Question au Gouvernement n° 1022 :
accès aux soins

11e Législature

Question de : Mme Jacqueline Fraysse
Hauts-de-Seine (4e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 17 décembre 1998

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ainsi qu'à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
J'ai été alertée, comme la plupart de mes collègues du groupe communiste et probablement bien d'autres députés, par les professionnels de santé et par des usagers sur les difficultés d'accès aux soins en cette fin d'année.
Sans m'attarder sur les mouvements que connaissent des hôpitaux comme ceux de Nanterre ou de Montluçon, lequel en est à soixante-dix jours de grève, je veux appeler l'attention du Gouvernement sur le fait que, faute de crédits, des examens ou des interventions sont retardés dans plusieurs établissements hospitaliers afin d'être imputés sur le budget 1999.
Pour des raisons similaires, les quotas ayant été atteints ou dépassés, des patients ne seraient accueillis dans le secteur libéral qu'en cas d'urgence.
M. Alfred Recours. C'est scandaleux, monstrueux de dire cela !
Mme Jacqueline Fraysse. En effet, les enveloppes fixées se révélant insuffisantes, les médecins sont confrontés à une contradiction évidente: ou bien ils reportent les soins, ou bien ils dépassent l'objectif de dépenses.
Cette situation confirme concrètement, hélas ! ce que nous avons dit à plusieurs reprises: les moyens dégagés ne permettent pas de répondre aux besoins de tous, douze mois sur douze. On ne peut pas travailler avec des quotas, et tout particulièrement dans le domaine de la santé.
M. Pierre Carassus. Elle a raison !
Mme Jacqueline Fraysse. ... Il est donc impératif de prendre des mesures qui permettent de trouver des financements nouveaux pour l'assurance maladie. Il y a assez de richesses dans ce pays pour le faire et ce serait de l'argent bien placé !
Je sais que ce sera l'objet du débat prévu pour le prochain semestre, et dont tout confirme l'urgence. Nous y participerons. Mais, dans l'immédiat, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour qu'aucun soin, aucun examen, aucune visite médicale ne soit reporté à plus tard faute de moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Madame la députée, aucun soin, aucune consultation, aucune prise en charge de malade n'est, en ce moment, dans notre pays, rendu impossible ou plus difficile. Je m'étonne que vous, qui avez participé à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous vous fassiez l'écho de ce qui constitue - même s'il est toujours loisible à un syndicat d'agir ainsi - un véritable chantage et une prise en otages des malades de notre pays. (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Dans notre pays, ni à l'hôpital ni dans la médecine de ville, il n'existe de quotas, vous le savez bien, vous qui êtes médecin, en particulier de quotas à l'entrée à l'hôpital public !
Il n'y a non plus aucun rationnement des soins, ni à l'hôpital ni en ville.
Quant à ceux qui se plaignent d'un éventuel rationnement des soins, ils sont en train de l'organiser à leurs propres fins, ce qui me paraît déontologiquement, moralement et médicalement discutable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe communiste.)
M. Alfred Recours. Absolument !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Mme Aubry et moi-même avons déjà demandé son avis au conseil de l'ordre sur ce mouvement. Il devrait le donner très prochainement et vous pourrez en prendre connaissance, comme tout le monde.
Je vous rappelle que la clause de sauvegarde, que vous avez évoquée, n'est en rien un rationnement des soins.
Il n'y a que deux possibilités et, pour être spécialiste de la question, vous serez évidemment d'accord avec moi: ou on augmente continuellement les cotisations sociales, et ce sont les usagers et les malades qui paient (Protestations sur les bancs du groupe communiste); ou on dit aux médecins qu'il faut absolument maîtriser les dépenses - c'est ce que nous avons fait.
On peut aussi adopter une autre méthode: le déremboursement; nous l'avons écartée et vous étiez d'accord avec nous.
Nous n'avons donc ni déremboursé ni augmenté les cotisations sociales.
Madame Fraysse, si, l'année prochaine, nous pouvons parvenir à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, tout sera possible. («Avec des si !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Et j'espère que notre manière de prendre en charge les malades se maintiendra, et que nous y parviendrons à partir de cet équilibre, en collaboration avec les médecins que nous convions en permanence à revenir aux conventions nécessaires avec la sécurité sociale.
Madame, dans les hôpitaux, il n'y a, contrairement à ce qui se passe dans des pays voisins, ni listes d'attente, ni quotas, ni refus de prendre en charge des malades. Le prétendre, c'est faire de la désinformation, et c'est fort dommageable.
En outre, aucune mesure ne contraint les généralistes et les spécialistes de notre pays à ne pas prendre en charge un patient, et tous les malades sont bien remboursés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Que les braillards, qui ont plus mal organisé la protection sociale, se le rappellent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Quant à nous, nous essaierons de maintenir notre système, malgré ce que je considère comme une triste mise en scène. N'a-t-on pas vu un praticien de Marseille, que je connais bien, se livrer à ce chantage radiodiffusé: «Madame, je ne peux pas vous soigner, parce qu'on m'impose des quotas, mais je vous fais la faveur, dans ma grande générosité, de vous recevoir aujourd'hui.»
Mme Odette Grzegrzulka. C'est scandaleux !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. C'est faux et scandaleux ! Si les médecins ont le droit de lutter contre des mesures qu'ils trouvent injustes parmi celles que vous avez votées...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Pas nous !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. ... ils n'ont pas celui de faire pression sur les malades ! (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste.)
M. Michel Lefait. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. D'autant, et vous le savez très bien, que le personnel des hôpitaux de France est à leur disposition. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : Mme Jacqueline Fraysse

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : santé et action sociale

Ministère répondant : santé et action sociale

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 décembre 1998

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