commerce hors taxes
Question de :
M. Jacques Masdeu-Arus
Yvelines (12e circonscription) - Rassemblement pour la République
M. Jacques Masdeu-Arus appelle l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur le problème de la suppression du commerce hors taxes intracommunautaire qui doit intervenir en juin 1999. Loin de se résumer aux boutiques « duty free » présentes dans les aéroports ou sur les ferries, ce commerce revêt une grande importance économique et représente de très nombreux emplois dans des secteurs variés tels que les services, l'industrie et l'artisanat. La décision de supprimer ce type de commerce, prise par le Conseil des ministres des finances de l'Union européenne, en 1991, dans le cadre de l'établissement de l'harmonisation fiscale européenne, ne manquera pas de s'accompagner de lourdes conséquences sociales et économiques. On estime ainsi que le 20 juin 1999 ce sont près de 140 000 emplois, à l'échelon européen, qui se trouveront menacés. En France, entre 18 000 et 23 000 emplois risquent de disparaître. Des régions entières, comme le Nord - Pas-de-Calais ou la Charente vont subir de plein fouet les conséquences négatives de la disparition des « duty free ». Par ailleurs, il faut savoir que de 30 % à 50 % du chiffre d'affaires des boutiques hors taxes présentes sur les aéroports sont reversés directement à ces derniers et intégralement réinvestis dans le financement des installations et des infrastructures. En ce qui concerne les aéroports de Paris, le manque à gagner serait de près de 3 milliards de francs par an. De même, ces commerces assurent environ 40 % du chiffre d'affaires des compagnies maritimes et d'Euro-Tunnel. Sans oublier que ces boutiques hors taxes vendent 41 % de produits français dont ils assurent une remarquable diffusion à travers le monde, permettant à de nombreuses entreprises de dégager d'importants bénéfices à l'exportation. Deux autres raisons soulignent l'inopportunité de la remise en cause des « duty free ». D'une part, depuis la directive de 1991 prévoyant l'harmonisation fiscale en Europe pour le 1er janvier 1997 et l'abolition du « duty free » au 30 juin 1989, la situation a changé : les gouvernements ont dû supporter d'importantes contraintes budgétaires et l'harmonisation fiscale n'a pas pu être réalisée et ne le sera vraisemblablement pas en 1999. En outre, à la notion de taux unique se substitue dorénavant, en matière de fiscalité, des approches plus souples et plus pragmatiques. La suppression du secteur hors taxes, pourtant compatible avec les règles de Schengen et disposant de franchises identiques dans les pays de l'union européenne, devient donc illogique et causerait assurément des distorsions fiscales de concurrence. D'autre part, les calculs de la commission européenne sont incomplets, car ils n'incluent pas les diminutions de recettes fiscales sur d'autres lignes budgétaires - diminution de l'impôt sur les sociétés liée à des pertes de chiffres d'affaires, baisse des cotisations sociales du fait de l'augmentation du chômage... - et ignorent les dépenses occasionnées par la suppression de ce commerce - aide aux transports, indemnisation des nouveaux sans-emploi... Face à cette situation, il est plus que jamais nécessaire qu'une étude d'impact soit réalisée par la commission européenne. Cette institution s'y était engagée en 1991, à la demande du Parlement européen qui souhaiterait qu'un véritable débat démocratique puisse avoir lieu sur cette question. L'étude sur les conséquences sociales et régionales de l'abolition des frontières fiscales, et surtout des points de vente en franchise douanière, dans les régions concernées «, n'a jamais vu le jour, malgré les demandes réitérées du Parlement européen. Ce dernier a ainsi voté, le 3 avril dernier, une résolution, adoptée à l'unanimité de ses membres demandant la réalisation d'une étude sur ce thème, en » urgence absolue «. Cette résolution indique clairement qu'une » attention particulière devra être portée aux conséquences de l'abolition du duty free« sur l'emploi dans le marché unique ». A l'heure où le traité d'Amsterdam contient des dispositions permettant de renforcer le pôle législatif des institutions européennes, le silence de la Commission est difficilement justifiable. D'autant que les ministres des transports de l'Union européenne ont formulé la même demande que le Parlement européen, lors d'un Conseil des ministres à Bruxelles, le 17 mars 1998. Aujourd'hui, seule une demande formulée par le Conseil européen des ministres des finances - ECOFIN - peut obliger la Commission à réaliser cette étude d'impact et à réexaminer ce dossier. Les questions liées à la construction européenne ne doivent pas laisser de côté les préoccupations sociales. C'est pourquoi il lui demande de prendre les mesures nécessaire pour que le Gouvernement français puisse inciter la Commission européenne à réaliser cette étude d'impact. S'il n'est pas possible de revenir sur la décision de supprimer le commerce hors taxes en Europe, il souhaite que, lors des discussions au sein du conseil des ministres, le problème des conséquences économiques et sociales d'une telle mesure ne soit pas oublié et fasse l'objet de réponses adaptées.
Auteur : M. Jacques Masdeu-Arus
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Dates :
Question publiée le 15 juin 1998
Réponse publiée le 27 juillet 1998