LES CONSÉQUENCES DES INSTALLATIONS DE STOCKAGE RÉSUMÉ *Introduction *Première Partie : le constat L’impact limité, tel qu’on le mesure actuellement, des installations de stockage de déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement *Chapitre 1 : le cadre de l’étude *I – Les définitions et les classifications des déchets radioactifs *1. Les définitions usuelles *1.1. La réglementation de 1982 *1.2. La définition de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs *1.3. Les définitions d’EDF et de l’AIEA *1.4. La définition de la CIPR n° 77 *2. Les spécificités des déchets radioactifs par rapport aux déchets standards *3. Les classifications des déchets radioactifs *3.1. La classification réglementaire française des déchets radioactifs *3.2. La classification usuelle " traditionnelle " *3.3. La nouvelle classification usuelle *3.4. La classification américaine *II – Définitions et classifications des dépôts de déchets radioactifs *1. Définition et règles de calcul de l’activité *2. Les cas ne nécessitant pas de déclaration ou d’autorisation *3. Les installations de dépôt ou de stockage appartenant à la catégorie des ICPE *4. Les installations de dépôt ou de stockage appartenant à la catégorie des INB *III – Le champ de l’étude *1. Les combustibles irradiés des réacteurs électronucléaires hors du champ de l’étude *1.1. Les combustibles irradiés des centrales électronucléaires *1.1.1. Les combustibles standards *1.1.2. Les combustibles Mox *1.2. Les autres combustibles : réacteurs de propulsion et réacteurs d’étude *2. L’uranium appauvri et l’uranium de retraitement, hors du champ de l’étude *2.1. l’uranium appauvri *2.2. l’uranium de retraitement *3. Les rejets dans l’environnement compris dans le champ de l’étude *3.1. Les principaux rejets radioactifs liquides *3.2. Les principaux rejets radioactifs gazeux *4. Les déchets radioactifs *4.1. Les ordres de grandeur des volumes et des coûts de stockage des différents déchets *4.2. Les déchets de très faible activité *4.2.1. Des formes, des provenances et des volumes très divers *4.2.2. Le risque de banalisation *4.3. Les déchets de faible et moyenne activité *4.4. Les déchets de haute activité *Chapitre 2 : Les conséquences des installations de stockage de déchets nucléaires *I – Le stockage des déchets miniers à Bessines *1. Données générales relatives aux déchets des mines d’uranium *1.1 Les stériles *1.2. Les résidus de traitement *1.3. Etat des réaménagements en France *2. Les objectifs de protection de la santé publique et de l’environnement *2.1. Les régimes juridiques applicables *2.2. Les difficultés de la mesure de l’impact sanitaire *2.3. La nécessité de diminuer les émanations de radon et d’améliorer la qualité des eaux *2.4. Les garanties pour le long terme *2.4.1. Les efforts de recherche et développement *2.4.2. Le statut à long terme *3. L’entreposage d’uranium appauvri à Bessines *3.1. La controverse juridique sur l’installation *3.2. Les caractéristiques de l’installation *II –. Le centre de stockage de la Manche *1. Un site de stockage témoin de pratiques heureusement révolues *2. La nécessité d’une surveillance rapprochée *III – Le Centre de stockage de l’Aube à Soulaines, fleuron de l’Andra *1. La création du Centre de stockage de l’Aube *1.1. La mission du centre de l’Aube, telle qu’elle est prévue par les textes *1.2. Le processus de création *1.3. Les spécifications de fonctionnement *2. L’exploitation du Centre de stockage de l’Aube *2.1. Modalités de fonctionnement *2.2. Bilan de l’activité industrielle *2.3. L’impact sur la santé et l’environnement *2.3.1. Les prescriptions de la réglementation *2.3.2. Le dispositif de surveillance *2.3.3. Les récentes demandes d’autorisation de rejets *2.3.4. L’impact après l’exploitation et la cessation de la surveillance *Chapitre 3 : L’impact des autres installations entreposant des déchets nucléaires *I – L’entreposage de matières nucléaires et de déchets radioactifs à Cogema - La Hague *1. Le principe du retraitement et les produits qui en sont issus *1.1. l’uranium de retraitement *1.1.1. La composition de l’uranium de retraitement *1.1.2. Les quantités récupérées et utilisées d’uranium de retraitement *1.2. Le plutonium *1.2.1. la qualité du plutonium extrait *1.2.2. Les pertes de procédé en plutonium *1.3. Les produits de fission et les actinides mineurs *1.4. Les coques et embouts et les autres déchets technologiques *1.5. Les effluents liquides et les rejets gazeux *2. L’intérêt du retraitement pour la gestion des déchets *2.1. La réduction de toxicité des déchets *2.1.1. Une réduction d’un facteur 10 de la toxicité des déchets, selon Cogema *2.1.2. Une réduction de la toxicité des déchets qui dépend en fait du taux de recyclage *2.2. La réduction de volume des déchets *2.2.1. Une réduction de volume des déchets d’un facteur 5, selon Cogema *2.2.2. Une réduction de volume largement surestimée *3. Les quantités de matières nucléaires et de déchets radioactifs présentes à La Hague *3.1. Le tonnage de combustibles retraités à La Hague *3.2. Les quantités de matières nucléaires et de déchets présentes à La Hague fin 1998 *3.2.1. Les stocks de combustibles irradiés en attente de retraitement *3.2.2. Les matières nucléaires séparées et recyclables *3.2.3. Les déchets proprement dits – verres, coques et embouts et déchets technologiques *4. L’épineuse question du départ de La Hague des déchets du retraitement *4.1. Les déchets étrangers *4.1.1. Les délais techniques de réexpédition *4.1.2. Les dispositions des contrats *4.1.3. Les retours déjà effectués *4.1.4. Les prévisions de durée des retours de déchets vitrifiés *4.1.5. Les retours des coques et embouts et des déchets technologiques *4.1.6. Les boues de traitement des effluents *4.1.7. Des réexpéditions jusqu’en 2018-2019 *4.2. Les volumes de déchets envoyés à l’Andra *5. Les rejets des installations de La Hague *5.1. Les rejets actuels des installations de La Hague *5.2. Les rejets prévisibles résultant de l’extension de capacité *5.3. Les difficultés de recensement des radionucléides relâchés dans l’environnement *II – L’impact des installations du Nord-Cotentin considérées dans leur ensemble *1. Les évaluations de l’impact des installations nucléaires du Nord-Cotentin sur la santé publique et l’environnement *1.1. Les résultats du rapport " Rayonnements ionisants et santé " *1.2. Le groupe radioécologie Nord-Cotentin *1.3. Les difficultés spécifiques des études conduites dans le Nord Cotentin *1.3.1. Les difficultés rencontrées en matière d’épidémiologie *1.3.2. Les difficultés rencontrées en matière de radioécologie *1.3.3. La nécessité de poursuivre les études sur le Nord-Cotentin *III – L’entreposage des déchets au CEA *1. Les déchets nucléaires à Marcoule *1.1. Le démantèlement des réacteurs G1, G2 et G3 *1.2. Le démantèlement d’UP1 *1.3. La reprise des autres déchets *1.4. L’usine Centraco *1.5. Le total des déchets radioactifs présents à Marcoule *1.6. Les rejets et la contamination de la nappe phréatique *2. Les déchets nucléaires à Cadarache *2.1. L’entreposage centralisé de déchets CEA *2.1.1. L’installation d’entreposage de combustibles irradiés Cascad *2.1.2. Cadarache, centre d’entreposage du CEA *2.2. L’entreposage de déchets extérieurs au CEA *Conclusion *3. Les déchets et les rejets de Valduc *3.1. Un centre dédié aux activités de défense *3.1.1. La conception et la production des armes de dissuasion nucléaire en France *3.1.2. Les matières nucléaires à usage militaire *3.1.3. Des déchets militaires d’un type particulier *3.2. Un site aux déchets peu volumineux, commençant à centraliser les déchets tritiés *3.2.1. Les déchets alpha *3.2.2. Les déchets tritiés *3.3. Des rejets désormais réduits mais ayant marqué durablement l’environnement *4. Les rejets et les déchets de Saclay *4.1. Les caractéristiques principales du site de Saclay *4.2. Les déchets radioactifs présents à Saclay *4.3. La suppression des rejets, une obligation à terme pour le centre de Saclay *4.4. La réexpédition des déchets présents sur le site *4.5. Le souci d’information *5. L’organisation interne et le poids financier de la gestion des déchets au CEA *5.1. Les dépenses d’assainissement *5.2. La gestion des déchets *5.3. Les provisions *
RÉSUMÉ I – Un impact limité à court terme, tel qu’on le mesure actuellement
1. Les insuffisances de la réglementation des déchets radioactifs et l’absence de solutions pratiques dans un grand nombre de cas soulignent les problèmes actuels sur la gestion des déchets radioactifs. La réglementation française classe les déchets radioactifs selon leur teneur en radioéléments à vie longue (émetteurs alpha). La réglementation traite également des installations de stockage, en prévoyant des seuils d’activité massique ou d’activité totale en dessous desquels ni la déclaration ni l’autorisation de détention ne sont nécessaires, ainsi que des limites déclenchant la qualification d’ICPE ou d’INB. Dans la pratique, une classification usuelle traditionnelle a été introduite, faisant intervenir les niveaux d’activité et distinguant les déchets A de faible activité, les déchets B de moyenne activité et les déchets C de haute activité. Cette classification est aujourd’hui abandonnée, au profit d’une méthode fondée sur le double critère activité + période. En tout état de cause, il conviendrait tout à la fois de remettre de la cohérence dans les différents textes, décrets, circulaires et avis traitant des déchets radioactifs et combler leurs lacunes. Au demeurant, actuellement, seuls les déchets de faible activité à vie courte disposent d’un exutoire à long terme au Centre de stockage de l’Aube. Au demeurant, nombreux sont les cas particuliers de cette catégorie pour lesquels n’existe pas de solution pratique, comme les déchets tritiés, les déchets graphite ou les déchets radifères. De surcroît, les déchets de moyenne ou de haute activité, comme différents déchets de faible activité spécifique, restent à titre transitoire sur les sites des exploitants. La situation est donc largement indéterminée à moyen terme. 2. La banalisation des stockages de résidus miniers au-delà de 10 ans n’est pas acceptable. La sûreté à long terme des résidus de traitement des minerais d’uranium est une question très importante, du fait de leur impact sanitaire potentiel et de leur masse (52 millions de tonnes). Si les efforts d’aménagement des sites semblent résoudre le problème du radon à court terme, il reste à démontrer leur efficacité à très long terme pour prévenir la lixiviation des produits radioactifs à vie longue et la toxicité chimique. En outre, la pérennité des équipements de drainage et de traitement des eaux n’est démontrée. En conséquence, il semble nécessaire d’une part de classer les sites de stockage de résidus dans la catégorie des installations nucléaires de base et d’autre part d’étudier les conditions de leur prise en charge par l’Andra. 3. Une surveillance permanente et attentive du Centre de stockage de la Manche est indispensable. En raison des pollutions engendrées par le Centre de stockage de la Manche (CSM) et des points chauds de radioactivité qu’il recelait, la Commission Turpin avait en 1996 analysé la situation de ce centre et proposé des mesures de nature à améliorer ses structures et sa surveillance. Les affaissements de la couverture survenus en 1997 et 1999 justifient s’il en était besoin la recommandation de la Commission de procéder à la mise en place d’une couverture définitive assurant une meilleure étanchéité et une meilleure récupération des eaux de ruissellement. En tout état de cause, une surveillance étroite du CSM s’impose et ceci sans limitation de durée. 4. Le Centre de Stockage de l’Aube ne doit pas être sous-utilisé comme il l’est actuellement Le centre de stockage de l’Aube de l’Andra à Soulaines est à la fois un site mettant en œuvre des précautions techniques plus développées qu’ailleurs et aussi un site auquel les exploitants cherchent à éviter de recourir. Cette situation paradoxale provient du fait que dans de nombreux cas, les exploitants, en l’absence d’obligation d’utiliser les installations de l’Andra, ont intérêt à entreposer leurs déchets sur leurs propres sites. Par ailleurs, des installations comme l’actuelle usine Centraco ou le projet Cedra du CEA ont pour fonction d’augmenter la compacité et l’activité massique des déchets. Il serait opportun qu’un bilan sanitaire et écologique soit établi afin de justifier une pratique qui a pour effet de réduire les quantités de déchets A et d’augmenter les quantités de déchets B. Cette situation doit être corrigée par une révision des tarifications et des obligations plus clairement imposées aux producteurs de déchets. Par ailleurs, l’impact du CSA n’est limité que pour les phases d’exploitation et de surveillance. Les calculs d’impact en cas d’intrusion après banalisation démontrent que celle-ci ne peut être envisagée à quelque échéance que ce soit. 5. 27 000 tonnes plus 27 000 m3 de déchets sont en souffrance à La Hague, en raison de l’absence de solutions nationales et de la carence des exploitants étrangers. La présence de déchets de procédé et de déchets technologiques est inévitable dans toute usine de retraitement. Mais l’absence de solution nationale de stockage pour les déchets de haute ou moyenne activité à vie longue, d’une part, et l’absence de reprise par les exploitants étrangers des déchets qui leur incombent, d’autre part, a conduit à l’accumulation dans les installations de La Hague de plus de 27 000 tonnes de déchets et de 27 000 m3 additionnels. S’agissant des déchets du retraitement de combustibles étrangers, sur les 16000 conteneurs, environ, qui auraient dû être réexpédiés conformément à la loi du 30 décembre 1991, seuls un peu plus de deux cent cinquante étaient effectivement repartis à la fin 1998. Selon les indications de Cogema, il faudrait près d’une vingtaine d’années de retours réguliers pour assainir la situation, dans l’hypothèse, malheureusement non vérifiée, où les clients étrangers ne diffèreraient plus leurs engagements. 6. Les rejets de La Hague sont en réduction par rapport au passé mais doivent tendre vers zéro le plus rapidement possible. L’activité totale rejetée sous forme d’effluents liquides par l’usine de La Hague est en diminution sensible depuis quelques années, à l’exception du tritium. La situation est moins favorable pour les rejets gazeux qui sont au contraire en croissance, car proportionnels aux tonnages retraités, pour le tritium, le carbone 14 et le krypton 85. La récente demande de renouvellement de ses autorisations de rejets par Cogema fait référence à la notion nouvelle de rejets nominaux. En réalité, ce que demande Cogema, c’est l’autorisation d’augmenter à l’avenir ses rejets par rapport aux niveaux atteints en 1998. Cette demande n’est pas recevable. Les pouvoirs publics devraient au contraire fixer les autorisations de rejets au niveau des rejets réels et imposer une réduction progressive pour atteindre le niveau zéro en 2010 pour les radioéléments artificiels et le niveau de la radioactivité naturelle pour les radioéléments naturels. 7. Les efforts du CEA pour une meilleure gestion de ses déchets sont réels mais pourraient le conduire à une impasse. Le CEA s’est engagé depuis 1990 dans une action de longue haleine d’assainissement de ses sites et de gestion coordonnée de ses déchets. Le démantèlement des piles G1, G2, G3 et de l’usine UP1 de Marcoule, compte tenu des volumes de déchets générés, pose avec acuité la question de centres de stockage de grande capacité pour les déchets de très faible activité. Par ailleurs, une répartition des rôles dans le stockage des déchets s’effectue entre les différents centres, avec, par exemple, une spécialisation de Valduc dans les déchets tritiés et de Cadarache dans les déchets de moyenne activité. Dans tous les cas, la diminution des rejets dans l’environnement des différents centres doit s’accélérer. On peut se demander enfin si, compte tenu de la quasi-stabilité de son budget, le poids de la gestion de ses déchets ne conduit pas le CEA dans une impasse, en diminuant ses ressources pour la recherche.
II – La nécessité d’avancées scientifiques et techniques pour des garanties à plus long terme
1. La démonstration scientifique complète de l’innocuité à long terme des faibles doses de rayonnements ionisants n’est pas faite. L’AEN-OCDE a récemment fait réaliser par un panel international d’experts, un bilan des connaissances sur les effets des faibles doses de rayonnements ionisants sur la santé et un recensement des inconnues en la matière. En toute hypothèse, la preuve n’est pas faite de l’innocuité à long terme des faibles doses. En conséquence, l’épidémiologie sur les effets des faibles doses est une discipline qui doit être développée dans notre pays, en distinguant les cas du public, des travailleurs à statut, des employés des sous-traitants et des intérimaires. La France se caractérise par un retard important dans ce domaine. De surcroît, les méthodes de l’épidémiologie méritent d’être complétés par d’autres méthodes, en particulier par la radiobiologie moléculaire, la radiotoxicologie et la toxicochimie. En tout état de cause, aucun résultat scientifique crédible ne pourrait justifier un relâchement des contraintes de la radioprotection. 2. Le principe de la dilution dans l’environnement doit être abandonné au profit d’un objectif général de conversion des rejets en déchets solides. Compte tenu des incertitudes sur la susceptibilité génétique aux faibles doses et sur le couplage de la radiotoxicité et de la toxicité chimique, et compte tenu de la demande sociale d’un environnement protégé, l’impact " zéro " des rejets par référence à la radioactivité naturelle ne peut plus être un objectif politiquement admissible. Au contraire, les engagements internationaux de la France, en particulier la transposition de la directive européenne sur la radioprotection et l’accord signé le 24 juillet 1998 à Sintra dans le cadre de la convention OSPAR rendent obligatoire une rigueur accrue dans la gestion des rejets et des déchets radioactifs. En conséquence, un objectif de principe doit désormais être fixé à l’ensemble des exploitants nucléaires, à savoir la marche vers le rejet zéro pour les radioéléments artificiels par conversion des rejets en déchets solides. A cet effet les autorisations de rejets doivent être données pour une durée limitée, sur la base des rejets réels et avec des objectifs de réduction programmée. Ce qui est mis en pratique dans les décharges de classe I, avec un traitement de tous les effluents et stockage sur place des polluants, doit également l’être pour les installations nucléaires. 3. La R & D sur l’impact du nucléaire est trop faible par rapport à la R & D sur la pérennisation du nucléaire. Alors que les incertitudes à long terme sont nombreuses tant sur les modes de gestion des déchets que sur leur impact sur la santé publique et l’environnement, il est paradoxal que les dépenses de recherche sur la minimisation des rejets et des déchets représentent moins de 10 % des dépenses de recherche pour la pérennisation de l’outil électronucléaire. En 1998, ces mêmes recherches représentaient 0,04 % du chiffre d’affaires " nucléaire " d’EDF et 0,36 % du chiffre d’affaires de Cogema. Il convient donc que les priorités soient clairement inversées et que les programmes de recherche du secteur nucléaire soient redéployés vers la protection de la santé publique et de l’environnement. 4. L’exemple américain de Yucca Mountain démontre l’impossibilité de prouver la stabilité d’un stockage à l’horizon de plusieurs milliers d’années. Les Etats-Unis ont mis en service avec le WIPP un stockage géologique définitif pour une partie très réduite de leurs déchets. Pour les combustibles irradiés et les déchets de haute activité, le projet de stockage définitif de Yucca Mountain se heurte à des difficultés considérables pour prouver sa stabilité à très long terme. En réalité, tant le processus politique que les recherches scientifiques conduites dans ce domaine aux Etats-Unis montrent que le concept de dépôt définitif, sans réversibilité, et d’une sûreté intrinsèque éternelle, n’est pas opérant et tend, par son impossibilité à être démontré, à pérenniser des solutions transitoires insatisfaisantes. La réversibilité et la surveillance sont en réalité deux notions incontournables pour la réalisation effective de centres de stockage de déchets. III – L’urgence d’une politique nationale des rejets et des déchets radioactifs
1. La transposition de la directive européenne sur la radioprotection est l’occasion bénéfique de durcir la réglementation française. La transposition de la directive européenne n° 96/29 oblige la France à durcir certaines limites d’exposition. Il n’y a aucune autre possibilité que celle de mettre en place les nouvelles normes. La directive, par ailleurs, donne la possibilité d’introduire des seuils de libération, exprimés en activité totale ou bien massique, aux termes desquels des substances radioactives identifiées comme telles au départ peuvent ensuite être banalisées. Ce mécanisme ne doit pas être retenu, la position de la direction de la sûreté des installations nucléaires étant à cet égard à soutenir. Il importe au contraire que les matériaux contaminés issus des installations nucléaires restent sur un circuit spécifique et étanche. Les seuils d’exemption par radioélément devront, quant à eux, être fixés d’une manière telle qu’ils aboutissent à des contraintes plus fortes, quel que soit le scénario d’impact et que l’on précise le volume et la masse concernées. 2. Une politique nationale doit être définie en urgence pour l’ensemble des rejets et déchets radioactifs. Les producteurs de déchets nucléaires conservant la responsabilité de ceux-ci sans limitation de temps, chacun des exploitants nucléaires gère cette question dans le respect de la réglementation mais au mieux de ses intérêts. De même, les autorisations de rejets sont données au cas par cas. Or des stratégies individuelles ne font pas une stratégie nationale, coordonnée et optimale, tant sur le plan de la sûreté que sur le plan économique. Des progrès importants restent à réaliser dans la connaissance des stocks de déchets radioactifs. Pour ce faire, il faut que l’Andra soit en mesure de contrôler les déclarations qui lui sont transmises par les exploitants. Il faut également harmoniser les conditionnements et les dispositifs d’entreposage mis en place à titre transitoire. En définitive, c’est la définition et la mise en place d’une politique nationale des rejets et des déchets radioactifs de toute nature qui est nécessaire sous la forme d’un programme pluriannuel comportant des objectifs précis assignés aux exploitants nucléaires qui, appartenant au secteur public, doivent être d’autant plus exemplaires. Une connaissance parfaite de l’existant devra se traduire par une politique clairement affichée, centralisée au niveau national, ce qui ne veut pas obligatoirement dire qu’il faille parvenir à une centralisation physique de tous les déchets ou de tous les déchets de même type. 3. La responsabilité de la définition de la politique nationale des déchets ainsi que le contrôle de son application appartient au Gouvernement. L’élaboration et le contrôle d’une politique nationale des rejets et des déchets radioactifs font partie des responsabilités régaliennes du Gouvernement. Pour les voir s’accomplir, les institutions actuelles doivent être réorganisées et surtout dynamisées par une demande politique forte. C’est bien au niveau du Premier ministre et des ministres en charge de l’industrie, de la santé, de l’environnement et de la recherche que doivent être prises les décisions d’orientation de la politique nationale des rejets et des déchets radioactifs. Il n’entre pas dans l’objet du présent rapport de proposer une nouvelle organisation du contrôle de la sûreté nucléaire. C’est pourquoi on raisonne ici dans le cadre des institutions existantes, en appelant, le cas échéant, des améliorations dans leur fonctionnement. En tout état de cause, l’actuel comité interministériel de la sécurité nucléaire devrait être réorganisé et dynamisé afin notamment de prendre à sa charge la définition de la politique nationale des rejets et des déchets radioactifs. S’agissant de la radioprotection, l’essentiel est en premier lieu de renforcer le Bureau de radioprotection de la direction générale de la santé qui est en charge de la réglementation. En second lieu, il faut également placer sous la triple tutelle de la santé, du travail et de l’environnement, l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), renforcer ses moyens afin de lui permettre d’effectuer ses propres mesures de contrôle sur l’ensemble des installations nucléaires et lui donner un pouvoir de sanction. En troisième lieu, il s’agit également s’assigner explicitement une mission de recherche en radioprotection à un IPSN rendu autonome sous le statut d’établissement public. 4. La meilleure assurance qualité pour la radioprotection est celle d’un dialogue social renforcé par une expertise pluraliste. La transparence en matière de sûreté nucléaire est une exigence démocratique. C’est aussi une garantie de sûreté. A cet égard, le renforcement des compétences techniques des commissions locales d’information (CLI) est incontournable. De même, la réforme de la procédure d’enquête publique est indispensable, alors que cette pièce essentielle de la consultation du public est discréditée par ses lacunes, voire ses dérapages. Mais ce que montre la récente expérience du groupe radioécologie Nord-Cotentin, c’est l’intérêt d’un dialogue technique approfondi entre les exploitants et différents centres d’expertise publics ou privés. Comme le demande depuis des années l’Office parlementaire d’évaluation, il est capital pour la sûreté des installations nucléaires et en particulier pour celle des installations de stockage des déchets radioactifs qu’un appareil d’expertise pluraliste et non pas unitaire se développe dans notre pays. Il convient aussi non seulement que soit instaurée une juste indemnisation des responsables d’association de protection de l’environnement impliqués dans des procédures de consultation du public mais aussi que soient accrus les budgets mis à disposition des commissions locales d’information pour la consultation de centres d’expertise publics ou indépendants. 5. L’établissement public chargé de la gestion des déchets radioactifs doit être relégitimé et dynamisé. L’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) doit sortir de sa spécialisation de fait dans les déchets de faible activité et les laboratoires souterrains et embrasser la totalité de la mission qui lui a été confiée par la loi du 30 décembre 1991, à savoir les opérations de gestion à long terme de tous les déchets radioactifs. Pour ce faire, ses structures internes doivent être revues. Des ressources propres doivent lui être affectées, par l’intermédiaire de la redevance sur les installations nucléaires de base. Tout en demeurant sous le contrôle de la DSIN, l’Andra doit se voir confier des moyens de contrôler les exploitants sur leurs déchets et leur conditionnement. Enfin, sa culture de transparence doit être développée. L’Andra ainsi renforcée est appelée à réaliser sans délai les différents stockages spécifiques qu’exigent, notamment, les déchets TFA et les déchets tritiés ou radifères. 6. Les nouveaux outils de décision au ministère chargé de la santé et de surveillance sanitaire à l’IVS, doivent encore être renforcés et placer la radioprotection dans leurs priorités. La loi du 1er juillet 1998 définit une nouvelle organisation administrative pour renforcer la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme. La création de l’institut de veille sanitaire (IVS), un élément essentiel du dispositif, devrait permettre enfin le développement de l’épidémiologie en France. A cet égard, il convient que la radioprotection et la surveillance des installations de stockage des déchets nucléaires ne soient pas considérées comme secondaires dans le plan de charge de l’IVS. Il faut également la plus large ouverture possible des programmes de recherche de l’IVS à des équipes universitaires concurrentes, afin d’instaurer dans notre pays une culture de prévention équivalent à celle des autres pays développés, en particulier d’Europe du Nord. Ni le choix du démantèlement rapide des installations nucléaires dans le cadre d’options technologiques nouvelles pour la production d’électricité, ni la pérennisation de l’outil nucléaire ne peuvent s’envisager en l’absence de solutions opérationnelles et efficaces pour la gestion des déchets radioactifs. La question des déchets radioactifs ne saurait donc être une question conflictuelle. Il s’agit d’une question d’ordre pratique, à laquelle peuvent bien sûr répondre des solutions concurrentes dans leurs modalités mais dont la finalité ne peut être qu’identique, à savoir le choix de modes opératoires optimaux en termes de protection de la santé publique et de l’environnement. Précisément, après que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a fait progresser dans notre pays non seulement le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires mais aussi la recherche sur la gestion des déchets nucléaires, il était nécessaire d’approfondir l’analyse de l’aval du cycle nucléaire sous l’angle de son impact sur la santé publique et sur l’environnement. Le présent rapport entend y contribuer. L’impact des activités nucléaires sur le public et son environnement fait l’objet de controverses innombrables et permanentes. Pour les uns, l’électronucléaire est sans rival pour la préservation de l’environnement. Pour les autres, le nucléaire civil est disqualifié par sa production de déchets hautement dangereux à très long terme. Il aurait été vain de tenter de faire avancer des débats aussi difficiles que l’effet des faibles doses ou l’innocuité des rejets radioactifs dilués dans l’environnement, non seulement parce que l’approche scientifique y est souvent biaisée par des enjeux idéologiques mais aussi parce qu’un cadre juridique international ou national impose des obligations à la fois concrètes et inévitables. En conséquence, la méthode utilisée pour préparer le présent rapport est celle de l’observation : observation sur le terrain de diverses installations de stockage de déchets radioactifs et collecte des données disponibles sur leurs conséquences sur la santé publique et l’environnement. Compte tenu du temps imparti et du très grand nombre d’installations comprenant des déchets radioactifs, il ne pouvait être question d’une approche exhaustive. Si le champ des visites n’a pas été épuisé loin de là, il a néanmoins été possible de rassembler des informations sur des installations de stockage de tous types : installations spécifiquement dédiées comme le centre de stockage de l’Aube de l’Andra ; sites miniers déclassés comme ceux de La Crouzille ; installations dont la vocation est industrielle, comme celles de La Hague, ou dont la mission est la recherche et le développement comme celles du CEA, mais qui, par nécessité plus qu’à dessein, consentent des investissements importants pour l’entreposage de déchets nucléaires. A vrai dire, si la poursuite des investigations dans les installations nucléaires, comme par exemple les centrales électronucléaires d’EDF, aurait permis de compléter l’analyse et contribué utilement à porter auprès d’autres exploitants nucléaires la demande sociale d’une gestion rigoureuse des déchets, la moisson considérable d’informations présentées dans ce rapport fait apparaître deux conclusions majeures. Si l’on peut dire aujourd’hui que l’impact des installations de stockage de déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement est, selon toute probabilité, limité, des avancées scientifiques nouvelles sont nécessaires pour le confirmer à court terme et le démontrer à long terme. Par ailleurs, si l’arsenal législatif et réglementaire très complet qui encadre la gestion des déchets doit être complété à la marge et durci dans certains cas, l’urgence aujourd’hui est de mobiliser les responsabilités et d’impulser une véritable politique nationale et globale des déchets radioactifs de toute nature. L’impact limité, tel qu’on le mesure actuellement, des installations de stockage de déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement
Chapitre 1 : le cadre de l’étude Le cadre de l’étude a été fixé d’une part par l’intitulé de la saisine et d’autre part par l’étude de faisabilité adoptée par l’Office parlementaire dans sa réunion du mardi 19 mai 1998. I – Les définitions et les classifications des déchets radioactifs La notion de déchet radioactif varie selon de nombreux paramètres : en particulier la date de formulation de la définition et les pratiques industrielles du pays considéré. Ces divergences d’appréciation résultent de différences, à la fois sur le concept de déchets et sur les niveaux de radioactivité considérés en tant que seuils. La réglementation française propose une définition de la notion de déchets dans un texte traitant des " dispositions générales applicables à la production, au contrôle, au traitement, au conditionnement et à l’entreposage des divers types de déchets résultant du traitement de combustibles irradiés dans des réacteurs ordinaires sous pression ", intitulé Règle fondamentale de Sûreté (RFS) n° III.2.a, datant du 24 septembre 1982. Il n’est pas indifférent de noter que le domaine d’application de cette RFS est celui des usines de traitement des combustibles irradiés. La définition de déchet radioactif est la suivante : " On entend par déchet radioactif toute substance radioactive dont l’activité est telle que son rejet et sa dispersion dans l’environnement ne sont pas autorisés et pour laquelle aucun usage n’est envisagé ". Cette définition appelle plusieurs remarques. En premier lieu, elle est énoncée dans un cadre précis, celui du retraitement des combustibles irradiés. Certes, depuis l’origine des applications nucléaires en France, le retraitement est une constante de la politique suivie dans ce domaine. Toutefois, cette option n’est pas partagée à toutes les époques et par tous les pays. En deuxième lieu, cette définition marque l’importance de la méthode du rejet et de la dispersion dans l’environnement comme moyen technique de résolution partielle des problèmes posés par les déchets nucléaire. En troisième lieu, elle souligne l’importance de l’autorisation donnée ou refusée par l’administration dans tout le processus de gestion des rejets. L’autorisation donnée vaut blanc-seing pour l’exploitant, à tous les niveaux, sanitaire et environnemental, plaçant de fait l’administration devant une responsabilité écrasante de détermination des niveaux acceptables. Dès lors, le respect des autorisations données est souvent considéré comme la preuve décisive de bonnes pratiques. 1.2. La définition de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs Selon l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, un déchet est " tout matériel ou matière non réutilisable ou destiné à l’abandon par son propriétaire ". Dès lors, un déchet radioactif est " tout matériel ou produit contaminé par des radioéléments artificiels ou tout matériau ayant subi une transformation mécanique ou chimique pouvant libérer des radioéléments naturels ". Cette définition, naturellement extensive et prenant en compte à la fois les radioéléments artificiels et les radioéléments naturels, date du début des années quatre vingt dix. Selon EDF, les déchets radioactifs sont " tous les produits inutilisables ou non réutilisés, dont la radioactivité est trop importante pour permettre leur rejet dans l’environnement. Ces déchets [...] peuvent être à l’origine dans un état quelconque : liquide, solide, pulvérulent ". La définition prise par l’exploitant EDF est une paraphrase de la définition réglementaire, à la nuance près que la non-réutilisation à court terme entraîne le passage des matières considérées dans la catégorie de déchets. Une autre indication intéressante est que le rejet dans l’environnement peut, d’après cette définition, représenter une base de la gestion du problème posé par les déchets radioactifs. Selon l’AIEA, doit être considéré comme déchet " toute matière contenant des radionucléides ou contaminée par des radionucléides à des concentrations ou à des niveaux de radioactivité dépassant les limites prescrites et dont aucune utilisation n’est prévue ". L’AIEA quant à elle fait explicitement référence à des niveaux de radioactivité. Dans sa publication n° 77 de 1998, la CIPR (Commission internationale pour la protection contre les rayons X et les rayonnements ionisants), instance scientifique indépendante et autorité mondialement reconnue, considère que les déchets comprennent tout matériau que l’on décide d’évacuer car n’ayant plus d’usage. Il peut s’agir des effluents liquides ou gazeux aussi bien que de matériaux solides. 2. Les spécificités des déchets radioactifs par rapport aux déchets standards Une question fondamentale est posée pour la définition de ce qu’est un déchet radioactif. Il s’agit de la limite inférieure de radioactivité en deçà de laquelle un matériau faiblement radioactif peut être considéré comme un déchet standard. La directive européenne n° 96/29 du 13 mai 1996 qui doit être transposée en droit interne avant le 13 mai 2000 introduit une notion supplémentaire qui est supposée introduire une souplesse dans la gestion des déchets mais qui complique sérieusement les choses : il s’agit de la notion de seuil de libération. Les seuils de libération selon cette directive sont les " valeurs fixées par les autorités nationales compétentes et exprimées en concentration d’activité et/ou en activité totale, auxquelles ou en dessous desquelles les substances radioactives ou les matières contenant des substances radioactives résultant de pratiques soumises à l’obligation de déclaration ou d’autorisation peuvent être dispensées de se conformer aux exigences de la présente directive. " Une autre considération doit être faite à propos de la définition de déchets radioactifs : il s’agit de leur provenance. La production d’électricité nucléaire est certes l’activité la plus importante en matière de production de déchets nucléaires. Elle ne saurait toutefois faire oublier ni les déchets miniers ni les sources radioactives à usage médical ou industriel qui constituent également des déchets radioactifs une fois qu’elles sont déclassées. Dans les deux cas, les quantités correspondantes ne sont pas comparables à celles des déchets issus du cycle du combustible nucléaire. Les quantités de résidus miniers s’élèvent à plus de cinquante millions de tonnes. S’agissant des sources médicales scellées, leur nombre atteignait 42 525 à la fin décembre 1998. Leur dissémination dans les hôpitaux, les cabinets médicaux et dans les entreprises est en tout état de cause un facteur de risque, dans la mesure où les procédures de repérage et de récupération sont en retard par rapport à celles mises en œuvre dans le cycle du combustible. Les classifications des déchets radioactifs sont multiples. On peut distinguer à cet égard, la définition réglementaire et la définition usuelle telle qu’il y est fait référence le plus souvent en France. Il est intéressant de remarquer que les pratiques des autres pays sont différentes. 3.1. La classification réglementaire française des déchets radioactifs Selon la Règle fondamentale de sûreté n° III.2.a du 24 septembre 1982, relative aux usines de traitement de combustibles irradiés, les déchets conditionnés sont classés en fonction de leur concentration en émetteurs alpha. Tableau 1 : Classification réglementaire française des déchets radioactifs 1. déchets réputés ne pas contenir de radioéléments à période longue 2. déchets pouvant contenir des radioéléments à période longue :
- catégorie I : déchets contenant des traces d’émetteurs alpha avec une activité massique inférieure à 0,1 Ci par tonne, soit inférieure à 3 700 Bq/g
- catégorie II : déchets contenant des émetteurs alpha avec une activité massique comprise entre 0,1 et 1 Ci par tonne, soit comprise entre 3 700 et 37 000 Bq/g
- catégorie III : déchets contenant des émetteurs alpha avec une activité massique supérieure à 1 Ci par tonne, soit supérieure à 37 000 Bq/g Dans la pratique, il est d’usage de traiter différemment les déchets de faible et moyenne activité selon leur type de radioactivité, alpha ou autre (bêta, gamma). La même règle fondamentale de sûreté R.F.S. III.2.a du 24 septembre 1982 donne des indications sur la provenance possible, en l’état du moment des techniques et des connaissances, des différents types de déchets. Tableau 2 : Exemples de provenance des différents types de déchets
3.2. La classification usuelle " traditionnelle " La classification traditionnellement utilisée en France a longtemps été la classification en trois catégories A, B et C, selon le tableau suivant. Tableau 3 : Classification française " traditionnelle " des déchets
Cette classification n’a aucun fondement juridique. De plus, elle ne permet pas une classification claire de certaines catégories de déchets. L’Andra juge souhaitable qu’on ne l’utilise plus. En raison du caractère inopérant de la classification " traditionnelle " des déchets, le ministère chargé de l’Industrie préconise désormais que deux critères soient utilisés pour sérier les déchets radioactifs : d’une part leur niveau de radioactivité et d’autre la période des radioéléments qu’ils contiennent. On aboutit en faisant intervenir les destinations de stockage au tableau ci-après. Tableau 4 : Nouvelle classification des déchets
Le tableau suivant indique quelles sont les provenances des différentes catégories de déchets ci-dessus. Tableau 5 : principales caractéristiques des déchets radioactifs ,
La classification des déchets aux Etats-Unis est pragmatique. Elle est fondée à la fois sur la provenance des déchets, civils ou militaires, et sur la destination de ceux-ci, surface ou couches géologiques. La première catégorie est celle des déchets de haute activité " High-level radioactive waste ". Elle comprend les combustibles irradiés, les solutions hautement radioactives provenant des opérations de retraitement et leurs concentrats solides (verres, céramiques, etc.). La deuxième catégorie de déchets radioactifs est celle des déchets TRU (" transuranic waste ". Il s’agit des déchets technologiques produits dans les installations du Département de l’Energie (DOE) dans le cadre des programmes militaires. Ces déchets sont faiblement radioactifs mais contaminés par des radioéléments à vie longue, principalement par du plutonium. La troisième catégorie de déchets est celle des déchets stockables en surface. Il s’agit des déchets de faible activité " Low level waste ", eux-mêmes classés en 3 sous-catégories. Deux critères sont utilisés : d’une part, l’activité en émetteurs alpha à longue période et d’autre part la concentration en émetteurs à courte période. Tableau 6 : classification des déchets utilisée aux Etats-Unis
II – Définitions et classifications des dépôts de déchets radioactifs La notion de stockage s’est précisée au cours du temps dans la réglementation nucléaire française. L’arrêté du 7 novembre 1979 " portant création au sein du commissariat à l’énergie atomique d’une Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs " assortit dans son article 2, le mot stockage d’une durée limitée, puisque aussi bien, l’agence qu’il crée, est chargée, en particulier, " de promouvoir en concertation avec les producteurs de déchets des spécifications de conditionnement et de stockage des déchets radioactifs avant leur évacuation vers les centres de stockage à long terme ". La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs introduit la notion de stockage réversible ou irréversible dans la définition du deuxième axe de recherche, selon les termes suivants : " l’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ". La même loi introduit par ailleurs la notion d’entreposage dans la définition du troisième axe de recherche, entendu comme " l’étude des procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en surface de ces déchets ". Il apparaît donc légitime de considérer le stockage comme une opération définitive, mais qui peut éventuellement être assortie d’une possibilité de reprise. En revanche, l’entreposage est par nature une opération temporaire, devant nécessairement conduire, à un terme plus ou moins rapproché, à une solution de stockage. A la date de réalisation de la présente étude et au sens strict du terme, la France ne dispose que de deux installations de stockage de déchets radioactifs, celles de l’Andra à La Hague (CSM) et à Soulaines. Pour simplifier, le régime réglementaire applicable à une installation d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs est celui d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) pour des activités volumiques et totales réduites, tandis que le statut d’installation nucléaire de base (INB) s’applique aux activités totales élevées. Au demeurant, une installation nucléaire de base peut comprendre, dans son enceinte, une ou plusieurs ICPE. Les différentes réglementations reposent au demeurant sur la radiotoxicité variable des différents radioéléments. 1. Définition et règles de calcul de l’activité Les radioéléments ont des radiotoxicités variables et sont classés en quatre groupes, selon le décret n° 66-450 du 20 juin 1966. Les éléments les plus radiotoxiques constituent le groupe I (très forte radiotoxicité). Il s’agit, pour la plupart, d’éléments lourds, émetteurs alpha et gamma. En voici quelques exemples. Groupe I : radioéléments de très forte radiotoxicité (exemples) décret n° 66-450 du 20 juin 1966 210 210 226 228 238 239 Pb Po Ra Th Pu Pu 82 84 88 90 94 94 (plomb) (polonium) (radium) (thorium) (plutonium) (plutonium) 240 241 241 242m 243 242 Pu Pu Am Am Am Cm 94 94 95 95 95 96 (plutonium) (plutonium) (américium) (américium) (américium) (curium) Les radioéléments du groupe II ont une forte radiotoxicité. Il s’agit d’émetteurs bêta, gamma forts ou d’émetteurs alpha. En voici quelques exemples. Groupe II : radioéléments de forte radiotoxicité (exemples) décret n° 66-450 du 20 juin 1966 10 60 90 125 131 134 Be Co Sr I I Cs 4 27 38 53 53 55 (béryllium) (cobalt) (strontium) (iode) (iode) (césium) 224 232 236 242 Ra Th thorium naturel U Am 88 90 90 92 95 (radium) (thorium) (uranium) (américium) Les radioéléments du groupe III ont une radiotoxicité modérée. Il s’agit pour la plupart d’émetteurs bêta. La figure suivante en donne quelques exemples. Groupe III : radioéléments de radiotoxicité modérée (exemples) décret n° 66-450 du 20 juin 1966 14 36 56 58 89 91 C Cl Co Co Sr Sr 6 17 27 27 38 38 (carbone) (chlore) (cobalt) (cobalt) (strontium) (strontium) 97 103 105 123 130 132 Ru Ru Ru I I I 44 44 44 53 53 53 (ruthénium) (ruthénium) (ruthénium) (iode) (iode) (iode) Les radioéléments du groupe IV ont une radioactivité faible. Il s’agit pour la plupart d’émetteurs bêta gamma ou bêta faibles. En voici quelques exemples. Groupe IV : radioéléments de faible radiotoxicité (exemples) décret n° 66-450 du 20 juin 1966 3 40 41 51 56 61 H K Ca Cr Mn Co 1 29 20 24 25 38 (tritium) (potassium) (calcium) (chrome) (manganèse) (cobalt) 85 99 105 123 130 132 Kr Tc Ru I I I 36 43 44 53 53 53 (krypton) (technétium) (ruthénium) (iode) (iode) (iode) Dans la pratique, les installations recelant des substances nucléaires comprennent des radioéléments appartenant à plusieurs groupes. A partir de l’activité en Becquerels de chacun des radioéléments, on calcule une activité équivalente, en ramenant toutes les activités à celles des radioéléments du groupe I, selon l’équation suivante : avec : A = activité totale équivalente a1 = activité en Becquerels des substances du groupe 1 a2 = activité en Becquerels des substances du groupe 2 a3 = activité en Becquerels des substances du groupe 3 a4 = activité en Becquerels des substances du groupe 4
2. Les cas ne nécessitant pas de déclaration ou d’autorisation Lorsque les activités présentes sur un site donné sont de faible niveau, ni la déclaration, ni l’autorisation ne sont nécessaires. Ainsi, si l’activité totale du site en équivalent groupe I est inférieure à 5.103 Becquerels, ni la déclaration ni l’autorisation ne sont obligatoires. De même si le site n’entrepose que des radioéléments du groupe IV, la déclaration ou l’autorisation n’est obligatoire que si l’activité totale est égale ou supérieure à 5.106 Becquerels. Tableau 7 : Activités totales en dessous desquelles où le régime de déclaration ou d’autorisation peut ne pas être appliqué – décret n° 66-450 du 20 juin 1966
Par ailleurs, selon le même décret, le même régime de non-déclaration et de non-autorisation s’applique aux substances radioactives dont l’activité est inférieure à 100 Bq/g ou à 500 Bq/g pour les substances radioactives solides naturelles. Tableau 8 : Activités massiques en dessous desquelles le régime de déclaration ou d’autorisation peut ne pas être appliqué – décret n° 66-450 du 20 juin 1966
Ceci veut dire que deux critères alternatifs peuvent s’appliquer pour déterminer si des déchets radioactifs peuvent être banalisés, c’est-à-dire stockées ou éliminées sans déclaration ni autorisation préalable, l’activité totale ou l’activité massique. Signalons que l’application de la réglementation aux substances radioactives solides naturelles soulève des difficultés dans le cas des résidus de traitement des minerais. En vertu de l’avis rendu par le Conseil d’Etat dans sa séance du 11 décembre 1991, ces résidus ne doivent pas être considérés comme des matières radioactives au sens de la radioprotection et les installations correspondantes doivent être considérées comme des ICPE. On applique le seuil de 500 Bq/g aux seules têtes de chaîne. Cette interprétation est contestée par certaines associations qui estiment que les traitements mécaniques et chimiques subis par les minerais leur ôtent leur caractère naturel. Enfin, le décret n° 66-450 prévoit que certains appareils à rayonnements ionisants ne doivent pas non plus faire l’objet d’une déclaration ou d’une autorisation à condition que " les matières radioactives éventuellement incluses soient efficacement protégées contre tout contact ou toute fuite, et que le débit de fluence énergétique n’entraîne pas, dans les conditions normales d’utilisation, en tout point extérieur situé à une distance de 0,1 mètre de la surface de l’appareil, un débit d’équivalent de dose de plus de 1 µSv par heure et que ces appareils soient d’un type agréé par les autorités ministérielles compétentes ". 3. Les installations de dépôt ou de stockage appartenant à la catégorie des ICPE La nomenclature des installations classées pour l’environnement (ICPE) distingue trois types d’installations, selon le type d’activité et selon le conditionnement des sources de radioactivité. La rubrique 1710 correspond aux installations de préparation, de fabrication, de transformation et de conditionnement de sources radioactives non scellées ou sous forme de sources scellées non conformes à deux types de normes. La rubrique 1711 correspond aux installations de dépôt ou de stockage de substances radioactives sous forme de sources non scellées ou sous forme de sources scellées non conformes aux mêmes normes que précédemment. La rubrique 1720 correspond aux installations où sont utilisées, déposées ou stockées des sources scellées conformes aux normes. Pour chacun des cas, le décret n° 67-694 du 24 octobre 1967 précise, en fonction des activités totales de radioéléments de chacun des groupes de radiotoxicité, quels sont les régimes applicables selon les niveaux d’activité totale. La figure suivante indique les régimes applicables pour les installations de dépôt ou de stockage. Figure 1 : régime ICPE applicable aux dépôts ou stockages de substances radioactives sous forme de sources non scellées ou sous forme de sources non conformes – décret n° 67-694 du 24 octobre 1967 relatif à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (D : déclaration – A : autorisation) Dans le cas d’installations où sont effectuées des opérations relevant des différentes rubriques 1710, 1711 et 1720, c’est-à-dire par exemple des opérations de fabrication, de conditionnement de dépôt et de stockage de sources non scellées et de sources scellées, l’activité totale est calculée par sommation pondérée des activités liées à chacune des rubriques, selon la formule ci-après : Au demeurant, une limite supérieure est fixée, au-dessus de laquelle l’installation passe dans le régime des installations nucléaires de base. Cette limite d’activité totale est de 3 700 GBq ou 3,7 TBq. 4. Les installations de dépôt ou de stockage appartenant à la catégorie des INB L’arrêté du 11 mars 1996 fixe les limites au-delà desquelles les installations destinées au stockage, au dépôt ou à l’utilisation de substances radioactives, y compris les déchets, sont considérées comme des installations nucléaires de base. Les limites fixées font référence aux groupes de radiotoxicité des éléments, avec le même mode de calcul de l’activité totale équivalente en cas de présence de radioéléments de différents groupes, que pour les limites des installations classées pour la protection de l’environnement. On trouvera au tableau ci-après les limites relatives aux installations de dépôt ou de stockage. Figure 2 : Limites d’activité au dessus desquelles une installation de dépôt ou de stockage de substances radioactives est placée sous le régime des INB (sources non scellées ou sources scellées non conformes aux normes NF M 61-002 ou NF M 61-003) – arrêté du 11 mars 1996 Un traitement particulier est réservé aux matières fissiles, avec un seuil de passage en INB très bas, ainsi qu’indiqué dans le tableau ci-après. Tableau 9 : seuils de détention de plutonium et d’uranium au-delà desquels l’installation est une INB - arrêté du 11 mars 1996
Un autre cas extrêmement important est celui des déchets très faiblement radioactifs et des déchets miniers. D’après la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et l’arrêté du 11 mars 1996, " les substances dont l’activité massique est inférieure à 100 kBq par kg (soit 100 Bq/g) ou inférieure à 500 kBq par kg (soit 500 Bq/g) pour les substances radioactives solides naturelles ne doivent pas être prises en compte dans le calcul des activités permettant de déterminer si une installation est considérée comme une installation nucléaire de base ". Cette disposition a pour effet que des centres de stockage de déchets très faiblement radioactifs ou des centres de stockage de résidus miniers appartiennent ou appartiendront à la catégorie des installations classées pour la protection de l’environnement.
1. Les combustibles irradiés des réacteurs électronucléaires hors du champ de l’étude La question des combustibles irradiés doit être éclaircie pour définir le champ de l’étude. On doit distinguer le cas des combustibles des centrales électronucléaires de celui des réacteurs nucléaires embarqués et des réacteurs d’étude. 1.1. Les combustibles irradiés des centrales électronucléaires Les réacteurs nucléaires des centrales d’EDF utilisent des combustibles de deux types : les combustibles standards à l’oxyde d’uranium et les combustibles Mox. Sur les 1200 tonnes de combustibles extraites chaque année des réacteurs d’EDF, seules 850 tonnes sont destinées à un retraitement " rapide ". Les 350 tonnes restantes doivent-elles être considérées comme des déchets ? La pratique française constante, tant de la part des autorités de sûreté que des exploitants, est de considérer que les combustibles irradiés non retraités dans l’immédiat pourront faire l’objet d’un retraitement " différé ". En raison de leur contenu énergétique, ils ne peuvent donc être considérés comme des déchets. Le raisonnement correspondant est le suivant pour les combustibles standards à l’oxyde d’uranium. Un combustible standard à l’oxyde d’uranium contient au départ 4% d’uranium 235 fissile et 96 % d’uranium 238 fertile. Une fois irradié à 45 000 MWj/t, le taux standard à l’heure actuelle en France, l’assemblage combustible comprend 93 % d’uranium 238 fertile et 1 % d’uranium 235 fissile. A partir de l’uranium 238 fertile, 1 % de plutonium est d’autre part formé. Ces matières fissiles ou fertiles qui représentent 95 % du total ont un potentiel énergétique, utilisable après retraitement. Seuls les 5 % restant constitués de produits de fission et d’actinides mineurs n’ont pas d’utilité à horizon prévisible et peuvent donc être considérés comme des déchets. Le cas des combustibles Mox irradiés peut être analysé d’une manière identique. Avant l’irradiation, ces combustibles comprennent 93 % d’uranium fertile U 238 et 7 % de plutonium. Après une irradiation à 45 000 MWj/t ; le combustible usé comprend 90 % d’uranium fertile. Le plutonium initial non consommé et le plutonium formé à partir de l’uranium fertile représentent 5 % du total final. Les actinides mineurs et les produits de fission sont équivalents à 5 % du total. EDF n’envisage pas à horizon prévisible le retraitement des combustibles Mox usés. Concernant leur contenu énergétique, la première option est de les considérer comme non retraitables, ce qui leur confèrerait le statut de déchets. En réalité, si EDF considère que le retraitement du Mox ne s’impose pas pour des raisons économiques, Cogema l’estime possible et intéressant, malgré la présence accrue d’isotopes pairs du plutonium. Pour des raisons de cohérence avec la position prise pour les combustibles irradiés, les combustibles Mox irradiés sont exclus de la présente étude. 1.2. Les autres combustibles : réacteurs de propulsion et réacteurs d’étude Pour la raison que leur volume est insuffisant et que les procédés de retraitement éventuellement utilisables ne sont pas des procédés actuellement industriels, les combustibles irradiés provenant des réacteurs de propulsion navale, des réacteurs d’étude ou des réacteurs expérimentaux, sont en revanche inclus dans le champ de l’étude. 2. L’uranium appauvri et l’uranium de retraitement, hors du champ de l’étude Le combustible nucléaire présente la particularité de pouvoir faire l’objet d’un cycle, c’est-à-dire de donner lieu à des opérations de valorisation éventuelle de sous-produits comme l’uranium appauvri, ou de recyclage de produits de fin de cycle, comme le plutonium ou l’uranium de retraitement. Il s’agit d’une possibilité technique dont l’opportunité est fonction de paramètres économiques, étant entendu qu’une analyse en la matière doit inclure l’examen de l’ensemble des coûts internes et des coûts externes. Quoi qu’il en soit, le cas de l’uranium appauvri doit être examiné dans la mesure où il s’agit d’un sous-produit dont la valeur économique est sujette à variations. Les dernières évolutions des prix de l’uranium et de la conversion en hexafluorure d’uranium et la faiblesse durable, semble-t-il, de ces prix, compromettent l’intérêt économique de l’uranium appauvri. Faut-il considérer cet uranium appauvri comme un déchet ultime ? Le cas de l’uranium de retraitement doit également être étudié, pour les mêmes raisons et pour le rôle essentiel qu’il peut jouer dans la fermeture du cycle et donc pour justifier l’intérêt réel du retraitement. L’uranium utilisé dans les réacteurs à eau pressurisée a une teneur isotopique en uranium fissile 235 comprise entre 3 et 5 % selon les taux d’irradiation envisagés. Or la teneur de l’uranium naturel en cet isotope 235 fissile n’est que de 0,7 %. Une opération d’enrichissement est donc nécessaire. On utilise en France le procédé de la diffusion gazeuse de l’hexafluorure d’uranium naturel. A l’issue de cette opération d’enrichissement, l’on trouve d’une part l’uranium enrichi servant à la fabrication du combustible, et d’autre part l’uranium appauvri dont la teneur en uranium 235 est ramenée à environ 0,2 %. Cet uranium appauvri dit de rejet n’a pas pour l’instant et à horizon prévisible d’utilisation économiquement rentable. Doit-on le considérer comme un déchet, certes à faible activité, mais à vie très longue ? Or l’uranium appauvri, contrepartie de l’enrichissement, pourrait devenir valorisable, si, par exemple, une pénurie de minerai d’uranium se produisait ou si des procédés d’enrichissement moins onéreux que l’actuel étaient mis au point. Quoi qu’il en soit, la mise au point de procédés d’entreposage à long terme et la disponibilité d’emplacements à cet effet sont indispensables. Le retraitement est une autre source de matière nucléaire. En vertu de la politique d’égalité des flux, EDF ne retraite que la quantité de combustibles nécessaire à la fabrication de Mox. En conséquence, le plutonium est réutilisé intégralement. Le stock outil de plutonium est donc destiné à se stabiliser en régime permanent. Toutefois, une matière nucléaire issue du retraitement n’a pas de réutilisation prévue à horizon prévisible. Il s’agit de l’uranium de retraitement produit en grande quantité lors de cette opération. A cet égard, cet uranium de retraitement représente 94 % du combustible retraité, dont 93 % pour l’uranium fertile 238 et 1 % pour l’uranium 235 fissile. Issu du retraitement sous la forme de nitrate d’uranyle, l’uranium de retraitement est stabilisé en oxyde d’uranium U3O8. Or les capacités d’entreposage de l’usine TU5 de Pierrelatte sont quasiment saturées . Il faut donc là encore prévoir des capacités d’entreposage. Mais cet uranium de retraitement, par essence, est une ressource énergétique. La preuve en est qu’une petite partie de l’uranium de retraitement est d’ores et déjà recyclée par EDF. Certes l’uranium de retraitement présente des inconvénients par rapport à l’uranium naturel, en particulier la présence d’isotopes pairs 234 et 236 qui obligent à un enrichissement plus important qu’avec l’uranium naturel. Mais le recyclage de l’uranium de retraitement pourrait à l’avenir augmenter en proportion, notamment avec l’éventuelle entrée en service industriel de nouveaux procédés d’enrichissement comme le procédé par laser SILVA, en cours d’étude, qui est sélectif vis-à-vis des isotopes de l’uranium. L’impact des installations dans lesquelles ils sont stockés ne figure donc dans le champ de la présente étude. 3. Les rejets dans l’environnement compris dans le champ de l’étude Qu’en est-il des rejets gazeux ou des effluents liquides ? Doivent-ils être considérés comme des déchets ? Même si les définitions généralement acceptées du mot déchet sous-entendent qu’ils sont sous la forme solide, le fait que les effluents soient par hypothèse en solution liquide ou gazeuse ne peut suffire à les exclure du champ de l’étude. En effet, leur rejet dans l’environnement démontre l’absence de toute utilisation possible des matières qu’ils contiennent, en l’état actuel des techniques et des conditions économiques. Les principaux rejets radioactifs liquides des réacteurs électronucléaires à eau sous pression, sont constitués de certaines eaux usées, des effluents traités sur évaporateurs et des effluents provenant des déminéraliseurs pour les purges des générateurs de vapeur, à quoi il faut ajouter les fuites des postes d’eau secondaire. Les effluents liquides des usines de retraitement comportent des radioéléments émetteurs bêta et gamma à vie relativement longue issus des réactions nucléaires, par exemple l’iode 129, ainsi qu’une faible quantité d’émetteurs alpha. Le tableau suivant présente les principales caractéristiques radiologiques des éléments présents dans les rejets liquides des installations nucléaires. Tableau 10 : Principaux radioéléments présents dans les rejets radioactifs liquides des installations nucléaires
S’agissant des rejets liquides des réacteurs électronucléaires, l’activité globale provient pour 97 % du cobalt, de l’argent, de l’antimoine, du manganèse, de l’iode 131 et du césium. S’agissant des rejets liquides des usines de retraitement, le tritium représente plus de 99 % de l’activité globale rejetée. Le césium 137 et le strontium 90 représentent ensemble 0,03 %. Les gaz, vapeurs et aérosols radioactifs, rejetés par les centrales électronucléaires, sont constitués de produits d’activation, de produits de fission, et de tritium, à la fois produit d’activation et de fission. Des effluents analogues se retrouvent dans les rejets des usines de traitement du combustible irradié. Mais l’essentiel provient des radionucléides à vie longue, gaz rares et iode 129, et de faibles quantités d’émetteurs alpha. Tableau 11: Principaux radioéléments présents dans les rejets radioactifs gazeux des installations nucléaires
S’agissant d’une installation comme l’usine de Cogema à La Hague, l’essentiel des rejets gazeux correspond au krypton 85 et au carbone 14. Le tritium gazeux ne représente que 0,02 % de l’activité rejetée, contre 99 % de l’activité des rejets liquides de la même installation. Les déchets radioactifs revêtent des compositions, des activités et des volumes très différents. S’il ne saurait être question de minimiser l’importance d’une gestion optimale des déchets radioactifs en terme de santé publique et d’environnement, il n’est pas inintéressant de connaître les tonnages des différentes catégories de déchets produits chaque année en France (voir tableau ci-dessous). Tableau 12 : Estimation des tonnages de déchets produits annuellement en France,
Pour ce qui concerne les déchets radioactifs, il faut également prendre en compte les déchets issus du démantèlement, selon le tableau ci-après. Tableau 13 : Prévisions de volumes pour le cumul des déchets issus du démantèlement
En réalité, les différents types de déchets radioactifs posent des problèmes d’évaluation et de traitement difficiles, quelle que soit leur activité. Leur impact potentiel sur la santé publique et l’environnement justifient un régime et une attention spécifiques. 4.1. Les ordres de grandeur des volumes et des coûts de stockage des différents déchets L’estimation des volumes de déchets radioactifs est un exercice particulièrement difficile. La Commission nationale d’évaluation a souligné dès 1998 qu’on ne disposait pas à cette date de chiffres crédibles tant pour l’inventaire des déchets actuellement formés que pour les années à venir. Malgré l’existence de l’inventaire national de l’Andra, il est en effet difficile de passer des activités déclarées à des volumes ou des tonnages alors même qu’une part importante des déchets est encore stockée en vrac et que l’on ignore quelles seront les conséquences du conditionnement en termes de volumes, le choix des techniques correspondantes n’étant pas fait dans tous les cas. De surcroît, les estimations des volumes des déchets du démantèlement sont encore relativement imprécises, malgré l’expérience acquise à Brennilis. En tout état de cause, cette situation a été jugée tellement handicapante que le Gouvernement a confié en décembre 1998 la mission au nouveau Président de l’Andra de proposer une méthode fiable de comptage afin de réaliser un inventaire et des prévisions fiables. On trouvera ci-après les prévisions de l’Andra hors démantèlement et sous l’hypothèse que le retraitement ne concernerait que 850 tonnes de combustibles irradiés sur les 1200 tonnes annuellement déchargées des réacteurs électronucléaires d’EDF. Tableau 14 : Estimation des volumes de déchets, selon l’Andra
D’autres estimations ont été effectuées par l’Andra et présentent l’avantage de donner les rapports de volumes entre les différentes catégories de déchets. Le tableau suivant montre ainsi que, en régime permanent les déchets à moyenne activité à vie longue représentent un volume d’environ 10 fois supérieur aux volumes des déchets à haute activité. Le volume des déchets de faible et moyenne activité à vie courte ou les déchets de très faible activité est quant à lui 50 fois supérieur, environ, à celui des déchets de haute activité. Tableau 15 : Estimation des volumes de déchets produits entre 1998 et 2020
Un autre élément important pour une bonne appréciation des enjeux de la gestion des déchets radioactifs est celui des coûts de stockage. Les ordres de grandeur divergent totalement selon la nature des déchets (voir tableau ci-après). Tableau 16 : Ordres de grandeur des coûts de stockage
Si l’on voulait enfin être exhaustif, il faudrait également faire intervenir les coûts de conditionnement des différents types de déchets. Le temps a manqué à votre Rapporteur pour estimer ou faire estimer les coûts de conditionnement des déchets. Ceux-ci ne peuvent toutefois être considérés comme négligeables et s’ajoutent aux coûts ci-dessus. Les déchets radioactifs de très faible activité (TFA) posent une première difficulté due à leur hétérogénéité, à la diversité de leur provenance et à leurs volumes très différents. La deuxième difficulté est celle de leur devenir, le risque étant celui de leur banalisation. 4.2.1. Des formes, des provenances et des volumes très divers Les déchets nucléaires de très faible activité sont par nature très hétérogènes. Ils vont des cadrans de montres ou des aiguilles de boussole aux millions de tonnes de stériles issus des mines d’uranium. Le tableau suivant présente les principales catégories de déchets de très faible activité. Tableau 17 : Principales catégories de déchets nucléaires de très faible activité
Deux types de déchets de très faible activité posent des problèmes particuliers, les déchets miniers et les déchets provenant du démantèlement des installations nucléaires. Les déchets miniers représentent un cas circonscrit géographiquement mais d’une grande importance par les volumes en cause et par leur impact potentiel sur la santé publique et l’environnement. Les minerais d’uranium ont des teneurs très variables selon leur origine. L’une des teneurs maximales observées en France est celle du gisement de La Crouzille. Ce niveau est dépassé dans des gisements étrangers comme celui tout à fait exceptionnel de Cigar Lake au Canada où il atteint 12,7% en moyenne. La plupart des gisements se caractérisent toutefois par des teneurs dix fois plus faible (voir plus loin). La première opération intervenant dans le cycle du combustible est le traitement du minerai d’uranium, afin de le concentrer. Les résidus comprennent quelques " pour-cent " d’uranium non extrait et tous les radioéléments de la chaîne de désintégration de l’uranium 238, dont les principaux sont le thorium 230, le radium 226 et, comme émanation gazeuse, le radon 222. Tableau 18 : Principaux radioéléments présents dans les résidus miniers
D’après l’UNSCEAR, les activités d’extraction de l’uranium, de traitement et d’entreposage des résidus miniers, représentent 50 % de la dose collective normalisée locale et régionale. Au plan global, les résidus d’extraction et de traitement sont à l’origine de 75 % de la dose collective normalisée, avec une contribution 3 fois plus importante que les radionucléides dispersés dans les rejets gazeux et les effluents liquides. Les résidus miniers constituent ainsi le seul cas, en régime normal, où les expositions subies par le public peuvent approcher la valeur limite de 1 mSv/an. Le devenir des mines d’uranium ne semble pas devoir être examiné dans le cadre du présent rapport. Au contraire, celui des résidus miniers doit l’être, même si l’activité d’extraction et de traitement de minerais d’uranium est en France en voie d’extinction. En particulier, il reste à vérifier que les protections contre les émanations de radon et contre les eaux d’infiltration ou de ruissellement provenant des résidus miniers sont suffisantes. Les déchets provenant du démantèlement représentent des volumes entachés d’une grande incertitude. Le tableau suivant donne la dernière estimation de l’Andra, livrée à votre Rapporteur en juin1999. Tableau 19 : Estimation des volumes de déchets générés par le démantèlement des installations nucléaires existantes à la fin 1998
Le risque majeur pour les déchets très faiblement radioactifs est celui de la banalisation des déchets provenant du démantèlement. La directive n° 96/29 du 13 mai 1996 à transposer dans notre droit, prévoit en effet que certaines " pratiques " concernant les éléments radioactifs ne sont pas soumises à obligation de déclaration dès lors que la quantité ou la concentration d’activité des radionucléides ne dépasse pas les valeurs précisées par le texte. Il est d’ailleurs prévu également que les Etats peuvent " à titre exceptionnel " exempter de déclaration des produits dont les radionucléides dépassent les valeurs prévues si la dose efficace de radiation reste inférieure à certains seuils. Or l’introduction, que l’on doit refuser, d’éventuels seuils de libération, aurait pour effet de permettre à certains matériaux issus du démantèlement, de sortir du circuit spécifique des déchets radioactifs pour être considérés comme des matériaux standards et faire l’objet soit d’un stockage dans des décharges classiques soit d’un recyclage sous forme de matériaux utilisables par l’industrie. Ces déchets de très faible activité représenteront selon toute probabilité des volumes considérables à gérer. On commence à mieux en apprécier les quantités, sur la base des études faites pour le démantèlement programmé de réacteurs de recherche, des piles G1, G2, G3 et l’usine de retraitement de Marcoule, ainsi que des réacteurs électrogènes de la filière UNGG (uranium naturel – graphite – gaz). La banalisation présente plusieurs inconvénients majeurs. Le premier est que l’on ne connaît pas les effets potentiels sur la santé de la dissémination de matériaux même très faiblement radioactifs. Le deuxième est le risque de dérapage de producteurs de déchets radioactifs peu scrupuleux qui pourraient être tentés par la possibilité de dilution de déchets faiblement voire moyennement radioactifs pour s’exempter des dépenses de stockage afférentes. La décharge de classe II de Solérieux donne l’exemple des dérapages dans les pratiques : une installation prévue initialement pour des déchets ménagers, des déblais, des gravats, des cendres et des déchets industriels et commerciaux, à condition qu’ils ne soient ni toxiques ni susceptibles de s’enflammer, finit par accueillir tous types de déchets y compris des fluorines contenant des traces d’uranium et susceptibles de libérer en cas d’incendie des quantités importantes d’acide fluorhydrique. Les déchets de faible et moyenne activité sont séparés en deux catégories, suivant que les radioéléments qu’ils contiennent sont en majorité à vie courte (période inférieure à 30 ans) ou à vie longue (période supérieure à 30 ans). Les déchets de faible ou moyenne activité à vie courte sont principalement les déchets technologiques - gants, vêtements, huiles, filtres utilisés par exemple dans les opérations d’exploitation des centrales nucléaires et des usines de retraitement. Les déchets de faible ou moyenne activité à vie courte se caractérisent par une radioactivité principalement bêta et gamma, avec une part très faible de radioéléments alpha de très longue période. Ils sont stockés en l’état. Leur destination privilégiée est celle du centre de stockage de l’Andra à Soulaines, dans l’Aube. Les déchets de moyenne activité à vie longue correspondent principalement aux résines échangeuses d’ions, aux solvants, aux concentrats, aux matériaux issus des générateurs de vapeur et aux coques et embouts provenant du retraitement des combustibles usés. Ces déchets de moyenne activité, souvent désignés comme déchets B, comprennent une part importante d’émetteurs alpha et gamma et sont en attente d’une solution de stockage ou d’entreposage centralisé. Les déchets de haute activité sont ceux issus du retraitement et comme tels vitrifiés. Ils comprennent des radioéléments à vie courte comme les produits de fission et des éléments à vie longue comme les actinides mineurs. Ces déchets souvent désignés comme des déchets C sont entreposés à La Hague et en attente d’une solution d’entreposage à très long terme ou de stockage définitif. Chapitre 2 : Les conséquences des installations de stockage de déchets nucléaires
La question des déchets des mines d’uranium ne peut être sous-estimée en France. En effet, sur une période de 50 ans, ce sont 52 millions de tonnes de minerai qui ont été extraites dans l’hexagone. Or, les résidus de traitement des minerais comprennent des éléments radiotoxiques à vie longue et sont responsables d’une part très importante de la dose collective. La gestion de résidus issus de l’extraction et du traitement des minerais d’uranium a longuement été étudiée par M. Claude Birraux, Député de Haute-Savoie dans son rapport de mars 1996 sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Lors de sa visite des installations de Cogema à Bessines, votre Rapporteur s’est focalisée sur les questions les plus cruciales évoquées dans le rapport de l’Office de 1996. En toute hypothèse, les déchets miniers, en particulier à Bessines, posent deux questions qu’il faut résoudre à court terme, d’une part la diminution des émanations de radon et d’autre part, surtout, l’amélioration de la qualité des eaux. Mais, pour la protection à long terme de la santé publique et de l’environnement, il est également indispensable de garantir à long terme la tenue des réaménagements réalisés dans la période récente ainsi que la surveillance des anciens sites miniers. 1. Données générales relatives aux déchets des mines d’uranium L’uranium est très répandu dans l’écorce terrestre. Il ne se trouve pas sous forme native, c’est-à-dire de métal. Il se trouve au contraire dans la composition de nombreux minéraux, et ceci dans des terrains tant granitiques que sédimentaires. En France les gisements d’uranium se situent principalement dans le Massif armoricain, le Massif central et les Vosges, mais aussi dans des bassins sédimentaires tels que le bassin de Lodève, le bassin d’Aquitaine ou les bassins d’effondrement de Gouzon ou Saint Pierre du Cantal. Les teneurs moyenne des roches granitiques en uranium sont généralement de 10 à 20 grammes par tonne. Les gisements exploités en France présentaient dans de rares cas des teneurs de 2 à 5 kg par tonne de minerai. Ces gisements ont été progressivement supplantés par ceux du Gabon, du Niger, de l’Australie ou d’Amérique du Nord, avec des teneurs allant de 28 à 210 kg par tonne pour les gisements récemment découverts au Canada. Au reste, les anciens sites miniers, les anciennes usines de traitement et les anciens stockages doivent être réaménagés, en vue de réduire leur emprise visuelle et leur impact à long terme sur l’environnement. Le tableau suivant montre l’ampleur considérable de cette tâche au demeurant bien entamée (voir plus loin). Tableau 20 : Les travaux de réaménagement des sites d’extraction et de traitement des minerais d’uranium
Pour extraire l’uranium, comme dans toute exploitation minière, il est nécessaire d’accéder au gisement. Dans le cas des mines à ciel ouvert, on décape la partie de la roche stérile. Dans le cas des mines souterraines où le minerai se trouve plus en profondeur, on creuse des galeries. Dans les deux cas, l’exploitation conduit à l’excavation de roches stériles. Leur activité massique est de l’ordre de 3 Bq/g. Durant l’exploitation, les stériles sont stockés en tas appelés " verses " sur le terrain naturel, à proximité de leur lieu d’extraction ou utilisées en remblais d’anciens travaux miniers. Ils sont aussi utilisés lors du réaménagement des sites. La production en France de 73 000 tonnes d’uranium a nécessité l’extraction de 52 millions de tonnes de minerai. Pour produire chaque tonne de minerai, on a manipulé 9 tonnes de stériles dans les exploitations à ciel ouvert et 0,65 tonne dans les exploitations souterraines. Au total, ce sont 166 millions de tonnes de stériles qui ont été extraites. Dans certains cas, ces stériles ont été utilisés comme matériaux de construction, ce qui peut poser des problèmes radiologiques et doit donc être interdit. Une fois extrait, le minerai subit deux sortes de traitement, selon sa teneur en uranium. Pour les minerais pauvres, on procède généralement par un traitement dit statique. Les blocs de minerais sont disposés en tas sur une surface étanche et arrosés d’une solution acide qui dissout l’uranium contenu et est récupérée à fin de précipitation de l’uranium. Pour les minerais de bonne qualité, on utilise des procédés dits dynamiques. Le minerai est concassé, puis broyé pour obtenir un sable fin, qui, mélangé à de l’eau, donne une pulpe soumise à l’attaque chimique, acide ou basique selon les cas. La solution liquide est séparée du sable qui constitue le résidu de traitement. L’uranium présent dans cette solution est alors précipité sous forme d’uranate de magnésie, de soude, d’ammonium ou sous forme de peroxyde d’uranium. Ce précipité, le " yellow cake " une fois séché, est appelé concentré marchand et contient de 70 à 75 % d’uranium. Pour chaque région de production importante, une usine de traitement des minerais est construite. En France, il y en eut jusqu’à huit. L’impact radiologique des résidus des minerais d’uranium est très différent selon que le traitement est statique ou dynamique. On en trouvera au tableau ci-après les caractéristiques. Tableau 21 : Principales caractéristiques radiologiques des résidus de traitement des minerais
Au total, il faut souligner que l’impact radiologique des résidus de traitement des minerais d’uranium représente, selon certains calculs, environ la moitié de la composante locale et nationale et près des trois quarts de la composante globale de la dose collective reçue par le public, du fait de la production d’électricité nucléaire (voir tableau ci-après). Tableau 22 : Doses collectives normalisées reçues par le public du fait de la production d’électricité nucléaire
Bien que des incertitudes importantes caractérisent ces évaluations de dose collective, les ordres de grandeur confirment l’importance de la question des stockages de résidus miniers. Compte tenu de l’impact radiologique des résidus de traitement de minerais, on conçoit qu’il soit indispensable que les travaux de réaménagement des sites de stockage soient conduits dans les meilleurs délais. Quel est l’état d’avancement du réaménagement de ces sites de stockage ? Pour répondre à cette question, on peut utiliser l’inventaire de l’Andra intitulé " état et localisation des déchets radioactifs en France ". On trouvera au tableau suivant un résumé des fiches relatives aux sites de stockage des résidus miniers. Tableau 23 : Sites de stockage de résidus miniers – état d’avancement des réaménagements
Tableau 24 : Sites de stockage de résidus miniers – état d’avancement des réaménagements (suite et fin)
L’inventaire de l’Andra, on le sait, est préparé sur la base de déclarations volontaires des propriétaires de déchets, ce qui ne garantit pas l’exhaustivité du recensement. A cet égard, on peut constater que, sur les 52 millions de tonnes de résidus de traitement de minerais d’uranium généralement citées dans les évaluations, 44,4 millions seulement sont recensées dans l’inventaire 1999, soit 85,4 %. En prenant pour base les 44,4 millions de tonnes recensées, on peut constater que les travaux d’aménagement sont déjà réalisés pour un peu plus de la moitié des tonnages concernés (55,4% exactement), correspondant à 16 sites sur 21. Sont donc en cours de réaménagement 5 sites, et encore en exploitation 2 sites. Les dépenses faites par Cogema pour le réaménagement de ses sites miniers ou de stockage sont évaluées à 1 milliard de francs, soit environ 1 million de francs à l’hectare. 2. Les objectifs de protection de la santé publique et de l’environnement C’est en 1948 qu’a lieu le fonçage du premier puits de la division minière de La Crouzille. La première mine d’uranium, intitulée Henriette, exploite un filon d’une teneur exceptionnelle de 5 kg par tonne. Le site industriel de Bessines sur Gartempe, au centre de cette division, comprend bientôt des travaux miniers souterrains, une mine à ciel ouvert et une usine de traitement du minerai. Leur exploitation entraîne l’apparition d’amoncellement de stériles et de résidus de traitement. Cinquante ans plus tard, les 140 hectares du site industriel de Bessines sont aménagés selon Cogema. Les travaux miniers souterrains ont été mis en sécurité. L’usine, démantelée, a aujourd’hui disparu. Les bassins de stockage ont été asséchés. Les digues qui les bordent ont été remodelées de façon à adoucir leur relief et à drainer les eaux. Les résidus sont recouverts. Des fossés collecteurs et un bassin de récupération permettent de collecter les eaux, de les contrôler et de les traiter si nécessaire. De fait, le site est " hors radon ", ce qui veut dire qu’il n’y a plus d’émanations de radon significatives. Les sites d’extraction du minerai d’uranium, qu’ils soient des travaux miniers souterrains ou des mines à ciel ouvert, sont régis par le code minier, complété par le Règlement général des industries extractives (RGIE). Leur contrôle et leur surveillance sont assurés suivant des modalités définies par les Préfets, assistés des DRIRE, dans le cadre de la police des mines. A priori, les sites d’extraction peuvent retourner dans le domaine public, après mise en sécurité et réaménagement, en étant assortis de restriction d’usage, le cas échéant. Les installations de traitement des minerais et les installations de stockage des résidus de traitement des minerais, sont des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). L’autorisation est donnée par arrêté préfectoral, après instruction du dossier par l’inspection des installations classées et après enquête publique. Après démantèlement total ou partiel, les installations de traitement des minerais peuvent théoriquement être réutilisées pour de nouvelles activités. Les installations de stockage des résidus de traitement sont, elles, soumises à des servitudes et restent sous la responsabilité de l’exploitant qui doit rendre compte de leur surveillance. Le tableau ci-après résume le régime juridique des trois types de sites importants pour la radioprotection. Tableau 25 : Régimes juridiques relatifs aux minerais d’uranium
L’évaluation de l’impact sanitaire des mines et des usines de traitement de minerai d’uranium fait intervenir un indicateur appelé taux annuel d’exposition totale ajoutée (TAETA). Cet indicateur est égal à la somme de toutes les contributions à l’exposition ajoutées par rapport à la radioactivité naturelle et rapportées à leur limite annuelle, selon une formule indiquée en annexe. L’impact radiologique sur l’environnement est considéré comme acceptable si l’indicateur TAETA est inférieur à 1. Au vrai, le mode de calcul et la notion même de taux annuel d’exposition totale ajoutée (TAETA) font l’objet de controverses. En effet, le TAETA fait référence à un groupe critique d’une part, et à l’exposition naturelle d’autre part. Or ces deux notions sont sujettes à interprétation. La définition du groupe critique ou groupe de référence est toujours difficile en matière de radioprotection (voir deuxième partie). Deux thèses s’affrontent, celle du réalisme et celle du pessimisme. Dans le cas des sites de stockage de résidus miniers dont l’activité radiologique sous-jacente s’exprime à très long terme, il faut faire référence à des situations défavorables de construction d’habitation sur les sites de stockage eux-mêmes. La référence à la radioactivité naturelle d’un site prête également à des interprétations diverses. La CRII-RAD l’a souligné dans un rapport de 1993 sur la division minière de La Crouzille, en montrant, par des mesures du radon pratiquées sur des cercles concentriques autour de l’usine de Bessines, que les variations peuvent être très grandes et entraîner une minoration ou une majoration de l’activité ajoutée. 2.3. La nécessité de diminuer les émanations de radon et d’améliorer la qualité des eaux Le réaménagement des sites miniers ou des sites de stockage de résidus de traitement inclut plusieurs opérations, dont la mise en sécurité, l’assainissement, le remodelage, le génie civil et la remise en place d’une couche végétale. Parmi les opérations les plus importantes, figure la couverture des sites de stockage. Cette couverture doit assurer une protection mécanique contre l’érosion et l’intrusion. Elle doit également constituer une protection radiologique, contre les infiltrations tant de l’air que de l’eau. Concrètement, les produits à gérer sont recouverts d’une couche d’environ 2 mètres de stériles, eux-mêmes recouverts de terre végétale. Quels sont les impacts radiologiques respectifs des radioéléments véhiculés par l’air et par l’eau ? Tableau 26 : Surveillance radiologique du site minier de La Crouzille – résultats 1998
On voit que la composante air est donc majoritaire. D’où l’importance de la couverture des résidus qui doit être mise en place afin de limiter les émanations de radon. Le tableau ci-après indique l’ordre de grandeur des performances de la couverture mise en place à l’Ecarpière. Tableau 27 : Efficacité des couvertures – contrôle du vecteur air
L’efficacité des couvertures doit aussi être évaluée à l’aune de leur étanchéité. Les infiltrations d’eau dans les résidus peuvent entraîner en effet la dissolution de radioéléments qui se retrouveraient ensuite dans les eaux de surface et dans les eaux souterraines. De surcroît, il est nécessaire de surveiller les eaux provenant des anciens travaux miniers souterrains. Les sites miniers et les sites de stockage des résidus de traitement des minerais doivent donc faire l’objet d’un traitement et d’une surveillance des eaux particulièrement rigoureux. La pollution des différentes catégories d’eau peut en effet être importante. Tableau 28 : Les pollutions des eaux de sites miniers
Les deux tâches essentielles pour réduire au minimum l’impact d’un site de stockage des résidus miniers sont d’une part la collecte de toutes les eaux et d’autre part leur traitement (voir schéma suivant). Figure 3 : Schéma simplifié de circulation des eaux d’un site de stockage de résidus miniers
La surveillance des rejets d’un site minier porte en particulier sur la concentration de l’uranium et du radium solubilisés. On trouvera ci-après un exemple des résultats du site de Bessines, pour les eaux rejetées. Tableau 29 : Concentrations des rejets du site de Bessines,
On voit que le traitement permet de diminuer la concentration du radium et l’acidité de l’eau. La composition des eaux de la rivière dite " la Gartempe " n’est pas significativement modifiée, à la précision près des mesures. La surveillance de l’environnement montre en revanche, comme c’est souvent le cas, que certains végétaux peuvent concentrer les radioéléments. Ainsi pour les roseaux qui concentrent le radium (voir tableau ci-après). De même, les sédiments fixent des métaux lourds comme l’uranium et le radium. Tableau 30 : Concentrations des rejets du site de Bessines
L’amélioration des procédés de collecte et de traitement des eaux constitue donc un impératif pour les sites miniers et les sites de stockage des résidus miniers. Cette amélioration doit être doublée d’une vigilance permanente dans la surveillance du site qui est d’autant plus nécessaire que les travaux de couverture d’un site comme celui de Bessines ont été réalisés alors que des programmes de recherche étaient en cours pour déterminer sa composition optimale. En toute hypothèse, l’intervention d’organismes d’expertise indépendants de l’exploitant est indispensable. Le stockage des résidus de traitement des minerais est une opération définitive qui doit, dès lors, être analysée sur le très long terme. En conséquence, plusieurs problèmes se posent : la pérennité des performances des installations, les obligations légales en matière de surveillance et enfin la pérennité de l’exploitant. La pérennité des performances des couvertures des résidus, des installations de drainage, et des dispositifs de traitement des eaux ne semble pas pour l’instant démontrée à très long terme. Certes des mécanismes semblent exister qui, comme la diagénèse, entraînent des modifications de la structure cristallographique des résidus et diminueraient la mobilité d’éléments comme l’uranium et le radium. La modélisation des phénomènes de ce type est encore largement insuffisante pour apporter les preuves nécessaires. En toute hypothèse, il convient que Cogema conduise d’ambitieux programmes de recherche sur l’ensemble de ces questions, que ce soit le traitement robotisé et sécurisé des eaux de ruissellement ou de drainage, l’étanchéité à long terme de la couverture et la pérennité des digues et des barrages. Mais il existe une autre question, celle-là réglementaire, qui paraît devoir mériter une réponse à la mesure des enjeux. Pendant quelle durée un site de stockage de résidus miniers doit-il faire l’objet d’une surveillance ? Plusieurs degrés existent en terme de contraintes pesant sur un site. Le niveau le moins contraignant est celui du code minier. En effet, sous ce régime, une fois qu’il pourrait faire la preuve de la stabilité d’un site pendant une période de 3 à 4 ans, l’exploitant est fondé à demander l’autorisation de ne plus le surveiller. Un peu plus contraignant, se trouve le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui semble constituer la règle actuelle pour les stockages de résidus miniers. De par la réglementation des ICPE (voir plus haut), le site doit avoir une activité totale supérieure ou égale à un certain seuil, ce qui peut justifier le fait que certains sites puissent se trouver sous le régime du code minier. L’appartenance à cette catégorie entraîne la nécessité d’une surveillance. Dans le cas du site de Bessines, la surveillance est provisionnée fiscalement sur 10 ans. Au-dessus encore du statut des ICPE, en termes de contraintes de protection de l’environnement, se trouve enfin le régime des installations nucléaires de base (INB). Le classement en INB des sites de stockage des résidus de minerais est réclamé par les associations de protection de l’environnement. La garantie supplémentaire qui serait apportée serait une remontée systématique des dossiers vers la DSIN, avec une capacité d’expertise accrue. M. Claude Birraux indiquait dans son étude sur la gestion des résidus miniers que " (...) le passage du régime juridique des ICPE vers celui des INB, ne me causerait aucun état d’âme, s’il s’avérait que la solution retenue jusqu’ici était en fait inadéquate ". Votre Rapporteur estime que, compte tenu de l’impact global potentiel des sites de stockage de résidus miniers, qui est, comme on l’a vu plus haut, considérable et supérieur à celui des autres installations nucléaires, il est indispensable de les placer sans tarder sous le régime des INB. Un autre aspect essentiel de la question des sites de stockage est celui de la pérennité des exploitants. Le coût de la surveillance d’un site important comme celui de l’Ecarpière est de l’ordre de 3,5 millions de francs par an et de 1 à 2 millions de francs par an pour les autres sites. Cogema, créée en 1976, a repris l’intégralité des actifs et des passifs miniers du CEA. Pour Cogema, la séparation de la responsabilité financière et de la responsabilité technique de la surveillance des sites de stockage ne serait pas acceptable. L’entreprise, qui ne voit aucun chiffre d’affaires à développer dans ce type d’activité, serait prête à se dessaisir de ses sites. Mais à condition d’être déchargée de toutes ses responsabilités, techniques, financières, sanitaires et environnementales. Il paraîtrait logique, en tout état de cause, que l’Andra, établissement public assuré de la pérennité maximale parmi toutes les autres formes juridiques, prenne le relais de Cogema pour ses sites de stockage, une fois les réaménagements terminés. Toutefois, afin que l’exploitant conserve la charge de vérifier la durabilité de ses aménagements, on pourrait imaginer que le transfert s’effectue 20 ans après l’achèvement de ceux-ci. A Bessines, Cogema dispose également d’une installation d’entreposage appauvri, opérationnelle depuis la fin 1998. Cette installation, qui a fait l’objet de recours administratifs, est intéressante en ce qu’elle pose des questions de fond quant à la définition des matières premières et des déchets. Par arrêté préfectoral du 20 décembre 1995, Cogema est autorisée à stocker sur 20 ans près de 200 000 tonnes d'uranium appauvri à Bessines, au nord de Limoges. Cet uranium appauvri provient de l’usine d’enrichissement Eurodif de Pierrelatte et constitue la contrepartie de l’uranium enrichi à environ 3,5 % en uranium 235, utilisé comme combustible dans les réacteurs nucléaires à eau légère. Pour Cogema, même s’il est transporté de Pierrelatte à Bessines, cet uranium appauvri constitue toujours une matière valorisable en cas de pénurie d’uranium sur les marchés. Il s’agit donc d’un entreposage. Contestant cette interprétation et considérant l’uranium appauvri comme un déchet, la Fédération limousine pour l'étude et la protection de la nature (FLEPNA) porte l'affaire en justice, au motif que l’installation d’accueil n’est pas une installation d’entreposage mais bel et bien un centre de stockage de déchets. De fait, le tribunal estime que l’uranium appauvri, s’il n’est pas un déchet radioactif, entre malgré tout dans la catégorie des déchets ultimes. Les procédures relatives aux demandes d'installation d'exploitation de stockage des déchets n'ont donc pas été respectées. En conséquence, le 9 juillet 1998, le tribunal administratif annule l’arrêté préfectoral, suivant en cela les conclusions du ministère public. Pour la FLEPNA, " c'est la première fois que ce produit est qualifié de déchet ultime. Le tribunal n'a accordé aucun crédit à une prétendue revalorisation ". Cogema fait immédiatement appel. Début novembre 1998, la cour administrative d'appel de Bordeaux annule la décision du tribunal administratif de Limoges. Cinq jours après que la cour d'appel de Bordeaux a donné son feu vert, un premier train de 6 conteneurs arrive dans la région de Bessines. Toutefois, l’ADELPA fait un recours en cassation, avec comme élément nouveau dans le dossier, un avis du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement de juillet 1999, estimant que l’uranium appauvri est bien un déchet ultime. Le centre d’entreposage d’uranium appauvri de Bessines correspond à un investissement de 60 millions de francs. Il accueille des conteneurs cubiques, transportés par rail et stockés dans des bâtiments construits au fur et à mesure des besoins. Les caractéristiques des lots d’uranium appauvri sont transmises par Eurodif, par voie physique et par informatique. Il a toutefois été constaté que les opérateurs n’avaient pas accès, sur place, aux compositions isotopiques de chacun des conteneurs, un facteur de déresponsabilisation préjudiciable à la sûreté d’un site au demeurant bien aménagé. Ce centre d’entreposage, qui a le statut d’installation classée pour la protection de l’environnement, est sous le contrôle de la DSIN et d’EURATOM. II –. Le centre de stockage de la Manche
1. Un site de stockage témoin de pratiques heureusement révolues Le centre de stockage de la Manche (CSM) a accueilli des déchets de faible et moyenne activité depuis 1969 jusqu’au 30 juin 1994, date des dernières livraisons de colis. Les volumes stockés représentent aujourd’hui environ 527 000 m3 (voir tableau ci-après). Tableau 31 : Activités des déchets stockés par l’ANDRA au Centre de stockage de la Manche
Le centre de stockage de la Manche comprend ainsi une très grande majorité de déchets produisant des rayonnements (bêta, gamma) (97,4 % de la radioactivité totale) mais aussi une quantité de déchets à rayonnement alpha non négligeable d’autant qu’ils constituent des points chauds (2,6 % de la radioactivité totale). En réalité, le CSM, en raison des négligences passées, nécessite une surveillance très précise comme l’a conclu la Commission Turpin, dans son rapport de juillet 1996. Cette surveillance est d’autant plus indispensable que les caractéristiques géologiques du site de la Manche sont défavorables. Comme l’écrit J. Varet, " à la différence d’autres sites de stockage choisis à cet effet (cf. Aube) ; il s’agit d’une zone de socle composée de couches fracturées à pendage sub-vertical, parsemées de failles, propices à l’infiltration en sous-sol, à la pollution des nappes en cas de fuites des containers ou des procédés ". En 1996, les ministres chargés de l’industrie et de l’environnement décidèrent en effet de mettre en place une commission chargée " d’évaluer la situation du centre de stockage de la Manche et donner un avis sur l’impact du centre sur l’environnement ". Ce centre, autorisé en 1969 et exploité jusqu’en 1994, avait fait l’objet de travaux de couverture. Son passage en phase de surveillance supposait la signature d’un décret après enquête publique. Or, les plaintes d’associations de protection de l’environnement avaient été nombreuses, concernant d’une part la présence de radioéléments à vie longue dans les déchets stockés et d’autre part l’importance des rejets du centre dans l’environnement. Le rapport Turpin allait donner aux ministres les informations nécessaires à leur prise de décision. La commission en premier lieu procéda à une analyse approfondie de la composition et de la provenance des déchets stockés au CSM et en second lieu recommanda plusieurs mesures destinées à accroître la sûreté du centre. Selon la Commission, si le centre ne comprend pas de combustibles militaires, en revanche les déchets militaires qui s’y trouvent représentent 40 % des émetteurs alpha à vie longue présents sur le site. Sont également stockés sur le site des déchets technologiques provenant du retraitement par Cogema de combustibles étrangers, selon des contrats antérieurs à 1977, date à partir de laquelle le retour de tous les déchets " étrangers " doit être observé. Malgré un important travail de reconstitution des livraisons de colis au CSM, des incertitudes demeurent sur les quantités des différents radioéléments. La Commission Turpin a relevé par ailleurs l’existence de points chauds en émetteurs alpha à vie longue. Quoi qu’il en soit, elle estimait que " les travaux nécessaires pour éliminer ces points chauds présentent plus de risques pour les personnes et l’environnement que leur maintien sur le site ". De même, la Commission relevait " qu’une reprise des colis nécessiterait des travaux très lourds, onéreux et beaucoup de précautions de radioprotection ". S’agissant du stock de tritium de 900 000 GBq environ réparti entre les colis, le sol et la nappe sous le tritium, la Commission reconnaissait qu’il est à la source de l’activité trouvée dans les ruisseaux de Sainte Hélène et du Grand Bel. Toutefois, son impact était jugé non significatif et considéré comme devant encore décroître, du fait de la courte période du tritium (12,3 années) et du fait que la couverture du centre limitera les infiltrations. Au total, la Commission estimait que la couverture actuelle ne saurait être considérée comme définitive : " la stabilité des talus n’est pas assurée et l’on ne peut présumer de la pérennité de la membrane installée ". La Commission préconisait en conséquence l’étude d’une couverture définitive, financée par un fonds dédié, alimenté par les entreprises et les organismes qui ont déposé des déchets sur le CSM. Toutes ces opérations devaient être faites dans la plus grande transparence et en association étroite avec la population locale, grâce à la création d’une commission de surveillance du CSM. Trois ans après qu’elles furent énoncées, les recommandations de la Commission Turpin prennent un relief particulier. Le tassement de la couverture constaté en septembre 1999 confirme, si c’était nécessaire, qu’une couverture définitive devra être mise en place. Cet événement corrobore également l’exigence d’une surveillance attentive du centre, dont on ne voit pas qu’elle pourrait devenir un jour inutile. III – Le Centre de stockage de l’Aube à Soulaines, fleuron de l’Andra Depuis 1992, l’Andra exploite à Soulaines dans l’Aube un centre de stockage de déchets de faible et moyenne activité. Ce centre a été construit sur des bases saines, tant en ce qui concerne sa conception que pour sa construction et pour les modalités d’acceptation des déchets, en évitant les erreurs commises en d’autres temps au Centre de stockage de la Manche. Il s’agit d’un centre relativement actif, qui est destiné en tout cas à jouer en France un rôle exclusif pour certains types de déchets, et dont l’impact sur l’environnement est suffisamment réduit pour être qualifié de réalisation exemplaire. Le rôle que doit remplir le Centre de stockage de l’Aube est clair : constituer à hauteur d’un million de m3 l’exutoire de tous les déchets de type A produits en France et appartenant à des exploitants nucléaires nationaux. Le centre de l’Aube prend la suite du centre de stockage de la Manche, dans des conditions de sûreté et de sécurité largement supérieures. 1.1. La mission du centre de l’Aube, telle qu’elle est prévue par les textes Le centre de stockage de l’Aube a pour fonction de permettre le stockage en surface de déchets radioactifs solides de période courte ou moyenne et d’activité massique faible ou moyenne. Il s’agit d’un stockage définitif, les déchets étant considérés comme ne présentant aucun intérêt économique ni dans l’immédiat ni à terme envisageable. Dans la politique française des déchets radioactifs, telle qu’elle est définie au moment de la création du centre, le centre de stockage de l’Aube doit répondre aux besoins de l’ensemble des producteurs de déchets jusqu’au moins 2050. Fait remarquable, mais démenti dans une certaine mesure, comme on le verra plus loin, selon l’article 2 du décret du 4 septembre 1989 autorisant le CEA(Andra) à créer sur le territoire des communes de Soulaines-Dhuys et de La Ville-aux-Bois (Aube) une installation de déchets radioactifs, " l’installation sera conçue, réalisée et exploitée pour ne pas rejeter d’effluents radioactifs liquides ou gazeux pendant les phases d’exploitation et de surveillance ". En outre, selon le même article, " à l’issue de cette phase de surveillance, les terrains occupés par l’installation devront pouvoir être utilisés normalement sans restriction de nature radiologique ". C’est en 1986 que le ministère de l’énergie prend la décision de construire un nouveau centre de stockage de déchets radioactifs, devant prendre le relais à terme du Centre de stockage de la Manche. A l’issue d’une étude géologique, technique et économique, trois sites sont sélectionnés, dans l’Indre, la Vienne et l’Aube. En juin 1986, le site de Soulaines est retenu en fonction des caractéristiques particulièrement favorables de son sous-sol argileux d’une imperméabilité presque totale. L’enquête publique se déroule fin 1986, le décret d’autorisation de création est publié le 4 septembre 1989 et le 3 janvier 1992, le centre entre en exploitation. En 1994, intervient l’arrêt de l’exploitation du centre de stockage de la Manche. Au total, il aura fallu 6 ans entre la décision et l’entrée en service du centre de l’Aube. Le centre est conçu pour accueillir 1 000 000 m3 de déchets, répartis dans 140 ouvrages de surface. L’activité totale autorisée sur le site est de 400 000 TBq. Une limite supplémentaire est imposée pour la quantité d’émetteurs alpha, qui ne doivent pas dépasser la limite de 750 TBq. En outre, le site a une capacité maximale de 4 millions de GBq de tritium (soit 10 g). Au demeurant, ce mécanisme de limite d’activité impose à l’Andra, sauf à compromettre ses futures capacités de stockage, de refuser des colis de déchets à vie courte dont l’activité serait trop importante. En outre la DSIN fixe des limites d’activités massiques pour les colis de déchets, selon le tableau suivant. Tableau 32 : Limites d’activité massique au centre de stockage de l’Aube 1. L’activité massique maximale en émetteurs alpha de chaque colis de déchets devra rester en règle générale inférieure à 3 700 Bq/g 2. Des colis correspondants à la tranche 3 700 Bq/g –18 500 Bq/g pourront être reçus de manière exceptionnelle, sous condition d’un agrément spécifique de l’Andra. 3. Chacun des ouvrages du centre de stockage de l’Aube se voit fixer une limite maximale d’activité qui est de 1000 Bq/g. 3. L’activité moyenne de l’ensemble des colis du centre de l’Aube ne devra pas dépasser 370 Bq/g. Ces limites peuvent enfin être décomposées en limites par radioéléments. Ainsi s’agissant des activités par colis, la limite maximale d’activité en tritium est fixée à 1 million de Bq/g, celle du carbone 14 à 92 000 Bq/g, celle du césium 137 à 330 000 Bq/g. En outre, l’acceptation de colis présentant des teneurs significatives en radium qui produit du radon par filiation, est volontairement limitée. La raison en est principalement pratique. Le radon risquerait en effet de diffuser dans les galeries du réseau séparatif qui permet de détecter et de contrôler les infiltrations d’eau dans les ouvrages, ce qui en compliquerait singulièrement l’exploitation. Par ailleurs, l’Andra n’accepte les colis comportant des déchets tritiés que dans des quantités limitées, dans la mesure où un bon confinement de ces déchets qui dégazent spontanément est difficile à réaliser. L’exploitation du Centre de stockage de l’Aube se déroule depuis 1992 d’une manière satisfaisante dans l’ensemble mais sur des bases qui ont toutefois changé, ce qui montre l’instabilité de la situation actuelle en matière de déchets nucléaires. L’investissement initial pour la construction du centre de l’Aube s’est élevé à 1,4 milliard de francs. La modularité retenue pour sa conception a permis d’étaler les charges de construction des ouvrages. Les déchets sont livrés par la route (à hauteur de 58 % en 1998) ou par rail (42 % en 1998), avec toutefois, dans ce dernier cas, une rupture de charge, le terminal ferroviaire se trouvant à 4 km du centre. Il conviendrait évidemment que la SNCF prolonge la ligne ferroviaire jusqu’au centre lui-même. Les déchets sont soit déjà conditionnés, soit conditionnés dans les installations du centre qui permettent le compactage des fûts métalliques ou l’injection de caissons avec du ciment. L’Andra donne un agrément préalable aux producteurs de déchets avant d’accepter leurs colis et se livre à des audits et à des inspections de leurs installations. Des contrôles de contenu sont effectués sur le centre par échantillonnage. Des contrôles d’activité surfacique sont également réalisés sur les colis eux-mêmes, ainsi que sur les camions entrant sur le centre. Une fois acceptés, contrôlés et immatriculés, les colis de déchets sont stockés suivant un ordonnancement précis et mémorisé, de façon à permettre la reprise éventuelle de l’un d’entre eux, avant que l’ensemble ne soit noyé sous des enrobés gravillonnés ou du béton. Au final, les ouvrages sont des monolithes de béton de grandes dimensions, recouverts au surplus de revêtements assurant une bonne étanchéité. Lorsque le centre aura atteint sa capacité maximale et entrera dans sa phase de surveillance, les monolithes de béton dans leur ensemble seront à leur tour enfouis dans de l’argile. Pour l’exploitation du centre, l’Andra a choisi de se concentrer sur les tâches de logistique, de programmation, et de contrôle de la sûreté, de la sécurité du centre ainsi que de l’environnement. Ses effectifs sont de 64 agents, pour 87 salariés d’entreprises sous-traitantes. Sur le plan de l’activité industrielle, une baisse d’activité se produit qui s’inscrit dans un défaut de cohérence de la politique nationale de gestion des déchets radioactifs. Le bilan de l’activité industrielle est satisfaisant sur le plan de la qualité des prestations fournies mais inquiétant quant à ses perspectives d’avenir, du fait de la diminution des envois de déchets de faible et moyenne activité à vie courte par les exploitants nucléaires. Sur les 140 ouvrages prévus pour recevoir le million de m3 de déchets radioactifs, 55 étaient déjà construits à la fin mai 1999 ; 39 ouvrages étaient remplis et fermés définitivement ; 6 ouvrages étaient en exploitation. On trouvera ci-après le détail des déchets entreposés au centre de stockage de l’Aube, à Soulaines, le total stocké représentant 90 668 m3 pour 213 640 colis reçus. Tableau 33 : Activités des déchets stockés par l’ANDRA au Centre de stockage de l’Aube
Le cas des déchets émetteurs alpha doit être précisé. A la fin 1998, 9 % de la capacité volumique du centre était occupée, pour une activité radiologique égale à 0,1 % de la capacité totale autorisée. S’agissant des émetteurs alpha, la limite d’activité alpha à ne pas dépasser est de 750 000 GBq. Le centre a donc déjà consommé 4,8 % de son autorisation. L’évolution globale des arrivées de colis de déchets à Soulaines est retracée sur le graphique ci-après. Elle ne semble pas satisfaisante, du point de vue de l’Andra et de son équilibre financier. Figure 4 : Evolution des volumes de déchets livrés au Centre de stockage de Soulaines depuis son entrée en service Le déclin des volumes reçus semble incontestable depuis trois ans. Il résulte largement des efforts au demeurant louables des producteurs de déchets de réduire leur production de déchets, par des améliorations de procédé ou par l’incinération ou la fusion des déchets, comme avec l’usine de Centraco. Cette évolution pose en toute hypothèse le problème de la cohérence de la politique des déchets (voir troisième partie). L’impact du centre sur l’environnement doit être étudié pour les deux phases de son existence, à savoir la phase d’exploitation et de surveillance d’une part et la phase post-surveillance d’autre part. 2.3.1. Les prescriptions de la réglementation Par rapport aux autres installations nucléaires, le centre de stockage de l’Aube possède une caractéristique importante : son décret de création précisait, comme on l’a vu précédemment, que l’installation devait fonctionner sans rejeter dans l’environnement d’effluents liquides ou gazeux. L’article 7 du décret du 4 septembre 1989 précise que " l’installation n’est pas autorisée à rejeter des effluents radioactifs liquides. Les modalités de contrôle du respect effectif de cette clause seront définies par le service central de protection contre les rayonnements ionisants sur ministère chargé de la santé ". De fait, en 1991, le SCPRI, prédécesseur de l’OPRI, a édicté des conditions de rejets dans le ruisseau les Noues d’Amance pour les eaux drainées, à savoir une activité volumique inférieure à 400 Bq/l pour le tritium, à 0,8 Bq/l pour l’ensemble des radioéléments autres que le tritium et le potassium 40 et 0,8 milliBecquerel/l pour les radioéléments émetteurs alpha. S’agissant des rejets gazeux, l’article 7 du décret du 4 septembre 1989 stipule que " dans les ateliers (...) où existera un risque de dissémination dans l’air de substances radioactives, des dispositions de confinement seront prises en fonction du risque à courir. L’air extrait des parties ventilées de l’installation (...) sera purifié à travers des filtres à très haute efficacité et contrôlé en permanence, avant d’être rejeté à l’extérieur ". Le premier contrôle de l’impact du centre sur l’environnement s’effectue par des dosimètres implantés à sa périphérie et permettant de détecter des rayonnements gamma artificiels. Le seuil de détection de certains de ces dosimètres est très bas et permet de mesurer le rayonnement ambiant naturel. Aucune différence significative n’est enregistrée avec les valeurs mesurées dans la région. Le terminal ferroviaire de déchargement des colis acheminés par rail fait également l’objet d’une surveillance radiologique mensuelle. Les effluents liquides du centre sont contrôlés, de façon à s’assurer que les prescriptions radiologiques de l’OPRI sont respectées. Les eaux provenant des ouvrages de stockage sont recueillies dans des réservoirs, puis dirigées vers le bassin d’orage en vue de leur rejet. L’activité volumique ajoutée, calculée après dilution dans le bassin d’orage, a toujours respecté les normes relatives au tritium (< 400 Bq/l), aux radioéléments émetteurs alpha (<0,0008 Bq/l) et à l’ensemble des radioéléments autres que le tritium et le potassium 40 (0,8 Bq/l). Enfin, grâce à un point zéro radiologique réalisé avant l’implantation du Centre, la surveillance de l’environnement peut être effective. Les niveaux d’activité radiologique sont suivis pour l’air ambiant sur le site et l’air filtré à la cheminée de l’atelier de conditionnement des déchets, pour les eaux de pluie, des ruisseaux et des nappes phréatiques ainsi que les végétaux, le lait, les sédiments et la chaîne alimentaire. Ainsi que l’écrit l’Andra, " les résultats du suivi radiologique montrent qu’il n’y a pas d’évolution décelable des niveaux de radioactivité dans l’environnement du centre de l’Aube depuis sa mis en exploitation ". En 1995, un nouveau régime est introduit pour les rejets et les prélèvements d’eau des installations nucléaires de base, en application de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau. En conséquence, l’Andra dépose le 17 décembre 1997 auprès de la DSIN, une demande d’autorisation de rejets liquides et gazeux. Lors de sa visite du centre de stockage de l’Aube, le 20 mai 1999, votre Rapporteur n’a pas été informé de cette demande. Pour justifier ses demandes de rejets, l’Andra remarque que, sur les 7 premières années d’exploitation, l’activité volumique des rejets a toujours été inférieure aux seuils de détection des appareils de mesure, soit 8 Bq/l pour le tritium, 0,2 Bq/l pour les émetteurs bêta autres que le tritium et le potassium 40 et 0,2 Bq/l pour les émetteurs alpha. Le calcul fait pour le scénario le plus pénalisant conduit à une dose efficace engagée maximale de 4 µSv/an. En conséquence, l’Andra ne sollicite pas d’autorisation de rejet d’effluents radioactifs liquides mais seulement d’eaux de collecte susceptibles de modifier le régime des eaux. S’agissant des rejets gazeux, c’est bien l’entrée en service d’un atelier de conditionnement des déchets qui a conduit le centre de Soulaines à rejeter des radioéléments dans l’environnement. Ces rejets gazeux comportent essentiellement du tritium, en quantité très inférieure à la limite admise pour le public. Le tableau suivant présente le bilan des rejets gazeux du centre de l’Aube, pour les activités supérieures au seuil de détection des appareils de mesure. Tableau 34 : Bilan des rejets gazeux du centre de stockage de l’Aube
Selon l’Andra, l’impact de ces rejets en utilisant les limites annuelles d’incorporation est de 12,6 µSv. Selon un courrier de l’Andra adressé à votre Rapporteur, en date du 20 octobre 1999, " en conséquence, l’Andra n’a pas déposé de demande d’autorisation administrative de rejet d’effluents radioactifs gazeux. A l’origine, en 1992, l’IPSN avait d’ailleurs indiqué que ces émissions à l’atmosphère étaient ‘si faibles qu’elles ne paraissaient pas être en rapport avec les rejets habituellement soumis à autorisation’ ". Selon l’Andra, sa demande d’autorisation de rejets devrait être soumise à enquête publique dans les prochains mois. Auparavant, la DSIN souhaite comprendre, ce qui est parfaitement justifié, le rapport existant entre les isotopes radioactifs décelés à la cheminée et les colis conditionnés à l’atelier. 2.3.4. L’impact après l’exploitation et la cessation de la surveillance La phase de surveillance du centre de l’Andra est définie comme devant être de 300 ans, pendant laquelle, par définition, une intervention est possible pour revenir, en cas d’incident, aux spécifications de fonctionnement initiales. Au-delà de cette période, il est nécessaire d’établir des scénarios d’intrusion et de calculer les expositions correspondantes. On trouvera au tableau suivant les résultats d’exposition pour les différents scénarios d’intrusion dimensionnants retenus par l’Andra. Tableau 35 : Impacts radiologiques des différents scénarios d’intrusion sur le centre de l’Aube, en phase d’abandon du site
Dans les quatre cas, l’impact radiologique est supérieur au 0,25 mSv/an fixé pour l’évolution normale. Toutefois, dans la mesure où il s’agit de scénarios très peu probables et où l’impact est du même ordre de grandeur que la radioactivité naturelle, l’IPSN a considéré que " les valeurs d’impact associées à ces scénarios d’évolution normale ou hypothétique sont acceptables, compte tenu pour ces derniers scénarios, de leur faible probabilité d’occurrence ". En réalité du fait même que l’impact dépasse 1 mSv/an dans plusieurs cas, suffit à impliquer qu’il ne peut y avoir de banalisation du site et qu’une surveillance restera indispensable. Que le centre de l’Aube se caractérise par de bons résultats radiologiques est d’une importance capitale pour la politique des déchets. Mais l’Andra doit démontrer son expertise et justifier le rôle pilote qu’il doit jouer dans la politique national de déchets. Son rôle est également central pour démontrer l’intérêt du stockage de surface pour d’autres types de déchets, les déchets de très faible activité en particulier. En toute hypothèse, il importe que l’Andra développe à Soulaines une attitude, non pas routinière en matière de surveillance de l’environnement, mais une attitude dynamique et prospective, afin d’apporter la preuve que la solution qu’elle a mise au point est viable à très long terme et déclinable pour d’autres projets. Au demeurant, une transparence parfaite est exigée de cet établissement public, à l’égard de quiconque et en particulier des membres de la représentation nationale. Chapitre 3 : L’impact des autres installations entreposant des déchets nucléaires
I – L’entreposage de matières nucléaires et de déchets radioactifs à Cogema - La Hague Les installations de Cogema à La Hague ont pour fonction le retraitement des combustibles irradiés, c’est-à-dire la séparation de leurs constituants en vue du recyclage éventuel de ces derniers dans les réacteurs nucléaires ou bien en vue de leur stockage définitif s’ils n’ont pas d’utilisation possible. Les opérations de retraitement induisent bien évidemment la présence sur le site de matières nucléaires combustibles et de déchets radioactifs. La durée de cette présence est fonction d’une part d’impératifs techniques et d’autre part du flux des réexpéditions vers l’extérieur des produits séparés. Usines de retraitement, les installations de Cogema à La Hague comprennent ainsi, de facto et en particulier, des piscines d’entreposage de combustibles irradiés, des puits d’entreposage pour les déchets C conditionnés sous forme de verres et des cuves contenant des déchets technologiques en attente d’expédition. L’impact sur la santé publique et l’environnement des installations de La Hague provient essentiellement des opérations d’ouverture des gaines de combustible, de dissolution et de séparation chimique de l’uranium non brûlé, du plutonium et des produits de fission. C’est en effet lors de ces opérations que sont inévitablement générés des déchets technologiques additionnels et que sont isolés certains éléments radioactifs rejetés ultérieurement dans l’environnement. Si le présent rapport est centré sur l’analyse des conséquences des installations de stockage de déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement, il paraît toutefois impossible d’ignorer le retraitement alors que l’objectif du recyclage de l’uranium non consommé et du plutonium formé en réacteur n’est plus le seul objectif affiché. Selon EDF, l’oxyde d’uranium et le Mox, combustible incorporant du plutonium recyclé, présentent en effet des performances économiques comparables. La justification du retraitement ne peut donc résider dans le seul intérêt économique de récupérer le potentiel énergétique de l’uranium non brûlé et du plutonium. A cet égard, Cogema met en avant deux avantages du retraitement : le premier est de réduire d’un facteur 10 la toxicité des déchets et le deuxième est de réduire d’un facteur 5 leur volume. La question est bien, dès lors, de considérer non seulement l’ensemble des rejets et des déchets B et C, mais aussi le plutonium et l’uranium de retraitement et d’examiner leur impact sur la santé publique et l’environnement, pendant toute la durée de leur présence sur le site de La Hague. 1. Le principe du retraitement et les produits qui en sont issus Le retraitement est, à ce jour, une option fondamentale de la politique nucléaire française. Dans un but affiché d’indépendance nationale et d’efficacité économique, l’objectif est de tirer le meilleur parti du combustible nucléaire, ressource considérée comme rare et onéreuse. Quel est le bilan matière du retraitement ? La figure suivante indique quels sont les principales catégories de produits qui en sont issus. Figure 5: les produits et les déchets issus du retraitement
Le schéma des réactions nucléaires au sein du combustible est présenté à la figure suivante. Figure 6 : Schéma des réactions nucléaires au sein d’un réacteur nucléaire (référence : combustible UO2 – taux de combustion : 45 000 MWj/t)
Les matières présentes dans le combustible irradié et aptes à être recyclées, sont celles dont on peut prévoir ultérieurement l’utilisation et donc la valorisation. Dans l’état actuel des techniques, il s’agit seulement de l’uranium fissile et de l’uranium fertile non consommés dans la réaction ainsi que du plutonium. Les produits de fission – y compris les actinides mineurs – n’ont pas d’utilisation économique. L’uranium présent dans le combustible UO2 initial à l’oxyde d’uranium n’est pas consommé en totalité. Ceci vaut tant pour l’uranium 235 fissile présent à hauteur de 3-4 %, que pour l’uranium 238 fertile, présent à hauteur de 97-96 %. Cet uranium non consommé, quelle que soit sa forme isotopique, peut être récupéré et ensuite valorisé. Le retraitement du combustible irradié permet en particulier de récupérer l’uranium non brûlé. Cet uranium est désigné sous l’appellation " uranium de retraitement ". L’uranium de retraitement possède deux caractéristiques principales, à savoir d’une part d’être un uranium appauvri et d’autre part de contenir des isotopes pairs non fissiles. Le rapport isotopique U235/U238 de l’uranium de retraitement est de l’ordre de 1 %. Comme on peut s’y attendre, il est appauvri par rapport à l’uranium de départ. Avant qu’on le réutilise éventuellement, il faut donc l’enrichir en uranium 235. La deuxième caractéristique de l’uranium de retraitement est de comprendre par ailleurs des isotopes pairs, l’isotope 236, à hauteur d’environ 0,6 %, et l’isotope 234, à hauteur de 0,02 %. Or l’uranium 236 en particulier présente la propriété d’être " neutrophage " pour les neutrons thermiques et de n’être fissile que par des neutrons rapides. Ceci signifie que ces isotopes ne sont pas favorables au bon déroulement de la réaction en chaîne au sein des réacteurs électronucléaires à eau légère. L’uranium de retraitement est donc par essence un moins bon combustible que l’oxyde d’uranium classique. Du fait de la faible concentration en isotopes pairs, on peut toutefois y recourir, à condition bien évidemment de l’enrichir en uranium 235. L’enrichissement de l’uranium de retraitement peut toutefois difficilement s’effectuer dans les mêmes installations que celle de l’uranium classique si l’on recourt à l’enrichissement par diffusion gazeuse. Celles-ci, qui comprennent en effet une cascade de paliers, fonctionnent en continu. Une masse d’hexafluorure d’uranium UF6 gazeux à la composition isotopique mélangée en uranium 235/238/236 aura tendance à se mélanger aux masses gazeuses d’uranium 235/238 présentes dans des étages supérieurs, entraînant une contamination en uranium 236 de l’ensemble de la chaîne d’enrichissement. C’est pourquoi l’enrichissement de l’uranium de retraitement est préférentiellement effectué par le procédé plus cloisonné de l’enrichissement par centrifugation. Pour les raisons vues plus haut, l’enrichissement de la quantité effectivement utilisée s’effectue à l’étranger, par Urenco pour EDF. La fabrication subséquente du combustible s’effectue dans l’usine de la société FBFC de Romans. 1.1.2. Les quantités récupérées et utilisées d’uranium de retraitement Les quantités d’uranium de retraitement qui sont récupérées chaque année à l’usine de La Hague sont de l’ordre de 1 000 à 1 500 tonnes. La part d’EDF provenant du retraitement de ses combustibles représente environ 800 tonnes. En tout état de cause, l’uranium de retraitement est encore faiblement utilisé en France. Sur les 800 tonnes récupérées chaque année, seul moins du tiers sera recyclé, soit environ 250 tonnes. A la mi-1999, seuls 2 réacteurs d’EDF, les réacteurs 3 et 4 de la centrale de Cruas (Ardèche) utilisaient de l’uranium de retraitement. En l’occurrence, l’autorité de sûreté n’autorise pas l’exploitant EDF à porter ce type de combustible à des taux de combustion voisins de ceux du combustible classique à l’oxyde d’uranium. Il lui semble en effet nécessaire au préalable d’acquérir une expérience de plusieurs années avec ce nouveau combustible. La généralisation éventuelle de l’uranium de retraitement qui est évidemment fonction de ses performances, n’est donc pas en vue. En conséquence, l’uranium de retraitement est pour le moment en majorité stocké, soit sous la forme de nitrate d’uranyle dans laquelle il est restitué aux propriétaires du combustible, soit sous la forme d’oxyde d’uranium dans laquelle il est converti par ceux-ci. En tout état de cause, COGEMA assure que l’uranium de retraitement fabriqué à La Hague est repris sans délai par les propriétaires de combustibles. Le plutonium est l’une des matières énergétiques recyclables produites par le retraitement. Au demeurant, c’est dans le cadre de la fabrication des armes nucléaires que les techniques de retraitement ont été mises au point pour extraire le plutonium. Les questions relatives au plutonium sont les suivantes : d’une part la qualité du plutonium extrait et les performances des procédés de séparation, et, d’autre part, les quantités de plutonium rejetées dans l’environnement ou présentes dans les installations de La Hague. Au cours de l’irradiation du combustible classique à l’oxyde d’uranium, l’uranium 238 fertile présent à environ 96 % se transforme par capture d’un neutron thermique en uranium 239. Cet élément, qui est instable, se transforme par émission b en neptunium 239 de période très courte. Ce dernier se transforme à son tour, par le même processus, en plutonium 239. Celui-ci, en toute hypothèse, peut subir une fission et conduire à des produits de désintégration. Le plutonium formé dans les réacteurs à eau pressurisée comprend en réalité plusieurs isotopes. Pour plus de la moitié, ce sont des isotopes impairs du plutonium, qui peuvent être recyclés sous forme de Mox. Ainsi que le montre le tableau ci-après, l’augmentation du taux de combustion conduit à une diminution de la proportion d’isotopes impairs, sans que toutefois celle-ci diminue en dessous de 60 % même aux taux d’irradiation les plus élevés atteints actuellement (60 000 MWj/t). Tableau 36 : isotope du Plutonium dans le combustible oxyde d’uranium irradié en fonction du taux de combustion
Le coeur du procédé Purex consiste en la séparation simultanée par le TBP de l’uranium et du plutonium suivie de la désextraction sélective de ces deux éléments. Au final, dans les installations de La Hague, la séparation du plutonium est réalisée, ainsi que l’indique Cogema, à hauteur de 99,9 %, grâce à de multiples opérations de séparation successives réalisées en cascades et grâce à la sélectivité très importante du TBP. Le 0,1 % du plutonium de départ, non séparée par le procédé Purex, reste en solution avec les produits de fission et les actinides mineurs, et se retrouve au final dans les verres correspondant aux déchets C. Une autre " fuite " de plutonium existe toutefois. Le TBP lui-même, de par son affinité chimique avec le plutonium, ne peut totalement en être débarrassé. Etant rejeté dans l’environnement sous forme d’effluents liquides, le TBP entraîne donc avec lui, à des concentrations très faibles, une quantité très limitée de plutonium. On constate par ailleurs dans les rejets gazeux une présence, au demeurant limitée, de plutonium, qui constitue près de la moitié de l’activité alpha rejetée. C’est pourquoi Cogema dispose d’autorisations de rejets de plutonium, ainsi que les installations du CEA à Saclay et à Marcoule, au contraire des centrales électronucléaires d’EDF. L’activité radiologique des verres représente 99,5 % du total de l’activité alpha des produits non recyclables et 97,6 % de leur activité bêta, gamma (hors tritium). 1.4. Les coques et embouts et les autres déchets technologiques Les assemblages combustibles présents dans les réacteurs nucléaires sont constitués de faisceaux de tubes en zircalloy, contenant les pastilles d’oxyde d’uranium et enchâssés dans supports appelés embouts. Pour retraiter le combustible, une première opération de cisaillage des assemblages permet de récupérer d’une part les embouts et d’autre part de petits cylindres désignés sous le nom de coques. Une étape fondamentale du procédé est celle de la dissolution du combustible contenu dans les coques. Elle est complétée par le rinçage des coques une fois le combustible dissout et par celui des embouts. L’activité radiologique des coques et embouts, malgré la dissolution et le rinçage ultérieure n’est pas négligeable. Elle représente 0,4 % du total de l’activité alpha et 2,3 % de l’activité bêta, gamma (hors tritium). Les déchets technologiques correspondent aux vêtements, gants, matières utilisées dans les fabrications et les manipulations. L’activité radiologique de ces déchets est faible. Elle représente actuellement 0,1 % de l’activité totale des produits non recyclables du retraitement, et ceci tant pour l’activité alpha que pour l’activité bêta, gamma (hors tritium). Alors que la réglementation fixe les limites de rejets par catégories de radioéléments et que Cogema, logiquement, publie ses chiffres suivant ce mode de présentation, le groupe radioécologie Nord-Cotentin a reconstitué les rejets détaillés de l’usine de La Hague de 1966 à 1996. Cette reconstitution des rejets radioélément par radioélément est en effet indispensable pour pouvoir calculer les doses reçues et donc l’impact détaillé des installations. On trouvera au tableau ci-après la composition détaillée des effluents liquides de La Hague en 1996. Pour chaque isotope rejeté, on fait figurer l’activité annuelle en GigaBecquerels mesurée par Cogema et les activités calculées par le groupe radioécologie Nord-Cotentin à partir des fonctions de transfert et de l’activité des combustibles retraités. Tableau 37 : Activités rejetées par l’usine de La Hague en 1996 sous forme d’effluents liquides – terme source GT1
Le tritium est ainsi à l’origine de 99,74 % de l’activité rejetée dans les effluents liquides. Le strontium est responsable de 36,2 % de l’activité hors tritium, le carbone 14 de 32,5 %, le césium 137 de 8,2 %, l’antimoine 125 de 6,6 %, l’iode 129 de 5,8 % et le chlore 36 de 5,0. La composition détaillée des rejets gazeux de La Hague est indiquée dans le tableau suivant, telle que l’a également établie le groupe radioécologie Nord-Cotentin. On distingue dans ce tableau d’une part les activités mesurées par Cogema et les activités, relatives à des radioéléments additionnels, calculées par le groupe radioécologie Nord-Cotentin après un recensement exhaustif des radioéléments susceptibles de se trouver dans les combustibles usés retraités et en utilisant les fonctions de transfert et les activités des combustibles retraités. Tableau 38 : Rejets gazeux de l’usine de La Hague – terme source
En 1996, les 11 radioélements pris en compte dans les mesures ressortaient à une activité de 0,29 milliard de GBq par an. L’analyse des procédés par le groupe radioécologie Nord-Cotentin a conduit à rajouter 14 radioéléments pour une activité additionnelle de 0,523 GBq. Quoi qu’il en soit, le krypton 85 est responsable de 99,968 % de l’activité du terme source gazeux. Le tritium est à la base de 79,7 % de l’activité hors krypton, le carbone 14 de 20,2 % et l’iode 129 de 0,04 %. Ceci ne préjuge en rien l’innocuité des autres radioéléments. On constate par ailleurs que les différents isotopes de l’iode sont responsables d’une activité totale importante (40 GBq).
Outre la récupération de matières énergétiques recyclables en partie, le retraitement présente, selon Cogema, un intérêt pour la gestion des déchets radioactifs. Le retraitement permet ainsi, selon Cogema, d’une part la réduction d’un facteur 10 de la toxicité des déchets, et, d’autre part, la réduction d’un facteur 5 de leur volume. Selon Cogema, le retraitement permet une réduction d’un facteur 10 de la toxicité des déchets. Dans quelle mesure cette performance est-elle obtenue et sous quelles hypothèses ? C’est ce qui est présenté dans la suite. 2.1.1. Une réduction d’un facteur 10 de la toxicité des déchets, selon Cogema Le retraitement est essentiellement, comme on l’a vu précédemment, une étape de séparation des différentes composantes des combustibles usés. Pour évaluer le gain obtenu en termes de radiotoxicité, il convient tout d’abord de rappeler leur nature. Un assemblage combustible comprend initialement 500 kg environ d’oxyde d’uranium UO2, soit 100 % du total, avec une concentration en uranium fissile 235 allant de 3 à 4 % de l’uranium. Après irradiation, il reste dans l’assemblage combustible de 475 à 480 kg d’uranium, soit 94 à 96 %. 94 % correspond aux taux de combustion les plus élevés et 96 % aux taux de combustion les plus bas. Les produits de fission et les actinides mineurs fréquemment appelés résidus ultimes, représentent 15 à 20 kg, soit 3 à 5 %. La concentration est d’autant plus proche de 5 % que le taux de combustion est plus important. Le plutonium présent dans ce même assemblage combustible irradié de 500 kg représente environ 5 kg, soit 1 %. La quantité finale de plutonium formé varie peu avec le taux de combustion, compte tenu du fait qu’une partie du plutonium formé au cours de l’irradiation est consommé, selon le schéma ci-après. Ainsi, avec un taux d’irradiation de 33 000 MWj/t, la concentration du plutonium est de 0,9 %. Pour une irradiation de 60 000 MWj/t, même si sa composition isotopique est différente, elle n’atteint que 1,1 %. De par la réglementation, la teneur en plutonium des résidus ultimes est inférieure ou égale à 0,1 %. Le tableau suivant résume quels sont les produits de départ et les produits d’arrivée, par catégorie. Tableau 39 : Bilan des réactions au sein du combustible nucléaire
Parmi les matières recyclables, au moins en théorie, figurent comme on l’a vu l’uranium non brûlé, soit environ 1 % d’uranium fissile 235 et 93 % d’uranium fertile 238, ainsi que le plutonium à concurrence de 1 %. L’opération de retraitement permet-elle in fine de diminuer la radiotoxicité des déchets, par rapport au stockage direct des combustibles irradiés ? 2.1.2. Une réduction de la toxicité des déchets qui dépend en fait du taux de recyclage La réponse est positive si les matières recyclables que sont l’uranium de retraitement et le plutonium sont effectivement réutilisées. La réponse est négative s’ils ne le sont pas. La réalité est entre les deux. En vertu de sa politique d’égalité des flux, EDF retraite ses combustibles usés à hauteur de ses besoins en plutonium, soit 850 tonnes par an environ, pour 1 200 tonnes de combustibles déchargés chaque année. Le retraitement se traduit par la séparation du plutonium à hauteur de 99,9 %. On peut donc dire que le plutonium issu du retraitement est entièrement consommé pour la fabrication du Mox, au stock outil près, aux pertes de procédé et au 0,1 % près de plutonium présent dans les verres contenant les produits de fission et les actinides mineurs. Sa réutilisation dans les réacteurs fonctionnant au Mox permet donc de conclure à une diminution de la radiotoxicité des déchets à due concurrence, pendant le cycle d’irradiation en réacteur de ces combustibles. S’agissant de l’uranium de retraitement, il n’y a pas de politique d’égalité des flux, puisque moins du tiers de celui-ci est effectivement recyclé. En réalité, il conviendrait donc de dire que le retraitement permet dans tous les cas de séparer les différents types de matières éventuellement recyclables et les déchets ultimes Le retraitement permet aussi d’abaisser la radiotoxicité des déchets pour autant qu’il y ait recyclage de l’uranium de retraitement et du plutonium et à concurrence de celui-ci, et ceci pour la seule durée correspondant au premier cycle de réutilisation de ces matières. Il reste néanmoins que le plutonium est brûlé dans les assemblages Mox et que le retraitement de ces assemblages irradiés est encore plus complexe que celui des assemblages standards, ce qui peut faire dire que les matières fissiles sont encore mieux protégées de toute réutilisation ultérieure. Autre avantage du retraitement mis en avant par Cogema, la réduction de volume des déchets qui atteindrait un facteur 5. Le raisonnement correspondant est exposé puis analysé ci-après. 2.2.1. Une réduction de volume des déchets d’un facteur 5, selon Cogema Soit 7 assemblages combustibles neufs de réacteur à eau pressurisée, chacun contenant environ 500 kg d’uranium enrichi. Chaque assemblage occupe un volume d’environ d’un m3, le total est donc de 7 m3. Après passage en réacteur, chaque assemblage combustible comprend 480 kg d’uranium, 5 kg de plutonium et 15 kg environ de produits de fission et d’actinides mineurs. Cogema suppose alors que l’uranium de retraitement entièrement recyclé en réacteur pour fabriquer du combustible standard. L’autre hypothèse est que le plutonium l’est également pour préparer du combustible Mox. Le plutonium des 7 assemblages combustibles initiaux, soit 35 kg, est alors mélangé à 465 kg d’uranium ordinaire pour conduire à un assemblage combustible de 1 m3 environ. Après passage en réacteur de l’assemblage combustible au Mox d’un m3, le volume total de déchets, selon Cogema, atteint 1,5 m3 correspondant au volume des verres contenant les produits de fission et les actinides mineurs, ainsi que le volume des coques et embouts. La réduction serait d’un facteur 5 – en réalité 4,66 (soit 7/1,5). Le raisonnement de Cogema, exposé à plusieurs reprises dans des documents remis à des Parlementaires, découle d’hypothèses en réalité largement optimistes quant à la réduction de volume atteinte grâce au retraitement. Comme la réduction de la toxicité, la réduction de volume d’un facteur 5 suppose qu’il y ait réutilisation complète de l’uranium de retraitement et du plutonium séparé. Ceci, encore une fois, n’est pas le cas à l’heure actuelle. Il est toutefois conforme à la vérité de préciser, ainsi que le souligne Cogema, qu’une compacité accrue des déchets a été obtenue au cours du temps. Ainsi, au début des années 1980, le volume de déchets était de l’ordre de 3 m3 par tonne de combustible retraité, dont 0,1 m3 de verres contenant les produits de fission et les actinides mineurs, 0,5 m3 pour les coques et embouts, 2 m3 de déchets technologiques et 0,5 m3 pour les boues de décantation. A l’heure actuelle, s’il n’y a pas eu de réduction de volume pour les produits de fission, en revanche les autres déchets produits sont moins volumineux, le total étant inférieur à 0,5 m3. 3. Les quantités de matières nucléaires et de déchets radioactifs présentes à La Hague C’est en 1966, avec l’usine UP2-400 consacrée au retraitement des combustibles de la filière uranium naturel - graphite – gaz (UNGG), que les installations de La Hague débutent leur production. En 1976, un atelier supplémentaire dit HAO est ajouté à l’usine UP2-400 de façon à permettre également de retraiter les combustibles issus des centrales nucléaires allemandes à eau légère. Cette usine de retraitement sera en activité jusqu’en 1986, prenant en charge alternativement les combustibles de la filière UNGG et de la filière eau légère. Au total, UP2-400 aura retraité 5 000 tonnes de combustible, soit quatre fois moins que l’usine de retraitement de Marcoule dont elle est au demeurant la copie conforme. A la fin des années 1970, EDF évalue ses besoins en retraitement à environ 1600 t par an à partir de 1986, dans l’hypothèse de taux de combustion de 30 000 MWj/t, dont on sait qu’ils seront largement dépassés grâce aux bonnes performances des combustibles à l’oxyde d’uranium. C’est alors qu’est décidée le doublement de la capacité d’UP2-400, pour atteindre une capacité nominale de 800 tonnes. Durant la même période, un consortium de 30 compagnies d’électricité de Suisse, de Belgique, des Pays-Bas, d’Allemagne, du Japon et de Suède signe avec Cogema un contrat de construction et d’exploitation pendant 10 ans d’une nouvelle usine dite UP3 d’une capacité nominale de 800 tonnes par an. Cette usine entrera en fonctionnement en 1989. Au terme des contrats de retraitement, l’usine UP3, qui appartient à Cogema et non pas aux compagnies qui ont financé sa construction, voit sa capacité réservée à celles-ci pour une durée de 10 ans qui vient à expiration à la mi-2000. Depuis 1976, la quantité cumulée de combustibles nucléaires retraités dans les installations de La Hague s’élève à 14 205,8 tonnes. Sur ce total, les combustibles classiques pour réacteurs à eau légère représentent 99,9 %. Sur la période, 10 tonnes de combustibles en provenance du réacteur à neutrons rapides Phénix et 9,6 tonnes de Mox ont fait l’objet d’expérimentations, en vraie grandeur, de retraitement de ces combustibles spécifiques. Tableau 40 : quantités de combustibles retraitées par Cogema à La Hague
Le tableau suivant présente les quantités retraitées par nationalité des compagnies d’électricité clientes de Cogema. Tableau 41 : Quantités retraitées sur la période 1976-1999 (1er mai) par nationalité des compagnies d’électricité clientes
De 1976 à début mai 1999, Cogema a retraité au total 6101 tonnes de combustibles appartenant à EDF et 8096 tonnes de combustibles appartenant à des compagnies d’électricité étrangères. 3.2. Les quantités de matières nucléaires et de déchets présentes à La Hague fin 1998 Deux questions se posent quant à la présence de matières nucléaires et de déchets radioactifs dans les installations de Cogema à La Hague. La première a trait aux quantités accumulées à La Hague non seulement en ce qui concerne les combustibles irradiés en attente de retraitement, mais aussi pour les matières nucléaires et les déchets radioactifs issus du retraitement, en attente de réexpédition. En filigrane, l’interrogation est de savoir si les installations de retraitement ne sont pas en réalité des installations d’entreposage. La deuxième question porte sur l’origine nationale ou étrangère de ces matières. La problématique est alors celle de la nature des services vendus par Cogema à ses clients étrangers, à savoir des services de retraitement-recyclage ou un service de prise en charge d’une question embarrassante, à savoir la gestion des combustibles irradiés. 3.2.1. Les stocks de combustibles irradiés en attente de retraitement On trouvera au tableau ci-après les stocks au 31 décembre 1998 de combustibles irradiés en attente de retraitement dans les piscines des installations de La Hague. Tableau 42 : Stocks de combustibles irradiés en attente de retraitement dans les piscines des installations de La Hague
Ce sont ainsi 8020 tonnes de combustibles irradiés qui étaient présentes à La Hague à la fin de l’année 1998, dont 1373 tonnes appartenant à des électriciens étrangers. La capacité d’accueil des piscines de La Hague est de 13990 tonnes de combustibles usés. Le taux de remplissage de ces piscines était de 57,3 % au 31 décembre 1998. On trouvera ci-après les chiffres relatifs aux stocks d’uranium de retraitement et de plutonium présents à La Hague. S’agissant du plutonium, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a, le premier, publié en juin 1998, dans le rapport de MM. Christian BATAILLE et Robert GALLEY sur l’aval du cycle, les chiffres de production de plutonium à La Hague. Ces tableaux sont actualisés ci-après. Entre 1976 et fin 1998, la production cumulée de plutonium a atteint 110,9 tonnes. Sur les 110,9 tonnes de plutonium fabriquées à La Hague, 60,5 tonnes ont été réexpédiées à l’extérieur. Tableau 43 : Fabrication, réexpédition et stocks de plutonium provenant du retraitement à La Hague des combustibles à eau légère
Le stock de plutonium séparé égal à 50,0 tonnes a donc augmenté de 10,6 % en 1998, venant de 45,2 tonnes à fin 1997. On trouvera ci-après le détail des quantités de plutonium réexpédiées à l’extérieur des installations de La Hague. Tableau 44 : Réexpéditions annuelles de plutonium de retraitement depuis les installations de La Hague
On trouvera enfin au tableau suivant, les chiffres relatifs à l’uranium de retraitement. Tableau 45 : Stocks et variations de stocks de matières nucléaires séparées provenant du retraitement des combustibles des réacteurs à eau légère
Une conclusion essentielle peut être tirée des considérations précédentes. Le rythme de réexpédition du plutonium est actuellement insuffisant, de sorte que le stock de plutonium sur étagère continue d’augmenter. Les retours de plutonium vers les clients étrangers ne se sont effectués qu’à deux reprises sous forme d’oxyde de plutonium séparé : ce fut en 1987 et en 1992 vers le Japon. En réalité, les retours s’effectuent sous forme de Mox, le plutonium étant en premier lieu acheminé vers des usines de fabrication de ce combustible, en particulier à Melox. On peut légitimement se demander si les fabrications de Mox atteindront un jour des volumes suffisants pour éponger les stocks de plutonium actuels. 3.2.3. Les déchets proprement dits – verres, coques et embouts et déchets technologiques Ainsi qu’il a été dit plus haut, les produits de fission et les actinides mineurs, déchets de haute activité et à vie longue issus du retraitement, ont fait l’objet dès l’origine de conditionnements technologiquement avancés, sur lesquels des progrès de compacité n’ont pu être encore atteints. Sur cette base, on trouvera ci-après les quantités estimées de verres produites correspondant à chaque type de clients de Cogema. Le volume de verres produits correspond à 0,1 m3 par tonne de combustible retraité. Tableau 46 : Estimation des volumes des verres contenant des déchets C (produits de fission et actinides mineurs) produits et présents à La Hague au 31/12/1998
Sur les 1420 m3 de verres contenant des déchets de haute activité à vie longue produits à La Hague, 37 m3 seulement ont été retournés à l’étranger, selon les modalités suivantes : - 84 conteneurs réexpédiés en Allemagne, au 23 juillet 1999 - 168 conteneurs réexpédiés au Japon, à la même date, puis 40 début 1999. Les capacités de stockage des conteneurs de déchets vitrifiés au sein des installations de La Hague sont de 21240 conteneurs. Le taux de remplissage au 23 juillet 1999 était de 32 %. Les déchets dits " coques et embouts " constituent une deuxième catégorie de déchets. Les coques sont des cylindres creux de zircalloy provenant du cisaillage des gaines de combustibles. Les embouts correspondent aux piétements réunissant les gaines pour former les assemblages combustibles. Les coques et embouts furent au départ conditionnés dans des matrices en ciment. Ainsi présentés, ils occupaient un volume de 0,5 m3 par tonne de combustible retraité. Le procédé du ciment sans compactage initial a été abandonné en 1995. Il avait été utilisé pour les seuls combustibles d’EDF. Un nouveau procédé de compactage et de conditionnement est alors mis au point. Grâce à une presse hydraulique, les coques sont écrasées sous forme de galettes, avec une répartition homogène des embouts, et empaquetées dans une chemise métallique. Ce nouveau procédé devrait permettre de réduire le volume final d’environ un facteur 5. Il sera mis en œuvre dans l’atelier dit ACC, d’un coût d’investissement de 3 milliards de francs, financés par les clients de Cogema. Les déchets une fois compactés seront conditionnés dans un conteneur d’un volume de 0,175 m3 et d’une masse de l’ordre de 0,7 tonne, soit des dimensions identiques à celle des conteneurs de déchets vitrifiés. L’approbation des spécifications du conteneur n’est pas encore donnée par la direction de la sûreté des installations nucléaires. Une fois l’autorisation obtenue en France, elle sera sollicitée des autorités de sûreté des pays des clients étrangers. On peut supposer que les spécifications retenues correspondront également aux contraintes définies par l’Andra. L’atelier ACC mettra en œuvre des moyens performants de mesure des concentrations en émetteurs alpha. On procédera ainsi au comptage des neutrons spontanés émis par les radioéléments émetteurs alpha et au comptage des neutrons prompts ou retardés ré-émis par ces émetteurs une fois excités par des neutrons extérieurs et incidents. Les coques et embouts générés depuis 1995 sont stockés en vrac, dans l’attente d’une reprise par l’atelier ACC. Les volumes de coques et embouts entreposés à La Hague sont estimés dans le tableau suivant. Tableau 47 : Estimation des volumes des coques et embouts une fois conditionnés
Les coques et embouts en attente de compactage et de conditionnement sont depuis 1976 entreposés sous eau. Un atelier d’entreposage des conteneurs universels remplis de coques et embouts et de déchets technologiques était en cours de construction à la mi-juin 1999. Les déchets technologiques sont des déchets d’une autre nature et comprennent les déchets d’intervention, les matériels usagers, les cendres de solvants minéralisés et sont généralement coulés dans du béton. Des procédés de réduction de volume sont en cours de mise au point. En particulier, on peut citer la fusion des déchets métalliques de faible activité et l’incinération des déchets plastiques à Centraco (Marcoule). Dans les années 1980, les déchets technologiques représentaient environ 2 m3 par tonne de combustible retraité. Grâce aux progrès faits dans les procédures de fabrication et de manipulation, le volume des déchets technologiques devrait passer à environ 0,1 m3 par tonne de combustible retraité. Les déchets technologiques conditionnées représentaient fin décembre 1998, un ensemble de 15226 fûts, soit environ 3050 m3, une soixantaine de m3 restant à conteneuriser. Il faut enfin citer les boues de retraitement des effluents issus du fonctionnement de l’usine UP2. Le volume en est estimé à 9264 m3. Ces boues sont conditionnées dans des fûts de 200 litres remplis de bitumes. Ce procédé est pour le moment en quasi-sommeil (production annuelle de 200 fûts). Le total des fûts bitumés atteignait 9624 au 31 décembre 1997. La complète reprise de ces boues est à venir et devrait produire 30000 fûts additionnels. La capacité de stockage correspondante est de 56000 fûts. On trouvera ci-après un tableau récapitulatif de l’ensemble des déchets radioactifs présents dans les installations de La Hague au 31 décembre 1998. Tableau 48 : Inventaire des déchets radioactifs présents à La Hague
Tableau 49 : Inventaire des déchets radioactifs présents à La Hague (suite et fin)
On trouvera par ailleurs au tableau ci-après les cumuls en volume et en tonnages des déchets conditionnés présents dans les installations de La Hague. Tableau 50 : Volumes de déchets conditionnés présents à La Hague fin 1998
Ainsi, ce sont 25 175 conteneurs de déchets conditionnés qui sont présents dans les installations de La Hague, représentant un volume de 14 417 m3 et un tonnage de 24 626 tonnes. Le tableau ci-après présente les quantités de déchets non conditionnés présents à La Hague. Le total de déchets conditionnés et de déchets non conditionnés présents à La Hague à la fin 1998 s’élevait à la somme de 27 325 tonnes et de 27 213 m3. Tableau 51 : Déchets radioactifs non conditionnés présents à La Hague fin 1998
4. L’épineuse question du départ de La Hague des déchets du retraitement Les installations de La Hague sont des installations industrielles de retraitement qui comme toute installation de cette nature nécessitent des stocks tampons. Des capacités d’entreposage existent donc à La Hague mais leur rôle ne peut être déconnecté des " process " industriels. Il ne saurait y avoir à La Hague des installations ayant pour finalité le seul entreposage à moyen-long terme et encore moins le stockage définitif. Deux points importants doivent en conséquence être examinés. Les clients étrangers de Cogema ont l’obligation contractuelle et légale de reprendre en dehors du territoire français les déchets provenant du retraitement de leurs combustibles usés. Dans quelle mesure la réexpédition des déchets se fait-elle ? D’autre part, alors qu’aucun site de stockage ou d’entreposage n’existe encore en France pour les verres, les coques et embouts et les autres déchets de procédé, ce qui entraîne une présence durable de ces déchets à La Hague, le centre de stockage de l’Andra à Soulaines offre, lui, une solution pour les déchets de faible activité. Dans quelle mesure assiste-t-on à un transfert régulier de ce type de déchets à l’extérieur de La Hague ? Si les dispositions juridiques des contrats de retraitement avec les clients étrangers prévoient bien depuis le début des années 1980 le retour des déchets, il n’en demeure pas moins que l’ampleur des volumes accumulés et les prétextes dilatoires souvent affichés par les clients de Cogema peuvent faire craindre que l’assainissement de la situation soit très lent. La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs dispose dans son article 3 que " le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement ". Le législateur a ainsi posé un principe clair. Les modalités d’application ne le sont pas moins, contrairement aux apparences. Les délais techniques comprennent en effet la durée de refroidissement du combustible irradié en piscine, les durées des opérations de retraitement proprement dites et celles du conditionnement. Ces délais techniques peuvent être chiffrés avec précision. Le temps de refroidissement en piscine des assemblages combustibles est de l’ordre de 3 à 5 ans selon le taux de combustion en réacteur. Les délais introduits par le plan de charge de l’usine et la durée des opérations de retraitement sont de l’ordre de 2 à 3 ans. La réexpédition doit intervenir dans une plage de temps comprise entre 5 et 8 ans, après l’arrivée des combustibles à La Hague. Les premiers contrats de retraitement signés en 1976 par Cogema avec des clients allemands et belges portaient sur 512 tonnes de combustibles irradiés et prévoyaient un retour du plutonium et de l’uranium de retraitement résultant des opérations de séparation. Selon les termes de ces mêmes contrats, les déchets ultimes – produits de fission et actinides mineurs, coques et embouts, déchets technologiques – devaient devenir la propriété de Cogema. Comme tels, ils sont restés en France. Cette pratique a pris fin dès les contrats suivants. La série ultérieure de contrats qui portaient sur environ mille tonnes de combustibles et le grand contrat de sept mille tonnes signé avec 29 compagnies d’électricité étrangères (1981) qui a conduit à la construction de l’usine UP3, prévoient tous la reprise des déchets par les clients. On a pu craindre un moment que pour diminuer les frais de transport, une équivalence soit faite entre déchets de haute activité compactés dans les verres et les autres déchets moins actifs mais plus volumineux et qu’en conséquence une quantité accrue de verres soit réexpédiée, en contrepartie d’une quantité inférieure de coques et embouts par exemple. Interrogés en particulier sur ce point, les responsables de Cogema ont clairement affirmé qu’aucune compensation de ce type n’existe et que les réexpéditions des différents types de déchets s’effectueraient à due concurrence des quantités retraitées. Cogema a commencé ses opérations de retour de déchets étrangers en 1995, par l’expédition de déchets vitrifiés de haute activité au Japon puis en Allemagne. Au total, à la fin septembre 1999, 252 conteneurs avaient été réexpédiés, dans le cadre de 6 opérations de transport, dont quatre vers le Japon et deux vers l’Allemagne (voir tableau ci-après). Tableau 52 : Bilan des reprises de conteneurs de déchets radioactifs vitrifiés par les clients étrangers de Cogema à fin septembre 1999
Quelle proportion des déchets vitrifiés a donc ainsi fait l’objet de retours ? A la fin septembre 1999, 7 764 tonnes de combustibles à eau légère usés étrangers avaient été retraitées. Ceci correspond à environ 4000 à 5000 conteneurs de déchets vitrifiés, la proportion étant d’un conteneur pour 1,5 à 2 tonnes de combustibles retraités. Il faut par ailleurs noter que les coques et embouts, les déchets technologiques et les déchets bitumés contenant les boues de traitement des stations d’effluents, relatifs au retraitement des combustibles étrangers, sont encore tous présents à La Hague, aucune réexpédition n’ayant été encore faite. Telle est donc la situation insatisfaisante dans laquelle se trouve Cogema et cette situation ne laisse pas d’inquiéter. 4.1.4. Les prévisions de durée des retours de déchets vitrifiés Les prévisions de retour des conteneurs de déchets vitrifiés vers l’étranger sont de 530 par an environ (voir tableau ci-après). Tableau 53 : Prévisions de retours annuels de déchets vitrifiés vers l’étranger
Selon Cogema, " les retours de résidus vitrifiés correspondant aux contrats en cours d’exécution pourraient s’achever vers 2007 (...) ". La première remarque sur la date proposée est qu’elle semble difficile à tenir, si l’on veut bien retenir une valeur moyenne de 4500 conteneurs à la fin septembre 1999, avec un rythme moyen de réexpédition de 530 conteneurs par an. La durée serait plus près de 8,5 ans et repousserait la date du dernier retour à la fin 2008. Mais ce rythme ne prend pas en compte les déchets vitrifiés supplémentaires générés dans l’intervalle par le retraitement, s’il perdure. Une autre remarque fondamentale est que ces rythmes supposent que les pays clients se conforment effectivement à leurs obligations. Ceci suppose au demeurant que les pays concernés non seulement disposent des installations d’entreposage ou de stockage indispensables mais qu’au surplus les autorités de sûreté délivrent les autorisations de transport afférentes. Le cas de l’Allemagne est à cet égard particulièrement préoccupant. A la fin septembre 1999, 168 conteneurs placés dans 6 emballages attendaient depuis mars 1998 leur transport pour l’Allemagne, faute d’autorisations. On ne voit pas sous quel motif et sous quel délai les difficultés de transport de déchets radioactifs pourraient disparaître en Allemagne. 4.1.5. Les retours des coques et embouts et des déchets technologiques Les déchets de haute activité conditionnés sous forme de verres ne sont qu’une partie des déchets du retraitement. De par les contrats de retour, les coques et embouts, ainsi que les déchets technologiques, c’est-à-dire des déchets nucléaires de moyenne activité à vie longue doivent également être réexpédiés. Ces déchets sont pour l’instant stockés en vrac, en attendant la mise en service en 2001 de l’atelier ACC qui les conditionnera dans des conteneurs de mêmes dimensions que ceux utilisés pour les verres. Quel est le nombre de conteneurs de coques et embouts et de déchets technologiques que l’on peut escompter préparer suite à la reprise des déchets en vrac ? Selon Cogema, " en considérant par exemple les 7 764 tonnes soumises à clause de retour retraitées au 30 septembre 1999, on obtient une valeur maximale de 11650 conteneurs, qui correspondront à l’ensemble coques, embouts et déchets technologiques à retourner ". Quelle durée doit-on envisager pour le retour de ces 11650 conteneurs ? Selon Cogema, " les retours sont prévus s’enchaîner après les retours de résidus vitrifiés et, au rythme de 20 à 25 emballages par an, s’étaler sur une dizaine d’années ". La question de boues de traitement des effluents est également à examiner. Le retraitement des combustibles étrangers génère des boues de ce type. On considérait jusqu’en 1994-1995 que ces boues devaient être conditionnées dans du bitume et dans l’attente de la mise au point du procédé, ces boues ont été stockées en silos. Depuis cette date, on prévoit que les résidus de traitement des effluents seront vitrifiés et les volumes correspondants sont compris dans les déchets vitrifiés examinés plus haut. Il reste que les boues initiales devront être conditionnées et réexpédiées sous forme de fûts de bitume. Pour le moment, Cogema estime qu’il ne s’agira que " d’un volume total limité compte tenu de l’arrêt de la production de boues de traitement d’effluents depuis 1995. " Ainsi donc, à supposer que les rythmes de retour soient les rythmes théoriques envisagés, l’évacuation complète des déchets du retraitement des combustibles usés étrangers produits depuis l’origine jusqu’à la fin septembre 1999, ne peut s’envisager avant 2018-2019. Pour autant, les incertitudes sont grandes sur la possibilité réelle de voir les flux s’amorcer sur les rythmes prévus. Une autre difficulté existe concernant l’apurement de la situation de La Hague. Elle touche directement à la cohérence de la politique nationale de gestion des déchets et à la rentabilité des investissements pratiqués par l’Andra. Il s’agit des envois de déchets " français " à l’Andra. L’amélioration des conditionnements et l’obtention d’une compacité accrue des colis de déchets sont sans nul doute les conditions d’une bonne gestion des déchets. Il convient toutefois de vérifier si les progrès faits dans ce domaine par Cogema, et à quel prix, n’entrent pas en collision avec une utilisation optimale des infrastructures disponibles pour l’entreposage et le stockage. Ce que l’on peut constater actuellement, c’est que les volumes de déchets technologiques réexpédiés au centre de stockage de Soulaines ont été divisés par plus de deux entre 1995 et 1998 (voir graphique ci-après). Figure 7 : Volumes de déchets réexpédiés de La Hague vers le centre de stockage de Soulaines (Andra) La baisse importante du chiffre d’affaires de l’Andra avec Cogema qui ne peut qu’en résulter, n’est pas catastrophique en soi mais illustre bien la nécessité d’une coordination des politiques conduites par chacun des intervenants de la filière nucléaire. Si, d’autre part, cette diminution des volumes envoyés à l’Andra était encouragée de facto par l’extension des capacités d’entreposage à La Hague, il y aurait lieu de réagir. En effet, les installations de stockage des déchets A du centre de l’Andra à Soulaines apportent, étant conçues pour un stockage à très long terme, une sûreté et une sécurité supérieures par définition aux dispositifs d’entreposage temporaire de La Hague. Pour ce motif également, la compatibilité des politiques des différents exploitants avec le rôle dévolu à l’Andra mérite d’être vérifiée en permanence au sein d’une instance qui reste à créer. Le Nord-Cotentin recèle quatre installations nucléaires de types variés. On y trouve en premier lieu la centrale électronucléaire de Flamanville (deux réacteurs REP de 1300 MWe chacun, entrés en service en 1985 et 1986). On y trouve aussi l’arsenal de Cherbourg où sont notamment construits les sous-marins nucléaires lanceur d’engins (SNLE) de la force de dissuasion et les sous-marins nucléaires d’attaque. La troisième installation nucléaire est le Centre de Stockage de la Manche, aujourd’hui en phase de surveillance. La quatrième installation est celle de la Cogema à La Hague. Le site de La Hague se caractérise par des rejets plus élevés que ceux des trois autres installations nucléaires. C’est pourquoi leur contrôle revêt une importance particulière. Il faut noter à cet égard que la connaissance des rejets de Cogema a récemment progressé grâce aux travaux du groupe radioécologie Nord-Cotentin, mais n’est pas encore parfaite. Au demeurant, la question des rejets des installations de La Hague prend une actualité nouvelle avec la mise à l’enquête publique prochaine de la demande de Cogema d’obtenir de nouvelles autorisations liées à une extension de son activité. Les rejets de La Hague obéissent, selon Cogema, à deux tendances fondamentales. D’une part, ils sont très inférieurs, pour la plupart des radioéléments, aux autorisations. D’autre part, leur évolution est, dans la plupart des cas, à la baisse, tant en valeur absolue qu’en pourcentage du tonnage de combustibles retraités. Mais quel est le volume physique des effluents liquides rejetés en mer par l’usine de La Hague ? Ce volume est de l’ordre de 500 000 m3 par an avec une évolution qui est à la baisse depuis1994, après une forte augmentation due à l’entrée en service des deux usines de 800 tonnes de capacité. Figure 8 : Evolution des volumes des effluents liquides rejetés en mer par l’usine de La Hague Ces 500 000 m3 de rejets liquides annuels, soit approximativement 500 000 tonnes, entraînent dans la mer 10 541 100 GBq d’activité totale. Les liquides correspondants ont-ils une activité volumique importante ? En moyenne, cette activité est de 21 millions de Bq par litre, pour l’ensemble des émetteurs alpha et bêta et pour le tritium. La part des émetteurs alpha est de 0,0004 % de cette activité volumique moyenne. Celle des émetteurs bêta est de 0,2629 %. Le tritium compte pour 99,7366 %. La dilution des rejets est en conséquence une variable critique et Cogema pourrait la renforcer par une prédilution avant rejet. On trouvera dans les deux tableaux ci-après relatifs aux activités, les chiffres 1998 des rejets liquides et gazeux de La Hague, par grandes catégories ainsi que les valeurs des autorisations. Tableau 54 : Rejets des effluents liquides des installations de La Hague en 1998, exprimés en GigaBecquerels
En 1998, les rejets liquides réels hors tritium ont donc atteint 41 100 milliards de Becquerels, soit 2,4 % des autorisations. Cette référence aux autorisations présente un intérêt diversement apprécié, des controverses existant sur la pertinence de leur niveau. En tout état de cause, les rejets de tritium, qui représentaient 28,4 % des autorisations en 1998, apparaissent avec un total de 10 500 TeraBecquerels comme 256 fois supérieurs aux rejets des autres radioéléments. Tableau 55 : Rejets des effluents gazeux des installations de La Hague en 1998, exprimés en GigaBecquerels
S’agissant des rejets gazeux, il faut noter deux points importants, d’une part l’importance relative, par rapport aux autorisations, des rejets d’halogènes, en particulier des isotopes 129, 131 et 133 de l’iode, et d’autre part, les problèmes récurrents du krypton 85 qui représente l’essentiel de l’inventaire en terme d’activité rejetée, et du carbone 14 (voir graphique ci-après). Un cas particulier intéressant est celui du plutonium. Le plutonium non précipité par le procédé Purex reste en solution et une partie est évacuée dans les effluents liquides et dans les rejets gazeux. Les rejets de plutonium dans l’environnement sont en tout état de cause un indice de performance du procédé et une variable critique pour l’environnement. L’évolution des activités annuelles rejetées dues au plutonium est présentée au graphique suivant. Cette activité était de 6718 GBq en 1976. Elle a atteint un pic en 1979. Elle n’était plus que de 505 GBq en 1996. Tableau 56 : Evolution de l’activité totale en GBq du plutonium rejeté dans les effluents liquides de La Hague Cette diminution est intervenue alors que le tonnage retraité augmentait pour atteindre 1681 tonnes en 1996. Les performances du procédé se sont donc notablement améliorées. Il serait à cet égard souhaitable qu’il continue de progresser. On ne peut en effet considérer comme satisfaisant le fait de rejeter une activité totale de 505 GBq de plutonium chaque année dans la Manche. Il faut signaler à cette occasion que cette évaluation est toute récente. Le groupe de travail radioécologie Nord-Cotentin a en effet recalculé récemment les rejets liquides de plutonium. Grâce à l’utilisation des fonctions de transfert et à l’intégration de l’activité des combustibles retraités, les isotopes 236, 238, 241 et 242 ont pu être pris en compte, alors que les activités mesurées par Cogema ne venaient que des isotopes 239 et 240. Au final, même si le total des activités apparaît faible au regard des autorisations de rejets, l’activité totale calculée avec ces nouvelles méthodes est plus de 100 fois plus grande que l’évaluation antérieure. Le cas de rejets gazeux de plutonium et d’actinides mineurs doit aussi être évoqué. L’activité calculée par le groupe radioécologie Nord-Cotentin pour le plutonium présent dans les rejets gazeux était, en 1996, de 884 100 Becquerels contre 505 milliards de Becquerels dans les effluents liquides. L’ordre de grandeur est donc fort heureusement inférieur d’un facteur d’environ cinq cent mille. L’évolution de l’activité totale du plutonium est retracée dans la figure suivante. Elle semble durablement inscrite au voisinage du million de Becquerels. Figure 9 : Evolution de l’activité en Becquerel du plutonium et des actinides mineurs présents dans les rejets gazeux de La Hague (échelle logarithmique) L’évolution de l’activité des actinides mineurs (américium et différents isotopes du curium) recalculée par le groupe radioécologie Nord-Cotentin est également satisfaisante. Elle semble aussi durablement égale à une vingtaine de milliers de Becquerels. Il faut toutefois souligner que la connaissance des rejets gazeux de plutonium et d’actinides mineurs s’est significativement améliorée, grâce aux travaux du groupe radioécologie Nord-Cotentin. Les valeurs calculées par ce groupe pour le plutonium ont en effet été réévaluées d’un facteur 36 par rapport aux valeurs mesurées par Cogema. Quant aux actinides mineurs, ils n’étaient pas mis en évidence et les activité correspondantes ont été introduites par le même groupe radioécologie. Autre sujet de grande importance, depuis 1966, les activités totales rejetées pour le tritium et le carbone 14 sont en augmentation. En revanche, pour les différents isotopes de l’iode, après des résultats très variables en début de période, on constate une stabilisation (voir graphique suivant). Figure 10 : Evolution des rejets gazeux de tritium, de carbone 14, d’iode et de krypton 85, par les installations de La Hague. Ceci ne doit pas surprendre dans la mesure où les tonnages retraités ont augmenté. Pour déceler d’éventuelles améliorations de procédé, on peut rapporter les activités rejetées aux tonnages de combustibles retraités. Figure 11 : Evolution des rejets gazeux rapportés aux tonnages de combustibles retraités de tritium, de carbone 14, d’iode et de krypton 85 par les installations de La Hague. L’évolution indiquée par le graphique précédent est claire. Il n’y a pas eu au cours du temps de réduction, par tonne retraitée, des rejets gazeux de tritium, de carbone 14 et de krypton 85. Un progrès a été enregistré pour les seuls isotopes de l’iode. Sans doute faut-il aussi rappeler que Cogema ne mesurait pas les activités du krypton 85 isolément, de même que le carbone 14 ne faisait pas non plus l’objet de mesures particulières. Au fond, deux possibilités existent pour expliquer cette permanence des rejets pour le tritium, le carbone 14 et le krypton 85 : d’une part l’absence de progrès technique, c’est-à-dire de méthodes physiques de filtration des radioéléments considérés et/ou, d’autre part, l’absence d’incorporation du progrès technique aux processus industriels par Cogema. Alors que cette entreprise demande de nouvelles autorisations de rejet correspondant à des tonnages de retraitement plus élevés, il est nécessaire de souligner que, mécaniquement, en l’état actuel des choses, les rejets de ces radioéléments augmenteront à due concurrence en cas de réponse positive des autorités de sûreté. A moins que ce qui était impossible hier, devienne possible aujourd’hui, ce qui ne donnerait pas une indication favorable sur la vigilance passée de Cogema sur ce point précis. 5.2. Les rejets prévisibles résultant de l’extension de capacité A la fin de l’année 1998, Cogema transmettait à l’administration une demande de modification des décrets d’autorisation de ses installations nucléaires de base (INB) 116, 117 et 118 situées sur son établissement de La Hague. Les objectifs poursuivis par Cogema sont au nombre de trois. Le premier but de Cogema est de porter la capacité de traitement annuelle de chacune des INB 116 et 117, de 800 tonnes environ actuellement à 1000 tonnes maximum, soit une augmentation totale de 400 tonnes, soit un quart du total actuel. Pour justifier cette demande, Cogema fait valoir que l’usine UP2-400 d’une capacité de 400 tonnes annuelles doit être prochainement arrêtée. Il ne s’agirait donc pas d’augmenter les capacités de retraitement du site de La Hague mais de les conserver en l’état. Simultanément, pourtant, Cogema demande l’autorisation d’augmenter de 26 % ses capacités d’entreposage en piscine des combustibles irradiés avant retraitement. Le deuxième objectif de Cogema est d’être autorisée à retraiter une gamme élargie de combustibles nucléaires, et en particulier, à retraiter des combustibles fortement irradiés, des combustibles Mox de réacteurs à eau légère, des combustibles RNR provenant de réacteurs à neutrons rapides et de combustibles MTR utilisés dans les réacteurs de recherche. Le troisième volet de la demande de Cogema porte sur la possibilité subséquente d’élargir l’éventail de matières radioactives manipulables dans les trois INB concernées. Les modifications des décrets d’autorisation demandées par Cogema doivent naturellement être soumises à enquête publique. Le dossier initial préparé par Cogema en août 1998 a fait l’objet d’une consultation préliminaire auprès de l’IPSN et de certains membres du groupe radioécologie Nord-Cotentin. Différentes remarques faites à ce stade sur la méthodologie de l’étude d’impact ont été prises en compte et le dossier définitif a été transmis fin 1998 aux pouvoirs publics, qui l’ont jugé recevable en février 1999. Selon certaines sources non officielles, la mise à l’enquête publique devrait intervenir fin 1999. En matière de rejets, le dossier préparé par Cogema établit dans un premier temps l’état de référence qui correspond à la situation actuelle, avant d’indiquer quelles seront les modifications introduites par rapport à cet état de référence. On trouvera au tableau suivant les autorisations en vigueur, les rejets réels de 1998 et les rejets dits " nominaux " des installations actuelles, rejets considérés comme les niveaux de référence à prendre en compte. Tableau 57 : Rejets considérés par Cogema comme nominaux dans sa demande de modification des décrets d’autorisation exprimés en GigaBecquerels )
Les rejets nominaux proposés comme référence par Cogema, sont ainsi, pour la plupart, supérieurs aux rejets réels de 1998. Ainsi, les rejets liquides pour l’ensemble des radioéléments hors tritium considérés comme nominaux sont d’un million de Gigabecquerels, alors qu’en 1998, les rejets réels ont atteint 41 100 Gigabecquerels. La même situation se rencontre pour les émetteurs bêta-gamma, le bloc strontium 90-césium 137 et le tritium. Les mêmes considérations valent pour les rejets gazeux. Cogema considère là aussi que les rejets nominaux de l’installation sont supérieurs aux rejets réels de 1998. Même si l’entreprise précise dans sa demande que les rejets radioactifs résultant des nouvelles autorisations seront maintenus inférieurs aux valeurs nominales de l’état de référence, il y a tout lieu de penser qu’en réalité il y aura bien augmentation des rejets par rapport à la situation actuelle. Le fait d’indiquer que l’impact dosimétrique restera inférieur à 0,1 mSv/an pour le groupe de population le plus exposé, soit " dix fois moins que la nouvelle directive européenne qui impose une limite à 1 mSv/an pour le public ", ne change rien à l’affaire. A vrai dire, les projets de Cogema interviennent alors que, suite aux travaux du groupe radioécologie Nord-Cotentin, il apparaît de plus en plus clair que les connaissances que l’on peut avoir des rejets de La Hague souffrent encore de nombreuses imperfections. C’est ce que les associations de protection de l’environnement partie prenante des travaux du groupe ont souligné dans leurs prises de position spécifiques. 5.3. Les difficultés de recensement des radionucléides relâchés dans l’environnement Les seules mesures réglementaires fournies par les exploitants ne peuvent suffire à reconstituer la liste complète des radioéléments relâchés dans l’environnement. En effet, les autorités de contrôle n’exigent pas une composition détaillée des rejets. Elles ne demandent pas non plus la valeur précise de l’activité rejetée lorsque celle-ci est inférieure à la limite de mesure ou au seuil de détection. Ces dispositions réglementaires, au demeurant compréhensibles dans la pratique, nuisent à une étude exhaustive de la situation engendrée par les rejets et au final à la crédibilité des conclusions sur l’innocuité éventuelle de ces derniers. C’est ainsi que, pour lever les hypothèques engendrées par l’imprécision de la demande réglementaire d’information, le groupe radioécologie Nord-Cotentin s’est attaché à reconstituer le plus complètement possible les activités des radionucléides présents dans les rejets pour conduire son étude sur l’impact des rejets sur la santé publique dans le Nord-Cotentin. Les données fournies par Cogema en particulier ont dû être complétées par une prise en compte des caractéristiques des combustibles retraités et par l’intégration de celles des procédés. Au terme de ce travail, ce sont 36 radioéléments qui ont été ajoutés aux données déjà disponibles.
II – L’impact des installations du Nord-Cotentin considérées dans leur ensemble En 1995, un article d’une revue scientifique britannique, le Statistical Medecine, publié par l’équipe du Professeur Jean-François Viel, présente les résultats d’une étude statistique d’incidence des leucémies de 0 à 25 ans dans le canton de Beaumont Hague. Cette étude, fondée sur l’enregistrement pour la période 1978-1992 de tous les nouveaux cas de leucémie de 0 à 25 ans, met en évidence un léger excès statistique au demeurant non significatif de ces cas de leucémies par rapport au niveau de référence (4 cas observés contre 1,4 attendus). En 1997, une étude complémentaire publiée par la même équipe dans une autre revue scientifique britannique émet des hypothèses sur les causes de la surincidence constatée et contrairement à l’article initial, entraîne une polémique immédiate à la hauteur des enjeux économiques et de l’inquiétude soulevée. Le titre de l’article du British Medical Journal du 11 janvier 1997, signé par D. Poble et JF Viel est en effet le suivant : " le réexamen de l’hypothèse environnementale, suite à une étude cas-témoin de la leucémie chez les enfants dans un rayon de 35 km autour de l’usine de retraitement de La Hague et sur la période 1978-1993 ". Selon le raisonnement exposé, certes une étude d’incidence ne met pas en évidence une augmentation significative sur le plan statistique des leucémies de 0 à 25 ans pour la population générale considérée dans son ensemble. Mais si l’on étudie plus particulièrement un sous-groupe de cette population se caractérisant par certaines habitudes de vie – en l’occurrence une fréquentation supérieure à la moyenne des plages du département ou une consommation supérieure à la moyenne des coquillages d’origine locale -, alors on constate une multiplication du risque de leucémie qui, elle, est significative. Une telle constatation n’établit en aucune façon un lien de causalité. D’autres causes que la singularité des pratiques de loisirs retenues peuvent en effet être à la source de la surincidence observée. En réalité, il semble bien qu’il y ait eu méprise sur le fond de l’article dans la mesure où la conclusion – par essence plus aisée à comprendre que le corps de l’article – est formulée d’une manière plus tranchée que le titre et le corps de celui-ci, avec au surplus une subtilité de la langue anglaise difficile à traduire en français. Les auteurs indiquent de fait dans la conclusion qu’il existe, dans l’apparition de la leucémie chez les enfants, des éléments de preuve convaincants – " some convincing evidence " - concernant un rôle causal de l’exposition aux rayonnements de l’environnement reçue lors d’activités de loisirs sur les plages. Les auteurs ajoutent dans la foulée qu’il est nécessaire de mettre au point de nouvelles méthodes d’identification des chemins d’impact et d’étudier en particulier les écosystèmes marins. En l’occurrence, si l’expression " some convincing evidence " est difficile à traduire en français, elle ne peut en aucune façon vouloir dire que les auteurs apportent la démonstration que la fréquentation des plages du Nord-Cotentin et la consommation de coquillages ramassés sur celles-ci entraînent un risque accru de leucémie. La preuve en est que la nécessité d’études complémentaires est soulignée. En vérité, les conclusions de cet article ne sont assurées qu’à condition de les traduire incorrectement de l’anglais au français. Quoi qu’il en soit, une polémique de grande ampleur est lancée qui va nécessiter une reprise en mains de la situation par le secrétariat d’Etat à la santé et le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement. Cette polémique, au demeurant dommageable pour tous et au premier chef pour le principal auteur de l’article, illustre une fois de plus les difficultés d’un débat contradictoire serein en France sur le nucléaire. Quoi qu’il en soit, la publication du Pr. JF Viel est le déclencheur d’une série de travaux fort utiles et qu’il est nécessaire de retracer, tout en notant que le débat eût été plus serein si les pouvoirs publics avaient fait en sorte que l’on dispose de données scientifiques plus nombreuses pour la zone Nord-Cotentin qui se caractérise par une accumulation exceptionnelle d’installations nucléaires. Si les résultats des travaux réalisés ou en cours sur le Nord-Cotentin sont intéressants à exposer, il est encore plus nécessaire de mettre en lumière les enjeux méthodologiques des études correspondantes, afin de montrer les difficultés scientifiques rencontrées dans toute évaluation des conséquences des installations nucléaires sur la santé publique et l’environnement. 1. Les évaluations de l’impact des installations nucléaires du Nord-Cotentin sur la santé publique et l’environnement Devant l’inquiétude suscitée par les conclusions de l’étude de D. Poble et JF Viel, Mme Lepage, ministre de l’environnement et M. Gaymard, secrétaire d’Etat à la santé et à la sécurité sociale, mettent en place dès février 1997 un Comité scientifique présidé par le Professeur Souleau et chargé de proposer une " nouvelle étude épidémiologique dans le Nord-Cotentin ". Dès ses premières réunions, le groupe estime qu’une étude supplémentaire doit être menée, à savoir " une reconstitution et une évaluation des doses de rayonnements " conduites tant rétrospectivement qu’en prospective. A cette fin, le Comité met en place un groupe de travail comprenant des experts désignés par les appuis techniques des autorités et les opérateurs. En août 1997, après la démission du Professeur Souleau, la responsabilité des études épidémiologiques est confiée au Professeur Alfred Spira, directeur de recherche à l’INSERM et celle du groupe radioécologie à Mme Annie Sugier directrice de la protection à l’IPSN. Il s’agit en premier lieu de réaliser une étude épidémiologique sur l’incidence des leucémies chez les enfants, de façon à vérifier les conclusions de l’étude de départ. Par ailleurs, une étude radioécologique devra permettre de reconstituer les doses radiologiques subies par les populations du Nord-Cotentin. 1.1. Les résultats du rapport " Rayonnements ionisants et santé " En mars 1998, est publiée une étude du Registre des Cancers de la Manche sur la période 1993-1996 et portant sur l’incidence des leucémies chez les individus de 0 à 24 ans dans un rayon de 35 km autour de La Hague. Selon les conclusions de cette étude, il n’est pas mis en évidence d’excès de cas de leucémie, que ce soit dans le canton de Beaumont-Hague – 0 cas observés contre 0,67 cas attendu, ou que ce soit dans l’ensemble de la zone étudiée – 8 cas observés contre 7,71 attendus. Les auteurs de l’étude ajoutent que " cette contribution limitée dans le temps ne saurait apporter une réponse définitive à la question ". Le véritable travail de fond est réalisé par l’équipe du Professeur Spira, en liaison avec l’association du registre des cancers de la Manche. Une première étude est faite sur la période 1978-1996. En définitive, c’est la période 1978-1997 qui est analysée dans le rapport " Rayonnements ionisants et santé " remis en juillet 1998 par le Professeur Alfred Spira au secrétaire d’Etat à la Santé, M. Bernard Kouchner et à la ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, Mme Dominique Voynet. Dans la démarche progressive et aussi exhaustive que possible adoptée par le Professeur Alfred Spira, la première étape doit évidemment porter sur l’étude d’incidence des cas de leucémies. C’est ainsi qu’à la fin de 1997, puis au début de 1998, une mise à jour de l’étude d’incidence des leucémies de 0 à 25 ans dans le Nord-Cotentin est effectuée. Elle montre en premier lieu qu’aucun nouveau cas de leucémie n’est survenu entre 1993 et 1996 dans le canton Beaumont-Hague, ce qui implique que " l’excès de cas pour la période 1978-1997 est donc de 4 cas observés par rapport à 1,8 attendus ".En second lieu, " on ne met non plus en évidence d’excès pour l’ensemble des 10 cantons du Nord-Cotentin pour l’ensemble de la période : 36 cas observés contre 32,5 attendus ". En fait, dans les deux cas, les excès observés ne sont pas significatifs sur un plan statistique. Et la survenue d’un cas supplémentaire de leucémie infantile en 1998 dans le canton de Beaumont Hague ne remet pas en cause, selon le Professeur Spira, les conclusions de son étude portant sur la période 1978-1998. Au demeurant, le Professeur JF Viel, interrogé par votre Rapporteur, indiquait en juillet 1999 que " la relation des surincidences de leucémies avec les rejets, si elle était authentique, est en train de disparaître ". Autre élément de jugement, celui-ci a contrario, les agrégats de leucémies continuent de se produire en Ecosse, mais l’hypothèse environnementale est aujourd’hui abandonnée. Au final, le rapport " Rayonnements ionisants et santé " indique que si " la principale conclusion est que l’on ne met pas en évidence avec les données actuellement disponibles, d’augmentation significative de l’incidence des leucémies, que ce soit dans le canton de Beaumont-Hague ou dans l’ensemble du Nord-Cotentin " (...), " il paraît nécessaire de poursuivre les investigations dans les directions présentées ci-dessous (...) ". Les études complémentaires préconisées par le rapport " Rayonnements ionisants et santé " sont les suivantes : 1) reconstitution de la cohorte des enfants nés à La Hague ou ayant fréquenté les écoles du canton : il s’agit d’établir l’incidence réelle de la leucémie parmi les enfants qui sont nés alors que les parents habitaient dans le canton de Beaumont-Hague ou qui y ont vécu pendant au moins une année pendant leur enfance, en tenant compte des mouvements de population 2) étude biologique fine des cas de leucémies survenant dans le canton de Beaumont-Hague : il s’agit d’envisager l’hypothèse selon laquelle les leucémies pourraient connaître des étiologies diverses et être multi-factorielles, les facteurs à considérer étant la susceptibilité génétique individuelle, les modifications de l’environnement et des infections virales 3) études des mouvements de population : il s’agit de mettre en relation la survenue des cas de leucémies dans le Nord-Cotentin avec les mouvements de population observés lors de la période du " Grand Chantier " 4) étude de la prévalence des malformations congénitales : cette étude a pour but d’enregistrer les malformations congénitales apparues à partir de 1978 autour de La Hague, sous le motif que l’exposition d’une mère aux rayonnements ionisants au cours de sa grossesse peut se traduire par la survenue de malformations congénitales chez l’enfant qu’elle porte 5) incidence des cancers de la thyroïde : la thyroïde étant l’un des organes les plus sensibles aux radiations, l’iode radioactive ou non se fixant très rapidement sur la thyroïde et les rejets gazeux de La Hague comportant une part importante de radionucléides iodés, il semble nécessaire d’appuyer la reconstitution rétrospective de l’incidence des cancers de la thyroïde à tous les âges entreprise dans tout le département de la Manche par l’association du Registre des Cancers de la Manche (ARKM) 6) rayonnements ionisants et reproduction humaine à Beaumont-Hague : il s’agit de caractériser la fécondité d’une population soumise à la radioactivité artificielle à faible dose, voire professionnellement, à des doses annuelles de l’ordre du mSv 7) qualité de vie : élaboration et utilisation d’un instrument de mesure de la qualité de vie autour des sites et installations nucléaires de La Hague et de leurs relations avec la santé 8) possibilité de suivi épidémiologique des travailleurs de l’usine de La Hague : croisement des fichiers de dosimétrie individuelle et des fichiers de médecine du travail relatifs aux postes de travail afin d’étudier les liaisons pouvant exister entre l’exposition (dosimétrie/poste de travail) et la survenue des pathologies. Le coût total des études recommandées est le suivant : 15 millions de francs pour les études complémentaires relatives au Nord-Cotentin, dont 5 millions pour la seule reconstitution de la cohorte des enfants nés à La Hague ou y ayant vécu au moins un an, et 5 millions pour l’actualisation des données dosimétriques. Le groupe radioécologie Nord-Cotentin a reçu pour mission d’estimer les niveaux d’exposition aux rayonnements ionisants (naturel, médical, nucléaire, industriel) et des risques de leucémie correspondants pour les jeunes de 0 à 24 ans du canton de Beaumont-Hague sur la période 1978-1996. Non seulement ses résultats sont intéressants mais également son fonctionnement pluraliste qui constitue une innovation avec ses dérapages et ses succès. D’abord limité aux représentants des opérateurs du nucléaire et des appuis techniques des autorités de sûreté, le groupe radioécologie Nord-Cotentin s’est ensuite élargi à la mi-1997 aux experts de la commission spéciale permanente d’information (CSPI), à ceux du mouvement associatif (ACRO, GSIEN, CRII-RAD) et à ceux d’instituts étrangers – britannique (NRPB), allemand (BfS) et suisse (OFSP). La première mission du groupe était d’apporter des éléments d’information complémentaires aux études épidémiologiques réalisées ou en cours dans le Nord-Cotentin, en estimant, à partir d’une reconstitution des expositions provenant des différentes sources de radiations ionisantes (industrie nucléaire, examens médicaux, rayonnements naturels) le risque de leucémie attribuable à ces seules sources au cours de la période 1978-1996 pour les jeunes (0-24 ans) du canton de Beaumont-Hague. Le principal résultat obtenu par le groupe radioécologie Nord-Cotentin est qu’à partir des modèles de risques utilisés, le nombre de leucémies attribuables à l’exposition aux rejets des INB pour la cohorte reconstituée de 6 656 jeunes du canton de Beaumont-Hague est estimé à 0,0014 cas pour la période de 1978 à 1996. La part des cas théoriquement attribuables aux installations industrielles nucléaires représente ainsi environ 0,2 % des cas attribuables à l’ensemble des sources d’exposition aux rayonnements ionisants (voir tableau ci-après). Tableau 58 : Estimation du nombre de cas de leucémie attribuables aux différentes sources de rayonnement étudiées sur la période 1978-1996
Selon le rapport du groupe radioécologie, le nombre de cas de leucémies radio-induites sur la période 1978-1996, soit 0,0014 cas, tels qu’ils ont été calculés à partir de la reconstitution des expositions résultant des installations nucléaires, est donc faible au regard de l’incidence de leucémie constatée dans le canton de Beaumont-Hague. Ce résultat étant une estimation moyenne dénuée de marges d’incertitudes, certains membres du groupe ont considéré ne pas pouvoir à ce stade conclure qu’il est peu probable que les rejets des installations nucléaires contribuent à l’incidence de leucémie observée dans le canton de Beaumont-Hague. La deuxième mission confiée au groupe portait sur l’évaluation des expositions des groupes de population susceptibles d’être les plus exposées afin d’éclairer les décisions à prendre sur la révision des textes réglementaires régissant le fonctionnement de l’usine de retraitement de Cogema-La Hague. Une quinzaine de scénarios ont été étudiés, en prenant comme variable les styles de vie des groupes de référence concernés. Les scénarios considérés comme majorants par l’IPSN ont pu être quantifiés et leurs résultats comparés à ceux de Cogema (voir tableau ci-après). Tableau 59 : Expositions correspondant aux scénarios d’exposition majorants autour des installations de Cogema à La Hague.
On note que Cogema et le groupe radioécologie divergent dans l’identification des groupes critiques (pêcheurs des Huquets pour le groupe et pêcheurs de Goury pour Cogema). Il en résulte des expositions variant d’un facteur 5 à 10. Toutefois, pour tous les scénarios, à l’exception de celui des agriculteurs de Pont-Durand, les niveaux ont considérablement diminué de 1985 à 1996 pour atteindre des expositions faibles en valeur absolue et en valeur relative par comparaison avec la limite d’exposition pour le public de 1 mSv/an introduite par la directive européenne de 1996 (voir plus loin). 1.3. Les difficultés spécifiques des études conduites dans le Nord Cotentin L’étude des conséquences sanitaires d’une installation industrielle sur la santé publique et l’environnement se heurte classiquement à des difficultés génériques, analysées au paragraphe suivant. Il faut toutefois noter que les études réalisées dans le Nord-Cotentin ont rencontré des difficultés spécifiques tenant à la situation nationale et locale en matière d’études épidémiologiques et d’études radioécologiques. 1.3.1. Les difficultés rencontrées en matière d’épidémiologie S’agissant du volet épidémiologie des différentes études conduites dans le Nord-Cotentin, il faut remarquer que la collecte des données historiques a soulevé des difficultés très importantes, en l’absence d’un registre de cancer couvrant la totalité de la période pour la zone géographique étudiée. Par ailleurs, il est essentiel de remarquer que la zone du Nord-Cotentin a connu des mouvements de population très importants dus à la construction des usines UP2-800 et UP3 de Cogema à La Hague et à celle des deux réacteurs EDF de Flamanville. Il n’est pas exagéré de dire que la prise en compte des migrations toujours difficiles dans une étude épidémiologique l’est encore davantage dans le cas du Nord Cotentin, compte tenu de l’importance du grand chantier de La Hague qui a attiré environ 10 000 personnes. La localisation des personnels ayant quitté la région à la fin du grand chantier est ainsi extrêmement difficile, alors qu’on ne peut exclure que des leucémies se soient déclarées après le déménagement des familles hors de la zone. A l’inverse, certains cas de leucémies s’étant déclarés dans la zone étudiée peuvent avoir trouvé leur origine en dehors de celle-ci. Le redressement du biais introduit par les flux entrants de population, s’il est plus aisé que le précédent, complique toutefois singulièrement l’analyse. Un autre facteur est important : il s’agit des limites de fiabilité des études épidémiologiques relatives à des populations de taille insuffisante. Il est évidemment heureux que le nombre de leucémies infantiles survenues dans le Nord-Cotentin soit faible. Toutefois, les conclusions d’une étude sur ce sujet sont d’autant plus difficiles à tirer que l’excès mis en évidence est limité. De même, l’imprécision d’une étude statistique est d’autant plus forte que les effectifs sont faibles. 1.3.2. Les difficultés rencontrées en matière de radioécologie Le Nord-Cotentin est le siège de plusieurs installations nucléaires de types différents, l’usine de retraitement Cogema de La Hague, la centrale électronucléaire EDF de Flamanville, l’arsenal militaire de Cherbourg et le centre de stockage de la Manche de l’Andra. Pour évaluer l’exposition des populations, la première étape est de recenser avec précision les rejets de chacune des installations au cours du temps. La difficulté d’un tel travail est réelle puisque les radioéléments présents dans les rejets non seulement ont pu varier au cours du temps mais ont aussi été de mieux en mieux détectés et mesurés. Ce fut ainsi le cas pour le tritium. La deuxième étape consiste à quantifier les transferts de radionucléides dans l’environnement à l’aide de modèles dont les résultats doivent être comparés aux mesures réalisées dans l’environnement, afin de s’assurer qu’ils représentent bien les conditions de dispersion locales. L’étape suivante nécessite de connaître l’utilisation de l’environnement par les habitants afin de calculer les doses et les risques associés pour la population considérée. Le nombre très limité de données d’enquête rétrospectives sur les habitudes de vie et les habitudes alimentaires des habitants du Nord-Cotentin représente une lacune importante pour l’évaluation des expositions survenues dans le passé. Au total, en l’absence d’obligation réglementaire d’évaluation et de publication des doses reçues par les populations, une méthodologie stable dans le temps et appliquée par l’ensemble des exploitants, n’a pas été développée, de même que des données radioécologiques répondant à cet objectif n’ont pas été rassemblées. Le groupe radioécologie Nord-Cotentin a en conséquence dû se livrer à un lourd travail de reconstitution. A cet égard, nombreux sont les observateurs qui ont pu dire que les données radioécologiques dignes de ce nom ont commencé à être rassemblées après le coup de tonnerre de l’article de 1997 de D. Probe et JF Viel, deux auteurs à qui l’on doit le lancement d’un débat en tout état de cause nécessaire. 1.3.3. La nécessité de poursuivre les études sur le Nord-Cotentin L’ironie du retard français dans les études approfondies concernant la surveillance des installations nucléaires, est que, de toute évidence, elles ont pour la plupart d’entre elles diminué leurs rejets de manière conséquente depuis le début des années 1990. Autrement dit, l’on manque d’informations précises et fiables précisément pour la période où les rejets étaient les plus importants. Quoi qu’il en soit, un débat existe sur l’opportunité de continuer les investigations sur le Nord-Cotentin au-delà des études actuellement programmées. Selon certains observateurs, il est très probable que les rejets ayant diminué, il soit de plus en plus difficile de mettre en évidence des surincidences de leucémies dans le Nord-Cotentin. C’est ainsi l’opinion du Professeur JF Viel, pour qui " les effets des rejets appartiennent au passé ". Mais à l’inverse, d’autres observateurs notent qu’il ne faut pas sous-estimer les effets à long terme de rejets importants, même effectués dans un passé lointain. Il existe en effet des matières comme les sédiments et des organismes filtreurs au sein desquels peuvent se produire des accumulations de radioéléments. Le programme d’études complémentaires défini par le Professeur Spira dans son rapport " Rayonnements ionisants et santé " semble en tout état de cause indispensable, une attention particulière devant être donnée à la pérennité des outils définis et à la continuité à l’avenir des mesures correspondantes. La question des déchets nucléaires à Marcoule est centrée d’une part sur le démantèlement des réacteurs G1, G2 et G3 et d’autre part sur celui de l’usine de retraitement UP1. Mais la reprise des déchets entreposés en vrac et le démarrage de l’installation Centraco destinée à compacter les déchets de faible ou moyenne activité constituent deux autres sujets importants. Le centre du CEA à Marcoule est le cœur historique du développement de la force de dissuasion nucléaire française. C’est dans ce centre qu’ont été installés et exploités les réacteurs plutonigènes G1, G2 et G3 autrefois appelés les " piles " et qu’a été construite la première usine de retraitement française, UP1, où le plutonium militaire a été isolé. Le démantèlement de ces installations est l’une des priorités du centre, au demeurant toujours en pointe dans les techniques de séparation avec l’installation de recherche Atalante. Le démantèlement du réacteur G1, décidé en 1968, a été réalisé jusqu’au niveau II sur la période1978-1994, pour un coût d’environ 30 millions de francs courants. Les locaux correspondants ont été réutilisés pour le test de prototypes d’équipements destinés à La Hague. Le CEA ne donne pas d’élément sur les volumes de déchets produits lors de ce démantèlement. Le démantèlement des réacteurs G2 et G3, engagé en 1990, s’est terminé pour sa deuxième étape en 1995. Pour parvenir à l’état II du démantèlement de G2 et G3, 12 700 tonnes de déchets inactifs et 6 800 tonnes de déchets actifs ou très faiblement ont été dégagées. La plus grande partie des déchets issus du démantèlement doit être envoyée à l’Andra. Les cuves et le graphite seront toutefois conservés sur place jusqu’à la mise au point par l’Andra d’un dispositif de stockage spécial. Les coûts des opérations de démantèlement de G2 et G3 correspondant au niveau II se sont élevés à 161 millions de francs. Le montant des dépenses d’entretien et de surveillance de G2 et G3 s’élève actuellement à 7 millions de francs par an. Les opérations ont été financées exclusivement sur des crédits de la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA. La phase III du démantèlement interviendra à partir de 2015. L’usine de retraitement UP1, la première du genre en France a servi à retraiter un grand nombre de combustibles de provenances diverses. Le tableau suivant en fait le bilan. Tableau 60 : Caractéristiques et tonnages des combustibles retraités à UP1
Le démantèlement de l’usine de retraitement UP1 est pris en charge par le groupement d’intérêt économique (GIE) Codem constitué par Cogema (10 %), EDF (45 %) et le CEA (45 %). Cette structure a pour fonction de financer, de gérer et de contrôler les opérations liées à l’arrêt définitif d’UP1. La raison du partage des dépenses est qu’UP1 a assuré le retraitement du combustible de la filière nationale uranium naturel-graphite-gaz (UNGG) ainsi que l’extraction du plutonium pour les besoins de la défense. En réalité, c’est Cogema qui est l’élément moteur de Codem. Cogema fait elle-même largement appel à la sous-traitance. On peut légitimement redouter dans ces conditions que la surveillance des travailleurs ne soit pas optimale. Le démantèlement de l’usine UP1 a été évalué à 10 milliards de francs. La reprise des déchets de la filière graphite-gaz coûtera 20 milliards de francs (coût non actualisé). Enfin, le stockage par l’Andra des déchets conditionnés est estimé à 6 milliards de francs. La dépense totale de 36 milliards de francs non actualisés sera faite sur 30 ans. En tout état de cause, on peut s’interroger sur la possibilité réelle du CEA de financer la part qui lui revient, en raison de la stagnation des crédits du CEA dans son ensemble et de la diminution des crédits militaires. Trois programmes structurent le démantèlement d’UP1. Le programme MAD correspond à la mise à l’arrêt définitif. Le programme DEM correspond au démantèlement proprement dit des installations. Le programme RCD est celui de la reprise et du conditionnement des déchets. Les déchets A issus d’UP1 sont envoyés au centre de stockage de l’Aube, de l’Andra. Les déchets B (moyenne activité à vie courte et faible et moyenne activité à vie longue) sont entreposés dans la nouvelle installation EIP (entreposage intermédiaire polyvalent). Cette installation provisoire présente toutefois la possibilité d’accueillir les conteneurs de déchets B pour une durée minimale de 50 ans. Les produits de fission et des actinides mineurs de haute activité sont conditionnés sous forme de verres dans l’atelier AVM et entreposés sur place, le total atteignant à la mi-1998 2728 conteneurs de verres répartis dans 300 puits. Il faut noter qu’UP1 a servi en particulier à retraiter des combustibles du réacteur UNGG de 500 MWe de Vandellos-1 en Espagne. Les contrats de retraitement des deux premiers coeurs de cette centrale n’impliquaient pas d’obligation de retour des déchets du retraitement. Ceux-ci resteront donc à Marcoule, dans l’attente de solutions de stockage définitives. Les déchets relatifs au troisième coeur , environ 1000 tonnes, devront en revanche être repris à partir de 2010. Le tableau suivant indique les quantités de déchets entraînées par la mise à l’arrêt définitif d’UP1. Tableau 61 : Prévisions des quantités de déchets correspondant à la mise à l’arrêt définitif d’UP1
La zone nord du centre de Marcoule comprend des entreposages en vrac ou sous forme de fûts bituminés d’une quantité importante de déchets, destinés à être envoyés au centre de stockage de l’Aube, si toutefois ils ne contiennent que des déchets de faible et moyenne activité à vie courte. La reprise de ces déchets, même conditionnés, risque toutefois de s’accompagner de surprises. Afin de disposer d’une installation de compactage et de conditionnement de leurs déchets, EDF et Cogema ont créé la société commune Socodei, qui a construit, pour 1,6 milliard de francs, l’usine Centraco à Codolet dans le Gard. L’usine a pour fonction essentielle la réduction des volumes de déchets de faible activité. La technique utilisée pour les déchets métalliques est la fusion grâce à un four à induction d’ores et déjà en état de fonctionnement. Ce four permet d’atteindre des températures de l’ordre de 1600 °C. Les autres déchets sont incinérés dans une installation ad hoc, qui a connu des difficultés de mise au point. Les services offerts par Centraco ont un intérêt évident pour EDF et Cogema, celui de réduire les volumes de déchets et donc les coûts de leur entreposage ou de leur stockage. Deux inconvénients apparaissent toutefois. Le premier est que la fusion et l’incinération accroissent l’activité volumique des déchets. On pourrait donc voir s’établir un processus de diminution des quantités de déchets de faible activité et d’augmentation de déchets de moyenne ou même haute activité. Or, s’il existe, avec le centre de stockage de l’Aube (CSA), une solution de stockage définitif pour les déchets de faible et moyenne activité, il n’existe pour le moment que des solutions d’entreposage de déchets de moyenne activité dont le degré de sûreté est inférieur à celui du CSA. Par ailleurs, les volumes de déchets expédiés au centre de stockage de l’Aube seront de facto diminués, ce qui oblige, à tout le moins, à changer les bases de facturation du service de stockage de l’Andra, en prenant comme clé de calcul l’activité totale des colis et non leur volume. Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, la quantité de déchets présents dans le centre du CEA de Valrho s’élevait en octobre 1999 à 12 986 tonnes (à quoi s’ajoute 0,05m3). On trouvera au tableau ci-après les caractéristiques des différentes catégories de déchets. Tableau 62 : Déchets radioactifs à Valrho au 30/9/1999
Tableau 63 : Déchets radioactifs à Valrho au 30/9/1999 (suite et fin)
En 1990, une nouvelle station de traitement des effluents liquides, la STEL, a été mise en service à Marcoule et assainit l’ensemble des liquides radioactifs, à l’exception des liquides comportant des produits de fission. Il faut noter toutefois une contamination de la nappe phréatique par du tritium rejeté sous forme gazeuse et par des effluents liquides s’étant produit à la suite d’incidents comme en 1987. Cette contamination est due au strontium 90 principalement, à l’uranium pour les émetteurs alpha et au tritium. Elle semble stabilisée à l’heure actuelle. Depuis 1990, les rejets liquides et gazeux de Marcoule ont diminué en quantité et ne représentent plus que 25 à 30 % des seuils d’autorisation. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. La mise en service de la STEL a permis un traitement plus efficace des effluents. La diminution d’activité puis la fermeture en 1997 de l’usine UP1 ont contribué également à diminuer les rejets. Enfin, la vitrification des déchets a été systématisée, afin d’augmenter la part des déchets solides au détriment des rejets. Il reste toutefois que le CEA doit désormais veiller à mettre en place une mesure du carbone 14 rejeté ainsi qu’à détailler ses analyses, élément par élément. Le centre du CEA à Cadarache présente un grand intérêt pour l’analyse de la gestion des déchets radioactifs, telle qu’elle est actuellement pratiquée dans notre pays. En effet, il est le siège d’équipements d’entreposage divers mis au point par le CEA pour les besoins de ses différents centres ou pour apporter sa contribution à la solution de problèmes extérieurs qui ne trouvaient pas de réponse en dehors du CEA. Ainsi, Cadarache présente un catalogue fourni de moyens techniques d’entreposage, comme le résume le tableau suivant. Tableau 64 : L’éventail de solutions d’entreposage de déchets à Cadarache
On trouvera au tableau suivant, le recensement des déchets présents à Cadarache, tel qu’il a été communiqué à votre Rapporteur, à la mi-octobre 1999.
Tableau 65 : Déchets radioactifs à Cadarache au 31/12/1998
Tableau 66 : Déchets radioactifs à Cadarache au 31/12/1999 (suite)
Tableau 67 : Déchets radioactifs à Cadarache au 31/12/1999 (suite et fin)
2.1. L’entreposage centralisé de déchets CEA 2.1.1. L’installation d’entreposage de combustibles irradiés Cascad L’installation d’entreposage à sec de combustibles irradiés intitulée Cascad a été étudiée dans plusieurs rapports de l’Office. Cette installation préfigure en effet une solution possible pour résoudre le problème des combustibles irradiés non retraités d’EDF. On sait qu’EDF décharge chaque année environ 1200 tonnes de combustibles usés de ses réacteurs REP. Afin de ne pas accumuler du plutonium sur étagère, EDF pratique une politique dite d’égalité des flux : les combustibles irradiés ne sont retraités que dans la mesure des besoins en plutonium pour fabriquer le combustible MOX. Or, pour le moment, seuls 20 réacteurs sont " moxables ". La quantité à retraiter est donc fixée à 850 tonnes de plutonium, produisant la quantité nécessaire pour le Mox. Le restant, soit environ 350 tonnes, est donc stocké en piscine, soit dans les centrales, soit dans les piscines de La Hague. Or il n’est pas acquis que les combustibles irradiés puissent être entreposés en piscine sur une longue période. Il n’est pas sûr également que l’on ne puisse mettre au point un entreposage moins coûteux que la solution actuelle. C’est pourquoi Cascad, installation d’entreposage à sec d’environ 50 ans, a valeur de test. Cascad, qui fait partie de l’INB 22, intitulée Pégase, contient des combustibles usés provenant de Brennilis ou des réacteurs de propulsion navale. Officiellement, compte tenu de l’ancienne doctrine française du " tout-retraitement ", les combustibles présents à Cascad sont en attente de retraitement. L’installation est donc conçue pour une durée de 50 années d’exploitation et de stockage. En réalité, certains experts du CEA souhaiteraient, pour des raisons d’amortissement des investissements, apporter la démonstration que Cascad possède une longévité bien supérieure, peut-être même de 300 ans. L’installation possède 319 puits métalliques étanches, refroidis par convection naturelle. Les combustibles usés sont logés dans ces puits, après une période de 5 ans de refroidissement en piscine. Du point de vue de la sûreté et de la radioprotection, deux questions clés doivent être traitées. La première est celles des fuites éventuelles de gaz radioactifs en dehors des conteneurs de combustibles. Les puits étanches sont conçus pour les retenir grâce à un volume d’expansion. Selon les responsables de l’installation, il n’y aurait pas de dégagement de radioactivité dans la cheminée d’évacuation de l’air de refroidissement, ce qui résulte à la fois de bonnes performances des conteneurs de combustibles et de celles des puits. La deuxième question est celle de la sûreté de la manutention et de celle de l’installation toute entière en mode passif. La manutention se fait par des hottes de transfert, la salle d’entreposage étant considérée elle-même comme une cellule biologique. Le cas d’un blocage des installations de manutention en cours d’opération ne semble pas encore résolu. Par ailleurs, un fonctionnement passif de l’installation devrait être possible si l’on voulait lui assigner un rôle à très long terme. Or l’intervention de ventilations assistées et d’opérateurs de surveillance semble en toute hypothèse nécessaire. Au sein de l’INB 56, le centre de Cadarache fournit des prestations d’entreposage au service de l’ensemble des centres du Commissariat à l’énergie atomique. C’est ainsi qu’un hangar de 13 300 m3 accueille des déchets TFA hors ferrailles, provenant de l’ensemble des sites. Par ailleurs, 5 tranchées dans lesquelles sont posés plus de soixante dix mille fûts, recèlent 15 000 m3 de déchets TFA. Des déchets de moyenne activité à vie longue sont enfin également entreposés dans 11 hangars et 6 fosses de la même installation. L’installation CEDRA dont le dossier est en cours d’instruction en vue de la demande d’autorisation, apportera à Cadarache des capacités additionnelles de conditionnement et d’entreposage de déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue (déchets de type B). La conséquence de cette installation devrait en particulier être de transformer des déchets A en déchets B. Sa justification doit là aussi résulter d’un bilan global en termes de santé publique et d’environnement. Le centre de Cadarache a été mis à contribution par la direction de la sûreté des installations nucléaires pour fournir un entreposage à certains déchets radifères produits par l’industrie chimique. L’usine Rhône-Poulenc de La Rochelle a en effet pendant longtemps traité des minerais de terres rares afin d’isoler ces éléments chimiques de haute valeur. Ce traitement génère des déchets contenant de l’uranium, du thorium et du radium. A partir de 1990, la municipalité de La Rochelle a exigé le départ de ces déchets radifères. Dans un premier temps, il a été envisagé d’évacuer ces déchets radifères vers les mines de Cogema à l’Ecarpière, où ils auraient été ajoutés aux stériles des mines d’uranium. La population locale s’étant opposée à ce projet, la direction de la sûreté des installations nucléaires a recherché une meilleure solution auprès du CEA. C’est ainsi que 25 000 fûts de déchets radifères sont désormais entreposés à Cadarache, en attendant que l’Andra mette en service une solution nationale pour ce type de déchets. En définitive, les activités d’entreposage de déchets radioactifs du centre de Cadarache soulignent les limites de la politique actuelle de gestion des déchets. Certes, il semble bien que les solutions mises en œuvre pour l’entreposage apportent à court terme les garanties de sûreté et de radioprotection que l’on est en droit d’attendre du CEA. On ne peut aussi que prendre acte du fait que le CEA tente d’une part d’optimiser ainsi sa gestion des déchets en les centralisant en partie et d’autre part d’apporter des solutions à des problèmes de déchets qui ne lui appartiennent pas mais qui se posent à l’échelon national. Mais le centre de Cadarache n’a pas vocation à devenir un centre d’entreposage. Par ailleurs, les investissements nécessaires faits à Cadarache, par la dépense qu’ils représentent et du fait même qu’ils représentent une solution durable, diminuent l’intérêt de solutions nationales et en compromettent la réalisation. Le centre du CEA à Valduc (Côte d’Or) consacre 95 % de son activité aux programmes de la Direction des applications militaires (DAM) et 5 % à des tâches civiles. Ses travaux se répartissent entre la recherche (1/3 du total), l’ingéniérie (1/3) et la production (1/3). Du fait même de cette double vocation, militaire et productive, le centre de Valduc génère des déchets et des rejets particuliers dans leur composition et limités dans leurs volumes sinon dans leur impact. La gestion des déchets à Valduc a déjà été étudiée en détail par M. Christian Bataille, Député du Nord, dans son rapport sur les déchets militaires de décembre 1997, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Le présent rapport analyse principalement la place de Valduc dans la gestion des déchets internes au CEA et l’impact de son activité sur l’environnement. Les missions de Valduc sont, d’une part le traitement des matières nucléaires de la DAM, d’autre part la conception et la fabrication des sous-ensembles nucléaires de la force de dissuasion, et enfin la recherche et le développement relatifs aux matières nucléaires. Les effectifs du CEA à Valduc sont d’un millier d’agents environ et ceux des sous-traitants de trois à quatre cent personnes. 3.1.1. La conception et la production des armes de dissuasion nucléaire en France La force de dissuasion nucléaire française est une œuvre commune du ministère chargé de la défense et du CEA. Le ministère de la défense fixe les objectifs. Le CEA a la responsabilité de la conception et de la fabrication des têtes nucléaires. Les armes sont prêtées par le CEA puis récupérées pour être vérifiées ou remises à niveau. Au sein du CEA, c’est la direction des applications militaires qui a la responsabilité de répondre aux besoins de la défense. Avec moins de 5000 agents, la DAM dispose d’un budget annuel d’environ 6 milliards de francs, utilisés à hauteur de 2 milliards de francs en frais de personnel, de 0,8 milliards de francs en investissement et 3,2 milliards de francs en dépenses de fonctionnement. Le format de la force de dissuasion a changé depuis le milieu des années quatre-vingt dix, avec l’arrêt des essais en février 1996 et le démantèlement des missiles Hadès de la composante sol-sol. La dissuasion repose désormais d’une part sur la force océanique stratégique et ses 4 sous-marins nucléaires lance engins, qu’accompagnent les 6 sous-marins nucléaires d’attaque, et d’autre part sur les missiles air-sol de moyenne portée ASMP. Le titre IV du budget de la Défense est passé de 120 milliards de francs en 1990 à 80 milliards de francs en 1999. En conséquence, les effectifs de la DAM auront diminué de 30 % en 10 ans. Après la fermeture des sites de Vaujours, de Limeil-Valenton et de Montlhéry, la DAM, tout en assumant ses tâches de conception et de production militaires, développe aujourd’hui le programme " simulation ", qui repose sur le programme Airix de radioactivité en domaine froid, sur le Laser MegaJoule ainsi que sur des programmes d’expérimentation divers et des simulations informatiques poussées. La " durée de vie " d’une arme nucléaire est d’environ 20 ans. La fin des essais en vraie grandeur oblige à accroître la robustesse des armes et à démontrer à la fois leurs performances et la stabilité de celles-ci au cours du temps. Les matières nucléaires de base utilisées pour la fabrication des armes atomiques sont l’uranium très enrichi en isotope 235 et le plutonium 239, qui permet des armes plus compactes. Le plutonium 239, d’une période de 24 400 années est inévitablement accompagné de plutonium 241 en faible quantité. Or le plutonium 241, de période égale à 14,4 années, donne par décroissance radioactive l’américium 241, un élément neutrophage qui réduit l’efficacité des armes nucléaires. Ceci entraîne la nécessité de reprendre, régulièrement, les armes atomiques afin d’en purifier le plutonium. Les matières additionnelles nécessaires à la fabrication de la bombe à hydrogène sont le lithium et le tritium. Avec l’arrêt en 1992 des piles G2 et G3 de Marcoule, le plutonium militaire n’est plus produit en France, de même que l’uranium hautement enrichi. La maintenance des armes est assurée grâce aux réserves accumulées et le recyclage des armes démantelées. Le stock de plutonium militaire est un secret Défense. Le tritium militaire est encore fabriqué grâce au réacteur Célestin situé à Marcoule. D’une manière générale, les déchets et les rejets produits par le centre de Valduc présentent des caractéristiques particulières. Les déchets recèlent principalement des radioéléments émetteurs alpha, dont les rayonnements sont arrêtés par une faible épaisseur de matière. En conséquence, ils sont manipulables en boîtes à gants mais, compte tenu de leur période généralement très importante, ces déchets, même faiblement radioactifs, ne peuvent pas être évacués au centre de stockage de l’Andra dans l’Aube. Quant aux rejets dans l’environnement, du fait de l’absence de cours d’eau à débit suffisant dans les environs du centre, ils se font principalement par voie gazeuse, avec une prédominance du tritium dans les radioéléments rejetés. L’information sur le centre de Valduc a connu deux progrès décisifs ces dernières années. Le premier progrès a été apporté par la création de la SEIVA (structure d’échange et d’information sur Valduc). Le deuxième progrès est celui de la publication en octobre 1998 du " rapport sur la contamination radioactive et chimique des sites comportant des installations nucléaires de base classées secrètes (INBS) relevant du ministre chargé de l’industrie ", publié sous l’autorité du Haut-commissaire à l’énergie atomique. 3.2. Un site aux déchets peu volumineux, commençant à centraliser les déchets tritiés Fin 1998, le volume total des déchets présents à Valduc s’élevait à 9843 m3. Les déchets tritiés représentaient 99,6 % de l’activité totale de ces déchets. En volume, les déchets TFA correspondaient à 79 % du volume total. Le tableau ci-après indique quelles sont les principales catégories de déchets déclarés à l’Andra. Tableau 68 : Déchets présents à Valduc au 31/12/1998
Les déchets radioactifs de Valduc ressortissent à deux catégories principales, les déchets alpha et les déchets tritiés. Le double objectif du centre de Valduc pour ses déchets alpha, dans le cadre d’une politique générale de réduction des volumes, est d’une part la récupération du plutonium et d’autre part la séparation et le conditionnement des déchets selon leur activité. Le tableau suivant présente la situation actuelle des déchets alpha de Valduc, selon le stade des opérations. Tableau 69 : Récapitulation des déchets alpha de Valduc
En matière de déchets, le centre de Valduc a bien entendu le souci de minimiser les pertes de matières radioactives, comme le plutonium, dans les produits intermédiaires. Il s’agit, en l’absence d’une production nette de plutonium, de recycler ce dernier autant que faire se peut, et, en diminuant la contamination des déchets, de faciliter leur entreposage. Les opérations courantes s’accompagnent de la production de déchets technologiques. La mesure et le tri de ces derniers sont effectués dans l’installation Trirad. Si ces déchets sont incinérables, ils sont traités par pyrolyse et calcination dans l’installation d’incinération récemment mise au point. Cet incinérateur–récupérateur permet de traiter environ 100 m3 de déchets par campagne et délivre en sortie environ 30 m3 de cendres contenant des matières récupérables. Si les déchets ne sont pas incinérables, leur niveau de contamination détermine leur devenir. Au cas où leur activité alpha est inférieure à 3,7 GBq/tonne, ce qui correspond à moins de 430 mg d’émetteurs alpha par fût de 200 litres, ils sont conditionnés en vue de leur évacuation vers le centre de stockage de l’Aube (environ 200 m3 par an). Dans le cas contraire, ces déchets sont conditionnés dans des fûts de 100 litres et évacués vers Cadarache, où ils sont entreposés dans l’INB 56 avant de l’être dans la future installation Cedra. La même installation Trirad est également utilisée pour la reprise des déchets alpha anciens de Valduc et du centre de Bruyères-le-Chatel. Ces déchets relèvent de deux catégories. La première est celle des déchets technologiques, qui peuvent suivre le processus décrit précédemment. Leur volume total à reprendre était de 240 m3. 71 % de ces déchets, dont les exutoires sont les mêmes que précédemment, avaient été repris à la fin 1998. La deuxième catégorie est celle des déchets de procédé, comme des huiles contaminées, des résines échangeuses d’ions, des extractants et des concentrats divers. Ces déchet, souvent liquides, nécessitent la mise au point de techniques spécifiques (évaporation et conditionnement), appartiennent à la catégorie des déchets de faible ou moyenne activité à vie longue et représentent des volumes d’environ 152 m3, entreposés sur place dans l’attente d’une solution de stockage pour les déchets B. La dernière catégorie importante de déchets provient des opérations de " désamériciation " du plutonium. Pour extraire l’américium 241 du plutonium des armes, on précipite le plutonium fondu en milieu alcalin et l’on récupère des sels enrichis en américium. Les stocks actuels de sels d’américium sous forme solide représentent 600 litres environ dans 290 " casiers ". Des effluents très actifs sont également produits lors de ces opérations, soit environ 1,5m3 par an, évacués vers Marcoule a fin de vitrification. On trouvera au tableau suivant les caractéristiques des déchets présents à Valduc en entreposage, telles qu’elles ont été communiquées à votre Rapporteur. Tableau 70 : Déchets radioactifs à Valduc
Le tritium est un émetteur bêta faible dont le pouvoir de pénétration est de 5 mm dans l’air et dont la période est de 12,3 années. Le premier des deux traits majeurs du tritium est qu’il se retrouve adsorbé dans les métaux ou substitué aux atomes d’hydrogène dans les matières minérales ou organiques. La deuxième caractéristique du tritium est d’être présent en grande quantité dans l’eau de effluents liquides ou des rejets gazeux de nombreuses installations nucléaires. L’impact du tritium sur la santé publique et l’environnement ne peut donc être tenu pour négligeable. S’agissant des déchets, il faut noter que les opérations de fusion de déchets métalliques et de compactage ou d’évaporation de déchets organiques ont comme inconvénient fréquent de s’accompagner de la production d’eau tritiée. Par ailleurs, les déchets tritiés ont la particularité de dégazer, c’est-à-dire de relâcher du tritium gazeux qui se dissout rapidement dans la vapeur d’eau de l’humidité ambiante. Les activités de reconditionnement et de fabrication des armes nucléaires génèrent des déchets tritiés sous des formes diverses. Le tableau ci-après résume la situation des déchets tritiés de Valduc à fin 1998. Tableau 71 : Déchets tritiés de Valduc
D’où proviennent les déchets tritiés entreposés ainsi à Valduc ? D’après les indications données à votre Rapporteur, 95 % des fûts entreposés à Valduc résultent des activités de la DAM à Valduc même et à Bruyères-le-Chatel. Les 5 % restants correspondent aux activités civiles du CEA ou à des récupérations ponctuelles de sources tritiées à qui l’on ne pouvait trouver d’autre exutoire. Ainsi, quelques fûts ont été reçus des centres de Grenoble et de Saclay. La reprise en 1987 de certains déchets du Centre de stockage de la Manche a conduit à également à l’expédition de fûts de déchets tritiés à Valduc. De même, dans le cas de cas de récupération de sources de tritium dans l’Oise ou le Var, Valduc a été la seule destination possible. Le tableau ci-après indique la provenance des déchets tritiés stockés à Valduc et extérieurs au CEA. Tableau 72 : Déchets tritiés entreposés au CEA/Valduc et provenant de producteurs extérieurs au CEA
Même si les volumes en cause ne sont pas importants, l’utilisation du centre de Valduc comme solution d’entreposage pour les déchets tritiés ne peut être que limitée dans le temps. Une réflexion a été entamée par la DSIN et le Haut-Commissaire à l’énergie atomique sur la solution nationale à trouver pour les déchets tritiés. On ne comprendrait pas, en toute hypothèse, que l’Andra ne fournisse pas de proposition à ce sujet. La résolution du problème des déchets tritiés ne doit pas être considérée comme un point mineur dans la politique de gestion des déchets radioactifs. En effet, on ne peut exclure un durcissement de la réglementation relative aux rejets des installations nucléaires, qui se traduirait par des volumes importants d’eaux tritiées à stocker en attendant la décroissance radioactive au demeurant rapide. Il s’agirait dans ce cas de mettre au point des conteneurs étanches et des installations ventilées peu coûteuses. 3.3. Des rejets désormais réduits mais ayant marqué durablement l’environnement S’agissant des rejets radioactifs, le centre de Valduc n’est autorisé à rejeter dans l’environnement que des effluents gazeux. Du tableau brossé par les responsables du centre sur ces effluents, il apparaît que, sauf pour le tritium et l’uranium, " on est partout en dessous du seuil de détection " (voir tableau ci-après pour les rejets). Tableau 73 : Rejets gazeux de Valduc
Le tritium représente donc l’essentiel des rejets de Valduc. Toutefois, la décrue des volumes est sensible, avec une division par 100 des rejets entre 1976 et 1997. Il est symptomatique de remarquer que si les installations nucléaires proprement dites comptent pour les 2/3 des rejets, le dégazage des fûts de déchets tritiés entreposés à Valduc est responsable de l’autre tiers. Pour cette raison, et du fait que des négligences ont été commises dans le passé, le site et son environnement font l’objet d’une surveillance serrée. Entre 1968 et 1975, en effet, 335 m3 de déchets tritiés avaient purement et simplement été incinérés en plein air, entraînant la contamination des sols de la zone de brûlage et de la nappe phréatique. Par ailleurs, de boues de traitement des eaux contenant de faibles activités en uranium, plutonium, césium et strontium étaient déversées jusqu’en 1994 à l’intérieur du centre de Valduc, dans la zone dite " Combe aux tilleuls ". Aujourd’hui, il apparaît que la contamination de la nappe phréatique au droit de la zone de brûlage est faible, seul l’uranium semblant pouvoir atteindre les exutoires de la nappe et rajouter quelques mBq/l d’activité volumique à la teneur naturelle d’environ 10 mBq/l. En revanche, selon le rapport du Haut-Commissaire à l’énergie atomique en date d’octobre 1998, " les eaux des nappes phréatiques présentent, dans un rayon de 5 km autour du centre, des activités variables en tritium de quelque 10 à 100 Bq/l et dans un rayon de 50 km des activités de quelque 10 Bq/l ". La structure locale d’information et d’échange de Valduc (SEIVA), qui fait déjà procéder à des analyses de l’environnement, devrait, une fois ses moyens renforcés dans le cadre d’un plan d’ensemble pour les Commissions locales d’information (voir troisième partie du présent rapport), apporter une contribution à la surveillance systématique des environs, de façon que la décroissance radioactive du tritium dans la nappe phréatique ne soit pas annihilée par de nouveaux rejets. Dans le champ du présent rapport, le centre du CEA à Saclay se trouve aujourd’hui confronté au défi de la diminution de ses rejets et à celui de l’externalisation de déchets produits sur le site ou accueillis à défaut d’autre solution collective. Ces défis semblent faire l’objet d’une attention nouvelle qui se caractérise notamment par une mobilisation accrue des forces du CEA et par un souci d’information plus manifeste que dans un passé récent. Le centre de Saclay comprend 12 installations nucléaires de base (INB), dont onze actives à la mi 1999 et une arrêtée en 1990 et en cours d’assainissement. Parmi les INB de Saclay, on compte trois réacteurs d’étude, deux accélérateurs et un laboratoire haute activité. Le centre comprend également 49 installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) hors INB, dont 22 autorisées et 27 déclarées. Le centre de Saclay accueille des équipes conduisant des recherches allant de l’infiniment petit en physique des particules à l’infiniment grand en astrophysique. Au total, 4000 agents du CEA, 1000 salariés des filiales du CEA, 1300 collaborateurs d’autres organismes de recherche ou thésards, stagiaires et étudiants exercent une activité sur le site, pour une moyenne de 6500 personnes présentes chaque jour. Le centre de Saclay possède une zone de gestion des effluents liquides, l’INB 35, où sont entreposés dans diverses cuves puis traités par évaporation et enrobage des concentrats, les effluents collectés sur le centre. Certains effluents, notamment les distillats tritiés et certains effluents organiques, doivent toutefois être envoyés sur Marcoule. Le CEA a accepté de fournir à votre Rapporteur, sur les stocks de déchets présents à Saclay, des fiches plus détaillées que celle de l’inventaire des déchets radioactifs de l’Andra. On trouverai au tableau suivant les caractéristiques de tous les types de déchets, conditionnés ou non, présents à Saclay. Le total des déchets radioactifs présents à Saclay fin septembre 1999, tels que déclarés à votre Rapporteur, s’élevait à 4 105 m3, quantité à laquelle s’ajoutait 3,75 tonnes. Tableau 74 : Déchets radioactifs à Saclay au 31/12/1998
Tableau 75 : Déchets radioactifs à Saclay au 31/12/1998 (suite et fin)
4.3. La suppression des rejets, une obligation à terme pour le centre de Saclay La maîtrise des rejets à Saclay est un impératif de plus en plus décisif, en raison des pollutions passées qui font obligation au centre de s’améliorer rapidement et de l’urbanisation croissante des proches environs. Cette maîtrise est toutefois complexe à acquérir, du fait du très grand nombre d’installations et de leur mission de recherche qui se traduit par des opérations peu standardisées au contraire des processus industriels. Le centre de Saclay est actuellement engagé dans le renouvellement de ses autorisations de rejets. Celles-ci s’appliquent à chacune des INB. Mais il s’agit aussi de mettre à jour l’autorisation globale du centre. On trouvera au tableau suivant l’évolution des rejets gazeux du centre de Saclay, où l’on a inscrit les autorisations et les rejets réels en GBq. Tableau 76 : Evolution des rejets gazeux du centre de Saclay
On constate que peu de progrès ont été effectués depuis 1995, même si la référence aux autorisations annuelles est flatteuse. L’évolution des rejets liquides est retracée au tableau ci-après. Tableau 77 : Evolution des rejets liquides du centre de Saclay
Dans ce domaine, les progrès sont plus sensibles, en particulier pour les émetteurs bêta autres que le tritium. Pour ce dernier élément, la réduction est d’un facteur deux entre 1995 et 1998, comme d’ailleurs pour les émetteurs alpha. Plusieurs remarques doivent être faites au sujet des rejets de Saclay. La première est que l’étang Vieux qui recueille les eaux pluviales et les effluents liquides du centre renferme des sédiments dont la radioactivité est supérieure d’un facteur 1,5 à 2,5 à celle des sols du plateau de Saclay, portant ainsi la marque des mauvaises performances du passé en matière de rejets. La deuxième remarque est qu’il ne semble pas admissible qu’un centre de recherche de pointe comme celui de Saclay, rejette encore 0,1 GBq par an d’émetteurs alpha dans ses effluents liquides. L’intérêt bien compris du centre est de parvenir en urgence à des rejets zéro, au moins pour ces radioéléments. La troisième remarque est relative au tritium. Dans son rapport de mars 1996 sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, M. Claude Birraux révélait que la nappe phréatique sous le site de Saclay contenait une teneur en tritium supérieure à la normale. D’après les informations communiquées à la CLI, la contamination des eaux souterraines par le tritium n’aurait que peu diminué au droit de Saclay, depuis 1995. Les déchets TFA produits annuellement sur le site sous la forme de gravats de démolition, de petits matériels, etc., représentent environ 200 m3/an et sont envoyés à Cadarache. Les boues d’épuration sont entreposées dans deux fosses spéciales avant de pouvoir être évacuées vers un centre de stockage national de déchets TFA. Des expéditions sont faites vers le centre de stockage de l’Aube, pour les concentrats des effluents radioactifs, les déchets de faible activité et des déchets divers. En cas de dépassement des normes Andra, les déchets de faible activité à vie courte sont gardés sur le site le temps de passer sous la norme grâce à la décroissance des radioéléments. Les déchets de moyenne activité à vie longue sont en attente de la mise en service de l’installation Cedra de Cadarache. Les matières nucléaires sans emploi et les combustibles irradiés sont, quant à eux, dirigés soit vers Marcoule, soit vers Cadarache (installation Cascad). Avec son INB 72, le centre de Saclay remplit par ailleurs, une mission générale pour le CEA d’entreposage et de re-conditionnement de divers matériaux contaminés, dont des déchets anciens mis en coque de bétons, du plomb, des résines et des déchets exotiques. En outre, devant l’impossibilité pour l’Andra d’assurer un service équivalent, l’INB 72 accueille les différents matériels contenant du radium 226 ou d’autres radioéléments (sources médicales, paratonnerres, boussoles, etc.) dont des entreprises ou des particuliers souhaitent se débarrasser dans des conditions responsables. La connexion avec le centre de Saclay s’opère alors par l’intermédiaire des pompiers, de la sécurité civile ou des mairies, via l’OPRI et l’Andra. L’Andra restant propriétaire des déchets ainsi collectés, la logique voudrait que cet établissement public prenne sans attendre les dispositions nécessaires pour les récupérer dans ses propres installations. Les errements du CEA en région parisienne pour la gestion des déchets et pour l’information subséquente des populations sont bien connus. Ayant exploité l’usine nucléaire du Bouchet jusqu’en 1971, le CEA prétendit un temps que les déchets produits au Bouchet étaient de faible activité et avaient été évacués comme tels, en partie vers des mines d’uranium du Massif Central et en partie vers la décharge toute proche d’Itteville dans l’Essonne. Avant de rendre le terrain d’Itteville à son propriétaire (la SNPE), le CEA entama en 1990 quelques travaux d’aménagement, au cours desquels, grâce à la vigilance de l’association des Amis de la Terre et à la pugnacité de journalistes du Parisien, il se confirma que la décharge d’Itteville comprenait des déchets d’une activité bien supérieure à celle déclarée par le CEA. L’affaire de la " déposante " de l’Orme-des-Merisers, à Saint-Aubin défraya également la chronique en 1990 et confirma le manque de rigueur du CEA de l’époque pour gérer ses déchets et informer le public. Là où ne reposaient, selon le CEA, que des boues inertes provenant des eaux usées de Saclay, en réalité figuraient des concentrations de plutonium tout à fait anormales provenant certes de boues mais de boues ayant été en contact avec du combustible nucléaire. De dénégations en palinodies, le CEA fut bien forcé de reconnaître ses erreurs. Les choses semblent désormais avoir changé. En témoigne la création d’une commission locale d’information (CLI) par le Conseil général de l’Essonne, à la fin décembre 1998, et l’ambitieux programme de travail qui lui est fixé, portant d’une part sur l’information des élus et de la population et d’autre part sur le suivi de l’impact des installations. Un premier groupe de travail doit examiner et suivre les actions à entreprendre sur les sites du Bouchet, de l’Ile verte et d’Itteville. Un deuxième groupe a pour mission d’analyser les conséquences de la nouvelle directive européenne n° 98/83 relative à l’eau sur la réglementation française. Un troisième groupe étudie l’hydrogéologie du plateau de Saclay. Le quatrième se concentre sur l’information à donner sur les activités du CEA à Saclay. Le cinquième, enfin, traite des rejets et des effluents, en se réservant la possibilité de confier des mesures à des organismes indépendants. 5. L’organisation interne et le poids financier de la gestion des déchets au CEA Le CEA a décidé en 1991 un plan d’assainissement de ses centres civils. Ce plan comprend en premier lieu la gestion des déchets radioactifs générés dans les installations de recherche, en second lieu le retraitement ou l’entreposage dans des conditions sûres des combustibles irradiés et en troisième lieu l’assainissement et le démantèlement des installations nucléaires arrêtées définitivement. Ce plan, au demeurant indispensable, est conduit avec rigueur par le CEA. Il entraîne toutefois une charge financière dont on peut se demander si elle est compatible avec la continuité de sa mission de recherche et développement. En 1998, le total des dépenses propres du CEA dans le domaine de l’assainissement s’est élevé à 915 millions de francs, soit 5 % du total, c’est-à-dire un montant du même ordre que les recherches relatives à l’environnement, à la biologie et à la santé (963 millions de francs, soit 5,3 %). Par comparaison, les dépenses relatives au cycle du combustible ont totalisé 1,9 milliard de francs. Certes, selon une convention tripartite signée entre les trois exploitants nucléaires, EDF et Cogema participent à ce programme, puisque ce dernier a conduit des recherches à leur profit. Le montant des dépenses liées à cette convention a atteint 732 millions de francs en 1997, dont 51 % étaient affectés au traitement des combustibles sans emploi, 33 % au démantèlement et 16 % aux déchets. Quoi qu’il en soit, pour le seul site de Saclay, le programme d’assainissement et de renouvellement des installations représentera une dépense de 850 millions de francs pour la période 1999-2010. Ainsi que cela apparaît sur le terrain, le CEA met en place une gestion optimisée de ses déchets en considérant ses installations comme un tout. Plusieurs tendances se dessinent en ce qui concerne une répartition effective des rôles. Les centres de Fontenay-aux-Roses et de Grenoble sont progressivement vidés de leurs déchets. Saclay semble constituer une plaque tournante pour les effluents radioactifs aqueux. L’ensemble des centres tentent de minimiser pour des raisons financières l’expédition de déchets à Soulaines. Quant au centre de Cadarache, il constitue le point d’arrivée et d’entreposage de toute une série de produits radioactifs, allant des combustibles irradiés aux déchets de très faible activité. Les dépenses cumulées de 1994 à 1998 pour la gestion des déchets au CEA se sont élevées à 1,73 milliard de francs, dont 1,23 milliard de dépenses courantes et 0,5 milliard d’investissement. On trouvera les dépenses annuelles par centre au tableau suivant. Tableau 78 : Dépenses courantes et investissements relatifs à la gestion des déchets au CEA
Cette situation qui optimise sans doute les problèmes du CEA n’est pas pour autant, comme on l’a vu, optimale au plan national. Mais, par ailleurs, tant la gestion des déchets que l’assainissement du passé semblent peser lourdement sur le CEA et accentuer sa gêne financière. On sait que le CEA ne passe que des provisions pour charges futures réduites dans ses comptes, au contraire d’EDF et de Cogema. A la fin 1998, les provisions pour démantèlement, traitement des combustibles sans emploi et traitement des déchets, se montaient à 350 millions. Au reste, les dépenses futures sont enregistrées en engagements hors bilan. Or, l’importance de ces charges futures n’a d’égale que l’imprécision avec laquelle elles sont connues. On n’en veut pour preuve que le presque doublement des coûts de fin de cycle pour le secteur civil, intervenu entre 1997 où ils atteignaient 16,7 milliards de francs et 1998 où ils apparaissent désormais à hauteur de 30,6 milliards de francs. Quant aux engagements du secteur défense, ils sont en 1998 de 24,8 milliards de francs, contre 20,6 en 1997. Plusieurs solutions sont envisageables en théorie pour le financement de cet assainissement qui se chiffre à environ 800 millions de francs par an sur 30 ans. Le CEA dispose de ressources budgétaires qu’il peut répartir avec une certaine marge de manœuvre. Il peut aussi davantage mettre à contribution EDF et Cogema, dans le cadre de la convention tripartite, sans que pour autant l’on puisse attendre des effets positifs de l’accentuation de la concurrence sur la bonne volonté de ces entreprises vis-à-vis du CEA. Enfin, le CEA, et c’est l’une de ses cartes majeures, peut aussi avoir le désir légitime de rentabiliser son portefeuille de participations industrielles détenues via sa filiale CEA-Industrie dans Framatome (36 %) et Cogema (81 %). Sans doute lui faudrait-il à la fois en obtenir une meilleure rémunération et envisager des cessions partielles d’actifs afin d’apurer le passé et investir dans les technologies d’avenir. Mais, compte tenu de la valeur des équipes et de l’organisation de recherche du CEA, il ne peut s’agir de voir le CEA vendre ses participations industrielles pour résoudre ses problèmes de déchets. L’éventuelle vente de ses actifs industriels ne pourrait se justifier que pour financer des investissements d’avenir. _____________ N°2257.- Rapport de Mme Michèle Rivasi, déposé au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement. |