– ANNEXE 2

COMPTES RENDUS DES VISITES

I – Visite des installations du LURE (Laboratoire pour l’Utilisation du Rayonnement Electromagnétique) – Orsay

– jeudi 27 janvier 2000 *

1. Les points forts et les limites des installations du LURE *

2. Les applications multiples du rayonnement synchrotron au LURE *

2.1. L’étude du magnétisme en coopération avec l’industrie *

2.2. Les études de surface en coopération internationale *

2.3. Les études d’interaction entre la lumière et la matière *

2.4. Les études de diffraction-diffusion *

2.5. Le cas particulier de la biologie 274

2.6. La station d’étalonnage des satellites *

2.7. La ligne dédiée aux microfabrications *

2.8. Une productivité scientifique de haut niveau *

3. Un " super-laboratoire " au service de la communauté scientifique et de l’enseignement supérieur et exerçant un effet d’entraînement sur des entreprises de haute technologie *

3.1. Un "super-laboratoire" au service de l’ensemble de la communauté scientifique *

3.2. La pénurie de rayonnement synchrotron *

3.3. Le rôle du LURE dans la formation des jeunes chercheurs *

3.4. Les effets d’entraînement du LURE sur l’industrie *

4. Les caractéristiques d’un synchrotron moderne *

4.1. Les avancées techniques des synchrotrons *

4.2. L’énergie optimale d’un synchrotron *

4.2.1. Les contraintes de la basse énergie *

4.2.2. Les conditions de la haute énergie *

4.2.3. L’optimum de 2,5 GeV *

4.2.4. Les raisons des choix faits pour SOLEIL *

4.2.5. L’irréalisme du concept de " machine dédiée " de faible énergie *

4.3. Le passage de DCI et Super-ACO à SOLEIL *

5. Les lasers à électrons libres *

5.1. Le laser à électrons libres à cavité optique *

5.2. L’effet SASE sur des onduleurs *

II – Visite de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) – Grenoble

– vendredi 28 janvier 2000 *

I – Le rayonnement synchrotron : applications actuelles et besoins futurs *

1. Perspectives qualitatives *

1.1. La biologie structurale *

1.2. Les besoins d’automatisation pour la résolution des structures *

1.3. Les applications médicales *

1.4. Les structures temporelles *

1.5. Le cas particulier de la tomographie 3D *

1.6. Les autres applications *

2. Les besoins quantitatifs *

2.1. Les indicateurs à utiliser *

2.2. Les prévisions en matière de besoins *

II – Les concurrents des synchrotrons actuels *

1. Les mini-synchrotrons *

2. La RMN *

3. Les lasers à électrons libres et les synchrotrons de 4ème génération *

III – Les effets d’entraînement scientifique et économique des synchrotrons *

1. Les effets d’entraînement scientifique *

1.1. Les indispensables précautions méthodologiques *

1.2. Les synchrotrons, instruments de compétitivité scientifique *

1.3. Les synchrotrons, outils de formation des chercheurs *

2. Les effets d’entraînement économique *

IV – Un optimum de taille existe-t-il en termes de performances et de coûts ? *

1. L’optimum en énergie *

1.1. Le rapport Birgeneau *

1.2. Les limites des machines de faible énergie *

2. L’optimum en termes de coûts *

2.1. L’importance du coût des lignes de lumière *

2.2. La nécessité d’évaluations exhaustives *

2.3. Un optimum de 3 GeV *

V – Les propositions de solutions pour la France, présentées par M. Yves PETROFF, directeur général de l’ESRF *

1. " La dépense française en rayonnement synchrotron n’est pas disproportionnée " *

1.1. Des dépenses annuelles par chercheur limitées *

1.2. Des dépenses inférieures à celles des autres pays *

1.3. L’importance de critères de comparaison rigoureux *

2. " L’inadéquation du scénario de l’achat de lignes sur DIAMOND et sur d’autres synchrotrons européens " *

2.1. Un coût réel supérieur aux estimations actuelles pour les seules lignes sur DIAMOND *

2.2. L’absence de lignes de lumière disponibles ailleurs en Europe *

3. " L’inadéquation de la solution 7 lignes sur DIAMOND +

un synchrotron de 1,5 GeV en France " *

3.1. La répartition des lignes en fonction des disciplines *

3.2. Les inconvénients pour la recherche *

3.3. Une solution ne générant aucune économie par rapport à SOLEIL *

4. " Une même machine en deux exemplaires, l’une en France et l’autre au Royaume Uni " *

4.1. Des économies d’échelle considérables *

4.2. Les économies provenant de l’arrêt du LURE assorti du lancement

d’un nouveau synchrotron *

4.3. L’intérêt d’une planification à long terme *

4.4. Inverser les positions dans la négociation *

VI – La forme juridique et le statut des personnels *

1. Le statut juridique de différents synchrotrons *

2. Le statut des personnels de l’ESRF *

2.1. La coexistence de personnels à statuts détachés et de personnels permanents *

2.2. La nécessité d’une grande réactivité *

3. La fiscalité et les charges sociales de la recherche *

VII – La localisation *

1. L’implantation possible sur un site sans synchrotron *

2. L’importance de transports internationaux de qualité *

3. L’importance d’une forte densité en laboratoires de recherche *

VIII – Les coopérations européennes nécessaires *

III – Visite du SRS – Daresbury

– 21 février 2000

Entretiens avec des responsables du Wellcome Trust – Londres

– 21 février 2000

Visite du Rutherford Appleton Laboratory – Didcot

– 22 février 2000 *

1. SRS – Daresbury *

1.1. Une source de 2ème génération de qualité *

1.2. Les prévisions des besoins en rayonnement synchrotron *

1.3. La genèse et les zones d’incertitude de DIAMOND *

1.4. La coopération avec la France, vue par la base *

2. Le Wellcome Trust *

2.1. La puissance du Wellcome Trust dans le financement de la recherche *

2.2. L’implication du Wellcome Trust dans DIAMOND *

3. Le Laboratoire Central des organismes de recherche *

3.1. Un organisme concevant et exploitant les très grands instruments britanniques *

3.2. Le CLRC, une pièce essentielle de la stratégie scientifique britannique ? *

IV – Visite de DESY – Hambourg (Allemagne)

– jeudi 24 février 2000 *

1. Historique et organisation de DESY (Deutsche Elektronen-Synchrotron) *

1.1. Une organisation assurant le développement coordonné de la physique des particules et du rayonnement synchrotron *

1.2. Un ensemble exceptionnel d’accélérateurs et de synchrotrons en synergie les uns avec les autres *

1.3. un centre de formation par la recherche *

2. Le projet TESLA et les perspectives de coopération franco-allemande en physique des particules *

2.1. Les expériences conduites avec l’anneau HERA *

2.2. Le projet TESLA *

2.2.1. La procédure et le calendrier *

2.2.2. Les critères d’évaluation de la recherche en Allemagne *

2.2.3. La coopération internationale *

3. Le rayonnement synchrotron au Hasylab : recherche, service et éducation *

3.1. Un laboratoire de services *

3.2. Une activité en croissance rapide, notamment du fait d’une forte utilisation par les biologistes *

3.2.1. Un nombre d’utilisateurs en forte croissance *

3.2.2. L’envolée de la biologie au HASYLAB *

3.2.3. Les développements prévus et leurs coûts *

3.3. Un centre aujourd’hui saturé ne comportant pas de lignes libres *

3.4. Les caractéristiques idéales d’un synchrotron moderne *

4. Les lasers à électrons libres, futurs compléments des synchrotrons de 3ème génération *

4.1. Le principe de la technologie SASE *

4.2. Le succès du 23 février 2000 *

4.3. Les perspectives d’application des lasers à électrons libres à rayons X, en complément au rayonnement synchrotron *

Conclusion : quel objectif pour la coopération internationale ? *

I – Visite des installations du LURE (Laboratoire pour l’Utilisation du Rayonnement Electromagnétique) – Orsay – jeudi 27 janvier 2000

Le présent compte-rendu distingue d’une part les informations rassemblées sur le vif lors de la visite des installations du LURE (Laboratoire pour l’utilisation du rayonnement électromagnétique) et d’autre part les réponses écrites données aux questions posées lors de cette visite. Ces dernières informations, qui exposent la position officielle du LURE, sont présentées en italiques.

1. Les points forts et les limites des installations du LURE

On trouvera ci-après la note préparée à l’intention des Rapporteurs suite à la visite des installations du LURE, le 27 janvier 2000.

" Le LURE possède actuellement quatre accélérateurs :

  • Un accélérateur linéaire, le LINAC, d’une longueur de 300 m construit pour la physique des particules dans les années 55-68. C’est l'injecteur des deux anneaux, sources de rayonnement synchrotron, DCI et Super-ACO.

Le canon fournit des impulsions d’électrons de durée variable ( 5 ou 20 ns) qui sont accélérés jusqu’à une énergie de 1 GeV dans 16 sections HF de 6 m de long, alimentées par des klystrons de puissance crête 25 MW. Ce faisceau d’électrons frappe une cible et crée des gerbes électrons-positrons. Les positrons sont ensuite accélérés jusqu’à une énergie de 1,1 GeV dans 23 sections HF. Sa fréquence de répétition est de 25 Hz.

  • L’anneau de stockage DCI d’une circonférence de 95 m et d’une énergie maximale de 1,85 GeV. Il a également été construit pour la physique des particules (premier faisceau en 1975). C’est une source dite de 1ère génération. Son domaine d’utilisation est celui des rayons X.

  • L’anneau de stockage Super-ACO d’une circonférence de 72 m et d’une énergie maximale de 0,8 GeV. Il a été construit pour le rayonnement synchrotron (premier faisceau en 1987) et couvre le domaine VUV-X mous. C’est une source dite de 2ième génération (voir ci-dessous).

  • Un accélérateur linéaire de 50 MeV élément de base du laser à électrons libres dans l’infrarouge CLIO dont nous ne parlerons pas ici.

" Les deux anneaux ont une fiabilité supérieure à 90 % et fonctionnent près de 4000 heures par an dont 3500 h pour les utilisateurs avec une vingtaine d'expériences chacune. La puissance nécessaire pour l’ensemble du laboratoire est de 8 MW dont 1,5 MW pour le LINAC injecteur. En pratiquant les injections le plus possible pendant les heures creuses du point de vue de l’électricité, le coût de la consommation électrique pour l’année est de 7,5 MF (HT).

" Pour comprendre l'importance d'une telle installation, il faut revenir sur les principes de la dynamique des particules dans les anneaux de stockage.

" Une impulsion de positrons est injectée dans une chambre à vide et suit un chemin formé d’arcs de cercles, déterminés par le champ magnétique des dipôles qui courbent leur trajectoire, et de segments rectilignes. D'autres éléments magnétiques appelés quadripôles focalisent les particules de sorte qu'elles exécutent des oscillations transverses stables autour de cette trajectoire dite de référence.

" A chaque passage dans les dipôles les particules émettent un rayonnement appelé rayonnement synchrotron. L'énergie perdue doit être compensée par un champ électrique oscillant dans une cavité radiofréquence (RF) dont la fréquence est un multiple de la fréquence de rotation des particules dans l’anneau (25 MHz pour DCI et 100 MHz pour Super-ACO). Pour chaque période d’oscillation RF il y a une valeur de la tension qui correspond à la compensation exacte de l'énergie perdue, c’est un point stable autour duquel se forment des paquets dans lesquels les particules oscillent en position longitudinale et en énergie. Il peut y avoir autant de paquets que le rapport entre la fréquence RF et la fréquence de rotation des particules (huit paquets dans DCI et 24 dans Super-ACO).

" Les faisceaux n’ont pas une durée de vie infinie : les particules peuvent être perdues par collision avec les molécules de gaz résiduel ( bien que la pression soit très faible : 10–13 atmosphères) ou entre particules d'un même paquet (le nombre de collisions est d’autant plus important que les dimensions transverses sont petites et que l’énergie de la machine est faible). Pour injecter et accumuler les particules, il faut disposer d'un ensemble d’éléments pulsés à 25 Hz qui déforment l’orbite de référence de façon à ce que l’impulsion injectée qui oscille autour de cette orbite garde une amplitude faible. L'orbite est ramenée au centre après quelques tours.

" Au total, un grand nombre de techniques sont mises en jeu, ce qui nécessite des équipes relativement importantes et compétentes.

" Les principales caractéristiques du rayonnement émis sont indiquées ci-dessous.

" Le rayonnement d'un dipôle se fait suivant un spectre continu de l’infrarouge jusqu’aux rayons X. Le flux du rayonnement, c’est-à-dire le nombre de photons émis par seconde à l’intérieur d’une bande de fréquence donnée croit linéairement à partir des faibles énergies de photons jusqu’à une valeur proche de l'énergie " critique " et décroît ensuite exponentiellement. Cette énergie " critique " est celle qui partage le spectre en deux parties d’égale puissance rayonnée, elle est directement proportionnelle au champ magnétique des dipôles et au carré de l'énergie de la machine (e c = 0.665 B*E2 soit 4keV pour DCI et 670 eV pour Super-ACO). Plutôt que le flux seul, la caractéristique d’une source est aussi sa concentration, on parlera donc de sa brillance, qui est obtenue en divisant le flux par l’émittance (produit de l’angle d’émission par la dimension de la source). Pour augmenter le rayonnement émis, les chercheurs ont eu l’idée d’installer dans les sections droites des insertions appelées onduleurs constitués d’un arrangement de dipôles qui courbent alternativement la trajectoire suivant une sinusoïde. On a alors un phénomène d’interférences constructives pour certaines énergies de photons entre les ondes émises à chacune des parties courbes de la trajectoire. De plus, l’angle d’émission est d’autant plus réduit qu’il y a un grand nombre d’oscillations de la trajectoire. Le gain en brillance obtenu est alors de 2 à 4 ordres de grandeur. L'énergie des photons est déterminée par l'énergie de la machine mais également par la période (plus la période est petite, plus l’énergie des photons est élevée) et le champ des onduleurs. On peut donc pour une même énergie de machine couvrir une gamme d’énergie de photons extrêmement grande avec des onduleurs de périodes différentes. Notons que l'on peut aussi installer un wiggler, c'est-à-dire une insertion avec un champ très supérieur à celui des dipôles qui déplace l'énergie critique vers des énergies plus élevées. Il existe 6 onduleurs sur Super-ACO et un wiggler sur DCI.

" Les différents modes de fonctionnement demandés par les utilisateurs sont les suivants :

  • Mode multipaquets. Tous les paquets possibles sont remplis afin d’obtenir le flux maximum.
  • Mode structure temporelle pour étudier les phénomènes dynamiques. Ce mode nécessite peu de paquets séparés par un temps relativement long. Pour conserver un flux suffisant, il faut alors augmenter le nombre des particules par paquets ce qui augmente la possibilité de collisions entre particules d'un même paquet et fait donc chuter la durée de vie. Les demandeurs de structure temporelle sont ceux qui travaillent à une faible énergie de photons.

" Les performances les importantes d’un synchrotron sont la brillance et la durée de vie des faisceaux.

" Sur DCI, construit pour la physique des particules, l'émittance est très grande donc la brillance est faible. Par contre, la durée de vie est très grande (220 h) pour un courant de 320 mA. On a besoin d’une seule injection par semaine.

" Sur Super-ACO, l'émittance est plus petite, donc la brillance est plus grande, mais comme l'énergie de la machine est basse (0,8 GeV), la durée de vie est faible (12 h avec 24 paquets et 400 mA et 6 h avec 2 paquets et 200 mA). En effet, la durée de vie croît comme le carré de l'énergie pour les collisions sur le gaz résiduel et suivant une puissance supérieure à 2,5 pour les collisions entre particules.

" Pour avoir à la fois des performances en brillance et en durée de vie, on a donc tout intérêt à avoir une énergie de machine suffisamment élevée pour garantir une bonne durée de vie (E > 2 GeV) et optimiser les périodes des onduleurs pour couvrir le spectre désiré. C'est ce que nous avons fait pour SOLEIL avec l'énergie optimum de 2,5 GeV où l'on peut couvrir de 10 eV (VUV) à 15 keV voire 20 keV(X durs) avec une durée de vie de 20 h en multipaquets et autant pour la structure temporelle.

" SOLEIL a comme objectif les performances ultimes des sources de 3ème génération : Très haute brillance (4 ordres de grandeur supérieure à celle de Super-ACO) car très faible émittance et grandes sections droites pour l’installation d’onduleurs ayant un grand nombre de périodes ".

Le synchrotron DCI se caractérise par des faisceaux dont l’émittance est relativement grande, c’est-à-dire des faisceaux peu fins d’une durée de vie relativement élevée. Au contraire, Super-ACO travaille avec des faisceaux plus fins dont la durée de vie est plus faible.

Super-ACO comprend 8 sections droites, dont 2 prises pour le fonctionnement de la machine, et 6 dotées d’onduleurs.

L’un des inconvénients de l’âge des installations du LURE est leur consommation importante d’électricité. Le lancement de la machine, qui se traduit par l’injection des électrons nécessite une puissance de 7 à 8 MW pendant une heure, avec la mise en œuvre de 39 sections accélératrices. Une telle consommation oblige à choisir les horaires correspondant aux tarifs les moins onéreux, ce qui justifie, au moins en partie, l’arrêt prolongé des installations en hiver.

2. Les applications multiples du rayonnement synchrotron au LURE

L’analyse des projets du LURE montre que l’éventail des expériences réalisées est très large et met en œuvre des techniques très différentes, au service de domaines très diversifiés. En voici quelques exemples.

2.1. L’étude du magnétisme en coopération avec l’industrie

L’une des lignes de lumière du LURE est consacrée à l’étude du magnétisme en utilisant la polarisation du rayonnement synchrotron. Cette ligne a été construite en coopération avec 3 régions, l’Alsace pour le compte de l’université de Strasbourg, la Lorraine pour l’université de Nancy, la Bourgogne pour l’université de Nancy. Le coût de construction de cette ligne s’est élevé à 13 millions de francs, dont 5 pris en charge par les trois régions précitées.

Le magnétisme est l’un des domaines de l’analyse de la matière où le rayonnement synchrotron est venu concurrencer une autre méthode d’analyse, à savoir les sources de neutrons, grâce à sa capacité à mesurer des quantités très limitées de moment magnétique.

La compréhension des mécanismes intervenant dans l’orientation des moments magnétiques, par exemple couchée ou debout, des substrats ou des couches superposées, a pour but d’augmenter toujours plus la densité de stockage de l’information sur des supports magnétiques.

La ligne de lumière consacrée au magnétisme au LURE est mise à contribution pour des travaux conduits en partenariat avec l’industrie, IBM, Alcatel ou Thomson, par exemple.

Le LURE a développé des appareillages qui permettent d’opérer à des températures très basses et qui, n’ayant pour seuls rivaux que les dispositifs de Berkeley, ont été achetés par l’Italie pour la source ELETTRA de Trieste.

2.2. Les études de surface en coopération internationale

Deux lignes de lumière sur onduleur du LURE résultent d’une coopération franco-suisse pour l’une et franco-espagnole pour l’autre. La participation espagnole dans cette dernière qui date de 1996, atteint 60 %, le complément étant assuré par la France. La coopération franco-espagnole a débuté en 1991 et a pour résultat aujourd’hui que l’Espagne veut développer des communautés d’utilisateurs de rayonnement synchrotron, en particulier dans le domaine des études de surface.

2.3. Les études d’interaction entre la lumière et la matière

Le LURE a développé une ligne de spectroscopie V-UV de haute résolution à haut flux et à polarisation variable. Cette ligne exploite la caractéristique très utile du rayonnement synchrotron d’être pulsé. La polarisation variable est une méthode où le LURE est en avance sur le monde entier.

Le haut flux du rayonnement synchrotron permet l’étude d’espèces diluées, de molécules refroidies, d’agrégats métalliques ou d’espèces excitées préalablement par laser.

C’est le LURE qui a mis au point le premier onduleur croisé au monde. Au demeurant, le concept de cette ligne de haut flux est exportable, y compris sur SOLEIL.

2.4. Les études de diffraction-diffusion et de spectroscopie d’absorption X en sciences des matériaux

Les études de diffraction-diffusion et de spectroscopie d’absorption X représentent, en moyenne au LURE, près de 400 projets par an, soit environ la moitié du total.

Les études faites avec ces techniques portent par exemple sur les transformations de phase, les catalyseurs, les semi-conducteurs, les cristaux liquides, les structures artificielles, les alliages métalliques et les matériaux étudiés dans le cadre des sciences de la terre.

Au reste, la spectroscopie d’absorption de rayons X n’est possible qu’avec un synchrotron. C’est au LURE qu’a été établi pour la première fois un faisceau de rayons X d’une finesse de 1 µm.

Une ligne permettant l’utilisation de ces méthodes à haute température a été financée en grande partie par la région Centre, dans le cadre du dernier contrat de plan Etat-Région.

Ces techniques sont également utilisées au LURE pour effectuer des expériences en conditions extrêmes de température et de pression. Les applications principales sont la géophysique, les études de dichroïsme magnétique et la résistance des alliages à la corrosion.

Une autre ligne dite " chaude ", spécialement aménagée pour permettre l’analyse d’échantillons radioactifs, assure quelques 36 % de la demande de DCI. Les principales expérimentations concernent la séparation poussée des actinides avec notamment la mesure des paramètres structuraux de molécules permettant leur séparation poussée.

2.5. Le cas particulier de la biologie

Les manipulations relatives à la biologie représentent 20 % du total de l’activité du LURE. L’une des évolutions marquantes prévues pour SOLEIL dans ce domaine porte sur la réduction considérable de la durée des manipulations, avec un temps d’acquisition des données de cristallographie passant d’une vingtaine de minutes à quelques secondes, ce qui augmentera considérablement le nombre de projets accueillis.

La compréhension des fonctions des protéines constitue un enjeu majeur de la biologie contemporaine. Le rayonnement synchrotron est en première ligne dans la mesure où la connaissance de la structure d’une protéine apporte des informations de première importance sur la compréhension de sa fonction. L’analyse informatique par transformée de Fourrier de la centaine de clichés de diffraction pris pour un cristal de protéine livre ainsi sa structure atomique.

Mais les besoins de la biologie en rayonnement synchrotron ne se résument pas à l’analyse des structures par diffraction des rayons X. Des études spectroscopiques par déclin de fluorescence dans le visible et l’ultraviolet permettent d’aborder les études de la dynamique, des modifications chimiques et de la réactivité des macromolécules biologiques, avec des échelles de temps complémentaires de celles de la RMN.

En tout état de cause, SOLEIL permettra de répondre à l’ensemble de ses besoins. Certes, ce nouveau synchrotron ne produira pas de longueurs d’onde de 0,5 Å mais fournira des faisceaux d’excellente qualité pour des longueurs d’onde de l’ordre de 1 Å ou plus, qui constituent la masse des demandes en biologie.

2.6. La station d’étalonnage des satellites

Les trois satellites EIT (infra rouge), SOHO (étude du Soleil), XXM (observation rayons X), ont eu leurs détecteurs étalonnés dans la station spécifique du LURE d’étalonnage au moyen du rayonnement synchrotron.

2.7. La ligne dédiée aux microfabrications

Le rayonnement synchrotron peut être utilisé en micro-fabrication avec la technique de lithographie rayons X. Les précisions atteintes sont de l’ordre du micron (10-6 m) mais ces techniques peuvent également être utilisées pour des fabrications de l’ordre du mm.

Un des enjeux actuels des techniques de micro-fabrication est la combinaison des microtechnologies en trois dimensions utilisées pour la fabrication des microsystèmes et des nanotechnologies planaires de la microélectronique, pour parvenir à un mode de fabrication complet et homogène.

2.8. Une productivité scientifique de haut niveau

Le nombre de publications scientifiques issues des travaux du LURE est l’ordre de 400 par an. Il est difficile de le recenser de manière exhaustive, dans la mesure où le LURE n’oblige pas ses utilisateurs à citer sa contribution.

Selon le rapport Birgeneau, le nombre de publications du LURE dans des revues de haut niveau comme Nature, Science et Physical Review Letters est toutefois de l’ordre de 12 par an, un chiffre comparable à ceux des synchrotrons de Stanford et Brookhaven, les différences de taille des installations étant prises en compte.

On trouvera ci-après un extrait de la note préparée par le LURE à l’intention des Rapporteurs, suite à leur visite des installations le 27 janvier 2000.

" Publications relatives aux expériences effectuées au LURE

En 1997 = 412 références

En 1998 = 398 références

publiées par les chercheurs du LURE permanents, associés et utilisateurs extérieurs.

En 1999 = 231 références

publiées par les chercheurs du LURE permanents et associés

(les publications 1999 des utilisateurs extérieurs ne sont pas collectées à ce jour).

" Sont portées en annexe les publications parues dans les revues Nature, Physical Review Letters et Science de 1995 à 2000.

" Le nombre des publications dans ces revues est comparable à celui des centres de rayonnement synchrotron aux Etats-Unis (source : rapport "Birgeneau") si l'on prend en compte la taille respective des différents laboratoires.

" La participation des chercheurs du LURE à des Conférences "invité" s'élève à 42 en 1997 et à 52 en 1998. "

3. Un " super-laboratoire " au service de la communauté scientifique et de l’enseignement supérieur et exerçant un effet d’entraînement sur des entreprises de haute technologie

3.1. Un " super-laboratoire " au service de l’ensemble de la communauté scientifique

La technicité des installations DCI et Super-ACO nécessite la présence d’un personnel hautement qualifié autour de celles-ci. Pour autant ces installations ne sauraient se résumer à la production de rayonnement synchrotron et les scientifiques du LURE à des concepteurs ou à des gestionnaires de synchrotrons. Les accélérateurs et les anneaux de stockage ne seraient rien, en effet, sans les lignes de lumière et leur instrumentation qui mettent en œuvre un ensemble considérable de méthodes expérimentales diversifiées.

De même, la communauté scientifique du LURE rassemble non seulement des spécialistes des machines mais aussi des chercheurs de toutes disciplines qui mettent au point sur les installations du LURE des méthodes expérimentales et les utilisent pour leurs propres recherches.

En outre, le LURE accueille sur ses installations un nombre considérable de chercheurs visiteurs qui viennent bénéficier des performances extraordinaires du rayonnement synchrotron. Ces chercheurs proviennent de toutes les régions françaises mais aussi de l’étranger.

On trouvera dans la suite les statistiques communiquées par le LURE.

" Les tableaux suivants montrent l’origine régionale ou nationale des projets ‘demandés et accordés’ depuis 1998.

" La répartition géographique des projets déposés et accordés est compilée pour les années 1998, 1999 et 2000. En tenant compte du fait que chaque projet accordé implique 2 missions prises en charge par LURE, on peut estimer le nombre minimum d’utilisateurs au double de celui des projets accordés. "

 

 

 

Tableau 1 : Nombre de projets demandés au LURE et accordés par région

en 1998

Régions

Nbre de projets demandés

Nbre de projets accordés

Nbre de runs demandés

Nbre de runs accordés

Alsace

29

24

236

152

Aquitaine

6

6

25

15

Auvergne

2

1

10

2

Basse Normandie

8

5

78

28

Bourgogne

3

3

13

13

Bretagne

5

3

50

26

Centre

13

7

60

21

Franche Comté

2

2

15

10

Haute Normandie

1

1

4

3

Ile-de-France (hors LURE)

229

200

1 953

1 273

LURE

117

105

1 299

861

Languedoc-Roussillon

16

14

77

54

Lorraine

17

17

102

66

Midi-Pyrénées

12

11

70

39

Nord Pas-de-Calais

1

0

3

0

Pays de la Loire

6

5

28

20

Picardie

2

1

23

17

Poitou Charentes

4

4

21

18

Provence Côte d’Azur

20

18

122

90

Rhône Alpes

55

48

393

274

TOTAL

548

474

4 582

2 982

 

 

Tableau 2 : Origine géographique résumée des projets du LURE en 1998

Projets demandés

Projets accordés

Runs demandés

Runs accordés

Paris + sa région

229

200

1 953

1 273

LURE

117

105

1 299

861

Province

202

169

1 330

848

C.E.

142

99

1 065

547

Etranger + Pays de l’Est

40

29

279

170

TOTAL

730

602

5 926

3 699

 

 

Tableau 3 : Nombre de projets demandés au LURE et accordés par région

en 1999

Régions

Nbre de projets demandés

Nbre de projets accordés

Nbre de runs demandés

Nbre de runs accordés

Alsace

27

22

190

123

Aquitaine

3

1

12

3

Auvergne

3

2

25

5

Basse Normandie

6

4

64

19

Bourgogne

7

5

27

16

Bretagne

5

4

41

28

Centre

7

6

25

17

Champagne

2

1

4

1

Franche Comté

2

1

15

7

Haute Normandie

1

1

4

4

Ile-de-France (hors LURE)

250

212

2 031

1 384

LURE

118

99

1 362

878

Languedoc-Roussillon

24

20

136

96

Lorraine

12

12

63

62

Midi-Pyrénées

12

11

64

41

Nord Pas-de-Calais

3

3

8

6

Pays de la Loire

12

10

45

35

Picardie

3

3

24

24

Poitou Charentes

9

8

42

32

Provence Côte d’Azur

30

23

219

117

Rhône Alpes

47

38

427

194

TOTAL

583

486

4 828

3 092

 

 

Tableau 4 : Origine géographique résumée des projets du LURE en 1999

Projets demandés

Projets accordés

Runs demandés

Runs accordés

Paris + sa région

250

212

2 031

1 384

LURE

118

99

1 362

878

Province

215

175

1 441

836

C.E.

144

110

1 098

605

Etranger + Pays de l’Est

54

42

457

246

TOTAL

781

638

6 383

3 943

 

 

Tableau 5 : Nombre de projets demandés au LURE par région pour 2000

Régions

Nbre de projets demandés

Nbre de runs demandés

Alsace

22

218

Aquitaine

9

55

Auvergne

3

19

Basse Normandie

4

34

Bourgogne

4

24

Bretagne

4

50

Centre

7

55

Franche Comté

2

25

Haute Normandie

3

24

Ile-de-France (hors LURE)

240

1 975

LURE

79

1 049

Languedoc-Roussillon

13

103

Lorraine

11

70

Midi-Pyrénées

9

44

Nord Pas-de-Calais

5

29

Pays de la Loire

18

82

Picardie

3

13

Poitou Charentes

4

38

Provence Côte d’Azur

21

155

Rhône Alpes

44

333

TOTAL

505

4 395

Tableau 6 : Origine géographique résumée des projets du LURE en 2000

Projets demandés

Runs demandés

Paris + sa région

240

1 975

LURE

79

1 049

Province

186

1 371

C.E.

142

1 244

Etranger + Pays de l’Est

51

362

TOTAL

698

6 001

 

3.2. La pénurie de rayonnement synchrotron

L’analyse des données précédentes fournies par le LURE à la demande du groupe de travail formé par les Rapporteurs conduit à deux conclusions majeures.

La première est que le LURE, en raison de capacités insuffisantes, ne peut satisfaire qu’en moyenne 62 % des demandes d’accès à ses installations. Le pourcentage est un peu plus élevé pour les demandes françaises (64,5 % environ) que pour les demandes étrangères (67 % en 1998 mais 55 % en 1999).

Tableau 7 : L’excédent des demandes d’accès au LURE par rapport aux ressources disponibles

1998

1999

nombre de runs

%

nbre de runs

%

1. Runs demandés

total

5926

6383

-

France

4582

4828

-

étranger

1065

1555

-

2. Runs accordés

total

3699

62,4

3943

61,8

France

2982

65,1

3092

64,0

étranger

717

67,3

851

54,7

L’autre conclusion est que cette pénurie est accentuée par l’ouverture internationale du LURE, une ouverture indispensable en tout état de cause dans la recherche moderne et dans le cadre du fonctionnement normal des synchrotrons dans le monde.

Au demeurant, en 1999, les accès accordés à des équipes étrangères ont représenté 851 runs, soit 18 % de la demande française. Il faut bien constater que l’indispensable ouverture internationale accroît encore la pénurie pour les chercheurs français.

3.3. Le rôle du LURE dans la formation des jeunes chercheurs

Les installations du LURE sont, comme dans d’autres pays, un outil de formation à la recherche, d’une importance considérable.

On trouvera ci-dessous la réponse aux questions des Rapporteurs, préparée par le LURE suite à la visite des installations en date du 27 janvier 2000.

" Le LURE est le siège de deux DEA :

- Physique et Technologie des Grands Instruments (commun à Paris VI, Paris VII, Paris VIII, Paris XI, école Polytechnique et Université de Versailles-Saint Quentin)

- Cristallographie et RMN biologique (DEA national commun à Paris XI-Orsay, Joseph Fourier-Grenoble et Louis Pasteur-Strasbourg).

" Une partie des cours de chaque DEA et des travaux pratiques du second DEA s’effectuent dans les locaux du LURE, ce qui facilite les contacts entre chercheurs et étudiants. Des membres du laboratoire participent à l’enseignement de ces DEA.

" Le laboratoire abrite également les cours de l’option "Chimie à l'aide du Rayonnement synchrotron" des DEA Chimie Inorganique ( Paris VI) et Physico-chimie Moléculaire (Paris Sud). Les cours sont assurés par des chercheurs du Laboratoire.

" Par ailleurs, le laboratoire est Laboratoire d’accueil des écoles doctorales  suivantes :

- Interface Chimie-Biologie (Université Paris Sud) jusqu’en 1999 puis : Innovation Thérapeutique, du Fondamental à l’Appliqué.

- Rayonnements et Environnement (Université Paris Sud)

Ondes et Matière (Paris Sud)

Physique de la Région parisienne (Ecole Normale Ulm)

Sciences Fondamentales (Clermont-Ferrand)

et le DEA Physique expérimentale des Atomes et Applications (Paris VI)

" Depuis 10 ans, le LURE chaque année reçoit les soixante doctorants de la formation doctorale européenne HERCULES pour des stages expérimentaux de plusieurs jours, répartis sur les différentes lignes de lumière. De plus, plusieurs chercheurs du LURE participent à cet enseignement.

" Accueil de doctorants au laboratoire :

" Sur les années 98-99-2000, 38 doctorants effectuent ou viennent de terminer leur thèse au laboratoire. La communauté européenne est bien représentée ca, sur ces 38 doctorants, 26 sont français, 9 européens (italiens, espagnols, roumains, allemands), 2 brésiliens et un algérien. Les doctorants se répartissent dans les différentes sections du laboratoire, avec le plus grand nombre de doctorants dans la section biologie (13).

" Doctorants associés à des projets d’autres laboratoires :

" Sur les propositions d’expériences, il est indiqué si cette expérience se place dans le cadre de la thèse d’un doctorant ; on peut dénombrer :

- en 1998 : 418 doctorants impliqués

- en 1999 : 386 doctorants

- en 2000 : 330 doctorants

" Accueil de stagiaires : Chaque année une quarantaine de stagiaires de licence, maîtrise et DEA sont accueillis :

- Année scolaire 97-98 : 13 étudiants de licences, 17 de maîtrises, 10 de DEA

- Année scolaire 98-99 : 15 étudiants de licences, 11 de maîtrises, 12 de DEA ".

3.4. Les effets d’entraînement du LURE sur l’industrie

Une installation comme le LURE est en maintenance permanente et fait l’objet d’améliorations constantes. Il en résulte des relations proches avec différentes entreprises de haute technologie qui bénéficient de transferts de connaissances et de savoir-faire de haut niveau. Par ailleurs, le passage incessant de chercheurs visiteurs génère une activité d’accueil et porte la notoriété des entreprises partenaires bien au-delà de la région.

On trouvera ci-après les informations présentées par le LURE, à la suite de la visite des Rapporteurs sur ces sujets.

" Les interactions sont multiples entre un centre national de rayonnement synchrotron tel que LURE et le tissu économique spécialement régional mais aussi national.

" D’abord, la nature et l’ampleur des programmes de recherche utilisant le rayonnement synchrotron sont telles qu’il doit être fait appel, pour la réalisation des ensembles expérimentaux nécessaires, à de très nombreuses PME ou PMI spécialisées en mécanique de précision, techniques du vide, électronique, optique, informatique. Pour exemple, nous pouvons citer la collaboration que LURE entretient avec une société comme Jobin-Yvon dans le domaine de l’optique des lignes de lumière. Le développement en commun de procédures et de systèmes de contrôles a permis d’augmenter d’un facteur 5 la qualité des surfaces optiques et par la même les résolutions ultimes des monochromateurs à réseau. Le LURE sert de vitrine à Jobin-Yvon pour la vente de systèmes optiques dans le domaine du rayonnement synchrotron et contribue donc à placer cette société dans le peloton de tête au niveau international.

" Dans le domaine de la haute technologie touchant les machines, de nombreux exemples existent à la fois dans le transfert de technologie et dans les commandes de matériels vers des PME-PMI voir des multinationales :

  • techniques de soudure et de façonnage sur des boîtes à vide (SEIV-Plasmion) ;
  • aide au développement de mesures magnétiques (Brucker) ;
  • réalisation de céramiques de grandes dimensions pour les aimants perturbateurs ;
  • développement de klystrons de très grande puissance (Thomson) ;
  • achat de matériel hyperfréquence (pilote très haute stabilité, fenêtre haute puissance) ;
  • développement de canons à électrons de fort courant ;
  • construction en collaboration d’un nouveau type d’onduleur électromagnétique croisé (Sigma-Phi).

" Si l’on se place en volume annuel d’achat par exemple :

  • 2,5 MF/an sont dépensés pour la partie injecteur des machines en direction de l’industrie française.
  • Le développement et la réalisation de l’optique d’une ligne de lumière dans le cadre de notre dernier plan d’équipement instrumental a entraîné sur deux ans la passation de 250 commandes à 110 sociétés différentes pour un total de l’ordre de 7 MF.

" Dans les tableaux 1 et 2, nous rappelons, pour l’année 1995 et l’année 1999, le nombre et l’origine géographique des entreprises avec lesquelles LURE a interagi. Sur ces deux années prises en exemple, on voit que c’est un total de 800 entreprises dont LURE a besoin par an et qui donc bénéficient de son activité. Parmi celles-ci, plus de 70% sont situées dans la région Ile-de-France, représentant environ 90% d’un chiffre annuel de commandes de l’ordre de 40 MF. D’autre part, la présence permanente dans la région d’environ 400 salariés à revenu relativement élevé apporte un soutien réel à l’activité économique locale.

" Enfin, la venue d’environ 2000 chercheurs, français et étrangers, chaque année, pour réaliser à LURE un projet s’étendant sur une certaine période de temps contribue également à soutenir l’activité économique des entreprises de service et d’hôtellerie.

Tableau 8 : Détail des commandes 1995 du LURE par localisation des fournisseurs

Départements

Entreprises

Nombre %

Montant des commandes

en MF en %

75

Paris

115

12,9

3,53

10,8

77

Seine et Marne

30

3,3

1,01

3,1

78

Yvelines

87

9,7

4,70

14,4

91

Essonne

192

21,5

12,17

37,2

92

Hauts-de-Seine

135

15,1

4,00

12,2

93

Seine-Saint-Denis

63

7,1

1,20

3,7

94

Val-de-Marne

71

8

1,89

5,8

95

Val d’Oise

39

4,4

0,85

2,6

Total pour l’Ile de France

732

82,1

29,35

89,8

Province

160

17,9

3,33

10,2

TOTAL GENERAL

892

100

32,68

100

Tableau 9 : Détail des commandes 1999 du LURE par localisation des fournisseurs

Départements

Entreprises

Nombre %

Montant des commandes

en MF en %

75

Paris

84

10,95

3,08

7,54

77

Seine et Marne

21

2,74

0,34

0,82

78

Yvelines

71

9,26

2,70

6,6

91

Essonne

187

24,38

22,44

54,9

92

Hauts-de-Seine

86

11,21

4,38

10,72

93

Seine-Saint-Denis

42

5,48

1,40

3,42

94

Val-de-Marne

44

5,74

1,33

3,26

95

Val d’Oise

27

3,52

0,42

1,03

Total pour l’Ile de France

562

73,27

36,09

88,29

Province

139

18,12

3,56

8,71

Etranger CEE

38

4,95

0,65

1,6

Etranger hors CEE

28

3,65

0,57

1,4

Total Etranger

66

8,6

1,22

3

TOTAL GENERAL

767

100

40,87

100

 

4. Les caractéristiques d’un synchrotron moderne

Le LURE est depuis l’origine un centre de compétence dans les accélérateurs et les synchrotrons, puisque c’est grâce à ses équipes de physiciens des particules, d’ingénieurs et de techniciens que le rayonnement synchrotron a fait l’objet des premières applications en France.

Au cours de la visite des rapporteurs, de nombreuses questions relatives aux caractéristiques techniques de DCI et de Super-ACO ont été posées, ainsi que sur les caractéristiques des synchrotrons modernes.

4.1. Les avancées techniques des synchrotrons

Les dispositifs d’insertion permettent de gagner au minimum deux ordres de grandeur, c’est-à-dire un facteur 100 par rapport aux classiques dipôles de courbure.

Les aimants supraconducteurs sont mis en œuvre dans les wigglers et, s’ils présentent l’avantage de produire des champs magnétiques intenses, ils ont comme inconvénient de ne pas permettre d’en faire varier facilement l’intensité et d’entraîner des émittances supérieures à celle des onduleurs.

Les onduleurs sont constitués d’aimants permanents alternés qui permettent des oscillations rapides des électrons et introduisent des résonances pour certaines longueurs d’onde. On aboutit donc à une concentration des émissions dans certaines longueurs d’onde. Au surplus, les onduleurs délivrent des ondes en nappes planes et des faisceaux presque parallèles d’une brillance extrême.

La nouvelle génération d’onduleurs correspond aux onduleurs sous vide, qui permettent d’atteindre des brillances très élevées dans le domaine des rayons X, même avec des machines d’énergie intermédiaire.

Aujourd’hui, les 2/3 des applications du rayonnement synchrotron utilisent des rayons X. Il faut donc une machine nationale dans ce domaine.

Encadré I

Les éléments d’insertion d’un anneau synchrotron.

Rappelons que dans un anneau de stockage les aimants de courbure servent à boucler la trajectoire. Ces aimants constituent également des sources de rayonnement synchrotron de brillance moyenne et à spectre d’émission continu. Toutefois, dans le cas des anneaux de 3ème génération, le véritable enjeu scientifique est constitué par les onduleurs, des structures magnétiques périodiques insérées dans les sections droites de l’anneau. Les rayonnements synchrotron émis successivement par un électron donné lors de sa traversée de l’onduleur interfèrent entre eux. Il en résulte que la divergence du faisceau est réduite et que l’émission est concentrée dans des bandes spectrales étroites centrées à une longueur d’onde fondamentale λ et ses harmoniques λ/n (n impair). D’oω une brillance très élevée et des optiques relativement simples (faible ouverture, charge thermique limitée). On a la relation suivante :

λµ l 0/g 2, où l 0 est la période magnétique. Une source de rayonnement synchrotron optimale pour une application donnée est obtenue en choisissant la période magnétique et l’entrefer (qui doit être de l’ordre de l 0/3) ainsi que l’harmonique de l’onduleur. On sait maintenant fabriquer des onduleurs produisant du rayonnement X de longueur d’onde 1 Å sur un anneau de 3ème génération d’énergie intermédiaire. Ces onduleurs, à période courte et entrefer étroit (quelques mm), sont installés dans le vide de la chambre de l’anneau. La technologie est maintenant parfaitement maîtrisée et permet l’installation d’onduleurs X sur les anneaux d’énergie au moins égale à 2,4 GeV (ex : SLS à Villingen).

 

 

 

Encadré I (suite et fin)

Les éléments d’insertion d’un anneau synchrotron

Le wiggler multipôles est un autre type d’élément d’insertion. Il s’agit d’une structure constituée de plusieurs aimants alignés dont le champ magnétique est en général plus élevé que celui des aimants de courbure. L’émission synchrotron est ainsi décalée vers les courtes longueurs d’onde et l’intensité totale est proportionnelle au nombre d’aimants. Les wigglers permettent d’obtenir des rayons X avec des machines de 3ème génération dont l’énergie est trop basse pour l’installation d’onduleurs X (par exemple ALS, Bessy II, Elettra, Max II). Par rapport aux onduleurs X, les wigglers ont plusieurs défauts : leur faisceau a une divergence plus grande et une brillance plus faible ; la puissance des faisceaux est plus élevée puisque le spectre d’émission est continu ; la conception des optiques à large ouverture est en conséquence plus complexe, avec des problèmes de refroidissement et de dégradation accrus.

 

4.2. L’énergie optimale d’un synchrotron

Les électrons tournant dans l’anneau de stockage subissent une déperdition due, d’une part, aux chocs avec les traces de gaz présentes dans l’anneau malgré le vide de 10-9 hPa qui y règne, et, d’autre part, aux oscillations transverses existant dans le paquet d’électrons.

Plus l’énergie de la machine est élevée et plus la durée de vie des électrons est élevée. En outre, une énergie élevée permet d’utiliser des onduleurs de grande période qui permettent d’avoir une brillance supérieure.

Une finesse accrue des faisceaux augmente les risques de collisions entre les électrons et donc diminue leur durée de vie.

Le synchrotron ALS de Berkeley a vu son énergie portée de 1,5 à 1,9 GeV. L’un des inconvénients de sa configuration initiale était la durée de vie limitée à 1 heure de ses faisceaux, à comparer à celle de 20 h prévue pour SOLEIL.

Tels sont quelques-uns des paramètres critiques des synchrotrons.

Au reste, si l’objectif est de construire un synchrotron polyvalent, il s’agit de déterminer une zone de fonctionnement optimal à la fois pour la production de photons de basse énergie et de photons de haute énergie. Si une telle démarche est délicate, elle est néanmoins possible, comme l’a amplement démontré l’avant-projet détaillé SOLEIL.

4.2.1. Les contraintes de la basse énergie

Le premier facteur influençant la durée de vie des électrons est leur interaction avec les noyaux de l’air résiduel. Cette interaction varie comme l’inverse du carré de l’énergie (1/E2). Logiquement, plus l’énergie des électrons est forte et moins gênants sont les obstacles que représentent ces molécules d’air résiduel.

Un autre effet influe sur la durée de vie des électrons, l’effet Touschek qui désigne les interactions des électrons eux-mêmes dans le paquet qu’ils constituent. Cet effet est dominant par rapport aux précédents pour les faisceaux de haute brillance et de faible émittance qui caractérisent les synchrotrons de 3ème génération. Cet effet est fonction du carré de l’énergie (E2), de l’inverse de la densité des électrons (1/r ) dans le paquet et du cube de l’écart relatif moyen en énergie des électrons dans le paquet ([D E/E]3).

Les collisions des électrons dans le paquet entraînent des oscillations et une dispersion des énergies. Une " bonne " machine est capable d’accepter les oscillations en énergie et de réduire les écarts correspondants. Au demeurant, l’effet ([D E/E]3) est sensiblement plus important dans le domaine des basses énergies que pour les hautes énergies.

Au reste, l’énergie de la machine exerce une influence considérable sur la durée de vie des faisceaux. Le tableau suivant illustre d’une part les améliorations que l’on peut obtenir en haussant l’énergie d’une machine initialement de basse énergie et d’autre part l’écart qui continue d’exister avec un synchrotron conçu d’entrée au niveau optimal.

Tableau 10 : Influence de l’énergie sur la durée de vie des faisceaux

synchrotron

énergie

durée de vie

Soleil

2,5 GeV

20 h

ALS (Berkeley après up grade)

1,9 GeV

4 h

ALS (Berkeley initial)

1,5 GeV

1,5 h

Par ailleurs, si l’on veut un régime adapté à des mesures temporelles, il est nécessaire d’avoir peu de paquets d’électrons produisant des flashs courts, la durée de vie sur une machine comme l’ALS tombe alors à environ 20 mn. Une durée de vie insuffisante des faisceaux oblige à réinjecter des électrons en permanence, ce qui est un " remède " pire que le mal.

Une énergie de 1,5 GeV rend impossible les études de structure temporelle.

Or il s’agit là d’un domaine d’étude historiquement fort en France, qui doit être pérennisé car ses applications sont de plus en plus nombreuses. C’est ainsi que l’étude des structures temporelles représente près du tiers de l’activité de Super-ACO.

Par ailleurs, la longueur d’onde fondamentale du rayonnement produit par un onduleur est fonction de la période magnétique et de l’inverse du carré de l’énergie (1/E2). Pour obtenir des longueurs d’ondes correspondant à la gamme V – UV (visible - ultra violet), il est nécessaire d’avoir des onduleurs de grande période magnétique.

Au final, un synchrotron idéal pour les études en structure temporelle aura une énergie minimale de 2 GeV pour livrer des faisceaux de haute brillance avec une durée de vie suffisante.

En tout état de cause, les spécialistes des applications qui se font à basse énergie, rejettent l’idée de faisceaux d’énergie trop élevée, car ils nécessitent des onduleurs d’une longueur physique trop élevée et diminuent la durée de vie des optiques, des réseaux et des échantillons par effet de brûlure.

On trouvera ci-après des extraits de la note préparée par le LURE en réponse aux questions posées lors de la visite du 27 janvier 2000.

" Du côté du domaine basse énergie (lignes VUV), la communauté française est forte et structurée. Elle utilise largement le rayonnement synchrotron pour des expériences de physico-chimie des matériaux, de physique atomique et moléculaire ainsi que de biologie. Une de ses spécificités est une grande expérience dans l’utilisation de la nature pulsée du faisceau pour des mesures impliquant sa structure temporelle. Faire ces mesures dans de bonnes conditions exige la possibilité d’avoir en orbite des paquets d’électrons espacés et courts, quoique de haute densité afin de conserver une brillance suffisante. Pour avoir simultanément une bonne structure temporelle, une haute brillance et une bonne durée de vie (voir discussion sur l’effet Touschek dans l’encadré I), la conclusion de ces équipes - qui ont essayé un grand nombre de configurations sur diverses machines - a été que l’énergie de SOLEIL doit être d’au moins 2 GeV. Une énergie trop basse dégraderait la durée de vie et augmenterait très fortement la perturbation des onduleurs sur l’orbite des électrons, au point d’interdire leur ajustement en temps réel. Une énergie trop élevée (au-delà de 2,5 GeV environ) conduirait à des onduleurs trop longs ou à une dégradation inacceptable des optiques des lignes V-UV à cause de la puissance émise. Par exemple, pour un onduleur d’une longueur donnée, le passage de 2,5 à 3,0 GeV entraîne un doublement de la puissance totale et un quasi-triplement de la densité de puissance ".

Encadré II

Sur la durée de vie des faisceaux d’électrons dans un anneau de stockage

La durée de vie du faisceau stocké est définie comme l’intervalle de temps nécessaire à la réduction par e (e = 2,718…) du nombre d’électrons en orbite. Une longue durée de vie est évidemment un des éléments les plus importants dans les performances d’un anneau synchrotron.

Les électrons en orbite dans un anneau de stockage peuvent être perdus essentiellement par des interactions des électrons avec les atomes de gaz résiduel ou par des interactions entre électrons eux-mêmes dans le paquet (effet Touschek).

A basse énergie, l’interaction électrons-gaz est dominée par la diffusion élastique coulombienne des électrons sur la charge des noyaux d’atomes du gaz résiduel, qui varie en 1/g 2*. Les électrons sont perdus si l’angle de diffusion excède l’acceptance physique de l’anneau. Cette dernière est déterminée par les dimensions de la chambre à vide et par l’acceptance dynamique **. Une autre contribution, plus faible et pratiquement indépendante de l’énergie, est due à la diffusion inélastique (émission de Bremsstrahlung).

L’effet Touschek résulte de l’interaction entre deux électrons d’un même paquet qui effectuent des oscillations transverses (bétatron) et longitudinales (synchrotron). De l’écart entre les impulsions bétatron et synchrotron de ces électrons peut résulter un transfert d’énergie de la direction transverse vers la direction longitudinale. Le passage du référentiel du paquet d’électrons au référentiel du laboratoire multipliant les impulsions par le facteur g , le transfert d’impulsion peut devenir substantiel : en fait, si l’écart en énergie dans la direction longitudinale est supérieur à l’acceptance en énergie de l’anneau, il y a perte des particules. La contribution à la durée de vie Touschek est proportionnelle à g 2,5(approximativement), à 1/r et à (D E/E)3, où r est la densité volumique de charge dans le paquet et D E/E est l’acceptance en énergie de l’anneau. L’effet Touschek est dominant dans les anneaux de 3ème génération. La faible émittance (donc r grande) requise pour ces machines influe négativement sur la durée de vie Touschek, et ceci peut être compensé en accroissant l’énergie et l’acceptance dynamique. Toutefois, cette acceptance est limitée par les éléments d’insertion, et cette limitation est beaucoup plus grande à énergie plus basse. Il en résulte que, pour une machine donnée, la diminution de la durée de vie avec l’abaissement de l’énergie est beaucoup plus rapide que la dépendance en g 2,5 indiquée ci-dessus. Ceci est bien illustré par le cas de l’ALS à Berkeley. La durée de vie du faisceau de l’ALS est 4 h à 1,9 GeV et 1,5 h à 1,5 GeV. En régime adapté aux mesures temporelles (paquet unique court et de haute densité), la durée de vie s’effondre à 20 minutes.

La solution de l’injection à intervalles rapprochés (top-up) a été envisagée pour pallier une courte durée de vie. Toutefois, le top-up entraînerait des fluctuations et changements d’échelles qui sont inacceptables pour la plupart des utilisateurs.

--------------------------------------------

* g est le facteur de Lorentz, c’est à dire le rapport entre l’énergie totale de la particule et son énergie au repos.

** L’acceptance dynamique est l’amplitude transversale maximale des électrons pour laquelle le mouvement reste stable ; elle est déterminée par l’optique de l’anneau.

 

4.2.2. Les conditions de la haute énergie

Un premier constat de base doit être fait. Grâce à l’évolution technologique, en particulier sur les onduleurs, il n’est plus nécessaire, en l’an 2000, de construire une machine de l’énergie de l’ESRF (6 GeV) pour produire des rayons X " durs " avec un synchrotron. Une machine de moyenne énergie suffit, dont le coût est plus faible.

Pour obtenir des photons de haute énergie, c’est-à-dire des rayons X " durs ", un synchrotron de moyenne énergie doit être doté d’onduleurs courts présentant un entrefer étroit (10 à 30 mm). La technologie des aimants permanents placés dans des chambres sous vide représente une solution performante à cet égard.

Lorsque l’anneau a une énergie de départ insuffisante, la solution est d’ajouter des " wigglers " multipôles pour obtenir des rayons X. Cette solution, au demeurant coûteuse, a été utilisée à BESSY II (Berlin), ELETTRA (Trieste) et ALS (Berkeley). Les " wigglers " permettent la production de rayons X mais souvent avec des brillances relativement peu élevées.

En réalité, une telle solution est inférieure à celle qui consiste à implanter des onduleurs sur une machine d’énergie suffisante, comme dans le cas de la source SLS (Villigen, Suisse) d’une énergie de 2,4 GeV ou dans celui de SOLEIL.

Il faut noter, par ailleurs, que les très hautes énergies atteintes à l’ESRF n’ont pas, pour le moment, suscité un engouement particulier de la part des scientifiques. Le bilan scientifique des très hautes énergies est à l’heure actuelle modeste.

La note précitée continue de la manière suivante.

" Du côté des rayons X, l’utilisation des onduleurs X est une exigence, en particulier pour les besoins de la cristallographie des protéines. Les onduleurs à entrefer étroit actuels (encadré II) donnent de très hautes performances en brillance pourvu que l’énergie soit au moins 2,4 GeV. SOLEIL à 2,5 GeV sera une source remarquable de rayons X. Les diagrammes montrent qu’un onduleur de conception prudente (entrefer de 10 mm, période de 31 mm ) atteint une brillance de 1019 vers 1 Å (énergie des photons 12,4 keV) à l’énergie nominale 2,5 GeV. Des onduleurs encore plus performants (entrefer de 4mm), dont on peut penser que l’installation sera possible, si nécessaire, dès que le fonctionnement de SOLEIL sera bien maîtrisé, permettront d’atteindre une grande brillance à des longueurs d’onde encore plus courtes ".

 

4.2.3. L’optimum de 2,5 GeV

La communauté des utilisateurs de photons de basse énergie n’est pas intéressée par un synchrotron de basse énergie, notamment parce qu’une telle machine ne pourrait pas satisfaire leurs besoins parallèles en rayons X.

En réalité, l’avant-projet détaillé SOLEIL a défini une plage d’utilisation de 2,5-2,75 GeV, dans laquelle le fonctionnement optimisé se ferait à 2,5 GeV avec des passages possibles à 2,75 GeV, temporairement.

Au reste, un synchrotron de 1,5 GeV n’a pas un coût sensiblement inférieur à celui d’une machine de 2,5 GeV, sauf si son nombre de lignes de lumière est nettement inférieur, l’économie provenant alors non pas de la baisse d’énergie mais de celle du nombre de lignes de lumière.

Selon le LURE, les raisons de l’existence d’un optimum d’énergie pour un synchrotron moderne sont au total les suivantes :

" En conclusion, les besoins et les particularités de la communauté française sont satisfaits avec le choix de 2,5 GeV pour SOLEIL. Il existe des raisons très fondamentales qui conduisent à ce choix et à nul autre. Un anneau de 1,5 GeV, par exemple, aurait des performances médiocres (en particulier en durée de vie) pour la communauté VUV et conduirait à une machine de second ordre dans le domaine X. Une énergie sensiblement plus élevée que 2,5 GeV ne convient pas non plus à la communauté basse énergie.

" Il faut aussi noter la stabilité du comportement de SOLEIL dans une large gamme d’énergie. Tel qu’il est, SOLEIL pourra fonctionner occasionnellement à 1,5 GeV (le laser à électrons libres sur anneau ne peut pas fonctionner au-delà de 1,5 GeV compte tenu de la détérioration des miroirs de la cavité optique) et 2,75 GeV. Le caractère occasionnel du fonctionnement à ces énergies est lié au caractère exclusif de leur domaine d’utilisation (exclusion des X à 1,5 GeV et exclusion de la très basse énergie à 2,75 GeV). Cette adaptabilité est un avantage décisif pour faire face aux besoins nouveaux et imprévus qui surgiront dans le futur.

" Enfin, un anneau de basse énergie offrant le même nombre d’insertions que SOLEIL ne permettrait pas de réaliser d’économies significatives. Pour disposer du même nombre d’insertions, l’anneau comporterait en effet le même nombre de cellules et conserverait approximativement la même circonférence, et par conséquent le bâtiment serait de taille très similaire. La seule économie serait sur la puissance des éléments magnétiques et celle des cavités accélératrices. Quant aux lignes de lumière et aux dispositifs expérimentaux, la présence de wigglers multipôles (dont certains à éléments supraconducteurs) au lieu d’onduleurs X aurait une incidence négative sur les coûts de construction et d’exploitation pour des performances moindres. Envisager un projet basse énergie beaucoup moins coûteux que SOLEIL suppose donc implicitement des capacités en lignes de lumière largement réduites ".

4.2.4. Les raisons des choix faits pour SOLEIL

Au vrai, le projet SOLEIL avec une énergie de 2,5 GeV présente bien un optimum en terme de stabilité des faisceaux, de capacité à délivrer des rayonnements de toutes longueurs d’onde et à rendre possible l’étude des structures temporelles.

Au reste, le projet SOLEIL présente une véritable complémentarité par recouvrement avec le projet DIAMOND, dont l’énergie devrait probablement ressortir à 3,5 GeV. En outre, SOLEIL, machine non spécialisée, a un potentiel d’ouverture considérable sur de nouvelles applications, notamment dans le domaine des études dynamiques. La définition de SOLEIL est au total justifiée par les raisons suivantes :

" L’énergie d’un anneau de stockage à électrons est un paramètre crucial pour les performances de l’installation et sa conception générale. Sa taille est un critère distinct qui intervient directement sur le nombre d’insertions (onduleurs), qui se répercute sur le nombre d’expériences que l’on peut y installer et le coût. L’énergie nominale choisie pour SOLEIL est de 2,5 GeV, avec une utilisation occasionnelle à 1,5 GeV et à 2,75 GeV.

SOLEIL a été conçu de manière à satisfaire les besoins d’une communauté d’utilisateurs très étendue dont les besoins vont des photons de basse énergie aux rayons X. On a également tenu compte de certaines spécificités des équipes françaises ".

4.2.5. L’irréalisme du concept de " machine dédiée " de faible énergie

L’évolution technologique des synchrotrons fait qu’aujourd’hui, le concept de machine " dédiée " à tel ou tel type d’application n’a pas de sens.

Ce concept résulte de la dichotomie qui a pu exister entre les synchrotrons d’énergie faible ou moyenne produisant des rayonnements VUV – X " mous " et la nécessité à laquelle il a fallu faire face pendant un temps de construire une machine de grande taille comme l’ESRF (6 GeV) pour produire des rayons X " durs ".

Une telle dichotomie n’a plus de sens aujourd’hui. Les synchrotrons sont de moins en moins spécialisés.

A condition de lui conférer d’entrée une énergie suffisante, un même synchrotron peut couvrir toute la gamme des longueurs d’onde, avec une égale efficacité. L’exemple type est celui de la machine suisse de Villigen, dont la définition est la plus récente et la construction en cours, qui présentera des hautes performances, à la fois dans la gamme V-UV – X " mous " et dans la gamme X – X " durs ".

Par ailleurs, la voie des machines dédiées de faible énergie (1,5 GeV), sans intérêt sur le plan scientifique, ne semble pas non plus présenter d’avantage économique. Les économies de construction sur les infrastructures et la source sont négligeables lorsque l’on passe d’une énergie de 2,5 GeV à 1,5 GeV. Les seules économies envisageables ne proviendraient pas de la réduction d’énergie mais de la diminution du nombre de lignes.

Une machine de basse énergie n’aurait aucune complémentarité avec les synchrotrons récemment construits sur ces bases, à savoir MAX II (Lund) et BESSY II (Berlin).

Enfin, si une augmentation de puissance à 2,5 GeV devait s’avérer nécessaire pour une machine construite à 1,5 GeV, le coût de transformation serait élevé, du fait de la nécessité d’implanter des " wigglers " multipôles coûteux en investissement et en fonctionnement.

4.3. Le passage de DCI et Super-ACO à SOLEIL

La durée de vie des installations du LURE à compter du début 2000 ne devrait pas dépasser 5 à 6 années si l’on veut éviter des dépenses importantes dues à leur vétusté. Outre la maintenance, des dépenses d’infrastructure sont également nécessaires, notamment pour le désamiantage et la radioprotection. En dehors de ces considérations économiques, la durée de vie technique pourrait toutefois être supérieure.

La construction de SOLEIL sur l’actuel site du LURE à Orsay est difficilement envisageable, en dépit des économies qu’elle permettrait.

Ce sont l’étroitesse des terrains, la présence de l’Yvette, une rivière à crues et la mauvaise qualité du sous-sol qui compromettent cette solution.

Pour autant, il existe à proximité, sur le plateau de Saclay, un terrain de 50 ha avoisinant l’Ecole polytechnique qui présente toutes les caractéristiques requises pour la construction du nouveau synchrotron SOLEIL.

Les expériences de DCI et Super-ACO transférables sur SOLEIL seront peu nombreuses.

En réalité, compte tenu des progrès techniques permanents faits sur l’optique des lignes et sur l’instrumentation, plus la construction effective de SOLEIL est repoussée dans le temps et plus les équipements du LURE sont obsolètes et inutiles pour ce dernier, d’où la disparition d’économies possibles à bref délai.

5. Les lasers à électrons libres

Déjà le premier à étudier le rayonnement onduleur sur lequel sont basées les machines de 3ème génération, le LURE est le seul centre de rayonnement synchrotron à faire fonctionner des lasers à électrons libres sur anneau et sur accélérateur linéaire.

De fait, le laser à électrons libres sur Super-ACO a longtemps détenu le record de mise en évidence de l’effet d’interférences amplificatives pour les longueurs d’onde les plus faibles. Par ailleurs, CLIO, petit accélérateur linéaire de 50 MeV mis en service début 1992 a permis d’ouvrir un nouveau domaine d’applications de lasers infrarouge.

Dans les deux cas, il s’agit de provoquer un phénomène d’autoamplification spontanée du rayonnement afin de gagner plusieurs ordres de grandeur dans la brillance.

Toute la difficulté consiste à passer des longueurs d’onde élevées pour lesquelles cet effet a été observé à des longueurs d’onde de plus en plus faibles, de façon à le faire jouer, par exemple pour les rayons X.

Les travaux sur les lasers à électrons libres sont peu nombreux dans le monde. Il s’agit d’une recherche de pointe pour mettre au point des machines complémentaires des anneaux de stockage.

La position du LURE dans la compétition mondiale sur les lasers à électrons semble être de bon niveau.

5.1. Le laser à électrons libres à cavité optique

Les lasers à électrons libres utilisant des cavités optiques ont pour principe la création d’interférences amplificatives. Leur avantage est d’être en principe accordables dans une large gamme d’énergie, grâce à la modification des deux paramètres modifiables que sont l’énergie des électrons et le champ magnétique de l’entrefer. La figure suivante présente un schéma de principe de ce laser à électrons libres.

Figure 1 : Schéma du laser à électrons libres du LURE

 

La démonstration de l’effet d’amplification a été faite pour des rayonnements d’une longueur d’onde égale ou supérieure à 20 µm. Il reste, tâche considérable, à descendre dans la gamme des longueurs d’onde.

5.2. L’effet SASE sur des onduleurs

L’effet SASE (Self Amplified Spontaneous Emission) correspond à un autre schéma de laser à électrons libres. Dans ce schéma qui ne fait pas appel à une cavité optique, l’amplification s’effectue en un seul passage sur un onduleur de grande longueur. Cet effet a été observé en 1985-1986 aux Etats-Unis, au laboratoire de Lawrence Livermore, puis au MIT en 1988-1989 et enfin en 1997 sur l’installation CLIO du LURE pour des longueurs d’onde infrarouge.

L’avant-projet détaillé SOLEIL prévoit un onduleur de 14 m pour continuer les études sur l’effet SASE.

La difficulté est de parvenir à reproduire le gain obtenu dans l’infrarouge à des longueurs d’onde plus courtes.

Il s’agit ici aussi d’un domaine de recherche prometteur pour préparer des machines complémentaires des anneaux de stockage actuels. Le domaine des lasers à électrons libres est celui de l’optique non linéaire, alors que celui des anneaux de stockage est l’optique linéaire.

Les lasers à électrons libres devraient produire des rayonnements beaucoup plus puissants que les autres lasers, avec des accordabilités également supérieures. La brillance atteinte devrait être supérieure à celle des synchrotrons de 3ème génération. L’objectif sera d’étudier la dynamique de différents phénomènes, notamment les réactions des protéines sur des intervalles de temps de quelques femtosecondes.

D’une manière générale, le LURE constitue un centre de compétences qui est un des nœuds du réseau de recherche sur les lasers à électrons libres. Le non-renouvellement des ses installations, en lui faisant perdre ses compétences et donc sa " monnaie d’échange " ferait immanquablement sortir la France de la coopération internationale.

En outre, la France perdrait son rôle actif de fournisseur d’accès pour des pays ne possédant pas encore de synchrotrons et verrait donc disparaître sa position active vis-à-vis de pays comme l’Espagne.

Conclusion

Site pionnier du rayonnement synchrotron en France, le LURE constitue aujourd’hui en premier lieu un super-laboratoire au service de plusieurs centaines de laboratoires français répartis dans toute la France.

Simultanément, le LURE continue ses recherches avec succès sur les synchrotrons. Après avoir joué un rôle de premier plan dans la mise au point des premiers onduleurs, le LURE a été l’un des co-architectes de l’ESRF et participe à la course mondiale relative aux lasers à électrons libres.

Ses installations, malheureusement, commencent à être vieillissantes et saturées en terme d’encombrement, de sorte que la question est posée de leur remplacement depuis le début des années 1990.

Alors que le LURE, une communauté d’environ 400 personnes, dessert près de deux mille chercheurs et que ses résultats de recherche sont d’excellente facture comme le prouvent ses publications dans des revues prestigieuses, on ne voit pas que sa fermeture se puisse concevoir pour quelque motif que ce soit.

 

 

II – Visite de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) – Grenoble – vendredi 28 janvier 2000

Les informations présentées ci-dessous ont été rassemblées lors de la visite de l’ESRF, effectuée le 28 janvier 2000 par une délégation de l’Office. Elles résultent des propos de M. Yves PETROFF, directeur général de l’ESRF et de ses collaborateurs.

I – Le rayonnement synchrotron : applications actuelles et besoins futurs

1. Perspectives qualitatives

1.1. La biologie structurale

Les protéines assurent un nombre très important de fonctions dans les organismes vivants. Il existe des protéines enzymes comme les lipases ou les synthétases. On trouve également des protéines de transport, comme l’hémoglobine. Certaines protéines sont structurales, comme la kératine ou le collagène. D’autres protéines jouent le rôle de transmetteurs de signaux, comme les protéines récepteurs et les protéines des canaux ioniques.

Or la fonction d’une protéine est étroitement reliée à sa structure. D’où l’importance d’élucider les structures des protéines pour comprendre comme fonctionnent ces " micromachines " du vivant.

1.2. Les besoins d’automatisation pour la résolution des structures

La croissance explosive de la demande de temps de faisceau pour les études structurales de molécules biologiques est un fait établi.

Au fur et à mesure de l’approfondissement de leur expérience dans l’utilisation du rayonnement synchrotron, les biologistes formulent de nouvelles demandes. Parmi celles-ci, il faut citer l’automatisation, parce qu’elle est très importante pour l’avenir.

La cristallisation d’une protéine est un processus difficile, artisanal et lent, aucune méthode générale ne pouvant s’appliquer à tous les cas de figure. La durée de cristallisation d’une protéine peut en effet varier de quelques heures à un an et se réaliser sous des conditions de température et de solvant extrêmement diverses.

De surcroît, plus la taille du cristal à obtenir est grande et plus les risques sont grands de voir apparaître des défauts de croissance dans le cristal, tels que des macles.

L’intérêt des utilisateurs est donc de pouvoir soumettre au rayonnement synchrotron les cristaux les plus petits possibles. A l’heure actuelle, les installations de l’ESRF peuvent traiter des cristaux de 20 µm, le faisceau pouvant être inférieur à 1 µm en hauteur. Il s’agit donc de pouvoir monter des cristaux de 20 µm sur un goniomètre, sans rupture de la chaîne de froid indispensable pour la conservation de la protéine. De telles opérations étant très délicates, les utilisateurs souhaitent leur automatisation, depuis l’extraction du conteneur de transport réfrigéré jusqu’au positionnement sur le goniomètre.

Il est manifeste que l’automatisation serait de nature à assurer un meilleur confort aux utilisateurs mais aussi à accélérer les passages en machine. Elle pourrait ouvrir la voie au " screening ", c’est-à-dire au contrôle systématique rapide des cristaux avant les manipulations complètes liées aux études structurales.

L’automatisation est probablement à même de limiter l’augmentation du nombre de lignes de lumière requises par l’explosion de la demande de la biologie structurale en temps de faisceau mais elle ne peut pas la satisfaire à elle seule.

L’industrie européenne se caractérise par un retard certain sur l’industrie américaine dans ce domaine et devrait le combler à l’avenir, ce qui augmentera encore la demande de temps de faisceau.

1.3. Les applications médicales

Les applications médicales sont parmi les plus spectaculaires des applications nouvelles du rayonnement synchrotron à l’ESRF. Plusieurs voies de recherche sont actuellement explorées tant sur ce synchrotron qu’à DESY (Hambourg), ELETTRA (Trieste) et au Japon.

La première catégorie est celle de l’imagerie médicale. L’intérêt exceptionnel du rayonnement synchrotron est non seulement de fournir des images d’une rare qualité de définition mais également de livrer des données quantitatives sur les concentrations in vivo. Les principales recherches concernent l’imagerie cardiovasculaire (coronarographie par voie intraveineuse) et rénale, la tomographie, la bronchographie et la mammographie par contraste de phase. Dans tous les cas, des résultats importants sont déjà obtenus, la question essentielle à résoudre étant celle de la généralisation des méthodes mises au point à un public étendu.

Le rayonnement synchrotron fait également l’objet d’applications thérapeutiques, par exemple les thérapies par activation photonique ou par microfaisceau.

1.4. Les structures temporelles

Grâce à ses pulsations de très faible période, le rayonnement synchrotron se prête à l’étude des phénomènes dynamiques et donc à la résolution de structures temporelles.

1.5. Le cas particulier de la tomographie 3D

La cohérence du rayonnement synchrotron permet la reconstruction d’images en trois dimensions par contraste de phase. Cette nouvelle possibilité des synchrotrons trouve déjà des applications importantes dans l’analyse des matériaux qui absorbent peu les rayons X, par exemple les polymères, alors que la méthode n’a été mise au point qu’il y a trois ans. Parmi les principaux résultats de cette méthode, figurent les défauts dans les quasi-cristaux, l’interface liquide-catalyseur, les éponges de polymères et les structures des catalyseurs.

La demande d’expérimentations de ce type est en forte croissance et représente d’ores et déjà la deuxième source de financement extérieur de l’ESRF.

1.6. Les autres applications

L’ESRF constate des demandes croissantes de l’industrie pour le contrôle de formules pharmaceutiques. Ainsi, comme l’activité des molécules dépend de la présentation des médicaments, l’étude des poudres revêt une importance croissante dans l’industrie pharmaceutique, ce qui conduit l’ESRF à proposer une assistance particulière aux utilisateurs dans ce domaine, ce qui se traduira probablement par l’embauche d’un ingénieur.

La croissance de la demande pour l’imagerie rayons X a conduit à un autre recrutement, ainsi que les études liées à la microélectronique.

Les études sur le magnétisme connaissent également une très forte croissance. L’accès rapide au rayonnement synchrotron est là aussi un facteur décisif pour les chercheurs dans ce domaine.

2. Les besoins quantitatifs

2.1. Les indicateurs à utiliser

S’agissant des statistiques relatives aux performances des synchrotrons comme aux besoins en rayonnement synchrotron, la nature de l’indicateur utilisé est d’une grande importance. Il convient de distinguer le nombre d’utilisateurs et le temps de faisceau.

En effet, l’élucidation de plusieurs structures de protéines peut être faite en 8 heures, les données étant récupérées en 5-6 minutes dans certains cas et la structure étant reconstituée par ordinateur en 35 minutes.

Au contraire, une expérimentation sur une surface doit durer au moins une semaine, tant les manipulations préparatoires peuvent être délicates et longues.

2.2. Les prévisions en matière de besoins

Pour M. Yves FARGE, les besoins à l’avenir seront de 70 % de rayons X et 30 % pour les UV et les X " mous ".

M. Yves PETROFF aboutit à une répartition voisine : 60 % pour les rayons X et 40 % pour les UV et les X " mous ".

Les applications des UV et des rayons X " mous " ne peuvent pour autant être tenues pour négligeables. En tout état de cause, il est indispensable de pouvoir disposer d’une diversité dans les méthodes d’analyse afin d’étudier les propriétés électroniques d’un matériau nouveau, domaine où sont utiles les UV et les X " mous ", ainsi que les structures atomiques, domaine des rayons X " durs ".

S’agissant des rayons X, la biologie ne représentera que 30 % des temps de faisceau.

Ce chiffre est voisin de ce que l’on observe actuellement à l’ESRF. Ainsi, en temps de faisceau, la biologie n’est pas le premier utilisateur des synchrotrons

Une erreur est donc commise par de nombreux observateurs, celle de croire que la biologie représente à elle seule l’avenir des rayons X produits par les synchrotrons. Rien n’est plus faux puisque les sciences physiques et chimiques devraient représenter 70 % du temps de faisceau en rayons X.

Au demeurant, la croissance des besoins de la biologie est réelle. Certes, l’automatisation viendra sans doute atténuer les investissements nécessaires en lignes supplémentaires. Mais les besoins sont en forte croissance. Il est probable à cet égard que, conformément à ce qu’a estimé M. René TRÉGOUËT, Sénateur, rapporteur, la biologie devienne une source de revenus importante pour les synchrotrons.

Au reste, il faut souligner le retard de l’Europe sur les Etats-Unis, ainsi que le montre le tableau suivant construit par M. Yves PETROFF.

Tableau 11 : Evolution des lignes disponibles pour la biologie

nombre de lignes de lumière pour la biologie

1999

2002

Etats-Unis

24

40

Europe

13

20

Les ventes pures et simples de temps d’accès à l’ESRF pour des expérimentations urgentes et confidentielles sont en croissance forte. Elles ont doublé entre 1998 et 1999. Les perspectives détaillées pour 2000 sont indiquées dans le tableau suivant.

Tableau 12 : Estimations des ventes de temps de faisceau de l’ESRF pour 2000

Estimations pour 2000

Shifts (8 heures de temps de faisceau)

Utilisateurs non différenciés

150

Wellcome Trust

150-300

Rayons X

100

Medea (microélectronique)

100

Total en shifts

575

Total en francs

10 millions

Un autre facteur devrait faire croître les demandes de temps d’accès. La plupart des laboratoires de recherche dans le domaine de la biologie bénéficient de contrats avec des industriels. Compte tenu de la pression de la concurrence, le facteur temps devient une variable critique. En conséquence, l’industrie pourrait pousser la recherche publique à utiliser davantage le rayonnement synchrotron. A l’heure actuelle, 20 à 25 % du temps de faisceau sont d’ores et déjà utilisés par des équipes universitaires liées à des groupes industriels.

En outre, la construction de sources performantes révèle les besoins et conduit de nouveaux utilisateurs, notamment industriels, à accéder à ces ressources.

M. Yves PETROFF a ainsi indiqué qu’" au début des années 90, je croyais que la demande de temps de faisceau allait ralentir sa croissance. En réalité on ne constate aucun ralentissement, ni aux Etats-Unis, ni en Europe, ni au Japon ".

II – Les concurrents des synchrotrons actuels

1. Les mini-synchrotrons

Les mini-synchrotrons représentent une voie intéressante pour des applications industrielles. A cet égard, on peut imaginer un développement des mini-synchrotrons pour la microélectronique. La lumière cohérente produite par les grandes installations, qui se caractérisent par une faible émittance, entraîne en effet la formation d’interférences défavorables à la lithographie, au contraire de celle produite par d’éventuels mini-synchrotrons.

2. La RMN

Pour M. Yves PETROFF, la RMN à 1 GHz, un projet lancé il y a une quinzaine d’années, a tout du mythe durable. La mise au point d’un prototype ne peut se faire avant 5 à 7 ans. D’une part, les difficultés techniques sont considérables, et d’autre part, les spécialistes du magnétisme réclament en vain aux biologistes une prise en charge du projet. De plus, l’homogénéité sera insuffisante pour les structures biologiques, d’où une application préférentielle à la chimie.

En tout état de cause, selon M. Yves PETROFF, cette méthode ne pourra pas s’appliquer qu’à des molécules de taille limitée. La résolution du ribosome ou des gros virus comprenant jusqu’à 25 millions d’atomes semble hors de portée.

En revanche, la RMN est complémentaire du rayonnement synchrotron pour la résolution de petites structures " en solution ".

3. Les lasers à électrons libres et les synchrotrons de 4ème génération

L’effet SASE d’amplification sans saturation à la base des lasers à électrons libres a été démontré pour des longueurs d’onde de 15 à 20 µm, c’est-à-dire dans l’infrarouge. L’effet d’amplification s’atténue lorsque la longueur d’onde diminue. Il reste donc un chemin très important à faire pour parvenir à provoquer ce phénomène pour les longueurs d’onde de l’ordre de l’angström qui correspond aux rayons X.

En toute hypothèse et avec les connaissances actuelles, un laser à électrons libres de forte énergie appartient au domaine de la recherche fondamentale à conduire dans le cadre d’une coopération mondiale. Le coût d’un laser à électrons libres dans le spectre des rayons X pourrait atteindre 60 à 70 milliards de francs, soit plus de vingt fois celui de l’ESRF, mais il s’agirait d’un projet commun à la physique des particules et au rayonnement synchrotron.

Au demeurant, une telle machine, à supposer qu’elle puisse être mise au point, ne couvrirait qu’une partie marginale des besoins en rayonnement synchrotron.

Les anneaux de stockage ont donc un bel avenir devant eux.

III – Les effets d’entraînement scientifique et économique des synchrotrons

1. Les effets d’entraînement scientifique

L’examen de la littérature scientifique mondiale démontre que les synchrotrons constituent des outils d’excellence scientifique, permettant d’acquérir et de maintenir une position compétitive dans la science mondiale.

1.1. Les indispensables précautions méthodologiques

La mesure des performances des synchrotrons par le nombre de publications scientifiques réalisées grâce à chacun d’eux doit être assortie de précautions.

En raison de l’application de plus en plus rapide des résultats de la recherche fondamentale, il est en effet fréquent que la presse non spécialisée cite des articles publiés par des revues scientifiques spécialisées. Ainsi, grâce à un travail réalisé en collaboration entre l’ESRF, l’Oréal et le Musée du Louvre, il a été démontré que la civilisation égyptienne avait la maîtrise de procédés de chimie humide, utilisés en l’occurrence dans des produits de maquillage, deux composants artificiels ayant été identifiés.

Ce résultat, publié dans la revue " Nature ", a été repris par la grande presse, ce qui n’a pas été le cas pour un autre article du même numéro de " Nature ", relative à un article sur la structure de la glace sous une pression de 1,7 million de bars et qui, d’un point de vue scientifique, est beaucoup plus important.

Par ailleurs, pour comparer la productivité des synchrotrons, il est impératif de tenir compte des différences de performances intrinsèques. Ainsi, le faisceau du LURE présente une hauteur de 3 à 4 mm alors que celle d’un faisceau standard de l’ESRF est de 8 µm.

Au total, le nombre absolu de publications n’a pas de signification. La qualité des revues et des articles doit nécessairement être prise en compte.

1.2. Les synchrotrons, instruments de compétitivité scientifique

Parmi les grandes premières mondiales réalisées à l’ESRF, figure l’élucidation de la structure du virus de la langue bleue, la structure du nucléosome, l’étude de l’hydrogène et de la glace à des pressions très élevées (1 à 2 millions de bars), et l’imagerie en lumière cohérente. On peut aussi signaler les études temporelles à l’échelle de 100 picosecondes, par exemple celle relative à la fixation du CO sur la myoglobine, grâce à la qualité de ses faisceaux et en particulier de leur parallélisme et grâce à celle de son instrumentation.

L’ALS de Berkeley a, depuis quelques années, accumulé de nombreux succès expérimentaux dans la résolution des structures de protéines grâce à la présence, au sein et autour du synchrotron, des groupes scientifiques de niveau mondial. Le nombre de publications obtenu avec la seule " expérience " dont dispose l’ALS dans ce domaine, est le premier au monde.

Certes la source n’est pas la meilleure que l’on puisse trouver, mais la qualité des chercheurs, résidents ou permanents, un facteur critique dans la rentabilisation de l’équipement au niveau scientifique, repousse les limites de l’équipement.

M. Yves PETROFF a donné les premiers résultats d’une étude qu’il a effectuée sur les publications des principaux synchrotrons mondiaux, dans les revues scientifiques les plus prestigieuses. Les résultats en seront disponibles d’ici à quelques semaines.

1.3. Les synchrotrons, outils de formation des chercheurs

L’ESRF a conduit récemment une étude sur le devenir de ses anciens salariés chercheurs et techniciens.

Sur les 130 personnes répertoriées, 50 à 60 % ont obtenu, après leur départ de l’ESRF, des postes universitaires ou dans des organismes de recherche et 30 % ont été embauchés dans l’industrie. Au total, les anciens salariés de l’ESRF n’ont pas rencontré de difficultés majeures pour retrouver un emploi.

2. Les effets d’entraînement économique

Les effets directs d’entraînement économique d’une installation comme le synchrotron s’exercent par l’intermédiaire des dépenses annuelles de fonctionnement mais aussi par les investissements initiaux et de rajeunissement.

Sur les quatre cent millions de francs de budget annuel de l’ESRF, 300 millions de francs sont dépensés en France, pour une contribution française annuelle de 110 millions de francs.

S’agissant des investissements, le coefficient de retour est de 1,4 pour une part de 27,5 % dans un investissement de 2,2 milliards de francs étalé sur 11 ans (de 1988 à 1998).

Ce coefficient de retour largement supérieur à 1 correspond au " privilège du site ", habituel pour le pays hôte.

Le coefficient de retour du Royaume Uni atteint pour sa part 1,2. Dès la signature de la convention internationale donnant naissance à l’ESRF, le Royaume Uni a, suivant ainsi sa tradition, constitué un groupe d’industriels britanniques susceptibles de soumissionner aux appels d’offre.

IV – Un optimum de taille existe-t-il en termes de performances et de coûts ?

1. L’optimum en énergie

1.1. Le rapport Birgeneau

La question de l’optimum d’énergie d’un synchrotron a longuement été évoquée dans le rapport Birgeneau, élaboré par un comité scientifique américain de haut niveau regroupant 18 spécialistes des synchrotrons, utilisateurs et chercheurs de toutes disciplines. Ce rapport présente des évaluations des sources existantes et des recommandations pour de nouvelles sources de rayonnement synchrotron.

Le synchrotron ALS de l’université de Berkeley d’une énergie de 1,9 GeV a été sévèrement jugé par le comité Birgeneau, en raison de résultats scientifiques faibles au démarrage de l’installation. En conséquence, le rapport Birgeneau a stigmatisé les inconvénients de machines de 1,5 GeV à 2 GeV, dont la construction avait été décidée pour répondre aux besoins en UV et X " mous ", jugés les plus importants lors de la décision de construire l’ALS.

La vérité oblige à dire toutefois que cette installation n’avait pas été autorisée au départ à dépasser des énergies de 4 keV, ce qui réduisait le nombre d’utilisateurs à 300 et donc le nombre de résultats scientifiques publiés. La vérité oblige aussi à dire que, peu après la publication du rapport, le nouveau directeur de l’installation, M. Chemla, d’origine française, a entamé une remise en ordre complète de l’installation. Aujourd’hui, l’ALS dispose d’une nouvelle ligne de lumière destinée à la biologie qui a les meilleures performances par station expérimentale de tous les synchrotrons américains.

Il est à noter que l’ESRF dispose d’une ligne utilisée à des niveaux d’énergie semblable, qui rencontre également de grands succès. Grâce à la durée de vie de 60 heures des paquets d’électron et l’extrême finesse du faisceau, les expériences de spectroscopie et de diffraction exécutées à des énergies comprises entre 1 keV et 300 keV font l’objet d’une forte demande.

Au demeurant, la grille d’analyse proposée par le rapport Birgeneau était la suivante :

- les rayonnements UV et X mous produits par les machines d’énergie inférieure à 2 GeV, d’une part, et, d’autre part,

- les rayons X et X durs produits par les machines d’énergie d’environ 6 GeV.

Cette distinction a perdu de sa pertinence depuis lors, à cause de la faible émittance des sources de 3ème génération. En effet l’implantation de " wigglers " ou d’aimants supraconducteurs sur une section droite d’une source brillante d’environ 1,9 GeV permet d’obtenir des rayons X d’une bonne qualité. La même opération peut être faite avec des onduleurs.

Toutefois les responsables de l’ALS de Berkeley regrettent encore que le niveau d’énergie de leur machine soit trop bas et opteraient aujourd’hui, si cela était à refaire, pour un niveau de 2,5- 3 GeV.

1.2. Les limites des machines de faible énergie

Les trois à quatre sources européennes dont l’énergie est de l’ordre de 1 à 1,5 GeV apparaissent trop limitées à leurs responsables. Il est certes possible de remonter en énergie mais au prix d’investissements importants et pour obtenir au total de résultats inférieurs à ceux des sources d’énergie plus élevée.

La raison en est que les faisceaux sont instables lorsque l’énergie du synchrotron est faible. Avec une énergie de 1,9 GeV et a fortiori de 1,5 GeV, la durée de vie des paquets d’électrons est trop courte. Pour hausser l’énergie, il faut des investissements lourds en aimants supraconducteurs, dont le fonctionnement est au demeurant peu ajustable.

En définitive, M. Yves PETROFF estime que l’optimum est 2,5-3 GeV, qui permet d’avoir des faisceaux stables et des durées de vie correctes.

2. L’optimum en termes de coûts

2.1. L’importance du coût des lignes de lumière

Le coût de l’instrumentation des lignes de lumière pour la biologie est aujourd’hui bien connu et a tendance à augmenter.

A titre d’exemple, le prix des détecteurs CDD est passé de 1,5 million de francs à 4,5 millions de francs en 3 ans, et devrait atteindre probablement 6 millions de francs dans deux ans. D’où l’intérêt de grouper les achats au niveau européen.

Au reste, l’ESRF a démontré que, par une politique d’appels d’offre élargis à l’ensemble de l’Europe, voire du monde, il est toutefois possible de diminuer les prix d’environ 20 %.

Le poids des lignes de lumière est au total très important dans le total de l’investissement. En conséquence, l’importance de l’énergie en termes de coûts apparaît relativisée.

2.2. La nécessité d’évaluations exhaustives

Le cas du SLS, synchrotron suisse en cours de construction, est un exemple d’évaluations dont la rigueur a été insuffisante au départ.

Le coût de construction de ce synchrotron de 2,4 GeV a été présenté au départ comme égal à 600 millions de francs. Les constructeurs ont ensuite précisé que ce coût ne comprenait pas celui des lignes de lumière. Les dépenses en personnel ont à leur tour été rajoutées. De sorte que le coût de cet équipement ressort aujourd’hui à 1,2 milliard de francs, soit le double de l’estimation de départ pour 5 lignes de lumière.

Un autre élément doit être pris en compte dans les budgets de fonctionnement, en particulier les recettes additionnelles aux crédits budgétaires. Ainsi, ce poste peut être très important pour certaines installations comme l’APS d’Argonne où seules 6 lignes sur les 50 sont construites sur le budget du laboratoire, ce qui veut dire que le budget annuel réel est de 85 + 45 millions de dollars.

2.3. Un optimum de 3 GeV

Selon M. PETROFF, la différence de coûts de construction entre un synchrotron à 1,9 GeV et un synchrotron à 2,5 ou 3 GeV est faible.

La relation entre le coût de construction d’un synchrotron et son énergie est en effet au maximum linéaire plutôt que quadratique.

Au demeurant, la manière dont la réalisation de l’investissement est gérée est fondamentale.

Pour réduire les coûts de construction et de jouvence de l’installation, il est indispensable de planifier les dépenses d’investissement. Ainsi, l’ESRF dispose de 62 dispositifs d’insertion. Des appels d’offre ont été passés pour la fourniture de ces appareils, avec un nombre total fixé à l’avance. Le constructeur sélectionné a pu ainsi amortir les coûts de réalisation des outils spécifiques sur une série longue, ce qui permet à l’ESRF de mettre en œuvre les onduleurs les moins coûteux du monde.

En toute hypothèse, le niveau d’énergie 2,5-3 GeV semble constituer l’optimum, tant en termes d’énergie que de coûts.

V – Les propositions de solutions pour la France, présentées par M. Yves PETROFF, directeur général de l’ESRF

1. " La dépense française en rayonnement synchrotron n’est pas disproportionnée "

La dépense française dans le domaine du rayonnement synchrotron est-elle disproportionnée ?

Selon Yves PETROFF, directeur général de l’ESRF, il n’en est rien.

1.1. Des dépenses annuelles par chercheur limitées

La contribution du CNRS au budget annuel de l’ESRF est de l’ordre de 55 millions de francs, pour 1000 utilisateurs français chaque année, à mettre en perspective avec un budget annuel de 6 milliards de francs.

Au total la France dépense chaque année 250 millions de francs pour le rayonnement synchrotron, soit 130 millions de francs pour le LURE et 110 millions de francs pour l’ESRF. Les 110 millions de francs versés à l’ESRF sont pris en charge pour moitié par le CEA et par le CNRS. La dépense totale ressortit donc à 110 000 francs par an et par chercheur.

1.2. Des dépenses inférieures à celles des autres pays

M. Paul CLAVIN a affirmé que les Etats-Unis dépensent moins que la France pour le rayonnement synchrotron. En réalité, des lacunes existent dans son recensement des synchrotrons financés en partie ou en totalité par le budget fédéral, ce qui minimise la contribution de ce dernier.

D’après M. CLAVIN, les dépenses annuelles des Etats-Unis dans le domaine des synchrotrons s’élèvent en apparence à 1 milliard de francs. En réalité, ce chiffre doit être doublé car 3 centres de rayonnement synchrotron n’émargent pas au budget du DOE – Chess, Wisconsin et Louisiana – et que seule une petite partie des lignes est financée sur le budget du laboratoire.

Selon M. Yves PETROFF, si la France dépensait proportionnellement autant que les Etats-Unis dans le domaine du rayonnement synchrotron, le montant des crédits alloués à ce domaine s’élèverait à 400 millions de francs, au lieu des 250 millions actuels.

Au demeurant, selon M. Yves PETROFF, les crédits consacrés aux très grands équipements diminuent en France de 10 % par an depuis plusieurs années. Sans doute conviendrait-il, si cela était possible dans la pratique, de poser clairement la question à la communauté scientifique de savoir quels crédits elle est disposée à allouer au rayonnement synchrotron.

Par ailleurs, deux chiffres sont souvent mis en comparaison, d’une part le budget annuel des très grands équipements (TGE), soit 4,5 milliards de francs et le budget d’investissement et de fonctionnement de laboratoires du CNRS, soit 1,5 milliard de francs.

En réalité, les deux chiffres ne sont pas comparables : le budget des TGE, exprimé en coûts consolidés, inclut les salaires. Par ailleurs, ce budget doit être rapporté aux 55 milliards de francs du budget de l’ensemble des organismes de recherche, soit 8 %.

Cette proportion est inférieure en tout état de cause à ce que l’on observe aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne.

1.3. L’importance de critères de comparaison rigoureux

En tout état de cause, toute comparaison de coûts des différents scénarios envisageables doit être faite sur 15 à 20 ans, en utilisant la méthode des coûts consolidés, c’est-à-dire en intégrant tous les investissements, initiaux et annuels, ainsi que l’ensemble des frais de fonctionnement, frais de personnel et taxes inclus.

2. " L’inadéquation du scénario de l’achat de lignes sur DIAMOND et sur d’autres synchrotrons européens "

Le scénario annoncé en août 1999 par le ministère de la recherche comprend non seulement l’achat de lignes sur DIAMOND mais aussi l’acquisition de lignes supplémentaires ailleurs en Europe.

Selon M. Yves PETROFF, un inconvénient majeur de cette solution, si elle était possible, serait que la communauté des chercheurs français ne disposerait plus de ressources exclusivement nationales en rayonnement synchrotron. Mais au surplus, un tel scénario, au demeurant coûteux, est surtout est illusoire quant au nombre de lignes réellement disponibles en Europe.

2.1. Un coût réel supérieur aux estimations actuelles pour les seules lignes sur DIAMOND

Le coût de la contribution française à DIAMOND, tel qu’il est estimé à l’heure actuelle, est, selon M. Yves PETROFF, totalement erroné.

Le montant de 350 millions de francs à la charge de la France a été présenté au départ comme couvrant la totalité des dépenses. Puis M. Paul CLAVIN a indiqué que le coût de l’anneau de stockage n’était pas facturé à la France, ce que, comme on pouvait s’y attendre, le Royaume Uni a démenti. Le directeur de la recherche a alors indiqué que le montant de 350 millions correspondait au seul coût des lignes. Or cette évaluation n’a pas davantage de réalité économique.

Le coût réel d’investissement d’une ligne de lumière pour la biologie est selon M. Yves PETROFF de l’ordre de 20 à 24 millions de francs.

A cette somme, il faut rajouter les dépenses en personnel pendant les 4 années qui séparent la construction d’une ligne de la production de ses premiers résultats. Cette dépense correspond aux salaires de 6 personnes pendant 4 ans, soit 24 salaires annuels, à multiplier par deux pour tenir compte du coût de la vie au Royaume Uni.

Le ministère de la recherche a par ailleurs indiqué qu’il ne s’agissait plus d’obtenir 7 lignes mais 12 lignes. Au demeurant, sur un plan technique, ceci n’a pas de sens selon M. PETROFF.

La France serait candidate pour obtenir 6 onduleurs et entendrait construire 2 lignes par onduleurs. Il est certes possible de diviser un faisceau mais tout changement de longueur d’onde affecte les deux faisceaux simultanément. Il conviendrait donc pour 12 lignes de disposer de 6 onduleurs et de 6 aimants de courbure.

2.2. L’absence de lignes de lumière disponibles ailleurs en Europe

Le plan du ministère de la recherche comprend, outre la participation dans DIAMOND, l’achat de 3 lignes sur ELETTRA à Trieste et de 3 autres lignes sur BESSY II à Berlin. S’agissant de BESSY II, il est à remarquer que son énergie de 1,9 GeV est insuffisante pour disposer sans difficulté de faisceaux sur onduleurs dans la gamme des rayons X.

Or, selon M. PETROFF, il n’existe en réalité aucune ligne à vendre ou à louer, ni à Trieste, ni à Berlin.

Par ailleurs, le synchrotron ANKA de Karlsruhe, qui a été construit contre l’avis du ministère de la recherche allemand, et qui ne parvient à atteindre son objectif d’une contribution de partenaires industriels à hauteur de la moitié de son budget, ne constitue pas une solution pour la France, dans la mesure où cette installation est un synchrotron de 2ème génération.

3. " L’inadéquation de la solution 7 lignes sur DIAMOND + un synchrotron de 1,5 GeV en France "

M. Georges CHARPAK ayant fait état du scénario actuellement étudié par le ministère d’une machine française de 1,5 GeV complétant les 7 lignes de DIAMOND, M. Yves PETROFF a estimé qu’une telle solution présenterait de graves inconvénients.

3.1. La répartition des lignes en fonction des disciplines

L’attribution à la biologie de la totalité des lignes que la France pourrait décider d’acquérir sur DIAMOND, serait, selon M. PETROFF, une aberration. Les besoins en rayons X des sciences physiques ne sauraient en effet être négligés.

En tout état de cause, il est indispensable d’assurer une diversité dans les méthodes d’analyse.

3.2. Les inconvénients pour la recherche

Le premier inconvénient serait d’obliger à délocaliser en Angleterre toutes les ressources en rayons X pour la biologie. Une machine à 1,5 GeV ne serait d’aucune utilité pour satisfaire la demande de résolution de structures de protéines. Bien entendu, une telle machine peut être poussée en énergie grâce à des onduleurs, comme cela a été fait à Berkeley mais une telle solution est extrêmement coûteuse.

Quant à la volonté de coopération des Britanniques avec la recherche française, elle peut être mise en doute, en raison de l’importance mondiale de l’industrie pharmaceutique du Royaume Uni et de son souci de garder son rang.

3.3. Une solution ne générant aucune économie par rapport à SOLEIL

Il a été indiqué, au cours d’une audition réalisée par les Rapporteurs de l’OPECST, que le coût d’un synchrotron de 1,5 GeV pourrait être 4 fois inférieur à celui de SOLEIL.

Selon M. Yves PETROFF, cette estimation n’a pas de fondement. L’économie réalisée en passant d’une énergie de 2,5 GeV à une énergie de 1,5 GeV serait d’un facteur 1,3.

Au final, selon M. PETROFF, la construction d’une machine de 1,5 GeV et l’acquisition de lignes sur DIAMOND sera plus onéreuse que la construction de SOLEIL, avec un potentiel très inférieur et un surcoût de l’ordre de 700 millions de francs.

4. " Une même machine en deux exemplaires, l’une en France et l’autre au Royaume Uni "

La première recommandation de M. Yves PETROFF en termes de solutions est de reprendre l’avant-projet détaillé SOLEIL, tout en augmentant son énergie à 3 GeV.

La deuxième recommandation est de proposer au Royaume Uni la construction d’une machine identique en deux exemplaires, l’un situé en France et l’autre au Royaume Uni, avec une planification sur 10 à 20 ans.

4.1. Des économies d’échelle considérables

La duplication est la meilleure méthode pour parvenir à réaliser des économies, tout en satisfaisant les besoins des deux communautés scientifiques française et anglaise.

La commande groupée et planifiée dans le temps de séries importantes d’équipements de haute technologie serait de nature à générer des économies considérables. De multiples exemples à l’ESRF l’ont démontré.

Ainsi, un onduleur avec tous ses équipements périphériques, revient à l’ESRF à environ cent mille euros par mètre, parce que les commandes sont faites pour une quinzaine d’exemplaires à livrer sur plusieurs années. Au contraire, l’APS de Berkeley qui passe des commandes à l’unité, dépense un million de dollars pour un seul onduleur, sans ses équipements liés. La réalisation de ce type d’équipement nécessite en effet des outils spécifiques extrêmement onéreux, impossibles à amortir sur une seule unité.

Par ailleurs, la commande groupée de détecteurs pour la biologie dont le coût unitaire moyen atteint 4,5 millions de francs, permettrait d’obtenir des rabais importants.

Il est très probable que le clone d’un synchrotron devrait coûter 20 % moins cher sur l’investissement et le fonctionnement que le synchrotron originel.

M. Jean GALLOT a fait remarquer qu’une nouvelle négociation avec le Royaume Uni pour harmoniser les caractéristiques des deux synchrotrons et dégager des économies d’échelle, risquerait de retarder encore le processus, alors qu’il y a une urgence extrême à lancer le projet SOLEIL. Pour M. Yves PETROFF, une discussion scientifique et technique de ce type ne rajouterait qu’un délai très court, de l’ordre de deux mois.

En l’occurrence, la gestion sur 10 ans s’impose pour tous les grands équipements car elle génère des économies substantielles.

Sur la base de ces remarques, M. Yves PETROFF estime que le coût de deux machines clonées en France et en Grande-Bretagne devrait, selon toute probabilité, être inférieur à celui du scénario " 7 lignes sur DIAMOND + un synchrotron en France de 1,5 GeV ".

4.2. Les économies provenant de l’arrêt du LURE assorti du lancement d’un nouveau synchrotron

Pour M. PETROFF, non seulement la jouvence permanente et indispensable du LURE est onéreuse mais l’exploitation même de la machine est dispendieuse. Ainsi le remplacement d’au moins deux klystrons coûte chaque année au moins deux millions de francs et demi. Par ailleurs, le fonctionnement de l’injecteur du LURE, qui a 50 ans d’âge, requiert l’intervention de 27 personnes, alors que celui de l’ESRF est actionné par deux personnes.

Plus longue à mettre en place sera la solution de remplacement et plus important sera le surcoût.

4.3. L’intérêt d’une planification à long terme

Pour M. PETROFF, il suffit de concevoir un synchrotron avec une flexibilité suffisante pour garantir son avenir. L’horizon de temps dans ce domaine doit être supérieur à 20 ans.

Au vrai, il convient de ne pas faire d’économies sur la taille de l’anneau et le nombre de ses sections droites. Il est alors possible de rénover et d’augmenter la puissance de la machine et le nombre de ses lignes de lumière sans difficulté majeure. C’est ce qui est fait à Stanford sur le synchrotron SSRL, dont la rénovation est en cours.

4.4. Inverser les positions dans la négociation

Sur la base de l’APD SOLEIL, la construction de la machine française pourrait débuter dans l’année, après deux mois de négociation avec le Royaume Uni pour aboutir à la définition des équipements communs. Selon M. Yves PETROFF, l’avant-projet détaillé SOLEIL est exportable, les spécificités nationales n’intervenant, le cas échéant, qu’au niveau de logiciels voire d’équipements périphériques aisément substituables.

La construction du synchrotron britannique débuterait un peu plus tard, une fois son adaptation – à la marge – faite aux besoins spécifiques de la communauté scientifique britannique. Il serait bien entendu proposé au Royaume Uni d’acquérir des lignes de lumière sur le synchrotron français pour la période séparant l’entrée en service de celui-ci et celle de la machine anglaise.

En outre, pour rompre l’isolement de la France dans sa position de demanderesse, et pour diminuer les coûts de l’investissement, d’autres pays seraient invités à faire partie de la réalisation française, en particulier l’Espagne qui consacre des sommes importantes à la formation de ses chercheurs au rayonnement synchrotron au LURE.

VI – La forme juridique et le statut des personnels

1. Le statut juridique de différents synchrotrons

L’ESRF, comme ELETTRA (Trieste) et BESSY (Berlin), est placé sous le statut de société civile.

2. Le statut des personnels de l’ESRF

Les salariés de l’ESRF sont pour certains des personnels à statut, détachés pour une période limitée dans le temps, et pour d’autres des personnels recrutés directement par l’établissement. C’est bien sûr l’ESRF qui rémunèrent l’ensemble de ses salariés, y compris les personnels détachés.

2.1. La coexistence de personnels à statuts détachés et de personnels permanents

La grille des rémunérations de l’ESRF est semblable à celle du CEA. Les personnels étrangers bénéficient d’une prime d’expatriation de 15 %. La durée du travail officielle est de 40 heures par semaine.

L’installation est arrêtée pour maintenance 3 semaines en juillet et 3 semaines en hiver. Son fonctionnement s’étend sur des périodes de 8 semaines où les installations sont opérationnelles 24h sur 24, périodes séparées par une semaine d’arrêt pour maintenance et travaux.

Le niveau et la disponibilité exigés des personnels de l’ESRF sont élevés. La structure étant réputée user rapidement ses employés et un taux de rotation élevé étant jugé utile pour renouveler les compétences et les diffuser dans les laboratoires d’utilisateurs, la durée moyenne de présence à l’ESRF est en moyenne de 5 ans.

Parmi les chercheurs, 25 % ont des postes permanents et les autres des contrats de 5 ans.

L’âge moyen des salariés de l’ESRF, toutes catégories confondues, est de 34,5 ans.

Selon M. Yves PETROFF, le niveau de compétences des personnels de l’ESRF est de tout premier niveau mondial, dans toutes les disciplines.

En tout état de cause, M. Yves PETROFF estime que le statut de la fonction publique n’est pas incompatible avec le management efficace d’une installation comme un synchrotron, à condition que des dérogations soient possibles sur certaines dispositions.

A titre d’exemple, on peut citer les achats de matériels, les remboursements de frais de participation à des congrès scientifiques, le recrutement de personnels intérimaires, le pourcentage des primes pour heures supplémentaires dans la rémunération totale.

Si la durée de fonctionnement du LURE est inférieure à celle des autres synchrotrons, c’est parce que les agents travaillant la nuit ne peuvent avoir des primes supérieures à 30 % de leur salaire. On peut noter que des solutions existent dans certaines administrations pour s’affranchir de cette contrainte.

2.2. La nécessité d’une grande réactivité

La structure de gestion d’un synchrotron doit désormais faire preuve d’une grande souplesse et d’une grande réactivité. C’est ainsi que l’ESRF a mis en place pour ses clients payants, un encadrement particulier et, en conséquence, a embauché des ingénieurs avec la rapidité adéquate.

De même, le recours à des personnels intérimaires lui est possible en cas d’urgence.

Par ailleurs, les recettes tirées de ses ventes propres doivent pouvoir être gardées par la structure, afin de nourrir les besoins d’investissement. Au demeurant, si ces recettes étaient rétrocédées aux pays membres, elles viendraient immédiatement en déduction des subventions, ce qui compromettrait la modernisation permanente et nécessaire de l’équipement.

3. La fiscalité et les charges sociales de la recherche

Sans que ce constat ne puisse déboucher à lui seul sur des conclusions opérationnelles, la moindre utilisation du rayonnement synchrotron par l’industrie européenne provient aussi des coûts d’accès : les cotisations patronales sont de fait de 33 % aux Etats-Unis, contre 50 % en France, ce qui renchérit les heures d’utilisation payantes.

Par ailleurs, les entreprises américaines reçoivent des crédits d’impôt en contrepartie de leurs investissements dans la construction et l’équipement de lignes de lumière sur des synchrotrons comme ceux d’Argonne et de Berkeley. Ainsi, les deux premières lignes de lumière du synchrotron APS d’Argonne ont été financées par un groupement de 10 groupes pharmaceutiques, dont 4 laboratoires européens.

Dans ces conditions, il n’est pas à exclure que les industries notamment pharmaceutiques implantent leurs laboratoires aux Etats-Unis, compte tenu de l’importance du rayonnement synchrotron pour leur recherche et des moindres coûts qui y sont associés. Il est à noter que Novartis et Hoechst l’ont récemment fait.

VII – La localisation

Selon Yves PETROFF, il est indispensable que la France dispose d’un nouveau synchrotron pour sa communauté scientifique nationale. Il faut aussi que ce nouvel équipement soit implanté dans une zone à fort développement scientifique et bien desservi par un ensemble de transports nationaux et internationaux.

Il faut enfin une planification à long terme non seulement pour l’évolution du synchrotron mais également pour celle de la zone concernée.

1. L’implantation possible sur un site sans synchrotron

S’agissant de la question de savoir si l’on peut construire un synchrotron dans une région qui n’en possède pas déjà un, M. Y. PETROFF remarque que l’on est parti de rien à Grenoble.

Le fait que le triangle Lyon-Grenoble-Genève possède un tissu scientifique et industriel de premier niveau dans les hautes technologies a toutefois facilité la construction du synchrotron et joue encore un grand rôle dans les succès de l’ESRF, le rôle pionnier et toujours moteur du CERN devant être souligné à cet égard.

2. L’importance de transports internationaux de qualité

Une autre condition de base pour le choix de la localisation est la qualité des transports nationaux et internationaux.

Le synchrotron ELETTRA à Trieste souffre de la mauvaise desserte de la ville. L’aéroport le plus proche est celui de Milan, un aéroport au demeurant surchargé, avec des retards fréquents, les liaisons Milan-Trieste étant au demeurant peu commodes. De nombreux chercheurs italiens préfèrent souvent aller dans un autre pays européen, alors qu’ELETTRA est l’un des meilleurs centres au monde. La région de Trieste possède pourtant des équipes de chercheurs théoriciens de très haut niveau. Au final, les chercheurs italiens ne consomment que 40 % du temps de faisceau d’ELETTRA, les 60 % restants étant utilisés par les chercheurs étrangers.

Pour certaines applications comme celles de la biologie structurale, on peut toutefois penser, selon M. Yves PETROFF, que les clients d’un synchrotron pourront à terme envoyer des échantillons et récupérer leurs résultats par l’intermédiaire des réseaux de transmission de données à hauts débits.

3. L’importance d’une forte densité en laboratoires de recherche

L’implantation d’un synchrotron doit impérativement se faire dans une zone géographique possédant des centres scientifiques et universitaires.

Cet impératif est particulièrement vrai pour les applications du rayonnement synchrotron aux sciences du vivant, où une telle configuration permet d’accélérer le travail des biologistes et d’abaisser les coûts des équipements et de leur utilisation.

Implanté dans le polygone scientifique de Grenoble, l’ESRF est à un jet de pierre de l’EMBL (European Molecular Biology Laboratory), de l’ILL (Institut Laue-Langevin) et de l’IBS (Institut de Biologie Structurale) et à quelques minutes des laboratoires universitaires. Il peut se produire que des biologistes ayant retenu un créneau horaire à l’ESRF, se désistent quelques heures avant le début de celui-ci, en raison, par exemple, d’un échec rencontré dans un processus de cristallisation. L’ESRF fait alors un appel à candidature dans les laboratoires du polygone, offrant à l’improviste, un temps de faisceau, ce qui est instantanément accepté.

Par ailleurs, la proximité améliore les échanges de vues entre les chercheurs, par le biais de rencontres informelles ou par celui de séminaires qui peuvent être fréquemment organisés en minimisant les pertes de temps. A cet égard, la contiguïté est indispensable. Des temps de transport d’une heure annulent le bénéfice d’une proximité qui n’est alors qu’apparente. Ceci est observé dans le cas de l’ESRF dont les échanges sont moins importants avec les laboratoires situés à Crolles qu’avec ceux du polygone scientifique.

La proximité de laboratoires permet d’offrir aux utilisateurs de l’ESRF des facilités expérimentales, comme par exemple pour la préparation d’échantillons dans le domaine de la microélectronique.

La localisation d’un synchrotron au sein d’un ensemble de laboratoires peut enfin diminuer les coûts de création de nouveaux services mis à la disposition des utilisateurs et à de nouvelles collaborations sur le site.

D’ores et déjà, la création d’un laboratoire commun entre l’EMBL et l’ESRF permet aux utilisateurs du synchrotron de bénéficier des chambres froides de l’EMBL et de l’expertise de ce dernier dans la manipulation de virus et d’autres échantillons dangereux. Par ailleurs, pour répondre à la demande des laboratoires Glaxo Wellcome, Aventis et Novartis, l’ESRF étudie à l’heure actuelle la création sur le polygone scientifique de Grenoble d’un laboratoire dédié à la cristallisation des protéines et à l’étude des structures, en collaboration avec l’EMBL et l’IBS.

En définitive, la proximité géographique d’un synchrotron rend facile le contrôle ou le " screening " des cristaux de protéines dont on ne peut véritablement connaître la qualité avant de la tester en vraie grandeur. Certes, l’ESRF envisage de réaliser par ses propres moyens les manipulations de " screening " d’échantillons envoyés par les utilisateurs mais la résolution complète d’une structure semble exiger encore pour longtemps la présence des producteurs.

Ainsi que le souligne M. René TRÉGOUËT, Sénateur, rapporteur, l’intérêt d’un nouveau synchrotron pour tous les laboratoires du Génopôle, plaiderait en faveur de l’implantation de ce dernier à Evry, si la décision était prise de construire une machine en France et de sélectionner l’Ile-de-France à cet effet.

VIII – Les coopérations européennes nécessaires

Selon M. René TRÉGOUËT, Sénateur, rapporteur, un Congrès relatif aux très grands équipements en Europe doit se tenir à l’automne 2000. Ce Congrès devrait mettre en évidence un consensus sur la nécessité d’une coopération européenne pour ces installations. Il est clair que la France doit être en accord avec cette orientation.

M. Georges CHARPAK a indiqué que si la duplication permettait de faire deux synchrotrons avec des économies substantielles et si plusieurs participations européennes pouvaient être trouvées, alors le programme de deux machines clonées pourrait peut-être rencontrer l’intérêt du ministère de la recherche.

 

III – Visite du SRS – Daresbury

 

Le Royaume Uni dispose à Daresbury, près de Manchester, du synchrotron SRS de 2ème génération, une machine à la fois saturée et dépassée techniquement.

Le projet DIAMOND d’une source de 3ème génération, lancé par le Gouvernement britannique pour le remplacer, a rencontré en 1998 l’intérêt du Wellcome Trust, une fondation privée d’aide à la recherche (" Charity Trust "), puis celui du Gouvernement français début 1999, de sorte que le ministère de la recherche a pu annoncer le 2 août 1999 sa participation à DIAMOND.

Lors de leur déplacement au Royaume Uni les 21 et 22 février 2000, les Rapporteurs ont visité le synchrotron SRS de Daresbury à un moment où la décision sur l’implantation de DIAMOND sur place ou au contraire à Didcot, près d’Oxford, n’était pas encore connue.

Un haut responsable du Wellcome Trust leur a ensuite présenté à Londres les grandes lignes de la stratégie de cette fondation d’aide à la recherche dans les sciences du vivant.

Enfin, la visite du principal site du Central Laboratory for the Research Councils (CRLC) a fait apparaître en pleine lumière la stratégie offensive des pouvoirs publics britanniques dans le domaine des très grands instruments.

1. SRS – Daresbury

Le synchrotron SRS de Daresbury, s’il est promis à être remplacé par DIAMOND, devrait encore être en service pendant 5 à 10 ans, tant les besoins d’accès sont importants au Royaume Uni. Quel que soit le choix fait entre Daresbury et Didcot pour la construction de DIAMOND, la source SRS devrait à l’avenir servir davantage l’activité scientifique locale, alors que la production de photons pour des chercheurs visiteurs y est pour le moment prédominante.

1.1. Une source de 2ème génération de qualité

La construction de SRS a débuté en 1975 et s’est achevée 6 ans plus tard en 1981.

Le synchrotron SRS est un synchrotron de 2ème génération d’une énergie de 2 GeV, comportant 41 postes expérimentaux pour 16 cellules. Le tableau suivant donne la répartition des postes expérimentaux selon les gammes de longueur d’ondes.

Tableau 13 : Répartition des postes expérimentaux de SRS

gamme de longueurs d’onde

nombre de postes expérimentaux

rayons X durs

24

rayons X mous

5

ultraviolet sous vide et longueurs d’onde supérieures

12

total

41

C’est cette répartition de près de 60 % de postes expérimentaux pour les rayons X durs qui est actuellement proposée aux quelques 2000 utilisateurs de SRS. Parmi ceux-ci, on compte 10 à 15 % de chercheurs étrangers. Le synchrotron SRS fonctionne sur une durée annuelle de 5500 heures de faisceau.

La biologie occupe la première place au SRS en nombre d’expériences réalisées, soit 32 % du total. Toutefois, compte tenu de la rapidité de réalisation des manipulations et des clichés de cristallographie, elle ne représente que 17 % du nombre total de (jours x instruments). La chimie représente avec 21 % le deuxième poste pour le nombre d’expériences réalisées, ceci correspondant à 28 % du nombre de (jours x instruments). Les sciences des matériaux assurent 21 % du nombre d’expériences.

On peut constater au SRS, comme pour tous les synchrotrons visités, que la demande de temps d’accès est largement supérieure aux disponibilités. Ainsi, en ce qui concerne la chimie, ce sont seulement 34 % des projets qui sont acceptés, faute de lignes de lumière disponibles.

SRS contribue à l’élucidation d’un nombre important de structures de protéines, environ 100 par an. C’est sur ce synchrotron qu’a été réalisée l’identification de la structure de la F1-ATPase, un enzyme clé qui catalyse la conversion d’énergie chimique en ATP. La détermination de cette structure a permis de comprendre le mécanisme de stockage d’énergie dans toutes les cellules vivantes, des travaux qui ont valu à John Walker le Prix Nobel.

Au total, 700 à 800 publications sont faites chaque année sur la base d’expérimentations réalisées avec SRS.

SRS a reçu des améliorations constantes au cours du temps afin, notamment, de gagner en brillance et de produire des rayons X plus durs. A cet effet, des " wigglers " simples et des " wigglers " multipôles ont été ajoutés en 1992, puis des onduleurs quelques années plus tard. En 1994, un dispositif de contrôle digital automatique de la stabilité du faisceau a permis d’améliorer le fonctionnement de la source de rayonnement synchrotron.

Les efforts les plus récents concernent la cristallographie des protéines (2 postes expérimentaux supplémentaires), les études de surface, les études des nanoclusters et des molécules (2 postes additionnels) et les fabrications de matériaux (1 poste en plus).

La vocation générale du SRS est d’être orienté vers le service aux utilisateurs. Ceci tient en partie à l’appartenance de cette installation au Central Laboratory for the Research Councils (CLRC), organisme dont la fonction est de construire et de gérer des grands instruments mis au service des organismes de recherche.

Si une assistance rapprochée est fournie sur le site aux utilisateurs, en revanche l’environnement de recherche est moins développé qu’au LURE, avec un nombre beaucoup plus réduit de laboratoires d’application travaillant au contact direct de la machine.

Bien qu’ayant mené un combat farouche pour l’implantation de DIAMOND sur le site de Daresbury, la direction et les chercheurs sont apparus pessimistes quant aux chances de la région de Manchester de remporter la victoire.

Le Wellcome Trust est en effet désireux de concentrer ses efforts sur la région d’Oxford – Cambridge où se trouve le Sanger Centre, le principal centre mondial de génomique qu’il finance entièrement.

En outre, le CLRC pèse de tout son poids pour concentrer ses investissements au Rutherford Appleton Laboratory.

Face à ces deux organismes assurant le financement de l’opération, l’importance de la région de Manchester, les nécessités du développement économique et celles de l’université locale ne devraient être que des paramètres de second ordre dans la décision.

En conséquence, la direction du SRS s’attend que DIAMOND ne soit pas installé à Daresbury. Dans ces conditions, quelles peuvent être les perspectives de SRS ?

La nouvelle direction entend développer les applications scientifiques autour de la machine pour en rapprocher le fonctionnement de celui du LURE. En réalité, le SRS devra rester en fonctionnement 6 à 7 ans, jusqu’à l’entrée en service de DIAMOND.

Le soutien de la région de Manchester devrait permettre d’atteindre cet objectif.

1.2. Les prévisions des besoins en rayonnement synchrotron

Pour les responsables du SRS, la prévision des besoins ne peut se faire qu’en tendance. Plusieurs évolutions majeures sont très probables.

La première évolution correspond à la croissance de la demande d’études dynamiques, qui va concerner toutes les disciplines. A cet égard, la pulsation intrinsèque du rayonnement synchrotron apporte une solution performante pour " filmer " tous types de phénomènes. Le rayonnement synchrotron devrait donc permettre de suivre des phénomènes physiques, chimiques ou biologiques en cours d’évolution.

La deuxième tendance est celle de l’utilisation du rayonnement dans des conditions de plus en plus extrêmes. Ceci vaut tant pour la possibilité d’étudier des échantillons ou des cristaux de taille de plus en plus réduite que pour des analyses réalisées à des températures et des pressions élevées.

Le troisième devrait provenir d’une part de l’automatisation de certaines manipulations sur les lignes de lumière, comme la mise en place des échantillons, et d’autre part du transfert des données à distance, par exemple pour la récupération des diagrammes de diffraction.

1.3. La genèse et les zones d’incertitude de DIAMOND

En 1993, dans un document intitulé le " Wolfson Review ", les pouvoirs publics britanniques esquissent, en fonction des estimations des besoins d’accès, l’évolution souhaitable de leurs ressources en rayonnement synchrotron.

C’était un dispositif à trois étages qui était envisagé. L’étage supérieur devait être constitué par la participation de 14 % du Royaume Uni dans l’ESRF dont l’énergie de 6 GeV assure de bonnes performances dans le domaine des rayons X. L’étage intermédiaire devait correspondre au projet DIAMOND, une machine dont l’énergie serait voisine de 3 GeV. Le premier étage aurait été une machine de basse énergie intitulée SINBAD.

En 1994, l’intérêt de DIAMOND est confirmé par un comité scientifique. En 1997, le rapport intitulé " Red Book " précise les contours du futur DIAMOND, en établissant son énergie à 3 GeV, son nombre de " cellules " à 16 et sa circonférence à 345 m. En 1998, une variante optionnelle du projet porte le nombre de cellules à 20. En 1999, les conclusions d’un panel scientifique international ouvrent le choix de l’énergie à 3 ou 3,5 GeV et le nombre de cellules à 16, 20 ou 24, selon le tableau suivant.

Tableau 14 : Options du projet DIAMOND – 1999 –

nombre de cellules

circonférence de l’anneau (m)

brillance pour des photons de 13 keV

émittance

16

345

7.1018

5,0

20

400

2.1019

2,6

24

480

5.1019

1,5

Le calendrier de la construction de DIAMOND, tel qu’exposé par les spécialistes du SRS, montre qu’une année de travail est encore nécessaire pour la définition précise de la machine dans le cadre d’un avant-projet détaillé analogue à celui de SOLEIL. Le coût de ce travail est estimé à 2 millions de £ par les spécialistes de Daresbury.

Ensuite, il faudrait 4 ans et demi de construction pour disposer de 12 lignes de lumière opérationnelles.

Dans l’étude des dimensions de la future machine, la prise en compte des besoins des différentes parties prenantes est bien entendu capitale. On trouvera ci-dessous les hypothèses évoquées à Daresbury.

Tableau 15 : Hypothèses de nombres de cellules évoquées par les responsables du SRS

besoins

Rappel situation actuelle (SRS) (cells)

Diamond

hypothèse basse (cells)

Diamond

prévision (cells)

Royaume Uni

14

10

12

Wellcome Trust

0

3

3

France

0

5

7

cellules machines

2

2

2

Total opérationnel

16

20

24

Une évaluation du coût d’une ligne de lumière a été donnée lors de la visite du SRS. Ce coût hors salaires est estimé à 3,5 millions de £, en comptant le dispositif d’insertion, la tête de ligne et l’instrumentation.

Des différents échanges avec les spécialistes de Daresbury, il apparaît probable que l’énergie de DIAMOND soit fixée à 3,2-3,5 GeV, pour un nombre de cellules (aimant de courbure et dispositifs d’insertion) égal à 20 ou 24.

Au vrai, les scientifiques de Daresbury considèrent unanimement comme insuffisant le chiffre de 10 et même de 12 lignes promis à la recherche britannique, compte tenu de la montée des besoins en particulier dans la biologie structurale.

En tout état de cause, DIAMOND devrait être une machine dédiée à la cristallographie des protéines, avec une évolution voulue vers une exploitation industrielle grâce à la robotique et à l’informatique.

Ce sont les sciences du vivant et l’enjeu scientifique et économique de la résolution systématique des structures des protéines qui semblent incontestablement à la base des décisions prises ou restant à prendre.

1.4. La coopération avec la France, vue par la base

Selon les indications recueillies auprès des spécialistes des synchrotrons rencontrés autour de la source SRS de Daresbury, les exigences scientifiques auxquelles doit répondre un synchrotron national sont différentes au Royaume Uni de ce qu’elles sont en France.

Une autre raison puissante milite en faveur de deux " designs " différents pour la machine française et la machine britannique.

Il s’agit de la volonté de la communauté britannique d’utiliser à plein ses compétences en ingénierie des synchrotrons pour définir DIAMOND, une volonté exprimée avec le net souci de conserver ses prérogatives.

Les responsables de Daresbury estiment toutefois possible une concertation avec la France, notamment pour la planification des commandes qui pourrait permettre des économies d’échelle de 10 à 20 %.

En outre, un schéma de participations croisées de la France sur DIAMOND mais aussi du Royaume Uni sur SOLEIL pourrait présenter l’intérêt de permettre l’accès aux meilleures technologies dans l’ensemble des domaines d’utilisation.

2. Le Wellcome Trust

C’est le Professeur Sir Michael Rutter, " Deputy Chairman " du " Board of Governors " du Wellcome Trust qui a reçu la délégation de l’Office et répondu à ses questions.

2.1. La puissance du Wellcome Trust dans le financement de la recherche

Le Wellcome Trust, créé en 1936, est un " Charity Trust " britannique qui dispose d’un actif de 130 milliards de francs. Cet actif est constitué principalement de valeurs mobilières, dont 4,7 % constitués d’actions du laboratoire Glaxo-Wellcome. Les organes de direction du Trust et les comités de programme comprennent des scientifiques britanniques et américains en quasi-exclusivité.

L’activité du Wellcome Trust est l’octroi de subventions à la recherche, principalement dans les domaines de la génétique, des neurosciences et des maladies infectieuses. Ce " Charity Trust " intervient pour financer des infrastructures (bâtiments universitaires, centre de recherche), des équipements et pour assurer des compléments de salaires ou offrir des bourses.

Les subventions à la recherche distribuées par le Wellcome Trust ont représenté 4,4 milliards de francs en 1998 et 6,6 milliards de francs en 1999. S’il développe une action internationale, le Trust s’interdit de travailler aux Etats-Unis pour des raisons juridiques liées à son histoire. Au demeurant, les seuls laboratoires français bénéficiant de subventions du Wellcome Trust sont ceux qui travaillent sur des projets communs avec des laboratoires britanniques.

Libre de toute influence économique et politique, le Wellcome Trust est toutefois engagé dans un partenariat à long terme avec le Gouvernement britannique. Un total de près de 8 milliards de francs a déjà été investi par le Trust dans la rénovation des bâtiments universitaires de différentes facultés des sciences britanniques.

Le partenariat avec les gouvernement britannique et français sur le synchrotron DIAMOND s’inscrit parfaitement dans le dessein du Wellcome Trust d’accroître ses efforts dans les sciences de la vie et témoigne de son intérêt pour un approfondissement de la collaboration entre physiciens et biologistes autour d’une machine de ce type.

L’intervention du Wellcome Trust dans la recherche sur les sciences de la vie est multiforme. On retiendra en premier lieu les travaux qu’il finance sur la génétique de maladies multifactorielles complexes, au Centre de génétique humaine de l’université d’Oxford. On retiendra en second lieu son engagement dans la génomique qui constitue l’une de ses toutes premières priorités.

Le Sanger Centre pour le décryptage du génome, implanté à Hinxton près de Cambridge, qu’il finance entièrement, aura effectué près du tiers des travaux de décryptage effectués dans le monde. Le total des subventions versées par le Wellcome Trust dans le séquençage du génome humain a atteint plus de 2 milliards de francs en 1999. La nouvelle étape de la génomique passe sans aucun doute, pour le Wellcome Trust, par l’identification des fonctions des différentes protéines, notamment grâce à la résolution de leurs structures.

La politique affichée par le Wellcome Trust est de financer exclusivement des recherches publiées et donc mises à la disposition de la communauté scientifique mondiale.

Toutefois, on peut noter, dans les publications de ce Charity Trust, la création par ses soins d’une société destinée à aider les chercheurs qu’il subventionne à protéger leurs découvertes. Sa position officielle est la suivante : " l’objectif du Trust est simplement de faire en sorte que les retombées médicales augmentent le plus rapidement possible. La meilleure façon d’y parvenir est la publication immédiate des résultats. Mais ceci ne veut en aucun cas dire que le Trust est contre la prise de brevet ; au contraire il conseille activement ses chercheurs sur la meilleure manière de capturer la propriété intellectuelle ".

A cet effet, en juin 1998, la société BioMedica Limited a été fondée en tant que filiale à 100 % du Wellcome Trust : " cette filiale travaillera avec les chercheurs dont les travaux sont subventionnés par le Wellcome Trust pour protéger et exploiter la recherche subventionnée par le Trust ".

Au total, rien ne permet de penser que les orientations du Wellcome Trust dépendent étroitement du 3ème laboratoire pharmaceutique mondial, Glaxo Wellcome, dont la fusion a par ailleurs été annoncée récemment avec SmithKline Beecham.

En revanche, en raison du centrage de ses interventions sur le Royaume Uni et certains pays en développement, le Wellcome Trust apparaît bien, ce qui ne saurait être tenu pour illégitime, comme un instrument à l’intérieur de l’Europe qui profite essentiellement à la recherche britannique et de l’industrie pharmaceutique britannique.

2.2. L’implication du Wellcome Trust dans DIAMOND

Le Wellcome Trust s’est engagé à allouer 10 millions puis 100 millions de £ au projet DIAMOND, soit un total d’environ 1,2 milliard de francs.

Le Professeur Rutter a indiqué qu’il s’agit là d’une participation aux dépenses de construction et d’exploitation du nouveau synchrotron pour une participation de 3 cellules sur cette machine, la participation à l’investissement dans la construction s’élevant à hauteur de 70 millions de £. Au vrai, puisque les négociations sont en cours, il est difficile de déterminer avec précision les conditions de cette participation. En particulier, une variable clé est bien entendu celle de la durée d’exploitation considérée, 5, 10 ou 20 ans selon les calculs.

D’ailleurs, au cours de la séance du 15 décembre 1999 de la Commission de la science et de la technologie de la Chambre des Communes, le Dr. Michael Dexter, Directeur du Wellcome Trust, a indiqué que son organisation contribuerait de plus aux dépenses de fonctionnement.

D’autres chiffres ont été cités le 19 janvier 2000 par M. Stephen Byers, secrétaire au commerce et à l’industrie du Gouvernement Blair. Selon ce dernier, le Wellcome Trust prendrait à sa charge 16 % de la dépense totale de construction et de financement sur 20 ans, pour une contribution de 880 millions de francs. Selon ces mêmes déclarations de décembre 1999 et de janvier 2000, le projet DIAMOND présenterait un coût de construction de 1,65 milliard de francs et un coût de fonctionnement sur 20 ans de 3,8 milliards de francs.

Deux remarques doivent être faites à propos de ces incertitudes sur les chiffres.

La première est que le projet DIAMOND apparaît encore extrêmement mouvant, sur le plan de ses caractéristiques techniques et de la répartition de ses ressources.

La deuxième a trait à l’influence très forte que semble avoir le Wellcome Trust dans le processus de décision relatif au nouveau synchrotron, non pas en raison du poids de sa participation dans ce dernier, qui est réduite, mais en raison de son rôle majeur dans le financement de la recherche au Royaume Uni, en particulier dans la recherche universitaire.

C’est ainsi d’ailleurs que le Professeur Rutter a indiqué, sans crainte d’être démenti par une décision ultérieure, que sa préférence pour l’implantation de DIAMOND allait clairement au Rutherford Appleton Laboratory de Didcot, près d’Oxford, au lieu du site de l’actuel SRS à Daresbury.

Sur le plan des principes, le Professeur Rutter a toutefois indiqué que le partenariat projeté avec les gouvernements britannique et français serait fondé sur l’équilibre, avec des décisions prises à l’unanimité. En tout état de cause, la structure juridique, l’organisation fonctionnelle et les modes de décision ne sont pas encore discutées par les trois parties.

En réponse à une question de M. Christian CUVILLIEZ, Député, rapporteur, le Professeur Rutter a indiqué que le Wellcome Trust n’est en rien intéressé à prendre une participation dans un synchrotron complémentaire de DIAMOND qui pourrait être construit en France.

3. Le Laboratoire Central des organismes de recherche

Le CLRC (Central Laboratory for the Research Councils) ou Laboratoire Central des organismes de recherche, a pour but la promotion de la science et la technologie au Royaume Uni. Il fonde son action sur la mise en œuvre des très grands instruments britanniques, qu’il conçoit et exploite pour le compte de la communauté scientifique du Royaume Uni.

Les principaux chiffres caractérisant le CLRC sont indiqués au tableau ci-après.

Tableau 16 : Principales données relatives au CLRC

1999-2000

montants

budget annuel

110 millions de £

nombre d’employés en poste

1 728

nombre d’utilisateurs par an

12 000

valeur des actifs :

- installations et équipements

- terrains et bâtiments

407 millions de £

113 millions de £

Le CLRC est un organisme indépendant, régi par une Charte royale et placé sous la tutelle du secrétaire au commerce et à l’industrie.

3.1. Un organisme concevant et exploitant les très grands instruments britanniques

Le budget annuel du CLRC, de 1,2 milliard de francs, est utilisé pour concevoir, construire et exploiter un ensemble de grands équipements.

La part de chacun de ces moyens est indiquée au tableau suivant.

Tableau 17 : Budget fonctionnel du CLRC pour 1999-2000 - Dépenses

1999-2000

millions de £

en % du total

ISIS (source de neutrons pulsés)

26

23,4

Rayonnement synchrotron

23

20,8

physique des particules

18

16,2

sciences et technologies spatiales

17

15,4

instrumentation

7

13

ingénierie

7

laser de puissance

6

6,0

technologies de l’information

6

5,2

total

Le CLRC dispose de trois implantations en Grande-Bretagne : le Rutherford Appleton Laboratory à Didcot (Oxfordshire), le Daresbury Laboratory près de Manchester et le Chilbolton Observatory à Stockbridge (Hampshire).

Il est intéressant de noter qu’en 25 ans, le CLRC qui était spécialisé au départ dans la physique des particules, a élargi son champ d’intervention à un ensemble de moyens d’analyse et d’observation allant de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Le CLRC a de fait pour fonction de gérer des " Big Facilities " pour la " Big Science " et pour la " Small Science ".

Par nature, le CLRC a la responsabilité de procurer des services de qualité aux organismes de recherche britanniques et de compléter ses ressources par des prestations de service pour l’industrie. C’est ainsi que 76 % de ses ressources sont tirées de contributions des Research Councils, qui administrent la recherche britannique, au demeurant sous des formes très différentes de nos grands organismes de recherche.

Tableau 18 : Budget fonctionnel du CLRC pour 1999-2000 – Recettes

1999-2000

millions de £

en % du total

1. Research Councils

Ingénierie et sciences physiques

48

43,6

physique des particules et astronomie

24

21,8

environnement

6

5,5

biologie et biotechnologies

4

3,6

médical

2

1,8

total partiel

84

76,4

2. Autres ressources

partenaires étrangers

8

7,3

Union européenne

4

3,6

universités britanniques

5

4,5

ministères

3

2,7

secteur privé

4

3,6

subventions directes

2

1,8

total partiel

26

23,6

     

total général

110

100,0

Les autres ressources du CLRC soit 24 % proviennent principalement de l’étranger (7 %) et des universités britanniques (4,5 %).

Le CLRC semble engagé dans des efforts de productivité importants ainsi que dans des efforts de marketing considérables pour attirer à lui de nouveaux utilisateurs et diversifier ses ressources budgétaires. A cette fin, son management veut manifestement se professionnaliser et s’orienter encore davantage vers la satisfaction des besoins des utilisateurs.

La contrepartie de cette orientation vers l’utilisateur est que le CLRC ne met en œuvre que des technologies confirmées et capables d’apporter des moyens d’analyse fiables sinon routiniers.

Cette constatation faite par l’un des responsables du centre de Didcot, est importante pour l’avenir de DIAMOND, dans la mesure où ce synchrotron pourrait être orienté davantage vers une utilisation selon des pratiques éprouvées que pour des recherches soumises à des aléas et pour des efforts d’innovation concernant la machine elle-même.

Au reste, l’orientation vers le marché ne semble pas représenter pour le moment une pierre philosophale, dans la mesure où les ressources apportées par le secteur privé ne représentent pour le moment que 3,6 % du total.

3.2. Le CLRC, une pièce essentielle de la stratégie scientifique britannique ?

La stratégie actuelle du CLRC est de concentrer au Rutherford Appleton Laboratory (RAL), situé à Didcot près d’Oxford, le plus grand nombre possible de très grands instruments, avec un management qui se préoccupe de valoriser les synergies entre différents types de grands instruments et de favoriser la créativité interdisciplinaire.

Aujourd’hui, les très grands instruments comme les sources de neutrons et les synchrotrons, ainsi que les lasers sont considérés par le CLRC comme des techniques complémentaires. Au demeurant, selon M. Andrew Taylor, directeur du laboratoire ISIS, les meilleurs chercheurs dans le domaine des études structurales, s’appuient à la fois sur les observations obtenues par les sources de neutrons et sur celles établies grâce au rayonnement synchrotron.

Le principal centre du CRLC est le Rutherford Appleton Laboratory (RAL), situé à Didcot près d’Oxford ; il s’agit d’un parc de très grands instruments avec un bureau d’étude commun et des spécialistes de toutes les technologies nécessaires (matériaux, électronique, informatique notamment)

Non seulement la source de neutrons ISIS et le laser de puissance Vulcain, ainsi que des laboratoires d’électronique, d’informatique et d’instrumentation sont implantés à Didcot, mais le RAL est candidat pour accueillir le futur synchrotron DIAMOND et la future source européenne de neutrons produits par spallation ESS (European spallation source).

Au reste, selon les déclarations recueillies au Rutherford Appleton Laboratory, le CLRC ne semble pas intéressé par une coopération avec la France pour la construction de SOLEIL.

En toute hypothèse, l’implantation de très grands instruments sur le sol national et leur concentration sur un même site semblent être devenues une pièce essentielle de la stratégie de recherche du Royaume Uni.

IV – Visite de DESY à Hambourg (Allemagne) – jeudi 24 février 2000

Lors de sa visite de DESY (Deutsche Elektronen-Synchrotron) à Hambourg, le jeudi 26 février 2000, la délégation de l’Office a été reçu par le Professeur Dr. Albrecht WAGNER, président du conseil de direction et par le Professeur Dr. Jochen SCHNEIDER, directeur du Hasylab.

DESY présente plusieurs caractéristiques remarquables. L’ampleur et le nombre des installations y sont exceptionnels. Celles-ci en effet ne comptent pas moins de 6 pré-accélérateurs, un anneau de stockage pour la physique des particules (HERA) d’une circonférence de 6,3 km, deux anneaux pour le rayonnement synchrotron (DORIS III et PETRA II) dont les circonférences atteignent respectivement 289 m et 2,3 km et une installation pilote pour un laser à électrons libres.

Par ailleurs, à DESY, la physique des particules ainsi que le développement et l’utilisation des synchrotrons sont conduits en parallèle, avec, au surplus, de très fortes interactions avec l’enseignement supérieur, ce qui impulse l’activité universitaire et industrielle de l’Allemagne du Nord.

DESY est à l’origine du projet de collisionneur linéaire TESLA dont l’ambition et les dimensions (30 km) appellent une coopération internationale renforcée, dont les prémisses existent aujourd’hui, la France figurant d’ores et déjà au premier rang des partenaires de l’Allemagne.

S’agissant du rayonnement synchrotron, DESY, non seulement apporte des services importants à une communauté d’utilisateurs très étendue mais s’attache aussi à préparer l’avenir, avec des travaux de pointe sur le complément au rayonnement synchrotron que constitueront les lasers à électrons libres.

1. Historique et organisation de DESY (Deutsche Elektronen-Synchrotron)

DESY (Deutsche Elektronen-Synchrotron) est créé en 1959 à Hambourg sous la forme d’une fondation de droit civil. En 1992, à la suite de la réunification des deux Allemagnes, l’Institut de physique des hautes énergies de Zeuthen lui est rattaché.

En termes d’historique et d’organisation, DESY se caractérise d’abord par une étroite coordination d’une part entre la recherche en physique des particules et d’autre part la recherche conduite avec et sur le rayonnement synchrotron.

Une autre caractéristique originale de DESY est la continuité des efforts, qui se traduit concrètement par la construction progressive d’installations nouvelles parfaitement articulées avec les équipements précédents.

1.1. Une organisation assurant le développement coordonné de la physique des particules et du rayonnement synchrotron

L’organe dirigeant opérationnel de DESY est le conseil de direction, chapeauté par un conseil administratif composé des représentants du Gouvernement fédéral et des Lander. Le conseil de direction bénéficie aussi de l’apport d’un Conseil scientifique.

Echelon suprême de direction, le conseil de direction rassemble l’ensemble des directeurs, avec à sa tête un président (" Chairman of the Board of Directors "). On retrouve ici la dimension collégiale de la décision, fréquente dans les organisations allemandes.

Au plan opérationnel, DESY est structuré en quatre grandes directions : accélérateurs, infrastructure, administration, recherche.

La direction de la recherche est quant à elle subdivisée en plusieurs départements :

- expériences de physique des hautes énergies

- théorie

- électronique

- technologies des détecteurs

- bibliothèque et documentation

- expériences " sur et avec " le rayonnement synchrotron et assistance aux utilisateurs

- biologie structurale

- lasers à électrons libres : installation et expériences.

En matière de rayonnement synchrotron, il s’agit à DESY non seulement de mettre en œuvre le rayonnement synchrotron pour des recherches relatives à toutes les disciplines mais aussi de conduire des recherches relatives au rayonnement synchrotron lui-même.

On retrouve par ailleurs au niveau de la direction de la recherche, un comité scientifique tant pour la physique des particules que pour le rayonnement synchrotron.

Le budget de DESY-Hambourg s’est élevé à 260 millions de DM en 1998, soit 872 millions de francs, et à 266 millions de DM en 1999, soit 892 millions de francs. Celui de DESY-Zeuthen est d’environ 10 % de celui de DESY- Hambourg.

C’est le Gouvernement fédéral qui procure près de 90 % des recettes du budget de DESY. La ville de Hambourg assure le complément à 100 pour DESY-Hambourg, alors que ce complément est fourni par le Land de Brandebourg pour DESY-Zeuthen.

Au plan des effectifs, DESY rassemble environ 3400 scientifiques provenant de 35 pays. Les personnels permanents représentent 1046 personnes à DESY-Hambourg et 126 personnes à DESY-Zeuthen.

La physique des particules compte 1230 chercheurs provenant de 112 instituts différents répartis dans 25 pays. Le rayonnement synchrotron concerne quant à lui 2140 chercheurs provenant de 230 instituts différents situés dans 33 pays différents, les chercheurs étrangers représentant 33 % du total de ce domaine.

1.2. Un ensemble exceptionnel d’accélérateurs et de synchrotrons en synergie les uns avec les autres

DESY-Hambourg présente, à quelques kilomètres du centre ville, une accumulation exceptionnelle de très grands instruments scientifiques, accumulation qui témoigne d’une continuité remarquable dans les efforts de recherche, tant pour la physique des particules que pour le rayonnement synchrotron (voir tableau suivant). La politique scientifique suivie à DESY a été celle d’un développement graduel et cumulatif.

Tableau 19 : Les installations de DESY (Deutsche Elektronen-Synchrotron)

1. Pré-accélérateurs

nom de l’installation

type de particules

énergie maximale du faisceau

longueur ou circonférence

caractéristiques et remarques

e-

e+

H+

LINAC II

x

x

 

450 MeV

70 m

Accélérateur linéaire – injecteur pour DESY II

LINAC III

   

x

50 MeV

32 m

Accélérateur linéaire – injecteur pour DESY II

PIA

x

x

 

450 MeV

29 m

Accumulateur – pour DESY II

DESY II

x

x

 

8 GeV

293 m

Synchrotron – injecteur pour DORIS et pour PETRA

DESY III

   

x

7,5 GeV

317 m

Synchrotron

PETRA II

x

x

 

x

12 GeV

40 GeV

2,3 km

Accélérateur circulaire

2. Anneau de stockage utilisé en physique des particules

type d’installation

type de particules

énergie maximale du faisceau

longueur ou circonférence

caractéristiques et remarques

HERA

x

x

 

30 GeV

6,3 km

4 zones d’interaction en polarisation longitudinale

3. Sources de rayonnement synchrotron

type d’installation

type de particules

énergie maximale du faisceau

longueur ou circonférence

caractéristiques et remarques

DORIS III

x

x

 

4,5 GeV

289 m

11 lignes de faisceaux d’aimants de courbure 2 eV – 200 keV

10 lignes de faisceaux sur wigglers ou onduleurs

20 eV – 200 keV

PETRA II

x

x

 

12 GeV

2,3 km

1 ligne de faisceau d’onduleur

15 keV - 500 keV

4. Laser à électrons libres – en construction

type d’installation

type de particules

énergie maximale du faisceau

longueur ou circonférence

caractéristiques et remarques

TTF-FEL

x

x

   

300 m

Accélérateur linéaire supraconducteur pour le domaine spectral UV dans le vide (6 nm) – fonctionnement basé sur le principe SASE ; utilisation pour les sciences naturelles dès 2003

Une particularité de ces installations est qu’elles sont en synergie totale.

Un accélérateur linéaire de protons comme le LINAC III sert en effet d’injecteur à la fois pour l’anneau de stockage DESY II et pour l’anneau PETRA.

De même, le synchrotron DESY II sert d’injecteur d’électrons ou de positrons aussi bien pour l’anneau DORIS utilisé pour la production de rayonnement synchrotron que pour l’anneau PETRA dont la finalité est principalement la physique des particules. Quant à ce dernier, il est utilisé non seulement pour la physique des particules et la production de rayonnement synchrotron mais aussi comme injecteur pour l’anneau HERA de 6,3 km de circonférence.

Figure 2 : Schéma des accélérateurs et des anneaux de stockage de DESY

En définitive, les installations de DESY permettent des investigations sur la structure de la matière, depuis les cristaux jusqu’aux électrons et aux quarks (voir tableau suivant).

Tableau 20 : Domaines d’études de DESY

objet

dimension

domaine d’étude

instrument d’étude au HASYLAB

cristal

10-2 m

rayonnement synchrotron

DORIS III, PETRA II

molécule

10-9 m (1 nm)

rayonnement synchrotron

DORIS III, PETRA II

atome

10-10 m (1 Å)

rayonnement synchrotron

DORIS III, PETRA II

noyau atomique

10-14 m

   

proton

10-15 m

physique des particules

HERA

électron, quark

10-18 m

physique des particules

HERA

 

1.3. un centre de formation par la recherche

Une autre caractéristique remarquable de DESY est de contribuer d’une manière sans doute décisive à la formation de nombreux étudiants chercheurs. De fait, la décision de lier étroitement les très grands instruments aux universités a été prise à la fin des années 1950 en Allemagne.

En 1999, ce sont 291 étudiants préparant leur mémoire de maîtrise, 237 étudiants en doctorat, 602 " post doc " et 74 étudiants en formation permanente, qui ont conduit leurs recherches à DESY, soit au total 1130 étudiants, dont 37,2 % en provenance d’universités non allemandes.

En conséquence, nombreuses sont les universités qui sont en charge d’une ligne de lumière ou d’un instrument à DESY ou HASYLAB.

Pour la direction de DESY, la présence de nombreux étudiants, au demeurant fort peu intimidés par ces installations à la fois gigantesques et complexes, ajoute au dynamisme des chercheurs de DESY.

La formation dans un tel centre de haut niveau élève sans aucun doute le niveau de compétence mais aussi le niveau d’exigence technique des futurs cadres de l’industrie. En tout état de cause, selon le Professeur Dr . Jochen SCHNEIDER, " les étudiants reçoivent une formation vraie, au contact des machines d’une grande sophistication et d’une grande ambition ". Au total, sur l’exemple du HASYLAB, " la présence d’un synchrotron dans une région est bien de nature à entraîner des changements importants dans l’enseignement et la recherche de toute une région ".

2. Le projet TESLA et les perspectives de coopération franco-allemande en physique des particules

DESY, comme tous les laboratoires de physique des particules, s’efforce de répondre à trois types de questions. La première concerne la mise en évidence de tous les constituants de la matière. La deuxième porte sur la caractérisation des différentes forces existant dans l’univers. La troisième porte sur le point de savoir s’il existe une force unique dont toutes les autres dériveraient et s’il existe des composants ultimes de la matière à la base de tous les autres. Ces questions fondamentales sont évidemment liées à la cosmologie et à l’existence d’un événement fondateur de l’univers, à savoir le " Big Bang ".

Tout en disposant pour quelques années encore d’un anneau de grande taille avec HERA, DESY étudie à l’heure actuelle le projet TESLA, qui, toujours dans le cadre d’une coopération internationale, lui permettra de franchir une nouvelle étape.

2.1. Les expériences conduites avec l’anneau HERA

L’instrument principal utilisé à DESY pour la physique des particules est, comme on l’a vu l’anneau HERA, d’une énergie de 30 GeV pour les électrons et les positons, et de 820 GeV pour les protons, et dont la circonférence est de 6,3 km. L’anneau comporte quatre zones d’interaction, où sont examinées principalement les conséquences de chocs entre électrons et protons, entre électrons et positons, et entre protons opposés à d’autres protons.

La construction de l’anneau HERA s’est effectuée au plan international, dans le cadre de coopération avec 13 pays, la France ayant joué un rôle important. HERA a des dimensions modestes par rapport au LEP du CERN.

Mais, utilisant des aimants supraconducteurs pour l’accélération des protons et des aimants classiques pour celle des électrons, il s’agit là d’un des plus grands " microscopes " du monde, permettant d’étudier la structure des protons (10-15 m) voire celle des électrons (10-18 m).

2.2. Le projet TESLA

Le projet TESLA (Teraelectronvolt Energy Superconducting Linear Accelerator) a pour objectif la construction d’un accélérateur linéaire d’une longue totale de 33 km. Des deux extrémités de cet équipement, partiront en sens inverse des électrons et des positons, destinés à entrer en collision au point milieu, où se trouveront un ensemble de détecteurs. Au point milieu de TESLA, se trouveront aussi des lignes permettant la dérivation des électrons vers les lasers à rayons X.

Selon toute probabilité, il n’existera dans le monde qu’un seul collisionneur linéaire de ce type. DESY, fort de son expérience et d’une réflexion poussée sur ce projet, entend proposer à la communauté internationale sa construction à Hambourg.

2.2.1. La procédure et le calendrier

La première étape de la procédure prévue pour le lancement du projet TESLA est aujourd’hui entamée. En effet, la préparation du rapport de conception technique et d’estimation des coûts a été lancée au début février 2000, avec une publication prévue pour le début 2001. Il sera alors soumis au Conseil scientifique fédéral nommé par le Président de la République. Le dossier complet, assorti de l’avis du Conseil scientifique fédéral, sera alors transmis pour décision au Gouvernement fédéral ainsi qu’aux autorités de la ville de Hambourg et du Land de Brandebourg.

Selon le Professeur Dr. Albrecht WAGNER, président du conseil de direction de DESY, le Gouvernement fédéral est très intéressé par la construction d’un nouveau très grand instrument en Allemagne et devrait, selon toute vraisemblance, donner un verdict positif, si deux conditions toutefois sont remplies : d’une part un avis favorable du Conseil scientifique fédéral, et d’autre part, la mise au point d’une réelle coopération internationale. La décision devrait intervenir en tout état de cause au début de 2003. La construction de l’accélérateur linéaire TESLA devrait durer de 7 à 8 ans, pour un coût certainement supérieur à celui de HERA, qui s’est élevé à 1,3 milliard de DM, soit 4,4 milliards de francs environ. En définitive, l’horizon du projet TESLA est de 10 à 15 ans.

2.2.2. Les critères d’évaluation de la recherche en Allemagne

Les trois plus grands organismes de recherche allemands ont fait l’objet récemment d’une évaluation internationale délivrée par un panel international de scientifiques de haut niveau.

Ces critères sont présentés au tableau suivant.

Tableau 21 : Les 5 conditions d’une bonne recherche

Pour être considérée comme de qualité, la recherche doit :

1. Explorer un nouveau champ de connaissances

2. Se concentrer sur les domaines ayant un grand potentiel d’avenir

3. Soutenir l’interdisciplinarité

4. Renforcer l’éducation des étudiants et des jeunes chercheurs

5. Renforcer la coopération internationale

Pour M. Jean GALLOT, ces cinq critères fournissent une grille d’évaluation particulièrement pertinente. Chacun des 5 éléments doit être pris en compte, et tout particulièrement la nécessité de se concentrer sur des domaines ayant un grand potentiel. En tout état de cause, la prise en compte de l’avenir a une traduction budgétaire à DESY, puisque 17 % du budget sont consacrés à des dépenses de développement. Par ailleurs, si cette grille d’analyse s’applique au présent, elle entraîne aussi la nécessité de mettre en place une planification glissante sur 10 ans.

En tout état de cause, selon le Pr. Dr. Albrecht WAGNER, " pour jouer les premiers rôles dans la recherche mondiale, il faut être en avance ". Le projet TESLA le permettra sans aucun doute.

Au reste, " il faut des instruments pour réaliser des idées et exploiter des résultats ". Il faut également " préparer le terrain ", et les très grands instruments sont indispensables à cet égard. " Des pays comme la France et l’Allemagne ne peuvent compter sur leurs ressources naturelles pour leur développement et doivent au contraire faire de leur créativité le moteur de leur développement ".

2.2.3. La coopération internationale

La coopération entre la France et DESY existe d’ores et déjà dans le domaine de la physique des particules. Compte tenu des investissements à réaliser et des compétences technologiques à rassembler, la demande du Gouvernement fédéral de réaliser TESLA dans le cadre d’une coopération internationale est bien légitime, selon le Professeur Dr. Jochen SCHNEIDER, en raison de son ambition et de son ampleur.

Cette coopération avec la France s’effectue par l’entremise du CEA et du CNRS, qui ont, notamment, fourni, depuis 1965, différents équipements, tant pour HERA que pour l’installation TTF-FEL, démonstrateur du futur laser à électrons libres. En 1997, 112 chercheurs français appartenant à 8 universités ou organismes de recherche étaient impliqués à DESY.

Pour les responsables de DESY, le schéma idéal pour l’intégration de laboratoires de différents pays dans un grand projet international est que les chercheurs partagent leur activité entre le site de l’instrument international et leur laboratoire national d’origine. Ce modèle est mis en œuvre à DESY avec succès.

3. Le rayonnement synchrotron au Hasylab : recherche, service et éducation

Les activités relatives au rayonnement synchrotron tant en ce qui concerne la recherche sur le rayonnement synchrotron que la mise en œuvre de ce dernier, sont à DESY du ressort de la direction dite du HASYLAB (Hamburg Synchrotron Laboratory).

Une autre entité administrative s’ajoute à ce dernier : il s’agit de l’antenne permanente de l’EMBL (European Molecular Biology Laboratory) sur le site de DESY. En outre l’unité de développement des lasers à électrons libres se trouve sous la double autorité du responsable des accélérateurs et de celui du HASYLAB.

Le rayonnement synchrotron est produit à DESY par deux anneaux, DORIS III, dont l’énergie maximale atteint 4,5 GeV, et PETRA II, dont l’énergie maximale atteint 12 GeV.

Au total, les deux sources de rayonnement synchrotron DORIS III et PETRA II offrent 44 stations expérimentales indépendantes dotées de 79 instruments utilisés alternativement.

DORIS III possède en particulier 7 " wigglers " dont les performances, certes inférieures à celles d’un onduleur en terme d’émittance, sont toutefois très intéressantes, avec une intensité de l’ordre de 80 % de celle atteinte à l’ESRF, pour des échantillons d’une taille relativement grande.

C’est l’anneau de stockage DORIS III, dont la forme est celle d’une piste olympique, avec ses 11 lignes de lumière sur aimants de courbure et ses 10 lignes sur onduleurs et " wigglers " qui fournit la contribution la plus importante. L’anneau circulaire PETRA II ne possède quant à lui qu’une ligne de lumière sur onduleur qui est utilisée d’une façon accessoire pour la recherche avec le rayonnement synchrotron, quand la machine n’est pas utilisée pour l’injection de protons ou d’électrons dans l’anneau HERA.

La durée de fonctionnement de DORIS III atteint environ 5000 heures par an.

Le budget annuel de l’anneau DORIS III était en 1998 de 9 millions de DM, soit 30,2 millions de francs et le budget du Hasylab de 27 millions de DM, soit de 90,6 millions de francs.

3.1. Un laboratoire de services

On retrouve à DESY la particularité remarquable des synchrotrons d’attirer autour d’eux un nombre de chercheurs largement supérieur aux autres très grands instruments.

Alors que la physique des particules rassemble 1230 scientifiques provenant de 25 pays autour de l’anneau HERA, les anneaux DORIS III et PETRA II dont la mission est la production de rayonnement synchrotron rassemblent, quant à eux, 2140 scientifiques, dont 33 % provenant de pays étrangers.

On notera au passage que ces statistiques sont établies sur la base de la convention selon laquelle un même chercheur venant à plusieurs reprises à DESY n’est compté qu’une seule fois, comme au MaxLab de l’université de Lund et au contraire de la pratique de l’ESRF.

Au reste, DESY abrite un laboratoire de 50 personnes de l’EMBL (European Molecular Biology Laboratory) qui sert à une communauté d’utilisateurs d’environ 500 chercheurs dans le domaine de la biologie structurale dont la plupart s’intéressent à la cristallographie des protéines.

Il faut noter que le mode de fonctionnement du HASYLAB est plutôt coopératif que commercial, en ce sens que contrairement à ce que l’on observe à Daresbury ou au Rutherford Appleton Laboratory, les chercheurs, à l’intérieur d’une contribution financière globale, procèdent volontiers à des échanges de temps de faisceau sans facturation.

3.2. Une activité en croissance rapide, notamment du fait d’une forte utilisation par les biologistes

Le HASYLAB est, comme DESY en général, un laboratoire de recherche fondamentale, en l’occurrence sur le synchrotron, et un laboratoire jouant un rôle important dans l’enseignement supérieur allemand. Mais c’est aussi un laboratoire de service, pour la communauté scientifique nationale et internationale, dans l’ensemble des domaines de la physique, de la chimie et de la biologie.

3.2.1. Un nombre d’utilisateurs en forte croissance

En 1991, les installations du HASYLAB étaient utilisées à des fins expérimentales par environ 600 chercheurs. Aujourd’hui, le total atteint environ 2100 personnes. L’implantation d’un laboratoire de l’EMBL a bien entendu contribué à cet essor. En l’occurrence, en 1999, près de 500 chercheurs de l’EMBL ont utilisé les faisceaux de DORIS III et de PETRA II.

Figure 3 : Evolution du nombre de chercheurs réalisant des expériences au HASYLAB

Pour les responsables du HAYSLAB, l’accès à un synchrotron est un moyen idéal pour " emmener des petites équipes de scientifiques dans une recherche de très haute compétitivité ".

De fait, le nombre de publications réalisées grâce à des expérimentations au HASYLAB, a connu un essor remarquable (voire figure suivante).

Figure 4 : Nombre de publications citées dans le rapport annuel du HASYLAB

 

3.2.2. L’envolée de la biologie au HASYLAB

Le HASYLAB dispose de 7 lignes de lumière allouées à la biologie. Parmi celles-ci, 4 sont équipées pour la biologie structurale et 3 pour l’absorption-diffusion des systèmes non cristallisés.

D’une manière générale, un faisceau provenant d’un " wiggler " donne lieu à DESY à deux expériences. Les lignes de cristallographie sont équipées d’instruments similaires, de façon à être substituables et à faciliter une exploitation 24h sur 24.

L’impact du HASYLAB sur les publications scientifiques de biologie structurale, avec 357 publications signalées en 1999, est du même ordre de grandeur que celui de l’ESRF (voir tableau suivant).

Figure 5 : Statistiques d’impact des principaux synchrotrons mondiaux sur les publications de biologie structurale,

source : HASYLAB-DESY Hambourg

Nombre de " alert papers " dans Structure

1994

1995

1996

1997

1998

1999

I – SYNCHROTRONS

Europe

Daresbury (SRS)

247

255

163

237

323

286

Grenoble (ESRF)

64

130

193

365

382

Hambourg (Hasylab)

116

144

205

250

272

357

Lund (MaxLab)

28

Lure

65

112

100

16

113

117

Trieste (ELETTRA)

28

73

Europe – total

428

575

598

696

1 129

1 215

Amérique du Nord

Argonne

273

Berkeley

306

Brookhaven

149

299

476

571

638

919

Chess

148

121

259

316

585

852

Stanford

58

187

199

306

322

609

Amérique du Nord (total)

355

607

934

1 193

1 545

2 959

Japon

Tsukuba

160

116

73

77

48

82

II – SOURCES PROPRIETAIRES (de laboratoire)

Monde

1 578

1 405

1 083

1 343

1 052

669

TOTAL

Monde

2 521

2 703

2 688

3 309

3 774

4 925

Le tableau précédent démontre également, dans les limites de la méthode statistique utilisée, que le recours aux synchrotrons pour l’élucidation des structures est en tout état de cause fortement croissant (voir figure suivante).

Figure 6 : Comparaison du total mondial de publications de biologie structurale résultant des travaux conduits sur des synchrotrons

ou sur des sources propriétaires

source HASYLAB - DESY Hambourg

Ainsi le HASYLAB participe avec efficacité à la course actuelle à la résolution des structures. Mais, au total, l’Europe manifeste un retard très important sur les Etats-Unis, comme le montre le graphique suivant.

Figure 7 : Nombre de publications en biologie structurale résultant de travaux conduits sur les synchrotrons américains ou européens

source : HASYLAB –DESY Hambourg

Selon le Professeur Dr. Jochen SCHNEIDER, la forte accélération du rythme des résolutions de structure de protéines aux Etats-Unis grâce à l’utilisation du rayonnement synchrotron, est une conséquence, parmi d’autres, de l’augmentation spectaculaire des crédits du NIH (National Institute of Health).

3.2.3. Les développements prévus et leurs coûts

Selon le Pr. Dr. Jochen SCHNEIDER, l’automatisation de l’installation des échantillons sur les goniomètres des lignes de lumière pour la cristallographie des protéines est encore loin de pouvoir devenir opérationnelle.

Les projets de l’ESRF en la matière lui paraissent très importants. Au demeurant, une automatisation complète ne semble pas entrer dans la vocation du HASYLAB, où la formation supérieure et le contact entre les chercheurs visiteurs et les chercheurs résidents jouent un grand rôle.

S’agissant des autres types de progrès à effectuer, le HASYLAB met l’accent sur le fait que tous les maillons de la chaîne

source ® échantillon ® détecteur

sont concernés.

Parmi les instruments les plus onéreux sur une ligne de lumière, figurent l’optique et notamment les monochromateurs et, en aval de l’échantillon, les détecteurs. On trouve au HASYLAB des détecteurs de type " image plate " et des détecteurs à caméra CDD qui permettent d’obtenir plus rapidement les mesures, grâce à une excitation préalable des atomes récepteurs. En aval de la mesure, le laboratoire de rayonnement synchrotron doit aussi mettre à disposition des chercheurs des équipements informatiques de haute performance, notamment pour procéder à des vérifications de la qualité des données recueillies, avant le retour dans le laboratoire d’origine.

Au reste, ce sont bien les frais de personnel qui représentent la principale dépense. Des personnels très qualifiés sont en premier lieu nécessaires pour l’adaptation de l’instrumentation achetée sur le marché aux besoins spécifiques de l’installation. Il faut également aux chercheurs visiteurs une assistance donnée par des personnels de haute qualification.

De surcroît, les chercheurs visiteurs attendent de trouver sur place, non seulement une assistance technique pour l’accès à la machine, mais également des chercheurs résidents conduisant leurs propres recherches de haut niveau, afin d’avoir des échanges fructueux avec eux. Les responsables du HASYLAB sont convaincus qu’il s’agit là d’une exigence fondamentale de la part des chercheurs visiteurs. Certes la qualité des faisceaux est importante. Mais l’enrichissement au contact de scientifiques résidents est un critère de choix essentiel.

Au total, il paraît impossible, dans le chiffrage du coût d’accès à des lignes de lumière situées sur un synchrotron étranger, de ne pas tenir compte des coûts correspondant à la création et à l’exploitation d’un laboratoire national situé dans l’environnement même de la machine.

En conséquence, aux coûts des lignes de lumière et de leur instrumentation, il est indispensable non seulement d’ajouter les coûts des personnels d’exploitation et d’assistance technique, mais également les coûts des infrastructures, des équipements et des coûts salariaux correspondant à un ou plusieurs laboratoires permanents installés sur le site.

3.3. Un centre aujourd’hui saturé ne comportant pas de lignes libres

Les autorités françaises se sont enquises, à plusieurs reprises depuis 1998, de la disponibilité de lignes en Allemagne, dans le cadre de la recherche de lignes complémentaires à celles négociées sur DIAMOND.

DESY n’offrait et n’offre aujourd’hui aucune possibilité.

En revanche des ressources disponibles existaient encore au début 1998 sur l’anneau de stockage BESSY II.

Trois visites ont été en conséquence réalisées par des responsables français, l’une rapide et non technique par M. Paul CLAVIN, la deuxième par Mme GODET et M. Yves FARGE et la dernière par des membres de l’équipe de M. PELLAT.

Faute de concrétiser un accord, la ligne d’onduleur qui était disponible en 1998, ne l’est plus aujourd’hui. Début 2000, quelques faisceaux sur aimant de courbure sont seuls disponibles, ainsi qu’une ligne sur un " wavelength shifter ", dispositif produisant des rayons X avec une divergence énorme.

Cette saturation rapide des machines allemandes en quelques mois illustre bien, si cela était encore nécessaire, la montée générale des besoins en temps de faisceau.

Au vrai, l’on aurait pu espérer que la meilleure maîtrise des manipulations sur les lignes de lumière, acquise grâce à l’expérience accumulée, eût repoussé la saturation effective des machines. En fait, il n’en est rien. Le mouvement naturel des chercheurs est en effet d’aller toujours aux meilleures possibilités de la machine, et donc de s’ingénier à affiner leurs résultats, de sorte que les temps de séjour ne sont pas réduits sensiblement.

Selon la direction de DESY, une autre dimension importante des synchrotrons est leur longévité, qui exige que l’on ne sous-dimensionne pas une installation, puisqu’elle est destinée à durer au moins 20 ans.

3.4. Les caractéristiques idéales d’un synchrotron moderne

Pour le Professeur Dr. Jochen SCHNEIDER, un synchrotron moderne de caractéristiques idéales doit être le point de rencontre des exigences de coûts, qui tendent à faire adopter une énergie moyenne, et des exigences techniques, qui visent à permettre d’utiliser les dispositifs d’insertion modernes que sont les onduleurs à très faible entrefer.

Sur un plan technique, il est en conséquence fondamental, d’une part de concevoir des faisceaux ayant la plus faible émittance possible et d’autre part de bénéficier de faisceaux stables, c’est-à-dire de faisceaux d’électrons d’au moins une quinzaine d’heures de durée de vie.

Au reste, un synchrotron représentant un investissement lourd et opérationnel sur au moins 20 ans, il est indispensable d’opter pour les meilleures technologies du moment et de ne pas faire des économies de départ qui pourraient par la suite s’avérer désastreuses.

Par ailleurs, si une coopération internationale est recherchée pour la construction du synchrotron, ce que de nombreux pays n’ont pas choisi de faire, il est essentiel de commencer la coopération au niveau des scientifiques, puis de l’acter au niveau politique et non pas l’inverse, tant il est vrai qu’une coopération réelle et efficace ne se décrète pas du sommet.

Par ailleurs, l’expérience américaine récente montre qu’il y a un très grand risque que les crédits annulés du fait de l’abandon d’un très grand instrument scientifique, soient absorbés par le budget général et ne soient pas laissés à disposition du budget de la recherche.

En tout état de cause, comme l’indique M. Jean GALLOT, l’absence d’un synchrotron national de 3ème génération sur le sol français non seulement serait dommageable pour les utilisateurs dans leur activité courante, mais compromettrait à terme le potentiel de la recherche française, tant au niveau de sa capacité à mettre en œuvre le rayonnement synchrotron qu’à celui de la recherche dans ce domaine, et, au final, handicaperait gravement son potentiel de coopération internationale.

4. Les lasers à électrons libres, futurs compléments des synchrotrons de 3ème génération

La recherche sur les lasers à électrons libres s’inscrit à DESY en cohérence avec le projet TESLA de construction d’un collisionneur linéaire pour la physique des particules.

Le plan d’action de DESY à cet égard, indiqué au tableau suivant, vise la mise au point en 2010 d’un laser à électrons libres dans le domaine des rayons X.

Tableau 22 : Plan d’action de DESY dans le domaine des lasers à électrons libres

date

objectif de longueur d’onde

lieu et remarque

2000

1200 Å (120 nm)

Installation test de TESLA à DESY

2003

60 Å Õ 20 Å (6nm Õ 2 nm)

Laser à électrons libres V-UV à DESY

2005

1,5 Å (0,15 nm)

Laser à électrons libres LCLS à Stanford

2010

1 Å (0,1 nm)

Laser à électrons libres à rayons X à TESLA à DESY

En tout état de cause, la recherche sur les lasers à électrons libres s’inscrit dans la ligne des développements continus conduits à DESY.

Selon toute vraisemblance, les expériences sur l’installation HERA (30 GeV – 6,3 km) s’arrêteront en 2005, du fait de la mise en service du LHC (Large Hadron Collider) du CERN. Il y aura alors 5 à 10 faisceaux à récupérer, qui seront affectés au laser à électrons libres.

Plusieurs éléments marquants caractérisent cet ambitieux programme. Le premier est le choix de la technologie SASE (Self Amplified Spontaneous Emission). Le deuxième, d’une grande importance, est la réalisation, le 23 février 2000, d’une expérience prouvant la validité de la méthode retenue. Le troisième élément est la perspective d’application des lasers à électrons libres à l’analyse destructive de la matière non cristallisée, en particulier aux protéines non cristallisables, dont le nombre est, comme on sait, très important.

4.1. Le principe de la technologie SASE

Le principe des lasers à électrons libres est de faire produire par des paquets d’électrons de forte densité un rayonnement de la plus faible longueur d’onde et de la plus forte brillance possibles.

Sur un plan technologique, après les tubes à rayons X, sont apparus les synchrotrons de 2ème génération produisant un rayonnement à partir des aimants de courbures. Puis les " wigglers " et les onduleurs ont été mis au point permettant d’atteindre, sur les synchrotrons de 3ème génération, des brillances supérieures d’un facteur dix milliards de fois supérieur aux premiers faisceaux de synchrotrons de 2ème génération.

L’objectif avec les lasers à électrons libres est de gagner un facteur 1 000 000 par rapport aux meilleurs onduleurs de l’ESRF, par exemple. Ainsi, serait respectée la loi selon laquelle " le rayonnement synchrotron gagne en brillance trois ordres de grandeur tous les dix ans " (voir figure ci-après).

Figure 8 : Evolution de la brillance des faisceaux selon les techniques utilisées








 

 

Le principe des lasers à électrons libres est de faire évoluer un faisceau d’électrons de sorte qu’un effet d’auto-amplification du rayonnement électromagnétique émis par les électrons se déclenche spontanément.

Deux technologies sont envisageables à cet égard, la première défrichée en France au Lure et la deuxième au HASYLAB.

La première voie consiste à initier une modulation de charge des paquets d’électrons par un champ électromagnétique intense, quand le paquet traverse un onduleur de quelques dizaines de mètres de longueur.

De fait les paquets d’électrons utilisés dans les anneaux de stockage sont peu denses et la modulation de charge est possible en utilisant un résonateur optique avec des miroirs. En toute hypothèse, lorsque l’on implante un laser à électrons libres sur un anneau de stockage, il semble qu’on soit limité à des longueurs d’onde de l’ordre de 150 nm. La difficulté est de fabriquer des miroirs à rayons X, de sorte que ce principe rencontre un obstacle qui semble insurmontable aux responsables du HASYLAB.

L’autre voie, retenue au HASYLAB consiste à placer le faisceau dans un onduleur de grande longueur. Dans ce cas, l’on cherche à obtenir des paquets d’électrons d’une grande densité. Il suffit alors d’appliquer un champ magnétique relativement peu élevé pour déclencher l’effet SASE(voir figure suivante).

Figure 9 : Schéma de principe de l’effet SASE (Self Amplified Spontaneous Emission) dans un laser à électrons libres

De fait, le but du programme de recherche sur les lasers à électrons libres au HASYLAB est de parvenir à structurer la charge d’un paquet d’électrons pour produire des modulations en intensité.

L’intensité du faisceau dépendra ainsi non seulement du carré du nombre de dipôles mais également du carré du nombre d’électrons (voir figure suivante).

Figure 10 : Intensités des faisceaux issus de différents dispositifs d’insertion





 



 

La théorie démontre que dans le cas d’un laser à électrons libres, l’intensité du faisceau dépend du nombre d’électrons au carré. Les perspectives de gain en brillance sont donc considérables.

4.2. Le succès du 23 février 2000

Dans le domaine de lasers à électrons libres, toute la difficulté est d’une part de produire le phénomène d’amplification de l’émission d’ondes électromagnétiques et d’autre part d’obtenir cet effet pour les longueurs d’onde les plus faibles possibles.

L’expérience réussie le 23 février 2000 sur l’installation TTF-FEL du HASYLAB a permis de mettre en évidence l’effet d’amplification recherché, pour une longueur d’onde de 109 nm (1090 Å). Les expérimentateurs de TTF-FEL ont constaté en effet, ce jour là pour la première fois, un gain en brillance d’un facteur 200, avec une contraction d’un facteur 10 de la distribution de longueur d’onde (voir figure suivante).

 

 

 

 

 

Figure 11 : Mise en évidence de l’effet SASE sur l’installation TTF-FEL du HASYLAB

Dans ce type d’application, les caractéristiques du faisceau d’électrons sont de la plus haute importance pour les applications qui peuvent en être tirées.

De fait, il s’agit de trains de paquets d’électrons, chaque train étant séparé du suivant par environ 100 ms. Le nombre de paquets dans un même train peut varier entre 1 et 7200. La largeur de chaque paquet est de 400 femtosecondes, selon la figure suivante.

Figure 12 : Schéma des trains de paquets d’électrons sur l’installation TTF FEL (démonstrateur de laser à électrons libres) du HASYLAB




 

 

Au total, le rayonnement obtenu possède trois caractéristiques intéressantes : d’une part, il s’agit d’un rayonnement pulsé, d’autre part sa brillance est très forte et enfin, il s’agit d’un rayonnement cohérent.

Certes pour l’instant, la longueur d’onde du rayonnement obtenu est de 109 nm. De nombreux progrès sont donc nécessaires pour parvenir aux longueurs correspondant aux rayons X. Toutefois, la démonstration est faite de l’existence de l’effet SASE sur des onduleurs de grandes dimensions. Les recherches vont donc pouvoir se poursuivre avec ardeur.

Il est à noter, à cet égard, que les chercheurs français de Saclay et d’Orsay ont joué un rôle important dans la mise au point du démonstrateur que constitue l’installation TTF-FEL, notamment par leur maîtrise des technologies des aimants supraconducteurs.

4.3. Les perspectives d’application des lasers à électrons libres à rayons X, en complément au rayonnement synchrotron

Les lasers à électrons libres ne sont en aucun cas destinés à se substituer au rayonnement synchrotron, et ceci pour plusieurs raisons. La première est qu’il s’agira vraisemblablement d’installations de grande ampleur et très onéreuses. La deuxième est que les faisceaux obtenus auront des brillances très élevées susceptibles de détruire les échantillons analysés (voir figure suivante).

Figure 13 : Les lasers à électrons libres complémentaires des synchrotrons de 3ème génération

Au demeurant, il s’agit là d’un inconvénient en terme de durée de vie. Mais les très hautes brillances ne sauraient être tenues pour inutiles, bien au contraire.

Pourquoi, en effet, est-il nécessaire de disposer de cristaux pour obtenir des images des structures des macromolécules par la méthode de la diffraction ? En réalité, c’est pour que se créent dans le cristal des interférences renforçant ce phénomène, les faisceaux de lumière étant au demeurant peu cohérents.

Cette condition constitue actuellement une limite aux applications du rayonnement synchrotron. En effet, la cristallisation se révèle difficile pour de nombreuses protéines, en particulier pour les protéines membranaires.

Si la matière n’est pas cristallisée, ce phénomène d’interférences cumulatives ne se produit pas. Mais, " peut-être, avec un faisceau d’une brillance encore plus forte que ce dont on dispose actuellement, sera-t-il possible d’obtenir une image " ? D’où l’idée d’obtenir la structure de macromolécules non cristallisées avec un faisceau de lumière cohérente doté d’une brillance très forte.

Certes, si la brillance est très forte, l’exposition au faisceau conduira sans doute à la destruction du matériau étudié.

Mais l’objectif sera alors d’étudier les interactions entre les photons et la molécule, la déformation par réarrangement de la molécule sous le coup des photons jusqu’à son éclatement, et d’en tirer, par le calcul, des informations sur la structure de la molécule initiale.

Un des points clés sera donc la récupération d’informations pendant ce laps de temps en vue de la réalisation de calculs complexes. Par ailleurs, les lasers à électrons libres devraient permettre des études de structure dynamiques ainsi que des études " pump and probe ", dans lesquelles les molécules sont étudiées dans leur état normal et aussi après excitation par un laser.

Concernant la préparation des échantillons soumis à une telle analyse destructive, le HASYLAB prévoit la possibilité de préparer des agrégats d’atomes en très petit nombre, dont le processus de destruction sera atténué ou différent.

Une coopération étroite avec les spécialistes des lasers est logiquement prévue par le HASYLAB. Cette communauté a en effet l’expérience de la problématique de l’utilisation de faisceaux de lumière cohérente, sur des durées très courtes et avec une intensité très élevée.

Une nouvelle machine comme l’ESRF ouvre toujours de nouvelles applications. Mais " cela n’a pas empêché le HASYLAB de continuer ". Selon toute probabilité, il en sera de même pour les lasers à électrons libres.

En tout état de cause, comment considérer que de nouveaux progrès sur le rayonnement synchrotron ne seraient pas possibles, au motif que les brillances atteintes sont d’ores et déjà supérieures d’un facteur 100 milliards à la brillance des tubes à rayons X ?

Pour le HAYSLAB, les lasers à électrons libres ouvrent de nouvelles perspectives, certes différentes du rayonnement synchrotron tel qu’on l’utilise actuellement, mais des perspectives fondamentales si l’on veut que " la science progresse dans les 10 ans " dans ce domaine. Lorsque l’objectif sera atteint, les lasers à électrons libres devraient être opérationnels à des longueurs d’onde de l’ordre de l’angström (10-10 m) et produire des faisceaux d’une brillance supérieure de 6 à 10 ordres de grandeur aux meilleurs faisceaux actuels.

Pour le Professeur Dr. Jochen SCHNEIDER, les lasers à électrons libres devraient constituer le domaine privilégié d’une coopération européenne dans le domaine du rayonnement électromagnétique.

Cette coopération se justifie par l’ampleur des moyens nécessaires et par l’importance des enjeux scientifiques. Le choix de ce domaine se justifierait davantage que celui des synchrotrons de 3ème génération, dont les technologies sont suffisamment mûres et les coûts acceptables pour être mis en œuvre dans les cadres nationaux.

Conclusion : quel objectif pour la coopération internationale ?

La construction d’un synchrotron de 3ème génération de haute énergie comme celle de l’ESRF, fut en son temps l’objet d’une coopération internationale. L’expérience a montré que c’était légitime.

Les caractéristiques de l’ESRF lorsqu’elles ont été décidées, excédaient en effet largement les capacités financières et technologiques d’un seul pays européen.

Aujourd’hui la construction d’un synchrotron de 3ème génération fait appel à des technologies maîtrisées et à des investissements pour lesquels la dimension nationale est non seulement suffisante mais synonyme d’une plus grande efficacité.

Les installations internationales sont en effet lourdes à faire évoluer, en raison du rôle dévolu à des commissions multiples en matière de processus de décision, que ce soit pour des travaux sur les installations ou pour réglementer l’accès aux installations par la sélection des projets réalisés par des comités de programme.

Au contraire, selon le Professeur Dr. Albrecht WAGNER et le Professeur Dr. Jochen SCHNEIDER, le vrai niveau d’une coopération internationale est celui de la mise au point de nouveaux très grands instruments recourant à des technologies en émergence.

A cet égard, s’agissant des possibilités offertes par le HASYLAB, il faut noter que la France y est déjà active dans le domaine des accélérateurs linéaires de grande énergie et dans celui des lasers à électrons libres. Des coopérations existent d’ores et déjà entre la France et l’Allemagne, à la plus grande satisfaction des deux communautés scientifiques.

Se fondant sur le principe réaliste qu’une coopération ne se décrète pas mais se développe d’abord au niveau scientifique, avant d’être solennisée et amplifiée au niveau politique, les responsables de DESY sont demandeurs d’un accroissement des interactions avec la France tant pour les projets de laser à électrons libres que pour le projet de collisionneur linéaire TESLA.

Nul doute que le concours de la France est aujourd’hui recherché en raison des compétences de ses chercheurs. Il ne le serait plus si ces compétences disparaissaient, ce qui ne manquerait pas de se produire rapidement s’ils ne pouvaient disposer d’un nouveau synchrotron national d’une technologie avancée et polyvalent.