délinquance
Question de :
M. Dominique Baudis
Haute-Garonne (1re circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 23 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. Dominique Baudis.
M. Dominique Baudis. Monsieur le Premier ministre, chers collègues, un enchaînement d'événements dramatiques éprouve Toulouse depuis plusieurs jours. Les habitants des quartiers concernés, que j'ai longuement rencontrés, refusent malgré tout - et nous aussi - de baisser les bras. Chaque matin, les services municipaux réparent les dégâts commis par quelques groupes violents qui tiennent sous une pression et une menace permanentes la population et les agents des services publics. Ceux-ci, je le souligne, font preuve d'un immense mérite dans l'exercice de leur mission.
Ces habitants aiment leur quartier. Ils disposent là de tous les équipements sportifs et culturels, de tous les services publics, d'un bon réseau de transport. Et tout cela est nécessaire dans ces secteurs qui connaissent des difficultés sociales plus grandes qu'ailleurs.
Mais ce que les habitants me demandent de vous dire, c'est qu'ils veulent avant tout vivre en paix et en sécurité. Or la violence est quotidienne. Elle est entretenue par quelques dizaines de délinquants connus de la population, de la police et de la justice. Ce sont souvent de très jeunes adolescents et parfois des mineurs. La prison n'est pas une solution, me direz-vous. Certes. Mais l'impunité n'en est pas une non plus. Entre l'incarcération et l'impunité, il existe un moyen que vous devez utiliser: les unités à encadrement éducatif renforcé. Elles permettent d'éloigner le délinquant du quartier tout en le maintenant dans un parcours éducatif fermement et strictement surveillé. Pour le jeune délinquant, c'est peut-être une chance de pouvoir sortir de la spirale. Pour les autres jeunes - l'immense majorité -, c'est une chance de ne pas être entraîné. Pour les habitants, c'est la possibilité de retrouver la paix.
Un programme d'ouverture d'unités à encadrement éducatif renforcé avait été arrêté il y a deux ans. Deux établissements devaient ouvrir en Haute-Garonne. Hélas ! ce programme est, semble-t-il, au point mort. Monsieur le Premier ministre, il faut d'urgence le reprendre et le mener à bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député-maire de Toulouse, je voudrais d'abord vous dire que le Gouvernement considère, comme vous, que les violences qui ont eu lieu dans la ville dont vous êtes l'élu sont des phénomènes contre lesquels il faut lutter sans faiblesse.
M. Charles Cova. Des mots, des mots... !
Mme la garde des sceaux. Nous ne pourrons lutter contre la délinquance des jeunes que si nous savons conjuguer les actions des services locaux et des services de l'Etat. Et c'est la présence assidue, au sein de ces quartiers, aussi bien des élus et des services municipaux que de l'ensemble des responsables, qui permettra, petit à petit, de prévenir ce genre de violences.
Face à des phénomènes de cette gravité, il est important, en tout cas, de ne pas avoir recours - et vous ne l'avez pas fait - à des solutions expéditives ou qui apparaîtraient comme le remède miracle.
S'agissant des unités à encadrement renforcé, onze existent déjà, deux ont été créées en septembre et huit sont en projet. Ce sont effectivement des structures destinées à accueillir des jeunes particulièrement difficiles ou récidivistes et qui ont précisément besoin d'être encadrés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, voire d'apprendre le ba ba des règles de la vie en société. Il ne faut donc pas négliger ce type de dispositif.
Mais les unités à encadrement renforcé ne sauraient constituer la seule réponse. Lorsque des jeunes se livrent à des crimes ou à des délits, ils sont mis en prison. Par ailleurs, nous avons besoin de montrer à ceux qui n'ont pas basculé dans la délinquance ou qui ne sont pas des récidivistes qu'ils ont leur place dans la société. Personnellement, j'estime que nous avons aussi et surtout besoin de dialogue. Ces jeunes souffrent beaucoup de se sentir relégués dans ce qu'ils perçoivent comme des ghettos. Ils ont le sentiment qu'ils n'auront jamais ni travail ni aucune forme de considération sociale.
M. Jean Ueberschlag. Tout cela, c'est parler pour ne rien dire !
Mme la garde des sceaux. C'est en tout cas ce que m'a dit Claude Bartolone lorsqu'il est revenu de Toulouse où il est allé justement dialoguer avec ces jeunes.
Je réaffirme donc la volonté très claire du Gouvernement de ne laisser aucun acte de délinquance sans sanction, celle-ci étant, bien entendu, proportionnelle au délit. Les directives données par le Premier ministre sont appliquées sur le terrain. Mais mes pensées vont aussi à la famille du jeune Habib, son frère et ses parents, car nous devons aussi penser aux victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)
M. Pierre Lellouche. Et pas au policier ?
Auteur : M. Dominique Baudis
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Jeunes
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 décembre 1998