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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 14 décembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Cessations et reprises de l'exercice de mandats de députés

M. le président

2. Questions au Gouvernement

Emploi des jeunes

Mme Geneviève Fioraso

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Prise d’otages à Besançon

Mme Françoise Branget

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Loi SRU

Mme Marie-Hélène Amiable

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement

Augmentation des tarifs d'assurance

M. Nicolas Perruchot

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Critique de décisions de justice

Mme Élisabeth Guigou

M. François Fillon, Premier ministre

Réunion de préparation des intempéries

M. Robert Lecou

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports

Quotas d'émission de CO2

M. Francis Hillmeyer

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Attentat de Karachi

M. Bernard Cazeneuve

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Récidive

M. Yanick Paternotte

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Conclusions du rapport PISA sur l’éducation

M. Yves Durand

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Bilan du sommet de Cancún

M. Bertrand Pancher

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Formation des maîtres

M. Michel Vergnier

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Licenciement d'une salariée voilée dans une crèche

M. Arnaud Richard

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Semaine scolaire de quatre jours

M. Pascal Deguilhem

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Orientation générale sur la vie associative

Mme Muriel Marland-Militello

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Présidence de Mme Catherine Vautrin

3. Nomination d'un député en mission temporaire

4. LOPPSI

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Motion de rejet préalable

Mme Delphine Batho

M. Jacques Alain Bénisti, M. Michel Hunault, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Noël Mamère

Motion de renvoi en commission

M. Michel Vaxès

M. Jacques Alain Bénisti, M. Dominique Raimbourg, M. Noël Mamère

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Soisson

Discussion générale

M. Philippe Goujon

M. Claude Bartolone

M. Noël Mamère

M. Jacques Alain Bénisti

Mme Colette Langlade

M. Jean-Paul Garraud

M. Bruno Le Roux

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Cessations et reprises de l'exercice de mandats de députés

M. le président. J’informe l’Assemblée que j’ai pris acte, en application de l’article L.O. 176 du code électoral, de la cessation, le 13 décembre à minuit, du mandat de député de Mme Cécile Gallez et MM. Jean-Claude Beaulieu, Jacques Houssin, Georges Siffredi, Charles-Ange Ginesy, Jean-Yves Bony, Marc Vampa, Michel Lezeau, Christian Patria ; et de la reprise de l’exercice du mandat de député de MM. Jean-Louis Borloo, Dominique Bussereau, Marc-Philippe Daubresse, Patrick Devedjian, Christian Estrosi, Alain Marleix, Hervé Morin, Hervé Novelli et Éric Woerth, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin par décret du 13 novembre 2010. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Emploi des jeunes

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Fioraso, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Geneviève Fioraso. Monsieur le Premier ministre, la France, cinquième puissance mondiale, affiche l’un des taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans les plus élevés d’Europe : 24 % en moyenne et jusqu’à 50 % dans certains quartiers bénéficiaires de la politique de la ville. Les jeunes sont bien les principales victimes de la crise. C’est une situation inacceptable sur le plan social et moral, inefficace sur le plan économique et dramatique pour la cohésion de notre société.

Les chiffres sont accablants : 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni formation professionnalisante. Par manque de moyens de coordination entre l’éducation nationale, les missions locales et le pôle emploi, ils ne bénéficient trop souvent d’aucun accompagnement entre seize et dix-huit ans, à un âge pourtant décisif pour leur avenir.

Les choix budgétaires de votre Gouvernement pour 2011 vont aggraver une situation déjà explosive. Un budget reconduit à l’identique pour les missions locales alors que leur activité ne cesse d’augmenter avec la crise : celle de Grenoble est passée en un an de 3 800 à 4 800 jeunes accompagnés. Pire encore, le nombre de contrats aidés non marchands, qui bénéficient pour moitié aux jeunes, va passer de 400 000 en 2010 à 340 000 en 2011 pour finir à 200 000 en 2013, et la baisse annoncée du nombre d’heures prises en charge – de vingt-six à vingt – va fragiliser davantage un dispositif déjà précarisé.

Le RSA jeunes ne prend pas le relais puisque ses conditions d’obtention sont beaucoup trop restrictives : 41 jeunes concernés sur 4 800 à Grenoble. Au moment où la Cour des comptes pointe la faiblesse croissante du nombre de jeunes issus de milieux populaires accédant à l’enseignement supérieur, donc à l’emploi, quand allez-vous enfin faire de l’insertion des jeunes une priorité nationale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la députée, l’emploi des jeunes n’est pas une priorité qu’en France. Hier, le Président de la République recevait les partenaires sociaux dans le cadre de la préparation du G 20 et il a pu constater que tous les pays du monde se préoccupent de l’emploi des jeunes. Vous l’avez souligné : la crise a accentué les difficultés de la recherche d’un emploi. Il est vrai que la France connaît l’un des chiffres les plus importants d’Europe. Nous devrions dès lors songer à travailler ensemble sur ces questions.

Laissez-moi cependant préciser que le nombre d’emplois aidés – 340 000 l’an prochain – est plus important qu’en 2009 – on en comptait 290 000. Ensuite, vous savez que l’une des meilleures voies pour qu’un jeune trouve un emploi, c’est celle de l’alternance, de l’apprentissage ou du contrat de professionnalisation.

M. Jean-Pierre Dufau. Avec quel employeur ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Sur ce sujet, non seulement les choses évoluent – on note une progression du nombre des contrats de professionnalisation –, mais nous pensons qu’il est désormais souhaitable de mettre en place de nouveaux outils.

Ainsi, dans les jours qui viennent, avec Nadine Morano, j’entamerai sur cette question une concertation spécifique avec les partenaires sociaux. Si nous décidons d’aller plus loin dans la voie de l’alternance et de faire passer le nombre de jeunes en alternance de 7 à 10 %, ne faut-il pas chercher à simplifier les outils existants ? Pour devenir maître d’apprentissage faudra-t-il toujours cinq ans demain ? Est-il normal de traiter de la même façon une entreprise qui n’a aucun jeune en alternance et une autre qui en a 2,9 %, juste en dessous du seuil fatidique de 3 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Si cette ambition est partagée, les voix qui s’expriment devraient plutôt accompagner que contrecarrer la volonté du Gouvernement. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si l’emploi des jeunes est une priorité, je vous propose d’y travailler ensemble pour les jeunes et non en fonction de réflexes partisans et politiciens. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Prise d’otages à Besançon

M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Françoise Branget. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Hier matin, l’école maternelle Charles Fourier, située dans le quartier de Planoise, à Besançon, a été la cible d’une prise d’otages par un jeune homme de dix-sept ans apparemment déséquilibré.

Il a réussi à s’introduire, armé de deux sabres, dans l’établissement et a pris en otages une classe de vingt et un élèves, avec leur institutrice et leur assistante maternelle, durant plus de quatre heures.

Visiblement perturbé psychologiquement, le forcené a relâché six élèves, puis dix, avant d’être neutralisé à l’heure du repas par les policiers du groupe d’intervention de la police nationale.

Cet épisode s’est heureusement bien terminé, et je souhaite rendre hommage à toute l’équipe éducative de l’école, et notamment à l’institutrice Nathalie Roffet, qui a fait preuve de beaucoup de sang-froid et de courage, et qui a largement contribué à faire en sorte que cet événement se déroule dans le calme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je souhaite également saluer l’action remarquable et la coordination des forces de sécurité, la police nationale de Besançon et le GIPN, qui ont agi avec maîtrise et efficacité.

Si cette prise d’otages reste un cas isolé, elle a bien entendu suscité une très vive émotion parmi les Bisontins et les habitants du quartier.

Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, qui était présent sur les lieux, a rappelé ce matin qu’il ne souhaitait pas d’écoles bunkers. Je partage pleinement son avis. L’école, et notamment l’école maternelle, est un lieu privilégié où se construit le lien social. Elle doit être un lieu d’accueil et d’échanges entre les enfants, leur parents et l’équipe pédagogique.

Monsieur le ministre, quelles mesures préconisez-vous pour concilier l’équilibre (« Une loi ! Une loi ! » sur les bancs du groupe SRC) entre la garantie de la sécurité dans les écoles et l’ouverture sur la société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Madame la député, la prise d’otages qui s’est déroulée dans l’école Charles-Fourier, hier, à Besançon, s’est effectivement terminée de manière heureuse, et ce grâce à l’action des policiers de la sécurité publique, ainsi que grâce à l’intervention du groupe d’intervention de la police de Strasbourg.

M. Jean Glavany. Et grâce à l’institutrice !

M. Brice Hortefeux, ministre. Le preneur d’otages a été neutralisé. Je précise d’ailleurs qu’il l’a été grâce au pistolet à impulsion électrique. Et les vingt et un otages, l’institutrice et l’assistante maternelle ont été libérés.

Ces missions sont sans relâche, puisque ce matin même, il y a eu une autre prise d’otages, à Mulhouse, qui a sollicité le même groupe d’intervention et qui, là aussi, s’est terminée de manière heureuse.

Cette opération, remarquable de sang-froid et d’efficacité, à laquelle a assisté le ministre de l’éducation, Luc Chatel, témoigne de l’exceptionnel savoir-faire de nos unités d’élite que sont le GIPN, le GIGN et le RAID. Ce savoir-faire est aujourd’hui reconnu à l’échelon mondial.

Je vous précise que depuis le début de l’année, toutes les opérations de même nature se sont soldées par un succès. Au total, trente-neuf otages ont été libérés depuis le début de l’année, sains et saufs, grâce à l’action de ces unités d’élite.

C’est l’occasion pour moi de rendre hommage, avec vous, aux policiers et aux gendarmes, qui, chaque jour, pour protéger nos concitoyens, risquent leur vie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Loi SRU

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-Hélène Amiable. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Il y a dix ans exactement, le 14 décembre 2000, était promulguée la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.

Avec un double objectif – combattre le mal-logement et renforcer la mixité sociale –, son article 55 a fixé, pour chaque ville, une obligation de 20 % de logements sociaux.

En ce dixième anniversaire, que constatons-nous?

La loi n’est toujours pas appliquée : dans le département des Hauts-de-Seine, par exemple, quatorze villes sur trente-six ne la respectent pas. Dans certaines communes, le taux de logements sociaux est même en recul.

La crise du logement s’aggrave : au moins 10 millions de personnes sont mal logées. La production de logements sociaux est insuffisante et le privé n’est plus à la portée d’un jeune, d’un smicard, d’un fonctionnaire ou d’un retraité moyen.

Le droit au logement opposable ressemble à un slogan, puisque les tribunaux indemnisent à défaut de pouvoir reloger.

Plus de 340 personnes sont décédées dans la rue depuis début 2010, et l’immense majorité des 305 000 femmes victimes de violences conjugales l’année dernière n’ont toujours pas trouvé de solution durable.

Les associations ont jugé vos récentes préconisations très en deçà de la situation, elle-même aggravée par votre budget pour 2011 et par vos décisions de diminuer les aides à la pierre, de ponctionner le secteur HLM, de vendre des logements sociaux ou d’attaquer le livret A. Elles appellent aussi à manifester demain contre vos mesures d’exclusions contenues dans le projet LOPPSI 2.

Les députés communistes et du Parti de gauche les soutiennent et proposent de pénaliser plus lourdement les communes hors-la-loi et de créer un véritable service public du logement.

Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous mettre en œuvre cette loi SRU, dix ans après sa promulgation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Madame la députée, vous venez de nous dire que la loi SRU n’est pas appliquée en France. C’est faux, madame la députée. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Les objectifsfixés par cette loi pour la période 2005-2007, c’étaient 60 000 logements créés. Nous en avons financé 95 000 : la loi est appliquée avec un bonus de 50 % par rapport aux objectifs fixés.

Nous avons bien évidemment décidé d’aller plus loin. Sous l’autorité du Premier ministre, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous souhaitons renforcer la production de logements sociaux en France. Nous en avons les moyens, parce que l’État investit 9 milliards d’euros par an au bénéfice du logement social. Nous avons les moyens de respecter cette loi SRU, parce que cette année, nous aurons financé 120 000 logements sociaux. Et nous prenons l’engagement d’en financer 120 000 nouveaux l’année prochaine.

M. Maxime Gremetz. Et combien à Neuilly ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Autrement dit, ce gouvernement souhaite respecter la loi SRU, parce que nous croyons à la mixité sociale.

Mais, madame la députée, dans les Hauts-de-Seine, la mixité sociale doit se voir dans les deux sens. Oui, il faut que toutes les villes respectent le 20 %. (« Neuilly ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais il est tout aussi scandaleux, madame la députée, que certaines villes soient à plus de 70 % de logements sociaux (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et ne s’engagent pas dans la production de logements dans le cadre de l’accession à la propriété. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Augmentation des tarifs d'assurance

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et concerne la hausse annoncée des tarifs des assurances.

Malheureusement, les années se suivent et se ressemblent pour les clients des compagnies d'assurance. En effet, nous apprenons aujourd'hui que tant pour les contrats habitation que pour les contrats automobile, les compagnies d'assurance s'apprêtent à augmenter très sensiblement leurs tarifs. Ces augmentations seront de l'ordre de 3,5 % à 8 % pour l'assurance habitation ; et de 2,5 % à 4,5 % pour l'assurance automobile.

Je souhaiterais, au nom du groupe Nouveau Centre, m'indigner devant cette hausse des cotisations, qui, à terme, viendra affecter les budgets des ménages les plus modestes. Ces ménages doivent déjà prendre en compte la hausse des tarifs des mutuelles. Je suis certain que vous serez d’accord avec nous pour prendre la défense des classes moyennes, qui, après la hausse des tarifs des banques, subissent la hausse des tarifs des assurances.

La souscription d'un contrat d'assurance pour son habitation ou pour son automobile est déjà un poste de dépenses important pour chacun de nos concitoyens.

Même si nous devons entendre l'argument qui est avancé, pour ce qui est des contrats multirisques habitation, suite aux récents épisodes climatiques ayant traversé notre pays, mon interrogation est plus grande sur l'augmentation des cotisations portant sur les contrats automobile ou sur les dépenses de santé.

Mes chers collègues, au moment où nous entrevoyons le chemin de la reprise économique, cette hausse, si elle venait à être confirmée, serait un très mauvais signal adressé à l'ensemble de nos compatriotes.

Aussi, ma question est simple, madame la ministre, quelles actions entendez-vous mener afin d'éviter un relèvement des cotisations des assurances qui pénaliserait l'ensemble des ménages, et notamment les classes moyennes françaises ?

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il est vrai qu’aujourd’hui, le budget des ménages est sous tension, et je suis particulièrement attentive et vigilante au coût des services et des biens, notamment dans le secteur financier. Grâce à l’action de votre majorité, les frais bancaires sont dorénavant sous contrôle, et l’autorité de contrôle prudentiel a qualité pour sanctionner ceux qui ne respectent pas le dispositif.

Les experts nous indiquent une augmentation importante de la sinistralité au cours des derniers mois. La tempête Xynthia en est une preuve : elle a frappé vingt départements, dont seuls quatre ont bénéficié de l’assurance catastrophe naturelle. Dans les autres, ce sont les assurances privées qui prennent le relais. En ce qui concerne les assurances automobiles, n’oublions pas certains incidents, notamment dans le Doubs, qui ont causé des dégâts importants sur plus de vingt mille véhicules qui mettent une fois encore les assurances à contribution.

Nous souhaitons vous et moi en avoir le cœur net. J’ai donc demandé à la direction du trésor et à celle de la concurrence de travailler ensemble pour examiner la réalité du lien entre cette sinistralité et l’augmentation des primes qui a ainsi été annoncée.

De plus, n’oublions pas la loi dite « Chatel » du 29 janvier 2005 qui permet à tous les assurés, deux mois avant l’échéance de leur contrat, de le résilier et de faire jouer la concurrence.

M. Henri Emmanuelli. Pour aller où ?

Mme Christine Lagarde, ministre. J’ai demandé à Emmanuel Constans, président du comité consultatif du secteur financier, de convoquer cet organe et de veiller à ce que cette loi soit appliquée. Il est bien que la loi offre la faculté de résilier son contrat deux mois avant l’échéance, mais c’est beaucoup plus important de s’assurer que ce mécanisme est effectivement disponible pour l’ensemble des assurés. C’est ce que fera le comité consultatif et il me remettra un rapport au mois de février. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe GDR. Avec cela, nous sommes fixés !

Critique de décisions de justice

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Élisabeth Guigou. Un principe fondamental de notre droit et de notre démocratie interdit de commenter, encore plus de critiquer, les décisions de justice. Ceux qui ne respectent pas ce principe de séparation des pouvoirs risquent une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Or, ces principes et ces lois ont été piétinés par ceux-là même qui ont la responsabilité de les faire respecter.

M. François Grosdidier. Et M. Huchon ?

Mme Élisabeth Guigou. Vendredi dernier, nos concitoyens ont assisté, effarés, à un spectacle désolant et choquant après une décision du tribunal de Bobigny condamnant sept policiers qui ont tourné le dos à leur mission en fabriquant des preuves contre un innocent, faute gravissime qui aurait pu faire condamner cet innocent à la prison à perpétuité.

Le métier de policier est difficile, spécialement en Seine-Saint-Denis, alors que les policiers subissent les réductions d'effectifs et la politique du chiffre du Gouvernement. Mais il est inadmissible que le ministre de l'intérieur ait, une fois de plus, critiqué la justice et confirmé ses propos, après la réaction pourtant bien prudente et tardive du garde des sceaux.

La sécurité est un problème grave dans notre pays. Ceux qui attisent les oppositions entre police et justice sont irresponsables, et nuisent à la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous prendre des mesures concrètes pour laisser la justice travailler et exiger des représentants de l'État qu'ils respectent la loi de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Avant de répondre à votre question, je voudrais, au nom du Gouvernement, rendre hommage aux forces de l’ordre qui ont permis l’issue heureuse de deux prises d’otages, l’une à Besançon hier, et l’autre ce matin à Mulhouse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur les bancs du groupe SRC.)

Ma responsabilité est de veiller au bon fonctionnement de nos institutions, et donc au respect de la justice. Mais ma responsabilité est aussi d’essayer de comprendre ce qui a pu pousser des fonctionnaires de police, et leurs organisations syndicales, à manifester comme ils l’ont fait leur désarroi et leur colère devant une décision de justice.

Nous savons tous que la situation en Seine-Saint-Denis est difficile. Nous savons tous que les forces de l’ordre y affrontent chaque jour une violence qui rend leur mission très éprouvante. C’est dans ce contexte que sept policiers ont été condamnés pour des faits, je le répète devant l’Assemblée nationale, injustifiables. (Applaudissements sur tous les bancs).

Ces faits ont d’ailleurs été révélés par la hiérarchie du commissariat d’Aulnay-sous-bois, qui a donc fait son devoir conformément à la déontologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mesdames et messieurs les députés, l’honneur de la police exige un comportement exemplaire, et sur ce sujet, le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux n’a jamais été complaisant, lui qui a déclenché l’enquête de l’Inspection générale des services sur cette affaire. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Le parquet a fait appel de cette décision, estimant la peine trop sévère. Madame Guigou, attendons ensemble sereinement que la justice tranche.

Passé l’émotion, je ne peux pas admettre que des magistrats et des policiers donnent le sentiment de se dresser les uns contre les autres. À qui profite cet affaiblissement de l’État ? Certainement pas aux magistrats, ni aux policiers, et encore moins aux citoyens. Finalement, cela ne profite qu’aux délinquants et aux criminels.

Michel Mercier et Brice Hortefeux ont toute ma confiance et celle du Président de la République pour assurer la protection de nos concitoyens. Avec le garde des sceaux, je dis que le respect de la justice est un des fondements de l’État. Avec le ministre de l’intérieur, je dis que nous ne progresserons de manière décisive dans la lutte contre la criminalité et la délinquance que si la chaîne pénale tout entière montre sa cohérence, ce qui n’est pas toujours le cas.

Policiers, magistrats, élus de la République, nous devons tous ensemble garantir l’ordre public et l’État de droit.

Mesdames et messieurs, la justice est rendue au nom du peuple français. Le peuple français attend que la République soit forte face à la délinquance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Réunion de préparation des intempéries

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Robert Lecou. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Thierry Mariani, secrétaire d’État aux transports.

La semaine dernière, les fortes intempéries ont créé d'importantes perturbations en Île-de-France. Des milliers d'automobilistes se sont retrouvés bloqués par la neige, de nombreux vols au départ de Roissy et d'Orly ont été annulés, la circulation des transports en commun a été fortement perturbée et le ramassage scolaire a été suspendu dans de nombreux départements.

À nouveau, des chutes de neige d'intensité limitée sont prévues dès mercredi, notamment dans le Centre et l'Est de la France, et d'importantes précipitations sont prévisibles dans la nuit de jeudi à vendredi. Les conditions météorologiques laissent donc sous-entendre de nouveaux risques pour cette semaine.

Il faut tirer les leçons de ce qui s'est passé et de ce qui n'a pas fonctionné convenablement. Pour cela, il faut veiller à la bonne répartition des rôles, notamment en ce qui concerne le déneigement des voies de circulation qui incombe parfois à l'État, parfois aux sociétés autoroutières, parfois aux conseils généraux, parfois aux communes et parfois même aux particuliers.

Il faut également veiller essentiellement à la bonne information des citoyens et des usagers. À cette fin, M. le Premier ministre a présidé ce matin une réunion sur l'organisation des pouvoirs publics et sur les mesures à prendre lors de fortes intempéries.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-nous faire part des conclusions de cette réunion, des dispositifs qui seront mis en place, des consignes qui seront données pour une meilleure coordination, afin d’éviter les dysfonctionnements de la semaine dernière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports.

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports. Monsieur Lecou, comme vous l’avez indiqué, M. le Premier ministre a présidé tout à l’heure une réunion, à laquelle j’ai participé aux côtés de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et de M. Brice Hortefeux, portant sur l’organisation des services publics et les mesures à prendre en cas de fortes intempéries. Les principaux opérateurs de l’État – la SNCF, la RATP, Aéroports de Paris ou Météo-France étaient présents.

Le Gouvernement tient d’abord à saluer l’engagement de chacun des agents publics lors de l’épisode neigeux qui a frappé la France la semaine dernière. Le dernier phénomène comparable – il faut bien insister là-dessus – remonte à 1987 en Île-de-France. La dégradation subite des conditions météorologiques nous a conduits mercredi à prendre des mesures immédiates de stockage de poids lourds, d’interruption du trafic des bus, de réduction des lignes aériennes. Ces mesures ont contribué à assurer la sécurité de tous. Je rappelle que nous n’avons eu à déplorer aucun accident très grave.

Néanmoins, nombre de nos concitoyens ont rencontré d’importantes difficultés de circulation. Certains sont restés bloqués plusieurs heures dans leur véhicule ou ont été contraints de passer la nuit sur leur lieu de travail. (Exclamations sur les sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Lorsque je vois ce qui s’est passé dans certaines villes comme Lyon ou Paris, à votre place je serais plus modeste. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Dans l’immédiat, dès cette semaine et à l’approche des fêtes de fin d’année, la mobilisation des services publics s’organise. Suite au retour d’expérience demandé par le Gouvernement, je proposerai, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, des mesures concrètes d’amélioration comme l’information préventive et la préparation de l’opinion publique à de tels événements, l’équipement des véhicules ou la coordination des moyens d’intervention de l’État.

Il s’agissait de tirer les conséquences de l’événement de la semaine dernière, c’est ce que nous avons fait. Mais il faut garder à l’esprit que la sécurité et la prudence sont apparemment les meilleurs moyens de prévention.

Quotas d'émission de CO2

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Francis Hillmeyer. Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tout autant qu’à Mme la ministre de l'écologie, à M. le ministre du travail ou encore à M. le ministre chargé des affaires européennes.

En effet, le Gouvernement français doit se déterminer lors des réunions du comité du changement climatique, sur les quotas de C02 pour notre industrie, concernant la période 2013 à 2020.

Je retiendrai particulièrement la situation des entreprises productrices d'engrais. La directive européenne a fixé à 20 % la réduction des gaz à effet de serre d'ici 2020. La Commission européenne a finalement proposé des valeurs et règles supérieures qui compromettent catégoriquement l’avenir de notre industrie.

En effet, ces dernières ont déjà consenti de gros efforts et continuent dans ce sens, réduisant de plus de 80 % leurs émissions de CO2. Je cite en exemple l’entreprise PEC-RHIN d'Ottmarsheim, une des plates-formes les plus performantes en matière environnementale, avec un rejet se situant à 1,2 kg de N2O à la tonne. La Commission européenne veut imposer un rejet de 0,8 kg de N2O à la tonne, ce qui pourrait revenir à un achat de quota pour notre industrie française des fertilisants de 77 millions d'euros, soit 21 % de sa valeur ajoutée.

La conséquence immédiate serait l'arrêt de ces unités au profit de productions réalisées dans des pays non signataires du protocole de Kyoto, dont la première phase d'engagement expire en 2012, alors même que la question de son avenir n'a pas été finalisée à la conférence de Cancun. Cela entraînerait en cascade : perte d'emplois, fermeture des filières françaises, rendant notre agriculture totalement dépendante des importations extra-communautaires.

Les dommages environnementaux seront supérieurs à l'objectif visé. Ainsi, en voulant être très vertueux, nous risquons l'inverse. Comment défendrez-vous, madame la ministre, nos industries françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Hillmeyer, la compétitivité de l’industrie française est un enjeu majeur de la directive européenne sur les quotas. C’est pourquoi elle prévoit en particulier l’allocation de quotas gratuits aux industries les plus exposées à la concurrence internationale.

L’objectif est simple. Il s’agit de préserver l’incitation environnementale sans pénaliser l’emploi et sans risquer la délocalisation. Christine Lagarde, Éric Besson et moi-même y sommes extrêmement attentifs.

J’invite chacun à comprendre que ce nouveau contexte n’est pas une suite de contraintes pour nos entreprises, mais qu’il doit devenir une réelle opportunité pour la sortie de crise. L’instauration d’une référence des 10 % aux entreprises les plus vertueuses a pu certes paraître extrêmement sévère aux industriels. Néanmoins, elle fait partie d’un accord fondamental, aux termes duquel les quotas sont alloués gratuitement aux industriels les plus exposés à la concurrence.

Monsieur Hillmeyer, vous avez évoqué la question de l’acide nitrique. Nous débattrons de ce sujet, lors du prochain comité du changement climatique à Bruxelles. Pour préserver l’incitation environnementale, tout en tenant compte des spécificités du secteur, deux pistes sont imaginables.

D’abord, avoir deux référentiels : un pour les entreprises utilisant la technologie NSCR, un deuxième pour les autres. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous sommes également ouverts à l’étude des effets de réchauffement dus au méthane… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, veuillez écouter les explications de Mme la ministre, qui sont complexes.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Enfin et surtout je suis consciente du risque de fuites de carbone en situation d’effort unilatéral. C’est pourquoi je défends ardemment auprès de mes collègues européens la mise en place d’un mécanisme d’inclusion carbone – la fameuse taxe carbone aux frontières de l’Europe. C’est une question d’efficacité et aussi de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Attentat de Karachi

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Cazeneuve. Ma question, qui s’adresse à M. le garde des sceaux, concerne la complexe et difficile affaire de Karachi.

Si l’on s’en tient au discours du Gouvernement sur cette affaire, celui-ci dit vouloir favoriser l’avènement de la vérité. Si l’on regarde les faits, les choses sont un peu plus compliquées. Je prendrai à cet égard deux exemples très concrets.

Lorsqu’au mois d’octobre dernier le juge van Ruymbeke se propose d’instruire la plainte déposée par les familles près du doyen des juges d’instruction pour corruption et entrave à la justice, le parquet, dans les heures qui suivent, fait appel de cette ordonnance – comme pour envoyer le signal qu’un juge d’instruction indépendant ne saurait instruire sur cette affaire.

Plus récemment, le juge van Ruymbeke a demandé à pouvoir instruire sur le contrat Sawari, car il disposait d’éléments montrant que les contrats Agosta et Sawari étaient liés et qu’il était légitime qu’il puisse instruire sur cette affaire. Plutôt que de l’autoriser à ouvrir un réquisitoire supplétif – qui aurait garanti que le juge van Ruymbeke puisse continuer à instruire –, le parquet a préféré donner la possibilité à une autre instruction de s’ouvrir, ce qui veut dire que l’on prépare aujourd’hui le dessaisissement du juge van Ruymbeke de ce dossier. (« Quelle honte ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Et les frégates de Taïwan ? » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Or les contrats Agosta et Sawari sont liés – le rapport parlementaire l’a montré – parce que les mêmes intermédiaires ont été mobilisés et que le même dispositif occulte et complexe de commissions a été mis en place. Et ces deux contrats – Dominique de Villepin lui-même l’a indiqué à la télévision – voient peser sur eux de forts soupçons de rétrocommissions.

L’argument selon lequel les affaires seraient différentes ne tient pas.

Quels sont les éléments de droit qui conduisent à ouvrir une nouvelle instruction plutôt que d’ouvrir un réquisitoire supplétif ?

Allons-nous, enfin, arrêter le saucissonnage de cette instruction, qui est de nature à empêcher l’avènement de la vérité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Quel paradoxe, monsieur le député ! Il y a quelques instants, Mme Guigou appelait à la stabilité des institutions, à la mesure dans les commentaires d’une décision de justice…

M. Henri Emmanuelli. Ne noyez pas le poisson !

M. François Baroin, ministre. …au respect de l’État de droit, à la séparation des pouvoirs et à la volonté d’avoir un exécutif stable et un organe législatif qui poursuit son travail de commission parlementaire, alors que vous, monsieur Cazeneuve, vous vous jetez à corps perdu dans l’addition d’insinuations, de rumeurs et peut-être de contrevérités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pourtant, en tant que représentant parlementaire responsable et sérieux, vous savez fort bien que, seule, la justice pourra in fine établir les faits.

Nous sommes dans un État de droit et notre premier objectif est d’abord le respect de la douleur des familles des victimes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) auxquelles nous devons la vérité et la sérénité.

M. Maxime Gremetz. Il faut de la transparence ! Demandez au président de l’Assemblée nationale !

M. François Baroin, ministre. Pour créer les conditions de la sérénité, personne – pas même vous, monsieur Cazeneuve – ne doit porter un regard subjectif sur les modalités d’application du code de procédure pénale dont le Parquet a décidé en toute souveraineté, s’agissant de la saisine d’un nouveau juge d’instruction qui accompagnera les autres magistrats instructeurs dans la définition des conditions de la manifestation de la vérité.

M. Henri Emmanuelli. Pas glorieux !

M. François Baroin, ministre. Et ce n’est pas l’addition des commentaires de presse et des commentaires politiques qui « entravera » – selon votre expression – la manifestation de la vérité.

M. Henri Emmanuelli. C’est de l’obstruction !

M. François Baroin, ministre. La position du Gouvernement est claire, simple et définitive : aucun obstacle ne s’opposera à la manifestation de la vérité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Demandez à Accoyer !

M. François Baroin, ministre. Nous la devons aux victimes, aux familles des victimes qui sont dans la douleur ainsi qu’à une certaine idée du respect de l’État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Scandaleux.

Récidive

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yanick Paternotte. Ma question s’adresse à M. Michel Mercier, garde des sceaux,

Hier, s'est ouvert le procès de l'assassin présumé d'Anne-Lorraine Schmitt, sauvagement tuée par un récidiviste le 25 novembre 2007 dans une rame du RER D qui traverse ma circonscription.

Cet assassinat monstrueux nous interpelle à nouveau sur le sujet de la récidive.

Le meurtrier d'Anne-Lorraine Schmitt, déjà auteur d'une agression similaire au même endroit avec viol – mais dont la victime n’est pas décédée –, avait été remis en liberté un an seulement après sa condamnation.

Il n'avait ni respecté le traitement médical qui lui avait été prescrit, ni respecté le contrôle judiciaire auquel il était soumis, cela sans jamais être inquiété...

J’associe à ma question mon collègue et ami Bernard Gérard, maire de Marcq-en-Barœul, commune éprouvée, le 5 septembre dernier, par l'assassinat de Natacha Mougel, lui aussi perpétré par un récidiviste.

Au nom des victimes et de leurs familles, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur trois sujets de préoccupation.

Premièrement, l'exécution des peines, systématiquement revue à la baisse par les remises automatiques et autres remises de peine pour bonne conduite.

Deuxièmement, l'évaluation de la dangerosité des délinquants au moment de la prise de décision de leur remise en liberté.

Troisièmement, le suivi effectif et la traçabilité des assassins remis en liberté.

Ces dernières années, les parlementaires ont le sentiment d’avoir fait évoluer le système judiciaire et d’avoir contribué à une meilleure protection de nos concitoyens face à de telles récidives. En effet, il est de notre devoir de garantir nos concitoyens contre de tels drames qui brisent des destins et des familles !

Il est de notre devoir de garantir que ne soient désormais plus délivrés des jugements de justice qui soient des « permis de tuer », pour reprendre l'expression du père d'Anne-Lorraine Schmitt.

Avec nos concitoyens, nous nous demandons comment le Gouvernement souhaite agir pour garantir une meilleure application de ces lois. Nous réclamons aussi une évaluation de celles qui ont été votées depuis 2007. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Personne n’a oublié, personne n’oublie, personne n’oubliera jamais Anne-Lorraine Schmitt, les conditions abjectes, ignobles de sa mort ; y a-t-il du reste un qualificatif dans la langue française pour décrire les conditions épouvantables de sa fin de vie ?

Personne n’est insensible aux cris de son père, au combat qu’il a mené, à la manière dont cette famille, avec beaucoup de dignité et d’exigence, attend de la société française, à travers sa justice, une réponse adaptée à la réalité d’un crime qui ne laisse indifférent aucune famille française.

La représentation nationale, sous l’impulsion du Gouvernement – il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître – a beaucoup agi pour faire évoluer les textes applicables dans ces matières. Depuis 2005, les conditions de surveillance lors de la libération de criminels ayant notamment commis des actes de nature sexuelle se sont considérablement renforcées, avec les obligations en matière de soins et le bracelet électronique. Des compléments juridiques y ont été introduits en matière de rétention de sûreté et de surveillance de sûreté concernant notamment les personnes interpellées en cas de récidive pour des peines de plus de cinq ans alors qu’elles avaient déjà commis des crimes condamnés par la justice.

En ce moment même, vous examinez la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Vous aurez donc toute latitude, avec l’appui du ministre de l’intérieur, de faire évoluer le texte dans le sens d’une meilleure prise en compte de la demande de la société française : faire en sorte qu’un tel acte ne puisse plus jamais se reproduire. La balle est dans le camp de la représentation nationale avec le soutien plein et entier du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Conclusions du rapport PISA sur l’éducation

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, la semaine dernière, notre collègue Jacques Grosperrin vous a fait part de l’inquiétude que lui inspirent les résultats plus qu’alarmants – je reprends ses termes – de l’enquête PISA sur le système éducatif français. Voici votre seule réponse : « Continuons dans la même direction, parce que la jeunesse de France le mérite »...

Pourtant, tous les acteurs de l’école vous demandent de changer de politique en prenant exemple sur les pays qui réussissent. L’Allemagne, qui était en queue de liste, remonte dans le classement parce qu’elle injecte des moyens supplémentaires dans le système, en ciblant les zones en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est très exactement le contraire de ce que vous faites en supprimant 16 000 postes en 2011 et en sacrifiant l’éducation prioritaire que le gouvernement de Lionel Jospin avait instaurée en 1997. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Tous les pays où, comme au Portugal, l’école gagne en efficacité ont fait de la formation des enseignants leur priorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Michel Ferrand. Il y a aussi la Grèce !

M. Yves Durand. C’est très exactement le contraire de ce que vous faites en supprimant les stages de formation professionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Aujourd’hui, quoi que vous prétendiez, les jeunes sont lâchés sans formation devant les élèves. Et que dire de la stupidité, d’un point de vue pédagogique, de la semaine de quatre jours imposée par votre prédécesseur ? (Même mouvement.)

Mais chaque fois que nous vous alertons sur les conséquences de votre politique, vous affichez la même autosatisfaction, rejetant toutes nos propositions. Pourtant, les résultats sont là : le système éducatif français est de moins en moins efficace et de plus en plus injuste. Et l’enquête PISA montre que l’efficacité d’une école dépend à 94 % des politiques gouvernementales. C’est donc bien votre politique, monsieur le ministre, celle que vous menez depuis près de dix ans, qui est responsable de ces mauvais résultats. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, la jeunesse de France mérite une autre politique : elle mérite que l’on abandonne rapidement l’autosatisfaction et la désinvolture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Durand, l’enquête PISA doit attirer l’attention de l’observateur avisé des questions scolaires que vous êtes – comme elle aurait dû le faire en 2000, du reste, puisque les quatre enquêtes menées au cours des neuf dernières années par l’OCDE témoignent d’une parfaite stabilité. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Ainsi, la France demeure classée à la fin du premier tiers des pays évalués ; elle reste dans la moyenne des pays de l’OCDE, au côté des États-Unis, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne.

Faut-il s’en satisfaire, monsieur Durand ? Non. Au contraire, une enquête internationale permet précisément de se comparer aux autres pays et de progresser en identifiant les recettes qui permettent d’obtenir des résultats.

Qu’ont fait les pays qui sont en tête du peloton ? Ils ont fait le contraire de ce que vous avez préconisé pendant des années. À l’instant encore, vous avez insisté sur les moyens, toujours les moyens, rien que les moyens. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Yves Durand. Non, ce n’est pas vrai !

M. Luc Chatel, ministre. Eh bien, je vais vous apprendre quelque chose, monsieur Durand : les élèves évalués par la dernière enquête PISA, qui avaient quinze ans en 2009, sont donc entrés dans le système éducatif en 1997. En d’autres termes, ils ont connu un système éducatif dont la seule réaction à la massification était d’apporter toujours plus de moyens, plus de postes, plus d’heures de cours, plus d’enseignements. Telle est la solution que vous avez proposée pendant des années. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Cette solution n’est pas la bonne : le principal enseignement de l’enquête PISA, c’est que ce ne sont pas les pays qui investissent le plus qui obtiennent les meilleurs résultats. (Même mouvement.)

M. Jean Glavany. Supprimez tous les moyens, alors !

M. Luc Chatel, ministre. Cela doit nous conduire à nous interroger sur l’efficacité du système éducatif, monsieur le député. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Bilan du sommet de Cancún

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bertrand Pancher. Ma question s’adresse à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Madame la ministre, lors de la conférence de Cancún pour les négociations sur le climat, nous avons apprécié votre détermination, et celle de la France, lorsqu’il s’est agi de pousser la communauté internationale à parvenir à un accord.

Cette rencontre a été saluée comme un succès par de nombreux acteurs. Les engagements de Copenhague sont désormais inscrits dans le marbre : l’augmentation des températures ne doit pas dépasser 2 degrés ; un fonds vert est créé pour aider les pays pauvres à réussir la transition climatique ; un mécanisme d’aide à la reforestation est instauré.

Cependant, aucun accord contraignant n’a été adopté et la décision relative à la prolongation des accords de Kyoto après 2012 est repoussée. Les négociations sur le climat avancent à pas de tortue, alors que le réchauffement climatique progresse à pas de géant.

Ainsi, d’après le rythme actuel, l’augmentation des températures devrait atteindre 3,5 degrés en 2100, et le risque de fonte totale de la banquise n’est plus à exclure, avec une élévation de huit mètres du niveau de la mer. En 2050, des pics de sécheresse supérieurs de plus de 5 degrés à ceux que nous connaissons aujourd’hui détruiront notre agriculture, nos forêts, nos vignes, notre cadre de vie.

Mes questions sont simples : comment passer, au niveau international, à la vitesse supérieure? Par quels moyens l’Europe, géant économique mais nain politique, peut-elle obliger les pays émergents et les États-Unis à entrer dans des processus plus contraignants ? Ne devrions-nous pas instaurer au plus vite, avant qu’il ne soit trop tard, une fiscalité environnementale aux frontières de l’Europe, …

M. Philippe Plisson. Bravo !

M. Bertrand Pancher. … afin de contraindre une communauté internationale trop timorée ? Enfin, qu’en est-il de l’organisation mondiale de l’environnement défendue par la France et par Nicolas Sarkozy ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC, et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Pancher, la conférence de Cancún a été un véritable succès, … (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Noël Mamère. Non !

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. … et j’ai apprécié de pouvoir compter, au cours des négociations, sur une délégation parlementaire riche de représentants de tous les bancs de cette assemblée.

Un véritable succès, d’abord, parce qu’un accord a été conclu, ce qui sauve le système multilatéral de négociations sur le climat. À Copenhague, l’engagement des chefs d’État avait été total, en particulier celui du Président de la République, mais l’accord n’avait pu être formalisé et, depuis lors, le système multilatéral était attaqué.

Puis les climatosceptiques de tous horizons étaient entrés dans le bal, et la crise économique avait fait resurgir les arguments de tous ceux qui ne considèrent l’écologie que comme un coût, oubliant l’urgence de la situation et les opportunités qu’offre le secteur en termes de marchés, d’innovation et d’emplois.

M. Jacques Desallangre. Baratin !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. L’accord de Cancún concrétise l’engagement des pays du Nord au côté du Sud, grâce au transfert de technologies, qui doit permettre aux pays du Sud d’emprunter une voie de développement plus propre que la nôtre, et au fonds vert, qui financera la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, à laquelle seront consacrés 100 milliards de dollars par an en 2020 et 10 milliards en 2010, dont plus de 400 millions d’euros apportés par la France.

L’accord de Cancún nous redonne espoir, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Mais, comme vous l’avez dit, il n’est pas la fin de l’histoire. Nous voulons des engagements contraignants, pour tous les pays du monde, et la conférence de Durban, fin 2011, doit constituer, de ce point de vue, un aboutissement.

Nous voulons, mesdames et messieurs les députés, que l’Europe joue le rôle d’une avant-garde, et le mécanisme d’inclusion carbone à ses frontières y concourra. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Enfin, nous voulons une organisation mondiale de l’environnement. Il s’agit d’un engagement fort du Président de la République ; les vingt ans du sommet de la Terre à Rio, en 2012, verront sa concrétisation, et j’ai le plaisir de vous annoncer que c’est un Français, Brice Lalonde (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qui sera l’organisateur exécutif de cette manifestation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Formation des maîtres

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, nier l’évidence ne sert à rien. Depuis 2000, la situation n’est pas stabilisée, elle s’est même dégradée – ce n’est pas nous qui le disons –, et cela ne nous réjouit pas du tout.

Je voudrais revenir plus spécialement sur la formation des enseignants que nous estimons inadaptée voire sacrifiée.

M. Jacques Myard. C’est votre faute !

M. Michel Vergnier. Apprendre à enseigner ne s’improvise pas. C’est un impératif sur lequel on ne peut faire d’économies si l’on souhaite que les élèves soient au centre du dispositif et du système éducatifs.

Un enseignement universitaire, théorique, aussi complet soit-il, ne remplacera jamais une formation globale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Cette année, dès le début du mois de septembre, les jeunes enseignants recrutés ont dû exercer à temps plein, trop souvent dans des établissements sensibles, alors qu’ils n’avaient jamais été confrontés à une classe. Ne croyez-vous pas que les bases leur faisaient défaut : meilleure connaissance de l’enfant, psychologie, psychopédagogie, techniques d’apprentissage, relations parents-enseignants ?

Pour ajouter aux difficultés, la formation en alternance, que vous recommandez dans toutes les autres branches professionnelles, a totalement disparu dans les écoles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

En outre, le tutorat est en panne. C’est une réalité !

Les universités indépendantes ne disposent pas toutes des mêmes moyens, ce qui entraîne encore plus de fractures territoriales.

Monsieur le ministre, l’ensemble de la communauté scolaire vous demande des changements. Même vos services vous disent que votre réforme n’est pas bonne et ont du mal à l’appliquer. C’est à l’école maternelle et à l’école élémentaire que se jouent, dès le départ, les chances des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est pourquoi nous vous demandons de revenir à une formation complète et adaptée. Ne parlez pas sans cesse des moyens. Ce n’est pas ce dont il est question : la formation ne se brade pas, elle se fabrique, jour après jour.

Alors, monsieur le ministre, acceptez-vous de reprendre le dialogue en vue d’une véritable formation des enseignants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le député, le Gouvernement a voulu allonger d’une année la formation des enseignants. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est un signal très fort que nous adressons à l’ensemble de la communauté éducative. Élever le niveau de formation initiale, l’aligner sur ce qui se pratique dans tous les grands pays développés est une marque de reconnaissance à l’égard des enseignants, qui seront mieux formés et mieux préparés aux réalités qu’ils rencontreront ensuite dans leurs classes.

M. Michel Ménard. Sans formation professionnelle !

M. Luc Chatel, ministre. Au cours de cette année supplémentaire, les futurs enseignants sont confrontés à la problématique de la recherche, qui leur servira tout au long de leur carrière, quoi que vous en pensiez. Ils pourront ainsi progresser, remettre en cause leur formation, améliorer leur pédagogie au cours de leur activité professionnelle.

Bien sûr, au niveau bac +5, il nous faut recruter les meilleurs spécialistes dans les diverses disciplines mais il nous faut aussi recruter des professionnels de la pédagogie. À cet égard, monsieur Vergnier, il me semble que vous tirez un trait sur les procédures que nous avons mises en place. Je rappelle qu’en année de mastère 1, les étudiants bénéficieront de 108 heures de stage d’observation.

M. Michel Vergnier. Sans formation pédagogique !

M. Luc Chatel, ministre. Par ailleurs, en année de mastère 2, cinquième année d’études, ils auront 108 heures de mise en responsabilité. Enfin, les professeurs-stagiaires, contrairement à ce que vous indiquiez, sont pris en charge par les académies dans le cadre de stages d’accueil après leur réussite au concours. Un tutorat permet d’accompagner en temps réel les étudiants en premier degré, qui, jusqu’à la Toussaint, travaillent en doublon. Quant aux étudiants de second degré, ils bénéficient d’un système de tutorat avec une formation continue tout au long de l’année.

M. Michel Vergnier. Ça ne fonctionne pas !

M. Luc Chatel, ministre. C’est ainsi, monsieur le député, que nous tenons compte de la progression de la formation de nos enseignants. Nous attendons vos propositions si vous souhaitez améliorer le système. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Licenciement d'une salariée voilée dans une crèche

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Arnaud Richard. Ma question s’adresse à Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Alain Néri. Et du chômage !

M. Arnaud Richard. Hier, un tribunal des prud'hommes a confirmé le licenciement d'une salariée de la crèche Baby Loup à Chanteloup-les-Vignes en invoquant le principe de laïcité.

En 2008, cette crèche associative exemplaire, lieu d'émancipation et de formation de nombreuses femmes du quartier, ouvert depuis vingt ans, avait licencié une salariée qui refusait de manière réitérée d'ôter son voile durant le travail.

Je tiens à cette occasion à souligner le courage des femmes qui ont mené le combat, parmi lesquelles Jeannette Bougrab, Catherine Arenou, maire de Chanteloup, Élisabeth Badinter ou encore Natalia Baleato.

Mais, au-delà de cette victoire juridique, ce jugement est le symbole de la primauté du principe de laïcité. C’est une grande et belle victoire pour les valeurs et les idéaux qui fondent notre République. Il confirme que l'on ne peut en aucun cas transiger sur le supplément d'âme de notre nation, le précieux principe de laïcité.

La justice a rappelé que la crèche ne disposait pas de délégation de service public, mais que l'on pouvait tout de même considérer qu'elle remplissait une mission d'intérêt public et que ses salariés étaient tenus au respect du règlement intérieur intégrant le principe de laïcité.

Dans cette affaire, mesdames, messieurs les représentants de la nation, la République a eu rendez-vous avec elle-même. Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous présenter à la représentation nationale la position du Gouvernement quant à la suite à donner à un tel jugement …

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le temps est écoulé !

M. Arnaud Richard. …qui marque, au-delà du monde associatif, l'ensemble du monde du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Mesdames, messieurs les députés, il est toujours difficile d’intervenir à la suite d’une décision de justice. Pourtant, je le dis très clairement et je l’assume, cette décision du conseil des prud’hommes est une bonne nouvelle pour la laïcité dans notre pays.

M. Maxime Gremetz. Il y a appel !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous savons que cette assemblée, en 2004, a pris position dans sa très grande majorité pour que le principe de laïcité, inscrit à l’article 1er de la Constitution, régisse le monde scolaire.

Cette crèche, qui offre un accueil vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, même si elle est gérée par une association privée, avait toute possibilité de faire figurer le principe de neutralité religieuse dans son règlement intérieur.

Dans ces conditions, le licenciement qui a été prononcé n’a pas été considéré comme abusif par le conseil de prud’hommes. Cette décision est très importante.

Dans cette affaire, Jeannette Bougrab, alors présidente de la Halde, était intervenue courageusement. Il est en effet essentiel de réaffirmer que là où il y a une mission de service public ou une mission d’intérêt public, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants, le principe de laïcité est un principe avec lequel on ne peut ni ne doit transiger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je tiens à le rappeler.

M. Jean Glavany. Allez un peu voir dans les établissements privés d’enseignement. On va bien rigoler !

M. Xavier Bertrand, ministre. L’inscription du principe de neutralité religieuse dans le règlement intérieur de la crèche Baby Loup n’est pas une atteinte à une religion ou à la liberté religieuse. Il repose tout simplement sur le respect de toutes les religions, le respect de la République et le respect d’un principe républicain avec lequel personne n’a l’intention de transiger.

Oui, ce jugement est une bonne nouvelle pour la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Semaine scolaire de quatre jours

M. le président. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pascal Deguilhem. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, à l’évidence la semaine de quatre jours à l'école primaire est un échec. La décision prise par votre prédécesseur, en 2008, sans concertation, vous place aujourd'hui dans l'obligation d'apporter une réponse associant l'ensemble des acteurs de la communauté éducative.

Le temps scolaire doit avoir pour objectif principal l'épanouissement et la réussite de tous les élèves. Si la question des rythmes scolaires n'est pas l'unique cause de la difficulté scolaire, elle fait partie de la politique éducative désastreuse menée par votre majorité depuis huit ans maintenant : suppressions massives de postes qui entraînent aujourd'hui des difficultés insurmontables pour assurer les remplacements nécessaires ; augmentation du nombre d'élèves par classe quand la difficulté scolaire se traite avant tout par une pédagogie différenciée ; abandon de la formation des enseignants.

Deux ans seulement après la fin de la semaine de quatre jours et demi imposée par Xavier Darcos, un véritable consensus se dégage pour dire que l'école n'est plus dans le bon rythme. Parents, chronobiologistes, enseignants, inspecteurs de l'éducation : tous les avis confirment que l'organisation sur quatre jours conduit à des journées trop chargées.

C'est bien de l'intérêt de l'enfant qu'il s'agit, de l'intérêt de tous les enfants car en réalité la semaine de quatre jours a aggravé les inégalités sociales déjà fortement présentes à l'école.

Repenser la journée scolaire ne peut être traité sans une large concertation. Cela exige de travailler sur l'ensemble des temps éducatifs, d'avoir une vision éclairée des missions des enseignants et en même temps de ne pas évacuer la question des moyens à mobiliser pour permettre une offre éducative de qualité sur tous les territoires.

Qu'allez vous faire, selon quelles modalités et selon quel calendrier qui ne place pas les collectivités dans une urgence insupportable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le député, vous posez une question de société qui nécessitait une large concertation publique. C’est la raison pour laquelle j’ai installé, il y a plus de quatre mois, une conférence nationale sur les rythmes scolaires qui permettra d’examiner l’ensemble des contributions, et nous attendons la vôtre avec beaucoup d’intérêt et d’attention.

La question des rythmes scolaires ne se résume pas à celle des quatre jours ou quatre jours et demi dans le primaire. Sur ce sujet, votre commission parlementaire vient de rendre ses préconisations. À cet égard, je tiens à saluer le travail qui a été mené sous l’autorité de Mme Michèle Tabarot, qui permet une véritable contribution intéressante et qui sera examiné.

Mais nous devons nous poser la question plus globale de l’organisation du temps scolaire tout au long de l’année. Je rappelle que nous sommes le pays qui a le plus grand nombre d’heures de travail de cours réparti sur le plus petit nombre de journées de classe par rapport à d’autres pays.

M. Albert Facon. Il faut faire du sport !

M. Luc Chatel, ministre. Nous devons aussi nous poser la question de l’organisation de la journée. Vous évoquez le sport ou les activités culturelles à l’école. Nous devons nous interroger sur la mise en place de ce type d’activité. Vous savez que nous expérimentons actuellement, dans 124 collèges et lycées, un rythme partagé entre les activités pédagogiques le matin et le sport et la culture l’après-midi.

Vous le voyez, monsieur le député, j’ai voulu qu’il y ait une conférence globale qui travaille pendant de nombreux mois. Je rappelle que les assemblées des collectivités locales sont associées à cette démarche. Dès le mois de janvier, les premiers éléments des consultations me seront transmis, et c’est seulement à la fin de cette année scolaire que l’ensemble des préconisations me seront remises, ce qui nous permettra de décider de l’organisation nouvelle de nos rythmes scolaires pour un meilleur équilibre entre ce qui se passe dans et à l’extérieur de l’école.

Orientation générale sur la vie associative

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Encore lui ?

Mme Muriel Marland-Militello. …lors du week-end du Téléthon, les associations ont prouvé une fois de plus leur capacité à mobiliser les dons, mais aussi le bénévolat au sein de notre société. C’est l’une des manifestations parmi tant d’autres qui révèle combien les élans citoyens sont nombreux dans le monde associatif. Grâce à votre nomination, ces élans sont reconnus et promus au plus haut niveau.

Au nom des 14 millions de bénévoles, je tiens à exprimer ma reconnaissance au Président de la République et au Premier ministre d’avoir placé le récent remaniement ministériel sous l’étendard de la vie associative. Cela confirme d’ailleurs l’engagement de la majorité présidentielle, engagement qui s’est manifesté récemment par le maintien des avantages fiscaux au bénéfice des générosités associatives, malgré un budget contraint.

Enfin, s’agissant du remaniement, comment ne pas saluer les trois grandes avancées pour le monde associatif, avancées que j’appelais de mes vœux : la réapparition de la vie associative dans votre intitulé, la création d’un secrétariat d’État entièrement dédié à la jeunesse et à la vie associative sous la responsabilité de Jeannette Bougrab, enfin le choix judicieux de mettre en place un triptyque éducation nationale, jeunesse, vie associative, intrinsèquement porteur de belles avancées ?

Monsieur le ministre, comment allez-vous prolonger l’impulsion donnée par le Premier ministre lors de la deuxième conférence de la vie associative ? Comptez-vous dresser un bilan d’étape un an après cette conférence ? Comment entendez-vous mettre en place une vraie politique associative pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la députée, comme vous l’avez indiqué, c’est effectivement un signal fort du Président de la République et du Premier ministre que d’avoir voulu que la vie associative soit reconnue pleinement dans un intitulé de ministère, ainsi que la nomination d’un secrétaire d’État à mes côtés en la personne de Jeannette Bougrab. C’est aussi un signal de reconnaissance à destination des 14 millions de bénévoles qui s’engagent tous les jours dans le milieu associatif, de tous ceux qui comptent aussi pour l’activité économique. Je rappelle que le monde associatif, c’est près de 2 millions d’emplois et un million d’associations qui œuvrent en faveur des actions engagées, de générosité, de solidarité à l’égard de nos concitoyens.

Jeannette Bougrab et moi-même avons la volonté de faire aboutir un certain nombre de chantiers qui ont été initiés, notamment à la suite de la deuxième conférence de la vie associative à laquelle vous avez beaucoup participé, madame la députée. Un certain nombre de mesures y sont inscrites dans la droite ligne de vos propositions. Je pense au déploiement des conventions pluriannuelles d’objectifs qui permettent de la stabilité et de la visibilité financière pour les associations, à la refonte du Conseil du développement de la vie associative qui est attendue par les différents acteurs, à la préparation de l’année européenne du bénévolat qui est prévue pour 2011 et qui doit permettre de valoriser cet engagement à l’égard du monde associatif. Je pense enfin à la transformation du Conseil national de la vie associative en Haut conseil à la vie associative qui est attendue par l’ensemble des acteurs et sur lequel nous allons travailler avec Jeannette Bougrab.

Sur tous ces chantiers, nous ferons, au mois de janvier, un bilan d’étape en réunissant le comité de suivi de cette convention sur la vie associative. En tout cas, je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous pour son engagement Vous connaissez l’importance de la vie associative dans notre pays.

M. le président. Nous avons terminé la séance des questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Nomination d'un député
en mission temporaire

Mme la présidente. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Daniel Fasquelle, député du Pas-de-Calais, d’une mission temporaire auprès de M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

4

LOPPSI

Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi modifié par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (nos 2780, 2827).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de vingt heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, cinq heures quinze ; le groupe SRC, sept heures dix ; le groupe GDR, quatre heures vingt-cinq ; le groupe Nouveau Centre, trois heures dix. Les députés non inscrits disposent d’un temps de quarante minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l’orateur. Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont, en tout état de cause, qu’indicatifs.

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, protéger les Français pour qu’ils puissent vivre sereinement et tranquillement est un combat qui nécessite une mobilisation générale et permanente. C’est le sens du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure qui revient devant vous en deuxième lecture.

Lors de la première lecture, vous aviez renforcé certaines dispositions. À la suite des orientations tracées par le Président de la République en juillet dernier, le Gouvernement a proposé lui aussi de compléter le texte afin d’assurer une réponse pénale plus effective, et je remercie la commission des lois d’avoir adopté les amendements proposés en renfort par son président et son rapporteur.

La discussion qui s’ouvre doit rendre ces avancées effectives. Ce projet de loi sur la sécurité intérieure est le seul texte d’orientation et de programmation qui vous ait été présenté depuis le début du quinquennat, mais j’avais déjà eu l’occasion de le préciser.

Bien que nous participions à l’effort de maîtrise des dépenses publiques, nous menons une politique offensive de lutte contre la délinquance, qui produit heureusement des résultats. Je ne vais pas me lancer dans des explications détaillées sur l’équilibre des finances publiques. Le Président de la République et le Premier ministre, vous le savez, ont engagé une bataille déterminée contre les déficits publics, qui n’est pas simplement une nécessité mais un devoir. Le ministère de l’intérieur prend naturellement sa part de la contrainte budgétaire, car nous ne pouvons agir sans en tenir compte, mais cela n’entrave en rien notre action. Même si la police et la gendarmerie nationales participent à l’effort de maîtrise des dépenses publiques, nous sommes très attachés à ce que nos forces de sécurité disposent de moyens à la hauteur de leurs missions.

En 2011, il faut mettre en balance les 712 emplois supprimés dans la police et les 500 adjoints de sécurité supplémentaires qui ont été recrutés de façon anticipée en décembre 2010, ce qui signifie que, sur le terrain, la réduction ne sera au final que de 212 emplois dans la police. Pour la gendarmerie, les baisses d’effectifs ne concerneront que 96 emplois. Je le dis sans polémique, il y a aujourd’hui plus de policiers et de gendarmes sur le terrain qu’il y a huit ans.

Pour 2011, j’ai veillé à préserver les crédits opérationnels et les crédits de modernisation. C’est l’un des enjeux de la LOPPSI. Comme prévu initialement, les ressources consacrées aux équipements sont maintenues à hauteur de 332 millions d’euros. J’ai eu l’occasion de préciser la ventilation, je n’y reviens pas.

Parallèlement, plutôt que de nous laisser paralyser par la contrainte budgétaire, nous avons su trouver les moyens pour moderniser notre organisation, ce qui fait que nous avons non seulement maintenu mais encore développé les capacités opérationnelles des forces de sécurité.

D’abord, avec le rapprochement entre police et gendarmerie, nous avons exploité un grand nombre de synergies logistiques et opérationnelles existant entre les deux forces. Je veux d’ailleurs souligner la création, le 1er septembre dernier, de deux services communs à la police et à la gendarmerie : le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, et la direction de la coopération internationale, qui regroupe le service de la coopération technique internationale de la police et la sous-direction de la coopération internationale de la gendarmerie.

Parallèlement, nous nous efforçons de mieux cibler notre action et de concentrer au mieux nos moyens. J’ai déjà eu l’occasion de préciser que nous avions mis en place sept plans d’action opérationnels ; je ne les détaillerai pas à nouveau, car ils vous sont connus. Je rappelle simplement que notre attitude est constante : dès lors qu’un problème est identifié, nous élaborons une stratégie ciblée pour y apporter la réponse la plus adaptée et la plus rapide possible.

Je reviendrai tout de même sur deux exemples, et en premier lieu sur la lutte contre le trafic de stupéfiants. Nous savons le défi que cela représente. Je prendrai le cas de la Seine-Saint-Denis, qui n’est évidemment pas le seul département concerné. Sous l’impulsion du préfet Lambert, pas moins de 7 000 halls d’immeuble ont été réinvestis par les forces de sécurité ; cela se sait et on en parle, ce qui est très important.

M. Patrice Calméjane. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Cela entraîne également des saisies très significatives. Depuis le début de l’année, les forces de sécurité ont mis la main sur cinquante-trois tonnes de cannabis et sur 218 000 comprimés d’ecstasy.

M. Julien Dray. Cinquante-trois tonnes, ça veut dire qu’il y en a 530 qui sont passées !

M. Brice Hortefeux, ministre. Pour ces derniers, c’est une augmentation de 124 % par rapport à l’année précédente.

Le second exemple concerne notre action en faveur de la sécurité des personnes âgées. L’opération « tranquillité seniors », les actions d’information et de sensibilisation ont permis, sur les quatre mois pendant lesquels l’action a été plus intense, une baisse des atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes de plus de soixante-cinq ans ainsi que des escroqueries touchant ces personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous serez concerné un jour, monsieur Dray !

M. Jean-Jacques Urvoas. Pas d’attaques personnelles ! (Sourires.)

M. Julien Dray. Nous serons deux dans la maison de retraite ! (Sourires.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Parallèlement au ciblage de nos actions, nous nous efforçons de concentrer les forces de sécurité là où elles sont véritablement nécessaires. Je ne reviens pas non plus, car j’y ai déjà longuement insisté, sur le pari de la police d’agglomération, créée le 14 septembre 2009 pour Paris et les trois départements de la petite couronne, et qui sera étendue en 2011 à d’autres grandes collectivités : Lille, Lyon et, sans doute, Bordeaux.

C’est aussi la logique qui préside à la création des brigades spécialisées de terrain, qui s’inspirent des UTEQ sans toutefois se limiter à un quartier mais couvrent toute une zone de délinquance. D’ici les prochaines semaines, vingt-six de ces brigades seront mises en place.

Enfin – c’est un sujet auquel je sais que tout le monde est très attentif –, il est nécessaire de continuer à se battre pour permettre aux forces de sécurité de se recentrer sur leur cœur de métier en les déchargeant des tâches indues. Certaines de ces tâches relèvent de l’activité judiciaire, et nous sommes parvenus à un très bon accord avec la Chancellerie. En trois ans, pas moins de mille gendarmes et policiers pourront ainsi être remobilisés sur des opérations de terrain.

Dès le 1er janvier, la police des audiences commencera à être assurée soit par des sociétés privées, soit par des réservistes de la police et de la gendarmerie qui seront rémunérés et équipés par le ministère de la justice. Au cours des trois ans à venir, celui-ci prendra également progressivement à sa charge les transfèrements pénitentiaires et la garde statique de ses locaux. D’autres allègements sont encore à l’étude, notamment au palais de justice de Paris.

Ces efforts ne sont pas vains, nous obtenons des résultats, et nous nous acheminons en 2010 – je le dis naturellement avec beaucoup de prudence – vers la huitième année consécutive de baisse globale de la délinquance. Sur les dix premiers mois de 2009, la délinquance est en baisse de 3,5 %. Les trois indicateurs permanents de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montrent que la maîtrise s’améliore. Sur les douze mois glissants d’octobre 2009 à novembre 2010, les atteintes aux biens ont enregistré un recul de 2,86 % et les escroqueries connaissent une forte régression de 8,48 %. Les atteintes volontaires à l’intégrité physique, source de préoccupation, sont encore à la hausse, de 1,5 %. Toutefois, il faut noter que ces violences augmentaient en moyenne de plus de 10 % entre 1997 et 2002 et de 3 % environ entre 2002 et 2008 ; l’actuelle tendance à la hausse est donc beaucoup plus faible. J’espère que la fin de l’année confirmera cette tendance ; les mois de novembre et décembre sont parfois difficiles.

Notre mission est évidemment de pérenniser ces résultats et nous devons pour cela nous donner des moyens législatifs et financiers. C’est pourquoi je vous demande d’abord, dans la droite ligne des décisions budgétaires récemment prises, d’adopter l’amendement qui permettra d’ajuster les tableaux financiers figurant dans le rapport annexé.

Mme Delphine Batho. Ah !

M. Brice Hortefeux, ministre. Cet amendement a pour objectif de mettre en cohérence les prévisions avec les arbitrages budgétaires. Je précise, en réponse au « Ah ! » que nous venons d’entendre, que l’ajustement des ressources de la politique de sécurité porte sur 345 millions d’euros, soit moins de 1 % des crédits initialement prévus.

C’est également la raison pour laquelle je vous propose de renforcer notre arsenal législatif contre la délinquance en le faisant progresser dans quatre directions.

Il s’agit tout d’abord de nous doter de davantage d’outils opérationnels. Cela passe en premier lieu par la poursuite du déploiement de la vidéoprotection. Je n’en démords pas, et la dernière enquête de l’inspection générale de l’administration le démontre très clairement : cela permet d’agir à trois niveaux.

Cela permet d’agir d’abord sur la dissuasion : un voyou qui se sait filmé réfléchit un peu plus avant de passer à l’acte.

M. Julien Dray. C’est à voir !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est tout vu, et c’est précisément l’objectif de la vidéoprotection.

M. Julien Dray. Ce n’est pas démontré !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est parfaitement démontré ! Vous n’avez pas écouté ce que je disais car vous étiez en train de discuter avec M. Urvoas.

M. Julien Dray. Je suis capable de faire deux choses en même temps !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je n’en doute pas et je suis tout à fait prêt à rendre hommage à votre compétence sur ce point. Je disais que le dernier rapport de l’inspection générale de l’administration présentait deux observations complémentaires : dans les collectivités où est installée une caméra pour 4 000 habitants, la délinquance globale diminue très nettement, de près de 7 %, tandis que quand il n’y a pas de caméras sur ce ratio, la délinquance augmente de 11 à 12 %.

M. Julien Dray. Nous y reviendrons !

M. Brice Hortefeux, ministre. Cela confirme tout ce que nous avions dit, et que vos amis eux-mêmes pensent, d’ailleurs, puisque la plupart des collectivités demandent à être équipées en vidéoprotection. Vous êtes suffisamment au fait de ces sujets pour, j’en suis sûr, accompagner cette tendance.

M. Philippe Goujon. C’est une grande victoire !

M. Brice Hortefeux, ministre. La vidéosurveillance permet d’agir également par anticipation. Lorsqu’une vigilance active est exercée, il est possible d’intervenir avant que le délit soit commis. Nous en avons eu des exemples au début de l’été, dans le cas de déplacements de bandes, qui ont pu être interrompus grâce à l’anticipation de la vidéo.

La vidéosurveillance permet enfin d’agir sur la répression, grâce à l’exploitation par la justice des images enregistrées pour identifier les auteurs de délits.

L’objectif est de 60 000 caméras d’ici à 2012, et 37 000 seront installées de manière opérationnelle à la fin de cette année, c’est-à-dire 17 000 de plus qu’en 2007. Sur cette lancée, nous espérons financer 9 000 caméras supplémentaires.

Je pense également aux logiciels de rapprochement judiciaire. Il serait aberrant de priver nos enquêteurs de ces outils modernes permettant de croiser de manière simple et efficace des données qu’ils détiennent déjà légalement dans le cadre des procédures judiciaires.

M. Jacques Alain Bénisti. Bien sûr !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je pense également à un certain nombre de mesures pragmatiques destinées à rendre vains certains délits en privant les délinquants de leurs profits. Les journaux ont à juste titre parlé des vols de téléphones portables, et le préfet de police a présenté hier un certain nombre d’éléments devant le conseil de Paris.

M. Philippe Goujon. Tout à fait !

M. Brice Hortefeux, ministre. La moitié des vols commis dans les transports en commun et 75 % des vols avec violence concernent des téléphones portables. Nous allons donc demander aux opérateurs de bloquer à distance, non plus les seules cartes SIM, mais les appareils eux-mêmes, ce qui fera perdre de son intérêt au vol.

Il s’agit également de systématiser la saisie des biens des délinquants et d’autoriser leur affectation provisoire. J’ai déjà eu l’occasion de présenter cette très importante mesure dans le détail.

Deuxième axe : je suis très attentif au renforcement de la police administrative. La première mesure à cet égard, c’est le couvre-feu territorial pour les mineurs. Le rapporteur y est également très attentif. Il suffit d’observer l’évolution de la délinquance des mineurs pour se convaincre que nous ne pouvons rester les bras croisés et que nos outils de prévention ne sont plus adaptés.

La deuxième mesure concerne les nouveaux outils de lutte contre le hooliganisme. Nous avons remporté dans ce domaine une vraie victoire, qui n’était pas acquise, en rendant les stades aux familles. Vous avez tous pu entendre, dans divers reportages télévisés, des parents se réjouir de pouvoir enfin retourner dans les stades.

Cela ne signifie pas que le succès est assuré de manière définitive, puisqu’une partie de la violence qui était apparue dans les stades – et pas seulement dans les stades parisiens – peut avoir tendance à se déplacer au pourtour. C’est un combat permanent, mais sur lequel nous avons obtenu des résultats importants : un décès avait eu lieu le 28 février de l’an dernier, et cela ne s’est heureusement pas reproduit depuis lors. Nous avions, vous vous en souvenez, créé à l’époque une division anti-hooligans pour traiter spécifiquement ce problème.

Il y a ensuite les nouveaux outils de lutte contre la délinquance dans les transports, qui concerne des milliers ou des dizaines de milliers de nos concitoyens. Nous avons à cet égard renforcé – nous pourrons y revenir – un certain nombre de mesures et de moyens.

Quatrième mesure : la possibilité ouverte aux préfets de procéder à l’immobilisation immédiate en cas de délit routier grave. L’idée est de ne pas laisser les tueurs de la route reprendre le volant dans l’attente de leur procès. Nous avons voulu y mettre un coup d’arrêt, en donnant une telle possibilité à l’administration.

Enfin, cinquième mesure, qui est complexe et qui suscite des débats : le renforcement de notre capacité d’action sur internet, notamment en matière de blocage des sites ayant un contenu pédopornographique. Nous aurons également l’occasion d’y revenir. Aucune solution n’est totalement idéale, mais nous ne pouvons pas faire comme si rien ne se passait. Cette LOPPSI vous soumet donc une proposition.

Troisième axe, je souhaite renforcer l’efficacité de la chaîne pénale : tout comportement délictueux doit être sanctionné et toute sanction appliquée.

M. Philippe Goujon. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Cela passe d’abord par une prise en charge plus efficace des mineurs délinquants par la justice. Dans certains cas, la prise en charge n’est pas seulement inefficace, elle est même contreproductive. Le délai important qui sépare trop souvent la commission de l’infraction du jugement contribue incontestablement au sentiment d’impunité, et peut réduire à néant tous les efforts de pédagogie et de prévention de la récidive qui doivent être au cœur de la prise en charge des mineurs.

C’est pourquoi, dans les affaires les plus simples et pour les mineurs déjà connus de la justice, il faut donner au procureur la capacité de saisir directement le tribunal. Je suis certain que cette disposition réunira un large consensus au sein de cette assemblée puisqu’elle donnera l’occasion au groupe socialiste de concrétiser la dixième proposition de son programme en matière de sécurité, consistant à « développer les instruments d’une réponse immédiate et proportionnée pour les mineurs délinquants, notamment via leur prise en charge sans délai ». Je ne doute pas que cette mesure suscitera l’enthousiasme sur tous les bancs.

Le renforcement de l’efficacité de la chaîne pénale passe aussi par l’extension de la possibilité de placer sous surveillance électronique les multirécidivistes et par l’application de peines plancher dès le premier délit pour les coupables de violences aggravées. Les atteintes à l’intégrité physique des personnes constituent en effet un défi majeur, et seule la certitude de la sanction permettra de faire reculer le nombre de passages à l’acte. Je souhaite donc que les peines plancher soient appliquées dès le premier acte de violence.

Enfin, une meilleure efficacité passe par le renforcement des sanctions à l’encontre de ceux qui s’en prennent aux dépositaires de l’autorité publique. S’attaquer à un représentant de l’ordre public, ce n’est pas s’attaquer seulement à la personne – ce qui est condamnable en soi –, mais c’est mettre en cause l’ordre qu’il représente. La sanction doit donc être effective. Je souhaite garantir l’effectivité des peines prononcées par la justice à l’encontre des meurtriers de policiers, de gendarmes, de membres de l’administration pénitentiaire, de magistrats, bref, de toute personne dépositaire de l’autorité publique qui aura été agressée dans le cadre de l’exercice de ses missions ou en raison de ses fonctions.

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Par ailleurs, je veux que notre partenariat avec les acteurs de la sécurité privée s’accompagne d’une meilleure garantie des libertés individuelles. Ce sera le quatrième progrès. La sécurité, c’est d’abord l’affaire de l’État, mais aussi l’affaire de tous, y compris celle des collectivités territoriales, au travers notamment des polices municipales, et des compagnies de sécurité. Il est vrai que l’État doit jouer un rôle à part, notamment celui de régulateur. La LOPPSI prend ce rôle pleinement à cœur en proposant des dispositions visant à mieux professionnaliser et à mieux moraliser le domaine de la sécurité privée, actuellement en pleine expansion. J’ai donné en commission les chiffres de créations d’emplois : ils sont extrêmement importants, de l’ordre de 12 000 par an.

Avant de conclure, je souligne que je suis très attentif à un sujet qui préoccupe beaucoup : le permis à points. Je vous le dis, il n’est pas question de faire preuve de laxisme s’agissant de la gestion du permis à points. C’est un instrument pédagogique efficace qui constitue le cœur de notre politique de sécurité routière ; il responsabilise les conducteurs sans les paralyser. Je vous rappelle les chiffres : 75 % des quarante millions de titulaires d’un permis de conduire possèdent leur capital total de points, soit douze points, et près de 90 % en possèdent plus de dix. Cela étant, j’ai bien entendu votre message, qui a été largement relayé, et sans doute est-il possible d’envisager quelques aménagements à la marge.

Mesdames, messieurs les députés, avec la LOPPSI, le Gouvernement vous propose d’adopter un ensemble de mesures cohérentes, nécessaires, justes, respectueuses des principes de notre droit ; surtout, il met entre vos mains les moyens d’aller plus loin, plus fort, dans le combat indispensable contre la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Hunault. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Julien Dray. Tous aux abris !

M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon Jean-Jacques Rousseau, « il n’y a pas de véritable action sans volonté ». S’il est un domaine où la détermination du Président de la République et du Gouvernement, au premier rang duquel celle du ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, est sans faille, c’est bien celui de la sécurité due à nos concitoyens.

M. Jacques Alain Bénisti. Absolument !

M. Éric Ciotti, rapporteur. La sécurité représente la première des libertés. Ce projet de loi a pour ambition de permettre l’application pleine et entière de ce droit légitimement revendiqué par les Français.

La délinquance, on le sait, évolue sans cesse, les délinquants usant de toutes les techniques pour s’opposer aux contraintes de la loi et aux moyens déployés par les forces de l’ordre. Pour y faire face, des évolutions s’imposent : il est toujours nécessaire de s’adapter pour pouvoir soutenir cette guerre de mouvement contre la délinquance. C’est la raison pour laquelle les dispositions de ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure se veulent résolument pragmatiques : dès leur mise en œuvre, elles offriront aux forces de l’ordre une boîte à outils moderne et efficace pour mieux lutter contre toutes les formes de délinquance, plus particulièrement contre la cybercriminalité, les atteintes aux personnes, les cambriolages et le trafic de stupéfiants.

Le premier pilier du projet de loi, c’est une organisation plus efficace et plus partenariale des forces de sécurité.

La mutualisation est confortée. Placées sous une même autorité fonctionnelle depuis 2002, la police et la gendarmerie dépendent désormais du ministre de l’intérieur. Cette réforme majeure a donné l’impulsion à de nouvelles synergies logistiques. C’est ainsi que la police d’agglomération, dont le principe est d’unifier le régime de commandement sur un même bassin de délinquance, a été mise en œuvre avec succès à Paris et sur la petite couronne.

Le partenariat est recherché. Dès les travaux préparatoires, il était apparu indispensable d’intégrer un chapitre consacré aux polices municipales, véritable police à proximité du citoyen. Cette démarche a été élargie en direction des services des douanes et des professionnels de la sécurité privée. À cet égard, je salue la création, à l’initiative du Gouvernement, du Conseil national des activités privées de sécurité. Véritable ordre professionnel, celui-ci aura notamment pour mission d’établir un code de déontologie pour les 130 000 agents, et sera chargé de la délivrance, de la suspension, voire du retrait, des cartes professionnelles. C’est une avancée considérable.

Troisième point important de cette organisation plus efficace, le recours à des missions de police administrative sera accru. En matière notamment de prévention de la délinquance des mineurs, que vient d’évoquer le ministre, ou de la lutte contre le hooliganisme, le projet de loi permet d’accroître les missions de police administrative, sous la responsabilité du préfet. Qu’il s’agisse du couvre-feu des mineurs, des interdictions de stade ou de la sécurité des conducteurs et des voyageurs dans les transports en commun, les nouveaux dispositifs introduits par la LOPPSI permettront d’accroître sensiblement les résultats en termes de sécurisation des citoyens.

Deuxième pilier de ce texte : des forces de l’ordre recentrées sur leur cœur de métier.

Accroître l’efficacité des forces de l’ordre, c’est aussi, le ministre l’a rappelé, s’attaquer aux tâches indues qu’elles doivent accomplir. Le débat sur ce sujet, que nombre d’entre nous avions appelé de nos vœux lors de l’examen en première lecture de la LOPPSI, a permis d’avancer sur la question. Grâce à l’efficacité des ministères concernés, et surtout grâce à la combativité du ministre de l’intérieur,…

M. Jean-Jacques Urvoas. Flagorneur !

M. Éric Ciotti, rapporteur. …la question extrêmement importante du transfèrement des détenus a été enfin réglée. On en parlait depuis des décennies, on l’évoquait à chaque débat sur la sécurité publique. Pour la première fois, nous avons aujourd’hui un résultat concret, que je salue, avec la prise en charge progressive par la Chancellerie, sur trois ans, notamment des polices d’audience et du transfèrement des détenus.

M. Julien Dray. On attend de voir.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Troisième pilier : la modernisation de nos dispositifs de sécurité.

La LOPPSI prévoit de renforcer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et d’adapter les forces de sécurité aux nouvelles technologies, que ce soit au niveau de la lutte contre la pédopornographie, de l’utilisation de fichiers d’antécédents et d’analyse sérielle ou encore de la vidéoprotection. Ces différentes avancées seront renforcées par un accroissement majeur du recours à la police technique et scientifique. En 2002, le fichier national des empreintes génétiques en comptait 2 000 ; il en compte aujourd’hui deux millions ! L’écart qui sépare ces deux chiffres est à rapprocher de l’augmentation de l’efficacité de nos forces de l’ordre et de l’accroissement des taux d’élucidation. Ceux-ci atteignaient en moyenne à peine 25 % en 2002, lorsque vous avez quitté le pouvoir, mes chers collègues de l’opposition,…

M. Jean-Paul Garraud. Quel bilan !

M. Éric Ciotti, rapporteur. …et ils ont aujourd’hui quasiment doublé puisqu’ils s’élèvent à 40 %.C’est un chiffre incontestable qui ne peut prêter à débat, et qui marque de façon très claire les progrès accomplis en la matière. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas. Tout va très bien !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Tout ne va pas très bien, mais en tout cas cela va beaucoup mieux que lorsque vous étiez au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Dray. C’est vrai !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Quatrième pilier : la sécurité routière.

La LOPPSI propose de renforcer la sécurité routière en luttant plus efficacement contre les grands délits routiers – éthylotest obligatoire, confiscation du véhicule. Mais s’il est capital, comme l’a rappelé le ministre, de poursuivre la politique de prévention engagée par le Gouvernement pour descendre en deçà du seuil des 4 000 morts par an, objectif majeur qui doit nous réunir tous, l’évolution du permis à points souhaitée par la commission des lois m’apparaît tout aussi nécessaire pour éviter la multiplication du nombre de personnes qui conduisent sans permis. On cite le chiffre d’un million de conducteurs : c’est beaucoup, c’est trop. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Laxistes ! Vous parlez de tout sauf des véritables problèmes des Français ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Le Roux, seul M. le rapporteur a la parole.

M. Éric Ciotti, rapporteur. La recapitalisation des points en deux ans me semble dès lors un bon compromis entre la position du Sénat et le statu quo.

Enfin, la LOPPSI implique une amélioration de la réponse pénale.

Des résultats déterminants ont été obtenus depuis 2002 s’agissant de la baisse de l’insécurité.

M. Julien Dray. Notamment en Seine-Saint-Denis !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Mais je suis convaincu que des marges de progrès considérables demeurent, et, pour les exploiter, il faut une meilleure application de la réponse pénale et de l’exécution des peines. La sanction doit être effective, rapide et réellement exécutée. En 1773, Beccaria soulignait que «plus le châtiment sera prompt […], plus il sera juste et utile ».

M. Julien Dray. Ça fait presque dix ans que vous êtes là !

M. Éric Ciotti, rapporteur. La LOPPSI apporte des réponses en la matière, conformément à la volonté du Président de la République, exprimée notamment lors du discours de Grenoble. La commission des lois a souhaité renforcer en ce sens le texte adopté par le Sénat, avec des objectifs clairs.

Le premier objectif, c’est de mieux sanctionner les actes de violence contre les personnes. À cette fin, la LOPPSI introduit un dispositif qui prévoit une peine plancher pour les auteurs de violences aggravées, et ce dès la première condamnation.

Il s’agit aussi de mieux traiter la délinquance des mineurs. Cela me paraît particulièrement important. Le projet de loi introduit, au sein de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, un nouvel article permettant au procureur de la République de poursuivre directement un mineur devant le tribunal pour enfants. Cette disposition est essentielle, car, plus que la fermeté de la sanction, face à un mineur délinquant, c’est l’effectivité qui est importante.

Il s’agit enfin de mieux protéger les dépositaires de l’autorité publique, avec l’instauration d’une peine de condamnation à perpétuité, assortie au minimum d’une période de sûreté de trente ans.

Mes chers collègues, il nous faut mieux affirmer l’exemplarité de la sanction.

Rappelons que 50 % des actes de délinquance sont commis par 5 % des délinquants. Une récente étude du préfet de police de Paris montre que, dans la capitale, 19 000 délinquants ont été mis en cause dans plus de cinquante délits. C’est pour cela que je souhaite revenir sur la disposition de la loi pénitentiaire qui prévoyait l’aménagement systématique de toutes les peines de prison ferme supérieures à deux ans. Cet amendement a été adopté tout à l’heure par la commission des lois.

Enfin, je souhaiterais rendre un hommage appuyé aux forces de l’ordre, à ces femmes et à ces hommes garants de notre sûreté, qui accomplissent leur mission au péril de leur vie. Cette année, dix-sept policiers et gendarmes et une jeune policière municipale sont morts dans l’exercice de leurs fonctions, au service d’un métier pas comme les autres, car il fait d’eux le dernier rempart contre la violence et les seuls détenteurs de la violence légitime, selon l’expression de Max Weber.

La chaîne de la sécurité est formée par un ensemble de maillons qui doivent tous être solidaires : la famille, l’éducation nationale, les collectivités locales, les acteurs de la prévention, les forces de l’ordre et, bien sûr, la justice. Si un maillon s’affaiblit, c’est toute la chaîne qui se brise.

M. Julien Dray. Comme en Sarkozie !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Plus que jamais, il nous faut rechercher l’union sacrée de tous. J’espère, je forme le vœu sans doute pieux qu’elle apparaisse sur tous les bancs de l’Assemblée,…

M. Julien Dray. C’est clair : c’est un vœu pieux !

M. Éric Ciotti, rapporteur. …parce que l’insécurité ne devrait pas être un enjeu de débat politique comme on le constate dans d’autres démocraties. Je forme le vœu que l’union de tous vers un seul et même but apparaisse : assurer la sécurité partout et pour tous.

M. Bruno Le Roux. Il serait temps de le faire !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Telle est l’ambition, mes chers collègues, de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Hunault. Très bien !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, quel désordre ! Des policiers manifestent en uniforme et en arme ; au sommet de l’État, on affaiblit l’autorité de la République et on piétine la séparation des pouvoirs jusqu’au sein du Gouvernement. Et puis, il y a cette réalité, terrible, dont je ne prendrai que quelques exemples. Des habitants sont fouillés par les dealers et même soumis au détecteur de métaux lorsqu’ils veulent simplement rentrer chez eux.

M. Julien Dray. C’est vrai !

Mme Delphine Batho. Des policiers, des pompiers essuient des tirs d’armes à feu. Des policiers sont exfiltrés du territoire où ils travaillaient parce qu’on ne peut plus les protéger.

Nous pourrions, hélas !, multiplier les exemples et citer les événements qui se sont déroulés cet après-midi à Aulnay-sous-Bois : une agence bancaire a été attaquée à l’explosif, un employé de banque est blessé et les policiers se sont fait tirer dessus à la Kalachnikov.

Quel bilan pour l’équipe aux responsabilités, qui avait fait de la sécurité son atout maître, la pierre angulaire de sa politique, comme l’a rappelé ici même le Premier ministre lors de son récent discours de politique générale !

Une chose est de parler de sécurité, de se faire applaudir dans les meetings, une autre est de montrer son efficacité en responsabilité.

Quand je pense à tout ce que la gauche a entendu sur sa prétendue incapacité à être lucide, sur sa prétendue incompétence ! Quand je pense à tout ce que l’opposition a entendu alors que, depuis des mois et des années, elle dénonce ici sans relâche les effets dramatiques de votre politique ! Nous l’avons fait parce que nous avons les yeux ouverts sur la montée de la violence. Nous dénonçons l’abandon du terrain, les dégâts de la politique du chiffre, le manque de moyens qui frappe la police et la gendarmerie.

Au nom de l’opposition, je le dis : en politique, la vérité est dans les faits, dans les résultats. La vérité d’une politique est dans les actes et non pas dans les paroles. La vérité est que cette majorité sait exploiter l’insécurité, mais elle ne sait pas la résoudre et son bilan est pitoyable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, le bilan est pitoyable.

M. Julien Dray. C’est peu dire !

Mme Delphine Batho. Rassurez-vous, monsieur le ministre, vous n’êtes pas le seul en cause, puisque c’est aussi le bilan de votre prédécesseur, et même d’abord celui du Président de la République, en charge de la sécurité des Français depuis 2002.

Preuve supplémentaire de ce grand écart permanent entre les discours et les actes, la LOPPSI, qui devait être le premier texte de la législature en matière de sécurité, sera sans doute le dernier du quinquennat, à moins, ce qui est probable, que la campagne présidentielle nous réserve encore et toujours de nouvelles propositions de loi.

M. Jean-Jacques Urvoas. Hélas !

Mme Delphine Batho. Ce texte, celui d’une équipe gouvernementale qui s’est constituée autour de cette prétendue priorité à la sécurité, devait fixer les orientations pour la période 2009-2013. Il a fallu l’attendre trois ans et demi après bien des atermoiements. Plus de trois ans pour qu’au bout du compte, cette loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure porte bien mal son nom, raison pour laquelle je veux défendre cette motion de rejet préalable.

D’abord, la LOPPSI n’est pas une loi d’orientation.

Au cœur d’une nouvelle loi d’orientation – que nous estimons nécessaire –, il aurait fallu une autre stratégie territoriale, une nouvelle doctrine d’emploi des forces de sécurité, à même d’endiguer la concentration territoriale de la criminalité.

Les événements récents ont fait apparaître un basculement : on est passé de la petite délinquance au grand banditisme. Désormais, nous sommes confrontés à ce qu’il faut bien appeler de véritables gangs à la française. Trop de terrain leur a été abandonné depuis plusieurs années. À Grenoble, à Marseille, en Seine-Saint-Denis et ailleurs, chaque fois qu’il y a un drame et que l’on examine l’évolution des effectifs de police déployés sur le terrain, le constat est éloquent : à Grenoble, le nombre de policiers est passé de 720 à 600 ; à Marseille, il en manque au moins 250 et en Seine Saint Denis, il en manquerait entre 300 et 400.

Et je ne parle pas là des suppressions d’effectifs. En fait, un rapport d’Alain Bauer et Christophe Soullez a montré qu’au cours des dix dernières années plus de 9 000 policiers de la sécurité publique ont été retirés des circonscriptions territoriales pour être affectés dans des unités spécialisées et donc éloignés du terrain.

M. Julien Dray. N’est-ce pas M. Ciotti ? Heureusement que c’est Alain Bauer qui le dit !

Mme Delphine Batho. La LOPPSI ne comporte aucun élément qui traduirait une volonté de redéployer ces forces sur le terrain, aucune doctrine d’intervention nouvelle pour les forces de l’ordre.

Pire, vous annoncez que les unités territoriales de quartiers – créées il y à peine plus de deux ans – sont transformées en brigades spécialisées de terrain, ce qui ne sera pas qu’un simple changement de nom. Si nous avons bien compris, il s’agira en fait d’un dispositif à mi-chemin entre les unités qui existaient et les compagnies de sécurisation, et ces brigades devront désormais intervenir sur un périmètre plus large.

Autrement dit, le Gouvernement continue de privilégier une police de maintien de l’ordre à la façon des années soixante, avec des formes d’intervention superficielles, des forces de projection complètement extérieures aux cités, alors qu’il faudrait créer une véritable police de quartier pour occuper le terrain de façon pérenne et s’attaquer réellement à l’économie souterraine. Des opérations coup-de-poing éparses et médiatisées, avec d’ailleurs une publicité tout à fait contre-productive, ne remplaceront jamais une stratégie territoriale digne de ce nom.

Comme l’écrit Jean-François Herdhuin, ancien directeur départemental de la Seine-Saint-Denis : « Le cœur de l’organisation des services de sécurité devrait être l’échelon local [...] Aujourd’hui nous disposons d’une police d’état-major et de maintien de l’ordre. Tout est contrôlé de manière artificielle, sans considération pour les observations des chefs de circonscription et des commissariats, au détriment du traitement local de la délinquance. »

Et Jean François Herdhuin d’ajouter : « Je suis persuadé que, dans leur for intérieur, ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir reviendraient volontiers à la police de proximité s’ils ne craignaient pas de se déjuger. »

M. Jean-Marc Roubaud. Ce n’est pas vrai !

M. Jacques Alain Bénisti. C’est le rôle de la police municipale !

Mme Delphine Batho. « En effet, c’est le seul moyen de gérer les graves problèmes de sécurité qui se posent aujourd’hui à moyens constants. Le premier métier de la police est de réprimer, et employer la force n’est pas honteux. On doit pouvoir concilier ce besoin de réforme dans la police avec cette notion de force publique dans une société démocratique. »

Tout est dit. Voilà ce qui est au cœur de l’échec de votre politique et que vous ne voulez toujours pas regarder en face pour des raisons purement idéologiques.

M. Jean-Jacques Urvoas. Très bien !

Mme Delphine Batho. L’autre différence notable avec la LOPSI de 2002, c’est que cette LOPPSI 2 n’est pas une loi de programmation. Elle ne comporte pas ce qui était l’article 2 de la loi de 2002, à savoir une programmation des moyens et notamment 13 500 créations d’emplois à l’époque.

M. Julien Dray. Très juste !

Mme Delphine Batho. La LOPPSI 2 ne comporte ni réelle programmation budgétaire ni aucune donnée sur l’évolution à venir des effectifs des forces de sécurité. On nous demande de voter une loi à l’aveugle.

Il y aura d’ailleurs motif à interroger le Conseil constitutionnel…

M. Jean-Marc Roubaud. À chaque fois, vous le faites !

Mme Delphine Batho. …sur l’intitulé trompeur de ce texte. Dans une précédente décision, en effet, le Conseil avait souligné qu’un rapport annexé à un article de loi n’a aucune portée normative. Autrement dit, la LOPPSI 2 ne comportant pas d’article à proprement parler sur les moyens, mais un simple rapport annexé, elle n’est pas une loi de programmation.

Bon nombre de collègues sont comme nous, je le sais, convaincus qu’il faut stopper l’application de la révision générale des politiques publiques concernant la sécurité intérieure.

Pour la quatrième année consécutive, le Gouvernement a présenté un budget qui prouve que la lutte contre la délinquance n’est plus au cœur de ses priorités. Les effectifs ont diminué de 9 564 ETPT pour l’ensemble de la mission « Sécurité ». Il est prévu de supprimer encore 8 000 postes de policier et 3 000 postes de gendarme.

Quant au tableau d’engagement budgétaire qui figure dans le rapport annexé à l’article 1er, il est faux. D’ailleurs monsieur le ministre, comme je l’avais annoncé, vous êtes obligé de présenter un amendement pour revoir à la baisse les crédits de la LOPPSI et supprimer 345 millions d’euros sur trois ans. C’est l’amendement n° 329 du Gouvernement.

Faute de moyens, une logique est à l’œuvre : celle du tout technologique au détriment de la présence humaine et du désengagement de l’État de ses missions régaliennes.

Comme d’habitude, ce désengagement se fait sur le dos des collectivités territoriales puisque – vous venez de le dire, chers collègues – la police de proximité se résume pour vous aux polices municipales que vous annexez en quelque sorte en leur transférant des compétences judiciaires.

Ce désengagement s’effectue aussi au profit du secteur de la sécurité privée.

M. Julien Dray. Ça, c’est grave !

Mme Delphine Batho. Or les sociétés privées de sécurité, qui ont la part belle dans ce texte, ne sont pas des philanthropes mus par l’intérêt général. Elles prospèrent et font commerce de l’insécurité pour vendre leurs services. Elles ont besoin que l’insécurité augmente pour faire des profits. Elles ont besoin que la demande de sécurité explose et leur ouvre de nouvelles parts de marché.

Le mélange des genres que ce texte comporte – qu’il s’agisse du secteur de l’intelligence économique, de la vidéosurveillance sur le domaine public par le secteur privé, ou encore du nouveau Conseil national des activités privées de sécurité auquel vous transférez des compétences de police administrative – traduit une confusion qui fait craindre certaines formes de privatisation.

M. Jean-Marc Roubaud. Mais non !

Mme Delphine Batho. Tout cela traduit une politique libérale de sécurité qui affaiblit l’autorité de l’État.

Privé de sa raison d’être, organisant le désengagement de l’État pour sauver les apparences, votre projet est donc devenu un texte fourre-tout, un texte d’affichage, un de plus, le dix-septième depuis 2002.

Alors que le projet de loi initial du Gouvernement comportait 46 articles, il en avait le double à l’issue de la première lecture à l’Assemblée et le triple, soit 142 articles, à l’issue du débat au Sénat.

Nous pourrons discuter de l’utilité de certaines dispositions précises et parfois même nous retrouver – entre parenthèses, ce ne sera pas le cas s’il s’agit d’affaiblir les dispositifs de lutte contre l’insécurité routière. Quoi qu’il en soit, bon nombre de dispositions ne sont que des mesures d’affichage relevant de la seule communication.

À l’image des seize lois précédentes, une mesure chasse l’autre. À peine en a-t-on fini avec les dispositions introduites en première lecture qu’on en ajoute d’autres concernant les peines plancher, les périodes de sûreté, les bracelets électroniques et j’en passe.

Au regard du bilan pitoyable que je rappelais en introduction, vos lois sont à la lutte contre la délinquance ce que la ligne Maginot était à la défense du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Noël Mamère. Très bien !

Mme Delphine Batho. Cette inflation législative n’a pas fait reculer l’insécurité, ni amélioré l’efficacité de la justice. Au contraire, elle a aggravé la crise du système judiciaire que vous avez beau jeu, ensuite, de pointer du doigt. Par contre, cette surenchère suscite de plus en plus un malaise jusque dans les rangs de la majorité.

Ainsi, nous nous opposerons vigoureusement aux dispositions introduites par le Gouvernement au Sénat, et ce, contre l’avis de la commission des lois de la Haute assemblée qui, dans sa sagesse, avait repoussé ou réécrit des articles que le rapporteur Éric Ciotti a rétablis dans le texte dont nous débattons aujourd’hui.

En défendant cette motion de rejet, je veux d’ailleurs souligner que certaines dispositions de ce texte sont contraires à la Constitution, qu’il s’agisse du respect de la vie privée alors que des sociétés privées vont être autorisées à organiser la vidéosurveillance de la voie publique, de la tendance à donner aux préfets des prérogatives réservées aux juges – mais c’est chez vous un leitmotiv –, ou encore de l’affaiblissement des garanties de procédure réservées aux mineurs ou de l’extension des peines plancher en dehors de toute circonstance de récidive, ce qui est tout à fait contraire aux principes définis par le Conseil constitutionnel.

Jean Jacques Hyest, président de la commission des lois du Sénat avait pourtant mis en garde : « Il ne faut jamais tenter de passer en force quand on est à peu près sûr de subir la censure du Conseil constitutionnel. »

C’est pourquoi, la majorité étant majoritaire et à défaut d’adoption de cette motion de rejet, nous saisirons le Conseil constitutionnel pour qu’il exerce ses prérogatives.

Chacun a bien compris que le fameux discours prononcé par le Président de la République, le 30 juillet dernier, n’ouvrait pas une nouvelle phase du quinquennat, mais sonnait plutôt sa fin et l’ouverture de la campagne électorale de 2012.

À cet égard, bien des collègues sur tous ces bancs devraient être heurtés par l’amendement n° 308 dont le seul but est de copier les mesures xénophobes approuvées en Suisse…

Mme Sandrine Mazetier. Exactement !

Mme Delphine Batho. …parce que, selon les auteurs de cet amendement, il ne faudrait pas « laisser le monopole à d’autres ».

M. Julien Dray. Qui sont ces autres ?

Mme Delphine Batho. La majorité vient d’adopter cet amendement en commission. On aurait pu penser que les déclarations nauséabondes que l’on a entendues en fin de semaine dernière…

M. Jean-Marc Roubaud. C’est excessif !

Mme Delphine Batho. …vous auraient dissuadés d’adopter cet amendement, chers collègues, car ce n’est pas en s’inspirant de ses thèses que l’on combat l’extrême-droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour conclure mon propos, chers collègues, je veux dire un mot des hommes et des femmes de la police et de la gendarmerie nationales. Ils font preuve de professionnalisme et de courage. Ils prennent des risques dans des conditions d'intervention de plus en plus difficiles, et méritent assurément qu'on les soutienne. C'est même une obligation morale pour le Gouvernement et pour la représentation nationale. Mais confondre le soutien qui leur est dû avec l'excuse de quelques-uns qui, ayant commis une faute grave, méritent d’être sanctionnés, c'est faire injure au sens du devoir et à l'exemplarité de l'ensemble des policiers. Quel curieux retour de la culture de l'excuse !

On peut comprendre l'émotion que cela peut susciter dans un département très difficile où les policiers sont en permanence sous pression. Mais la règle absolue est qu'un délit est un délit et qu’une faute est une faute. En défendant l'indéfendable, monsieur le ministre, vous n'avez pas rendu service aux policiers. Vous avez, au contraire, abîmé la police nationale.

M. Jean-Jacques Urvoas. Absolument !

Mme Delphine Batho. Les ministres de l'intérieur qui ont le plus marqué cette institution, de gauche comme de droite, sont ceux qui ont été particulièrement intransigeants sur le plan de la déontologie.

M. Julien Dray. C’était le cas de Nicolas Sarkozy !

M. Jean-Paul Garraud. C’est le cas actuellement !

Mme Delphine Batho. Que vous ayez cru utile de vous livrer à ce commentaire inapproprié est le signe d'un manque d'autorité. C'est aussi révélateur de votre impuissance face à la délinquance.

En fait, le Gouvernement a fait un choix cynique.

Vous n'êtes plus que dans une gestion à très court terme des événements et des drames. Peu vous importent les victimes, peu vous importe la sécurité des Français ; désormais, ce qui compte, c'est seulement la gestion médiatique et électorale de l'insécurité.

La LOPPSI en est, malheureusement, une nouvelle illustration. Elle se situe dans la stricte continuité d'une politique qui a échoué. C'est pourquoi, chers collègues, nous vous proposons d'adopter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Julien Dray. Les propos de Mme Batho sont imparables. Le ministre de l’intérieur est KO !

M. Jean-Jacques Urvoas. On se demande pourquoi il est encore au Gouvernement !

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe UMP.

M. Jacques Alain Bénisti. Je répondrai à ma collègue Delphine Batho, que je connais bien pour avoir travaillé avec elle sur ces problématiques de délinquance, …

M. Bruno Le Roux. Et aux côtés de laquelle vous avez beaucoup appris ! (Sourires.)

M. Jacques Alain Bénisti. …que les questions d’effectifs, sur lesquelles se cristallise la critique de l’opposition, qu’elle rabâche depuis de nombreuses années, ne sont pas à même de régler les vrais problèmes que nous rencontrons en matière de délinquance.

M. Julien Dray. Si on en supprime, ça n’ira pas mieux !

M. Jacques Alain Bénisti. Il est beaucoup plus subtil et beaucoup plus intelligent d’opérer une meilleure répartition de ces effectifs et de créer une meilleure synergie entre les différents groupes d’intervention de police sur le territoire national. Nous en avons un exemple flagrant dans la région parisienne où, grâce à la décision du ministre de l’intérieur, a été établie ce qu’on appelle une police d’agglomération.

M. Jean-Paul Garraud. Très bien !

M. Jacques Alain Bénisti. Partis d’un effectif pour 2 000 habitants dans la petite couronne, nous sommes arrivés à un effectif pour 500 habitants, ce qui est un progrès considérable pour les communes de banlieue qui ont à souffrir de la délinquance, notamment de la part de mineurs toujours plus jeunes et toujours plus violents. Cet effectif pour 500 habitants permet de résoudre beaucoup mieux les problématiques de délinquance sur le terrain.

Comme le ministre de l’intérieur l’a déclaré il y a quelques jours, ce concept de police d’agglomération va s’étendre à toutes les agglomérations. Sont concernées non seulement Lyon, Marseille et Bordeaux, mais aussi Strasbourg et Rennes. Les polices d’agglomération pourront intervenir beaucoup plus efficacement.

Le Gouvernement a préféré, c’est vrai, l’efficacité à la quantité. Mais ce choix nous convient beaucoup plus car, en matière de délinquance, nous cherchons justement à améliorer l’efficacité plutôt que de faire du chiffre, comme vous l’avez évoqué.

Mme George Pau-Langevin. Avec quel résultat ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Pour mon explication de vote sur cette motion de rejet préalable, je m’exprimerai du haut de cette tribune, monsieur le ministre.

Je vais rejeter cette motion de l’opposition,…

M. Julien Dray. Dommage !

M. Michel Hunault. …car je l’ai trouvée très excessive.

M. Julien Dray. Pas du tout ! Mais vous avez l’habitude de vous coucher !

M. Jean-Marc Roubaud. La motion était non seulement excessive, mais encore caricaturale !

M. Michel Hunault. Les députés du Nouveau Centre estiment, monsieur le ministre, que nous devrions tous partager cette exigence de sécurité qu'a pour ambition d'assurer le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Comme le rapporteur l’a souligné avant moi, la première des libertés est bien la sécurité : la sécurité d'aller et venir comme la sécurité des biens et des personnes.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, vise à adapter les moyens de la police et de la gendarmerie aux nouvelles formes de délinquance : je pense notamment à l'extension de la vidéoprotection sur la voie publique et au rôle accru des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, que vous avez évoqués.

Je regrette que cette exigence de sécurité ne soit pas partagée sur tous les bancs de cet hémicycle ! Je constate que, depuis maintenant huit ans, aucun budget visant à donner les moyens nécessaires à la police et à la gendarmerie n'a été voté par l'opposition.

M. Julien Dray. Si, en 2002 !

M. Michel Hunault. J’ai écouté attentivement nos collègues de l’opposition mais n’ai entendu aucune proposition en ce sens.

M. Julien Dray. Vous avez mal écouté !

M. Michel Hunault. Je me souviens encore des critiques qui se sont élevées lors de la modification du statut de la gendarmerie nationale pour la faire passer sous votre responsabilité, monsieur le ministre, et ce dans un seul souci d'efficacité. Que n'avons-nous pas entendu alors !

M. Julien Dray. De la part des gendarmes !

M. Michel Hunault. Le parti socialiste a consacré, il y a quinze jours, l'une de ses premières conventions à la sécurité. Le lendemain, dans le cadre de la niche parlementaire réservée à l'examen des propositions de lois du SRC, les députés socialistes ont proposé à la représentation nationale d'instaurer « un droit pour les détenus ayant effectué les deux tiers de leur peine à sortir de prison », au motif de lutter contre la surpopulation carcérale ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Dray. Allez voir ce qui se passe à la prison de Grasse !

M. Jean-Jacques Urvoas. Ne soyez pas dogmatique. Un peu de dignité !

M. Michel Hunault. Or l'une des questions essentielles est bien l'exécution des peines. Vous avez abordé tout à l’heure cette question, monsieur le ministre, dont je souligne ici l’importance alors qu'une cour d’assises va se prononcer sur la culpabilité de l’assassin de Mlle Schmidt. Le groupe Nouveau Centre vous a interpellé à plusieurs reprises sur l'exécution effective des peines et la prise en compte de la dangerosité des condamnés. Lorsqu'on évoque la sécurité, on ne peut faire l'impasse sur la prévention de la récidive.

J’ai été choqué, madame Batho, que vous ayez accusé le Gouvernement et cette majorité de surfer sur les faits divers,…

M. Julien Dray. C’est pourtant un constat !

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est malheureusement le cas !

M. Michel Hunault. …car ce sont de vraies questions qui nous imposent d’être vigilants.

En ma qualité de rapporteur des lois relatives à la lutte contre le blanchiment de l'argent sale et la corruption, je tiens également à vous alerter sur le poids du recyclage de l'argent sale, produit des trafics en tous genres, au premier rang desquels le trafic de drogue, le travail illicite et les filières d'immigration clandestine.

L'un de vos prédécesseurs, aujourd'hui Président de la République, a institué les groupements d’intervention régionale, lors de la précédente législature, et vous venez de créer au sein de votre ministère, vous l’avez rappelé tout à l’heure dans votre discours, une brigade spécialisée dans la lutte contre le recyclage de l'argent sale. Dans cette discussion, j'aurais souhaité que vous nous fassiez un bilan de l'efficacité de cette nouvelle structure visant à lutter contre une véritable activité économique souterraine assurant le recyclage de l'activité de la grande délinquance.

Concernant les aspects les plus modernes de la criminalité – je veux parler de la cybercriminalité –, il serait bon que la France transpose et applique les dernières directives et recommandations européennes, car le crime ne connaît ni les frontières ni les différences de compétences sur le terrain entre brigades de gendarmerie et police urbaine. Il convient, là aussi, d'adapter nos outils pour les rendre plus performants en matière de protection et de prévention, et ce dans le respect des libertés.

N'opposons pas – c’est une autre exigence sur laquelle insistent les députés du Nouveau Centre – la défense du droit à la nécessaire protection des libertés individuelles et la présomption d'innocence à la lutte contre l'insécurité. Comme M. le Premier ministre a eu l’occasion de le rappeler solennellement cet après-midi, les magistrats et les policiers appartiennent à la même chaîne pénale.

Permettez-moi, au lendemain de ce qui aurait pu être un drame dans une école maternelle, de vous demander, monsieur le ministre, de généraliser la vidéoprotection à l'approche des cités scolaires, pour lutter avec efficacité contre le trafic de drogue et le racket dont sont victimes de nombreux lycéens.

En matière de sécurité routière, l'État entend-il donner aux collectivités territoriales – aux départements pour les routes départementales, aux communes pour les routes communales – la possibilité d'installer des radars, notamment aux entrées d’agglomération et aux approches des écoles ?

J'aurai l'occasion de vous interroger au nom du groupe Nouveau Centre, lors de la discussion des articles, sur les dispositions relatives à l'utilisation des fichiers : je pense notamment aux informations délivrées à l'occasion du changement de propriétaire d’un véhicule et des cartes grises.

Je vous interpellerai également sur les obligations des fournisseurs d'accès à internet, afin d’empêcher l'accès aux sites diffusant des images de pornographie infantile.

Comment ne pas évoquer la lutte contre la délinquance sans regretter la violence et le nombre de crimes et violences diffusés sur le service public audiovisuel en première partie de programme ?

En conclusion, le défi auquel tente de répondre votre projet de loi, monsieur le ministre, c’est d’adapter les moyens offerts à nos forces de police et de gendarmerie à l'exigence de sécurité afin de rendre celles-ci plus performantes, et de lutter plus efficacement encore contre les nouvelles formes de criminalité. Ces moyens devront être utilisés dans le respect du droit.

J’évoquerai dès à présent – mais j’y reviendrai également dans le cadre de la discussion – une proposition du parti socialiste qui me semble mériter notre attention : devant ce qu’il a appelé « l’état de clochardisation » des commissariats, le sénateur maire de Dijon…

M. Julien Dray. Homme très compétent !

M. Michel Hunault. …a suggéré que les collectivités locales financent la construction et l’entretien de ceux-ci.

Mme George Pau-Langevin. Excellente proposition socialiste !

M. Michel Hunault. Cela me semble, monsieur le ministre, une piste à étudier. Nous écouterons avec beaucoup d’attention les propositions qui seront faites à ce sujet. Dans certains cas, il est bon de prendre l’opposition au mot.

Mme Sandrine Mazetier. Commencez plutôt par prendre au mot le Gouvernement !

M. Michel Hunault. Les collectivités territoriales me semblent en effet avoir également une part à prendre dans l’entretien et la création des gendarmeries et des commissariats.

Pour toutes ces raisons et parce que le groupe Nouveau Centre vous apporte, monsieur le ministre, son appui dans votre combat contre la délinquance, j’appelle mes collègues à voter contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle à ceux d’entre vous qui montraient quelques signes d’impatience pendant que s’exprimait M. Hunault que, le débat se déroulant en temps programmé, les orateurs s’expriment aussi longtemps qu’ils le veulent dans le temps imparti à leur groupe.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez est un condensé de la politique que vous conduisez depuis des années. Loin de saisir l’occasion pour rectifier les orientations défectueuses qui vous conduisent à l’échec – que vous êtes désormais le seul à ne pas reconnaître –, vous ne faites que les accentuer. Vous persévérez dans l’illusion et continuez à présenter la répression comme la panacée. Toutes les occasions sont bonnes pour resserrer, obsessionnellement, les mailles du filet répressif.

Une nouvelle fois, vous ajoutez de nouveaux dispositifs avant même d’évaluer les précédents. Pourquoi ne vous demandez-vous jamais pourquoi les précédentes lois que vous avez fait adopter n’ont pas eu l’effet dissuasif escompté ?

Vous vous entêtez dans l’illusion du recours salvateur à toujours plus de technologie et de fichiers. Cette LOPPSI offre une vision caricaturale de votre fascination pour la panoplie policière. Jamais on n'aura autant vanté le déploiement tous azimuts de la vidéosurveillance, le contrôle de l'internet et la multiplication des fichiers.

Ce n'est pas le recours en soi à de tels outils qui dérange ; c’est le fait de les placer ainsi, sans retenue, au cœur de la politique menée. C’est le fait que leur usage et leur efficacité ne soient pas relativisés et qu’il n’y ait pas de mesures d’accompagnement suffisantes pour en éviter les dérives.

Vous persistez dans l'illusion de la radicalité policière, que vous prônez dans les quartiers. L’expression de la force est l’unique ressort de votre politique de sécurité. Là encore, nous ne vous faisons pas grief de la fermeté. Nous critiquons le fait que vous l'assimilez idéologiquement et principalement à du seul maintien de l'ordre. Le rétablissement de l'autorité appelle des solutions plus complexes que des déclarations de guerre, un déploiement de policiers habillés en Robocop ou la mise en pool de forces de projections.

Votre projet de loi n’est qu’un galimatias sans vision stratégique et sans moyens financiers. Il ne contient aucune perspective d’emploi.

Mme Delphine Batho a rappelé le nombre des suppressions de postes. Je citerai d’autres chiffres. Le nombre d’incorporations dans la police nationale, c’est-à-dire de personnes intégrant les écoles – je ne parle pas ici des effectifs budgétaires – a chuté de 4 300 en 2007 et 2008 à 1 500 en 2009 et 2010.

De même, pour les jeunes, notamment pour les adjoints de sécurité, les places aux concours ont fondu comme neige au soleil : on comptait 1 546 places en 2008, il n’y en avait plus que 500 en 2009, aucune cette année et il n’y en aura peut-être que 275 l’an prochain.

Ce texte n’apporte aucune certitude sur la trajectoire budgétaire qui sera suivie. Depuis cinq ans, le budget global de fonctionnement du ministère de l’intérieur subit une diminution moyenne annuelle de 8 %. Et vous réussissez la prouesse de présenter une loi qui devrait être « d’orientation » mais qui ne tient pas compte des récentes déclarations du Premier ministre sur les réductions qu’il a décidé d’imposer aux différentes administrations. Bref, cette LOPPSI est une occasion totalement manquée. C’est donc sans états d’âme que nous voterons la motion de rejet préalable défendue de belle façon, et avec la compétence qu’on lui connaît, par Delphine Batho. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

M. Noël Mamère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans doute faudrait-il donner à cette loi un autre nom que celui que vous lui avez attribué : je propose de la renommer « loi Je suis partout ».

M. Jacques Alain Bénisti. Ça ne fait même pas rire l’opposition !

M. Noël Mamère. En effet, vous vous inventez des ennemis de l’intérieur et mettez en place des moyens de surveillance, de contrôle et de répression qui n’ont rien à voir avec ce que l’on est en droit d’attendre des outils démocratiques destinés à assurer la sécurité intérieure. Il y a quelques instants, l’un de vos bons soldats du Nouveau Centre, soutenant, comme on le sait, la majorité et ayant au Gouvernement la place que l’on connaît, a tenu à l’égard de notre collègue Delphine Batho des propos que l’on pourrait qualifier d’exagérés. Celle-ci, me semble-t-il, ne fait pas partie des responsables de l’opposition que l’on peut qualifier d’angéliques. Elle est même l’une de ces députés de l’opposition qui ont toujours fait preuve de pragmatisme en matière de sécurité. En opposant votre défense et illustration du texte du ministre aux analyses très justes qu’elle avait développées, je crois que vous vous trompez.

De quoi s’agit-il ? M. Hortefeux est-il le ministre de l’intérieur ou le ministre de l’affichage ? N’est-il pas le ministre de ce que certains appellent le storytelling, celui qui nous raconte des histoires tous les jours, tirant profit de quelques faits divers pour aller braconner encore un peu plus sur les terres du Front national – lequel n’a pas attendu le discours du Président de la République à Grenoble pour, chaque jour, gagner des voix et diffuser davantage le poison de la haine ?

Mme Arlette Grosskost. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !

M. Noël Mamère. Or le ministre se trompe en nous proposant une loi qui n’est qu’un fourre-tout et fait reculer nos libertés. En effet, non seulement elle nous surveille, mais, à la manière d’Orwell dans 1984, elle invente une espèce de novlangue où la « vidéosurveillance » est rebaptisée « vidéoprotection » – et c’est à tous les étages de ce projet de loi qu’est utilisée cette novlangue.

Ce recul des libertés, on peut aussi le constater dans l’effacement du juge devant les autorités administratives et devant les pouvoirs qui sont confiés à la police. Notre collègue l’a dit, les patrons des polices municipales vont devenir des officiers de police judiciaire, et les policiers municipaux eux-mêmes ne seront plus simplement chargés du contrôle d’identité, mais de la vérification d’identité, ce qui change tout à leurs attributions et les transforme en adjoints de police judiciaire, ce qui n’est pas leur mission et n’est pas constitutionnel. Mme Batho a dit que son groupe saisirait le Conseil constitutionnel. Le nôtre fera de même.

M. Jean-Paul Garraud. Quelle surprise !

M. Noël Mamère. En effet, cette loi ajoute une couche de plus au millefeuille qui s’est constitué depuis que M. Sarkozy était ministre de l’intérieur. Vous n’attendez pas les évaluations de toutes ces lois – mais, notre collègue Urvoas l’a dit, aucune n’a été réalisée – pour proposer de nouvelles dispositions, dont certaines ne seront jamais appliquées. Il s’agit donc bien d’une loi d’affichage, pour satisfaire le bon peuple de France et lui faire croire que vous le protégez.

M. Jean-Pierre Soisson. Ne soyez pas méprisant !

M. Noël Mamère. Monsieur Soisson, j’ai beaucoup de respect pour vous, mais, tout à l’heure, lorsque ont été cités les mots « Front national », vous vous êtes brusquement réveillé,…

M. Julien Dray. Ça lui a rappelé de vieux souvenirs !

M. Noël Mamère. …comme si vous revenait d’un coup le souvenir des accords que vous avez passés dans votre région avec ceux qui, aujourd’hui, ne devraient plus être considérés par la droite comme des alliés possibles. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Garraud. Le procès d’intention : c’est la méthode Mamère !

M. Noël Mamère. Il faut que cessent les cris d’orfraie de ces responsables de la droite qui se drapent dans leur vertu outragée chaque fois que le Front national se livre à des dérapages, mais qui, dans notre dos, passent des accords avec lui et recyclent les anciens responsables de l’extrême droite.

M. Bruno Le Roux. Bravo !

M. Jean-Paul Garraud. C’est inadmissible !

M. Noël Mamère. Un jour peut-être, une fois que le Front national sera « civilisé » – mais Mme Le Pen vient de montrer qu’elle était bien la fille de son père –, nous verrons des situations à l’italienne, où la droite la plus à droite passera des accords avec le Front national pour résister à la montée de la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Garraud. Provocation !

M. Noël Mamère. Balayez devant votre porte et regardez ce qui s’est passé dans un certain nombre de vos villes et de vos régions.

Mme la présidente. Monsieur Mamère, il serait raisonnable de revenir aux explications de vote et d’éviter de flirter avec le fait personnel.

M. Noël Mamère. J’aurais aimé, madame la présidente, que vous disiez cela à notre collègue Hunault lorsque, à la tribune, il nous disait des choses qui n’avaient rien à voir avec cette loi.

Mme la présidente. Merci de revenir aux explications de vote !

M. Noël Mamère. Ce qui a à voir avec cette loi, c’est celui qui nous la propose, le ministre de l’intérieur. Comme Mme Batho, mes collègues députés Verts et bien des défenseurs des droits, des libertés et du respect de la séparation des pouvoirs ont été choqués de voir M. le ministre de l’intérieur commettre une grave erreur et contribuer à saper ce fondement de notre démocratie qu’est la foi dans les fonctions régaliennes de l’État, notamment celles qui incombent à la police, qui doit assurer l’ordre public. Monsieur le ministre, lorsque vous avez défendu des personnes qui ont rédigé des faux, qui sont donc des menteurs, des gens qui ont violé la loi alors qu’ils sont chargés de la faire respecter, vous n’avez fait que cautionner les ripoux (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et vous avez contribué à donner de la police une très mauvaise image, en sapant la confiance que les citoyens doivent avoir dans ces forces de police qui, pour 90 ou 95 % d’entre elles, sont courageuses et veillent au respect de la loi.

M. Jacques Alain Bénisti. Il y en a d’autres qui ne respectent pas la loi ! Vous êtes mal placé pour donner des leçons !

M. Noël Mamère. Bien tardivement, M. le Premier ministre vous a recadré, mais, pour vous, ce dérapage – qui n’en était pas un, puisque vous l’avez assumé à quatre reprises – n’était qu’une manière d’aller encore un peu plus loin sur les terres du Front national et de commencer la campagne de M. Sarkozy pour 2012. Vous n’avez pas honoré votre gouvernement, vous n’avez pas honoré la France et la démocratie le jour où vous avez fait ces déclarations. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Mamère, à aucun moment au cours de son intervention M. Hunault n’a été à la limite du fait personnel. On ne peut pas en dire autant de la vôtre.

M. Jean-Paul Garraud. Avec M. Mamère, quel que soit le sujet, c’est toujours le même refrain !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Jean-Pierre Soisson. Madame la présidente, je demande la parole pour un fait personnel !

Mme la présidente. Monsieur Soisson, vous le savez, le fait personnel fait l’objet d’une réponse en fin de séance. C’est donc tout à l’heure que je vous donnerai la parole à ce sujet.

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser mon collègue et ami Patrick Braouezec qui ne peut prononcer, à cette heure, cette motion de renvoi en commission. Je prêterai donc ma voix à sa plume.

En première lecture, il avait considéré que, au-delà des effets d’annonce, la philosophie générale du projet de loi visait à étendre les formules de fichage de la population et à créer ou à aggraver des infractions dans divers domaines de la vie quotidienne. Cela reste vrai après la lecture du Sénat. Rien n’a été amélioré, bien au contraire.

Le projet de loi se présente comme un agrégat hétéroclite de dispositions techniques qui justifient l’expression de « fourre-tout législatif ». L’illisibilité qui résulte de cet assemblage a pour effet d’évincer les débats parlementaires et publics, en empêchant les différents acteurs de prendre le recul suffisant pour discuter des grandes orientations qui s’en dégagent. Ce texte révèle une ligne politique particulièrement inquiétante : fichage, surveillance, contrôle, enfermement. Les nouvelles valeurs que le Gouvernement veut imposer à la société sont bien la répression, l’exclusion, la stigmatisation, la suspicion.

La LOPPSI 2 relaie un discours politique belliqueux qui utilise la figure du délinquant pour entretenir le fantasme de l’ennemi intérieur et qui assimile, corrélativement, tout acte de délinquance à une atteinte à l’État. Au nom de la protection de la société contre ses « ennemis », les mesures dérogatoires au droit commun sont sur le point de devenir la norme, la surveillance et le contrôle social s’étendent et l’objectif de réinsertion assigné à chaque peine disparaît.

Ce texte prévoit d’étendre considérablement les dispositifs de fichage. Non content de reconduire les fichiers de police et de gendarmerie actuels, STIC et JUDEX, le Gouvernement a décidé de les interconnecter et de les étendre. Il installe de fait un gigantesque carrefour du fichage et du traçage. Si l’on croise les informations fournies par les GPS des voitures, les téléphones portables, les passes Navigo de la RATP, on aboutit à une localisation permanente des gens qui est fascinante. Les données relatives à un suspect innocenté ne seront pas systématiquement effacées : pourront donc être maintenues dans ces fichiers dits « d’antécédents » des personnes qui, en réalité, n’en auront pas.

Dans cet esprit, la vidéosurveillance, désormais appelée « vidéoprotection », est renforcée. Paris se met à la vidéosurveillance, quand Miami l’abandonne, parce que cela coûte un argent fou et ne sert à rien. La Grande-Bretagne elle-même revient sur le dogme ruineux de son efficacité. Dans le même temps, vous nous demandez d’accroître au maximum l’espionnage de l’espace public : les autorités pourront placer des dispositifs de vidéosurveillance pratiquement partout sur la voie publique ; toutes les entreprises privées pourront installer des caméras aux abords de leurs établissements. Jusqu’à présent, les personnes morales de droit privé ne pouvaient installer des caméras sur la voie publique que lorsque leurs bâtiments étaient exposés à des actes de terrorisme. Cette nouveauté étend cette implantation pour les risques d’agression ou de vol. Les préfets pourront faire de même le long du parcours des manifestations et, pour parfaire cette décision, le Sénat a souhaité prolonger la durée de validité des autorisations d’installation de vidéoprotection dans le dessein d’éviter un engorgement des préfectures et des commissions départementales. En définitive, les autorités pourront placer des dispositifs de vidéosurveillance pratiquement partout sur la voie publique. Ajoutons que, aux fins de prévention du terrorisme, le préfet pourra demander au conseil municipal d’une commune de délibérer sur la mise en œuvre d’un dispositif de vidéosurveillance. Les élus devront alors se prononcer dans un délai de trois mois au maximum.

La possibilité de transmettre aux forces de police les images des parties communes des immeubles collectifs est également prévue « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes », si la décision est obtenue à la majorité qualifiée des copropriétaires. Vous aviez déjà tenté d’introduire une disposition analogue dans la loi renforçant la lutte contre les violences de groupe et la protection des personnes chargées d’une mission de service public. Or, dans une décision de 2010, le Conseil constitutionnel avait estimé que la protection de la vie privée des occupants des logements n’était pas totalement garantie. On voit bien que l’objectif véritable n’est pas la sécurité, mais d’habituer le citoyen à être surveillé.

Plus grave encore, on assiste à une remise en cause des prérogatives régaliennes de l’État. Il est particulièrement inquiétant d’entendre, en marge des discussions sur cette banalisation de la surveillance et du fichage, des membres du Gouvernement affirmer que seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher ont quelque chose à craindre. Un tel discours, qui supprime la distance entre l’autorité de l’État et la conscience individuelle, est particulièrement dangereux et malsain. Nous pensons, à l’inverse, que nous avons toutes et tous à craindre de cette extension du contrôle social, car elle contribuera, demain, à réduire encore les droits et les libertés.

Le projet comporte aussi, bien sûr, un imposant volet répressif.

Ainsi, en guise de réponse aux difficultés de certaines familles, les rédacteurs ont imaginé un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans, qui ne manquera pas d’entraîner des contrôles abusifs, et un nouveau « contrat de responsabilité parentale » qui aggravera la marginalisation de certains parents et avec lequel le Gouvernement entend instrumentaliser l’action sociale en courant le risque majeur de brouiller l’image du travailleur social qui tente de gagner la confiance des parents et des enfants. Enfin, il ne faut pas oublier la procédure proche de la comparution immédiate devant le tribunal pour enfants, qui achèvera d’aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs, devançant ainsi le débat public sur la réforme prévue de l’ordonnance de 1945.

Le texte prévoit également la pénalisation et l’expulsion expéditive et arbitraire des squatters, des occupants de bidonvilles ou d’un habitat choisi, une expulsion en quarante-huit heures des occupants d’habitations hors normes. Mieux, l’article en question prévoit une amende de 3 750 euros pour le propriétaire du terrain, public ou privé, qui s’opposerait à ces procédures arbitraires.

Il faut aussi relever la demande de placement sous surveillance électronique mobile des étrangers condamnés à une obligation de quitter le territoire français, alors que les migrants ne sauraient être considérés comme des délinquants criminels, et je ne parle pas du coût exorbitant d’une telle mesure. Une fois encore, ce sont des personnes de droit privé qui vont assurer la mise en œuvre de ce dispositif qui relève d’une mission régalienne de l’État.

L’article 32 quinquies vise à donner la possibilité aux policiers municipaux de procéder à des contrôles d’identité et d’alcoolémie. Actuellement, ils ne peuvent faire que des recueils d’identité ou des relevés d’identité. Ce projet de loi adopté, ils pourront procéder à de véritables contrôles d’identité. De surcroît, les policiers municipaux pourront effectuer des dépistages d’alcoolémie sur l’initiative de l’officier de police judiciaire ou sur réquisition du procureur de la République, en l’absence même d’infraction préalable ou d’accident.

La création d’un délit de vente à la sauvette passible de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, alors que la vente à la sauvette ne constituait, jusqu’à présent, qu’une contravention ; le sur-durcissement des peines encourues par les auteurs d’agression ou de cambriolage dont les victimes seraient des personnes âgées ; l’introduction de confiscations automatiques en matière routière ; l’invention de peines plancher encourues dès la première infraction ; l’élargissement du champ de la peine de sûreté de trente ans de réclusion à des crimes commis en bande organisée ou avec guet-apens sur une personne dépositaire de l’autorité publique ; l’extension des possibilités de placement sous surveillance électronique après l’exécution de la peine ; le renforcement de la visioconférence en matière judiciaire pour juger un prévenu en audience correctionnelle lorsque celui-ci est détenu : voilà qui complète le sombre tableau d’un droit pénal transformé en outil de communication politique au péril de nos principes, de nos libertés et du simple sens de la réalité.

L’État abandonne aussi, de manière manifeste, certaines de ses missions régaliennes avec l’accroissement des pouvoirs de la police municipale, la création d’une milice policière baptisée réserve civile, l’instauration d’un vague Conseil national des activités privées de sécurité, qui entérine et annonce la privatisation croissante de la sécurité, et la possibilité pour les agents des transports en commun d’expulser des voyageurs par la force.

L’idéologie dangereuse qui a présidé à l’élaboration de ce texte n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans la logique des lois Perben, de la loi sur la sécurité intérieure, de la loi sur la prévention de la délinquance, de la loi sur la récidive, de la loi sur les peines plancher, de la loi sur la rétention de sûreté, de la loi sur la récidive criminelle et de la loi sur les bandes. Chaque fois, l’objectif affiché est de lutter contre la criminalité, de protéger les citoyens, de créer les conditions du bien-être général. Or la réalité est tout autre : le sentiment d’insécurité augmente avec l’insécurité sociale, et nos principes démocratiques se réduisent comme peau de chagrin. Comme les précédents, ce texte s’annonce inefficace du point de vue des fins qu’il prétend atteindre mais très efficace au regard de ses fins réelles : il nous prépare une société du contrôle, fondée sur une stratégie de la tension particulièrement nette dans le discours prononcé le 30 juillet dernier par le chef de l’État à Grenoble.

Depuis 2008, ce gouvernement impose une vision essentiellement répressive des problèmes de société en optant pour un amoncellement sans précédent de textes visant à durcir la législation pénale ou les modes de surveillance. Les problèmes sont-ils résolus pour autant? Loin s’en faut ! La revue de presse des émissions matinales suffirait à nous en convaincre, si nous n’étions déjà convaincus.

Au lieu d’apporter une réponse aux problèmes rencontrés par les citoyens, les politiques prônées par ce gouvernement se soldent plutôt par un échec. Au lieu de prendre acte de l’inefficacité de cette inflation législative pénale en cherchant, par exemple, à recréer une confiance citoyenne, notamment dans les quartiers populaires, le Gouvernement propose un texte qui accroît la séparation sociale. À cet égard, l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, en dressant la liste exhaustive des prétendues menaces intérieures et extérieures, révèle une conception de la société à la limite de la paranoïa.

Il en résulte un amalgame de mesures sans lien particulier entre elles, visant tantôt à créer de nouvelles incriminations ou à aggraver les anciennes, tantôt à permettre à l’État d’instituer un régime d’impunité pour ses agents de renseignement ou de mieux avoir à l’œil des populations ciblées. Avec ce projet qui limite les libertés publiques et individuelles, le droit est de plus en plus utilisé comme un instrument de répression politico-idéologique et de remise en cause des droits politiques et civils. Nous ne sommes pas loin de la légitimation de l’état d’exception mis en place par le Gouvernement contre les citoyens.

Ce n’est certainement pas ainsi que seront réglées la pauvreté, la montée du chômage, les délocalisations incessantes dont sont victimes les salariés de ce pays, pas plus d’ailleurs que ne seront réglées la dérégulation et la déstructuration de l’ensemble des services publics. Ce n’est pas ainsi, non plus, que sera mis fin à la montée inquiétante de la xénophobie favorisée par les politiques honteuses du Gouvernement ou que le terrorisme, conséquence du désespoir que l’ordre international de misère et de violence déverse et impose aux peuples, cessera. Non, ce n’est pas ainsi.

Pour cette raison et parce qu’un tel texte n’est pas sans danger, notre groupe demande à ce qu’il soit renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe UMP.

M. Jacques Alain Bénisti. On a l’impression, en entendant M. Vaxès défendre cette motion de renvoi, que tout va bien, qu’il ne se passe rien dans nos quartiers, dans nos transports. (« C’est vous qui le dites ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il ne faut surveiller personne, il ne faut protéger personne, il ne faut, surtout, sanctionner personne, et il ne faut surtout pas améliorer nos dispositifs de sûreté. La seule conscience personnelle va régler nos soucis de délinquance.

Ce que vous appelez le contrat de responsabilité parentale a tout simplement pour objet, mon cher collègue, d’aider et d’assister les familles, notamment les parents d’enfants qui ont franchi le cap de la primo-délinquance. Il s’agit de leur tendre la main et de leur donner tous les outils nécessaires pour surmonter cette crise, quelquefois une crise d’enfant en souffrance, pour surmonter cette période difficile de pré-délinquance de leurs enfants.

Vous avez parlé d’une stratégie de la tension pour laquelle aurait opté notre ministre. Je parlerais plutôt, pour ma part, d’une prise de conscience de nos dirigeants qui, eux, sont responsables et voient, au fil des mois, évoluer la délinquance. Celle-ci, malheureusement, comme je l’ai dit tout à l’heure, est beaucoup plus jeune, beaucoup plus violente. Je pense que le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui offre les réponses qu’il convient d’apporter.

Ce texte, vous l’avez dit, est très technique ; c’est vrai. Il comporte des chapitres très techniques, qui traitent de dispositifs et de stratégies policières. C’est que nous sommes un certain nombre à penser qu’il faut, au-delà de la politique de prévention dont nous allons peut-être parler dans les prochaines heures, une politique d’investigation et d’élucidation des affaires. C’est pourquoi nos forces de l’ordre ont besoin de nouveaux outils, adaptés à une nouvelle délinquance.

Certains discours, notamment celui de Delphine Batho, évoquait un échec de la politique menée depuis huit ans.

Mme Catherine Coutelle. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas. Elle n’est pas la seule : les sondages le disent aussi !

M. Jacques Alain Bénisti. Pour ma part, sans entrer dans des polémiques, j’estime que nous avons permis, grâce à un certain nombre de textes, une diminution de l’augmentation de cette hausse de la délinquance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas. Voilà un nouveau concept : la diminution de l’augmentation de la hausse !

M. Jacques Alain Bénisti. Cette haussea d’ailleurs commencé lorsque vous étiez aux commandes et, heureusement, a été stoppée dès 2003, soit un an après que la droite était revenue au pouvoir. Non seulement la droite a arrêté cette progression mais elle a obtenu sa diminution. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Seule subsiste, c’est vrai, la délinquance juvénile, qui monte en puissance et qu’il faut traiter.

Mme George Pau-Langevin. Les policiers d’Aulnay-sous-bois n’étaient pas des jeunes !

M. Jacques Alain Bénisti. À l’UMP, nous attendons de l’opposition un débat responsable sur cette question plutôt qu’une manifestation de démagogie, avec ses refrains traditionnels – nous avons, tout à l’heure, entendu M. Mamère les entonner – qui ne sont que des effets de manche dans l’hémicycle, mais qui ne font malheureusement pas avancer le débat.

M. Jean-Jacques Urvoas. Heureusement que vous êtes là !

M. Jacques Alain Bénisti. C’est grâce à de vraies propositions, à un texte, la LOPPSI, que progresse le débat, et nous attendons toujours vos propositions. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Or on ne voit rien venir du côté du Parti socialiste, sinon, chers collègues, que vous n’êtes pas d’accord entre vous. Nous, élus de l’UMP, aimerions pourtant débattre de propositions que vous nous feriez. Ce n’est malheureusement pas cette motion de renvoi de commission défendue par M. Vaxès qui permettra le débat que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Vaxès. Précisément, si ! Renvoyons en commission pour discuter !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe SRC.

M. Dominique Raimbourg. Le groupe SRC va voter ce renvoi en commission, non seulement parce que les arguments de M. Vaxès ont porté mais aussi parce que le discours de M. le rapporteur nous fournit des arguments qui le justifient.

M. le rapporteur a indiqué que ce texte était une boîte à outils ; c’est vrai, mais c’est précisément son défaut. Une boîte à outils nécessite évidemment un plan de coordination des travaux. Or un tel plan est absent.

Qui va assurer le couvre-feu pour les mineurs ? Comment va-t-il être coordonné sur le département avec une politique de prévention et une politique de répression en lien avec la justice ? Pas un mot !

Comment organiser la présentation immédiate des mineurs au regard des moyens dont dispose la justice ? Pas un mot !

Pas un mot non plus sur le transfert de crédits en matière de garde des détenus et de transfert des détenus depuis les prisons.

Il y a certes des arguments dans le discours de M. le rapporteur lorsqu’il nous indique que la sécurité requiert le concours de plusieurs acteurs. C’est vrai, mais il n’y a pas un mot sur le rôle de l’éducation nationale, sur les contrats éducatifs locaux, sur la coordination avec l’aide à l’enfance, pas un mot sur la coordination des schémas départementaux de protection de l’enfance. D’ailleurs, il n’y a aucune coordination. Tous ces arguments justifient amplement le renvoi du texte en commission, comme le demande M. Bénisti. Nous pourrons ainsi avancer.

Autre lacune : il n’y a pas une seule analyse des émeutes. Depuis l’an 2000, les émeutes les plus graves que notre pays ait connues ont secoué des quartiers entiers. Comment se fait-il que, derrière les délinquants, la population de certains quartiers se soit soulevée ? Nous sommes confrontés à l’emprise de dealers sur certains quartiers. Or, en la matière, il n’y a eu ni analyse ni réponse.

Nous allons aussi toucher à des éléments de la loi pénitentiaire permettant le contrôle de détenus condamnés à des peines d’emprisonnement ferme, avant ou après leur incarcération, par le biais des aménagements de peine. Curieusement, l’aménagement de peine n’est jamais considéré comme un moyen de contrôle, mais toujours comme une sorte de faveur accordée à des gens qui ne la mériteraient pas. Le contrôle post et présentenciel est pourtant un moyen de lutter contre la délinquance.

Enfin, M. Vaxès a parfaitement raison lorsqu’il dit que ce texte fait part d’un état d’esprit très belliqueux qui tente de désigner les méchants pour éradiquer le mal. On en voit la trace dans ce qui est une mesure démagogique – dont vous n’êtes peut-être pas à l’origine, monsieur le ministre – qui vise à aménager le permis à points, au motif qu’il faut distinguer entre les bons et les très mauvais conducteurs. Rien ne justifie cette distinction, car si les mauvais conducteurs sont responsables d’accidents, le contrôle, aussi tatillon et désagréable qu’il puisse paraître quand il est exercé sur ceux qui ne conduisent « pas trop mal », aboutit à une réduction de la vitesse et à une amélioration de la sécurité pour tous, qu’il est difficile d’expliquer au plan individuel, mais qui se comprend mieux au plan collectif.

Pour toutes ces raisons, comme le demande M. Bénisti, nous aurions intérêt à discuter tranquillement de ce sujet, en dehors de toute pression idéologique, en oubliant le discours de Grenoble et en essayant de trouver ensemble des solutions à ces phénomènes qui abîment notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vaxès. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

M. Noël Mamère. Comme l’a dit tout à l’heure, sans vouloir vraiment l’avouer, notre collègue Bénisti, ce projet de loi est idéologique. Et parce que c’est un projet de loi idéologique…

M. Claude Bodin. Parole d’expert !

M. Noël Mamère. …nous n’avons pas pu vraiment discuter des problèmes de sécurité. Par conséquent, il faut renvoyer le texte en commission, comme l’a demandé Michel Vaxès avec des arguments très persuasifs.

Comme nous examinons ce texte selon la procédure du temps programmé et que nous devrons intervenir pour défendre nos amendements, je ne reviendrai que très brièvement sur ce qu’a souligné Dominique Raimbourg. Je pense notamment aux outils qui sont essentiels à la lutte contre les problèmes d’insécurité et au sentiment qu’il y aurait en réalité deux France, celle de la répression et celle des délinquants. Tout tourne autour de la réduction des effectifs de police, du retour de la police de proximité, des outils de cohésion sociale et en particulier de la relance des comités locaux d’éducation et des comités de prévention de la délinquance, qui ne fonctionnent pas toujours bien.

Or nous savons, dans nos collectivités, que ces comités de prévention de la délinquance ne peuvent fonctionner que lorsque les magistrats, les policiers et les élus locaux travaillent ensemble. Si les comités fonctionnent dans certaines de nos collectivités, il faut les soutenir et augmenter leurs moyens pour leur permettre précisément de lutter en amont contre ce qui est la gangrène de notre société, c’est-à-dire des formes de délinquance liées au sentiment d’humiliation, d’injustice et de déclassement que vivent certains Français dont on dit qu’ils devraient s’intégrer alors qu’ils sont aussi français que vous et moi.

Je reviens à ce que je disais après l’intervention de Delphine Batho : il est franchement inutile, voire dangereux, et même irresponsable de vouloir s’inventer des ennemis de l’intérieur et de mettre en place un appareil quasi militaire de surveillance et de répression comme celui que vous proposez dans la LOPPSI. Or nous savons qu’un tel dispositif est inefficace et dangereux. De toute façon, vous ne pourrez sans doute pas appliquer l’intégralité de vos propositions parce que nous allons saisir le Conseil constitutionnel et que les magistrats, ne vous en déplaise, sont indépendants.

Lorsqu’on passe son temps, comme le fait M. le ministre de l’intérieur, comme l’a fait avant lui l’actuel Président de la République lorsqu’il était lui-même ministre de l’intérieur – et même depuis qu’il est Président de la République –, à dénigrer les magistrats et la justice et à accorder une certaine forme d’impunité à la police, on crée des déséquilibres très graves et on continue de creuser le fossé entre les Français, la justice et la police.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il est absolument indispensable de renvoyer le texte en commission, comme l’a demandé notre collègue Vaxès. Le groupe GDR votera donc cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Jean-Pierre Soisson. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Madame la présidente, j’ai été gravement mis en cause…

Mme la présidente. Monsieur Soisson, s’il s’agit d’un fait personnel, vous devez intervenir en fin de séance.

M. Jean-Pierre Soisson. Je n’admets pas que des députés de l’opposition mettent en cause des collègues de la majorité pour des faits qu’ils leur imputent. M. Noël Mamère peut toujours rêver d’un accord que j’aurais pu conclure avec le Front national !

Puis, je l’ai entendu développer son argumentation et vouer aux gémonies le ministre de l’intérieur. Je me suis dit : « Me voilà en bonne compagnie ! »

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas sûr…

M. Jean-Pierre Soisson. Je nous voyais descendre, l’un et l’autre, dans l’Enfer de Dante, où nous trouvions M. Mamère condamné pour ses contrevérités, ses légèretés et ses dérapages ! Quelle mauvaise image de la représentation nationale a-t-il donnée ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une hausse historique de la délinquance de plus de 17 % entre 1997 et 2002, la politique de sécurité menée par Nicolas Sarkozy l’a réduite de près de 15%, et ce pour la huitième année sans interruption. Les atteintes aux biens sont à 20 % en dessous du niveau de 1997. La hausse exponentielle des violences aux personnes – plus 10 % par an entre 1997 et 2002 – a été enrayée, ce qui représente 150 000 victimes en moins grâce à ce gouvernement. Quant à la délinquance de proximité, c’est 2 millions de victimes en moins depuis 2002.

Votre action, monsieur le ministre, prolonge cette tendance favorable avec une nouvelle baisse de 3,50 % de la délinquance globale sur les dix premiers mois de l’année, faisant désormais de la France l’un des pays les plus sûrs au monde.

Ce rétablissement spectaculaire ne doit évidemment rien au hasard, mais tout à la détermination d’un ministre de l’intérieur qui engagea une loi de programmation dont la spécificité fut d’être intégralement exécutée, permettant une augmentation sans précédent du potentiel matériel et humain mis à la disposition des forces de sécurité.

Jamais les effectifs n’avaient autant augmenté : plus 15 000 entre 2002 et 2008, dont un millier pour la préfecture de police, avec une présence accrue sur le terrain, aux heures et dans les lieux les plus sensibles. Ceux qui s’offusquent le plus aujourd’hui de la réduction des effectifs sont ceux-là mêmes qui les ont diminués le plus par le passé ! Toutefois, même si la mutualisation, la visioconférence et le recrutement de personnels administratifs et techniques aboutissent à réduire les charges indues et à remettre des effectifs sur le terrain, nous atteignons un seuil en dessous duquel il serait dangereux de descendre, d’autant que la réforme de la garde à vue va alourdir le travail des services d’investigation. Le budget de la mission « Sécurité », en hausse de 2,6%, marque une volonté de stabilisation des effectifs avec une baisse de 0,2% des emplois, sans effet sur le terrain.

Il a fallu aussi développer les instruments juridiques adéquats pour contrer les nouvelles formes de criminalité et rendre plus réactive la lutte contre la délinquance.

Alors qu’elles répondent parfaitement aux attentes de nos concitoyens pour leur efficacité, ces lois ont toutes, sans exception, été combattues par la gauche, toujours enfermée dans un déni de la réalité.

Ce n’est pas le pacte national de protection, que vient de présenter le parti socialiste, qui en fera le parti de la sécurité, du moins si j’en crois les commentaires de Mme Batho…

Mme Colette Langlade. Elle a raison !

M. Philippe Goujon. …avec ses recettes archaïques ou sa redécouverte de l’eau chaude, le tout fleurant bon l’angélisme des années Jospin, celles de la naïveté.

La LOPPSI 2, qui se veut une approche pragmatique, continue de répondre aux défis permanents d’une délinquance qui change constamment de forme.

En matière de sécurité, comme dans beaucoup d’autres domaines, nous sommes bien le parti du mouvement, alors que vous êtes celui de l’inertie !

M. Julien Dray. Vous êtes le parti du mouvement en arrière !

M. Philippe Goujon. Non, toujours en avant, plus haut, plus fort, plus loin !

Comme l’a détaillé notre excellent rapporteur, Éric Ciotti, dont je veux saluer l’extrême qualité du travail, ce projet de loi consacre une rupture technologique en même temps qu’il favorise une approche ciblée de la délinquance.

Cette rupture technologique se traduit par le renforcement des moyens de la police technique et scientifique permettant de substituer la religion de la preuve à la religion de l’aveu et d’améliorer encore les taux d’élucidation – qui ont déjà beaucoup augmenté –, notamment pour la délinquance de masse. C’est là un enjeu absolument majeur.

Pour atteindre progressivement un taux d’élucidation proche de 50 %, le développement des fichiers d’antécédents et d’analyse sérielle et des logiciels de rapprochement judiciaire, doit être poursuivi. C’est le recours à la cartographie qui a, par exemple, permis une baisse significative des voitures incendiées en Île-de-France le 14 juillet.

La vidéoprotection illustre ce que les nouvelles technologies peuvent apporter à la sécurité. J’observe d’ailleurs que si Mme Aubry – qui revendique le nombre de caméras dans les magasins de Lille pour mieux dissimuler l’indigence des équipements de voie publique – fait du surplace idéologique, plusieurs élus socialistes, comme le maire de Dijon, font davantage preuve de réalisme et n’ont pas peur de s’afficher dans une salle de contrôle de vidéoprotection ! Puisse leur exemple être suivi !

Effectivement, les conclusions du rapport de l’IGA/IGPN d’août 2009 sont sans appel : les agressions progressent deux fois moins vite dans les villes équipées de caméras – comme l’a rappelé le ministre – et, en matière de délinquance générale, le recul y est de 13 %, contre 6 % seulement dans les villes sans caméras.

La vidéoprotection permet d’autant plus d’optimiser l’utilisation des effectifs en intervention que les caméras sont en nombre suffisant sur le secteur à sécuriser, comme on peut le constater à Nice. C’est la raison pour laquelle il me paraît indispensable de lancer à Paris une deuxième tranche de 1 000 caméras – je m’adresse là directement au ministre de l’intérieur – et d’initier un plan « 5 000 caméras » pour la plaque urbaine d’Île-de-France.

Développer les possibilités d’utilisation de la vidéoprotection dans le strict respect de la vie privée et des libertés individuelles est l’un des objectifs essentiels de ce texte absolument indispensable pour perfectionner l’efficacité de la police de voie publique. Il en réduit, d’abord, le coût par la mutualisation des centres de supervision, sur la suggestion de notre collègue Bénisti, lequel a fort bien fait de le proposer. Il autorise le visionnage par des sociétés de sécurité privées moyennant toutes les garanties requises, y compris celles apportées par la nouvelle Commission nationale de vidéoprotection ou encore par le contrôle de la CNIL sur les commissions départementales de vidéoprotection. Il élargit surtout son usage aux grands magasins, en revenant sur la décision du Conseil constitutionnel d’empêcher la transmission simultanée à la police des images filmées dans les parties communes des ensembles immobiliers sociaux ou privés sensibles. Encore faudrait-il que les bailleurs sociaux soient incités à s’équiper de tels dispositifs, comme je le réclame, en vain, au maire de Paris, qui s’en désintéresse. Ce n’est pas ainsi que cela se passerait à Nice ! N’est-ce pas, mon cher collègue ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Non, c’est sûr !

M. Philippe Goujon. Enfin, et l’actualité en démontre l’intérêt, il fait contraindre, par les préfets, les maires à s’équiper contre la menace terroriste toujours présente, comme on l’a récemment constaté à Stockholm. C’est aussi une rupture technologique avec la création de « cyberpatrouilles » pour contrecarrer l’apologie d’actes terroristes sur internet, du nouveau délit d’usurpation d’identité sur internet et du filtrage des sites contre la pédopornographie, ou encore de la neutralisation de portables de nouvelle génération, dont les vols – et le préfet de police l’a rappelé, hier, au conseil de Paris – représentent, en octobre, près de la moitié du total des vols enregistrés dans le métro parisien.

J’approuve aussi l’extension par le Sénat du délit spécifique de « vente à la sauvette », introduit par un de mes amendements en première lecture, à la revente sur internet des titres d’accès à des manifestations sportives ou culturelles commerciales.

L’approche technologique se combine avec une approche ciblée de la délinquance que traduit pleinement ce texte. Parce que la délinquance évolue en permanence, le Gouvernement doit mener une stratégie adaptée : à chaque problème, une réponse ciblée. C’est la justification, monsieur le ministre, en dépit des bons résultats obtenus, de vos sept plans d’action opérationnels qui, visant chaque forme spécifique de délinquance, traduisent votre volonté d’aller encore plus loin contre les cambriolages, le hooliganisme, l’insécurité dans les transports publics, les trafics de drogue, les bandes violentes, les violences scolaires et l’insécurité des personnes âgées. Notre collège Édouard Courtial a déposé un excellent rapport sur ce sujet. Le texte qui nous est soumis démultipliera l’efficacité de ces plans d’action. Il en va, ainsi, de l’aggravation des peines encourues pour les vols sur des personnes vulnérables et pour les cambriolages ; c’est l’objet d’un amendement que j’ai déposé avec Édouard Courtial. Dans le même esprit, les agents de surveillance de la SNCF et de la RATP pourront désormais constater les infractions par procès-verbal et même conduire les auteurs auprès d’un OPJ. Particulièrement engagés, comme vous pouvez l’imaginer, contre les violences sportives, nous avons toujours soutenu à Paris, et ce de façon très consensuelle, les mesures anti-hooligans, dont j’étais d’ailleurs le rapporteur au Sénat. L’extension des motifs et de la durée d’interdiction administrative de stade et les précisions apportées à l’interdiction judiciaire sont très utiles.

Un apport essentiel du texte résulte du discours du Président de la République à Grenoble qui permet de mieux répondre encore aux réalités du terrain, notamment contre le fléau principal qu’est la récidive. C’est le défi majeur que nous devons relever quand on sait, comme l’a excellemment souligné notre rapporteur, que près de 20 000 délinquants – dont un bon millier à Paris – ont été mis en cause plus de cinquante fois et, pour certains, quatre-vingts fois. Si 5 % de délinquants produisent la moitié de la délinquance en France, selon Alain Bauer, «le système traite de la même manière ces 5 % et les 95 % restants », ce qui aboutit à « un égalitarisme pénal très handicapant pour la société ». C’est aussi, bien sûr, l’une des causes de l’augmentation des atteintes aux personnes, si difficiles à maîtriser. Alors, oui aux peines plancher dès le premier acte pour toutes les violences aggravées. Oui au passage de sept à cinq ans du seuil de la peine déclenchant la surveillance judiciaire des personnes condamnées en état de récidive légale et leur placement sous surveillance électronique mobile, comme l’a proposé notre rapporteur.

Le discours de Grenoble ajoute aussi au couvre-feu préventif prononcé par le préfet pour les mineurs de treize ans – car on ne peut trouver la moindre justification à leur présence solitaire dans les rues la nuit – la saisine directe du tribunal par le procureur pour les affaires les plus simples et les mineurs déjà connus, procédure étendue par le président de notre commission, après son passage au Sénat. Plus tôt on sanctionne le mineur, plus tôt il peut associer un de ses actes à une sanction, moins il oubliera le lien entre le délit commis et la peine qui lui est infligée et plus la répression prendra le visage de la prévention de la récidive.

Sur un autre plan, mais en complément, l’extension systématique aux communes de plus de 10 000 habitants du conseil pour les droits et devoirs des familles et le renforcement du contrat de responsabilité parentale, d’ailleurs mis en place dans les Alpes-Maritimes, permettra aux maires, aidés par des associations, d’œuvrer en direction des familles qui, en grande difficulté, ne sont pas en mesure de suivre leurs enfants.

Enfin, prenant acte à Grenoble de la multiplication des violences et, pire, des atteintes à la vie des représentants des forces de l’ordre, le Président de la République a justifié une sévérité particulière à l’encontre de ceux qui s’en prennent aux dépositaires de l’autorité publique, donc aux symboles de la République, en allongeant la peine de sûreté pour les auteurs de meurtres aggravés et pas seulement pour les crimes en bande ou avec guet-apens, comme le préconisait le Sénat.

Et, puisque sur un projet de loi si parfait, il faut bien une divergence, je dirai un mot, pour terminer, sur la sécurité routière. Certes, le Sénat a voulu répondre à l’inadaptation de la réglementation en adoptant une disposition, pour le moins excessive, qui constitue, c’est vrai, un mauvais signal au regard de la politique de sécurité routière. Aussi, la position médiane retenue par notre commission, à l’initiative de notre rapporteur – à savoir la récupération automatique d’un point au bout de six mois et des douze au bout de deux ans sans infraction, associée à la possibilité, que j’ai proposée, d’effectuer un stage de sensibilisation tous les ans permettant de récupérer quatre points – est tout à fait équilibrée au regard des objectifs poursuivis. Nous y reviendrons dans le débat, mais nous vous demandons de reconsidérer votre position et nous savons que vous y travaillez.

Grâce à ce texte longuement attendu, notre politique de sécurité entre dans une nouvelle ère : celle de la technologie, mais aussi celle de la performance avec une plus grande synergie entre les différentes forces de sécurité, nationales, municipales et même privées. Cette nouvelle loi est non seulement nécessaire, mais indispensable. Car, oui, qui peut dire que les questions de sécurité ne sont pas suffisamment importantes pour mériter une loi de plus ou qu’elles sont figées et n’évoluent pas ?

La sécurité ne peut pas passer son tour sous prétexte que nous aurons déjà adopté d’autres lois, toutes utiles et nécessaires. C’est pourquoi, vous vous en doutez, mes chers collègues, le groupe UMP votera avec détermination et enthousiasme ce texte trop longtemps attendu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la seconde lecture de cette deuxième loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure s’inscrit dans un contexte de grave échec de votre politique de sécurité. Cet échec, c’est celui de la première LOPPSI, votée en 2002. La LOPPSI 1 avait, en effet, pour but de donner au ministère de l’intérieur les moyens d’une plus grande efficacité, notamment en augmentant les effectifs de la police nationale. Or, si la loi a été formellement exécutée – et le mot est assez approprié –, la politique de réduction des effectifs menée parallèlement n’a jamais permis d’atteindre les cibles d’effectifs. Fin 2010, ce ne sont pas moins de 9 000 postes de policiers qui auront été supprimés en application de la révision générale des politiques publiques.

Avec les suppressions annoncées, il y aura 10 000 équivalents temps plein travaillés de moins qu’en 2002, alors que la gauche avait recruté 5 000 gardiens de la paix en cinq ans ! Depuis 2002, ce sont, par conséquent, pour prendre un exemple précis, au moins 400 policiers qui manquent à l’appel en circonscription de sécurité publique en Seine-Saint-Denis. Et croyez-moi, monsieur le ministre de l’intérieur, vous ne soutiendrez pas et vous n’aiderez pas les policiers présents en Seine-Saint-Denis, lorsqu’ils manifestent devant le tribunal de Bobigny, par des communiqués, mais par des mesures en termes d’effectifs et de moyens financiers.

Mme Sandrine Mazetier et M. Bruno Le Roux. Absolument !

M. Claude Bartolone. Sur ce projet précis, monsieur le ministre, j’attends toujours une réponse à la question écrite que je vous ai posée le 15 juin dernier. Le nombre de policiers en Seine-Saint-Denis relève-t-il du secret défense ? Dire seulement, comme vous l’avez fait en commission élargie, lors de l’examen du PLF pour 2011, qu’il ne faut pas s’arrêter « au nombre de policiers par commissariat » est à, mon sens, un bel aveu d’impuissance !

M. Brice Hortefeux, ministre. Ah bon ?

M. Claude Bartolone. S’il est impératif d’augmenter le nombre de policiers nationaux dans nos commissariats, c’est que la nature des crimes et des délits commis est en constante évolution, qualitativement et quantitativement. Les actes recensés sont d’abord de plus en plus graves, multiformes et vont d’une délinquance mafieuse à une violence très spontanée, écume d’une vague marquée par la dégradation inquiétante des relations quotidiennes entre les citoyens. Ensuite, le nombre d’infractions constatées augmente. Ce n’est pas qu’un effet de votre politique du chiffre : l’insécurité est de plus en plus enracinée dans notre pays. Cette tendance est dénoncée par l’Observatoire national de la délinquance pour les violences physiques. Les vols sans violence sont, quant à eux, en recul du fait de la diffusion des systèmes de protection techniques pour les biens immobiliers, comme pour les véhicules ! La note étayée qu’un ancien préfet de la Seine-Saint-Denis, Jean-François Cordet, pour ne pas le nommer, avait adressée en juin 2006 au célèbre ministre d’État d’alors, décrivait déjà parfaitement l’évolution de la situation de ce département au bord de la crise de nerfs. Quelle a été la réponse du pouvoir ? Démettre de ses fonctions ce haut fonctionnaire qui avait eu le mérite de la franchise ! Quatre ans après, votre comportement n’a pas changé. Vous n’avez cessé d’avancer avec des œillères, vous donnant bonne conscience en faisant voter au Parlement dix-sept lois en sept ans ! L’exercice auquel vous vous livrez aujourd’hui est osé : vous déclarez vouloir fixer « les grandes orientations stratégiques de la politique de sécurité intérieure » en vous appuyant sur une première loi qui a elle-même échoué. Le résultat est sans appel. Cette LOPPSI 2 n’est pas un projet de loi de programmation. Ce texte ne comporte ni planification budgétaire annuelle ni déclinaison par titre des crédits ni présentation spécifique pour la police et la gendarmerie. En lisant le rapport de notre collègue Guy Geoffroy sur les crédits de la mission « Sécurité » du budget pour 2011, on comprend pourquoi ! Il y pointe une « diminution qui ne cesse pas des dépenses de fonctionnement et d’investissement de 6,4 %, en 2011 ». La mobilisation du Gouvernement pour la sécurité relève donc du mirage, sinon du mensonge ! Cette LOPSSI 2 n’est pas non plus un projet de loi d’orientation. Afin d’améliorer la performance de la sécurité intérieure, il aurait fallu au moins partir d’une analyse sincère d’une situation alarmante pour définir les priorités. Au contraire, vous en êtes réduits à amalgamer dans cette LOPPSI 2 des menaces qui n’ont rien à voir entre elles. L’artifice principal que vous utilisez pour tenter de vous sortir de ce faux pas est celui de la substitution. Je pense d’abord à la vidéosurveillance, rebaptisée vidéoprotection – et à laquelle je préfère la « vidéo-tranquillité » – qui réclame un contrôle technique et humain coûteux, alors que vous pensez qu’elle peut pallier le manque d’effectifs. Outre qu’elle n’est pas d’une grande utilité dans les milieux ouverts de l’espace public, elle ne dispense pas les autorités de dépêcher sur place des policiers une fois les faits constatés ! Je pense, ensuite, à l’élargissement des pouvoirs des polices municipales que vous semblez vouloir substituer à la police nationale.

M. Jacques Alain Bénisti. C’est faux ! C’est le contraire ! Il faut relire le texte !

M. Claude Bartolone. Sauf à vouloir une sécurité à deux vitesses, l’ordre républicain relève des compétences de l’État républicain. En zone urbaine, ce sont souvent les compagnies républicaines de sécurité, voire le groupe d’intervention de la police nationale, qui doivent intervenir pour mettre fin aux troubles graves de l’ordre. Polices municipales et plans départementaux de sécurité ne peuvent répondre à tous les maux ! Ce dont nous avons besoin en Seine-Saint-Denis, par exemple, c’est d’une police ancrée territorialement, pérenne et formée. Sur les six brigades spéciales de terrain – BST – prévues, les trois créées ont seulement été dotées de quarante-six policiers pour 200 000 habitants ! Comme dans l’ensemble du territoire national, y compris en zone rurale, ce dont nous avons aussi besoin, c’est d’une chaîne pénale stable et cohérente, qui aille de la prévention à la réinsertion. Une politique de sécurité efficace, qui prévient autant qu’elle sanctionne, nécessite des politiques en faveur de l’éducation, de l’emploi et de l’aménagement des territoires.

En dépit des quelques améliorations juridiques et techniques apportées par la Haute Assemblée, le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, est plus que jamais un projet de loi de désorientation et de déprogrammation de la sécurité intérieure. Il ne pourra conduire qu’à la même contre-performance. C’est pour cette raison, monsieur le ministre, que mes collègues du groupe SRC et moi-même ne pourrons le voter en l’état ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Assemblée débat en seconde lecture du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2. À dix-huit mois de l’élection présidentielle, il semble évident que le Gouvernement tente de polariser le débat public autour de la question de la sécurité, qui constitue un de ses thèmes de prédilection.

Mme Marie-Josée Roig. Oh !

M. Noël Mamère. Cette tactique de Nicolas Sarkozy est maintenant éventée et, comme le montre l’offensive sécuritaire de l’été dernier visant à stigmatiser un groupe ethnique, elle ne répond même pas à l’objectif d’efficacité politique que le Président s’était assigné dans son discours de Grenoble.

Les électeurs du FN se sentent confortés dans leurs convictions profondes et ils s’apprêtent à préférer l’original à la copie. Vous pouvez utiliser cette stratégie de la tension, elle ne marche plus et elle décrédibilise votre parole. Cela pour une raison bien simple : les effets de vos lois sont nuls sur le terrain, les agressions contre les personnes se développent, la cybercriminalité augmente, les mafias contrôlent désormais la vie de nombreuses cités où votre politique d’austérité a entraîné la disparition des services publics existants.

Vous n’avez fait qu’encourager la marginalisation et l’enclavement des cités. Vous avez démantelé les rares services publics qui existaient dans les zones sensibles en divisant le nombre de fonctionnaires par deux. Vous avez coupé les crédits des associations qui tentaient d’organiser le dialogue avec les jeunes et les exclus du système. En organisant la chasse aux jeunes, au lieu de vous attaquer aux sources des problèmes, vous ne faites qu’aggraver la situation d’insécurité.

Les Français sont fatigués de vos annonces, de vos lois – pas moins de dix-sept en quelques années –, de votre inefficacité qui se drape dans l’attitude martiale de shérifs incapables de produire autre chose que de la posture. Les écologistes sont pour une politique de sécurité humaine, pour un pacte de tranquillité publique. Tout délit, tout crime et, pour être clair, tout acte contraire à la loi, doit être sanctionné ; mais vous avez brisé la chaîne pénale, détruit la prévention, transformé la sanction en punition, détruit l’État social au profit de l’État pénal.

Alors que le chômage se développe, que les fins de mois sont difficiles, vous vous acharnez contre les immigrés, les jeunes, les pauvres, tandis que vos ministres accordent des prébendes et des légions d’honneur aux puissants.

Mme Marie-Josée Roig. Oh !

M. Noël Mamère. Ce gouvernement des riches est devenu une caserne de pompiers pyromanes qui crient « halte au feu ! » pour mieux allumer la mèche.

La LOPPSI 2 est de ces mèches qui n’attendent qu’une étincelle... Elle constitue un exemple frappant de l’acharnement législatif du Gouvernement en matière sécuritaire. À travers un ensemble indigeste de dispositions éparses, le projet renforce la logique de millefeuille sécuritaire, en modifiant ou créant plusieurs incriminations et en organisant, de manière mécanique, un désengagement de l’État en matière de sécurité au profit d’opérateurs privés. Le texte illustre à merveille l’idéologie qui préside à la production législative dans le domaine de la sécurité : incohérence, création de délits inutiles, surveillance généralisée de la population, limitation ou exclusion du pouvoir judiciaire, déshumanisation graduelle de la justice.

Ce texte, qualifié à juste titre de « fourre-tout législatif », renforce encore la répression alors que les trente textes précédents n’ont pas produit d’effets ou peu. Il est une sorte de voiture-balai que l’on a remplie, pour l’affichage, d’éléments sans cohérence aucune : scanners corporels, police municipale, vidéosurveillance, fichiers, mesures à l’encontre des mineurs... Cet inventaire à la Prévert pourrait être comique s’il ne constituait pas un arsenal répressif qui met en cause les libertés publiques.

Le cœur du texte réside dans l’extension de l’utilisation de la technologie et du fichage politico-policier des citoyens... Il ne s’agit plus de ficher les auteurs d’infractions constatées mais, comme pour la rétention de sûreté, de cibler ceux que l’on étiquette d’avance comme de futurs délinquants hypothétiques. Non contente de reconduire les fichiers de police ou de gendarmerie actuels – je pense au STIC et au JUDEX –, pourtant détournés de leurs objectifs initiaux, truffés d’erreurs, incontrôlables et, de fait, incontrôlés, la majorité UMP s’apprête à les interconnecter et à les étendre. Le soupçon préventif suffit désormais à justifier le fichage.

Avec l’extension du fichage, ce projet pose la question du droit de chacun au respect de sa vie privée, garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce texte organise le fichage quasi-systématique de toute la population.

Il y a trois ans, M. Estrosi avait fait sensation en plein Conseil européen en déclarant « que les citoyens seraient mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès leur naissance ». À l’époque, ces propos avaient soulevé l’indignation. Eh oui, monsieur le ministre, votre collègue de l’époque avait tenu ces propos au Conseil européen, consultez donc vos fiches.

M. Brice Hortefeux, ministre. Des fiches ? Quelles fiches ?

M. Claude Bartolone. Elles ne sont pas à jour !

M. Noël Mamère. Vous fonctionnez avec des systèmes de fiches, monsieur le ministre, que de surcroît vous étendez et interconnectez, ce que nous vous reprochons.

Aujourd’hui, la réalité dépasse presque la fiction, puisque le présent texte organise le fichage tant des victimes que des témoins, sans parler des personnes ayant été poursuivies mais n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation.

Plus grave encore, ce texte n’offre aucune garantie réelle en cas de dérive de ce fichage. Aucun mécanisme de contrôle et de recours n’est prévu en cas d’erreur. Le procureur et un hypothétique magistrat pourront connaître des demandes de rectification. Cependant, aucun recours n’est offert aux justiciables au cas où ces autorités refuseraient de faire droit à leurs demandes.

Pourtant, il faut encore une fois le rappeler, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, avait souligné que 83 % des fiches figurant dans le système de traitement des infractions constatées, le STIC, contenaient des informations erronées. Ces dispositions risquent d’ailleurs de coûter à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.

Ensuite, le projet autorise la surveillance informatique de potentiels délinquants dont la liste est si étonnamment longue que tout un chacun devrait pouvoir y figurer. Ainsi, la police pourrait pratiquement s’introduire au domicile de chaque citoyen pour y installer des mouchards informatiques. En effet, dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, le texte autorise la captation de données informatiques. Ainsi le système proposé permettrait-il à un enquêteur d’accéder à des données informatiques sans le consentement de l’intéressé « telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données ou telles qu’il les y introduit par saisie de caractères » – je fais référence à l’article 706-102-1 nouveau du code de procédure pénale. Il s’agit d’une véritable cyber-perquisition…

M. Jacques Alain Bénisti. Oh !

M. Noël Mamère. …à laquelle les parlementaires verts s’opposent eu égard à son caractère attentatoire aux libertés.

L’autorisation donnée aux policiers de placer des logiciels espions, les spywares, ou « chevaux de Troie », sur les ordinateurs personnels afin de recueillir et mémoriser des données sur leur propriétaire, va transformer les policiers en véritables hackers leur permettant d’entrer par effraction et à votre insu dans votre ordinateur.

Au vu de ce que l’on vient de constater à propos des méthodes utilisées dans l’affaire Woerth-Bettencourt, je m’inquiète non seulement pour mes confrères journalistes, mais pour de nombreux citoyens. Au regard de son caractère particulièrement intrusif, un tel dispositif n’est pas conforme aux principes de proportionnalité et de respect du droit à la vie privée.

Or la LOPPSI 2 va encore plus loin en créant un nouveau fichier baptisé PERICLES qui s’ajoute aux fichiers policiers STIC – à cause duquel 28 millions de personnes sont déjà fichées –, EDVIGE – Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale – et CRISTINA…

M. Jacques Alain Bénisti. Celui-ci concerne la lutte contre le terrorisme !

M. Noël Mamère. …– Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux.

PERICLES sera un outil d’extraction et de centralisation des données personnelles, avec la possibilité de croiser les informations laissées par les internautes sur les réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace, les pages personnelles ou les blogs. Les services de police pourront alors établir le profil de n’importe quel citoyen en quelques clics. PERICLES exploitera aussi les données fournies par les opérateurs de téléphone, les distributeurs de billets ou les GPS des voitures.

Avec la vidéosurveillance, les scanners, le fichage généralisé, nous sommes déjà entrés dans une société de surveillance où, sous prétexte de combattre le terrorisme ou la délinquance, on cible des groupes humains particuliers. Il est en effet plus facile de ne pas investir dans la médiation de terrain, dans la police de proximité, dans le renforcement et la reconnaissance du gardiennage d’immeubles collectifs, dans la police des transports, pour y substituer des moyens de vidéosurveillance.

Rebaptisée, dans la novlangue du Gouvernement, « vidéoprotection », cette vidéosurveillance apparaît comme un des points centraux du projet. Le texte opère plusieurs modifications de fond du régime juridique de la vidéosurveillance. Elles n’ont d’autre objectif que d’intensifier et de généraliser cette pratique, assurant ainsi un quadrillage de plus en plus important du territoire au détriment du respect de la vie privée des personnes.

Le projet va toutefois encore plus loin car il autorise désormais la privatisation de la vidéosurveillance en étendant les possibilités d’usage de la vidéosurveillance sur la voie publique par des personnes morales de droit privé, directement ou par délégation des personnes publiques. Cette hypothèse traduit clairement la privatisation des missions de sécurité, en déléguant le soin aux entreprises privées de se doter de systèmes de vidéosurveillance de la voie publique.

Elle vise aussi à fournir un outil de prévention de la délinquance aux opérateurs privés aux abords de leurs installations – immeubles, boutiques. Cela induit une modification complète de l’approche de la vidéosurveillance, devenue un outil banal, à la portée du simple particulier. Le projet organise également un véritable pouvoir de substitution des préfets sur les maires pour l’installation de vidéosurveillance sur le territoire de leur commune. Cette injonction concerne « les abords des établissements, installations et ouvrages mentionnés dans le code de la défense, ou la protection des intérêts fondamentaux de la nation », et elle n’est pas suivie d’une prise en charge du dispositif par l’État. En violation totale du principe de libre administration des collectivités territoriales, l’État pourra ainsi imposer aux communes la mise en œuvre d’un dispositif qu’elle devra elle-même financer.

En tant que maire, je voudrais aussi me prononcer sur la question des pouvoirs de la police municipale à laquelle je suis par principe opposé. Depuis vingt et un ans que je suis maire, il n’y a pas de police municipale dans ma commune…

M. Jacques Alain Bénisti. Vous avez remplacé les policiers municipaux par des agents de tourisme !

M. Noël Mamère. …et il n’y en aura pas aussi longtemps que j’exercerai mes fonctions car je crois aux fonctions régaliennes de la police. C’est donc à la police républicaine d’être renforcée et non pas à la police municipale d’exister : nous ne sommes pas des shérifs.

Reste que vous êtes là en train de dénaturer de fait le statut et le rôle à la fois de la police régalienne, républicaine et de la police municipale.

Ainsi, en vertu de l’article 32 ter du texte, les directeurs de police municipale deviendraient agents de police judiciaire sous l’autorité des seuls officiers de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationale. Les directeurs de police municipale pourraient dès lors constater l’ensemble des crimes, délits ou contraventions.

L’extension de la qualité d’OPJ aux membres de la police municipale soulève de nombreuses questions tenant à la formation de la police municipale pour assurer des missions régaliennes de l’État, notamment dans le domaine de la lutte contre la délinquance.

Cette extension des compétences de la police municipale, guidée par un souci de défaussement sur les collectivités territoriales, est aggravée par plusieurs dispositions du texte qui organise, par exemple, la compétence des agents de police judiciaire adjoints, parmi lesquels les policiers municipaux, de procéder à des contrôles d’identité, et non plus seulement des relevés d’identité. Il s’agit là une d’une extension extrêmement grave des pouvoirs de la police municipale, dont les missions de sécurité publique sont ici transformées en véritable mission de police judiciaire. J’alerte mes collègues de la droite parlementaire comme de la gauche qui utilisent ces polices municipales, sur le fait que cette extension a été critiquée par le Conseil constitutionnel.

Enfin, et cette mesure me touche particulièrement parce que j’avais demandé précisément, à l’occasion de la présentation d’une proposition de loi, le 3 décembre 2009, la protection du logement mobile, vous avez ajouté à l’arsenal anti-pauvres l’article 32 ter A, mesure d’exception qui bafoue les principes de la protection du domicile, des biens, de la vie familiale et privée par le juge, et donne un pouvoir arbitraire et disproportionné au préfet.

En effet, la procédure d’expulsion actuellement en vigueur en ce qui concerne les logements de fortune nécessite une décision du juge. Elle protège d’une expulsion en hiver, elle permet d’être pris en compte dans des dispositifs de relogement, voire d’hébergement. Elle doit respecter des délais et des actes de procédure délivrés par un huissier. Elle prévoit la protection des biens des personnes expulsées.

Cette nouvelle rédaction est une mesure arbitraire, car elle est justifiée par « un risque grave d’atteinte à la salubrité, à la sécurité, à la tranquillité publiques ». Vous reconnaîtrez que ces notions sont très extensibles, qu’elles sont floues et qu’elles laissent la place à toutes les interprétations. Cette disposition vise toute personne qui aura décidé en réunion – deux personnes et plus – de s’installer sur un terrain, quel que soit le propriétaire et quelle que soit la nature de la relation entre le propriétaire du terrain et les habitants. Même si un des habitants est le propriétaire du terrain, ou si l’utilisation du terrain est contractualisée avec les occupants, ou si, simplement, le propriétaire n’est pas opposé à cette installation, le préfet peut employer cette procédure d’exception dans un délai de quarante-huit heures. L’article prévoit une sanction financière pour ceux qui ne s’exécuteraient pas assez vite, ainsi que la destruction de l’habitation et des biens qu’elle renferme, sur procédure accélérée. La destruction au bulldozer et le vol des biens d’autrui sont ainsi légalisés. Cette disposition ouvre la voie à une atteinte au droit de propriété.

Cette mesure, si elle était adoptée, viendrait faciliter la destruction autoritaire des constructions que vous dites « illicites », et elle réaliserait le fameux projet de « lutte anti-cabanisation » qui avait été lancé notamment par le préfet des Pyrénées-Orientales depuis 2007. Cette disposition vise et accable les personnes les plus gravement touchées par la crise du logement. À l’opposé des politiques conduites il y a cinquante ans, elle répond par la répression et par une procédure d’expulsion expéditive à la recrudescence des bidonvilles et des formes les plus dures de mal-logement. En effet, alors que le Gouvernement prétend mettre en œuvre le droit au logement, il n’est prévu ni relogement ni hébergement pour les expulsés. Ils doivent quitter les lieux et se rendre invisibles. Circulez, il n’y a rien à voir !

Cette mesure seule juge votre politique, celle d’un gouvernement des riches, d’un acharnement sécuritaire antipauvres.

M. Jacques Alain Bénisti. Hors sujet !

M. Jean-Paul Garraud. Toujours la même rengaine !

M. Noël Mamère. Aucun député digne de ce nom ne peut accepter une telle régression liberticide.

Chers collègues, s’il y a encore une droite républicaine qui n’est pas touchée par la lepénisation des esprits, ayez le courage de désobéir au président des riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si tout le monde peut constater que notre société évolue quelquefois positivement dans certains domaines, malheureusement, en matière de délinquance, elle évolue dans le mauvais sens. Il nous faut donc régulièrement nous adapter à ces évolutions, et surtout à ces nouvelles formes de délits.

Le texte qui nous est soumis en deuxième lecture permettra au ministère de l’intérieur de renforcer ses capacités à anticiper, à prévenir, à protéger, à lutter et à intervenir contre les menaces et les risques susceptibles de porter atteinte aux institutions, à la cohésion nationale, à l’ordre public et, bien sûr, aux personnes et aux biens.

Face à de tels enjeux, comment peut-on s’y opposer ? En tant qu’élus, mes chers collègues, nous souhaitons tous garantir la sécurité de nos concitoyens en chaque lieu du territoire, et surtout dans les quartiers sensibles. Lors des débats en commission, M. Le Roux rappelait, à juste titre, que la délinquance et l’insécurité qu’elle induit ne sont pas les mêmes partout. C’est vrai, et c’est pourquoi les réponses que nous devons apporter doivent être adaptées à chaque contexte.

Comment supporter que plus de 1 000 sapeurs-pompiers aient été agressés l’année dernière au cours d’interventions ? Comment tolérer les événements de Grenoble ? Et, summum de l’horreur, comment tolérer la mort de cette jeune policière municipale de ma commune, Aurélie Fouquet, jeune maman, abattue sans vergogne par des individus ultra-violents et prêts à tout ?

La délinquance évolue rapidement. Elle est certes le fait d’une minorité, mais elle est de plus en plus violente et désormais sans scrupules. Les petits délinquants d’hier sont devenus des bandits, lourdement armés et organisés en réseaux mafieux, souvent insaisissables car itinérants sur le territoire national et international.

L’économie souterraine est devenue aérienne, aux yeux de tous. Elle est florissante et gangrène certains de nos quartiers au point d’atteindre une violence inégalée pour la défense des intérêts de trafiquants ayant fait main basse sur leur secteur imparti. C’est le cas dans le 93, dans le 91 et dans le 94.

M. Éric Raoult. Tout à fait ! Et d’ailleurs, M. Bartolone est d’accord ! (Sourires.)

M. Jacques Alain Bénisti. Dans ce contexte, nous nous devons, nous les élus, de donner les moyens aux forces de l’ordre de répondre plus efficacement à ces nouvelles menaces et à ces nouveaux risques. Ce texte, mes chers collègues, apporte un certain nombre de solutions qui permettront d’éradiquer à la source ces trafics.

Depuis plus de cinq ans, nous avons adopté des textes pour donner aux forces de l’ordre les moyens d’accomplir leur mission, et surtout de lutter contre toutes les formes d’insécurité. Un arsenal pénal a été mis en place pour mettre fin au sentiment d’impunité et mieux encadrer les délinquants les plus dangereux. Parallèlement, nous avons aussi engagé une politique volontariste de prévention précoce et partenariale, qui est le pendant indispensable à toute politique sécuritaire, mais il faut déjà que l’ensemble de ces partenaires, y compris les élus, appliquent la loi telle qu’elle a été conçue et votée.

Ces mesures répondent au besoin de modernisation et d’adaptation de l’ensemble des dispositifs dans leur lutte incessante contre toutes les formes de délinquance. Au groupe UMP, nous soutenons et appelons de nos vœux cette modernisation et cette adaptation à l’évolution de la délinquance.

Permettez-moi de revenir sur quelques dispositifs précis du texte qui nous est présenté aujourd’hui en deuxième lecture : la lutte contre la criminalité et les moyens de répression ; le développement de la vidéosurveillance ; l’extension des pouvoirs de police municipale ; la prévention de la délinquance.

Suite au discours de Grenoble du Président de la République, le 30 juillet dernier, le Gouvernement a introduit plusieurs amendements, lors des débats au Sénat, visant notamment à renforcer les peines encourues en cas de crimes contre un représentant des forces de l’ordre.

Ces amendements ont été repoussés pat le Sénat. Pourtant, en tant que maire de la commune de Villiers-sur-Marne, qui a vécu l’horreur de l’assassinat d’Aurélie Fouquet – lequel a suscité l’émoi non seulement de la population villiéraine mais aussi de toute la population nationale, et de la police municipale dans son ensemble –, permettez moi d’abonder dans le sens du Gouvernement.

L’autorité publique et les forces de l’ordre, ainsi que la justice, doivent pouvoir condamner le plus sévèrement possible ces crimes intolérables et épouvantables. Nous ne vivons pas dans un pays de non-droit. Des règles existent, nous sommes là pour en attester et nous nous devons, afin de pouvoir préserver les intérêts fondamentaux de notre République, de marquer la plus grande fermeté et la plus grande intransigeance face à ces actes d’une extrême gravité à l’encontre des forces de l’ordre.

Concernant le développement de la vidéosurveillance, au-delà du débat sémantique – « vidéoprotection » ou « vidéosurveillance » –, force est de constater l’engouement des collectivités, y compris celles de gauche, et les résultats concrets qui ont été obtenus. Les sociétés privées de sécurité investissent ce domaine aux côtés des pouvoirs publics locaux. Dans ce contexte de forte croissance, mais aussi de la modification récente de son abondement par le projet de loi de finances pour 2011, je regrette, monsieur le ministre, qu’aucun débat n’ait eu lieu sur la pérennisation de son financement. Actuellement, la quasi-totalité du FIPD sert à financer des projets de vidéosurveillance. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il est aujourd’hui dévoyé par rapport à ses missions originelles et qu’il doit pouvoir retrouver sa finalité de mise en place du plan national de prévention de la délinquance sur l’ensemble du territoire, au service des collectivités territoriales. La question de la création d’un fonds spécifique à la vidéosurveillance abondé par le ministère de l’intérieur, qui la gère, doit être posée. Mais je regrette qu’aucune mesure n’y fasse référence dans ce texte.

J’en arrive à la police municipale et à son développement. La police municipale, la police nationale et la gendarmerie sont souvent en première ligne face à cette délinquance dénuée de tout scrupule à leur égard.

On constate un retour en force des polices municipales. En l’espace d’une vingtaine d’années, leur nombre a doublé. Aujourd’hui, plus de 3 500 communes disposent d’un tel service. Le nombre de policiers municipaux a triplé, pour atteindre aujourd’hui environ 18 000.

Première concernée par un déficit d’image, la police municipale, souvent considérée comme une « sous-police », est aujourd’hui dans une double ambiguïté. D’un côté, elle connaît un développement exponentiel ; de l’autre, elle souffre d’une constitution chaotique marquée par des débats de fond, tels que celui sur l’armement. Élargir les compétences des policiers municipaux aura un double avantage : les recrédibiliser aux yeux de la population mais aussi des jeunes délinquants, et instaurer une vraie complémentarité avec la police nationale.

La police municipale doit être « la » police de proximité qui œuvre à la prévention et au recueil d’informations locales, laissant à la police nationale sa légitime mission d’investigation et d’élucidation.

Mais, mes chers collègues, si l’on veut vraiment éradiquer la délinquance, il suffit simplement de mettre en place toutes les mesures et conditions nécessaires pour que nos jeunes ne puissent jamais y entrer. Et des solutions, je pense qu’il en existe.

Depuis la loi de 2007, une politique volontariste de prévention de la délinquance a été mise en place. Elle commence à être vulgarisée, mieux comprise par les maires, qui souffraient, c’est vrai, d’un déficit pédagogique en ce domaine. Mais heureusement, elle est mise en œuvre dans bon nombre de villes, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Pour avoir concrétisé sur le terrain ces outils de prévention et même innové en la matière avec l’ESCALE, l’espace socioculturel et d’aide à l’emploi, je peux vous dire que les résultats sont là : plus de 41 % de baisse de la délinquance à Villiers-sur-Marne. La diminution de la délinquance est constatée partout où les communes ont mis en place ces actions de prévention. Nous sommes, enfin, loin du vieux cliché du « maire shérif » encore présent dans l’imagination de certains. Il s’agit tout simplement d’outils de mise en commun de synergies et de travail en collaboration, pour améliorer l’action de tous les acteurs sur le terrain, chacun dans son champ de compétence propre, au service des familles qui en ont le plus besoin et des jeunes pré-délinquants ou primo-délinquants.

Le maire n’est pas un shérif qui décide seul. Par contre, il est le fédérateur, le chef d’orchestre qui aménage des espaces de dialogue entre professionnels, pour les familles et leurs enfants en difficulté ou en souffrance. À ce titre, je ne peux que soutenir l’initiative de ma collègue Brigitte Barèges, qui a déposé un amendement visant à systématiser, dans les communes de plus de 10 000 habitants, le dispositif des conseils des droits et des devoirs des familles, les CDDF, dispositif que j’avais initié dans la loi de 2007.

De même, les mesures de couvre-feu telles qu’elles sont définies dans le texte, et assorties d’un contrat de responsabilité parentale, nous semblent, à l’UMP, une bonne chose pour prévenir la délinquance des mineurs. Il s’agit tout simplement de mesures de bon sens, qui apportent de surcroît un soutien aux familles en difficulté éducative, à un moment précis de perte d’obéissance et d’autorité.

Ces dispositifs concourent à maintenir l’équilibre d’une politique bicéphale, à la fois répressive et préventive. Leur complémentarité est le gage de leur réussite.

Comme vous le voyez, ce texte comporte des mesures de bon sens qui répondent aux attentes des forces de l’ordre, mais aussi des familles qui cherchent un soutien de la part des pouvoirs publics lorsqu’elles rencontrent des difficultés temporaires dans l’éducation de leurs enfants.

Le groupe UMP est convaincu que les outils prévus par ce texte, et qui seront, nous le souhaitons, bientôt mis à la disposition des forces de police, faciliteront leur travail et rendront leur lutte contre la délinquance plus efficace encore.

À ma collègue Delphine Batho, je voudrais dire que la modernisation de nos forces de l’ordre ne passe pas forcément par la hausse des effectifs mais bien davantage par une plus grande qualité et de plus grandes possibilités d’action, par le développement de synergies entre forces de l’ordre et une nouvelle répartition des missions. Le Grand Paris sécurité ou la police d’agglomération en sont les meilleurs exemples, puisqu’ils redistribuent les forces en présence sur un territoire. Cela nous permet de passer, dans la petite couronne, d’un effectif d’un pour deux mille habitants à un pour cinq cent, ce qui est considérable.

Comme je vous l’ai déjà dit lors des débats en première lecture, la performance est une affaire d’organisation et de modernisation et pas seulement d’effectifs. Il ne s’agit pas du toujours plus mais plutôt du toujours mieux.

Monsieur le ministre, je peux vous assurer que les membres du groupe UMP soutiendront le modernisme et l’efficacité proposés dans ces nouvelles mesures ainsi que toute initiative qui ira dans le sens du renforcement de la lutte contre la délinquance, et en particulier celle qui concerne la délinquance des mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Langlade.

Mme Colette Langlade. Max Weber, dans Le Savant et le Politique, indique que l’État revendique le monopole de la violence physique légitime. Votre texte sur la performance de la sécurité intérieure met à mal cette définition par le désengagement progressif de l’État et l’émergence d’acteurs de sécurité privée.

Comme le souligne le sociologue Michaël Foessel, l’abaissement de l’intervention économique et surtout sociale de l’État s’accompagne d’un renforcement de l’État pénal.

Vous parlez de performance, donc de résultats chiffrés. Arrêtons-nous un instant sur vos résultats depuis 2002 : les violences aux personnes et la délinquance financière n’ont cessé d’augmenter, tout comme la recherche effrénée du chiffre au détriment de la réalité, le recours aux technologies intrusives et le choix de déploiements spectaculaires et quasi-militarisés des forces de l’ordre devant les médias.

Vous invoquez une supposée baisse de la délinquance de proximité pour justifier le renforcement du dispositif de lutte, tout en mettant en avant une insécurité grandissante, justifiant des mesures répressives nouvelles. Votre politique de fuite en avant, si elle donne le sentiment que vous agissez, n’est en réalité qu’illusion.

L’affaire de Saint-Aignan en est une parfaite illustration : alors que les textes existants auraient suffi pour sanctionner les fauteurs de trouble, vous légiférez sur les gens du voyage, les Roms et le démantèlement de leurs campements.

Illusion également à Marseille, où vous avez réussi à faire croire aux honnêtes gens que vous aviez renforcé les forces de police localement, alors qu’il ne s’agit en réalité que de deux compagnies de CRS qui s’en iront à l’issue de leur mission, et d’une centaine d’adjoints de sécurité. Ce sont donc des moyens qui ne sont pas pérennes.

À cela s’ajoutent des crédits qui ne sont pas au rendez-vous. Le budget 2011 est un budget de survie. Quant à 2012 et 2013, la loi de programmation des finances publiques prévoit des baisses de crédits.

Quelle est la cohérence et la logique de tout cela ? Aucune assurément. Depuis 2008, nous comptabilisons près de 9 000 suppressions de postes, auxquelles s’ajouteront 4 800 autres d’ici 2013.

Dans mon département de la Dordogne, les effectifs depuis 2008 stagnent plus ou moins d’une année sur l’autre, alors que le nombre de postes d’adjoints de sécurité a presque doublé : 28 adjoints en 2008 et 50 en 2010.

Après ces propos généraux, je souhaite m’attarder particulièrement sur la question des polices municipales.

La police municipale, en vertu du code général des collectivités territoriales, est chargée de la prévention et de la surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publique, ainsi que de l’exécution des arrêtés municipaux. Agents de police judiciaire adjoints, ses membres sont chargés, en vertu de l’article 21 du code de procédure pénale, « de seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire ; de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance (…) »

L’annexe du décret n° 2000-275 précise qu’« en aucun cas, il ne peut être confié à la police municipale de mission de maintien de l’ordre ».

Le code de procédure pénale définit à l’article 21-2 le rôle des policiers municipaux : « les agents de police municipale rendent compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance. Ils adressent sans délai leurs rapports et procès-verbaux (…) »

L’intervention de la police municipale se fait donc en coordination avec les forces de police et de gendarmerie nationales : la convention, qui définit la nature et les lieux des interventions des agents de police municipale et détermine les modalités selon lesquelles ces interventions sont coordonnées avec celles de la police et de la gendarmerie nationales, est obligatoire pour les services de police municipale de plus de cinq agents.

Or, sur le terrain, les policiers municipaux se substituent souvent aux policiers nationaux ou aux gendarmes, suivant ainsi la logique de redistribution du travail de sécurité urbaine et le désengagement progressif de l’État.

Conscients de ce glissement, les policiers municipaux indiquent que lorsque certaines situations dégénèrent, ils agissent pour le maintien de la tranquillité publique, alors que cela relève du maintien de l’ordre.

Sur le site web de la mairie d’Orléans consacré à sa police municipale, on peut lire que « son action est essentiellement préventive. Ses champs d’investigation concernent principalement le maintien de l’ordre, la sécurité, la sûreté et la salubrité publics ». Je vous laisse juges d’une telle définition.

L’attribution de prérogatives nouvelles aux policiers municipaux est un moyen pour votre majorité de masquer les coupes budgétaires et les baisses d’effectifs que vous infligez aux policiers et aux gendarmes. Aux inégalités sociales et territoriales, vous superposez les inégalités de moyens entre polices municipales, dont la gamme varie de l’absence pure et simple au suréquipement. Cela pose la question de l’égal accès à la sûreté et la tranquillité.

Votre texte renforce ce sentiment à travers notamment l’article 32 ter selon lequel le directeur de police municipale, de catégorie A, d’une ville comptant plus de quarante agents sera désormais agent de police judiciaire et pourra donc constater les crimes, délits et contraventions et en établir procès-verbal ; il pourra également recueillir les indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions : il lui sera donc possible de procéder à des perquisitions en enquête préliminaire avec assentiment, et de notifier les mandats de justice.

Le préfet Ambroggiani, qui a réalisé à la demande du Gouvernement une étude sur les polices municipales, affirme dans ses conclusions qu’éloigner les policiers municipaux des maires au profit de la police nationale ou de la Gendarmerie serait une erreur.

Les missions telles que la propreté des rues et des trottoirs, le bon éclairage de la voie publique, l’absence de stationnement anarchique, de tags, participent, au même titre que la lutte contre la délinquance, au sentiment de sécurité qu’éprouvent nos concitoyens. En élargissant leurs prérogatives, les policiers municipaux se détacheront des missions premières qui leur sont dévolues.

Autre problématique : le dispositif de l’article 37 octies qui prévoit de faire procéder à un dépistage sanguin sur toute personne ayant commis sur un dépositaire de l’autorité publique, un acte susceptible d’entraîner sa contamination par une maladie virale grave.

Cet article pose plusieurs questions : la transmission se définit comme le mécanisme de passage d’un micro-organisme du sujet porteur vers un hôte potentiel. Elle peut se faire par contact, au travers d’un objet ou une surface souillée.

Vous évoquez des actes susceptibles d’entraîner une contamination. Cette formulation trop large n’est pas sans soulever des inquiétudes. En effet, comment prouver avec certitude, par un dépistage, que l’accusé était porteur de la maladie virale grave au moment des faits ? De même, comment prouver que le dépositaire de l’autorité publique n’était pas infecté avant ledit acte susceptible d’entraîner sa contamination ?

De même, quelles sont les garanties en faveur de la protection de la confidentialité des données des deux parties ? Sont-elles conservées ? Font-elles l’objet d’un fichier ?

Face à toutes ces interrogations, le droit doit s’appuyer sur des éléments concrets. Le droit pénal n’est pas la réponse la plus adaptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Je tiens, tout d’abord, à saluer les nombreuses avancées que contient ce projet de loi, notamment en faveur du renforcement de la lutte contre la cybercriminalité, l’adaptation de l’action de la police et de la justice aux nouvelles technologies et les dispositions relatives à la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

L’ensemble de ce dispositif vient ainsi compléter utilement notre arsenal législatif en améliorant les outils juridiques destinés à lutter plus efficacement encore contre une délinquance qui diminue, mais qui continue à être l’une des préoccupations essentielles des Français, surtout dans certaines zones, dites sensibles.

Difficile d’appliquer la loi dans ces territoires où le trafic de drogue génère toute une économie parallèle et entraîne règlements de compte, parfois utilisation d’armes de guerre, et violences en tout genre.

Difficile d’appliquer la loi quand les policiers, les gendarmes, mais aussi les pompiers, les médecins parfois, sont agressés, pris pour cible, et attirés dans de véritables pièges ou leurs vies sont en jeu.

Car c’est bien là le problème. Faire la loi est une chose, la faire respecter en est une autre, surtout dans ces zones où les policiers sont tellement exposés, constamment en alerte, sous tension permanente.

Lorsque j’étais responsable de la formation des futurs magistrats à l’école nationale de la magistrature, j’ai toujours eu le souci de bien faire comprendre à ces auditeurs de justice les difficultés et les risques qu’encouraient quotidiennement les policiers sur le terrain.

Je tenais à ce qu’ils se rendent compte que, derrière les procédures, derrière les procès-verbaux, il existait de vrais dangers pour ceux qui sont chargés de faire respecter la loi.

Ce n’est pas le même exercice que celui qui consiste à examiner une procédure dans son cabinet en ne l’abordant que d’un point de vue juridique et formel. Les visions policière et judiciaire d’un même dossier sont parfois très différentes.

Le policier ou le gendarme connaît tous les tenants et aboutissants d’une affaire, même ce qui ne figure pas dans la procédure. Il a un avis souvent pertinent sur la réalité, mais le juge, quant à lui, ne doit s’en tenir qu’à ce qui se trouve dans le dossier, qu’à ce qui est établi juridiquement.

C’est toute la différence entre ces fonctions qui, par nature, sont bien distinctes mais qui, en principe, devraient se compléter.

La justice devrait, en effet, dans le respect de son indépendance, du procès équitable et des droits des délinquants et des victimes, parachever l’action policière.

Pour être efficace, l’action complémentaire de la police et de la justice est indispensable. Or, l’incompréhension est actuellement grande entre ceux qui sont chargés de la sécurité publique et ceux qui jugent les délinquants. L’actualité récente nous le démontre malheureusement.

Sans apporter de commentaires sur la décision du tribunal de Bobigny qui a condamné à de la prison ferme des policiers, c’est la réaction à cette condamnation qui est très révélatrice. Personne ne conteste la gravité des faits mais la solidarité policière qui s’est manifestée dépasse, et de beaucoup, le contexte de cette affaire.

Il est normal que la justice frappe fort sur ceux qui ont violé leur serment de respect de la loi, mais il est compréhensible que, dans les conditions que l’on connaît, les policiers réagissent.

Sauf que tout ceci est en fait totalement inadmissible. Car c’est, à terme, le fonctionnement de l’État qui est en jeu.

L’immense majorité des policiers exercent leurs fonctions avec une parfaite conscience professionnelle et il en est de même pour une majorité de magistrats. Mais les policiers qui abusent de leurs fonctions et les magistrats idéologues doivent être sanctionnés.

M. Philippe Goujon. Absolument !

M. Jean-Paul Garraud. La police et la justice doivent se rapprocher, mieux se connaître et se comprendre en se débarrassant des préjugés, des procès d’intention, des suspicions réciproques. Car il est vrai que la sécurité de nos concitoyens en dépend.

Je suis persuadé que c’est par des actions de fond, des actions de police judicaire, que les actions contre la criminalité seront les plus fortes et les plus efficaces. Les opérations de sécurité publique, les opérations dites « coup de poing » sont nécessaires dans certains cas, mais elles ne peuvent emporter les mêmes résultats que les actions de police judiciaire, préparées en commun par la police et la justice.

En termes de lutte contre la criminalité, c’est bien lorsqu’un procureur ou un juge d’instruction travaille en confiance avec la police que des résultats sont obtenus. Les exemples donnés par les groupements d’intervention régionaux et même les juridictions interrégionales spécialisées démontrent bien le succès de la méthode.

À la veille de grandes réformes qui vont concerner toute la procédure pénale, la garde à vue, le jugement des crimes, il conviendrait de dissiper tous les malentendus entre ces grands corps de l’État. Il faudrait dissiper ce malaise et cette incompréhension que je décrivais. Dans le respect des prérogatives de chacune, il est vital que la justice et la police agissent ensemble.

Finalement, en cumulant des recrutements et des formations de qualité, des moyens, des procédures adaptées, une politique pénale clairement affichée par le Gouvernement et diffusée par les parquets, des enquêtes de police judiciaire approfondies, une meilleure connaissance des contraintes et des difficultés réciproques, une plus grande considération pour les fonctions liées à la sécurité et la justice, les magistrats et les policiers devraient pouvoir agir en ce sens, avec comme seul objectif l’entière application de la loi dans le seul souci de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe SRC.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, cet après-midi, à Aulnay, une agence bancaire a été attaquée à l’explosif, les assaillants étaient armés de kalachnikov. Il y a une dizaine d’années j’avais appelé l’attention du Gouvernement – je n’ai cessé de le faire depuis – sur la multiplication, le commerce des armes à feu dans les banlieues et surtout sur l’élévation – c’est, me semble-t-il, le point le plus grave – du niveau de violence.

M. Julien Dray et Mme Sandrine Mazetier. Tout à fait !

M. Bruno Le Roux. À l’époque, j’avais avancé que lorsqu’une personne voudrait commettre un petit méfait, elle saurait à l’intérieur des cités où se procurer l’arme de guerre qui lui permettrait de réaliser son petit braquage. Nous en sommes là aujourd’hui.

Dans votre texte, je cherche l’article qui permettrait demain de résoudre cette question et je ne le trouve pas. Je constate, en même temps, que vous avez quasi complètement démantelé l’office chargé de la répression des trafics d’armes à feu. J’espère que nous disposerons de moyens. Ils sont à l’heure actuelle inexistants. Cela a d’ailleurs été confirmé dans le rapport parlementaire rendu, il y a bientôt cinq mois, sur la législation des armes à feu.

La guerre des gangs se développe aujourd’hui en rapport avec le trafic de drogue. Il y en a toujours eu et le démantèlement de ce trafic réussissait plus ou moins bien, en fonction de la façon dont on y procédait. Le trafic évolue. Il existait une situation quasi monopolistique à l’intérieur des cités. On constate aujourd’hui une vraie concurrence entre les gangs donnant lieu – vous avez su nous recevoir à Saint-Ouen lorsque cela s’était produit – à des « explications » entre gangs où la population est aujourd’hui impliquée. Le trafic de drogue n’a plus seulement de graves conséquences du fait de la drogue elle-même et de son commerce : il a également des répercussions très importantes sur les habitants des cités, qui se retrouvent confrontés à des règlements de comptes. Je cherche là encore dans votre texte les moyens qui permettraient demain de prendre en compte cette évolution du trafic de drogue, mais je ne les trouve pas.

Monsieur le ministre, ce texte, objet d’une longue navette, ne correspond toujours pas à la réalité de la situation de la délinquance dans notre pays. Il ne suffit pas, bien qu’il s’accroisse de lecture en lecture, à lutter contre le sentiment d’insécurité. Les seize lois qui ont été votées en huit ans – Claude Bartoloné en comptait dix-sept et je retiens volontiers ce chiffre, car il est expert en la matière – montrent votre volonté de discourir sur les questions de sécurité, certains pourraient même dire de tenter d’instrumentaliser l’insécurité.

M. Julien Dray. On peut se poser la question !

M. Bruno Le Roux. Je souhaite rappeler l’efficacité, texte après texte, de ce que vous mettez en place sur le terrain et en donner quelques exemples.

M. Éric Raoult. Vous caricaturez !

M. Bruno Le Roux. Monsieur Raoult, nous vivons cette caricature tous les jours en Seine-Saint-Denis, vous le savez parfaitement.

Les violences physiques contre les personnes augmentent. La délinquance des mineurs s’accroît : + 52,6 % de mineurs ont été mis en cause pour violences.

Monsieur le ministre, nous avons peut-être besoin de certaines de vos nouvelles dispositions législatives, même si je n’en perçois pas la pertinence par rapport à ce que nous connaissons sur le terrain. Mais nous avons surtout besoin d’effectifs en situation de faire un travail de police en Seine-Saint-Denis. Lorsque nous avons étudié le projet de budget en commission élargie, Claude Bartolone et un certain nombre de parlementaires de ce département vous ont demandé les effectifs des commissariats et ceux des circonscriptions de police, pas seulement pour le département de Seine-Saint-Denis, mais pour tout le territoire, afin de vérifier que la répartition est faite en tenant compte de la délinquance réelle. Vous avez répondu que les parlementaires n’avaient pas à fixer le nombre de policiers par circonscription, mais que ce rôle incombait à l’exécutif. Mais notre travail de parlementaires est de contrôler votre action en tant que ministre de l’intérieur. Je le répète, nous souhaitons savoir combien d’effectifs de police il y a par circonscription de police. C’est bien le moins que les parlementaires et la représentation nationale doivent savoir.

M. Éric Raoult. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait auparavant ?

M. Bruno Le Roux. Mais nous l’avions fait avant, monsieur Raoult !

M. Éric Raoult. S’il n’y a pas assez de commissariats, c’est de votre faute alors ?

M. Bruno Le Roux. Les effectifs ont été attribués en priorité à la Seine-Saint-Denis.

M. Yves Albarello. Il y a six ans que j’attends mon commissariat !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie, seul M. Le Roux a la parole.

M. Bruno Le Roux. Je laisse s’installer le débat, lorsqu’il s’instaure sur l’inefficacité du Gouvernement, quand un parlementaire demande un commissariat depuis longtemps et un autre des effectifs. Monsieur le ministre, sur tous les bancs on s’accorde à reconnaître l’inefficacité de cette politique. Je l’ai constaté en laissant parler mes collègues !

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait fait de la Seine-Saint-Denis un symbole de la lutte contre la criminalité. Aujourd’hui, tous les syndicats de police s’accordent pour juger aujourd’hui la situation explosive dans le département. Malgré toutes les annonces faites, nous n’avons aujourd’hui ni les effectifs, ni les matériels suffisants pour lutter contre l’insécurité.

Monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus aux policiers condamnés en première instance, il y a quelques jours, sont particulièrement dramatiques s’agissant de la Seine-Saint-Denis. S’il y a bien un département où les forces de police accomplissent un travail comme on en voit rarement dans d’autres départements, c’est bien celui-là. Les policiers sont sur un terrain difficile. Ils sont insultés, quand ils sortent le matin, par une partie de la population. Leur comportement doit être absolument exemplaire dans ces lieux où le lien est le plus difficile à nouer.

Monsieur le ministre, si vous deviez soutenir des policiers, il fallait le faire ailleurs que dans ce département, où ils doivent être totalement irréprochables. Je ne comprends pas comment vous pouvez envoyer un signe de soutien à des policiers sur la décision de justice, telle qu’elle a été prononcée à Bobigny.

Dans ce département, les faits constatés par la justice étaient inqualifiables, injustifiables. Nous verrons comment cette affaire évolue en justice. Mais la police doit être irréprochable. Elle l’est en Seine-Saint-Denis. Mais elle est aussi bien souvent mise en position de faiblesse, en conséquence des dotations que vous lui accordez.

Lorsque l’on fait intervenir en situation sensible une seule voiture avec deux policiers à l’intérieur pour une opération de police secours, je le répète, on met les policiers en situation de connaître des problèmes et de se heurter à des difficultés.

Je souhaite, pour conclure, affirmer qu’il ne pourra pas y avoir de résultats sans que vous assumiez véritablement les statuts prioritaires que vous dites vouloir mettre en place.

Claude Bartolone l’a dit : 46 policiers supplémentaires aujourd’hui pour un bassin de 200 000 habitants ne permettent pas de répondre aux objectifs que vous assignez aujourd’hui aux BST. Les dix-huit policiers annoncés pour l’instant sur Saint-Ouen, sans que l’on sache s’il s’agit d’un redéploiement et où seront pris ces policiers, ne suffisent pas pour les missions que vous leur assignez.

Ce texte n’apportera pas de résultats tant qu’il n’y aura pas d’affectation prioritaire des effectifs dans les endroits qui concentrent le plus de délinquance. C’est un travail qui pourrait être fait, et obtenir un large accord sur tous les bancs, que d’établir une fois pour toutes une bonne répartition des effectifs, avec de vraies clés, publiques et transparentes, pour définir la concentration des moyens sur les endroits les plus difficiles.

Monsieur le ministre, nous vous demandons depuis longtemps qu’il soit procédé à ce travail. Nous avons l’impression que vous ne vivez que pour rédiger un dix-huitième, un dix-neuvième et un vingtième textes sur la sécurité. Je prends le pari que le vingtième texte, plus dur que les précédents, sera déposé dans quelques mois, à la veille des élections présidentielles... C’est là, pour l’instant, votre lecture de la question de l’insécurité. Une fois de plus, ce texte ne résoudra pas les problèmes que nous connaissons sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)