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N
° 2267

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2234)
de
finances pour 2015

TOME II

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE

PAR M. Paul MOLAC

Député

——

Voir les numéros : 2260-III-3.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2014.

À cette date, la totalité des réponses avait été reçue par le rapporteur pour avis, qui remercie l’ensemble des services du ministère de l’Intérieur concernés.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2015 DU PROGRAMME « VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE » 7

DEUXIÈME PARTIE : L’ENTRÉE EN VIGUEUR EN 2015 DU RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE 13

I. UNE NOUVELLE PROCÉDURE RÉFÉRENDAIRE STRICTEMENT ENCADRÉE PAR LE CONSTITUANT DE 2008 13

A. LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2008 : LA COMPLEXITÉ D’UNE NOUVELLE PROCÉDURE RÉFÉRENDAIRE FAISANT INTERVENIR PARLEMENTAIRES ET CITOYENS 13

B. LES LOIS DU 6 DÉCEMBRE 2013 : LES MARGES DE MANœUVRE LIMITÉES DU LÉGISLATEUR ORGANIQUE 15

1. L’initiative parlementaire 16

2. Un contrôle de recevabilité et de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel 16

3. Les soutiens des électeurs 18

a. La période de recueil des soutiens des électeurs 18

b. Le contrôle par le Conseil constitutionnel des soutiens des électeurs 20

4. L’examen par le Parlement 22

5. La décision du peuple 24

II. LES ENJEUX DE LA MISE EN œUVRE, D’ICI À 2015, DE LA PROCÉDURE RÉFÉRENDAIRE D’INITIATIVE PARTAGÉE 26

A. LA MISE EN PLACE DE DISPOSITIFS INFORMATIQUES AU COÛT NON NÉGLIGEABLE 26

B. LA DÉFINITION DES MODALITÉS CONCRÈTES DE RECUEIL DES SOUTIENS DES ÉLECTEURS 28

1. Le recueil électronique des soutiens 28

2. La présentation des soutiens sur support papier 30

C. LA FIXATION DES MODALITÉS DE CONSULTATION DE LA LISTE DES SOUTIENS 30

D. L’EXERCICE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL D’UNE NOUVELLE COMPÉTENCE 32

III. LES NOMBREUX OBSTACLES À LA TENUE D’UN RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE OBLIGERONT, À TERME, À REVOIR LA PROCÉDURE 33

A. DE MULTIPLES ÉCUEILS À SURMONTER 33

B. UNE PROCÉDURE NÉCESSAIREMENT AMENÉE À ÉVOLUER 36

EXAMEN EN COMMISSION 39

Article 46 : Réforme de la propagande électorale dans le cadre des élections régionales, départementales et des assemblées de Guyane et de Martinique 57

ANNEXE : LOIS DU 6 DÉCEMBRE 2013 PORTANT APPLICATION DE L’ARTICLE 11 DE LA CONSTITUTION 59

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 69

Mesdames, Messieurs,

En 2015, le programme « Vie politique, cultuelle et associative » devrait bénéficier de 303,1 millions d’euros de crédits de paiement, soit près de 11 % des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (1).

Les moyens alloués à ce programme sont toujours directement liés au calendrier électoral : en 2015, année au cours de laquelle auront lieu les élections départementales et régionales, ainsi que l’élection des nouvelles assemblées de Guyane et de Martinique, les crédits dédiés à l’organisation des élections atteindraient près de 236 millions d’euros, soit environ 78 % du total du programme.

Ce montant intègre une économie de 131,5 millions d’euros, liée à la dématérialisation de la propagande électorale aux élections départementales et régionales, prévue à l’article 46 du présent projet de loi de finances. La suppression de l’impression et de l’expédition de la propagande sous forme papier permettrait, en effet, d’économiser 141,5 millions d’euros en 2015, montant dont doivent être déduites les dépenses liées à la mise en place des sites internet hébergeant désormais la propagande électorale (2 millions d’euros) et à l’organisation d’une campagne d’information des électeurs de ces nouvelles modalités (8 millions d’euros).

Toutefois, votre rapporteur pour avis s’interroge sur la pertinence d’une telle mesure et, en particulier, sur l’incidence qu’elle pourrait avoir sur le niveau de participation aux élections prévues en 2015. L’enjeu est d’autant moins négligeable que les élections départementales de mars seront les premières organisées sur l’ensemble du territoire, dans le cadre de cantons entièrement remodelés, tandis que les élections régionales auront lieu, de façon tout à fait inhabituelle, en décembre, dans le cadre de la nouvelle carte régionale en cours d’élaboration.

En conséquence, votre rapporteur pour avis propose que l’article 46 soit supprimé.

Dans le cadre du présent rapport pour avis, votre rapporteur a choisi cette année, après une brève présentation des crédits prévus pour 2015, de s’intéresser à la mise en œuvre du référendum d’initiative partagée, procédure introduite dans la Constitution en 2008, qui entrera – enfin ! – en vigueur au 1er janvier 2015.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2015 DU PROGRAMME « VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE »

Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » devrait bénéficier en 2015 de 302,3 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 303,1 millions d’euros de crédits de paiement, soit une diminution de 3,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME
« VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE »

(en millions d’euros)

 

Exécution
2013

LFI
2014

PLF
2015

Variation
2015/2014

Autorisations d’engagement

151,8

312,3

302,3

– 3,2 % 

Crédits de paiement

150,7

313,0

303,1

– 3,2 % 

● L’essentiel de la baisse des crédits entre 2014 et 2015 s’explique par l’évolution du financement public des partis politiques : l’action « Financement des partis » bénéficierait en 2015 de 58,3 millions d’euros de crédits, ce qui représente une diminution de 15 % par rapport au montant ouvert par la loi de finances initiale pour 2014 (68,7 millions d’euros). L’aide publique aux partis est donc, une nouvelle fois, appelée à participer à l’effort général de maîtrise des dépenses publiques. Rappelons qu’elle avait déjà été diminuée de près de 10 % (soit 7,6 millions d’euros) dans la loi de finances initiale pour 2013 et de 5 % (soit 4 millions d’euros) dans la loi de finances initiale pour 2012.

Les montants qui précèdent s’entendent avant mise en œuvre des modulations financières prévues à l’encontre des partis n’ayant pas respecté les règles de parité entre les femmes et les hommes dans le choix de leurs candidats lors des dernières élections législatives : en pratique, les dépenses réelles sont donc toujours inférieures – de 6,2 millions d’euros en 2014 – aux crédits inscrits en loi de finances.

La ventilation précise de l’aide publique en 2015 dépendra des déclarations de rattachement des membres du Parlement aux différents partis politiques – lesquelles déterminent l’attribution de la seconde fraction de l’aide publique (2). Comme de coutume, ces déclarations de rattachement seront effectuées au mois de novembre, auprès du bureau de chaque assemblée, qui les communiquera, avant le 31 décembre, au Premier ministre.

Depuis 2012, ces déclarations de rattachement sont rendues publiques, pratique décidée par le bureau de l’Assemblée nationale pour ce qui est de notre assemblée et désormais consacrée à l’article 14 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui prévoit leur publication au Journal officiel (3).

Autre modification introduite par cette dernière loi, applicable dès la répartition de l’aide publique versée en 2014 : il n’est désormais plus possible à un parlementaire élu en métropole (4) de se rattacher, pour l’attribution de la seconde fraction, à un parti ayant présenté des candidats uniquement outre-mer. Il est ainsi mis fin aux détournements du mécanisme de financement, qui consistaient à majorer artificiellement la seconde fraction perçue par des partis ultra-marins, avant de la reverser à d’autres partis non éligibles au financement public.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur ces dispositions, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution, le 18 juillet 2014 :

– d’une part, « en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faire obstacle à des rattachements destinés exclusivement à ouvrir droit, au profit d’un parti ou groupement politique, au versement de la seconde fraction de l’aide publique en vertu des règles particulières, applicables dans les seules collectivités d’outre-mer pour l’attribution de la première fraction ; le législateur a également entendu prendre en compte les particularités de la vie politique dans les collectivités d’outre-mer et, en particulier, l’existence de partis et groupements politiques dont l’audience est limitée à ces collectivités ; (…) dès lors, la différence de traitement instituée par la loi est en lien direct avec l’objectif d’intérêt général poursuivi et tient compte de la situation particulière des collectivités relevant de l’article 73 ou de l’article 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie ; (…) par suite, le grief tiré de la violation du principe d’égalité doit être écarté » ;

– d’autre part, « en interdisant que la seconde fraction de l’aide puisse être attribuée à raison du rattachement d’un membre du Parlement, élu dans une circonscription de métropole, à un parti ou groupement politique qui n’a pas présenté de candidat en métropole, le législateur a retenu un critère objectif et rationnel qui ne méconnaît pas l’exigence de pluralisme des courants d’idées et d’opinions » (5) .

Le tableau présenté ci-après récapitule les montants perçus en 2014 par les différents partis politiques, en précisant l’impact des modulations financières liées à la règle de la parité.

Rappelons qu’à compter des prochaines élections législatives, en application de l’article 60 de loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la réduction du financement public en cas de méconnaissance de l’objectif de parité sera renforcée : la modulation financière sera doublée, passant de 75 % de l’écart à l’objectif à 150 % de cet écart (6).

● À un niveau stable par rapport à 2014, l’action « Organisation des élections » bénéficierait en 2015 de près de 236 millions d’euros, ce qui représente plus de 78 % de l’ensemble des crédits du programme.

L’année 2015 sera, en la matière, notamment marquée par :

– l’organisation des élections départementales, en mars 2015 (85,5 millions d’euros). À la différence des anciennes élections cantonales, qui consistaient à renouveler par moitié les conseils généraux, le renouvellement des conseils départementaux sera désormais intégral et concernera donc l’ensemble du territoire ;

– l’organisation des élections régionales, en décembre 2015 (91,7 millions d’euros). Celles-ci interviendront dans le cadre de la nouvelle carte régionale en cours d’élaboration au Parlement (7) ;

– l’organisation des élections en Martinique et en Guyane, en décembre 2015 (4,6 millions d’euros). En application de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011, l’élection de leurs assemblées délibérantes permettra la mise en place des collectivités territoriales uniques destinées à remplacer les conseils généraux et régionaux existants ;

– le paiement de reliquats de dépenses liées aux élections ayant eu lieu en 2014 (26,4 millions d’euros). Il s’agit principalement des remboursements forfaitaires des dépenses de campagne des élections municipales de mars, européennes de mai et sénatoriales de septembre.

● Les autres dépenses du programme « Vie politique, cultuelle et associative » prévues en 2015 sont plus modestes :

– le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques nécessiterait 6,7 millions d’euros de crédits de paiement et 47 équivalents temps plein travaillés (ETPT) ;

– les cultes bénéficieraient d’un peu moins de 1,9 million d’euros de crédits, correspondant à 1,3 million d’euros de subventions et à 660 000 euros de dépenses immobilières ;

– la vie associative mobiliserait 25 000 euros de dépenses d’investissement et 50 000 euros de dépenses de fonctionnement destinées à la maintenance et au développement du répertoire national des associations.

LES AIDES PUBLIQUES AUX PARTIS POLITIQUES EN 2014

I. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions (métropole)

Première fraction

Seconde fraction

TOTAL

Modulation financière liée à la parité (a)

Parti Socialiste

10 027 014 €

15 471 405 €

25 498 420 €

1 259 355 €

Union pour un Mouvement Populaire

6 092 215 €

12 041 600 €

18 133 815 €

3 541 100 €

Front national

4 923 053 €

74 561 €

4 997 614 €

78 420 €

Europe Écologie les Verts

2 086 784 €

1 081 134 €

3 167 918 €

Parti Communiste Français

1 929 380 €

1 006 573 €

2 935 953 €

Union des Radicaux, Centristes, Indépendants et Démocrates

942 519 €

1 379 378 €

2 321 897 €

91 870 €

Parti Radical de Gauche

503 186 €

1 043 854 €

1 547 040 €

123 734 €

Nouveau Centre

520 006 €

521 927 €

1 041 933 €

129 174 €

Le Centre pour la France

502 267 €

335 524 €

837 791 €

117 151 €

Forces de gauche

510 770 €

74 561 €

585 331 €

57 223 €

Debout la République

206 408 €

372 805 €

579 213 €

9 794 €

La France en action (Alliance écologiste indépendante)

139 430 €

139 430 €

22 489 €

Le Trèfle - les nouveaux écologistes

92 083 €

92 083 €

8 109 €

Sous-total I

28 475 114 €

33 403 324 €

61 878 438 €

5 438 419 €

II. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer

Première fraction

Seconde fraction

TOTAL

Modulation financière liée à la parité (a)

Pour la Réunion, de toutes nos forces

41 188 €

37 280 €

78 469 €

Calédonie ensemble

33 882 €

74 561 €

108 443 €

Guadeloupe Unie Socialisme et Réalités

23 586 €

74 561 €

98 147 €

La politique autrement

23 024 €

37 280 €

60 305 €

Démocratie et République

19 660 €

74 561 €

94 221 €

Groupement France Réunion

19 198 €

19 198 €

Parti progressiste martiniquais

17 330 €

111 841 €

129 171 €

10 398 €

Parti communiste guadeloupéen

16 102 €

37 280 €

53 382 €

Réunion avenir, une ambition pour La Réunion dans la France

11 546 €

11 546 €

Parti communiste réunionnais

9 297 €

37 280 €

46 578 €

27 892 €

Tahoeraa huiraatira

8 968 €

149 122 €

158 090 €

26 903 €

Rassemblement pour la Calédonie

8 359 €

8 359 €

Vivre à Schœlcher

7 888 €

7 888 €

Front de Libération de la Polynésie - Tavini Huiraatira no te ao ma’ohi

7 220 €

37 280 €

44 500 €

21 660 €

Le Rassemblement pour la Calédonie dans la République

6 987 €

111 841 €

118 829 €

20 962 €

II. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer

Première fraction

Seconde fraction

TOTAL

Modulation financière liée à la parité (a)

Mouvement indépendantiste martiniquais

5 989 €

74 561 €

80 550 €

17 966 €

Bâtir le pays Martinique

5 985 €

5 985 €

Parti pour la libération de la Martinique

5 081 €

5 081 €

Union pour la démocratie

3 748 €

3 748 €

No Oe E Te Nunaa

3 616 €

3 616 €

Rautahi

2 501 €

2 501 €

Cap sur l’avenir

2 376 €

37 280 €

39 656 €

Force martiniquaise de Progrès

1 579 €

1 579 €

4 737 €

Rassemblement démocratique pour la Martinique

887 €

37 280 €

38 167 €

2 661 €

Te’Avei’A

727 €

727 €

Indépendants de la France de Métropole et d’Outre-mer

710 €

710 €

Mouvement libéral populaire

656 €

656 €

Archipel Demain

536 €

536 €

Sous-total II

288 623 €

932 012 €

1 220 636 €

133 179 €

TOTAL (I + II)

28 763 738 €

34 335 336 €

63 099 074 €

5 571 597 €

(a) Montant qui aurait été perçu en plus par les partis politiques s’ils avaient pleinement respecté les exigences légales en matière de parité entre les femmes et les hommes lors des élections législatives de juin 2012.

Sources : décret n° 2014-111 du 6 février 2014 pris pour l’application des articles 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, modifié par le décret n° 2014-1121 du 2 octobre 2014 ; ministère de l’Intérieur.

DEUXIÈME PARTIE : L’ENTRÉE EN VIGUEUR EN 2015
DU RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit un nouveau type de référendum, qui peut être initié par l’impulsion conjointe de parlementaires et de citoyens. Compte tenu du – long – délai d’adoption des mesures d’application nécessaires, ce « référendum d’initiative partagée » n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2015. Au moment où sont encore en préparation les mesures réglementaires précisant les modalités de participation des citoyens à la procédure, votre rapporteur pour avis a souhaité, dès à présent, apporter des éclairages sur les changements concrets qu’apportera ce nouveau dispositif, financé par les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

I. UNE NOUVELLE PROCÉDURE RÉFÉRENDAIRE STRICTEMENT ENCADRÉE PAR LE CONSTITUANT DE 2008

L’essentiel du mécanisme d’initiative partagée est défini dans la Constitution elle-même, en son article 11, tel que modifié en juillet 2008. Si plusieurs aspects de la procédure ont été, en décembre 2013, précisés par le législateur, ce dernier ne disposait que d’une marge de manœuvre limitée.

A. LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2008 : LA COMPLEXITÉ D’UNE NOUVELLE PROCÉDURE RÉFÉRENDAIRE FAISANT INTERVENIR PARLEMENTAIRES ET CITOYENS

Le référendum d’initiative partagée est issu des recommandations formulées en 2007 par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Édouard Balladur.

Cette recommandation a inspiré plusieurs amendements, déposés à l’Assemblée nationale lors de la discussion, en 2008, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République. En première lecture, ont ainsi été adoptés cinq amendements identiques présentés par MM. Noël Mamère, Arnaud Montebourg, Jean-Claude Sandrier, François Sauvadet et Christian Vanneste, qui reprenaient le texte suggéré par le « comité Balladur ». Un sous-amendement proposé par le rapporteur, M. Jean-Luc Warsmann, alors président de la commission des Lois, a complété ce dispositif, en interdisant l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an et en renvoyant au législateur organique le soin de préciser les modalités de la nouvelle procédure – notamment le rôle du Conseil constitutionnel et le délai d’examen par le Parlement.

Le Sénat a approuvé et complété cette réforme, en particulier en proscrivant tout nouveau référendum sur le même sujet dans les deux ans suivant un résultat référendaire négatif (à l’initiative de M. Michel Charasse) et en ajoutant, à l’article 61 de la Constitution, un contrôle obligatoire de la constitutionnalité de la proposition de loi par le Conseil constitutionnel (par un amendement de la commission des Lois).

En conséquence, à l’issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du  23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, l’article 11 de la Constitution est ainsi rédigé (8) :

« Le président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

« Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat.

« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.

« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

« Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le président de la République la soumet au référendum.

« Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin.

« Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. »

Cette nouvelle procédure a souvent été qualifiée de « référendum d’initiative populaire », ce qui apparaît impropre. En effet, le déclenchement de l’initiative législative relève des seuls parlementaires, les citoyens n’intervenant qu’au soutien de celle-ci. Comme l’avait souhaité, dès 1993, le « comité Vedel », il s’agit de combiner « le vœu d’une minorité parlementaire et celle d’une minorité de pétitionnaires dont le cumul peut conduire à l’arbitrage de la nation elle-même » (9). En conséquence, il est préférable de parler de référendum d’initiative « minoritaire » ou, comme dans le présent rapport, de référendum d’initiative « partagée ».

B. LES LOIS DU 6 DÉCEMBRE 2013 : LES MARGES DE MANœUVRE LIMITÉES DU LÉGISLATEUR ORGANIQUE

Compte tenu du haut degré de précision de la nouvelle rédaction de l’article 11 de la Constitution, le renvoi au législateur organique ne laissait à ce dernier que très peu de latitude quant à la mise en œuvre de la procédure d’initiative partagée : il lui appartenait principalement de :

– définir les modalités de recueil des soutiens des citoyens ;

– préciser les conditions du contrôle confié au Conseil constitutionnel ;

– fixer les délais encadrant les différentes phases de la procédure.

Paradoxalement, il aura pourtant fallu un très long moment pour que la loi organique prévue à l’article 11 de la Constitution soit adoptée et, partant, pour que le nouveau dispositif entre enfin en vigueur.

Sous la législature précédente, le projet de loi organique a, d’abord, tardé à être déposé – si bien que les députés Verts ont, sans succès immédiat, tenté de pallier la carence de la volonté gouvernementale : le 7 décembre 2010, l’Assemblée nationale a rejeté une proposition de loi organique relative à l’initiative législative citoyenne par droit de pétition selon l’article 11 de la Constitution (n° 2908), présentée par M. François de Rugy.

Déposé à la fin décembre 2010 par le Premier ministre, le projet de loi organique n’a, ensuite, été discuté que tardivement : ce texte, ainsi que le projet de loi ordinaire qui l’accompagnait, ne furent adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale qu’en janvier 2012, soit peu de temps avant l’élection présidentielle. Après l’alternance de 2012, la discussion des deux projets ne se poursuivit qu’à la faveur de leur inscription à l’ordre du jour à la demande des groupes UMP du Sénat et de l’Assemblée nationale – qui y voyaient un moyen supplémentaire de réclamer un référendum sur le mariage de couples de personnes de même sexe.

Il fallut, enfin, que soient célébrés les 55 ans de la Constitution de 1958 pour que le chef de l’État s’engage à faire aboutir la réforme d’ici à la fin de l’année 2013 et qu’en conséquence, le Premier ministre convoque une commission mixte paritaire à la fin du mois d’octobre 2013.

En définitive, deux lois, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2015, mettent en œuvre les dispositions constitutionnelles introduites en 2008 : la loi organique n° 2013-1114 et la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution. Celles-ci détaillent les différentes étapes de la nouvelle procédure, depuis l’initiative parlementaire jusqu’à la – très hypothétique – tenue du référendum.

1. L’initiative parlementaire

L’article 1er de la loi organique du 6 décembre 2013 consacre l’existence d’un type nouveau d’initiative parlementaire : les propositions de loi présentées « par des membres du Parlement » en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution, qui sont déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Leur première spécificité est, ainsi, de pouvoir être signées indifféremment par des députés et des sénateurs.

Le dispositif retenu exclut également que la procédure d’initiative partagée puisse concerner une proposition de loi déposée depuis plusieurs mois ou années au sein d’une assemblée – sauf naturellement à ce qu’une nouvelle proposition de loi, présentée en application de l’article 11, en reprenne la substance.

Enfin, à la différence des autres propositions de loi (article 39, dernier alinéa, de la Constitution), le Conseil d’État n’est pas compétent pour rendre un avis sur les propositions présentées en application de l’article 11 de la Constitution (10).

Pour que la procédure puisse être enclenchée, la Constitution prévoit que la proposition de loi doit recueillir la signature d’au moins un cinquième des membres du Parlement. Lorsque les deux assemblées sont au complet, cela représente 185 parlementaires sur un total de 925 (577 députés et 348 sénateurs). La loi organique précise que ce chiffre est calculé en fonction du nombre de sièges effectivement pourvus à la date d’enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel (voir ci-après) par le président de l’assemblée concernée (11).

2. Un contrôle de recevabilité et de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel

Sitôt la proposition de loi signée par au moins 185 parlementaires, le président de l’assemblée concernée la transmet au Conseil constitutionnel. Aucune signature ne peut plus alors être ajoutée ou retirée.

Avant même que ne s’engage la phase de recueil des soutiens des citoyens, le Conseil constitutionnel est alors appelé, dans un délai d’un mois, à rendre une première décision (12), portant tout à la fois sur :

– la vérification du nombre de signatures de parlementaires ;

– le respect du champ du référendum au sens du premier alinéa de l’article 11 de la Constitution. La proposition de loi ne peut porter que sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou sur l’autorisation de ratifier un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ;

– le respect de l’interdiction, posée au troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution, de toute proposition de loi tendant à abroger une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ;

– le respect de l’interdiction, posée au sixième alinéa de l’article 11 de la Constitution, des propositions « portant sur le même sujet » qu’une proposition de loi rejetée à l’issue d’un référendum d’initiative partagée tenu il y a moins de deux ans ;

– la constitutionnalité de la proposition de loi, en application du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, modifié en 2008 (13). À la différence du référendum décidé par le président de la République sur proposition du Gouvernement ou du Parlement (14), un référendum d’initiative partagée ne peut donc ni porter sur un texte dont le contenu serait contraire à la Constitution, ni a fortiori aboutir à la promulgation d’une loi référendaire inconstitutionnelle.

Ce contrôle de la constitutionnalité de la proposition de loi se distingue doublement du contrôle des lois habituellement effectué par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 61 de la Constitution.

D’une part, la loi organique de 2013 précise que le juge constitutionnel vérifie qu’ « aucune disposition » de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution (15), ce qui n’autorise à poursuivre la procédure qu’en cas de conformité totale à la Constitution. Discuter d’une proposition de loi amputée des dispositions déclarées inconstitutionnelles supposerait donc de reprendre toute la procédure depuis l’origine, en déposant un nouveau texte.

D’autre part, dans sa décision du 5 décembre 2013 portant sur la loi organique (16), le Conseil constitutionnel indique qu’il contrôlera systématiquement la recevabilité financière de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution, selon lequel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Le contrôle du Conseil constitutionnel a, en effet, pour particularité d’intervenir avant la discussion parlementaire, ce qui empêche la transposition de la règle dite du « préalable parlementaire », qui veut habituellement que le juge constitutionnel ne contrôle la recevabilité financière des initiatives parlementaires que lorsque cette question a effectivement déjà été soulevée devant la première assemblée concernée (17).

Ce premier contrôle de la proposition de loi par le Conseil constitutionnel aboutit à une décision publiée au Journal officiel :

– si le Conseil considère que l’une des conditions qui précèdent fait défaut, la procédure d’initiative partagée prend fin ;

– si le Conseil juge au contraire que la proposition de loi satisfait à l’ensemble des conditions de recevabilité et de constitutionnalité, la publication de sa décision est accompagnée du nombre minimal exact d’électeurs dont le soutien doit être recueilli (18).

3. Les soutiens des électeurs

a. La période de recueil des soutiens des électeurs

Les électeurs français disposent de neuf mois pour apporter leur soutien à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution (19).

L’ouverture de la période de recueil, fixée par décret, a lieu dans le mois suivant la décision du Conseil constitutionnel, à moins qu’une élection présidentielle ou des élections législatives générales soient prévues ou interviennent dans les six mois suivant cette décision (20). Dans ce dernier cas, la période de recueil des soutiens ne peut pas débuter avant le premier jour du deuxième mois qui suit le déroulement de ces élections, qu’elles interviennent à leur échéance normale ou par anticipation. Le Conseil constitutionnel a jugé que la suspension devait également s’appliquer lorsque le recueil a débuté plus de six mois avant les élections en question mais qu’elle n’a pas encore atteint son terme lors de la publication du décret de convocation à ces élections (21).

Le nombre requis de soutiens est fixé à l’article 11 de la Constitution à un dixième des Français inscrits sur les listes électorales, soit environ 4,5 millions de citoyens (22).

La procédure de collecte retenue par le législateur organique est exclusivement électronique : les électeurs apporteront leur soutien en se connectant à un site internet mis en place par le ministère de l’Intérieur (23). Les modalités de connexion à ce site, les conditions d’authentification de l’électeur et la fiabilité du dispositif informatique sont, on le verra, au cœur des mesures réglementaires en cours d’élaboration.

À l’intention des électeurs ne disposant pas d’un accès en ligne ou n’étant pas familiers de l’usage d’internet, le législateur organique a prévu que (24) :

– des points publics d’accès à internet devront être mis à disposition « dans la commune la plus peuplée de chaque canton ou au niveau d’une circonscription administrative équivalente et dans les consulats » ;

– l’électeur pourra formuler son soutien présenté sur papier et le faire enregistrer électroniquement par un agent de la commune la plus peuplée de son canton ou par un agent de son consulat.

La période de recueil des soutiens des citoyens est soumise à la même interdiction de financement par des personnes morales – autres que des partis ou groupements politiques – qu’une campagne électorale (25). Y est également transposée la limitation à 4 600 euros par personne du montant des dons pouvant être consentis par une personne physique pour financer des actions en faveur ou en défaveur du recueil des soutiens.

Des sanctions pénales sont par ailleurs prévues, afin de réprimer l’usurpation de l’identité d’un électeur et de sanctionner les manœuvres visant à influencer ce dernier, dans un sens favorable ou défavorable à la proposition de loi (26).

La liste des soutiens apportés à une proposition de loi pourra être consultée « par toute personne » (27). Comme l’avait souligné la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans un avis rendu le 16 novembre 2010 sur les deux projets de loi, le recueil des soutiens populaires s’apparente à une pétition et n’est donc pas revêtue du caractère secret propre à un vote.

Pour autant, les données collectées au cours de la procédure – soutiens des électeurs et éléments identifiants – seront susceptibles de révéler les opinions politiques des citoyens concernés et feront donc l’objet de traitements de données à caractère personnel autorisés par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL (28). Ces données ne pourront être réutilisées à d’autres fins que la mise en œuvre de la procédure d’initiative partagée (29). Une fois effectué le contrôle de la liste des soutiens (voir ci-après), ces données n’auront plus d’utilité : elles seront donc détruites deux mois après la décision du Conseil constitutionnel indiquant si le nombre requis d’électeurs a été atteint (30). Cette limitation dans le temps des informations recueillies au cours de la procédure permettra de garantir à chaque citoyen une forme de « droit à l’oubli ».

b. Le contrôle par le Conseil constitutionnel des soutiens des électeurs

Conformément à l’article 11, alinéa 4, de la Constitution, la surveillance du bon déroulement des opérations de recueil des soutiens populaires et la vérification du nombre de soutiens obtenus par une proposition de loi incombent au Conseil constitutionnel (31).

Ce dernier peut être saisi d’une réclamation par tout électeur pendant la période de recueil des soutiens ou dans les dix jours suivant la clôture de cette période.

Afin de faciliter et d’alléger la tâche des membres du Conseil constitutionnel, le législateur organique a prévu, à l’article 45-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, qu’un premier contrôle serait effectué par une « formation » interne au Conseil, composée de personnalités extérieures à celui-ci (32). Cette formation compte trois membres désignés pour cinq ans par le Conseil constitutionnel, sur proposition de son Président, parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou les membres des juridictions administratives.

Les décisions de cette formation seront susceptibles d’appel, par l’auteur de la réclamation, devant le Conseil constitutionnel lui-même. La formation pourra également, proprio motu, saisir le Conseil en cas d’irrégularités constatées dans le recueil des soutiens : seuls les membres du Conseil constitutionnel disposent du pouvoir d’annuler, partiellement ou totalement, les opérations de collecte des soutiens, en fonction de la « nature » et de la « gravité » des irrégularités (33).

Pour mener à bien sa mission de contrôle, le Conseil constitutionnel disposera de moyens comparables à ceux dont il bénéficie en matière de contentieux électoral. Il pourra ainsi :

– ordonner toute enquête et se faire communiquer tout document ayant trait aux opérations de recueil des soutiens ;

– faire appel aux services compétents de l’État ;

– désigner des rapporteurs adjoints, dépourvus de voix délibérative, choisis parmi les maîtres des requêtes du Conseil d’État et les conseillers référendaires à la Cour des comptes ;

– désigner des délégués parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou les membres des juridictions administratives, ainsi que des experts (notamment dans le domaine informatique) ;

– commettre un de ses membres ou un délégué pour recevoir sous serment les déclarations de témoins ou pour diligenter sur place d’autres mesures d’instruction.

La formation interne au Conseil constitutionnel disposera, quant à elle, des prérogatives prévues aux deuxième, quatrième et cinquième points énoncés ci-dessus : collaboration avec les services de l’État ; désignation de délégués ; prise de mesures d’instruction (34).

À l’issue des neuf mois de collecte des soutiens, si la proposition de loi n’a pas recueilli le nombre minimal requis, la procédure prend fin. Rien n’empêcherait néanmoins les assemblées d’examiner le texte, selon les règles applicables aux propositions de loi « classiques » (35).

Si, au contraire, au moins un dixième des électeurs ont soutenu la proposition de loi, la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel en faisant le constat marque l’ouverture de la phase d’examen parlementaire de cette proposition.

4. L’examen par le Parlement

En application du cinquième alinéa de l’article 11 de la Constitution (« Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le président de la République la soumet au référendum »), la réunion de 185 parlementaires et d’environ 4,5 millions d’électeurs ne suffit pas à déclencher le référendum d’initiative partagée. Elle a seulement pour conséquence d’ouvrir un délai, fixé à six mois à l’article 9 de la loi organique de 2013, pendant lequel les deux assemblées parlementaires peuvent examiner la proposition de loi en cause (36).

La proposition de loi est alors soumise au droit commun du travail parlementaire, sous réserve :

– de l’impossibilité de retirer la proposition de loi du bureau de l’assemblée devant laquelle elle a été déposée ou à laquelle elle a été transmise (37) ;

– de l’obligation de transmission de la proposition de loi à la seconde assemblée, même en cas de rejet par la première (38).

Sont donc applicables les règles habituelles relatives au respect du domaine réglementaire (39) et, plus généralement, à la discussion législative (40).

Ce n’est qu’en l’absence d’un examen par chacune des deux assemblées dans le délai de six mois que le président de la République doit la soumettre au référendum – dans un délai indéfini.

Si, en revanche, la proposition de loi a été examinée par les deux assemblées dans le délai de six mois, aucun référendum d’initiative partagée ne peut avoir lieu, quelle que soit l’issue de l’examen parlementaire : adoption, modification ou rejet de la proposition.

Le tableau présenté ci-après récapitule les différents cas de figure envisageables, compte tenu de l’exigence d’un examen de la proposition de loi par chacune des assemblées dans un délai de six mois.

EXAMEN PARLEMENTAIRE DE LA PROPOSITION DE LOI : CAS DE FIGURE ENVISAGEABLES

Première assemblée

Deuxième assemblée

Conséquences

Absence d’inscription à l’ordre du jour

Référendum

Adoption d’une motion de renvoi en commission, non suivie d’un nouveau rapport et d’une reprise du débat en séance

Référendum

Rejet au fond ou par adoption d’une motion de rejet préalable (AN), d’une question préalable ou d’une exception d’irrecevabilité (Sénat)

Absence d’inscription à l’ordre du jour

Référendum

Rejet au fond ou par adoption d’une motion de rejet préalable (AN), d’une question préalable ou d’une exception d’irrecevabilité (Sénat)

Adoption

Pas de référendum ; poursuite de la navette

Rejet au fond ou par adoption d’une motion de rejet préalable (AN), d’une question préalable ou d’une exception d’irrecevabilité (Sénat)

Rejet au fond ou par adoption d’une motion de rejet préalable (AN), d’une question préalable ou d’une exception d’irrecevabilité (Sénat)

Pas de référendum ; fin de la procédure

Rejet au fond ou par adoption d’une motion de rejet préalable (AN), d’une question préalable ou d’une exception d’irrecevabilité (Sénat)

Adoption d’une motion de renvoi en commission, non suivie d’un nouveau rapport et d’une reprise du débat en séance

Référendum

Adoption

Absence d’inscription à l’ordre du jour

Référendum

Adoption

Adoption dans les mêmes termes

Pas de référendum ; éventuelle saisine du Conseil constitutionnel ; promulgation de la loi

Adoption

Adoption dans des termes différents

Pas de référendum ; poursuite de la navette

Adoption

Rejet au fond ou par adoption d’une motion de rejet préalable (AN), d’une question préalable ou d’une exception d’irrecevabilité (Sénat)

Pas de référendum ; poursuite de la navette

Adoption

Adoption d’une motion de renvoi en commission, non suivie d’un nouveau rapport et d’une reprise du débat en séance

Pas de référendum ; suspension de la navette

N.B. : l’adoption du texte peut s’accompagner de sa modification.

5. La décision du peuple

Si, au terme de la procédure précédemment décrite, un référendum d’initiative partagée a effectivement lieu, il se sera écoulé au total plus d’une vingtaine de mois – dont quinze mois incompressibles (41) – depuis la transmission au Conseil constitutionnel de la proposition de loi signée par un cinquième des membres du Parlement :

– un mois pour la décision du Conseil constitutionnel sur la recevabilité et la constitutionnalité de la proposition de loi ;

– un mois pour la préparation du recueil des soutiens populaires ;

– neuf mois pour la phase de recueil des soutiens populaires (sous réserve qu’elle ne soit ni reportée ni suspendue du fait de la survenance d’élections présidentielle ou législatives) ;

– un temps indéterminé pour la vérification de la régularité des soutiens par le Conseil constitutionnel ;

– six mois pour la période d’examen parlementaire (délai suspendu hors session ordinaire du Parlement et en cas de dissolution de l’Assemblée nationale) ;

– un temps indéterminé pour la décision du président de la République de soumettre la proposition de loi au référendum, puis pour le déroulement des opérations référendaires (organisation du référendum et de la campagne, vote puis proclamation des résultats).

CALENDRIER DE LA PROCÉDURE DE RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE











Délai maximal (17 mois au total), hors contrôle du recueil des soutiens par le CC et convocation du référendum par le PR


Délai incompressible (15 mois au total)

(a) Délai reporté en cas d’élections législatives générales ou présidentielle prévues dans les six mois (art. 4-III LO 2013).

(b) Délai suspendu en cas de dissolution de l’AN, de vacance de la présidence de la République ou d’empêchement définitif du président de la République (art. 4-IV LO 2013) ou en cas d’arrivée du terme avant la convocation à des élections législatives générales ou présidentielle (2013-681 DC).

(c) Délai suspendu entre deux sessions ordinaires (art. 9 LO 2013) ou en cas de dissolution de l’AN (2013-681 DC).

Abréviations : CC : Conseil constitutionnel ; AN : Assemblée nationale ; JO : Journal officiel ; PR : président de la République ; ord. 1958 : ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; LO 2013 : loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution ; 2013-681 DC : décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013.

II. LES ENJEUX DE LA MISE EN œUVRE, D’ICI À 2015, DE LA PROCÉDURE RÉFÉRENDAIRE D’INITIATIVE PARTAGÉE

Deux décrets en Conseil d’État doivent prochainement être publiés afin de mettre en œuvre les deux lois du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution, en vue d’une entrée en vigueur du référendum d’initiative partagée à compter du 1er janvier 2015.

Un décret, pris après avis motivé et publié de la CNIL (42), autorisera la mise en place du traitement automatisé de données à caractère personnel nécessaire au recueil des soutiens populaires. Un autre décret, non soumis à la CNIL (43), fixera les autres modalités d’organisation de la procédure, notamment les conditions de dépôt des soutiens au format papier. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, ces décrets devraient être publiés en décembre 2014.

La mise en application du référendum d’initiative partagée ne se limite cependant pas à l’édiction de ces dispositions réglementaires. Elle nécessite également la mise en place de dispositifs informatiques spécifiques et la préparation du Conseil constitutionnel à l’exercice de son nouveau rôle de contrôle de la régularité du recueil des soutiens.

A. LA MISE EN PLACE DE DISPOSITIFS INFORMATIQUES AU COÛT NON NÉGLIGEABLE

Deux types d’investissements informatiques sont nécessaires.

En premier lieu, il revient au ministère de l’Intérieur d’élaborer les dispositifs informatiques permettant de mettre en œuvre la procédure d’initiative partagée.

Il s’agit :

– d’une part, de mettre en place le site internet qui permettra de recueillir les soutiens des électeurs à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution. Ce site, en cours d’élaboration, devra être opérationnel à compter du 1er janvier 2015 ;

– d’autre part, de prévoir les dispositifs techniques permettant au Conseil constitutionnel de contrôler la procédure de recueil des soutiens et, en particulier, de traiter les réclamations des électeurs. En septembre 2014, un cahier des charges formalisant les besoins du Conseil constitutionnel en la matière a été établi et confié à la direction des systèmes d’information du ministère de l’Intérieur.

En 2014, le programme « Vie politique, cultuelle et associative » devrait être sollicité à hauteur de 2,89 millions d’euros à ces différentes fins (44). Les principales dépenses correspondent aux prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le développement du site internet, aux achats de serveurs et à la participation au financement des investissements de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en vue d’organiser le contrôle des soutiens déposés. Selon les informations recueillies auprès du ministère de l’Intérieur, à la mi-2014, un montant de 31 109 euros avait été engagé au titre de l’assistance à maîtrise d’ouvrage et 333 718 euros avaient été dépensés au titre des développements informatiques du site internet.

En second lieu, les points publics d’accès à internet, prévus à l’intention des électeurs ne disposant pas d’un tel accès, devront être disponibles à partir du 1er janvier 2015. Le ministère de l’Intérieur publiera prochainement une circulaire adressée à chaque maire de la commune la plus peuplée de chaque canton, aux chefs des exécutifs des circonscriptions équivalentes (45) et aux postes consulaires. Précisons que les cantons en question sont les nouveaux cantons, issus du redécoupage résultant des décrets en Conseil d’État publiés en février 2014, ce qui représente donc un peu plus de 2 000 communes (46).

Ces communes bénéficieront d’un soutien financier de l’État. Une enveloppe de 1,75 million d’euros a été prévue au sein des crédits pour 2014 du programme « Vie politique, cultuelle et associative », afin de participer au financement de l’achat d’équipements informatiques et des aménagements de locaux nécessaires.

Votre rapporteur pour avis rappelle, à ce propos, que des crédits destinés à la mise en œuvre du référendum d’initiative partagée avaient été votés dès la loi de finances pour 2011, mais que, faute d’adoption de la loi organique prévue à l’article 11 de la Constitution, ces crédits étaient chaque année devenus sans objet.

Ainsi, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2011 (2,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 100 000 euros de crédits de paiement) et en loi de finances initiale pour 2012 (200 000 euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement) n’ont été ni consommés, ni reportés sur l’exercice budgétaire suivant. En revanche, les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2013 (4,64 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement), non consommés, ont été reportés sur l’exercice 2014.

Par ailleurs, à compter de 2015, un budget de 1,8 million d’euros devrait être prévu chaque année au sein du programme « Vie politique, cultuelle et associative », fondé sur une hypothèse de trois initiatives partagées recueillant les soutiens d’un dixième des électeurs – hypothèse que votre rapporteur pour avis juge bien optimiste, compte tenu des différents obstacles dressés tout au long de la procédure. Le projet annuel de performances pour 2015 indique ainsi que, dans le cadre de l’action n° 2 « Organisation des élections », 1,8 million d’euros sont « destinés au fonctionnement de la plateforme web de recueil des soutiens dans le cadre du référendum d’initiative partagée ».

Le coût unitaire total d’une initiative qui aboutirait effectivement à un référendum est donc estimé à 600 000 euros, montant incluant notamment la mobilisation de personnels supplémentaires pour la gestion des dépôts de soutiens, le coût d’entretien des serveurs informatiques et les frais annuels de la convention passée avec l’INSEE pour assurer le contrôle des soutiens (47).

B. LA DÉFINITION DES MODALITÉS CONCRÈTES DE RECUEIL DES SOUTIENS DES ÉLECTEURS

1. Le recueil électronique des soutiens

L’un des principaux enjeux de la mise en œuvre opérationnelle de la procédure d’initiative partagée réside dans les modalités d’authentification de l’électeur qui souhaitera apporter son soutien en ligne à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution.

Les risques sont multiples : des personnes n’ayant pas la qualité d’électeur peuvent chercher malgré tout à apporter leur soutien ; des individus peuvent tenter d’usurper l’identité d’électeurs ; des robots informatiques peuvent être utilisés afin d’augmenter artificiellement le nombre de soutiens ; un même électeur peut tenter d’apporter son soutien plusieurs fois, etc.

Dès le dépôt, en décembre 2010, du projet de loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution, le Gouvernement avait écarté l’option d’un système comparable à celui du recouvrement de l’impôt sur le revenu, qui, à l’instar du numéro de « télédéclarant » attribué à chaque contribuable, aurait consisté à fournir à chaque électeur un identifiant lui permettant de se connecter au site internet de recueil des soutiens. L’étude d’impact jointe au projet de loi organique soulignait que « la gestion et la communication de ces identifiants à chaque électeur présentaient (...) un coût important (acheminement des identifiants à près de 45 millions d’électeurs, à chaque nouvelle initiative ou annuellement), de l’ordre d’une dizaine de millions d’euros par envoi global. De même, un système alternatif, moins coûteux, où ne serait envoyé l’identifiant qu’aux personnes le demandant aurait été néanmoins lourd et largement dissuasif ».

Entendue par votre rapporteur pour avis, Mme Anne Levade, professeur de droit public à l’université Paris Est Créteil Val-de-Marne, a souligné que plusieurs solutions techniques d’inspiration semblable auraient permis une identification quasi-certaine de l’auteur du soutien : envoi à chaque électeur d’une carte d’électeur comportant un numéro d’identification utilisable pour le recueil des soutiens (et, le cas échéant, à d’autres occasions (48)), à combiner avec d’autres données ; envoi à chaque électeur d’un code d’identification à usage unique, à utiliser en renseignant d’autres informations.

Toutefois, faute pour le Gouvernement d’avoir retenu de telles solutions, qui auraient impliqué des envois massifs, l’authentification de l’électeur, lorsqu’il se connectera au site internet de recueil des soutiens, passera par la fourniture de plusieurs informations permettant de l’identifier.

Ces informations seront prochainement fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL. Selon les indications fournies à votre rapporteur pour avis par le ministère de l’Intérieur, c’est un « état-civil restreint » qui sera demandé à l’électeur : son nom, son prénom, sa date de naissance, le nom de la commune sur la liste électorale de laquelle il est inscrit, ainsi que son numéro de carte nationale d’identité ou de passeport. Un temps envisagée, l’utilisation du numéro d’inscription au répertoire (NIR) des personnes physiques géré par l’INSEE – communément dénommé « numéro de sécurité sociale » – a finalement été écartée.

Le contrôle qui sera effectué à ce stade par les services du ministère de l’Intérieur, en lien avec l’INSEE, sera minimal : il s’agira, selon les termes des représentants de ce ministère entendus par votre rapporteur pour avis, d’un simple « contrôle de vraisemblance », fondé sur la cohérence des données renseignées lors de la connexion au site (49). Ce contrôle doit permettre de repérer des soutiens manifestement irréguliers, dans l’hypothèse par exemple où de multiples soutiens seraient déposés avec le même numéro de carte d’identité ou depuis un même numéro IP (50). Les numéros de carte d’identité et de passeport comportant une clé de contrôle définie par un algorithme particulier, il sera également possible de vérifier que le numéro enregistré par l’internaute est bien susceptible de correspondre à un titre d’identité existant.

C’est au Conseil constitutionnel – en premier lieu, à sa formation interne chargée d’examiner les réclamations – qu’il reviendra de procéder à un contrôle plus approfondi de la validité des soutiens, en fonction des réclamations dont il sera saisi.

Si, par exemple, le Conseil constitutionnel est saisi d’une contestation de la qualité d’électeur de l’auteur d’un soutien, il pourra faire appel au ministère de l’Intérieur, qui lui-même sollicitera l’INSEE en vue d’une vérification dans le fichier général des électeurs et électrices. Géré par l’INSEE, ce fichier est celui qui permet d’assurer le contrôle des inscriptions sur les listes électorales tenues par les communes (51).

2. La présentation des soutiens sur support papier

Par dérogation au caractère exclusivement électronique de la procédure, l’électeur pourra, en application de l’article 6 de la loi organique de 2013, formuler un soutien présenté sur papier et le faire enregistrer électroniquement par un agent de la commune la plus peuplée de son canton ou, s’il réside à l’étranger, par un agent de son consulat.

Les modalités concrètes de dépôt des soutiens sous cette forme seront fixées dans le décret en Conseil d’État en cours d’élaboration. Depuis le début de l’année 2014, le ministère de l’Intérieur a engagé une concertation à ce sujet avec les différentes parties prenantes : ministère des Outre-mer ; ministère des Affaires étrangères ; Association des maires de France (AMF).

Il est probable que le soutien sous forme papier nécessitera de renseigner les mêmes données d’identification que celles requises dans le cadre du dépôt électronique. Il appartiendra ensuite à l’agent de la commune concernée, lui-même préalablement identifié sur le site internet de recueil des soutiens, de saisir ces données en ligne, puis d’enregistrer le soutien ainsi apporté à la proposition de loi.

C. LA FIXATION DES MODALITÉS DE CONSULTATION DE LA LISTE DES SOUTIENS

La possibilité de consulter la liste des soutiens des électeurs a été conçue comme une garantie supplémentaire de fiabilité de la procédure. La consultation peut, par exemple, permettre de repérer d’éventuelles usurpations d’identité.

Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel, le choix ayant été fait dans la loi organique de 2013 d’autoriser cette consultation par « toute personne » (y compris donc par quelqu’un n’ayant pas la qualité d’électeur), le législateur organique « a entendu garantir l’authenticité de [la liste] en reconnaissant à toute personne le droit de vérifier, dès le début de la période de recueil des soutiens et à tout moment, qu’elle-même ou toute autre personne figure ou ne figure pas sur cette liste » (52).

Les modalités concrètes de cette consultation seront fixées dans le décret pris après avis motivé et publié de la CNIL.

En pratique, selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, cette consultation devrait être possible sur le site internet dédié au recueil des soutiens, dans les conditions suivantes :

– l’intégralité de la liste des électeurs ayant apporté leur soutien à une proposition de loi serait disponible et consultable en ligne ;

– la liste pourrait être consultée au fur et à mesure du recueil des soutiens des électeurs, et non pas seulement à l’issue des neuf mois de collecte. Un délai de cinq jours pourrait néanmoins être prévu entre le dépôt d’un soutien et sa publication sur le site, le temps de permettre au ministère de l’Intérieur de contrôler les données d’état-civil fournies (dans les conditions précédemment décrites) ;

– les données rendues publiques seraient restreintes aux nom et prénom de l’électeur et à la commune où il est inscrit (ou, le cas échéant, au consulat). Le fait de ne pas publier l’ensemble des informations demandées lors du dépôt du soutien devrait répondre tant aux préconisations de la CNIL (53) qu’aux prescriptions du Conseil constitutionnel (54) ;

– la recherche au sein de la liste ne serait possible que par nom. En effet, les données à caractère personnel collectées ne pouvant être utilisées à d’autres fins que celles définies par le législateur organique, ce dernier a, selon le Conseil constitutionnel, « entendu interdire qu’à l’occasion de cette consultation, il soit possible de procéder à une extraction spécifique visant à regrouper un ensemble de soutiens, notamment d’une même zone géographique » (55). Aucune recherche par commune ne sera donc possible, ce qui limitera, sans toutefois les exclure totalement (56), les possibles réutilisations des données à des fins commerciales ou politiques – lesquelles sont, en tout état de cause, pénalement sanctionnées (57).

Rappelons en outre qu’en application de l’article 7 de la loi organique du 6 décembre 2013, toutes les données recueillies pendant la phase de collecte des soutiens seront détruites deux mois après la décision du Conseil constitutionnel relative au nombre de soutiens finalement exprimés en faveur de la proposition de loi.

D. L’EXERCICE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL D’UNE NOUVELLE COMPÉTENCE

Autant le contrôle initial de la recevabilité et de la constitutionnalité de la proposition de loi par le Conseil constitutionnel se situe dans une certaine continuité avec ses compétences actuelles, autant le contrôle de la régularité du recueil des soutiens des électeurs apparaît comme une tâche plus inédite.

C’est, d’ailleurs, pour cette raison que le législateur organique a, à l’article 45-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, prévu la création d’une formation ad hoc interne au Conseil constitutionnel, composée de membres extérieurs à ce dernier et chargée de traiter les réclamations des électeurs relatives au recueil des soutiens (58).

Dès le 6 août 2014, le Conseil constitutionnel a désigné, pour cinq ans, les membres de cette nouvelle formation : présidée par M. Olivier Dutheillet de Lamothe, président de la section sociale du Conseil d’État, membre honoraire du Conseil constitutionnel, elle est également composée de Mme Edwige Belliard, conseillère d’État, et de M. Michel Arnould, doyen honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation (59).

Auditionné par votre rapporteur pour avis, M. Olivier Dutheillet de Lamothe a indiqué que, depuis le printemps 2014, les services du Conseil constitutionnel, du Secrétariat général du Gouvernement et du ministère de l’Intérieur avaient échangé sur les modalités concrètes de contrôle des opérations de recueil des soutiens.

Le Conseil constitutionnel aura accès à l’ensemble des informations saisies par les électeurs sur le site internet lors du dépôt de leur soutien, ainsi qu’aux éléments de traçabilité enregistrés par le ministère de l’Intérieur à cette occasion : date et heure du dépôt de soutien ; adresse IP de l’ordinateur utilisé ; dans le cas d’un dépôt sur support papier, identifiant de l’autorité habilitée ayant enregistré électroniquement le soutien.

Les réclamations relatives aux opérations de recueil des soutiens devraient faire l’objet d’un traitement électronique, par l’intermédiaire de la même application informatique que celle utilisée pour le recueil des soutiens – le Conseil constitutionnel y contribuera d’ailleurs financièrement à hauteur de 130 000 euros en 2015 (60). Ainsi, l’électeur pourra saisir sa réclamation sur le même site internet que celui prévu pour le recueil des soutiens. Il recevra par courriel la notification de la décision de la formation prévue à l’article 45-4 précité (61). C’est également par la même voie électronique qu’il pourra, le cas échéant, contester cette décision devant le Conseil constitutionnel.

D’une manière générale, la fiabilité des procédures de recueil des soutiens et l’efficacité du contrôle des opérations représentent un enjeu majeur pour l’avenir du référendum d’initiative partagée. Le seuil requis de soutiens d’électeurs étant suffisamment difficile à atteindre, des controverses sur le nombre et la validité des soutiens effectivement recueillis risqueraient de discréditer durablement la procédure.

III. LES NOMBREUX OBSTACLES À LA TENUE D’UN RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE OBLIGERONT, À TERME, À REVOIR LA PROCÉDURE

La description des différentes étapes de la procédure d’initiative partagée suffit à démontrer toute la difficulté de parvenir, un jour, à la tenue effective d’un référendum de ce type. Pour reprendre l’expression de M. Christophe Geslot, maître de conférences en droit public à l’université de Franche-Comté, entendu par votre rapporteur pour avis, l’ensemble de la procédure relève du « chemin de croix » (62). Dès lors, tout en attendant de pouvoir constater l’usage qui en sera fait en pratique à partir de l’année prochaine, il n’est pas trop tôt pour réfléchir à des évolutions qui permettraient de rendre la procédure d’initiative partagée plus effective.

A. DE MULTIPLES ÉCUEILS À SURMONTER

Certes, le luxe de précautions prises à l’article 11 par le constituant de 2008 peut se justifier par la volonté de ménager les compétences du Parlement : comme l’avait souligné le comité Balladur en 2007, « il y aurait quelque contradiction » à recommander « à la fois d’émanciper le Parlement et d’étendre de manière excessive le champ de la démocratie directe ».

Pour autant, tout laisse à penser que cette procédure a été introduite dans notre Constitution non sans une certaine réticence, qui explique la multiplication des obstacles dressés sur le chemin du référendum – que le professeur Anne Levade a qualifiés de « limites structurelles » de la réforme de 2008.

La première de ces limites est le nombre de signatures de parlementaires requises pour prendre l’initiative de la procédure. À l’heure actuelle, seuls les groupes SRC et UMP de l’Assemblée nationale disposent de 185 députés. Au Sénat, après les élections du 28 septembre 2014, les groupes UMP et UDI-UC peuvent réunir, au total, 186 sénateurs. En pratique, il est probable que c’est l’opposition qui tentera de mettre à l’agenda politique des propositions de loi complétant ou contestant le programme législatif de la majorité. Plus rarement, des parlementaires de la majorité pourraient chercher à mettre en avant des sujets transcendant les clivages partisans, sur lesquels le pouvoir exécutif ne souhaite pas prendre l’initiative.

Les contraintes de recevabilité financière de la proposition de loi constitueront une autre importante limitation. Faute d’intervenir dans la procédure avant l’éventuelle phase d’examen par le Parlement, le Gouvernement ne pourra vraisemblablement pas « lever le gage » d’une proposition de loi d’initiative partagée se heurtant à l’article 40 de la Constitution, comme il peut habituellement le faire à l’égard d’amendements ou de propositions de loi qui recueillent son assentiment. Or, comme l’a relevé le professeur Francis Hamon, « il sera souvent difficile pour des parlementaires de l’opposition de rédiger une proposition de loi qui fasse rêver à un avenir meilleur sans enfreindre la sacro-sainte règle de l’article 40 » de la Constitution (63).

Le nombre de soutiens populaires exigé par l’article 11 de la Constitution, soit un dixième du corps électoral, est particulièrement élevé. Réunir environ 4,5 millions d’électeurs – fût-ce par la voie électronique, réputée favorable à une rapide diffusion de l’information et capable de mobiliser largement – représentera un authentique défi. Le droit comparé offre, certes, quelques d’exemples dans lesquels des procédures d’initiative populaire peuvent aboutir malgré un seuil de signatures aussi élevé : ainsi, la Bavière, tout en exigeant la réunion d’un dixième des électeurs, soit environ 900 000 personnes, est le Land d’Allemagne pratiquant le plus grand nombre de « procédures législatives populaires » (Volksgesetzgebungsverfahren(64).

Toutefois, la plupart des autres États retiennent des seuils de soutiens populaires sensiblement plus bas : 100 000 citoyens en Suisse (65) et 500 000 citoyens en Espagne (66) et en Italie (67), soit environ 1 à 2 % du corps électoral.

De même, la procédure d’initiative citoyenne européenne (ICE), entrée en vigueur le 1er avril 2012, nécessite la réunion de « seulement » un million de citoyens de l’Union européenne, pour autant qu’ils soient issus d’au moins un quart des États membres – soit aujourd’hui sept États (68). À ce jour, trois initiatives ont effectivement atteint ce seuil (69) et ont été présentées à la Commission européenne ou sont en voie de l’être.

Il est donc fort probable que, dans le cas français, « la majorité des initiatives (…) se heurteront au mur des signatures » (70).

Ce risque est renforcé par les modalités de financement de la « campagne » – en faveur ou en défaveur – du recueil des soutiens populaires. Privée de toute aide publique, cette campagne n’en est pas moins soumise à l’interdiction du financement par les personnes morales autres que les partis politiques et au plafonnement à 4 600 euros des dons des personnes physiques. En pratique, ce sont donc principalement les partis politiques qui auront la capacité de peser, dans un sens ou dans l’autre, sur les opérations de recueil des soutiens – au détriment des associations, groupes de pression ou comités ad hoc de citoyens qui, dans d’autres pays connaissant les référendums d’initiative populaire, occupent une place souvent déterminante.

À supposer qu’un dixième des électeurs soutiennent une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution, la tenue d’un référendum n’en resterait pas moins improbable. En effet, il suffit, pour empêcher le référendum, que la proposition de loi ait été examinée par chacune des deux chambres dans les six mois.

Un rejet de la proposition de loi par le Parlement n’entraîne donc pas d’appel au peuple. Ce rejet peut d’ailleurs résulter d’un examen sommaire, puisque rien – juridiquement tout du moins – n’interdira l’Assemblée nationale ou le Sénat de voter, respectivement, une motion de rejet préalable ou une question préalable, privant ainsi la proposition de loi du bénéfice d’une réelle discussion.

La proposition de loi peut également être adoptée par les assemblées, dans une version modifiée, sinon dénaturée. Comme l’a relevé le professeur Anne Levade, on peut même – au moins théoriquement – concevoir qu’à l’issue des débats au Parlement, la mesure législative finalement votée soit l’exact opposé de celle figurant dans le texte soutenu par les électeurs.

En cas de constat, au bout de six mois, de l’absence d’examen de la proposition de loi par les deux assemblées, la convocation du référendum n’est enserrée dans aucun délai. Le chef de l’État peut donc décider du moment qui lui paraît, politiquement, le plus opportun. Quant à l’absence de toute convocation du référendum par le président de la République, elle apparaîtrait sans nul doute comme un « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », au sens de l’article 68 de la Constitution, justifiant sa destitution par le Parlement réuni en Haute Cour. Cette procédure, longtemps inapplicable faute d’adoption de la loi organique attendue depuis la révision constitutionnelle du 23 février 2007, devrait prochainement entrer en vigueur : le 21 octobre 2014, le Sénat a adopté sans modification le projet de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution, que l’Assemblée nationale avait adopté en janvier 2012.

En cas de vote négatif lors du référendum, l’impossibilité de recommencer la procédure dans les deux années qui suivent constitue une contrainte quelque peu exorbitante – a fortiori au regard de la durée totale du processus. Comme l’a suggéré M. Christophe Geslot, la rédaction retenue à l’article 11 de la Constitution, qui prohibe toute nouvelle proposition de référendum « portant sur le même sujet », apparaît trop large. Elle gagnerait à être remplacée par la référence à une nouvelle proposition « comportant des dispositions législatives similaires » à celles rejetées par le peuple.

En cas de vote positif lors du référendum, la loi adoptée par le peuple n’aurait pas de valeur juridique supérieure à celle d’une loi adoptée par le Parlement (71). En droit, rien ne s’opposerait donc à ce qu’une loi purement parlementaire vienne modifier ou abroger une loi adoptée à l’issue d’un référendum d’initiative partagée.

B. UNE PROCÉDURE NÉCESSAIREMENT AMENÉE À ÉVOLUER

Au regard de toutes les difficultés qui précèdent, il va de soi que la procédure référendaire d’initiative partagée devra, à terme, être modifiée.

D’une manière générale, on sait que les responsables politiques entretiennent des rapports ambivalents avec le référendum, dont le champ n’a cessé, en vain, d’être élargi : aucun référendum n’a été organisé dans les domaines ajoutés en 1995 et en 2008 (72). Dans le cas du référendum d’initiative partagée, s’ajoute de surcroît un enjeu particulier, signalé par M. Christophe Geslot, lié au risque de « malentendu » entre les politiques et le peuple, ce dernier s’attendant à ce que la procédure aboutisse à un référendum, qui n’aura in fine vraisemblablement pas lieu.

Peu d’améliorations substantielles peuvent être apportées dans la loi organique. Compte tenu de la rédaction de l’article 11 de la Constitution, le rôle du législateur organique se limite, pour l’essentiel, à fixer différents délais et à définir les modalités du recueil des soutiens des électeurs. Interrogée par votre rapporteur pour avis sur les aménagements organiques souhaitables, Mme Anne Levade a, par exemple, proposé d’ajouter les élections sénatoriales et l’utilisation des pouvoirs exceptionnels de l’article 16 de la Constitution parmi les périodes justifiant la suspension ou le report du recueil des soutiens. Elle a également regretté que n’ait pas été prévue la publication au Journal officiel de la proposition de loi, concomitamment à la décision du Conseil constitutionnel relative à sa constitutionnalité. M. Christophe Geslot, quant à lui, a suggéré, afin de protéger la confidentialité des opinions politiques de chacun, de restreindre la possibilité de consultation de la liste des soutiens à la seule vérification par l’électeur que son propre nom y figure ou non.

Au-delà de ces possibles aménagements, toute réforme visant à « déverrouiller » la procédure d’initiative partagée, en vue de favoriser un usage réel de ce nouveau type de référendum, nécessiterait une révision constitutionnelle.

Sans bouleverser l’économie générale de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, c’est-à-dire en conservant l’objectif d’un référendum dont l’initiative associerait parlementaires et citoyens, plusieurs pistes pourraient être envisagées :

– diminuer le nombre de parlementaires requis pour présenter la proposition de loi, par exemple en conférant ce droit à tout groupe parlementaire ;

– réduire le nombre de soutiens populaires nécessaires, par exemple en abaissant le seuil de 10 % des électeurs inscrits (environ 4,5 millions de soutiens) à 5 % de ce dernier (environ 2,3 millions de soutiens) ou, afin de mieux mesurer la capacité de mobilisation de l’électorat, à 10 % des votants à la dernière élection présidentielle (environ 3,7 millions de soutiens) ;

– remplacer la condition d’un examen par le Parlement de la proposition de loi par l’exigence d’une adoption de celle-ci. Ainsi, un rejet de la proposition par les assemblées n’empêcherait pas le peuple de trancher lui-même la question ;

– limiter le droit d’amender la proposition de loi, afin d’éviter toute dénaturation de celle-ci par le Parlement. Afin de ne pas réduire l’intérêt du travail parlementaire, cette restriction pourrait être avantageusement assortie de la possibilité de soumettre à référendum, simultanément à la proposition de loi initiale, une « contre-proposition » adoptée par le Parlement ;

– fixer au président de la République un délai maximal de convocation du référendum, en vue d’éviter toute inertie en la matière.

À l’heure où nombre d’États s’efforcent de mieux associer la population à la prise de décision publique, y compris dans le domaine constitutionnel (73), une réflexion visant à une réelle démocratisation de la procédure référendaire reste à mener dans notre pays.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 27 octobre 2014, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2015.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre de l’Intérieur, nous sommes heureux de vous accueillir pour vous entendre sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État dans le projet de loi de finances pour 2015.

Nous donnerons d’abord la parole aux rapporteurs de nos deux commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes sous forme de questions au ministre. S’exprimeront ensuite, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes.

Enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre, leur intervention étant limitée à deux minutes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis, moi aussi, très heureux d’accueillir M. le ministre de l’Intérieur. Cette année, la commission des lois a désigné deux rapporteurs pour avis : M. Michel Zumkeller, pour les programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », et M. Paul Molac, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

Conformément à l’approche retenue par la commission des lois, les rapporteurs se sont penchés sur un thème particulier dans leur avis. Notre collègue Michel Zumkeller s’est attardé aux conséquences de la réforme territoriale sur les préfectures, où une mutation profonde des services est en cours. Le Sénat examinera demain le projet de loi relatif à cette réforme.

Quant à M. Paul Molac, empêché par un déplacement en Corse prévu avant le changement de date de cette réunion, il sera suppléé par notre collègue Sergio Coronado. Il s’est livré à un travail approfondi sur le référendum d’initiative partagée, qui permet de comprendre pourquoi les textes d’application de la réforme constitutionnelle ont demandé autant de temps.

M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La mission porte tout d’abord sur les crédits relatifs au réseau préfectoral. Le programme 307 prévoit à ce titre des crédits à hauteur de 1,7 milliard d’euros pour 2015, en légère baisse par rapport à 2014.

Le réseau préfectoral poursuit sa contribution au redressement des finances publiques puisque 180 postes seront supprimés en 2015. J’appelle votre attention sur le fait que 11 % des effectifs du réseau préfectoral ont été supprimés depuis 2010, soit plus de 3 000 emplois. Ces réductions se sont faites parallèlement à une modernisation du réseau et à une amélioration de la relation à l’usager. Pour preuve, depuis le 1er juillet 2013, l’ensemble des préfectures de métropole et des hauts-commissariats ont reçu le label Marianne ou Qualipref.

Il faut saluer la compétence et le dévouement des agents qui ont su mettre en œuvre cette modernisation du réseau préfectoral. Je tiens aussi à souligner l’effort budgétaire qui a été accompli ces dernières années pour améliorer l’accueil des étrangers – effort qui a permis de supprimer ces longues files d’attentes que l’on voyait trop souvent devant certains bâtiments préfectoraux. C’était un point sensible.

Comme chacun sait, le réseau préfectoral est organisé sur trois niveaux : le niveau régional, le niveau départemental et le niveau infradépartemental. Le niveau régional est appelé à évoluer du fait de la réforme de la carte régionale. Mais, c’est aujourd’hui le niveau infradépartemental qui suscite le plus d’interrogations. Les agents, les élus et les citoyens ont besoin de clarté sur les évolutions à venir. Le remodelage de la carte des arrondissements, qui n’a pas été remaniée depuis 1926, paraît donc désormais incontournable. Une expérimentation réussie a été menée en Alsace en en Moselle. Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un bilan de cette expérimentation et nous dire quelles sont les orientations du Gouvernement sur l’organisation infra-départementale du réseau préfectoral ?

Le programme 232 rassemble quant à lui les moyens nécessaires à l’organisation des élections et les moyens dédiés au financement public des campagnes électorales et des partis politiques. Il joue donc un rôle fondamental, qui appelle l’attention de notre assemblée, car ces crédits représentent le coût affecté à la démocratie. Je ne crois pas que ce coût soit déraisonnable, lorsque l’on constate que le programme 232 représente un millième des dépenses du budget général de l’État.

Le projet de loi de finances prévoit cependant deux mesures pour réduire ce coût. La première est une baisse des dotations aux partis politiques de 15 %, qui intervient après celle de 10 % décidée l’an dernier. Ainsi, sur deux ans, les dotations aux partis politiques auront été réduites d’un quart.

Aller au-delà reviendrait à remettre en cause le principe d’un financement public des partis politiques. Ce principe est pourtant une garantie contre les financements illégaux. Il serait donc inopportun de poursuivre ces baisses après 2015. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements sur vos intentions.

Il est à noter toutefois que les dépenses de l’État concourent également au financement des partis politiques du fait des réductions d’impôt pour les dons ou cotisations qu’ils reçoivent. Aussi est-il faux de dire qu’un appel aux dons lancé par une formation politique à la suite d’un rejet des comptes de campagne de son candidat serait neutre pour le contribuable. Il n’en est rien, car ces dons font nécessairement naître les dépenses fiscales correspondantes.

La seconde est la suppression de l’envoi papier au domicile des électeurs de ce que l’on appelle la propagande électorale. Cette mesure avait déjà été prévue l’an dernier pour les élections européennes puis avait été abandonnée face aux réticences du Parlement. Si j’estime, à titre personnelle, qu’une telle suppression est inéluctable, je considère néanmoins que l’année 2015 n’est pas la meilleure année pour abandonner l’envoi de la propagande électorale. En effet, la totalité des circonscriptions cantonales et la plupart des circonscriptions régionales seront modifiées. Moins médiatisées que les scrutins nationaux, les élections départementales et régionales sont celles pour lesquelles les citoyens ont le plus besoin d’information sur les candidats et sur leurs arguments. Le groupe socialiste a déposé un amendement prévoyant le maintien de l’envoi papier : j’y suis favorable. La diffusion numérique pourrait cependant être expérimentée en parallèle en vue d’une application ultérieure.

J’en termine par le programme 216, qui assure les fonctions de pilotage du ministère de l’Intérieur, avec des crédits de paiement d’environ 750 millions d’euros pour 2015.

Pour la première fois cette année, la masse salariale des inspecteurs des permis de conduire est rattachée à ce programme. Ces inspecteurs participent à la mise en œuvre d’une réforme essentielle qui vise à réduire les délais de passage des examens du permis B. La réforme tend à rendre les inspecteurs du permis de conduire plus disponibles pour faire passer les épreuves pratiques.

Je considère qu’il est indispensable, pour la réussite de cette réforme, que soient respectés les engagements pris dans le cadre du triennal visant à maintenir les effectifs des inspecteurs du permis de conduire. À ce sujet, quelles suites connaîtra l’appel à des retraités de la gendarmerie et de la police, voire à des prestataires extérieurs, pour faire passer le code ? Dans quelle mesure le Gouvernement peut-il garantir que l’organisation des épreuves du permis de conduire, examen national qui recueille le plus de candidatures, demeurera une prérogative exclusive du service public ? Enfin, comment la réforme du permis de conduire, qui vise à fluidifier son passage, s’articulera-t-elle avec une réflexion sur la qualité de la formation et des enseignements dans les auto-écoles ?

M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je me suis plus particulièrement intéressé cette année à une question à la fois actuelle et prospective : celle des conséquences sur les préfectures de la réforme territoriale.

Pour préparer mon rapport pour avis et disposer de deux exemples très contrastés, je me suis rendu à la préfecture des Hauts-de-Seine, à Nanterre, et à Belfort, préfecture du Territoire de Belfort. J’en profite pour remercier de leur accueil les préfets concernés et leurs équipes. La réforme territoriale, lancée cette année par le président de la République, ouvre une période d’incertitudes quant à l’avenir des préfectures et à l’évolution de leurs fonctions.

Ces incertitudes restent d’autant plus grandes que, sur beaucoup d’aspects, les intentions du Gouvernement ne sont pas des plus claires : le calendrier des prochaines élections départementales et régionales est particulièrement flottant ; la nouvelle carte des régions n’est pas encore stabilisée ; l’avenir des départements et des conseils généraux fait, semble-t-il, l’objet d’intenses tractations entre les différentes composantes de la majorité ; on ne sait pas si le projet de loi Lebranchu sur les compétences des collectivités territoriales sera adopté avant ou après les prochaines élections départementales...

De tels flottements se ressentent nécessairement sur le terrain et créent de l’incertitude chez les différents acteurs. Dans le cas de l’administration déconcentrée de l’État, la difficulté est d’autant plus grande que les préfectures régionales et départementales n’ont cessé, depuis plusieurs années, de s’adapter à une multitude de réformes qui ont affecté leurs attributions, leurs moyens et leurs modalités de gestion. Il leur faut donc à la fois absorber les effets des réformes passées, dans un cadre budgétaire toujours plus serré, et se préparer à de nouvelles évolutions, dont les contours sont loin d’être clairs.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser quelques questions. D’abord, puisque le budget de l’État est désormais triennal, comment voyez-vous l’évolution des effectifs des préfectures au cours des trois prochaines années ? Les suppressions d’emplois vont-elle se poursuivre ? Si oui, dans quelle mesure ?

Ensuite, quel sera l’impact sur les préfectures de région de la nouvelle carte régionale ? Tous les services seront-ils regroupés en un seul et même lieu ? Comment seront choisis les préfets de ces « super-régions » ? Pensez-vous maintenir la règle actuelle selon laquelle le préfet de région est le préfet du département où se trouve le chef-lieu de région ? Par ailleurs, comment voyez-vous l’avenir des préfectures de département, à l’heure des grandes régions et dans un contexte où, quel que soit le meccano institutionnel qui sera finalement retenu, vous prévoyez de diminuer sensiblement les compétences des conseils généraux ? N’y-t-il pas là un risque de recentralisation, au profit du préfet de département, de certaines compétences ?

Le Gouvernement a récemment annoncé une prochaine « revue des missions », qui concernera notamment l’administration territoriale de l’État. De mes travaux et de mes déplacements, il ressort que l’on attend beaucoup, sur le terrain, une clarification des missions des préfectures, tout particulièrement au niveau départemental. En effet, au cours des dernières années, les préfectures ont multiplié les gains de productivité, les efforts de mutualisation, l’appel à des vacataires, etc. Mais aujourd’hui, les préfectures font face à un éparpillement de leurs compétences. Il faut donc réfléchir à une hiérarchisation de leurs missions et aller beaucoup loin dans la simplification des procédures, ce qui profiterait à la fois aux préfectures et aux citoyens.

Je vous soumets quelques exemples concrets. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout du transfert aux professionnels de l’automobile de la compétence en matière d’immatriculation des véhicules, principalement pour les véhicules d’occasion ? Pourquoi ne pas aller plus loin avec le nouveau titre sécurisé de permis de conduire et ne pas offrir, grâce à la puce électronique que contient désormais le permis, de nouvelles fonctionnalités aux usagers ? Pourquoi ne pas relancer le dossier de la carte d’identité électronique, au point mort depuis 2012, alors que la réforme des passeports est désormais bien entrée dans les mœurs ?

S’agissant maintenant du corps préfectoral, ne pensez-vous pas nécessaire de profiter de la réforme territoriale en cours pour remettre à plat sa gestion ? Je rappelle à cet égard que la Cour des comptes a récemment relevé une « dérive des effectifs des préfets hors cadre » et suggéré de supprimer la catégorie des préfets en mission de service public. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, deux dernières questions : où en est-on de la redéfinition du rôle et du réseau des sous-préfectures ? Comment comptez-vous garantir une présence de l’État au plus près des territoires et des citoyens ? Où en est le contentieux, en cours devant le Conseil d’État, du redécoupage général des cantons, en vue des élections départementales de 2015?

M. Sergio Coronado, rapporteur pour avis suppléant de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je supplée aujourd’hui M. Paul Molac, rapporteur pour avis du programme « Vie politique, cultuelle et associative », qui s’excuse de ne pouvoir participer à nos travaux et me donne l’occasion d’aborder un sujet qui me tient à cœur.

Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser d’abord deux questions portant sur des aspects budgétaires du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

Le budget proposé révèle une forte baisse du financement public des partis politiques. L’enveloppe prévue pour 2015 est de 58,3 millions d’euros de crédits, soit 10,3 millions d’euros de moins qu’en 2014, ce qui représente une diminution de pas moins de 15 % en un an.

Cette diminution s’inscrit dans un processus de baisse continue du financement public des partis. Il avait déjà été diminué de près de 10 % dans la loi de finances pour 2013 et de 5 % dans la loi de finances pour 2012. Je rappelle qu’en 2000, l’aide publique aux partis atteignait 80 millions d’euros, à comparer aux 58,3 millions d’euros proposés pour 2015.

Le système actuel de financement public doit, certes, être amélioré : le contrôle des comptes des partis doit être renforcé, la parité entre femmes et hommes mieux assurée. Mais la démocratie a un coût. Et certains partis politiques pourront difficilement supporter ces coupes budgétaires successives.

Ma question est donc double : selon quels critères a été décidée cette baisse de 15 % de l’aide publique aux partis? Jusqu’où ira cette réduction continue, d’année en année, du financement des partis ? Avez-vous fixé un seuil de survie pour les partis politiques. En ce cas, pouvez-vous nous éclairer sur leurs perspectives financières ? En tout cas, vous l’aurez compris, je proposerai tout à l’heure un amendement de crédits maintenant le financement des partis au même niveau qu’en 2014.

Deuxième question ayant des incidences budgétaires : l’article 46 du projet de loi de finances, rattaché à la mission dont nous discutons aujourd’hui, prévoit de dématérialiser la propagande électorale aux élections départementales et régionales. Je comprends la nécessité de s’adapter aux nouveaux moyens de communication. Je suis également conscient des contraintes budgétaires qui s’imposent à nous, l’économie attendue en 2015 étant de 131 millions d’euros.

Mais il me semble audacieux, pour mettre en œuvre cette dématérialisation, de commencer par les élections départementales de mars, qui seront les premières à être organisées sur l’ensemble du territoire, dans le cadre de grands cantons entièrement remodelés et en vertu de règles qui imposent des binômes paritaires de candidats. Et croyez-vous pertinent d’expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale aux élections régionales qui auront lieu, de façon tout à fait inhabituelle, en décembre, dans le cadre d’une nouvelle carte régionale en cours d’élaboration et qu’aujourd’hui personne ne connaît ?

Pour terminer, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser quelques questions plus ciblées sur le thème qu’a retenu cette année M. Paul Molac dans son avis budgétaire, à savoir la mise en œuvre du référendum d’initiative partagée.

Cette procédure, prévue à l’article 11 de la Constitution, entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Je ne m’étendrai pas sur les obstacles juridiques qui ont été dressés par le constituant de 2008 sur le chemin de l’organisation d’un référendum de ce type : je rappelle seulement qu’il sera bien difficile de rassembler 185 parlementaires et environ 4,5 millions de signatures d’électeurs pour déclencher une procédure qui n’aboutira, dans la plupart des cas, qu’à un débat au Parlement, et non à un référendum.

D’ici au 1er janvier 2015, il revient au ministère de l’Intérieur de prendre les mesures techniques et réglementaires permettant de faire fonctionner cette nouvelle procédure. Tout en renvoyant sur ce point au rapport de mon collègue Molac, trois questions se posent aujourd’hui : où en est la préparation et la publication des décrets d’application des lois du 6 décembre 2013 qui mettent en œuvre la procédure d’initiative partagée ? Dès lors que le recueil des signatures des électeurs se fera sous forme électronique, selon quelles modalités les citoyens devront-ils s’identifier sur le futur site internet dédié au référendum d’initiative partagée ? Enfin, comment l’identité, mais aussi la qualité d’électeur, du citoyen apportant son soutien électronique à la proposition de loi seront-elles contrôlées, tant par le ministère de l’Intérieur que par le Conseil constitutionnel ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Avant de répondre à vos questions, je vais apporter quelques éléments généraux sur la réforme territoriale en cours et sur la manière dont l’État engage ses moyens pour faire monter parallèlement en gamme les services de son administration territoriale. La réforme de cette administration revêt un rôle particulièrement important au moment où s’engage la réforme des collectivités territoriales. Il en va de la cohérence de cette politique, l’administration générale et territoriale se plaçant au cœur du projet.

Les efforts portent dans trois directions. D’abord, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a créé de grandes métropoles compétentes en matière de transition énergétique, de transport et de recherche. La métropole de Lyon exerce déjà ces compétences, d’autres capitales régionales s’y préparent encore. Ensuite, dans son discours de politique générale, le Premier ministre s’est engagé à faire naître de grandes régions. Le projet sera examiné demain au Sénat et s’inspire notamment de rapports parlementaires, tel le rapport Raffarin-Krattinger. Ces grandes régions compteront demain grâce à leur force démographique et à leur capacité d’investissement. Je rappelle que les régions françaises actuelles n’ont en moyenne que 2,6 millions d’habitants, alors que leurs consœurs italiennes en comptent 4,1 millions et les régions allemandes 5,3 millions. Il convient donc de s’adapter à la compétition européenne. Enfin, l’intercommunalité devrait être réformée et une nouvelle répartition des compétences voir le jour entre départements et régions, grâce à une loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dans la foulée de la réforme régionale. Il apparaît en effet que les intercommunalités de moins de 21 000 habitants sont particulièrement dispendieuses en argent public, leurs dépenses de fonctionnement et de personnel ayant crû de manière spectaculaire au cours des dernières années, comme l’a mis en lumière la Cour des comptes.

Tel est le cadre de la mission Administration générale et territoriale de l’État, qui tiendra compte également de la disparition des conseils départementaux en zone urbaine et de la reconfiguration des cantons en zone rurale. Avec le ministre chargé de la réforme de l’État, je travaille à la rénovation parallèle des services de l’État. Nous avons pour principe de nous fonder sur le nouveau cadre de l’organisation territoriale. La région devenant le territoire de référence, l’État doit organiser ses services à l’échelle des régions fusionnées et répartir les compétences entre ses services en tenant compte de cette réforme.

Nous nous sommes fixés pour deuxième principe de définir de manière précise, au sein des services de l’État, le partage des missions entre les services centraux et les services territoriaux. Une revue des missions est désormais engagée sous la houlette du secrétariat général du Gouvernement et du secrétariat général du ministère en charge de la réforme de l’État. Mission par mission, administration par administration, nous examinons si les compétences aujourd’hui exercées méritent d’être prises en charge à l’avenir par les services centraux ou par les services territoriaux – ou bien si elles doivent être abandonnées, car les collectivités territoriales les exercent désormais, seules, de manière plus efficace. Actuellement, des doublons et des enchevêtrements nuisent encore à la rationalité et à l’efficacité de l’action de l’État.

Les contours précis de cette réflexion en cours seront connus d’ici à la fin de l’année 2014, mais je peux d’ores et déjà vous donner quelques indications. Les compétences économiques et les compétences d’aménagement du territoire seront dévolues au niveau régional. Les services de l’État ayant perdu beaucoup d’emplois, les marges de manœuvre sont étroites et il faut veiller à ce que les réformes soient soutenables en termes de ressources humaines. Mais des plateformes mutualisées au niveau régional devraient pouvoir être mises en place, quand le service rendu ne relève pas d’une mission de proximité. Ainsi, des plateformes interdépartementales de naturalisation devraient voir le jour au niveau régional, pour accomplir ces actes uniques au cours d’une existence.

Après la formation de grandes régions, la proximité s’incarnera quant à elle au niveau départemental. Certes, en zone urbaine, les conseils départementaux peuvent disparaître, mais la zone administrative subsiste. Il faut faire vivre l’interministérialité à ce niveau-là, qui offre aussi le cadre naturel de la fongibilité budgétaire. Dans ce contexte, l’État central ne gardera pas tous les pouvoirs. La coordination interministérielle s’animera autour des préfets de département. D’ici à la fin de l’année, une charte de la déconcentration définira la répartition des compétences entre l’État central et les services déconcentrés.

Après la revue des missions et l’adoption de cette charte, un dialogue sera conduit avec les élus et les organisations de personnel sur les perspectives de niveau infra-départemental. Il n’est pas question de supprimer ou de réorganiser les sous-préfectures. Aucune carte de ce genre ne reflète une prétendue volonté du ministère de l’Intérieur. Des réflexions d’inspection ont eu lieu, mais elles ne répondaient pas à une commande de notre part. En Alsace-Moselle, en revanche, les deux préfets de région ont proposé aux élus des jumelages de sous-préfectures et la construction parallèle de maisons de l’État. Sur la base de cette expérience, j’ai proposé au président de la République et au Premier ministre de confier à chaque préfet de région un mandat de négociation pour se concerter d’ici à 2017 avec les élus et les organisations de personnels sur la meilleure manière de couvrir le territoire.

Cela suppose naturellement de disposer de crédits. Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits consacrés aux maisons de l’État passent ainsi à deux millions d’euros, contre 1,3 million d’euros en 2014. Ces crédits permettront d’en ouvrir une dizaine dans les départements concernés. Je souligne également que la déflation des effectifs sera moindre que les années précédentes. Messieurs les rapporteurs, vous avez dit que 3 000 emplois ont été supprimés entre 2010 et 2013, dont plusieurs milliers avant 2012. Depuis cette date, les postes étaient supprimés au rythme de 550 par an. En 2015, ce seront 180 postes supprimés. Pour l’administration générale et territoriale de l’État, cela ne devrait pas déboucher sur des apories de fonctionnement, grâce à la mutualisation accrue et aux plateformes régionales. Couplés à l’augmentation des effectifs de sécurité, ces efforts expliquent la création nette d’emplois au ministère de l’Intérieur : alors qu’il en perdait 289 en 2014, il en gagnera 116 en 2015. Voilà pour la philosophie qui inspire la réforme en cours et les moyens alloués à l’accomplissement de nos missions.

Quant au corps préfectoral, il faudra réfléchir à de nouvelles manières de l’organiser. Si le nombre des régions se réduit de vingt-deux à treize ou quatorze, les perspectives de carrière des préfets de région ne peuvent demeurer identiques. La Cour des comptes a formulé à ce sujet des remarques qui ont nourri des reportages et des articles de presse à l’emporte-pièce. Le rapport dénonçait une prétendue dérive des préfets hors cadre. Cette dénomination est impropre, car elle suggère qu’ils sont inoccupés, ce qui n’est pas le cas.

Vous sachant soucieux du bon emploi de l’argent public, je tiens à vous rassurer : les préfets sans mission ou sans affectation sont au nombre de six. Ceux qui viennent en appui temporaire sur une mission ponctuelle sont dix-neuf, parmi lesquels, par exemple, un est chargé de la coordination des services contre l’épidémie d’Ebola, un autre de l’accueil des minorités persécutées en Syrie et en Irak. Non moins de 93 préfets occupent un emploi permanent au ministère de l’Intérieur, ou dans une autre administration ou dans le secteur privé. Huit d’entre eux sont en cabinet ministériel. Pour le corps préfectoral, il est d’ailleurs souhaitable que ses membres aient des expériences variées pour enrichir leur parcours. Les magistrats de la Cour des comptes ne sont-ils pas d’ailleurs eux-mêmes actifs à 40 % hors des juridictions financières ?

Au sujet des propositions de la Cour des comptes, le Premier ministre a répondu qu’il ne remettrait pas en cause l’existence du corps préfectoral pour y substituer un simple cadre fonctionnel. Mais une réflexion peut s’engager sur la gestion du corps. La notion de préfet hors cadre, qui stigmatise à tort certains de ses membres, sera supprimée. La professionnalisation sera en outre renforcée, tandis qu’un accompagnement à la prise de poste et un accompagnement de carrière seront mis en place. Des réflexions sont en cours sur la durée des carrières et sur la titularisation.

Monsieur Zumkeller, vous avez appelé mon attention sur la question des inspecteurs du permis de conduire. Nous avons engagé en ce domaine une réforme qui doit fait baisser le coût du permis de conduire. Ce sont 800 000 candidats qui le passent chaque année, le plus souvent des jeunes, et en tout cas rarement des personnes de plus de trente ans. Beaucoup ne sont pas très argentés. Or le coût moyen d’un permis de conduire s’élève à 1 500 euros pour ceux qui réussissent dès le premier passage. Pour les candidats qui doivent le passer deux à trois fois, les délais s’allongent, parfois jusqu’à six mois. En moyenne, il faut 98 jours en France pour repasser le permis, alors que la moyenne européenne s’établit à 45 jours. Cela porte le coût total des leçons à 2 500 ou 3 000 euros.

Aussi concentrons-nous désormais les inspecteurs sur les épreuves du permis B hors surveillance du code. L’épreuve de conduite a également été diminuée de trois minutes pour dégager des places. Depuis l’été, des réservistes font passer l’épreuve du code ; l’expérience est positive. Ainsi, 145 000 possibilités de passage supplémentaires ont pu être offertes aux candidats. Alors que les effectifs d’inspecteur ont diminué de 35 postes en 2014, ils seront stables en 2015 et tous les postes budgétaires seront pourvus.

Nous avons géré dans le dialogue le mouvement revendicatif qui a eu lieu. Il n’y aura donc pas de privatisation du service, mais seulement une délégation de service public sur les épreuves du code. Ni la formation, ni le passage du permis poids lourds ne seront privatisés. Nous fournirons des efforts pour intégrer plus franchement les inspecteurs du code dans notre administration. J’ai formulé en ce sens des propositions à Nevers à l’occasion de la sortie de leur dernière promotion.

Quant à la propagande électorale, elle engendrera une économie de 130 millions d’euros si elle est dématérialisée. Cette dématérialisation est effective dans toute l’Union européenne. Aucune corrélation n’est observable entre la diffusion sur papier et la participation électorale. La numérisation peut elle aussi renforcer la proximité, en permettant des mises à jour en continu ou en améliorant à terme les modalités d’inscription sur les listes. Pour les prochaines élections cantonales, elle semble cependant compliquée à mettre en place compte tenu des délais ; pour les régionales, qui auront lieu dans un cadre nouveau, cela ferait sans doute trop de changement à la fois.

Hier comme ministre du budget, aujourd’hui comme ministre de l’Intérieur, je suis partisan de la dématérialisation, même si le Parlement a ses propres souhaits. Elle mérite à tout le moins d’être expérimentée en parallèle de la diffusion sur papier, si vous faisiez le choix de conserver cette dernière au moins pour les élections cantonales. En bénéficiant de retours d’expérience, nous pourrions alors nous engager progressivement dans la voie de la numérisation.

La réduction des déficits publics exige des efforts de tous et les partis politiques, qui sont titulaires de financement public, ne font pas exception. Ce financement passe d’ailleurs non seulement par des subventions, mais aussi par des mécanismes de remboursement, qui font naître des dépenses budgétaires ou fiscales. Les crédits exécutés en 2014 n’étaient supérieurs que de cinq millions d’euros aux crédits proposés en projet de loi de finances initiale pour 2015. Or, l’année 2014 a été marquée par des élections. Il est donc exagéré de soutenir que les crédits baisseront de 15 %. L’économie concrète est beaucoup plus faible si l’on prend en considération les dépenses effectivement réalisées par les partis. Certes, la démocratie n’a pas de prix mais elle a un coût, et chacun doit faire des efforts. En revanche, il ne s’agit pas d’une peine au long cours. Les efforts qui sont demandés pour 2015 le seront pour solde de tout compte. Je m’y engage devant vous. Au total, c’est donc assurément mieux que de ne rien faire, et beaucoup moins horrible que la rumeur le voudrait.

Pour le référendum d’initiative partagée, prévu par la loi organique du 6 décembre 2013, prise en application de l’article 11 de la Constitution, il doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Compte tenu de la phase parlementaire de l’initiative et du contrôle de constitutionnalité prévu, les premiers soutiens à une initiative de ce genre pourront s’exprimer au plus tôt à partir de mars 2015 sur le site de communication grand public du Gouvernement. Un décret en Conseil d’État, rendu après avis motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixera les délais de dépôt, les modalités de réclamation et de recours. Un avant-projet a déjà été transmis pour avis aux collectivités d’outre-mer, au Conseil national d’évaluation des normes, à la CNIL et au Conseil d’État, et sera présenté au Conseil constitutionnel, qui veillera à la régularité des opérations de recueil des soutiens. Les développements informatiques se poursuivent de telle sorte que le système sera opérationnel le 1er mars 2015.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le ministre, le groupe SRC tient à saluer le travail réalisé par votre ministère – qui transparaît dans le budget que vous présentez – et la réforme que vous avez engagée au niveau à la fois national et territorial. En tant que députée d’une province lointaine située au bord de la Méditerranée, je vous remercie pour l’équilibre en termes de postes et de missions que vous avez su trouver dans le cadre de cette réorganisation. La rationalisation de l’État central – notamment en matière immobilière – représente un chantier qu’il fallait mener jusqu’au bout.

Les choix effectués en matière de propagande électorale touchent, vous l’avez rappelé, à la question essentielle du mode de scrutin – expression du suffrage universel – et au rapport entre la Nation et l’électeur. On pouvait se demander si cette réforme – que l’on aurait pu introduire avant les élections européennes – devait intervenir maintenant. Sachant que 18 % des foyers français ne disposent pas d’accès à internet, ce changement complexe – qu’il faut annoncer et débattre – nécessitera du temps. En admettant que la mesure peut être différée afin de laisser passer les prochaines échéances électorales, vous me rassurez. En effet, les élections cantonales à venir verront s’appliquer la nouvelle règle explicite de parité – une révision considérable du mode de scrutin ; quant aux élections régionales, elles s’accompagneront d’une transformation des régions tant dans leurs contours que dans leurs fonctions et d’une affirmation des métropoles. Il nous semble donc pertinent que cette réforme n’intervienne pas tout de suite.

Enfin, s’agissant du budget des partis politiques, vous avez exprimé une idée claire et simple : comme tout le monde, les partis doivent contribuer à l’effort national qui n’est pas facile pour les Français.

M. Olivier Marleix. Ce budget pour 2015 donne l’impression de tourner en rond ; depuis 2012, on ressasse les mêmes questions sans que le Gouvernement y apporte une quelconque forme de réponse. Ainsi, en matière d’effectifs des services déconcentrés – préfectures et sous-préfectures –, 287 emplois sont cette année supprimés dans les départements, après 379 en 2014. Au total, plus de 1 000 emplois ont été supprimés à l’échelon départemental depuis que vous êtes aux responsabilités. Le groupe UMP n’est nullement opposé au maintien de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ; mais la baisse des effectifs est aujourd’hui menée sans réorganisation des services ni réflexion sur leurs missions. Cette réduction au fil de l’eau – où des préfets de région diminuent les enveloppes des préfets de département, chacun s’adonnant à des calculs d’épicerie pour couper au mieux dans les contingents – engendre le ras-le-bol des personnels et une baisse de la qualité du service public rendu. Ainsi, selon vos propres indicateurs, monsieur le ministre, le nombre de passeports délivrés en moins de quinze jours est passé de 82 à 75 % depuis l’année dernière ; le délai d’instruction des dossiers d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) va quant à lui s’allonger pour atteindre 320 jours – un délai énorme pour une administration –, alors que chaque dossier représente des créations d’emploi en suspens. Cette évolution ne peut manquer d’inquiéter.

Vous annoncez la résurrection, sous une autre forme, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ; on aurait pu saluer cette initiative si vous ne faisiez pas les choses à l’envers. En effet, c’est une fois qu’il aura réorganisé les régions, les départements et les intercommunalités que l’État verra ce qui lui reste. Les membres du corps préfectoral reliront vos propos avec attention ; mais comment devront-ils comprendre la promesse absconse de « faire vivre l’interministérialité » ?

En juillet 2012, Manuel Valls avait annoncé tout feu tout flamme une grande réforme, « un exercice largement inédit visant à redéfinir les missions et l’organisation des sous-préfectures ». Or, le rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) sur la question n’ayant jamais été publié, c’est par la presse qu’on en apprend les contours. Ainsi, Challenges a-t-il publié au mois de juillet la carte des quarante-sept sous-préfectures sur la sellette. Si vous ne voulez pas donner libre cours aux fausses interprétations, publiez ce rapport que l’on attend depuis deux ans ; cet exercice de transparence serait le bienvenu. Sans être hostile à une évolution de la carte des services, le groupe UMP souhaite qu’elle repose sur une réflexion largement partagée et non sur la seule expérience des départements pilotes. Après la réforme Poicaré-Sarraut de 1926, y aura-il, d’ici à 2017, une réforme Valls-Cazeneuve ? Pour l’instant, ce scénario semble compromis, risquant de décrédibiliser la parole du Premier ministre qui, dès son installation place Beauvau, en avait fait une priorité. Monsieur le ministre, on attend des précisions supplémentaires sur ce point.

M. Pascal Popelin. Les conditions d’apprentissage de la conduite et de passage des épreuves du permis sont, depuis plusieurs décennies, très insatisfaisantes. Ce constat est unanimement partagé par les candidats et les associations de consommateurs et de sécurité routière, mais également par les exploitants d’auto-écoles qui subissent au quotidien les remontrances et le vif mécontentement de leur clientèle, ainsi que par les examinateurs. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, le coût de la formation et les délais de présentation aux examens – qui s’allongent encore lorsque le candidat échoue –, et nous avez présenté la philosophie générale de la réforme envisagée. Pourtant, si dans les départements les mieux pourvus, le délai pour retenter sa chance à l’épreuve de conduite avoisine aujourd’hui les 100 jours, il peut être deux fois plus long là où la situation est la plus critique, comme dans mon département de la Seine-Saint-Denis. Pour nombre de jeunes, ces délais représentent un frein à l’accès à l’emploi et à l’autonomie, les différences selon le département de résidence constituant de plus une rupture flagrante d’égalité. Dans ce contexte, la refonte du permis de conduire se fixera-t-elle également pour objectif d’homogénéiser les délais de passage de l’examen – y compris en cas de nouvelle tentative – sur l’ensemble du territoire national ?

M. Guillaume Larrivé. Les propositions avancées par la Cour des comptes dans son référé sur le corps préfectoral me laissent sceptique. Parmi les quatre recommandations, les deux premières me paraissent méconnaître l’exigence de souplesse qui doit continuer à prévaloir dans les nominations. La première fixe ainsi « l’objectif d’une durée minimale de fonctions de trois ans pour les préfets de département et de quatre ans pour les préfets de région » – des chiffres arbitraires –, alors que la durée des affectations doit pouvoir varier. La deuxième recommandation – « regrouper dans le temps, autant que possible, les nominations des préfets sous forme de mouvements cohérents » – me semble également douteuse. La troisième – supprimer, dans le cadre du corps préfectoral actuel, la catégorie des préfets en mission de service public (PMSP) – n’est pas véritablement justifiée et appelle de la part du Gouvernement une position claire de rejet. Quant à la quatrième – avancer sur la voie de la fonctionnalisation des préfets –, elle revient, comme l’a expressément reconnu le Premier ministre dans sa réponse à la Cour, à supprimer le corps préfectoral au bénéfice d’un nouveau système dans lequel ne seraient préfets que ceux des hauts fonctionnaires qui disposent d’un poste territorial. Le corps préfectoral représentant l’un des rares éléments solides qui font tenir la République, le Gouvernement doit prendre ses distances avec ces propositions inopportunes et insuffisamment documentées, quel que soit le bruit médiatique dont elles bénéficient.

M. Christophe Borgel. En matière de permis de conduire, une réflexion devrait être ouverte sur la manière dont sont attribuées les places d’examen. Le fait de les octroyer en fonction du taux de réussite des auto-écoles conduit celles-ci à repousser le passage des candidats qui ont échoué afin de ne pas voir baisser le nombre de places qu’elles se voient allouer. Faut-il garder ce système ou bien le candidat doit-il s’inscrire directement en préfecture pour le passage de l’examen ?

Le réseau des auto-écoles sociales – qui aident les personnes en difficulté à obtenir le permis de conduire – devrait bénéficier d’un système spécial d’attribution des places car ses candidats ont beaucoup de mal à réussir l’examen du premier coup. Or pour ces personnes éloignées de l’emploi, avoir le permis représente un véritable enjeu.

Si je ne suis pas opposé par principe au fait d’exiger un effort de la part des partis politiques, celui qu’on leur demande – une baisse de la dotation de 10 % l’année dernière, puis de 15 % cette année, soit un effort total d’un peu moins de 25 % – me paraît élevé. Le financement public des partis étant inscrit dans la loi, le Parlement devrait revenir sur cette exigence du Gouvernement.

Enfin, monsieur le ministre, en matière de propagande électorale, vous ouvrez une véritable réflexion qui mérite d’être poursuivie. L’effort consenti par la Nation pour assurer l’envoi postal – pratique qui n’existe dans quasiment aucune grande démocratie – n’a de sens que si celui-ci favorise réellement la participation. Or, l’augmentation des taux d’abstention à toutes les élections dans notre pays montre que ce n’est pas forcément le cas. Les parlementaires devraient donc s’atteler au travail sur le dossier de la dématérialisation, en lien avec le Gouvernement. La justesse de vos remarques sur les élections à venir ne doit pas nous conduire à éliminer cette réflexion car on dépense beaucoup d’argent pour une mesure dont l’effet sur la participation électorale n’est pas prouvé.

M. Olivier Marleix. Selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), le nombre de fraudes à l’identité s’élevait en 2009 à 210 000 par an. En mars 2012, le ministère de l’Intérieur a fait adopter une loi instaurant la carte nationale d’identité électronique (CNIE). Il est dommage que ce texte soit resté lettre morte, tant l’usurpation d’identité représente un problème difficile à combattre pour ceux qui en sont victimes. Vos services, monsieur le ministre, m’ont récemment indiqué délivrer chaque année plusieurs centaines de vraies fausses pièces d’identité – carte nationale d’identité (CNI) ou passeport. La CNIE constituerait un moyen supplémentaire de lutte contre ce phénomène.

Votre prédécesseur, Manuel Valls, s’était montré assez favorable à la CNIE en 2013, moins l’année suivante. Le sujet mériterait pourtant d’être relancé, notamment parce que ce type de document pourrait vous aider à réaliser des économies. On évalue le coût de production d’une CNI à environ 20 euros ; si son support physique coûte un peu plus cher à produire, la CNIE engendrerait un gain de temps important pour les personnels des préfectures en facilitant la saisie des données. Selon vos services, elle ferait passer le temps de traitement d’un dossier de vingt à six minutes, générant une économie de 6 euros par document d’identité, soit, pour 6 millions de titres, 36 millions d’euros par an – une somme non négligeable.

La CNIE représente également un sujet important pour nos entreprises. La France dispose d’industries performantes dans le domaine des technologies de la sécurité. Alors qu’au niveau mondial, le marché des cartes d’identité électroniques – dont le projet est développé dans plusieurs autres pays – représente plusieurs milliards d’euros par an, il est dommage que nos industriels ne puissent pas concevoir un modèle français.

Passer à la CNIE permettrait enfin – et surtout – d’accélérer le déploiement des téléprocédures entre l’État et les citoyens. Monsieur le ministre, ne pourriez-vous pas relancer ce dossier en cherchant à établir un consensus comme vous avez récemment su le faire sur la question du terrorisme ?

M. Patrick Lebreton. Réussir à maintenir l’équilibre entre un État financièrement vertueux et un État garant d’un service public efficace relève d’un véritable défi.

Le rapport sur l’intégration professionnelle des ultramarins dans leurs régions d’origine – que j’ai remis au Premier ministre l’année dernière – proposait des solutions permettant aux fonctionnaires d’outre-mer de connaître un déroulement de carrière dynamique sans nécessairement être contraints à une mobilité forcée qui s’apparente parfois à l’exil. Ainsi, pour passer en catégorie A, un agent administratif de catégorie B de la préfecture de l’île de la Réunion est souvent contraint de trouver un poste dans une préfecture de l’Hexagone. La mobilité des fonctionnaires représente une nécessité ; toutefois les conditions de vie particulières des outre-mer la rendent souvent très complexe, ce qui décourage la plupart des candidats. L’une des pistes que nous avons évoquées avec les membres du corps préfectoral que j’avais auditionnés consiste à développer davantage les plateformes de ressources humaines (RH) facilitant le passage d’une administration de l’État à une autre sur un même territoire. Cela encouragerait les ultramarins à dynamiser leur carrière administrative tout en contribuant à l’émergence d’élites locales qui – vous avez pu le constater, monsieur le ministre, lors de votre visite à la Réunion – manquent cruellement. Qu’en est-il du déploiement de ces plateformes RH qui restent pour l’instant largement conceptuelles ?

M. Alain Fauré. Monsieur le ministre, je me réjouis de l’arrêt de la suppression des postes d’inspecteurs du permis de conduire. Dans le cadre de la réorganisation des services de l’État, il faudrait même prévoir des recrutements de personnels.

Vous avez évoqué la nécessité d’adaptation des services de l’État à la réforme territoriale ; je suis pour ma part préoccupé par le contrôle de légalité des décisions – porteuses de lourdes conséquences économiques – prises par les différentes collectivités, notamment les futures grandes régions. Comment l’État compte-t-il s’organiser pour répondre rapidement à la nouvelle situation ?

L’État a bien progressé en matière de mise à disposition en ligne de documents, mais le recours à la visioconférence reste peu développé. Il pourrait pourtant permettre aux citoyens éloignés des pôles de décision d’éviter des déplacements longs et pénibles. Serait-il possible de faire étudier cette option par vos services ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Monsieur Marleix, quelques chiffres précis permettront d’éclairer l’évolution des effectifs de l’administration territoriale de l’État (ATE) ces dernières années. Entre 2009 et 2012, l’ATE a diminué de 2 472 postes ; entre 2013 et 2015, elle en aura perdu 1 100. Aux termes du budget que je vous présente, la réduction nette des effectifs en 2015 ne représente que 180 postes. Si vous ne voyez pas de différence entre une diminution de 650 et de 180 personnes par an, les personnels concernés la verront nettement !

En plus de critiquer ces réductions des effectifs – pourtant moindres que celles qu’avait pratiquées votre propre Gouvernement –, vous affirmez qu’il est particulièrement pernicieux de ne pas les accompagner d’une réforme de l’ATE qui les rendrait soutenables. Or votre accusation ne tient pas puisque nous engageons précisément une réforme importante qui n’a pas été menée jusqu’à présent. Nous procédons pour commencer à une revue des missions, car contrairement à ce que vous alléguez, je suis conscient que sans une véritable réflexion sur les responsabilités des ATE, même la perte de 180 – et non plus 650 – postes par an peut poser problème. La revue des missions permettra de faire le tri entre les tâches qui restent confiées à l’administration centrale, celles qui sont déléguées à l’administration territoriale et celles qui sont assumées par les collectivités locales et doivent donc être abandonnées par l’État. En effet, optimiser l’allocation de l’argent public exige d’éviter l’enchevêtrement, la superposition et les doublons ; aussi cherchons-nous à déterminer précisément le périmètre de l’État central, régional et départemental.

Si je souhaite développer davantage l’interministérialité des préfets – notamment au niveau du département –, c’est que ces derniers en sont demandeurs. Confrontés tous les jours aux limites du fonctionnement en tuyaux d’orgues de l’administration centrale et déconcentrée, ils aspirent à davantage de transversalité. En effet, lorsque, dans un territoire, une administration ou un secrétariat général présentent des sureffectifs, alors que les collectivités territoriales souffrent d’un manque de personnels, l’impossibilité pour les préfets d’organiser la fongibilité des lignes budgétaires et de procéder à des nominations nuit à l’efficacité de leur action. Dans la charte de la déconcentration, je souhaite donc qu’on leur donne cette souplesse – que beaucoup d’élus, et même quelques organisations syndicales des collectivités locales considèrent comme un progrès considérable.

Nous menons ces chantiers – la revue des missions et la charte de la déconcentration – tout en divisant par trois la déflation des effectifs par rapport aux pratiques antérieures. C’est pourquoi, devant la manière dont nous conduisons cette réforme de l’ATE, les fonctionnaires concernés expriment de l’intérêt plutôt que des réserves.

Vous évoquez enfin la réforme de la carte des sous-préfectures et des maisons de l’État. Je le répète : au lieu de créer des cartes place Beauvau avec mes collaborateurs, j’ai décidé de promouvoir une méthode – que nous avons mise en œuvre en Alsace-Moselle – permettant de les coproduire avec les acteurs locaux. Investis d’un mandat de négociation, les préfets de région rencontreront leurs personnels et les élus pour étudier l’évolution des territoires. Suivant un calendrier fixé, chacun d’entre eux ira au contact de leurs collaborateurs, des maires et des présidents de conseils généraux pour constater qu’à tel endroit, des sous-préfectures se sont jumelées ; que certaines ne disposent plus de sous-préfet ; que des territoires se trouvent en situation de décrochage parce que l’administration territoriale y fait depuis longtemps défaut. Après concertation, les préfets proposeront des jumelages et la création de maisons de l’État sur leurs territoires – que nous financerons dans le cadre d’une enveloppe budgétaire, afin de tout remailler ensemble. Le préfet Bouillon et le préfet Meddah ont ainsi conduit une négociation et m’ont proposé une carte que j’ai entérinée ; ils l’ont présentée aux élus et elle est entrée en vigueur. C’est ainsi que l’on procédera partout où cela sera possible, car si l’ATE doit être présente partout sur notre territoire, son organisation peut varier peut s’adapter aux spécificités locales.

Monsieur Popelin, en matière de permis de conduire, la situation en Île de France est en effet pire encore qu’ailleurs ; la durée moyenne entre la première et la seconde tentative d’examen y est si élevée que certains habitants vont passer leur permis dans d’autres régions, entrant dans des dépenses supplémentaires. Nous comptons allouer les moyens là où les besoins se font sentir. Monsieur Borgel, nous sommes conscients de la nécessité de revoir les modalités d’attribution des places pour les candidats qui passent l’examen une seconde fois et d’encourager les auto-écoles ayant une vocation sociale. Dans le cadre de la réforme du passage du permis, le ministre de l’économie et moi-même avons engagé une discussion avec les auto-écoles pour remettre à plat tous ces dispositifs en concertation avec elles. Des groupes de travail ont été constitués, et une première réunion – que je coprésiderai avec Emmanuel Macron – se tiendra dans les prochains jours en présence des représentants des auto-écoles pour essayer de poursuivre le dialogue.

Rapportée au budget réellement exécuté l’année dernière, la baisse des dotations allouées aux partis politiques représente 5 et non 15 millions d’euros. Il faut débattre cette question en séance, mais je garantis que mon ministère n’exigera pas d’autres diminutions au-delà de 2015.

Monsieur Larrivé, je suis un passionné du corps préfectoral et n’entends nullement vilipender les préfets, ces grands serviteurs de l’État qui travaillent sous de fortes contraintes. Le ministre de l’Intérieur doit disposer d’un minimum de souplesse dans la gestion de son administration et pouvoir organiser les mutations comme il l’entend ; le corps préfectoral doit aussi bénéficier du sang neuf. Mais l’on ne doit pas non plus s’interdire de faire des efforts pour mieux le gérer. C’est dans cet esprit que nous travaillons avec le secrétariat général du ministère, en avançant dans trois directions : la réflexion sur le statut stigmatisant des préfets hors cadre ; la formation et l’évaluation ; une plus grande mobilisation des compétences dans l’ensemble de l’administration. Lorsque je m’exprimerai devant les préfets à l’occasion de l’assemblée générale du corps préfectoral, je préciserai les orientations que nous entendons faire prévaloir après le rapport de la Cour des comptes. Les modifications que nous proposerons iront dans le sens du confortement, de la reconnaissance et de la protection de ce corps plutôt que de son démantèlement. Nous n’avons jamais eu autant besoin de préfets qui incarnent l’État sur les territoires.

Monsieur Marleix, l’instauration du dispositif de la CNIE paraît compliquée depuis qu’il a été fait observer qu’il posait des problèmes constitutionnels. Pour lutter contre la fraude documentaire, le Gouvernement a donc opté pour des mesures compensatoires et a mené en cette matière un travail approfondi. Nous nous sommes d’abord engagés dans une lutte résolue contre les contrefaçons et les falsifications de titres. L’efficacité des détections faites en préfecture étant fonction des formations continues dispensées par les agents spécialisés des directions départementales de la police aux frontières, 1 768 agents de préfectures et de sous-préfectures ont été formés en 2013 – ce qui représente près de 12 000 heures de formation. Deux dispositifs majeurs ont été généralisés en 2014 : dans le cadre de l’instruction des demandes de passeport, les actes de naissance émis par les communes raccordées au projet COMEDEC sont désormais transmis aux préfectures par voie dématérialisée et totalement sécurisée. L’apposition, sur les justificatifs de domicile, d’un code barre à deux dimensions
– pleinement opérationnel pour les factures émises par SFR, Bouygues, France Télécom, GDF Suez et EDF – devrait permettre d’améliorer encore la fiabilité des procédures. Nous avons également renforcé la lutte contre les obtentions indues de titres, l’effort portant d’une part sur la sécurisation de la chaîne de délivrance, et d’autre part sur la traçabilité des titres édités.

Monsieur Lebreton, une plateforme RH interministérielle existe déjà à la Réunion ; nous envisageons de nouer un dialogue avec les collectivités ultramarines pour favoriser au maximum les mobilités locales et développer ce type de plateformes.

Quant à l’utilisation de la visioconférence, monsieur Fauré, le ministère a engagé une réflexion sur la numérisation et la dématérialisation – qui excède le seul enjeu de la propagande électorale. Il est non seulement envisageable, mais souhaitable de développer de nouvelles modalités de communication entre l’administration et les usagers. Le recours à la visioconférence fait partie des propositions concernant le développement de la relation numérique qui s’inscrivent au cœur de la réflexion que nous conduisons avec Thierry Mandon sur la réforme de l’ATE.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre, je vous remercie.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », la Commission examine pour avis les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État (M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » ; M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative »).

La Commission examine l’amendement n° II-CL9 (article 32, état B) de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à maintenir l’aide publique aux partis politiques au montant adopté en loi de finances initiale pour 2014, soit 68,7 millions d’euros.

L’amendement transfère, à cette fin, 10,3 millions d’euros du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » au profit du programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Je rappelle, à titre de comparaison, qu’en 2000, le financement public des partis politiques était de 80 millions d’euros. J’ajoute, en réponse à M. le ministre, qui a fait référence au niveau d’exécution des crédits lors de nos débats en commission élargie, que l’argument ne tient pas : si le niveau effectif de consommation des crédits est toujours inférieur au montant ouvert en loi de finances, c’est en raison, chaque année, de l’impact des modulations financières au titre de la parité entre hommes et femmes.

La Commission adopte l’amendement.

Puis, conformément aux conclusions de M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », et de M. Sergio Coronado, suppléant M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2015.

Article 46 : Réforme de la propagande électorale dans le cadre des élections régionales, départementales et des assemblées de Guyane et de Martinique

La Commission adopte les amendements de suppression n° II-CL4 de M. Paul Molac, II-CL7 de M. Olivier Marleix et II-CL8 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

En conséquence, les amendements II-CL5 et II-CL6 de M. Sergio Coronado tombent.

ANNEXE : LOIS DU 6 DÉCEMBRE 2013 PORTANT APPLICATION DE L’ARTICLE 11 DE LA CONSTITUTION

Loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution 60

Art. 1er à 10

Loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution 63

Art. 1er à 6

Loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution

Chapitre Ier : Dispositions relatives aux propositions de loi présentées en application de l’article 11 de la Constitution

Art. 1er. – Une proposition de loi présentée par des membres du Parlement en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution est déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel.

La proposition de loi est transmise au Conseil constitutionnel par le président de l’assemblée saisie. Aucune signature ne peut plus être ajoutée ou retirée.

Chapitre II : Dispositions relatives au Conseil constitutionnel

Art. 2. – L’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est ainsi modifiée :

1° Après le chapitre VI du titre II, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :

« Chapitre VI bis

« De l’examen d’une proposition de loi déposée en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution

« Art. 45-1. – Lorsqu’une proposition de loi lui est transmise par le président d’une assemblée en vue du contrôle prévu au quatrième alinéa de l’article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel en avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et le président de l’autre assemblée.

« Art. 45-2. – Le Conseil constitutionnel vérifie, dans le délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de loi :

« 1° Que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction ;

« 2° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant calculés à la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel ;

« 3° Et qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution.

« Art. 45-3. – Le Conseil constitutionnel statue par une décision motivée, qui est publiée au Journal officiel.

« S’il déclare que la proposition de loi satisfait aux dispositions de l’article 45-2, la publication de sa décision est accompagnée de la publication du nombre de soutiens d’électeurs à recueillir.

« Art. 45-4. – Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi.

« Il examine et tranche définitivement toutes les réclamations. Il peut être saisi par tout électeur durant la période de recueil des soutiens ou dans un délai de dix jours suivant sa clôture.

« Les réclamations sont examinées par une formation composée de trois membres désignés pour une durée de cinq ans par le Conseil constitutionnel, sur proposition de son président, parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou les membres des juridictions administratives, y compris honoraires.

« Dans un délai de dix jours suivant la notification de la décision de la formation, l’auteur de la réclamation peut contester la décision devant le Conseil assemblé.

« Dans le cas où, saisi d’une contestation mentionnée à l’avant-dernier alinéa ou saisi sur renvoi d’une formation, le Conseil constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement des opérations, il lui appartient d’apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu soit de maintenir lesdites opérations, soit de prononcer leur annulation totale ou partielle.

« Art. 45-5. – Le Conseil constitutionnel peut ordonner toute enquête et se faire communiquer tout document ayant trait aux opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi. Le ministre de l’intérieur communique au Conseil constitutionnel, à sa demande, la liste des soutiens d’électeurs recueillis.

« Le Conseil constitutionnel fait appel, pour l’exercice de ses fonctions, aux services compétents de l’État.

« Il peut désigner des rapporteurs adjoints choisis parmi les maîtres des requêtes du Conseil d’État et les conseillers référendaires à la Cour des comptes. Les rapporteurs adjoints n’ont pas voix délibérative.

« Il peut désigner des délégués parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou les membres des juridictions administratives, y compris honoraires, ainsi que des experts, afin de l’assister dans ses fonctions.

« Il peut commettre un de ses membres ou un délégué pour recevoir sous serment les déclarations des témoins ou pour diligenter sur place d’autres mesures d’instruction.

« Art. 45-6. – Le Conseil constitutionnel déclare si la proposition de loi a obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Sa décision est publiée au Journal officiel. » ;

2° A la seconde phrase de l’article 56, la référence : « et 43 » est remplacée par les références : «, 43 et 45-5 ».

Chapitre III : Dispositions relatives au recueil des soutiens

Art. 3. – Le ministre de l’intérieur met en œuvre, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, le recueil des soutiens apportés à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution.

Art. 4. – I. ― L’ouverture de la période de recueil des soutiens intervient dans le mois suivant la publication de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel déclare que la proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution satisfait aux dispositions de l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à une date fixée par décret.

II. ― La durée de la période de recueil des soutiens est de neuf mois.

III. ― Si une élection présidentielle ou des élections législatives générales sont prévues dans les six mois qui suivent la décision du Conseil constitutionnel, la période de recueil des soutiens débute le premier jour du deuxième mois qui suit le déroulement des dernières élections prévues ou intervenues.

IV. ― En cas de dissolution de l’Assemblée nationale, de vacance de la présidence de la République ou d’empêchement définitif du Président de la République constaté par le Conseil constitutionnel, la période de recueil des soutiens est suspendue à compter de la publication du décret de convocation des électeurs. Cette période reprend à compter du premier jour du deuxième mois qui suit le déroulement des élections.

Art. 5. – Les électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent apporter leur soutien à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution.

Ce soutien est recueilli sous forme électronique.

Un soutien ne peut être retiré.

Les électeurs sont réputés consentir à l’enregistrement de leur soutien aux seules fins définies par la présente loi organique.

Art. 6. – Des points d’accès à un service de communication au public en ligne permettant aux électeurs d’apporter leur soutien à la proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution par voie électronique sont mis à leur disposition au moins dans la commune la plus peuplée de chaque canton ou au niveau d’une circonscription administrative équivalente et dans les consulats.

Pour l’application du premier alinéa, tout électeur peut, à sa demande, faire enregistrer électroniquement par un agent de la commune ou du consulat son soutien présenté sur papier.

Art. 7. – La liste des soutiens apportés à une proposition de loi peut être consultée par toute personne.

À l’issue d’un délai de deux mois à compter de la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel déclarant si la proposition de loi a obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, les données collectées dans le cadre des opérations de recueil des soutiens sont détruites.

Art. 8. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés lorsqu’elles sont relatives aux traitements de données à caractère personnel.

Chapitre IV : Dispositions relatives à la procédure référendaire

Art. 9. – Si la proposition de loi n’a pas été examinée au moins une fois par chacune des deux assemblées parlementaires dans un délai de six mois à compter de la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel déclarant qu’elle a obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, le Président de la République la soumet au référendum. Ce délai est suspendu entre deux sessions ordinaires.

Pour l’application du premier alinéa, en cas de rejet de la proposition de loi en première lecture par la première assemblée saisie, son président en avise le président de l’autre assemblée et lui transmet le texte initial de la proposition de loi.

Art. 10. – La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du treizième mois suivant celui de sa promulgation.

La présente loi sera exécutée comme loi de l’État.

Loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution

Art. 1er. – Après le livre VI bis du code électoral, il est inséré un livre VI ter ainsi rédigé :

« Livre VI ter

« Dispositions applicables aux opérations référendaires

« Titre Ier

« Recueil des soutiens à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution

« Chapitre Ier

« Financement des actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens

« Art. L. 558-37. – Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution ne peuvent excéder 4 600 €.

« Tout don de plus de 150 € consenti à un parti ou groupement politique en vue du financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. Le parti ou groupement politique délivre un reçu pour chaque don.

« Le montant global des dons en espèces faits au parti ou groupement politique en vue du financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens ne peut excéder 20 % du total des fonds récoltés.

« L’ensemble des opérations financières conduites par un parti ou groupement en vue de la campagne de collecte de soutiens fait l’objet d’une comptabilité annexe et détaillée dans les comptes de ce parti ou groupement politique.

« A l’exception des partis ou groupements politiques, les personnes morales ne peuvent participer au financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution ni en consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en fournissant des biens, services ou autres avantages, directs ou indirects, à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.

« Aucun État étranger ou personne morale de droit étranger ne peut participer, directement ou indirectement, au financement de telles actions.

« La violation du présent article est passible des peines prévues au II de l’article L. 113-1. »

Art. 2. – Le titre Ier du livre VI ter du code électoral, tel qu’il résulte de l’article 1er de la présente loi, est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Dispositions pénales

« Art. L. 558-38. –Le fait, pour toute personne participant aux opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi présentée au titre de l’article 11 de la Constitution, d’usurper l’identité d’un électeur inscrit sur la liste électorale ou de tenter de commettre cette usurpation est puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

« Art. L. 558-39. –Le fait, dans le cadre des mêmes opérations, de soustraire ou d’altérer, de manière frauduleuse, les données collectées ou de tenter de commettre cette soustraction, cet ajout ou cette altération est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende lorsque les faits mentionnés au premier alinéa sont commis avec violence.

« Art. L. 558-40. – Le fait, dans le cadre des mêmes opérations, de déterminer ou tenter de déterminer un électeur à apporter son soutien ou à s’en abstenir à l’aide de menaces, violences, contraintes, abus d’autorité ou abus de pouvoir est puni de deux ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

« Art. L. 558-41. –Le fait, dans le cadre des mêmes opérations, de proposer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques afin de déterminer l’électeur à apporter son soutien ou à s’en abstenir est puni de deux ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

« Le fait d’agréer ou de solliciter ces mêmes offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est puni des mêmes peines.

« Art. L. 558-42. –Le fait, dans le cadre des mêmes opérations, de reproduire des données collectées à d’autres fins que celles de vérification et de contrôle ou de tenter de commettre cette reproduction est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

« Art. L. 558-43. –Les personnes coupables de l’une des infractions prévues au présent chapitre peuvent être également condamnées à :

« 1° L’interdiction des droits civiques suivant les modalités prévues aux 1° et 2° de l’article 131-26 du code pénal ;

« 2° L’affichage ou la diffusion de la décision mentionnés à l’article 131-35 et au 9° de l’article 131-39 du même code. »

Art. 3. – Les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre du recueil des soutiens à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution sont autorisés par décret en Conseil d’Etat pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; cet avis est publié avec le décret autorisant le traitement.

Le droit pour toute personne physique de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement est écarté.

Art. 4. – L’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les trois premiers alinéas du présent article ne sont pas applicables à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution et transmise au Conseil constitutionnel dans les conditions prévues à l’article 45-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »

Art. 5. – Le livre VI ter du code électoral, tel qu’il résulte de l’article 1er de la présente loi, est complété par un titre II ainsi rédigé :

« Titre II

« Organisation du référendum

« Chapitre Ier

« Dispositions générales

« Art. L. 558-44. – Le corps électoral, appelé à se prononcer sur le projet ou la proposition de loi soumis au référendum, décide à la majorité des suffrages exprimés.

« Art. L. 558-45. – Il est mis à la disposition des électeurs deux bulletins de vote imprimés sur papier blanc dont l’un porte la réponse " oui ” et l’autre la réponse " non ”.

« Lorsque plusieurs référendums sont organisés le même jour, il est mis à disposition des électeurs un bulletin de vote imprimé sur papier blanc permettant de répondre à chaque question posée par la réponse " oui ” ou " non ”.

« Art. L. 558-46. – Sont applicables aux opérations référendaires régies par le présent titre :

« 1° Les chapitres Ier, II, V, VI et VII du titre Ier du livre Ier, à l’exception des articles L. 52-3, L. 55, L. 56, L. 57, L. 58, des deux derniers alinéas de l’article L. 65, de l’article L. 66, des deux derniers alinéas de l’article L. 68, des articles L. 85-1, L. 88-1, L. 95, des 1° à 5° du I de l’article L. 113-1 et du II du même article ;

« 2° Les articles L. 385, L. 386, L. 387, L. 389, L. 390-1 et L. 393 ;

« 3° Les articles L. 451, L. 477, L. 504 et L. 531.

« Pour l’application de ces dispositions, il y a lieu de lire : " parti ” ou " groupement habilité à participer à la campagne ” au lieu de : " candidat ” ou " liste de candidats ”.

« Chapitre II

« Recensement des votes

« Art. L. 558-47. – Dans chaque département, chaque collectivité d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, il est institué une commission de recensement siégeant au chef-lieu et comprenant trois magistrats, dont son président, désignés par le premier président de la cour d’appel ou, à Saint-Pierre-et-Miquelon, par le président du tribunal supérieur d’appel.

« Aux îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le président de la juridiction d’appel peut, si le nombre des magistrats du siège est insuffisant, désigner, sur proposition du représentant de l’Etat, des fonctionnaires en qualité de membres de la commission prévue au premier alinéa.

« Il est institué une commission de recensement siégeant à Paris et comprenant trois magistrats, dont son président désigné par le premier président de la cour d’appel de Paris, compétente pour les votes émis par les Français établis hors de France.

« Art. L. 558-48. – La commission de recensement est chargée :

« 1° De recenser les résultats constatés au niveau de chaque commune et, aux îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, au niveau de la collectivité d’outre-mer ;

« 2° De trancher les questions que peut poser, en dehors de toute réclamation, le décompte des bulletins et de procéder aux rectifications nécessaires, sans préjudice du pouvoir d’appréciation du Conseil constitutionnel.

« La commission prévue au dernier alinéa de l’article L. 558-47 exerce les missions mentionnées aux 1° et 2° du présent article pour les votes émis par les Français établis hors de France.

« Art. L. 558-49. – Au plus tard le lendemain du scrutin, à minuit, la commission de recensement adresse au Conseil constitutionnel les résultats du recensement et le procès-verbal auquel sont joints, le cas échéant, les procès-verbaux portant mention des réclamations des électeurs.

« Le recensement général des votes est effectué par le Conseil constitutionnel. »

Art. 6. – La présente loi entre en vigueur le même jour que la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution.

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

La présente loi sera exécutée comme loi de l’État.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

● Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)

– M. Paul Hébert, directeur adjoint à la direction de la conformité

– M. Émile Gabrié, chef du secteur régalien et collectivités territoriales

– Mme Tiphaine Inglebert, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

● Conseil constitutionnel

– M. Olivier Dutheillet de Lamothe, président de la formation prévue au troisième alinéa de l’article 45-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, président de la section sociale du Conseil d’État, membre honoraire du Conseil constitutionnel

● Ministère de l’Intérieur

– M. Marc Drouet, adjoint à la directrice de la modernisation et de l’action territoriale

– M. Marc Tschiggfrey, chef du bureau des élections et des études politiques

– M. Kévin Mazoyer, adjoint au bureau des élections et des études politiques

● Universitaires

– M. Christophe Geslot, maître de conférences en droit public à l’université de Franche-Comté

– Mme Anne Levade, professeur de droit public à l’université Paris-Est Créteil Val-de-Marne

© Assemblée nationale

1 () Les deux autres programmes de cette mission, « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », font l’objet d’un rapport pour avis, au nom de la commission des Lois, de M. Michel Zumkeller. Le responsable des trois programmes est M. Michel Lalande, secrétaire général du ministère de l’Intérieur.

2 () En application de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, un parti politique peut bénéficier de la première fraction de l’aide publique si, lors du plus récent renouvellement de l’Assemblée nationale, il a présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions ou s’il a présenté des candidats uniquement outre-mer (collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou Nouvelle-Calédonie) ayant chacun obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés. Une seconde fraction de l’aide publique est attribuée aux partis bénéficiaires de la première fraction, proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de l’année précédente, y être inscrits ou s’y rattacher.

3 () Voir par exemple, pour les déclarations des députés faites en novembre 2013, le Journal officiel du 5 décembre 2013.

4 () Ou dans une circonscription à l’étranger.

5 () Décision n° 2014-407 QPC du 18 juillet 2014, MM. Jean-Louis M. et Jacques B. [Seconde fraction de l’aide aux partis et groupements politiques].

6 () Sans que cette réduction puisse excéder le montant de la première fraction de l’aide, ce qui s’analyserait alors en une pénalité financière. Par ailleurs, le même article 60 réforme les modalités de rattachement aux partis politiques des candidats aux élections législatives : en vue de mettre fin aux rattachements de candidats non investis par le parti concerné, les partis politique devront désormais, dans des conditions qui seront précisées par décret, établir « une liste des candidats qu’ils présentent ».

7 () Projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

8 () L’article 46 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit que les nouvelles dispositions entrent en vigueur dans les conditions fixées par la loi organique nécessaire à leur application : il s’agit de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution (voir infra).

9 () Comité consultatif pour une révision de la Constitution, présidé par le doyen Georges Vedel, rapport au président de la République, février 1993.

10 () Dernier alinéa de l’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, issu de l’article 4 de la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 précitée.

11 () Article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, issu de l’article 2 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

12 () Article 45-2 précité.

13 () Les « propositions de loi mentionnées à l’article 11 avant qu’elles ne soient soumises au référendum (…) doivent être soumis[es] au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution ».

14 () Premier alinéa de l’article 11 de la Constitution. Rappelons que l’usage de ce référendum en matière constitutionnelle date de 1962 et reste sujet à discussion.

15 () 3° de l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, issu de l’article 2 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

16 () Conseil constitutionnel, décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013, Loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution, cons. 8.

17 () La même décision précise que ce contrôle par le Conseil constitutionnel n’est pas exclusif du contrôle de la recevabilité financière qui doit systématiquement avoir lieu au sein de l’assemblée concernée lors du dépôt de la proposition de loi (à l’instar des propositions de loi « classiques » : voir les articles 81, alinéa 2, et 89, alinéa 1er, du Règlement de l’Assemblée nationale).

18 () Article 45-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, issu de l’article 2 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

19 () Article 4 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

20 () Idem.

21 () Décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 précitée, cons. 23. Une telle situation peut se présenter dans la mesure où la durée de recueil des soutiens (neuf mois) est supérieure à la période de neutralisation de la procédure prévue dans la loi organique (six mois). Comme l’a relevé M. Christophe Geslot, cette réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel « n’atteint cependant pas pleinement son objectif car le recueil des soutiens pourra interférer avec une campagne électorale avant d’être suspendu. Ainsi, par exemple, une collecte débutant le 1er septembre pour s’achever le 31 mai, serait suspendue le 21 février en raison de la convocation des électeurs pour une élection présidentielle le 22 avril. Néanmoins, du 22 octobre (six mois avant l’élection présidentielle) au 21 février, les deux opérations se chevauchent. Pour l’éviter, c’est une obligation de report que le Conseil aurait dû retenir lorsque sa décision est rendue dans les neuf mois qui précèdent une élection générale. Mais cela l’aurait conduit à modifier directement la loi organique tout en générant un allongement supplémentaire d’une procédure déjà longue » (« La mise en œuvre du référendum d’initiative minoritaire », AJDA, 2014, n° 16, p. 893).

22 () Au 1er mars 2014, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dénombrait 44,6 millions d’inscrits sur les listes électorales.

23 () Article 5 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

24 () Article 6 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

25 () Article L. 558-37 du code électoral, issu de l’article 1er de la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 précitée.

26 () Articles L. 558-38, L. 558-40 et L. 558-41 du code électoral, issus de l’article 2 de la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 précitée.

27 () Article 7 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

28 () Article 3 de la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 précitée.

29 () Article 5 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée et article L. 558-42 du code électoral, issu de l’article 2 de la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 précitée. Sont, par ailleurs, pénalement réprimées la soustraction et l’altération frauduleuse de ces données (article L. 558-39 du même code).

30 () Article 7 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

31 () Articles 45-4 à 45-6 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, issus de l’article 2 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

32 () Cette solution s’inspire du mécanisme existant en contentieux électoral, pour lequel des « sections » sont chargées d’instruire les affaires, à cette importante différence près que celles-ci sont composées de membres du Conseil constitutionnel.

33 () Article 45-4 précité.

34 () Conseil constitutionnel, décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 précitée, cons. 16.

35 () Conseil constitutionnel, décision précitée, cons. 34.

36 () Ce délai est suspendu entre les sessions ordinaires et en cas de dissolution de l’Assemblée nationale (article 9, alinéa 1er, de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée et décision du Conseil constitutionnel précitée, cons. 31).

37 () Conseil constitutionnel, décision précitée, cons. 33.

38 () Article 9, alinéa 2, de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

39 () Dans les conditions prévues à l’article 41 de la Constitution : « S’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie peut opposer l’irrecevabilité. En cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de l’un ou de l’autre, statue dans un délai de huit jours ».

40 () Par exemple, « le fait que le texte de la proposition de loi examiné en séance publique par une assemblée a été modifié, en application de l’article 42 de la Constitution, par rapport au texte de la proposition de loi ayant recueilli le soutien des électeurs est sans incidence sur l’examen de la proposition de loi au sens et pour l’application du cinquième alinéa de l’article 11 » a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 précitée (cons. 33).

41 () Il s’agit des neuf mois de recueil électronique des soutiens des électeurs et des six mois prévus pour l’examen par le Parlement.

42 () En application de l’article 8 de la loi organique n° 2013-1114 et de l’article 3 de la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 précitées.

43 () En application de l’article 8 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précitée.

44 () S’y ajouterait, pour 2015, une contribution de 130 000 euros du Conseil constitutionnel : voir infra, D.

45 () Sont ainsi visées les collectivités d’outre-mer non découpées en cantons.

46 () Dans le cas des communes comprenant plusieurs cantons, un seul point d’accès à internet bénéficiera d’un financement de l’État. Par exception, l’État participera au financement d’un point d’accès par arrondissement à Paris et à Lyon et par secteur à Marseille.

47 () Sur ce dernier point, voir infra, B, 1.

48 () Par exemple les référendums locaux ou les consultations prévues à l’article 72-1, dernier alinéa, de la Constitution (« Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi »).

49 () Saisi pour avis du projet de loi organique en 2010, le Conseil d’État avait, dans le même sens, souligné la nécessité de procéder – notamment – à un « contrôle de cohérence des informations enregistrées » (rapport public 2011, volume 1, p. 105).

50 () Le numéro IP (Internet Protocol), qui peut être provisoire ou permanent, permet d’identifier un terminal informatique connecté à internet.

51 () Fichier prévu à l’article L. 37 du code électoral.

52 () Décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013, Loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution, cons. 28.

53 () Même si cette dernière, en 2010, avait recommandé de s’en tenir aux seuls nom et prénom – excluant l’indication de la commune. Une telle solution poserait néanmoins de sérieuses difficultés en cas d’homonymie.

54 () Selon lesquelles le décret d’application devra respecter les exigences qui résultent de l’article 2 de la Déclaration de 1789, en l’occurrence le droit au respect de la vie privée (décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 précitée, cons. 28).

55 () Décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 précitée, cons. 28.

56 () Comme l’a souligné M. Christophe Geslot, « l’identification des électeurs ayant apporté leur soutien n’en demeure pas moins possible dans le cadre d’une petite commune, pour peu que l’on prenne le temps de procéder à une vérification pour chaque nom » (article précité).

57 () L’article L. 558-42 du code électoral, issu de l’article 2 de la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 précitée, dispose que le fait de « reproduire des données collectées à d’autres fins que celles de vérification et de contrôle ou de tenter de commettre cette reproduction est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».

58 () Voir également supra, I, B, 3, b.

59 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2014-130 ORGA du 6 août 2014, Nomination des membres de la formation prévue au troisième alinéa de l’article 45-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

60 () Voir en ce sens le « bleu » budgétaire consacré aux crédits des pouvoirs publics pour 2015, page 34.

61 () Ou par voie postale s’il ne dispose pas d’une adresse électronique.

62 () Christophe Geslot, « La mise en œuvre du référendum d’initiative minoritaire », AJDA, 2014, n° 16, p. 893.

63 () « Le référendum d’initiative partagée sera bientôt opérationnel mais l’on s’interroge encore sur son utilité », Revue française de droit constitutionnel, 2014, n° 98, p. 258.

64 () Source : Stéphane Schott, « Le référendum dans les Länder de la République fédérale d’Allemagne », dans Théorie et pratiques du référendum, Société de législation comparée, 2012, p. 66. Le nombre requis de signatures varie d’un Land à l’autre.

65 () Au niveau fédéral, le référendum d’initiative populaire n’est possible qu’en matière constitutionnelle, même s’il permet en pratique d’intervenir dans des domaines matériellement législatifs (articles 138 et 139 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse). Les lois fédérales ordinaires peuvent, quant à elles, faire l’objet d’un référendum d’approbation, à l’initiative de 50 000 citoyens ou de huit cantons, dans les cent jours suivant leur publication (article 141).

66 () L’initiative populaire y aboutit au dépôt au Parlement d’une proposition de loi, non à un référendum (article 87 de la Constitution espagnole).

67 () L’initiative populaire n’y permet que des référendums abrogatifs (article 75 de la Constitution italienne).

68 () Cette initiative ne permet que d’ « inviter » la Commission européenne à présenter des propositions d’actes juridiques dans des domaines relevant de sa compétence (article 11 du traité sur l’Union européenne). Des nombres minimaux de signataires par État membre sont, en outre, fixés par le droit dérivé de l’Union européenne, par exemple 55 500 signatures en France (règlement n° 211/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 relatif à l’initiative citoyenne, modifié par le règlement délégué (UE) n° 531/2014 de la Commission du 12 mars 2014).

69 () Il s’agit de l’initiative « L’eau et l’assainissement sont un droit humain ! L’eau est un bien public, pas une marchandise ! », qui a recueilli 1 659 543 signatures, de l’initiative « Un de nous » (en faveur de la protection des embryons humains), qui a recueilli 1 721 626 signatures, et de l’initiative « Stop vivisection », qui aurait recueilli 1 326 807 signatures selon les organisateurs (chiffre non encore confirmé par la Commission européenne).

70 () Christophe Geslot, article précité.

71 () Dans sa décision n° 89-265 DC du 9 janvier 1990, Amnistie d’infractions commises à l’occasion d’événements survenus en Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur pouvait abroger des dispositions législatives antérieures, qu’elles soient d’origine parlementaire ou référendaire, à la seule condition de « ne pas priver de garanties légales des principes constitutionnels ».

72 () En 1995, le champ du référendum législatif a été étendu aux « réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent ». En 2008, la politique « environnementale » a été ajoutée.

73 () Voir, par exemple, les expériences de Comité consultatif constitutionnel en Islande de 2010 à 2012 et de Commission constitutionnelle consultative en Irlande en 2012 et 2013.