Accueil > Union européenne > Commission des affaires européennes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires européennes

mercredi 8 février 2012

16 h 15

Compte rendu n° 240

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Communication de M. Philippe Cochet sur le brevet unitaire (E 6205 et E 6206)

II. Communication de M. Philippe Cochet sur la politique européenne de la recherche (E 6898, E 6899 et E 6900)

III. Communication de Mme Odile Saugues et M. Gérard Voisin sur le Livre blanc Transport et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution de créneaux horaires dans les aéroports de l’Union européenne

IV. Communication de Mme Odile Saugues sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles communes en ce qui concerne l'attribution des créneaux horaires dans les aéroports de l'Union européenne (E 6915)

V. Communication de Mme Marietta Karamanli sur le règlement extrajudiciaire et sur le règlement en ligne des litiges dans le domaine de la consommation (respectivement E 6893 et E 6894)

VI. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 8 février 2012

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 20

I. Communication de M. Philippe Cochet sur le brevet unitaire (E 6205 et E 6206)

M. Philippe Cochet, rapporteur. Monsieur le Président, mes chers collègues, le 1er mars dernier, je vous avais présenté une première communication relative au brevet unitaire européen, sur la base d’une proposition de décision du Conseil autorisant l’amorçage d’une coopération renforcée. Ce texte ayant été approuvé par le Conseil compétitivité, nous sommes aujourd’hui saisis de deux propositions de règlement : la première tend à mettre en œuvre concrètement cette coopération renforcée ; la seconde vise à fixer le régime linguistique du dispositif.

Rappelons tout d’abord que les deux systèmes de délivrance de brevets coexistant à ce jour répondent très imparfaitement à l’exigence de favoriser l’innovation.

D’un côté, une entreprise ou un particulier peut protéger ses découvertes dans un pays en effectuant des démarches auprès du service national de la propriété intellectuelle.

De l’autre, à partir d’une demande rédigée en anglais, en allemand ou en français, l’Office européen des brevets (OEB) peut délivrer un groupe de brevets nationaux. Ce second système reste toutefois complexe, source d’insécurité juridique et coûteux car les inventeurs désireux de déposer un brevet dans plusieurs pays restent tenus de le traduire dans chacune des langues nationales concernées.

Cette absence de dispositif unifié de protection de la propriété intellectuelle entraîne un surcoût important pour les entreprises. Le montant moyen des frais de validation, de traduction et de publication d’un brevet européen s’élève à 32 000 euros s’il est délivré pour toute l’Union européenne, soit environ vingt fois plus que pour un brevet déposé aux Etats-Unis ou au Japon.

Résultat, la plupart des inventions européennes ne sont brevetées que dans un nombre très restreint de pays, ce qui nuit à la compétitivité de l’économie européenne ainsi qu’à la diffusion de la connaissance, à l’innovation et à la croissance, objectifs figurant au cœur de la stratégie Europe 2020 et de la philosophie du marché intérieur.

Le projet de brevet unique, opposable dans tous les Etats membres, dont la France a toujours été l’une des promotrices, a suivi une genèse mouvementée. L’idée germe dès 1975, avec la signature de la convention de Luxembourg ; celle-ci n’entrera cependant jamais en vigueur et inaugure une série de tentatives avortées, qui échoueront toutes sur l’écueil du régime linguistique, rendant l’unanimité impossible.

La décision du Conseil autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire enclenche donc une petite révolution.

En décembre 2010, douze Etats membres ont réclamé à la Commission l’instauration d’une coopération renforcée en vue de créer une protection unitaire par brevet. Ils ont rapidement été rejoints par tous les autres Etats membres, à l’exception de l’Italie et de l’Espagne, qui campent sur leur position critique vis-à-vis du régime linguistique envisagé. Le brevet unitaire remplit toutes les conditions juridiques imposées dans les traités pour justifier l’engagement d’une procédure de coopération renforcée – je n’y reviendrai pas car je les avais énumérées en mars dernier.

Voici les principes directeurs du nouveau dispositif : la protection unitaire sera facultative et coexistera avec les brevets nationaux et le brevet européen, ce qui permettra aux entreprises d’adopter la formule la plus adéquate en fonction de leur stratégie commerciale ; une fois enregistré, l’effet unitaire offrira une protection uniforme et aura une portée identique dans l’ensemble des Etats membres participants à la coopération renforcée ; un brevet unitaire européen ne pourra être délivré, transféré, annulé ou éteint que pour l’ensemble de ces Etats pris en bloc.

La gestion administrative des brevets à effet unitaire – traitement des demandes, inscription au registre européen des brevets, gestion des traductions, collecte et redistribution des redevances annuelles – sera confiée à l’OEB, qui a traité 235 000 demandes de brevet en 2010 et est régulièrement classé premier parmi les cinq principaux bureaux de brevets mondiaux dans les sondages réalisés auprès des professionnels à propos de la qualité des titres délivrés.

Le régime linguistique retenu est celui qui avait les préférences de la France. Il conciliera simplicité et bon rapport efficacité/coût, tout en répondant aux impératifs de sécurité juridique et en préservant la diversité linguistique, notamment l’usage du français : le traitement, la délivrance et la publication seront effectués dans l’une des trois langues de travail de l’OEB – anglais, allemand et français –, les revendications étant traduites dans les deux autres.

En outre, j’insiste sur le fait que cette coopération renforcée ne crée aucune discrimination entre inventeurs. La protection unitaire par brevet leur sera ouverte, qu’ils soient ressortissants de l’un des vingt-cinq co-contractants, ou bien d’Espagne, d’Italie ou de l’un des onze autres membres de l’OEB, ou bien encore d’un pays du reste du monde.

L’esprit est en effet de favoriser l’accès au marché intérieur en développant un raisonnement fondé sur la stimulation scientifique et la diffusion de la connaissance : le titulaire d’une protection par brevet bénéficie en effet d’un monopole des droits d’exploitation de son invention mais il consent, en contrepartie, à ce que celle-ci soit communiquée aux autres acteurs économiques par le biais d’une publication officielle.

Cette « accessibilité universelle », pourrait-on dire, est d’ailleurs un principe de droit international. Au demeurant, les premiers bénéficiaires de ce nouveau dispositif de brevet à effet unitaire seront évidemment les entreprises européennes, en particulier les PME, un inventeur ayant pour première préoccupation de se protéger sur son marché primaire, c’est-à-dire son marché domestique ou continental.

Le 20 décembre 2011, la commission des affaires juridiques du Parlement européen a voté en faveur du premier règlement et donné un avis favorable sur le second, ce qui semblait ouvrir la voie à une adoption définitive des deux textes sous présidence danoise, l’objectif étant que le dispositif soit opérationnel en 2014.

Reste cependant un obstacle de taille. Un accord international est en cours de négociation entre Etats membres en vue de bâtir un système juridictionnel unifié de résolution des litiges, ce qui s’avère nécessaire afin de réduire les coûts et l’incertitude juridique en cas de divergence des interprétations nationales.

Ce volet n’a pu faire l’objet d’un consensus lors du Conseil compétitivité du 5 décembre 2011 car l’hébergement de la juridiction centrale, qui générera des revenus conséquents, est revendiqué par trois villes : Paris, Munich et Rome. L’ensemble du « paquet brevet unitaire » s’en trouve bloqué, une synchronisation entre les trois véhicules juridiques étant indispensable.

Nous ne pouvons que soutenir la revendication française. Localiser le siège à Munich serait contraire à l’esprit européen puisque seraient alors concentrés dans une même ville l’organisme chargé de la délivrance des brevets, l’OEB, et l’instance juridictionnelle compétente pour juger de leur validité. Quant à l’option Londres, la plupart des praticiens y sont défavorables, en raison de la spécificité du droit britannique. Paris, en revanche, place juridique au cœur du continent, présente objectivement tous les atouts requis pour rééquilibrer la carte européenne du système de gestion des brevets.

Après le dernier sommet européen informel, au cours duquel le blocage a été confirmé, les négociateurs du Parlement européen ont décidé de reporter sine die le vote des trois rapports. Le 30 janvier, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne ont toutefois manifesté leur volonté de donner un dernier coup d’accélérateur aux négociations, en fixant à juin prochain la date butoir pour parvenir à un accord.

Enfin, eu égard à l’esprit de la construction européenne et aux visées du marché intérieur, même une fois le brevet unitaire devenu opérationnel, il sera indispensable de redoubler d’efforts pour intégrer l’Italie et l’Espagne. C’est seulement alors que le dossier législatif du brevet européen à effet unitaire pourra être refermé.

Puis la Commission a adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne, notamment ses articles 3, paragraphe 3 et 20,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 118 et 326 à 334,

Vu le traité de coopération en matière de brevets, notamment son article 45, alinéa 1,

Vu la convention sur la délivrance de brevets européens, notamment son article 142,

Vu les demandes présentées à la Commission européenne par l’Allemagne, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suède, par lettres des 7, 8 et 13 décembre 2010,

Vu la décision du Conseil du 10 mars 2011 autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire (2011/167/UE),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire (COM (2011) 215/no E6205),

Vu la proposition de règlement du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction (COM (2011) 216/no E6206),

1. Rappelle qu’elle juge indispensable de doter l’Union européenne d’un système de brevet à effet unitaire, afin de favoriser l’innovation scientifique et technologique, conformément aux visées de la stratégie Europe 2020 ;

2. Estime qu’une coopération renforcée serait parfaitement appropriée sur ce sujet ;

3. Approuve, en conséquence :

a) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire ;

b) la proposition de règlement du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction ;

4. Soutient la revendication française d’accueillir à Paris la juridiction centrale de résolution des litiges relatifs aux brevets européens ;

5. Insiste sur la nécessité, dans l’esprit de la construction européenne et compte tenu des objectifs du marché intérieur, d’intégrer dès que possible l’Italie et l’Espagne dans le dispositif du brevet unitaire. »

II. Communication de M. Philippe Cochet sur la politique européenne de la recherche (E 6898, E 6899 et E 6900)

M. Philippe Cochet, rapporteur. Monsieur le Président, mes chers collègues, la Commission européenne a présenté un paquet de trois propositions d’actes législatifs européens relatifs au huitième programme-cadre, rebaptisé « programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” » : une proposition de règlement portant établissement d’Horizon 2020 ; une proposition de décision établissant le programme spécifique d’exécution de ce programme-cadre ; une proposition de règlement définissant les règles de participation et les règles de diffusion des résultats.

La commissaire à la recherche et à l’innovation a résumé ainsi la philosophie du programme : « Une nouvelle vision de la recherche et de l’innovation en Europe est nécessaire en ces temps de profonds changements économiques. […] Horizon 2020 stimule directement l’économie et préserve notre base scientifique et technologique et notre compétitivité industrielle pour le futur. »

Ces trois textes, qui s’articulent avec la stratégie Europe 2020 et avec le projet d’Espace européen de la recherche (EER), ont maturé pendant deux ans, sous la conduite de quatre présidences. Ils ont fait l’objet d’une consultation publique de la Commission européenne, qui a suscité plus de 2 000 contributions, ainsi que d’un Livre vert. Vingt-cinq groupes de travail thématiques ont également travaillé sur le contenu. De son côté, le Parlement européen a publié quatre rapports préparatoires.

Par rapport aux PCRD précédents, Horizon 2020 innove à trois niveaux : il regroupe en un programme unique trois initiatives jusqu’à présent séparées, le PCRD, le programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (CIP), et la contribution de l’Union européenne à l’Institut européen d’innovation et de technologie (IET) ; il se concentre sur les défis sociétaux auxquels l’Europe doit aujourd’hui faire face, comme la santé, le développement des énergies propres et l’amélioration des transports ; il élargit l’accès aux financements communautaires, pour l’ensemble des territoires, des entreprises, des universités et des organismes de recherche.

Alors que le 7e PCRD était découpé en quatre programmes spécifiques, Horizon 2020 est rassemblé en un seul programme, organisé autour de trois priorités scientifiques : excellence, primauté industrielle et défis sociétaux.

Premièrement, une science de classe mondiale constitue la base des technologies, des emplois et de la qualité de vie de demain. Pour garantir des recherches scientifiques d’excellence, l’Europe a besoin de former, d’attirer et de retenir des chercheurs de talent, mais aussi de leur procurer des infrastructures optimales. Il est prévu d’attribuer 27,8 milliards d’euros au titre de cette première priorité.

Deuxièmement, pour créer de la croissance et des emplois, l’Europe se doit de susciter un accroissement des investissements privés dans la recherche, particulièrement dans des technologies stratégiques générant de l’innovation, dans les secteurs traditionnels comme dans les secteurs émergents. Horizon 2020 consacrera 20,3 milliards d’euros à cette deuxième priorité.

Troisièmement, la recherche doit tenir compte des préoccupations citoyennes pour obtenir des percées technologiques, qu’il s’agisse du climat, de l’environnement, de l’énergie ou des transports. Les solutions prometteuses doivent être testées, démontrées et expérimentées à grande échelle. A cet effet, 35,9 milliards d’euros de financements sont proposés.

Les trois priorités seront aussi visées à travers des dotations allouées directement à deux organismes communautaires relais : le Centre commun de recherche (CCR) et l’IET.

Le 6 décembre 2011, le Conseil compétitivité a adopté des conclusions reprenant les analyses développées par la Commission européenne dans sa communication relative au « Partenariat pour la recherche et l’innovation », qui aborde aussi bien les partenariats public-public (P2P) que les partenariats publics-privés (PPP) et les partenariats européens d’innovation (PEI), instruments stratégiques de coordination politique de programmes, dépourvus de crédits.

L’enjeu, de taille, doit faire l’objet d’une attention particulière dans un contexte budgétaire aussi tendu que celui que nous traversons : il s’agit de mettre en réseau les efforts scientifiques disséminés sur le continent européen, afin d’éviter deux écueils : la fragmentation et la duplication des recherches.

Dans sa proposition de règlement du 29 juin 2011 fixant le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Commission européenne prévoit d’affecter en faveur d’Horizon 2020, à euros constants de 2011, 87,7 milliards. Ce montant représente une augmentation substantielle par rapport au 7e PCRD, dont le budget pluriannuel s’établira, au terme de son exécution, à quelque 55 milliards d’euros. Mais les années 2007-2013 ont été marquées par une montée en puissance régulière et soutenue des moyens du PCRD ; compte tenu de l’enveloppe globale allouée à Horizon 2020, la courbe de progression devrait être moins pentue que sous le 7e PCRD – on constate d’ailleurs déjà un infléchissement à partir de l’exercice 2012.

Cette augmentation mesurée des moyens financiers procède d’un raisonnement simple, lié à la conjoncture : l’investissement dans la recherche et l’innovation constitue l’une des solutions pour sortir de la crise économique mais les ressources extrêmement contraintes de l’Union ne lui permettent pas de dégager davantage de crédits en faveur de cette politique.

Le système des PCRD donne satisfaction, mais seulement pour les acteurs qui parviennent à gérer la complexité. Les grands organismes de recherche disposent ainsi d’unités spécialisées, ce qui est impossible, a contrario, pour les petites entreprises. Une fraction de l’impact potentiel sur le tissu économique est donc perdue. A cet égard, on peut regretter que la volonté de simplification affichée par la Commission européenne ne se retrouve pas vraiment dans les textes.

Horizon 2020 prévoit que les coûts éligibles directs seront dorénavant pris en charge jusqu’à 100 % pour tous les projets de recherche, ce qui est présenté comme une simplification. Sauf que la notion de « coûts éligibles » n’est pas encore définie et qu’il est par conséquent difficile de se faire une idée des financements futurs. En outre, la Commission européenne se réserve la possibilité, dans son programme de travail, de moduler ce taux entre 0 et 100 % ; il s’agit donc en réalité d’un alignement cosmétique. De surcroît, pour les projets comportant des activités proches du marché, comme l’animation de démonstrateurs, le taux de subventionnement sera ramené à 70 % de la totalité du programme.

Pour ce qui concerne les coûts éligibles indirects, la Commission européenne prévoit de verser un forfait correspondant à 20 % du montant des coûts éligibles directs, mais elle pourrait aussi accorder des dérogations pour tel ou tel projet de recherche. Ce qui est certain, c’est qu’elle exclut de rembourser les coûts indirects aux frais réels, seule méthode acceptable pour garantir la bonne gestion des comptes publics.

Pour la France, l’un des leaders de la recherche européenne, Horizon 2020 revêt un enjeu particulier en termes d’emploi et de perspectives industrielles.

Pour commencer, les propositions de la Commission manquent de précision quant à la gouvernance d’Horizon 2020. Une multitude de détails utiles pour comprendre la façon dont seront déclinées les priorités sont renvoyées à la comitologie, ce qui n’est pas acceptable, dans la mesure où, avec quarante personnes autour de la table, la capacité des représentants aux comités de programme (RCP) à infléchir le dispositif est très réduite.

Ensuite, l’effort financier européen ne doit pas être phagocyté par la démonstration, les prototypes et les mesures d’aide à la mise sur le marché. Pour ne pas se retrouver en panne d’innovation dans quelques années, sur chacune des trois priorités d’Horizon 2020, il faut veiller à trouver un équilibre entre soutien à la recherche fondamentale et à la recherche appliquée.

Enfin, la performance française enregistrée sous le 7e PCRD est relativement honorable mais très variable selon les thématiques. Très prosaïquement, pour que le taux de retour global de la France ne chute pas de façon mécanique à partir de 2014, il importe de faire en sorte que les financements dédiés à nos disciplines fortes – espace, aéronautique, sécurité – soient maintenus à niveau.

L’expérience des PCRD précédents enseigne qu’il est illusoire de songer à remettre à plat l’économie générale de la proposition initiale de la Commission européenne
– déjà le fruit d’un compromis interne assez subtil. Néanmoins, les co-législateurs n’en étant qu’au tout début des négociations, des marges de modification substantielles existent encore sur les questions des critères et des taux d’éligibilité au subventionnement des projets de recherche, des règles de fonctionnement des comités de programme, de la répartition entre recherche fondamentale et recherche appliquée ou encore du niveau des financements dédiés aux disciplines fortes de la France.

En revanche, les propositions très structurantes de création d’un fonds européen des brevets et d’un fonds européen de capital-risque, initialement envisagées dans le cadre d’Horizon 2020 mais abandonnées dans les textes de la Commission européenne, n’ont donc aucune chance d’être réintégrées. Ces deux idées ne sauraient toutefois être définitivement laissées de côté car elles conditionnent aussi les succès futurs de l’innovation européenne, sur laquelle Horizon 2020 met l’accent.

Durant notre prochaine législature, les sujets ayant trait à la recherche et à l’innovation seront au cœur de l’actualité européenne. Je pense, monsieur le Président, que nous pourrons lancer plusieurs rapports d’information. Pour commencer, il conviendra de suivre avec attention les négociations d’Horizon 2020.

La Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 4, alinéa 3, 173 et 179 à 188,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) (COM (2011) 809/no E 6898),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant les règles de participation au programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014 2020) et les règles de diffusion des résultats (COM (2011) 810/no E 6899),

Vu la proposition de décision du Conseil établissant le programme spécifique d’exécution du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014 2020) (COM (2011) 811/no E 6900),

1. Se félicite de l’évolution notable apportée à Horizon 2020 par rapport aux précédents programmes-cadres de recherche et de développement, s’agissant de la prise en compte :

a) de l’innovation, à travers la priorité de primauté industrielle ;

b) des grands enjeux contemporains en matière de santé et de bien-être, à travers la priorité sociétale ;

2. Souligne la nécessité d’optimiser la politique de partenariat entre l’Union européenne, les Etats membres et les acteurs publics et privés de la recherche, dans un souci d’efficacité scientifique et d’économie budgétaire, afin d’éviter les écueils de la fragmentation et de la duplication des recherches ;

3. Prend acte du souci de la Commission européenne de simplifier le système et les procédures de financement de la recherche européenne mais considère que les mesures proposées à cet effet restent inaccomplies voire inappropriées, eu égard :

a) à l’incertitude pesant sur le taux de subventionnement effectif des coûts éligibles directs, surtout pour les projets comportant des activités proches du marché ;

b) au renoncement à subventionner aux frais réels les coûts éligibles indirects et au flou de la notion de « barèmes de coûts unitaires » ;

4. Souhaite que des clarifications soient apportées à la proposition de la Commission quant aux critères d’éligibilité des projets de recherche et aux règles de fonctionnement des comités de programme ;

5. Recommande également que soit mieux explicitée la façon dont seront répartis les moyens entre recherche fondamentale et recherche appliquée, notamment pour ce qui concerne les priorités primauté industrielle et défis sociétaux ;

6. Plaide pour que soient maintenus à niveau les financements dédiés aux disciplines fortes de la France, particulièrement dans les secteurs de l’espace, de l’aéronautique et de la sécurité ;

7. Regrette que les propositions de création d’un fonds européen des brevets et d’un fonds européen de capital-risque, initialement envisagées dans le cadre d’Horizon 2020, aient été abandonnées et demande que ces projets fassent l’objet d’études plus approfondies afin de mettre en évidence leur utilité. »

III. Communication de Mme Odile Saugues et M. Gérard Voisin sur le Livre blanc Transport et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution de créneaux horaires dans les aéroports de l’Union européenne

M. Gérard Voisin, co-rapporteur. La Commission européenne a adopté le 28 mars 2011 une communication, intitulé « feuille de route un espace européen unique des transports - vers un système de transport compétitif et économe en ressources », qui constitue le Livre blanc sur les transports.

La lecture de ce document nous a laissé une impression mitigée. Tout d'abord parce que le terme choisi, 2050, apparaît très éloigné et il est probable que les évolutions technologiques majeures ne peuvent pas être prises en compte dans un document à un horizon aussi éloigné. Ceci étant dit, le renouvellement du parc automobile prend une dizaine d'années et il en est de même pour la construction des infrastructures. Or, la dimension environnementale est essentielle dans le travail de la Commission européenne. Il faut néanmoins noter que la Commission européenne procédera à un suivi et à réexamen périodique de ces travaux, ce qui atténue la remarque qui précède.

Les rapporteurs ont peu de critiques à formuler sur les objectifs de la politique de transport voulu par la Commission européenne qui ne peuvent faire que l'unanimité. La réduction drastique des émissions de CO2, l'amélioration de la sécurité routière, l'amélioration du réseau de transport par la création d’axes trans-européens de transport, la lutte contre la congestion urbaine, le développement de l’inter modalité constitue une approche très consensuelle de la politique des transports.

Néanmoins, nous sommes critiques sur trois points essentiels :

- la politique de libéralisation du transport routier, vise à faire baisser les coûts de ce dernier au prix, souvent, d'une « exploitation » des chauffeurs routiers, qui va clairement à l'encontre de l'objectif affiché de promotion de l'intermodalité, car le fer a du mal à rivaliser avec la route ;

- les compétences des Etats doivent être clairement respectées, l'essentiel du trafic sur les routes et les voies ferrées est un trafic national ; il n'est pas complètement évident que le niveau européen soit le plus apte pour définir les travaux devant être réalisés par les autorités nationales ou locales ;

- enfin le coût des infrastructures souhaitées par Bruxelles, plus de 1 500 milliards d’euros sur vingt ans, n'est sans doute pas envisageable dans l'état actuel des finances publiques européennes, nationales et locales. S'il est exact que les infrastructures de transport accompagnent le développement économique, il n'est pas certain, comme l'illustre le cas de certains pays d'Europe du Sud, que la création d'un réseau de TGV ou d'autoroutes soient une condition suffisante à une croissance économique de long terme qui doit d’abord reposer sur la recherche d’activités à forte valeur ajoutée.

L’objectif prioritaire du Livre blanc est de favoriser le développement économique, en renforçant la compétitivité de l’Union Européenne tout en préservant les ressources non renouvelables. Dès lors, si l’enjeu économique domine ce projet, la difficulté réside dans la conciliation, toujours délicate, des objectifs économiques et des impératifs environnementaux et sociaux.

Le diagnostic de la Commission européenne est largement partagé par le parlement et le gouvernement français qui, dans le Grenelle de l'environnement, ont intégré certaines de ses remarques comme l’internalisation des coûts qui a donné lieu à la taxe sur les poids lourds empruntant certains axes. S'agissant de la politique de recherche, la difficulté dans l'élaboration des normes constitue un réel obstacle où la Commission européenne devrait procéder par la voie réglementaire, lorsque les industriels s'avèrent incapables de s’accorder. En effet, la recherche du consensus constitue souvent une faiblesse dans les prises de décision communautaires par, par exemple nous ne disposons toujours pas d'une norme commune pour la recharge des véhicules électriques.

Une autre difficulté, également très réelle, résulte de l'enchevêtrement des compétences entre les différents opérateurs, ce qui retarde considérablement les prises de décision. Le cas du chemin de fer est à cet égard caricatural. La création d'une ligne ferroviaire implique l'accord de réseau ferré de France de l'État, des collectivités locales et de l'Union européenne ainsi que du principal opérateur qui est la SNCF. Il est évident qu'il manque un pilote à cette structure. A défaut de pilote, une planification à long terme constitue sans doute un apport important pour la gestion du système.

La Commission européenne a défini sept domaines d’action dans lesquels des mesures concrètes pourraient jouer un rôle déterminant pour stimuler la conversion du système de transport vers un nouveau modèle: tarification, fiscalité, recherche et innovation, normes d’efficacité et mesures d’accompagnement, marché intérieur, infrastructures et planification des transports

Bien entendu nous ne pouvons que partager ses objectifs, mais avec néanmoins une nuance : dans une démocratie il faut tenir compte des desiderata des citoyens ; or, en particulier en province, il est difficile à nos compatriotes d’abandonner l’usage de la voiture. D’autre part, il ne faut pas que l’Union européenne oublie la nécessité d’une adaptation aux données géographiques. Le réseau de transport en commun ne peut pas avoir la même efficience en milieu urbain ou rural, en plaine ou en montagne.

Parmi les scenarii de la Commission européenne, ceux qui privilégient la composante économique sont sans doute les plus réalistes dans la mesure où la mise en avant de cet objectif devrait s’accompagner de retombées positives dans les autres domaines. Dans le tableau d’analyse d’impact où trois options sont proposées, on voit effectivement que le couplage des intérêts économiques et sociaux est tout à fait possible. C’est plus difficile lorsque l’on essaie de coupler à la fois intérêts économiques, sociaux et environnementaux. D’après ce même tableau, la conciliation des trois s’avère impossible : il faut donc privilégier soit le couple économie-social soit l’option environnementale, l’une ou l’autre de ces options représentant un choix politique. En réalité nous pouvons penser qu’il s’agit d’un faux débat, dépendant d’une vision à plus ou moins long terme.

En effet, à long terme les dépenses générées par les investissements dans les nouvelles technologies, les infrastructures respectueuses de la nature, les véhicules propres, etc, sont vouées à créer des emplois, conduisant, à terme, à une baisse du chômage, une reprise de la croissance et donc un gain économique. Il s’agit donc d’arbitrer entre des dépenses immédiates en vue de gains significatifs par la suite, ou bien entre des économies immédiates synonymes de stagnation économique par la suite.

La Commission européenne a décliné l’objectif général en dix objectifs spécifiques et chiffrés :

1. Assurer le déploiement complet du nouveau système européen de gestion du trafic aérien (SESAR) d’ici 2020 et le déploiement de systèmes équivalents dans les autres modes de transports (ERTMS pour le rail, système de transport intelligent pour la route, services d’information fluviale) ;

2. D’ici 2020, établir le cadre pour un système de transport multimodal intégré (information, achat des tickets, paiement). Diminuer de moitié l’utilisation des voitures conventionnelles dans le transport urbain d’ici 2030 ;

3. D’ici 2050, ces voitures devraient avoir disparu des villes. La logistique dans les principaux centres urbains se ferait d’ici 2030 sans émissions de CO2 ;

4. Mettre en place un réseau central de corridors transeuropéens de transport, multimodaux, d’ici 2030 ;

5. Achever un réseau européen de trains à grande vitesse d’ici 2050. En 2030, la longueur des voies ferroviaires à grande vitesse devrait avoir triplé. D’ici 2050, la majorité des transports passagers de moyenne distance se ferait par rail ;

6. D’ici 2030, faire basculer 30 % du trafic routier de marchandises, sur les distances de plus de 300 kilomètres, vers d’autres modes comme le rail ou la voie fluviale (50 % en 2050) ;

7. D’ici 2050, connecter les principaux aéroports de l'Union européenne au réseau ferroviaire, de préférence à grande vitesse. S’assurer que les principaux ports maritimes soient suffisamment connectés au réseau de fret ferroviaire et, quand c’est possible, au réseau fluvial ;

8. Atteindre les 40 % de carburant faible en émissions dans le secteur aérien d’ici 2050. Diminuer les émissions des carburants maritimes de 40 %, d’ici 2050 également ;

9. Mettre davantage en application le système de « l’utilisateur payeur » et du « pollueur payeur », ainsi qu’une plus grande implication du secteur privé, pour éliminer les distorsions entre les modes, générer des revenus et s’assurer de financements pour les investissements futurs ;

10. D’ici 2020, diminuer de moitié le nombre de blessés sur la route et parvenir à un taux proche de zéro d’ici 2050. Faire de l'Union européenne un « leader mondial » en matière de sécurité et de sûreté des transports aérien, ferroviaire et maritime.

Mme Odile Saugues, co-rapporteure. Pour mener à bien la réalisation de ce programme, le principe de subsidiarité devra présider à l’exécution des mesures préconisées.

Le niveau réglementaire doit indéniablement être celui de l’échelon européen. En effet, l’harmonisation des réglementations, du droit, des choix de transports, est la condition indispensable à la réussite du projet et au dynamisme de l'Union européenne. Néanmoins, la notion de concurrence loyale implique une harmonisation des règles sociales en Europe et la fin des abus liés à la notion de détachement (en particulier dans le secteur aérien).

En outre, le fait de disposer du pouvoir législatif n’autorise pas la Commission européenne à intervenir dans des domaines qui relèvent de la compétence des Etats. Nous avons par exemple dénoncé dans d’autre travaux les propositions de la Commission en matière de pouvoir de police (contrôle d’alcoolémie) ou d’organisation des secours (cf. rapport sur les systèmes intelligents de transports). Mais surtout l’Union européenne ne doit pas chercher à imposer aux Etats par la voie réglementaire des priorités définies par elle, sous couvert des réseaux européens de transport. Les tracés ne peuvent que résulter d’un accord entre financeurs.

Le document reprend en partie les positions de la France, arrêtées dans le cadre du Grenelle de l'environnement, sur des thèmes essentiels tel que le report modal, les systèmes de transport intelligents, la décarbonisation des transports maritimes et aériens ainsi que les déplacements urbains.

Néanmoins les travaux de la Commission européenne ont suscité des réserves du Gouvernement français, que nous partageons pleinement sur les points suivants.

Nous soutenons l'objectif de réduire très fortement le niveau des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports. C'est un élément essentiel pour la lutte contre le changement climatique et l'avenir de notre planète qui doit permettre de renforcer la compétitivité de l'Union en lui permettant de s'imposer comme l'espace le plus avancé en matière de technologies et de transports propres.

L'objectif de réduction de 60 % d'ici 2050 affiché par la Commission fournit une perspective utile. Toutefois, il serait indispensable d'évaluer précisément les moyens de l'atteindre et ses conséquences socio-économiques. En outre, cet objectif ne saurait guider à lui seul la politique européenne des transports.

Le caractère parfois très ambitieux de certains objectifs spécifiques énoncés dans le Livre blanc, ainsi que des hypothèses qui sous-tendent leur définition, posent la question de la répartition des efforts entre les différents États membres et du niveau de leur mise en œuvre (local, régional, national, européen ou international).

Nous devons plaider également pour une meilleure prise en compte du lien entre la politique des transports et les autres politiques sectorielles. Sans remettre en cause le principe de subsidiarité, d'autres objectifs relevant de politiques publiques complémentaires à celle des transports auraient pu être davantage développés dans le Livre blanc. Je pense, en particulier aux politiques relatives à la planification urbaine, à l’harmonisation des conditions de travail et de rémunération des salariés, à laquelle j’attache une très grande importance, à la santé ou à la qualité de l'air, ces deux derniers points étant intimement liés.

Une évaluation intermédiaire du Livre blanc dès 2015/2016, suivie d’une réévaluation régulière tous les cinq ans, devrait être prévue pour ajuster si nécessaire les objectifs sectoriels et les moyens de les atteindre.

Face à la pluralité des mesures présentées dans le Livre blanc, une hiérarchisation s'avère nécessaire car tout n’est pas immédiatement finançable. Une politique ambitieuse en matière de transport impose aux États membres de porter en priorité leur action sur :

- la recherche et développement ainsi que l'innovation, atout essentiel pour parvenir à un système de transport compétitif et durable ;

- le comportement des utilisateurs, levier d'action peu coûteux qui donne des résultats très « efficients ». De ce point de vue il conviendrait de préciser la notion d' « utilisateur payeur» qui ne doit pas être poussée à un niveau tel qu'il découragerait l'usage des modes les plus respectueux de l'environnement ;

- la définition d'objectifs plus contraignants en termes d'efficacité énergétique et environnementale des véhicules ;

- l'entretien des réseaux existants, leur modernisation et leur sécurisation.

La question la plus importante à nos yeux est celle de la crédibilité du Livre blanc. Nous devons poser la question des modalités de financement des investissements présentés. Les montants annoncés par la Commission (1 500 milliards d'euros sur 20 ans) sont considérables et leur soutenabilité n’est pas analysée suffisamment finement.

Il existe une contradiction majeure entre les ambitions affichées et les règles de rigueur budgétaire dont se dote actuellement l’Union européenne, sous la pression des Etats membres. Dans ce domaine il est évident que la compatibilité des objectifs de rigueur affichés et la réalisation de ces travaux ne peut reposer que sur un financement communautaire par l’emprunt, « les euro-projects » que le Président Baroso appelle de ses vœux. Cette solution étant actuellement rejeté par les Etats il est clair que le Livre blanc est condamné, pour le moment, à ne pas être réalisé, du moins pour sa partie infrastructure.

Les pays périphériques de l'Union européenne ont développé une importante industrie du transport routier, au détriment de pays comme la France Une libéralisation accrue du cabotage créerait une incitation forte, pour les transporteurs routiers des pays où les charges sont les plus élevées, à développer des filiales dans des pays à bas coût pour réaliser des opérations de cabotage dans leur pays d'origine, voire à enfreindre la réglementation en développant des pratiques de travail illégal.

Ces composantes ont été regroupées en trois objectifs majeurs mis en avant pour 2050 : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, une forte diminution du pourcentage de dépendance pétrolière des activités liées aux transports et limiter l’accroissement des encombrements.

Les deux premiers objectifs allant de pair, le plus important nous semble la diminution du pourcentage de dépendance pétrolière des activités liées aux transports, la réduction des émissions de gaz à effet de serre en découlant. Le troisième objectif nous paraît vital mais pas assez ambitieux et surtout en contradiction avec l’ensemble des politiques européennes qui visent à réduire le coût du transport routier en favorisant le « dumping social » des pays de l’Est : on peut saluer le réalisme de son esprit, « limiter » l’accroissement des encombrements, mais pourquoi ne pas viser plutôt la suppression des encombrements et des goulets d’étranglement ? A défaut d’être atteignable cet objectif se révèle plus stimulant, et donc porteur de résultats plus satisfaisants.

En conclusion, ce rapport d’inspiration libérale nous paraît porteur d’un projet constructif et vital au développement de l'Union européenne.

Sa réalisation devrait sans nul doute permettre à l'Union européenne de conserver un rôle majeur sur la scène internationale. Le créneau de la préservation de l’environnement est peut-être le domaine dans lequel l’Union peut se différencier par rapport à ses concurrents asiatiques, trop soucieux pour l’instant de leur croissance pour se préoccuper d’enjeux apparemment périphériques, tels que la préservation de l’environnement. Or, via notamment les normes, cet objectif est dès aujourd’hui essentiel.

M. Patrice Calméjane. Le rapport traite essentiellement du transport mais il est nécessaire d’analyser les politiques complémentaires afin que l’Europe ne se trompe pas d’objectifs.

Compte tenu de l’objectif de faire diminuer globalement la production de CO2 de 60 %, je souhaiterais qu’on rappelle d’une part, les quantités de CO2 émises par l’industrie et le chauffage et d’autre part le niveau de la production de CO2 par l’électricité en France et dans les autres pays, dont certains ont fait des choix énergétiques différents.

On parle beaucoup d’augmenter le nombre de véhicules électriques et de trains, mais il faut tenir compte de la production d’électricité supplémentaire engendrée et, donc de la production supplémentaire de CO2 si on est contraint de faire appel à des centrales électriques fonctionnant aux énergies fossiles. Il n’est pas dans mon intention d’entrer dans le débat pour ou contre le nucléaire, mais il est nécessaire d’avoir une vision d’ensemble.

Nous nous situons dans un monde global comme le montre le fait, comme je l’ai lu récemment, que deux usines chimiques dans l’Est de la Chine polluent autant que 25 millions de voitures moyennes européennes.

Il faut s’interroger pour savoir comment tout cela s’équilibrera. En effet, on va produire des véhicules économes en énergie, mais très coûteux. Faudra-t-il, alors, taxer les véhicules produits dans des pays comme la Chine ou l’Inde, ou en interdire l’importation pour aller vers l’objectif recherché ? Il est essentiel de faire diminuer la quantité de CO2 produite pour protéger la Terre. Mais on risque de ne rien gagner si on fait des efforts chez nous alors que, ailleurs, la production de CO2, croît ou si on augmente notre nombre de véhicules ou notre production d’électricité.

Il est donc nécessaire d’avoir une vision globale sur ces objectifs qui nous entraînent très loin, en 2050, et que je peux approuver. Il importe de ne pas se tromper : ce sera très bien de faire diminuer nos émissions de CO2 mais on n’empêchera pas celui produit ailleurs d’arriver chez nous et de s’accumuler au niveau planétaire. Il faut aussi savoir quelle production d’électricité sera nécessaire. Il faut voir comment s’établira un équilibre d’ensemble au niveau de la planète dans la mesure où la Chine et l’Inde mettent en circulation, chaque année, autant de voitures que la production européenne. Il faut raisonner en fonction de l’échelle des questions et ne pas se ligoter en Europe alors que d’autres pourraient faire n’importe quoi.

Mme Marietta Karamanli. J’interviens en prolongement de M. Calméjane dont je partage l’analyse. Il faut en effet raisonner à long terme et à l’échelle planétaire.

La réalité du terrain me laisse un peu perplexe car il y a de plus en plus de camions sur les routes, du fait du recul du fret ferroviaire, notamment dans la partie Ouest du pays : la SNCF, estimant qu’elle n’y était pas compétitive, s’est tournée vers l’Est.

Sur le terrain, au-delà de ces objectifs et des efforts de l’Europe, c’est le contraire de ce que préconisait le Grenelle 2 qui est en train de se passer. Il faudra certainement repousser ces objectifs au-delà de 2050 et je ne sais pas comment vous pouvez prendre en compte cette réalité française.

Mme Pascale Gruny. Concernant le transport par rail, en France, les études montrent que la distance moyenne de transport est de l’ordre de 80 kilomètres, ce qui ne permet pas d’envisager le remplacement des camions. Il faut donc être réaliste, ces transports seront toujours assurés par des camions, à l’exception des transports sur longues distances qui pourraient être assurés par d’autres modes. Mais on peut espérer que d’autres modes de transports apparaîtront d’ici 2050.

Mme Marietta Karamanli. Les trains express régionaux (TER) existent !

Mme Pascale Gruny. Il faut voir la réalité de notre monde rural où ce sont les camions qui assurent les transports. Des efforts de recherche et d’innovation seront nécessaires notamment sur les problèmes de pollution sur lesquels beaucoup de progrès restent à venir.

Concernant la question du temps de travail des chauffeurs routiers sur lequel j’ai beaucoup travaillé quand j’étais député européen, l’harmonisation n’avance pas vite malgré les directives adoptées en la matière. J’avais demandé que des contrôles soient effectués. Seule, en Europe, la France fait ces contrôles.

Mme Françoise Grossetête, députée européen. Je ne suis pas membre de la Commission Transports du Parlement européen et je ne suis donc pas une spécialiste de ce secteur. Quand on lit que la Commission européenne veut que d’ici 2030, l’usage de la voiture conventionnelle diminue de moitié, il faut prendre en compte les efforts des constructeurs automobiles pour avoir des voitures plus propres. De toute façon, on aura d’ici cette date, des voitures qui consommeront de moins en moins et qui émettront donc de moins en moins de CO2. Il y aura des véhicules électriques et différents types plus légers moins puissants et consommant moins.

Je suis élue dans la région Rhône-Alpes-PACA qui est un nœud de communications. Il faut vraiment arriver à développer le fret ferroviaire pour désengorger la vallée du Rhône et les vallées alpines des poids lourds qui traversent la France du Sud vers le Nord de l’Europe.

Les objectifs sont à l’horizon 2050 et cela peut prêter à sourire mais il faut aller de l’avant et diminuer les rejets de CO2. Toutes les mesures prises vont, juxtaposées, dans le bon sens pour diminuer ces rejets.

La production d’énergie électrique à partir d’énergies fossiles pose des problèmes, c’est pour cela que je suis favorable au nucléaire. On aura besoin des énergies renouvelables mais on doit continuer avec nos centrales nucléaires.

M. Philippe Armand Martin. Je félicite les rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui avance des propositions crédibles, avec un besoin de financement évalué. Mais je rejoins Mme Grossetête pour dire que 2050, c’est loin et qu’il faudrait mieux s’en tenir, d’abord, à 2030.

Je souhaiterais obtenir des informations sur les possibilités du réseau fluvial, mode de transport certes lent, dont vous n’avez pas parlé. Quelles sont ses possibilités ? Quel est son état ? Ne serait-il pas bon de s’en préoccuper pour éviter que l’on prenne, tous les dix ans, l’équivalent de la surface d’un département en terres agricoles pour installer des lignes de train à grande vitesse ?

Mme Odile Saugues, co-rapporteure. Il faut bien entendu articuler la politique des transports avec les autres politiques mais notre rapport ne concerne que le Livre Blanc consacré aux transports.

L’Union européenne est basée sur le principe de la concurrence libre et non faussée, comme j’ai pu m’en rendre compte depuis que je travaille sur ce secteur. On est encore encombré par les transports routiers parce qu’on n’a pas réussi à faire payer les externalisations par ceux qui dégradent les infrastructures. Les opérateurs de transports routiers utilisent des chauffeurs des pays de l’Est sous-payés, travaillant de très longues heures et sans harmonisation fiscale et sociale. Tant que l’on n’aura pas obtenu ces deux harmonisations, sur lesquelles on est tous d’accord, majorité et opposition, on ne pourra rien faire. On le voit dans le transport aérien où RyanAir en joue pour baisser ses tarifs et pratiquer une concurrence déloyale. Et je ne pense pas que l’Europe soit prête à bouger sur cette affaire.

Autre problème : qui doit commencer ? C’est long et très coûteux. Cela me rappelle la taxe Tobin dont on nous disait, pendant des années, que c’était de la folie et la taxe UNITAID sur les billets d’avion à laquelle je n’étais pas favorable mais qui marche quand même un peu.

Nous avons eu une levée de boucliers des opérateurs aériens qui sont assujettis aux quotas de CO2, craignant que des entreprises concurrentes extra européennes se livrant au cabotage n’y soient pas contraintes, faussant de ce fait la concurrence. La question finale, à laquelle je n’ai pas de réponse, est donc de savoir ce que peut faire l’Europe face au monde économique.

M. Gérard Voisin, co-rapporteur. Concernant l’énergie nécessaire, on peut déjà faire beaucoup de choses dans les 38 ans qui nous séparent de 2050. C’est à la fois une période longue mais aussi courte pour modifier notre situation à l’égard de l’énergie fossile qui pose des problèmes environnementaux majeurs. Il ne fait pas de doute que le nucléaire est la seule solution possible pour la production d’électricité qui pourra servir dans tous les modes de transports : ferroviaire, automobile, y compris les poids lourds, et l’aérien peut-être dans le futur. Il ne faut donc pas abandonner le nucléaire ; ce serait une catastrophe.

Concernant les matériels venus d’ailleurs, il faut être conscient du fait que la Chine produit par an 150 TGV quand l’Europe en produit 12. L’avantage présenté par la TVA sociale, que j’appelle TVA antidélocalisation peut être bénéfique pour la France, en particulier dans le secteur automobile.

La rationalisation immédiate peut être possible si on est volontariste, ensemble si possible, mais l’Allemagne par exemple dans le chemin de fer vient d’indiquer qu’elle ne veut pas modifier son système de signalisation pour l’harmoniser avec les autres pays de l'Union européenne parce que cela lui coûterait 4 milliards d’euros.

S’agissant du transport routier, les poids lourds sont en effet très présents sur les portions courtes. Si le ferroviaire était plus efficace en France, au niveau du fret, on pourrait, comme en Suisse, mettre des semi-remorques sur des wagons dans des corridors Nord-Sud, du Bénélux à l’Espagne. Le trafic routier de transit actuel ne nous laisse en effet aucune recette fiscale.

L’utilisation du fret ferroviaire a chuté de façon considérable. Il faudrait une perception différente de la situation entre Réseau ferré de France (RFF) et les transporteurs, dont le transporteur historique, la SNCF et les concurrents à venir. J’ai fait un rapport sur la libéralisation du transport ferroviaire. Il n’est pas normal que la SNCF bloque la situation pour des raisons qu’elle pense notamment sociales. On peut en réalité faire beaucoup mieux tout de suite. Le Président de la SNCF veut la réunion de RFF et de la SNCF séparés en 1995. J’y suis opposé, il faut des voies à péage utilisées par tous les transporteurs, dont la SNCF, sinon il n’y aura pas de concurrence, ni de rationalisation. La SNCF ne peut pas régenter le matériel roulant, les voies ferrés et les gares.

L’harmonisation du temps de travail est souhaitable car il y de réels phénomène d’exploitation pour les transporteurs indépendants qui sont à la merci des transporteurs de l’Est.

L’électricité sera essentielle en 2050. Elle est déjà utilisée maintenant sur des véhicules utilitaires, même pour des tonnages importants et aussi sur les véhicules légers encore captifs aujourd’hui mais qui, demain, ne le seront plus.

Les autoroutes de la mer ont encore peu d’importance. Les ports français sont exsangues. Anvers est le premier port de la France, cela revient moins cher de livrer à Valence en provenance d’Anvers que de Marseille.

Ce Livre blanc était une bonne idée ; il est à échéance surtout lointaine mais peut-être pas tant que ça, compte tenu du fait qu’une génération de véhicule a une durée de vie de l’ordre de dix ans, ce qui en ferait trois.

M. Patrice Calméjane. Un certain nombre de réglementations deviennent obsolètes comme par exemple la poursuite de l’apprentissage de la conduite des véhicules avec des boîtes de vitesses mécaniques alors que les boîtes de vitesses automatiques représentent l’avenir. Compte tenu du poids important des batteries sur un véhicule électrique, il serait justifié de revoir la limite des 3,5 tonnes en matière de permis poids lourds.

M. Gérard Voisin, co-rapporteur. A la récente Foire Expo de Lyon, j’ai vu une foule de véhicules électriques utilitaires y compris des transports en commun. Le poids des batteries est en réalité peu important.

A l’occasion de mon rapport sur le véhicule électrique, j’avais signalé que Renault a freiné son activité en la matière suite à la récente affaire dite d’« espionnage », Peugeot ne s’y intéressant que peu compte tenu de la qualité de leurs moteurs Diesel.

Si la voiture électrique a dû, à partir de 1900, s’incliner devant le faible prix du pétrole, 1995 a été une brisure totale. Il y aune réelle difficulté des constructeurs français à émerger sur ce marché.

J’ai entendu un de nos anciens collègues se déclarer contre les véhicules électriques car utilisant une énergie « sale », le nucléaire. Mais c’est en Allemagne et en Pologne que l’énergie est très majoritairement d’origine carbonée pas en France où elle est d’origine nucléaire à 80 %, d’origine hydraulique à 15 % et 5 % carbonée.

M. Jérôme Lambert. C’est une situation spécifique propre à la France et au Japon. Au niveau mondial, l’électricité est d’origine carbonée à 85 %, ce qui aurait des conséquences en cas de développement mondial des véhicules électriques.

M. Gérard Voisin, co-rapporteur. Etant allé récemment au Japon, à Sendaï, après la catastrophe de Fukushima, j’ai constaté que la population et le gouvernement, après avoir dit « il ne faut plus de nucléaire » sont revenus sur leurs propos dans la mesure où le nucléaire assure 24 % de la production d’électricité et constitue la seule solution , le voltaïque et l’éolien ne représentant rien.

M. Jérôme Lambert. Les Etats –Unis, la Chine ont du charbon, du pétrole, du gaz. Beaucoup de pays ne voudront pas du nucléaire, soit pour des raisons idéologiques doit pour des raisons technologiques.

Les projections les plus optimistes en matière de développement du nucléaire tablent aujourd’hui sur 15 % maximum de la production mondiale d’énergie dans 30 ans. Il y aura un peu d’éolien et de voltaïque mais l’essentiel de l’énergie viendra du fossile que l’on pourra éventuellement décarboner, mais à très grands coûts. Décarboner le pétrole et le charbon avant de le brûler dans de très grandes installations, là est l’enjeu de la planète.

Le développement de la voiture électrique dans les vingt ou trente ans à venir, sauf le cas particulier de la France et un peu le Japon, impliquerait donc des productions énergétiques émettrices de carbone à moins de rêver à de gigantesques champs d’éoliennes.

M. Gérard Voisin, co-rapporteur. Nous ne sommes pas sur le tout véhicule électrique. Mais si on veut revitaliser le fret ferroviaire, il faudra de l’électricité. Une politique énergétique est nécessairement globale, et il faut améliorer les choses là où on peut influer sur les grandes politiques.

IV. Communication de Mme Odile Saugues sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles communes en ce qui concerne l'attribution des créneaux horaires dans les aéroports de l'Union européenne (E 6915)

Mme Odile Saugues, rapporteure. Deux compagnies aériennes viennent de faire faillite durant les quinze derniers jours – Spanair et Malev –, en partie sous la pression d’un remboursement demandé par la Commission européenne au titre des aides d’Etat indues, de respectivement 100 et 200 millions d’euros, soit un an de chiffre d’affaires.

Il n’est peut être pas opportun devant la crise traversée par le transport aérien d’attiser la concurrence.

Le règlement 95/93 sur l’attribution des créneaux financiers a déjà été révisé une première fois le 21 avril 2004 et cette révision a été complétée en 2008 par une communication de la Commission dans laquelle cette dernière précisait, à la satisfaction générale, la manière dont il convenait d’interpréter certaines dispositions du règlement et plus particulièrement la possibilité pour les compagnies aériennes d’échanger des créneaux horaires avec ou sans compensation financière.

La Commission vient de proposer – dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler un « paquet aéroportuaire » – une nouvelle révision du règlement 95/93 incluant l'introduction de mécanismes de marché dans le processus d'allocation des créneaux horaires sur les plateformes européennes, qui prévoit notamment la mise en œuvre d’un véritable marché secondaire, ainsi que diverses mesures techniques s'éloignant des standards internationaux habituels appliqués sur les plateformes situées hors de l'Union européenne Il s’agit notamment de la modification de la règle dite du « use it or lose it » qui garantit à un transporteur de conserver le bénéfice d'un créneau s'il l'utilise 80 % du temps.

La rapporteure note que l’ensemble des compagnies aériennes s’oppose au projet de la Commission et met en avant le fait que le système actuel fonctionne à la satisfaction générale. Ce système a en effet le mérite d’être compatible avec celui en vigueur à l’échelle internationale, fonctionnant sur des principes édictés par IATA, et de permettre une mobilité des créneaux horaires entre transporteurs tout en assurant à ces derniers une continuité dans leur programmation.

Les transporteurs européens défendent en effet le point de vue selon lequel les problèmes limités de saturation des infrastructures au sein de l'Union européenne ne peuvent se résoudre efficacement qu’au travers d’une politique de développement des installations aéroportuaires lorsque cela s’avère nécessaire.

Il est enfin à craindre que l'introduction de mécanismes de marché ne favorise essentiellement les grands transporteurs basés hors de l'Union européenne disposant de moyens financiers importants au détriment en particulier des dessertes régionales ou d'aménagement du territoire au sein de l'Union européenne.

Enfin il nous semble difficilement acceptable que des biens appartenant aux Etats et accordés gratuitement aux compagnies aériennes puissent faire l’objet d’un commerce sans que les Etats n’en bénéficient.

Pour toute ces raisons, nous vous proposons de donner un avis négatif sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles communes en ce qui concerne l'attribution de créneaux horaires dans les aéroports de l'Union européenne (E 6915).

La Commission a rejeté la proposition d’acte communautaire.

V. Communication de Mme Marietta Karamanli sur le règlement extrajudiciaire et sur le règlement en ligne des litiges dans le domaine de la consommation (respectivement E 6893 et E 6894)

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. L’objectif de ces textes est de donner, pour les litiges de consommation transfrontaliers, une alternative facultative au recours juridictionnel, afin qu’il y ait en Europe des modalités efficaces, rapides et satisfaisantes permettant de les régler. Il s’agit également d’aller au-delà des démarches des recommandations de 1998 et de 2001 de la Commission européenne, en la matière. La philosophie de ces propositions législatives est incontestable. Elle a reçu l’approbation du BEUC et de BusinessEurope. Toutefois, celles-ci ne peuvent être adoptées qu’à condition que plusieurs difficultés soient levées.

La proposition de directive prévoit trois types d’obligations. Elle impose aux Etats membres de veiller à ce que les consommateurs aient accès à des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges (REL). Ce sera un progrès, notamment pour les Etats qui n’ont aucun dispositif de médiation. En deuxième lieu, les instances de REL sont soumises à plusieurs exigences, notamment d’impartialité, de transparence, d’efficacité et d’équité. En troisième lieu, les professionnels doivent informer les consommateurs des facultés qui leur sont ainsi offertes.

Le dispositif mérite, en l’état, d’être amélioré selon quatre points de vue. D’abord, les principes de transparence et d’accessibilité des procédures doivent être repris, en particulier pour éviter que les procédures ne soient trop coûteuses. Ensuite, les principes d’indépendance et de légalité figurant dans les recommandations doivent être réintroduits. Le premier pose cependant des difficultés eu égard au développement, et c’est le cas en France, des médiations d’entreprises. Des mesures transitoires doivent par conséquent être introduites. Enfin, deux clarifications sont nécessaires, d’une part sur les délais, afin que le consommateur ne perde pas ses droits au recours contentieux et, d’autre part, pour éviter, en raison des contradictions que cela entraînerait avec le règlement « Rome I » et la convention européenne des droits l’homme, que l’arbitrage ne soit introduit dans les dispositifs de règlement des litiges transfrontaliers.

Pour sa part, la proposition de règlement vise à organiser une plate-forme européenne Internet facilitant la résolution en ligne des litiges, notamment grâce à un formulaire normalisé rédigé dans la langue du consommateur et à la mise en relation de ce dernier avec un facilitateur. Il mérite d’être complété afin que le consommateur soit toujours informé de manière complète sur les tenants et aboutissants de la procédure dans laquelle il s’engage, de même que tel doit être le cas pour la proposition de directive.

Sous les réserves exprimées par la rapporteure, la Commission a approuvé ces deux textes.

VI. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Commerce extérieur

- proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil concernant certaines procédures d'application de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Serbie, d'autre part, ainsi que de l'accord intérimaire entre la Communauté européenne, d’une part, et la République de Serbie, d’autre part (E 7043).

Ø Droit des sociétés

- décision du Conseil modifiant, en ce qui concerne les commissaires aux comptes extérieurs de la Nederlandsche Bank, la décision 1999/70/CE concernant les commissaires aux comptes extérieurs des Banques centrales nationales (E 7042).

Ø Environnement

- règlement (UE) de la Commission établissant, conformément à la directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil, les modalités de calcul des rendements de recyclage des processus de recyclage des déchets de piles et d'accumulateurs (E 6999).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- projet de décision du Conseil concernant le lancement de l'échange automatisé de données relatives aux données ADN à Chypre (E 7040) ;

- projet de décision du Conseil concernant le lancement de l'échange automatisé de données relatives aux données dactyloscopiques à Chypre (E 7041).

Ø Pêche

- recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue de la conclusion d'un nouveau protocole à l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (E 7039).

Ø Sécurité alimentaire

- règlement (UE) de la Commission établissant les spécifications des additifs alimentaires énumérés aux annexes II et III du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil (E 6875).

Ø Transports

- proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre l'Union européenne et la République de Turquie sur certains aspects des services aériens (E 6465) ;

- règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l'aviation civile conformément au règlement (CE) no 216/2008 du Parlement européen et du Conseil (E 6941).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- conseil de direction de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail. Nomination de M. Vincent Jacquet, membre titulaire luxembourgeois, en remplacement de Mme Viviane Goergen, membre démissionnaire (E 7046) ;

- comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs. Nomination de Mme Kristi SUUR, membre suppléant estonien, en remplacement de Mme Carita Rammus, membre démissionnaire (E 7047) ;

- conseil de direction du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP). Nomination de M. Erkki Llaukkanen (FI), membre dans la catégorie des représentants des organisations des travailleurs (E 7051) ;

- conseil de direction de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail. Nomination de Mme Marika Merilai, membre suppléant estonien, en remplacement de M. Tarmo Kriis, membre démissionnaire (E 7052) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre autrichien au Comité des régions (E 7060) ;

- décision du Conseil portant nomination de quatre membres tchèques et de quatre suppléants tchèques du Comité des régions (E 7061) ;

- comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs. Nomination de Mme Vera Bade, membre allemand, en remplacement de M. Gisbert Brinkmann, membre démissionnaire (E 7065) ;

- conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Nomination de Mme Olga Pietruchova, membre pour la Slovaquie, en remplacement de Mme Martina Janikova, membre démissionnaire (E 7066) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre suppléant finlandais du Comité des régions (E 7067) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre suppléant espagnol du Comité des régions (E 7068).

La séance est levée à 17 h 45

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 8 février 2012 à 16 h 15

Présents. - M. Patrice Calméjane, M. Philippe Cochet, M. Guy Geoffroy, Mme Pascale Gruny, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Philippe Armand Martin, M. Jacques Myard, Mme Odile Saugues, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Christophe Caresche, M. Michel Diefenbacher, Mme Marie-Louise Fort

Autre(s) présence(s) : Mme Françoise Grossetête