Question écrite n° 48493 :
PAC

11e Législature

Question de : M. Jacques Masdeu-Arus
Yvelines (12e circonscription) - Rassemblement pour la République

M. Jacques Masdeu-Arus appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les préoccupations des exploitants agricoles à la suite de la parution au Journal officiel n° 73 du 26 mars 2000 du décret n° 2000-280 du 24 mars 2000 relatif à la modulation des paiements accordés aux agriculteurs au titre des régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune. Dans un contexte de faiblesse du niveau du cours mondial des céréales et des oléoprotéagineux, ce dispositif, qui s'applique de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2000, remet en cause les compensations aux baisses de prix accordées par Bruxelles aux agriculteurs français dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). En effet, comme l'indique une note d'information du ministre de l'agriculture et de la pêche, une modulation des aides est appliquée afin de réduire le montant versé aux exploitants selon trois critères (le montant total des aides perçues, l'emploi et la « prospérité » globale de l'exploitation), les sommes perçues devant servir à financer les 40 000 contrats territoriaux d'exploitation (CTE) mis en place par la loi d'orientation agricole. Outre les précédents critères, la modulation concerne les exploitations agricoles dont la superficie est supérieure à 85 hectares, soit environ 30 000 exploitations et 2 400 éleveurs. Le prélèvement pourra atteindre 20 % et devrait, au total, rapporter un milliard de francs. Les producteurs de céréales et d'oléoprotéagineux seront les plus touchés par ce dispositif et, géographiquement, c'est en Ile-de-France que les prélèvements seront les plus importants. Ainsi, les compensations octroyées aux exploitations dont la surface est comprise entre 85 hectares et plus de 190 hectares s'élevant à 144 435 000 francs dans les Yvelines, 144 150 000 francs dans l'Essonne, 87 371 000 francs dans le Val-d'Oise (soit un total de 375 956 000 francs pour ces trois départements), le montant du prélèvement de la modulation devrait atteindre 39 791 000 francs. Le dispositif de la modulation étant basé sur des critères très difficiles à préciser (par exemple, comment calculer la « prospérité » d'une exploitation), ses conséquences n'en seront que plus négatives. Celles-ci sont de plusieurs ordres. En premier lieu, cette modulation ne s'applique qu'au niveau national et créera donc d'inévitables distorsions de concurrence entre les Etats membres de l'Union européenne mais aussi entre les exploitants agricoles selon les régions où ils travaillent. Ainsi, alors que les exploitations concernées par cette modulation dans les Yvelines, l'Essonne et le Val-d'Oise ne représentent que 1,5 % de la surface totale éligible aux compensations, la ponction qu'elles devront supporter correspond à 4 % du prélèvement total (environ 40 millions de francs sur un total approximatif d'un milliard de francs). En outre, des simulations effectuées sur plusieurs comptes d'exploitation de même superficie et de structure identique pratiquant les mêmes cultures font apparaître des différences de prélèvement allant de + 5 à + 7 d'une entreprise à l'autre (on constate là une réelle rupture de l'égalité des citoyens devant la loi). La modulation pénalisera donc gravement la compétitivité des exploitations françaises et créera des situations inégalitaires entre les agriculteurs. En second lieu, ces prélèvements provoqueront inéluctablement des chutes de revenus importantes dans des productions dont les cours sont déjà particulièrement bas et dont les volumes sont tributaires de variations climatiques non négligeables. Une étude économique basée sur les données réelles d'un centre de gestion et sur un échantillon de 12 exploitations comprises entre 162 hectares et 419 hectares a permis de mettre en évidence des chutes de résultat courant du fait de la modulation allant de - 24 % à - 65 %. A noter que notre pays a terminé le siècle avec la plus forte croissance de la décennie, alors que les agriculteurs enregistraient leurs plus mauvais résultats depuis 1991 (en 1999, leurs revenus ont chuté en moyenne de 10 à 12 %). Qui plus est, alors que la modulation se traduira par de fortes baisses de revenus chez ceux qui sont prélevés, elle aboutira parallèlement à une grande désillusion parmi les exploitants qui espèrent une véritable réorientation des aides. Enfin, il convient de mettre l'accent sur la trop grande complexité de ce dispositif dans lequel les exploitants agricoles auront bien du mal à se retrouver. En augmentant le nombre des formulaires et des dossiers à remplir, il risque, en effet, d'amplifier la « suradministration » de notre agriculture, engendrée par de nombreuses autres mesures comme les CTE, la TGAP ou encore les 35 heures. Convaincu de l'importance de ce problème et considérant les effets pervers de ce dispositif, ses insuffisances (les actifs familiaux ne sont pas pris en compte, une confusion est entretenue entre le niveau des aides et le revenu de l'exploitation, les marges brutes standards actuelles ont été créées pour d'autres usages et ne sont plus pertinentes aujourd'hui...), ainsi que l'opposition du monde agricole (un important syndicat agricole a déposé un recours contre le décret suscité dévant le Conseil d'Etat), il lui demande d'envisager un retrait de ce dispositif.

Données clés

Auteur : M. Jacques Masdeu-Arus

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : agriculture et pêche

Ministère répondant : agriculture et pêche

Dates :
Question publiée le 3 juillet 2000
Réponse publiée le 9 octobre 2000

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