Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 25 octobre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (suite)

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

Mme Anny Poursinoff

M. Michel Issindou, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Luc Préel, M. Guy Lefrand

Motion de renvoi en commission

Mme Marisol Touraine

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Rappel au règlement

M. Christian Paul

Motion de renvoi en commission (suite)

M. Jean Mallot

Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Luc Préel, M. Philippe Vitel

Discussion générale

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Luc Préel

M. Philippe Vitel

Mme Catherine Lemorton

M. Guy Lefrand

Mme Véronique Besse

M. Dominique Tian

Mme Dominique Orliac

M. Bernard Perrut

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Paul Jeanneteau

Mme Michèle Delaunay

M. Jean-Marie Rolland

M. Christian Hutin

M. Michel Heinrich

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Arnaud Robinet

M. Jean Mallot

M. Jean Bardet

M. Michel Liebgott

M. Simon Renucci

M. Alfred Trassy-Paillogues

Mme Gisèle Biémouret

M. Guy Malherbe

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2012 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (nos 3790, 3869, 3865).

La parole est à Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant d’aborder le cadre posé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, je souhaite dire quelques mots de l’évolution des comptes de la sécurité sociale en 2011.

Celle-ci s’avère plus positive que ce qui était initialement prévu, le solde étant évalué à 18,6 milliards d’euros pour le régime général, soit un gain supérieur à 5 milliards d’euros par rapport à 2010.

Cette amélioration est principalement liée à une très bonne tenue de la masse salariale – inattendue en cette période de crise –, qui aura finalement progressé de 3,7 % pendant l’année.

Je vous rappelle que deux réformes structurelles importantes ont été menées en 2010 : d’une part, la réforme des retraites, qui ne commencera à avoir d’effet tangible qu’à compter de 2012 ; d’autre part, le transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

M. Jean Mallot. La poussière sous le tapis !

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. Ce transfert a permis un soulagement massif de la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, dont le plafond avait été fixé à 65 milliards d’euros en 2010.

Cette opération de reprise aura des effets durables sur la gestion des déficits de la sécurité sociale, puisque le financement des déficits vieillesse est d’ores et déjà assuré jusqu’en 2018.

Les perspectives pour 2012 restent néanmoins particulièrement préoccupantes : l’augmentation spontanée des dépenses et des recettes conduirait, en l’absence de mesures de redressement, à des niveaux de déficits à peu près équivalents à ce qu’ils étaient en 2009 et 2010, au plus fort de la crise.

C’est pourquoi un véritable électrochoc apparaît nécessaire, matérialisé par le plan de lutte contre les déficits présenté le 24 août dernier par le Premier ministre.

De ce plan résultent 6 milliards d’euros de recettes nouvelles et 2 milliards d’euros d’économies pour la sécurité sociale.

Pour mémoire, certaines recettes ont déjà été adoptées par le Parlement dans le cadre du collectif de septembre : il s’agit principalement de l’augmentation du taux de la taxe sur les conventions d’assurance, et de celle des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

Je constate avec satisfaction que ce dernier PLFSS de la législature traduit un effort particulièrement important de redressement des comptes de la sécurité sociale, à hauteur de 4,330 milliards d’euros, dont 2,330 milliards en recettes et 2 milliards d’économies.

S’agissant des recettes nouvelles, la principale provient de la hausse de la fiscalité sur les alcools, proposée par le Gouvernement.

Le régime général en sera le principal bénéficiaire, en particulier l’assurance maladie pour 1,3 milliard d’euros. Le régime des exploitants agricoles, structurellement déficitaire, recevra quant à lui près de 500 millions d’euros. Il verra par ailleurs ses déficits cumulés repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, pour 2,5 milliards d’euros.

La CADES bénéficiera d’une majoration des prélèvements sociaux qui lui sont affectés, grâce à des mesures du plan « anti-déficits ». J’en donnerai quelques exemples.

Premièrement, la refonte de la fiscalité des plus-values immobilières, votée dans le collectif de septembre. Deuxièmement, une mesure nouvelle : la réduction, proposée dans le présent projet de loi, de l’abattement pour frais professionnels sur les assiettes de cotisation sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre des revenus d’activité.

Par ailleurs, des recettes nouvelles proviendront également, entre autres : de la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul de la réduction Fillon ; de l’augmentation du forfait social ; de la hausse de la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires.

En revanche, je ne peux pas cautionner la disposition conduisant à soumettre à la cotisation sociale généralisée le congé parental dit complément de libre choix d’activité. Cette mesure serait concrètement pénalisante pour la politique familiale.

M. Guy Lefrand. Nous sommes d’accord.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. Les familles, déjà impactées les années précédentes par le malus économique sur les véhicules monospaces – plus de 1 600 euros par an et par famille – et par la mise en place d’une seule majoration des allocations familiales à partir de quatorze ans, seraient à nouveau touchées financièrement. Sur ce point, permettez moi de partager l’analyse du sociologue danois Gøsta Esping-Andersen. Dans son article paru dans Le Monde du 8 novembre 2006, intitulé « Vers un État-providence centré sur l’enfance », il écrivait : « Peut-être devrions-nous réorienter le débat politique : renoncer à l’obsession de la retraite et penser plutôt à tout miser sur les petits-enfants. Après tout, une retraite solide commence avec une enfance solide. »

Au-delà de cette considération sur l’article 13, le volet recettes du PLFSS me semble être clairement à la hauteur des enjeux.

J’en viens maintenant au volet dépenses.

Pour la première fois depuis 1997, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie a été respecté en 2010, et devrait l’être à nouveau en 2011. Les taux d’évolution prévus par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 sont donc tenus.

Pour 2012, l’objectif de croissance de l’ONDAM est de 2,8 %, ce qui nécessite de dégager 2,2 milliards d’économies nouvelles.

À cet effet, le Gouvernement poursuit la maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie, qui s’est révélée fructueuse, tant en médecine de ville qu’à l’hôpital.

Certains articles de ce PLFSS envisagent d’y concourir.

Tout d’abord, des expérimentations sont proposées en matière tarifaire. À ce propos, il faut noter que l’ensemble des professionnels de santé libéraux s’engagent dans cette démarche, ce que souligne la signature quasi unanime de la nouvelle convention médicale avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, en juillet dernier.

Mes chers collègues, nous savons tous combien les renégociations successives de la convention médicale ont été longues, laborieuses et motivées de part et d’autre par la recherche d’un consensus. Madame la ministre, puisse cette nouvelle convention être pleinement mise en œuvre. Ne décevons pas l’ensemble des praticiens !

Un autre article de ce PLFSS y concourt, qui vise à appuyer la maîtrise médicalisée des dépenses : le renforcement du rôle d’évaluation médico-économique de la Haute autorité de santé. À ce sujet, permettez-moi de vous livrer ma réflexion.

Nous convenons que la HAS a pour mission d’actualiser le consensus des connaissances et d’émettre des avis d’ordre médical prenant en compte les aspects économiques. Mais la réflexion de la HAS doit rester de nature principalement médicale. Le volet prioritairement économique doit demeurer celui de l’UNCAM, et c’est par le dialogue et la négociation à armes égales des deux partenaires que sera mise en œuvre une maîtrise véritablement médicalisée des dépenses.

Ce risque de sous-médicalisation est réel, et attesté par un décret qui est passé pour le moins inaperçu. Le décret n° 2011-726 du 24 juin 2011 retire l’hypertension artérielle sévère de la liste des affections ouvrant droit à la suppression de la participation de l’assuré mentionnée au 3° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale. Il appelle de ma part, mesdames les ministres, les questions suivantes.

Qu’est-ce qui a motivé cette décision ? Je peux aisément comprendre que vos motivations soient liées à une approche économique, mais devait-on faire fi de l’avis peu favorable de la HAS en date du 12 janvier 2011 ? A-t-on évalué le surcoût considérable engendré par la non-prise en charge des patients à venir souffrant d’hypertension artérielle sévère, qui vont développer à terme des multipathologies, dont des accidents vasculaires cérébraux ?

M. Jean-Luc Préel. Remarque très judicieuse !

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. Et a-t-on pris en compte les douleurs supportées par les patients ?

Concernant le secteur médico-social, je tiens à souligner l’effort particulier consenti par le Gouvernement dans le contexte difficile des finances publiques, qui s’impose à nous.

L’ONDAM médico-social devrait ainsi augmenter de 4,2 % en 2012, poursuivant l’effort de 4,1 % de 2011.

Il faut noter que, s’agissant d’une enveloppe fermée, cette augmentation des crédits ne pourra faire l’objet d’une dérive budgétaire.

Mais, pour éviter les sous-consommations récurrentes de ces dernières années, la gestion de ces crédits est désormais effectuée en mode LOLF, c’est-à-dire avec autorisations d’engagement et crédits de paiement. La mise en œuvre des plans gouvernementaux pour la création de places en établissements, ainsi que l’amélioration de la qualité et de la performance des établissements et des services médico-sociaux, pourra donc être affinée.

Ainsi, le secteur aura les moyens de se réformer. Il est même souhaitable qu’il le fasse avant la mise en œuvre d’une réforme de l’organisation et du financement de la prise en charge des dépenses liées à la dépendance.

En matière de retraites, la réforme que nous avons votée en novembre 2010 commence à produire ses effets. L’évolution du nombre de retraités, hors retraite anticipée, devrait connaître une nette décélération : 2 %, contre 3,5 % entre 2008 et 2010.

Ce ralentissement serait imputable en particulier au relèvement de l’âge légal. L’impact sur le flux de départs en retraite devrait se faire davantage sentir en 2012, avec le report de 155 000 départs, contre 100 000 en 2011.

L’économie résultant du recul de l’âge légal devrait ainsi s’élever à 1,3 milliard d’euros en 2012. À cet effet viendrait s’ajouter la poursuite de la baisse d’effectifs des retraites anticipées en 2012.

Cependant, la forte revalorisation des pensions, de 2 % au 1er avril 2012, correspondant à l’évolution de l’inflation, contribuera pour 1,9 milliard à l’augmentation des prestations légales de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, soit un montant plus élevé que l’économie résultant du report de l’âge légal.

On le voit, la réforme de 2010 n’a été qu’une nouvelle étape de la réforme de notre système de retraite par répartition après celle de 2003.

D’autres réformes seront encore indispensables pour le pérenniser, comme l’a envisagé le Premier ministre lui-même en faisant référence à l’âge de départ en retraite de nos voisins allemands.

En ce qui concerne les accidents du travail, on doit souligner l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2012, d’une réforme majeure de la tarification des cotisations, qui permettra à la fois de renforcer la prévention et de simplifier la tâche des entreprises. La branche reste aujourd’hui équilibrée, en dépit des dotations qu’elle doit verser pour le fond amiante.

S’agissant de la branche famille, elle reste déficitaire à hauteur de 2,3 milliards d’euros.

Il faut rappeler que nous avons consacré aux familles 7 milliards d’euros supplémentaires entre 2007 et 2012 : il s’agit d’un effort conséquent, qui montre l’importance de la politique familiale aux yeux du Gouvernement et de sa majorité.

Ce déficit de la branche famille depuis 2008 est la conséquence des pertes de recettes induites par la crise économique et financière, alors que la montée en charge de la prestation d’accueil du jeune enfant est achevée.

Les mesures de consolidation apportées depuis ont permis de contenir ce déficit et d’affirmer le rôle et la place de la branche famille au sein de la sécurité sociale. Cela ne doit pourtant pas nous exonérer du devoir de résorber ce déficit sous la prochaine législature.

Madame la présidente, mes chers collègues, ce PLFSS est un projet de consolidation de notre système de sécurité sociale. Il permet de limiter la croissance de ses dépenses pour qu’elles demeurent soutenables, tout en lui apportant des recettes supplémentaires substantielles. Pour cette raison, je propose que notre assemblée le vote, sous réserve des quelques amendements que je vous présenterai lors de l’examen du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, c’est le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Mallot. Le dernier de cette législature ! Mais peut-être ne comptez-vous pas en voter d’autres par la suite ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais, à cette occasion, remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail, mais aussi tous les membres de la majorité et de l’opposition. Il nous arrive, même dans ces temps difficiles, de rechercher des convergences nécessaires, qui sont d’ailleurs souhaitées par l’opinion publique.

M. Michel Issindou. C’est rare.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. S’il fallait porter un jugement sur notre travail en commission, je serais tenté de dire : trop de lois, trop d’amendements, mais pas assez d’évaluation des politiques engagées, d’autant plus que nous avons eu le bénéfice des travaux du CEC et de la MECSS, que nous n’utilisons pas suffisamment.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. La commission a fait preuve de responsabilité. Elle n’est pas moins soucieuse que le Gouvernement de maintenir le caractère solidaire de notre système de protection sociale, tout en prenant en compte la nécessité de lutter contre les fraudes ou les gaspillages.

Ainsi, l’équilibre du projet n’a pas été détruit. Le solde s’est même amélioré de 130 millions d’euros. Nous remercions le Gouvernement de son soutien en ce qui concerne la prise en charge de l’aide à la complémentaire. Par contre, nous souhaitons qu’il nous écoute sur la question des indemnités journalières. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Il faut prendre conscience que, pour un salarié payé au SMIC, 40 euros, c’est beaucoup. Quitte à chercher d’autres baisses de dépenses publiques, je pense que nous devons nous concentrer sur les salariés proches du SMIC pour qui cette modification de décret pourrait créer des difficultés.

Globalement, le volontarisme dans les dépenses sociales a été maintenu par le Gouvernement, mais il n’en a pas été de même dans les pays voisins. Je serais donc tenté de dire à l’opposition que ce volontarisme rend dramatiquement ridicules et dangereuses les expressions du type : « démolition du de notre modèle social » ou « mise à mal de notre État-providence. » Il faut quand même reconnaître qu’il y a peu de pays qui soient arrivés à ce niveau de dépenses de l’État-providence.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. C’est pourquoi je n’essaierai de faire passer qu’un seul message : nous avons le devoir de dire la vérité et de rechercher ensemble des consensus pour infléchir les dépenses qui continuent à augmenter rapidement.

Rappelons quelques éléments : avec 630 milliards, notre modèle est aujourd’hui le plus développé d’Europe.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et du monde !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Et du monde, en effet. Il représente 31 % de la richesse nationale. Au cours des vingt-cinq dernières années, la France a augmenté ses dépenses sociales de 6,1 points de PIB…

M. Michel Issindou. C’est très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …tandis que, chez nos voisins européens, cette augmentation a été de 2,4 en moyenne, et que la Suède a baissé les siennes de 0,4 point.

M. Issindou trouve cela très bien, mais à condition que cela ne porte pas atteinte à la compétitivité de l’économie française. Je vous rappelle ce que nos voisins allemands ont réalisé en 2002.

Dernièrement, dans un article du journal Le Monde que beaucoup d’entre vous ont lu, il apparaissait que les salaires des enseignants étaient inférieurs à ce qui se fait chez nos voisins européens.

M. Jean Mallot. Ils sont effectivement inférieurs.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. J’ai appelé l’auteur de l’article pour lui dire qu’elle avait oublié un élément essentiel : le poids du salaire indirect en France. Les élus locaux ici présents savent qu’il représente 80 % du salaire direct reçu par le salarié. Dans la comparaison internationale, nous sommes de loin ceux qui apportent le plus de contribution dans le salaire indirect.

Enfin, le socle des droits sociaux a été un formidable amortisseur de la crise, et c’est grâce aux dépenses sociales que nous restons le quatrième pays pour la lutte contre la pauvreté en Europe. C’est en France que le reste à charge est le plus faible.

En écoutant Mme Pinville, je regrettais qu’elle ne soit pas venue lors d’une rencontre avec des délégations parlementaires du Japon, de la République tchèque et de la Turquie.

Mme Martine Pinville. Il aurait fallu m’inviter !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Ces trois délégations venaient connaître les conditions du succès de la politique familiale en France. Parler de notre politique familiale comme je l’ai entendu faire ici ne répond pas au devoir de vérité.

Mes chers collègues, je souhaite conclure rapidement car nous devons examiner cinq cents amendements, ce qui est beaucoup trop.

M. Jean Mallot. Ce sont des amendements de l’UMP !

Mme Bérengère Poletti. Seulement pour la moitié !

M. Michel Issindou. Non, au moins les deux tiers.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Le devoir de vérité nous est imposé face aux caricatures, mais aussi le devoir de vigilance. Ce devoir de vigilance, ce sont les marges d’efficience que nous avons, et nous en avons beaucoup. Il y a les dépenses d’ALD, sur lesquelles il faudra bien se pencher un jour. De plus, comment expliquer les fortes disparités régionales en matière d’assurance maladie ? J’ai toujours souhaité, avec nos collègues du Nouveau Centre, un ORDAM qui responsabilise et laisse de l’autonomie : il faut commencer l’expérimentation. Il faut également affronter les dépassements d’honoraires excessifs.

Voilà pourquoi j’affirme que l’efficacité ne s’oppose pas à l’équité. Rétablir nos comptes sociaux sans porter atteinte à la consommation tout en préservant notre modèle social : la voie est très étroite. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin, dans ces débats, d’un discours de vérité et d’un discours de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, loin du bien-vivre et du bien-être que chacun peut espérer dans une société où le collectif a un sens, la majorité préfère renforcer la suspicion et l’individualisme.

Ainsi, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 consacre toute une section au contrôle et à la lutte contre la fraude. Même les fonctionnaires y sont montrés du doigt !

Les regards suspicieux sont là, aiguisés par la politique menée depuis 2005. Les plus pauvres, les plus démunis, les chômeurs, les étrangers ou encore celles et ceux au faciès différents doivent vivre dans une société qui leur est de plus en plus hostile.

M. Guy Lefrand. Vous assimilez les fraudeurs et les étrangers !

Mme Anny Poursinoff. Le scénario est bien connu : si l’économie française va mal, il faut des coupables, des boucs émissaires.

Or ces derniers sont de plus en plus nombreux : 9,6 % de la population active est au chômage, ce taux passe à 23 % pour les jeunes ; 14 % de la population est contrainte de renoncer à des soins faute de ressources financières et 34 % des étudiants renoncent aux soins pour les mêmes raisons.

Pardonnez-moi cette introduction qui peut heurter les adeptes du politiquement correct, mais la réalité est bien là. La misère et la détresse sociale auxquelles sont confrontés nombre de nos concitoyens ne trompe pas, quoi qu’en dise Mme Pécresse. Votre chasse aux sorcières ne fait pas plus illusion que la méthode Coué par laquelle vous niez les évidences.

Il y a deux poids, deux mesures. D’un côté, la chasse à celles et ceux qui coûteraient cher en profitant outrageusement du système, la chasse aux profiteurs de l’assistanat social. De l’autre, les cadeaux fiscaux aux plus riches. Et ce ne sont pas les annonces cosmétiques de ces derniers jours qui feront oublier les milliards perdus par votre fausse réforme de l’ISF, par la baisse de la TVA sur la restauration, par l’exonération des charges sur les heures supplémentaires. Oui, monsieur Door, vous pouvez rougir.

C’est l’aveuglement avec lequel votre majorité refuse de changer de vision de la société qui est politiquement incorrect.

Quand les délocalisations se multiplient pour flatter les actionnaires, quand le chômage grimpe, quand le nombre des sans-abri explose, quand, avec toujours moins de moyens, les associations de solidarité croulent sous le travail afin de compenser un État déficient, c’est là que la protection sociale est particulièrement sollicitée. C’est là qu’elle doit être exemplaire.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, certains vont reconnaître une façon de parler qu’emploie Mme Pécresse lorsqu’elle s’adresse à nous : en temps de crise, notre système de protection sociale doit être maintenu et même renforcé.

Pour preuve, permettez-moi de revenir brièvement sur l’histoire sociale et économique de notre pays. Au sortir de la Seconde guerre mondiale, face au chaos, il a été décidé de bâtir une société nouvelle.

Au même titre que la construction européenne devait rapprocher les peuples, la solidarité nationale devenait l’un des socles de ce nouveau projet social. C’est une politique économique interventionniste qui a alors été entreprise. Il fallait tout reconstruire. Il fallait unir nos sociétés et ériger un système permettant de réduire autant que possible les inégalités, quelle que soit leur nature.

À cette époque, contrairement à aujourd’hui, le libéralisme économique n’était pas érigé en solution suprême, bien au contraire.

J’espère ne pas déranger Mme Pécresse…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous écoute !

Mme Anny Poursinoff. C’est vrai, vous ne m’écoutiez pas au début, mais maintenant vous le faites. J’ai cité plusieurs fois votre nom, cela vous a fait lever la tête !

Les crises économique et financière actuelles nous rappellent cette évidence : la régulation des prix et des salaires par le marché n’a pas démontré son efficacité. Certes, elle a enrichi les spéculateurs, mais cette politique a surtout dramatiquement creusé les inégalités. Quant à la politique d’austérité prônée par certains, ses conséquences sociales font craindre le pire.

En Grèce, la politique de rigueur dégrade la santé publique. Désormais, de nombreux Grecs sont dans l’incapacité de payer les cinq euros de franchise médicale qui sont exigés. Certains chômeurs atteints de diabète n’ont pas pu financer leur achat d’insuline, ce qui équivaut pour eux à une condamnation à mort. La solidarité doit aussi être organisée au niveau européen.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas possible : l’insuline est prise en charge à 100 % !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’est du Zola !

Mme Anny Poursinoff. Non, ce n’est pas du Zola ! On dirait que vous ne fréquentez pas les gens en grande difficulté.

M. Guy Lefrand. Ne soyez pas si agressive !

Mme Anny Poursinoff. Vous avez raison : de telles situations rendent agressif. Lorsque l’exclusion est telle que la vie est en jeu, il faut agir.

Il y a un an, alors que la mobilisation contre votre réforme injuste des retraites était au plus fort, nous vous avons rappelé le texte de l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui a donné naissance à notre système de sécurité sociale.

Permettez-moi de recourir à la pédagogie de la répétition en citant à nouveau cet extrait : « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. »

La République doit protéger ses citoyennes et citoyens. Or que fait le Gouvernement ?

Après avoir honteusement détricoté, lentement mais sûrement, la sécurité sociale héritée de l’après-guerre, vous nous proposez aujourd’hui des mesurettes de court terme.

Vos projections financières ne résolvent rien sur le long terme. Certes, vous nous présentez un plan de financement, une succession de taux, d’hypothèses et d’objectifs économiques. Pour brouiller le message, rien de tel qu’une énumération de valeurs et de chiffres difficiles à comparer avec ceux des années précédentes.

Face aux déficits sociaux, vous ne proposez que des pansements de court terme. Où sont les analyses permettant d’assurer la pérennité d’un système de protection sociale ne laissant personne sans secours ? Où sont les réflexions permettant de mettre en place de véritables politiques publiques de lutte contre les inégalités ? Où sont les ambitions pour une société solidaire ?

Avant d’ériger la performance comptable au rang de dogme, peut-être faudrait-il savoir où nous souhaitons aller. Pour nous, la croissance du PIB n’est pas synonyme de progrès social. Penser résoudre tous nos maux par la croissance est une illusion. L’hypothèse du taux de croissance de 1,75 % sur laquelle vous vous appuyez n’est pas crédible. L’OFCE prévoit pour 2012 une croissance de 0,8 %.

Plutôt que des projections fantaisistes, le monde réel exige une approche pragmatique.

Nous vous l’avons dit l’année dernière, les dépenses de fonctionnement ne peuvent pas être gérées par la dette. Il y a une absurdité dangereuse à agir de la sorte. Les diverses manipulations de la Caisse d’amortissement de la dette sociale renforcent le poids qui pèsera sur les générations futures du fait de votre incapacité faire face à nos dépenses actuelles. Nous sommes loin d’un développement responsable et durable.

C’est pourquoi, comme le proposent les écologistes, la dette, aujourd’hui logée dans la CADES, doit être intégrée à la dette publique de l’État.

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est déjà le cas !

Mme Anny Poursinoff. Pour assurer l’équilibre des comptes de l’assurance maladie, il convient de mener une refonte globale de la fiscalité : une extension de l’assiette des prélèvements, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, et la mise en œuvre d’une fiscalité écologique.

Pour assurer la sauvegarde de notre système de santé, il convient de rétablir l’équité contributive et de mettre en œuvre une fiscalité écologique et solidaire.

Votre projet de loi ne va pas dans ce sens.

Votre façon de gérer les déficits sociaux ne résout rien mais va au contraire conduire à l’implosion de l’ensemble de notre protection sociale.

Votre majorité a déjà demandé à celles et ceux qui se lèvent tôt de travailler encore plus et de payer encore plus.

Rappelons que la réforme des retraites – que vous avez imposée – pénalise celles et ceux qui effectuent des tâches pénibles, qui manipulent des produits toxiques ou lourds, et bien sûr les femmes !

Cette année, à quelques mois des élections, vous n’osez pas demander des sacrifices aussi directs. Alors, vous proposez de nouvelles économies, j’y reviendrai, et de nouvelles recettes. Aucune réforme d’envergure, mais tout un arsenal de mesurettes aux lendemains incertains.

En ce qui concerne les nouvelles recettes, celles-ci s’apparentent à un rafistolage à la va-vite qui ne peut se substituer à la refonte globale de la fiscalité que je viens d’évoquer.

Permettez-moi tout d’abord de dire quelques mots sur la décision de doubler la taxation des contrats d’assurance maladie complémentaire. Le fait de porter la taxe de 3,5 % à 7 % aura un effet désastreux sur la couverture maladie complémentaire de la population. Le tarif des mutuelles est en effet un facteur déterminant de la décision d’y souscrire ou non.

Aujourd’hui, 14 % des chômeurs, 8,5 % des ouvriers non qualifiés et 3,7 % des cadres n’ont pas de couverture complémentaire. Quant aux étudiants, 19 % déclarent ne pas avoir de complémentaire santé et 34 % renoncent à se soigner.

Certes, des dispositifs existent pour favoriser l’accès aux soins des étudiants. Je pense notamment à l’aide à la complémentaire santé et à la CMU-C. Mais, pour qu’isl atteignent leurs objectifs, il conviendrait de revoir leurs critères d’attribution. L’indépendance fiscale, la décohabitation ou encore l’absence de pension alimentaire constituent trois critères inadaptés au regard de la situation des étudiants. C’est pourquoi il est nécessaire de simplifier l’accès à l’ACS, notamment en l’ouvrant de droit aux étudiants boursiers, sur le modèle de ce qui est fait pour les bénéficiaires du RSA.

Alors que les dépassements d’honoraires ne cessent d’augmenter, cette nouvelle taxe va encore fragiliser l’accès aux soins. Cette décision s’ajoute à la longue liste des déremboursements, des augmentations de franchises médicales, des fermetures de services hospitaliers.

À l’opposé de votre position, nous pensons que la sécurité sociale doit couvrir au moins 80 % des dépenses de santé. Une réforme ambitieuse de la fiscalité et une politique de santé liant l’éducation pour la santé et la prévention le permettraient, sans aggraver les déficits, au contraire. Remplacer de la sorte l’assurance maladie par les complémentaires et augmenter leur coût pour les citoyens est une fausse réponse au vrai problème du déficit. Surtout, c’est le recul de la solidarité.

La fiscalité comportementale que vous mettez en avant suscite également de nombreuses réserves. Votre projet de loi opère une confusion entre l’approche fiscale et l’approche santé publique. Il s’agit pour le Gouvernement d’une façon d’augmenter le prix des produits de consommation sans que cela influe réellement sur les comportements, sans que cela ait donc un impact au niveau sanitaire. Même M. Bur s’en inquiète.

Il est en effet admis qu’une hausse de la fiscalité parvient à avoir un impact sur la consommation uniquement si cette hausse est d’au moins 10 %. Les petites augmentations répétées n’ont que peu d’effet. Déguiser cette taxe avec un habillage de santé publique est donc illusoire !

Qu’il s’agisse de l’augmentation de la taxe sur le tabac ou de la taxe sur les boissons sucrées, les mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux. Permettez-moi d’ailleurs d’en appeler au respect du principe de précaution concernant l’aspartame. Sa dose journalière admissible doit être revue, car ses dangers pour la santé sont avérés, et les deux centimes d’euros d’augmentation par canette ne répondent pas à une préoccupation de santé publique.

Quant à la taxe sur les alcools, contrairement à ce que laissent supposer les explications du Gouvernement, l’alcoolisme, responsable de plus de 37 000 morts chaque année, ne touche pas que les jeunes.

De façon plus générale, pour faire évoluer certains comportements, l’une des premières mesures à prendre n’est pas une mesure fiscale. Il s’agit, beaucoup plus simplement, d’opérer un changement de tutelle en intégrant la direction générale de l’alimentation au ministère de la santé et non plus au ministère de l’agriculture. Cela permettrait de placer la santé au centre des préoccupations et de se protéger des lobbys de l’agro-industrie. Cela permettrait aussi d’adopter une démarche globale en matière d’alimentation.

Je ne m’étendrai pas sur la nécessité de proposer dans toutes les cantines collectives des produits issus de l’agriculture biologique. En revanche, je vous parlerai de l’intéressante initiative du Danemark.

Pour lutter contre la consommation de graisses saturées, une taxe sur les produits alimentaires dits gras a été adoptée dans ce pays. Destinée à combattre l’obésité, elle s’applique à tous les produits gras. Les fonds amassés par cette taxe doivent servir à diminuer le prix de certains fruits et légumes. Vous l’aurez compris : pour que les décisions en matière de fiscalité aient un impact sur la santé, il faut avoir de l’ambition et une vision politique.

Ici, il n’en est rien.

Un autre point relatif aux recettes mérite qu’on s’y arrête. Il s’agit de la taxation des industries pharmaceutiques.

Afin notamment d’améliorer le système de formation continue des médecins, vous proposez d’augmenter le taux de la contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques. Cet acte serait, de la part de votre gouvernement, quasi téméraire, si cette augmentation n’était aussi timide. Après que la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a été si longtemps débattue, plus d’audace était attendue. Pourquoi ne pas tripler le taux actuel…

M. Guy Lefrand. Toujours plus !

Mme Anny Poursinoff. …et organiser réellement une formation continue et indépendante des médecins ?

Autre curiosité, le financement du dispositif d’ouverture de droits à la retraite pour les sportifs amateurs de haut niveau. Là aussi, l’audace manque à ce gouvernement. Quand on sait que le coût de cette mesure, évalué à quatre millions d’euros, équivaut aux recettes publicitaires d’un seul match du championnat d’Europe de football, pourquoi ne pas compenser ces nouvelles dépenses par la création d’une taxe sur les recettes publicitaires des sports professionnels ?

N’allez pas croire que nous en avons après vos amis qui dirigent les firmes pharmaceutiques ou les clubs de foot. Mon propos n’est pas là. Il s’agit simplement de mieux répartir l’effort de solidarité nationale.

Quant aux économies que vous proposez, elles suscitent toute notre inquiétude. Lorsqu’elles se font au détriment de la santé publique et lorsqu’elles sont synonymes de renforcement des inégalités, nous ne pouvons que marquer notre opposition à votre politique et demander le rejet de ce texte.

Au fil des ans, la santé publique est mise à mal. Le reste à charge des patients n’a cessé d’augmenter, avec les effets que l’on connaît sur l’accès aux soins et, donc, sur la santé de nos concitoyens.

M. Guy Lefrand et M. Philippe Vitel. C’est faux !

Mme Anny Poursinoff. Les déremboursements, la hausse du ticket modérateur, l’instauration d’un forfait de 30 euros pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, la hausse du forfait hospitalier journalier, l’exclusion de certaines maladies des affections de longue durée en fournissent quelques illustrations.

Alors que l’IGAS dénonce les dépassements d’honoraires, votre gouvernement propose un nouveau secteur dit optionnel qui n’augure rien de bon.

Quant à la poursuite de la convergence tarifaire, elle a déjà fait la preuve de ses effets pervers. L’hôpital public est délaissé, des services hospitaliers sont contraints de fermer et les déserts médicaux s’étendent.

Le dernier exemple d’économie faite au détriment des plus fragiles est donné par votre volonté d’harmoniser les indemnités journalières maladie, maternité, accidents du travail en partant du salaire net. Cela permettra certes de récupérer 220 millions d’euros, mais à quel prix ? Cette décision correspond en effet à une diminution de près de 6 % des indemnisations journalières versées en cas d’arrêt maladie. Pour un salarié au SMIC, c’est-à-dire quelqu’un qui gagne chaque mois 1 365 euros brut, soit 1 071 euros net, l’indemnisation mensuelle par la sécurité sociale passerait de 680 à 640 euros. Les plus fragiles seront donc encore plus fragilisés.

Cette façon de procéder fait penser à votre loi TEPA. En pleine crise économique, vous avez fait voter une loi qui finance indirectement la destruction d’emplois. La défiscalisation des heures supplémentaires a en effet conduit à rendre toute nouvelle embauche plus coûteuse que le recours aux heures supplémentaires ; c’est une façon très particulière de lutter contre le chômage. Quant à votre proposition de soumettre le complément de libre choix d’activité à la CSG, elle relève de cette même logique de mesurettes qui doivent panser le fameux trou de la sécu, alors qu’il faudrait repenser le système.

Quant à la petite enfance, la politique du libre choix se heurte à l’insuffisance de l’offre de garde collective publique. Dans son rapport de septembre 2008, la Cour des comptes estime que les résultats ne sont pas au rendez-vous ; notre collègue Martine Pinville l’a également brillamment démontré. D’une part, les congés parentaux concernent surtout les femmes peu qualifiées issues de milieux défavorisés et les éloignent durablement du marché du travail. D’autre part, le nombre de crèches progresse trop peu.

Le décret pris par Mme Morano le 7 juin 2010 n’a pas arrangé la situation, bien au contraire. Rappelez-vous la mobilisation « pas de bébé à la consigne ». Hélas, ce ne sont pas les modifications que vous proposez pour le complément de libre choix du mode de garde en faveur des familles monoparentales et des parents handicapés qui vont profondément améliorer la politique de la petite enfance. Il s’agit là de mesures d’affichage, bien en deçà des besoins existants.

C’est à un rééquilibrage entre les prestations financières et les prestations en nature qu’il faut procéder, en faveur, bien entendu, des équipements collectifs. Il est urgent de proposer un plan ambitieux permettant la mise en place d’un réel service public de la petite enfance.

Concernant la perte d’autonomie, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est également en deçà de toutes les attentes et bien loin des annonces gouvernementales. Pourtant, il est urgent de mieux compenser la perte d’autonomie. Il est urgent de proposer un éventail de solutions adaptées aux personnes, respectueuses de leur choix, ainsi que de mieux prendre en compte les aidants, qui, le plus souvent, sont des aidantes. C’est une réforme d’envergure qu’il convient de mettre en œuvre et non des mesures parcellaires qui, tout en étant nécessaires, manquent de cohérence globale.

Je le répète : la solidarité nationale doit couvrir ce risque.

Il ne saurait être question de se tourner vers l’assurance privée qui, à n’en pas douter, sera source d’inégalités, notamment du fait de son coût, et cela sans même garantir une qualité de service.

En presque cinq ans, la politique du handicap et la question de la perte d’autonomie n’auront pas bénéficié des moyens requis, ni n’auront été à la mesure des ambitions annoncées. La déception est grande, et plus que compréhensible.

Ce projet de loi est également trop timide en ce qui concerne la branche accidents du travail maladies professionnelles. Il faut mettre en place une meilleure prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Aujourd’hui, les salariés souffrent, au sens propre comme au sens figuré. J’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, ici même, mais, au risque de me répéter, voici quelques pistes qui mériteraient de susciter votre intérêt.

Sans m’étendre sur la nécessité de garantir une médecine du travail réellement indépendante, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de prendre en compte la satisfaction des salariés à l’égard de leur travail.

La mise en place d’un plan national d’ergonomie participative permettrait d’améliorer les conditions de travail, mais vous n’avez toujours pas daigné donner suite à cette demande.

Lors du débat sur les retraites, nous avons en outre insisté sur la pénibilité du travail. L’utilisation massive de pesticides, la manipulation de produits toxiques mais aussi le port de charges lourdes, les horaires atypiques ou encore le démantèlement des équipes de travail ont des conséquences sur l’espérance de vie. Les épidémies modernes – cancers, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, allergies, dépressions – sont la conséquence de nos conditions de travail, de nos modes de vie et de notre environnement.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Je croyais que le travail c’était la santé !

Mme Anny Poursinoff. On peut toujours plaisanter sur le fait que le travail c’est la santé, monsieur Door. Cela dépend des conditions de travail.

Près de huit millions de personnes sont touchées, en France, par une affection de longue durée. Pourtant, ces maladies sont largement évitables.

Qu’il s’agisse de l’amiante, de la poussière de bois, des pesticides, des OGM ou encore, peut-être, demain, de la laine de verre, des produits organiques persistants, des champs électromagnétiques, il est temps d’agir. Il convient également de ne pas oublier le principe de précaution quand la santé est en jeu.

Las, alors que la santé environnementale et au travail doit être un axe majeur de notre système de protection sociale, ce projet de loi ne prévoit pas de s’y atteler.

C’est en privilégiant une approche globale de la politique de santé que nous parviendrons à pérenniser notre système de protection sociale. À cet effet, il conviendrait de mettre en place une véritable politique d’éducation pour la santé et de prévention. Une approche seulement curative est obsolète. De même, une refonte de l’accès aux soins primaires est à mener. Enfin, il est nécessaire d’obtenir une meilleure répartition et coordination de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

Vous le voyez, c’est tout le système de santé qu’il faut refonder.

Pour résumer mon propos, nous demandons le rejet de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour trois raisons principales.

Premièrement, les projections financières sont faites sur des bases fantasmées et ne résolvent en rien le problème de la dette sociale.

Deuxièmement, les nouvelles économies annoncées vont renforcer les inégalités, à l’opposé des principes inhérents à la solidarité nationale.

Troisièmement, ce projet de loi manque son objectif en s’en tenant à une approche obsolète, notamment en ce qui concerne la santé, et notre système de protection sociale en est fragilisé.

Ce projet de loi ne propose donc aucune solution crédible, bien au contraire. C’est pourquoi nous appelons à voter pour cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Votre gouvernement, mesdames les ministres, nous présente un déficit de 13 milliards d’euros, et vous trouvez que c’est bien, vous vous en réjouissez presque. Nous trouvons, nous, que c’est un peu mieux que les années précédentes, certes,…

M. Guy Lefrand. Allez, encore un effort !

M. Michel Issindou. …mais vous aviez atteint des records, et, avec 30 milliards d’euros de déficit à la fin de l’année 2010, on ne peut pas trop se réjouir. Vous devriez donc faire preuve de beaucoup de modestie en présentant ces chiffres, qui sont encore très mauvais. Ils le sont d’autant plus que le montant de la dette accumulée, amortie par la CADES, est de 136 milliards d’euros. Vous rendez-vous compte ? Nous avons reporté la charge de nos dépenses de fonctionnement courant à l’année 2025, c’est-à-dire qu’elle pèsera sur nos enfants, voire nos petits-enfants.

En plus, vous prétendez revenir à l’équilibre en 2015, avec une croissance de 2 % du PIB et une croissance de 4 % de la masse salariale. Nous attendons de voir ! Les résultats et les projections pour 2012 ne se situent en tout cas pas à ce niveau, et l’on ne croit donc guère à votre retour à l’équilibre en 2015.

Je cite la Cour des comptes : « Aucun de nos grands voisins européens n’accepte des déséquilibres durables de sa protection sociale. » Vous nous donnez souvent des leçons fondées sur des comparaisons avec les pays voisins, en voici une ! Nous sommes le seul pays européen à accepter de tels déficits et à ne pas tenter plus vigoureusement de les combler. Que nous proposez-vous donc ? Treize mesures, censées rapporter, chacune, de 100 millions à quelques milliards d’euros, la plus forte étant celle qui frappera, de manière particulièrement injuste, les mutuelles. Comme tous les ans depuis maintenant quatre ans, vous nous proposez quelques mesures qui ne règlent en rien le problème de fond.

Vous nous reprochez souvent de ne pas vous donner d’idées, de ne pas vous proposer de solutions. Nous entendons souvent : « Vous, vous n’avez pas de projet ! Vous, vous n’avez pas de solutions ! » Bien sûr : vous ne les entendez jamais ! Quand nous parlons de porter le forfait social à 2 %, 4 %, 6 %, 8 % ou 20 %, vous ne nous entendez pas. Quand nous vous demandons de supprimer l’exonération sur les bas salaires, en limitant le champ de cette mesure aux emplois qui ne sont pas délocalisables, comme ceux de la grande distribution ou des entreprises de nettoyage, vous ne nous entendez pas. Quand nous vous demandons de ne pas exonérer les heures supplémentaires de cotisations patronales, vous ne nous entendez pas non plus. Il y avait pourtant largement de quoi combler les déficits sociaux !

S’il était là, Pierre Méhaignerie nous dirait que cela nuirait à la compétitivité globale de notre économie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, et plusieurs députés du groupe UMP. Il aurait raison !

M. Michel Issindou. Non, il n’aurait pas raison ! Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est qu’une affirmation. Lorsque les spécialistes prétendent que les exonérations ont permis de préserver entre 300 000 et 1,5 million d’emplois, cela montre bien que personne n’en sait rien et que personne n’avance de certitudes.

Voilà pourquoi, dans ces conditions, il faut suivre les propos de notre collègue Mme Poursinoff et voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Je serai brève, madame la présidente. Je partage l’ensemble des remarques formulées par Anny Poursinoff, notamment concernant la difficulté d’accès aux soins – sur laquelle elle a beaucoup insisté –, qui devient toujours plus importante et qui s’étend à un nombre grandissant de personnes, et concernant aussi l’absence de réforme d’envergure du financement de la sécurité sociale à la hauteur des enjeux et de la gravité de la situation.

J’ajoute à cela le caractère irréaliste, pour ne pas dire fantaisiste, des prévisions de croissance et de maintien de la masse salariale sur lesquelles ce texte s’appuie.

M. Christian Paul. Hélas !

Mme Jacqueline Fraysse. Pour toutes ces raisons, je ne peux que soutenir la motion déposée par Anny Poursinoff et la voter.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. J’ai écouté avec intérêt notre collègue Mme Poursinoff et ses arguments proposant un rejet préalable. Si nous l’écoutions, nous ne pourrions pas débattre de cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Or je n’ai entendu aucun argument convaincant ni aucune proposition alternative crédible.

Je rappelle à nos collègues que, jusqu’en 1995, le Parlement ne pouvait se prononcer sur les dépenses sociales du pays, qui sont pourtant supérieures au budget de l’État, qui dépendent de l’économie et pèsent notamment sur le coût du travail. C’est un grand progrès, dû au gouvernement d’Alain Juppé, que nous puissions chaque année débattre du budget de la santé, de la famille et de la retraite, sujets qui intéressent tous nos concitoyens.

Certes, il est possible de contester les prévisions économiques sur lesquelles est bâti ce projet de loi. Il est permis de regretter que cette loi de financement ne soit pas votée en équilibre, mais avec un déficit qui, aujourd’hui, n’est pas financé. Nous pourrions également vouloir régler les problèmes que rencontrent nos concitoyens, comme la répartition des professionnels de santé sur le territoire, la permanence des soins ou les dépassements d’honoraires. Mais c’est en débattant des amendements – avec l’espoir qu’ils soient adoptés –, que nous pouvons peut-être faire bouger le texte.

Bien entendu, le groupe Nouveau centre ne votera pas cette motion de rejet préalable. Il attend avec impatience de passer au débat et de discuter des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe UMP.

M. Guy Lefrand. Comme à M. Préel, il m’est difficile de répondre à cette motion de rejet préalable. En effet, j’aurais aimé pouvoir contre-argumenter, mais je n’ai pas entendu d’argument.

J’ai entendu des « toujours plus » et des « jamais content », j’ai entendu l’idéologie face au pragmatisme, une absence de vérité et de responsabilité dans ce discours. Vous semblez dire : « Encore une minute, monsieur le bourreau, continuons à vivre sur la bête ! ». (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) On a du mal à trouver des raisons pour accepter cette motion de rejet.

Dans notre pays, cette année, l’ONDAM se situe à 0,8 % et représente plus de 4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour le social, avec une vraie maîtrise des dépenses, des recettes complémentaires ciblées sur la réduction des niches fiscales et sociales, avec des mesures centrées sur les revenus et la création d’une fiscalité comportementale. Comme l’a dit le président de la commission, Pierre Méhaignerie, nous avons un pays généreux et redistributeur.

Il est temps de passer maintenant à l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour assurer notre avenir et celui de nos enfants.

Nous refusons cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Le temps des comptes et des bilans est venu, puisque nous allons entamer l’examen du dernier PLFSS de cette mandature.

Mais le temps des comptes est venu pour ce seul Gouvernement, madame la ministre. Vous avez tenté, dans votre présentation initiale, de faire comme s’il s’agissait, dans le cadre de ces débats, d’examiner le projet du parti socialiste, pour autant que vous le connaissiez. Mais ce dont nous discutons aujourd’hui, ce sont des propositions du Gouvernement et de lui seul. Ce dont nous discutons exclusivement, madame la ministre, ce sont des promesses et des engagements que vous avez pris et que vous n’avez pas tenus.

Année après année, vous avez promis la responsabilité et nous avons eu les déficits. Année après année, vous avez invoqué la justice et nous avons eu les déremboursements et la réduction de la prise en charge. Année après année, vous avez claironné les réformes et nous constatons l’immobilisme.

À votre décharge, je dois le dire, cela ne date pas de l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Depuis la loi de 2004, le temps des promesses non tenues est clairement ouvert. M. Bertrand, dont nous ne pouvons que regretter l’absence à l’occasion de ce débat – nous espérons qu’il sera présent lors de la discussion des dispositions relatives à la santé –, est venu s’exprimer devant nous et ne juge pas utile d’entendre ce que nous avons à lui dire sur la question de la santé.

Pourtant, il fait partie du Gouvernement depuis 2004 et c’est lui qui a promis, dès 2004, 3,5 milliards d’euros d’économies pour 2005 grâce à la maîtrise médicalisée ; c’est lui qui a pris l’engagement de généraliser le dossier médical personnalisé, que Mme Bachelot a essayé de nous présenter comme une cause sauvée alors qu’elle est désormais enterrée.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Mais non ! Pourquoi mentez-vous ? Il existe !

Mme Marisol Touraine. On nous avait annoncé le rétablissement des comptes pour 2008. En 2007, comme il n’était pas encore au rendez-vous, le retour à l’équilibre a été promis pour 2010 ; en 2010, pour 2012 et aujourd’hui pour 2015 !

Je ne sais pas quels engagements vous prendrez devant les Français mais j’imagine qu’au cours de la campagne présidentielle vous expliquerez que la crise a été tellement terrible que vous n’avez pas pu tenir vos engagements. Certes, la crise est terrible. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Eh oui !

M. Daniel Mach. Non, elle n’existe pas, ce n’est qu’illusion ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marisol Touraine. Pourtant, la Cour des comptes, qui fait un travail objectif, explique que seuls 30 à 40 % du déficit que nous constatons peuvent être imputés à la crise. En effet, la situation en 2008, avant l’éclatement de la crise majeure, montre que vous aviez déjà engagé la sécurité sociale sur la voie d’un déficit de 11 milliards d’euros par an en moyenne, c’est-à-dire plus que ce qui n’a jamais existé sous le gouvernement socialiste de 1997 à 2002 et alors même qu’en 2002, nous avions laissé la sécurité sociale à l’équilibre.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis de la commission des finances. Quand il y avait la croissance, c’était facile !

Mme Marisol Touraine. Voici la vérité de la politique sur laquelle vous devrez rendre des comptes : vous avez augmenté les prélèvements de façon systématique, la prise en charge a diminué, les classes moyennes sont confrontées à des difficultés nouvelles, les catégories populaires sont très souvent méprisées, notamment à travers votre réforme des retraites dont vous vous gargarisez régulièrement.

M. Guy Lefrand. La Cour des comptes aussi!

Mme Marisol Touraine. Cette réforme a eu pour unique résultat de faire porter tout le poids de l’effort sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes.

En cas de victoire de la gauche aux prochaines élections présidentielles, nous prendrons immédiatement les mesures permettant à ceux qui disposeront à 60 ans de la durée légale de cotisation de faire valoir leurs droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. Bonjour la décote !

M. Daniel Mach. Ça, c’est responsable ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie de vous calmer : seule Mme Touraine a la parole.

Mme Marisol Touraine. Je vois que vous n’êtes pas à l’aise sur la question des retraites… (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Vous n’êtes pas sérieuse ?

Mme Marisol Touraine. De quel budget parlons-nous ce soir, madame Pécresse ? En commission, je vous ai fait part des doutes des membres du groupe socialiste quant aux hypothèses de croissance que vous reteniez, à savoir 1,75 % alors que toutes les études tablent sur une croissance de l’ordre de 1 %. Vous reconnaissez désormais que vos prévisions étaient optimistes. Fort bien.

Il ne s’agit pas de se réjouir de la baisse de la croissance. Évidemment, nous regrettons tous de devoir revoir à la baisse les prévisions de croissance, puisque cela aura un impact en termes de chômage, d’emploi et de pouvoir d’achat.

M. Philippe Vitel. On dirait quand même que cela vous fait plaisir !

Mme Marisol Touraine. Madame la ministre, nous voulons savoir quelles conséquences vous tirez pour le présent budget de la sécurité sociale de la situation nouvelle que vous constatez.

Quelle qu’elle soit, la réduction à la baisse de la croissance implique des cotisations en moins, soit environ 1 à 1,5 milliard d’euros de recettes en moins, selon l’ampleur de la réduction.

Le Gouvernement nous annonce un nouveau plan d’austérité. En quoi concernera-t-il la sécurité sociale ? Le plan Fillon du mois d’août portait, pour plus de la moitié, sur la sécurité sociale. Quelles mesures entendez-vous prendre ?

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis de la commission des finances. Elles sont dans le texte !

Mme Marisol Touraine. Nous souhaitons que le texte revienne en commission pour que nous puissions aborder le débat à la lueur de vos informations. Et si vous ne répondez pas à ces questions, cela signifie que votre budget est insincère.

M. Jean Mallot. Eh oui !

Mme Marisol Touraine. Cela signifie que vous ne dites pas aux Français à quelle sauce vous entendez les manger ! Cela signifie que vous méprisez purement et simplement le Parlement ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Merkel a imposé le report du sommet européen à mercredi pour pouvoir consulter son Parlement sur le contenu des mesures à prendre. Et vous, alors même que vous réduisez de façon significative vos prévisions de croissance, vous ne prenez même pas la peine d’informer le Parlement des éléments que vous allez introduire dans ce texte de loi.

Je ne peux pas croire, madame la ministre, que vous ayez un seul instant pensé être dans le vrai et pouvoir nous convaincre lorsque vous nous avez annoncé, dans une dépêche AFP, que l’ensemble des fraudes sociales serait à peu près de l’ordre de 20 milliards d’euros, soit environ 10 % du budget de la sécurité sociale. L’agitation que vous manifestez depuis quelques heures autour de cette nouvelle thématique revient à dire que c’est, au fond, grâce à la chasse à la fraude que nous pourrons faire face à la nouvelle situation financière qui nous est imposée.

Comment pourriez-vous – surtout vous, madame la ministre – croire une seule seconde être dans le vrai ? S’il y a 20 milliards d’euros de fraude, que faites-vous depuis que vous êtes au pouvoir ? Comment avez-vous pu laisser se développer depuis cinq ou dix ans une telle fraude à la protection sociale ?

M. Philippe Vitel. Demandez à Mme Poursinoff ?

M. Philippe Meunier. C’est un peu léger !

Mme Marisol Touraine. Je veux croire que vous avez d’autres réponses à apporter aux Français en matière de protection sociale.

Comme je l’ai dit, le temps du bilan est venu. Le vôtre sera celui de l’irresponsabilité érigée en politique. Je ne reviens pas sur l’évolution des déficits que vous avez accumulés.

M. Philippe Meunier. Un peu de modestie !

Mme Marisol Touraine. Irresponsable, votre gestion l’a été également en matière de retraites, puisque vous avez choisi de saborder le fonds de réserve des retraites, qui devait pourtant préparer au choc démographique des années 2020-2030. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. La campagne va être dure pour vous ! On va s’occuper de vous !

M. Jean Mallot. Ce sont les électeurs qui vont s’occuper de vous !

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est pas gentil !

Mme Marisol Touraine. Nous sommes prêts à assumer nos responsabilités, je vous rassure !

En revanche, vous avez été constants dans la multiplication des prélèvements injustes et des diminutions de prise en charge, qui n’ont d’autre effet que d’accroître les inégalités en matière de santé.

Depuis cinq ans, les Français sont confrontés à la réduction de la prise en charge que vous menez avec constance. Cette année, dans votre projet, nous retrouvons la même volonté de faire porter sur les ménages des classes moyennes et des catégories populaires l’essentiel de l’effort.

La première illustration, c’est évidemment la taxe sur les mutuelles que vous avez imposée. Le taux de la contribution CMU est passé de 1,75 % lors de sa création à 5,9 %. Le taux de la taxe sur les contrats solidaires, qui n’existait pas précédemment, atteint aujourd’hui 7 % et certains taux sont à 9 %. Or vous savez pertinemment que cette taxe est régressive puisqu’elle ne tient pas compte du revenu, qu’elle frappe donc davantage les personnes âgées et les ménages avec enfants.

M. Michel Vergnier. Eh oui !

Mme Marisol Touraine. Qui plus est, en raison du coût des mutuelles, un nombre important d’étudiants est amené à renoncer à toute couverture, à tel point que le conseil général que je préside a fait le choix, quand bien même cela ne ressort pas à sa compétence, de s’engager pour aider à l’acquisition d’une couverture complémentaire des étudiants.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous l’avons déjà fait !

Mme Marisol Touraine. Peut-être, mais personne ne s’en rend compte…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais si !

Mme Marisol Touraine. …puisque nous avons été appelés à la rescousse par des étudiants dépourvus de couverture santé !

Deuxième exemple d’un désengagement qui pénalise les ménages : la CSG que vous imposez sur le complément de libre choix d’activité. Cela représentera une somme importante. Surtout, il s’agira en fait d’une double peine pour les femmes concernées – car ce sont évidemment les femmes qui seront principalement touchées –, dont les revenus n’excèdent pas 560 euros par mois et qui sont souvent amenées à garder leurs enfants à domicile faute d’une solution d’accueil au sein de la collectivité. En effet, la suppression de l’accueil des jeunes enfants, en particulier à l’école, a abouti à la saturation des modes de garde.

Vous avez commencé par enfermer ces femmes dans l’inactivité. Pour notre part nous ne sommes pas du tout convaincus par le mécanisme qui consiste à renvoyer au foyer les femmes, notamment celles qui ont les plus faibles salaires et les plus bas niveaux de formation, et à leur faire garder durablement leurs enfants à domicile. Aujourd’hui, en taxant leurs revenus, vous pénalisez doublement ces femmes modestes. C’est bien le signe d’une politique familiale erratique.

Même s’il ne figure pas dans ce texte, le troisième exemple de prélèvements indus restera dans les annales de la protection sociale : c’est la fameuse la taxe sur les boissons sucrées, qui a occupé les débats de façon incroyable et est la caricature d’une politique qui ne sait vraiment pas où elle va !

Vous avez commencé par invoquer la lutte contre l’obésité. Mais l’alibi n’a même pas tenu le temps du débat en commission. Comme pour le tabagisme et l’alcoolisme, contre lesquels il faut lutter avec détermination,…

M. Guy Malherbe. La lutte contre le tabac, ce n’est pas vous !

Mme Marisol Touraine. …on sait que l’effet des hausses de prix sur les comportements suppose qu’elles s’inscrivent dans une politique de santé publique globale.

Or, outre que personne ne croit que 2 centimes de plus par canette modifieront les comportements, nous attendons toujours de la part du Gouvernement une politique de santé publique digne de ce nom.

Certes vous n’assumez plus cette responsabilité, madame Bachelot, mais la loi HPST restera une tache de honte au front du Gouvernement en matière de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Même si vous ne le souhaitiez pas à titre personnel, votre majorité vous a amenée à reculer devant tous les lobbies.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. C’est faux !

Mme Marisol Touraine. Vous avez ainsi reculé pour l’obésité, pour l’alcool et, un peu moins, pour le tabac. Tout ceci est très préoccupant.

M. Guy Malherbe. C’est grotesque !

Mme Marisol Touraine. Nous attendons par ailleurs toujours la loi de santé publique que vous-même et votre successeur aviez promise.

Mais le pompon, c’est que désormais on ne parle plus du tout de lutter contre l’obésité !

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général. C’est une priorité de santé publique !

Mme Marisol Touraine. Peut-être, mais croyez-vous que c’est avec une taxe sur les sodas créée en fait pour permettre l’embauche de nouveaux salariés par les agriculteurs que vous allez lutter contre l’obésité ? Même vous, monsieur Bur, reconnaîtrez qu’il n’est pas évident de trouver le lien entre l’emploi des agriculteurs et la taxe sur les sodas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans le même temps que nous assistons à l’augmentation des prélèvements, nous voyons les prestations se réduire. À cet égard, deux mesures sont particulièrement injustes.

Tout d’abord vous réduisez le montant des indemnités journalières des personnes affectées par la maladie. C’est de l’injustice à l’état pur ! De 40 à 80 € de moins pour des hommes et des femmes malades, c’est très important, notamment pour ceux qui le sont durablement. Le plus désagréable est sans doute le discours prétendument de « responsabilisation » qui accompagne cette mesure et qui laisse entendre que, dans la mesure où les indemnités journalières ont augmenté d’une année sur l’autre, on peut une fois de plus imaginer qu’il y a eu fraude.

Allez-vous expliquer à un malade du cancer qu’il est en train de frauder et que réduire ses indemnités est destiné à le « responsabiliser » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Assumez-le, vos électeurs nous entendent, ils sauront quoi penser de cela…

M. Bertrand a dit qu’il fallait avoir le courage de réduire les dépenses. Nous sommes un certain nombre à considérer qu’il ne faut pas voir peur d’en réduire certaines,…

Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Daniel Mach et M. Philippe Meunier. Lesquelles ?

Mme Marisol Touraine. …mais je ne suis pas certaine que vous ayez fait les bons choix…

M. Daniel Mach. Vous parliez d’économies, lesquelles ?

Mme Marisol Touraine. À l’inverse, vous avez renoncé à protéger nos concitoyens face à l’explosion des dépassements d’honoraires. Vous essayez de forcer la décision sur le secteur optionnel mais ce n’est en rien une solution. Tel que le système est conçu, il va se traduire par des dépassements en plus. Il permettra à des médecins actuellement en secteur 1, donc qui pratiquent des tarifs opposables, de dépasser, alors que ceux qui dépassent beaucoup en secteur 2 ne seront nullement incités à baisser leurs trafics.

M. Guy Malherbe. Que proposez-vous ?

Mme Marisol Touraine. Plus préoccupant encore, le système du secteur optionnel fait tout simplement du dépassement d’honoraires la règle, les organismes complémentaires étant appelés à en assurer le paiement.

M. Michel Issindou, M. Jean Mallot et M. Simon Renucci. Tout à fait !

Mme Marisol Touraine. Vous assumez ainsi le transfert d’une partie de la dépense de la sécurité sociale vers les organismes complémentaires.

M. Guy Malherbe. Que proposez-vous ?

Mme Marisol Touraine. M. Bertrand nous dit que le reste à charge pour les patients n’a pas augmenté ces dernières années. C’est vrai pour le reste à charge direct, mais le reste à charge indirect a évidemment augmenté puisque ce sont maintenant les mutuelles et les organismes complémentaires qui prennent le relais et que, selon le contrat que l’on est capable de payer, on est plus ou moins bien pris en charge.

M. Guy Malherbe. Que proposez-vous ?

Mme Marisol Touraine. Nous affirmons donc que l’encadrement et le plafonnement des dépassements d’honoraires seront une priorité pour le futur gouvernement de gauche. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Lefrand. Vous n’avez pas encore gagné !

Mme Marisol Touraine. Le résultat de votre politique est dramatique. Des études montrent en effet que nombre de nos compatriotes affirment avoir renoncé aux soins, en particulier à l’accès aux spécialistes, notamment à la lunetterie et aux soins dentaires. J’ai été quelque peu surprise, madame la ministre Pécresse, par votre étrange syllogisme à ce propos, puisque vous nous avez expliqué que vous ne sauriez accepter que l’on dise qu’il y avait des renoncements aux soins dans notre pays – que faites-vous de ces études ? – mais aussi que des Français sont en difficulté sociale et que ceux qui sont dans ce cas renoncent à des soins, mais pas de façon médicale... Ne sommes-nous pas finalement d’accord pour constater qu’un certain nombre de nos compatriotes ne parviennent plus à se payer l’accès à la santé ?

C’est un effet de votre politique et, vous qui avez aujourd’hui les yeux rivés sur le triple A qui risque de disparaître,…

M. Philippe Vitel. Eh oui !

Mme Marisol Touraine. …vous aurez réussi, tout au long des dix dernières années, à conserver un triple D : dettes accumulées, déremboursements injustifiés, démembrement du système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous me demandez ce que nous proposons.

M. Daniel Mach. Comme économies !

Mme Marisol Touraine. Nous considérons tout d’abord qu’il faut rechercher de nouveaux financements,…

MM. Guy Lefrand, Daniel Mach et Philippe Meunier. Des impôts !

Mme Marisol Touraine. …ce que vous faites d’ailleurs vous-mêmes ; de nouveaux financements pour une refonte structurelle de l’assurance maladie.

Rechercher de nouveaux financements, c’est d’abord mettre les revenus du capital à contribution...

M. Daniel Mach. Vous ne l’avez jamais fait !

Mme Marisol Touraine. …au même niveau que les revenus du travail. C’est une exigence de justice, c’est aussi un gage d’efficacité.

Il est par ailleurs urgent de remettre en cause les niches fiscales et sociales.

M. Philippe Vitel. Olé !

Mme Marisol Touraine. Alors que le rapport de l’inspection des finances fait état de 50 milliards de niches aux effets douteux, vous trouvez le moyen d’en créer de nouvelles à travers l’aide à l’emploi pour les agriculteurs. Dans le même temps, vous vous abstenez de revenir sur la suppression des cotisations sur les heures supplémentaires, qui représentaient près de 4 milliards d’euros par an et qui pourraient constituer une ressource importante.

M. Daniel Mach. Dites-le à ceux qui travaillent !

Mme Marisol Touraine. Nous préconisons, outre la remise à plat de ces niches, d’en plafonner le bénéfice à 10 000 € par foyer contribuable. Vous le savez, nous proposons par ailleurs depuis deux ans de mettre fin à la niche dite Copé et d’en affecter le produit à la sécurité sociale.

La compétitivité de notre économie imposera enfin de rechercher de nouvelles ressources qui ne peuvent plus être assises sur le coût du travail. Nous pensons que la TVA sociale est une mauvaise idée, car elle pèsera davantage sur le pouvoir d’achat, donc sur la consommation des ménages. Mais la croissance inévitable des besoins de santé dans les années à venir suppose de ne pas alourdir davantage les cotisations pesant sur le travail, donc de mettre en œuvre de nouveaux dispositifs afin d’alimenter la sécurité sociale.

Nous proposerons un certain nombre de mesures…

M. Guy Malherbe. Ah !

Mme Marisol Touraine. …dans le cadre de la campagne présidentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Lesquelles ?

Mme Marisol Touraine. Si vous aviez suivi avec attention nos débats de primaires, vous en auriez déjà une petite idée. (Mêmes mouvements.)

Il nous faudra répondre aux nouveaux défis de santé. Afin de faire face à la tendance récente au creusement des inégalités de santé, nous avons besoin d’une autre organisation de notre système. Aujourd’hui, l’écart entre les espérances de vie ne se réduit pas : celle d’un ouvrier est toujours plus courte de sept ans que celle d’un cadre supérieur.

M. Bur disait tout à l’heure qu’une politique de santé publique devait prendre en compte le phénomène de l’obésité. Il ne me contredira donc pas si je rappelle qu’à l’âge de cinq ans il y a deux fois plus d’enfants obèses chez les ouvriers et les employés que dans les familles de cadres supérieurs. Cela signifie que nous faisons face à une situation difficile et qu’il faut engager une politique permettant d’apporter des réponses.

M. Yves Bur, rapporteur. De belles intentions !

Mme Marisol Touraine. Une partie de nos concitoyens est en effet frappée d’une double peine sanitaire et sociale : ceux qui sont confrontés aux environnements de vie et de travail les plus difficiles sont aussi ceux qui ont le moins accès à la prévention et au système de soins.

Il faut engager des réformes dans trois directions : renforcer la prévention…

M. Michel Vergnier. La médecine scolaire !

Mme Marisol Touraine. …et mettre en place une véritable politique de santé publique, recentrer le système de soins sur la proximité, engager une politique du médicament résolue.

J’ai déjà évoqué le premier axe : renforcer la prévention. J’ai indiqué à quel point c’était un échec majeur de votre politique. Il faudra à la fois renforcer la médecine scolaire et la médecine du travail, qui ont un rôle essentiel à jouer en matière de prévention, d’autant que leur action participe au renforcement des soins de premier recours.

M. Michel Vergnier. La prévention d’aujourd’hui, ce sont les économies de demain !

Mme Marisol Touraine. Il est temps de rompre avec le primat donné dans notre pays aux soins et au curatif. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit à propos de la loi HPST.

Le renforcement de la prévention passe aussi par la refonte des modes de rémunération des professionnels : une fois de plus, nous le regrettons, ce PLFSS reporte la généralisation des expérimentations introduisant une part de rémunération forfaitaire. Depuis le temps que ce point est en débat entre nous, il nous semble indispensable de franchir cette étape.

M. Philippe Vitel. C’est déjà fait !

Mme Marisol Touraine. Qui dit prévention dit aussi prévention de la dépendance. C’est l’occasion de vous dire, madame Bachelot, le regret que nous avons de l’abandon de toute réforme en la matière. Nous n’aurions peut-être pas été d’accord sur la réforme que vous auriez pu proposer.

M. Daniel Mach. C’est sûr !

Mme Marisol Touraine. Mais comme vous n’en avez pas proposé, je ne peux pas dire a priori que nous aurions été en désaccord. Et ce n’est pas le fait que vous ayez pris quelques mesures supplémentaires en direction du secteur médicosocial qui fera oublier aux Français qu’ils sont des centaines de milliers à être confrontés à la perte d’autonomie et à attendre des mesures fortes qui impliquent une politique de solidarité.

Notre deuxième axe est de recentrer le système de soins sur la proximité.

Nous considérons que la loi HPST en la matière a été un échec dont les résultats sont nuls, inexistants.

M. Philippe Vitel. C’est faux !

Mme Marisol Touraine. L’hôpital public est essoré, les urgences débordées, le personnel démotivé.

M. Daniel Mach. C’est à cause des 35 heures ! Assumez !

Mme Marisol Touraine. La réforme de son mode de financement est aujourd’hui une exigence : le service public hospitalier n’est pas assimilable à une entreprise, son financement doit tenir compte des contraintes sociales auxquelles il est confronté. Sans quoi, il ne pourra continuer d’assumer ses missions, qui sont à la fois d’excellence et de solidarité.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. Vous oubliez les 35 heures !

Mme Marisol Touraine. Je voudrais insister sur le nécessaire renforcement des soins de proximité en médecine ambulatoire.

Vous revendiquez la mise en place, avant la fin de l’année 2011, de 250 maisons de santé. C’est une proposition que les socialistes ont toujours soutenue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et qu’ils soutiennent massivement sur le plan financier puisque ce sont les collectivités locales qui payent, en l’absence de financement pérenne de l’assurance maladie.

M. Michel Vergnier. C’est vrai !

Mme Marisol Touraine. Vous êtes bien contents de trouver les régions et les conseils généraux pour payer vos maisons de santé !

Au-delà de ces questions de financement il ne faut pas se cacher la portée encore limitée de ces actions qui concernent moins de 5 % des généralistes en France et, souvent, ne s’appuient pas sur un projet médical permettant le fonctionnement en équipe pluridisciplinaire.

Nous disons que la lutte contre les déserts médicaux passe par une révision des études de médecine, par la mise en œuvre d’incitations qualitatives fortes, par un partenariat entre médecins et infirmières, par des transferts accrus de compétences et par la révision des modes de rémunération des professionnels de santé.

M. Guy Lefrand. Par la coercition !

Mme Marisol Touraine. Nous ne sommes pas favorables à la coercition.

S’agissant de notre dernier axe, il faut une véritable politique du médicament. Car le médicament reste le grand absent de vos politiques, malgré les quelques avancées de la loi récemment votée.

M. Yves Bur, rapporteur. Vous ne pouvez pas dire cela…

Mme Marisol Touraine. Vous le dites vous-même, monsieur Bur !

Avec la crise du Mediator, le Gouvernement et sa majorité ont semblé découvrir les avantages d’une régulation forte du système de santé. Et beaucoup des dispositions proposées – je vous rappelle que nous n’avons pas voté contre le texte de loi sur le médicament – s’inspirent de propositions présentées ou soutenues ici. Mais vous n’allez pas assez loin ! C’est à une remise à plat complète des médicaments remboursés qu’il faut procéder. Il est urgent de franchir une nouvelle étape en matière de génériques, dont la prescription stagne, il est indispensable de garantir que seule la véritable innovation thérapeutique sera remboursée, il est nécessaire de mieux soutenir la baisse de la consommation de médicaments, qui passera par une baisse de la prescription. La surconsommation de médicaments en France reste un sujet de préoccupation à la fois financière et thérapeutique.

Puisque j’arrive au terme de mon intervention (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je dirai que vous avez fait, une fois de plus, le choix d’un projet marqué par une vision comptable et dominé par des considérations à court terme. Nous n’en savons pas précisément les raisons. Certains diront que c’est par volonté de transférer aux assurances privées, mais peu importe. En tout cas, les considérations idéologiques ou tactiques qui ont été les vôtres ne font pas une politique. D’autres perspectives sont envisageables.

Compte tenu de l’absence totale d’indications sur la nature exacte du projet que vous allez, dans la pratique, mettre en œuvre – non de celui que vous annoncez devant nous aujourd’hui –, alors que vous dites qu’un certain nombre d’hypothèses sont à revoir, nous demandons le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je répondrai brièvement aux trois principales attaques formulées contre ce PLFSS, et plus généralement contre la politique du Gouvernement.

Votre première attaque consiste à dire que les filets de protection sociale ont été abîmés durant ce quinquennat.

M. Christian Paul. Ce n’est pas une attaque, c’est la vérité !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vais vous donner quelques chiffres, car je veux des faits objectifs. Je ne veux pas que l’on puisse « blablater » autour d’un sujet aussi grave. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

L’allocation adulte handicapé a augmenté de 25% en cinq ans. Le minimum vieillesse a également augmenté de 25 % en cinq ans. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Quant aux dépenses sociales de l’État, elles ont augmenté de 37 % en cinq ans. (Mêmes mouvements.)

M. Michel Issindou. Et le déficit ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quant au montant consacré au revenu de solidarité active, il est de 1,5 milliard d’euros, en plus du montant jusqu’alors disponible, pour permettre la réinsertion par le travail des personnes les plus en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tout cela pour vous prouver que jamais les filets de protection sociale n’ont été aussi solides dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils ont été constamment renforcés par cette majorité.

M. Michel Vergnier. On en reparlera !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Touraine, vous n’avez pas pu citer dans votre discours un seul exemple de dépense sociale qui aurait baissé durant ce quinquennat.

Votre deuxième attaque, c’est que l’accès aux soins est la grande victime de notre politique courageuse de réforme de l’hôpital, de l’assurance maladie ou des retraites. Je vais encore vous donner des chiffres, car il faut être précis et dire la vérité des chiffres.

En 2004, le taux de couverture des Français par une mutuelle était de 91,5 %. En 2008, ce taux est passé à 94 %. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe UMP.) Le taux de couverture par une mutuelle a donc augmenté ! Vous citez les étudiants : permettez-moi de vous dire que j’étais ministre de l’enseignement supérieur quand nous avons décidé de mettre en place une aide à la mutuelle complémentaire de 200 euros pour les étudiants boursiers les plus défavorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je suis désolée, mais il faut dire la vérité !

Je vais vous donner d’autres chiffres, madame Touraine, puisque vous les aimez tant. Le reste à charge des patients en France est passé de 9,7 % à 9,4 %.

M. Jean Mallot. De quels chiffres s’agit-il ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce ne sont pas mes chiffres, monsieur Mallot, ce sont ceux de l’OCDE, ceux de la commission des comptes…

M. Jean Mallot. De quelle année ? Sinon, vous parlez dans le vide !

Mme Valérie Pécresse, ministre. De 2010, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Et l’autre année ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s’agit de 2009. Ne soyez pas mauvais joueur, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Nous ne sommes pas joueurs, ici, nous sommes députés !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ayez l’honnêteté de reconnaître que ces chiffres sont en baisse !

M. Jean Mallot. Vous savez compter, mais moi aussi !

Mme la présidente. Laissez Mme la ministre s’exprimer !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces chiffres montrent que nous avons le reste à charge quasiment le plus faible du monde. Nous avons le meilleur système de santé et le moins cher du monde, après les Pays-Bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Votre troisième assertion, madame Touraine, est que nous n’aurions pas placé l’équité au cœur de notre politique.

Je vous donne un autre chiffre : 1,9 milliard d’euros. C’est la somme, réforme de l’ISF comprise, de l’ensemble des prélèvements que nous avons faits depuis 2010 sur les ménages les plus aisés.

M. Jean Mallot. Après tous les cadeaux qu’ils ont eus !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Arrêtez de dire des mensonges ! Nous avons pris vingt-cinq mesures de taxation concernant, par exemple, les stock options, les parachutes dorés, les retraites chapeaux, alors que vous les en aviez exonérés, mesdames et messieurs les députés socialistes, quand vous étiez au pouvoir !

M. Michel Vergnier. Nous en reparlerons !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous les avons taxés, nous. Telle est la vérité des chiffres. Ce n’est, madame Touraine, ni du blabla ni de l’idéologie ni de la facilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, qui permet aux modestes députés de l’opposition de faire un commentaire sur l’organisation de nos travaux.

Il est toujours très intéressant d’entendre les certitudes de Mme Pécresse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Cela n’a rien à voir avec le règlement !

M. Christian Paul. Elle nous met au défi d’identifier des cas très précis de régression de la couverture sociale, et notamment de la couverture maladie dans notre pays.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Christian Paul. Pourtant, depuis quelques années, nous vivons à la fois les déremboursements, les franchises médicales et, probablement demain, pour la première fois depuis 1945, la baisse des indemnités journalières. Voilà, madame Pécresse, des exemples très précis !

Mais ce qui me conduit, madame la présidente, à prendre la parole au nom du groupe socialiste, c’est notre extrême étonnement devant l’absence de M. Xavier Bertrand.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Vous l’aimez beaucoup !

M. Christian Paul. Nous aimons beaucoup les certitudes de Mme Pécresse, mais nous aurions également beaucoup aimé entendre ce soir les certitudes de M. Bertrand.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Il va arriver.

M. Christian Paul. Qu’est-ce qui explique l’absence de M. Bertrand ? Est-ce parce que, dès 2010, il parlait du retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale ? En 2010, le déficit atteignait 24 milliards.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Est-ce bien un rappel au règlement ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Non, c’est une explication de vote !

M. Christian Paul. Il le disait aussi pour 2011 : 18 milliards d’euros…

Mme la présidente. Monsieur Paul, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement. Vous intervenez sur le fond. Je vous ai laissé vous exprimer pendant deux minutes, je vous remercie de conclure maintenant.

M. Christian Paul. Madame la présidente, je constate l’absence du ministre de la santé, qui est profondément choquante. Nous allons lui laisser quelques minutes pour rejoindre l’hémicycle. Faute de quoi nous demanderons une suspension de séance.

Motion de renvoi en commission (suite)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Parmi les nombreuses raisons qui justifient cette motion de renvoi, j’en retiendrai deux.

D’abord, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses présentés dans votre projet de loi ne sont pas acceptables et ne permettent pas d’assainir les finances de la sécurité sociale.

La fragilité – voire le caractère déjà caduc – des hypothèses économiques retenues suffirait en elle-même à justifier le renvoi en commission. Votre projet de loi s’appuie sur un taux de croissance de 1,75 % en 2012. Nous serons plus probablement en deçà de 1 %.

Comme le dit le Premier président de la Cour des comptes, les dépenses courantes, comme celles de la sécurité sociale, doivent être assumées par les générations actuelles. On en est loin dans votre projet de loi. Le déficit de la sécurité sociale est annoncé à 19,4 milliards en 2012, en faible recul, vous le reconnaîtrez, par rapport au record de 2010, à savoir 29,6 milliards d’euros.

Il n’y a pas de perspective de rétablissement à terme, avec une prévision de près de 14 milliards de déficit en 2015. Qu’est donc devenue votre fameuse règle d’or ? Tout ceci pose question. Que vont devenir les déficits ainsi accumulés ? Hors vieillesse, le total à éponger sera quand même, fin 2015, de plus de 38 milliards d’euros.

Je rappelle qu’à la fin 2011 la dette restant à rembourser par la CADES sera de 143 milliards d’euros. Une belle somme ! Dans ce projet de loi, vous augmentez la CSG et vous réduisez les indemnités journalières des arrêts maladie, mais vous rejetez les amendements que nous avons proposés en commission pour équilibrer les comptes.

La deuxième raison pour laquelle nous demandons le renvoi du texte en commission porte sur le fait que le projet de loi continue à réduire l’accès aux soins et à creuser les inégalités. Je ne reviens pas sur la réduction des indemnités journalières des arrêts maladie, je n’insiste pas davantage sur le doublement de la taxe sur les mutuelles, qui se répercutera inévitablement sur les cotisations des assurés. Ces dernières années, les cotisations des mutuelles ont augmenté de 8 % par an.

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Entre 2005 et 2010, le reste à charge pour les ménages est passé de 9 % à 9,4 %.

M. Daniel Mach. Tous vos chiffres sont faux !

M. Jean Mallot. Tout cela résulte d’une série de déremboursements et de franchises, ainsi que de la multiplication des dépassements d’honoraires.

C’est dans ce contexte que vous vous préoccupez de permettre aux hôpitaux de faire du bénéfice sur les patients étrangers fortunés. Cela ne s’invente pas !

Mme la présidente. Merci, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Les raisons sont nombreuses, madame la présidente, de retourner en commission pour examiner à nouveau ce PLFSS qui n’est pas à la hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, Marisol Touraine a souligné à juste titre le recul permanent, d’année en année, de la date de l’équilibre annoncé du budget de la sécurité sociale qui, comme l’infini, s’éloigne au fur et à mesure que l’on avance.

C’est évidemment l’illustration de votre volonté de tromper nos concitoyens en espérant qu’ils vous croient, et de votre autosatisfaction permanente, dont l’augmentation est proportionnelle à l’aggravation de la situation liée à vos choix politiques. Mais cette autosatisfaction ne suffira malheureusement pas à modifier la réalité : cette réalité vécue par nos concitoyens qui ne sont pas dupes et celle des finances sociales en déficit. Je le répète, votre texte ne propose, face à cette situation, aucune réforme d’envergure du financement de la sécurité sociale et il s’appuie, de surcroît, sur des prévisions erronées.

Ne serait-ce que pour ces seules raisons – je n’en développerai pas d’autres qui ont été déjà abordées – cette motion de renvoi en commission est justifiée et nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je serai bref parce que nous avons déjà travaillé en commission et étudié de nombreux amendements, Pierre Méhaignerie est là pour en témoigner. J’ai cru comprendre que 730 amendements ont été déposés et seront examinés en séance publique. Nous aurons par conséquent le temps, tout au long des débats, de les étudier et d’améliorer, si certains le souhaitent, le texte présenté par le Gouvernement.

M. Jean Mallot. Si le Nouveau Centre avait déposé moins d’amendements !

M. Jean-Luc Préel. Je répondrai à Jean Mallot, qui a cité les 19 milliards de déficit de cette année.

M. Jean Mallot. Bien sûr, et il faudra payer !

M. Jean-Luc Préel. Si on additionne le FSV, on obtient effectivement ce chiffre. Nous avons transféré, l’année dernière, les déficits de la branche retraite et du FSV à la CADES.

Mme Michèle Delaunay. Il ne faut pas vous en vanter !

M. Jean-Luc Préel. Il ne reste par conséquent à financer cette année que 8,2 milliards. C’est pourquoi je proposerai par un amendement, qui je l’espère sera adopté, une augmentation de la CRDS de 0,05 %, ce qui suffirait pour présenter une loi de financement en équilibre et répondre ainsi à la demande de la Cour des comptes. Cela me paraît de surcroît nécessaire si l’on ne veut pas confier à nos enfants nos propres déficits. Je souhaite que l’on puisse voter une loi de financement en équilibre, ce qui serait d’ailleurs un excellent signe pour les agences de notation. Je ne vois pas pourquoi cette modeste augmentation ne serait pas acceptée alors que l’on augmente par ailleurs, à hauteur de 6 milliards, les impôts et taxes divers et variés.

M. Jean Mallot. Voilà une bonne idée !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Je vous ai trouvée ce soir égale à vous-même, madame Touraine, que ce soit sur le fond ou sur la forme.

M. Christian Paul. C’est l’hommage du vice à la vertu !

M. Christian Hutin. C’est élégant, monsieur Vitel !

M. Philippe Vitel. S’agissant de la forme, vous êtes égale à vous-même en termes de mauvaise foi, d’agressivité et de provocation. Sur le fond, vous êtes égale à vous-même en termes de propositions iniques : augmentation des impôts, destruction de toutes les niches sans savoir si elles ne sont pas génératrices d’emplois ou de soutien aux personnes en difficulté et aux personnes âgées dépendantes.

M. Michel Vergnier. De quoi parlez-vous ?

M. Philippe Vitel. Je crois que ces propositions n’apporteront jamais de bien-être à nos concitoyens.

Vous êtes aussi égale à vous-même dans vos constats partisans. Vous revenez en effet toujours sur la volonté de faire porter l’effort sur les ménages et les classes moyennes, sur la double peine sanitaire et sociale, et j’en passe !

D’un simple point de vue comptable et économique, je ne doute pas que vous soyez en mesure de faire la différence entre le déficit structurel et le déficit conjoncturel. Quoi que vous en pensiez, le déficit structurel diminue régulièrement depuis 2004. Oui, la crise est là, elle est majeure et elle génère du déficit bien au-delà des 30 ou 40 % que vous avez bien voulu citer.

La loi HPST suit son cours. Nous avons d’ailleurs eu le courage de la modifier grâce à loi Fourcade votée voici quelque temps.

La chasse à la fraude, madame Touraine, correspond tout simplement à notre volonté de défendre les honnêtes gens. Vous pourriez la respecter. Le rapport de Dominique Tian, totalement confirmé par les rapports de M.  Migaud, président de la Cour des comptes, nous pousse à aller aujourd’hui dans cette direction.

Mme Pécresse a énuméré des chiffres très intéressants et très importants. Je me contenterai d’en citer trois, s’agissant de ce PLFSS : un objectif de dépenses en hausse de 3,6 %, une diminution du solde négatif de 4,7 millions d’euros et un effort de redressement de 8 millions d’euros.

Voilà, mes chers amis, les raisons pour lesquelles il est urgent aujourd’hui – et vous nous avez mis en appétit – de passer très rapidement au débat. Le travail en commission a été parfaitement bien fait. Il est inutile d’y revenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Madame la ministre de la cohésion sociale et des solidarités, j’insisterai pour ma part, pendant ces quelques minutes, sur un sujet qui nous occupe – nous passionne, devrais-je dire – depuis plusieurs années. Il s’agit bien évidemment, et vous n’en serez pas surprise, de la grande réforme en faveur de l’autonomie des personnes âgées que votre gouvernement a fort maladroitement tenté de populariser sous le terme de « dépendance des personnes âgées ». L’heure n’est plus aux regrets sémantiques. Car, de réforme de la dépendance, d’établissement d’un cinquième risque de sécurité sociale ou de mise en place d’un mouvement pour l’autonomie des personnes âgées, il n’y en aura pas… en tout cas sous votre majorité !

M. Christian Paul. C’est passé à la trappe !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous étions pourtant quelques-uns à avoir cru dans le volontarisme affiché par M. le Président de la République quand il déclarait il y a seulement huit mois : « Ceux qui me conseillent d’attendre devraient se pencher sur les difficultés inextricables et si douloureuses dans lesquelles sont plongées tant de familles. »

M. Christian Paul. On ne pouvait pas le croire une seconde !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Pourquoi ne l’aurions-nous pas cru ? Le Président de la République s’était engagé sur ce terrain bien avant son élection. Certes, chaque année, votre gouvernement reportait la réforme à l’année suivante et notre confiance diminuait. Mais, madame la ministre, vous nous répétiez que cette réforme viendrait. Vous me l’avez même promis ici même, il y a un mois. Quand ce n’était pas vous, c’était M. le ministre Bertrand, Mme la secrétaire d’État Létard, Mme la secrétaire d’État Berra, voire M. le Premier ministre.

Je citerai un rapport au Sénat, il y a trois ans, un autre ici même, voici un an et demi, six mois de travailm, de réunions auxquelles Mme Pinville et moi-même avons participé, des dizaines de colloques. Mais cela ne suffisait pas ! Mme Bachelot met alors en place quatre groupes de travail destinés à plancher sur tous les aspects de l’autonomie des personnes âgées, y compris le versant financier. On aurait pu penser que cette précaution, une de plus, serait la bienvenue – après tout, la crise était déjà là ! –, et réfléchir au meilleur moyen de financer une réforme ambitieuse dans un contexte difficile pouvait relever du bon sens. Tous les professionnels et acteurs du secteur se sont engagés sans arrière-pensée dans ces débats, y consacrant beaucoup de temps, quand la situation sur le terrain ne leur en laissait pas suffisamment.

Et puis, le 24 août dernier, nous avons appris qu’il ne se passerait rien ! La décision du Gouvernement était alors motivée par « la crise financière mondiale » et par la volonté de ne pas légiférer « dans l’urgence ». Comme si, la crise financière était un fait nouveau ! Comme si votre gouvernement n’avait jamais légiféré dans l’urgence ! Quatre ans et demi d’urgence, rendez-vous compte !

L’on estimait à 4 milliards l’effort nécessaire pour opérer cette réforme. Vous mettez en avant – cela a été souligné tout à l’heure – la progression de 6,3 % de l’ONDAM médico-social, ce qui représente, je crois, 393,4 millions d’euros. Évidemment, le compte n’y est pas. Quant aux services à domicile, je doute que les 50 millions d’euros contenus dans le projet de loi de finances suffisent à renverser la vapeur et à rétablir la confiance du secteur, des usagers et des départements. Les professionnels, les députés, les sénateurs, les acteurs et vous-même, madame la ministre, ont tous travaillé durant ces quatre ans. Mais nos familles et nos aînés souffrent, et les moyens diminuent. Je n’en ai pas le temps, mais je pourrais vous parler de la réforme de la tarification dans les établissements. Je pourrais vous citer toutes les associations qui accomplissent une tâche extraordinaire et qui disparaissent ! Je pourrais vous parler de nouveau du plan « Solidarité grand âge », à l’occasion duquel Philippe Bas nous parlait, ici même, du principe « une personne pour un patient » : nous en sommes loin ! Il ne me reste que dix secondes et je n’ai pas le temps de citer d’autres exemples.

Je vais donc conclure. Je suis amère, madame la ministre, et je pense très sincèrement que vous l’êtes aussi. Je crois que vous faisiez partie de ceux qui recommandaient au Président de la République de ne pas attendre. Je constate avec dépit, que vous n’avez pas été entendue. Le seul espoir, concernant l’autonomie de nos aînés ou d’autres domaines, réside désormais, et je l’espère, dans l’alternance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. En cette période préélectorale, on ne pouvait pas attendre du Gouvernement des mesures courageuses pour rétablir l’équilibre de notre sécurité sociale. Le déficit pour 2012 – 19,4 milliards d’euros en comptant le déficit du Fonds de solidarité vieillesse – est donc à la hauteur de votre inaction pour le combler. Et encore, ce budget est-il basé sur des prévisions de croissance totalement irréalistes, auxquelles même M. Baroin ne croit plus. La question se pose alors de l’utilité de poursuivre la discussion d’un texte obsolète avant même d’avoir été examiné.

Pourtant, le trop fameux « trou de la sécurité sociale » est très largement un mythe, tant les moyens existent pour que notre sécurité sociale soit à l’équilibre. Mais décider de mobiliser ces moyens nécessite un courage que, visiblement, vous n’avez pas. Rien que la remise en cause des niches sociales jugées peu efficientes, voire inefficaces, par l’inspection des finances rapporterait 12,8 milliards à l’État. Par ailleurs, depuis des années, nous faisons des propositions de nouvelles recettes : par exemple, aligner les prélèvements sur les revenus du capital à la hauteur de ceux sur le travail, taxer les revenus financiers des entreprises ou moduler leurs cotisations sociales en fonction de leur politique de l’emploi. Aucune de ces solutions n’a été retenue, ni même esquissée, dans ce PLFSS. C’est la preuve que ce gouvernement se satisfait de ce déficit qui lui est finalement très utile pour faire passer comme inévitables des mesures profondément injustes. Il en a été ainsi de la réforme des retraites de 2010, à propos de laquelle nous sommes loin de partager l’euphorie du Gouvernement, qui table toujours sur un retour à l’équilibre à l’horizon 2018 : un objectif que vous ne risquez pas d’atteindre au regard des chiffres du chômage, sans parler du taux d’emploi des seniors qui, avec moins de 41 %, reste très en dessous de la moyenne européenne.

Concernant la branche accidents du travail maladies professionnelles, ce PLFSS s’en tient au strict minimum. Il se garde notamment d’aborder la question du réexamen de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail largement pénalisées par l’instauration des franchises en 2008 et par la fiscalisation des indemnités journalières en 2010. Le régime de réparation des AT-MP reste donc profondément inéquitable.

Concernant la branche famille, si je salue l’augmentation du plafond de ressources du complément de libre choix du mode de garde et la majoration de son montant en faveur des parents isolés, je regrette que le complément de libre choix d’activité, qui n’a de libre que le nom et qui est bien souvent imposé par l’absence d’offre de garde, soit assujetti à la CSG. Ainsi, tout se passe comme si vous repreniez d’une main ce que vous avez concédé de l’autre.

Le déficit sert également à faire passer l’augmentation du coût de la santé pour les patients, entravant d’autant l’accès aux soins. La situation est pourtant déjà grave.

En 2010, 29 % de nos concitoyens déclaraient avoir renoncé à se soigner pour des raisons financières. D’autres contractent des microcrédits. Des maladies d’un autre âge resurgissent, que l’on croyait disparues, comme la tuberculose ou la gale.

Ce sont là des conséquences des nombreuses participations forfaitaires, franchises médicales, forfaits hospitaliers, forfaits de 18 euros et autres déremboursements de médicaments, qui visent, selon vous, à responsabiliser les patients, comme s’ils étaient responsables de leur maladie et du coût des traitements qui leur sont prescrits.

C’est également l’effet des dépassements d’honoraires, contre lesquels l’inaction du Gouvernement est patente et qui ont encore augmenté de 6 % par rapport à 2009. Sur dix ans, leur augmentation est de 50 %.

Si cette situation traduit l’abus d’un certain nombre de médecins, elle traduit surtout la déconnexion entre les tarifs opposables remboursés par l’assurance-maladie, qui sont insuffisamment revalorisés, et les tarifs pratiqués par les médecins. Le secteur optionnel que vous appelez de vos vœux n’est pas une solution : il va juste siphonner ce qui reste du secteur 1 et inciter les médecins à considérer le plafond de dépassement comme le nouveau tarif de référence.

L’augmentation conjointe des franchises et des dépassements d’honoraires conduit mécaniquement à une augmentation du reste à charge pour les patients. Je sais que M. Bertrand récuse cette affirmation, allant même jusqu’à indiquer que ce reste à charge baisse, passant de 9,7 % en 2008 à 9,4 % aujourd’hui.

Ce chiffre ne rend pas compte de la réalité, car c’est une moyenne qui inclut les patients en ALD, lesquels concentrent 60 % des dépenses de remboursement : la vérité, c’est que, hors ALD, le reste à charge avoisine les 45 %, et ce chiffre n’intègre pas les complémentaires santé, rendues obligatoires par le désengagement de la sécurité sociale, dont le coût est en augmentation constante.

Cette augmentation, conséquence directe des déremboursements et dépassements d’honoraires que les complémentaires santé doivent prendre en charge, est encore accentuée par la hausse continue des taxes auxquelles elles sont soumises. Ainsi, entre 2005 et 2012, la fiscalité sur les contrats d’assurance santé aura été multipliée par plus de sept. Et il est illusoire de penser, mais vous le savez, bien sûr, que les complémentaires santé ne répercuteront pas la nouvelle hausse de leur taxe. La Mutualité française parle d’ailleurs de 4,7 % d’augmentation.

En même temps que l’accès aux soins est de plus en plus restreint, les hôpitaux publics, gage d’une médecine de qualité accessible à tous, se débattent dans les pires difficultés. À travers la convergence tarifaire, dont ce projet de loi de financement poursuit le processus, le Gouvernement cherche à leur substituer les cliniques commerciales, qu’il n’a de cesse de favoriser. Jugez-en vous-mêmes.

Comme l’année dernière, et comme l’année précédente, l’ONDAM hospitalier, fixé à 2,8 %, sera inférieur à l’évolution naturelle des dépenses des hôpitaux, évaluée à 3,03 %.

Comme l’année dernière, une partie des enveloppes MIGAC, qui financent les missions de service public des hôpitaux, sera gelée, et probablement jamais versée.

Comme l’année dernière, l’augmentation faciale de l’ONDAM sera bien inférieure pour les hôpitaux publics qui, en plus du gel du financement de leurs missions de service public, devront réaliser 442 millions d’économies, contre seulement 15 millions pour les cliniques privées.

Pour faire face à cette baisse programmée de leurs moyens, les hôpitaux ne peuvent même pas compter sur une augmentation de leur activité, que le Gouvernement s’empressera de compenser par une baisse des tarifs, comme celle pratiquée en février dernier de 0,7 % pour les hôpitaux publics, contre 0,05 % pour les cliniques privées.

Si cela ne suffit pas à briser le dynamisme des hôpitaux, il est prévu de leur imposer un quota d’activité, comme le dévoilait au début de l’année un projet de directive de la direction générale de l’offre de soins.

Même la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur les comptes de la sécurité sociale, s’est étonnée de ce déséquilibre en faveur des cliniques privées. À propos des coopérations public-privé, instaurées par la loi HPST, elle écrit ainsi que, « dans nombre de coopérations qui lient un hôpital public à un acteur de santé privé, la part du risque économique ou financier assumée par le centre hospitalier est la plus importante » et que « les retombées économiques sont inéquitablement partagées ».

Voilà la réalité de votre politique. Quant à la méthode pour l’appliquer, elle est toujours la même. On vote un ONDAM hospitalier que tout le monde sait insuffisant. On provoque ainsi sciemment un déséquilibre des budgets hospitaliers, qui sera ensuite utilisé par l’ARS pour justifier, dans un premier temps, les diminutions d’effectifs, avant de passer à l’étape suivante, la suppression des services, en expliquant qu’il s’agit d’une fusion.

C’est exactement ce qui se passe actuellement pour les hôpitaux Max-Fourestier de Nanterre et Louis-Mourier de Colombes. Peu importe que, dans la boucle Nord des Hauts-de-Seine, les besoins de santé soient criants, de l’aveu même de l’ARS. Peu importe que les urgences de Colombes soient saturées. Selon l’ARS, celles de Nanterre doivent être fermées. Peu importe qu’un bloc opératoire tout neuf ayant coûté 14 millions d’euros ait été inauguré il y a à peine deux ans à Nanterre, il faut, selon l’ARS, arrêter l’activité de chirurgie conventionnelle, ce qui accentuera encore, bien sûr, les difficultés financières de l’hôpital, en attendant sans doute l’annonce de sa fermeture.

Et, après, on vient nous parler d’efficience ? C’est plutôt de gâchis humain et financier qu’il s’agit. De ce point de vue, la situation de l’hôpital Sud francilien illustre parfaitement votre incurie. Cet hôpital a été construit à Corbeil par Eiffage dans le cadre d’un partenariat public-privé signé en 2006 par M. Bertrand, ce qui appelle quelques questions au regard de l’utilisation des deniers publics, et je regrette que M. Bertrand ne soit pas là pour nous répondre.

Pourquoi avoir décidé, contre l’avis des représentants du personnel et des usagers, de remplacer deux hôpitaux récents construits dans les années 80 ?

Pourquoi avoir choisi, pour ce faire, un partenariat public-privé, une procédure « contraignante et financièrement aléatoire », comme le souligne la chambre régionale des comptes, qui occasionne un surcoût évalué à 500 millions d’euros par rapport à une maîtrise d’ouvrage publique ?

Comment avez-vous pu accepter, particulièrement dans cette période difficile pour les finances publiques, les exigences d’Eiffage et l’augmentation du loyer de 30 millions à 43 millions par an, alors que la chambre régionale des comptes a recensé plus de 8 000 malfaçons, malfaçons tellement graves que l’ouverture de l’hôpital, initialement prévue pour mai dernier, est repoussée au mieux à janvier 2012 ?

Comment l’ARS ose-t-elle demander à la direction de l’hôpital de payer un loyer pour un bâtiment inutilisable en l’état ?

Par ma voix, ce sont les salariés des deux hôpitaux concernés, auxquels on demande des sacrifices pour payer cette incurie, qui posent ces questions au ministre, et j’espère obtenir des réponses.

À travers ces deux exemples, c’est, sur le fond, la question de la place des hôpitaux publics et de leur financement qui est posée.

Actuellement, le personnel hospitalier sert de variable d’ajustement pour pallier le manque de financement. En trois ans, ce sont près de 35 000 postes qui ont été supprimés, essentiellement des postes non médicaux, faisant reposer la pression sur ceux qui restent, qu’ils soient médecins où pas.

Ainsi, d’après l’Académie de médecine, les praticiens hospitaliers consacrent en moyenne 70 % de leurs temps à des tâches administratives. Encore un bel exemple de gestion, qui consiste à supprimer des postes non médicaux pour confier ensuite les tâches administratives à des médecins qui, pendant ce temps, ne font pas de médecine !

La même académie juge par ailleurs la T2A inflationniste et va jusqu’à s’interroger sur l’opportunité d’un retour au prix de journée. Effectivement, la question se pose. Si la T2A peut être pertinente pour des actes techniques relevant d’une procédure standardisée, en revanche, la prise en charge de certaines pathologies graves et complexes, caractérisées par une extrême variabilité d’un patient à l’autre, justifie un retour au prix de journée ou au forfait, sans effet sur le volume des prescriptions et ne poussant ni à leur réduction, ni à leur inflation.

Quant aux missions de service public, il serait cohérent de les financer dans le cadre d’un budget global et non de manière aléatoire, comme c’est le cas actuellement.

En l’absence de toute proposition innovante, qu’il s’agisse du financement de la sécurité sociale, de l’accès aux soins ou du maintien d’une offre hospitalière publique, nous ne saurions soutenir en l’état un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui s’éloigne encore un peu plus des principes d’égalité et de solidarité qui font toute sa valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Il s’agit d’un moment majeur puisque nous sommes amenés à nous prononcer sur la somme considérable de 475,1 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de base et le FSV, somme supérieure au budget de l’État.

Chacun de nos concitoyens est concerné puisqu’il s’agit des dépenses prises en compte par la collectivité nationale concernant la santé, la retraite, la famille. Nous devons assurer leur financement, sa répartition, en sachant que les recettes dépendent de la situation économique, de l’emploi, et qu’elles pèsent sur le coût du travail.

Je voudrais d’abord saluer deux bonnes nouvelles : l’ONDAM est respecté et les déficits diminuent, grâce notamment à des recettes nouvelles, pour près de 6 milliards.

Cependant, des problèmes majeurs demeurent qui ne trouvent pas dans ce texte de solutions.

Tout d’abord, il persiste un déficit non financé. Le déficit prévisionnel des branches, 15,7 milliards, plus 3,7 milliards pour le FSV, se monte donc au total à 19,4 milliards. Ce n’est pas rien, d’autant que les prévisions de croissance sont optimistes. Certes, le déficit prévisionnel pour l’année 2011 ainsi que les déficits anticipés du FSV et de la branche vieillesse jusqu’en 2018, date à laquelle l’équilibre est espéré, ont été transférés à la CADES moyennant une augmentation de sa durée de vie jusqu’en 2025. Le Nouveau Centre, avec quelques autres, dont, semble-t-il, Yves Bur, avait protesté contre cette prolongation, estimant que chaque génération doit financer ses propres dépenses. Nous souhaitons donc le vote en équilibre des lois de financement de la sécurité sociale, ce que nous appelons la règle d’or sociale.

Le projet de loi prévoit un déficit des branches maladie et famille de 8,2 milliards, non financé. Nous n’acceptons pas ce transfert aux générations futures. C’est pourquoi nous vous proposons deux solutions pour financer le déficit : soit augmenter la CSG de 0,69 %, participation de tous les Français à la sauvegarde de notre protection sociale ; soit, mieux sans doute, transférer le déficit à la CADES et augmenter la CRDS de 0,1 %, ce qui rapporterait 1,2 milliard par an, voire de 0,05 %.

Certes, le discours officiel répète qu’il ne faut pas augmenter les prélèvements. Je rappellerai seulement, sans évoquer l’augmentation de la taxe sur les assurances complémentaires, que la loi de financement de la sécurité sociale prévoit 2,8 milliards d’impôts et taxes supplémentaires et que la loi de finances prévoit 6 milliards.

Pour le Nouveau Centre, la loi de financement de la sécurité sociale doit être votée en équilibre. Certes, il faut veiller à l’efficience, mais ensuite équilibrer les dépenses par des recettes. Augmenter la CRDS de 0,05 % permettra d’atteindre l’équilibre et ne pèsera pas sur le pouvoir d’achat. De plus, ce serait un signe fort pour les agences de notation.

Un autre problème non réglé, en dépit des réformes successives, est la sauvegarde de notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Le déficit de la branche vieillesse et du FSV se monte, pour 2012, à 11,4 milliards. L’équilibre est envisagé pour 2018, mais avec des prévisions de croissance très optimistes. Le Nouveau Centre réclame une réforme systémique, avec passage à une retraite à points ou à comptes notionnels gérés par les partenaires sociaux, régime universel avec mise en extinction des régimes spéciaux.

Pour la branche maladie, si nous nous réjouissons du respect de l’ONDAM, de la diminution des déficits en raison de recettes nouvelles, de la signature de la convention médicale, nous constatons que des problèmes majeurs demeurent : démographie des professionnels de santé et répartition sur le territoire, permanence des soins, dépassements d’honoraires.

Ces problèmes ne sont pas évoqués dans le projet de loi. Leur solution est cependant essentielle pour permettre l’égal accès de tous à des soins de qualité. La convention médicale ouvre cependant des pistes en insistant sur les mesures incitatives, notamment l’amélioration de l’avenant 20. Espérons qu’avec l’accent mis sur la création des maisons de santé, basées sur un projet médical, nous assurerons l’accès de nos concitoyens à des professionnels de santé. Encore faut-il que cet accès se fasse à des tarifs remboursables. Les dépassements d’honoraires n’existeraient sans doute pas si – Xavier Bertrand le répète souvent – les rémunérations avaient été revues régulièrement en tenant compte des évolutions des charges,…

M. Philippe Vitel. Absolument !

M. Jean-Luc Préel. …si la CCAM clinique avait été mise en place et si la CCAM technique était réactualisée régulièrement, mais aujourd’hui ces dépassements existent et atteignent parfois des sommes importantes.

Le secteur optionnel est prévu depuis 2004 ; il vient d’être confirmé par la nouvelle convention médicale. Mais les assurances complémentaires ne semblent pas vouloir honorer leur signature, perturbées à juste titre par l’augmentation sans concertation de la taxe qui s’applique à elles à hauteur de 1,1 milliard. Madame la ministre, quelles sont vos intentions pour le secteur optionnel ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elles sont bonnes ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Ce secteur n’est toutefois pas la panacée. Tout d’abord, il ne concerne que les spécialistes à plateau technique, qui ne sont pas les plus défavorisés, et c’est là un euphémisme. Qu’en sera-t-il pour les autres, notamment les spécialistes cliniques, comme les psychiatres, les pédiatres, les endocrinologues ? Ensuite, il ne concerne que le secteur 2 ; qu’en sera-t-il des professionnels du secteur 1 ? Il demande de soigner 30 % de la clientèle à tarif remboursable ; quels sont ces 30 % ? Il prévoit la prise en charge par les complémentaires des dépassements d’honoraires limités à 50 %. Or, dans certains départements, les dépassements sont inférieurs à 50 % ; n’y aura-t-il pas un effet d’aubaine ?

M. Yves Bur, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Luc Préel. Dans d’autres départements, à Paris, en PACA, les dépassements peuvent atteindre 400 ou 500 % des tarifs remboursables. Ceux-là persisteront. Madame la ministre, quelle est votre réponse à ces questions ?

J’en viens à l’ONDAM. Celui de 2011 a, semble-t-il, été respecté : c’est une bonne nouvelle. Il est vrai que 500 millions avaient d’emblée été mis en réserve. L’ONDAM 2012 – 171,7 milliards – doit augmenter de 2,8 % ; il est identique pour la ville et les établissements, à 2,7 %. Cette augmentation est modeste compte tenu du vieillissement de la population, des améliorations technologiques, de la nécessité d’investir, mais elle correspond tout de même à 4,5 milliards, ce qui n’est pas rien dans le contexte économique que nous connaissons et eu égard à une inflation minime.

Cependant, l’évolution tendancielle est naturellement de l’ordre de 4 %. Pour tenir cet ONDAM de 2,8 %, il faudra trouver des économies de l’ordre de 2 milliards, qui seront douloureuses. Je ne reviens pas sur la construction de l’ONDAM, qui ne se fonde ni sur des bases médicales ni sur les besoins de santé, mais qui est, hélas, un ONDAM économique, depuis l’origine. Il serait souhaitable que nous ayons, au printemps, un réel débat d’orientation de notre politique de santé, basé sur les travaux des conférences régionales de santé, pour prendre en compte les besoins de santé du pays et veiller à l’adéquation offre-besoins. Ce serait également l’occasion de débattre de la nécessité de renforcer la prévention et l’éducation à la santé, avec des moyens et surtout une concertation des divers intervenants, ainsi qu’un réel pilotage de cette politique de prévention pour prendre en compte la priorité que sont les mortalités prématurées évitables.

L’ONDAM national voté, vous nous proposez ensuite des sous-objectifs, enveloppes fléchées vers la médecine de ville, les établissements, le médicament, le médico-social.

Nous avons, grâce à la loi HPST dite loi Bachelot – c’est pour cela que Mme Bachelot est présente ce soir : elle vient constater les excellents résultats de cette loi ! –…

Mme Jacqueline Fraysse. Une loi qui a fait beaucoup de dégâts !

M. Jean-Luc Préel. …créé les ARS, pour lesquelles je militais, avec quelques autres ici, depuis longtemps. Je suis heureux de cette création, même si je désapprouve l’actuel mode de fonctionnement des ARS, trop centralisateur, pyramidal, jacobin. Or cette création avait d’abord pour but de mettre un terme au défaut majeur de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l’hôpital, le sanitaire et le médico-social. Aujourd’hui, il y a dans chaque région un responsable unique de la santé. Il est donc absurde de continuer à voter des sous-objectifs fléchés qui contribuent à faire perdurer les séparations que la création des ARS devait supprimer. La logique voudrait que nous votions désormais des enveloppes régionales, des ORDAM, calculées sur des bases objectives donnant toute latitude aux ARS d’arbitrer en fonction des besoins régionaux.

Le comité Fourcade préconise d’ailleurs de tels ORDAM. J’ai déposé deux amendements en ce sens, mais ils ne viendront sans doute pas en discussion car ils modifient une loi organique. L’un proposait que l’ONDAM soit divisé en 26 ORDAM, un par région, calculés sur la somme consacrée à chaque région en 2011 augmentée de 2,8 %. Ce serait très simple à réaliser et je ne vois pas pourquoi on me dit que c’est compliqué. L’autre amendement, qui devrait faire plaisir à Pierre Méhaigneraie, proposait d’expérimenter les ORDAM dans trois régions pendant trois ans.

Madame la ministre, quand préconiserez-vous les ORDAM ? J’ai cru comprendre que vous étiez maintenant favorable au principe.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’y ai toujours été favorable !

M. Jean-Luc Préel. Cela ne devrait donc pas tarder ! Cette évolution est inéluctable. Pour répondre à la demande des ARS, vous proposez cette année la création d’un fonds d’intervention régional. C’est un premier pas, que je salue, vers la fongibilité. J’espère que les ARS pourront utiliser librement ce fonds régional.

Pour les établissements de santé, la loi HPST a entraîné des modifications importantes. Le comité Fourcade, chargé du suivi de la loi, préconise quelques modestes modifications : redonner un peu de pouvoir aux conseils de surveillance et aux CME publiques et privées. Ces demandes, qui me semblent parfaitement justifiées, correspondent d’ailleurs à des amendements que j’avais déposés à l’époque et qui avaient été malheureusement refusés par le Gouvernement et la majorité. Seront-elles prises en compte, et quand ? Qu’en pensez-vous, madame la ministre ? N’est-il pas juste que la CME vote le projet médical et se prononce sur le budget de l’établissement ? Aurez-vous un véhicule législatif pour reprendre les articles de la proposition de loi de M. Fourcade qui restent en suspens, notamment pour la biologie, les ordonnances ayant été annulées par la loi bioéthique, reprises dans la proposition de loi mais de nouveau annulées, par le Conseil constitutionnel ? Y aura-t-il un véhicule législatif pour régler le problème d’ici à février 2012 ?

Pour le médicament, vous allez mettre à contribution le secteur à hauteur de 800 millions, peut-être un peu plus si Yves Bur y met du sien,…

M. Yves Bur, rapporteur. Non, non, pas plus de 800 millions !

M. Jean-Luc Préel. …par des taxations, des déremboursements, des baisses de prix, la promotion du générique. Nous avons eu l’occasion d’en débattre récemment. Il est indispensable de redonner à nos concitoyens confiance dans le médicament, qui n’est pas, chacun en convient, un produit comme un autre. Mais, pour moi, il est indispensable également de rétablir des relations de confiance avec l’industrie, de ne pas tout le temps changer les règles, car nous aurons besoin, nous avons déjà besoin, de nouveaux médicaments pour lutter contre les maladies infectieuses, cancéreuses, dégénératives, tropicales, orphelines. Il faut donc favoriser la recherche et le développement dans notre pays, et ceci nécessite confiance et moyens financiers.

Pour les pharmaciens, vous proposez un article qui devrait leur permettre de devenir de vrais acteurs de la santé et de s’engager dans une démarche conventionnelle, avec des modifications de la rémunération à l’acte et à la performance ; elle ne sera plus uniquement sur la marge lissée. Cet article est important.

Un autre article pose en revanche un vrai problème, celui qui modifie le calcul des indemnités journalières. Il prévoit de calculer ces indemnités non plus sur le salaire brut mais sur le salaire net, ce qui conduit à une diminution de 6 %. Autant il est nécessaire de lutter contre la fraude, autant il est inacceptable de pénaliser les malades. Je ne reviens pas sur l’augmentation de la taxe sur les contrats solidaires, mais lorsqu’un malade bénéficie d’un arrêt de travail justifié, il n’est pas juste de le pénaliser de 6 %. Le Nouveau Centre demande le retrait de cette disposition. Elle a été votée en commission ; qu’en sera-t-il en séance ? Je compte sur vous, monsieur le rapporteur !

En conclusion, dans ce contexte économique difficile, la présente loi de financement de la sécurité sociale permet de financer en 2012 la politique de santé, des retraites et de la famille. Le groupe Nouveau Centre demande, par le biais des amendements qu’il a déposés, que cette loi soit votée en équilibre, pour ne pas faire financer nos dépenses par nos enfants, et que soit enfin respecté le principe fondamental de la règle d’or sociale.

Augmenter la CRDS de 0,1 %, voire de 0,05 %, n’est pas un drame et permettra de rassurer les agences de notation qui nous surveillent.

Nous demandons également le vote d’ORDAM pour réaliser la fongibilité des enveloppes, achevant aussi la réforme créant les ARS.

Nous souhaitons le retrait des dispositions prévoyant la baisse des indemnités journalières de 6 %.

Par ailleurs, nous demandons la mise en œuvre rapide de la réforme systémique des retraites : instauration d’une retraite à points ou à comptes notionnels avec mise en extinction des régimes spéciaux.

Enfin, nous demandons l’application des préconisations du comité Fourcade concernant les établissements de santé, pour associer les acteurs de santé aux décisions qui les concernent.

Le groupe Nouveau Centre espère donc de votre part, madame la ministre, ainsi que de Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, une écoute particulière à nos demandes raisonnables et parfaitement justifiées. Merci d’avance.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons adopté cet après-midi un projet de loi de finances pour 2012 s’inscrivant dans la stratégie de redressement prévue dans la loi de programme des finances publiques 2011-2014. Il la respecte entièrement, et même au-delà, puisqu’il dépasse de 1,5 milliard les 14,8 milliards de l’objectif de réduction des dépenses prévues pour 2012.

Dans cette période de fortes incertitudes sur l’environnement macroéconomique international, il est important de constater que nous avons su réviser un scénario de prévisions devenu obsolète afin de respecter nos objectifs de dépenses publiques, et ce en dépit d’hypothèses de croissance moins favorables.

C’est maintenant au tour du PLFSS 2012 d’être discuté dans l’enceinte accueillant les débats de la représentation nationale. La quinzième édition de cet exercice de vérité de nos comptes sociaux n’échappe pas au contexte de rigueur auquel nous sommes confrontés. Aussi, arriver, dans cette difficile situation, à proposer un objectif de dépenses en augmentation de 3,6 % tout en diminuant le solde négatif de 4,7 milliards d’euros, est un challenge courageux et vertueux.

M. Jean Mallot. Un défi, en français !

M. Philippe Vitel. Cela nécessite un effort de redressement de près de 8 milliards d’euros. La répartition de cet effort est équilibrée. D’un côté, 6 milliards de recettes complémentaires par l’association de réductions de niches sociales et fiscales, de mesures d’équité du système social et fiscal, de taxations sur les comportements à risques ; 3 milliards sont inscrits en loi de finances et 3 milliards en loi de financement de la sécurité sociale. De l’autre côté, 2 milliards d’économies obtenus par une meilleure optimisation de l’usage et du financement des médicaments et dispositifs médicaux et par un renforcement tous azimuts de l’efficience de notre système de soins. Ainsi, nous contribuons à réduire nos déficits tout en garantissant notre système de protection sociale.

L’ONDAM, cette année encore fixé à 2,8 %, établit une parité parfaite à 2,7 % entre I’ONDAM des soins de ville et l’ONDAM hospitalier. Ainsi, à ma grande satisfaction, je constate que le plus petit risque est autant considéré que le gros.

Ce qui est encore plus important, c’est qu’après un strict respect de l’ONDAM en 2011, il en sera de même en 2012. Jamais depuis sa création en 1996 il n’en avait été ainsi. Jamais au cours des treize premiers PLFSS l’objectif de dépense n’avait été tenu.

Nous sommes fiers d’assurer cette année encore une progression de 4,2 % de I’ONDAM médico-social. Cela nous permettra de mobiliser 400 millions d’euros supplémentaires pour les personnes dépendantes.

Au-delà de l’indispensable réforme de la prise en charge des plus fragiles de nos aînés, nous devons d’ores et déjà réfléchir aux futures conditions d’existence de ceux qui, du fait de l’augmentation permanente de leur espérance de vie, auront à construire leurs vingt-cinq prochaines années, une fois terminée une vie professionnelle bien remplie. C’est formidable de gagner trois mois d’espérance de vie par an mais, à terme, c’est à une inévitable révolution que cet état de fait va conduire, que ce soit en termes de financement de nos retraites ou de prise en charge médico-sociale.

Aider ces personnes à trouver toute leur place dans notre société est tout aussi important. Les faire bénéficier de tous les progrès identifiés en termes d’habitat, d’aménagement du territoire, d’accompagnement médico-social, d’accès au sport, à la culture, à la vie citoyenne, est de notre responsabilité. La longévité est une chance et doit constituer un axe de développement majeur pour notre société.

L’objectif de dépenses de la branche vieillesse augmente de 3,9 %. Cette progression relativement modérée est la conséquence directe de la réforme des retraites votée en 2011. Il s’en suit pour 2012 une économie de 1,3 milliard d’euros par rapport à la croissance spontanée des dépenses en l’absence de réforme.

Les discussions en commission ont largement permis d’amender et donc de valoriser le texte initial. Une attention particulière a été portée à la lutte contre les fraudes, et les conclusions de la MECSS ont été largement reprises par les amendements de Dominique Tian, que la commission a acceptés. Il est inacceptable aujourd’hui de demander des efforts toujours plus importants aux honnêtes gens, alors que d’autres détournent notre généreux système sans vergogne au bénéfice de leur cupidité ! Cela représente plusieurs milliards d’euros, peut être 15 milliards, si j’ai bien lu le rapport de notre collègue pour la MECSS.

Permettez-moi maintenant, madame la ministre, madame la secrétaire d’Etat, d’évoquer l’actualité de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, dont j’ai le privilège d’être un des membres du conseil de surveillance. Oui, c’est un privilège de siéger au sein d’un organisme admirablement géré qui remplit remarquablement sa mission. Elle a, au cours de l’année 2011, déjà versé 63 milliards d’euros à l’ACOSS, et une fois opéré, le 9 décembre, le dernier versement de 2,3 milliards, elle lui aura remis 65,3 milliards d’euros afin de lui permettre de rembourser ses créanciers. Ces versements ont été financés, au-delà des 15,2 milliards de ressources votées dans la LFSS pour 2011, par un important programme d’émissions.

À ce jour, le taux moyen de refinancement de la CADES est inférieur à 3 % – 2,87 % exactement ; il s’est amélioré au cours de la phase de reprise de dette importante assurée en 2011. Ce taux traduit le fait que cette agence est française et bénéficie à ce titre de conditions de financement voisines de celle de l’Etat français, parmi les meilleures de la zone euro. Nous voyons là tout l’intérêt de conserver notre notation triple A.

Le PLFSS 2012 prévoit le transfert à la CADES de 2,5 milliards d’euros correspondant au déficit cumulé 2009-2010 de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, et il lui est parallèlement attribué des ressources nouvelles pour 220 millions d’euros. Au 31 juin 2011, sur les 183,6 milliards d’euros de dette sociale reprise depuis 1996, 53 milliards ont déjà été amortis. Il reste donc 136,6 milliards de dette à amortir.

Mais ce qui m’interpelle aujourd’hui, c’est la répartition des ressources de la CADES. En effet, jusqu’en 2008, la contribution au remboursement de la dette sociale – la CRDS –, mise en place le 24 janvier 1996 par Alain Juppé, était la seule ressource de la CADES. Ce principe fondamental avait le mérite de matérialiser pour chacun d’entre nous le remboursement des dépenses passées de protection sociale. Puis, sur les exercices 2009 et 2010, il lui fut attribué une proportion de 0,20 point de CSG, retirés au FSV. En 2011, un montant de 0,28 point de CSG, auparavant attribué à la CNAF, lui a été transféré, auquel se sont ajoutés le versement du Fonds de réserve des retraites ainsi que le prélèvement de 1,3 % sur les revenus du capital. Les ressources totales pour 2011 sont estimées à 15,2 milliards. Le CRDS ne représente plus que 40,3 % des recettes de la CADES, la CSG en totalisant 36 %, le versement FRR 13,8 % et le prélèvement sur le revenu du capital 9,9 %.

Au moment où nos compatriotes nous réclament la plus grande transparence, c’est-à-dire un véritable suivi et une traçabilité sans faille des efforts financiers qui sont les leurs en termes d’impôts et de cotisations, je constate que la répartition des ressources de la CADES ne va pas dans ce sens. Le moment me semble venu d’un véritable ciblage des prélèvements et cotisations que nous acquittons. Ce ciblage aurait une véritable valeur pédagogique et citoyenne. Les Françaises et les Français n’ont jamais rechigné à l’effort ; encore faut-il qu’ils sachent à quoi il sert réellement. Je veux rappeler que 0,063 point de CRDS correspond à une tranche à rembourser de 10 milliards d’euros.

Avant de clore mon propos, je tiens à vous faire part, madame la ministre, madame la secrétaire d’Etat, même si le PLFSS n’est pas un texte de santé publique, de mon inquiétude quant à l’état bucco-dentaire de nos compatriotes, aux difficultés pour beaucoup d’entre eux d’accéder à des soins de qualité à des tarifs acceptables, et ce malgré l’accord tripartite que nous avions soutenu à l’occasion du PLFSS pour 2010, accord grâce auquel ce sont aujourd’hui les assurances complémentaires qui assurent la plus grande partie de la prise en charge des soins en ce domaine.

Ce PLFSS s’inscrit vraiment dans la combinaison des deux exigences qui sont les nôtres en cette dramatique période de crise bancaire, financière, économique et sociale : l’exigence de réduire nos déficits, mais aussi l’exigence d’assurer à chaque Française et chaque Français les meilleurs soins possibles, le meilleur niveau de solidarité collective, et ce quel que soit leur âge, leur catégorie sociale et leur implantation géographique sur notre territoire, car il incombe à la nation de leur apporter en toute circonstance protection, soutien et apaisement de ses souffrances.

Pour toutes ces raisons, je voterai ce projet de loi et demande à tous mes collègues du groupe UMP de faire de même, car il permettra aux Français de continuer à disposer du meilleur système de protection sociale connu à ce jour sur notre planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mers chers collègues, encore un coup d’épée dans l’eau ! Encore un PLFSS qui ne comporte aucune vision stratégique pour réduire structurellement les dépenses de la sécurité sociale et pour maintenir un accès aux soins de qualité pour tous les Français.

M. Guy Lefrand. C’est excessif !

Mme Catherine Lemorton. Pressé par les agences de notation qui sont devenues ses seules boussoles idéologiques, le Gouvernement ne propose que des économies marginales mais qui ne pèsent que sur le portefeuille des malades, entraînant retards et refus de soins chez un nombre croissant de nos compatriotes : travailleurs pauvres, étudiants pauvres, retraités pauvres… la liste ne cesse de s’allonger.

J’entendais l’autre jour le président de la commission des affaires sociales nous dire que nous exagérions en prétendant que 25 % à 30 % des Français ne sont pas vraiment intégrés dans le système de soins. Comme vous êtes présent, monsieur Méhaignerie, j’en profite pour vous apporter quelques précisions. L’IRDES – l’Institut de recherche et documentation en économie de santé – indique que 16 % des Français interrogés renoncent à des soins, mais il faut aussi prendre en compte les retards d’entrée dans le système, ce qui fait monter les chiffres à 25–30 %. De tels retards dus à un manque de moyens, c’est aussi un problème de santé publique car, quand la personne concernée finit par se faire soigner, elle est encore plus malade et va donc coûter plus cher. Bien sûr, quand on vous dit cela, vous criez à la caricature.

M. Guy Lefrand. Évidemment !

Mme Catherine Lemorton. Je vous remercie de le reconnaître.

Pourtant, monsieur le président de la commission, vous avez quelques moments de lucidité. Par exemple, lorsque vous élevez le plafond de ressources permettant de bénéficier de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire, vous validez le fait que certains de nos concitoyens ne peuvent plus se soigner, que les refus ou les retards de soins sont une réalité. Mais même en relevant ce seuil, vous êtes encore loin du seuil de pauvreté tel que défini au niveau européen. Il me semble que le mot « pauvreté » a encore un sens.

Il est vrai que certains sujets, contrairement aux habitudes du Gouvernement, ne sont pas abordés dans ce PLFSS. Prenons l’exemple de la convergence tarifaire à marche forcée : elle est suspendue jusqu’au 31 décembre 2012. Mais cette soudaine prise de conscience n’est que pur esprit électoraliste,…

M. Guy Lefrand. Pas du tout !

M. Philippe Vitel. Que d’excès !

Mme Catherine Lemorton. …comme ce fut déjà le cas avec la proposition de loi Fourcade, qui a constitué un recul sur deux mesures fondamentales que la loi Hôpital, patients santé et territoires avait tenté de mettre en œuvre sous l’égide de Mme Bachelot, deux mesures qui paraissaient vexatoires à certains syndicats de médecins libéraux – je ne mets évidemment pas tout le monde dans le même panier. La proposition de loi Fourcade est revenue sur ces deux avancées puisque vous pensez désormais que les maisons pluridisciplinaires sont l’alpha et l’oméga de la réponse aux déserts médicaux, ce qui est loin d’être le cas. Le fait de déplacer cinquante médecins libéraux l’année dernière a coûté très cher à l’Etat et aux collectivités territoriales.

Vous vous vantez de respecter l’ONDAM, mais rappelez-vous que la gauche au pouvoir, mauvaise gestionnaire et sans projet selon vos dires, avait réussi entre 1997 et 2002 à retrouver l’équilibre budgétaire pour la sécurité sociale…

M. Philippe Vitel. Vous oubliez la crise qui s’est déclenchée depuis !

M. Yves Bur, rapporteur. L’ONDAM n’était pas maîtrisé ! Plus 7 % de dépenses !

Mme Catherine Lemorton. …et à proposer une des dernières mesures de solidarité prises dans ce pays : la CMU. Vous respectez l’ONDAM, mais à quel prix pour la santé publique ?

M. Yves Bur. On verra quand vous aurez le courage de sortir vos propositions !

Mme Catherine Lemorton. Ainsi, il y a des refus de soins pour les bénéficiaires de la CMU, puisque vous avez aussi reculé s’agissant du testing qui était prévu auprès des médecins libéraux – encore une mesure vexatoire sans doute. De plus, le PLFSS institutionnalise le gel des MIGACS alors qu’il y a un basculement de la médecine de ville vers les établissements publics de santé pour les patients qui ne peuvent plus payer, qui ne peuvent plus faire l’avance de leurs soins. La liste de vos renoncements à accorder à chaque Français le droit le plus élémentaire et constitutionnel qui lui revient ne cesse de s’allonger.

Je vais prendre cinq exemples plus précis.

Quand, en sortie d’une affection longue durée, par exemple une hypertension artérielle sévère ou un cancer soi-disant guéri au bout de cinq ans, les assurances – je ne parle pas de la mutualité – proposent des contrats aux tarifs plus élevés en fonction du risque, ainsi qu’une période de carence de six mois à un an avant que l’assuré ne puisse bénéficier de la protection complémentaire, on peut penser que l’égalité de traitement n’est plus tout à fait garantie.

Quand des anti-alzheimer au service médical rendu faible, remboursés donc normalement à 15 %, sont toujours remboursés à 100 % puisqu’il s’agit d’une affection longue durée, on a du mal à comprendre la pertinence des critères retenus pour les niveaux de remboursement. On ne va pas prescrire un médicament anti-alzheimer à quelqu’un chez qui cette maladie n’a pas été diagnostiquée ! Déclarer un SMR faible tout en laissant le médicament dans la catégorie des pathologies à 100 %, cela conduit à le faire prendre en charge par la solidarité nationale à 100 %. Les industriels peuvent continuer à dormir tranquilles. J’attends de la part du ministre de la santé confirmation dans cet hémicycle qu’il baissera bien de manière drastique les prix de ces produits à SMR faible. Au vu de leurs effets secondaires, il serait bon de faire une étude patient par patient plutôt que par cohorte au bout d’un an de traitement, mais j’aurai l’occasion d’en reparler.

Troisième exemple : les CASO – les centres d’accueil, de soins et d’orientations de Médecins du Monde –, que l’on disait moins fréquentés depuis la mise en place de la mesure de solidarité CMU, voient aujourd’hui arriver de nouvelles populations – leurs personnels l’ont souligné lors de la conférence de presse à laquelle j’ai assisté la semaine dernière –, notamment des retraités pauvres mais aussi des travailleurs pauvres, c’est-à-dire des gens qui se lèvent tôt pour aller travailler, pas les fraudeurs que vous voulez traquer et que vous voyez partout. On est donc en droit de se dire que les missions de l’État sont reprises par ces associations, alors qu’elles sont en très grande difficulté.

Que dire, encore, quand certains de nos concitoyens voient arriver, en janvier de l’année qui suit, un prélèvement de 100 euros sur leur minimum vieillesse, qui correspond aux deux fléchages de franchises, celle de 2004 et celle de 2007, car quand ils atteignent le plafond, cela leur fait deux fois 50 euros. Le prélèvement est effectué en une seule fois, au mois de janvier, et certains sont venus me voir dans ma permanence, m’expliquant qu’avec un revenu de 800 euros, ils sont alors forcés de couper leur chauffage. Ce n’est pas digne d’un pays comme la France ! Ce poids des franchises imposées pour accéder au système de soins avait déjà été dénoncé par l’arrêt du 6 mai 2009 rendu par le Conseil d’État, saisi notamment par l’ANDEVA et la FNATH.

Que dire, enfin, du refus de certains professionnels de santé de dispenser d’avance des frais les bénéficiaires de la CMU-C ou de l’aide médicale d’Etat, parfois simplement pour ne pas compliquer la gestion de leur trésorerie quand d’autres le font sans problème : j’en veux pour preuve les pharmaciens ? C’est une manière de faire renoncer ces patients aux soins.

Monsieur le président de la commission, vous ne cessez de vanter notre système de soins, qui n’est pourtant plus, je regrette de le dire, le premier du monde, comme le pense M. Vitel.

M. Philippe Vitel. C’est lequel alors ? Le système anglais ?

Mme Catherine Lemorton. Je vais en venir à l’Angleterre : vous allez voir les chiffres sur les cancers chez les hommes.

Prenons les prestations sociales dans leur ensemble : quand on compare le montant des prestations sociales par habitant, on se rend compte que notre pays est tout juste dans la moyenne des pays de l’Union européenne. La part croissante des précaires de plus de soixante-cinq ans, qui vont donc cumuler les problèmes de santé dus au vieillissement et l’insolvabilité, est une réalité que vous n’assumez jamais dans vos prises de position, monsieur le président de la commission, pas plus que la diminution de l’accès à une complémentaire de santé pour les plus de quatre-vingts ans.

Enfin, les inégalités sociales, génératrices d’inégalités en termes de santé, sont bien là. L’exemple précis du cancer est édifiant et révélateur : dans notre pays, les hommes travailleurs manuels âgés de 45 à 59 ans ont un taux de mortalité de 75 % supérieur à celui des travailleurs non manuels, hors cancer du poumon. Notre situation est, à cet égard, moins bonne que celle qui prévaut dans un système aussi vilipendé que le système britannique ; elle est loin d’être exemplaire, comme le montrent les chiffres officiels que je tiens à votre disposition.

Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, je le répète : notre système n’est plus le meilleur du monde.

M. Paul Jeanneteau. Quel est le meilleur ?

Mme Catherine Lemorton. Il n’est pas non plus, au moins depuis 2002, le mieux géré – l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé le démontre.

Le PLFSS que vous nous proposez ne répondra à aucune de ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici encore une fois réunis pour examiner un nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale, le dernier de cette législature.

Nous le rappelons souvent et je ne vais pas déroger à la règle : nous avons l’un des systèmes de protection sociale les plus efficaces au monde, que de nombreux pays nous envient, n’en déplaise à Mme Lemorton et à ceux qui préfèrent l’imitation de Zola ou Dickens à la vérité des faits. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Celle-là, vous nous l’avez déjà servie cinq fois !

M. Guy Lefrand. Malgré l’irruption de la crise, nos politiques sociales ont continué de bénéficier d’un effort soutenu, que l’on peut même qualifier, pour certaines, de sans précédent.

Les personnes handicapées ont vu se mettre en œuvre la promesse de Nicolas Sarkozy d’augmenter de 25 % en cinq ans l’allocation aux adultes handicapés, versée à plus de 800 000 personnes. Les efforts financiers en faveur des établissements et services pour personnes âgées dépendantes se sont accrus de 75 % entre 2006 et 2011, apportant près de 4 milliards d’euros supplémentaires. Citons encore les 94 % de Français qui disposent désormais d’une couverture complémentaire, ce qui vaut largement la fourniture d’un iPad.

Élaboré sur fond de crise économique mondiale et de restrictions budgétaires à l’échelon national, ce PLFSS est un texte courageux. Le Gouvernement et les députés ont été d’une grande vigilance quant à l’équilibre des recettes et des dépenses.

La France est actuellement dans une dynamique de réduction du déficit budgétaire : 5,7 % du PIB en 2011, 4,5 % en 2012 et 3 % en 2013. L’effort de l’assurance maladie dans cette diminution du déficit atteint 3 milliards d’euros.

Les mesures du plan de retour à l’équilibre visent à alimenter nos finances publiques par de nouvelles recettes, mais elles préservent nos dépenses sociales, comme en témoigne le PLFSS pour 2012. Pour ne prendre que cet exemple, les dépenses en faveur des dispositifs médico-sociaux pour les personnes âgées et handicapées s’accroissent de plus de 600 millions d’euros.

Cependant, malgré un déficit ramené à 13,9 milliards et en baisse de 40 % par rapport à 2010, les motifs d’inquiétude restent nombreux. C’est pourquoi la commission des affaires sociales a permis – notamment grâce à ses rapporteurs – de dégager de nombreuses recettes supplémentaires par le biais d’amendements : 200 à 250 millions d’euros sur les indemnités de rupture ; 150 millions d’euros sur les casinos ; 50 millions d’euros sur le tabac ; 110 millions d’euros sur l’écrêtement de dotation des fonds. Nous vous proposons ainsi 500 millions d’euros de recettes nouvelles au minimum, qui représentent autant d’économies.

En contrepartie, nous avons souhaité réfléchir à l’exonération des cotisations sociales sur les rémunérations des aides à domicile destinées aux familles fragiles, comme le propose l’amendement de notre collègue Bérengère Poletti, que nous défendrons dans cet hémicycle.

En commission, nous avons également rejeté l’article 13 du projet de loi, qui prévoyait d’assujettir le complément du libre choix d’activité et le complément optionnel du libre choix d’activité au taux réduit du CSG pour 140 millions d’euros. Nous avons décidé de rester fermes sur ce point et nous serons très nombreux à défendre cette position.

Toujours dans cette interrogation sur les publics fragiles, la commission des affaires sociales est très réticente – et c’est un euphémisme ! – en ce qui concerne l’harmonisation des méthodes de calcul des indemnités journalières. Nous aurons à débattre longuement de cette mesure lors de la discussion des articles. En tout état de cause, il nous paraît inacceptable que les indemnités journalières des patients en arrêt au long cours soient soumises à ce nouveau mode de calcul.

Enfin, nos débats porteront également sur l’article additionnel proposant une prise en charge individuelle à 100 % des frais de transport des enfants assujettis aux centres d’action médico-sociale précoce et aux centres médico-psycho-pédagogiques. Cet article a fait l’objet de nombreux échanges en commission et il en sera de même en séance.

Le PLFSS 2012, contrairement aux idées avancées par certains ou certaines, est généreux envers les familles. Quelque 700 millions d’euros ont été injectés dans cette branche pour financer des mesures en faveur des familles monoparentales : mise en place d’un complément de garde et d’une aide aux mères célibataires ayant des difficultés à percevoir les pensions alimentaires de leur ex-conjoint.

D’autres ont prétendu que le chantier de la dépendance était le grand absent de ce projet de loi. C’est évidemment faux. Même si la réforme en tant que telle est reportée, le PLFSS 2012 comporte des dispositions importantes en faveur des personnes âgées,…

M. Jean Mallot. Il faut les chercher !

M. Guy Lefrand. …avec notamment un ONDAM médico-social en augmentation de 4,2 %, permettant le lancement d’un plan d’aide à l’investissement des établissements concernés. Quelque 140 millions d’euros supplémentaires seront affectés au recrutement du personnel. Au total, ce sont 400 millions d’euros de plus qui seront mobilisés pour les personnes dépendantes.

Madame la ministre, j’aimerais saisir l’occasion que m’offre ce débat pour vous parler du handicap psychique. En effet, la prise en compte des troubles psychiques dans notre société a dans ce domaine besoin de la même inflexion et il est important de favoriser la fongibilité entre le sanitaire et le médico-social.

Les troubles psychiques sont une importante source d’exclusion : on estime que 30 % des personnes à la rue sont affectées d’une pathologie psychiatrique lourde. Faute d’un accompagnement social adapté leur permettant de vivre avec leur maladie chronique, ces personnes rechutent et retournent à l’hôpital. C’est leur lot quotidien. Et cela sans considération des dommages souvent irréversibles causés par ces parcours erratiques et de la souffrance qu’ils subissent, eux et leurs proches. Sans souci non plus du coût de ces rechutes pour notre système social.

Pour la branche maladie, la Gouvernement a élaboré un plan d’économies d’un montant de 2,2 milliards d’euros pour 2012, tout en préservant les principes fondamentaux de notre système de santé, avec un taux de remboursement d’autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses.

Le souci de renforcer l’efficience de notre système de soins est également très présent au sein de ce PLFSS, avec l’amélioration de la performance à l’hôpital, la baisse des tarifs de certains actes de biologie et radiologie, et la maîtrise médicalisée à laquelle veillent l’assurance maladie et les agences régionales de santé.

De son côté, notre collègue Guy Malherbe nous proposera des améliorations pour l’organisation de l’exercice de la pharmacie en France. J’espère que nous adopterons ensemble ses amendements.

Afin de pouvoir maintenir et améliorer la protection des plus fragiles d’entre nous, la commission s’est clairement exprimée en faveur d’une politique accrue de lutte contre la fraude. Contrairement à ceux qui nient son importance, nous considérons qu’il est indispensable de lutter contre ce mal qui gangrène une partie de notre société et qui risque, par son ampleur, de remettre en cause notre contrat social lui-même.

M. Jean Mallot. N’en faites pas trop tout de même !

M. Guy Lefrand. Ainsi, lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, les députés ont fait le choix de maintenir la protection des plus fragiles. Je souhaite que notre assemblée fasse de même.

Pour peu que nous sachions faire preuve d’audace et d’imagination, la contrainte de nos finances publiques aura eu au moins le mérite de nous conduire à nous réinterroger sur la pertinence de nos manières d’agir et de dépenser et sur la manière d’ouvrir la voie d’une meilleure efficacité sociale.

Pour terminer, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire quelles sont les marges de manœuvre dont vous disposez pour que les différents organismes institutionnels respectent les lois votées par le Parlement ?

L’an dernier, la télémédecine a été consacrée dans la loi HPST et les décrets ont été publiés. L’an dernier également, en loi de financement de sécurité sociale, nous avons voté la rémunération pour les actes de télémédecine. Mais la CNAM n’a toujours pas bougé, alors qu’il s’agit d’un élément important de santé publique et d’efficience des budgets. Vous l’aviez rappelé en son temps, madame la ministre.

Cette année, des dispositions concernant la rémunération des pharmaciens sont prévues dans le PLFSS. Nous souhaitons que les organismes payeurs nous écoutent et respectent la loi votée par le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le contexte exceptionnel dans lequel nous abordons l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale renforce plus que jamais l’exigence de vérité envers nos concitoyens.

À l’heure où la crédibilité de notre pays est remise en cause, où le poids de la dette fait peser une menace sans précédent sur les épaules des jeunes générations, le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale doit être notre règle d’or.

Pourtant, le compte n’y est pas. En dépit des 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires qui découlent du plan de rigueur, les comptes de la sécurité sociale donnent toujours le vertige puisque nous nous dirigeons vers un déficit proche de 14 milliards d’euros en 2012.

Alors faut-il raboter et raboter encore, comme le suggèrent certains ? Pourquoi pas, mais à condition que ce ne soit pas toujours les mêmes qui paient la facture : les classes moyennes, ces milliers de ménages trop pauvres pour être riches et trop riches pour être pauvres. Ce sont eux, principalement, qui souffrent du système actuel. Pour ne donner qu’un exemple, la nouvelle hausse de la fiscalité sur les mutuelles de santé, à laquelle je me suis personnellement opposée, va porter directement atteinte à l’accès aux soins de milliers de familles.

Les familles, ne l’oublions pas, représentent l’avenir de notre société et sa pérennité économique et sociale. Il est plus que jamais nécessaire de les soutenir.

À ce titre, taxer le congé parental est une erreur.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Très bien !

Mme Véronique Besse. À l’heure actuelle, le congé parental bénéficie à 550 000 familles qui cessent ou réduisent temporairement leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants en bas âge. Le soumettre à la CSG, cela coûterait entre 100 et 400 euros par an à chacune de ces familles. Avec plusieurs de mes collègues, nous avons déposé un amendement afin de supprimer cette taxation. Je me réjouis qu’il ait été adopté en commission et j’espère que l’examen en séance nous permettra de le confirmer.

Prendre le temps d’élever ses enfants, ce n’est pas du gâchis, c’est un investissement humain incomparable et les familles qui font ce choix doivent être encouragées. À l’inverse, j’y reviendrai, ce sont des économies massives qui pourraient être faites dans la lutte contre la fraude, les prescriptions de complaisance et les soins de confort.

L’ampleur de ce déficit montre que le fonctionnement actuel de la protection sociale n’est pas soutenable à moyen et long terme sans une réorientation radicale. Quelles sont donc les pistes qui doivent être explorées pour bâtir un système à la fois plus juste et plus efficace, c’est-à-dire moins coûteux ? J’en vois essentiellement trois.

La première consiste à trouver de nouvelles sources de financement dans certains domaines qui ne sont pas de première nécessité. J’ai notamment apporté mon soutien aux amendements de notre collègue Jacques Domergue qui prévoient une taxe sur les mises et les gains de certains jeux d’argent et de hasard et qui permettraient de récupérer 180 millions d’euros.

Deuxièmement, ce ne sont pas tant les recettes que les dépenses qui doivent être visées. Afin de mettre un terme aux abus, nous devons examiner si certains soins de confort peuvent être déremboursés sans fragiliser la santé des Français. Le remboursement à hauteur de 65 % du forfait thermal et des frais de transport est-il, par exemple, toujours justifié ?

M. Yves Bur, rapporteur. Bonne question !

Mme Véronique Besse. Enfin, la fraude sociale constitue sans aucun doute le poste de dépense à partir duquel les plus grandes économies peuvent être réalisées. Les arnaques à la sécurité sociale représentent un gaspillage très important qui pèse sur les contribuables et porte atteinte à la cohésion sociale.

Les aides sociales sont par nature temporaires : elles ont vocation à soutenir les Français dans des périodes particulières ; elles n’ont pas vocation à être définitives et distribuées les yeux fermés, sans aucune contrepartie ni contrôle.

À l’heure actuelle, la fraude aux prestations sociales atteindrait au moins 4 milliards d’euros. À ce chiffre, il faut ajouter celui de la fraude aux prélèvements, qu’on estime entre 14 et 16 milliards d’euros. Le total s’élève donc à près de 20 milliards d’euros, un montant supérieur au déficit du régime général.

Parmi les prestations les plus fraudées, on trouve d’abord le RSA, puis les aides au logement et les allocations familiales, qu’il s’agisse d’omissions ou de fausses déclarations.

Les prestations versées à des personnes isolées donnent également lieu à de nombreuses fraudes car il est fréquent que l’allocataire vive en concubinage. Il y a également le problème des reconnaissances multiples de paternités frauduleuses ou, à l’inverse, des polygamies sans reconnaissance de paternité.

Les fraudes à l’assurance chômage restent également non négligeables. L’an dernier, la Cour des comptes a estimé que l’assurance chômage subissait une fraude annuelle de 2 milliards d’euros.

Pour accentuer la lutte contre la fraude, j’ai déposé, avec mon collègue Dominique Tian, un certain nombre d’amendements qui doivent permettre de lutter contre les dérives les plus flagrantes.

Dans un premier temps, il apparaît légitime que les personnes ayant commis un crime ou un délit soient exclues du bénéfice des prestations sociales.

Un autre amendement prévoit de mieux définir la notion d’isolement, en particulier pour la perception du RSA ou des aides au logement.

Pour assurer un meilleur contrôle à l’échelon local, nous proposons de renforcer les compétences des conseils généraux dans la lutte contre la fraude aux prestations sociales.

Pour conclure, j’indique que nous devons consentir un double effort de justice, à la fois dans les dépenses et les recettes. Il n’est plus acceptable que ceux qui financent la protection sociale, c’est-à-dire les familles et les classes moyennes, soient ceux qui en bénéficient le moins.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je remercie Mme Véronique Besse d’avoir déjà largement évoqué les problèmes de fraude, auxquels je reviendrai dans quelques instants. Compte tenu de la présence de Jean Mallot, je me dois en effet d’évoquer les travaux de la MECSS.

Alors que nous vivons une crise sans précédent – Xavier Bertrand et Valérie Pécresse l’ont souligné –, le Gouvernement a fait le choix d’une poursuite volontariste de la politique de redressement des comptes sociaux engagée depuis quatre ans. Cette politique a obtenu de bons résultats : on peut noter le strict respect de l’ONDAM en 2010, alors qu’il ne l’avait jamais été depuis 1997. L’objectif sera à nouveau respecté en 2011 et devrait l’être en 2012, avec un ONDAM à 2,9 %, soit 4 milliards d’euros supplémentaires consacrés aux dépenses sanitaires de notre pays. Il s’agit donc d’une maîtrise effective des dépenses sociales, avec le maintien d’un haut niveau de prestations, ce qui est essentiel pour les députés UMP.

Il a été beaucoup question de la fraude. La MECSS a rendu son rapport, après neuf mois de travail. Sous la direction des présidents Jean Mallot et Pierre Morange, nous sommes parvenus à un constat partagé, évoqué tout à l’heure par Philippe Vitel. Il y a 20 milliards d’euros de fraude, chiffre confirmé par la Cour des comptes et par le Conseil des prélèvements obligatoires.

M. Jean Mallot. Vous avez l’arrondi généreux !

M. Dominique Tian. C’est un chiffre qui tombe bien…

M. Jean Mallot. Il tombe bien, en effet ! (Sourires.)

M. Dominique Tian. En tout cas, il a fait l’objet d’un accord, je m’en tiendrai donc à 20 milliards de fraude, dont 17 milliards environ pour le travail dissimulé, qui est un véritable problème national, sur lequel M. Mallot insiste avec raison – nous partageons son analyse à l’UMP – et 3 milliards pour les prestations versées indûment.

Valérie Pécresse a indiqué que plus de 500 millions d’euros ont été économisés en 2011 sur les fraudes – nous revendiquons ce bon résultat. Les organismes sociaux, les caisses d’allocations familiales en particulier, estiment le montant de la fraude aux prestations entre 540 et 808 millions d’euros en 2010. Mais laissons là les chiffres, il importe d’être bien d’accord sur l’existence de la fraude et notre volonté commune de lutter contre elle. Il est important que nous soyons arrivés à cette unanimité au sein de la mission.

Je voudrais remercier le Gouvernement et M. Bur d’avoir déposé plusieurs amendements directement issus des travaux de la MECSS, le rapport ayant été adopté à l’unanimité. Un orateur a déjà évoqué l’allocation de parent isolé et le RSA majoré. La nouvelle définition de l’isolement économique pour la perception de prestations sociales fera gagner du temps aux inspecteurs des CAF, qui n’auront plus à vérifier, domicile par domicile, si la personne vit isolément ou non. Le président Mallot indiquait dans Les Echos que mieux préciser la notion d’isolement économique est une mesure de bon sens. Nous vous proposerons donc d’adopter cette définition, qui devrait permettre aux caisses d’allocations familiales d’économiser 200 millions d’euros par an.

Il faut également simplifier les procédures de la CNIL, dont les avis sont parfois difficiles à comprendre, afin de pouvoir mettre en œuvre les outils informatiques permettant de mieux lutter contre la fraude sociale.

Nous allons également proposer que les montants des revenus et prestations puissent être intégrés dans le répertoire national commun de la protection contre les fraudes, ce qui le rendra bien plus efficace. Nous avons eu des discussions à ce sujet, mais nous étions d’accord sur la façon de renseigner le répertoire. Il faudra bien évidemment discuter des modalités.

Nous proposons également de supprimer les prestations sociales aux personnes ayant obtenu un numéro de sécurité sociale en France à l’aide de faux documents ou avec une fausse identité ; c’est une source importante de fraude.

La création d’une procédure de flagrance sociale, à l’identique de la procédure de flagrance fiscale, permettra à l’URSSAF de lutter contre le travail dissimulé et d’agir contre les patrons voyous. Cette mesure sera appréciée par tous. En effet, 185 millions d’euros seulement font l’objet de redressements par les URSSAF sur les 17 milliards de fraude. Ce résultat nous semble très insuffisant.

Je veux pour conclure remercier le Gouvernement, la commission et la MECSS pour la qualité de leurs travaux, qui permettront d’insérer dans le PLFSS des mesures renforçant la lutte contre la fraude sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, mesdames les ministres, le Gouvernement a joint au PLFSS 2012 une annexe B décrivant de grandes hypothèses économiques optimistes avec une prévision de croissance de 1,75 %, alors que tous les organismes économiques français et internationaux l’estiment deux fois moins élevée.

Ces données sont peu réjouissantes, puisque l’ajustement de la prévision de croissance et la baisse probable des cotisations sociales engendreraient un sous-financement de l’assurance maladie de 5 à 10 milliards d’euros, alors même qu’il faudrait défendre un financement équilibré de la sécurité sociale et la pérennité de l’équilibre des comptes, si nous voulons garantir l’avenir de l’assurance maladie et de la sécurité sociale.

Depuis cinq ans, vous avez tenté de répondre à ce déficit chronique par de nombreuses mesures qui portent gravement atteinte à la justice sociale et touchent les plus modestes : les franchises médicales, la hausse du forfait hospitalier, ou encore la taxation des mutuelles, qui menace l’accès aux soins, en particulier pour les étudiants et les seniors qui se « démutualisent ». Aujourd’hui, un tiers des Français disent avoir reporté des soins médicaux ou y avoir renoncé en raison de difficultés financières, alors qu’ils n’étaient que 11 % en 2009 et 23 % en 2010. Ce taux est le plus élevé d’Europe.

Pour rétablir les comptes, profitant du scandale du Mediator, vous n’avez trouvé, à côté des ponctions sur les complémentaires, que les économies sur le médicament. Vous déremboursez tout ce qui peut l’être. Sans vous soucier des discordances entre la commission d’AMM et la commission de transparence, vous baissez le prix de ce que vous ne pouvez pas dérembourser. Ces mesures vont encore affaiblir l’industrie pharmaceutique française et renforcer notre dépendance vis-à-vis de l’étranger, avec, à terme, un coût financier élevé. Avec ces transferts, le reste à charge payé par les malades bat tous les records : 16,3 % sur les dépenses de médicaments, alors que nos cotisations sociales, là aussi, sont les plus élevées d’Europe. Le patient paie donc ce que l’assuré social ne peut plus payer. Le problème, c’est que l’un et l’autre sont les mêmes. Cela s’appelle la double peine.

De plus, certaines mesures de déremboursement ne génèrent plus d’économies, le transfert de prescription vers des médicaments remboursés s’avérant souvent plus coûteux. Vous reconnaissez vous-mêmes que vous n’en attendez plus d’économies.

Pourquoi ne pas imposer à la commission de transparence de suivre les avis de la commission d’AMM qui avait exprimé que tous les produits d’une même indication devraient être traités de la même façon, ce qui n’a pas été le cas dans votre dernier arrêté de déremboursement ?

C’est maintenant la baisse des indemnités journalières, introduite dans le PLFSS, qui vient s’ajouter à la précédente réduction de l’indemnisation des accidents du travail. C’est une mesure d’économie injuste et stigmatisante pour les salariés malades, qui va entraîner une diminution de près de 6 % de l’indemnisation pour les 7 millions de salariés dont l’état de santé nécessite un arrêt maladie. Or, près de 30 % des non-cadres ne disposent d’aucun complément pour compenser cette chute de revenu, avec pour conséquence, là aussi, un impact lourd sur les entreprises.

Côté économies, l’ONDAM pour les soins de ville et les soins hospitaliers, fixé à 2,8 % est déjà insuffisant et ne pourrait souffrir de diminution, même si nous sommes dans un contexte fortement dégradé de croissance économique. L’avenir de la CADES est inquiétant car elle devra encore reprendre les déficits des branches maladie et famille, transférant la dette sur les générations futures.

L’accès à des soins de qualité pour tous, qui semblait une préoccupation de votre gouvernement, a donné naissance à plusieurs missions dont les conclusions ont été ignorées. La volonté d’allégement des charges administratives, libérant du temps médical, n’est toujours pas suivie d’effet ! Autre exemple : l’effet d’annonce concernant les maisons de santé pluridisciplinaires, dont le nombre et le financement sont cruellement insuffisants.

La baisse de la démographie médicale pourrait être en partie palliée en faisant appel à des médecins exerçant leur activité professionnelle dans le cadre d’un cumul emploi-retraite, qui pourraient être exonérés de cotisations d’assurance vieillesse lorsqu’ils exercent dans des zones sous-dotées. Ce serait un élément de réponse au défi de la pénurie médicale. Il y a aujourd’hui 10 978 médecins retraités, mais ils sont rebutés par le paiement de cotisations n’ouvrant pas droit à prestations.

Alors, si le PLFSS 2012 est parfois un PLFSS d’ouverture, comme pour les pharmaciens avec l’article 39, c’est surtout un PLFSS de rigueur pour d’autres spécialités médicales : radiologues, biologistes ou encore masseurs-kinésithérapeutes, eux-mêmes touchés par la mise en place de référentiels qui ne s’appliquent qu’aux soins de ville alors que la loi est claire.

En conclusion, ce PLFSS ne témoigne d’aucune vision ni perspective de santé publique. Il laisse un lourd déficit à la sécurité sociale, particulièrement à l’assurance maladie, en raison de recettes insuffisantes – au demeurant parfois scandaleuses comme la taxe sur les mutuelles – car ce ne sont pas les dépenses qui dérapent. On ne peut que condamner les hypothèses de croissance non sincères de ce gouvernement et regretter le report de la réforme, pourtant indispensable, sur la dépendance. Vous l’aurez donc compris, les députés radicaux de gauche ne pourront pas apporter leurs suffrages à ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le jour même où nous commençons l’examen du PLFSS, le Président de la République, en déplacement, plaidait pour la maîtrise des dépenses de santé et évoquait les efforts financiers consentis par l’État depuis 2007, mais aussi leurs limites.

Ayons le courage de reconnaître que la France consacre à la santé des dépenses justifiées qu’aucun autre pays du monde n’atteint. Ayons aussi le courage de dire que le financement de notre modèle social ne peut pas exclusivement reposer sur le travail des Français. Il faudra trouver d’autres sources de financement pérenne.

Alors que nous vivons une crise sans précédent, le Gouvernement a fait le choix d’une poursuite volontariste de la politique de redressement des comptes sociaux engagée depuis quatre ans. En 2011, le déficit serait de 18,2 milliards d’euros, en amélioration de près de 6 milliards d’euros par rapport à 2010 ; en 2012, il devrait être de 13,9 milliards d’euros, soit une réduction de 40 % par rapport à 2010. La perspective d’un retour à l’équilibre de l’assurance maladie à l’horizon 2015 est dorénavant réaliste.

La maîtrise des dépenses est essentielle : des dépenses de retraite comme d’assurance maladie. Ces mesures d’économie visent aussi à renforcer l’efficacité et la performance du système de soins, en conservant les principes fondamentaux de notre régime d’assurance maladie : le taux de remboursement est d’autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses ; c’est ce qui est essentiel.

Saluons l’effort important en faveur des recettes, avec la réduction des niches sociales et fiscales, la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ou encore les taxes sur les comportements à risque.

Ne pouvant aborder tous les sujets, je m’attarderai sur l’effort ciblé en direction des familles monoparentales. Nous savons qu’il y a 1,6 million de foyers monoparentaux dans notre pays et que 2,7 millions d’enfants de moins de vingt ans vivent avec un seul de leur parent. Il s’agit donc de mesures essentielles.

J’évoquerai aussi l’engagement tenu en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, avec un taux d’évolution de 4,2 % pour l’ONDAM médico-social en 2012, et un sous-objectif de l’ONDAM pour les personnes âgées dépendantes qui augmentera de 6,3 % – il faut le rappeler.

J’attache beaucoup d’importance, comme nombre d’entre nous, au plan Alzheimer. Nous connaissons le besoin de MAIA, de PASA, de structures de répit, d’équipes mobiles de soins infirmiers. Le plan « Solidarité grand âge » conduira en 2012 à consacrer 4,8 millions d’euros au financement de places nouvelles.

Je voudrais également insister sur les besoins de recrutement de personnels soignants dans les EHPAD, les besoins de places nouvelles, ou encore sur votre politique du handicap, où l’amélioration est significative s’agissant de l’emploi des adultes, de la scolarisation des enfants handicapés, de l’accessibilité ou de la création de places dans les établissements.

Notre collègue Bérengère Poletti a posé des questions de fond sur la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, sur la tarification des services de soins infirmiers à domicile, sur la nécessaire réforme des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Ces structures connaissent, pour certaines, des difficultés financières. Nous devons leur apporter des réponses, dans un premier temps, à court terme, avec le fonds d’urgence qui sera mis en place et, dans un second temps, avec une réforme du mode de tarification de l’aide à domicile.

L’hospitalisation des personnes âgées mérite une véritable réflexion. Comment améliorer la qualité du trajet de santé quand on sait que 2 milliards d’euros pourraient être économisés sur les hospitalisations si la prise en charge était plus efficiente ?

Mes chers collègues, si ce PLFSS est bien sûr l’expression de deux objectifs rappelés par Xavier Bertrand – responsabilité et solidarité – et s’il mérite bien évidemment notre soutien, je dois tout de même m’interroger sur la disposition qui conduirait à soumettre le congé parental, c’est-à-dire le complément de libre choix d’activité, à la CSG.

Mme Martine Pinville, rapporteure et Mme Marie-Françoise Clergeau. En effet.

M. Bernard Perrut. Cette mesure serait à mon sens pénalisante pour les familles, d’autres collègues l’ont déjà dit.

Je m’interroge aussi sur la réduction du montant des indemnités pour arrêt maladie et sur ses conséquences. Pierre Méhaignerie lui-même a posé la question.

M. Jean Mallot. Si même Pierre Méhaignerie s’interroge…

M. Bernard Perrut. Je conclurai mon propos en évoquant la lutte contre les fraudes. Notre collègue Dominique Tian s’est exprimé à ce sujet et a déposé un certain nombre d’amendements.

Je salue la détermination du Gouvernement et de la majorité, car détourner les prestations sociales n’est pas tolérable. Mais, madame la ministre, les services de l’État sont-ils suffisamment armés pour assurer tous ces contrôles ? Ne faut-il pas les renforcer ? Sont-ils en mesure de détecter toutes les fraudes ? J’espère que les amendements présentés par Dominique Tian permettront de progresser.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je centrerai mon propos sur le secteur médico-social, et tout particulièrement sur la dépendance et le handicap.

Nous avons bien noté un taux d’évolution de 4,2 % pour l’ONDAM médico-social en 2012, ce qui pourrait laisser espérer une réponse budgétaire à la hauteur de l’enjeu que représente l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes dépendantes.

Toutefois, le gel qui a été appliqué aux dotations sanitaires et médico-sociales peut encore, en 2012, modifier sensiblement la portée des orientations que vous annoncez. Pour mémoire, la réserve de 100 millions d’euros appliquée au secteur médico-social en 2011 n’est toujours pas levée. Comment comprendre ce gel alors même que notre assemblée s’était majoritairement prononcée pour le maintien du plan d’aide à l’investissement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ?

Faut-il craindre d’autres conséquences alors que ce PLFSS prévoit pour 2012, en application de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, la mise en réserve de dotations pour un montant de 545 millions d’euros ?

Il est donc nécessaire, madame la ministre, que vous nous éclairiez précisément sur la répartition et les modalités du gel annoncé. En octobre dernier, dans ce même débat, vous nous aviez indiqué qu’année après année, les plans « Solidarité grand âge » et « Handicap » étaient mis en œuvre et se traduisaient par l’ouverture de nouvelles structures et une augmentation incontestable des moyens mis à disposition des établissements existants. Vous nous disiez alors que 2012 verrait cette priorité franchir une nouvelle étape, avec la discussion au Parlement de la réforme de la dépendance.

Revenons à la réalité des faits. Les services d’aide à domicile traversent de grandes difficultés financières. Les EHPAD sont confrontés à des contraintes budgétaires fortes, renforcées par une situation juridique particulièrement instable puisque les conventions tripartites ne sont pas renouvelées. Les départements continuent de faire face à une charge financière croissante de l’APA sans que l’État remplisse son rôle.

Le débat national sur la dépendance devait aborder ces sujets. Il devait permettre d’engager une réflexion globale sur la nécessaire réforme de notre système de protection sociale, susceptible de reconnaître le droit universel à l’autonomie.

En dépit des annonces, la réforme n’aura pas lieu. C’est d’autant plus regrettable que la loi du 11 février 2005 avait pourtant inscrit dans un délai de cinq ans la mise en œuvre du principe de convergence entre les prestations des personnes en situation de handicap et celles des personnes au-delà de soixante ans. À cet égard, le Gouvernement est hors délai depuis près de deux ans maintenant

Je voudrais aborder quelques points concernant les personnes handicapées.

Je note avec satisfaction la prise en compte des frais de transport vers les centres d’action médico-sociale précoce et les centres médico-psycho-pédagogiques, mesure que vous avez adoptée suite à nos nombreuses interventions.

Je note également la mobilisation des crédits pour la création de 4 200 places pour les enfants et adultes handicapés. Toutefois, il nous serait utile de connaître précisément les chiffres concernant la création de places.

Pour les enfants autistes par exemple, nous sommes régulièrement interpellés par des associations qui n’ont toujours pas obtenu les crédits nécessaires deux ans après le dépôt de leur dossier.

De plus, j’appelle l’attention sur le fait que les établissements pour enfants handicapés se trouvent à nouveau confrontés à la nécessité de garder de jeunes adultes, alors qu’ils n’ont plus l’autorisation de suractivité jusqu’à présent admise dans la limite d’une dizaine de places. Cela bloque l’entrée de jeunes enfants au sein de ces établissements.

Enfin, les services d’aide et de soins à domicile ne cessent de nous alerter au sujet des graves difficultés financières qu’ils rencontrent. Malheureusement, bien que ce problème qui touche un très grand nombre de personnes dépendantes et handicapées soit posé depuis maintenant trois ans, vous avez choisi d’ajourner toute idée de réforme du financement de la dépendance, repoussant d’autant les mesures à prendre pour le maintien des services d’aide à domicile.

Dans le débat qui nous mobilise, la protection sociale est un ensemble dont la vocation est d’aider nos concitoyens à faire face aux différents temps de la vie et aux aléas qu’ils peuvent rencontrer. Face à l’enjeu majeur qu’est le maintien de ce principe qui constitue le socle de notre cohésion sociale, il faut avoir une vision globale pour mettre en œuvre une politique juste qui préserve le fondement universel et solidaire de la sécurité sociale.

C’est donc avec regret que nous constatons le report de la réforme sur la dépendance, alors qu’elle avait suscité beaucoup d’espoirs et de travaux préparatoires. Souhaitons que les années qui viennent répondent aux attentes de toutes celles et ceux qui comptent sur la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement fait le choix courageux…

M. Jean Mallot. Non !

M. Paul Jeanneteau. …de poursuivre la politique volontariste de redressement des comptes sociaux engagée depuis quatre ans. Cet effort sera poursuivi en 2012 grâce à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie et à la montée en charge des effets de la réforme des retraites. Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, qui était de 2,9 % en 2011, sera de 2,8 % en 2012.

Je tiens à souligner également que, pour la première fois depuis 1997, l’ONDAM a été strictement respecté en 2010, et je ne doute pas que tel sera encore le cas en 2011.

Comme chaque année, le budget de la sécurité sociale porte sur des montants supérieurs au budget de l’État : 441 milliards d’euros de recettes pour l’ensemble des régimes obligatoires de base en 2011 dont 318 milliards pour le seul régime général. C’est dire si l’effort de redressement de nos comptes publics passe aussi par la maîtrise et, plus encore, par la lutte contre les déficits de nos régimes sociaux.

Tout au long de cette XIIIe législature, le Gouvernement et les députés de la majorité ont fait du secteur médico-social une priorité : politiques fortes envers les personnes âgées, mais aussi en faveur des personnes handicapées. Faut-il rappeler qu’en 2012, conformément aux engagements pris en 2007, l’allocation adulte handicapé aura été revalorisée de 25 %, et que 51 000 nouvelles places en établissement spécialisé auront été créées ? Faut-il rappeler encore que le nombre d’enfants handicapés scolarisés a fortement augmenté : en 2010, on en comptait 50 % de plus qu’en 2005. Ces mesures témoignent de l’implication du Gouvernement en matière de protection des plus fragiles d’entre nous.

Si la crise des dettes souveraines et le risque de dégradation de la notation de la France ont conduit le Gouvernement à reporter les mesures financières les plus lourdes de la réforme de la dépendance, la progression de 4,2 % de l’ONDAM médico-social va néanmoins permettre de mobiliser 400 millions d’euros supplémentaires.

Légiférer en toute responsabilité, c’est savoir s’adapter aux réalités économiques et ne pas voter des lois qu’il est impossible de financer.

Je tenais donc à féliciter le Gouvernement d’avoir choisi de mettre en œuvre une politique réaliste sur le plan financier, mais néanmoins ambitieuse. En effet, malgré un contexte budgétaire difficile, les crédits alloués aux personnes âgées vont progresser de 6,3 % par rapport à 2011. Les mesures importantes contenues dans ce PLFSS auront un effet immédiat sur la prise en charge de la perte d’autonomie de nos aînés.

Quelque 140 millions d’euros vont être alloués aux EHPAD afin de renforcer leurs moyens en professionnels soignants. D’autre part, un plan d’aide à l’investissement à hauteur de 50 millions d’euros pour l’année 2012 va être mis en œuvre. Il permettra de contribuer aux travaux de rénovation des établissements accueillant les personnes âgées et de développer les structures de prise en charge intermédiaires, tels que les accueils de jour et les hébergements temporaires, qui offrent des temps de répit aux aidants. Il est en effet particulièrement important de soulager les aidants.

Les agences régionales de santé vont bénéficier de 20 millions d’euros pour achever le plan « Solidarité grand âge », crédits qui seront essentiellement destinés aux services de soins infirmiers à domicile.

Enfin, cent maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer – les MAIA – vont être créées afin d’améliorer la coordination autour des malades et, grâce à ce guichet unique, de contribuer à mettre fin au parcours du combattant des malades et de leurs familles.

Le PLFSS 2012 est à l’image de la politique menée par le Gouvernement et la majorité depuis 2007 : réaliste, concret et humain.

M. Jean Mallot. Modeste !

M. Paul Jeanneteau. Réaliste parce que les mesures qu’il comporte sont financées.

Concret parce que ces mesures répondent aux demandes exprimées par les professionnels de terrain.

Humain parce que ces mesures vont améliorer encore la prise en charge de nos aînés en perte d’autonomie.

C’est parce que les politiques de solidarité envers les personnes âgées et handicapées reposent sur ces principes forts qu’elles constituent le ciment de notre cohésion sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, pour la dernière fois de cette législature, nous débattons du budget de notre sécurité sociale.

Voici donc l’heure du bilan, et n’en déplaise à M. Bertrand – absent ce soir – qui réfutait le 12 octobre toute possibilité de critique ou de réserve, notre système de santé est bel est bien dans un état préoccupant. Pas pour ceux qui sont en bonne santé, pas pour les plus riches, mais pour les autres, et ils sont nombreux.

J’en veux pour preuve le rapport annuel de Médecins du Monde, dénonçant un « krach sanitaire » qui, outre la crise, est dû à « une politique qui volontairement écarte du soin les plus vulnérables » et « fait disparaître les solutions même temporaires de mise à l’abri et de prise en charge ».

L’année dernière, je citais une étude du collectif interassociatif sur la santé affirmant que 26 % des Français avaient renoncé à des soins. Mme Pécresse, avec une belle lucidité, nous a dit tout à l’heure que ceux qui renonçaient aux soins étaient ceux qui avaient des problèmes.

M. Jean Mallot. C’est sûr !

Mme Michèle Delaunay. Nous souscrivons à cette remarque.

Aujourd’hui, Médecins du Monde annonce qu’au cours des deux dernières années, les consultations médicales et dentaires dans les centres gratuits de l’association ont augmenté de 10 %, et que les mineurs, pour lesquels nous devons particulièrement nous battre, y sont 30 % plus nombreux. Un quart d’entre eux auraient recours aux soins de façon trop tardive. Or nous savons qu’une prise en charge tardive coûte plus cher et que seule la prévention pourra sauver notre système de santé et l’empêcher de foncer radicalement dans le mur.

Vous inventez avec ce projet de loi la « fiscalité comportementale ». Que n’avez-vous plutôt découvert la prévention des maladies comportementales ? Où est cette grande loi de santé publique que vous-même, madame Bachelot, annonciez ? Que sont devenues les promesses du Président de la République, qui déclarait vouloir « passer d’une attitude curative à une culture de la prévention ». Cela nous avait donné grand espoir.

M. Jean Mallot. Vous y aviez cru ?

Mme Michèle Delaunay. Ce n’est malheureusement pas la seule promesse trahie. Des millions de Français – personnes âgées, familles, aidants professionnels – attendent toujours des solutions s’agissant de la prise en charge à domicile ou du reste à charge dans les établissements.

Prévue pour le premier semestre 2008, repoussée à l’automne puis à l’hiver 2009-2010, ensuite à l’automne 2011, pour être finalement purement et simplement abandonnée, l’Arlésienne de cette législature, la réforme de la dépendance, aura été l’objet de nombreux effets d’annonce. Assurance privée, deuxième journée de solidarité, recours sur succession : Mme Bachelot a pu mesurer l’appréciation que portaient les Français sur ces ballons d’essai au cours des vingt-six débats régionaux auxquels elle s’est consacrée.

Au regard de l’attente des Français et de la ministre elle-même, l’ONDAM médico-social et les quelques mesures de ce PLFSS n’apparaissent guère que comme des lots de consolation par rapport à ce qui aurait pu, à ce qui aurait dû être fait pour répondre à l’enjeu majeur de ce début du XXIe siècle.

M. Bertrand s’est largement félicité d’avoir présenté un budget réduisant en un an le déficit de la sécurité sociale de 4,3 milliards d’euros et le ramenant à 13, 9 milliards. Rappelons qu’il était de 9 milliards en 2008 et de 30 milliards en 2010 alors que la crise, d’après la Cour des comptes, n’explique que pour moitié ce record historique.

Pourtant, ce n’est pas faute d’imagination puisque, dans le même temps, vous avez créé près de 20 milliards de nouveaux prélèvements.

Une nouvelle fois avec ce PLFSS, votre gouvernement et vous-mêmes, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, portez la responsabilité d’aggraver les inégalités de santé qui sont, nous le savons, à la base de toutes les inégalités. (Applaudissement sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Rolland.

M. Jean-Marie Rolland. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, pendant ces quelques minutes, je souhaite aborder un sujet qui me tient à cœur : l’amélioration de l’accès aux soins au travers du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, plus connu sous le nom de Fonds CMU. Depuis 2002, j'ai l'honneur d'en être le président et je voulais évoquer cet élément important de notre protection sociale et de l'accès aux soins, deux préoccupations majeures de nos compatriotes.

Je tiens aussi à rappeler l'originalité de notre système de santé, qui privilégie une prise en charge collective du risque tout en accordant une attention particulière aux plus faibles. Ce système, dont nous devons être fiers, nous est envié par bon nombre de pays.

La France est aujourd'hui l'un des premiers pays d'Europe pour ses dépenses sociales : elle consacre 11 % de son PIB aux seules dépenses de santé et le taux de prise en charge par le régime général de l'assurance maladie atteint 77 %, l’un des plus élevés parmi les grandes démocraties ; en outre, 98 % des dépenses d'hospitalisation sont prises en charge par l'assurance maladie. Ce modèle est fondé sur la solidarité et garantit, je le disais, l'accès de tous à des soins de qualité.

Le Fonds CMU assure le financement de la couverture complémentaire depuis la loi du 29 juillet 1999 et de l’aide complémentaire santé depuis la loi du 13 août 2004. Ce financement représente une dépense annuelle de plus de 1,7 milliard d’euros.

Le choix a été ainsi fait par notre majorité d'aider à l'acquisition d'une mutuelle afin de compléter les remboursements de l'assurance maladie et de permettre l'accès de tous aux soins. Mise en œuvre au 1er janvier 2005, cette aide à la complémentaire santé, l’ACS, permet aux plus modestes de disposer d'une couverture santé complémentaire grâce à une réduction sur le prix de leur contrat.

À la fin du mois de juillet 2011, 699 455 personnes se sont vu délivrer une attestation d’ACS. Sur les sept premiers mois de 2011, tous régimes confondus, l'augmentation a été de 17,6 % par rapport à l'année précédente.

Le nombre d'utilisateurs de cette attestation s'établit quant à lui à 560 425 au 31 mai 2011, soit une hausse de 6,1 % par rapport au mois de février de la même année. Le taux d'application des attestations d’ACS demeure donc très élevé puisqu'il est de près de 85 %.

Jusqu'à maintenant, cette aide s'adressait aux personnes dont les revenus se situent entre le plafond de la CMU complémentaire et ce même plafond majoré de 26 %. Le dispositif ne touchait pas suffisamment de personnes et je suis heureux de constater que le Gouvernement a décidé de déposer un amendement visant à relever le plafond de ressources. Cette disposition a d’ailleurs été votée à l'unanimité par la commission des affaires sociales, ce dont je me félicite.

Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, cette mesure, dont le coût est estimé à 28 millions d'euros pour 2012, puis à 56 millions en régime de croisière, est un acte fort de ce gouvernement et de sa majorité, qui montrent ainsi leur volonté de continuer à aider chaque Français à accéder à des soins de qualité. Nous nous en réjouissons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Madame la ministre, je tiens à vous remercier pour votre présence tardive. Vous avez toujours fait preuve d’élégance à l’égard du Parlement, et cela tranche avec l’absence de M. le ministre de la santé. Il nous reproche souvent d’être aux abonnés absents ; eh bien, ce soir, force est de constater que c’est lui qui est aux abonnés absents en pleine discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Mallot. En effet !

M. Christian Hutin. Je trouve cela d’autant plus regrettable que je voulais aborder devant lui le problème des victimes de l’amiante.

Il y a une dizaine de jours, à Saint-Quentin, nous défilions avec 4 000 victimes et leurs familles.

Il faut insister sur la gravité de ces affections. Il ne s’agit pas de compassion mais de faits : depuis 2004, l’amiante a fait 24 860 morts, soit dix morts par jour. Dans ma circonscription, le Dunkerquois, où 80 % de l’amiante a été déchargée à mains nues, on peut lire chaque semaine dans le journal local, un, deux, voire trois avis de décès de victimes de l’amiante. C’est quelque chose de quasiment inimaginable.

Pour donner une idée plus précise de ce drame, je voudrais également l’aborder sous l’angle de la justice. Nous pensons que le ministre a voulu remettre en question ce qui avait été acquis par les associations de victimes.

D’une part, il a tenté de modifier la gouvernance du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, en modifiant l’équilibre existant alors même qu’il fonctionnait très bien. Il a ainsi voulu donner deux voix supplémentaires aux employeurs mais est ensuite revenu sur sa décision, grâce à l’action des associations.

D’autre part, il a souhaité donner la présidence du FIVA non plus à un président de la Cour de cassation, magistrat auquel elle était auparavant réservée, mais à un magistrat issu de la Cour des comptes ou d’une autre juridiction, remettant ainsi en cause l’indépendance de cet organisme. Les associations se sont à nouveau battues, ont menacé de ne plus siéger, en vain malheureusement : un décret du 7 octobre, n’oblige plus à nommer à la présidence du FIVA un membre de la Cour de cassation.

Là où il est difficile de saisir une cohérence dans la politique du ministre, c’est qu’il a nommé dans la foulée une présidente de chambre de la Cour de cassation, Mme Favre, alors que ce n’était plus obligatoire. Je ne sais ce qu’il faut y voir : une politique électoraliste ? une prise de conscience tardive ? Le fait est que, pour trois ans, nous sommes encore sauvés.

Soyons prudents néanmoins : les associations ont de quoi se mobiliser et se mobiliseront encore longtemps. Soyons prudents, car les victimes et leurs familles ont nettement ressenti une forme de mépris lors du défilé à Saint-Quentin : le ministre n’a pas cru bon de venir et six cars de gendarmes mobiles ont été envoyés. Face à des veuves et des victimes de l’amiante, ce déploiement m’a paru excessif.

Dans un an – soit l’espérance de vie d’une victime de l’amiante une fois que la maladie se déclare, car tout va affreusement vite –, le Gouvernement changera peut-être et l’une des premières choses que nous ferons sera d’abroger le décret du 3 juin 2011, absolument scandaleux, qui permet aux propriétaires d’immeubles amiantés de ne plus être soumis à un délai de neuf ans pour désamianter mais de bénéficier de dérogations ad vitam aeternam – j’insiste sur ces termes pour mieux faire contraste avec la mort des victimes. Nous abrogerons également le décret du 7 octobre 2011 qui permet de nommer à la présidence du FIVA une personne qui n’est pas membre de la Cour de cassation. Le Fonds fonctionnait particulièrement bien depuis dix ans ; point n’était besoin de ces modifications. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, je voudrais saluer la politique conduite par le Gouvernement. Alors que nous vivons une crise sans précédent, celui-ci propose de poursuivre en 2012 la politique particulièrement volontariste de redressement des comptes sociaux engagée depuis quatre ans.

À l’image de la très courageuse réforme des retraites qui nous permet de diminuer sensiblement les déficits de la branche vieillesse, ce PLFSS vise à maîtriser les dépenses de l’assurance maladie avec un ONDAM global à 2,8 %, qui inclut un effort particulier pour le médico-social avec une progression de 4,2 % se traduisant par la mobilisation de 400 millions d'euros supplémentaires.

Dans un contexte où la crise financière et le risque de dégradation de la notation de la dette de la France ont conduit le Gouvernement à reporter la réforme sur la dépendance, cet effort est à saluer.

Il est à noter que 6 milliards de recettes supplémentaires sont prévus au PLFSS grâce à la poursuite de la stratégie de recherche des niches sociales et de ressources ciblées.

Nous saluons également l’augmentation de 40 % du plafond de ressources ouvrant droit au complément de mode de garde : c’est une excellente chose.

J’appelle l’attention du Gouvernement sur l’article 13, qui prévoit d’appliquer la CSG au complément de libre choix d’activité ou au complément optionnel de libre choix d’activité. Ces prestations ne sont déjà pas très élevées et un tel prélèvement, même minoré, risquerait de pénaliser fortement les familles et les parents qui ont fait le choix de prendre ce congé et de suspendre leurs activités professionnelles. La commission des affaires sociales a supprimé, à l’unanimité, cet article. J’espère que l’Assemblée suivra ce vote.

M. Jean Mallot. Cela ne dépend que de l’UMP !

M. Michel Heinrich. J’en viens à la question de l’accès aux soins et plus particulièrement du rôle imparti aux pharmacies. J’ai été heureux de constater que l’article 39 relatif à la modification de la rémunération des pharmaciens avait été intégré dans le projet de loi. Le Gouvernement a ainsi montré qu’il avait su tirer les conséquences de la nouvelle mission dévolue aux pharmaciens par la loi HPST, ainsi que des recommandations du rapport de l’IGAS. Introduire progressivement dans la rémunération officinale une part croissante du revenu dissociée du chiffre d’affaires lié au médicament par le biais d’une rémunération à l’acte de dispensation et d’une rémunération à la performance fondée sur la réalisation d’objectifs de santé publique, ne peut qu’améliorer la qualité des soins et contribuer à mieux gérer la dépense.

D’autre part, cette évolution permettra de stopper la dégradation rapide et forte des marges des pharmacies, qui met en péril leur existence, et aggrave donc les disparités territoriales.

Nous sommes quelques-uns à soutenir des amendements qui visent à favoriser le regroupement des pharmacies, qui permet un meilleur exercice du métier. On considère que la France compte près de 7 000 pharmacies surnuméraires. Un premier pas a été franchi lors des précédents PLFSS, et nous souhaitons, à l’instar de l’inspection générale des affaires sociales, aller plus loin. Nous proposons ainsi de relever à 4 500 habitants le seuil actuellement fixé à 3 500 habitants pour l’ouverture d’une deuxième pharmacie dans la commune ; nous proposons également que la durée d’interdiction de toute ouverture d’une officine dans le voisinage des officines regroupées soit portée de cinq à douze ans, ce qui correspond à la durée d’amortissement des prêts.

Nous proposons encore de permettre des « regroupements transferts » dans le même département ou toute autre commune de tout autre département, cette possibilité étant actuellement limitée à la commune.

Enfin, nous proposons la création d’un fonds de modernisation, financé par les pharmaciens mais géré par l’assurance sociale.

Je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer le problème du secteur II, mal compris et très peu accepté par les patients. Je sais bien qu’un nombre important d’actes n’ont pas été revalorisés depuis longtemps, mais certains praticiens, on le voit bien, ne pratiquent pas le dépassement d’honoraires avec tact et mesure, rendant de ce fait difficile l’accès aux soins. J’ai bien entendu l’engagement de Xavier Bertrand de mettre en place le secteur optionnel, et je m’en réjouis, car il y a urgence. Mais il faudra se méfier des effets d’aubaine, notamment pour les médecins demeurés dans le secteur I, ou pour ceux du secteur II qui ne pratiquaient pas des dépassements d’honoraires supérieurs à 50 %.

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Christian Hutin. Il n’y aura que des effets d’aubaine !

M. Michel Heinrich. Après ces quelques souhaits, dont j’espère qu’ils seront entendus, je tiens bien sûr à préciser que je voterai le PLFSS.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Madame la ministre, alors que nous sommes amenés à examiner le dernier budget de la branche famille de la sécurité sociale de cette législature, le constat est sévère pour le Gouvernement et sa majorité.

Depuis 2007, la situation n’a en effet cessé de se dégrader, à tel point même que, pour 2011 et 2012, le déficit atteint des niveaux inquiétants ; et vous ne tracez aucune perspective sérieuse de redressement. Le Gouvernement semble avoir baissé les bras, se contentant de constater les déficits. Les petites économies un peu mesquines que vous avez décidées les années précédentes n’y changent rien, sauf pour les familles qui sont pénalisées.

Je pense notamment à l’unification des majorations pour âge des allocations familiales ou à la suppression de la rétroactivité des aides personnelles au logement pour les trois mois précédant la demande des allocataires. Nous vous l’avions déjà dit l’année dernière lorsque cette mesure a été adoptée, mais il convient hélas d’y revenir : les familles les plus modestes, celles qui sont le plus éloignées de l’information sur leurs droits, sont au final les plus touchées, de même que les familles dont la situation professionnelle change brutalement.

En matière de logement, dans un contexte de crise économique et de montée du chômage, la situation des familles demeure très difficile. Les revenus des allocataires diminuent et les besoins d’aide au logement augmentent. La part du coût du logement dans le budget des familles grimpe. Vous n’en avez pas tenu compte.

Toujours dans le même registre, vous avez voulu vous en prendre au pouvoir d’achat des familles en taxant les indemnités de congé parental. La commission des affaires sociales, dans sa grande sagesse, a écarté cette disposition, mais nous restons particulièrement vigilants pour que vous ne réintroduisiez pas cette mesure en cours d’examen du PLFSS. Depuis le début de la discussion générale, le souhait que ce vote soit respecté a d’ailleurs été unanimement exprimé.

Il convient pourtant de se souvenir qu’en 2006 et 2007, les promesses étaient nombreuses ; beaucoup de familles espéraient une politique familiale forte de la part de ce gouvernement. Nicolas Sarkozy avait beaucoup, beaucoup promis. De nombreuses familles y ont cru, ont espéré un temps, avant de constater la triste réalité du gouffre qui sépare les engagements des réalisations concrètes.

M. Méhaignerie disait tout à l’heure que la politique familiale française était excellente.

Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille. C’est vrai ! C’est 100 milliards d’euros !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Pourquoi, alors, avoir tant promis aux familles en 2006 et 2007 ?

Dans un discours de campagne à Périgueux en octobre 2006, le candidat Sarkozy s’était engagé à faire « cesser la situation insupportable de la mère qui travaille, qui élève seule ses enfants et qui n’arrive pas à les faire garder ». Il avait donc proposé « que le droit de faire garder ses enfants quand on travaille ou quand on est à la recherche d’un emploi devienne opposable afin d’obliger tout le monde à créer au plus vite les capacités d’accueil nécessaires » !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Juridiquement, c’est intenable !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Qu’en est-il aujourd’hui ?

La France peut se réjouir d’un taux de natalité qui reste très élevé, un des plus élevé d’Europe avec plus de 820 000 naissances par an. C’est une chance pour notre pays.

Mais si l’on rapproche ce chiffre du taux d’emploi des femmes, on réalise très clairement combien les freins à l’emploi des femmes persistent. Le taux d’emploi des mères est lié au nombre et à l’âge des enfants. Lorsque les enfants sont jeunes, les problèmes de garde sont très nettement présents et l’emploi est pénalisé. L’offre de garde d’enfants est donc un enjeu central des politiques familiales.

Le constat est le suivant : en France, seulement un enfant sur deux de moins de trois ans peut bénéficier d’un accueil. Et dans certains départements, c’est même beaucoup moins, puisque les inégalités territoriales existent dans ce domaine comme dans les autres.

Nous sommes donc très loin des 200 000 places supplémentaires promises par Nicolas Sarkozy. Certes, des places nouvelles sont créées, je ne le nie pas, mais comme, dans le même temps, des places réservées aux moins de trois ans sont supprimées dans les maternelles – certainement plus de 60 000 places en moins aujourd’hui…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pas du tout !

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’était 55 000 places à la fin de l’année 2010, madame la ministre ; nous sommes sûrement bien au-delà aujourd’hui.

M. Guy Malherbe. C’est parce qu’il n’y a pas assez d’enfants que les classes ferment !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Le solde net de création de places n’est pas du tout à la hauteur des annonces faites. L’accueil des enfants en maternelle s’effondre et passe de 34,8 % des enfants de moins de trois ans en 2000 à 13,6 % en 2010 ! Voilà qui est en totale contradiction avec les efforts annoncés pour favoriser l’accueil des jeunes enfants.

Je vous citerai encore une promesse du candidat Sarkozy jamais tenue : la réforme du congé parental d’éducation.

M. Jean Mallot. Justement, Sarkozy va pouvoir prendre bientôt un congé parental…

Mme Marie-Françoise Clergeau. Le dispositif actuel pose deux problèmes notables : c’est un frein au retour à l’emploi pour les bénéficiaires et il ne permet pas de réduire les inégalités entre hommes et femmes – moins de 4 % de ses bénéficiaires sont des hommes.

Dans les préconisations du Haut conseil de la famille comme dans le rapport que j’ai présenté au nom de la MECSS ou dans celui de Mme Tabarot, plusieurs pistes ont été proposées pour améliorer le dispositif : une durée plus courte, un partage du temps du congé parental entre les deux parents, une meilleure compensation financière.

À la fin de cette législature, le constat de la nécessité d’une réforme est partagé, mais rien n’a changé – faute de volonté politique.

Alors que sonne l’heure du bilan, on ne peut que regretter ces cinq années perdues faute d’une véritable politique familiale ambitieuse au service des familles, de toutes les familles. Vous ne pouvez pas systématiquement vous cacher derrière la crise économique et financière pour justifier l’absence de projet, l’absence d’ambition, l’absence de volonté politique au service des familles.

Mme la présidente. Merci, madame Clergeau...

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je tiens à terminer mon propos en évoquant une cause qui me tient à cœur car je l’ai inlassablement défendue pendant cette législature : l’égalité des droits, l’égalité des droits pour tous les couples, pour toutes les familles.

Prestations familiales aux couples homosexuels, pension de réversion étendue aux couples pacsés, prestation d’accueil à l’enfant pour toutes les familles, mariage homosexuel, ouverture de l’adoption à tous les couples : notre pays attend ces réformes, attend que le législateur inscrive dans la loi l’évolution des familles, et donne enfin tout son sens au mot égalité. De beaux combats restent à mener ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, la sécurité sociale constitue le pilier de l’État-providence à la française depuis la Libération, mais le modèle même d’État-providence est aujourd’hui furieusement remis en cause par la crise des dettes souveraines.

Vous me permettrez en ces temps particulièrement troubles de me tourner vers le passé en citant Jacques Chaban-Delmas : « On préfère trop souvent se battre pour des mots plutôt que pour des réalités ; c’est pourquoi nous ne parvenons pas à accomplir les réformes autrement qu’en faisant semblant de faire des révolutions. » Cette phrase date de 1969 et elle ne paraît pourtant pas avoir beaucoup vieilli ; elle nous parle d’une France qui peine à se réformer face aux défis du monde contemporain.

Aujourd’hui, face aux immenses défis que constituent la crise économique et l’effondrement de la parole de l’État face aux marchés, nous ne pouvons plus faire semblant de faire des révolutions. Nous ne pouvons plus nous contenter de mener des demi-réformes et d’avancer avec timidité. Nous ne pouvons plus nous réfugier derrière le mythe du peuple français ingouvernable et frondeur pour éviter l’heure du choix.

Devant les difficultés que nous connaissons, le Gouvernement propose de poursuivre une stratégie de retour à l’équilibre des comptes sociaux. En raison de la baisse des prévisions de croissance et de la hausse de l’inflation en 2011, sa fenêtre de tir est étroite. Pourtant, il présente une série de mesures courageuses, qui vont nous permettre de réduire le déficit du régime général de 40 % par rapport à 2010.

Particulièrement concentré sur les questions de retraites, j’ai pu constater la détermination du Gouvernement à mettre fin au déséquilibre qui frappe l’assurance vieillesse. Là encore, vous avez pris vos responsabilités face aux difficultés engendrées par la crise, et pour l’année 2012, les économies sur l’ensemble des régimes de retraite dépasseront 5 milliards d’euros.

Le Premier président Migaud a reconnu aujourd’hui que cette réforme était nécessaire, et même dit qu’il fallait aller encore beaucoup plus loin.

M. Jean Mallot. Le Premier président de la Cour des comptes est une excellente référence, mais vous devriez lire tout ce qu’il écrit !

M. Arnaud Robinet. Le Gouvernement a fait le choix de demander à chacun de faire des efforts à la mesure de ses contraintes. Dans le sens du discours qu’a prononcé le Premier ministre le 24 août dernier, vous avez ainsi décidé d’augmenter les recettes. Je pense notamment à la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, à la réduction de certaines niches sociales aujourd’hui injustifiées et à la fiscalité comportementale, que j’approuve, bien qu’il ne faille pas oublier le rôle de l’éducation alimentaire.

Je ne peux qu’approuver cette mobilisation face à l’état des finances sociales, qui est d’autant plus salutaire que le contexte macroéconomique est extrêmement dégradé.

Je souhaite en outre rappeler que les plus modestes, ainsi que les personnes âgées et dépendantes, demeurent une priorité de la loi de financement de la sécurité sociale. Les engagements du Président de la République en faveur de la hausse du minimum vieillesse et de l’allocation adulte handicapé seront tenus, tandis que l’ONDAM médico-social sera revu à la hausse pour 2012, afin de financer les établissements médico-sociaux, qui manquent de moyens.

Enfin, en tant que rapporteur du projet de loi sur la sécurité sanitaire du médicament, je me réjouis de voir le PLFSS compléter l’effort sans précédent engagé pour rénover le régime des produits de santé.

J’approuve donc les grandes lignes et les objectifs de ce projet de loi. Mais puisque « gouverner, c’est prévoir », j’aimerais dresser quelques perspectives pour l’avenir de notre modèle social.

Nous devons dire la vérité aux Français. Pendant des années, l’emprunt a financé des dépenses sociales abyssales, dont le poids est aujourd’hui écrasant. Entre 1982 et 2010, les dépenses sociales ont gagné dix points ; elles représentent désormais 32 % du PIB. Nous devrons donc aller plus loin dans les prochaines années pour rééquilibrer le financement de notre protection sociale.

Je vois déjà poindre les postures démagogiques des uns et des autres, qui voudront protéger certains intérêts particuliers, certaines habitudes et, osons le dire, certains privilèges qu’on érige en droits acquis. Ces discours ne rendent pas service au pays. Au contraire, je suis convaincu qu’au-delà même des clivages politiques traditionnels, nous pouvons mener des réformes courageuses et des plans d’économies sans pour autant détruire la fibre sociale de notre République.

Certaines pistes mériteraient d’être étudiées avec les Français, dans le cadre du grand débat national des échéances de 2012, et je souhaite les présenter devant vous.

Je pense d’abord à la fiscalisation des prestations sociales en espèces, qui pèsera sur les foyers les plus aisés au lieu de frapper les faibles revenus, qui ne sont pas imposables.

Je pense ensuite à la création d’une allocation universelle fondée sur la fusion entre RSA, prime pour l’emploi, aides publiques au logement et prime de Noël, ce qui aurait pour mérite d’indiquer clairement qui touche quoi, tout en maintenant un filet de solidarité durable et simplifié.

Il faudra enfin faire aboutir les convergences entre fonction publique et secteur privé. Qu’est-ce qui justifie en effet des disparités aussi coûteuses sur les cotisations retraite employeur ou sur les indemnités journalières ?

Certains dans cet hémicycle sont obsédés par l’égalité au point qu’ils en oublient l’équité. Nous devrons redonner un sens à cette notion.

M. Jean Mallot. L’égalité, ce n’est pas une obsession, c’est la devise de la République !

M. Arnaud Robinet. Toutes ces initiatives auraient l’avantage de faire baisser efficacement les dépenses sociales, et nous ne pourrons pas y échapper. Cette refondation sociale, il faut la préparer pour ne pas la subir.

Il s’agit pour moi de mettre en évidence le seul véritable clivage qui tienne aujourd’hui en ce domaine. Il y a « l’esprit d’abandon » dont parlait le général de Gaulle en juin 1940, et il y a l’esprit de responsabilité, qui a guidé certaines réformes importantes du quinquennat.

À l’heure où, après la finance, l’État doit revoir sa place dans l’économie, si nous parvenons à amplifier l’élan du texte qui nous est soumis et à faire preuve d’esprit de responsabilité, cette discussion n’aura pas été inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Le Gouvernement et sa majorité UMP, manifestement en difficulté dans leur gestion de la sécurité sociale, ont trouvé un sujet pour capter l’attention des médias : la fraude sociale.

Comme certains invoquent parfois, à l’appui de cette manœuvre, le rapport de la MECSS – la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale – sur la fraude sociale de juillet dernier, je suis amené, en tant que coprésident de cette mission, à faire une mise au point.

Premièrement, nous sommes tous d’accord pour lutter contre la fraude et contre les fraudeurs : la fraude doit être combattue. Mais je ne suis pas d’accord pour jeter l’opprobre sur tous les bénéficiaires de prestations sociales,…

M. Guy Malherbe et M. Arnaud Robinet. Nous non plus !

M. Jean Mallot. …souvent les plus démunis de nos concitoyens, qui perçoivent honnêtement ce à quoi ils ont droit.

Deuxièmement, il faut dire de quoi on parle. La fraude se définit selon trois critères : il faut qu’une infraction soit commise ; qu’elle cause un dommage aux finances publiques ; qu’elle soit commise de façon intentionnelle.

M. Guy Malherbe. Oui !

M. Jean Mallot. Si ces trois critères ne sont pas réunis, on n’est pas en présence d’une fraude ; il s’agit d’une erreur, d’un indu.

Troisièmement, quels sont les montants en jeu ? À cet égard, distinguons la fraude estimée et la fraude détectée.

Vous conviendrez avec moi que la fraude estimée est une notion assez imprécise, aux frontières floues. La Cour des comptes a abouti, en la matière, à des estimations.

La fraude aux prestations représenterait entre 2 et 3 milliards d’euros par an, à comparer aux 420 milliards de dépenses annuelles des quatre branches de la sécurité sociale, soit 0,5 %.

La fraude aux prélèvements, c’est-à-dire le travail illégal, représenterait entre 8 et 16 milliards d’euros par an. C’est donc à cette fraude-là qu’il faudrait s’attaquer en priorité puisque qu’elle représente la plus grande partie de la fraude sociale.

Quand on additionne la fraude aux prestations et la fraude aux prélèvements, on n’atteint pas les fameux 20 milliards de M. Tian ou du Gouvernement, mais plutôt 15 milliards.

Pour la fraude détectée, Xavier Bertrand parle de 458 millions d’euros en 2010. Certes, ce montant n’est pas négligeable, mais il n’est pas du même ordre de grandeur que la fraude estimée ni surtout que le déficit de la sécurité sociale.

Par ailleurs, une partie importante de ces indus est récupérée dans la branche famille.

Il y a donc une forme d’imposture à vouloir faire croire à nos concitoyens que la lutte contre la fraude sociale serait susceptible de résorber les déficits de nos régimes sociaux.

M. Guy Malherbe. On n’a jamais dit cela !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Sur cinq ans, cela fait tout de même 75 milliards !

M. Jean Mallot. Quant aux mesures à prendre, je m’en tiendrai aux préconisations de la MECSS sans accepter celles qu’elle a délibérément écartées.

Par exemple, la notion d’isolement pourrait être mesurée selon des critères économiques, plus cohérents et plus faciles à contrôler. De même, la MECSS se prononce pour la mise en place d’une procédure de flagrance sociale. En revanche, pour le registre national commun de la protection sociale, elle suggère d’y faire figurer les montants des prestations versées, mais non d’y recenser l’ensemble des ressources des bénéficiaires. Ce n’est pas la même chose.

En tout état de cause, l’avis de la CNIL sur ces propositions sera très utile, et nous ferions bien de la consulter.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter sur ce sujet délicat qui mérite mieux que des slogans simplistes.

M. Christian Hutin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans le temps qui m’est imparti, je parlerai essentiellement de l’assurance maladie.

Je me félicite que l’ONDAM vise l’équilibre pour la troisième année consécutive.

Cependant, si cet équilibre a été atteint en 2010 et est en passe de l’être en 2011, c’est au prix de certaines mesures indispensables mais que je ne peux que regretter puisque, par exemple, elles ont entraîné, en 2010, un gel de 135 millions d’euros du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, qui en ont pourtant bien besoin, et qu’une partie de ce fonds est à nouveau mise en réserve en 2011.

L’ONDAM 2012, qui est en progression de 2,8 %, après l’avoir été de 2,9 % en 2011 et de 3 % en 2010, est un objectif ambitieux qui s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de réduire les déficits.

Pour la médecine de ville et hospitalière, l’augmentation est même un peu moindre, 2,7 %, au profit d’une plus forte augmentation dans le secteur médico-social, essentiellement pour les personnes âgées, 6,3 %, certes en progression par rapport à 2011 mais en baisse par rapport à 2010, au détriment néanmoins, d’une diminution pour les personnes handicapées – seulement 2,1 % –, ce que je déplore, sachant les difficultés qu’ont les familles pour la prise en charge de leurs parents dépendants, âgés ou handicapés.

Je regrette donc, comme d’autres, que la loi sur la dépendance ne soit plus à l’ordre du jour.

Les progrès réalisés en vue de l’équilibre des dépenses de santé sont très inégaux. Alors que la médecine de ville est équilibrée, la médecine hospitalière est encore en fort déficit.

Je m’interroge néanmoins sur la grande disparité d’un établissement à l’autre. Les CHU dans leur ensemble améliorent leur situation, avec une diminution globale du déficit de 85 millions d’euros, mais l’AP-HP, à elle seule, creuse ce déficit de la même somme, passant de 75 millions d’euros en 2010 à 84 millions d’euros en 2011, alors que d’autres CHU et non des moindres, comme les Hospices de Lyon ou l’AP de Marseille, diminuent le leur.

Est-il plus difficile de gérer l’AP-HP qu’un autre CHU, ou existe-t-il des réformes structurelles à faire qui n’ont pas été faites ?

La restructuration de l’AP-HP est nécessaire, et je regrette qu’un certain nombre de décisions indispensables n’aient pas été prises.

Il faut faire comprendre à nos concitoyens, et peut-être à nombre d’élus, que la restructuration des hôpitaux est une nécessité non seulement économique, mais aussi sanitaire. C’est une évidence qu’un établissement qui ne fait qu’un nombre limité d’interventions par an ne peut apporter la même sécurité que celui qui en fait deux ou trois fois plus. C’est aussi une évidence qu’un hôpital dit de proximité, sous-équipé, est une fausse sécurité pour le malade.

L’ONDAM 2012 prévoit un plan d’économies de 2,2 milliards d’euros. À cet égard, je souhaite faire quelques remarques.

Les génériques sont une piste d’économies importante, mais ils sont souvent mal compris par les malades, car source de confusion. Puisque, en France les prix des médicaments sont fixés par les pouvoirs publics, pourquoi, lorsque ceux-ci sont devenus « généricables », leur prix ne serait-il pas aligné sur celui du générique ? D’ailleurs, un certain nombre de laboratoires fabriquent leurs propres génériques.

L’automatisation des examens de laboratoire présente l’inconvénient d’obliger parfois à faire des examens inutiles, simplement parce que la machine est programmée ainsi. Et lorsque ces examens ne sont pas prescrits, le malade retourne consulter le médecin pour lui demander de les ajouter sur son ordonnance.

La rationalisation et la mutualisation des achats est une bonne chose, mais attention aux lourdeurs administratives.

Je terminerai mon propos en évoquant le problème du dossier médical personnel sur support amovible, auquel je sais que M. Xavier Bertrand est favorable. Le DMP est un instrument indispensable, tant sur le plan médical qu’économique. La loi HPST de 2009 a prévu la possibilité d’introduire un DMP sur support amovible qui apparaît beaucoup moins lourd que le système centralisé. Les décrets d’application ne sont toujours pas parus, retardant d’autant le début de l’expérimentation. J’aimerais savoir où l’on en est exactement.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Madame la présidente, mesdames les ministres, je m’exprimerai ce soir au nom d’un certain nombre de collègues du Nord-Pas-de-Calais, de Lorraine et du Centre Midi sur le statut des mineurs. Ils sont encore 160 000 en France, et 5 500 personnes s’en occupent dans le cadre du régime minier, dont ils déplorent la disparition.

Aucune gouvernance de ce régime n’est assurée depuis bientôt quatre mois, même si cela fait dix jours que le directeur de la CAN, la Caisse autonome nationale, a été nommé. Or le régime doit continuer d’exister et être géré par un conseil d’administration composé des représentants des affiliés et du personnel.

Pourtant, les particularités de ce régime le rendent particulièrement séduisant. Il a toujours fait de la prévention, il a inventé le médecin référent et le parcours de soins, véritable alternative à la médecine libérale avec des patients bénéficiaires du RSA qui sont pris en charge. C’est dire si les maisons de santé que vous voulez généraliser sur l’ensemble du territoire pourraient s’inspirer du régime minier.

À l’article 42, vous proposez de maintenir la prise en charge intégrale des dépenses d’assurance maladie des affiliés du régime minier et de leurs ayants droit, mais comme c’est l’année budgétaire qui fonctionne, rien ne garantit un remboursement à 100 % l’année prochaine. D’autant que cette mesure est déjà remise en cause du fait de l’extension des franchises médicales à des assurés âgés pour la plupart de soixante-quinze à quatre-vingts ans. On aurait donc pu laisser ce régime s’éteindre de lui-même. Nous sommes solidaires à la fois des personnels qui s’inquiètent mais aussi des bénéficiaires.

Les revendications, madame la ministre, portent sur plusieurs points que vous connaissez.

Un décret a été publié sans concertation, sans la moindre discussion. Pourtant, les conséquences ne sont pas négligeables. La suppression du « 2.2b » a entraîné la modification de certains avantages, notamment en matière de remboursement des transports sanitaires. Désormais, ce n’est plus une prestation. C’est donc le budget d’action sociale de l’ANGDM qui devra éventuellement prendre en charge les dépenses relatives aux déplacements. De surcroît, le budget que vous voulez nous faire adopter prévoit une diminution des crédits d’action sociale de 6 %, ce qui est un contresens malgré le vieillissement de la population. En effet, si les assurés sont moins nombreux, comme ils vieillissent, les pathologies risquent d’être plus lourdes et donc plus coûteuses, nécessitant plus souvent le recours à des transports sanitaires.

De la même manière, il n’est pas normal qu’ils paient des franchises médicales car la gratuité leur était acquise.

Nous nous dirigeons également vers un recul des services rendus à ces populations. Je pense en particulier à la situation des pharmacies minières. Il serait intéressant de les ouvrir à l’ensemble de la population. C’est le cas pour partie des médecins qui accueillent à la fois des personnes relevant du régime minier et des personnes qui n’en relèvent pas. Ces pharmacies risquent de disparaître à défaut d’une ouverture bilatérale.

Les personnels ne sont pas non plus rassurés quant à leur avenir, d’abord en raison d’un manque de gouvernance, mais aussi parce qu’aucune convention collective ne s’applique à eux. Ils vont devoir être dispersés dans les UGECAM et les organismes d’assurance maladie, qui les prendront en charge au coup par coup, en fonction des restructurations, sans qu’ils soient assurés d’avoir une convention collective aussi satisfaisante que celle dont ils bénéficiaient auparavant, ni certains d’obtenir des conditions de travail aussi favorables pour eux mais aussi pour ceux qu’ils servaient.

Vous le savez, il n’y a plus de nouveaux affiliés depuis le 1er septembre 2010. C’est dire si cette situation nous préoccupe. Nous espérons que vous comprendrez qu’un tel régime doit pouvoir conserver ses aspects positifs pour la population.

Nous avons les mêmes inquiétudes pour les hôpitaux locaux rattachés au régime minier, eux aussi en grande difficulté, alors qu’ils accueillent des pathologies lourdes comme la sidérose ou les cancers de la plèvre, justifiant une prise en charge particulière. Souvent créés il y a plus d’un siècle, ces hôpitaux, j’y insiste, se trouvent dans une situation très difficile dans le bassin houiller mais également dans le bassin ferrifère lorrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Renucci.

M. Simon Renucci. Madame la présidente, madame la ministre – quelle constance ! –, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes donc réunis ce soir pour débuter l’examen du dernier PLFSS du quinquennat. Je ne reviendrai pas sur le détail de ses dispositions qui, comme d’habitude, suivent le même schéma : un équilibre financier – fragile cette année – mais à quel prix ?

Le PLFSS pour 2012 reste, sans grande surprise, dans la continuité du plan de rigueur et d’un projet de loi de finances qui prévoit l’augmentation de la taxe sur les complémentaires santé, la création d’une taxe sur les boissons sucrées et la hausse de la taxe sur les alcools forts.

Le PLFSS préconise pour sa part la baisse des indemnités journalières prises en charge par la sécurité sociale en cas d’arrêt maladie. Là encore, ce sont les classes moyennes et les salariés les plus modestes qui vont être touchés, ceux dont l’entreprise ne compense pas la perte de salaire.

Le présent texte est marqué par l’annonce de mesures que nous avons contestées parce qu’elles font payer les plus pauvres sans s’attaquer aux causes structurelles qui mériteraient un plan spécifique. Nous regrettons que l’ensemble des réformes non appliquées ou difficiles à mettre en œuvre n’aient pas eu l’impact espéré sur la réduction du déficit et pour un meilleur accès aux soins.

L’alourdissement de la taxation sur les complémentaires santé, mutuelles ou assurances privées, au détriment des patients portera le taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance et les contrats solidaires et responsables de 3,5 % à 7 %, soit un doublement de la cotisation. Encore une fois, ce sont les personnes les plus modestes qui vont en pâtir, celles qui n’ont pas les moyens de se payer une complémentaire santé privée, et les classes moyennes – qui restent très attachées à leurs complémentaires –, avec des conséquences graves comme le retard de prise en charge et le renoncement aux soins.

De fait, les inégalités se creusent et l’offre de soins se raréfie. Près de trois usagers du système de santé sur dix, soit 29 %, avouent avoir reporté des soins ou y avoir renoncé pour des raisons financières en 2011, contre 23 % en 2010 : une personne sur cinq, et 11 % en 2009 : une personne sur dix. Ce taux, on le constate, est en constante augmentation.

En outre, le PLFSS prévoit d’encadrer les prescriptions médicales. Les médecins souhaitent exercer dans un cadre reconnu et responsable qui leur permette d’être de véritables acteurs de la maîtrise des dépenses au moyen de leurs prescriptions et de l’éducation thérapeutique des patients, vecteur d’une meilleure prise en charge par le malade lui-même de son traitement, de l’observance de règles de vie et de la prévention. L’objectif est l’établissement d’une rémunération adaptée pour un acte global, et ce en dehors du secteur optionnel.

En réalité, pour défendre la place du patient au cœur du système de santé, il faut garantir une réelle indépendance des professionnels de santé et une formation continue à la maîtrise des dépenses.

On note certes un progrès dans le respect de l’ONDAM, grâce non seulement à une recette nouvelle de 6 millions d’euros, mais aussi grâce à des économies réalisées sur la médecine libérale, conséquence en partie de la fuite vers les urgences hospitalières et du renoncement aux soins.

La volonté de réforme a conduit le Gouvernement à légiférer. Reste que toutes ces réformes porteuses de modifications structurelles souffrent de leur difficulté d’application. Ainsi, malgré une certaine cohérence, la maîtrise des dépenses n’est-elle pas au rendez-vous.

Je regrette profondément l’absence d’une grande loi de santé publique, d’un cadre cohérent, véritable outil pour la mise en œuvre d’actions planifiées et évaluées. Pris isolément, les dispositifs en vigueur, tronqués, indépendants les uns des autres, ont une efficacité très limitée et ne sont pas la hauteur des enjeux.

L’exigence de justice sociale impose que nous nous montrions responsables et que nous restions attentifs à l’émergence de nouvelles situations d’exclusion. Je tiens ici à rappeler un des principes fondamentaux de la sécurité sociale : payer selon ses moyens, recevoir selon ses besoins. Il est nécessaire de faire preuve d’une grande humilité ; il s’agit de maintenir un climat de confiance, et non d’opposer les acteurs les uns aux autres.

C’est pourquoi je sais qu’une autre voie est possible, celle de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en période de crise, de réelle incertitude budgétaire, la discussion générale du PLFSS constitue une occasion inespérée non seulement d’évoquer la fraude sociale, mais surtout d’aller plus loin dans la démarche visant à éradiquer de manière pérenne et efficace ce phénomène caractéristique de la société française.

Démarche d’autant plus nécessaire que cette fraude, évaluée par notre collègue Dominique Tian, prestations et prélèvements confondus, à 20 milliards d’euros, est considérée par nos concitoyens vertueux, qui peuvent l’observer assez facilement autour d’eux, lorsqu’elle existe, en termes de train de vie, comme une véritable provocation.

Ainsi, l’exclusion des criminels et des délinquants des prestations sociales conditionnées par des revenus faibles, la suspension du paiement des prestations fraudées, la sanction aux prestations sociales pour travail dissimulé, la mise en place d’une procédure de flagrance sociale, l’habilitation des CAF et organismes d’assurance maladie à déposer plainte, la compétence donnée aux agents des conseils généraux pour le contrôle du RSA, sont autant de moyens d’agir et d’agir vite.

M. Jean Mallot. Si vous voulez acheter une Mercedes avec le RSA, vous allez avoir du mal !

M. Alfred Trassy-Paillogues. De même, intégrer le montant de l’ensemble des ressources dans le répertoire commun aux organismes de sécurité sociale, sécuriser les identités des personnes nées à l’étranger, donner aux différents organismes ou administrations les possibilités technologiques modernes de croiser les fichiers, sont autant d’outils pour analyser en profondeur le système et pour déjouer des fraudes qui, bien souvent, relèvent de trafics organisés, voire de réseaux mafieux.

La célèbre phrase de Michel Rocard selon laquelle la France n’a pas à supporter toute la misère du monde justifie parfaitement, comme le suggère notre collègue Lionnel Luca, que l’on « renationalise » la CMU et l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

M. Jean Mallot. Savez-vous de quoi vous parlez ? Votre distinction entre étrangers et assurés sociaux est insupportable !

M. Alfred Trassy-Paillogues. On peut toujours s’interroger sur l’aide médicale de l’État, l’AME, mais aussi sur l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, dont la vocation semble être le versement d’une aide dans l’attente de l’instruction d’un dossier de réinsertion avec le risque que l’intéressé ne se presse pas pour clore son dossier.

M. Jean Mallot. Que signifient ces amalgames ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. Tout cela serait risible…

M. Jean Mallot. C’est vous qui êtes risible !

M. Alfred Trassy-Paillogues. …s’il ne s’agissait pas, tout simplement, de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Cette stigmatisation des étrangers est inadmissible !

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, une fois encore, nous ne pouvons que déplorer que le projet de loi de financement de la sécurité sociale se borne à des questions financières en excluant toute problématique de santé publique.

Pour étayer mon propos, je prendrai l’exemple de l’article 16, relatif aux taxes applicables aux alcools fortement titrés. Cette mesure, dont le rendement est estimé à 340 millions d’euros, s’inscrit, soutenez-vous, dans le cadre de votre politique globale de lutte contre la consommation excessive d’alcool. Si l’on peut comprendre le lien entre le prix et le niveau de consommation, on ne peut que regretter une fois de plus que la fiscalité seule vous tienne lieu de politique de santé publique. Toutes les études montrent qu’en termes d’amélioration des pratiques sanitaires et des comportements de santé, il faut associer une mesure portant sur les prix à une amélioration de la prise en charge des comportements à risque. Autrement dit, la seule logique financière n’a aucun impact si elle n’est pas conjuguée à une politique de prévention primaire, secondaire et tertiaire. Vous augmentez les prix mais ne prévoyez pas de consultations d’alcoologie ni d’augmenter les moyens ou le nombre des professionnels aptes à suivre les malades tout au long du processus de sevrage.

Autre exemple : la nouvelle augmentation du prix du tabac. Devant les ravages que provoque ce fléau sanitaire, la mesure s’explique : en France, chaque année, 60 000 personnes meurent prématurément à cause du tabac. L’ambition est noble et juste. Tous, ici, nous partageons les enjeux de santé publique mais, là encore, vous oubliez de renforcer les moyens des consultations en tabacologie. En ne proposant pas une prise en charge des fumeurs qui souhaiteraient s’arrêter, vous favorisez les comportements de substitution à la distribution classique que sont les achats en contrebande et les achats frontaliers.

Enfin, le produit de la taxe sur les sodas que vous proposez comme moyen de lutte contre l’obésité doit finalement être affecté aux revenus des agriculteurs. Où se trouve la logique de santé publique ?

Plus largement, ces trois exemples illustrent votre abandon de toute politique de santé publique.

Contrairement à ce que l’on nous a expliqué commission, les préoccupations de santé publique ont bien leur place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et comme l’a souligné notre collègue Denis Jacquat, il faudra bien qu’un jour nous ayons enfin un vrai débat sur la politique de santé publique.

Mme Michèle Delaunay. C’est vrai !

Mme Gisèle Biémouret. Depuis 2004, la représentation nationale attend toujours le grand débat annuel sur les priorités de santé prévu par la loi de santé publique de 2004.

M. Yves Bur, rapporteur. Ce qui est promis est promis !

Mme Gisèle Biémouret. Vous avez totalement oublié la spécificité des lois de financement de la sécurité sociale pour en faire des lois de finances bis.

Alors que les récents rapports des observatoires régionaux de santé et celui de la Cour des comptes, commandé par la MECSS, attestent les retards en matière de prévention et l’augmentation des inégalités sociales en matière de santé, alors que la crise financière entraîne des retards dans les consultations chez les médecins pour les ménages les plus pauvres,…

M. Yves Bur, rapporteur. Comment cela ?

Mme Gisèle Biémouret. …alors que le reste à charge augmente sans cesse, vous nous présentez aujourd’hui un projet de loi de financement de la sécurité sociale sans aucune vision sanitaire, juste un plan comptable destiné à diminuer le déficit des finances sociales que votre politique creuse depuis cinq ans.

Oubliés les 104 objectifs de santé publique présentés en 2004, oubliées les promesses de réduction des inégalités, en particulier sociales et sanitaires : seule compte votre soif de récupérer quelques prélèvements supplémentaires alors que vous en avez exonéré les plus riches.

Une occasion de lier financement et actions est encore manquée. Il nous faudra donc attendre l’année prochaine pour qu’enfin un projet de loi de financement de la sécurité sociale soit fondé sur l’essentiel, à savoir les besoins de santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Malherbe, dernier orateur inscrit.

M. Jean Mallot. Enfin Malherbe vint ! (Sourires.)

M. Guy Malherbe. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, dès le mois de mars, avec Paul Jeanneteau, Michel Heinrich, Gérard Cherpion, Jean-Marc Roubaud, Guy Lefrand, Olivier Dosne et Yanick Paternotte, nous avons alerté le ministre de la santé au sujet du malaise des officines de pharmacie, malaise qui est aujourd’hui sur la place publique.

Pour y remédier, le monopole pharmaceutique doit être réaffirmé et l’officine reconnue comme un portail d’entrée sécurisé dans le parcours de soins. Cela a été rappelé à plusieurs reprises et ce week-end encore par le ministre lui-même au congrès des pharmaciens à Bordeaux.

Les pharmaciens ont entendu son message et pris acte de son attachement au maintien du maillage et à la propriété de l’officine par un pharmacien diplômé. Nous lui avons également déclaré qu’il fallait d’urgence créer un nouveau modèle économique viable, fondé sur une réforme du mode de rémunération, qui repose actuellement sur la seule vente des médicaments, en vue d’y intégrer une rémunération à l’acte pharmaceutique et les nouvelles missions de la loi HPST. Le ministre a partagé ce vœu, que nous allons mettre en œuvre par le biais de l’article 39 du présent texte.

J’évoquerai plus longuement…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Pas trop tout de même ? (Sourires.)

M. Guy Malherbe. …les perspectives et les interrogations qu’ouvre cette réforme que certains qualifient d’historique – mais laissons à l’histoire le soin de la qualifier – lors de la discussion de l’article 39.

Je voudrais juste souligner dès à présent qu’une fois ouverte la possibilité de négocier avec l’assurance maladie une partie de la rémunération de l’officine sous forme d’actes ou d’honoraires, ce n’est pas seulement un mode de financement qui évolue, c’est aussi toute une philosophie.

Aujourd’hui, les pharmaciens qui s’en sortent le mieux sont ceux qui disposent de la surface financière la plus grande et qui peuvent casser les prix, chaque fois au détriment de leurs confrères. Demain, les pharmaciens réalisant des actes de santé publique – et ils sont très nombreux – pourront s’en sortir par la seule qualité de leurs prestations intellectuelles. La rémunération à l’honoraire leur permettra en effet de ne plus subir la logique de la marge appliquée au prix de vente du médicament. D’autres pays ont déjà franchi ce pas et créé avec succès un système mixte mêlant la marge commerciale et l’apport intellectuel et professionnel, à la manière des médecins ou d’autres professionnels.

Le maintien du réseau des pharmacies sur notre territoire est également primordial. Le risque serait de laisser la restructuration se faire en fonction de la seule contrainte économique, avec le risque de voir cette restructuration s’opérer lentement et de façon désordonnée, fragilisant le réseau, voire entraînant des ruptures dans le maillage officinal, ce dont personne ne veut, et surtout pas les patients.

C’est pourquoi nous proposerons à l’article 39 un amendement visant à accompagner et à maîtriser la restructuration du réseau, tout en maintenant, bien sûr, le dispositif législatif actuel dans les territoires de 2 500 habitants, afin de garantir une présence satisfaisante des officines en milieu rural.

La création des maisons de santé fait surgir un débat sur les conséquences de ces créations sur l’économie des officines du territoire concerné. En effet, l’implantation géographique de la maison de santé est loin d’être neutre et risque d’avoir des conséquences économiques et financières sur les officines. Je le mesure dans ma circonscription avec le projet de création d’une maison de santé dans le pays de Limours.

Certes, la création d’une maison de santé, c’est mieux qu’un désert médical et que l’absence de prescripteurs, mais il faut étudier très finement les projets, en s’appuyant sur une concertation maximale avec les élus et tous les professionnels de santé.

Toujours avec pour objectif de favoriser la restructuration du réseau, les organisations professionnelles souhaitent la création d’un fonds de modernisation, dont la gestion administrative serait assurée par l’assurance maladie mais qui serait financé par les titulaires d’officines.

Ce fonds percevrait auprès du ou des pharmaciens intéressés par une opération de restructuration les contributions destinées à financer le versement d’une indemnité compensatrice de cessation d’activité à l’officine concernée par la fermeture, ce qui entraînerait la caducité de la licence. Il serait bon que ce fonds de modernisation trouve sa place dans la convention pharmaceutique prévue à l’article 39.

Le rapporteur souligne la nécessité de mettre en œuvre un dispositif fiscal favorisant le regroupement d’officines. Je partage son souci. Le fonds de modernisation est un moyen d’y parvenir, mais il faut aussi modifier le régime actuel de taxation de la plus-value sur la revente de l’officine, particulièrement désincitatif au regroupement des officines.

Cette modification ne relève pas du PLFSS mais d’une loi fiscale ; il faudrait revoir ce dispositif lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative de fin d’année. Nous sommes disposés à l’étudier avec votre cabinet, madame la ministre, et avec les services de Bercy.

Enfin, il reste à régler plusieurs points très importants, ressentis comme des cailloux douloureux dans la chaussure.

La dématérialisation totale des ordonnances représente un chantier supplémentaire qui mériterait un soutien financier comme cela a été le cas pour l’informatisation des cabinets médicaux.

Le développement du générique est freiné aujourd’hui par l’utilisation abusive du non-substituable ; aussi un accord entre l’assurance maladie et les médecins doit-il être rapidement conclu pour relancer ce mécanisme d’économie pourvu d’un fort potentiel.

Les ruptures de stocks et d’approvisionnement sont inadmissibles et posent de grosses difficultés aux officines.

L’expérimentation du forfait soins dans les EHPAD, dont la durée a été prolongée jusqu’en 2012, ne semble pas donner satisfaction ni répondre aux objectifs qui lui avaient été fixés à l’origine.

La vente de médicaments sur internet présente un risque, la plupart des produits concernés se révélant inutiles ou frauduleux.

Enfin, à propos des grands conditionnements, le ministre s’est déclaré prêt à revoir le mode de calcul des marges : toutes les organisations professionnelles le demandent et la Cour des comptes en a confirmé le déséquilibre. Les pharmaciens demandent que l’effort soit équilibré entre leur profession et l’industrie, alors qu’il est dix fois plus important pour eux aujourd’hui. Cela exige une mesure réglementaire qui pourrait intervenir rapidement.

L’officine est un maillon essentiel de la chaîne de santé puisqu’elle représente 57 000 pharmaciens, 50 000 employés et 4 millions de patients accueillis tous les jours. Comme tous les autres maillons, celui-ci doit être solide et solidaire des autres, sans quoi la chaîne du parcours de soins et de la santé publique sera rompue et perdra son efficacité, au détriment des patients.

Mais je sais que le ministre de la santé se montre très attentif à la solidité et à la robustesse de ce maillon. Son engagement sur l’article 39 le démontre. Les officinaux comptent sur lui.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mercredi 26 octobre 2011 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 26 octobre 2011, à une heure cinquante.)