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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 14 février 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Souhaits de bienvenue à deux délégations étrangères

2. Questions au Gouvernement

Référendums

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Taxe sur les transactions financières

M. Yvan Lachaud

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Augmentation de la TVA

M. Christian Paul

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Perspective de frappes israéliennes contre l’Iran

M. Jacques Myard

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Augmentation de la TVA

M. Michel Lefait

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Rapport de l’Observatoire sur la fin de vie

M. Bernard Perrut

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Accès aux soins

M. Jean-Luc Préel

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé

Augmentation de la TVA

M. Michel Vergnier

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Formation des chômeurs

M. Dominique Le Mèner

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Augmentation de la TVA

Mme Michèle Delaunay

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Reprise de Photowatt par EDF

M. Philippe Cochet

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Augmentation de la TVA

M. Hervé Féron

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Régime social des indépendants

M. Christian Estrosi

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Avenir de l’entreprise Meryl Fiber

Mme Jacqueline Maquet

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Taxe sur les transactions financières

M. Marc Bernier

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

3. Résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique

Explications de vote

M. Marc Dolez, M. Michel Diefenbacher, M. Bernard Derosier, M. Stéphane Demilly

Vote sur l’ensemble

4. Refonte de la carte intercommunale

Explications de vote

M. Michel Hunault, M. Marc Dolez, M. Gérard Hamel, M. Bernard Derosier

Vote sur l’ensemble

5. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Discussion générale (suite)

M. Christian Eckert

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Marc Goua

Motion référendaire

M. Jean-Marc Ayrault

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, M. Pierre-Alain Muet, M. Jean-Pierre Brard, M. Charles de Courson, M. Christian Jacob

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

Présidence de Mme Catherine Vautrin

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Discussion générale (suite)

M. Jean-François Lamour

Mme Marietta Karamanli

M. Bernard Perrut

M. Jean Mallot

M. Michel Piron

M. Jean-Patrick Gille

M. Gérard Voisin

M. Christian Vanneste

M. Pascal Terrasse

M. Étienne Pinte

Mme Sylvia Pinel

Mme Valérie Pécresse, ministre

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue
à deux délégations étrangères

M. le président. Je salue la présence dans les tribunes d’une délégation de l’Assemblée de l’Union des Comores, conduite par son président, M. Bourhane Hamidou.

Nous accueillons également une délégation du groupe d’amitié Cap-Vert–France, conduite par son président, M. Arnaldo Andrade Ramos.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à nos collègues. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Référendums

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Le Président de la République a bien voulu, monsieur le Premier ministre, nous faire connaître une partie de son pré-programme, ce qu’il a appelé ses valeurs pour la France. À cette occasion nous avons découvert, non sans surprise, son soudain engouement pour la pratique du référendum.

Surprise, en effet, de la part de celui qui, en ratifiant le traité de Lisbonne, a précisément piétiné la décision souveraine du peuple français de rejeter le traité constitutionnel européen en 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Surprise pour nous qui, durant tout le quinquennat, avons vu votre gouvernement faire passer en force des textes essentiels pour l’avenir de notre pays, alors que citoyens, associations, syndicats, partis politiques et élus de l’opposition demandaient la tenue de référendums.

Pourquoi n’avez-vous pas consulté le peuple avant d’imposer la retraite à soixante-deux ans ou de privatiser les services publics comme EDF ou La Poste ? Pourquoi ne consultez-vous pas le peuple sur le financement de la protection sociale, notamment sur la TVA sociale, ou sur la fameuse règle d’or ?

Vous préférez utiliser ce formidable outil démocratique pour faire disserter les citoyens sur la façon dont les chômeurs seront exclus de l’assurance chômage ou sur le fait de soumettre les étrangers à une justice d’exception, différente de celle appliquée aux titulaires de la nationalité française.

Croyez-vous masquer, par ces projets insultants pour notre République, la gravité de la situation du pays, faire oublier l’incurie de vos choix politiques ? La ficelle de la stigmatisation et du bouc émissaire, voire de la xénophobie, est un peu grosse pour vous aider à remonter dans les sondages.

Monsieur le Premier ministre, prenant acte de l’engouement inattendu du président-candidat pour les consultations populaires, quand allez-vous organiser un référendum sur la TVA sociale et sur le nouveau traité européen ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, parce que le chômage, je veux dire la lutte contre le chômage (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC) est aujourd’hui la priorité de l’action gouvernementale,…

M. Jean Glavany. Quel lapsus significatif !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …nous voulons en faire un sujet de la campagne présidentielle. Vous ne pouvez pas nous le reprocher. (Interruptions sur les mêmes bancs.)

Aujourd’hui, nous dépensons 30 milliards d’euros pour la formation professionnelle, mais seuls 10 % des chômeurs bénéficient d’une formation et 75 % des demandes de formation des chômeurs ne sont pas satisfaites. Pourquoi, madame Fraysse ? Parce que le système est trop complexe, qu’il n’est pas lisible et qu’il ne fonctionne pas,...

M. Jean-Paul Lecoq. Parce que vous êtes incompétents !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ...et parce qu’il n’y a pas de droit systématique à la formation pour les chômeurs.

Oui, le Président de la République a choisi de mettre ce sujet à l’agenda de la campagne présidentielle. Je ne comprends pas que vous nous le reprochiez. D’autres gouvernements, socialistes, l’ont fait, en Europe, madame Fraysse : le gouvernement de M. Schröder en Allemagne, celui de M. Zapatero en Espagne et celui de M. Tony Blair au Royaume-Uni. (Interruptions sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Offrir un droit systématique à la formation pour les chômeurs, c’est aussi leur demander d’accepter ensuite des propositions d’emploi qui correspondraient à leurs nouvelles qualifications. C’est une logique de droits et de devoirs. Ce n’est en rien une logique de stigmatisation des chômeurs. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Mme Jacqueline Fraysse. Répondez-moi sur la TVA sociale !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Aujourd’hui, les chômeurs peu qualifiés, les chômeurs de longue durée ont besoin qu’on leur tende la main.

Bien sûr, cette réforme, nous la ferons en lien avec les partenaires sociaux mais, en cas de blocage, oui, nous envisageons un référendum.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas la question !

Taxe sur les transactions financières

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Yvan Lachaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Monsieur le ministre, le 29 janvier dernier, le Président de la République a annoncé que la France allait taxer les transactions financières. Nous, centristes, nous défendons depuis longtemps cette mesure juste,...

M. Patrick Lemasle. Vous avez pourtant déjà voté contre !

M. Yvan Lachaud. ...qui va dans le sens de la régulation de la finance mondiale et de la moralisation du capitalisme. C’est un combat qui doit être partagé par toutes et tous sur ces bancs.

Au moment où nos déficits sont dramatiquement élevés, où tous les pays adoptent la règle d’or d’équilibre financier, les efforts doivent être partagés, notamment par le secteur financier.

En effet, la finance a beaucoup pesé dans la crise. Les banques ont pu bénéficier d’un soutien important de la part des États.

M. Roland Muzeau. Grâce à vous !

M. Yvan Lachaud. Il n’est pas normal que les transactions financières et les mouvements de capitaux ne soient pas taxés, alors que les produits de consommation courante de première nécessité, un kilo de pommes ou un pot de yaourt, le sont.

Cette taxe, le Parlement européen en a voté le principe, la Commission européenne en a défini les contours et les dirigeants français et allemands se sont publiquement engagés à la mettre en œuvre. Nous ne pouvons que nous réjouir que la France soit à l’initiative d’une telle décision.

Nous, centristes, appelons le Gouvernement à exclure du champ d’application de cette taxe l’épargne salariale. Il paraît normal que les salariés soient encouragés à l’acquisition de parts dans leur entreprise et que celles-ci ne soient pas taxées. Cela permettra de rendre la taxe plus juste.

Monsieur le ministre, l’Assemblée nationale va adopter cette mesure dans les jours qui viennent. Pouvez-vous nous informer sur le calendrier d’application de la taxe en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous remercie, monsieur Lachaud, de rappeler que, depuis la grande crise mondiale de 2008-2009, la France est aux avant-postes en ce qui concerne les problématiques de rerégulation du système financier, d’encadrement des rémunérations et de mise en œuvre d’un débat mondial autour d’une contribution du secteur financier à la résorption de la crise financière que nous traversons.

Ce chemin s’est largement éclairci dans le cadre de la présidence française du G20, puisque nous avons même obtenu du Président américain l’engagement que les États-Unis mèneront, sur ces bases-là, une réflexion sur une contribution, sous forme de taxe, du secteur financier au financement des dégâts provoqués par la crise.

C’est naturellement le même esprit qui nous anime à l’échelle européenne. Avec l’Allemagne, nous avons engagé un processus de discussion. Wolfgang Schäuble et moi-même avons été mandatés par le Président de la République et par la Chancelière allemande pour apporter une contribution franco-allemande auprès de la Commission, ce que nous avons fait à l’automne, et cette dernière a commencé à proposer un projet de directive.

La France souhaite accélérer le processus et n’attendra pas la mise en œuvre de cette directive pour appliquer la taxe. C’est la raison pour laquelle, cette semaine, l’Assemblée se prononcera sur cette taxe qui visera les actions, la finance à haute fréquence et la spéculation sur les dérivés concernant les titres souverains. Nous avons obtenu, la semaine dernière, la signature de huit autres ministres des finances pour accélérer le calendrier, saisir la présidence danoise et faire en sorte que, si possible, les calendriers soient synchrones. Nous ne pensons pas que ce sera synchrone.

Nous voulons que la taxe soit opérationnelle en France le 1er août de cette année, que la directive fixe les perspectives à la fin de l’année et que la taxe soit ensuite mise en œuvre à l’échelle européenne. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)

Augmentation de la TVA

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Paul. Monsieur le président, il faut savoir achever cette législature par des propositions à soumettre aux Français, qui en décideront lors des prochaines élections, et non par les improvisations et les illusions que vous tentez de faire voter à l’arraché.

L’activisme brouillon du Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui invente une taxe par mois et un référendum par semaine, n’a qu’un seul objectif : éviter le bilan, repousser l’heure des comptes et la sanction du suffrage universel.

M. Guy Teissier. Cela va pourtant venir !

M. Christian Paul. Ce qui est particulièrement grave, dans le choix d’augmenter la TVA en France, c’est que vous allez à l’encontre des réalités économiques et des principes de justice.

Sur le pouvoir d’achat, disons-le clairement, c’est une hausse d’impôts sur le consommateur et sur les familles. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les plus modestes paieront davantage : c’est d’ailleurs la marque de fabrique de ce gouvernement depuis son premier jour. Comment pensez-vous un instant que la hausse de la TVA ne produira pas de hausse des prix ? Beaucoup d’entreprises françaises sont fragiles, leurs marges sont étroites : elles répercuteront la hausse de TVA sur les consommateurs et engrangeront la baisse de cotisations patronales. (Mêmes mouvements.) Vous n’avez aucune garantie de l’efficacité de cette mesure. Regardez les restaurants, où la baisse de TVA n’a pas provoqué les baisses de prix et encore moins les créations d’emplois que vous aviez promises. (Mêmes mouvements.)

En ce qui concerne l’emploi, personne ne croit sérieusement que vous allez régler les problèmes de compétitivité avec la Chine. Les économistes de tous les horizons convergent pour le dire. En phase de récession, la hausse de la TVA, c’est l’horreur économique, car elle fait baisser la consommation sans aider dans la compétition. Non, madame Pécresse, la TVA n’est pas l’amie de l’emploi. M. Carrez a d’ailleurs rendu sur ce point un rapport édifiant.

En revanche, des secteurs bénéficieront de véritables cadeaux. C’est vrai du secteur financier et bancaire, dont vous baissez les cotisations sociales et qui n’est pas concerné par la hausse de la TVA.

Notre engagement est clair, aux côtés de François Hollande : nous abrogerons cette hausse de la TVA si, aux forceps, vous trouvez une majorité pour la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, comme d’habitude, votre présentation est tronquée et trompeuse. Vous oubliez de dire que notre principal problème, c’est le coût du travail. Nous avons des charges sociales qui sont parmi les plus élevées d’Europe.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est le modèle français !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’OCDE, et c’est Lionel Jospin, dont, je crois, vous avez été ministre, qui l’avait dit à Edmond Malinvaud en le chargeant d’une réflexion pour savoir comment baisser le coût du travail.

Hier, dans la Somme, le Premier ministre, François Baroin et moi-même avons rencontré les chefs d’entreprise qui nous ont dit qu’ils étaient tous en concurrence non seulement avec l’Allemagne, mais aussi avec des prestataires chinois, que les marchés se jouaient à quelques pourcentages de prix, que la baisse de 5 % du coût du travail serait pour eux une véritable chance.

M. Christian Paul. Avec la Chine ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, monsieur Paul, ils nous expliquaient comment, grâce à la technologie française, on peut relocaliser des productions qui, jusqu’à présent, se font en Chine.

M. Jean-Paul Lecoq. Chiche !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est dommage que vous n’ayez pas pu participer à ces tables rondes, que vous n’ayez pas parlé avec les entreprises pour leur demander quels sont leurs vrais problèmes.

M. Christian Paul. J’aimerais que vous ayez raison !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous allons abaisser le coût du travail, et nous allons le faire pour l’emploi. Nous toucherons 80 % des emplois industriels et 93 % des emplois agricoles. Les très petites entreprises auront l’essentiel de leurs effectifs concernés, soit 14 millions de salariés.

M. Christian Paul. Et les banques ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et cela créera 100 000 emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Perspective de frappes israéliennes contre l’Iran

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l’Orient, nous le savons très bien, a toujours été très compliqué. Aujourd’hui, il le demeure.

Dans les zones du Proche et du Moyen-Orient, les tensions et les conflits se développent sans cesse. La Syrie est aujourd’hui en guerre civile. La Palestine n’a pas reçu de règlement approprié. Le Liban se demande ce qui va se passer à Damas et demeure traversé sur le plan religieux par des antagonismes et des fractions. L’Irak n’est pas stabilisé et a chassé ses minorités. L’Égypte poursuit son chemin et se cherche, aussi sur fond d’antagonismes religieux. Les États du Golfe persique s’inquiètent du programme militaire de l’Iran.

C’est dans ce contexte de tension permanente et de haine religieuse que se développent aujourd’hui des rumeurs de plus en plus persistantes de frappes israéliennes sur l’Iran. Si ces frappes ont lieu, elles vont provoquer ou attiser des haines, des tensions sur fond de zone convoitée et riche en pétrole.

Mais ces frappes ne vont pas se limiter à la zone du Proche et Moyen-Orient ; elles vont aussi atteindre l’Europe dans certaines de ses parties.

Ma question est simple, monsieur le ministre : comment jugez-vous la situation et quelle action peut avoir la France pour éviter le pire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, vous comprendrez que je me concentre sur un seul des pays que vous avez cités. Je choisirai bien sûr l’Iran parce que le programme nucléaire militaire iranien constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces, non seulement sur la paix de la région, mais sur la paix du monde.

M. Jean-Paul Lecoq. Rappelez-vous les armes de destruction massive !

M. Alain Juppé, ministre d’État. Nous avons la conviction que l’Iran continue à développer ce programme et le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique nous conforte dans cette conviction.

L’Iran, ce faisant, viole ses obligations internationales, le traité de non-prolifération qu’il a signé, les résolutions du Conseil de sécurité et celles de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

L’Iran le nie et nous lui disons qu’il y a une façon très simple de prouver sa bonne foi : revenir à la table de négociation comme nous ne cessons de le proposer, à condition que ce soit une négociation sans préconditions et qu’elle porte sur le vrai sujet, c’est-à-dire sur le programme nucléaire militaire.

Pour l’instant, l’Iran continue à refuser. D’où les rumeurs d’intervention militaire dont vous vous êtes fait l’écho et qui, c’est vrai, circulent en Israël.

Nous considérons que cette option militaire pourrait avoir des conséquences incalculables sur la région et sur la paix du monde, et donc, nous faisons tout pour l’éviter.

Que pouvons-nous faire ? Le Président de la République a demandé que soient mises en place des sanctions sans précédent, à savoir le gel des avoirs et des transactions de la Banque centrale et l’embargo sur les exportations pétrolières iraniennes.

Nous avons été entendus et les Vingt-sept ont adopté ces sanctions il y a quelques jours, pendant que les États-Unis d’Amérique faisaient la même chose.

J’ajoute que l’Iran est aussi un régime répressif, qui viole les principes fondamentaux qui nous sont chers, en particulier ceux des droits de l’homme et de la femme, et il joue un rôle très déstabilisateur dans la région. Cela dit, notre offre de dialogue reste valable. Elle est sur la table.

En tout cas, la ligne de la diplomatie française est claire et forte, et elle nous vaut le soutien de l’ensemble de nos partenaires européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Augmentation de la TVA

M. le président. La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Lefait. Monsieur le Premier ministre, lors de son émission télévisée du 29 janvier et pour mieux faire passer la pilule amère de sa TVA antisociale, Nicolas Sarkozy avait déclaré, avec de touchants accents de sincérité qu’il « excluait clairement toute augmentation des impôts ».

Manque de chance, après nous, le Syndicat national unitaire des impôts vient de révéler qu’en septembre prochain, 200 000 contribuables de plus paieront l’impôt sur le revenu, tandis que des milliers d’autres verront leur contribution s’alourdir.

En gelant en catimini l’indexation du barème sur l’inflation, vous avez, sans avoir le courage de le dire, procédé à une augmentation généralisée de l’impôt sur le revenu qui va peser lourdement sur les Français les plus modestes.

Venant d’un gouvernement qui s’autoproclame hostile à l’impôt et défenseur des classes moyennes, vous avouerez que cette mesure frise l’imposture. Car, non contents d’avoir créé pas moins de quarante-cinq taxes nouvelles en cinq ans et augmenté par deux fois la TVA, vous réservez maintenant votre matraquage fiscal aux classes moyennes et populaires de notre pays.

Jugez plutôt : avec votre tour de passe-passe, un célibataire qui gagnait jusqu’à présent 17 000 euros par an, paiera 100 euros de plus, tandis que celui qui a la chance d’en gagner 100 000 n’en paiera que 1 000 de plus. Et c’est la même injustice pour nombre de familles qui vont se voir écartées de toute une série d’aides.

Pourtant, comme à chaque fois, vous jurerez qu’après avoir encore récemment exonéré de l’impôt de solidarité sur la fortune 300 000 contribuables, vous allez enfin vous convertir à la justice fiscale. Dites-vous bien que les Français ne sont pas dupes ! Ils ont compris qu’après avoir commencé avec 75 milliards de cadeaux aux très riches, ce quinquennat marqué du sceau de l’injustice s’achève par le boulet fiscal pour les plus modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, essayez de poser vos questions calmement : elles appelleront des réponses calmes. Nous en sortirons tous avec une crédibilité accrue.

La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Lefait, il y a beaucoup de contrevérités dans ce que vous venez de dire.

D’abord, cette mesure a été votée sur ces bancs, à l’Assemblée nationale…

M. Patrick Lemasle. Sur les bancs de droite !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …et de manière extrêmement transparente et publique. Elle n’a pas été adoptée en catimini par le Gouvernement. Il s’agit du plan de redressement des finances publiques annoncé par le Premier ministre à la télévision le 7 novembre.

Pourquoi, monsieur le député, avons-nous pris cette mesure qui n’est pas populaire ? Nous l’avons prise parce que nous tenons nos engagements. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Pas du tout !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Parce que quand nous avons un objectif de réduction des déficits et de désendettement de la France pour les générations futures, nous tenons cet engagement, contrairement à M. Hollande qui va dire à la radio que si la croissance est plus faible que prévue, il ne tiendra pas, lui, ses engagements de réduction du déficit.

Monsieur Lefait, votre critique sur cette mesure serait plus pertinente si 70 % de l’impôt sur le revenu n’était pas payé par 10 % des contribuables. C’est l’impôt le plus ciblé sur les ménages aisés, l’impôt le plus concentré. D’ailleurs, vous nous le reprochez souvent, en disant qu’il n’y a pas assez de Français qui paient l’impôt sur le revenu.

Je vous demande simplement, monsieur Lefait, de répondre à cette question : dans le projet du candidat socialiste François Hollande, revenez-vous sur cette mesure ou bien augmentez-vous de 50 milliards les impôts dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Rapport de l’Observatoire sur la fin de vie

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Perrut. Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, le Premier ministre, François Fillon, et vous-même, avez reçu, ce matin, du professeur Régis Aubry le rapport annuel de l’Observatoire national de la fin de vie dont la qualité du travail est remarquable depuis sa création, en 2010, par le Gouvernement, lequel ne refuse aucun débat et veut approfondir nos connaissances sur la fin de vie et ses enjeux. Voilà une question de société fondamentale qui touche au plus profond de l’être humain. Ce rapport montre l’ampleur des avancées obtenues depuis 2008 grâce au programme de développement des soins palliatifs qu’a alors engagé le Président de la République.

Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la poursuite de cette démarche, encore très novatrice dans notre pays, ainsi qu’à la continuation et au renforcement de ce programme qui constituent un choix majeur, je dirai même une véritable urgence ?

Une telle urgence n’existe pas, au contraire, pour faire entrer dans notre droit une exception d’euthanasie qu’il faut bien appeler par son nom et dont chacun connaît les risques majeurs qu’elle pourrait induire pour certains de nos concitoyens les plus vulnérables. Une telle législation heurterait l’éthique de très nombreux soignants, alors que les avancées significatives introduites dans notre droit par la loi Leonetti sur les droits des malades en fin de vie ne sont pas encore suffisamment connues et mises en œuvre. Le respect de la volonté du patient, la prise en charge de la douleur, le dialogue entre le malade, sa famille, le médecin, l’accompagnement de la fin de vie digne, apaisé, respectueux des valeurs et des choix de chacun : tels sont les objectifs d’une législation équilibrée.

Rassurez-nous, madame la ministre, quant à la continuité des choix du Gouvernement sur une politique publique aussi fondamentale destinée à nous permettre de faire face avec compréhension et humanité aux fragilités de l’existence et aux drames humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le député, le Premier ministre avec Nora Berra à ses côtés, a effectivement reçu le professeur Régis Aubry, spécialiste de la prise en charge palliative pour faire le point sur le premier plan de développement des soins palliatifs 2008-2012.

Les travaux de Régis Aubry ont montré des avancées incontestables : vingt nouvelles unités de soins palliatifs ont été créées ; 6 000 lits palliatifs sont maintenant disponibles, soit 50 % de plus qu’au début du plan, et 362 équipes mobiles palliatives ont été mises en place ; enfin, vingt-deux équipes spécialisées dans la prise en charge pédiatrique sont opérationnelles, la France étant le seul pays à disposer d’un tel mode de prise en charge.

Les 230 millions du plan ont été bien utilisés. Il reste, bien sûr, des progrès à accomplir. C’est d’ailleurs ce à quoi s’attachent Xavier Bertrand et Nora Berra qui ont créé une filière universitaire palliative. Nous nous appuierons, pour amplifier les progrès et diffuser cette culture palliative, sur les excellents travaux de la mission d’information Leonetti, mission dont vous étiez d’ailleurs membre, cher Bernard Perrut. Nous ne pouvons que regretter que seuls 2,6 % des médecins généralistes et 15 % des infirmières spécialisées en la matière dans le secteur hospitalier aient suivi un enseignement palliatif, alors que 65 % des malades qui décèdent à l’hôpital mériteraient cette culture palliative.

Pour autant, nous sommes décidés à ne privilégier aucune démarche précipitée. Bien entendu, chacun, sur ces bancs, a droit, dans ce domaine, à sa propre philosophie, à ses propres convictions. Mais vous connaissez les nôtres. Le Gouvernement, dans son ensemble, est formellement opposé à tout texte de loi qui autoriserait l’euthanasie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Accès aux soins

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Au Nouveau Centre, nous sommes tous très attachés à l’égal accès de tous aux soins de qualité sur l’ensemble du territoire. La démographie des professionnels de santé et leur répartition sur le territoire constituent un problème majeur. Mais les dépassements d’honoraires peuvent être un obstacle à l’accès aux soins. Dans certains départements et pour certaines spécialités, il devient très difficile de pouvoir être soigné à des tarifs remboursables. Le problème fondamental ne se poserait pas, comme vous le dites vous-même, si les actes et les consultations avaient été revalorisés régulièrement en prenant en compte l’augmentation des charges. Mais est-ce possible avec un ONDAM limité ? Un accord, pour ce que l’on appelait le secteur optionnel, prévoyait, pour les spécialités à plateau technique, un remboursement des dépassements d’honoraires par les complémentaires à la condition que le praticien limite ses dépassements à 50 % des tarifs et qu’il soigne 30 % de ses patients à tarif remboursable. Un délai pour la validation de l’accord avait été prévu, il est aujourd’hui dépassé.

Le secteur optionnel n’était pas la panacée, car il ne réglait pas tout, notamment pour les spécialités cliniques aujourd’hui défavorisées et pour les grands dépassements. Que proposez-vous pour régler ce problème insupportable que constituent ces dépassements d’honoraires et pour permettre à nos concitoyens d’être soignés sur l’ensemble du territoire à des tarifs remboursables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé. Monsieur le député, l’égal accès aux soins dans notre pays est une préoccupation constante de ce gouvernement.

M. Jean-Paul Bacquet. Cela ne se voit pas !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Mais, vous avez raison, les dépassements d’honoraires constituent un véritable frein à cet accès aux soins. C’est pourquoi le Gouvernement s’est résolument attaqué à ce problème en demandant à l’assurance maladie, aux syndicats de médecins libéraux…

M. Jean-Paul Bacquet. Ils ne font rien !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …et aux mutuelles de parvenir à un accord, l’objectif étant d’encadrer et de mieux prendre en charge les dépassements d’honoraires.

M. Jean-Paul Bacquet. La sécurité sociale ne fait rien !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Bacquet !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Trois spécialités ont été identifiées, car elles représentent le champ où cet accès aux soins est le plus difficile. Il s’agit de la gynécologie-obstétrique, de l’anesthésie-réanimation et de la chirurgie. Malheureusement, la négociation n’a pas pu aboutir. Les mutuelles ont refusé d’avancer sur cette question (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Patrick Lemasle. Elles ont raison !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …alors que l’assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux étaient prêts à s’engager. Fidèle à ses engagements, le Gouvernement entend assumer ses responsabilités. C’est pourquoi il prendra un décret pour maîtriser et mieux prendre en charge ces dépassements d’honoraires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Alors que certains – je veux parler des socialistes, de François Hollande – parlent des dépassements d’honoraires de manière floueet approximative (Protestations sur les bancs du groupe SRC), ce gouvernement agit concrètement au service de nos concitoyens ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Augmentation de la TVA

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Vergnier. Monsieur le Premier ministre, votre majorité, sur ordre du Président de la République, a commencé son mandat par des cadeaux exorbitants aux plus riches.

Nous n’avons cessé de les dénoncer, et c’est contraints et forcés, sous la pression populaire, que vous avez consenti à supprimer le bouclier fiscal, en prenant bien soin toutefois d’amortir cette mesure par un allégement de l’impôt sur la fortune. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Toujours sur ordre du Président redevenu candidat, vous terminez ce mandat en augmentant l’impôt le plus injuste qui soit (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), la TVA, que vous qualifiez de sociale.

M. Jean-Paul Bacquet. Antisociale !

M. Michel Vergnier. Les arguments que vous utilisez, baisse du coût du travail, absence d’augmentation des prix, sont contredits par les résultats constatés dans tous les pays où une telle mesure a été prise, comme l’Allemagne et l’Angleterre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Même en 1995, lorsque le Premier ministre de l’époque avait décidé une augmentation de deux points, elle s’est traduite par un surcroît d’inflation de 0,5 % et une chute des dépenses des ménages de 1 %.

Nous ne partageons absolument pas ce choix, et d’ailleurs de nombreux députés de votre majorité s’interrogent, comme l’a démontré leur faible présence hier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ce choix, nous vous le répétons en nous appuyant sur les faits, entraînera en réalité des restrictions d’achat,…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Michel Vergnier. …une chute de la consommation…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Michel Vergnier. …et une augmentation de la précarité, que vous avez déjà considérablement augmentée depuis dix ans.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Michel Vergnier. Nous aurons ce débat au cours des heures et des jours qui viennent, et nous vous proposerons des mesures immédiates socialement justes et économiquement efficaces.

En attendant, nous vous demandons de renoncer à cette augmentation de la TVA. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, votre présentation est volontairement tronquée et trompeuse.

Vous ne parlez que de l’augmentation de la TVA, vous prenez comme exemples des augmentations sèches sans baisse d’impôt correspondante.

La réforme que nous proposons…

M. Patrick Lemasle. Est injuste !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …n’est pas une réforme anti-déficit. Il n’y aura pas un euro de plus dans les caisses de l’État, il n’y aura pas d’augmentation globale des prélèvements puisque le coût du travail diminuera de 13,2 milliards d’euros alors que l’augmentation de la TVA ne représentera que de 10,6 milliards. La baisse du coût du travail sera plus forte que la hausse de la TVA, sans compter, ce que vous oubliez systématiquement, l’augmentation de 2,6 milliards de la taxation des revenus du patrimoine, qui touchera, pour 50 %, les 5 % de ménages les plus aisés.

Arrêtez donc de nous dire que nous n’avons pas l’équité fiscale au cœur. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Quand nous faisons cette réforme, nous y mettons de l’équité. Cela vous dérange d’ailleurs puisque vous n’en parlez pas.

Quand vous prenez l’exemple de l’Allemagne ou celui de la hausse de TVA de 1995, vous oubliez d’ajouter que ces augmentations n’ont jamais été accompagnées d’une baisse supérieure du coût du travail.

Non, les prix n’augmenteront pas. Ils n’augmenteront pas parce que nous baisserons le coût du travail, parce qu’il y a de la concurrence en France et que, sur les produits manufacturés, les entreprises auront intérêt à jouer la compétitivité sur les prix.

J’ajoute que 60 % des dépenses des ménages ne sont pas assujetties au taux de 19,6 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Formation des chômeurs

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Le Mèner. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Monsieur le ministre, l’augmentation du chômage frappe de plein fouet tous les pays européens. Nous ne sommes pas épargnés même si la progression est moins forte en France que chez notre voisin espagnol, où le taux de chômage atteint près de 25 %.

Notre majorité et le Gouvernement ont mis en œuvre de nombreuses mesures pour accompagner ceux qui ont perdu leur emploi et méritent la plus grande attention.

Parmi les problèmes majeurs que nous devons résoudre, la question de la formation et de l’emploi est au premier plan et nous rejoignons le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement qui ont fait de cet enjeu la priorité.

L’un des paradoxes français est que plus d’un demi-million d’offres d’emplois ne sont pas pourvues faute de candidatures adaptées, ce qui révèle bien un problème spécifique à notre marché de l’emploi. Cette inadéquation exige une réponse simple : il faut mieux former les chômeurs, afin qu’ils puissent reprendre une activité rapidement et dans de bonnes conditions.

À la suite du sommet social, le Président de la République a demandé à Gérard Larcher de travailler sur cette question avec les partenaires sociaux pour que notre réponse soit le fruit d’un véritable dialogue.

Sur ce sujet d’urgence sociale, si un consensus ne pouvait être atteint, pourquoi ne pas solliciter directement les Français ? Pouvez-vous nous faire part de la stratégie du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage, afin que les Français comprennent qui agit et qui s’agite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Oui, nous agissons, monsieur le député. Il n’est pas question de rester les bras ballants face à la montée du chômage à laquelle nous assistons dans toute l’Europe, nous devons bel et bien prendre des mesures nouvelles. Des mesures fortes ont été annoncées le 18 janvier, mais nous avons décidé d’aller plus loin.

Le Président de la République a confié à Gérard Larcher la responsabilité de préparer une réforme d’ampleur de la formation professionnelle car, aujourd’hui, 10 % seulement des demandeurs d’emploi sont en formation, et les trois quarts de leurs demandes de formation n’obtiennent pas de réponse positive.

Même si nous avons décidé dans l’immédiat de débloquer des formations supplémentaires, il est évident qu’il faut aller beaucoup plus loin, comme l’ont fait nombre de pays européens qui résistent beaucoup mieux encore à la montée du chômage et à la crise, comme le Danemark, l’Angleterre ou l’Allemagne. Nous devons donner des droits supplémentaires aux demandeurs d’emploi, comme le droit à une véritable formation ; mais, dans toute société équilibrée, s’il y a des droits, il y a aussi des devoirs. C’est sur cet équilibre que peut reposer le pacte social dans notre pays.

L’idée est donc simple : les chômeurs auront davantage de droits à la formation, mais, pour l’indemnisation, si une offre de formation ou d’emploi sérieuse était refusée, continuerait-on à ne rien faire et à ne rien dire ? Je le dis clairement, les droits et les devoirs, cela va ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les partenaires sociaux auront priorité pour en discuter mais, s’ils n’aboutissent qu’à un statu quo ou une réforme a minima, le sujet est suffisamment important pour que l’on demande aussi leur avis aux Français. Sur de telles questions, il ne faut pas avoir peur du peuple. Le bon sens a toute sa place dans un référendum. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Augmentation de la TVA

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le Premier ministre, en cinq ans, le Président, qui avait promis de ne pas augmenter les impôts, a organisé une véritable hémorragie fiscale à l’encontre des classes moyennes.

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

Mme Michèle Delaunay. Des franchises médicales à la taxe sur les mutuelles, ce sont quarante taxes qui se sont ajoutées à l’envolée des prix de l’énergie et des produits alimentaires.

Cette politique de ponctions répétées trouve son couronnement avec l’augmentation de la TVA, l’impôt unanimement reconnu comme le plus injuste parce qu’il frappe les revenus d’autant plus fortement que ces revenus sont faibles : 14 % pour un salarié au SMIC, 5 % pour les hauts revenus. Les premières victimes seront les chômeurs, les retraités, les bas salaires.

Les Français doivent savoir que votre projet n’est qu’un habile transfert sur la consommation des ménages des cotisations familles versées par les entreprises. Ce sont ainsi les classes populaires qui financeront les prestations familiales des plus riches. Comment pouvez-vous pratiquer à ce point la politique du pire à l’égard du peuple, ce peuple dont on nous annonce qu’il va servir d’alibi à la déclaration de candidature présidentielle ?

Alors, nous vous le disons, nous ne prêterons pas la main à une injustice aussi flagrante. Et ce sera l’une des premières mesures de François Hollande de revenir sur cette loi (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC) et de faire enfin de la fiscalité un instrument de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la députée, je voudrais que l’on m’explique pourquoi vous avez, vous, le droit de parler du programme de François Hollande en utilisant cet hémicycle comme une caisse de résonance à cette fin, et pourquoi nous n’aurions pas, en réponse, la possibilité de dénoncer les mensonges, les approximations, les idéologies, les contrevérités d’un programme qui constitue un rideau de fumée pour aveugler les Français sur l’enjeu de cette élection présidentielle. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mais je vous concède cela, et je ne parlerai pas de François Hollande mais de Martine Aubry. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes en 1998 et vous êtes aux affaires. Les coûts salariaux en France sont 15 % moins élevés en France qu’en Allemagne. Que s’est-il passé pour qu’aujourd’hui la France non seulement dépasse l’Allemagne, mais soit aussi dix euros de l’heure au-dessus de la moyenne de la zone euro ? Martine Aubry ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Dix ans ! Dix ans !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. François Baroin, ministre. Dix ans, oui, et nous n’avons pas fini de les payer, les trente-cinq heures ! Sauf à avoir le courage, malgré la crise mondiale, malgré les conséquences de l’instabilité de la zone euro, de poursuivre les réformes. (Brouhaha sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

C’est tout le sens de notre projet de loi de finances rectificative, lequel n’augmente pas la TVA pour augmenter la TVA et remplir les caisses, mais vise, comme l’a rappelé la ministre du budget, à augmenter et la TVA et la CSG sur le patrimoine pour financer l’allègement du coût du travail, redonner de la compétitivité à nos entreprises et protéger l’emploi contre les délocalisations.

Plusieurs députés du groupe SRC. Dix ans !

M. Henri Emmanuelli. Récession !

M. François Baroin, ministre. Vous ne voulez pas l’entendre, nous le répéterons, nous le rappellerons, nous le soulignerons, nous écraserons la craie sur ce projet politique ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Manuel Valls. Vous êtes dégradés !

M. François Baroin, ministre. C’est celui qui est porteur d’espérance, qui est porteur de créations d’emplois, qui est protecteur de l’investissement. C’est aussi le projet de la vérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Reprise de Photowatt par EDF

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Cochet. Ma question s’adresse au ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Un député du groupe SRC. Et du chômage !

M. Philippe Cochet. J’y associe mes collègues UMP de l’Isère Georges Colombier, Alain Moyne-Bressand et Jacques Remiller.

Monsieur le ministre, ce matin, vous étiez, en compagnie d’autres ministres, avec le Président de la République Nicolas Sarkozy à Bourgoin-Jallieu, dans l’Isère, à la rencontre des salariés de Photowatt, la seule entreprise française de traitement du silicium. Cette société est actuellement en redressement judiciaire. La volonté gouvernementale est de sauver la filière photovoltaïque en France ; le site de Photowatt est donc stratégique.

Face à cette situation, il y a deux types de responsables politiques : ceux qui commentent et ceux qui agissent. Côté socialiste, on ne manque pas de commentateurs, et l’équipe de François Hollande (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) a une fois de plus été injurieuse, notamment à l’encontre d’EDF, tout en reconnaissant, selon leur communiqué, que je cite : « C’était une bonne nouvelle pour les salariés. » Comprenne qui pourra ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Remarquez, on a l’habitude, devant l’incapacité de François Hollande à préciser une vraie pensée. (Mêmes mouvements.) L’invective a souvent masqué le vide abyssal des solutions concrètes. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Marc Roubaud. Très bien !

M. Philippe Cochet. Heureusement que, depuis cinq ans, le Gouvernement de François Fillon agit sous l’impulsion du Président de la République au service de la France et des Français. (Brouhaha sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. Récession !

M. Philippe Cochet., Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser ce qu’a fait concrètement le Gouvernement, pendant la période d’observation faisant suite au redressement judiciaire, pour sauver les chances de cette entreprise industrielle innovante et préserver au mieux les compétences que représentent les 441 emplois directs de Photowatt ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, oui, j’étais ce matin, avec Nathalie Kosciusko-Morizet et Éric Besson, aux côtés du Président de la République chez Photowatt. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et je vais vous dire une chose : j’entends monter le ton du côté gauche de l’hémicycle, mais j’ai vu la satisfaction des ouvriers de cette entreprise, qui s’aperçoivent qu’on ne les a pas laissés tomber et que cette entreprise a un avenir, car elle va être rachetée par EDF. (Brouhaha sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le tribunal de commerce qui aura à statuer sait qu’il existe une solution viable, non pas pour quelques mois, mais pour des années. Voilà ce dont se réjouissaient les ouvriers de Photowatt ce matin ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Patrick Lemasle. Et Gandrange ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Les députés de l’Isère que vous avez cités se sont mobilisés sur ce dossier. J’y étais moi-même déjà le 29 novembre dernier. Nous avons trouvé une solution : les trois quarts des salariés seront repris chez Photowatt, tandis qu’EDF s’engage à reclasser les autres sur le même bassin d’emploi. Il s’agit donc d’une garantie pour l’ensemble des salariés.

M. Patrick Lemasle. Arcelor Mittal ! Gandrange !

M. Xavier Bertrand, ministre. De plus, l’électricité produite par des panneaux solaires supérieurs sera rachetée quand ces panneaux auront été fabriqués chez nous. C’est un choix que nous avons voulu pousser jusqu’au bout de façon à valider la méthode de transformation utilisée par Photowatt, qui est vraiment une méthode d’avenir.

Je voudrais mettre en parallèle deux dossiers sur lesquels le Gouvernement s’est mobilisé : Photowatt et Lejaby.

Plusieurs députés du groupe SRC. Gangrange ! Gandrange !

M. le président. Je vous en prie !

M. Xavier Bertrand, ministre. Dans le cas de Lejaby, il n’était plus possible de garder la même activité, mais nous nous sommes mobilisés pour trouver un repreneur. Dans le cas de Photowatt, il était possible de garder la même activité, mais il fallait aussi un repreneur. Dans les deux dossiers, la logique est la même : tout faire pour valider l’activité et garder l’emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il y en a beaucoup qui s’agitent ; nous agissons, et les ouvriers de Photowatt ont bien vu la différence ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Augmentation de la TVA

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Hervé Féron. Ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre, mais je voudrais d’abord rappeler à M. le ministre des finances que cela fait tout de même presque dix ans que la droite gouverne en France !

Monsieur le Premier ministre, en moins d’un trimestre, c’est votre troisième plan d’austérité, trois comme triple A, et le vôtre, c’est : austérité ! austérité ! austérité ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Zéro !

M. Hervé Féron. En matière d’austérité, vous battez tous les records. Ainsi, depuis 2007, vous avez créé ou augmenté plus de quarante taxes ; parmi elles, les franchises médicales ou encore les taxes sur les mutuelles.

Entendez-vous les Français qui n’en peuvent plus de supporter l’augmentation des prix de l’énergie ? L’essence : plus 20 %. Le gaz : plus 50 %. L’électricité : plus 25 %.

Et maintenant, de tous les impôts, c’est le plus injuste que vous avez choisi d’augmenter : la TVA ! Entendez-vous les familles pauvres ou de classes moyennes dont vous avez sans cesse diminué le pouvoir d’achat depuis 2007 ? En décembre dernier, vous avez augmenté la TVA à taux réduit, la faisant passer de 5,5 % à 7 %, pénalisant d’abord ces familles dans leurs achats de produits de première nécessité comme l’alimentation, l’eau, le chauffage, le logement social, les transports, les fournitures scolaires.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Hervé Féron. Et maintenant vous voulez faire passer la TVA de 19,6 % à 21,2 % ! Ils ne devaient pas être très enthousiastes, les députés UMP qui n’étaient pas présents hier en commission des finances pour voter votre projet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Entendez-vous les smicards, pour qui votre augmentation de la TVA va représenter 14 % de leurs revenus ? Votre TVA sociale n’a de social que le nom !

Vous avez fait des cadeaux fiscaux, vous avez mis en place le bouclier fiscal, et votre augmentation de la TVA va représenter l’équivalent annuel du paquet fiscal : 13 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je ne sais pas vraiment quoi choisir entre mensonges, approximations, contre-vérités. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je vais tout de même en relever une : c’est l’affaire d’hier. Après cela, vous avez le choix entre vous mettre sous la moquette ou le tapis, ou alors faire le bonneteau. François Hollande et Pierre Moscovici ont démissionné de la commission pour faire un coup et nous faire perdre une heure de travail, alors que vous savez parfaitement qu’au regard de notre loi fondamentale, c’est sur la base du texte du Gouvernement que s’engage la discussion et que leur acte ne remet en aucune façon en cause son action et la proposition qu’il formule (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC). Mieux vaut tourner la page. Ayons, nous la majorité, l’honnêteté de dire que nous l’avons fait aussi dans le passé, mais, dans le contexte singulier que nous traversons, on aurait pu en faire tous l’économie.

Mais permettez-moi de vous poser une question : dans quel monde vivez-vous ? Avez-vous remarqué ce qui s’est passé depuis trois ans ? Comment pouvez-vous additionner ainsi un ensemble de mesures qui n’ont d’autre objectif que de préserver notre modèle social et de protéger les plus démunis ? Jamais, contrairement à ce que vous dites, nous n’avons touché aux minima sociaux. Au contraire, nous les avons préservés. Voulez-vous que je vous cite une mesure à titre de démonstration ? Nous n’avons pas désindexé les prestations sociales, justement pour protéger les plus fragiles et leur permettre de traverser la crise la plus grave jamais vécue, jamais traversée et jamais imposée depuis 1945 à tous les pays des économies avancées. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Dans quel monde vivez-vous lorsque vous ne voulez pas voir que la réduction des déficits est la meilleure garantie de la survie d’une certaine idée de la France dans sa souveraineté, dans la protection de ses politiques publiques, dans la protection de notre modèle de vivre ensemble et dans la façon d’assumer notre responsabilité de protéger les générations à venir ?

Dans quel monde vivez-vous si vous voulez profiter de cette élection présidentielle pour, comme par le passé, mentir, promettre et faire rêver, alors que celui qui sera choisi par les Français sera celui qui aura dit la vérité et qui assumera des choix courageux, ceux que ce gouvernement aura faits dans une période difficile ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC.)

Régime social des indépendants

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Estrosi. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Monsieur le ministre, pour simplifier la vie des assurés au régime social des indépendants, le RSI,…

M. Michel Ménard. Il fonctionne très mal !

M. Christian Estrosi. …nous avons créé un interlocuteur social unique : l’ISU.

M. Claude Bartolone. En effet vous êtes proches de « l’issue »… (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Estrosi. Le partenariat entre le RSI et les URSSAF devait simplifier le quotidien des artisans et des commerçants, et alléger leurs démarches administratives. Certes, c’était un véritable défi d’ampleur. Dois-je rappeler que le RSI résulte de la fusion de trois organismes de sécurité sociale pour les travailleurs indépendants ? Il faut savoir qu’il y avait, en juillet 2011, un million six cent mille assurés au RSI.

Malheureusement, depuis la création de l’ISU, il y a eu un certain nombre de dysfonctionnements, notamment d’origine informatique, qui ont pénalisé de très nombreux assurés. Certains, qui avaient versé régulièrement leurs cotisations sociales, ont été injustement poursuivis devant les tribunaux. À cet égard, je tiens à rappeler, monsieur le ministre, que vous avez lancé le 12 septembre dernier, suite à l’arrivée du nouveau directeur général du RSI, un plan d’action relatif à l’ISU en présence des directeurs des réseaux du RSI et des URSSAF. Vous vous êtes même déplacé à Nice pour entendre l’ensemble des interlocuteurs. Lorsque l’on est un honnête artisan, un honnête commerçant, on ne peut pas supporter de subir un véritable préjudice moral, voire un préjudice financier, on ne peut pas supporter de souffrir, de perdre un temps considérable dans des démarches pour se retrouver injustement traduit devant les tribunaux.

Il est donc important qu’il y ait une action déterminée de la part de l’État. Vous l’avez conduite. Pouvez-vous nous en parler (« Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) et nous indiquer comment vous allez mettre un terme à l’ensemble de ces dysfonctionnements ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, quasiment au bout de cinq mois, oui, il y a les premiers résultats : 97 % des radiations et 85 % des affiliations en retard ont été traitées. Mais cela veut dire que tout n’est pas réglé. Il y a cinq mois, j’ai changé, vous le savez, le directeur général du RSI, avec un plan d’action très clair pour son successeur : régler la totalité des dossiers en retard.

M. Pascal Terrasse. Sous quelle forme et avec quoi ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est vrai que, sur le papier, l’interlocuteur social unique, c’était fait pour simplifier, mais l’informatique n’a pas suivi. (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.) Autant tous les agents du RSI, sans exception, ont fait leur travail le mieux possible pour apporter les réponses appropriées, autant nous, nous devons régler les problèmes qui ont été causés par le dispositif de l’interlocuteur social unique.

Dès lors j’ai décidé un nouveau train de mesures, notamment la semaine dernière à Nice. J’ai demandé au directeur général du RSI ainsi qu’à celui de l’ACOSS que tous les dossiers d’affiliation ou de radiation en retard soient intégralement traités au 31 mars, c’est-à-dire que les assurés ne courent pas après des procédures toujours pas terminées et au titre desquelles on leur demande des cotisations indues. J’ai aussi demandé qu’aucune procédure avec recouvrement par huissier ne soit engagée sans avoir vérifié au préalable si les sommes demandées sont bien sérieusement établies. Nous avons eu en effet des cas dans lesquels les huissiers étaient mandatés, où les assurés se sont même retrouvés devant le TAS, alors même que les cotisations n’étaient pas dues. On ne doit pas mettre dans des situations inacceptables des indépendants qui n’avaient rien fait pour mériter ce type de problèmes.

Par ailleurs, j’ai décidé de faire le point tous les quinze jours. Ce n’est pas la première fois que vous-même et d’autres parlementaires m’interpellez sur ce sujet, me demandant de faire un point précis sur les retours dont disposent mes services.

Enfin, j’ai aussi demandé que l’on accélère les mises en recouvrement amiable pour éviter les procédures injustifiées.

Tel est le sens de notre action. Nous restons vigilants en permanence sur ce dossier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Avenir de l’entreprise Meryl Fiber

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, après une succession de plans sociaux, après la médiatique affaire Lejaby, c’est à l’usine Meryl Fiber de subir un plan social.

Cette entreprise industrielle de Saint-Laurent-Blangy, aux portes d’Arras, est le dernier fabricant français de fils en polyamide pour tapis et moquettes et de fils très fins pour vêtements de sport.

Cet ancien site de Rhodia emploie 350 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros en 2011. Après avoir redémarré en 2008 sous la houlette d’une banque d’affaires, il a été repris par deux de ses cadres qui ont relancé l’entreprise grâce à des efforts payants à l’export où Meryl Fiber réalise 90 % de ses ventes, notamment en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud ou en Turquie.

En 2011, l’entreprise a multiplié les difficultés : envolée du prix des matières premières, défiance constante des banquiers à son égard, crise économique majeure du secteur textile, et surtout rupture d’approvisionnement de la part de Rhodia, son fournisseur exclusif.

Aujourd’hui, 350 salariés sont sur la sellette. Le tribunal de commerce d’Arras a prononcé la liquidation judiciaire, avec prolongation d’activité pendant trois mois pour trouver un repreneur.

M. Jean Glavany. Que fait Bernard Arnault ?

Mme Jacqueline Maquet. Face à cette situation dramatique sur le plan social et économique pour le territoire arrageois, et pour la région Nord-Pas-de-Calais si durement touchée déjà, chacun doit prendre ses responsabilités.

Le potentiel de Meryl Fiber reste considérable : numéro deux européen avec 20 % du marché dans son secteur, l’entreprise dispose d’un savoir-faire reconnu, conforté par une politique d’innovation et de diversification.

Alors, monsieur le Premier ministre, comme vous l’avez évoqué lors du débat sur France 2 face à Martine Aubry, dans l’émission Des Paroles et des actes, il est temps d’agir pour enrayer ce massacre économique de nos territoires français.

Pensez-vous honnêtement qu’avec deux points de TVA vous allez enrayer la désindustrialisation de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la députée, comme vous le savez, le 26 janvier dernier, le tribunal a décidé la mise en liquidation de cette entreprise, mais avec une prolongation de l’activité pendant trois mois.

D’abord, il a fallu intervenir auprès de son fournisseur Rhodia pour permettre la continuation de l’activité. Qui est intervenu ? Le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et GDR.) Sans doute parce que le temps vous était compté, vous avez oublié de le rappeler.

Ensuite, nous sommes en contact avec les élus d’Arras qui nous ont interpellés sur cette question : le maire de la ville et le président de la communauté d’agglomération, avec lesquels nous travaillons en permanence.

D’autre part, nous avons veillé à rendre possible le recours à l’activité partielle, grâce aux mesures adoptées suite au sommet pour l’emploi du 18 janvier dernier, de façon à mieux préserver la trésorerie de cette entreprise.

Les pouvoirs publics – mon ministère, celui de l’industrie avec Éric Besson, le préfet du Pas-de-Calais – sont en permanence sur ce dossier afin de trouver la meilleure solution possible pour l’activité et pour l’emploi.

On peut utiliser le ton que l’on veut, cela ne changera rien à notre détermination à intervenir auprès du fournisseur Rhodia et au titre de l’activité partielle afin de ne pas laisser tomber les salariés et de permettre à cette entreprise d’avoir suffisamment de trésorerie pour aller au bout de ces trois mois et nous permettre de trouver le meilleur repreneur possible.

Voilà dans quel sens nous travaillons. Une chose est certaine : sur tous ces sujets, nous ne nous contentons pas de parler mais nous agissons, même si ce n’est pas facile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Taxe sur les transactions financières

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Bernier. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Nous allons examiner aujourd’hui le projet de loi de finances rectificative pour 2012, prévoyant une disposition importante qui a fait beaucoup parler d’elle : l’instauration d’une taxe sur les transactions financières.

Cette fiscalité qui va peser sur le capital a pour but de participer au redressement de nos comptes, sans peser sur le travail qu’il convient au contraire de valoriser. Les achats d’actions d’entreprises, dont le siège social est en France et dont la capitalisation boursière est supérieure à un milliard d’euros, seront taxés à hauteur de 0,1 %.

M. Roland Muzeau. Une rigolade !

M. Marc Bernier. Cette taxe, qui a fait l’objet de nombreux débats au niveau européen et mondial, vise à avoir un impact en matière de régulation et elle devrait contribuer à la stabilisation de l’économie.

M. Roland Muzeau. Tu parles !

M. Marc Bernier. La détermination de la France à mettre en place cette taxe, qui rapportera plus d’un milliard d’euros par an, constitue un exemple pour nos voisins européens.

M. Roland Muzeau et M. Pierre Gosnat. Et la TVA à 13 milliards d’euros ?

M. Marc Bernier. Il nous reste à espérer qu’ils nous suivront afin de développer ensemble la régulation économique.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles seront les modalités pratiques de la mise en œuvre de cette taxe ? Je vous remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député Bernier, vous avez déjà dit beaucoup de choses. Il me reste peut-être à rappeler le périmètre de cette taxe.

Premièrement, elle va impacter les actions des entreprises cotées en France et non pas les titres. Si nous avions choisi les titres, il y avait un risque de délocalisation : l’entreprise cotée sur la place de Paris pouvait très facilement se délocaliser, faire l’échange de titre avec un risque de perte d’emplois. Nous avons donc choisi la protection des emplois dans le secteur financier mais la taxation des actions.

Une question est souvent soulevée : en quoi est-ce différent de l’impôt de bourse qui existait il y a quelques années ?

M. Patrick Lemasle. Vous l’avez supprimé en 2008 !

M. François Baroin, ministre. Il y a deux différences : il n’y a pas de plafond ; et le taux de 0,1 % s’aligne sur la proposition de la directive européenne.

Deuxièmement, nous allons taxer la spéculation sur les crédits d’assurance sur les contrats des détenteurs de titres souverains en vente à nu. C’est un peu compliqué.

M. Jean-Pierre Brard. On ne peut pas comprendre !

M. François Baroin, ministre. Il s’agit tout simplement de la spéculation sur les titres d’État et le fait de pouvoir les échanger sans vraiment en être propriétaire. Nous allons taxer cela – et nous serons le premier pays à le faire – à un taux de 0,01 %.

Troisièmement, nous allons aussi être les premiers à taxer la finance à haute fréquence, ces systèmes informatiques faisant appel aux nanotechnologies dont je ne vais pas détailler le fonctionnement. Retenez simplement que des financiers vont le plus près possible de l’ordinateur central à Londres, le jeu étant de gagner quelques dizaines de mètres, pour gagner quelques nanosecondes et faire des profits spéculatifs.

M. Roland Muzeau. Ça s’appelle le capitalisme.

M. François Baroin, ministre. La taxe française s’appuie sur ces trois piliers. Nous allons servir de pays pionnier. Nous allons travailler avec les huit pays qui ont signé, la semaine dernière, la proposition auprès de la présidence danoise. Nous allons donc établir une coopération renforcée pour que, dans les meilleurs délais, cette taxe élargie puisse se décliner à l’échelle européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (nos 4224, 4238).

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si ce texte marque certes une avancée pour les milliers d’agents concernés par le dispositif d’accès à l’emploi titulaire comme pour ceux dont le contrat sera requalifié en contrat à durée indéterminée, il ne réglera pas pour autant le problème de la précarité dans la fonction publique.

Ce texte souffre, en effet, de nombreuses lacunes, soulignées par la plupart des organisations syndicales.

Tout d’abord, il s’apparente davantage à un plan de conversion de l’emploi public en emploi contractuel qu’à un plan de titularisation proprement dit. Il banalise le recours aux contrats à durée indéterminée en lui faisant perdre son caractère dérogatoire, au risque de porter atteinte aux principes fondateurs de notre fonction publique que sont les principes d’indépendance et d’égalité.

La titularisation est, ensuite, assortie de conditions si restrictives que le dispositif écarte les agents recrutés à titre temporaire et les contractuels à temps incomplet, majoritairement des femmes, qui sont les premières cibles des procédures de recrutements abusives, et les personnels les plus directement exposés aux situations de précarité.

De même, le changement d’employeur au sein de chacune des trois fonctions publiques aura pour effet d’interrompre l’ancienneté, privant du bénéfice du dispositif les très nombreux contractuels contraints de cumuler les emplois auprès de différents employeurs publics successifs.

Enfin, toutes celles et tous ceux qui remplissent les conditions de la titularisation ne seront pas titularisés, puisque le nombre de postes ouverts correspondra aux besoins recensés par les services, et non pas au nombre d’agents concernés.

Bref, ces graves insuffisances laisseront de côté plus des deux tiers des agents précaires, le texte ignorant par ailleurs de trop nombreuses situations, comme celle des enseignants vacataires rémunérés à l’heure sur la base d’un taux horaire inchangé depuis 1989, celle des chercheurs sous contrat, ou encore celle des auxiliaires de vie scolaire.

À vrai dire, ce manque d’exhaustivité et d’ambition s’explique facilement : comment prétendre résorber l’emploi public précaire d’un côté, tout en réduisant drastiquement le nombre de fonctionnaires de l’autre ? L’équation est impossible à résoudre sans l’ambition de redonner à l’État, aux collectivités locales et aux hôpitaux les moyens d’accomplir leurs missions, moyens que le Gouvernement n’a cessé de leur refuser.

Rappelons ici que la Cour des comptes estime à un milliard d’euros par an l’apport net de la révision générale des politiques publiques, quand la seule loi « travail, emploi et pouvoir d’achat » a coûté à l’État près de 20 milliards d’euros en cinq ans.

Comment prétendre, par ailleurs, endiguer le recours aux emplois contractuels alors que les obligations prévues par le texte ne sont assorties d’aucune sanction ? Comment croire que des employeurs ne seront pas tentés de détourner le dispositif en recrutant des agents toujours différents dans l’unique but de n’avoir pas à leur proposer un CDI ?

Ce projet de loi est loin d’être satisfaisant, mais compte tenu des avancées qu’il contient pour les agents concernés, même si ceux-ci sont trop peu nombreux, le groupe GDR s’abstiendra sur ce texte.

M. Alain Bocquet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’objet premier de la loi sur laquelle nous allons nous prononcer était initialement la résorption de l’emploi précaire dans nos administrations.

Mais, en fait, l’essentiel de nos débats a porté sur un autre point : la parité entre les hommes et les femmes dans les trois fonctions publiques, et plus particulièrement l’accès des femmes aux postes de responsabilité.

Sur le premier point, on ne peut que se féliciter de l’attitude du Gouvernement qui a souhaité mettre un terme à des situations peu connues du grand public, mais en réalité profondément choquantes. Il ne s’agit pas, comme certains ont pu le dire, de titulariser tous les contractuels, mais de mettre fin à un nombre limité de situations qui, juridiquement, socialement et moralement, étaient inadmissibles.

Il s’agit de personnes en contrats à durée déterminée exerçant des fonctions permanentes, et maintenues dans une situation précaire pendant huit ans, dix ans, parfois plus. Il faut rappeler qu’une telle pratique est formellement prohibée dans les entreprises où, comme on le sait, un contrat à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée au bout de dix-huit mois.

Rien ne peut justifier qu’une telle pratique perdure dans la sphère publique. Les agents en CDD auront donc désormais vocation à bénéficier à terme d’un CDI, des possibilités de titularisation étant par ailleurs ouvertes à tous les agents non titulaires sur la base d’une validation des acquis de l’expérience. Ce sont au total environ 150 000 agents non titulaires dont la situation sera ainsi sécurisée.

Cette avancée est importante. Elle est soumise à notre vote au terme d’une démarche exemplaire que je qualifierai d’exemplaire pour au moins deux raisons.

La première raison, c’est cette mesure ne résulte pas d’une décision unilatérale du Gouvernement, mais d’un accord interprofessionnel signé par six syndicats sur huit. La concertation n’est donc pas un vain mot. Il faut s’en féliciter non seulement pour les avancées sociales qui en résultent, mais aussi pour la modernisation du management dont elle témoigne.

La seconde raison, c’est que le Gouvernement ne s’est pas contenté d’établir un nouveau plan de résorption des précaires. Seize plans de cette nature se sont succédé depuis l’entrée en vigueur du statut général de la fonction publique en 1946. Et, à chaque fois, dès le plan adopté, les pratiques anciennes revenaient. Désormais, ce ne sera plus possible, le dispositif proposé visant également à encadrer pour l’avenir le recours à des agents non titulaires.

Ces compliments s’adressent à vous, monsieur le ministre, mais aussi à votre prédécesseur, Georges Tron, dont il ne faut pas oublier qu’il a été à l’origine de cette démarche. Ils visent également notre excellent rapporteur, Pierre Morel-A-L’Huissier, dont chacun a pu mesurer au cours de nos débats tous les talents.

Mais la mesure la plus emblématique de ce texte, c’est la parité entre les hommes et les femmes, et plus précisément l’égal accès aux postes de responsabilité. Nous sortons – nous sortons enfin, dirai-je ! – de l’incantation pour entrer concrètement dans l’action.

C’est un amendement du Gouvernement qui prévoit une montée en puissance progressive de la parité dans les postes de la haute fonction publique pour atteindre un minimum de 40 % en 2018.

Notre débat ne pouvait éluder les questions de principe que soulève, au regard de l’égalité des citoyens devant la loi, le recours à ce qu’il faut bien appeler des quotas. Sur ce point, les échanges ont été vifs. Ils sont toujours restés corrects. Ils ont en définitive donné une belle image de ce que peut être, de ce que doit être un débat parlementaire ouvert, franc, respectueux et finalement tranché par un vote majoritaire. En décidant de ne plus se contenter de recommandations mais d’instaurer une règle contraignante, notre assemblée n’a pas voulu dire que, dans leur principe, les quotas constituent une solution parfaite, elle a tenu à constater que, concrètement, il n’y a pas, au moins dans un premier temps, pour engager une dynamique, d’autre réponse possible.

Alors que l’égal accès aux emplois publics est dans tous les discours depuis bien longtemps, pouvait-on accepter indéfiniment que, si les femmes constituent 60 % des effectifs de la fonction publique, elles n’occupent que 10 % des postes de responsabilité ? Partout où des quotas ont été instaurés, que ce soit dans la vie politique ou dans les conseils d’administration des entreprises, les choses bougent et chacun s’accorde à reconnaître qu’elles bougent dans le bon sens. Pour reprendre l’expression utilisée par vous, monsieur le ministre au cours de nos débats, c’est une « petite révolution » qui est en marche, une révolution juste, efficace et pacifique.

C’est pour toutes ces raisons que le groupe UMP votera la réforme qui lui est proposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Derosier. Mes chers collègues, monsieur le ministre, par le vote qui va intervenir dans quelques instants dans cet hémicycle et après que le Sénat s’est lui-même prononcé, nous disposerons dans notre arsenal législatif des moyens de résorber l’auxiliariat, ou plus précisément, puisque c’est ainsi que s’intitule ce projet de loi, des moyens de résorber l’emploi précaire dans la fonction publique.

Malheureusement – et vous le savez bien, monsieur le ministre –, c’est une solution très partielle que propose ce projet de loi, même s’il a au moins le mérite de reconnaître la précarité existant dans la fonction publique, au contraire de ce que nous avions pu entendre dans le passé, à savoir que les fonctionnaires seraient des nantis. Et, en effet, dans ce secteur d’activité qu’est la fonction publique, de nombreux agents connaissent une situation précaire, pas seulement parce qu’ils sont des agents contractuels, mais aussi parce que leurs rémunérations en début de carrière ou en catégorie C sont particulièrement basses.

Ce projet apporte une solution très partielle, disais-je, puisqu’un grand nombre d’agents des collectivités, de l’État, de la fonction publique hospitalière ne pourra bénéficier de ses dispositions.

Tout part d’un protocole signé par six organisations syndicales sur huit le 31 mars 2011, il y a bientôt un an de cela. Si j’évoque ce protocole, c’est qu’à plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous avez tiré une certaine gloire de sa signature. Ce n’était pas vous, mais votre prédécesseur, M. Tron, et il faut reconnaître à la vérité que si ce protocole a, en effet, été signé, les mêmes syndicats ont désapprouvé pour une large part le présent projet de loi parce que vous n’y aviez pas repris les dispositions qu’ils souhaitaient voir introduites concernant les emplois occasionnels et saisonniers. Ils ont d’ailleurs manifesté leur désapprobation en quittant les séances du Conseil supérieur de la fonction publique d’État et du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Malheureusement, cette loi ne vient pas non plus réparer les conséquences de votre politique en matière de fonction publique, politique particulièrement désastreuse pour le fonctionnement de nos services publics et de nos administrations. Ces conséquences découlent notamment de la RGPP, la fameuse révision générale des politiques publiques, et de ce qui en résulte, à savoir le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Les conséquences de votre désastreuse politique se retrouvent également dans le jour de carence que vous avez introduit pour les fonctionnaires en congés de maladie. Il semble aussi, à en juger par les propos du Président de la République, que les élus locaux soient devenus aujourd’hui la cible du Gouvernement parce qu’ils seraient à l’origine de dépenses trop importantes, et que le statut même de la fonction publique soit remis en question, si l’on en croit un article publié dans un grand quotidien économique. Certes, cette information a été démentie par l’Élysée, mais nous sommes habitués depuis cinq ans à ces successions d’affirmations, de déclarations d’intention et de démentis.

Une dernière illustration de cette intervention néfaste du Gouvernement nous a été fournie hier par un grand quotidien du soir qui racontait comment, au prétexte qu’il n’avait pas voulu participer à l’accueil du Président de la République venu installer le préfet Lambert, un directeur de la préfecture de Bobigny s’était vu placardisé. C’est dire qu’il y a dans ce domaine-là encore beaucoup à faire.

Je voudrais, à ce point de mon propos, déplorer la procédure accélérée que le Gouvernement nous impose en cette fin de session pour nous faire examiner, au pas de charge, un maximum de textes qu’il voudrait pouvoir mettre à son actif. Certes, il y a urgence à combattre la précarité, mais il y a surtout, monsieur le ministre, une mauvaise gestion du calendrier parlementaire, et je sais, monsieur le président, qu’il vous arrive de le faire remarquer.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Derosier.

M. Bernard Derosier. Je m’y emploie, monsieur le président.

Je voudrais adresser une mise en garde au Gouvernement : il ne faudrait pas, par ce moyen-là, ouvrir de nouvelles voies d’accès à la fonction publique.

Un dernier mot, monsieur le président, pour souligner des avancées, je pense notamment aux mesures concernant la parité. Rendons hommage à la délégation aux droits des femmes d’avoir été à l’initiative de l’amendement du Gouvernement.

Parce que ce texte représente une étape, avant l’ouverture du grand chantier que nous lancerons avec François Hollande (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur la modernisation des services publics, nous le voterons bien qu’il ne soit pas satisfaisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la précarisation des agents contractuels est devenue pour bon nombre de nos concitoyens un sujet de préoccupation majeur. Phénomène grandissant de notre société, elle est la conséquence inévitable d’un recours de plus en plus fréquent et même excessif parfois aux contrats temporaires.

Cette pratique contrevient aux principes qui font la spécificité même de notre service public et qui trouvent leur expression dans le statut général de la fonction publique.

Partant de ce constat, le projet de loi soumis à notre examen vise à apporter une réponse immédiate aux situations de précarité rencontrées sur le terrain. Il a également pour ambition d’éviter que de telles situations ne puissent se reproduire à l’avenir, grâce à une clarification des conditions de recours aux agents contractuels et de renouvellement de ces contrats.

Le groupe Nouveau Centre ne peut que souscrire à ces objectifs, qui sont le fruit, rappelons-le, d’un dialogue constructif entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, à l’image de la véritable rénovation du dialogue social que prône notre famille politique.

En outre, je tiens à le rappeler, il ne s’agit pas d’une énième loi de « déprécarisation » : le projet de loi entend plus largement améliorer les droits individuels et collectifs des agents contractuels ainsi que leurs conditions d’emploi dans la fonction publique.

Il prévoit de faciliter les mobilités et les passerelles entre les différentes fonctions publiques, ce qui est une très bonne chose. La mobilité, facteur indispensable du bon déroulement de la carrière, est l’une des garanties essentielles de la fonction publique qu’il convient de préserver et d’encourager.

Dans ce même souci d’amélioration des droits des agents, le projet de loi entend renforcer la lutte contre les discriminations. L’État, en tant que premier employeur public, se doit d’être exemplaire dans la gestion de ses effectifs, en particulier en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. Je me félicite, au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, que les discussions en séance et en commission aient pu enrichir le texte sur ce sujet fondamental en prévoyant d’assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la fonction publique.

Ce sujet pourrait être encore approfondi à l’avenir, dans le sens d’une amélioration de la sécurisation des parcours professionnels des femmes qui occupent des postes de responsabilité.

Enfin, ce projet de loi est l’occasion de rappeler une exigence, celle de l’amélioration de l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Bien que des progrès aient été effectués en ce sens, la situation est encore perfectible et pourrait faire l’objet d’une attention particulière de notre Parlement.

En conclusion, les débats que nous avons eus dans cet hémicycle nous ont permis d’enrichir les mesures proposées sans pour autant altérer l’équilibre sur lequel repose le dispositif de titularisation arrêté au terme de la concertation. Nous sommes donc appelés à nous exprimer sur un texte équilibré, qui tend à répondre aux enjeux multiples que recouvrent les situations professionnelles diverses des agents contractuels.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre apportera son soutien à ce projet de loi ambitieux, qui constitue une étape supplémentaire sur le chemin de l’amélioration de la situation de ceux qui, au service de nos concitoyens, assurent le bon fonctionnement de nos services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 485

Nombre de suffrages exprimés 461

Majorité absolue 231

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

4

Refonte de la carte intercommunale

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale (nos 3908, 4218).

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, l’examen de cette proposition de loi est l’occasion de faire un bilan de la loi de décembre 2010 dont l’un des objectifs était l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.

Au terme de l’examen de cette proposition de loi, qui émane de notre collègue et ami Jacques Pélissard et qui reprend l’une des préoccupations des élus locaux, nous devons nous prononcer sur une rédaction proche de celle adoptée par le Sénat.

L’achèvement de la carte intercommunale était l’un des objectifs de la proposition de loi. Je voudrais saluer l’action des préfets qui ont mené la concertation, permettant aujourd’hui aux deux tiers des départements de disposer d’un schéma départemental de coopération intercommunale. La couverture totale des territoires qui est recherchée ne peut résulter que d’une large concertation avec les représentants de l’État et des élus. Les élus du Nouveau Centre se félicitent donc à la fois des adaptations qui étaient voulues et de la concertation qui a prévalu.

Des mesures de bon sens ont été adoptées, je pense notamment aux dispositions qui visent à avancer à 2014 la première révision du schéma départemental de coopération intercommunale. Cela permettra de faire coïncider l’actualisation des schémas avec le renouvellement des conseils municipaux, afin que les nouvelles municipalités puissent s’exprimer sur ce point.

Plusieurs articles avaient été jugés irrecevables au titre de l’article 40. Je rends hommage, monsieur le ministre, à votre écoute et à celle du ministre de l’intérieur, qui vous a conduits à reprendre, au nom du Gouvernement, les amendements qui n’étaient pas recevables d’un point de vue financier.

Enfin, je vous félicite, monsieur le ministre, d’avoir tenu bon sur le principe de non-rétroactivité des lois. C’est une question d’ordre public et de sécurité juridique sur laquelle nous ne pouvions, en tant que législateurs, revenir.

C’est donc un texte largement consensuel qui nous est soumis. À nouveau, je voudrais remercier Jacques Pélissard et notre collègue sénateur Jean-Pierre Sueur pour leur esprit de responsabilité, et saluer l’écoute du Gouvernement, qui permet aux élus du Nouveau Centre d’apporter leurs voix à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la refonte de la carte intercommunale a mis en lumière depuis un an une logique de contrainte et d’autoritarisme qui a légitimement suscité l’inquiétude et la colère d’une grande majorité d’élus locaux.

Pourtant, cette proposition de loi, censée répondre aux attentes des élus, se contente, comme l’ont rappelé l’auteur et le rapporteur du texte, de procéder à quelques ajustements, sans remettre en cause les fondements de la réforme des collectivités territoriales votée le 16 décembre 2010.

Pour notre part, nous considérons que la réforme de l’intercommunalité, présentée comme un facteur de simplification et de rationalisation, revient au contraire à imposer aux populations et aux élus une nouvelle organisation territoriale décidée par l’État, sans véritable débat démocratique.

La méthode employée illustre parfaitement la volonté de poursuivre un processus de recentralisation insidieux au mépris de l’autonomie locale, comme en témoigne notamment la suppression massive de syndicats spécialisés. Sur ce point, nous tenons à rappeler que les syndicats de communes sont des outils importants du développement local et permettent à nombre de communes de maintenir un haut niveau de service public.

De manière générale, cette réforme préfigure clairement l’affaiblissement de la démocratie de proximité, en développant une conception que nous refusons, à savoir la recherche de compétitivité des territoires et de concurrence entre eux. Une telle conception ne peut pas se corriger par un aménagement, à la marge, des procédures d’élaboration des schémas. C’est l’ensemble de la loi du 16 décembre 2010 qui devrait être repensé.

Aussi réaffirmons-nous notre opposition à l’achèvement autoritaire de la carte de l’intercommunalité et demandons-nous l’abrogation de la loi du 16 décembre 2010 en vue d’une nouvelle réforme démocratique de l’intercommunalité, réalisée en lien avec les acteurs publics et la population.

Nous sommes pour notre part favorables à une coopération à la fois volontaire et utile entre collectivités, qui aboutisse à un approfondissement de la démocratie locale et au respect de la libre administration communale et des libres choix de coopération intercommunale.

Parce qu’ils considèrent que toute réforme globale visant à redonner sens à la décentralisation en se fixant l’objectif de mieux répondre sur l’ensemble du territoire national aux besoins et aux attentes de nos concitoyens ne peut passer que par l’abrogation de la réforme territoriale du 16 décembre 2010, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront résolument contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Hamel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Hamel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités locales est une bonne loi dans tous ses aspects.

M. Jean-Pierre Brard. Si vous le dites !

M. Gérard Hamel. Singulièrement dans le domaine de l’intercommunalité, elle a donné un nouvel élan et offert aux élus à la fois une impulsion et des outils pour parachever et perfectionner la coopération intercommunale sur l’ensemble du territoire.

M. Jean-Pierre Brard. Le problème, ce n’est pas l’élan, c’est l’atterrissage !

M. Gérard Hamel. Comme toutes les réformes ambitieuses, le retour d’expérience de son application sur le terrain inspire des réglages et des ajustements afin de prendre en compte la diversité des contextes géographiques et politiques locaux.

C’est l’honneur de cette majorité que de se montrer attentive à la mise en œuvre effective des réformes qu’elle a lancées, et à l’écoute des élus locaux, toutes tendances confondues, pour construire avec eux une décentralisation juste et efficace.

Aussi je veux tout particulièrement remercier, au nom du groupe UMP tout entier, mais je crois aussi en votre nom à tous mes chers collègues, notre collège Jacques Pélissard (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) qui a pleinement respecté sa parole donnée aux maires de France, en déposant, fin 2011, une proposition de loi visant à assouplir les modalités de mise en œuvre du volet intercommunal de loi du 16 décembre 2010, sans pour autant en remettre en cause l’esprit ambitieux et constructif.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas le pire d’entre vous !

M. Pierre Gosnat. On veut bien le prendre avec nous ! (Sourires.)

M. Gérard Hamel. Outre la sagesse et la clairvoyance de notre collège Pélissard, je veux aussi saluer l’excellente initiative du Gouvernement, qui a complété cette proposition par deux dispositions très pertinentes et très attendues.

Je veux parler de la possibilité de recréer des syndicats intercommunaux pour gérer des services à l’échelle d’un micro-bassin de vie, en particulier dans de grandes intercommunalités résultant de fusion entre des communautés aux niveaux d’intégration inégaux, et sur le territoire desquels on observe de fortes différences de densité ou de besoins sociaux.

Si cette solution ne doit pas être encouragée ni privilégiée là où elle n’est pas indispensable, je crois qu’elle est cependant de nature à rassurer les collectivités sur l’éventail des outils à leur disposition pour aborder sereinement tous les cas de figure, leur permettant ainsi d’élaborer leur coopération intercommunale sans réticences.

La seconde disposition concerne le rétablissement des règles qui prévalaient en début de mandat pour la composition des conseils et des bureaux communautaires, et ce jusqu’aux prochaines élections municipales, afin de ne pas pénaliser certains élus qui contribueraient à réformer la coopération intercommunale sur leur territoire au risque de se trouver mécaniquement évincés des organes délibérants de la nouvelle structure résultant de leur travail.

Comme l’ensemble des articles de la proposition de loi, ces deux mesures sont clairement de nature à lever les appréhensions des élus engagés dans les discussions visant à l’optimisation de la carte intercommunale.

L’ensemble du texte et les amendements que je viens de citer ayant été rédigés dans un esprit de rapprochement et de synthèse avec la proposition de notre collègue sénateur Jean-Pierre Sueur, je crois qu’il est de nature à recevoir un large soutien sur ces bancs comme sur ceux du Sénat, dans un esprit constructif et au-delà de tout calcul partisan. C’est pourquoi le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale » : tel est le titre que notre collègue Jacques Pélissard a choisi pour sa proposition de loi, ce qui est bien une manière de reconnaître que ces règles, telles qu’elles sont posées par la loi du 16 décembre 2010, sont trop rigides.

Or je vous rappellerai que, lorsque nous avons débattu, ici même, de cette loi du 16 décembre 2010, le groupe socialiste avait proposé par voie d’amendements que l’on introduise un peu plus de souplesse dans le dispositif. Un an plus tard, vous nous donnez raison avec cette proposition de loi. Mais si nos amendements avaient été retenus, nous aurions gagné du temps et évité des tensions inutiles dans les départements, où les choses ne se sont pas toujours bien passées – j’en veux pour preuve les instructions données aux préfets par le Gouvernement, au lendemain d’élections sénatoriales catastrophiques pour la droite. Toujours est-il que, par idéologie ou à cause de la bonne vieille règle du fait majoritaire, les propositions du groupe socialiste n’avaient pas été retenues.

Nous avons eu, mardi et mercredi derniers un débat intéressant, même si, au cours de ce débat, Claude Guéant, qui siégeait au banc des ministres à la place de M. Richert, est resté particulièrement silencieux face aux interpellations dont il a fait l’objet, réfléchissant sans doute à tel ou tel problème de civilisation… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons, à l’occasion de ce débat, proposé des amendements qui tendaient à assouplir encore davantage les orientations du schéma départemental de coopération intercommunale. Nous avons ainsi suggéré qu’il soit mieux tenu compte des spécificités locales et que le représentant du Gouvernement, c’est-à-dire le préfet, soit un partenaire de la commission départementale et non un censeur, comme ce fut souvent le cas. Nous voulions également assurer une réelle transparence dans les délibérations de la commission départementale, tout comme nous souhaitions que, dans les communes n’ayant qu’un seul représentant dans les conseils communautaires, ce représentant soit assisté d’un suppléant qui pourrait siéger avec les mêmes droits et les mêmes devoirs lorsque le titulaire n’est pas disponible. Malheureusement, aucune de ces propositions n’a été retenue par la majorité, le rapporteur ayant chaque fois émis un avis défavorable.

Par ailleurs, nos discussions ont fait surgir un problème, auquel il a été fait allusion tout à l’heure, je veux parler de la situation inégalitaire créée par le fait qu’un peu plus de soixante départements ont aujourd’hui un schéma de coopération intercommunale tandis qu’une trentaine d’entre eux en sont dépourvus, ce qui leur permettra de bénéficier de ces nouvelles dispositions, qui assouplissent l’établissement de la carte.

Cette situation inégalitaire ne peut être résolue par la rétroactivité. Là encore, nous avions proposé que l’on puisse, lorsqu’une majorité qualifiée de la commission départementale le décide et s’il n’y a pas eu accord entre le préfet et la commission, reconsidérer le dispositif proposé par le préfet. Nous n’avons pas non plus été entendu sur ce point.

Tout cela n’est sans doute que partie remise, puisque dans quelques mois nous pourrons mettre en œuvre une nouvelle étape de la décentralisation, à l’initiative de François Hollande… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Chers collègues de la majorité, lorsque, par inadvertance, l’un d’entre vous prononce le nom de M. Sarkozy, l’opposition ne réagit pas ainsi. Je comprends que vous soyez inquiets, mais pas à ce point là ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Derosier, tenez-vous-en à votre explication de vote !

M. Jean Glavany. Il fait ce qu’il veut !

M. Bernard Derosier. Merci, monsieur le président, de bien vouloir calmer nos collègues de l’UMP, qui réagissent toujours avec spontanéité.

Tout cela n’est donc que partie remise. Même si ce texte permettra à la CDCI de remplir les missions que lui a confiées la loi du 16 décembre 2010, il laisse encore trop de pouvoirs aux préfets, représentants du Gouvernement dans les départements, pouvoirs dont certains ont abusé.

Parce que ce texte offre a un début de réponse aux maires qui souhaitent que la CDCI puisse continuer à jouer son rôle, mais parce qu’il comporte beaucoup d’insuffisances, nous nous abstiendrons donc. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 490

Nombre de suffrages exprimés 317

Majorité absolue 159

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 4332, 4339, 4338).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Permettez-moi tout d’abord une remarque générale. Depuis quelques jours, chers collègues de la majorité, vous développez l’idée selon laquelle toutes les mesures impopulaires seraient vertueuses. Les mesures populaires n’ont pas davantage le monopole de la vertu que les mesures impopulaires ne sont synonymes de courage, ni de bien-être pour nos concitoyens. Votre argument selon lequel une mesure, parce qu’elle est impopulaire, courageuse et difficile à prendre, serait une bonne mesure, ne tient pas.

Il tient d’autant moins que vous reportez l’entrée en application de la TVA et des réductions de charges patronales au 1er octobre prochain. Si ces dispositions étaient aussi urgentes et efficaces que vous le prétendez, madame la ministre, si elles devaient réellement créer 100 000 emplois, pourquoi attendre plusieurs mois après une échéance électorale majeure pour les faire entrer en vigueur ?

Revenons par ailleurs sur les débats que nous avons eus sur la politique de l’offre et de la demande. S’il est logique, en temps normal, de s’interroger sur l’opportunité de mener une politique de l’offre ou de la demande, sommes-nous dans cette situation aujourd’hui ? Nos concitoyens peuvent-ils décemment accepter des mesures d’austérité supplémentaires ?

Et, à supposer que l’on choisisse de mener une politique de l’offre, comment, avec les moyens qui sont les leurs suite aux politiques que vous menez depuis dix ans, pourraient-ils répondre au surcroît d’offre obtenu ?

Je prends quelques exemples.

Vous augmentez la TVA. Cela n’entraînera pas de hausse des prix, lit-on ici, tandis que, peut-on lire ailleurs, les gens se précipiteront pour consommer avant que les prix n’augmentent ! En vérité, les prix d’un certain nombre de produits vont augmenter, et nous ne cesserons de vous le rappeler. Ainsi, dans son rapport, excellent comme à l’habitude, Gilles Carrez indique-t-il que l’effet de la hausse de TVA sur le prix de l’essence sera de deux centimes par litre, alors que le prix à la pompe atteint déjà des records et est de plus en plus difficile à supporter pour ceux qui n’ont pas d’autre choix que la voiture. On va, peut-être, revaloriser le barème des indemnités kilométriques, disent certains. Mais ont-ils pensé qu’une revalorisation de la déduction fiscale pour frais réels ne profitera pas à cette moitié de nos concitoyens qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Exactement !

M. Christian Eckert. Ce sera donc injuste.

Prenons maintenant le prix de l’énergie. Lorsque vous avez porté la TVA sur les produits de première nécessité de 5,5 % à 7 %, vous avez souligné que vous ne touchiez pas au prix des abonnements au gaz et à l’électricité. Certes, vous n’y avez pas touché.

M. Marcel Rogemont. Mais à la consommation, si !

M. Christian Eckert. Le prix du kilowattheure et du mètre cube de gaz sont actuellement soumis à une TVA de 19,6 %. Or, c’est la plus grosse partie de la facture, sur laquelle la TVA va augmenter de 1,6 point.

M. Patrick Lemasle. Eh oui !

M. Christian Eckert. Et, monsieur le rapporteur général, si je vous ai fait des compliments sur votre rapport, en ce qui concerne l’électricité vous avez été un peu plus faible. Certes, vous n’avez pas eu beaucoup de temps, je vous l’accorde. Mais vous vous êtes attardé sur la contribution au service public de l’électricité et sur l’abonnement, « oubliant » que la part principale de la facture, c’est la consommation, sur laquelle la TVA va passer à 21,2 %.

Autre exemple, pris dans les services cette fois, le secteur bancaire va économiser environ 700 millions d’euros de charges patronales, pouvons-nous lire dans le rapport. En revanche les frais bancaires, sur la carte bleue, sur ces services qu’on vous vend dans des « packs » pour vous soutirer encore quelques euros, seront soumis à cette nouvelle TVA de 21,2 % et non plus de 19,6 % !

M. Jean-Paul Bacquet. Scandaleux !

M. Christian Eckert. Quant au secteur de la restauration, où la TVA était passée de 19,6 % à 5,5 % et vient de repasser à 7 %, on a bien vu que la baisse de TVA n’a pas entraîné de baisse de prix,…

M. Patrick Lemasle. Nous l’avions dit !

M. Christian Eckert. …que le secteur n’a pas embauché,…

Mme Geneviève Levy. Mais si !

M. Christian Eckert. …et vous voudriez aujourd’hui nous faire croire que l’augmentation de TVA ne sera pas suivie d’une augmentation des prix ? C’est pour le coup, proprement scandaleux et c’est une injustice majeure – une de plus.

Un mot encore sur les collectivités territoriales. La TVA va augmenter de 1,6 point sur la plupart des travaux qu’elles engagent.

M. Philippe Vuilque. Eh oui !

M. Christian Eckert. Mais, me direz-vous, elles se font rembourser par le Fonds de compensation de la TVA. Seulement, dans sa grande générosité, le Gouvernement n’a pas prévu de majorer le taux de remboursement du FCTVA. Nous avons abordé ce point au cours des bribes de discussion que nous avons pu avoir dans les délais qui nous étaient impartis pour nous réunir. Je suis curieux de voir ce que va nous dire le Gouvernement. Jusqu’à présent, à chaque variation du taux de TVA, le niveau du FCTVA avait été ajusté de sorte que l’opération soit indolore pour les collectivités territoriales.

M. Philippe Vuilque. Très juste !

M. Christian Eckert. J’évoque encore rapidement la taxe sur les transactions financières. Puisque l’Allemagne est à la mode, je dirai que votre taxe est un ersatz de taxe Tobin. Vous revenez en quelque sorte à l’impôt de bourse, après l’avoir supprimé, en prétendant en élargir l’assiette. Vous proposez de taxer les CDS à nu. Mais leur vente va être interdite !

M. Pierre-Alain Muet. Exactement !

M. Christian Eckert. Vous instaurez donc, à compter d’octobre prochain, une taxe sur un produit dont l’Union européenne et nous-même nous apprêtons à interdire l’utilisation. La belle affaire ! Mais sur les produits dérivés, qui représentent l’essentiel des transactions et sont les plus dangereux puisque l’on ne sait ni ce que contiennent ni d’où viennent ni où vont ces véritables OVNI, vous ne prévoyez pas de taxe. Enfin, sur les transactions à haute fréquence, vous prévoyez de taxer celles qui ont lieu en un certain nombre de microsecondes – le seuil serait de une seconde, ce qui n’est déjà pas clair. Mais surtout, vous renvoyez la décision à un décret. Dites-nous dans quel délai vous allez prendre ce décret d’application sans lequel la taxation sur les transactions financières serait inopérante. Je n’ose pas croire qu’il s’agisse là d’une entourloupe… (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Un mot, enfin, sur la fraude fiscale. Nous avons eu l’occasion de dire, madame la ministre, à propos d’exemples connus – ou peut-être pas assez – ce que nous pensons des conventions signées avec certains États plutôt complaisants envers les fraudeurs. Vous deviez nous informer régulièrement de leurs résultats. Or, sur 172 demandes de renseignements présentées, il n’y a eu qu’une cinquantaine de réponses. Il faudrait vraiment aller beaucoup plus loin.

Pour en revenir, en conclusion, au dispositif principal du projet, vous nous avez dit tout à l’heure, madame la ministre, qu’il toucherait 80 % des entreprises et 16 millions de salariés. Non : c’est 100 % des consommateurs que vous allez toucher…

M. Patrick Lemasle. Très bien !

M. Christian Eckert. …en leur faisant payer ce qui est, j’espère, le dernier plan d’austérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui est un acte de responsabilité et de courage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

De responsabilité d’abord. Le Gouvernement avait revu à la baisse dès octobre 2011 le taux de croissance prévu dans le budget 2012, le ramenant de 1,75 % à 1 %. Il retient désormais une hypothèse de croissance de 0,5 % en moyenne sur l’année 2012.

Ce projet de loi de finances intègre cette nouvelle prévision pour être au plus près des réalités, compte tenu du contexte international.

M. Jean-Paul Bacquet. Et vous préparez déjà le prochain plan !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sont ainsi 2,6 milliards d’euros de recette en moins pour l’État. Cela confirme la volonté et la détermination de ce Gouvernement de réduire le déficit public et de respecter son objectif, à savoir 4,5 % en 2012 et la perspective d’un retour à l’équilibre en 2016.

M. Olivier Dussopt. En 2016, ce sera combien exactement ?

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une impérieuse nécessité. Même le rapport annuel de la Cour des comptes le dit et je ne résiste pas au plaisir de vous citer cet extrait : « La réduction du déficit est plus que jamais indispensable pour rassurer les créanciers des États et des autres entités publiques (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),obtenir un effet favorable sur la charge d’intérêt, renforcer la croissance à moyen terme et garantir l’autonomie de la politique économique et sociale. »

La France travaille à cette perspective et le Gouvernement a anticipé sur les recommandations de la Cour des comptes, puisque la réalisation du budget 2011 a permis de réduire de 4,6 milliards d’euros le déficit prévu.

Un département me semble offrir le parfait contre-exemple. Je veux bien sûr parler de la Corrèze… (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Vous allez parler de Chirac ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …dont la dette est de 1 400 euros par habitant. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le président du conseil général de Corrèze devrait lui aussi tenir compte des exhortations de la Cour des comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Calmez-vous, chers collègues !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous ai parlé de responsabilité, je vais maintenant vous parler de courage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En période de campagne électorale, il est plus aisé de s’engager à promettre tout et son contraire à coup de dépenses qui n’ont qu’une visée électoraliste, que de parler le langage de la vérité lorsque celle-ci nous oblige à des mesures moins populaires.

M. Bernard Perrut. Et c’est ce qui nous sépare de la gauche !

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, la France a perdu 500 000 emplois industriels. Si nous faisons tous ce constat, certains ne proposent aucune mesure pour lutter contre ce problème et protéger notre industrie.

M. Jean Mallot. Que faites-vous depuis dix ans ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Le principal problème de notre industrie face à la concurrence internationale réside dans le niveau des prélèvements obligatoires. Pour redonner à nos entreprises des perspectives de compétitivité, il est nécessaire d’alléger les cotisations familiales patronales sur les salaires situés entre 1,6 fois le SMIC, montant qui est le seuil des allégements généraux, et 2,4 fois le SMIC. Cette mesure permettra ainsi de protéger nos emplois.

M. Dominique Baert. Vous n’y croyez même pas vous-mêmes !

Mme Marie-Christine Dalloz. Si, comme c’est mon cas, la moitié des personnes que vous rencontrez dans vos permanences sont soit à la recherche d’un emploi,…

M. Jean-Pierre Brard. La faute à qui ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …soit inquiètes pour leur avenir professionnel, alors vous devriez considérer que cette progression de 1,6 point du taux de TVA est bien une mesure pour lutter contre le fléau que nous voulons combattre : le chômage.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Par référendum ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette mesure, madame la ministre, ne pourrait-elle plutôt s’appeler « TVA emploi » ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, je note que, dans la perspective du redressement de nos finances publiques, le Gouvernement demande au secteur financier sa participation…

M. Jean-Pierre Brard. Modeste !

Mme Marie-Christine Dalloz. …en mettant en place une taxe sur les transactions financières, sans attendre une initiative européenne. Et la taxe proposée aujourd’hui est largement plus efficace que celle, à taux zéro, que vous aviez proposée en d’autres temps…

« L’action, ce sont les hommes au milieu des circonstances », disait Charles de Gaulle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous étiez avec lui à l’école militaire !

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ajouterai, que dans les circonstances actuelles, ce projet de budget rectificatif est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. On vous a connue meilleure !

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, chers collègues, je ne savais pas que l’examen de ce collectif budgétaire donnerait lieu au procès d’un président de conseil général qui, si ma mémoire est bonne, avait trouvé une situation particulièrement dégradée lorsqu’il avait pris la succession d’un président de droite à la tête du département. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Nicolin. Il a creusé le trou !

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas vrai ! Menteur !

M. Marc Goua. Nous sommes réunis pour examiner l’ultime collectif budgétaire de la législature.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous poursuivez votre chemin de croix puisque nous en sommes déjà à quatorze stations, quatorze collectifs budgétaires depuis le début du quinquennat. Mais ce n’est pas vous qui subissez ce chemin de croix : ce sont nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Brard. Et qui est Judas ?

M. Marc Goua. Ce collectif est révélateur des méthodes utilisées par votre gouvernement depuis cinq ans, faites de précipitation et de droits du Parlement bafoués. Le texte, à peine validé en Conseil des ministres, est présenté dans la foulée à la commission des finances alors que les documents nous sont tout juste remis. Quant à la stratégie du « coup politique permanent », de la réaction plutôt que de l’action précédée d’une réflexion, elle a des conséquences néfastes sur la qualité du travail parlementaire.

Je profite de ce dernier collectif pour tirer un coup de chapeau à notre rapporteur, M. Carrez, qui a toujours essayé de donner une cohérence à des propositions incohérentes.

Une autre mauvaise habitude est parfaitement illustrée par ce collectif budgétaire. Elle consiste à se fonder sur des prévisions de croissance exagérément optimistes et toujours fausses, systématiquement en décalage avec celles des économistes comme avec les réalités.

À plusieurs reprises, nous avons appelé votre attention sur le caractère irréaliste de vos hypothèses. Après une loi de finances initiale calculée sur une prévision de croissance de 1,75 %, puis, en novembre, un collectif fixant ce taux à 1 %, nous voici maintenant à 0,5 %. Je crains que vous ne soyez encore trop optimistes, surtout compte tenu des mesures anti-consommation que vous nous proposez dans ce collectif.

Ce déni de réalité, ces réajustements successifs au gré des collectifs qui se succèdent – et, sur ce plan, celui-là est un grand cru – ont un effet récessif.

Mme Geneviève Levy. C’est tout le contraire !

M. Marc Goua. L’instabilité juridique et fiscale est un facteur de déstabilisation du tissu économique, et particulièrement des entreprises. Elle joue négativement sur l’appareil productif et sur la consommation, car les acteurs économiques souhaitent évoluer dans un environnement stable.

De plus, vos collectifs ne sont pas que des réajustements mineurs : vous en profitez pour glisser dans chacun d’entre eux des mesures structurelles qui remettent en cause des pans entiers de notre système fiscal, donc de notre économie.

Une nouvelle fois, vous allez rogner le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires par une hausse généralisée de la TVA. Dans la continuité de ce quinquennat, durant lequel vous avez favorisé les classes aisées – je pense au bouclier fiscal, aux niches fiscales, à la réduction de l’ISF –, en faisant porter le fardeau sur les consommateurs, vous vous proposez d’augmenter la TVA de 1,6 point, soit 8,16 % d’augmentation, après la récente hausse du taux réduit de 5,5 à 7 %, soit une hausse de 27,27 %.

Cette TVA Sarkozy anti-sociale…

M. Jean-Pierre Brard. Sarkozy antisocial, c’est un pléonasme !

M. Marc Goua. …va entraîner une hausse des prix et une nouvelle chute de la consommation, qui est l’un des piliers essentiels de la croissance dans notre pays. En son temps, le président-candidat avait d’ailleurs considéré qu’une hausse de TVA serait « inefficace et dangereuse ».

Vous tentez de justifier cette augmentation par la nécessité de baisser le coût du travail pour que nous soyons compétitifs, notamment par rapport à nos voisins allemands. Or les conclusions non publiées de la commission parlementaire sur le sujet, établies après auditions d’économistes et de partenaires sociaux, tordent le cou à cette affirmation.

Vous êtes partisans du moins-disant social, mais prétendez-vous vouloir mettre le coût du travail au niveau de celui des pays en voie de développement ou de la Chine ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Notre compétitivité passe par la recherche et l’innovation, par un système bancaire véritablement au service de l’économie, et par des choix industriels pertinents dans des secteurs en croissance et à forte valeur ajoutée.

En plus d’être une injustice, cette hausse de TVA est une erreur économique. Cette opération de dernière minute est un leurre destiné à tromper nos concitoyens et, contrairement à ce que vous clamez, cette mesure constitue une nouvelle augmentation de la pression fiscale. À ce sujet, je rappelle que le taux de prélèvements obligatoires sera supérieur en 2012 à ce qu’il était en 2007.

À quelques semaines de la fin du quinquennat, votre bilan est accablant : le chômage frise les 10 %, la production industrielle est en baisse de 1,4 %, la consommation est en chute de 0,7 %, notre déficit commercial atteint un niveau record puisqu’il approche les 70 milliards d’euros en 2011. Il faut ajouter que la croissance est en panne et que nos comptes publics sont détériorés, tandis que notre endettement n’est plus loin des fatidiques 90 % du PIB.

Votre politique injuste aura, en plus, été inefficace.

Pourtant, d’autres solutions existent afin de permettre à la fois le redressement indispensable de nos finances publiques et le soutien de la croissance. Cela suppose de mener une politique cohérente et non de prendre des mesures sectorielles dans la précipitation.

M. Yves Nicolin. Quel baratin !

M. Marc Goua. Nous vous avons fait à de nombreuses reprises des propositions qui permettraient d’atteindre ces objectifs. Vous les avez toujours repoussées. Or, elles allaient dans le sens de plus d’équité et de justice sociale tout en soutenant la croissance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. Ils vivent sur une autre planète !

M. Marc Goua. Nous regrettons vivement que vous soyez restés sourds à nos demandes et que vous ayez maintenu votre stratégie visant à privilégier les plus nantis au détriment de l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion référendaire

M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et soixante-sept de ses collègues, en application de l’article 122 du règlement, une motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet de loi en discussion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Encore une manœuvre !

M. Bernard Perrut. C’est de l’obstruction !

M. le président. La liste des signataires sera publiée au Journal officiel en annexe du compte rendu de la présente séance.

Je vais procéder à l’appel nominal des signataires, dans l’ordre figurant sur la liste présentée à l’appui de la motion.

M. Jean-François Lamour. C’est pitoyable !

M. Yves Albarello. Minable !

(Il est procédé à l’appel nominal des signataires de la motion.)

M. le président. Acte est donné de la présence effective en séance des signataires de la motion.

Pour la soutenir, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le groupe socialiste, radical et citoyen vient de déposer une motion référendaire.

La procédure est exceptionnelle. Elle témoigne de notre volonté d’alerter les Français sur un nouveau projet d’augmentation de la TVA. Alors que le taux réduit est passé de 5,5 à 7 % en décembre dernier, voici que le Président sortant et sa majorité proposent, toutes affaires cessantes, d’augmenter le taux normal qui passerait de 19,6 à 21,2 %. L’exemple allemand, si souvent invoqué ces dernières semaines par le candidat de l’UMP, n’a pas été suivi puisque, chez nos voisins, il est de 19 %.

M. Pierre Méhaignerie. Et au Danemark ? Et en Suède ?

M. Jean-Marc Ayrault. Ce projet crée un malaise évident jusque dans les rangs de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Ne rêvez pas !

M. Jean-Marc Ayrault. Mme Brunel a dit tout haut ce que de nombreux députés UMP se répètent à bas bruit lorsqu’ils quittent cet hémicycle. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Et Manuel Valls, où est-il ?

M. Jean-Marc Ayrault. L’embarras est si grand que l’amendement de suppression de l’article 1er du projet – celui qui augmente la TVA – a été adopté, hier, par la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Magouilleurs !

M. Jean-Marc Ayrault. Sur des projets comme celui-là, l’absence de mobilisation de la majorité et ses silences en disent davantage sur l’état d’esprit des parlementaires que les éléments de langage qui leur sont distribués et qu’ils rechignent à reprendre. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Et ce n’est pas la lecture du rapport du rapporteur général, M. Carrez, qui les aura rassurés sur l’efficacité d’une mesure présentée comme un atout pour l’industrie alors que celle-ci n’en bénéficierait que marginalement. Sur 13,2 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales, seulement 3,3 milliards concerneront les entreprises industrielles, soit à peine un quart du total.

Personne parmi nous ne jettera la pierre à celles et ceux qui à l’UMP ou au Nouveau Centre hésitent encore à associer leur nom à cette nouvelle hausse des impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Leur trouble est d’autant plus grand que le Gouvernement s’est lui-même, à de multiples reprises, opposé à ce projet suggéré par les ultra-libéraux de l’UMP. François Fillon en personne déclarait il y a peu de temps encore : « On parle de convergence avec l’Allemagne mais, Berlin ayant relevé sa TVA, les taux français et allemand sont à peu près équivalents. Si on augmente notre TVA, on se redécale par rapport à l’Allemagne». C’est lui qui le dit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Si le doute est si fort à droite aujourd’hui, c’est aussi parce que les députés que vous êtes ne sont pas sourds à ce que leur disent leurs électeurs. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Le vote des retraités, longtemps acquis à l’actuelle majorité, pourra-t-il lui revenir alors que le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, expliquait en février 2010 que la TVA sociale « éroderait le pouvoir d’achat des Français, à commencer par celui des retraités » ? Et c’est cette mesure que vous voulez voter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, chers collègues, comment des femmes et des hommes qui ont été élus sur des engagements pourraient-ils, sans broncher, accepter de voter au canon une mesure qu’ils ont condamnée en juin 2007 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le président-candidat Nicolas Sarkozy a tenu à s’exprimer ce week-end sur ses valeurs. Mais quel crédit leur accorder si la première d’entre elles, le respect de la parole donnée, n’est qu’un chiffon de papier ? C’est cela le respect des valeurs ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

M. Jean-Marc Ayrault. En juin 2007, à la veille du second tour des élections législatives, pour éteindre le feu imprudemment allumé par M. Borloo, le Président de la République s’était engagé auprès des Français par la voie d’un communiqué officiel de l’Élysée, ainsi rédigé :

« Le Président de la République précise qu’il n’acceptera aucune augmentation de la TVA dans sa forme actuelle, qui aurait pour effet de réduire le pouvoir d’achat des Français. » (Exclamations sur les bancs des groupes UMP.)

M. Jean-Pierre Door. La situation a changé, en cinq ans ! La crise est passée par là !

M. Jean-Marc Ayrault. Mesdames, messieurs les députés de l’UMP et du Nouveau Centre, c’est sur ce mandat-là que vous avez été élus et c’est ce mandat explicite que le Président sortant et le Gouvernement vous demandent de trahir aujourd’hui. C’était votre engagement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Nous sommes à quelques semaines des échéances présidentielle et législatives. La moindre des vertus démocratiques aurait été de surseoir à statuer et de renvoyer ce choix au mois de mai. Le candidat sortant a préféré le passage en force, vous présentant ce geste comme la manifestation de son courage. Eh bien, nous vous disons que le vrai courage serait d’assumer ce débat devant les Françaises et les Français et de faire approuver cette augmentation par la voie du peuple, et de lui seul ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sarkozy a redécouvert ce week-end les vertus du référendum. François Fillon lui a, semble-t-il, emboîté le pas, ce matin, lors de la réunion du groupe UMP. À ce rythme, nous aurons bientôt un sujet de référendum par jour. Est-ce cela, votre programme ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le quasi-candidat de l’UMP serait prêt à convoquer les Français uniquement pour leur demander si les contentieux en matière d’immigration doivent être tranchés par la juridiction administrative ou la juridiction judiciaire. Nous vous suggérons une question plus simple et qui a le mérite de traiter des deux sujets de préoccupation majeurs de nos compatriotes : l’emploi et le pouvoir d’achat. Ce débat mérite d’être posé devant les Français.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas constitutionnel !

M. Jean-Marc Ayrault. Ils doivent en effet trancher entre deux visions opposées.

Notre premier sujet de désaccord porte sur le financement de la politique familiale. Vous voulez transférer la quasi-totalité de celui-ci des entreprises vers les familles. Avec vous, ce sont les familles qui paieront la politique familiale. (« C’est faux ! Menteur ! » sur les bancs du groupe UMP.) Pis, ce sont les familles modestes qui, à travers leur consommation, financeront les familles les plus aisées, puisque la TVA est l’impôt le plus injuste. Son poids est en effet d’autant plus important que les revenus du ménage sont faibles. La TVA représente ainsi 14 % du revenu d’un smicard et 5 % des revenus les plus élevés. Ce que vous proposez, c’est donc un mécanisme de solidarité inversé : les classes populaires et les classes moyennes acquitteront les prestations familiales des plus riches. Voilà votre sens de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Notre second sujet de confrontation porte sur la compétitivité des entreprises.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est grotesque !

M. Jean-Marc Ayrault. Telle est la grande justification avancée par M. Sarkozy et par vous-même, madame Pécresse : le coût du travail empêcherait nos entreprises d’être compétitives face à leurs rivales étrangères. Mais qui, parmi vous, pense sérieusement que la course au coût du travail – salaires, cotisations sociales – n’est pas perdue d’avance face aux pays low cost, comme la Chine, où les salaires sont dix fois inférieurs à ceux des grands pays occidentaux ? Si vous y croyez sincèrement, dites-le nous !

M. Bernard Deflesselles. C’est avec les autres pays européens qu’il faut comparer !

M. Jean-Marc Ayrault. La comparaison avec l’Allemagne n’est pas plus probante. Le coût du travail horaire est quasiment identique dans nos deux pays. (« Ce n’est pas vrai ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) L’essentiel du déficit de compétitivité de la France vis-à-vis de notre partenaire est lié, non pas aux prix, mais avant tout au vieillissement de notre appareil industriel, au manque d’investissement dans la recherche et le développement – inférieur de 30 % par rapport à l’Allemagne –, à la faiblesse de notre réseau de PME et à leurs difficultés d’accès au crédit bancaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) La TVA dite sociale ne répond à aucun de ces enjeux.

Les quelques fractions gagnées à l’import et à l’export grâce à la TVA Sarkozy ne seront pas de nature à empêcher les délocalisations. Le rapport Besson chiffrait lui-même à 30 000 emplois au mieux l’avantage que l’on retirerait de cette mesure,…

M. Bernard Deflesselles. C’est déjà pas mal !

M. Jean-Marc Ayrault. …c’est-à-dire l’équivalent de la hausse du chômage au mois de décembre. Un si piètre résultat vaut-il une telle injustice ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, prétendre que seuls les produits importés seront concernés par la hausse de TVA est mensonger. Tous les produits et services consommés en France verront leur prix augmenter, alors que les importations ne représentent qu’un tiers de la consommation des ménages. La baisse des cotisations est utilisée par nombre d’entreprises, et d’abord par les plus grandes, pour augmenter leurs marges, annulant ainsi le prétendu gain de compétitivité.

Enfin, et c’est notre troisième désaccord, la TVA sociale serait une erreur économique. En effet, cette hausse de la TVA – et la hausse des prix qu’elle provoquera immanquablement (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) – est une faute économique majeure, au moment où la croissance s’effondre. La consommation, qui était son unique moteur encore en marche, est aujourd’hui au point mort. M. Sarkozy affirme que la concurrence empêchera les entreprises de répercuter la hausse de la TVA sur les prix. C’est faux ! Que ce soit en France, en 1995, en Allemagne, en 2007 ou en Grande Bretagne, en 2010, la hausse de la TVA a toujours eu pour effet la flambée immédiate des prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « C’est faux ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) A contrario, la diminution de la TVA n’entraîne aucune baisse des prix. La restauration a obtenu que le taux de TVA qui lui est applicable soit divisé par trois : avez-vous constaté une diminution des prix dans les restaurants ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, je comprends que cela vous embarrasse, mais écoutez-moi. Le président-candidat est si peu sûr de son affaire qu’il a pris la précaution de renvoyer l’application de cette mesure au 1er octobre 2012, c’est-à-dire après les élections, au cas où cela lui ferait perdre des voix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Sans craindre de se contredire, il escompte que les Français mettront à profit ce délai pour se précipiter dans les magasins avant que la hausse des prix devienne effective. De l’art de dire tout et son contraire ! (Applaudissements ironiques sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Claude Mathis. C’est le cas de le dire !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jean-Marc Ayrault. Tous les économistes, même les mieux disposés à l’égard de cette politique, indiquent clairement que la hausse de la TVA, couplée aux ponctions des autres plans d’austérité, va provoquer l’augmentation des prix et la baisse du pouvoir d’achat, au risque d’entraîner le pays dans une spirale infernale : restrictions d’achat, chute de la consommation, réduction du carnet de commandes des entreprises, augmentation du chômage, aggravation des déficits, récession. La récession actuelle ne vous suffit-elle pas ? Vous en voulez davantage ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Avec François Hollande (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC), nous proposons un pacte productif qui repose sur quatre piliers.

Tout d’abord, la finance doit être au service de la production. Ainsi, une banque publique d’investissement sera chargée du soutien et du développement des PME. Les régions, pivots de l’animation économique, seront autorisées à prendre des participations dans les entreprises stratégiques. En outre, la réforme du système financier – par la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires – permettra de sécuriser l’accès des ménages et des entreprises au crédit.

Ensuite, la priorité doit être donnée aux PME, fer de lance de la compétitivité, tout d’abord en mobilisant l’épargne des Français, grâce au doublement du plafond du livret A et du livret de développement durable, dont le produit sera intégralement dédié au financement des PME et des entreprises innovantes.

Par ailleurs, la fiscalité doit privilégier le travail et l’investissement. L’impôt sur les sociétés sera donc réformé et comportera trois taux : 15 % pour les TPE, 30 % pour les PME et 35 % pour les grandes entreprises. J’ajoute que les entreprises qui investissent plutôt que de distribuer des dividendes bénéficieront d’un avantage fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce rééquilibrage en faveur du travail bénéficiera à l’investissement, à l’innovation, à la croissance. Il n’est pas acceptable que la fiscalité pénalise davantage le travail que le patrimoine et le capital. C’est pourquoi nous supprimerons les niches fiscales (« Lesquelles ? » sur les bancs des groupes UMP et NC) et les cadeaux accordés aux grands patrimoines et nous taxerons davantage les revenus du capital.

Enfin, nous devons soutenir les nouveaux programmes industriels. En effet, la croissance et la compétitivité viendront, que ce soit en France ou en Europe, de l’investissement dans les nouvelles filières industrielles, notamment énergétiques (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC) et numériques. Le programme d’isolation thermique des bâtiments, la couverture en haut débit numérique de tout le territoire d’ici à dix ans, la transition énergétique et le développement numérique seront les moteurs d’une reconstitution de notre force de frappe industrielle. Voilà une autre priorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Chers collègues de la majorité, nos divergences sont honorables ; elles permettent un vrai, grand et beau débat devant les Français.

En lisant un grand quotidien du soir,…

M. Alain Gest. Objectif !

M. Jean-Marc Ayrault. …j’apprenais tout à l’heure que le président sortant, qui va enfin annoncer sa candidature et sortir de cette hypocrisie qui consiste à mélanger les genres et à bénéficier du budget de l’Élysée (« Et Mitterrand ? » sur les bancs du groupe UMP) prétend rendre la parole au peuple, après l’avoir confisquée pendant cinq ans. Cette posture relève plutôt de l’imposture.

Mes chers collègues de la majorité, vos hurlements laissent deviner quel sera votre vote dans quelques instants. Mais vous avez encore la possibilité de vous ressaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Soit vous refusez de donner la parole au peuple sur l’augmentation de la TVA – qui semble jusqu’ici, enquête d’opinion après enquête d’opinion, rejetée par une immense majorité des Français – et vous renoncez à respecter la parole que vous avez donnée aux Français lorsque vous étiez candidats aux élections législatives, soit vous votez avec nous. (« Non ! » sur les bancs des groupes UMP et NC) Tel est le sens de cette motion référendaire. La décision vous appartient désormais. Pendant cinq ans, vous nous avez habitués au grand écart entre la parole et les actes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Puisque l’heure est, paraît-il, pour le Président sortant, à l’examen de conscience, permettez-moi d’espérer que vous ne décevrez pas les Français en rejetant cette motion référendaire.

Tout à l’heure, j’ai entendu Mme Dalloz citer de Gaulle et évoquer l’appel au peuple. J’espère que Nicolas Sarkozy ne pourra pas dire, après votre vote : « Je vous ai trompés. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, permettez-moi de vous faire part de ma profonde incompréhension (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), de ma totale perplexité (Même mouvement), de ma grande surprise (Même mouvement).

M. Jean-Paul Bacquet. Signalez plutôt ce que vous comprenez, ça fera gagner du temps !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Qui, en effet, qui a déclaré : « Je ne suis pas favorable à ce que l’on puisse, sur des sujets qui relèvent du Parlement, qui relèvent de débats qui doivent être maîtrisés, que l’on aille consulter le peuple dans n’importe quelles conditions » ? François Hollande, candidat du parti socialiste ! (Huées sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Poursuivez, madame la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai entendu, mardi 14 février, le candidat soutenu par Jean-Marc Ayrault indiquer que seuls deux sujets méritaient un référendum : l’Europe et les institutions.

M. Jean-Paul Bacquet. Bien sûr !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En l’espèce, monsieur Ayrault, il ne s’agit ni de l’Europe ni des institutions.

Soyez cohérents avec vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés socialistes – en commençant, peut-être, par être d’accord avec votre candidat ! Si tel est le cas, je ne comprends pas que vous proposiez un référendum sur un sujet relatif à l’économie de notre pays et au chômage. Pour moi, votre attitude est totalement incohérente, et je vous mets face à vos responsabilités ! M. Ayrault affirme que l’on ne peut pas faire confiance au Président de la République. Mais peut-on faire confiance à une opposition qui dit tout et son contraire en l’espace de deux jours ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le Gouvernement n’est pas favorable à un référendum sur la TVA sociale, monsieur Ayrault, et je vais vous dire pourquoi : votre présentation est tronquée et trompeuse ! En réalité, il ne s’agit pas d’une hausse de TVA (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais d’une mesure de compétitivité et de baisse du coût du travail. Vous mentez aux Français en ne montrant qu’une partie de la mesure et en n’expliquant pas sa portée réelle. Je vais donc à nouveau devoir vous expliquer les choses.

Nos entreprises industrielles sont aujourd’hui soumises à une concurrence extrêmement forte. J’étais hier avec le Premier ministre et François Baroin dans la Somme, où nous avons rencontré toutes les entreprises, des grandes et des petites, et dans tous les domaines – agro-alimentaire, hydraulique, industriel. Toutes nous ont dit la même chose, à savoir qu’elles exportaient et que, sur les marchés concurrentiels – qu’il s’agisse des importations ou des exportations –, elles se trouvaient constamment en concurrence non seulement avec des partenaires et des adversaires européens, notamment allemands, mais aussi avec des pays low cost.

M. Patrick Lemasle. Et les services ? Arrêtez un peu !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Aujourd’hui, grâce à la technologie, à l’innovation, au triplement du crédit impôt recherche qui leur permet d’innover davantage, à la suppression de la taxe professionnelle qui leur permet d’investir davantage, aux heures supplémentaires défiscalisées qui leur donnent davantage de souplesse…

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …jamais ces entreprises n’ont été aussi bien armées pour faire face à la concurrence. Cependant, il faut aller plus loin, car il leur reste un désavantage compétitif. Lionel Jospin l’avait relevé dès 2002, en mettant ce problème au cœur du projet du parti socialiste. M. Muet, qui était son conseiller, doit s’en souvenir : M. Jospin disait alors que le coût du travail était un désavantage pour les entreprises françaises. François Baroin a très bien expliqué, durant les questions au Gouvernement, que le problème auquel nous sommes actuellement confrontés remonte à la décennie précédente et à certaines mauvaises décisions ayant coûté très cher à la France – je pense évidemment aux 35 heures. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui, le défi que nous devons relever est celui de la compétitivité de nos entreprises. Pour améliorer la compétitivité hors prix, nous avons insisté sur l’innovation : jamais nous n’avons investi autant dans la recherche – et vous le savez bien, monsieur Ayrault, vous qui êtes à l’origine de l’institut de recherche technologique de Nantes, qui va enfin faire bénéficier votre ville d’un projet industriel de nature à favoriser le développement de cette belle région des Pays de la Loire. Qui a permis la création de l’IRT nantais, si ce n’est ce Gouvernement, grâce au programme d’Investissements d’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je le répète, jamais nous n’avons autant investi en recherche et innovation. Mais maintenant, il faut travailler sur le coût des produits, donc sur le coût du travail. Aujourd’hui, est-il légitime – je vous le demande les yeux dans les yeux, monsieur Ayrault – que la politique familiale soit supportée uniquement par les salariés ? Est-il légitime, alors que nous avons 150 000 chômeurs de plus, de faire le choix de ce mode de financement de la protection sociale ? Non, ce n’est plus légitime ! Nous allons donc mettre en œuvre une mesure très simple d’exonération des charges familiales patronales sur les salaires – qui s’élèvent actuellement à 5,4 % du montant de ces salaires. Les entreprises bénéficieront d’une exonération totale pour les salaires compris entre 1,6 et 2,1 fois le SMIC, et dégressive pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 fois le SMIC. Comme vous le voyez, nous ciblons les salaires bas et moyens. Les salaires élevés continueront, eux, à être assujettis à des charges sociales familiales. Ce n’est donc pas une mesure pénalisant les bas salaires : au contraire, c’est une mesure destinée à favoriser l’emploi des salariés modestes et moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. C’est grotesque !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette mesure, qui va bénéficier à 90 % des salariés des très petites entreprises, à 80 % des salariés de l’industrie, à 93 % des salariés de l’agriculture, est une mesure de compétitivité. Elle créera, à terme, 100 000 emplois.

Pour la compenser, nous avons décidé d’augmenter la fiscalité des revenus du patrimoine – ce dont vous ne parlez jamais, monsieur Ayrault, sans doute parce que cela vous gêne de reconnaître que le Gouvernement a à cœur les principes d’équité et de répartition des efforts.

M. Henri Emmanuelli. N’importe quoi !

Mme Pascale Crozon. Voilà dix ans que vous prouvez le contraire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, nous allons demander à ceux qui perçoivent des revenus du patrimoine de payer une partie de la baisse des charges…

M. Henri Emmanuelli. Oh, les pauvres !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce sont, ainsi, 2,6 milliards d’euros supplémentaires qui vont être prélevés sur les revenus du patrimoine des ménages les plus aisés. Plutôt que de ne parler que de la TVA, monsieur Ayrault, dites-nous un peu si cet impôt sur les revenus du patrimoine ne touche que les plus fragiles ! Oserez-vous le dire ? Les contrevérités, ça suffit, maintenant ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quelle arrogance !

M. Pascal Terrasse. Doit-on vous rappeler les résultats des dernières élections régionales, madame la ministre ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous allons augmenter la TVA, mais baisser encore davantage le coût du travail. Les prix n’augmenteront donc pas (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), à part, peut-être, ceux des produits importés. En tout état de cause, nous pensons que la pression de la concurrence sur les produits importés est telle que leur prix ne devrait pas connaître de hausse significative.

M. Maxime Bono. Vos explications sont bien laborieuses…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Vergnier, vous m’avez interrogée, dans le cadre des questions au Gouvernement, sur la hausse de la TVA décidée par Alain Juppé en 1995. Vous avez noté qu’à cette époque, la hausse de deux points de la TVA ne s’était traduite que par une hausse des prix de 0,5 %.

M. Henri Emmanuelli. Par manque de temps !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Or, à l’époque, il n’y avait pas eu de baisse supérieure du coût du travail. Je vous le répète, une hausse de TVA accompagnée d’une baisse plus importante du coût du travail ne se répercutera pas sur les prix ! Il est totalement erroné de prédire une inflation galopante, une flambée des prix, monsieur Ayrault : cela ne se passera pas comme vous le dites.

Je vais conclure car je ne veux pas monopoliser la parole (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) En effet, en ce qui nous concerne, nous avons envie de débattre, nous souhaitons que la représentation nationale se saisisse enfin de cette question cruciale pour les Français, une question qui ne peut pas attendre – car lorsqu’on a 150 000 chômeurs de plus, on ne peut pas attendre pour agir, mesdames et messieurs les députés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion référendaire, la parole est à M. Pierre-Alain Muet pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, mes chers collègues, je comprends qu’il revienne à Mme Pécresse d’expliquer ce qu’elle croit être les avantages de la TVA sociale. Il y a un an, en février 2010 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Fourgous. Il faut apprendre à compter !

M. Pierre-Alain Muet. …en février 2011, voulais-je dire, quand M. Copé a présenté son projet de TVA sociale, celui-ci a fait l’objet d’un véritable tir de barrage de la part de tous les membres du Gouvernement. Ainsi, M. Baroin expliquait qu’augmenter la TVA reviendrait à matraquer un peu plus la consommation, avec un effet fortement dépressif sur l’activité économique – une activité qui, à l’époque, croissait encore un peu !

Il y a déjà un certain temps, j’ai demandé à M. Baroin s’il croyait pertinent, au moment où notre pays est malheureusement en récession du fait d’une baisse du pouvoir d’achat et de la consommation, de matraquer un peu plus la consommation. Il est évident que cela n’a rien de pertinent ! Pour sa part, M. Fillon expliquait que la hausse de la TVA en Allemagne avait rapproché l’Allemagne de la France, et que ce n’était pas le moment d’augmenter la TVA en France puisque, selon ses termes, cela nous décalerait à nouveau par rapport à l’Allemagne. Enfin, je me souviens d’un ministre de l’économie et des finances qui, interrogé par la commission des finances du Sénat en mai 2004, avait produit des simulations sur les effets de la TVA sociale. Il expliquait qu’un point de TVA valait environ un point de croissance en moins, l’équivalent en allégements de cotisations ne se traduisant malheureusement que par 0,5 % de croissance en plus. Bref, disait ce ministre, un point de TVA sociale, c’est un demi-point de croissance en moins. Ce ministre, c’était Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et en mai 2004, la consommation augmentait encore un peu ! Croyez-vous qu’aujourd’hui, dans la situation où se trouve notre économie, un tel transfert soit pertinent ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons 0,5 % de croissance, nous dites-vous, madame la ministre. Ce demi-point de croissance, si vous mettez en place la TVA sociale et si l’on en croit ce que disait le ministre des finances Nicolas Sarkozy, s’appuyant sur les simulations de Bercy, nous allons le perdre, voilà la réalité ! La hausse de la TVA est l’impôt le plus injuste qui soit, car il pèse trois fois plus sur les ménages modestes que sur les ménages les plus riches. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est reparti !

M. Guy Geoffroy. Ça faisait longtemps !

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Pierre-Alain Muet. La hausse de la TVA, la TVA sociale, c’est une baisse du pouvoir d’achat du salaire, et vous n’obtiendrez, à ce prix, qu’un tout petit gain de compétitivité.

Au demeurant, le vrai problème de la France n’est pas celui de sa compétitivité. Nous avons, comme chacun le sait, le même niveau de salaire que l’Allemagne, et nous travaillons plus en France qu’en Allemagne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

Il ne sert à rien de hurler, mes chers collègues, ce n’est pas ainsi que vous changerez la réalité ! Vous affirmez continuellement que les Français ne travaillent pas assez, et critiquez sans cesse les 35 heures. Mais renseignez-vous : les 35 heures, c’est en Allemagne – en France, nous en sommes à 38 heures ! Cessez donc de tenir ce discours absurde ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Depuis trois mois, vous nous présentez des plans de rigueur à répétition qui enfoncent chaque fois un peu plus notre pays dans la crise. La TVA sociale en est l’élément le plus absurde, parce qu’elle va avoir un effet dépressif sur la croissance, sans aucun effet sur la réduction des déficits. Ces plans de rigueur signent la faillite d’une politique qui a tout donné aux plus fortunés quand tout allait bien, et qui fait maintenant payer à tous les Français, notamment aux plus modestes, l’addition de la politique menée par Nicolas Sarkozy. Telle est la réalité de la TVA sociale, et je vous souhaite bon courage, mes chers collègues, pour aller expliquer cette mesure injuste et absurde dans vos circonscriptions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, que de vociférations sur les bancs de la droite ! Mais vocifération ne vaut pas argumentation, et il ne sert à rien de tenter de dissimuler vos compromissions, vos renonciations, vos capitulations, en faisant des génuflexions devant le veau d’or ! Alors que vous ne connaissez de valeurs que celles qui sont cotées en bourse, les nôtres sont des valeurs morales.

Alors que le seul temple où vous alliez prier, c’est la bourse, pour notre part, nous sommes habités par le patriotisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. À Moscou !

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez cette phrase d’un homme qui appartient à notre histoire nationale, un homme qui a su dire non quand la plupart des hommes de droite se mettaient à genoux, je veux parler du général de Gaulle, qui déclarait, le 27 mai 1942 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Laissez le général de Gaulle tranquille !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes relaps par rapport à lui, vous trahissez ses mânes ! Il disait, le 27 mai 1942, que « la démocratie, c’est le gouvernement du peuple exerçant la souveraineté sans entrave ». Quelle plus belle justification du référendum que cette citation du général de Gaulle ?

Si, d’aventure, cette motion référendaire n’est pas adoptée, nous allons avoir des débats dans les mois à venir, mais aussi un référendum grandeur nature, à l’occasion des élections présidentielle et législatives. Notre peuple ne manquera pas d’envoyer ici une gauche majoritaire, une gauche de diversité au sein de laquelle nous militons, pour notre part, pour l’alternative – pas pour rafistoler, mais pour changer, pour rompre ! Nous voulons vraiment donner la parole au peuple, pas comme vous, quand vous osez jeter les chômeurs en pâture au populisme !

Alors que vous avez nié au peuple français le droit de se faire entendre – rappelez-vous comment le Président de la République s’est assis sur le résultat du référendum de 2005 ! –, n’avez-vous pas honte de prétendre aujourd’hui le consulter ?

Vous tramez de mauvais coups au niveau européen. Vous voulez priver de nouveau le peuple français du droit de s’exprimer, alors que vous nous entraînez vers un fédéralisme qui vise à dessaisir la nation du droit de s’exprimer et même de celui d’exister. Nous ne vous laisserons pas faire !

Vous voulez museler la nation française. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous voulez mutiler le peuple en l’empêchant d’être maître de son destin, comme vous l’avez fait pour d’autres – je pense, par exemple, au peuple grec. Il est vrai que vous avez trouvé là-bas des relais, c’est-à-dire des hommes politiques serviles, esclaves des intérêts du grand capital.

Avec Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche (Rires ironiques sur les bancs des groupes UMP et NC) nous sommes solidaires des peuples rançonnés, pressurés et opprimés. Oui, il faut donner la parole au peuple, non pas sur des sujets populistes, mais sur de vrais sujets, comme celui qui est en débat aujourd’hui, parce qu’il s’agit d’un problème de société.

Vous êtes en train de détruire l’héritage du Conseil national de la Résistance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en commençant à siphonner la sécurité sociale, suivant les instructions de Denis Kessler, le maître à penser du MEDEF, auquel vous obéissez au doigt et à l’œil, car vous n’êtes ici que des figurants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Sur le vote de la motion référendaire, je suis saisi par les groupes UMP et SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Monsieur le président Ayrault, votre défense de cette motion référendaire a quelque peu étonné le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est parce que vous n’avez pas compris !

M. Charles de Courson. Premièrement, vous êtes depuis trop longtemps député de la République française…

M. Yves Nicolin. Cela fait trop longtemps, en effet ! (Sourires sur les sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Charles de Courson. …pour ignorer la position des centristes. Nous sommes favorables à la « TVA compétitivité ».

Un député du groupe Nouveau Centre. Comme Manuel Valls !

M. Charles de Courson. Vous connaissez parfaitement les positions du président Arthuis et les miennes – puisque c’est moi qui suis ici le porte-parole de mon groupe.

Vous ne pouvez donc pas dire que nous n’avons pas respecté la parole donnée : les centristes ont toujours défendu cette position devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC, ainsi que sur certains bancs du groupe UMP.)

Deuxièmement, faut-il soumettre à référendum un tel dispositif ? Je m’étonne car, comme l’a rappelé Mme la ministre, votre propre candidat à la présidence de la République défend la thèse selon laquelle seuls les problèmes européens et institutionnels doivent être soumis à référendum. Changez-vous donc d’avis tous les matins en la matière ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Puis-je vous rappeler, monsieur Ayrault, ce qu’a fait le président Mitterrand – que vous avez soutenu, me semble-t-il – lorsqu’il a voulu abroger la peine de mort ? Certains, à l’époque, ont demandé un référendum. Vous savez parfaitement que le président Mitterrand l’aurait perdu. Eh bien, il n’en a pas organisé, parce qu’il savait que l’opinion publique y était hostile…

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est un aveu !

M. Charles de Courson. …alors même que l’idée en question était juste. Monsieur Ayrault, vous tombez dans le populisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Troisièmement, vous nous dites que cette mesure n’aurait aucun effet en matière de compétitivité. Mais alors, pouvez-vous m’expliquer pourquoi vos collègues allemands et danois l’ont préconisée et mise en œuvre, en alliance avec le centre-droit ?

M. Jean Dionis du Séjour. Cinq points de plus !

M. Charles de Courson. Sont-ils, à votre avis, complètement à côté de la plaque ? Il y a un moment, monsieur Ayrault, où il faut ouvrir les fenêtres ! Vous devriez vous concerter avec vos amis allemands, danois et autres. Demandez-leur de vous donner des leçons d’économie ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Michel Lefait. C’est misérable !

M. Charles de Courson. Vous dites que l’écart des coûts salariaux entre la Chine et la France est de un à huit, voire de un à dix et que, par conséquent, une telle mesure n’a aucune efficacité. Vous ignorez donc que nos partenaires européens comptent pour les deux tiers dans notre commerce extérieur. Or, l’écart avec ces pays en matière de coûts salariaux est beaucoup plus réduit. Il y a dix ans, le coût du travail en Allemagne était supérieur de 10 % au nôtre. Actuellement, il est légèrement supérieur chez nous. Dans ces conditions, une différence de 1,6 point, c’est tout sauf négligeable.

Quatrièmement, vous nous dites que cela va peser sur l’indice des prix à la consommation.

M. Henri Emmanuelli. C’est le Gouvernement qui en parle, pas nous !

M. Charles de Courson. Savez-vous, d’après les études économétriques, de combien a augmenté, en Allemagne, l’indice des prix à la consommation quand le Gouvernement CDU-SPD a augmenté la TVA de trois points ? Entre 0,9 point et 1 point, c’est-à-dire un tiers de la hausse. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe NC.)

Je me suis d’ailleurs déjà permis de rappeler, monsieur Ayrault, que le taux normal ne concerne que 40 % de la consommation des ménages. Dès lors, et quand bien même votre thèse serait exacte, 1,6 % sur ces 40 %, cela fait 0,64 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Comme il y aura aussi un effet sur les marges, si la hausse était de l’ordre de 0,2 point ou 0,3 point, cela ne serait déjà pas mal.

Dès lors, monsieur Ayrault, et en conclusion, aucun de vos arguments ne tient. Vous tombez dans un populisme échevelé. Eh bien, le groupe Nouveau Centre ne vous soutiendra pas. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. Tiens, le voilà ! Où était-il hier soir ?

M. Christian Jacob. Monsieur Ayrault, je voudrais vous appeler à un peu de dignité. Vous avez eu un ton polémique.

M. Philippe Vigier. Comme toujours !

M. Jean Glavany. Il fait ce qu’il veut ! Il n’a pas besoin de vous demander l’autorisation !

M. Christian Jacob. Vous pouviez vous concentrer sur le fond, mais vous avez choisi d’être polémique, allant jusqu’à parler de trahison.

Je vais vous dire la chose suivante : M. Hollande, votre candidat à l’élection présidentielle fait partie des dix députés qui se sont livrés à cette magouille – car il n’y a pas d’autre mot pour cela – consistant à changer de commission. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Pascal Terrasse. Honteux !

M. Jean Mallot. Scandaleux !

M. Christian Jacob. J’ai donc trois questions à vous poser, monsieur Ayrault. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul Christian Jacob a la parole.

M. Jean-Paul Bacquet. À la niche !

M. Pascal Terrasse. Est-ce une « magouille » d’appliquer le règlement ?

M. Christian Jacob. Est-ce que, en conscience, cela vous semble digne d’un candidat à l’élection présidentielle ? Est-ce du niveau d’un candidat à l’élection présidentielle ? Enfin, cela vous semble-t-il, oui ou non, respectueux de notre assemblée ? Eh bien, je ne le crois pas, monsieur Ayrault.

Mais, au-delà de la dignité, qu’en est-il de la cohérence entre les mots et les actes ? Ce matin même, M. Hollande était sur les ondes en train de contester l’idée d’un référendum. Et, après cela, il vous envoie au charbon ! Votre discours était laborieux car il vous manquait des arguments pour contester le bien-fondé de notre mesure, qui vise à abaisser le coût pour donner plus de compétitivité à nos entreprises et faire en sorte que les produits d’importation contribuent au financement de la protection sociale. À dire vrai, vous avez été incapable de faire la démonstration du contraire.

Serait-ce donc finalement que, sur le référendum comme sur d’autres sujets – je pense aux retraites, à l’éducation nationale ou au quotient familial –, M. Hollande et vous-même ne savez plus où vous allez ? Êtes-vous perdus ? Entre les propos de M. Hollande ce matin et ceux que vous venez de tenir, où est la cohérence ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pour terminer, monsieur Ayrault, votre arrogance et votre suffisance (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) ne sont pas pour nous déplaire, parce qu’elles rappellent celles de 2002 et de 2007. Jamais deux sans trois ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Nouveau Centre.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet de loi en discussion.

Que chacun regagne sa place et veille scrupuleusement à voter uniquement en son nom ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany et Mme Marylise Lebranchu. Pourquoi ne regardez-vous pas aussi de l’autre côté en disant cela ?

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 472

Nombre de suffrages exprimés 470

Majorité absolue 236

(La motion référendaire n’est pas adoptée.)

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Le groupe socialiste, radical et citoyen dans son ensemble a été mis en cause par le président du groupe UMP de façon inadmissible et irrespectueuse des règles de notre assemblée. (« Magouilleurs ! Magouilleurs ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault. J’en appelle à vous, monsieur le président, qui êtes le garant du respect du règlement de l’Assemblée nationale (Mêmes mouvements) et qui le connaissez d’ailleurs encore mieux que moi. Mais le président du groupe UMP le connaît aussi et ce qu’il a dit est scandaleux. Parler de magouille à propos de ce qui a été fait hier (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. Monsieur Ayrault, je vous ai donné la parole pour un rappel au règlement, mais ne serait-ce pas plutôt là un fait personnel ?

M. Jean-Marc Ayrault. C’est bien un rappel au règlement, monsieur le président !

M. le président. Veuillez donc poursuivre.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons été mis en cause pour le non-respect supposé du règlement. Or nous n’avons fait que le respecter : quand un député (« Il y en avait dix ! » sur les bancs du groupe UMP) ne souhaite pas ou ne peut pas siéger dans la commission à laquelle il appartient, il peut être remplacé par un autre.

Cela s’est fait en toute transparence ; l’information a été publiée au feuilleton. Chacun était donc parfaitement informé de ce que nous avions décidé de faire. Nous n’avons fait que ce qui était notre droit et notre devoir. (« Magouille ! Magouille ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas ma faute si les députés de l’UMP ont déserté la commission des finances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Jacob, je vous demande donc de retirer l’insulte que vous avez proférée à l’égard des députés socialistes. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. Sur quel fondement, monsieur Mallot ?

M. Jean Mallot. Sur le fondement de l’article 37 de notre règlement et l’instruction générale du Bureau, notamment l’article 5 de celle-ci.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Lorsqu’un membre d’une commission permanente est démissionnaire, le président de l’Assemblée en est effectivement informé.

S’agissant de la commission des finances, c’est ce qui s’est produit la semaine dernière. Les noms des remplaçants ont été remis à la présidence en fin de semaine dernière, et publiés au Journal officiel de la République française, que, naturellement, chacun, dans cet hémicycle, lit régulièrement, et au feuilleton de notre assemblée.

C’est donc parfaitement régulièrement qu’un certain nombre d’entre nous ont siégé hier à la commission des finances. D’ailleurs, si les conditions de notre nomination à la commission des finances n’avaient pas été régulières, jamais le président de celle-ci, présent parmi nous, ne nous aurait autorisés à voter. Il n’y a donc aucune combine, aucune magouille, il n’y a rien de tout cela. Il n’y a que le pur respect de notre règlement.

Il serait bon que les députés UMP lisent le Journal officiel, connaissent notre règlement et, tout simplement, travaillent en commission, en venant assister à ses réunions lorsqu’elle est convoquée, notamment le lundi.

Mme la présidente. Cet incident a déjà été évoqué il y a quelques minutes. Je rappelle également, pour la parfaite information de notre assemblée, que les mêmes ont d’ailleurs re-démissionné,…

M. Jean Mallot. Non !

Mme la présidente. …c’est au feuilleton de ce matin.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-Pierre Brard. J’avais demandé la parole !

Mme la présidente. Vous l’aurez, monsieur Brard.

M. Jean-François Lamour. De toute façon, quand on ne vous la donne pas, vous la prenez…

Avant de parler du fond, je veux répondre à M. Mallot.

Évidemment, vous avez fait tout cela légalement. Sinon, cela n’aurait pas été possible. Ce que nous critiquons, vous le savez très bien, c’est la formule, c’est cette façon de faire de la politique à petit niveau, en intervertissant un certain nombre de commissaires.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas du tout ce que nous avons fait !

M. Jean-François Lamour. Ce qui me gêne beaucoup, dans cette affaire, monsieur Mallot, c’est que vous avez un champion, ce candidat à qui vous faites dire tout un tas de choses – j’ai encore entendu M. Ayrault nous bassiner…

Mme Sylvia Pinel. C’est élégant…

M. Jean-François Lamour. …avec ça pendant une demi-heure tout à l’heure. Mais où est-il, ce champion ? Est-il derrière le rideau, dans le vestiaire ? On l’attend !

M. Jean Mallot. Le vôtre, il n’est pas déclaré !

M. Jean-François Lamour. J’aimerais bien qu’il vienne aujourd’hui nous expliquer enfin ce qu’il veut faire, ce qu’il veut faire pour la France.

Aujourd’hui, nous ne le savons pas. En fait, si : nous avons une idée des tergiversations qu’il va proposer au pays si jamais il est élu. Je vous en donne un exemple, monsieur Mallot.

M. Valls, qui, dans le mercato qui a suivi les primaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), a été fait grand communicant de votre champion, était favorable, il y a quelques mois, à notre dispositif, lequel consiste tout simplement, je vous le rappelle, en une baisse des charges financée par une légère augmentation de la TVA. M. Valls y était donc favorable mais, tout d’un coup, ce n’est plus le cas, et il est contre cette proposition du Gouvernement.

Tout est comme ça ! Sur le nucléaire, sur la dépense publique, sur l’augmentation de la charge en matière de recrutement d’emplois publics, un coup votre candidat est dans le « zig », un coup il est dans le « zag ».

Nous, nous préférons ce qu’a fait le Président de la République il y a quelques jours, avec une méthode claire et une proposition très claire, que les Français ont parfaitement saisies, ce qui ne semble pas être votre cas.

Cela me donne un peu le sentiment d’un déni de la gestion des deniers publics. Vous ne supportez pas, effectivement, de vous trouver face à vos contradictions en matière de chiffrage.

Le Parti socialiste, c’est panem et circenses !

La Cour des comptes, avec son dernier rapport, vous a envoyé un fameux démenti à la figure. D’ailleurs, ce rapport, vous n’en parlez plus, comme s’il n’existait pas, comme s’il n’avait pas été rédigé, pourtant, par quelqu’un que vous ne pouvez pas critiquer, puisqu’il siégeait sur vos bancs il y a peu encore. Plus personne ne parle de ce rapport de la Cour des comptes à gauche ! Pourquoi donc ? Que dit-il donc ? Il dit qu’il faut baisser la dépense publique, il dit qu’il faut effectivement travailler sur les niches fiscales, mais de manière raisonnée, comme le propose le Gouvernement.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas du tout le sujet !

M. Jean-François Lamour. François Baroin et Valérie Pécresse l’ont parfaitement expliqué lorsqu’ils ont présenté ce collectif.

Oui, nous le répétons depuis 2007, il faut baisser la dépense publique. C’est une nécessité, qui est devenue impérieuse avec la crise. La majorité l’a d’ailleurs faite sienne depuis 2007, notamment en mettant en œuvre la révision générale des politiques publiques, avec, entre autres réformes structurantes, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

Las, à gauche, vous vous situez sur le terrain du rêve, tandis que nous nous plaçons sur celui de la réalité ! Quand nous luttons pied à pied pour protéger la France et les Français contre une crise qui, en Grèce, en Espagne et ailleurs, emporte tout sur son passage, vous poursuivez, comme si de rien n’était, sur la voie d’une frénésie dépensière à laquelle vous n’avez jamais été capables de renoncer.

M. Éric Berdoati. Exactement !

M. Jean-François Lamour. En effet, partout où le Parti socialiste est au pouvoir ou espère le conquérir, le discours et la pratique sont toujours les mêmes : toujours plus d’emploi public, toujours plus de dépenses publiques ! C’est vrai avec votre candidat François Hollande, dont on attend toujours qu’il nous explique comment il compte recruter 60 000 fonctionnaires dans l’éducation nationale, c’est vrai, aussi, dans les collectivités territoriales que la gauche détient, notamment Paris, où la majorité de Bertrand Delanoë se livre à cette même boulimie de dépenses, sans pour autant assumer les responsabilités qu’elle a à l’égard des autres communes d’Île-de-France.

Oui, la ville de Paris dépense trop, et elle dépense mal. Pour financer ses projets pharaoniques qui n’améliorent pas le service rendu aux Parisiens, elle fait quasiment quadrupler son endettement et augmente les impôts de 78 %. Nous le disons, c’est là une gestion irresponsable des deniers publics, d’autant que la ville de Paris n’assume pas ses responsabilités à l’égard des communes qui l’entourent. On ne peut, d’un côté, prétendre faire Paris Métropole et, de l’autre, demander la diminution de la contribution parisienne au mécanisme de péréquation, comme l’ont fait les députés socialistes de Paris Christophe Caresche, Sandrine Mazetier et Danièle Hoffman-Rispal lors de l’examen de la dernière loi de finances.

Il paraît, mes chers collègues, que les collectivités territoriales de gauche seraient le laboratoire du Parti socialiste pour 2012. Je ne veux pas, pour ma part, que le candidat du Parti socialiste puisse un jour transposer à la France sa gestion de la Corrèze, département parmi les plus endettés de France.

M. Jean Launay. Demandez pourquoi à M. Dupont !

M. Jean-François Lamour. Je souhaite, au contraire, que notre assemblée, en cohérence avec les plans déjà actés, puisse adopter ces mesures incontestablement nécessaires pour relancer la compétitivité et l’emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Mon intervention ne sera pas du même niveau !

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le Président de la République a annoncé, le 18 janvier dernier, une nouvelle vague de réformes financières et économiques pour « résorber le déficit de compétitivité de l’économie française ».

Ces mesures interviennent dans un climat de récession économique. Les dernières prévisions économiques données par les indicateurs sont mauvaises et dégradent les perspectives de l’économie française en ce début de l’année 2012 : d’un côté, le PIB devrait reculer davantage qu’escompté au quatrième trimestre de 2011 ; de l’autre, la reprise de la croissance au premier trimestre 2012 est en passe de disparaître, avec une hausse du PIB ramenée à 0,1 %, contre 0,3 % dans les estimations précédentes.

Avec une telle dynamique, dans les deux prochains mois, notre pays n’aura plus véritablement de chance d’échapper à la récession.

Dans cette situation, les mesures décidées n’ont guère de pertinence sur le plan macroéconomique, puisqu’on gèle une nouvelle fois des dépenses publiques et qu’on augmente les impôts en période de ralentissement économique. Comme tous les pays de la zone font pareil, cela nous entraînera dans une spirale dépressive.

S’agissant des orientations de cette fameuse nouvelle hausse de TVA, deux points méritent d’être relevés.

D’une part, il faut distinguer les baisses inutiles de recettes et les hausses injustes et inefficaces de recettes.

De 2006 à 2012, la droite et son Président auront augmenté le taux des prélèvements obligatoires de 0,7 point et réduit la part des dépenses publiques dans le PIB potentiel de 1,2 point.

Ce que l’on peut mettre en cause, ce sont des baisses d’impôts peu utiles pour la croissance – baisse des droits de succession, bouclier fiscal, exonération des heures supplémentaires – et des hausses d’impôts injustes et très certainement inefficaces. C’est le cas, justement, avec la nouvelle ponction qui va être faite sur les revenus disponibles des ménages et familles les plus modestes et l’augmentation de la TVA, portée à un taux record.

Cette idée, redécouverte par le chef de l’État à cent jours de la fin de son quinquennat, est un vieux refrain ressassé depuis trente ans, qui vise à faire supporter par les consommateurs une part des cotisations patronales de sécurité sociale.

Il est illusoire d’espérer concurrencer les pays émergents, qui ont d’immenses réserves de main-d’œuvre aux salaires bas, parfois trente fois inférieur au SMIC, en abaissant un peu le coût du travail chez nous et en augmentant les taxes payées sur les produits de consommation.

D’autre part, les créations d’emploi induites étaient estimées, il y a quelques mois, par des défenseurs de la mesure, à seulement quelques dizaines de milliers. Les pertes d’emplois, elles, pourraient être très importantes. L’augmentation va renchérir le prix des produits achetés et les consommateurs, notamment les plus modestes, achèteront alors des produits moins chers et venant d’ailleurs, ce qui n’est favorable ni à nos exportations ni à l’emploi en France.

Pour ce qui est des recettes fiscales, certains prévoient une équivalence parfaite entre le financement par les cotisations sociales et le financement par la TVA. Mais ce calcul ne tient pas compte de certaines interactions, notamment celles qu’entraînera la mise en place d’autres mesures et de facteurs multiplicateurs d’écarts.

Certaines prestations et services sont aujourd’hui exempts de TVA. Augmenter la TVA revient à leur conférer un nouvel avantage en orientant l’investissement ou la préférence en leur faveur, ce qui pourrait revenir à diminuer une part des recettes fiscales.

Comme l’a très justement remarqué l’économiste Philippe Askenazy, le transfert du financement de la protection sociale des cotisations vers la TVA risque de rappeler la réforme de la taxe professionnelle, que la majorité justifiait en expliquant qu’elle allait alléger l’impôt payé par les entreprises et accroître leur compétitivité, et qui, en définitive, s’est traduite par un accroissement du financement par les contribuables et par une baisse de recettes fiscales.

Je terminerai en évoquant l’effacement de notre voix au plan européen. Cette voix se contente de répéter aux Français qu’il faut faire comme le voisin allemand, après leur avoir expliqué qu’il fallait faire comme le voisin anglais, voire comme le voisin espagnol, qui est aujourd’hui presque aussi mal en point que le presque voisin grec.

La priorité dans la zone euro devrait être de relancer la croissance, par des plans d’investissements publics et d’investissements productifs pour financer le changement et la donne écologiques, soutenir les ménages frappés par la crise, les publics les plus fragiles, les jeunes, les chômeurs de longue durée, les personnes ayant besoin de qualifications et de spécialisations. En même temps, des mesures intelligentes devraient garantir les dettes publiques et empêcher que la spéculation n’étrangle certains pays de la zone euro.

De tout cela, on ne parle plus, alors que notre économie fait partie intégrante de l’économie de cette zone. À la place de cela, la réforme proposée par le Président, et approuvée assez mécaniquement par la majorité, consiste à bricoler notre protection sociale.

Il y a lieu de craindre que cette « grande réforme » ne soit grande que par les déficits qu’elle peut contribuer à creuser et par les effets en trompe-l’œil qu’elle risque de créer. Pour ces raisons, nous entendons bien nous opposer à un texte dont, pour reprendre l’expression utilisée par un dirigeant de l’UMP, la logique apparaît « rabougrie », c’est-à-dire mal conformée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant M. Ayrault tout à l’heure, je songeais à M. Valls, qui disait que rejeter l’augmentation de la TVA constituerait une faute économique et politique. Je dois avouer que je n’y comprends plus rien.

La crise économique et financière que nous traversons interdit l’immobilisme et l’attentisme. Le devoir du Gouvernement, comme celui de notre assemblée, est de poursuivre les actions déjà engagées, qui portent leurs fruits. On a évoqué le triplement du crédit d’impôt recherche, la réforme de l’enseignement supérieur, les pôles de compétitivité, les investissements d’avenir, la réforme de la taxe professionnelle et bien d’autres mesures. Trois mots caractérisent et portent cette loi de finances rectificative : lucidité, sincérité, responsabilité. Il faut porter cela à votre actif, monsieur le ministre, et à celui de Valérie Pécresse.

Mais il manque, c’est vrai, la cohésion de tous les députés, dans une période où l’intérêt général voudrait que nous soyons tous réunis.

Aujourd’hui, face aux incertitudes économiques, nous devons non seulement retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire, mais également réamorcer la pompe de la croissance, pour reprendre l’expression de Mme la ministre du budget. L’économie française est confrontée à un grand défi : la désindustrialisation et les délocalisations. Dans l’industrie, ce sont 500 000 emplois qui ont été perdus depuis dix ans – ce n’est pas rien –, et les chiffres du commerce extérieur nous interpellent. Nous avons donc un problème de compétitivité : on le sait, les charges qui pèsent sur les salaires sont trop lourdes et il faut donc baisser le coût du travail. Chacun, sur ces bancs, peut rêver de voir plus de production en France et plus de consommation de produits fabriqués dans notre pays.

C’est donc une nouvelle étape qui va être franchie, avec la réduction significative des cotisations patronales – 13,2 milliards d’euros qui financent la politique familiale pour le secteur privé –, et nous avons, dans le même temps, l’assurance de disposer des ressources indispensables pour que cette importante branche de notre protection sociale – la meilleure branche famille, dit-on, au niveau européen – puisse poursuivre sa mission.

Cette mesure va rendre nos entreprises plus compétitives, avantager les produits fabriqués en France par rapport aux produits importés, qui subiront la hausse de TVA sans bénéficier de la baisse des charges. Cela va favoriser les exportations, notamment agricoles : je ne vous cache d’ailleurs pas, monsieur le ministre, que j’aurais aimé que les travailleurs indépendants du secteur agricole puissent bénéficier de la même mesure que ceux qui emploient des salariés.

M. Jean Mallot. Il a raison : il y a là une faille !

M. Bernard Perrut. S’il est légitime de s’interroger sur les conséquences de l’augmentation de la TVA – il faut dire qu’elle est limitée à 1,6 % –, on peut penser que le pouvoir d’achat n’en sera pas affecté. D’abord, seul le taux normal de TVA est relevé. Or 60 % de la consommation des ménages français sont assujettis aux autres taux de TVA ou sont exonérés de cette taxe. D’autre part, le montant de l’augmentation de TVA est de 25 % inférieur à celui de la baisse des cotisations sociales, de sorte que les entreprises pourront diminuer leur prix hors taxe et maintenir ainsi le niveau du prix TTC.

Je vois aussi dans ce projet de loi diverses mesures qui vont dans le sens de la justice fiscale, avec deux points d’augmentation de la CSG sur les revenus du capital – de 8,2 à 10,2 – qui vont toucher les revenus du patrimoine et du placement, avec une nouvelle taxe sur les transactions financières, qui permettra de limiter certaines opérations à visées purement spéculatives perturbant les marchés, ou bien encore avec la nécessité de durcir le dispositif de lutte contre l’évasion fiscale, par des mesures emblématiques, des sanctions pénales spécifiques et des amendes renforcées.

Je voudrais terminer en évoquant la formation en alternance, sujet qui intéresse grandement les membres de la commission des affaires sociales. Elle offre aux jeunes les meilleures chances d’insertion, et c’est pourquoi le Gouvernement et le Parlement ont fait de la relance de l’alternance une priorité. Le Président de la République lui-même s’est exprimé à ce sujet dans deux grands discours, le 24 septembre 2009 et le 1er mars 2011, et plusieurs mesures ont été décidées à la suite, les dernières lors du sommet social.

La loi du 28 juillet 2011, que nous avons défendue ici, Gérard Cherpion, Jean-Charles Taugourdeau et moi-même, a également permis un certain nombre d’évolutions, avec de nouvelles règles, la simplification des formalités, de nouveaux moyens financiers. En un mot, nous avons voulu booster et conforter l’accueil des jeunes dans nos entreprises, et les résultats sont encourageants. Mais, l’ouverture restant insuffisante dans les entreprises de plus de 250 salariés, l’obligation s’impose d’y relever le taux d’alternants.

Au-delà des chiffres, je pense, mes chers collègues, monsieur le ministre, que c’est d’une véritable culture de l’alternance que doit se doter notre pays, à l’image de ce qu’ont fait les Allemands. L’objectif de 800 000 jeunes en alternance en 2015 nécessitera encore des efforts, si l’on considère les chiffres connus à ce jour – 434 000 contrats d’apprentissage, 194 000 contrats de professionnalisation, soit un total de 628 000. Nous avons encore du chemin à parcourir. C’est grâce à notre détermination commune que nous y parviendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà bientôt cinq ans que ce projet de loi qui instaure la TVA dite sociale nous est annoncé. La Gouvernement et sa majorité ont donc eu largement le temps de préparer ce dispositif, qui nous est promis toutes les semaines depuis plusieurs mois. Pourtant, malgré un calendrier qui laisse peu de temps au débat, nous nous rendons compte, à chaque heure qui passe, que ce projet de loi n’est ni fait ni à faire. Il prétend courir plusieurs lièvres à la fois mais n’en attrapera aucun. En réalité, il n’est pas destiné à être appliqué, puisque la date de mise en place de cette mesure – hausse de la TVA et diminution des cotisations sociales familiales – est reportée au 1er octobre, c’est-à-dire largement après les échéances électorales du printemps. Chacun a bien vu l’entourloupe : le projet de loi nous est présenté dans les arrêts de jeu du quinquennat, que l’on prolonge un peu, et il serait appliqué bien après la fin du match.

Pour les besoins du débat, acceptons l’hypothèse que ce texte s’applique un jour et préparons-nous à en faire l’évaluation dans trois, quatre ou cinq ans. Comme on a pu le faire pour d’autres mesures – j’ai moi-même travaillé, avec Jean-Pierre Gorges, sur l’évaluation de l’article 1er de la loi TEPA, et je vous recommande la lecture de notre rapport, car elle est très instructive –, il suffit d’examiner si les objectifs qui avaient été annoncés dans le texte ont été atteints dans la réalité, si les impacts qui avaient été anticipés sont bien ceux qui se sont produits.

Les objectifs, vous les annoncez dans l’exposé des motifs du projet de loi et dans l’évaluation préalable qui, conformément à la loi, tient lieu d’étude d’impact. Le premier objectif est d’alléger le coût du travail, en supprimant ou en abaissant des cotisations patronales familiales. Le deuxième est de renforcer la compétitivité des entreprises françaises. Le troisième est l’emploi. Est-il raisonnable d’annoncer trois objectifs, quand on n’est pas sûr d’en atteindre un seul ? Mais le Gouvernement estime que la mesure créera ou – il est prudent – sauvegardera 100 000 emplois. Comment ? Personne ne l’explique, et l’étude ne le dit pas. C’est donc une affirmation gratuite. J’observe simplement que 100 000 emplois, c’est un chiffre assez modeste, rapporté aux 2 874 000 demandeurs d’emploi de catégorie A ou aux 4 500 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, toutes catégories confondues.

L’énoncé de ces trois objectifs conduit automatiquement à se poser la question du ciblage de la mesure. Or le rapporteur général lui-même – tout le monde a lu son rapport – nous le dit : l’industrie ne bénéficiera que d’un quart de la mesure. En réalité, la plupart des entreprises bénéficieront d’un effet d’aubaine maximal, notamment celles qui ne sont pas soumises à la concurrence internationale et qui en profiteront pour améliorer leurs marges. Au bout du compte, vous allez donc réussir à rémunérer le capital investi, mais de créations d’emplois, il n’est pas question, et pas plus de l’augmentation du pouvoir d’achat, pour ne rien dire de la compétitivité.

Qu’en est-il des impacts attendus de cette mesure ? Dans son étude d’évaluation préalable, le Gouvernement estime que l’augmentation de la TVA « n’aura pas d’impact significatif » – il reste prudent – sur les prix. « Significatif » !

M. Michel Piron. Le mot est juste !

Mme Marie-Christine Dalloz. M. de Courson l’a brillamment expliqué !

M. Jean Mallot. N’est-ce pas un peu jésuitique ? Ce qui est dit, en creux, c’est que la mesure aura bien un impact.

Vous nous dites que « les biens et services soumis aux taux réduits de TVA […] représentent 60 % de la consommation des ménages ». Mais le taux réduit a déjà été augmenté il y a quelques semaines, passant de 5,5 à 7 %. Le travail est déjà fait : vous avez augmenté les prix par ce biais.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est faux !

M. Jean Mallot. Quant à l’impact de la mesure générale sur le taux normal, l’expérience allemande est pleine d’enseignements. Une augmentation de 3 points de la TVA en Allemagne a été suivie d’une inflation de 2,6 %, et même M. Bur, qu’on ne peut pas suspecter de connivence avec le groupe socialiste, nous dit que 1,4 % est imputable à l’augmentation de la TVA – lisez son rapport pour avis. Ce n’est pas rien : c’est 1,4 % de baisse du pouvoir d’achat.

Le même M. Bur nous rappelle, dans son rapport, que, il y a dix ans, les coûts salariaux, en France, étaient inférieurs de 10 points à ce qu’ils étaient en Allemagne, et que, depuis, l’économie française a perdu 500 000 emplois dans l’industrie. J’observe, au passage, que la droite est au pouvoir depuis dix ans. Nous lui avions laissé une économie et des finances en bon état : qu’en a-t-elle fait ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme en Corrèze ?

M. Jean Mallot. La baisse des cotisations patronales, dites-vous toujours dans votre évaluation préalable, devrait permettre aux entreprises de « baisser leurs prix hors taxes sans grever leurs marges ». Lorsque les marges baissent, pensez-vous, les prix baissent. Jean-Marc Ayrault a cité un contre-exemple : on a vu ce qui s’est passé lorsque le taux de TVA a été réduit de 19,6 % à 5,5 % pour l’hôtellerie-restauration ; il n’y a quasiment pas eu de baisse de prix.

Enfin, détail intéressant, l’étude d’impact ne mentionne même pas les salaires. Elle est muette sur la question de savoir s’ils vont augmenter pour permettre aux salariés de faire face à l’augmentation des prix et donc de maîtriser et de conserver leur pouvoir d’achat. Elle est a fortiori muette sur le niveau des retraites et sur celui des indemnités de chômage, alors que la TVA augmente bien, que les prix augmentent et que le pouvoir d’achat de tous va diminuer.

Je conclurai, madame la présidente, par une observation et par deux questions. Dans un grand nombre d’entreprises, il va falloir, si votre mesure se met en place, gérer la concomitance de plusieurs dispositifs. Il y aura d’abord la baisse des cotisations patronales famille – 5,4 % dans certaines tranches de salaires.

Il faudra combiner cela avec la subvention des heures supplémentaires au-delà de la majoration de 25 % qui découle de l’article 1er de la loi TEPA et combiner ces deux mesures avec le chômage partiel, subventionné par l’État, dans un grand nombre d’entreprises ; et si la négociation sociale n’aboutit pas, vous prendrez des mesures pour instaurer des contrats compétitivité emploi, c’est la formule du « travailler moins pour gagner moins ».

Quand on articule ces quatre mesures, on aboutit à des conclusions assez intéressantes. En tout cas, j’ai une question à vous poser, monsieur le ministre : les heures supplémentaires seront-elles prises en compte dans le calcul des seuils d’abattement de cotisations familiales prévus par l’article 1er de votre projet de loi ? Car il y a des seuils de salaires entre lesquels les cotisations sont soit annulées soit réduites. Les heures supplémentaires seront-elles prises en compte dans le calcul des seuils en question ? Nous avons eu ce problème, s’agissant de l’application de la loi TEPA, pour le calcul des allégements généraux Fillon.

Par ailleurs, monsieur le ministre, le sujet n’a pas été beaucoup abordé jusqu’ici, mais où est votre projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale ?

M. Pierre-Alain Muet. C’est une vraie question !

M. Jean Mallot. Un des objets de votre projet de loi de finances rectificative est de corriger la loi de finances en fonction de la modification des hypothèses économiques que vous retenez, et notamment la baisse de l’hypothèse de croissance de 1 % à 0,5 %. Vous proposez des mesures pour recalibrer le budget de l’État en fonction de cette baisse. La loi de financement de la sécurité sociale est donc fondée elle-même sur des hypothèses économiques caduques.

Reprenez l’annexe B de votre loi de financement de la sécurité sociale : la croissance ne sera plus de 1 %, mais de 0,5 % ; l’augmentation de la masse salariale ne sera plus de 3 %, mais de 2,5 % ; quant à l’inflation, elle ne sera évidemment plus de 1,7 % en 2012 puisque la TVA va augmenter.

Il y aura donc des conséquences sur les cotisations et sur la CSG qui alimentent la branche vieillesse, l’assurance maladie et la branche famille – pour ce qui n’est pas traité dans le projet qui nous est soumis aujourd’hui ; une variation de 0,5 point de la masse salariale, c’est plus de 1,5 milliard de variation des ressources de la sécurité sociale. Les ressources que constituent les cotisations plus la CSG représentent 310 milliards d’euros pour la sécurité sociale. Faites le calcul !

De même, une variation du taux de croissance du PIB de 0,5 point aura des conséquences sur les ressources en impôts et taxes pour la sécurité sociale. Sans parler du calendrier de mise en application de votre dispositif de TVA sociale et de calcul des allégements de cotisations – cela a été démontré et figure dans le rapport de Gilles Carrez –, qui conduira à un manque à gagner de 0,5 milliard d’euros en 2012. Il faut donc recalibrer la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Votre projet n’est ni fait ni à faire. Vous courez plusieurs lièvres à la fois, mais vous n’en attraperez aucun ! La loi de financement de la sécurité sociale doit être reformatée, car le travail n’est pas achevé. Nous avons là les preuves que, non seulement ce projet de loi n’est pas complet, mais que vous avez raison de faire en sorte que son calendrier ne permette pas son application. Car si vous deviez l’appliquer, vous seriez bien embêtés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-être n’est-il pas inutile de nous poser la question suivante : de quoi parlons-nous ?

Nous parlons d’allégements de charges sur le travail, notamment sur le travail le plus soumis à la concurrence internationale : 13,2 milliards d’allégements sont prévus…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Sept millions pour les banques !

M. Michel Piron. …ciblés sur l’industrie, calibrés, directement pour 25 %, soit 3,3 milliards, et indirectement sur des emplois dits « de services » qui en dépendent fortement.

Sur ce point, je voudrais insister sur ce qui n’a pas été assez dit. Le périmètre de l’industrie tel qu’il est appréhendé aujourd’hui par les statistiques est infiniment plus étroit que celui qui était appréhendé voilà quinze, vingt ou vingt-cinq ans. Certains économistes reconnus, l’ont suffisamment souligné – je pense à Patrick Artus –, et M. Besson a également traité la question de la TVA en 2007. Qu’est-ce qui a changé depuis vingt ou vingt-cinq ans ? Ce qui a changé dans une grande quantité d’entreprises, et notamment dans des grosses PMI-PME, voire des petites PME, c’est d’abord l’externalisation.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Michel Piron. Là où l’industrie intégrait des quantités de fonctions qui n’avaient rien à voir directement avec la production, comme le transport – qui n’avait pas sa flotte de camions ? – ou le nettoyage – qui n’avait pas son personnel pour nettoyer ses propres locaux ? –, voire la comptabilité dans certains cas, aujourd’hui ces services sont quasiment tous externalisés.

Ce qui veut dire que, quand nous allégeons les charges de l’industrie à hauteur de 25 % et que nous allégeons également les charges du transport, les charges des services aux entreprises, les charges des services que je viens de décrire, en réalité, c’est beaucoup plus de 25 % que nous consacrons à l’emploi concurrencé sur le plan international : c’est 25 % d’emplois directs et peut-être autant d’emplois indirects.

Mme Marie-Christine Dalloz. Excellente analyse !

M. Michel Piron. J’y insiste, la plupart des économistes le savent aujourd’hui, le périmètre de l’industrie est beaucoup plus large que celui accepté stricto sensu.

Voilà pour le calibrage de ces aides, que je salue.

J’entendais tout à l’heure évoquer le manque d’investissements qui serait l’une des causes de la désindustrialisation. J’estime que, pour investir, il faut d’abord faire des résultats et avoir de la valeur ajoutée. Et pour faire des résultats, il faut avoir moins de charges, si possible. En ce sens, je le répète, je salue la mesure prise aujourd’hui.

M. Pierre-Alain Muet. Il faut aussi avoir de la demande !

M. Michel Piron. Je ne nie pas le fait qu’il faille avoir de la demande, mais si l’on n’a pas d’offre à mettre en face, on désindustrialise, comme c’est le cas depuis tant d’années.

Je le répète, il s’agit de 3,3 milliards d’allégements sur les emplois directement soumis à la concurrence internationale et de beaucoup plus sur l’ensemble des emplois soumis à cette concurrence indirecte. Il me semble que, de ce point de vue, l’attention à l’industrie et à l’emploi industriel doit être et est – en tout cas je l’espère – présente sur tous ces bancs, car c’est bien l’enjeu des emplois de production dont il s’agit et qu’il nous faut soutenir.

Pour financer tout cela, il y a la TVA, pour 10,6 milliards, et le complément sur la CSG. Sur quoi porte cette TVA ? Sur les produits de première nécessité ? Absolument pas ! Je le rappelle, le taux de TVA des produits de première nécessité n’est pas affecté. Il est inexact de laisser entendre que l’on frappe tous les consommateurs sur toutes les consommations.

M. Christian Eckert. La TVA a augmenté en décembre !

M. Michel Piron. Ce n’est pas la TVA sur les produits de première nécessité qui est la première visée. Depuis Maurice Duverger, on sait que la TVA peut faire des différences entre les produits de première nécessité et les autres.

Je ne parle pas de la TVA sur les produits exportés, mais de la TVA sur tous les produits importés, pour un montant supplémentaire de 1,6 %, en contrepartie d’allégements pouvant aller jusqu’à 5,4 % du coût du travail manufacturé.

Tout ayant été dit sur l’état de la concurrence vive qui exclut – je reprends le terme – tout risque « significatif » de dérapage inflationniste… Allez, on va vous accorder un 0,4 %, si vous le voulez bien !

M. Jean Mallot. Non, 1,4 % !

M. Michel Piron. Comment ne pas considérer que ces deux mesures – hausse de TVA et CSG – très ciblées, très calibrées sur la tranche de salaires la plus concernée par le « produire en France », si elles ne prétendent ni répondre à tout ni être l’alpha et l’oméga d’une politique industrielle, s’inscrivent dans une perspective plus générale ? Comment ne pas reconnaître que ces deux mesures répondent à ce qu’exige notre situation actuelle, extrêmement difficile, et celle de l’Europe, extrêmement fragile ? Bref, comment ne pas admettre que ces deux mesures répondent au minimum à l’incertaine marche du monde dans lequel nous vivons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je centrerai mon intervention sur le budget de l’emploi et de la formation.

Je voudrais d’abord revenir sur les propos du Premier ministre dans Le Monde. Je cite : « Nous dépensons 30 milliards d’euros dans la formation professionnelle, mais seuls 10 % des chômeurs sont en formation. C’est un échec ! ». On ne le lui fait pas dire ! C’est un échec, mais c’est le sien, le vôtre, celui de la majorité.

C’est l’aveu d’un triple échec : celui de la remontée du chômage – 1 000 chômeurs de plus par jour depuis 2008, dus certes à la crise, mais notamment à l’absence d’une politique industrielle.

C’est aussi l’échec de la mise en place de Pôle emploi qui n’a pas permis d’améliorer l’accompagnement et le placement des chômeurs. Il s’agit d’un dispositif – nous nous en rendons compte de plus en plus sur tous les bancs – beaucoup trop centralisé. J’en prends pour exemple les appels d’offres pour mettre en place la formation : ils sont vus au niveau national et trop massifs pour être proches des besoins des territoires et des bassins d’emploi. En outre, sur les 48 000 personnels de Pôle emploi, il semble que seule une personne sur trois soit en contact direct pour l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Le troisième échec, enfin, est celui de votre réforme de la formation professionnelle, qui n’a pas rempli son objectif de réorienter cette formation vers ceux qui en ont le plus besoin. On a complexifié le système, ce qui fait qu’il n’y a plus de pilote. On nous propose de faire revenir l’État, alors que les partenaires sociaux avaient eux-mêmes proposé de réorienter les fonds de la formation vers ceux qui en ont le plus besoin et les demandeurs d’emploi, en créant un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui devait être abondé par l’État.

Or qu’avez-vous fait ? Non seulement, vous ne l’avez pas abondé, mais vous l’avez siphonné chaque année de 300 millions d’euros.

M. Christian Eckert. Oui, siphonné !

M. Jean-Patrick Gille. Puisque nous parlons de formation, qu’avez-vous fait de l’AFPA – l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes ? Vous l’avez mise en danger et l’on ignore si elle va sortir de son agonie et comment…

M. Jean Mallot. Sabotage !

M. Jean-Patrick Gille. … alors que sa mission, c’est principalement celle qu’invoque le Président de la République : former les demandeurs d’emploi. Et le Président de la République entre en campagne en s’indignant de la faiblesse des recours à la formation pour les demandeurs d’emploi. Mais c’est vous qui avez désorganisé le service public de l’emploi et de la formation, au point, en ce qui concerne le budget, d’avoir implicitement transféré des déficits de l’État sur Pôle emploi – 120 millions –, sur l’AFPA et sur ce fonds paritaire.

Dans le PLFR, vous annoncez le dégel de 430 millions d’euros de crédits, dont 230 millions pour réabonder les dispositifs de formation, qui sont en réalité ceux que vous avez drastiquement réduits. Je rappelle que la loi de finances que nous avons votée il y a quelques semaines pour 2012 a baissé ces crédits de 1,4 milliard d’euros. Et comme l’a reconnu lui-même le ministre du travail à la sortie du sommet social, il s’agit seulement d’un redéploiement tardif des crédits pour tenter finalement d’endiguer le flot du chômage.

Depuis le début de la législature, votre politique constante a été de vous désengager de la formation des chômeurs, avec la quasi-extinction du financement de formation par l’État, avec la suppression de l’allocation de fin de formation qui permettait à des demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits de poursuivre une formation longue, avec le manque de moyens pour les dispositifs d’accompagnement : Pôle emploi, missions locales et maisons de l’emploi.

Aujourd’hui, vous redécouvrez les vertus de la formation pour les chômeurs, alors que vous n’avez eu de cesse d’en réduire les moyens ces dernières années, de la considérer uniquement comme un coût et de vous en décharger sur les régions et les partenaires sociaux.

Au contraire, vous auriez dû considérer la formation comme un investissement nécessaire de la nation, et la formation des demandeurs d’emploi de longue durée comme un effort de solidarité. Vous auriez dû penser à améliorer la qualité de l’offre de formation et sa prescription.

En réalité, vous avez fait le choix des baisses de prélèvements. Nous l’avons rappelé, il y a eu la baisse de la TVA dans la restauration, l’exonération des heures supplémentaires et la réforme de la taxe professionnelle : 13 milliards de baisses cumulées sur un an, qui n’ont quasiment pas rapporté d’emplois, quand elles ne sont pas contre-productives comme la défiscalisation des heures supplémentaires.

Avec la TVA, vous proposez 13 milliards d’euros de baisses supplémentaires pour les entreprises, pour créer, paraît-il, 100 000 emplois. Même M. Carrez en doute ! Car il y a fort à parier que les entreprises ne répercuteront pas les baisses de cotisations sur les salaires pour la consommation ou sur le prix pour la compétitivité, mais qu’elles les utiliseront purement et simplement pour restaurer leurs marges et reconstituer leurs fonds propres.

M. Jean Mallot. C’est exact !

M. Jean-Patrick Gille. Par idéologie, vous avez tout misé sur la baisse du coût du travail et renoncé à une politique active à la fois sur les territoires et en faveur des PME.

Le bilan est catastrophique et, comme à l’accoutumée, pour masquer son échec, le Président de la République feint de découvrir la situation et improvise un référendum pour imposer des sanctions aux demandeurs d’emploi ! C’est un coup politique,…

M. Jean Mallot. C’est lamentable !

M. Jean-Patrick Gille. …tout le monde l’a d’autant plus compris, mes chers collègues, que la loi sur les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi existe déjà, vous l’avez votée en 2008, et conduit à un nombre accru de radiations.

Pour échapper à son bilan – un million de chômeurs en plus – le candidat Sarkozy s’en prend finalement aux victimes de sa politique.

Je vous le dis sincèrement : notre pays, qui na pas besoin d’un référendum pour sanctionner les chômeurs, sanctionnera cette politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin. La mesure phare du projet de loi de finances rectificative pour 2012, que nous examinons aujourd’hui, vise explicitement à redonner des marges de compétitivité aux entreprises françaises. Mais elle ne peut pas, pour des raisons juridiques, réserver un sort particulier aux entreprises exportatrices. Paradoxalement, en effet, alors que tout le monde souhaite une industrie exportatrice plus dynamique, si l’on observe de près les charges qui pèsent sur les entreprises nous constatons que les plus imposées sont justement celles qui exportent. Si la réforme de la taxe professionnelle a permis d’alléger considérablement la fiscalité pesant sur l’industrie, qui a pu aussi s’appuyer sur le crédit impôt recherche pour financer l’innovation, la comparaison du taux de cotisations sociales employeurs en France révèle que les secteurs comme la chimie, la pharmacie, ou l’industrie automobile sont ceux qui supportent les charges les plus élevées.

Le dispositif proposé par le Gouvernement est susceptible de corriger cette situation et, comme l’ont indiqué nos collègues rapporteurs, l’emploi industriel devra davantage profiter du dispositif que nous allons voter que de celui de la réduction générale des cotisations sociales. C’est, effet, le déclin de notre industrie que traduit la perte de nos marchés à l’export qui doit aujourd’hui nous mobiliser et imaginer des dispositifs novateurs.

Il faut bien le dire, trop d’emplois industriels ont été perdus en France, depuis dix ans, en grande partie à cause des délocalisations et des pertes de marché des produits fabriqués dans des usines françaises. Dans le même temps, le nombre de chômeurs atteint 2,6 millions de personnes.

Alors que nous ne disposons plus de l’arme de la dévaluation, nous devons réfléchir à une fiscalité anti-délocalisation ciblée qui s’intégrerait dans un véritable projet industriel, s’appuyant, bien évidemment, sur les points forts de notre industrie. Nous devons assumer une politique visant à protéger notre industrie comme ne se privent pas de le faire nos concurrents. Il faut identifier les secteurs où l’industrie française est en mesure de satisfaire la demande nationale. Une fois les secteurs à protéger identifiés, nous pourrions, mais uniquement dans ces secteurs, créer une taxe additionnelle à la TVA dont le produit proviendrait aussi bien des importations que de la production nationale – TVA, taxe carbone... – dans le respect des traités internationaux. Les producteurs nationaux se verraient ristourner, en échange de la garantie de ne pas augmenter leurs prix sur le territoire français, le montant perçu au titre de cette taxe. Il conviendrait d’engager une négociation avec eux pour que cela se fasse sous des formes compatibles avec la législation européenne : par exemple de nouveaux allégements de la fiscalité locale ou de cotisations sociales, la prise en charge de la recherche et de ses équipements lourds ou de la formation professionnelle.

Si nous prenons le cas de l’automobile, la moitié des véhicules achetés en France sont produits par des firmes étrangères. Une majoration de la TVA de 20 %, ou la création d’une taxe carbone spécifique au secteur, conduirait à une augmentation des prix des voitures importées accompagnée d’un laminage des marges des constructeurs étrangers. Nos constructeurs automobiles ainsi que les équipementiers pour la partie qu’ils produisent en France verraient leurs charges allégées d’environ 20 % ; le retour intégrerait les sommes prélevées sur les importations. C’est important. Il leur serait permis d’être beaucoup plus agressifs sur le plan commercial, de prendre des marchés à leurs concurrents étrangers, mais également de mieux traiter leurs équipementiers et sous-traitants situés en France qui bénéficieraient des mêmes allégements de charge.

Dans un domaine aussi chargé de symboles que l’automobile, le fait d’engager cette politique, laquelle doperait la compétitivité de nos constructeurs au détriment des généralistes étrangers, constituerait sans doute un appel à une vision plus constructive en matière d’harmonisation sociale européenne et une vraie gouvernance économique de l’Union européenne.

Christine Lagarde avait, voici quelques années, provoqué un tohu-bohu en dénonçant la politique économique non coopérative de l’Allemagne. Aujourd’hui, il est moins cher de produire un véhicule dans ce pays qu’en France, car les salaires n’ont pas augmenté en Allemagne depuis vingt ans. Dans ce pays riche où il n’existe pas de salaire minimum, il est possible de rétribuer des salariés sur la base de cinq euros par heure.

M. Pascal Terrasse. La masse salariale c’est 15 % du coût de construction des véhicules, quelle ignorance !

Mme la présidente. Seul M. Voisin a la parole !

M. Gérard Voisin. Si nous voulons qu’une taxe anti-délocalisation soit efficace, elle doit se situer à un taux élevé, pénaliser réellement les importations et être intégralement restituée à des entreprises qui peuvent satisfaire le marché français. L’automobile est un bon exemple. Les véhicules étrangers verront leurs prix augmenter, les constructeurs implantés en France auront des prix stables, ce qui entraînera un report d’achat vers des véhicules produits en France. À l’exportation, il est bien évident que, si nos constructeurs peuvent réduire leurs tarifs, ils récupéreront dans un marché très concurrentiel des parts significatives ou amélioreront leurs marges en recréant des emplois en France.

Je suis donc, pour ma part, favorable, au-delà du texte qui nous est proposé aujourd’hui, à une fiscalité anti-délocalisation ciblée sur quelques secteurs industriels où la France a des intérêts à défendre, qui ne se traduise pas par une perte de pouvoir d’achat des Français ... s’ils achètent des produits français.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Dans le Désert des Tartares, le capitaine Drogo regarde la plaine d’où l’ennemi viendra. La TVA sociale, ce sont les Tartares de la majorité. Lancée par Jean Arthuis, en 1993, dans son livre Les délocalisations et l’emploi, cette idée a souvent été évoquée, mal défendue, attaquée démagogiquement par les socialistes, doctrinairement par les libéraux et rendue responsable de déconvenues électorales en 2007.

J’ai personnellement déposé une proposition de loi en vue de l’instaurer en 2005, et j’accueille son arrivée avec surprise, mais avec satisfaction, car la TVA sociale n’est pas une ennemie, c’est au contraire une alliée indispensable, une alliée pour gagner la bataille essentielle, celle de la compétitivité, puisqu’elle vise à améliorer notre coût de production.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est faux !

M. Christian Vanneste. Bien sûr, ce n’est pas le seul objectif, il ne faut pas oublier le choix des produits et la recherche de leur qualité, par exemple. Mais, sur ce dernier point, le crédit impôt recherche porte ses fruits.

La TVA sociale a été mise en pratique avec succès par le Danemark, que vous ne citez jamais, entre 1987 et 1989.

M. Pascal Terrasse. Le Danemark compte quatre millions d’habitants, comme la région Rhône-Alpes ! Mettre le Danemark et la France au même niveau, tout de même…

M. Christian Vanneste. Le pays connaissait une situation économique difficile : dette extérieure, chômage. Le Danemark fait partie de ces pays qui, face à de grandes difficultés, ont eu le courage de procéder à des réformes structurelles. Celles-ci ont permis le redressement de son économie. Il est vrai aussi que, dans ces pays, existe le plus souvent un consensus politique et que la démagogie antinationale n’y est pas, comme chez nous, l’ADN de la gauche ! L’Allemagne s’est d’ailleurs payé le luxe d’une mesure plus limitée, mais analogue depuis 2007 avec le succès que l’on sait.

Le raisonnement qui sous-tend l’instauration d’une TVA sociale est impeccable : le poids des charges sociales pèse trop lourdement sur le coût du travail en France, singulièrement sur les emplois qualifiés. Pour un coût de travail inférieur, les Allemands peuvent offrir aux ouvriers des salaires supérieurs, car les charges patronales sont deux fois moins lourdes que les nôtres.

La politique familiale française est un modèle efficace et envié, mais elle n’a aucun lien direct avec les entreprises. Il est plus juste qu’elle soit financée par tous les Français, et non pas seulement par les travailleurs. Il est, par ailleurs, judicieux que les produits étrangers importés et les touristes y contribuent. L’euro rend les dévaluations compétitives impossibles. La TVA sociale a le mérite de faire baisser le coût et logiquement les prix des produits français…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Dans la restauration ?

M. Christian Vanneste. …et de renchérir le prix des produits importés, donc de tendre à rééquilibrer nos échanges. Elle est analogue à une dévaluation compétitive. Elle concernera 80 % des effectifs de l’industrie. Les arguments à son encontre sont très faibles : ceux qui estiment que cela n’aura aucun impact sur nos échanges avec l’Asie, par exemple, oublient que le déficit de nos échanges est surtout anormal avec l’Europe, singulièrement avec l’Europe du Nord, et même avec l’Italie : je pense au textile ! Ceux qui affirment que la croissance repose avant tout sur la consommation, souhaitent, sans doute, une France de fonctionnaires et d’allocataires achetant des produits importés. C’est, je le pense le songe de M. Hollande qui rêve beaucoup, mais son rêve a tout l’air d’un cauchemar !

M. Pascal Terrasse. Il est à Saint-Étienne !

M. Christian Vanneste. Ce n’est, en tout cas, pas notre conception. Lorsqu’on est élu d’une région industrielle, comme celle de Tourcoing et de la vallée de la Lys, qui recherche, parfois avec succès, le remplacement d’une industrie textile jadis florissante, on ne peut qu’être partisan de cette mesure. La TVA sociale, en avantageant nos produits à l’exportation, comme sur le marché intérieur, a essentiellement pour but de contrecarrer les délocalisations, d’enrayer le chômage, notamment dans le secteur industriel. Le véritable pouvoir d’achat ne dépend pas des prix, mais des revenus, lorsque ceux-ci résultent du travail d’un plus grand nombre de travailleurs qui travaillent davantage. C’est exactement le contraire de toute la politique que vous avez menée !

M. Pierre-Alain Muet. Un million de chômeurs en plus !

M. Christian Vanneste. Ce n’est pas par hasard que l’un des plus ardents partisans de cette mesure est le fondateur nordiste d’une très grande entreprise de distribution.

Pour toutes ces raisons, l’intérêt de notre pays commande une telle réforme. On peut seulement regretter que celle-ci arrive bien tardivement et qu’elle soit par trop mesurée. Certes, elle est ciblée sur le créneau des emplois qui auront l’impact le plus fort sur notre compétitivité…

M. Jean-Claude Sandrier. Si tout va bien !

M. Christian Vanneste. …mais elle s’accompagne d’une augmentation de la CSG, qui n’aura aucun effet sur les importations. On peut regretter qu’une progression plus forte, pratiquée en une ou deux fois dès le début du mandat, n’ait pas été tentée afin de créer une rupture qualitative plus décisive.

M. Jean Mallot. C’est modeste !

M. Christian Vanneste. L’idée d’un choc de compétitivité lancée récemment par un de nos capitaines d’industrie semble malheureusement étrangère aux techniciens de la finance publique qui aiment davantage montrer leurs talents pour la complexité que pour l’efficacité. Lorsque Jean Arthuis proposait la TVA sociale dans son ouvrage sur les délocalisations et l’emploi, il évoquait également une réduction simultanée de la taxe professionnelle. C’est aujourd’hui réalisé, avec le passage à la contribution économique territoriale. Mais j’aurais préféré que ces mesures soient prises plus tôt, de manière à offrir un ensemble plus cohérent, plus lisible et à créer un choc.

M. Jean Mallot. Vous en avez des regrets ! Mais qu’avez-vous fait en dix ans ?

M. Christian Vanneste. Il n’en reste pas moins que cela va dans le bon sens : celui du redressement de notre industrie, de la lutte contre les délocalisations et pour gagner la bataille de l’emploi, qui est la priorité des priorités.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Avec 500 000 emplois perdus dans l’industrie !

M. Christian Vanneste. Alain disait que l’on ne pouvait pas avoir le bonheur sans avoir d’abord le courage.

M. Jean Mallot. Vous êtes au pouvoir depuis dix ans !

M. Christian Vanneste. Je suis frappé de constater que la gauche n’a jamais de courage. Ayons-en un peu pour que le bonheur des Français soit plus grand !

M. Jean Mallot. Vous avez déposé le bilan au bout de dix ans !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Les conditions d’examen de ce projet de loi visant à modifier la loi de finances pour 2012 résument bien le comportement du Président de la République dans la conduite des finances publiques depuis maintenant cinq ans, pour ne pas dire plus. Comme tout le monde se le rappelle, il a été, en effet, voici quelques années, ministre du budget à votre place, madame la ministre.

M. Jean Mallot. On s’en souvient ! La dette publique se souvient aussi de M. Sarkozy !

M. Pascal Terrasse. Ce texte est, au fond, un concentré de désordres budgétaires. Il résume à lui tout seul cinq années de perdues. Je ne reprends, ici, que les propos de votre Premier ministre, lequel a en effet expliqué, voici quelques jours, que la TVA sociale aurait dû être mise en place il y a cinq ans. Ce sont donc cinq années de perdues, en tout cas pour lui.

Pour notre part, nous voyons, dans ce texte, une impréparation générale quant aux objectifs recherchés et j’en dirai un mot. Nous voyons également, et cela a été rappelé, une absence totale de dialogue avec les partenaires sociaux. Aucune étude d’impact fiable n’a été menée que ce soit au niveau européen, ou ce qui concerne les créations d’emplois ou les effets d’aubaine au profit des entreprises cotées en bourse. Pis, on note des divergences sur les effets recherchés comme sur les montants, le président de la commission des finances l’a démontré hier après-midi.

Depuis cinq ans, pour ne pas dire plus, vous campez sur une seule hypothèse économique : relancer l’économie par une politique de l’offre. Telle est votre orientation. Admettez que ces choix vous ont conduits à prendre des mesures qui n’ont pas abouti aux objectifs recherchés. Les différentes réformes auxquelles vous avez procédé, ces dernières années, portaient en elles-mêmes des orientations semblables à celles définies hier, lors de votre présentation de ce collectif : compétitivité et emploi. Vous avez pris plusieurs décisions, comme vous le rappelez souvent. Ces dix dernières années, vous avez réformé les 35 heures à travers quatre textes de loi. Vous avez baissé les cotisations sociales avec les dispositifs dits « Fillon ». Vous avez également affaibli le travail en augmentant les heures supplémentaires et en baissant les cotisations sociales sur ces heures supplémentaires.

Vous avez supprimé la taxe professionnelle, sans compter les différentes mesures fiscales prises en faveur des entreprises. Toutes ces dispositions n’avaient qu’un objectif, l’emploi et la compétitivité. Or jamais dans l’histoire de notre pays, la balance du commerce extérieur n’a atteint un aussi haut niveau de déficit.

D’ailleurs, après avoir entendu hier les présidents de commission, le rapporteur général et les membres du Gouvernement, je ne sais pas au fond, madame la ministre, ce que vous recherchez à travers ce texte.

M. Jean Mallot. Des annonces !

M. Pascal Terrasse. S’agit-il d’améliorer la compétitivité de nos entreprises à l’exportation ? S’agit-il de limiter nos importations par une hausse de la TVA ? S’agit-il de baisser le coût horaire du travail, mais par rapport à qui ? En Grèce, en Espagne ou en Italie par exemple, il est beaucoup plus bas que le nôtre. Ces pays sont-ils plus compétitifs que nous ? À qui voulons-nous donc nous comparer ? Pas aux Chinois, j’imagine. Ou s’agit-il tout simplement, et je crois au fond que c’est ça, de réformer le financement de notre protection sociale et, en particulier, de la branche famille ? Où voulez-vous donc aller ?

Ce que vous voulez au fond, je crois, c’est d’abord couvrir rapidement les besoins de trésorerie de l’ACOSS, organisme particulièrement déficitaire, plus gros émetteur de billets de banque d’Europe aujourd’hui, dont le plafond d’autorisation de la dette est limité. Nous savons qu’à partir du mois d’octobre, vous auriez bien des difficultés, si vous étiez en responsabilité – et nous espérons que ce ne sera pas le cas – pour récupérer de la trésorerie. Et c’est là où va tomber la TVA !

Tout cela ne fait pas une politique sociale, cela ne permet évidemment pas d’équilibrer nos comptes sociaux. C’est du bricolage. Tout ce que vous nous proposez n’est pas très sérieux.

Nous aurions souhaité avoir avec vous un véritable débat sur une réforme du financement de la protection sociale. Il est indéniable qu’il en faut une, et il y en aura une, parce que la CADES supporte des coûts considérables, que l’ACOSS n’est plus capable de lever des fonds et que les dépenses continuent d’augmenter. Nous devrons donc inévitablement dire comment l’on finance la protection sociale. Comme le soulignait à juste titre François Hollande, le problème n’est pas de savoir si on aura plus à payer, c’est de savoir qui doit payer, et il y a là, en effet, un désaccord profond entre vos propositions et les nôtres.

Prenons un exemple très parlant. Les organismes financiers vont bénéficier grâce aux allégements de 700 millions d’euros d’exonération, et je ne parle pas des assurances. Au fond, ces 700 millions seront financés par les clients de ces organismes, qui paieront à travers l’achat de produits soumis à TVA. Qu’est-ce que cela va apporter à la compétitivité ?

Prenons un autre exemple qui concerne l’énergie. L’entreprise Total a réalisé 13 milliards d’euros de bénéfices en 2011. De combien va-t-elle bénéficier avec votre mesure ? Avons-nous une étude d’impact ? J’aimerais que nous puissions savoir d’ici à la fin de nos débats quel cadeau fiscal sera fait à Total alors même que chaque contribuable va payer une taxe sur une taxe puisque la TIPP supporte la TVA. Le client va donc payer deux fois.

Au fond, 25 % seulement des entreprises qui travaillent à l’exportation et sont confrontées à la compétitivité européenne et mondiale seront touchées par votre mesure, et de manière très limitée. Les entreprises françaises ne sont pas en compétition avec le monde, elles le sont d’abord avec des pays européens et, en particulier, l’Allemagne. Selon toutes les études que nous connaissons, la France a un problème de compétitivité en raison non du coût du travail mais de la qualité de la formation, de la recherche et de l’innovation. C’est là où il faudrait mettre des moyens et vous faites évidemment le contraire.

Au terme de votre mandat, mes chers collègues, vous faites au fond la même erreur qu’au début, vous vous trompez de cible. Les classes populaires, les classes moyennes seront appelées à payer. Vous aviez commencé avec le bouclier fiscal, vous finissez avec un boulet fiscal. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, le 19 octobre dernier, j’ai interrogé le Gouvernement sur l’effort qu’il nous proposait alors pour faire face aux difficultés économiques et financières que nous vivons depuis plusieurs années.

Je lui demandais si les mesures que nous allions voter seraient suffisantes pour réduire notre déficit budgétaire et notre dette publique. J’avais la conviction qu’il fallait aller beaucoup plus loin et envisager, dès cette époque, des recettes supplémentaires de 15 à 20 milliards d’euros non seulement pour faire face à nos déficits mais aussi pour créer des marges de manœuvre en faveur de l’emploi.

Je proposais que l’effort fiscal demandé aux bénéficiaires des plus hauts revenus aille beaucoup plus loin que celui que nous avons décidé. Un certain nombre de grands patrons, très bien pourvus, sont d’ailleurs prêts à participer au redressement de nos déficits sous forme d’une contribution exceptionnelle. Est-il en effet normal que tant de chefs d’entreprise perçoivent des rémunérations dépassant le million d’euros par an ?

Je posais aussi la question de la compétitivité de nos entreprises et, au nom de la solidarité nationale, je me demandais s’il ne fallait pas relever tous les taux de TVA des produits et des services afin d’engendrer au moins 10 milliards d’euros de recettes. Une telle mesure ne devrait pas empêcher une consommation soutenue grâce à la concurrence mais elle est insuffisante pour relancer la croissance.

La mesure que je suggérais avait pour objectif de maintenir mais surtout de créer des emplois grâce à une baisse des prélèvements sociaux sur les entreprises. Elle devrait permettre une maîtrise des importations, en particulier en provenance de nos partenaires européens auxquels nous offrons malheureusement des points de croissance alors que nous-mêmes en manquons. Je préfère la relance de la croissance, de la consommation et du pouvoir d’achat par la création d’emplois.

Vous m’aviez répondu alors, madame la ministre, que cela faisait cinq ans que nous livrions la bataille de la compétitivité, mais vous reconnaissez aujourd’hui que les mesures prises avec le crédit d’impôt recherche ou les investissements d’avenir ne sont malheureusement pas suffisantes. Je regrette que les propositions que j’ai faites il y a plus de trois mois en matière de TVA aient été rejetées sous prétexte qu’il ne fallait pas accroître la fiscalité alors que vous vous y rangez aujourd’hui.

En fait, nous avons perdu plusieurs années car le différentiel en matière de compétitivité avec l’Allemagne est ancien, il remonte au moins à une dizaine d’années. Si nous avions pris ces mesures il y a cinq ans, j’ai la conviction que nous aurions vécu beaucoup moins de délocalisations et que nous aurions en particulier évité celle de l’entreprise Lejaby.

Nous avons aussi été déçus des résultats en matière d’emploi de la suppression de la taxe professionnelle et de l’autorisation administrative de licenciement, deux lois dont j’ai été le rapporteur. Rappelez-vous, on nous avait promis que la suppression de l’autorisation administrative de licenciement permettrait de créer 400 000 emplois.

M. Jean Mallot. Tu parles !

M. Étienne Pinte. Cela n’a malheureusement pas été le cas.

M. Jean Mallot. Zéro !

M. Étienne Pinte. Je souhaite donc que le Gouvernement soit très vigilant quant aux conséquences de cette baisse de TVA sur la création d’emplois tant nous avons été déçus dans le passé.

J’ajoutais que, si nous n’allions pas plus loin tout de suite en matière d’économies et de recettes, nous risquerions de voir dégrader la note AAA de la France. C’est malheureusement arrivé. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n’est pas le PS qui le dit !

M. Étienne Pinte. Je regrette d’avoir été deux fois Cassandre, mais je regrette surtout que les parlementaires soient si peu écoutés par le Gouvernement en temps utile. Nous voterons vos propositions, madame, monsieur les ministres, même si elles arrivent bien tard et ne donnent malheureusement des résultats que dans plusieurs mois.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous débattons d’un énième projet de loi de finances rectificative qui manque encore cruellement de vision globale sur le long terme. Bien entendu, les députés radicaux de gauche et apparentés ne le voteront pas.

Non, nous ne pouvons pas soutenir la politique fiscale que vous menez depuis cinq ans et que vous osez poursuivre à deux mois d’une échéance électorale majeure qui devra légitimer une nouvelle orientation politique.

Au début de cette législature, vous avez fait des cadeaux aux plus riches et, pour rembourser vos erreurs, vous vous attaquez en fin de législature au plus grand nombre en instaurant une TVA sociale, impôt proportionnel et donc injuste payé par la totalité de nos concitoyens.

En juillet 2011, vous avez allégé de 2 milliards d’euros un impôt progressif sur le patrimoine, l’impôt sur la fortune, et, aujourd’hui, vous récupérez ces 2 milliards en augmentant un impôt proportionnel sur le patrimoine, la CSG sur les revenus du patrimoine. La progressivité de l’impôt est une valeur chère au radicalisme et à tous les républicains de progrès, mais elle l’est apparemment beaucoup moins pour vous.

Je m’attarderai un instant sur ce point pour rappeler une nouvelle fois que la politique fiscale que vous menez depuis dix ans, à coup de niches fiscales et d’allégements pour les plus riches, conduit à la remise en cause de la progressivité de notre système d’imposition.

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

Mme Sylvia Pinel. Nombre d’études récentes démontrent bien que l’imposition est de plus en plus dégressive, que ce soit pour les particuliers ou pour les entreprises.

Cette dégressivité a deux conséquences : des rentrées fiscales en moins, comme si l’on pouvait s’en passer actuellement, mais, surtout, une défiance des contribuables face à l’impôt. C’est pourquoi les radicaux de gauche se sont opposés et s’opposeront encore vigoureusement au démantèlement de notre pacte fiscal, donc de notre pacte social, que vous menez depuis des années.

Revenons à ce projet de loi de finances et, surtout, à sa mesure emblématique, la TVA dite sociale, injuste et inefficace.

Elle est injuste car, en dépit de vos allégations mensongères, la hausse de la TVA entraînera une hausse des prix qui touchera davantage les plus bas revenus.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bien sûr !

Mme Sylvia Pinel. Votre incohérence le prouve. Vous prétendez qu’il n’y aura pas de hausse de prix, mais le Président de la République a pourtant dit s’attendre à un boom de la consommation dans les mois précédant la hausse de la TVA puisque les consommateurs devraient anticiper cette hausse des prix.

M. Pascal Terrasse. Ça, c’est vrai !

Mme Sylvia Pinel. Quelle cohérence !

Elle est injuste également car, pour compenser la baisse des cotisations patronales, vous taxez la consommation à hauteur de 10 milliards d’euros, mais vous taxez cinq fois moins les revenus du patrimoine, et il n’y a rien sur l’impôt sur le revenu.

Cette hausse de TVA est inefficace car elle réduira le pouvoir d’achat des ménages, freinera la croissance, accentuera le cercle vicieux de récession économique, et rendra donc encore plus délicate la situation de nos finances publiques.

Elle est inefficace aussi, car la baisse des cotisations patronales entraînera peut-être un avantage concurrentiel vis-à-vis de nos partenaires commerciaux européens, comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, mais pas vis-à-vis des pays à bas coûts salariaux comme la Chine. À l’heure où la solidarité européenne doit s’exercer, vous choisissez d’imposer une politique non coopérative.

Enfin, cette TVA sociale est inefficace et injuste car elle n’est qu’un ersatz de dévaluation dont les conséquences en termes de baisse du pouvoir d’achat seront immédiates et certaines, alors que les avantages en termes de gain de croissance et de compétitivité à l’exportation seront extrêmement aléatoires et lointains.

Nous convenons pourtant que le financement de la branche famille mériterait une réforme, des ajustements, et qu’il n’est pas logique qu’il soit assis uniquement sur les revenus du travail, mais ce type de réforme qui remet en cause profondément notre système social nécessite une réflexion sereine, dénuée de considérations électoralistes et partisanes.

Ce n’est pas le cas dans votre projet, mais rassurez-vous, nous mènerons une véritable réforme fiscale, et ce sera, à la différence de vous, dans la justice et l’équité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre du budget.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, cher François, mesdames et messieurs les députés, je veux d’abord remercier tous les orateurs qui se sont exprimés, ainsi que l’ensemble de la représentation nationale qui démontre une fois de plus aujourd’hui qu’elle sait faire vivre avec efficacité et talent un utile et nécessaire débat parlementaire,…

M. Jean Mallot. On fait ce qu’on peut, madame la ministre !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …malgré des délais que nous savons contraints.

Je voudrais en profiter pour remercier tout particulièrement le rapporteur général, ainsi que tous les fonctionnaires de la commission des finances, car je sais dans quelle urgence ils ont eu à travailler. Vous connaissez le talent et le souci du détail du rapporteur général ; ils trouveront à s’exprimer dans plusieurs amendements qu’il présentera.

M. Jean Mallot. Il a bien du mérite !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, mais Gilles Carrez n’a pas fait que présenter des amendements, il a aussi remis en perspective ce texte,…

M. Jean Mallot. Qui en avait bien besoin !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …et je crois qu’il y a parfaitement réussi, car le collectif que nous allons discuter poursuit en effet l’action que notre Gouvernement mène depuis cinq ans avec courage et lucidité malgré la crise sans précédent à laquelle nous faisons face. Cette action, vous la connaissez. Elle a deux objectifs : le retour de la croissance et le retour à l’équilibre des finances publiques.

M. Jean Mallot. C’est réussi !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Concernant l’équilibre budgétaire, le rapporteur général a souligné à juste titre que l’exécution 2011 nous permet de mesurer à quel point l’effort de réduction des déficits publics dans lequel nous sommes engagés commence à produire tous ses effets. Sur le budget 2011, nous avons baissé le déficit de 48 milliards d’euros ; je crois que c’est du jamais vu.

Sur le seul budget de l’État, nous avons fait 4,5 milliards de mieux que ce que nous avions initialement prévu. Ces 4,5 milliards, je le dis au président Cahuzac, ne sont pas le fruit du hasard. Ils témoignent, comme l’a très justement rappelé Marie-Christine Dalloz, de la rigueur, de la sincérité et de la réactivité avec lesquelles le Gouvernement gère les comptes publics, malgré les incertitudes qui pèsent sur la conjoncture.

Nous avons réduit les dépenses de l’État, qui baissent de 260 millions d’euros hors dette et pensions ; cela aussi, vous le savez, est sans précédent. Nous avons sécurisé nos recettes fiscales, qui contribuent à hauteur de 1,3 milliard d’euros à ces bons résultats.

Enfin, nous avons consacré l’ensemble des produits exceptionnels, soit 3,1 milliards, à la réduction du déficit. Il s’agit des efforts de valorisation du patrimoine de l’État et du décalage du prêt à la Grèce. Sur ce dernier point, je n’ai jamais contesté leur caractère exceptionnel. En revanche, je conteste que cela pèse sur l’exercice 2012.

Le président Cahuzac met plus globalement en doute la trajectoire des finances publiques que nous avons présentée il y a quelques mois. Mais, comme l’a souligné Jean-François Lamour, s’il la met en doute, c’est parce qu’il ne croit pas à la réduction de la dépense publique, parce qu’il ne mesure pas à quel point cette réduction est nécessaire. Or, quand on regarde la progression moyenne des dépenses publiques sur vingt ans – plus 2,4 % – et quand on cherche le dernier exemple d’un gouvernement ayant réduit la dépense de l’État – aucun depuis 1945 –…

M. Pierre-Alain Muet. Et quel est le gouvernement qui a fait exploser la dette ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. …je crois que chacun peut saisir l’importance de la maîtrise de la dépense publique, une maîtrise que nous atteignons aujourd’hui grâce à notre réactivité et notre détermination.

Mme Sandrine Mazetier. Et en oubliant la justice, comme si ce mot vous choquait !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En 2011, la dépense publique progressera de moins de 0,8 % en volume, à comparer aux 2,4 % que je viens de citer.

Puisque M. Cahuzac semble douter aussi de nos chiffres de recettes, je rappelle que l’effort programmé du Gouvernement qui vous a été soumis en novembre prévoit un effort de 40 milliards, dont 12 milliards de réduction de niches, à accomplir de 2013 à 2016, soit 3 milliards par an, conformément à la loi de programmation des finances publiques.

Ce montant peut aujourd’hui être réduit de 4 milliards car nous avons pris de l’avance. M. Cahuzac m’a demandé si c’était 12 ou 8 milliards : 12 moins 4 égale 8. Nous avons pris de l’avance en votant la fin des exonérations Scellier et le recentrage des prêts à taux zéro, en mettant fin au bénéfice mondial consolidé et en finançant la mesure de réduction des charges en agriculture. Au total, nous avons déjà voté, mesdames et messieurs les députés, 32 milliards de sécurisation de recettes fiscales sur les 40 milliards de notre trajectoire d’ici à 2016. Il ne nous reste plus que 8 milliards d’euros à identifier, alors que, dans le programme de François Hollande, il manque 50 milliards.

Nous avons suffisamment de matière, avec tout le travail d’évaluation des niches effectué par l’inspection générale des finances, pour faire cette identification. Aucun rapport, donc, entre notre projet, fondé sur 70 milliards de baisse de dépenses publiques, et le vôtre…

Mme Sandrine Mazetier. Il n’y a en effet aucun rapport entre nos projets !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …puisque le vôtre repose sur un choc fiscal de 50 milliards d’euros et le report à 2017 de l’équilibre des finances publiques.

Compte tenu du ralentissement de la croissance plus marqué que prévu au quatrième trimestre, dont attestent en particulier les révisions de croissance de nos principaux partenaires, le Gouvernement, de manière prudente, réaliste et consensuelle, revoit aujourd’hui sa prévision de croissance à 0,5 %. Et je le dis à Marc Goua, qui trouve notre prévision encore trop optimiste : c’est celle du candidat socialiste à l’élection présidentielle !

Le Gouvernement accompagne cette nouvelle prévision d’un effort supplémentaire de 1,2 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent 400 millions d’euros de redéploiement en faveur de l’emploi. Ces annulations, que l’augmentation de la réserve de précaution et la gestion 2011 permettent d’absorber sans demander le moindre euro supplémentaire aux Français, sont conduites en début d’année alors que ces crédits ne sont pas encore délégués aux ministères, et ne comportent aucune sorte d’insincérité.

Par ailleurs, nous consolidons nos recettes grâce à deux décisions importantes : la mise en place de la taxe sur les transactions financières et le renforcement de notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

En matière de fraude fiscale et sociale, je le dis à M. Emmanuelli, ce Gouvernement s’est montré implacable depuis 2007. Nous avons considérablement resserré l’étau des contrôles sur les plus gros fraudeurs, et les résultats sont là : en 2010, nous avons récupéré 16 milliards d’euros, un milliard de plus que l’année précédente.

En ce qui concerne la fraude fiscale internationale, nous avons refusé de conclure l’accord Rubik avec les autorités suisses car il était contraire à nos principes républicains. Nous avons également négocié avec les autorités américaines la mise en place en 2014 de la réglementation FATCA qui consistera en un échange réciproque – que M. Emmanuelli note bien le mot « réciproque » – d’informations entre nos deux pays. Comme vous le voyez, nous nous battons sur tous les aspects de la fraude, qu’elle soit nationale ou internationale.

Vous le constatez, mesdames et messieurs les députés, l’impact de la révision de la croissance sur nos recettes sera bel et bien intégralement compensé. De la même manière que nous avons tenu notre objectif en 2011, nous le tiendrons en 2012. Nous progresserons ainsi sur le chemin du désendettement.

Notre deuxième objectif, c’est de réamorcer la croissance en restaurant notre compétitivité. Bernard Perrut et Étienne Pinte l’ont parfaitement dit : c’est ce à quoi nous nous employons depuis cinq ans avec un soutien sans précédent à la compétitivité de long terme, une action que porte, par exemple, le crédit d’impôt recherche ou la réforme des universités, et c’est ce que nous continuons à faire avec la réforme du financement de la sécurité sociale.

Présenter cette mesure aujourd’hui, c’est aller enfin contre la spirale du déficit de compétitivité enclenchée depuis quinze ans. Attendre, comme nous le recommande M. Sandrier, ce serait poursuivre dans l’erreur. Que l’on accuse aujourd’hui le Gouvernement d’agir trop tard ou trop tôt n’a finalement pas grand sens ; l’important, c’est bien d’agir, car cela fait quinze ans que le commerce extérieur se dégrade.

M. Pascal Terrasse. Non !

M. Pierre-Alain Muet. Dix ans ! Nous avions 20 milliards d’excédents jusqu’en 2003 !

Mme la présidente. Seule Mme la ministre a la parole !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et je le dis à M. Eckert, si la mesure que nous proposons prend effet au 1er octobre, ce n’est pas pour la retarder, c’est pour laisser aux entreprises le temps nécessaire pour l’adaptation administrative.

Et non, monsieur Brard, ce n’est pas inéluctable. Les Allemands aussi ont les Chinois pour concurrents ; pour autant, grâce à une politique de compétitivité, notamment appuyée sur la baisse des charges, ils ont réussi à faire progresser leurs parts de marché. Et je le dis également à M. Sandrier, la comparaison avec l’Allemagne est parfaitement justifiée quand on sait, comme le rappelle le Conseil d’analyse économique, que la probabilité pour un exportateur français d’être en concurrence avec un exportateur allemand vendant le même produit sur le même marché est d’environ 80 %. D’autre part, se comparer permet aussi, comme l’a très justement fait remarquer Jérôme Chartier, de mesurer combien les choix en matière de temps de travail ont pesé depuis 1998 sur la compétitivité française.

Et puis on ne se compare pas seulement à l’Allemagne, mais à l’Europe entière. Le constat est à cet égard éloquent, comme l’a rappelé Christian Vanneste : nous avons le taux de charges patronales le plus élevé, trois fois plus qu’au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, deux fois plus qu’en Allemagne, 25 % de plus qu’en Suède, en Italie ou en Espagne.

Faut-il aggraver le problème, comme le fait le programme de François Hollande ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et vous, depuis dix ans, qu’avez-vous fait ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous avez oublié, sur les bancs de l’opposition, que Lionel Jospin écrivait déjà en 1998, en commandant un rapport sur les cotisations patronales à Edmond Malinvaud, que la taxation du travail constitue un facteur défavorable au développement de l’emploi dans notre pays. Faut-il, par facilité, renvoyer à plus tard les réformes dont nos entreprises ont besoin ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Dix ans !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme l’a souligné Yves Bur, cette réforme du financement de la protection sociale, les entreprises l’attendent, dans le secteur de l’industrie, notamment de l’automobile, comme l’a rappelé Gérard Voisin, mais aussi dans le secteur de l’agriculture et dans tous les autres secteurs. Les entreprises l’attendent pour améliorer leur compétitivité, se développer, exporter, embaucher.

S’agissant du ciblage, notre choix est le bon. Je voudrais insister sur ce point et prendre le temps de quelques explications.

L’allégement de la cotisation famille bénéficiera à plus de 80 % aux salaires supérieurs à 1,4 SMIC. Il complète ainsi les allégements généraux sur les bas salaires dont 90 % sont concentrés sur les salaires inférieurs à 1,4 SMIC. Pour résumer, les allégements bas salaires sont presque entièrement concentrés entre 1 et 1,4 SMIC ; la baisse du coût du travail que nous vous présentons sera, elle, concentrée entre 1,4 et 2,1 SMIC. Nous nous attaquons ainsi à une tranche de rémunération aujourd’hui très lourdement taxée, ce qui pénalise les entreprises qui recrutent et emploient notamment des ouvriers qualifiés et des agents de maîtrise.

En ciblant les salaires moyens, compris entre 1,4 et 2,4 SMIC, soit entre 1 500 et 2 600 euros nets, nous faisons ainsi un choix qui permet d’assurer le meilleur équilibre entre création d’emplois et hausse de la compétitivité. C’est un choix favorable à l’ensemble des secteurs exposés à la concurrence internationale, en premier lieu à l’industrie, puisque notre barème permet d’alléger le coût du travail de 3,3 milliards d’euros dans ce secteur, soit 25 % de l’allégement global. C’est deux fois la part de l’industrie dans la valeur ajoutée française. C’est donc un avantage deux fois plus important que son poids ! Et je remercie M. Piron d’avoir noté judicieusement qu’aux 25 % de la mesure directement attribuable à l’industrie, il faut ajouter les allégements qui bénéficieront aux services externalisés par les entreprises industrielles, notamment tout le secteur des services aux entreprises et le secteur des transports.

Oui, l’industrie bénéficiera largement de la mesure,…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Mais non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …puisque 80 % des salariés de l’industrie perçoivent moins de 2,4 SMIC. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Alors, c’est vrai, nous aurions pu faire le choix de ne pas du tout baisser le coût du travail sur les salaires au niveau de 1,4 SMIC, et, en compensation, de le baisser pour les salaires supérieurs à 2,4 SMIC, par exemple jusqu’à trois SMIC. Cela aurait privilégié les services, notamment les services financiers et bancaires, puisque le salaire moyen dans la banque est autour de 3 SMIC. Mesdames et messieurs les députés, et vous, monsieur Terrasse, qu’auriez-vous dit, alors, en constatant que ce choix aurait d’abord profité au secteur financier et aux banques, dont 55 % de la masse salariale correspondent à des salaires de plus de 2,4 SMIC, contre seulement 31 % dans l’ensemble du secteur privé et 35 % dans l’industrie ? M. Eckert devrait relire le rapport du rapporteur général Gilles Carrez, c’est toujours une bonne lecture : notre mesure n’est pas un cadeau fait aux banques, c’est un propos mensonger !

J’ajoute qu’au-delà de l’industrie, notre barème couvre aussi très largement les secteurs de l’agriculture et des transports, également soumis à une vigoureuse concurrence internationale, mais encore la recherche et le développement ainsi que les services aux entreprises, eux aussi soumis à une concurrence intense.

Notre choix est aussi très favorable aux PME et aux très petites entreprises puisque le barème retenu permet de leur donner un avantage plus important qu’aux grands groupes.

M. Pascal Terrasse. Et aux travailleurs indépendants ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il fait en effet bénéficier les TPE d’un allégement de 2 milliards d’euros et les PME de 6,2 milliards d’euros, soit près de la moitié de l’allégement global décidé. Exclure de la réforme les salaires inférieurs à 1,6 SMIC serait donc extrêmement préjudiciable aux très petites entreprises. Or, on le sait, ce sont d’abord elles qui créent l’emploi en France.

Et je veux le dire à tous ceux qui s’interrogent, comme M. Garrigue et M. de Courson, cette mesure, c’est, à terme, 100 000 créations d’emplois. Les économistes le reconnaissent,…

M. Dominique Baert. Pas tous !

Mme Sandrine Mazetier. Des noms !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …baisser le coût du travail a un impact positif sur l’emploi.

M. Pascal Terrasse. Vous aviez dit la même chose au sujet de la TVA dans la restauration !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Une étude récente de la DARES et de la direction générale du Trésor estime que les allégements Fillon mis en place entre 1993 et 1997 ont permis de créer ou sauvegarder entre 200 000 et 400 000 emplois.

Oui, mesdames et messieurs les députés socialistes, il faut le dire et le répéter : tous les économistes sont d’accord sur l’impact en termes de création d’emplois. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Catherine Quéré. C’est faux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et vos propositions de raboter les allégements sur les bas salaires et d’augmenter les cotisations patronales vieillesse de 5 milliards d’euros pour revenir sur la réforme des retraites détruiront des dizaines de milliers d’emplois marchands.

M. Pierre-Alain Muet. Vous êtes les champions des destructions d’emplois !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il y a deux programmes : le nôtre, qui consiste à baisser le coût du travail, et le vôtre, qui veut l’augmenter, un programme qui crée de l’emploi et un programme qui détruit de l’emploi.

M. Pierre-Alain Muet. Quand nous étions au pouvoir, nous avons créé deux millions d’emplois en cinq ans !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ajoute, en réponse à votre question sur les heures supplémentaires, monsieur Mallot, que l’exonération de la cotisation famille n’aura pas d’impact sur les exonérations patronales TEPA qui, comme vous le savez, sont calculées sans référence aux taux de cotisation nominaux, soit 0,50 euro ou 1,50 euro par heure, selon la taille de l’entreprise.

M. Jean Mallot. Ce n’était pas ma question !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En ce cas vous me la reposerez, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. En effet !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous ne pouvez pas, comme votre collègue Muet, considérer comme une hausse d’impôt la baisse des charges patronales compensée par une hausse de TVA et de CSG car il s’agit d’un transfert de fiscalité…

M. Dominique Baert. Mais ce ne sont pas les mêmes fiscalités !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …vers la sphère sociale qui n’augmente pas les prélèvements obligatoires globaux. Il n’y aura pas un euro supplémentaire dans les caisses de l’État…

M. Pierre-Alain Muet. Vous allez casser la croissance sans gagner un seul euro !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Merci de le reconnaître, monsieur Muet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. Il n’a pas dit ça !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En plus, les effets seront dissymétriques et en faveur de la croissance.

M. Pierre-Alain Muet. Demandez à Nicolas Sarkozy ce qu’il en pensait en 2004 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. D’un côté, et je le dis à Marietta Karamanli, la hausse de la TVA ne concerne que 40 % des produits consommés par les ménages ; de l’autre, l’ensemble des produits fabriqués en France verront leurs coûts de production baisser car dans le contexte concurrentiel que nous connaissons, les entreprises auront toutes les raisons de répercuter la baisse des coûts de production sur leurs prix hors taxes, contrairement à ce qu’affirme M. Gille. Dans l’ensemble, les prix devraient très peu augmenter, voire pas du tout, cela a été constaté en Allemagne et au Danemark.

M. Jean Mallot. Lisez la page 52 du rapport Bur !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais, comme M. Emmanuelli ou M. Mallot, certains refusent de l’entendre !

M. Jean Mallot. Rapport Bur !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais il y a encore pire : M. Cahuzac pense que l’augmentation des salaires peut annuler la baisse des charges. Il ne voit pas que c’est l’inverse qui va se produire car les baisses de charges vont permettre aux entreprises d’augmenter leurs parts de marché…

M. Pierre-Alain Muet. Demandez aux services de Bercy ce qu’ils en pensent !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …et donc de se développer, d’investir, d’embaucher et à terme de mieux partager la valeur ajoutée ainsi crée et par conséquent d’augmenter les salaires.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Demandez aux travailleurs de la restauration s’ils ont été augmentés !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je rassure Yves Vandewalle, qui soutient cette réforme : le bénéfice des baisses de charges ira d’abord aux chômeurs et aux salariés car les entreprises seront plus solides. Cette réforme est donc globalement favorable à la croissance et à l’emploi. D’autres pays l’ont montré et, comme l’a très justement rappelé M. de Courson, le bénéfice de réformes semblables est tel qu’on a vu des partis d’opposition et des partis majoritaires se rassembler pour les porter, notamment en Allemagne.

M. Jean-Claude Sandrier. Il fallait le faire il y a dix ans !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est vrai qu’il y a un fossé entre le socialisme français et le socialisme allemand.

M. Christian Vanneste. Très bien ! Stop aux marxistes !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le président Méhaignerie l’a très bien souligné et ce sera le mot de la fin : cette recherche de l’équilibre des finances publiques et les mesures de compétitivité que vous présente le Gouvernement sont non seulement déterminantes pour l’économie et pour l’emploi mais aussi, à terme, parce que c’est la croissance qui le permet, pour le financement et la sauvegarde de notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Raymond Durand. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, je serai relativement bref à la fois pour soulager la présidence, pour apaiser bien sûr les esprits…

M. Jean Mallot. Si vous croyez nous endormir avec des promesses, vous vous trompez ! (Sourires.)

M. François Baroin, ministre. …et pour favoriser dans l’heure et demie qui vient, d’ici la prochaine séance, l’entrain du rapporteur général qui, lui, sait respecter les traditions et qui a une fleur dans le cœur que nul ne saurait cueillir… puisque c’est aujourd’hui la Saint-Valentin. (Mouvements divers.)

M. Dominique Baert. Mme Pécresse est partie ! (Sourires.)

M. François Baroin, ministre. Ce message personnel visait à expliquer que certains ont des obligations tout à fait valables qui justifient une intervention raccourcie de la part du ministre des finances.

Néanmoins, je répondrai brièvement à quelques orateurs.

Je tiens d’abord à m’adresser à toutes celles et tous ceux qui ont, dans un mouvement généreux et solidaire, accompagné le soutien à l’action du Gouvernement dans cette importante politique de réforme du financement de la protection sociale. Ce n’est pas le cas du président Cahuzac, mais il a rappelé à juste titre que le fait majoritaire doit toujours s’imposer. À ce propos, je me dois de dire aux honorables parlementaires ici présents que les tours de passe-passe – ceux d’hier à la commission des finances et ceux, un peu plus dilatoires, à travers la défense d’une motion référendaire, contestée par le candidat socialiste lui-même, sur les sujets proposés – donnent un peu le vertige, un peu le tournis et quelque part un sentiment de malaise. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. La motion n’avait rien de dilatoire !

M. François Baroin, ministre. Mais cela n’a empêché ni le Gouvernement de vous présenter ce projet de loi, ni l’opposition de faire des moulinets et de brasser du vent, ni la majorité d’apporter son soutien plein et entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est bien ce que l’opposition publique retiendra du début de nos travaux.

M. Jean-Claude Sandrier. Le soutien de votre majorité ne vous a pas empêché d’être minoritaire en commission !

M. Jean Mallot. Pour l’instant, c’est vous qui brassez du vent, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Monsieur Mallot, seul M. le ministre a la parole.

M. François Baroin, ministre. Je ne reviendrai pas sur les arguments développés en matière de compétitivité. De ce point de vue, toutes celles et tous ceux qui, notamment à gauche de l’hémicycle, ont affirmé que ce n’est pas le coût du travail qui fait la compétitivité allemande commettent une erreur d’analyse. Savent-ils, par exemple, que les employeurs français paient sur un salaire vingt-deux points de charges de plus que les employeurs allemands ? Comment dès lors nier qu’il y a un handicap majeur pour notre compétitivité ? Cette seule référence suffit à montrer que le chemin proposé est un chemin de cohérence.

M. Jean-Claude Sandrier. Les cotisations sociales ne sont pas obligatoires en Allemagne ! Voulez-vous cela en France ?

M. François Baroin, ministre. Je ne reviendrai pas non plus sur votre intervention, monsieur Muet. Nous avons eu d’autres occasions par le passé, et nous en aurons d’autres à l’avenir, je n’en doute pas, d’échanger sur les risques inflationnistes. Valérie Pécresse a évoqué, avec beaucoup de talent, le double effet de baisse des charges et d’augmentation de la TVA, et je rappelle que 60 % des produits consommés en France ne seront pas concernés. Le double effet ne portera que sur 10 % du total des produits consommés dans notre pays. Je tiens à dire à la représentation nationale que les nouvelles mesures ne concerneront pas non plus la baguette de pain ou les produits de première nécessité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse et M. Dominique Baert. C’est déjà fait !

M. François Baroin, ministre. Je le rappelle parce que certains, dans un élan quelque peu abusif, font campagne sur les marchés sur le thème : « Votez Hollande parce que, avec la droite, la baguette de pain va augmenter. » Si elle augmente, c’est lié à l’évolution du coût net des matières premières et en aucune façon aux mesures proposées par le Gouvernement et surtout pas à cette réforme du financement de la protection sociale.

M. Pascal Terrasse. Parlez-en au syndicat des boulangers !

M. François Baroin, ministre. Je ne reviendrai pas non plus sur l’excellente démonstration effectuée par Charles-Amédée de Courson sur la problématique de la TVA et sur la réalité du coût du transfert. Il s’agit bien d’un transfert et non pas d’autre chose.

Quant à M. Eckert, il a essayé d’effrayer un peu nos concitoyens en indiquant que tous les prix vont augmenter : l’électricité, le gaz, les carburants… Si vous ne voulez pas que l’électricité augmente, mesdames, messieurs de l’opposition, il faut changer le programme socialiste qui remet en cause le parc nucléaire. S’agissant du gaz, il faut rappeler que les tarifs réglementés ont été maintenus par le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et en ce qui concerne les prix des carburants, vous devriez plutôt expliquer aux Françaisles bienfaits de la régionalisation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers qui permet, notamment aux régions que vous dirigez, de moduler à la baisse les tarifs de cette taxe, ce qu’elles ne font pas et nous le regrettons vivement une fois encore, devant vous. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Mallot. Ne pouvez-vous pas tenir un raisonnement cohérent ? Il ne manque que les 35 heures !

M. François Baroin, ministre. Je voudrais juste, en m’approchant de la conclusion pour tenir l’engagement que j’ai pris à l’égard du rapporteur général (Exclamations sur divers bancs), évoquer la TTF, la taxe sur les transactions financières, car un certain nombre de contre-vérités ont été développées ici ou là – sur ce sujet comme sur tant d’autres. Ce n’est pas la réplique du stamp duty britannique. Il est vrai qu’elle s’en inspire,…

M. Pierre-Alain Muet. Non, son taux sera quatre fois moindre !

M. François Baroin, ministre. …mais il faut savoir prendre les bonnes idées chez nos partenaires. Ainsi, Londres ne critiquera pas cette initiative française qui a trouvé à bonne source, c’est-à-dire du côté de la City, une forme de taxation sur les transactions financières. Monsieur Muet, nous n’avons pas repris la totalité du dispositif britannique, nous n’avons pas calqué ce que fait la City à l’égard de son industrie financière.

La TTF française aura un champ beaucoup plus large que le stamp duty. Elle n’exonérera pas, par exemple, le compte propre des banques, vous le savez, et elle frappera le trading à haute fréquence, ce qui n’est pas le cas en Angleterre. J’ajoute qu’elle frappera les CDS souverains à nu, ce qui constituera aussi un élément de lutte contre la spéculation excessive sur les titres d’État. Vous avez également évoqué les produits dérivés. Il y doit y en avoir 4 000 à 5 000 à travers le monde, et la difficulté de ce marché, c’est qu’il fonctionne très largement de gré à gré. Mais, dans le cadre de la préparation d’une directive européenne, nous travaillons sur le sujet et la France poursuit des discussions avancées au sein du G20 pour que la pertinence d’une taxe qui toucherait les dérivés soit envisagée à l’échelle mondiale. C’est à cette condition que nous serons véritablement efficaces s’agissant de la spéculation excessive sur des marchés qui sont évidemment eux-mêmes excessifs par le volume et la rapidité de leurs échanges.

M. Dominique Baert. Il faut aussi tenir compte des chambres de compensation.

M. François Baroin, ministre. Par ailleurs, la TTF n’est pas non plus le retour à l’impôt de bourse. Je vous rappelle, monsieur Muet, que celui-ci concernait les opérations réalisées par un intermédiaire financier établi à Paris et qu’il incitait à la délocalisation car, vous le savez pertinemment, il suffisait de faire appel à un intermédiaire étranger pour contourner le dispositif. C’est la raison pour laquelle l’impôt de bourse rapportait quatre fois moins…

M. Pierre-Alain Muet. Parce qu’il était plafonné !

M. François Baroin, ministre. …que la taxe sur les transactions financières que nous proposons. J’ai sur ce sujet répondu par là même à M. Eckert.

Quelques mots de cadrage économique. M. Goua nous a répété, lui aussi, que nos prévisions étaient irréalistes.

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. Christian Jacob. N’interrompez pas, monsieur Mallot, ça va vous instruire !

M. François Baroin, ministre. C’est tout de même un comble de ne pas écouter le candidat socialiste expliquer ce matin, sur une chaîne de télévision, qu’il est contre le référendum, tout en défendant l’après-midi une motion référendaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et tout en constatant que les prévisions du Gouvernement en matière de croissance pour la loi de finances 2012 sont exactement les mêmes que celles du candidat socialiste ! Je vous pose une question, mesdames, messieurs les députés de l’opposition : nous, nous écoutons le candidat socialiste, mais vous, l’entendez-vous parfois ? (Mêmes mouvements.)

Pour conclure, je rappelle une fois encore que ce collectif n’est pas un troisième plan de rigueur puisqu’il ne s’agit pas d’affecter l’augmentation de la TVA ou les deux points supplémentaires de la CSG patrimoine à la réduction de nos déficits et à la consolidation budgétaire, mais de l’affecter au financement du transfert de la protection sociale.

Voilà quelques éléments de réflexion à partager avec vous tous. Je remercie l’ensemble des orateurs qui ont soutenu le Gouvernement. Sachez qu’il l’apprécie, cela nous va toujours droit au cœur. Quant à vous, membres de l’opposition, sachez que nous allons entrer désormais dans quelques jours de discussion qui, je l’espère, nous éloignerons des tours de passe-passe du début de la semaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)