Guyane : delinquance et criminalite
Question de :
Mme Taubira-Delannon Christiane
- RL
Question posée en séance, et publiée le 12 décembre 1996
M. le president. La parole est a Mme Christiane Taubira-Delannon.
Mme Christiane Taubira-Delannon. Miguel etait un adolescent de dix-neuf ans. Il est tombe samedi a onze heures du matin, au beau milieu de la ville, entre deux ecoles, tire a bout portant par un autre adolescent, arme d'un fusil a canon scie.
Le mois dernier, parasitant le mouvement de contestation des collegiens, des lyceens et des jeunes sans espoir, des bandes manifestement organisees et equipees ont devalise des armureries et se seraient empare de plus d'une centaine de fusils, dont certains reputes extremement dangereux.
Monsieur le ministre de l'interieur, avez-vous mis en place un dispositif particulier pour prevenir l'insecurite specifique liee a cette situation et pour endiguer en Guyane l'insecurite croissante sur laquelle vous avez ete alerte par une marche silencieuse qui a rassemble plus de 7 000 personnes en debut d'annee ?
Par pitie pour les mamans eplorees qui ont vu tomber leurs fils, par charite pour les meres angoissees qui tremblent des que le telephone sonne, par respect pour cette population qui, jusqu'a present, s'est montree exemplaire par son civisme et sa retenue, je vous demande de ne pas me repondre par des chiffres, de ne pas repondre par des effectifs provisoires, des operations spectaculaires et des methodes servant surtout a harceler les Guyanais et les etrangers tranquilles.
Je vous demande de nous dire dans combien de temps vous allez recruter et former sur place des policiers, les equiper en consequence pour leur permettre de combattre efficacement la grande delinquance. Dites-nous combien de temps encore nous devrons demander aux meres et aux peres affliges de patienter et de garder leur confiance dans les institutions (Une voix sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre: «Nique ta mere !») chargees de prevenir et de sanctionner les actes meurtriers. Dites-nous combien de temps encore nous devrons contenir l'impatience de nos enfants inconsolables, en sachant que leurs larmes de douleur, de rage et d'impuissance ne parviendront jamais a laver leurs yeux de l'horreur de ces jeunes vies volees. Je vous assure que le temps presse. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Republique et Liberte, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue a l'outre-mer.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre delegue a l'outre-mer. Madame le depute, vous appelez l'attention du Gouvernement sur les problemes de securite en Guyane. Je suis tout a fait conscient, comme vous, de la realite sur le terrain, et je sais qu'elle est plus particulierement preoccupante encore a Cayenne. Le drame de ce week-end est la pour le rappeler.
Vous me dites de ne pas vous repondre par des chiffres. Pourtant, la premiere des conditions pour que la securite soit assuree dans les meilleures conditions possibles, c'est un renforcement des effectifs policiers, car le territoire de la Guyane est si vaste, les problemes d'immigration si importants que, s'il n'y a pas un renforcement des effectifs, nous n'aurons pas de solution.
Or ces effectifs ont non seulement ete renforces depuis le 1er janvier 1993, puisque nous sommes passes de 109 fonctionnaires a 157, mais ils le seront encore en 1997. Les credits de fonctionnement pour les effectifs policiers auront ete augmentes en 1996 de 38 %. C'est dans cette voie, et conformement aux instructions du Premier ministre, que, bien sur, nous continuerons. L'effort pour la seule annee 1996 aura ete une augmentation de vingt policiers supplementaires pour la Guyane.
Ces differents elements ont donne quelques resultats tangibles, puisque, depuis le 1er janvier 1996, les services de securite publique ont interpelle soixante-quinze auteurs de vols avec violence, et le nombre d'agressions avec arme a feu a ete considerablement reduit.
Des dispositions specifiques ont ete prises de maniere que les armes derobees dans les deux armureries qui ont ete fracturees au moment des derniers evenements soient retrouvees. A ce jour, au moins 40 a 45 % de ces armes ont ete recuperees.
Les problemes de securite, madame le depute, vous le savez bien, ne sont pas uniquement lies aux problemes des effectifs de police, mais a ceux de la societe guyanaise elle-meme, et de son mal-etre. Nous avons apporte, avec Francois Bayrou, des reponses aux problemes de l'education nationale. Nous sommes en train de trouver, avec mon collegue Philippe Vasseur, une solution au probleme des agriculteurs, et notamment a leur endettement consecutif au «plan vert» qui a ete, il faut bien le dire, une catastrophe.
Nous continuerons d'apporter des reponses en restructurant les circuits financiers qui doivent permettre au secteur du BTP de redemarrer et en aidant les collectivites locales a remplir leur role, de maniere que la societe guyanaise se sente comme la societe de n'importe quel departement francais. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : Mme Taubira-Delannon Christiane
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Dom
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 décembre 1996