet les HTR procurent les rendements élevés recherchés (proches de 50%) en s'appuyant sur les technologies avancées des hautes températures qu'exploitent également les turbines à gaz.

Assurer le bouclage de la filière nucléaire est le principal atout de cette filière et il conduit à, sans l'éluder, regarder autrement le problème du prix de revient de ce type de centrale nucléaire. Car, dans la mesure où la mise en _uvre du GTMHR facilite le bouclage du site il doit être analysé comme une centrale électrique mais également comme un incinérateur.

Avec le recul l'abandon du surgénérateur de Creys-Malville apparaît à votre Rapporteur comme une décision prématurée qui a bloqué les recherches pour arriver à obtenir un cycle fermé.

Mais, si beaucoup d'ingénieurs sont enthousiastes, cela fait déjà plusieurs années que votre Rapporteur l'a constaté, le recours au GTM-HR, est une solution qui consomme du temps, de l'argent et surtout n'est pas opérationnelle avant 2020. Aussi à court terme. la seule solution réaliste passe-t-elle par l'utilisation des réacteurs existants. Ce fait ne doit toutefois pas interdire d'étudier d'autres solutions innovantes qui seules permettront de régler de manière pérenne l'ensemble des problèmes de la filière nucléaire.

D - Le projet GT-MHR pour la Russie

GA et Minatom ont signé un accord de collaboration en avril 1993 pour le développement de celui-ci. La conception et la construction d'un prototype furent planifiées en Russie, ce prototype respecterait les normes russes, américaines et internationales de façon à en assurer la commercialisation au niveau mondial. A l'époque, la dénaturation du plutonium d'origine militaire (Wpu) fut également notée comme une mission convenant particulièrement bien au GT-MHR.

Faisant suite à l'accord américano-russe de mars 1994 concernant l'arrêt de production du WPu pour l'an 2000, MINATOM proposa de mettre l'accent de la coopération dans le GT-MHR sur la dénaturation du plutonium déclaré en excès. MINATOM proposa également de construire les premiers GT-MHR à TOMSK-7 connu aujourd'hui sous le nom de Seversk, site où existent deux réacteurs de production de plutonium qui doivent être arrêtés. Durant l'été 1994, GA et MINATOM décidèrent de lancer le développement du GT-MHR en vue de détruire le plutonium militaire (Wpu), chacun engageant 1 million de $ pour les travaux effectués en Russie4. La phase conceptuelle du GT-MHR pour destruction du plutonium débuta en février 1995.

En janvier 1996 Framatome a rejoint le programme et en janvier 1997 ce fut le tour de Fuji Electric. Ces deux sociétés apportèrent des financements complémentaires ainsi que le MINATOM. La phase conceptuelle s'est achevée fin 1997 avec une documentation complète du projet. Une revue de conception internationale fut organisée à Paris à l'été 1999. Ses conclusions furent relativement optimiste, elle souligna que: 1) l'équipe de conception russe a produit un concept bien élaboré 2) aucun obstacle technologique majeur n'a été décelé.

E - Le rôle du GT-MHR dans le programme d'ensemble d'élimination du plutonium

Il est reconnu qu'une capacité additionnelle de dénaturation du plutonium en Russie est nécessaire. Les possibilités existantes en Russie dans les VVER et le BN600 sont inférieures à 2 tonnes/an. Le GT-MHR représente une capacité supplémentaire d'élimination du plutonium pour le moyen terme. Outre une production énergétique élevée à partir du plutonium militaire, un seul passage en réacteur permet de détruire 90% du Pu 239 initialement chargé. Une centrale de 4 modules permet la dénaturation d'une tonne de Wpu/an. Il est actuellement prévu de construire des modules GT-MHR à Seversk pour remplacer la production électrique actuelle. Une unité prototype de GT-MHR devrait être construite pour 2009, la centrale complète de 4 modules devrait suivre entre 2012 et 2015 tandis qu'une autre centrale de 4 modules s'y ajoutera pour porter à 2 tonnes/an la capacité de dénaturation du plutonium d'origine militaire.

F - Le calendrier

Si ce projet voyait le jour le calendrier suivant serait plausible : le HTR pourrait être introduit vers 2020 - 2025 (calendrier cohérent avec la proposition faite pour le plutonium militaire russe autour du GT-MHR), après l'exploitation du retour d'expérience d'un premier prototype.

Durant cette première étape, les HTR fonctionneraient en spectre thermique et intermédiaire, en cycle de combustible ouvert, avec un combustible à particules chargé en UOX, en MOX ou en PUOX sans support fertile, comme dans le cas du plutonium militaire russe.

Dans ce dernier cas, la capacité de mobilisation et de consommation de plutonium est élevée, même avec un plutonium issu de premier recyclage en REP.

Au-delà, vers 2040, les programmes de R&D concernant le coeur et le combustible doivent permettre d'aboutir industriellement dans les secteurs suivants :

- le déplacement du spectre vers les neutrons rapides tout en conservant les propriétés réfractaires et les taux de combustion élevés du combustible

- la capacité de recyclage du combustible.

La faisabilité technico-économique du retraitement, quant à elle, aura dû être établie vers 2015.

Un élément très favorable est le « découplage » le caloporteur envisagé (hélium) est transparent aux neutrons, chimiquement inerte et thermomécaniquement peu "agressif". Il est donc neutre vis-à-vis des options neutroniques et technologiques du coeur et du combustible.

Dans ce cas, la même chaudière doit pouvoir accueillir les nouveaux combustibles par compatibilité ascendante, sans détérioration de ses performances ni de sa compétitivité.

Le programme du réacteur du futur compétitif, à haut rendement et intrinsèquement omnivore, ne se trouvera mis en _uvre dès la prochaine génération de réacteurs que si de nombreuses conditions sont remplies :

L'Apport financier des gouvernements

Le gouvernement américain a apporté 5 millions de dollars dans les années 1999 et 2000 et 10 millions de dollars en 2001 pour ce programme, 3 millions chaque année (sur 5 millions) sont dépensés en Russie à la condition qu'elle contribue une somme équivalente.

Les contributions américaines futures sont conditionnées à l'obtention de contributions équivalentes venant d`autres pays ou organisations pour en partager la charge.

Votre Rapporteur estime que la France ne peut pas rester absente du débat et que notre pays doit apporter une contribution, même symbolique, à ce projet au niveau des pouvoirs publics à travers le CEA qui doit prendre toute sa place dans ces recherches car, cela est tout simplement sa vocation.

Les handicaps de la filière GTM-HR

La question fondamentale à laquelle, pour des raisons politiques les gouvernements occidentaux ne souhaitent pas apporter de réponses immédiatement est faut-il des réacteurs nucléaires supplémentaires pour faire face à la croissance de la consommation d'électricité et à des impératifs publics tels que la lutte contre l'effet de serre.

Les prix de revient annoncé par les concepteurs doivent être manipulés avec prudence car ils n'intègrent pas les exigences à venir des autorités de sûreté

Votre rapporteur ne prendra qu'un exemple celui des enceintes de confinement : leur présence n'est pas techniquement nécessaire, cela est indiscutable mais, il est clair que l'opinion publique occidentale n'acceptera pas l'installation d'un réacteur nucléaire qui en serrait dépourvu. Il est vrai que l'implantation d'un démonstrateur est prévue en Russie mais il n'est pas assuré que l'opinion russe accepte un concept qui serait refusé en occident.

Aussi est-il nécessaire qu'une procédure conjointe de "licensing" analogue à celle du projet EPR (licensing commun entre la France et l'Allemagne) soit mise en _uvre entre les autorités de sûreté de tous les pays participants. Il est clair également qu'un "licensing" mondial serait un atout important à l'exportation.

Le transport des combustibles, c'est à dire de plutonium, est également l'un des points délicats de ce projet, il devra être traité dans le cadre de l'AIEA.

Le prix de revient

Si le HTR est un bon projet son coût de développement doit être distinct du programme d'élimination des stocks de plutonium en excès, car la destruction des stocks de plutonium ne dépend pas de la mise en _uvre du GTM-HR, même si sa réalisation est de nature à accélérer l'élimination du plutonium.

L'un peut se faire sans l'autre, il s'agit de deux programmes parallèles.

Mais il existe une interrogation majeure que personne ne peut prétendre trancher la nécessité de l'existence d'un marché pour les réacteurs nucléaires de faible ou de moyenne puissance et plus largement sur l'avenir du nucléaire.

Votre Rapporteur souhaiterait que dans cette perspective le soutien apporté à ce projet par le Gouvernement français par la voie de Christian Pierret le 29 novembre 5 se traduise par un engagement financier de la France plus important afin de maintenir l'acquis de notre pays.

Le Ministre a en effet déclaré que :  « A plus long terme, la France appuie également le projet de réacteurs à haute température, GT-MHR qui vous a été présenté par GENERAL ATOMIC et FRAMATOME.

« En effet, cette technologie, lorsque son développement sera décidé, pourra parfaitement compléter la fabrication du combustible MOX et permettre ainsi l'irradiation de quantités supplémentaires de plutonium militaire en excès.

« Mais le chemin restant à parcourir est évidemment long et il nécessite l'appui déterminé de tous, vous l'avez souligné et j'y insiste. Je sais que nous aurons, Monsieur le Président de la Commission des Affaires Étrangères que j'aperçois au fond, votre appui personnel résolu ! Je salue ici l'engagement sans faille des États-Unis : engagement aussi bien politique que financier et je salue également l'engagement sans faille de la Fédération de Russie. D'autres pays ont par ailleurs exprimé leur soutien : le Japon et le Canada.

« De nombreux pays européens, vous le savez, participent déjà à ce projet. L'Allemagne est impliquée depuis longtemps dans les actions de démantèlement des armes nucléaires. La prise en compte des équipements de l'usine de Hanau de SIEMENS est un élément capital de l'engagement allemand. L'Italie, la Belgique sont présentes dans le programme AIDA-MOX et en deviendront membres à part entière dans les semaines qui viennent. Enfin, le Royaume-Uni a exprimé en juillet son important soutien. Je suis certain que d'autres pays se joindront à nous. Nous savons également que l'Union Européenne, présente aujourd'hui, a déjà engagé des actions notamment dans le domaine de la sûreté. Je peux vous confirmer ici que la France encouragera et appuiera une future participation européenne qu'elle appelle de ses v_ux.

« C'est pour toutes ces raisons que je vous renouvelle, pour conclure, ma confiance dans l'avenir de ce projet... »

(Plusieurs croquis n'ont pas été reproduits.)

Section III - Le projet de Carlo Rubbia

Toutefois, dans l'hypothèse du maintient d'un parc nucléaire composé essentiellement de réacteurs à eau, perspective la plus crédible du fait de l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires actuellement en fonctionnement, une alternative pour le traitement des déchets serait constituée, pour les actinides mineurs, par une stratégie dite de seconde strate : Des systèmes innovants, critiques ou sous-critiques (systèmes hybrides), à spectre adaptable comprenant une forte composante de neutrons rapides, viendraient occuper un créneau correspondant à 5 à 10 % de la puissance installée du parc, en soutien aux réacteurs électrogènes actuellement en service qui ne subiraient, aucune modification significative.

Le projet du Professeur Carlo Rubbia a fait l'objet en 1997 d'une audition publique et d'un rapport de l'Office Parlementaire auquel pourra utilement se référer le lecteur qui souhaite approfondir l'analyse6.

A - Les objectifs du projet

L'objectif assigné aux systèmes innovants serait alors celui du premier axe de la Loi Bataille de 1991 visant, à travers l'option de séparation et transmutation, à transmuter les déchets : actinides mineurs et certains produits de fission à vie longue (PFVL). Les systèmes hybrides disposent dans ce cadre d'un avantage théorique spécifique par rapport à des réacteurs à neutrons rapides critiques pour concentrer les actinides mineurs dans ces c_urs fissiles dédiés : en maintenant une marge de sous-criticité en fonctionnement, ils favorisent le contrôle de c_urs fortement chargés en actinides mineurs. Lors de l'audition publique du 21 novembre 1996 le Professeur Carlo Rubbia, prix Nobel de physique présentait son projet de la façon suivante :

« Les buts principaux devraient en être :

- Améliorer son impact sur l'environnement. En particulier, il faut éliminer, ou tout au moins réduire fortement, les déchets radioactifs de longue vie à l'aval du cycle, y compris ceux qui ont été introduits par les REP existants.

La référence que nous empruntons à la fusion est que la radioactivité totale de l'inventaire des déchets soit comparable à celle des centres de combustion du charbon, après quelques siècles de refroidissement. Cela pour une même énergie produite.

- Consumer entièrement le combustible naturel : à présent, seulement 0,4 % de l'uranium extrait est brûlé, le reste est un déchet. Utiliser complètement le combustible, c'est aussi réduire les déchets de longue période.

Tout ce qui est brûlé n'existe plus comme problème concernant l'élimination des déchets.

- Améliorer la sûreté qui, de probabiliste, doit devenir déterministe.

- Eliminer, ou tout au moins réduire fortement, les risques de prolifération, puisque la demande d'énergie provient surtout des pays en voie de développement où les changements sont par définition rapides au détriment de la stabilité politique.

- Une simplicité technologique maximale alliée aux coûts les plus bas, afin d'être compétitif avec les énergies d'origine fossile pour assurer le déploiement dans les pays en voie de développement où se trouvent les plus grands marchés.

Malheureusement, jusqu'ici, la préférence est allée à l'énergie la moins chère. Ceci ne changera vraisemblablement pas dans un avenir prévisible !

En substance, ma présentation vise à montrer comment, après un travail de 3 ans au CERN, incluant plusieurs expériences, une petite équipe internationale est arrivée à la conclusion que ces buts peuvent être raisonnablement atteints en faisant appel à des systèmes hybrides qui combinent un accélérateur de particules avec les technologies des réacteurs rapides.

Ces systèmes peuvent opérer tenant compte des besoins actuels :

- soit en symbiose avec l'ensemble des REP existants, afin d'améliorer la performance de ces systèmes et surtout leur impact sur l'environnement, en extrayant davantage d'énergie des déchets et en éliminant les déchets de longue période,

- soit comme un système entièrement nouveau avec une production minimale de déchets, basé sur la filière thorium... »

« S'agissant de la réaction pour la production d'énergie, la fission produit 200 MeV/événement.

Un proton de 1 000 MeV produit dans le plomb environ 40 neutrons par spallation. C'est considérable. Afin de produire de l'énergie, les neutrons doivent interagir avec un milieu fissile..

« ...Au contraire, le système que nous proposons est un système dans lequel il y a un proton de haute énergie qui produit une cascade nucléaire tout à fait similaire aux cascades produites à l'intérieur des rayons cosmiques dans l'atmosphère actuellement. Le terme technique est "Overt-compensater calorimeter" (chaleur calorimètre sur-compensée). C'est une mécanique contrôlée par l'extérieur et ce qui compte dans cette opération, c'est le gain défini comme le rapport entre l'énergie produite par le faisceau et l'énergie thermique résultant des noyaux cassés par la mécanique de l'interaction.

« En pratique, le système que nous proposons consiste en un certain nombre d'éléments réminiscents des applications similaires dans le monde. Il y a un accélérateur avec LINAC, il y a une cuve dans laquelle le faisceau est détruit. Dans ce système, le fuel est à la fois activé et brûlé.

« A l'intérieur du système, il y a le fuel qui est initialement du Thorium, qui contient à l'intérieur de l'uranium 233 et d'autres éléments.

« Le système que nous proposons en alternative est un système dans lequel on part non pas avec 266 Kg mais 1 Kg de thorium non fissile pour la même énergie. Nous avons un système avec une boucle fermée pour les tous les actinides. Après un certain temps de combustion qui est supérieur à 100 GW x Day/ton (access tous les 5 ans), on extrait le fuel et on le remet dans un mécanisme de régénération qui consiste en un mécanisme d'électrolyse plus un mécanisme de reconstruction de la structure mécanique du fuel. Ce fuel est réinjecté....

Deux autres aspects sont importants :

Si nous voulons brûler du charbon, pour obtenir la même énergie, nous aurions besoin de 3 700 tonnes de charbon pour obtenir 1 GW par jour. On produirait 13 600 tonnes de CO2, 200 tonnes de souffre, 200 tonnes de NO-x, des particules contaminantes et 100 fois plus d'énergie sous forme de chaleur.

C'est une valeur importante. Si l'on brûle un morceau de charbon, celui-ci nous donne une certaine énergie mais il réduit la transparence de la couche de l'atmosphère et si l'on intègre la vie moyenne du CO2 qui est de 200/300 ans, cela représente un apport de chaleur qui rentre dans l'atmosphère correspondant à 100 fois la chaleur que nous avons produite. Nous gagnons 1 mais notre planète doit en supporter 100.

Il faut après éliminer les déchets produits par le réacteur. Avec un cycle combiné entre les deux machines, ces déchets pourraient être éliminés.

L'amplificateur d'énergie peut marcher en symbiose avec le réacteur, le waste vient d'un réacteur. Reprocessing transforme en quelque chose d'utile pour l'amplificateur d'énergie, surtout du plutonium, avec l'élimination de déchets qui sont surtout des "fission fragments". Les "Higher actinides", surtout le plutonium, vont dans l'amplificateur d'énergie qui tourne sur une boucle centrée sur le thorium et le plutonium avec l'incinération possible et la production de déchets à la fin.

Il est très difficile de brûler du plutonium seul, il faut le mélanger avec quelque chose. Il y a production de plutonium nouveau par la mécanique de combustion à l'intérieur du système, on élimine une certaine quantité mais on en produit aussi.

C'est la subtile différence entre sur-régénérateur et sous-régénérateur.

Si nous comparons notre système avec celui de la fusion, nous constatons que notre système bien que basé sur la fission peut se comparer à la fusion pour ce qui concerne le potentiel énergétique et l'impact sur l'environnement. Par exemple, la fusion part du lithium pour faire du tritium comme combustible, et après est brûlé comme tel. Les principaux résidus sont des activations.

L'amplificateur d'énergie a du thorium à la place du lithium, il utilise l'uranium comme combustible, et les principaux résidus sont les fragments de fission.

La construction de l'amplificateur d'énergie est beaucoup plus simple, il n'existe pas d'obstacle technologique majeur parce que l'on utilise les technologies déjà connues, autant dans le domaine des accélérateurs que des réacteurs.

Le prix de l'énergie produite par notre système est moindre que celui de l'énergie produite par la fusion.

Comparé aux réacteurs ordinaires, l'amplificateur d'énergie utilise un combustible naturel (il n'y a pas un enrichissement nécessaire) comme le CANDU mais avec une combustion massique plus grande (jusqu'à 150 GW/j/t). Nous pouvons toujours recycler notre fuel, le remettre dans la machine et recommencer l'opération, avec un nombre infini de cycles jusqu'à la combustion complète.

L'amplificateur d'énergie génère son propre matériau fissile à partir de thorium ou d'uranium appauvri.

Il recycle ses propres résidus actinides. Les seuls déchets produits sont des fragments de fission. Il peut également brûler entièrement les déchets de plutonium des REP ainsi que le plutonium des surplus militaires.

Il peut éliminer certains fragments de fission à vie longue.

Il présente des caractéristiques de sûreté déterministe.

Tout ceci résulte de l'utilisation de neutrons très rapides (pratiquement pas modérés dans le plomb et le combustible) et de la nature sous-critique du dispositif.

Le prix de l'énergie produite par notre système est tout à fait compétitif avec celui des autres systèmes. Evidemment, il existe des marges d'incertitude, les choses deviennent toujours plus difficiles quand on les fait en réalité. Néanmoins, ce système peut être économiquement viable.

Trois combustibles sont possibles : de l'uranium 238 enrichi à 20 M d'uranium 235 mélangé avec du thorium, ou de l'uranium 233 mélangé au thorium, ou des mélanges plutonium/thorium.

Le but de cette installation est de démontrer l'opération complète d'une unité produisant de l'énergie et d'un incinérateur de plutonium ; la compétitivité économique avec un REP, les propriétés uniques de sûreté et les procédures .

La prochaine étape consistera à réfléchir à une machine à l'échelle industrielle. Cette petite machine, une fois portée à sa puissance maximale, peut trouver un marché. Néanmoins, le marché le plus important sera celui d'une machine de beaucoup plus forte puissance, par exemple pour la production électrique ou l'incinération des actinides.

La fission, débarrassée des inconvénients qui ont amené l'industrie de l'énergie nucléaire à sa présente stagnation, est à mon avis notre meilleure chance, à condition de réduire son impact sur l'environnement et de résoudre le problème des déchets, objet de craintes et d'une large opposition du public, d'améliorer la sûreté, de couper le lien entre production d'énergie et prolifération nucléaire, et surtout en diminuer les coûts pour la rendre compétitive.

Pour accomplir ces objectifs, nous avons besoin d'un programme vigoureux de recherche et développement, exploitant les avantages d'idées nouvelles et la fertilisation entre disciplines.

...Ce que nous proposons avec l'accélérateur d'énergie nous semble un excellent candidat pour la fission nucléaire de deuxième génération »

B - Les incertitudes sur ce projet demeurent nombreuses

Elles ont été détaillées dans mon rapport de 1997. Aujourd'hui il faut noter que l'obstacle le plus important à l'engagement de la réalisation d'un démonstrateur est d'ordre économique : Si nous voulons développer une nouvelle filière de centrale nucléaire productrice d'électricité il est aujourd'hui clair que le projet du Professeur Rubbia ne peut pas être rentable dans une économie dérégulée où les investisseurs exigent un retour sur investissement rapide, l'étude et la construction éventuelle d'un démonstrateur présente surtout un intérêt pour le règlement du problème des déchets.

Des difficultés techniques importantes demeurent également, si j'en crois les notes techniques qui m'ont été remises. Les techniciens consultés par votre Rapporteur ont un certain nombre de réticences sur ce projet pour lequel les incertitudes demeurent grandes, avant de les examiner ci après plus en détail il faut noter que suite à l'audition publique et au rapport de l'office parlementaire ce concept est étudié très sérieusement par le CEA et le laboratoire américain de Los Alamos.

La première réserve concerne l'utilisation du plomb comme fluide caloporteur . En effet le plomb peut être assez agressif vis à vis de certains aciers, notamment ceux à base de nickel, enfin avec des appuis antisismiques, la cuve qui est suspendue contient 10 000 tonnes de plomb et doit résister à des efforts importants.

Le projet ne prévoit pas d'enceinte de confinement protégeant l'installation contre les agressions externes (chute d'avion) et contre les conséquences d'une rupture de la cuve.

Une des difficultés avec les réacteurs à métal fondu est qu'une fois le métal mis dans la cuve il ne faut plus le laisser refroidir en dessous de la température de fusion. Il n'existe pas de moyens en effet de le faire fondre in situ.

Il semble que la partie de la manutention interne à la cuve sera aussi compliquée que celle des réacteurs existants.

La chaîne de manutention du combustible s'apparente beaucoup à celle des réacteurs rapides à sodium. En effet, les principales difficultés à surmonter sont : la puissance résiduelle de chaque assemblage qui nécessite un refroidissement ininterrompu.

La manutention en aveugle et les conditions d'accès exiguës.

Le coût de l'îlot nucléaire serait du même ordre qu'un surgénérateur

En l'absence de basic design cohérent il est difficile de procéder à des évaluations rigoureuses des coûts, mes interlocuteurs russes estiment que le prix de revient serait équivalent à une centrale classique avec un surcoût égal au prix de l'accélérateur (5 à 10 % du total).

Il est clair que le principal obstacle à l'élaboration d'un démonstrateur de ce projet réside dans son coût et son absence de rentabilité à court terme. Il implique une union des moyens des principaux centres de recherche car, aujourd'hui la recherche nucléaire ne se conçoit que dans une approche mondiale, le développement du projet GTM-HR est un bon exemple de cette démarche.

Conclusion

Le thème de la reconversion à des fins civiles du plutonium militaire peut apparaître, de prime abord, comme technique; il est au contraire extrêmement politique.

L'avenir de la politique de retraitement à base du combustible MOX est aujourd'hui contesté par des remarques, souvent fondées qui oublient de prendre en compte les problèmes dans leur globalité. Une approche exclusivement axée sur le coût du retraitement par exemple, conduit à mettre en doute l'intérêt économique de ce dernier pour l'exploitant. Ces arguments sont en général pertinents mais l'exploitant doit faire son affaire du recyclage des déchets , aux termes du principe pollueur-payeur et ne pas participer à la prolifération des armes nucléaires... L'approche centrée sur le coût n'intègre pas la responsabilité des exploitants qui doivent à terme arriver à obtenir un cycle fermé sans déchets ni pollution.

Cet objectif ne peut pas être atteint en l'état actuel des techniques, cela est vrai, et explique que dans le dernier chapitre de la présente partie j'ai évoqué les pistes de recherche à suivre pour arriver au bouclage du cycle du combustible.

C'est pourquoi la réalisation de combustible MOX pour brûler le plutonium ne saurait constituer une fin en elle-même. La réalisation de réacteurs plutonivores est une nécessité comprise par les américains comme les russes.

L'économie marchande ne peut pas, avec les règles de retour sur investissement qui sont les siennes et le coût actuel du capital, financer des recherches qui ne peuvent pas déboucher sur des réalisations industrielles avant vingt ans. Le Congrès des Etat-Unis, peu suspect de colbertisme, l'a compris. Votre Rapporteur souhaite que la France qui aujourd'hui dispose d'un leadership incontestable dans nombre de domaines liés au secteur nucléaire ne se laisse pas distancer.

Notre pays dispose avec le CEA d'un outil remarquable, il faut lui donner les moyens de réaliser les études sur le projet Rubbia ou HTR qui garantissent la liberté de choix du Gouvernement et évite de reporter sur les générations futures la question du traitement des déchets.

Sur la question du retraitement à des fins civiles du plutonium il est aujourd'hui en pointe et doit le rester. Mais à la différence du problème précédent des crédits publics importants sont mobilisés pour permettre à la France, puissance nucléaire d'assumer son rang, en aidant les deux grands de la guerre froide à gérer les conséquences de leur imprévoyance.

Par contre sur ce sujet majeur la présence de l'Union Européenne est plus symbolique que réelle et, comme nous allons l'examiner dans la 2ème partie elle à du mal à concevoir les mécanismes lui permettant de faire face aux défis du XXIème siècle.

1 Les éléments les plus techniques de cette section s'inspirent d'une note remise à votre Rapporteur par le CEA

2 cf. section III

3 Rapport Claude Birraux n°971 Assemblée Nationale et 484 du Sénat, 9 juin 1998

4 cf. annexe 7

5 Audition de l'OPECST du 29/11/2000

6 Rapport Claude Birraux n°3491 Assemblée Nationale et 300 Sénat du 2 avril 1997