politique à l'égard des rapatriés
Question de :
M. Pierre Albertini
Seine-Maritime (2e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 23 octobre 1997
M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.
M. Pierre Albertini. Monsieur le président, mes chers collègues, à quelques centaines de mètres de notre hémicycle, sur l'esplanade des Invalides, qui est un haut lieu, un lieu symbolique de notre histoire militaire, des représentants de la communauté harkie poursuivent depuis deux mois une grève de la faim.
Je veux attirer l'attention de la représentation nationale et, naturellement, celle du Gouvernement sur le sens de leur action.
Depuis trente-cinq ans, les harkis souffrent et, comme tous ceux qui ont eu à choisir en 1962 entre la valise et le cercueil, ils attendent un geste de reconnaissance de notre pays.
Pour avoir fait partie de cette communauté déracinée, je comprends parfaitement l'arrachement, le désespoir qu'ils éprouvent parfois.
A l'égard des harkis, notre responsabilité collective est engagée. Aussi, en posant cette question aujourd'hui, je ne souhaite instruire le procès de personne. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Cette communauté, qui souffre depuis trente-cinq ans, attend un geste de reconnaissance de notre pays.
M. Jean-Claude Lefort. Qu'est-ce que vous avez fait ?
M. Pierre Albertini. Elle attend aussi une réparation du préjudice qu'elle a subi dans ses biens. Elle attend enfin une perspective d'insertion professionnelle et sociale pour les enfants de la deuxième et de la troisième génération.
Aussi, madame le ministre, au moment où l'on ouvre, je le crains, de manière un peu sélective certaines pages de notre histoire récente, au moment où l'on s'apprête à discuter de la politique d'immigration, le premier devoir de la France est de s'occuper de ses propres enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Hervé de Charette. Vous avez raison !
M. Pierre Albertini. Vous avez rendu visite aux grévistes de la faim mais on ne peut pas en dire autant du nouveau délégué aux rapatriés. Que comptez-vous faire pour répondre aux attentes et à l'espoir de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, croyez bien que je ne me suis pas contentée de rendre visite aux harkis qui font la grève de la faim, du moins pour une première équipe depuis le mois d'août. Ceux-ci l'ont arrêtée. Nous leur avons d'ailleurs trouvé à chacun un travail et nous sommes en train de régler avec eux les problèmes de leurs familles.
Mais la comunauté harkie attend plus que des réponses individuelles. Sachez que j'en suis pleinement convaincue.
Les mouvements qui ont lieu actuellement sont aussi largement dus, je tiens à le dire, au fait que la loi qui a été votée ici même à l'unanimité en 1994 n'a pas été appliquée avec tout l'intérêt qu'aurait souhaité la communauté harkie. («C'est vrai !» sur les bancs du groupe socialiste), qui, je le rappelle, compte aujourd'hui 150 000 personnes, si l'on englobe les enfants et les petits-enfants.
Rappelons-nous que nombre de ces jeunes ont vécu dans des camps, et certains y vivent encore. Je vais la semaine prochaine en visiter un. Ils n'ont souvent pas été scolarisés, et beaucoup de ceux qui ont entre trente et trente-cinq ne parlent pas le français et ont donc du mal à s'insérer dans le monde du travail.
J'ai envoyé aujourd'hui une circulaire aux préfets pour leur demander de faire le bilan de l'application de la loi de 1994.
Des problèmes d'endettement et de favoritisme à l'égard de certaines familles alors que d'autres ont été oubliées se posent. Il y a aussi le problème des camps, qui est inacceptable et qui n'est pas à la hauteur de la reconnaissance que nous devons tous aux harkis, à leurs familles et à leurs descendants.
J'ai également demandé aux préfets de faire en sorte que le programme emplois-jeunes et les programmes spécifiques de formation mis en place pour les jeunes et les adultes laissent une place particulière aux enfants et aux petits-enfants de harkis, qui ont aujourd'hui l'impression de n'être acceptés ni par les uns ni par les autres.
Enfin, s'il y a eu un changement à la tête de la délégation aux rapatriés, c'est parce que, et je ne parlerai que de cet aspect du dossier, la Cour des comptes a récemment relevé que, les deux dernières années, les fonds réservés aux harkis ne leur avaient pas été versés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le préfet Monchovet, qui vient d'être désigné, fait, à partir du rapport de la Cour des comptes, le point.
J'ai désigné par ailleurs un inspecteur général des affaires sociales, M. Lagarrigue, qui fait le tour des camps et essaye de trouver des solutions de logement et d'emploi pour toutes ces familles à qui nous devons tous une profonde reconnaissance. Je pense que nous pouvons nous retrouver au moins sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
Auteur : M. Pierre Albertini
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Rapatriés
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 octobre 1997