SOMMAIRE

Les SÉISMES et MOUVEMENTS de TERRAIN :

TOME 1 : CONCLUSIONS du RAPPORTEUR

TITRE I - Les SÉISMES et le RISQUE SISMIQUE

5 - La prévention des séismes 103
5-1 - Le zonage sismique : aménagement du territoire et occupation des sols 107
5-2 - La construction parasimique 111
5-2-1 - Le neuf : la réglementation 114
5-2-1-1 - la réglementation technique 114
5-2-1-2 - l'historique des règles parasismiques 125
5-2-1-3 - les règles D.T.U. PS69 et addenda 1982 126
5-2-1-4 - le décret du 14 mai 1991 130
5-2-1-4-1 - les ouvrages à risque spécial 130
5-2-1-4-2 - les ouvrages à risque normal 137
5-2-1-5 - la réglementation parasismique française en cours d'agrément 139
5-2-1-6 - la situation à l'étranger 144
5-2-2 - Vulnérabilité du bâti existant : problème du confortement 152
5-2-2-1 - les grands axes du colloque franco-suisse de 1992 152
5-2-2-2 - les grands axes du colloque franco-italien de 1994 162
5-2-2-3 - les politiques de confortement aux Etats-Unis et au Japon 163
5-2-2-4 - quelques grandes réalisations dans le monde 165
5-2-2-5 - les balbutiements en France 169
5-3 - L'efficacité des constructions parasismiques et le contrôle de l'exécution des chantiers 173
5-4 - Le cas spécifique des Petites Antilles 176

5 - LA PRÉVENTION DES SÉISMES

Aux Etats-Unis, depuis 1971, les villes et les districts de Californie sont obligés par la loi d'inclure des éléments de sécurité parasismique dans leurs programmes généraux de développement. Bien que les règlements établis aient souffert d'inexpérience et d'incohérence dans la définition des risques, le résultat global semble être positif.

Des études techniques tirent ensuite les conséquences de la sismicité historique de l'activité de toutes les failles de la région et des conditions du sol. On estime les risques de glissement de terrain ou de liquéfaction du sol et on établit un plan de secours d'urgence. Les données de ces études figurent sur des cartes géologiques régionales de différentes sortes. Ces cartes de structure géologique insistent sur les failles qui ont joué durant l'époque quaternaire. On les complète par des cartes donnant la nature et l'épaisseur des couches superficielles, telles que les alluvions, les zones de remblais, etc. Les cartes d'intensité sismique représentent les intensités ressenties lors des séismes historiques et les lignes isoséistes sont utilisées.

A partir de ces informations géologiques et sismologiques de base, on peut construire des cartes à diverses échelles définissant des zones sismiques. A plus grande échelle, elles permettent de reconnaître les régions d'un pays, ou d'une province, dans lesquelles diverses intensités sismiques ont été ressenties ou sont prévisibles. Si les cartes montrent des prévisions d'intensité, la notion de probabilité d'un événement d'une intensité donnée est implicitement introduite. Il existe actuellement des cartes, par zone, basées sur des éléments géologiques, sur la fréquence des séismes et leur magnitude sur les intensités à partir de séismes déjà ressentis et sur des extrapolations subjectives d'autres parties du monde. Malgré leur incontestable incertitude, les cartes de risques sismiques sont devenues communes ; certaines représentent même les pâtés de maisons ou les rues dans un certain nombre de villes, comme Tokyo : c'est le microzonage.

Les cartes indiquent soit la relativité, soit la probabilité du risque. Sur la plupart des cartes de risque relatif, les zones sont indiquées avec un numéro ou une lettre arbitraires ; la carte des risques sismiques pour les États-Unis présente, par exemple, quatre zones allant de l'absence de risque (zone 0) au très grand risque (zone 3). Les cartes chiffrant la probabilité du risque donnent une idée des incertitudes statistiques sous-jacentes comme pour un risque en assurance. Celles-ci donnent la probabilité qu'il y a de dépasser une intensité donnée dans un laps de temps fixé (en général 50 ou 100 ans).

Les accélérations du sol ont été corrélées aux intensités sismiques pour calculer les normes de construction parasismique.

Les cartes de maxima d'accélération sont destinées aux études d'aménagement du territoire et au choix des sites et des types de construction : les ingénieurs peuvent déterminer les accélérations prévisibles par interpolation directe sur la carte. On peut ainsi espérer que, si des précautions sont prises lors de constructions, l'exposition à un risque sismique donné au cours des ans devrait être approximativement la même à travers l'ensemble du pays.

En architecture, les cartes de risque sismique accompagnent généralement les codes de construction. Les ingénieurs mettent au point la résistance sismique d'une structure, en suivant les normes de construction et les recommandations indiquées par ces codes. En principe toutes les constructions d'une région sismique devraient être conformes aux normes de constructions locales ; mais le plus souvent, ces études techniques poussées ne sont faites que pour les ouvrages les plus importants et les plus coûteux. Les codes de construction font presque toujours référence aux zones de risque sismiques ou à des paramètres sismiques tels que les accélérations.

Heureusement, depuis les années 60, de nombreuses techniques ont été mises en oeuvre pour trouver des conceptions de construction parasismiques compatibles avec l'architecture moderne. Plus les sismologues progressent dans la connaissance des séismes et plus complexes devront être les mesures de protection. La connaissance des séismes en est à un stade où leurs causes et les différentes sortes de secousses du sol sont assez bien comprises. Il est évident que plus les sismographes destinés à l'enregistrement des fortes secousses fournissent de nouvelles observations, plus celles-ci éclairent sur l'intensité des secousses sismiques se produisant dans diverses circonstances. Ainsi les études sur les différents séismes depuis 1971 (San Fernando) dans le monde ont toutes apporté, pierre après pierre, les éléments d'édification des règles de constructions parasismiques. Les ingénieurs travaillant sur la question des séismes ont aussi appris à mieux analyser les mouvements des constructions en utilisant souvent de puissants ordinateurs. Déjà, certaines analyses dynamiques ne sont plus seulement fondées sur une théorie, mais ont été vérifiées au cours de séismes réels. Un certain nombre d'immeubles de grande hauteur construits selon les normes parasismiques ont supporté les secousses pendant le séisme d'une façon comparable à celle que le concepteur avait prévue. Quelquefois les conceptions des constructions se sont révélées inadéquates, plus particulièrement en cas de forme architecturale inhabituelle ou de matériaux non éprouvés. Comme nous le verrons par la suite, le risque sismique pour certaines structures particulièrement critiques a souvent été considérablement réduit. Pour prévoir le comportement du sol pendant un fort tremblement de terre, les méthodes employées varient dans le détail d'un endroit à l'autre et d'un pays à l'autre. La somme de travail et de crédits investis pour étudier les risques géologiques dans un endroit dépend considérablement du type des équipements. Certains grands équipements ne sont pas d'importance vitale pour la population et la principale tâche est, dans ce cas, de réduire le coût des dégâts que leurs structures peuvent subir.

Dans d'autres cas, comme pour les hôpitaux, les équipements doivent rester fonctionnels pendant le déroulement du séisme. Il faut donc prendre des décisions difficiles dans la plupart des études préliminaires.

Parfois, en raison du peu de données disponibles, les critères adoptés pour un site sont très stricts si on les compare aux risques de la vie de tous les jours. Rien n'aide plus la sismologie, en vérité, que l'étude d'un grand séisme nouveau.

Lors de son intervention lors des auditions du 16 février, Pierre-Yves Bard définissait ainsi la "bonne prévention" :

"une bonne prévention du risque sismique doit nécessairement comporter plusieurs volets :

        1- une bonne évaluation de l'aléa sismique (qui passe par une bonne connaissance des séismes),

        2- une bonne conception des diverses constructions et ouvrages nouveaux,

        3- un contrôle efficace de la bonne exécution de ces ouvrages,

        4- le confortement du bâti ancien lorsque celui-ci s'avère problématique,

        5- enfin, de bons plans d'urbanisme qui évitent de trop grandes concentrations soit de population soit industrielles dans les zones les plus délicates.

A priori, il peut y avoir catastrophe dès que l'un quelconque de ces 5 points n'est pas respecté. En fait, lorsqu'il y a effectivement catastrophe, comme celle de Kobe par exemple, on met très souvent en cause les points 2 et 3 : et c'est en fait sur le point 2 que l'on a agi dans beaucoup de pays, dont la France, en modifiant et/ou en renforçant significativement la réglementation parasismique.

Mais la plupart des événements récents (depuis une dizaine d'années) ont montré que l'on devait aussi incriminer les points 1 et 4 : ce sont les points que Pierre-Yves Bard définissait alors :

"La sous-estimation de l'aléa sismique : en d'autres termes, les mouvements sismiques sont plus forts que prévu : cela a été le cas, pour les événements récents, à Mexico en 1985, pour partie à San Francisco en 1989, à Latur en Inde en 1993, à Northridge en 1994, à Kobe en 1995. Dans certains cas cela correspond à une méconnaissance des failles actives (Northridge, Latur, peut-être Kobe) ; mais dans de très nombreux cas, cela correspond aussi à une sous-estimation de l'ampleur des effets locaux (Mexico ; San Francisco ; Kobe ; Arménie...).

Comment y remédier ?

A côté des études de paléosismicité et de néotectonique, il y a deux voies d'amélioration significative : la mesure des mouvements (de modérés à forts) avec un réseau adéquat (accéléromètre), et les études de microzonage sismique.

Pour le réseau accélérométrique dont Denis Hatzfeld a la charge d'animer la phase pilote décrite précédemment, on peut en redéfinir brièvement l'aspect prévention.

La connaissance pratique et concrète des mouvements du sol, dans leur niveau absolu comme dans leurs variations locales liées aux effets de site, passe par des moyens d'enregistrement accélérométriques. De tels enregistrements permettent de contrôler, et éventuellement de modifier, les caractéristiques spécifiées dans la réglementation que ce soit pour les constructions courantes, ou pour des installations spéciales (cela a été le cas par exemple dans une étude spécifique récente du risque dans une zone industrielle du Sud-Ouest). La France est très en retard à cet égard par rapport à des pays à développement et sismicité comparables comme la Suisse ou l'Espagne, ou l'Est des Etats-Unis. Il semblerait donc logique et nécessaire que les efforts financiers accordés par le Ministère de l'Environnement pour l'embryon de réseau pilote dans le grand Sud-Est soient relayés par les grands ministères concernés (Equipement, Industrie, Recherche, voire Intérieur) et éventuellement par de grands entreprises parapubliques et des collectivités locales et régionales, afin que non seulement le financement soit dégagé mais aussi les moyens en personnel.

A titre d'exemple, en Californie, le réseau public est financé, personnel compris, par une taxe de 0,014 % sur les constructions nouvelles. L'initiative de ce réseau avait été prise après le séisme de San Fernando de 1971 : souhaitons qu'en France les expériences malheureuses des autres pays nous aident à prévenir plutôt qu'à guérir.

Un tel réseau pourrait également intégrer des mesures en structures (barrages, hôpitaux, etc..) qui donneraient des informations complémentaires sur la validité des dimensionnements parasismiques effectués pour ces structures.

      5-1 - le zonage sismique : aménagement du territoire et occupation des sols

Pour les variations locales, les dispositions prévues dans la loi de 82 qui prévoyait l'établissement de PER apparaissent, au vu de tous les séismes récents, comme d'excellentes dispositions, qui à l'époque étaient pionnières et innovantes : à Mexico, à Kobe, à San Francisco, les effets de site se sont avérés à la fois très importants et très particuliers, soulignant la supériorité qualitative d'une prise en compte locale, au travers d'une étude de microzonage sismique, à une prise en compte "forfaitaire" dans le cadre d'une réglementation nationale. Ces effets de site présentent en outre une particularité utile : celle de pouvoir être prévus, au moins dans leurs grandes lignes, et beaucoup mieux en tout cas que les séismes eux-mêmes et le détail des caractéristiques de source. Cela est tellement vrai que la Californie a lancé après 1989 un vaste programme de microzonage, après le Japon où ce genre d'études est quasi courant depuis une bonne quinzaine d'années. Dans ces pays, quand on décide un programme, on dégage les moyens correspondants, en personnel comme en financement.

C'est malheureusement à ce sujet qu'on peut avoir des regrets au sujet du programme PER, au moins pour ce qui concerne les PER sismiques : du fait de la modicité des financements (auxquels on peut s'étonner que les sommes récoltées au titre de l'assurance catastrophe naturelle n'aient pas contribué), assez peu d'études techniques ont été réalisées (moins d'une cinquantaine) ; la plupart n'ont concerné que de petites communes, aucune des grandes villes situées en zone sismique comme Nice, Mulhouse, Strasbourg, Grenoble, Chambéry, Aix-en-Provence, Annecy, Lourdes, ... n'a donné lieu à un PER ; et enfin, presque aucune de ces études techniques n'a été transcrite en termes réglementaires dans les plans d'urbanisme locaux (sauf pour Manosque).

Par ailleurs, il est apparu que très souvent les élus et responsables techniques locaux n'étaient pas très sensibilisés au problème, ce qui dès lors faisait apparaître ces PER comme des injonctions venues d'en haut, véhiculant beaucoup plus de contraintes que de futurs avantages.

Les PER vont maintenant être remplacés par les PPR. Il semble donc souhaitable que les nouveaux PPR évitent ces écueils rencontrés par les PER,

- en dégageant des financements décents qui ne servent pas uniquement à pouvoir dire "on fait quelque chose"

- en s'attaquant aussi aux grandes agglomérations

- en intégrant mieux les élus et techniciens locaux dans le processus d'élaboration. Ce dernier point est probablement fondamental ; on peut aussi imaginer des études de scénario, à l'image des études "méthodologiques" en cours sur Nice dans le cadre DIPCN, qui permettent d'essayer de prévoir à l'avance ce qui peut se passer dans telle ou telle ville en y intégrant aussi les aspects "organisation des secours" : par exemple, que peut-on imaginer si un



séisme de magnitude 5.5 se produisait exactement sous Grenoble, hypothèse qui ne peut être exclue bien que cela ne soit jamais passé dans l'histoire connue".

Le zonage semble donc bien insuffisant puisque s'il prend en compte l'aléa sismique régional, il ignore les effets locaux et induits du séisme et n'a pas d'impact sur l'aménagement. Le remède simple qui pourrait être préconisé serait le microzonage. L'AFPS a édité en novembre 1993 un "guide méthodologique pour la réalisation d'études de microzonage sismique". A partir d'un constat technique, il faut arriver à des prescriptions réglementaires opposables aux tiers, à une réglementation locale imposant des contraintes qu'une réglementation nationale ne peut imposer. C'est là un véritable problème politique, car cette réglementation devra dépasser les conflits d'intérêt, les pressions pour urbaniser des terrains peu chers, voire la négation du risque.

      5-2 - la construction parasimique

Le génie parasismique est la conjugaison, dans l'art de construire, d'un grand nombre de disciplines parfois très éloignées les unes des autres.

S'il a fallu attendre le milieu du XXème siècle pour comprendre les principaux mécanismes des tremblements de terre, il n'en va pas de même de la construction parasismique.

Bien avant le développement des technologies parasismiques modernes, de nombreuses structures résistant aux séismes ont été bâties à travers le monde, telles que: églises, temples, mosquées, pagodes et de nombreux châteaux.

Les grandes civilisations ont donné naissance à des ouvrages intelligemment conçus et qui résistent de façon étonnante aux pires séismes. C'est le cas du site andin de Machu-Pichu, remarquable exemple d'architecture parasismique.

Le Palais Impérial de Tokyo et les murailles qui l'entourent, composées de blocs de pierre pesant jusqu'à plusieurs tonnes, se sont admirablement bien comportés dans des régions, souvent secouées de façon très sévère. Il est bien évident que ce sont des structures résistant aux séismes, puisqu'elles ont survécu à de nombreux tremblements de terre dévastateurs. Un fait surprenant retient l'attention. Bien qu'isolées par des milliers de kilomètres, ces civilisations se sont inspirées de techniques assez similaires.

Il est donc indéniable qu'il existe des règles élémentaires de construction permettant de résister efficacement aux séismes.

Dans le cas d'ouvrages courants, construire parasismique revient le plus souvent à respecter quelques règles simples et à se poser des questions de bon sens.

A la différence de l'action du vent, qui agit sur l'élévation de la construction, dans le cas d'un séisme, c'est le sol qui est moteur. Les sollicitations mécaniques que le séisme engendre sont diverses et il est certain qu'une bonne connaissance de son action permettrait de mieux construire.

Les séismes se manifestent à la surface du sol par un mouvement de va-et-vient, horizontal et vertical. Le mouvement est caractérisé par le déplacement, la vitesse et l'accélération du sol Les constructions sont liées au sol au moins par leurs fondations, éventuellement par leurs parties enterrées (sous-sol). Les éléments de construction solidaires du sol suivent ces déplacements, par inertie les parties en élévation ne suivent pas instantanément le mouvement et il s'ensuit une déformation de la structure. Si les constructions ont été conçues et réalisées suivant les règles de l'art et de la bonne construction en zone sismique, elles passeront par leur position initiale et se mettront à osciller. C'est ce qu'on constate dans un bâtiment soumis à un tremblement de terre. Au cours du mouvement, cause du séisme "injecté", le bâtiment parasismique doit réagir dans un temps très court (quelques dizaines de secondes) sans endommagement. La rupture survient si le bâtiment n'a pas été conçu pour résister à ces mouvements.

Le problème est de savoir comment un bâtiment peut répondre aux sollicitations d'origine sismique pour atteindre les objectifs de protection définies par la Puissance Publique. Pour cela, une bonne connaissance du comportement des matériaux, des éléments composant la construction ainsi que celui de l'ensemble du bâtiment est indispensable. Les objectifs de tous ceux, entreprises, architectes, promoteurs et ingénieurs qui participent à l'acte de construire sont entre autres :

- d'assurer le non-effondrement des bâtiments courants pour le séisme correspondant à la protection minimale,

- de s'assurer que tous les bâtiments comportant des installations nécessaires aux secours d'urgence seront en fonctionnement après le séisme et notamment : centraux téléphoniques, hôpitaux, centres de secours, etc.,

- d'éviter les conséquences indirectes, c'est-à-dire empêcher que des désordres, même limités, dans certains ouvrages ou installations industrielles puissent entraîner des répercussions graves pour l'environnement.

Plusieurs aspects interviennent dans la réalisation d'un projet de construction parasismique :

- la sismicité de la région et la nature du sol,

- la qualité des matériaux,

- la conception générale,

- les éléments composant le bâtiment,

- l'exécution des travaux.

      - la sismicité de la région et la nature du sol

L'implantation d'un ouvrage nécessite de prendre en compte la sismicité de la région mais aussi et surtout de procéder à une étude de sol sérieuse, permettant de dresser avec une bonne précision la coupe géologique et les caractéristiques des différentes couches. La qualité du sol joue un rôle important et c'est pourquoi, entre autres, le roc dur en place est à choisir plutôt qu'un remblai artificiel ou un terrain meuble, trop souvent gorgé d'eau et dès lors susceptible de se liquéfier sous l'effet des vibrations et de devenir en quelques instants incapable de soutenir un bâti quelconque. Le sol étant devenu une boue liquide, les bâtiments basculent. Par ailleurs, il faut garder présent à l'esprit le risque des effets induits dus aux tremblements de terre : éboulements, glissements de terrain, etc., qui peuvent mettre gravement en péril plusieurs bâtiments voire une partie de la ville. La construction parasismique dépend donc beaucoup du sol et les solutions techniques qui seront proposées pour un bâtiment ne seront pas toujours tout à fait identiques pour d'autres bâtiments.

      - la qualité des matériaux

La nature des matériaux utilisés et leur qualité sont de première importance. Ils doivent être susceptibles de répondre le mieux possible aux sollicitations mécaniques anormales que les tremblements de terre imposent. Il n'existe pas a priori un matériau plus "parasismique" qu'un autre, toutefois il est bien évident que le béton armé ou la charpente métallique présenteront une plus grande résistance que l'aggloméré. Il convient donc d'apporter un soin particulier au choix des matériaux. Dans ce "bon choix", il ne faut pas hésiter à utiliser les ressources locales comme cela peut être ou doit être le cas dans certaines régions. Par ailleurs, les dimensions des éléments constituant le bâtiment devront être pensées en fonction de la qualité des matériaux pouvant réellement être obtenus sur le site. Par exemple, un mur en béton armé de faible performance devra avoir une épaisseur supérieure à celui pouvant faire appel à un béton de bonne qualité ; cette remarque reste valable pour d'autres types de matériaux tels que la pierre, la brique, etc.

Les cartes simplifiées de risque sismique, régionales ou nationales, permettent d'édifier un grand nombre de constructions et de dresser des plans d'urbanisme. Dans les pays sismiques, cependant, il faudrait beaucoup plus de travaux sismologiques préparatoires sur le terrain pour des ouvrages tels que les grands barrages, les ponts, les autoroutes, les plates-formes de forage pétrolier en mer, les immeubles de grande hauteur et les installations nucléaires. Le coût de leur construction et l'importance de la population sont trop grands pour permettre une évaluation d'après les seules cartes régionales simplifiées.

Pour la plupart des projets, l'étude commence par l'analyse la plus approfondie possible de l'histoire géologique de la région. Les dernières étapes consistent à calculer les valeurs des accélérations (ou vitesses) et les durées des ébranlements sismiques prévisibles pour chaque projet.

        5-2-1 - le neuf : la réglementation

L'AFPS et le BRGM ont réalisé en septembre 1990 un document technique dont les grandes lignes sont toujours valables à ce jour et dont certaines recommandations ont déjà trouvé une traduction législative ou réglementaire. Il est bon toutefois de rappeler ces recommandations techniques trop peu connues et dont certaines relèvent du simple bon sens.

          5-2-1-1 - la réglementation technique

    - la conception générale, des règles de bon sens :

Il est nécessaire que la préoccupation parasismique soit intégrée dès les premières phases de la conception du projet et qu'elle devienne un réflexe, de façon à en réduire et en contrôler les surcoûts probables. Ce réflexe, de "construire parasismique", ne peut résulter que d'une collaboration permanente entre utilisateurs, architectes, ingénieurs et entreprises.

Il convient de rappeler qu'une application stricte des règles générales de la construction lors de la conception du projet, ainsi qu'une bonne exécution des travaux, permettent aux bâtiments de résister de façon satisfaisante aux séismes de faible à moyenne intensité.

Il faut garder présent à l'esprit que la construction doit pouvoir se déformer sans ruptures et "digérer" l'énergie transmise au bâtiment par la secousse sismique. On introduit ainsi la notion de ductilité qui est la propriété d'une construction de se déformer notablement avant rupture. A la ductilité s'oppose la fragilité qui correspond à une rupture brutale avec peu de déformation. De façon imagée, pour la construction parasismique, il existe deux types de solutions :

- le chêne : une rigidité du bâti qui lui permette, grâce à sa cohésion et sa solidité mêmes, de ne pas se désintégrer,

- le roseau : une élasticité suffisante, il plie mais ne rompt pas.

L'attention doit être attirée sur le cas des constructions trop souples qui peuvent se déformer d'une façon telle que, même pourvue d'une capacité suffisante de résistance, il se produit la rupture. C'est pourquoi la tâche du concepteur est de trouver un compromis pour obtenir la combinaison optimale entre la résistance et la déformabilité, ce qui n'est pas chose facile, le comportement de l'ensemble du bâtiment dépendant du comportement de chacun des éléments et de la façon dont ils sont assemblés.

Les forces dans le bâtiment sont proportionnelles aux masses des éléments ; il convient donc de répartir les masses de manière continue dans le sens vertical, mais aussi horizontal. Les locaux comportant de lourdes charges devraient être placés le plus bas possible.

De par la conception de bâtiments, on est conduit à disposer des éléments résistants tels que murs, poteaux, planchers, poutres, etc. Ces éléments peuvent aussi être utilisés pour assurer la résistance face aux actions dues aux tremblements de terre : ils portent le nom d'éléments de contreventement. Les contreventements dans le sens longitudinal et dans le sens transversal sont aussi importants l'un que l'autre et doivent être pensés à la naissance même du projet. Il s'agit là d'un des aspects les plus importants de la conception parasismique.

Il faut s'efforcer d'avoir des bâtiments de formes simples et aussi régulières que possible (rondes, carrées, rectangles, etc.). Les bâtiments n'ayant pas ces formes doivent donner lieu à une réflexion plus approfondie, des calculs particuliers et des dispositions spécifiques.

Lors des secousses telluriques, le bâtiment est soumis simultanément à une excitation horizontale et verticale. II convient donc d'avoir une démarche globale à la conception du bâtiment : formes en plan, formes en élévation, irrégularités, dimensionnement et dispositions des éléments structuraux (murs, poteaux, etc.) et non structuraux (cloisons, faux-plafonds, canalisations, équipements divers, etc.).

      Formes des bâtiments en plan :

Il apparaît lors de l'examen du comportement des structures ayant été soumises aux tremblements de terre que les formes les plus simples sont les plus fiables. Dans ce sens, il convient de favoriser les symétries et éviter les angles rentrant. Lorsque les bâtiments ont des configurations irrégulières (formes en T, L, U, H, X, Y), il se développe des efforts particuliers de torsion qui peuvent même être à l'origine de leur endommagement. La réalisation d'un seul tenant de tels bâtiments doit être évitée autant que possible.


Les joints :

Les joints sont des dispositifs constructifs qui permettent à un bâtiment de se déformer sous les effets de variations climatiques. Ils sont par ailleurs largement utilisés dans le domaine parasismique pour ramener des configurations compliquées à des formes plus simples. L'espacement entre deux blocs est au minimum de 4 cm au rez-de-chaussée et ceci pour éviter l'entrechoquement. Il a été en effet constaté lors des tremblements de terre que deux blocs voisins n'ont pas forcément le même mouvement : le danger de collision est évident.

Cas des fausses symétries :

On peut rencontrer des bâtiments dont l'apparence est parfaitement symétrique, mais par la présence des murs de remplissage ils deviennent non symétriques. Cette dissymétrie peut aussi provenir de charges mal centrées.

Cas des bâtiments de grande longueur :

Pour ces ouvrages, au delà d'une certaine longueur et afin d'éviter les mouvements de torsion, il convient de disposer des joints verticaux, même si la forme du bâtiment est régulière, de façon à décomposer la structure en unités de forme simple et de longueur réduite.

Formes de bâtiments en élévation :

Comme pour les dispositions en plan, la conception des bâtiments en élévation doit prendre en considération simultanément les formes, les rigidités et les masses. Il est recommandé d'avoir des formes simples, ramassées et d'éviter d'élever inutilement le centre de gravité des constructions. Bien que tolérées dans certains cas, les irrégularités (étages en retrait) sont à éviter.

Lorsque les formes deviennent architecturalement compliquées et qu'il est impossible de scinder les divers éléments à l'aide de joints, il est nécessaire de procéder à une réflexion approfondie accompagnée parfois de calculs complexes.

Cas des bâtiments de grande hauteur :

C'est peut-être un paradoxe, mais des immeubles élancés de plus de vingt étages sont généralement moins vulnérables que de modestes maisons parce que tout d'abord ce type de bâtiments est calculé pour résister au vent (l'action du vent peut être plus défavorable que celle du Séisme) et que par ailleurs, étant donné leur importance, ils font l'objet de plus de "soins" depuis la conception jusqu'à la réalisation.

Cas des porte-à-faux :

C'est la partie d'une construction qui n'est pas directement soutenue par un appui. On distingue les petits porte-à-faux (balcons), des grands porte-à-faux qui nuisent de manière significative à la stabilité et dont l'équilibrag

e
nécessite la mise en jeu d'efforts importants. Ils sont vivement déconseillés en raison des dissymétries qu'ils engendrent, vis-à-vis des composantes verticales notamment. Les porte-à-faux lourdement chargés sont des éléments très sensibles aux effets des composantes verticales des secousses telluriques, et donc susceptibles de donner lieu à de très graves accidents. Il convient d'être très prudent avec ce type de structure et de réaliser une étude détaillée.

Cas des maisons individuelles :

Bien qu'il s'agisse en général de constructions peu élevées avec un caractère massif et très rigide, on a souvent constaté que ce type de maisons subit d'importants dommages. Cependant, construire de façon parasismique des maisons individuelles ne demande rien de plus que l'application de quelques principes simples, l'utilisation des matériaux de bonne qualité et, d'une manière plus générale, le respect des règles de bonne construction.

      - les éléments composant le bâtiment :

      les fondations :

Il existe deux grandes catégories de fondations en fonction de la qualité du sol :

les fondations superficielles 

Dans ce cas le bon sol se trouve pratiquement en surface. Il convient de lier ces fondations entre elles dans les deux directions par un système de poutres-semelles. Ce dispositif permet de limiter les déplacements relatifs en fondation. Les fondations isolées sont à proscrire.

les fondations profondes :

En règle générale, les constructions sur sol mou se trouvent placées en situation plus défavorable que les constructions sur sol ferme. Lorsqu'on a un mauvais sol ou que les ouvrages sont trop lourds, il faut réaliser des fondations profondes, qui doivent être reliées à leur partie supérieure par un réseau de longrines.

      les éléments de structures :

Tout bâtiment parasismique doit se composer d'éléments (fondations, murs, planchers, etc. ou éléments assurant cette fonction) solidaires entre eux, à l'aide de chaînages.


Les chaînages verticaux sont aussi indispensables que les chaînages horizontaux, l'ensemble formant un réseau à trois dimensions.

L'emploi de la maçonnerie doit se concevoir en association avec la structure du bâtiment : charpente métallique ou béton armé.

Les poteaux :

Ce sont des éléments verticaux de l'ossature qui à chaque niveau collectent les charges s'appliquant sur les poutres et planchers et qui reportent ces efforts sur les fondations. L'enseignement des expériences passées a montré qu'il existait des zones critiques se situant aux extrémités des poteaux.

Les cages d'escaliers :

Les escaliers constituent un élément essentiel dans le fonctionnement d'un bâtiment :

- fonction architecturale : accès aux différents niveaux et surtout issues de secours pendant et après séisme ;

- fonction structurale : les paliers, les paillasses et les murs forment un ensemble qui participe à la stabilité du bâtiment au même titre que la structure principale. En zone sismique, leur fonction d'issues de secours soulève de multiples problèmes ;

- en cas de dégradation des murs de remplissage entourant la cage, les débris risquent d'encombrer les escaliers ; il est préférable d'adopter des murs en béton armé ;

- les portes au rez-de-chaussée risquent d'être bloquées ; il est vivement conseillé l'utilisation du verre trempé ou feuillette. Sans entrer dans les détails de calculs des escaliers en tant qu'éléments structuraux, il faut néanmoins rappeler des précautions élémentaires : les poutres palières, les paliers et les paillasses ou limons porteurs doivent former un ensemble rigide, lié à l'ossature ou aux chaînages du bâtiment.

Le plancher :

Le plancher sépare deux étages successifs dans une construction. C'est un élément rigide, indéformable horizontalement et solidement attaché à ses points d'appuis. Les planchers doivent être conçus et organisés de façon à assurer le report sur les éléments porteurs verticaux des forces horizontales développées par l'action sismique.

      les baies et les ouvertures :

Les ouvertures constituent en général des points faibles et des désordres apparaissent souvent dans les cloisons au droit des portes et des
fenêtres. Les ouvertures sont classées par catégories en fonction de leur dimensions, mais elles doivent toutes recevoir un encadrement de béton armé, métal ou bois. Les encadrements doivent en principe être reliés à l'ossature ou au chaînage.

      le second oeuvre :

Ce terme regroupe l'ensemble des éléments complétant une construction pour sa fermeture, sa distribution, ses revêtements. La réglementation parasismique s'est surtout attachée à l'aspect structural, sans traiter à fond le second-oeuvre.

Certains séismes ont revêtu un caractère tragique en raison de ruptures de canalisations de gaz ou d'eau. La rupture des premières a été à l'origine de graves incendies qui n'ont pu être éteints à cause des canalisations d'eau rompues. Les raccordements des réseaux extérieurs aux réseaux intérieurs doivent faire l'objet de préoccupations permanentes, il est impossible d'édicter des règles en raison même de la diversité des cas rencontrés. C'est donc encore une fois le bon sens qui doit diriger les constructeurs, complété par le savoir acquis suite aux constats effectués après séisme.

Comme on a coutume de le dire, les séismes, sauf cas exceptionnels (raz-de-marée par exemple), ne font de victimes qu'à travers le mauvais comportement des constructions édifiées par l'homme. D'où le principe de la détermination d'un niveau minimal de protection basé sur des considérations socio-économiques.

Les considérations principales sont :

a) limiter les conséquences directes, c'est-à-dire l'effondrement meurtrier des constructions, sans toutefois éviter des désordres réparables ou non,

b) limiter les conséquences indirectes, c'est-à-dire assurer la continuité du fonctionnement de tous les services de secours et de soins aux victimes, évitant ainsi d'augmenter le nombre de morts,

c) éviter les conséquences induites, c'est-à-dire éviter que des désordres, mêmes limités, dans certaines constructions et installations n'entraînent des répercussions graves pour l'environnement, alourdissant ainsi le bilan du séisme.

Avec ces principes, la protection des biens n'est pas envisagée pour le point a) ci-dessus ; les dispositions prévues pour les points b) et c) y conduisent en général.


Cette détermination du niveau minimal est en principe du ressort de la Puissance Publique ; toutefois tout Maître d'ouvrage peut souhaiter une protection supérieure, et faire l'investissement correspondant à la protection de ses biens.

Ces principes sont concrétisés par l'établissement d'une carte définissant un certain nombre de zones. Pour chacune d'elles un "coefficient de zone" variable suivant les catégories de bâtiment.

          5-2-1-2 - l'historique des règles parasismiques

Parmi les plus anciennes règles parasismiques certaines ont été basées, pour les calculs, sur l'analogie de l'action du vent et des séismes sur les constructions et définissaient des forces horizontales uniformément réparties sur toute la hauteur.

Il est apparu assez rapidement que les masses et l'accélération qui leur était communiquée, constituaient des facteurs essentiels. Les règles ont évolué vers la définition d'un pourcentage de l'accélération de la pesanteur à appliquer aux masses, coefficient constant sur la hauteur, en d'autres termes les forces horizontales de calcul correspondaient à un pourcentage du poids des constructions.

Les règles françaises élaborées à la suite du séisme d'Orléansville (Chlef aujourd'hui) du 9 septembre 1954 définissaient de tels pourcentages, variables suivant les zones de séismicité et suivant la hauteur des bâtiments. Elles étaient applicables seulement à l'Algérie et sont connues sous l'appellation de règles A.S.55. Ces règles contenaient une nouveauté : la prise en compte des accélérations verticales.

En réalité le comportement dynamique des constructions sous action sismique ne correspond pas à une répartition uniforme des forces horizontales sur la hauteur.

La mise au point d'accéléromètres, l'enregistrement par ceux-ci de données dans des zones sinistrées (El Centro 1940, en particulier) et le développement des moyens de calcul informatique ont permis de tenir compte des caractéristiques dynamiques des constructions en accord avec les observations réalisées dans les zones sinistrées et avec les résultats d'essais en laboratoire.

Après le séisme d'Agadir en 1960, l'élaboration d'un nouveau règlement français a été entrepris. D'abord appliqué sous le nom de PS62 lors de la reconstruction d'Agadir, ce travail a abouti aux règles D.T.U. PS69 applicables à la France Métropolitaine et aux Départements et Territoires d'Outremer. Ce règlement tient compte des caractéristiques dynamiques, y compris pour les calculs simplifiés.

Toutefois les enseignements tirés des constatations effectuées après le séisme d'El Asnam (ex Orléansville, Chlef aujourd'hui) du 10 octobre 1980 ont conduit à compléter les règles PS69 par des addenda publiés en 1982 et à entreprendre l'élaboration de nouvelles règles parasismiques.

          5-2-1-3 - les règles D.T.U. PS69 et addenda 1982

Les règles applicables en France sont les règles D.T.U. PS69 et addenda 1982. Comme la plupart des codes, elles concernent les constructions neuves et ne traitent pas du renforcement du bâti existant.

Les obligations d'application concernent les bâtiments suivants :

- toute construction réalisée dans le cadre d'un marché de l'État,

- immeuble de grande hauteur (I.G.H.), arrêté du 18.10.1977,

- établissement recevant du public (E.R.P.) des 1er, 2e, 3e, et 4e catégories ; règlement de sécurité applicable aux établissements suivants (et assimilés),

- magasins et centres commerciaux,

- salle de spectacle, de conférence, de danse, de jeux,

- restaurants et hôtels,

- établissements de soins, de culte, d'enseignement, sportifs,

- administrations, banques, bureaux,

- chapiteaux, tentes, structures gonflables,

- gares.

Le classement en 5 catégories dépend du nombre de personnes admises simultanément dans un établissement; la 5e catégorie n'est pas concernée, c'est celle où le nombre de personnes est le plus faible.

L'arrêté du 6 mars 1981 s'impose pour les habitations :

- individuelles en zone de séismicité 3 des règles PS69, c'est-à-dire maximum 1 étage sur rez-de-chaussée aux Antilles,

- collectives en zone de séismicité 2 et 3 des règles PS69, c'est-à-dire à partir de 2 étages sur rez-de-chaussée aux Antilles et dans certaines zones de la Métropole.

En dehors de ces obligations tout Maître d'Ouvrage peut imposer dans les pièces du marché l'application des règles parasismiques.

Les règles PS69 et addenda 82 contiennent les principes et prescriptions suivants :

a) dans une première partie :

        - la philosophie de la protection,

        - les principes de bonne conception,

        - les principes de calcul, en particulier pour la prise en compte des effets dynamiques.

b) dans une deuxième partie :

        - des règles générales de construction,

        - des règles particulières et dispositions constructives applicables aux différents types de construction, mais plus détaillées pour la maçonnerie et le béton armé, venant en complément des règles courantes,

        - des règles de calcul comportant une méthode pour les bâtiments simples et les éléments permettant de calculer des constructions plus complexes,

        - des prescriptions relatives à la vérification de tous les éléments de structure,

        - ces règles et prescriptions débouchent sur la détermination d'un coefficient sismique à appliquer au poids des constructions pour obtenir les forces horizontales de calcul à leurs divers niveaux.

Ce coefficient est égal au produit : a x b x g x d, où :

a = coefficient d'intensité, correspond au niveau de protection,

b = coefficient de réponse, tient compte des caractéristiques

        dynamiques de la structure et des conditions s de site,

g = coefficient de distribution, variable sur la hauteur des constructions,

d = coefficient de fondation, tient compte de l'influence du

        type de fondations sur le comportement des constructions

- en plus des éléments permettant de déterminer b, g, d, cette partie comporte la valeur du coefficient a correspondant au niveau minimal de protection, soit :

zone 0 : a = 0

zone 1 : a = 0,5

zone 2 : a = 1,0

zone 3 : a = 1,5

Une carte et une liste des cantons concernés permet de connaître la valeur du coefficient cas par cas.

Pour des raisons pratiques (décisions administratives, économiques), l'unité administrative choisie pour la cartographie est le canton, chaque canton étant classé en totalité dans la zone à risque le plus élevé le concernant, même partiellement ; le contour des zones épouse ainsi les limites des cantons.

c) dans les annexes :

        - des renseignements sur la séismicité de la France,

        - des notions sur la dynamique des structures et les méthodes de calcul courantes,

        - un exemple de calcul.

      Evolution des codes parasismiques

Les facteurs d'évolution des codes parasismiques sont essentiellement les suivants :

        - recherche théorique et expérimentale,

        - enseignements tirés des constatations dans les zones sinistrées,

        - meilleure connaissance de l'aléa sismique.

La recherche théorique et expérimentale permet, en particulier, d'approfondir nos connaissances sur le comportement des matériaux dans le domaine plastique jusqu'à l'approche de la rupture. Toutefois, le coût de l'expérimentation, les conditions généralement plus favorables que dans la réalité et la modélisation souvent nécessaire (maquettes à échelle réduite, secousse théorique, ...) en limitent un peu la portée et souvent le nombre.

Les expertises en zones sinistrées sont généralement très riches d'enseignements, les constructions endommagées correspondent à des essais en vraie grandeur, pour une secousse réelle. De plus, ces constructions comportent des imperfections inhérentes au travail sur chantier. La comparaison des constatations avec les résultats d'essais en laboratoire permettent éventuellement de valider ceux-ci et aussi de mieux orienter les recherches futures.

La connaissance de l'aléa sismique peut évoluer par la collecte de toutes les données historiques qui, traitées dans un fichier informatique, permettent de mieux délimiter les zones à risque ; elle peut aussi évoluer par des études de terrain destinées à déterminer les failles susceptibles d'être le siège de secousses sismiques.

Outre une cartographie d'ensemble plus proche de la réalité, cette évolution peut aboutir à des cartes dites de microzonage, pour des zones d'étendue limitée, tenant compte d'éléments comme la topographie, la nature des sols.


          5-2-1-4 - Le décret du 14 mai 1991

Le décret pour la prévention du risque sismique a été publié le 14 mai 1991. Ce décret impose d'adopter des mesures pour toutes les constructions et installations qui sont réparties en deux catégories :

- l'une dite à risque normal,

- l'autre dite à risque spécifique.

Pour la catégorie à risque normal, 5 zones de sismicités 0, Ia, Ib, II et III sont définies, et la liste des cantons concernés est publiée au Journal Officiel du 17 mai 1991 (voir en annexe 2).

Pour la catégorie à risque spécifique il est demandé une étude particulière, quelle que soit la zone d'implantation, afin d'éviter les risques induits. Une telle procédure est déjà utilisée depuis de nombreuses années pour la construction des centrales nucléaires par exemple.

            5-2-1-4-1 - les ouvrages à risque spécial

Pour la plupart des projets, l'étude commence par l'analyse la plus approfondie possible de l'histoire géologique de la région. Les dernières étapes consistent à calculer les valeurs des accélérations (ou vitesses) et les durées des ébranlements sismiques prévisibles pour chaque projet.

Votre Rapporteur a rencontré les principaux spécialistes du secteur nucléaire français, constructeurs et autorité de sûreté. Vous trouverez en annexe leurs déclarations lors de la journée d'auditions ouvertes à la presse que j'avais initiée le 16 février 1995.

Mais il me semble important de reprendre l'analyse qu'en font Jacques Betbeder-Matibet du Service des Etudes et Projets thermiques et nucléaires d'EDF et Michel Livolant du Département des études mécaniques et thermiques du C.E.N. Saclay (C.E.A.).

"La prise en compte des séismes dans la conception des centrales nucléaires est actuellement imposée par les autorités responsables de la sûreté dans la quasi-totalité des pays qui sont engagés dans un programme nucléaire civil. Les raisons en sont les suivantes :

- l'appréciation du risque sismique dans une région donnée se fonde sur les résultats des études géologiques et sur les données historiques disponibles. Les renseignements ainsi obtenus sont souvent insuffisants pour permettre une appréciation quantitative du risque, exprimée en termes de probabilité ; en effet, les failles de l'écorce terrestre susceptibles de provoquer des séismes, peuvent ne pas être visibles dans les terrains superficiels et échapper ainsi à l'analyse géologique ou géophysique ; d'autre part, la période couverte par les observations historiques (un ou deux millénaires au plus et souvent beaucoup moins) est trop courte pour qu'on puisse chiffrer en probabilité le risque de séisme important à partir des fréquences observées, sauf dans les régions où l'activité sismique est intense. Il convient donc de ne pas exclure la possibilité d'un séisme, même dans des zones réputées non sismiques ; on connaît d'ailleurs plusieurs exemples de zones considérées comme telles jusqu'à ce qu'un séisme notable s'y soit produit de façon imprévue.

- les effets des séismes, et notamment ceux dûs aux composantes horizontales du mouvement, sollicitent les ouvrages d'une façon particulière, qui n'a généralement pas d'équivalent dans les conditions de service normal. Ainsi, la plupart des bâtiments sont soumis à des charges de service essentiellement verticales, dues au poids propre et aux surcharges d'exploitation ; le dimensionnement requis pour résister à ces charges de service peut être insuffisant pour reprendre les efforts de cisaillement et de flexion induits par les forces d'inertie horizontales engendrées par un séisme.

Les coefficients de sécurité pris dans le dimensionnement vis-à-vis des charges de service ne sont donc pas a priori suffisants pour garantir que l'ouvrage peut résister à des efforts d'origine sismique lesquels doivent faire l'objet d'une étude et d'un dimensionnement spécifiques.

- une particularité du séisme par rapport aux autres accidents externes qui sont envisagés dans les études de sûreté (explosion d'un stockage d'hydrocarbures, chute d'avion) est qu'il sollicite simultanément tous les bâtiments et matériels de la centrale, alors que les autres accidents ont des effets essentiellement locaux. Il convient donc que tous les éléments jouant un rôle dans la sûreté de l'installation soient protégés contre l'effet du séisme, ce qui peut avoir une influence importante sur leur conception.

Les critères actuellement utilisés pour l'analyse sismique des centrales nucléaires s'inspirent, dans la majorité des pays construisant des réacteurs de la filière eau légère, et notamment en France, des pratiques américaines codifiées par l'USNRC (United States Nuclear Regulatory Commission) pour ce type de réacteurs. Ces pratiques ne constituent pas un code réglementaire complet, comme le code ASME (American Society of Mechanical Engineers) applicable aux chaudières nucléaires, mais plutôt un ensemble de critères de sûreté à respecter et de règles de l'art ayant obtenu le consensus d'une majorité d'experts. Elles sont évolutives et présentent des lacunes sur les points où un consensus n'a pu être dégagé.

Devant cette situation, beaucoup de pays, dont la France, ont entrepris actuellement un effort de réglementation qui vise, tout en s'appuyant sur l'expérience américaine, à :

- combler les lacunes existantes,

- adapter les prescriptions réglementaires aux codes de construction de génie civil et de mécanique en vigueur dans les différents pays,

- à tenir compte du caractère spécifique de la sismicité de certaines régions, qui peut différer par certains aspects de la sismicité de type californien qui a servi de base aux règles américaines".

En France, EDF soumet ses centrales au contrôle de l'autorité de sûreté, Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires transformé en Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires lorsque le gouvernement, en 1991, a suivi les recommandations de l'excellent rapport établi pour l'Office parlementaire d'évaluation par mon collègue Claude Birraux en 1990.

"Pour un site donné, la détermination du niveau sismique auquel les installations doivent résister s'effectue de la manière suivante :

- on détermine le "séisme maximal historique vraisemblable" (SMHV) qui est le plus fort séisme ayant été ressenti dans la "province sismotectonique" du site (région présentant une unité du point de vue structure géologique et activité sismique) dont on déplace le foyer au point le plus proche du site compatible avec la structure des accidents géologiques (failles) qui l'ont engendré. Le SMHV est caractérisé par son niveau d'intensité et par l'estimation de sa magnitude et de sa profondeur de foyer,

- à partir du SMHV on détermine le "séisme majoré de sûreté" (SMS) en majorant le niveau d'intensité d'une unité.

Au point de vue des critères de sûreté, on impose que :

- en cas de SMS, la centrale doit pouvoir être arrêtée et maintenue en état d'arrêt sûr,

- en cas de séisme égal à la moitié du SMS, tous les éléments ayant un rôle de sûreté doivent pouvoir continuer à fonctionner sans avoir subi aucun dommage, ce qui implique que la centrale pourra être remise en exploitation après une inspection détaillée et les réparations des dégâts éventuellement subis par les éléments ne jouant pas un rôle de sûreté et qui peuvent ne pas avoir été dimensionnés pour résister au séisme.

Pour l'exécution des calculs, ces séismes sont définis par un spectre de réponse qui est un diagramme fournissant les valeurs maximales des réponses en accélération, vitesse et déplacement d'un oscillateur simple (système masse-ressort-dash-pot schématisant une structure simple à un degré de liberté) en fonction de sa fréquence propre et de son taux d'amortissement, lorsque le support de cet oscillateur est animé du mouvement vibratoire correspondant au séisme considéré. Ce mode de représentation du séisme est plus parlant pour l'ingénieur qu'un accélérogramme, mais c'est à partir de l'étude d'accélérogrammes réels que les spectres de réponse ont été construits. Faute d'enregistrements obtenus en France, les accélérogrammes utilisés pour définir le spectre proviennent d'enregistrements californiens.

La méthode de calcul la plus simple pour étudier l'effet des séismes consiste à se donner a priori la répartition des accélérations, et donc des forces d'inertie, dans la structure et à en déduire les efforts internes nécessaires pour équilibrer ces forces. Cette méthode suffit pour étudier le cheminement et la transmission des efforts dans la structure et permet le plus souvent de mettre en évidence les points où des renforcements sont nécessaires. Elle est cependant plus qualitative que quantitative, car la répartition réelle des forces d'inertie dépend, non seulement du mouvement sismique, mais aussi des caractéristiques dynamiques de la structure et le fait de se donner cette répartition a priori peut conduire à négliger des phénomènes d'amplification dynamique (résonance, couplage) difficiles à prévoir. Son emploi demande donc l'utilisation de coefficients de sécurité compatibles avec l'incertitude des hypothèses, ce qui peut conduire à adopter des dimensionnements peu économiques.

Cette méthode simpliste mais peu coûteuse reste utile au niveau de l'avant-projet et même, au niveau du projet définitif, pour certains composants d'un faible coût de fabrication, pour lesquels le gain sur le dimensionnement que l'on pourrait obtenir en utilisant une méthode d'analyse plus fine serait inférieur au coût de cette analyse ; c'est notamment le cas pour certaines tuyauteries de petit diamètre.

Ce cas mis à part, la grande majorité des éléments devant résister au séisme font l'objet d'un calcul dynamique, dans lequel les forces d'inertie sollicitant la structure résultent d'un calcul prenant en compte ses caractéristiques dynamiques. On utilise des modèles schématisant la structure étudiée, soit au moyen d'un ensemble de masses reliées entre elles par des ressorts, soit au moyen d'un découpage en éléments finis. Le mouvement sismique est imposé à la base du modèle qui peut être, pour un matériel, l'élément de Génie Civil auquel est fixé son support, et, pour un bâtiment, l'interface sol/fondation si le sol est suffisamment rigide pour qu'on puisse négliger ses déformations ou un substratum rocheux situé à une certaine profondeur, si les couches superficielles sont susceptibles de se déformer de façon appréciable. Dans ce dernier cas, un certain volume de sol doit être représenté dans le modèle.

Ces calculs dynamiques peuvent s'effectuer soit par une intégration numérique dans le temps des équations du mouvement, soit par décomposition de la solution suivant les modes propres de vibration de la structure et combinaison des réponses de ces modes, qui se comportent comme des oscillateurs simples indépendants les uns des autres (cette propriété montre l'intérêt de la notion de spectre de réponse). La première méthode est la plus puissante, car elle permet de prendre en compte des non-linéarités de comportement; la seconde, qui n'est applicable que dans l'hypothèse d'un comportement linéaire élastique, a l'avantage de mettre en évidence les fréquences sensibles et les risques de résonance ou de couplage, ce qui est très utile au stade de la conception.

Les efforts et contraintes résultant de ces calculs, ajoutés à ceux provenant des autres cas de chargement dont l'action est supposée pouvoir s'exercer pendant le séisme, font l'objet des vérifications prescrites par les règlements utilisés (essentiellement le code ASME pour la chaudière, les règles CCBA 68 pour les ouvrages en béton). Il est probable que le fait d'admettre, pour les contraintes d'origine sismique, les mêmes limites admissibles que celles fixées par ces règlements pour des cas de charge essentiellement statiques est une hypothèse pénalisante pour les structures ductiles, c'est-à-dire possédant des capacités importantes de déformation avant rupture, en raison du caractère transitoire de ces contraintes. En attendant que des critères mieux adaptés soient disponibles, ce qui demandera d'importantes recherches expérimentales, il a paru prudent de s'en tenir à cette hypothèse.

Pour ce qui concerne les cas de charge dont l'effet est combiné à celui du séisme, il faut signaler que l'on suppose la simultanéité du séisme majoré de sûreté et de l'accident de rupture du circuit primaire principal, ce qui est une hypothèse très pénalisante puisque le circuit primaire est conçu pour ne pas se rompre en cas de séisme. Les efforts dûs à la rupture étant généralement supérieurs à ceux dûs au séisme, il en résulte que le dimensionnement du circuit primaire n'est que peu influencé par le séisme.

Certains matériels sont étudiés, non par le calcul, mais par des essais sur des tables vibrantes qui permettent de reproduire les secousses que subiraient ces matériels en cas de séisme. Il s'agit des matériels dont le bon fonctionnement doit être garanti pendant le séisme : matériels électriques de commande, vannes de sécurité, mécanismes assurant la chute des barres de contrôle".

Les essais sur table vibrante ont été réalisés, dans la majorité des cas, au Centre de Saclay du CEA. La table Vésuve, qui mesure 3x3 m et peut soumettre des masses de l'ordre de 15 tonnes à des accélérations de l'ordre de 2 g, fut longtemps la plus grande table vibrante existant en France. Mais le CEA a réalisé depuis le laboratoire TAMARIS, en concertation avec EDF et Framatome, qui regroupe en fait un ensemble de tables : Azalée, Vésuve, Mimosa et Tournesol. Tamaris qui a été inauguré le 30 mai 1990 continue à se développer pour répondre aux besoins de la prévention sismique. La table Azalée conçue au départ pour entraîner une charge de 100 tonnes à la vitesse de 1 m/sec, selon 2 axes (x,y) a été améliorée en 1991 pour disposer de 6 degrés de liberté (x,y,z, tangage, roulis et lacet). C'est donc l'instrument idéal pour les essais dynamiques comme les murs de réaction le sont pour les applications de génie civil.

"L'influence du séisme est relativement faible sur la conception du circuit primaire principal ; elle se traduit essentiellement sur le dimensionnement des supportages qui doivent, soit être renforcés, soit être munis de dispositifs limiteurs de déplacement : butées avec jeux réduits, amortisseurs permettant les mouvements lents dûs aux dilatations thermiques, mais bloquant les mouvements rapides dûs au séisme. Pour les autres circuits, l'influence peut être plus importante, mais c'est aussi au niveau des supportages que des dispositions sont prises pour assurer la tenue au séisme. Par contre, certains matériels doivent être considérablement renforcés ; c'est le cas des réservoirs de stockage de liquides, pour lesquels le séisme représente le cas de charge le plus important en raison des efforts de flexion qu'il provoque et du risque de flambage des parties comprimées dont il convient de se protéger.

Pour les bâtiments, la prise en compte du séisme se traduit par un renforcement du ferraillage dans les sections les plus sollicitées et par des dispositions constructives visant à assurer une bonne transmission des efforts entre les différentes parties de l'ouvrage, sans accumulation excessive de contraintes en certains points, et à garantir une ductilité suffisante des différents éléments. Le gousset de l'enceinte de confinement, qui assure la liaison entre le radier et le bas de l'enceinte, est un exemple de section dont le ferraillage est significativement influencé par les efforts d'origine sismique.

Tant qu'on ne considère que des séismes d'un niveau d'accélération maximale inférieur à 0,2-0,25 g (ce qui correspond à des intensités macrosismiques de l'ordre de VIII, c'est-à-dire à des dégâts déjà importants dans des bâtiments ordinaires), le surcroît de dimensionnement nécessaire pour assurer la tenue des ouvrages et matériels reste relativement faible ; au-delà de cette limite, il croît de façon rapide.

Il a donc paru judicieux, pour des sites présentant un risque sismique important, ce qui est le cas des sites actuellement étudiés pour l'exportation (Afrique du Sud, Iran), et peut-être aussi de certains sites français susceptibles être retenus dans l'avenir, de mettre au point de nouvelles dispositions visant à réduire les efforts sismiques.

Une idée très séduisante, proposée par EDF et une société de BTP, a été récemment avancée dans ce but. Elle consiste à assouplir le supportage des bâtiments, de façon à abaisser les fréquences de résonance dans une zone où les efforts sismiques sont réduits. Pratiquement, il faut atteindre 1 Hz pour qu'une telle disposition soit efficace ; ce résultat peut être obtenu en plaçant sous le radier des appuis constitués de blocs de caoutchouc spécial fretté, éventuellement recouverts d'une plaque de friction. Sous l'action des composantes horizontales du mouvement sismique, ces blocs travaillent au cisaillement et le bâtiment est animé d'un mouvement oscillatoire de translation ; pour des séismes extrêmement forts, la présence des plaques de friction à la partie supérieure des appuis permet d'écréter les accélérations subies par le bâtiment à une valeur d'environ 0,2 g, en rendant possible le glissement d'ensemble du bâtiment sur ses appuis, le coefficient de frottement des plaques étant voisin de 0,2.

Bien entendu, si les accélérations et les efforts sont réduits, les déplacements sont augmentés ; comme les bâtiments d'une centrale nucléaire présentent entre eux de nombreuses liaisons (tuyauteries), il faut, pour annuler l'effet des déplacements différentiels entre bâtiments, que ce soit l'ensemble de la centrale qui se déplace en bloc sur des appuis, ce qui implique de lier entre eux les radiers des différents bâtiments ou de réaliser un radier général.

Cette idée est à rapprocher de la pratique, très répandue pour les immeubles de grande hauteur, consistant à assouplir le premier étage Elle n'est donc pas nouvelle dans son principe Actuellement, des études sont activement menées pour préciser la technologie des appuis et vérifier l'applicabilité de cette conception à un projet concret ; des essais de validation ont été effectués sur les tables vibrantes du CEA et leurs résultats confirment les prédictions théoriques". La centrale nucléaire de Koeberg en Afrique du Sud utilise déjà cette nouvelle technique.

On assiste actuellement dans le monde à une évolution rapide dans tous les domaines : analyse des séismes passés, études géologiques et géotechniques, physique des mouvements sismiques, caractérisation du comportement des sols et matériaux sous chargement dynamiques calcul de structures, essais sur tables vibrantes, conception et réalisation de dispositifs spéciaux.

Cette évolution est suscitée en grande partie par les besoins de l'industrie nucléaire, dont les exigences en matière de sûreté dépassent de loin les précautions habituellement prises pour les ouvrages courants. Elle se concrétise par :

- le développement des réseaux de sismographes pour mouvements forts dans les pays à forte activité sismique, qui a permis d'augmenter le nombre des enregistrements significatifs et d'améliorer la compréhension des mouvements sismiques,

- les progrès spectaculaires des méthodes de calcul, dus à l'apparition d'ordinateurs de plus en plus puissants,

- les programmes de recherche très importants lancés dans différents pays. Pour ne citer qu'un exemple, le Japon a entrepris l'étude et la réalisation d'une "super table vibrante" pouvant supporter mille tonnes.

Tout ceci a été repris en grande partie dans l'arrêté du 10 mai 1993, concernant les installations énumérées à la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement sous la mention "servitudes d'utilité publique" et les autres installations classées pour lesquelles le préfet a constaté qu'elles présentent en cas de séismes des dangers aggravant notablement les conséquences premières du séisme.

L'exploitant d'une de ces installations doit évaluer de manière déterministe le ou les "séismes maximaux historiquement vraisemblables" (SMHV).

A partir du SMHV est déterminé le "séisme majoré de sécurité" (SMS) en majorant ce niveau d'intensité d'une unité. Le SMS est caractérisé par un spectre de réponse, c'est-à-dire la courbe représentant l'amplitude maximale de la réponse d'un oscillateur simple en fonction de la fréquence.

L'exploitant doit, en outre, établir la liste des éléments importants devant continuer à assurer leur fonction de sûreté pour chacun des SMS.

            5-2-1-4-2 - les ouvrages à risque normal

L'arrêté du 16 juillet 1992, relatif aux mesures préventives et aux règles de construction parasismique applicables aux constructions à risque normal, et dont les dispositions sont applicables depuis le 1er août 1993 (sauf pour les constructions individuelles au 1er août 1994), prévoit :

      - quatre classes de bâtiments,

      - les règles applicables : règles PS 69 et addenda 82,

      - le niveau minimal de protection.

Les classes de bâtiments sont les suivantes :

        classe A :

          - les bâtiments dans lesquels est exclue toute activité humaine nécessitant un séjour de longue durée et non visés dans une autre classe

        classe B :

          - les habitations individuelles et collectives (de moins de 28 mètres de hauteur),

          - les E.R.P. des 4e et 5e catégories (articles R. 123.2 et R. 123-19 du code de la construction et de l'habitat),

          - les divers bâtiments, à fréquentation peu élevée (au plus 300 personnes simultanément), comprenant :

            . les bâtiments industriels

            . les bâtiments à usage de bureaux, non classés E.R.P.

        classe C :

          - les immeubles de grande hauteur (plus de 28 mètres),

          - les E.R.P. des 1ère, 2e et 3e catégories,

          - les divers bâtiments pouvant accueillir simultanément plus de 300 personnes et notamment :

            . les bâtiments industriels

            . les bâtiments à usage de bureaux, non classés E.R.P.

          - les bâtiments des établissements sanitaires et sociaux, autres que ceux prévus en classe D

        classe D :

          - les bâtiments dont la protection est primordiale pour les besoins de la protection civile, de l'ordre public et de la défense, dont :

            . les bâtiments civils et militaires, abritant les moyens de secours en personnels et matériels et présentant un caractère opérationnel,

          - les bâtiments contribuant au maintien des communications et notamment :

            . les centres de télécommunications,

            . les centres de diffusion et de réception de l'information,

            . les relais hertziens,

            . les tours de contrôle des aéroports,

            . les salles de contrôle de la circulation aérienne,

          - les bâtiments des établissements sanitaires et sociaux, dispensant des soins de courte durée ou concernant des affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie et obstétrique,

          - les bâtiments de production et de stockage d'eau potable,

          - les bâtiments des centres de distribution publique de l'énergie,

          - les bâtiments des centres météorologiques.

Un tableau définit le niveau minimal de protection (valeur de an : accélération nominale) en fonction des zones de sismicité et des classes de bâtiments. Aucune disposition n'est requise pour les bâtiments de classe A en toutes zones et pour toutes les classes de bâtiments en zone 0. Pour une secousse d'intensité donnée, la catégorie B correspond au niveau minimal pour la sauvegarde des vies humaines. Pour la catégorie C, la protection prévue est supérieure à cette dernière, compte tenu de l'importance de la fréquentation et pour la catégorie D, la protection est maximale pour conserver la possibilité de secourir et soigner les victimes.

La valeur du coefficient à appliquer pour respecter ces impératifs est donc définie par le tableau ci-après :

 

ZONE

CLASSES

   

A

B

C

D

 

0

0

0

0

0

 

1a

0

0,5

0,5

0,75

 

1b

0

0,5

0,75

1,0

 

2

0

1,0

1,2

1,5

 

3

0

1,5

1,7

2,0


De plus, pour éviter d'effectuer des calculs pour de petits bâtiments de classe B, il est prévu dans l'arrêté la possibilité d'utiliser pour ces constructions des règles simplifiées, à la place des règles générales, telles que les règles PS MI 89 révisées 92. Les règles, entérinées par le groupe D.T.U. en décembre 1989, ont été publiées en mai 1990. Elles concernent les maisons individuelles et bâtiments assimilés, comportant au plus 2 niveaux sur sous-sol, et éventuellement un comble habitable. Elles comportent essentiellement des conditions d'implantation et des dispositions constructives pour les constructions réalisées en maçonnerie, bois, métal et grands panneaux préfabriqués en béton.

          5-2-1-5 - la réglementation parasismique française en cours d'agrément

La réglementation future aura pour base les recommandations A.F.P.S., dont la première partie a été publiée dès le 14 Juin 1990, et aura un champ d'application plus étendu que celui des règles PS69.

La première partie devrait comporter les principes essentiels applicables à tous les types de constructions :

- domaine d'application, détermination de la sécurité,

- règles générales de conception,

- mouvement sismique de calcul,

- action d'ensemble, modélisation, méthodes de calcul,

- actions locales,

- règles de vérification.

On retrouvera pour l'essentiel les grandes lignes des règles PS 69, en particulier la possibilité d'utiliser des méthodes simplifiées pour certaines constructions, mais il a été tenu compte de l'état actuel des connaissances et parmi les différences les plus importantes, on peut mentionner :

- an : accélération nominale pour définir le niveau minimal de protection à la place du coefficient d'intensité,

- q : coefficient de comportement variable suivant les matériaux de structure et les dispositions constructives adoptées.

Une deuxième partie serait constituée d'un ensemble de chapitres traitant du calcul et des dispositions constructives complémentaires des divers procédés et types de constructions :

- fondations,

- maçonneries,

- béton armé et béton précontraint,

- constructions métalliques,

- construction mixte,

- préfabriqué en béton armé ou précontraint,

- bois,

- ouvrages de soutènement,

- bâtiments,

- constructions industrielles,

- réservoirs,

- équipements,

- réseaux.

Les règles parasismiques ont une incidence économique. La conception et le calcul viennent en complément des règles courantes applicables en situation normale et, de ce fait, engendrent généralement un surcoût, bien que le terme soit à prohiber, de la construction.

Ce surcoût comporte essentiellement trois postes :

        1 - études complémentaires,

        2 - dispositions constructives minimales,

        3 - augmentation des quantités de matériaux à mettre en oeuvre.

L'importance de ces postes dépend de plusieurs facteurs :

a - conception architecturale,

b - conception technique,

c - niveau de protection imposé.

Le surcoût est donc variable, de quelques pour cent (certains calculs le tiennent même pour négligeable, voire nul) à quelques dizaines de pour cent du montant de la construction seule, pourcentages moindres vis-à-vis de l'investissement global et souvent minimes vis-à-vis des pertes en vies humaines et économiques que l'absence de dispositions parasismiques pourraient entraîner.

Les exemples ci-après peuvent servir de points de repère :

- Surcoût minime :

. Maisons individuelles (dans le cadre d'application des règles PS MI 89) ;

. Immeuble de grande hauteur pour lequel l'action du vent est prépondérante vis à vis de l'action sismique (poste 1 + éventuellement 2)

- Surcoût faible :

 Bâtiment d'habitation de forme simple (a), contreventement bien disposé (a, b) système constructif bien adapté (b), situation en zone Ia ou Ib (c) (incidence faible des postes 1 et 3)

- Surcoût plus élevé :

. Bâtiment industriel qui, du fait d'impératifs fonctionnels, est complexe, en plan et en élévation, avec appareillages lourds en partie supérieure, planchers partiels, et pour lequel le Maître d'Ouvrage impose une protection supérieure au niveau minimal. Toutefois dans ce cas le surcoût peut être faible par rapport à l'investissement global.

Les progrès des connaissances en matière de construction parasismique ont fait apparaître que certains des concepts des Règles PS 69 étaient dépassés. Il était donc important que de nouvelles règles soient mises en vigueur en France sans plus attendre. La norme PS 92 pallie les insuffisances des règles PS 69/82 et apporte une amélioration très sensible de la fiabilité des constructions.

Le niveau de protection visé

L'objectif principal des règles est d'assurer la protection des vies humaines, avec une faible probabilité de ruine des bâtiments par écroulement pour un niveau d'agression nominal du séisme. Un deuxième objectif important est la limitation des dommages matériels, mais, dans la mesure où sont admises de larges incursions des matériaux dans leur domaine plastique, une proportion un peu plus importante de bâtiments peut ne pas être réparable après l'épreuve d'un séisme. La probabilité de réparabilité s'améliore rapidement si on considère des niveaux inférieurs au niveau nominal. En revanche, la probabilité de ruine par écroulement augmente rapidement quand le niveau d'agression dépasse le nominal.

L'action sismique est considérée comme accidentelle et les coefficients de sécurité partiels adoptés sont ceux relatifs à cette situation. Néanmoins, afin de répondre aux objectifs fixés, on a cherché à éviter les risques de rupture fragile au voisinage de l'accélération nominale en utilisant des coefficients de sécurité partiels complémentaires (par exemple pour l'effort tranchant et la contrainte de compression dans les murs en béton armé), et on a pénalisé les structures présentant des irrégularités de nature à augmenter le risque de comportements mal maîtrisés.

Enfin, comme dans les règles PS 69/82, l'importance socio-économique du bâtiment considéré est prise en compte par une modulation de l'accélération nominale. Cette disposition est d'ordre réglementaire, car rendue obligatoire par l'arrêté du 16 juillet 1992, paru le 6 août 1992, pris en application du décret du 14 mai 1991 relatif à la prévention du risque sismique.

La couverture du risque sismique

La norme PS 92 vise à améliorer de manière significative la couverture du risque sismique par rapport aux Règles PS 69/82 :

- Elle apporte des éléments très complets et nouveaux concernant les fondations et les problèmes liés au sol : la prévention des risques de liquéfaction des sols et d'instabilité des pentes, la prise en compte des effets amplificateurs liés à la topographie, des méthodes d'analyse de l'interaction dynamique sol-structure, la définition de l'action des sols sur les niveaux enterrés des bâtiments. Les différents types de fondations usuelles des bâtiments sont traités.

- En ce qui concerne les dispositions constructives, elles concernent essentiellement les ossatures en béton armé et les murs en maçonnerie, et, par rapport aux Règles PS 69/82, elles évoluent dans le sens d'une plus grande exigence, justifiée par l'expérience acquise, et apportent des compléments indispensables pour traiter un plus grand nombre de cas.

- Elle apporte une meilleure différenciation de la prise en compte de la ductilité en fonction des matériaux et des types de structures : cette modulation apparaît par le biais d'un coefficient de comportement qui dépend du matériau, du type de contreventement, de la régularité du bâtiment et, dans certains cas, des dispositions constructives.

- Les méthodes de calcul proposées, dont le niveau de simplification dépend de la régularité du bâtiment, imposent une modélisation plus fine dans le cas des bâtiments irréguliers, notamment pour une meilleure prise en compte de la torsion.

- Les différents types de constructions (béton, acier, etc.) sont traités de façon beaucoup plus complète, tant du point de vue de leur conception générale que de leurs dispositions constructives. Les constructions à murs porteurs en béton armé, qui n'étaient pas spécifiquement traités dans le texte PS 69/82 malgré leur très large usage en France, font l'objet de spécifications détaillées. De même, les constructions métalliques et en bois font l'objet de traitements spécifiques.

Incidence sur l'économie des projets

Les comparaisons faites avec les Règles PS 69/82 montrent que les actions sismiques de calcul diffèrent peu entre les deux textes pour les portiques en béton armé, qu'elles augmentent sensiblement pour les murs en béton armé et en maçonnerie, mais qu'elles peuvent être plus ou moins fortes pour les structures en charpente métallique selon le type de contreventement utilisé. De façon générale, les structures moins ductiles sont pénalisées, et dans la très grande majorité des cas, les nouvelles valeurs de la résistance requise sont supérieures à celles obtenues par l'application des Règles PS 69/82, l'augmentation résultante restant néanmoins raisonnable.

Il apparaît que les majorations d'actions les plus sensibles, auxquelles conduit l'application des nouvelles règles, concernent les constructions dont le contreventement est assuré par des murs rigides en béton (refends, pignons, cages,...). Ce parti constructif est presque retenu systématiquement dans les bâtiments à usage d'habitation.

Perspectives d'évolution

Néanmoins la rédaction de ce texte et sa discussion ont bien montré qu'il subsistait des zones d'ombre. Ainsi, les précédentes spécifications sont susceptibles d'être révisées dès que des avancées suffisamment significatives donneront matière à les améliorer.

Un Eurocode 8 est en cours de réalisation, 6 groupes de travail de 6 personnes y travaillent. Dans cinq des six groupes figurent un Français, mais il faudra au moins encore un an de travail, ce qui semble bien tardif pour une bonne application !

Dans cette perspective, on doit compter sur des travaux du Comité Européen de Normalisation (CEN) où s'élabore l'Eurocode 8 relatif aux constructions en zone sismique. Cet Eurocode sera publié dans un premier temps sous forme de norme expérimentale (ENV). Bien que le texte Eurocode 8 ne soit pas complet actuellement, on peut juger qu'en ce qui concerne les orientations principales, il y aura une assez bonne correspondance entre les deux textes. Néanmoins, des différences subsistent soit dans le détail, soit sur des sujets particuliers tels les murs porteurs en béton armé pour lesquels les schémas de justification diffèrent. Pour devenir applicable, l'Eurocode 8 (ENV) devra faire l'objet d'un Document d'Application Nationale (DAN). Ce document devra s'attacher à concilier les dispositions de l'Eurocode 8 et des Règles PS 92.

          5-2-1-6 - la situation à l'étranger

Dans son ouvrage paru en 1982, "Les tremblements de terre", le sismologue Bruce A. Bolt s'intéresse tout particulièrement aux installations de sécurité dans les hôpitaux et les écoles :

"L'une des graves conséquences du séisme de San Fernando, le 9 février 1971, en Californie méridionale, a été le nombre des hôpitaux endommagés. Certains des bâtiments du vieil hôpital d'Olive View, construit en maçonnerie, s'écroulèrent. Heureusement ils étaient vides à ce moment. Inquiétantes aussi ont été les insuffisances constatées au nouvel hôpital d'Olive View, qui était construit en béton armé : le premier étage du Service de Psychiatrie a été complètement cisaillé, les principaux services généraux de l'hôpital ont été gravement endommagés et il a fallu les démolir plus tard (il n'y eut pourtant que deux morts à Olive View). Le comité du Structural Engineers Association of Southern California émit l'opinion suivante : "en ce qui concerne les forces latérales, la conception de la construction du nouvel hôpital d'Olive View correspondait en général aux normes existant à l'époque. Pour les deux unités, des défections se produisirent dans les piliers de soutènement, suite à l'augmentation de la charge verticale liée aux accélérations verticales du sol et suite aux fortes accélérations latérales qui ont entraîné des contraintes sévères de cisaillement et de torsion". Au Sud-Est d'Olive View, vers le Nord-Est de la vallée de San Fernando, ainsi que dans la zone macrosismique du choc de 1971, il y avait un hôpital de la Veteran Administration. Le centre fut créé en 1925 et, en février 1971, il était formé de 47 bâtiments séparés et de six services supplémentaires, ce qui constituait un complexe hospitalier de 420 lits, plus une unité de 36 lits de soins à domicile. Le tout était situé à moins de 5 kilomètres de la zone de rupture de la faille observée lors du séisme. Des recherches ultérieures ont établi que les dégâts avaient été causés par les secousses sismiques et non par suite directe du mouvement d'une faille locale. L'inspection des bâtiments de l'hôpital montra que 26 constructions et leurs annexes, construites avant 1933, avaient souffert de très grands dommages structuraux. Quatre de ces constructions furent complètement détruites pendant les secousses, tuant 38 personnes. Les constructions édifiées après 1933 et celles qui avaient des murs de maçonnerie ou en béton armé résistant bien au cisaillement, ne s'effondrèrent pas. Il fut décidé en 1972 d'abandonner cet emplacement et depuis, la plupart des constructions ont été démolies. Au total, quatre grands hôpitaux furent sérieusement endommagés en 1971. Suite à ces événements, il fut rapidement décidé de lancer une étude pour que des règles de construction hospitalière parasismique soient appliquées aux États-Unis. Un programme d'investigation fut lancé dans tous les hôpitaux de la Veteran Administration afin d'évaluer le risque sismique et de décider des mesures éventuelles de renforcement des bâtiments. Les experts géotechniciens firent des études géologiques et sismologiques des sites, aussi bien pour ceux déjà construits que pour ceux projetés : ils suivirent une procédure semblable à celle énumérée dans l'encadré. Le but de ces études était de localiser tout risque géologique particulier et aussi d'établir les paramètres sismiques décrivant les fortes secousses du sol que le site pourrait avoir à supporter. Ces paramètres sismiques ont servi de base aux études et aux analyses des ingénieurs. Certains équipements, bien entretenus et très utiles à la Veteran Administration, n'ont pas subi les tests de façon satisfaisante; on les a évacués et démolis : il fallait qu'une structure, après modification ou renforcement, soit capable de résister à un niveau de secousse du sol raisonnablement prévisible ; on admettait pourtant qu'elle pût subir quelques dégâts architecturaux. En Californie, certaines constructions ne correspondaient pas à cette règle et il n'était pas possible de les améliorer de façon économiquement acceptable. Elles furent évacuées et démolies. Une exigence propre aux hôpitaux -peut-être plus spécifique que pour les autres équipements publics- est qu'ils doivent rester opérationnels après les séismes. Les blessés et les malades doivent pouvoir y être traités en urgence.

Un hôpital ne requiert pas un fonctionnement parfait après les secousses mais les services d'urgence et les moyens d'accès doivent rester utilisables. Examinons, par exemple, l'alimentation électrique. Un dispositif doit être prévu pour fournir la puissance électrique indispensable aux équipements vitaux de l'hôpital après le séisme, sans oublier les unités de ventilation, mais la blanchisserie et les équipements de nettoyage n'ont pas besoin d'être alimentés. Une réserve de secours de carburant de plusieurs jours doit être maintenue dans des réservoirs conçus pour résister à la même intensité sismique que l'hôpital lui-même. Le conditionnement d'air doit pouvoir alimenter au moins une salle d'opération et une unité de réanimation. L'alimentation en eau de l'hôpital doit aussi être assurée par plusieurs systèmes indépendants. De même, on sous-évalue souvent la sécurité de certains matériels critiques de petites dimensions dans les équipements médicaux. Les réserves de produits pharmaceutiques et de matériel médical doivent, par exemple, être protégées contre la casse au cours des secousses du séisme. La plupart des précautions mentionnées plus haut pour les maisons s'appliquent aux hôpitaux. Mais la solution n'est pas aussi simple à l'hôpital, parce que toutes les mesures de protection augmentent les charges normales de l'activité et peuvent les perturber. Le verre, qui est constamment utilisé, peut difficilement être protégé et certaines destructions d'objets fragiles sont probables au cours d'un séisme. Certains équipements orientables peuvent être rangés en position non dangereuse ou bloqués par des freins ou attachés aux lits et autres points fixes pour éviter qu'ils ne se renversent ou qu'ils roulent au cours du séisme. Par dessus tout, puisque les séismes importants ne sont pas fréquents, même dans les régions sismiquement actives, la sécurité dans les hôpitaux et les services publics comparables demande une attention constante de la direction et de continuels contrôles des plans d'urgence.

Il faut aussi et surtout parler des écoles. La tragédie que représente la mort soudaine de nombreux enfants d'une collectivité est particulièrement cruelle. A ce sujet, la fatalité a joué un rôle trop important dans beaucoup de régions sismiques au cours de ces dernières années. Des écoles se sont écroulées sous l'effet des séismes ; heureusement l'événement s'est souvent produit durant la nuit ou au cours des week-ends.

Un des exemples les plus frappants d'une telle éventualité est celui du séisme de magnitude 6.3 près de Long Beach et de Compton en Californie du Sud, le 10 mars 1933. Le choc se produisit à 17 h 54, heure locale, alors que le crépuscule tombait : à cette heure la plupart des écoles et des collèges étaient vides, mais ils subirent de grands dégâts et plusieurs s'écroulèrent. On recensa 120 morts au cours de ce séisme et des professeurs furent tués au lycée d'Huntington Beach. Cet événement brutal amena tant de protestations de la part du public contre les constructions de basse qualité, que les instances législatives californiennes promulguèrent la même année une loi immédiatement applicable, pour contrôler la construction des nouvelles écoles publiques. Cette loi, appelée le Field Act impose des normes strictes pour réduire les risques sismiques dans les écoles publiques de Californie. Elle s'appliqua d'abord aux nouvelles écoles. Depuis, on a aussi promulgué des règles pour les écoles privées, les collèges, les édifices et locaux publics : cela a été fait de diverses façons mais, en général, sans les contrôles stricts et sans les sanctions qui sont appliquées aux écoles publiques.

Le Field Act implique un contrôle et des décisions par l'Office of Architecture and Construction of the State of California. Cet office supervise les plans de toute école et peut agir contre les écoles de district si elles n'ont pas appliqué les normes de construction. L'efficacité du Field Act a été éprouvée plusieurs fois et les résultats ont généralement été très satisfaisants. L'épreuve de San Fernando en 1971 a été particulièrement remarquable parce que ce choc était de même magnitude que le séisme de Long Beach en 1933. Une étude spéciale dans la vallée de San Fernando, faite après le séisme, montra que sur les 568 vieux bâtiments d'école qui ne satisfaisaient pas aux spécifications du Field Act, 50 au moins furent si sévèrement endommagés qu'il fallut les démolir. Mais environ 500 bâtiments scolaires qui correspondaient aux règlements parasismiques ne présentèrent aucun dégât dans leur structure. Et même si le séisme s'était produit aux heures de classe, la probabilité que les enfants soient blessés aurait été faible. Au cours des ans, en Californie, on a réduit par étapes les risques courus par les plus vieilles écoles, qui n'étaient pas en accord avec le Field Act. La publicité favorable qui résulta des statistiques lors du séisme de San Fernando, en 1971, encouragea par la suite les autorités législatives et celles des districts scolaires à continuer dans cette voie, en remplaçant d'urgence les bâtiments scolaires construits au-dessous des normes. La loi californienne est actuellement respectée, de telle sorte qu'à peu près tous les bâtiments scolaires publics de l'État qui ne sont pas sûrs ont été fermés, démolis ou réparés. Cependant, l'attitude des populations locales devant les problèmes de financement fut surprenante : dans plusieurs communes, la majorité vota contre les demandes d'emprunts nécessaires pour renforcer ou rebâtir les bâtiments scolaires inadéquats. Cela nonobstant les subventions substantielles qui devaient venir de l'État.

Depuis 1980, la plupart des enfants sont à même d'avoir en Californie des écoles résistant aux séismes.

On considère généralement dans le monde entier que, si un gouvernement oblige de façon légale les gens, plus particulièrement les enfants, à se réunir dans certains bâtiments à certaines heures, il a la responsabilité d'assurer que ces constructions puissent résister aux risques géologiques comme les séismes. Bien qu'il soit presque impossible de garantir qu'une construction soit parfaitement parasismique, l'expérience montre qu'on peut construire des bâtiments dans une grande variété de styles et de matériaux, de façon à assurer une protection maximale en cas de séisme. On a démontré en Californie et ailleurs que l'application des règlements aux écoles et autres édifices publics devient effective quand le contrôle en est assuré par une organisation compétente disposant de règles claires et ayant le pouvoir de sanctionner."

En ce sens, la France a d'énormes progrès à faire. A ma connaissance, un seul établissement scolaire en France métropolitaine répond à ce souci : le collège Jean Guéheno à Lambesc. Cela fait évidemment partie de la culture "risque sismique" existant depuis 1909 dans cette localité.

Construit en 1977, ce collège est de la classe C.E.S. 600. Le collège est un ensemble de 77 x 26 mètres, comportant un bâtiment à un étage et deux bâtiments à deux étages. Cet ensemble est monté sur 152 isolateurs de type Gapec, de 300 mm de diamètre ; il est dimensionné pour résister à un séisme d'intensité VIII. L'effet de ces isolateurs est le suivant :

      - la période propre fondamentale sans isolateurs était de 0.25 s dans la direction transversale et 0.18 s dans la direction longitudinale. Elle est passée à 1.7 s dans les deux directions avec la mise en place des isolateurs,

      - les accélérations spectrales, les efforts tranchants et les moments de renversement ont été divisés par 3 en moyenne,

      - les contraintes de flexion dans le béton, sous sollicitation sismique, qui étaient de 247 bars pour les poutres et 213 bars pour les poteaux, ont été ramenés respectivement à 136 bars et 112 bars : le coefficient de sécurité du bâtiment a donc été doublé.


Les isolateurs de la marque Gapec sont des appareils constitués de plaques d'acier et de caoutchouc naturel adhérées entre elles à chaud. Ils sont placés à la base de la construction dans l'axe des éléments porteurs. Le vieillissement du caoutchouc serait satisfaisant. Le caoutchouc est protégé contre l'ozone et l'oxygène de l'air par des produits incorporés dans le mélange au moment de la vulcanisation ; les plaques d'acier sont revêtues d'une peinture anti-corrosion à haute résistance et les isolateurs sont protégés du rayonnement solaire direct. La durée de vie attendue de ces isolateurs est au moins égale à celle de l'immeuble.

A tel point qu'au collège de Lambesc, aucune vérification du caoutchouc n'a été effectuée depuis la pose. Il serait peut-être souhaitable qu'une vérification périodique soit effectuée tout de même.

Cette réalisation française a fait appel à une technique, à un produit commercial déterminé, il existe d'autres isolateurs commercialisés par d'autres fabricants et notre propos n'est pas de privilégier une marque par rapport aux autres, il se trouve simplement que c'est le seul exemple connu en France.

Mais il y a aussi des installations industrielles entrant dans le risque normal. Reprenons ce qu'en dit Bolt :

"Les oléoducs aussi subissent les effets des séismes. Ainsi les 1 260 kilomètres de l'oléoduc transalaskien ont été conçus pour supporter les risques sismiques. Cet oléoduc traverse un certain nombre de zones sismiques sur son tracé qui va de l'océan arctique à Port Valdez (dans le Prince William Sound). Les tubes sont étudiés pour résister à de fortes actions horizontales aux croisements des failles, à la liquéfaction du sol qui les supporte et à différents niveaux d'intensité de secousse ajustés sur la zone traversée." Qu'en est-il de la situation en France ?

Au cours de la mission au Japon, j'ai rencontré le Professeur Tsuneo Katayama, Directeur de l'"International Center for Disaster Mitigation Engineering" dépendant de l'Institut des Sciences industrielles à l'Université de Tokyo ; il a développé un réseau des hommes concernés par les séismes : 450 personnes dont la moitié d'universitaires et l'autre moitié des représentants d'organismes gouvernementaux. La coopération se fait avec 90 pays dont la moitié dans le continent asiatiques, et une bonne participation européenne.

Si le Professeur Katayama était sceptique sur le prévision, il est sûr de l'efficacité de la prévention. Le Japon a déjà un bon niveau, mais à Tokyo quand il y a autant de concentration, on peut craindre une grande confusion dans la ville en cas de séisme. Beaucoup de progrès dans ce domaine restent à faire, mais plus sur le savoir-faire que sur le côté matériel qui semble bon.

Les réseaux -téléphone -eau et électricité- ne doivent pas être coupés, c'est un problème majeur. L'ingénieur sismologue ne pensait que structures avant, il doit penser maintenant environnement.

Que fait-on en cas de séisme à Tokyo ? La mairie a élaboré des scénarios de dégâts importants pour un grand séisme. Une grande entreprise comme celle du gaz de Tokyo à 7 millions de contrats ; elle s'inquiète beaucoup du sort de ses clients. Idem pour l'électricité.

Des mesures de protection en cas de séisme s'imposent et deux questions sont à poser :

- comment préserver ?

- comment réparer très vite ?

On a installé 350 sismographes autour de Tokyo pour déterminer des zones, et ensuite Tokyo a été fractionné en blocs, afin d'avoir des isolations en cas de séisme.

La remise en état après une coupure de gaz prend beaucoup de temps. La solution la plus sûre est d'arrêter chez les 7 millions de consommateurs, mais la reprise serait sur plusieurs mois. Un zonage permet la coupure sur les seuls blocs à risque.

Les Japonais ont toujours craint les constructions en briques depuis 1923 : de ce séisme meurtrier, le Professeur Katayama tire trois grandes leçons :

1 - ne plus utiliser les briques ;

2 - dans les ports, la terre derrière la digue peut beaucoup nuire à cause des pressions et des contraintes ;

3 - si on ne peut faire de mesures, on va faire beaucoup plus résistant qu'il ne le faut. Les normes au Japon doivent offrir 4 fois plus de résistance qu'aux Etats-Unis.

Depuis l'adoption de ces normes, et avant Kobe, 1950 séismes avaient fait moins de 100 pertes humaines. Actuellement dans le bassin méditerranéen, la plupart des morts viennent des constructions en briques ou en ciment : la solution préconisée par les ingénieurs japonais est le renforcement par des entretoises en fer. Les entretoises ne sont pourtant pas la panacée, la composition de l'acier et le problème des soudures n'étant pas entièrement résolu. Mais tant les Japonais que les Américains de l'équipe du John A. Blume Earthquake Engineering Center de l'Université de Stanford privilégient cette recherche.

On parle beaucoup des isolations de base mais le Professeur Katayama aurait tendance à considérer cela comme un jouet de chercheurs ! Il considère toutefois que l'idée lancée en France de coussins de caoutchouc, idée reprise puis perfectionnée par les Néo-Zélandais, peut apporter des solutions dans des pays à moyenne sismicité.

La nature des sols est un facteur aggravant dans bien des cas. Cependant sur des sols défectueux, il y a toujours possibilité de faire quelque chose en aménageant, en consolidant à grande profondeur, en enfonçant des piliers à 30 mètres de profondeur.

Même pour les cloisons intérieures les parties sensibles sont les constructions en brique. Si M. Katayama ne sait comment se comportent les baies vitrées, il redoute les constructions du style Le Corbusier, qui ne tiennent absolument pas compte des séismes. Les plus grandes contraintes sont sur le rez-de-chaussée, il faut veiller aux piliers.

La suppression des structures faibles est une priorité. Un appareillage est particulièrement surveillé et à ce jour aucun accident mortel n'est venu prendre en défaut les constructions d'ascenseurs : l'envers de la médaille est que la sécurité les rend trop sensibles.

Toutefois le Professeur Katayama redoute l'incendie, où il n'y a pas de solution à apporter, la concentration des maisons en bois étant trop importante dans certains quartiers.

Aujourd'hui, beaucoup d'efforts vers la prévention sont encouragés par les assurances, mais peu de contrats parasismiques existent. A Tokyo, où le risque est le plus élevé, le taux de couverture est de 15 %. Avec le système actuel, l'encouragement n'est que moral, il n'y a pas de reflet sur les primes très lourdes, et l'indemnisation est limitée à 10 millions de yens ; c'est trop peu pour faire quelque chose au Japon. Mais une indemnisation plus grande ne semble pas économiquement possible pour les assurances japonaises.

De l'avis du Professeur, les Japonais ne lésinent pas sur les moyens quand il s'agit de séismes. La mentalité est conservatrice : la protection du bâtiment est recherchée. Rares sont ceux qui font une étude économique pour déterminer s'il vaut mieux économiser pour reconstruire en cas de séisme, ou essayer de se protéger et résister à la catastrophe.

        5-2-2 - vulnérabilité du bâti existant : problème du confortement

La problématique de la prévention sismique de l'existant, en France, est souvent posée mais rarement développée.

Rappelons tout d'abord que le renouvellement du parc immobilier est de l'ordre de 1 % par an, il faudrait donc près de 100 ans pour avoir des constructions aux normes s'il n'y a pas d'incitation forte et que les valeurs statistiques soient respectées. Cette situation n'est pas valable pour un certain nombre d'établissements publics dont le temps de renouvellement est plus court, mais ne peut être acceptable tout de même.

Il n'y a guère que la thèse de doctorat de Corinne Madelaigue (Université Paris VI), soutenue le 2 juillet 1987 sur le "Renforcement du bâti existant en zone sismique" qui tente de faire une synthèse. L'AFPS a un projet de manuel pratique sur le bâti existant, mais sa parution n'est pas pour l'instant programmée et cet ouvrage fait défaut.

Peu de colloques y sont consacrés, sauf dans le cadre de colloques bilatéraux comme ceux de la journée franco-suisse du 20 novembre 1992 à Genève, à l'initiative du Groupe Suisse de Génie Parasismique et de la Dynamique des Constructions (SGEB) de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) et de l'Association Française du Génie Parasismique (AFPS), ou encore des journées franco-italiennes des 17, 18 et 19 octobre 1994 à Nice, mais qui en fait reposent essentiellement sur quelques cas concrets, et ne permettent pas de dégager une doctrine applicable à tous le bâti existant.

          5-2-2-1 - les grands axes du colloque franco-suisse de 1992

Dans son exposé introductif au colloque genevois, M. Jean-Louis Doury, Chef de la Division Stabilité des Structures au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, faisait le point sur le bâti existant :

"Les lois françaises ainsi que les décrets, arrêtés et circulaires, qui forment la réglementation, relatifs à la prévention du risque sismique, ont toujours porté sur les bâtiments neufs. En mai 1988, M. Jacques Tanzi, Ingénieur Général des Ponts, a été chargé de constituer et d'animer un groupe d'étude et de proposition pour élaborer des projets de textes réglementaires, décrets et arrêtés, en application de la loi.

Mais à ce jour, aucun texte n'existe ni n'est prévu pour l'existant.

Cependant, au sein du "Groupe Tanzi", il a été récemment décidé d'engager une réflexion sur la prévention de l'existant en commençant par établir la "problématique" de ce sujet, restreinte aux bâtiments dans un premier temps.

L'aspect technique

La parasismicité est codifiée par des règles de conception, des méthodes de calcul de stabilité et des dispositions constructives. Ce sont les règles PS établies jusqu'à présent pour les bâtiments seulement.

Ces prescriptions techniques n'impliquent ni ne préjugent du caractère novateur des constructions. Elles sont donc applicables à tous les bâtiments, nouveaux ou existants.

Les premières réflexions

Elles sont ordonnées suivant les trois questions suivantes :

- Quel est le but recherché ?

- Quels sont les bâtiments concernés ?

- Comment "traite-t-on" ces bâtiments ?

L'examen de ces questions fait très vite prendre conscience de la quantité considérable des moyens matériels et financiers à mettre en oeuvre et, par voie de conséquence, de la nécessité de restreindre la portée de la prévention sismique à envisager.

En principe, il faudrait conférer au bâti existant le même niveau de protection que celui exigé pour le bâti neuf. Toutefois, il est raisonnable d'envisager aussi une amélioration limitée du comportement des bâtiments dans la mesure où les moyens disponibles ne sont pas suffisants.

Les bâtiments concernés sont, bien évidemment, ceux situés dans les zones de séismicité non nulle ni négligeable et, parmi ceux-ci, ceux qui présentent un risque pour la population.

Du point de vue du "risque pour la population", on est tout naturellement conduit à hiérarchiser ce risque en adoptant la classification retenue dans le décret et dans les arrêtés publiés pour les bâtiments nouveaux.

Il apparaît clairement que l'insuffisance de moyens pour être en mesure de traiter tous les bâtiments conduit à définir des priorités qui commencent par les bâtiments de la catégorie dite "à risque spécial" et par ceux de la classe D de la catégorie dite "à risque normal".

Pour chacun des bâtiments concernés, le problème se pose dans les termes suivants :

- soit il n'y a rien à faire ;

- soit le bâtiment est traité.

Dans le cas du traitement :

- soit on le renforce ;

- soit on le démolit et on le reconstruit.

Le dernier choix, entre un renforcement et une reconstruction après démolition, résulte d'une étude économique dans laquelle les coûts globaux des deux solutions sont comparés. Le tableau ci-après énumère les principaux coûts à considérer.

En outre, le choix se trouve compliqué dans la réalité par le fait qu'on ne reconstruit pratiquement jamais à l'identique : les améliorations apportées à la construction neuve peuvent être difficilement chiffrables en termes de coûts.

SOLUTION : RENFORCEMENT

SOLUTION : RECONSTRUCTION

 

sur place

à côté

Coût de relogement

Coût de relogement

Coût de construction neuve

Coût de renforcement

Coût de démolition

Coût de déménagement

 

Coût de déblaiement

Coût de démolition

 

Coût de construction neuve

Coût de déblaiement

   

Coût de reconstruction
de l'espace initial

Le premier choix de décisions, entre ne rien faire et traiter, résulte de deux groupes de critères :

- des critères de pérennité des bâtiments :

* la vétusté : inutile de s'occuper des bâtiments qui doivent être démolis à court terme ;

* la servitude : inutile de s'occuper des bâtiments condamnés à disparaître à court terme en raison, par exemple, du tracé d'une nouvelle autoroute ou d'une nouvelle ligne de chemin de fer.

- un critère de vulnérabilité :

* il y a lieu de traiter en première urgence les bâtiments dont l'effondrement est probable, selon l'aléa sismique de leur implantation ;

* par contre on traite en deuxième urgence les bâtiments pour lesquels des détériorations importantes sont prévisibles avec un danger certain pour les occupants, sans effondrement total ;

* et on ne traite pas les bâtiments pour lesquels les dégâts prévisibles sont limités et ne mettent pas en danger la vie des occupants.

L'organisation à concevoir et les problèmes qu'elle pose

L'inventaire des bâtiments existants à considérer est, de fait, la première opération à mener. Cet inventaire est limité en fonction de la quantité des moyens en personnel, en matériels et financiers disponibles.

La réalisation de l'inventaire nécessite l'établissement d'une méthode précise et simple applicable par des non-spécialistes. On peut imaginer un repérage sur cadastre, agrémenté de renseignements sur la destination des bâtiments et donc leur classification, leur état de vétusté, leurs servitudes éventuelles.

La détermination de la vulnérabilité des bâtiments concernés pose un problème difficile car elle rend nécessaire une véritable expertise des bâtiments, un par un, par un expert très qualifié ; mais comment disposer d'experts qualifiés en nombre suffisant ?

Une idée de simplification peut être d'établir une typologie du bâti : on range les bâtiments dans un nombre restreint de familles de bâtiments de même comportement sous séisme. Il n'y a alors plus à expertiser au cas par cas que les bâtiments inclassables dans les familles établies et, pour les autres, l'expertise se réduit à déterminer leur apparentement à l'une des familles étudiées et définies au préalable.

Les modes de renforcement sont dictés par l'expertise de la vulnérabilité des bâtiments. Encore faut-il disposer de techniques de renforcement (recueil de techniques) dont en outre on connaît le coût de mise en oeuvre.

La prévention sismique de l'existant ne se fera pas sans astreinte réglementaire décidée par la Puissance Publique. Pour être opérationnelle et efficace, cette astreinte réglementaire ne doit pas être rédigée en termes d'objectifs mais en termes de moyens à mettre en oeuvre, de méthode à suivre et de critères précis de décision."

Dans leur intervention, Walter J. Ammann, Daniel Kluge et Thomas Wenk ont essayé d'établir un recueil des techniques de renforcement sismique à partir de leurs expériences.

"En Suisse la plupart des bâtiments construits avant 1970 ont été dimensionnés sans tenir compte de l'effet des séismes. Par rapport aux prescriptions parasismiques d'aujourd'hui on obtient de grandes différences notamment dans les régions d'activité sismique élevée de la Suisse (Valais, Bâle, Suisse centrale, vallée du Rhin à Saint-Gall).

Pour des raisons économiques et écologiques on tend de plus en plus à conserver les bâtiments âgés par rénovation. Actuellement les dépenses pour la rénovation, l'entretien et des mesures de renforcement atteignent presque les 50 % du coût total des constructions dans le secteur du bâtiment. Il faut s'attendre à ce que la proportion des rénovations augmente encore à l'avenir. En conséquence, la part des bâtiments qui sont dimensionnés sans tenir compte de l'effet des séismes restera à un niveau élevé. La question n'est pas encore définitivement résolue à quel degré il faudra appliquer les nouvelles prescriptions parasismiques lors de transformations, ainsi que lors d'agrandissements, de changements d'affectations, de travaux d'entretien, etc... En appliquant les nouvelles normes seulement lors de la construction de bâtiments neufs, on n'arrivera pas à réduire suffisamment le potentiel de dégâts en Suisse. Il est indispensable d'analyser critiquement les constructions existantes et de renforcer celles qui montrent un niveau de sécurité insuffisant.

La question "quand faut-il renforcer ?" est actuellement à l'étude dans le cadre de l'élaboration d'une directive de la société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA 462). La question "Comment faut-il renforcer ?" a été abordée au sein du sous-groupe spécialisé en génie parasismique et dynamique des constructions (SGEB). Depuis 1990 le groupe de travail "Techniques de renforcements" est en train d'élaborer un manuel pour l'ingénieur de la pratique. Ce manuel est un recueil de méthodes de renforcement et de règles générales à observer lors de l'élaboration d'un projet de renfort.

Il existe déjà des manuels de techniques de renforcement aux Etats-Unis et au Japon. Le travail du groupe est basé en partie sur ces manuels existants. Mais le nouveau manuel est limité intentionnellement aux méthodes de construction de l'Europe centrale (F, D, A, CH) et aux régions qui présentent une activité sismique moyenne ou faible. Des mesures pour l'amélioration de la résistance de bâtiments en béton armé ou en maçonnerie comprennent la partie essentielle du manuel. L'orientation vers la situation en Suisse, c'est-à-dire vers une région d'activité sismique moyenne ou faible, permet de tenir compte aussi des possibilités d'amélioration de l'aptitude au service et du comportement des éléments secondaires. C'est surtout en Suisse, où il faut s'attendre que la plupart des dégâts ne se produiront pas dans la structure porteuse au sens propre, mais aux éléments non porteurs (plafonds suspendus, éléments de façade, etc.)."

"Le manuel ne prétend pas être complet, il ne sert pas non plus de livre de cuisine pour le praticien. Le manuel veut simplement donner quelques suggestions et idées pratiques. L'ingénieur devra en général faire quelques études supplémentaires avant de réaliser une de ces méthodes de renforcement."

"En effet, dans une région comme la Suisse, il est important de considérer lors d'un renforcement sismique non seulement l'aspect de la sécurité structurale mais aussi l'aptitude au service. Dans le contexte de la sécurité structurale il faut comprendre la résistance ultime et la ductilité comme deux quantités étroitement liées. La résistance ultime d'une structure peut être réduite sans que la sécurité structurale soit affaiblie, si l'on augmente la ductilité dans la même mesure.

Le projet d'un renforcement sismique commence par un recalcul de la construction ou de l'élément de construction concerné sur la base des prescriptions parasismiques. Pour ce faire, il faut d'abord estimer la valeur de la ductilité disponible avec un soin particulier. A partir des résultats de ce recalcul, une solution de renforcement doit être développée en respectant les exigences à l'aptitude au service.

La notion "mesure de renforcement" comprend plusieurs significations. Une mesure peut avoir le but suivant :

- en vue de la sécurité structurale :

        . augmentation de la résistance ultime avec réduction de la ductilité,

        . augmentation de la résistance ultime et de la ductilité,

        . réduction de la résistance ultime avec augmentation de la ductilité,

        . changement de la rigidité, c'est-à-dire de la fréquence propre, provoque un changement de l'action sismique ;

- en vue de l'aptitude au service :

        . augmentation de la rigidité (il en résulte généralement une augmentation de l'action sismique,

        . séparation des éléments de construction non porteurs de la structure porteuse.

Très souvent il n'est possible de renforcer qu'une partie des éléments porteurs pour des raisons pratiques. Des différences de rigidité entre éléments renforcés et non renforcés peuvent alors conduire à des sollicitations différentes et à un déplacement du centre de rigidité. En général, un renforcement peut aussi changer la distribution des masses dans un bâtiment et, par conséquence, provoquer une variation de la fréquence propre et un déplacement du centre de masse. Les déplacements possibles des centres de masse et de rigidité conduisent à des sollicitations de torsion dont il faut absolument tenir compte.

Un renforcement local (par exemple un renforcement d'un étage seulement) ne provoque souvent qu'un transfert des points faibles dans des zones voisines non renforcées. Il est donc d'une importance primordiale d'examiner intégralement le bâtiment à renforcer.

Le manuel élaboré par un groupe de travail du SGEB décrit des mesures de renforcement proprement dit et l'application de ces mesures aux éléments de construction existants. Le manuel s'applique aussi au renforcement par addition de nouveaux éléments de construction. Beaucoup de ces mesures peuvent d'être utilisées non seulement pour un renforcement préventif mais aussi pour la réparation des dégâts de séisme."

Le grand argument présenté à chaque fois que la construction parasismique est évoquée est son coût. Si pour le neuf, on peut limiter considérablement les surcoûts au point de les rendre négligeable, cela semble plus problématique pour l'existant.

Le Dr. Helmut Krawinkler, professeur de génie civil à l'Université de Stanford, le précisait d'ailleurs en doutant quelque peu du programme développé sur 5 ans aux Etats-Unis. Cela ressemblait plus à un désir national de créer un code supplémentaire plutôt qu'à une réelle demande, sauf peut-être de la part des compagnies d'assurance. Le coût de certaines consolidations pour des constructions individuelles est si élevé que la population préfère prendre le risque de reconstruire si un séisme se produisait. On peut tout de même se poser la question du coût des vies humaines qui pourraient être épargnées !

Henri Fierz et Sener Tinic sont intervenus sur ce sujet lors de cette journée genevoise, mais en se limitant à des bâtiments industriels ou collectifs :

"Les interventions parasismiques sur le bâti existant réalisées en Suisse à ce jour se limitent à 2 types de construction :

- des bâtiments nucléaires d'un certain âge,

- des bâtiments publics représentant un danger potentiel élevé.

Un exemple d'intervention pour chacun de ces types est présenté par la suite. Dans le premier cas il s'agit d'une intervention achevée, dans le deuxième cas d'une intervention en cours de réalisation. Ces exemples illustrent d'une part les problèmes rencontrés et les solutions adoptées, et d'autre part les coûts des interventions. Ces coûts sont comparés à la valeur actuelle estimée des bâtiments. En conclusion quelques réflexions sur le bénéfice réel d'une intervention parasismique mesuré en terme de réduction de risque, devraient montrer que ces coûts sont justifiés.

Le premier exemple concerne la centrale nucléaire de Beznau, située au Nord de Zurich, et faisant partie des centrales du Nord-Est de la Suisse.

Pour les bâtiments des réacteurs et les bâtiments annexes de la classe de sécurité sismique 1, les exigences parasismiques demandent un comportement élastique des structures porteuses soumises aux contraintes du séisme SSE (safe shutdown earthquake). Ce dernier est défini par une accélération horizontale maximale de 0,15 g au niveau du rocher pour une probabilité d'occurrence de 10-4 par an.

Lors de la requalification technique de Beznau, toutes les structures importantes ont été examinées et jugées conformes aux exigences, à l'exception des bâtiments annexes AI, AII et DI qui sont hachurés dans la figure l.

Les trois bâtiments contestés (voir figures 2 et 3) présentent tous une faible résistance à la torsion au niveau du rez-de-chaussée. En effet les éléments porteurs sont avant tout des piliers. Il y a peu de murs de renforcement, et en plus ils sont placés de façon asymétrique.

La solution d'intervention parasismique adoptée pour les trois bâtiments consiste à rajouter des murs au rez-de-chaussée. Capables de reprendre les poussées horizontales, ils augmentent ainsi la résistance à la torsion.

L'emplacement et les dimensions des murs de renforcement ont été choisis sur la base des critères suivants :

        - amélioration sensible du comportement dynamique et de la résistance des bâtiments,

        - pas de limitations pour l'exploitation après mise en place,

        - la réalisation des travaux doit être possible durant le révision annuelle pour les bâtiments A.

La construction des murs dans les bâtiments A est caractérisée par les détails suivants :

        - murs en béton armé,

        - raccords au sol et aux piliers par des tiges d'ancrage,

        - joint de séparation du bâtiment voisin réalisé à l'aide de laine de verre et de styrofoam,

        - raccord au plafond par des étriers placés dans des trous forés à travers la dalle,

        - trous de 200 mm de diamètre dans la dalle supérieure pour le bétonnage,

        - tuyaux d'injection pour la finition.

Les sommes relativement élevées pour le projet et la réalisation s'expliquent par le fait, que pour la mise en place des murs, il a fallu déplacer un certain nombre de systèmes d'exploitation.

Il est particulièrement intéressant de mettre les coûts en rapport avec la valeur actuelle des bâtiments.


L'estimation donne 4,55 millions de francs suisses pour chaque bâtiment A et 7,55 millions de francs pour le bâtiment DI. Les coûts de l'intervention parasismique représentent donc 6 % et 4 % de la valeur actuelle des bâtiments A et du bâtiment DI.

Le second exemple concerne le rez-de-chaussée du bâtiment des amphithéâtres de l'École Polytechnique Fédérale de Zurich situé au Hönggerberg. Les exigences parasismiques sont définies par la norme SIA-160 et peuvent être résumées comme suit :

        - zone de danger 1 à activité sismique faible

        - accélération horizontale maximale du sol de 0,06 g pour le séisme de dimensionnement avec une période de récurrence de 300/500 ans

        - classe de bâtiment II (école)

        - pas de défaillance de la structure porteuse soumise aux contraintes du séisme de dimensionnement.

Le rez-de-chaussée présente les traits typiques d'un "soft story". En plus il a comme dans l'exemple précédent une faible résistance à la torsion due à la disposition asymétrique des principaux éléments porteurs, murs d'un côté et piliers de l'autre. La vérification du comportement du bâtiment a montré qu'il faut s'attendre à une défaillance de la structure porteuse pour le séisme de dimensionnement.

La limitation principale imposée à une intervention parasismique est dans le cas présent d'ordre architecturale En effet l'aspect du bâtiment ne devrait si possible pas être modifié. Toute une palette de solutions a été étudiée. Il s'est avéré que des éléments de renforcement placés du côté de l'entrée du bâtiment répondraient le mieux aux exigences d'efficacité parasismique, de faisabilité et d'esthétique.

Il n'y a pas encore de projet définitif d'intervention parasismique. Les coûts sont provisoirement chiffrés à 500 000 francs suisses alors que la valeur du bâtiment est de 75 millions de francs. Les coûts de renforcement se montent donc à environ 0.7 % de la valeur du bâtiment.

Dans un article publié en 1991 par K. Moser "Ist die Erdbebensicherung in Hochbau gerechtfertigt ?" dans "Schweizer lngenieur und Architekt", les coûts annuels moyens pour les mesures parasismiques qui seraient à appliquer à tous les genres de bâtiments nouveaux et anciens sont estimés à 0,6 % des coûts annuels totaux de construction en Suisse. Ce chiffre correspond à celui donné pour le deuxième exemple, alors qu'il est d'un ordre de grandeur inférieur à celui obtenu dans le premier exemple L'explication en est, que pour un type et des coûts d'intervention semblables, les valeurs des bâtiments estimées sur le base de leurs volumes sont différentes. De toute manière il est à retenir que les mesures relativement simples qui ont été proposées et qui auraient été bon marché au moment de la construction peuvent devenir coûteuses lorsqu'elles sont réalisées après coup. Les principaux facteurs déterminant ces coûts sont :

        - limitations imposées par l'exploitation à l'emplacement d'éléments de renforcement,

        - déplacement et remplacement d'équipements,

        - raccords des nouveaux éléments aux structures existantes,

        - aspects architecturaux.

Pour terminer il est permis de se demander quel profit les interventions parasismiques apportent. Dans l'article déjà cité il est estimé que le montant annuel à investir en Suisse pour l'application systématique de mesures parasismiques adéquates permettrait d'éviter des pertes annuelles moyennes dues à des séismes trois fois supérieures à ce montant. Pour les bâtiments étudiés et représentant un danger potentiel élevé, le rapport entre l'investissement et les pertes évitées est certainement plus favorable sans compter qu'un accident dans une centrale nucléaire ou l'effondrement d'un amphithéâtre seraient perçus comme des événements inadmissibles Les coûts des interventions parasismiques sont donc amplement justifiés."

Cet avis fort enthousiaste n'a pas eu l'air de convaincre les différents interlocuteurs que j'ai pu rencontrer et interroger sur ce sujet.

          5-2-2-2 - les grands axes du colloque franco-italien de 1994

Le colloque franco-italien dont on peut regretter que les actes ne soient disponibles qu'en anglais, n'a présenté que d'autres exemples, qui sont autant de cas particuliers les uns les autres et ne peuvent être généralisés.

Toutefois l'un de ceux-ci mérite une attention : il s'agit de l'application de méthodes de consolidation parasismiques sur un monument ancien, le monastère d'Apostolache, dans le judet de Prahova en Roumanie. La partie la plus ancienne fut construite vers 1650, mais de façon médiocre, ce qui fit que peu de travaux d'entretien furent effectués. En avril 1992, ce monastère fut choisi comme support concret à la coopération culturelle entre la France (Direction du Patrimoine du Ministère de la Culture) et la Roumanie. L'originalité développée devait permettre aux monuments de garder leurs peintures murales intérieures et extérieures, et éviter de la sorte des dégâts irrémédiables. Les travaux doivent se poursuivre jusqu'en 1997/1998.

          5-2-2-3 - les politiques de confortement aux Etats-Unis et au Japon

M. Tom Remillard, Superintendant du département de "Construction" du comté de Los Angeles me confiait qu'aux Etats-Unis les codes étaient réactifs, modifiés au minimum tous les 3 ans, plus rapidement si des événements majeurs surviennent et nécessitent de les changer.

Les travaux à effectuer pour être en conformité sont obligatoires, sinon le Comté peut demander la démolition des ouvrages. Depuis Northridge, et à la date de la mission soit le 21 septembre 1994, 500 bâtiments ont été consolidés, 40 n'ont pas été rénovés mais la plupart seront vraisemblablement démolis par leur propriétaire.

C'est le service du Comté, 200 personnes pour couvrir 4 000 miles² qui a la charge de l'application du code, ce code ayant valeur de loi. Toute infraction à ce code est un délit. L'inspecteur qui suspecte une infraction a le droit d'entrer dans un bâtiment pour protéger la sécurité des habitants, mais ne peut évidemment s'immiscer dans la vie privée, la cause probable de sa venue doit être exprimée clairement.

Des chapitres du code (95 et 96) répondent au problème de la consolidation de l'existant. Des vidéos à destination du grand public sont disponibles pour aider les particuliers à consolider leurs maisons.

Le surcoût pour la consolidation d'un bâtiment en béton armé est évalué à 10 $ par pied², à 2 ou 3 $ par pied² pour un entrepôt, où des renforcements de joints de toiture peuvent suffire.

Les travaux de rattrapage sont justes prévus pour éviter les effondrements catastrophiques, mais pas pour empêcher une éventuelle démolition après un séisme.

Le responsable des travaux d'assainissement a des contacts avec les assurances, surtout avant les démolitions : il y a là le problème de la destruction de preuves.

Le Dr. Helmut Krawinkler, Directeur du John A. Blume Earthquake Engineering Center de l'Université de Stanford était un peu plus pessimiste lorsqu'il me déclarait :

"Il est très difficile de faire respecter des règles précises, il faut se servir de la "carotte". Le coût de la consolidation est si élevé que la population préfère prendre le risque de reconstruire si le séisme a endommagé leur habitation".

M. Kouichi Koshiumi, Directeur adjoint du "Building Guidance Division, Housing Bureau" du Ministère de la Construction, a rappelé d'entrée la finalité du code japonais :

- pas de dégâts acceptables pour faibles et moyens séismes,

- préservation de toutes les vies humaines pour un grand séisme, quelques dégâts matériels sont tolérés.

La durée de vie espérée d'un bâtiment et la fréquentation du bâtiment sont les priorités retenues pour une construction parasismique ; lorsque le bâtiment doit contenir des instruments de précision, il faut une isolation à la base.

M. Hiroshi Kaneko, Directeur adjoint du "Building Guidance Division, Housing Bureau" a insisté sur le fait que depuis l'édification des normes 1980, le contrôle sur tous les nouveaux bâtiments a été effectué par ce ministère, mais n'a pas précisé le nombre de fonctionnaires dont le ministère disposait pour cette mission.

Les travaux d'aménagement sont soumis à un mode d'évaluation à 3 niveaux. On n'utilise pour les évaluations les programmes informatiques que si les 2 premiers niveaux d'évaluation ne sont pas assez bons, donc pour des cas très précis.

La loi prévoit pour les bâtiments les plus exposés l'obligation des travaux sous peine de sanctions. Toutefois des incitations sont prévues :

- décote sur les impôts (société ou revenu)

- prêts bonifiés prioritaires mais jamais de subvention.

Les bâtiments les plus dangereux sont ceux de 5 à 10 étages, les grandes tours ont des normes très sévères à cause des grands vents.

Il avait été constaté pour les bâtiments (sauf écoles et hôpitaux qui sont du ressort de leurs ministères de tutelle) beaucoup de dégâts de cisaillement dans les rez-de-chaussée des constructions à 2 ou 3 étages en béton armé. Des études pour y remédier sont en cours.

Le patrimoine historique n'est pas concerné par ces travaux de mise aux normes.

Les réseaux -gaz, eau, électricité- sont de la compétence des municipalités, mais il peut y avoir une coopération des différents ministères en cas de séisme.

          5-2-2-4 - quelques grandes réalisations dans le monde

Lors de la mission accomplie en Californie, votre Rapporteur a observé les travaux de mise aux normes parasismiques de certains bâtiments. Trois ont particulièrement retenus l'attention : un, achevé et qui a subi l'épreuve d'un séisme, et deux en cours de réalisation. Il s'agit dans le premier cas du centre 911 à Los Angeles, pour les deux autres des énormes travaux accomplis pour sauvegarder le City Hall d'Oakland et le Musée de la Légion d'Honneur à San Francisco.

Votre Rapporteur a donc visité le Centre de commandement des pompiers du comté de Los Angeles (Fire Command and Control Facility). Ce centre de commandes des pompiers, datant de 1984; représente un élément important dans l'organisation des secours de Los Angeles notamment à la suite d'un séisme, car il doit protéger le système pendant un séisme majeur, donc préserver le système de communication dans le centre principal.

L'ensemble du projet de ce centre 911 (bâtiments mais aussi services de communications) est de 40 millions de dollars. Le coût du bâtiment central était évalué à 5,6 millions de dollars ; dès lors pour le mettre aux normes parasismiques deux approches existaient : consolidation ou fondations spéciales

        - consolidation : centre toujours fonctionnel mais 1 400 000 dollars de dégâts prévisibles

        - isolation de la fondation, amortissement par caoutchouc qui absorbe l'énergie des séismes : 40 000 dollars de dégâts.

C'est la solution isolation qui a été choisie, et on peut estimer maintenant le coût du bâtiment à 6 millions de dollars.

Depuis la réalisation de ces travaux d'isolation, 3 séismes majeurs ont été ressentis sans provoquer de dégâts au bâtiment, sinon mineurs, au niveau d'un joint qu'il a fallu remplacer.

Le séisme du 17 janvier 1994 n'a pas provoqué de dégât physique ; Dennis Martin, le manager du Centre 911, a eu l'impression d'être dans un bateau par temps calme, seul un joint de passerelle extérieure a du être revu.

Il y a eu une flexion, pour l'ensemble du bâtiment, d'un pouce en bas, d'un pouce et demi en haut, l'oscillation possible allant jusqu'à 15 pouces.

Toujours de l'avis de Dennis Martin, des bâtiments en structure acier peuvent absorber la plupart des séismes, mais les soudures sont toutes à vérifier après un séisme tel celui de Northridge.


Dans le bâtiment voisin construit en 1951 selon les normes antinucléaires, avec des murs épais, tout le monde doit évacuer en cas de séisme ; par contre, dans le nouveau centre tout le monde reste à son poste, les responsables attendent les appels pour déterminer l'épicentre, grâce au programme informatique CUBE (CALTECH-USGS Broadcast Earthquake).

Ce bâtiment sur appuis parasismiques, à ossature métallique contreventée par palées de stabilité, est constitué d'un rez-de-chaussée et d'un étage (photo). Il repose sur 32 appuis en élastomère fretté, régulièrement espacés sous la structure suivant un quadrillage régulier de 8 appuis sur la longueur et 4 appuis sur la largeur.

Tous les appuis ont une section carrée de 40 cm de côté et une hauteur de 30 cm (photo). Ils sont constitués de 26 frettes de 3 mm d'épaisseur et de couches d'élastomère de 10 mm d'épaisseur environ. L'amortissement de ces appuis est de l'ordre de 15 %. Les appuis délimitant le périmètre du bâtiment possèdent une chaîne métallique logée à l'intérieur de l'appui lui-même. Le rôle de cette chaîne est de retenir la structure en cas de déplacements extrêmes. Les autres appuis situés à l'intérieur du périmètre du bâtiment ne contiennent pas ce dispositif.

Ces appuis sont dimensionnés pour résister à un séisme majeur, mais il fut avancé que la magnitude 8.3 semblait un maximum, sans autre précision.

Par ailleurs, le concepteur a prévu l'ancrage au sol et au plafond de certains équipements (armoires, tablettes, ...). Ceux-ci n'ont subi aucun dégât. Les ordinateurs qui étaient simplement posés n'ont pas souffert du séisme.

Les tuyauteries de gaz et d'eau sont pourvues de joints à rotules pour permettre les mouvements par rapport au sol.

La mission AFPS qui s'est rendue en Californie en février 1994 a mentionné dans son rapport de mission que les accélérations maximales enregistrées étaient les suivantes :

        - en champ libre (à environ 30 m du bâtiment): 0,32g et 0,26 g dans les deux directions horizontales et 0,13 g en vertical,

        - au niveau des fondations (sous les appuis) : 0,22 g et 0,18 g dans les deux directions horizontales et 0,11 g en vertical,

        - dans la structure : 0,35 g en horizontal au rez-de-chaussée et 0,30 g en vertical.

Le joint évoqué et qui fut le seul dommage enregistré lors du séisme de 1994 est situé au niveau de l'accès principal du bâtiment et était prévu pour être "fusible" en cas de séisme (mortier de faible résistance et carrelage). Ce "fusible" a bien joué son rôle lors du séisme de Landers, mais la réparation qui a suivi était plus rigide que celle prévue initialement. En effet, le joint a été remplacé par une couche de béton de quelques centimètres d'épaisseur, armée par un treillis métallique. L'AFPS note que cet événement met une nouvelle fois en lumière l'importance qu'il convient d'accorder, en zone sismique, au traitement des joints et d'une façon générale aux modifications de structures.

Les appuis parasismiques ont donc assuré leur fonction de supportage pendant le séisme pour les déplacements qu'ils ont subis (» 3 cm), ce qui a permis à l'installation de rester en fonctionnement et d'assurer l'organisation des secours nécessaires après le séisme.

Les deux autres réalisations étaient en cours de travaux en septembre 1994, sur le point de se terminer pour le City Hall et moins avancés pour le palais de la Légion d'Honneur.

Oakland, commune jouxtant San Francisco a pour mairie un bâtiment ancien, classé monument historique, non dimensionné aux normes parasismiques, mais les habitants y sont fortement attachés. Cet immeuble de 19 étages (dont 15 sont occupés) et d'environ 107 mètres de haut, est donc en cours de confortement tout en maintenant une activité administrative dans les étages supérieurs. En quoi consiste ce confortement ?

Le bâtiment a été littéralement découpé à sa base, et surélevé. Entre les fondations et les étages, 113 isolateurs de base (coussins de caoutchouc) ont été introduits, le bâtiment étant soulevé par des vérins puis reposant sur ces appuis parasismiques. Du caoutchouc liquide peut-être injecté dans ces supports, dès que l'élasticité voulue n'est plus obtenue. Cette opération de mise à niveau des coussins est prévue tous les 10 ans environ, le bâtiment sera à nouveau mis sur vérins, et soulevé par quartiers, le temps de procéder au renouvellement de la matière amortissante. Cette opération gigantesque est chiffrée à 76,8 millions de dollars et doit s'achever en mai 1995, soit après 47 mois de travaux.

Le musée de la Légion d'Honneur à San Francisco est une réplique du musée de la rue de Lille à Paris, à l'échelle 2/3. Offert par des mécènes américains, il est symbolique de l'amitié franco-américaine. Mais il est situé près d'une faille et donc très exposé. La solution adoptée est le ferraillage intérieur des murs. Estimant qu'il était impossible pour des entreprises de refaire les façades à l'identique actuellement, le palais est reconstruit totalement de l'intérieur. Les architectes en ont profité pour repenser l'aménagement intérieur et les sous-sols pour répondre aux besoins contemporains (accès pour les livreurs, salle audiovisuelle, restaurants, ...). Les fondations ont été recreusées et consolidées, les murs porteurs ont été renforcés par des ferraillages sur lesquels les panneaux ont été refixés. Le coût total de l'opération est de plusieurs dizaines de millions de dollars, mais il est difficile d'imputer à la seule mise aux normes parasismiques cette dépense, de très nombreux aménagements de "confort" et de "facilités" ayant été introduits.

A Tokyo, votre Rapporteur a pu voir une réalisation particulièrement intéressante et qui nous touche directement : le lycée franco-japonais à Fujimi. Datant de 1967, le bâtiment avait été construit suivant les normes antisismiques de l'époque. Des travaux ponctuels avaient été réalisés : vannes de gaz se fermant automatiquement en cas de fortes secousses, vitrage antisismique de toutes les salles de classe. Cependant le Proviseur Claude Gernot avait réclamé après le séisme du 2 février 1992 un confortement de l'établissement, le seul en fait à n'avoir pas fait de travaux en ce sens dans le quartier. Grâce à la compréhension de la tutelle, les travaux pour une valeur de 6 millions de francs ont pu être réalisés et la mise aux normes effectuée durant l'été 1994. Ces travaux ont consisté en l'installation de 20 contreventements métalliques, pas toujours très esthétiques d'ailleurs, sur la plupart des baies et des espaces vides du rez-de-chaussée. Compte tenu du nombre d'enfants présents et de l'exiguïté voire de la praticabilité de l'issue de secours, il est souhaitable que l'accès principal soit opérationnel.

          5-2-2-5 - les balbutiements en France

Comme on l'a vu précédemment, l'arrêté ministériel du 10 mai 1993 fixe les règles parasismiques applicables aux installations soumises a la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement et définit une méthodologie pour tout d'abord caractériser le risque sismique à prendre en considération sur un site déterminé et ensuite traduire les chargements mécaniques induits dans le dimensionnement des équipements devant faire l'objet de mesures de protection.

Les installations industrielles auxquelles cet arrêté s'applique sont répertoriées sous la mention "servitude d'utilité publique" dans la nomenclature des installations classées. Ce sont donc les usines potentiellement les plus nuisantes ou présentant les risques les plus importants, à l'exception de celles dont l'étude des dangers montre qu'elles ne présenteraient pas, en cas de séisme, des dangers d'incendie, d'explosion ou d'émanation de produits nocifs aggravant notablement les conséquences premières du séisme.

Pour les installations existantes dont l'activité pourrait conduire à aggraver notablement les conséquences d'un séisme, le texte prévoit la possibilité de rendre applicable tout ou partie des dispositions qu'il contient sous la forme de prescriptions techniques complémentaires.

Actuellement une opération que l'on peut qualifier de pilote se déroule en région Provence-Alpes-Côte d'Azur sous l'égide de la DRIRE.

La première étape est donc l'évaluation du comportement au séisme de certaines installations à risques technologiques.

Les installations concernées sont les suivantes :

        - 1. les stockages de gaz toxiques liquéfiés sous pression ;

        - 2. les unités de fabrication mettant en oeuvre des gaz toxiques en pression ;

        - 3. les stockages de gaz inflammables liquéfiés sous pression.

Pour ces installations, il est nécessaire de réaliser une évaluation du comportement de leurs structures porteuses et de leurs équipements sensibles aux sollicitations définies par le spectre de réponse en fréquence caractérisant physiquement l'aléa sismique local.

Ce sujet est techniquement complexe et nécessite une approche méthodologique élaborée avec l'aide de spécialistes, afin qu'une telle évaluation soit suffisamment juste et fiable tout en admettant des hypothèses simplificatrices concernant notamment la caractérisation des installations objet de l'étude.

Pour l'aborder, la DRIRE propose d'associer dans un groupe de travail de la commission risques technologiques du S.P.P.P.I. un représentant de la direction technique locale et autant que possible un spécialiste national dans ce domaine de chaque société ou groupe industriel.

La première réunion de ce groupe de travail s'est tenue le 16 février 1995, avec l'ordre du jour suivant :

        - contraintes sismiques à considérer,

        - recensement des installations à examiner,

        - caractérisation des différents types de matériels (sphères, réservoirs, réacteurs, canalisations,....) et équipements importants pour la sécurité,

        - détermination des objectifs de ces travaux :

- guide méthodologique d'analyse,

- facteurs favorables et défavorables,

- potentiel d'adaptation,

        - choix d'experts et modalités de leur association aux travaux.

De telles mesures (maintien de l'intégrité des réservoirs de stockage, conservation de la fonctionnalité des équipements de sécurité) devront être techniquement et économiquement réalisables comme l'impose la réglementation.

Les 14 établissements concernés sont essentiellement des raffineurs, des chimistes, des pétrochimistes de Fos-Etang de Berre. Le travail entrepris doit se poursuivre jusqu'au premier semestre de l'année 1996.

C'est un début pour la France, certes très encourageant et responsable, mais peut-on se permettre de n'entreprendre une telle démarche que j'encourage vivement qu'en une seule région ?

Il est vain de croire que sans aiguillon les travaux seront entrepris dans d'autres régions. Et il me semble tout aussi dangereux que la mise en conformité ne soit contrôlée par les DRIRE que lorsqu'une entreprise voudra modifier ses bâtiments ; il y aurait là un risque de paralysie de notre développement industriel ou une incitation à la non-déclaration de travaux vitaux pour certaines exploitations.

Aux Antilles, la situation s'amplifie par la conjonction d'aléa. Comme le rappelait M. Serge Lallier, un séisme peut induire un mouvement de terrain. On ne peut rien contre l'aléa, la seule action possible est la prévention : il faut protéger les vies humaines et l'existant. Pour cela, il faut instrumenter les failles à proximité de "failles actives", identifier les zones liquéfiables. Pour illustrer ses propos, il rappelle qu'un centre de secours en Martinique devait être construit sur une faille qui pourrait être active. Il faut absolument connaître davantage la nature du sol avant une telle construction.

Les PER, très longs à établir et chers, ont vécu. Les PPR devraient mieux répondre aux besoins. Les atlas communaux des aléas dont la DDE a la maîtrise d'oeuvre, sont en voie d'achèvement. Le BRGM les réalise et les présente aux élus. Mais pour l'instant, rien n'en a été fait, ces documents sont purement indicatifs. Le moindre mal serait de les utiliser comme base à la réalisation des futurs PPR.

L'adjoint au Directeur départemental de l'Equipement a insisté sur la nécessité de développer ces travaux dans toutes zones appelées à connaître un essor urbanistique. Les aléas sont souvent opposés aux enjeux, la cartographie communale met en valeur les aléas, pas toujours les enjeux. Lors de l'établissement du Schéma d'Aménagement Régional, il sera indispensable de connaître très précisément la nature du sous-sol des zones touristiques ou futures urbanisables, mais on peut regretter comme M. Max Etna que la cartographie des SAR soit effectuée au 1/100 000.

M. Michel Feuillard voit tout de même dans le SAR la possibilité d'harmoniser les POS, tout en laissant entier le problème de l'aménagement des bourgs du bord de mer que rien ne protège des raz-de-marée. Cette question qui aurait été posée à la DRM et au Ministère de l'Equipement ne semblait pas avoir obtenu de réponse à la date de ma mission.

      5-3 - l'efficacité des constructions parasismiques et le contrôle de l'exécution des chantiers

Même le respect le plus strict des règlements parasismiques est inutile sans une bonne mise en oeuvre et une exécution sur chantier soignée, menée par des personnes responsables. La mauvaise exécution est hélas trop souvent la cause de désordres importants et de pertes humaines qui auraient pu être évités.

Un contrôle s'avère donc indispensable, avec un corps de contrôleurs particulièrement étoffé. Mais quand doit se dérouler ce contrôle ? A chaque stade de la construction ? Si un constructeur veut tricher, comment l'en empêcher ?

Pour l'instant, mis à part pour certaines installations -et notamment celles à risque spécial-, le contrôle sera un contrôle a posteriori lors d'un tremblement de terre. Les missions d'observation envoyées après séismes sont donc très utiles, même si elles ne font que relever les dysfonctionnements ou les manquements qui ont pu se produire.

Dans le rapport de mission AFPS après Northridge, M. Jacques Betbeder-Matibet tirait les premières conclusions :

"Le séisme de Northridge apparaît sans aucun doute comme un épisode important dans l'histoire du génie parasismique. Le nombre très élevé et la diversité des constructions qui ont été fortement secouées, le fait que la plupart d'entre elles aient été conçues suivant les normes parasismiques et la multiplicité des enregistrements obtenus sont des circonstances rarement réunies qui font de ce séisme un test en vraie grandeur, dont les activités de recherche, de validation des méthodes d'analyse, et de mise au point de la réglementation devraient tirer un grand profit. Plusieurs années seront vraisemblablement nécessaires pour exploiter complètement cette immense base de données.

Dans l'attente de ces travaux d'analyse et d'interprétation quelques conclusions de portée générale peuvent dès maintenant être tirées :

La faille dont le mouvement a causé le séisme n'était pas répertoriée parmi les failles potentiellement dangereuses de cette région où, dans un passé récent, d'autres séismes, tels que ceux de San Fernando (1971), Whittier Narrows (1987), Big Bear et Landers (1992), avaient également étonné beaucoup de spécialistes des analyses sismo-tectoniques. Que de telles surprises soient non seulement possibles, mais aussi relativement fréquentes, dans une zone aussi intensivement étudiée, est une leçon de modestie qui illustre les difficultés et les incertitudes des évaluations de l'aléa sismique.

Les nombreux enregistrements obtenus pour les mouvements de sol et les particularités remarquables qu'ils présentent soulignent la complexité et la diversité des phénomènes sismiques. Les responsables de la conception parasismique d'un ouvrage ne doivent jamais oublier à quel point l'action sismique peut être variable et que le fait de l'avoir codifiée dans un règlement ne les dispense pas de réfléchir aux conséquences d'un éventuel dépassement, notamment pour éviter les comportements de type fragile.

Le bilan des victimes, même si l'on doit considérer qu'il aurait été sensiblement aggravé si le séisme s'était produit pendant la journée, est remarquablement faible, compte tenu de la violence des secousses et du très grand nombre de bâtiments concernés. Ceci constitue un succès incontestable à l'actif du code parasismique Californien, bien qu'il y ait eu quelques effondrements spectaculaires (ponts, parkings). La comparaison avec des séismes récents ayant affecté d'autres pays (Arménie 1988, Iran 1990), qui ont chacun fait plusieurs dizaines de milliers de victimes, montre que la construction parasismique, jointe à une bonne préparation des agents de la Sécurité Civile et de la population, atteint effectivement l'objectif qu'elle s'est jusqu'à présent fixé, c'est-à-dire la sauvegarde des vies humaines.

De nombreuses constructions parasismiques récentes ont subi, sans dommages structuraux majeurs, des accélérations et des vitesses du sol nettement supérieures aux valeurs maximales actuellement retenues par le code Californien. D'autres, en moins grand nombre, ont été fortement endommagées. Certaines, enfin, ont été complètement ruinées. Si l'on admet, ce qui doit être vrai dans la grande majorité des cas, que le code a été correctement appliqué et que l'exécution a été de bonne qualité, ce constat montre que le coefficient de sécurité effectivement obtenu dépend fortement de la conception, certains types de structures présentant des réserves considérables de résistance, alors que d'autres sont très vulnérables vis-à-vis d'actions sismiques plus fortes que celles prises en compte dans les calculs.

L'analyse des dégâts observés souligne, une fois de plus, la nécessité d'une cohérence entre le schéma de résistance conçu par le projeteur et le comportement réel de la structure. Des dispositions constructives inadéquates ou des ajouts irréfléchis d'éléments non structuraux sont susceptibles de fragiliser considérablement des constructions dont la conception était initialement saine.

En dépit d'un comportement globalement très satisfaisant du parc immobilier vis-à-vis du risque d'effondrement, les pertes économiques ont été très lourdes (de l'ordre de 30 milliards de dollars) et font de ce séisme la plus grave catastrophe naturelle de l'histoire récente des Etats-Unis. Dans de nombreux cas où les structures ont bien résisté, des dégâts considérables ont été causés aux éléments non structuraux, aux équipements et au mobilier. On ne saurait donc trop insister sur l'importance des bonnes dispositions d'installation pour le second oeuvre, qui n'ont peut-être pas reçu jusqu'ici toute l'attention nécessaire. Ce séisme contribuera certainement à une prise de conscience dans ce domaine."

Le séisme de Kobe, encore dénommé Hyogo-Ken Nambu, a confirmé des informations déjà connues pour la plupart. Des conclusions du groupe AFPS, on peut retenir les points suivants :

Les ruptures d'effort tranchant de poteaux ou de piles en béton armé, avec un ferraillage transversal insuffisant, sont observées une nouvelle fois. La violence des mouvements a dépassé le niveau de séisme modéré vis-à-vis duquel les règlements japonais visent à obtenir l'absence de dégâts et s'est approchée du séisme ultime pour lequel on se borne à prévenir l'effondrement.

Du point de vue de la résistance des structures au séisme, la situation est similaire à Tokyo et à Kobe, ces deux régions étant en particulier placées par les codes de dimensionnement dans la même zone sismique. Certaines autoroutes aériennes sont plus anciennes que l'autoroute Hanshin, terminée en 1970, qui s'est effondrée à Kobe sur plusieurs centaines de mètres.

Le génie parasismique est une véritable science en évolution continue et les indications données seront sans doute complétées à l'aide des enseignements tirés de l'observation in situ des séismes à venir.

Les règles exposées sont simples, mais les derniers séismes ont montré que ces règles n'étaient pas toujours respectées. Il est bon que la préoccupation parasismique soit intégrée dès les premières phases de la conception du projet, au même titre que l'étanchéité ou l'isolation. Cette approche doit devenir un réflexe et la réglementation un aiguillon.

      5-4 - le cas spécifique des Petites Antilles

Le problème des permis de construire est le problème crucial rencontré aux Antilles. Selon le Président de l'Ordre des architectes de Martinique, 80 % des constructions seraient effectuées sans permis de construire (dans les autres réunions, un consensus semblait se dégager sur une estimation de 50 %).

Sur les constructions avec permis de construire, l'interprétation sur le recours à un architecte pour les constructions de 170 m² fait que 83 % d'entr'elles sont inférieures à 169,90 m². Et il n'est qu'à constater que nombre de ces demeures s'adjoignent ensuite d'annexes, fragilisant l'ensemble, dépassant toute mesure.

La responsabilité des politiques, à tous les niveaux, est bien engagée ici, mais cette critique est plus facile à énoncer qu'à réaliser.

Un autre problème évoqué par les techniciens est celui du manque de réel contrôle à l'entrée sur les îles des matériaux de construction, notamment pour les fers à béton.

Grâce au programme GEMETIS, la vulnérabilité des bâtiments de Pointe-à-Pitre fait l'objet d'une étude. Une approche générale, par blocs d'immeubles, sera disponible.

Si un séisme majeur survient, les secours ne pourront venir de l'extérieur car les ports et les pistes des aéroports seront certainement endommagés ; il faudra réparer en première urgence avec les moyens disponibles.

De même, l'hôpital régional avec ses grandes baies vitrées inquiète la plupart des techniciens -privés ou publics- et les associations s'en font le relais auprès des populations, alors que les autorités administratives affichent un optimisme certain.

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